LUNDI, 6 mars 1865.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD —M.
l'ORATEUR:—Avant que le débat soit repris,
je désire dire quelques mots. La chambre
est nécessairement dans l'attente et des questions vont être adressées au gouvernement
au
sujet de la marche qu'il va suivre en conséquence du résultat des élections dans le
Nouveau-Brunswick. (Ecoutez!) Le gouvernement est prêt à déclarer à la chambre sa
politique sur cette question. Nous n'avons pas
encore de renseignements officiels sur ces
élections, et nous ne devons pas, d'après la
constitution, prendre une décision sur ce résultat avant que la législature du Nouveau-
Brunswick se soit pronononcée pour ou contre
la confédération. Un fait incontestable est
que le premier ministre et plusieurs de ces
collègues, dans le cabinet du Nouveau- Brunswick, ont perdu leurs élections, et que
l'opinion publique s'est prononcée contre la
confédération. On doit bien supposer que,
dans une élection générale, cette question
n'a pas été la seule discutée. Il y a eu la
lutte ordinaire entre les ministériels et l'opposition; et de grandes influences ont
été
mises en jeu sur la question du chemin de
fer intercolonial d'un côté, et celle de la
construction de chemins de fer conduisant
aux Etats-Unis. Toutefois, nous serions injustes envers la chambre en considérant
le
résultat de ces élections comme un échec
pour la confédération. Aussi, puis-je déclarer
que, malgré le résultat de ces élections, le
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gouvernement canadien n'est nullement disposé modifier sa politique en ce qui regarde
le projet. Le gouvernement désire. au contraire, qu'il soit bien entendu, qu'au lieu
de
modifier son action il est déterminé à agir
plus que jamais avec énergie et promptitude,
Dans les évènements dont je viens de parler,
Il n'y a aucune raison d'abandonner ou de
retarder le projet. Au fait, c'est le premier
échee qu'éprouve la question depuis qu'elle a
été soumise au public a la formation du gouvernement actuel du Canada. Si l'on se
reporte seulement au mois de juin dernier,
et que l'on regarde où en est la question, on
ne pourra faire autrement que de s'étonner
des progrès qu'elle a faits. En juin dernier,
nous aurions été aises si nous avions pu
croire qu'elle eut été aussitôt reçue favorablement par les gouvernements des différentes
provinces; mais, durant la courte période qui
s'est depuis écoulée, une conférence a ou
lieu, et la mesure élaborée par elle a reçu la
sanction des gouvernements de toutes les
provinces; de plus, chacun d'eux s'est engagé de soumettre à sa législature, non seulement
la question de confédération, mais le
projet même que la convention a préparé.
Mais ce n'est pas tout. Non seulement chaque
administration s'est engagée à présenter le
projet et à mettre en jeu toute influence légitime qu'il pourra exercer pour le faire
adopter par sa législature, mais nous avons en
outre obtenu l'adhésion et l'a probation du
gouvernement de la mère—patrie. (Ecoutez!)
Cette approbation nous a été formellement communiquée par une dépêche du
ministère des colonies, et depuis nous avons eu
l'assentiment du gouvernement impérial tel
qu'exprimé par Sa Majesté dans le discours
qu'elle a prononcé du trône à l'ouverture du
parlement de la Grande—Bretagne. Nous
savons aussi qu'il est ou qu'il sera approuvé
par 1e parlement, la presse et le peuple
d'Angleterre. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi
donc, au lieu d'être surpris de ce que le projet ait pris naissance, qu'il ait été
adopté et
mis à effet sans éprouver un seul échec, nous
devons nous considérer très satisfaits qu'il
n'en ait subi qu'un seul depuis son debut.
L'obligation que le gouvernement canadien
s'est faite à la clôture de la conférence et
lorsque ces résolutions furent définitivement
adoptées par elle existe dans toute sa plénitude, et nous ressentons qu'il est de
notre
devoir de la remplir et d'employer toute
l'influence legitime du gouvernement auprès
de cette législature afin qu'elle se pronounce
honorablement sur ces résolutions qui lui ont
été soumises. (Ecoutez! écoutez!) Vu les
nouvelles qui nous sont venues du Nouveau- Brunswick, nous pensons que plus que jamais
il importe que le projet soit adopté dans son
entier, qu'i soit considéré comme un traité
qui doit-être accepté sans un amendement ou
modification. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi
que doit le comprendre tout député qui veut
la confédération, il est aujourd'hui encore
plus urgent que nous adoptions ce procédé,
afin qu'une autre province n'ait pas l'occasion
de dire: "La législature du Canada même
n'approuve pas le projet arrêté par la convention." Il ne faut pas qu'aucune des colonies
puisse dire: "Nous pouvons traiter la
question à notre guise, puisque la province
du Canada même, qui nous a invités à entrer
dans une confédération, n'a pas approuvé le
projet et qu'elle en adopte un nouveau, que
nous allons rejeter ou accepter. (Ecoutez!
écoutez!) Non seulement, M. l'Orateur,
nous ressentons que l'obligation de presser
l'adoption de la législature existe toujours,
nous ressentons qu'il importe d'avantage de
de la remplir. Voilà pourquoi, et sans plus
tarder, le gouvernement demande que la
chambre, tout en observant les procédures
parlementaires usuelles, de décider le plus
tôt possible si elle approuve ou non ce projet.
(Ecoutez! écoutez!) Une des grandes raisons,
entre autres, qui nécessite cette diligence,
c'est qu'autant que possible on veut prévenir
la réaction qui pourrait s'opèrer en Angleterre à la suite du désappointement qu'éprouvera
le peuple de ce pays, s'il apprend
que le projet d'union des provinces est abanonné. (Ecoutez! écoutez!) Je pense que
s'il est une chose lus qu'une autre qui ait
élevé l'Amérique Britannique, ou la province
du Canada, dans l'estime du peuple et du
gouvernement de l'Angleterre, c'est que par
ce projet on a offert à la mère-patrie des
moyens à l'aide desquelles ces colonies cesseront d'être une source d'embarras pour
devenir de fait une source de force. C'est la
l'impression de l'esprit public en Angleterre.
Tout écrivain et orateur marquant du roy- aume-uni, qui a traité ce sujet, dit qu'une
nouvelle ère d'existence coloniale a été inaugurée, et que si ces colonies, faibles
par leur
isolement, étaient une source de faiblesse,
elles deviendront, par cette alliance amicale,
une source de force our l'Angleterre. Or,
je disais donc que la réaction serait forte
dans le royaume-uni si on apprenait que
la mesure doit être abandonnée, et nous
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demandons aux hon. députés de ne pas nous
faire perdre la position que nous avons acquise
par le seul fait d'avoir soumis le projet au
gouvernement et au peuple d'Angleterre, et
de ne pas faire que le Canada et toute l'Amérique Britannique perdent les avantages
ainsi
obtenus en montrant des signes de faiblesse à
l'égard de cette question. (Ecoutez! écoutez!)
Une autre raison qui motive une prompte
décision, c'est que cette question est intimement liée à. celle des défenses, dont
la nécessité est imminente. (Ecoutez! écoutez!)
On ne saurait exagérer la nécessité pressante
où se trouve la législature de pourvoir aux
défenses qu'exige l'état de choses actuel. Je
n'ai que faire de dire que ce sujet a été
l'objet de notre attention sérieuse comme
gouvernement. Notre cabinet a été en correspondance continuelle avec le gouvernement
de la mère-patrie sur les meilleures
mesures à prendre pour établir des moyens
de défense efficace contre toute attaque
venant de n'importe quelle direction. Et,
ainsi que cette chambre le sait, les résolutions elle-mêmes parlent des défenses comme
étant une question qui doivent attirer l'attention immédiate de la confédération.
Nous
avions espéré que l'adoption générale du
projet nous permettrait d'ajourner cette
question, et qu'un système de défense organisée aurait pu être arrêté sous peu entre
les gouvernements impérial et fédéral; mais
comme nous ne pouvons nous dissimuler que
ce qui vient de se passer au Nouveau-Brunswick, empêchera pour quelque temps que les
provinces agissent en commun au sujet de
ces défenses, cette question, que nous savons
ne pouvoir être différée, devra être réglée,
en attendant, entre l'Angleterre et le Canada.
(Ecoutez! écoutez!) En réalité, il y a déjà
trop lontemps qu'elle est différée. (Ecoutez!
écoutez!) Il est temps, grandement temps,
de s'en occuper avec vigueur et énergie.
(Ecoutez! écoutez!) Voilà les deux raisons
qui engagent le gouvernement a l'égard des
résolutions. (Ecoutez! écoutez!) Mais il en
est une troisième,—fondée sur l'état des résolutions commerciales du Canada avec les
Etats-Unis. L'abrogation du traité de réciprocité dont nous sommes menacés, la perspective
de voir peut-être les Etats-Unis
abandonner le système d'entreposement in
transitu; et la condition généralement peu
satisfaisante de nos relations commerciales
avec le pays voisin, sont autant de choses
qui exigent de notre part une action immédiate; et le fait que l'union de ces provinces
est retardée et la construction du chemin de
fer intercolonial indéfiniment remise, rend
cette action d'autant plus impérieuse. Ainsi
donc, l'intention du gouvernement—tout en
demandant l'appui de cette chambre dans la
politique qu'il vient d'annoncer—est que ces
débats se terminent avec toute la promptitude
convenable, afin que la chambre se prononce
sur la question de la confédération; et, pour
arriver à cette fin, il usera de toute l'influence
dont il peut disposer. Aussitôt après cette
décision, il se propose de demander à la
législature un vote de crédit, et ensuite, de
proroger le plus tôt possible le parlement.
(Ecoutez! écoutez!) C'est aussi son intention de prendre des mesures pour que les
affaires de cette session, qui ne seront pas
terminées, puissent être continuées dans
l'ordre où ils se trouveront à la clôture. Dès
le parlement prorogé, le gouvernement
enverra une députation en Angleterre régler
les différentes questions dont j'ai parlé:—la
question de la confédération sous son aspect
actuel, celle des défenses, et celle concernant
nos relations commerciales avec le pays
voisin. Cette députation devra accomplir
sa mission dans le plus court délai possible
afin que le gouvernement puisse en soumettre
le résultat—qui, nous l'espérons, sera satisfaisant,—à la chambre, à la session qui
aura
lieu de bonne heure cet été. (Bruyants
applaudissements.)
L'HON. J. S. MACDONALD—La manière en laquelle le gouvernement a fait
connaître sa décision est satisfaisante jusqu'à
un certain point. Il a adopté une nouvelle
politique, que cette chambre est appelée à
sanctionner, et qui diffère beaucoup de celle
qu'il professait il n'y a pas longtemps. Je
prends la liberté d'attirer l'attention de la
chambre sur les paroles suivantes, prononcées par l'hon. premier ministre, à 'ouverture
de la session:—
"Ils avaient assumé l'administration des affaires
après avoir arrêté entre eux qu'ils auraient droit
à cet appel, et ils en étaient à se consulter lors qu'ils furent informés, par un
de leurs propres
amis, que le chef véritable de l'opposition témoignait le désir de leur faire des
ouvertures, afin
de chercher à aplanir les difficultés. L'hon.
député dont il s'agit et quelques-uns de ses amis
se mirent alors en rapport avec les chefs du
gouvernement, et il fut convenu entre eux d'essayer de trouver un plan qui mît fin
aux malentendus, et qui en même temps assurât au Canada
et aux autres provinces une proposition propre à
garantir leur sûreté future et à leur attirer le
respect et la confiance des autres nations, C'est
alors qu'ils émirent deux projets: un grand et
un autre sur une échelle moindre."
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De là, M. l'ORATEUR, nous devons conclure que si le grand projet ne réussissait
pas, il se proposait de prendre l'autre qui
pourvoit à une fédération des deux sections
de la province. Le grand projet, M. l'ORATEUR, est évidemment manqué. (Ecoutez!
écoutez!) Et je vais vous dire pourquoi je
pense qu'il est. Il faut qu'il soit adopté
par toutes les provinces après avoir été pris
en considération par leurs parlements; or,
les chefs de l'opposition du Nouveau-Brunswick, de même que le gouvernement de ces
provinces, ont consenti à un traité, ainsi
qu'on l'appelle, qu'ils ont soumis à l'approbation de leur législature et, comme il
a été
désapprouvé au Nouveau-Brunswick, il est
maintenant impossible de le mettre à effet.
Qui fait croire au gouvernement que ceux
qui viennent justement d'être élus au Nouveau-Brunswick comme adversaires du projet
vont permettre qu'il soit pris en délibéré
par leur législature? Comment peut-on espérer qu'un peuple libre consentira à un projet
dont les conditions lui disconviennent complétement? Des hon. messieurs de l'autre
côté semblent croire que si la mesure est
adoptée par cette législature, elle sera imposée
au parti du Nouveau-Brunswick qui n'en
veut, pas, en un mot, que l'on trouvera
quelque moyen à l'aide duquel le gouvernement de cette province sera engagé à le
soumettre à sa législature. Ils semblent
s'imaginer que le renversement du cabinet
TILLEY et le rejet du plan de confédération
est un fait qui peut être imputé aux tendances
annexionnistes d'une grande partie du peuple
du Nouveau-Brunswick. Si c'était malheureusement le cas, et puisque nous sommes en
carême, nous devrions sans tarder fixer un
jour d'action de grâce générale pour remercier la Providence de nous avoir évité le
danger d'une union avec un tel peuple.
(Ecoutez! écoutez! et rires.) Etre unis à
ces annexionnistes serait la plus grande
infortune dont notre province pourrait être
affligée.
L'HON. M. HOLTON—Mais il n'est pas
vrai que cette défaite soit due aux tendances
annexionnistes.
L'HON. J. S. MACDONALD—Je ne
dis pas qu'elle soit due à cela, je ne fais que
répéter ce que certains membres du cabinet
on dit à cet égard.
L'HON. J. S. MACDONALD—L'organe du gouvernement, dans son édition de
ce matin, l'attribue à cette cause. Et qu'a
dit, vendredi soir, le ministre de l'agriculture
(M. MCGEE) à la réception de ces nouvelles? N'a-t-il pas dit que dans cette partie
de la province beaucoup étaient partisans de
l'annexion aux Etats-Unis, et qu'il y avait
là des capitalistes de Boston et de l'état du
Maine dont les intérêts sont de voir le Nouveau-Brunswick entrer dans les plus étroites
relations avec les Etats-Unis; or, si ce sont
là les motifs qui ont porté les nouveaux
députés à répudier l'œuvre de la convention,
je répète que les vues de ce peuple n'ont
pas les sympathies des représentants du
Canada. Si les hon. messieurs qui siégent
de l'autre côté supposent qu'en passant ces
résolutions ils forceront les députés élus à
ce parlement, à la condition expresse de
s'opposer au traité ou au projet de la convention, à faire volte-face et à lui donner
leur appui, quelle opinion pourrions-nous
avoir de ces hommes? Que dirons-nous de
ces hommes qui, après avoir obtenu les
suffrages du peuple comme adversaires du
projet, se seront ainsi immédiatement parjurés? (Ecoutez! écoutez!) Nous avons
malheureusement assez en Canada de législateurs de ce calibre sans nous ajoindre,
par
une union, ceux du Nouveau-Brunswick. Si
c'est là le caractère du peuple auquel on
veut nous unir, tout ce que je puis dire c'est
que cette union n'est pas à désirer pour le
Canada. Si l'on espère voir sanctionner le
projet par ceux qui ont été élus exprès pour
s'y opposer, il serait très intéressant de savoir
par quel procédé on espérera ce changement
d'opinion chez eux. Compte-t-on pratiquer
la corruption à leur égard ou les forcer à la
soumission? Si en compte sur le dernier
moyen, il faut donc qu'on sache qu'ils n'appartiennent pas à la race des libres sujets
anglais, qui, d'ailleurs, éprouveraient assez
d'indignation pour se rebeller plutôt que de
renoncer à leur indépendance, et si cela était,
ils seraient encore indignes de s'associer à
nous. On ne doit pas douter que les représentants récemment élus au Nouveau-Brunswick
ont bien considéré leur position, et
que, soit qu'on essaie de les corrompre ou de
les contraindre, ils ressentiront, comme tout
homme de cœur, l'injure qui leur sera ainsi
limité. D'un autre côté, il y aurait honte à
obtenir la confédération en recourant à l'un
ou à l'autre de ces moyens. Que gagnerions- nous en forçant cette province à s'unir
à
nous? N'aurions-nous pas toujours à l'idée
qu'elle fait malgré elle partie de la confédé
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ration? Aimerions-nous à avoir pour concitoyens ceux qui, par la contrainte ou la
corruption, auraient accepté une chose qui
leur répugne? Ne feraient-ils pas de leur
mieux pour que le système fonctionnât mal
et pour amener la discorde? (Ecoutez!
écoutez!) Nous avons là devant nous, M.
l'ORATEUR, un exemple du danger auquel
peuvent donner lieu des hommes qui entreprennent de faire des traités sans en avoir
eu l'autorisation. C'est là l'espèce de peine
qui leur est infligée, mais que nous sommes
aussi forcés de partager. Ils méritent cette
peine et ils la subiront. Nous savons, M.
l'ORATEUR, que les gouvernements et l'opposition du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse
et de l'Ile du Prince-Edouard,
se sont entendus à l'effet d'arrêter un plan
d'union de ces provinces, mais non sans
en avoir obtenu l'autorisation de leur législature respective avant d'entrer en conférence.
Ils se sont réunis de leur plein consentement, sans précipitation, et non comme
les messieurs de l'autre côté, qui se rabattirent sur un projet d'union qu'ils disaient
exigé par les circonstances politiques. Une
fois leurs délégués à Charlottetown, où ils
délibéraient sur l'opportunité d'une union
des provinces maritimes, leurs travaux furent
interrompus par les membres du gouvernement canadien, qui leur firent entrevoir que
de plus grandes avantages devraient résulter
d'une confédération de toutes les provinces,
sans compter d'autres belles espérances qui
se réaliseraient sous la forme de fonctions
élevées, comme celles de lieutenants-gouverneurs, de juges en chef et de membres à
vie
de la chambre haute. C'est par ces séductions qu'ils détournèrent ces hommes de
l'objet pour lequel ils s'étaient réunis.
"Renoncez," leur dirent les ministres canadiens, "à l'union de ces provinces; partez
de Charlottetown avec nous, et nous vous
ferons voir des plans qui satisferont mieux
votre ambition, peu importe qu'en ce faisant
vous trahissiez le mandat que votre peuple
vous a confié en vous envoyant ici. Il sera
peut-être mécontent, ce peuple, mais ne vous
en occupez pas, vous l'amodouerez plus
tard; nous vous enseignerons comment."
C'est là, en substance, le langage qu'on a
tenu aux délégués. Ils mordirent à l'hameçon qui leur était jeté, et la première
chose que l'on apprit ensuite fut l'ajournement de la convention à Halifax, où les
délégués passèrent huit jours dans les fêtes
de tout genre. Ils partirent ensuite pour
St. Jean, où ils furent encore fêtés, et finalement, tous convinrent de venir à Québec.
Nous nous rappelons aussi les fêtes qu'ils
occasionnèrent à Montréal, Outaouais, Kingston, Toronto et Hamilton. Je ne parlerai
pas de la réunion de la conférence ici: ses
résultats sont trop bien connus; je me bornerai aux événements survenus depuis dans
les provinces inférieures. Aussitôt que le
gouvernement canadien, M. TILLEY savait
qu'il pouvait soumettre le projet de la convention au peuple du Nouveau-Brunswick;
il savait qu'il lui était de même possible de
convoquer le parlement de cette province à
l'effet de connaître ses volontés, mais il s'en
est bien donné garde. Il avait conscience
d'avoir violé le mandat qu'on lui avait confié;
enfin, il savait avoir mérité que le peuple lui
retirât sa confiance, et il crut qu'il s'éviterait
cette honte au moyen d'une élection générale, comptant sur l'influence qu'un gouvernement
peut exercer en ces occasions pour
arriver à ses fins mesquines. Qu'est-il
résulté de cette machination? M. TILLEY
et ses adhérents ont été battus à plate-couture par l'honnête peuple de sa province,
excité par ceux dont ils avaient à la fois
trahi et négligé les intérêts, et je pense que
la défaite qu'ils viennent de subir devraient
mettre sur le qui-vive ceux qui, sans autorisation, ont adopté ce projet, et qui demandent
aujourd'hui à la chambre de le ratifier
en entier sans vouloir auparavant le faire
sanctionner par le peuple. (Ecoutez! écoutez!) Je vais maintenant, M. l'ORATEUR,
aborder un fait qui m'est peut-être plus personnel qu'à aucun autre. Je demanderai
à
la chambre quel est celui qui a le plus obsédé
le gouvernement canadien, par ses discours
et ses lettres, que ce même M. TILLEY?
Quel est celui qui a accusé le gouvernement
de ce pays d'avoir manqué à ses engagements
envers les provinces inférieures au sujet du
chemin de fer intercolonial, et qui a été
jusqu'à dire que notre pays avait ravalé son
caractère et sa dignité en ne poursuivant pas
cette entreprise? N'est-ce pas encore ce M.
TILLEY qui a proféré ces fausses accusations
qui, sur son autorité, furent répétées ici par
le ministre actuel de l'agriculture (M.
MGGEE)? Me rappelant tous ces faits, M.
l'ORATEUR, j'éprouve un plaisir, un malin
plaisir...(écoutez! écoutez! et rires)
j'éprouve, dis-je, le malin plaisir de savoir
M. TILLEY battu. (Applaudissements ironiques.) Je le répète, j'ai éprouvé aujourd'hui
un grand bonheur en annonçant le
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premier ministre du Nouveau-Brunswick—
lequel a trahi la confiance du peuple en ne
travaillant pas selon ses volontés à l'union
des provinces maritimes,—lequel a excédé
l'autorité qui lui a été conférée,—lequel a
trahi les intérêts de sa province et abandonné
l'objet pour lequel il était envoyé à Charlottetown,—lequel a fait de son mieux, d'un
bout à l'autre de sa province, pour faire
douter de la bonne foi d'un gouvernement
canadien qui n'est plus—avait été mis de
côté par ceux qu'il a trompée. (Ecoutez!
écoutez!) En 1863, M. TILLEY vint à
Québec avec M. TUPPER, et bien qu'il eût
accusé le gouvernement canadien de mauvaise
foi, il savait aussi bien que M. TUPPER que
l'arrangement de 1862 au sujet du chemin
de fer intercolonial devait être abandonné,
le tracé de la ligne excepté.
L'HON. J. S. MACDONALD—L'hon.
monsieur dit "écoutez!", mais peut-il nier
que, lorsqu'il était membre du gouvernement, il a écrit à quelqu'un d'ici une lettre
dans laquelle il disait que le projet de 1862
était abandonné par le gouvernement canadien?
L'HON. M. MCGEE—L'hon. préopinant
m'a déjà accusé de ce fait, que j'ai nié publiquement. S'il peut trouver une lettre
semblable de moi, je l'autorise à la rendre
publique. Loin de croire le projet abandonné, M. TILLEY retourna au Nouveau- Brunswick
sous une toute autre impression;
et je demande à l'hon. monsieur si, pendant
son séjour ici, il ne lui a pas tenu ce langage:
"Si en résignaut ma charge, TILLEY, je
savais que nous aurions le chemin de fer
intercolonial, je déclare devant Dieu que ce
sacrifice ne me coûterait pas." L'hon.
monsieur n'est plus ministre, et peut-être
avouera-lt-il lui avoir dit cela. (Ecoutez!
écoutez!)
L'Hon. J. S. MACDONALD—J'avoue
le lui avoir dit. J 'étais alors et j'ai toujours
été en faveur de cette voie ferrée que je
voudrais voir construite. Je pense qu'un
débouché ouvert sur le sol britannique
et qui donnerait accés à l'océan en toute
saison, est une chose beaucoup à désirer;
aussi, n'ai-je jamais changé d'opinion sur ce
point; mais je maintiens que MM. TUPPER
et TILLEY savaient que nous ne devions pas
procéder à cette entreprise dans le temps.
Un mémoire fut alors rédigé par le Dr.
TUPPER—remarquez que je parle en présence
mes anciens collègues qui connaissent
tous ces faits—lequel faisait connaitre la
décision à laquelle le gouvernement en était
venu, mais il ne fut pas signé, parce que M.
TILLEY demanda que M. FLEMING fut considéré comme engagé à commencer l'exploration,
et que, d'ailleurs, il désirait qu'il fut
formellement ratifié par ses collègues une fois
de retour au Nouveau-Brunswick. Lorsqu'il
y fut rendu, ses collègues différèrent d'avec
lui, et, afin de se tirer de la position difficile
où il se trouvait, il prétexta que l'abandon
du projet était dû à la mauvaise foi du gouvernement canadien. Je dis donc que je
suis très content de savoir ne celui qui a
porté cette accusation—laquelle a été la cause
que les ministres actuels ont attaqué le gouvernement dont je faisais partie, en le
taxant
de mauvaise foi envers les sœurs provinces—
ait reçu le châtiment que méritait une
pareille audace. Ses compatriotes lui ont
retiré leur confiance, et la perte de sa popularité a entraîné celle de ce projet
de confédération. Je dis qu'il a subi le châtiment
qu'il méritait. Il s'est fait
longtemp
attendre, mais il n'en a été que plus terrible.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. proc. gén.
du Haut-Canada a annoncé que le gouvernement allait demander un vote de crédit
mais il a omis de nous dire quelle serait le
durée de ce crédit. Il ne nous a pas dis
ce que le cabinet comptait faire si le projet
de confédération ne réussissait pas, ainsi que
cela est à peu près sûr. Il n'a pas dit qu'il
réussirait ni qu'il serait remplacé par un
autre. Où est donc le projet sur une
moindre échelle, le projet de prédilection du
député d'Oxford Sud, le projet de confédération du Canada, d'abord, laquelle serait
plus tard suivie d'une fédération de toutes
les provinces? Qu'est-ce que cet hon.
monsieur en veut faire? Va-t-il ê re présenté
à la chambre? Ou bien, le grand projet
étant manqué, compte-t-on garder le petit
pour le présenter plus tard? Je pense que
nous avons le droit de savoir ce que le gouvernement se propose de faire à ce sujet.
(Ecoutez! écoutez!) Est-ce que le peuple
doit rester dans l'attente parce que le gouvernement n'aura pas de politique arrêtée
d'ici
à ce que la députation ait été en Angleterre,
et cela dans l'espoir que, pendant ce temps,
le peuple des provinces maritimes se repentira de ce qu'il a fait? Depuis l'année
dernière, M. ORATEUR, non-seulement
l'opinion du peuple n'a pu se fixer, non
seulement le uple en est venu à être
mécontent des institutions nous lesquelles il
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a vécu et prospéré pendant plusieurs années,
mais les partis ont aussi été démoralisés.
(Ecoutez! écoutez!) Oui, le parti de la
réforme a été tellement désorganisé par ce
projet de confédération qu'il reste à, peine
un vestige de la force qu'il avait avant;
en vérité, il reste à peine un vestige de ce
grand parti qui luttait depuis des années
pour obtenir une réforme, mais qui, malheureusement, en 1864 comme en 1854, a
changé de bord quand ses chefs ont pris
les devants. (Ecoutez! écoutez!) Serait-ce
trop exiger des ministres qu'ils nous disent
quelque chose du projet de fédération de ces
deux provinces, qu'ils nous donnent une
idée de ce qu'ils vont faire, maintenant que
le grand projet est manqué, et quelle va être
la part de responsabilité assumée par chacune
des sections du Canada? Va-t-on nous
laisser dans l'ignorance de ces sujets? Les
affaires du pays vont-elles rester ainsi en
suspens? Est-ce que toute la législation
devra rester interrompue jusqu'à ce que la
confédération, dont le succès devient de
plus en plus douteux, s'accomplisse?
(Ecoutez! écoutez!) Quelle est la somme
que demande le gouvernement pour parer
au prétendu danger qui nous menace? Est- ce que le peuple ne doit pas savoir quels
préparatifs seront faits et quelles sommes
vont être affectées à nos défenses? Je ne
m'oppose pas à ce que l'on prenne des
mesures our défendre le pays, mais la prudence exige que nous sachions ce que coûteront
ces travaux avant de voter pour leur
exécution. Si la confédération ne doit pas
avoir lieu, à quoi sert d'adopter des mesures
de défense qui ne devaient être prises que
dans le cas où le projet eût réussi? Pourquoi
ne pas venir maintenant avec un projet pour
le Canada seul, et refuser de nous faire connaître au juste ce qu'il en coûtera au
peuple
pour ces travaux de défense, quelle taxe
additionnelle il sera nécessaire d'imposer, en
un mot, pourquoi ne pas nous donner tous
les renseignements relatifs à ces sujets?
(Ecoutez! écoutez!) C'est rien moins que
satisfaisant d'entendre dire ne nous allons
remettre le projet de nos dé anses, que nous
allons ajourner jusqu'à l'été, et que dans
l'intervalle on va envoyer des commissaires
à Londres chargés de traiter avec le gouvernement impérial. Si le danger est aussi
imminent qu'on le dit, pourquoi ce long
retard? (Ecoutez! écoutez) Quant à
moi, M. l'ORATEUR, je n'ai jamais été en
faveur d'aucune modification de notre consti
tation, qui, je le crois, pourrait nous satisfaire si on le faisait bien fonctionner
et si on
était délivré de ces démagogues qui cherchent à semer la zizanie entre les deux
sections. (Ecoutez! écoutez!) Tout ce que
je puis dire—car je ne compte pas pousser
plus lom mes observations pour le présent—
c'est que l'hon. proc.-gén. du Haut-Canada a
rendu justice à la chambre s'il nous a donné
tous les renseignements qu'il possédait à
l'égard de la perspective actuelle de la question de confédération; mais ce qui me
paraît
en quelque sorte illogique, c'est de vouloir
continuer les débats, quand le gouvernement
lui-même reconnait que la mesure est une
affaire manquée. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—Je pense que
les explications que vient de donner l'hon.
proc.-gén. du Haut-Canada ont quelque peu
surpris la chambre. (Ecoutez!) La politique adoptée par le gouvernement, en juin
1864, n'est certainement pas celle suivie à
l'ouverture de cette session, et encore moins
celle que l'on vient de faire connaître.
Ainsi qu'on peut le constater par le mémoire
alors communiqué à la chambre, cette politique comportait qu'une mesure pour la confédération
des deux Canadas, et renfermant
des dispositions pour l'admission éventuelle
des autres provinces, serait présentée à la
chambre à cette session. Je vais faire la
lecture de ce mémoire, afin qu'on n'ait pas
lieu d'en douter. Quant le gouvernement
donna ses explications, en juin dernier, deux
mémoires furent communiqués à la chambre.
L'un d'eux avait été communiqué à l'hon.
président du conseil, et portait la suscription
de "confidentiel." Il est ainsi conçu:—
" Le gouvernement est prêt à déclarer qu'immédiatement après la prorogation, il s'occupera
de la manière la plus sérieuse de la négociation
pour une confédération de toutes les provinces
britanniques de l'Amérique du Nord. Que, avenant l'insuccès de ces négociations, il
est prêt à
s'engager à proposer une mesure législative, à la
prochaine session du parlement, en vue de remé
dier aux difficultés existantes, en recourant au
principe fédéral pour le Canada seul, accompagnée de dispositions qui permettront
aux
provinces maritimes et au territoire du Nord-Ouest
de s'incorporer ci-après dans le système Canadien. Que, pour la poursuite des négociations
et
régler les détails de la mesure législative promise,
il émanera une commission royale composée de
trois membres du gouvernement et de trois
membres de l'opposition, dont l'un sera l'hon.
M. BROWN, et le gouvernement s'engage à employer toute l'influence de l'administration
pour
assurer à la dite commission les moyens dû
teindre le grand objet qu'il a en vue.
659
Tel était le premier mémoire qui fut communiqué à l'hon. président du conseil.
C'était une proposition que faisait le gouvernement a l'hon. président du conseil,
et
par laquelle le premier s'engageait, immédiatement après cette session, à être prêt
à
prendre des mesures pour obtenir une confédération de toutes les provinces, et dans
le
cas où ce projet manquerait, à présenter à
la session suivante, c'est-à-dire à celle-ci,
un projet pour la confédération des deux
Canadas, avec des dispositions permettant
aux provinces maritimes d'entrer dans cette
unin lorsqu'elles le jugeraient à propos;
mais cette proposition ne fut pas acceptée,
et un autre mémoire fut transmis à l'hon.
président du conseil. Voici le texte de ce
mémoire:—
"Le gouvernement est prêt à s'engager à présenter une mesure, à la prochaine session,
pour
faire disparaitre les difficultés existantes en introduisant le principe fédéral en
Canada, accompagnée
d'une disposition qui permettra aux provinces
maritimes et au territoire du Nord-Ouest, de
s'incorporer dans le même système de gouvernement."
Voilà ce à quoi le gouvernement s'était
engagé. La première proposition, à l'effet
d'ouvrir des négociations pour une confédération avec les provinces inférieures, fut
rejetée par l'hon. président du conseil, mais
il consentit à entrer dans le gouvernement, à
la condition qu'il serait prêt à présenter, à
cette session, une mesure a l'effet de faire disparaître les difficultés existantes
en introduisant le principe fédéral dans le gouvernement
du Canada, et contenant certaines dispositions
en vertu desquelles les provinces maritimes
seraient à même d'entrer par la suite dans
cette union. Telle est la mesure que le
gouvernement a promise; telle est la mesure
que les hon. messieurs de l'autre côté ont
dit qu'ils seraient prêts à présenter à la
législature pendant cette session. Mais au
lieu de cette mesure, tout le projet a été
changé. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A.A. DORION—On n'y trouve rien
concernant l'engagement alors pris par le gouvernement. (Ecoutez! écoutez!) C'est
une
promesse distincte et positive faite par les hon.
messieurs en cette chambre, c'est-à-dire, qu'à
cette session du parlement ils présenteraient
une mesure pour la confédération des deux
Canadas, laissant à l'option des autres provinces d'en faire partie. (Ecoutez! écoutez!)
Voici ce qui se trouve à la fin du mémoire:
"Et le gouvernement cherchera, en envoyant
des représentants aux provinces inférieures et en
Angleterre, à gagner l'assentiment des intérêts,
qui sont hors du contrôle de notre législation, à
la mesure qui permettra à toute l'Amérique
Britannique du Nord de s'unir sous une législature générale basée sur le principe
fédéral."
Par ces explications, nous voyons qu'une
mesure pour la confédération de toutes les
provinces ne convenait pas à l'hon. président
du conseil ni au parti libéral du Haut-Canada,
que cette proposition fut rejetée par lui et
par son parti comme ne pouvant remédier
a nos difficultés, et qu'une autre mesure fut
acceptée par lui à l'effet d'appliquer le
principe fédéral au gouvernement des deux
Canadas; et afin d'assurer à cette mesure des
adhésions au dehors du contrôle du gouvernement de ce pays, des délégués furent
envoyés auprès des gouvernements des provinces inférieures pour les engager à entrer
dans cette union. Eh bien! M. l'ORATEUR,
force m'est de dire, que si les hon. messieurs
de l'autre côté n'avaient pas manqué à leur
engagement, s'ils avaient présenté à la
chambre la mesure qu'ils promirent alors,
ils nous auraient au moins épargné l'humiliation d'avoir vu le gouvernement se mettre
à genoux pour demander à la petite Ile du
Prince-Edouard d'entrer dans cette union,
et pour supplier ensuite la Nouvelle-Ecosse
et le Nouveau-Brunswick de nous délivrer
de nos difficultés; ils nous auraient en même
temps épargné la honte de voir ces supplications et la corruption exercée partout,
sous
la forme de subventions au Nouveau-Brunswick, à Terreneuve et au chemin de fer
intercolonial, repousées par ceux qui en
étaient l'objet. Le Canada fut au moins
resté dans une position digne; il n'eut pas
subi la honte de voir rejeter avec indignation les offres faites par son gouvernement
au peuple des provinces inférieures. L'hon.
procureur-général du Haut-Canada dit que le
projet de confédération a obtenu l'adhésion des
gouvernements de toutes les provinces, mais
où sont aujourd'hui ces gouvernements?
Où est le gouvernement du Nouveau-Brunswick? Où est celui de l'Ile du Prince- Edouard?
(Ecoutez! écoutez!) Quant au
gouvernement de la Nouvelle-Ecosse, il s'est
engagé à soumettre le projet à sa législature,
mais nous savons bien qu'il n'osera pas en
exiger la prise en considération, et encore
moins en appeler au peuple à ce sujet. Les
membres de ce gouvernement ont été plus
660
sages que ceux de l'administration du Nouveau-Brunswick: ils n'ont pas voulu en
appeler au peuple, et je puis en dire autant
de nos ministres, qui, eux aussi, ont su se
garder d'en appeler au peuple canadien.
En cette matière, ils ont montré plus de
clairvoyance que ceux du Nouveau-Brunswick, en refusant au peuple l'occasion de se
prononcer sur ce projet, malgré les nombreuses pétitions présentées chaque jour
contre la mesure, et qui démontrent, à ne pas
s'y tromper, que le Bas-Canada au moins lui est
unanimement adverse, car il est certain que,
si l'on en appelait au pays, les ministres du
Bas-Canada éprouversient le même sort que
ceux du gouvernement du Nouveau-Brunswick. (Ecoutez!) M. l'ORATEUR, je ne désire
pas prolonger ces débats plus qu'il ne faut,
mais je dois avouer que j'ai été surpris d'entendre dire à l'hon. procureur-général
du
Haut-Canada que le règlement de la question des défenses du pays ne pouvait être
plus longtemps retardé. Si je ne fais pas
erreur, depuis le 12 octobre dernier, le
gouvernement est en possession d'un rapport
du colonel JERVOIS, sur les défenses, et
cependant rien n'a été fait à cet égard; mais
aujourd'hui l'on vient nous dire, avec l'emphase particulière à une terreur soudaine,
que le pays est à la veille d'une invasion ou
dans le danger le plus imminent, et du
même coup, maintenant que le grand projet
de confédération est manqué, nous apprenons que pas une heure de retard ne sera
accordée, qu'on ne prendra pas même le
temps de voter les subsides, tant est urgente
a nécessité d'envoyer, à ce sujet, une députation en Angleterre. Entre les heures
qui
se sont écoulées depuis vendredi jusqu'à ce
matin, le cabinet s'est aperçu que cet imminent danger nous menaçait, et, saisi d'une
terreur soudaine, il ne veut pas nous donner
le temps de voter les subsides ordinaires, il
faut sur le champ lui voter un crédit.
(Ecoutez! écoutez!) Puisque j'en suis à
parler des défenses, je dois dire que l'on a
lieu d'être très étonné de tout cela d'autant
qu'à maintes reprises, pendant la discussion
de ce grand projet, on a demandé des renseignements sur cette question sans avoir
pu
les obtenir. (Ecoutez écoutez!) Dès le
commencement de la session, l'hon. député
de Drummond et Arthabaska (M. J. B. E.
DORION) a fait une motion demandant toutes
dépêches, ra ports ou communications (ou
des extraits d'iceux) concernant les défenses
du pays, que le gouvernement pourrait avoir
en sa possession, mais l'hon. procureur-général
du Haut-Canada répondit, que donner ces renseignements serait mettre en danger la
sûreté
de la province, et il arrive aujourd'hui que
ce que le ministère nous a refusé, on le
trouve dans le rapport venu d'Angleterre.
L'HON. A. A. DORION—Si ce n'est pas le
rapport, c'en est au moins la substance; on ne
croit pas que c'est mettre en danger la sûreté
du pays que de donner à la chambre des
communes les renseignements qui peuvent
permettre au parlement de prendre les mesures nécessaires à la défense d'aucune partie
de l'empire. Plus tard, je proposai une autre
adresse, demandant, au sujet des défenses,
tels renseignements que le ministère jugerait
à propos de donner, et bien que cette adresse
ait été votée il y a quinze jours révolus, je
n'ai pu jusqu'à présent en obtenir de réponse.
Il en est de même a l'égard des finances; en
un mot, tous les renseignements qui nous
sont nécessaires pour nous mettre en mesure
de juger exactement des questions de notre
ressort on nous les refuse. Mais à l'heure
qu'il est, M. l'ORATEUR, je dois dire que je
ne vois aucune raison qui nous force à agir
précipitamment jusqu'au point de voter un
crédit à ces hon. messieurs. (Ecoutez! écoutez!) Les chambres ont été convoquées à
l'époque ordinaire, même plus tôt qu'ä
l'ordinaire, et je répète qu'il y a lieu de
s'étonner que les ministres nous demandent
un vote de crédit. (Ecoutez! écoutez!)
Quoi! M. l'ORATEUR, est-ce que, pour que
ces hon. messieurs se retirent d'une difficulté;
les affaires du pays doivent rester en
souffrance? (Ecoutez! écoutez!) Est-ce
que, pour une raison aussi peu plausible, elles
doivent rester pendantes jusqu' à la prochaine
session, qui pourrait n'avoir lieu que dans six
ou neuf mois, ou que lorsque les hon.
messieurs jugeront à propos de nous rapeler? Pour eux, "une session de bonne
heure l'été prochain" pourrait bien vouloir
dire dans le mois d'août ou de septembre,
ou même plus tard. S'attendent-ils qu'on
leur vote un crédit de six millions de
piastres pour l'exécution de ces travaux de
défense ont parle le col. JERVOIS?
L'HON. A. A. DORION —Eh bien!
alors, si nous ne devons rien voter à cet
effet, que va devenir le pays pendant ce
temps? (Ecoutez! écoutez!) On nous dit
qu'i1 est de nécessité urgente d'affecter une
661
somme pour pourvoir à nos défenses, et que
le danger est imminent; or, M. l'ORATEUR,
s'il y a imminence de danger, je crois que
nous devrions continuer la session jusqu'à
ce qu'il ait été pris des mesures pour y faire
face, ou au moins jusqu'à ce qu on ait mis
les affaires dans une condition qui puisse
permettre de nous appeler en tout temps pour
parer à ce prétendu danger. (Ecoutez!
écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—Les hon.
messieurs seraient bien embarassés de
répondre à cette question. Je crois même
qu'ils n'ont soupçonné aucun danger avant
vendredi dernier, lorsque leur projet et leurs
portefeuilles se sont trouvés également compromis (Rires.) Voilà, M. l'ORATEUR, le
seul danger que redoutent ces messieurs, et
c'est pourquoi, au lieu du budget ordinaire,
ils nous demandent un vote de crédit. La
chambre va être prorogée, et leurs amis et
partisans auront la perspective d'une session
d'été pour laquelle ces messieurs seront fort
aise, comme à l'ordinaire, de toucher l'indemnité sessionnelle. (Rires.) Je me suis
levé, M.
l'ORATEUR, pour protester contre la persistance du ministère dans ce projet. Il faut
qu'il change de politique, car ce projet ne
saurait passer et ne passera pas. Il vient
d'être rejeté par le Nouveau-Brunswick et
par l'Ile du Prince-Edouard. Un des délégués de cette dernière province à la conférence
de Québec, M. WHELAN, a convoqué
des assemblées publiques dans lesquelles il
n'a pu obtenir autre chose que l'expression
de la confiance en lui-même avec l'assurance
que le projet ne serait pas mis à exécution
avant d'en avoir appelé au peuple. Telle
est l'expression la plus favorable qu'on ait
pu obtenir dans l'Ile du Prince- Edouard.
Tout le monde sait qu'une grande majorité
de la 1égislature de la Nouvelle-Ecosse, est
opposée au projet. Le Nouveau-Brunswick
vient également de se prononcer contre.
Dans de telles circonstances, les hon. minisstres iront-ils en Angleterre pour presser
l'adoption de ce projet? Prétendront-ils que,
parce que nous sommes 2,500,000 et qu'ils ne
sont que 900,000, nous allons les absorber de
force dans la confédération? (Ecoutez!) Je
ne suppose pas qu'ils songent à user de leur
influence auprès du gouvernement impérial
pour imposer la confédération aux provinces
du golfe. Par conséquent ce projet est mort.
(Ecoutez! et applaudissements ironiques à
droite.) Je répète que le projet est défunt. Je
prétends qu'il est du devoir des hon. messieurs de l'autre côté, et de l'hon. président
du conseil en particulier, d'insister auprès
de leurs collègues pour qu'ils tiennent leurs
engagements. C'est le devoir des membres
libéraux en général d'exiger qu'on remplisse
ces engagements sans lesquels ils n'auraient
pas donné leur sanction à la nomination
de trois membres libéraux du gouvernement,
et sans lesquels aussi ils n'auraient pû se
justifier devant leurs électeurs. C'est à la
condition seule que, cette mesure manquant,
le gouvernement en adopterait une autre
plus praticable, que le parti libéral du Haut- Canada a permis à trois de ses membres
d'entrer dans le cabinet actuel. Le gouvernement ne pouvait s'engager à faire passer
la confédération dans toutes les provinces,
mais il s'est engagé, au cas où cette mesure
manquerait, à adopter la fédération du Haut
et du Bas-Canada. Et non-seulement cette
promesse a été faite dès l'abord, mais le chef,
de l'administration, l'hon. Sir E. P. TACHE,
a dit en résumant le débat: "Nous avons
deux projets dont l'un est plus restreint que
l'autre. Si le grand projet manque, nous
adopterons le projet moins général, qui consistera dans la fédération des deux sections
de la province." Et le gouvernement a formellement déclaré que, la confédération
manquée, il s'occuperait, durant cette session,
de la fédération des deux Canadas. (Ecoutez!) Telle a été la promesse faite par l'hon.
président du conseil et, s'il n'y tient pas, je
suis loin d'envier la position qu'il se réserve
en pareil cas. (Ecoutez!)
M
T. C. WALLBRIDGE—M. l'ORATEUR, je désire, avant de continuer cette
discussion, qu'on s'entende bien sur un
point. Les hon. ministres, par des protestations réitérées, sont parvenus à fabriquer
une loyauté à bon marché, et leur organe
accrédité à Québec, le
Chronicle, tient à
cet égard les propos les plus étranges. Voici
un paragraphe de ce journal...
"Un télégramme reçu du Nouveau-Brunswick
nous apprend que MM. TILLEY et WATTERS ont été
battus par une majorité de 260. Ces messieurs
étaient les candidats confédérés pour la cité de
662
St. Jean. Connaissant les influences qui ont été
mises en jeu, nous ne sommes pas surpris de ce résultat. Mais nous sommes persuadés
que l'alternative de la confédération ou de l'annexion est de
plus en plus certaine, puisque l'influence américaine est si considérable dans les
élections de ces
provinces."
Ces sentiments sont propres à jeter dans
le pays un brandon de discorde. Je demanderai à l'hon. procureur-général du Haut-
Canada, qui a presque parlé dans ce sens, et
j'avais raison en disant que je l'avais entendu
déclarer que l'échec subi dans ces élections
était l'œuvre des entrepreneurs de chemins
de fer américains.
M. T. C. WALLBRIDGE—J'ai cru comprendre, d'après la déclaration de l'hon.
procureur-général du Haut-Canada, que l'influence des entrepreneurs de chemins de
fer
américains avait joué un grand rôle dans les
élections de St. Jean.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD —Je
vais répéter ce que j'ai dit, savoir: "Je n'ai
aucun doute que la question de la confédération ne soit une de celles qui aient
influencé les électeurs de St. Jean. Mais ce
n'est pas la seule; il y a d'autres questions
locales qui ont eu également leur poids. Par
exemple, la lutte entre le ministère et l'opposition; je suppose aussi qu'il y a eu
lutte
entre ceux qui sont en faveur des chemins
de fer jusqu'à la frontière américaine,—ou le
chemin de la côte de l'Ouest,—en opposition
au chemin de fer intercolonial.
M. T. C. WALLBRIDGE—Je tiens beaucoup à relever une erreur aussi flagrante,
pendant qu'il en est temps encore. A cet
effet, je lirai le passage suivant d'un des
journaux les plus importants des provinces
du golfe, le
Nova-Scotian:
"Pas si vite, mes bons amis. Ce n'est pas la
première fois que nous entendons parler de ce
chemin de fer militaire. L'été dernier, un comité
du congrès, composé en grande partie de rusés
New-Englanders, nous arriva de Washington pour
étudier l'opportunité de construire un chemin
de fer "militaire" jusqu'a la frontière du Nouveau- Brunswick, et faire rapport à
ce sujet. Mais ils ne
purent rester à la frontière, car, arrivés là, ils
reçurent une invitation de se rendre à St. Jean.
Cette ville était sous la plus grande agitation.
Une assemblée publique fut convoquée; nous ne
sommes pas sûrs si M. TILLEY était présent ou
non; nous croyons que, pour une cause ou une
autre, il était absent, mais envoya par écrit ses
compliments et ses sympathies a l'assemblée. Le
maire présidait; les viandes étaient cuites à point,
et le champagne coulait "à la façon d'Ottawa";
les discours furent de la plus haute éloquence.
Quelque temps auparavant, la ville de St. Jean
avait été fort agitée par des démonstrations en
faveur du Sud; malgré cela, et je ne sais pas par
quel charme, les estomacs solides et les cœurs
loyaux des membres du comité américain se trouvèrent également satisfaits.
"Mais ce n'est pas tout. Le chemin de fer
provincial fut mis gratis à leur disposition, et ils
furent accompagnés par nos hommes politiques
jusqu'à Shediac et ramenés à St. Jean. Nous
croyons que M. TILLEY prit part à la promenade.
et, la cérémonie faite, les Américains repartirent
en se disant à eux-mêmes: "nos braves amis du
Nouveau-Brunswick sont extrordinairement versatiles."
Plus loin, je lis dans le même journal:
"Les habitants du Nouveau-Brunswick comprennent parfaitement cela et, sous la direction
de M. TILLEY, ils s'entendent avec les hommes
les plus habiles de la Nouvelle-Angleterre pour
faire aboutir à Halifax le grand courant de passegers qui traverse l'Atlantique. Entre
autres, les
Américains proposent d'acheter nos chemins de
fer et de laisser ainsi à notre disposition, pour
d'autres enterprises du même genre, les capitaux
que nous avons employés à les construire."
Dans un autre article, le même journal fait
ainsi ressortir l'absurdité de cette histoire
d'intervention américaine dans les élections
de St.Jean. Que ceux qui peuvent être
crédules écoutent bien ceci:
" Chose étrange, non seulement M. TILLEY
emploie les fonds du Nouveau Brunswick à la
construction d'un chemin de fer militaire de
Portland à St. Jean, (naturellement la portion
américaine du chemin est seule militaire), mais
les délégués ont pris avec est hon. monsieur des
arrangements qui le mettront à même, si la confédération se réalise, de compléter
le chemin de fer
dans le Nouveau-Brunswick. Nous demandons
aux délégués d'expliquer ce point à la satisfaction
des vieilles dames qu'ils ont effrayées avec leurs
histoires d'ogres et de dévastations prochaines
dans nos campagnes et dans nos villes."
En face de ces déclarations, peut-on supposer un instant que M. TILLEY ait été battu
grâce a l'influence des entrepreneurs de
chemins de fer américains? Il est permis
d'avoir une présomption en sens contraire.
Les rusés New-Englanders, toujours fidèles à
leurs intérêts, ont dû, au contraire, soutenir
le candidat qui consentait à placer les fonds du
Nouveau-Brunswick dans un chemin de fer
qui se relie à leur ligne. L'hon. M. TILLEY
a été défait non pas par l'influence américaine, mais parce que le projet de confédération,
tel que présenté aux populations de
cette province, a été fort mal accueilli; on a
tort de jeter ce nouvel élément de discorde
dans nos débats politiques. Le Canada a
663
beaucoup souffert de ces luttes de parti, et il
est temps qu'il y mette fin. Ceux qui introduisent ce nouvel élément de discorde pourront
y gagner pour le moment, mais ils paralysent pour longtemps les plus chers intérêts
du pays. Notre position critique vis-à-vis des
Etats-Unis est due en grande partie à des
procédés de ce genre. En faisant soupçonner
au peuple de pareilles influences, on tend
vers l'annexion qu'on fait parade de vouloir
éviter. Une fois que les populations du
Canada seront mécontentes de la forme de
leur gouvernement, elles auront recours à ce
qu'on leur a démontré inévitable. S'il existe
chez nous un secret désir d'annexion, on ne
peut mieux le développer qu'en parlant de
l'intervention américaine dans nos affaires;
dès lors qu'il n'aura plus confiance dans nos
institutions, le peuple peut se porter à toutes
les extrémités. Si le ministère a été informé
que les Américains sont intervenus dans les
élections du Nouveau-Brunswick, il doit en
faire part à la chambre. On ne saurait tolérer
cette intervention, et le pays a droit de savoir
toute la vérité à cet égard. Si le vote de
crédit qu'on nous demande a pour but nos
fortifications et notre défense, le ministère ne
manquera pas d'adhérents. Il n'est pas nécessaire de tant parler de loyauté pour obtenir
ce vote, non plus que de crier à l'annexion
pour faire passer un acte qui doit unir toutes
les provinces. J'ai été surpris d'entendre
les hon. membres nous mettre si souvent
dans cette alternative de la fédération ou de
l'annexion. Et ce sont les mêmes hommes
qui, en 1858, se moquaient des résolutions
proposées par le ministre actuel des finances,
sous prétexte que si la confédération se
réalisait elle serait promptement suivie de
l'annexion. (Ecoutez!) Or, si la confédération
devait en 1858 amener l'annexion, comment
se fait-il qu'elle pourra l'empêcher en 1865?
On s'est autorisé du langage de Sa Majesté
et de certains lords anglais pour dire que
nous devions accepter ce projet les yeux
fermés. Mais ce n'est pas la première fois
que ce langage a été tenu dans le discours
du trône pour déguiser les vrais intérêts du
Canada; il ne faut pas oublier ce fait. Nous
sommes aussi capables dans cette chambre
qu'aucun noble pair anglais de juger des
vrais intérêts de notre pays. Si leurs discours
sont tellement remplis de sagesse, comment
se fait-il que notre frontière ait été si souvent
sacrifiée? Tout le monde sait que, par le
traité d'Ashburton, notre frontière fut indignement abandonnée aux Américains, et
que
le traité reçut la sanction des nobles lords
d'Angleterre; et maintenant on veut nous
forcer à construire un chemin de fer sur les
rochers du Nouveau-Brunswick et de la
Nouvelle-Ecosse jusqu'à la mer. (Ecoutez!)
Cette question de la fédération affecte gravement notre pays, notre allégeance, et
notre
dépendance de l'Angleterre; il me semble
qu'en pareil cas les parties intéressées sont
les meilleurs juges. (Ecoutez!) Il est donc
injuste, en principe comme en pratique,
d'essayer par tous les moyens de faire passer
cette mesure sans discussion. En tout cas,
c'est une dangereuse expérience. Si les
hon. ministres avaient bien su dans quelles
circonstances devaient se faire les élections
du Nouveau-Brunswick, ils auraient réfléchi
avant de mettre l'hon. M. TILLEY dans une
fausse position.
M. T. C. WALLBRIDGE—Les extraits
que j'ai lus confirment mon assertion. Je connais assez bien les chemins de fer du
Nouveau- Brunswick, et je sais que le projet a été mis
sur pied par les populations de St.Jean afin
d'étendre leurs chemins de fer du côté des
Etats. C'était leur intérêt de relier leurs
lignes au chemin de Portland, de même que
le Canada trouvait un avantage à relier le
Grand-Tronc avec le chemin de Montréal à
Portland. Et quand on sait que M. TILLEY
était en faveur de ce projet, peut-on dire que
les entrepreneurs américains se sont opposés
à son élection? Il y a dans le projet actuel
une spéculation dont le Nouveau-Brunswick
n'a jamais mesuré l'étendue. La vigilante
influence des célèbres entrepreneurs du
Grand-Tronc, qui sont les premiers en faveur
de cette union, ne cesse d'être aux aguets.
(Rires à droite.)—Les ministres peuvent
rire, mais on sait que la construction d'un
chemin de fer, en suivant le tracé le plus
long, est le pivot sur lequel roule tout le
projet. Si on veut absolument arriver à la
mer, et si on n'a aucune intention de favoriser
tel ou tel entrepreneur, pourquoi ne pas
prendre le chemin le plus court? Pourquoi
grimper sur les montagnes au centre du
Nouveau-Brunswick quand on a, par la vallée
du lac St. Jean, une route plus naturelle,
plus courte, et qui, par suite, sera moins
coûteuse? Il s'agit d'une dépense de plusieurs
millions, et, en suivant le tracé le plus court,
le Canada économisera des millions. Je sais
que certains hon. membres sont disposés à
voter phlegmatiquement pour cette mesure,
(Rires.)
664
M. C. WALLBRIDGE—Un bon membre demande ce que j'entends par voter phlegmatiquement? J'entends un vote
donné les
yeux fermés sur une question aussi importante pour nos intérêts futurs. Ce vote démentira
toute la carrière politique de plusieurs
hon. membres. C'est abandonner tous nos
droits au territoire du Nord-Ouest. C'est nous
fermer pour jamais la porte de ce pays. Voilà
ce que j'appelle un vote phlegmatique!
(Ecoutez!) Les représentants de la Nouvelle- Ecosse et du Nouveau-Brunswick dans la
conférence, ont eu bien soin de s'assurer la
construction du chemin de fer intercolonial;
quant au territoire du Nord-Ouest, on y
songera lorsque l'état de nos finances le permettra: or, la confédération va entrer
dans la
carrière avec une dette de $150,000,000. Il
est donc évident que, pour le Canada, le Nord- Ouest est à jamais fermé. Que gagnerons-
nous dans cette confédération? Nous courons
à toute vapeur vers la banqueroute, notre
dette s'augmentera de beaucoup par cette
combinaison, surtout la partie de cette dette
contractée pour des chemins de fer inutiles,
dont nous ignorons le tracé, qu'on ne veut
pas nous indiquer, même aujourd'hui que ce
renseignement ne peut plus avoir aucune
influence sur les élections du Nouveau- Brunswick. (Ecoutez!) Je suis certainement
en faveur d'une union des provinces de
l'Amérique Britannique du Nord. Mais je
veux une véritable union, et non pas un système gros de discordes, avec une foule
de
petites législatures qui ne feront qu'entraver
la marche des affaires et notre progrès matériel ainsi que les progrès de la civilisation.
Le projet ministériel nous assure certains
avantages de l'union législative, mais les détails sont inadmissibles, même en principe,
et
j'emploierai pour les faire rejeter toute l'énergie dont je suis capable. Au Nouveau
Brunswick et à la Nouvelle-Ecosse, on a reconnu
que le projet nécessitait des amendements.
Pourquoi refuser le même droit au Canada?
Pourquoi accepterions-nous le projet dans
son entier quand ses propres auteurs ne
peuvent en justifier certains détails? C'est
nous traiter avec mépris, et le ministère
portera la responsabilité d'une pareille conduite. J'ai grande confiance dans l'hon.
président du conseil et dans les deux membres
du cabinet qui sont entrés au ministère avec
lui. Mais lorsque cet hon. monsieur est
entré au ministère sans exiger que son parti
y fût dignement représenté pour le Haut et
le Bas-Canada, il a fait un faux pas pour ne
rien dire de plus. (Rires.) Cela explique
certains détails inexplicables de cette mesure,
cela explique que le Canada ait consenti, avec
l'assentiment de l'hon. président du conseil,
à ce que la votation à la conférence fût réglée
par provinces et non d'après la population.
(Ecoutez!) Mais on a adopté le premier de ces
systèmes, et voilà pourquoi les détails du
projet sont tellement scabreux. Je crois donc
que la chambre doit scrupuleusement combattre ces détails afin qu'ils n'obtiennent
pas
la sanction impériale. (Ecoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Avant la fin de ces
explications, que je n'ai nullement le désir
de prolonger, je demanderai à l'hon. ministre
des finances ce qui va être fait relativement à
la loi des écoles du Bas-Canada, qui devrait
nous être soumise durant cette session. On
parle de la prorogation des chambres, et je
désirerais savoir si les engagements pris par
l'hon. membre à Sherbrooke, au nom de ses
collègues et en son propre nom,—engagements renouvelés à différentes reprises depuis
le commencement de la session,—seront mis
à exécution, ou si le programme ministériel
sera modifié à cet égard, car il est évident
que cette question est importante pour la
confédération puisque les hons. membres
l'ont comprise dans le projet?
L'HON. M. GALT—Il me semble que la
déclaration de l'hon. procureur-général du
Haut-Canada est parfaitement explicite. Le
gouvernement a l'intention de demander le
vote sur les résolutions actuellement entre
les mains de l'ORATEUR. En ce qui regarde
la question des écoles, le gouvernement le
tient à ses engagements et la chambre aura
à s'occuper de cette question.
L'HON. M. GALT—Pas durant cette
session, car, comme l'a déclaré l'hon. procureur-général du Haut-Canada, le gouvernement
a l'intention de proroger les chambres
le plus tôt possible. Mais toutes les clauses
de ces résolutions devront occuper la législature.
L'HON. M. HOLTON—Ainsi, le gouvernement ne s'occupera pas de ce détail
durant cette session; il a sans doute modifié
sa politique à cet égard par suite du résultat
des élections au Nouveau-Brunswick.
L'HON. M. GALT—Le gouvernement n'anullement modifié sa politique sur la confédération ni sur aucun
des détails de ce projet.
665
L'HON. M. HOLTON—Mais l'hon. monsieur me permettra de lui rappeler qu'à
Sherbrooke il a promis, en son nom et au
nom de ses collègues, que pendant cette
session, le gouvernement présenterait un
bill pour amender la loi des écoles du Bas- Canada. Cette déclaration a été répétée
par
l'hon. solliciteur-général du Bas-Canada, au
nom du gouvernement, dans le cours de
certaines interpellations à ce sujet qui ont
eu lieu durant l'absence de l'hon. ministre
des finances. Et maintenant, l'hon. monsieur
déclare formellement que cette promesse ne
sera pas tenue. Il s'en suit que les populations du Nouveau-Brunswick, au nombre
des bons tours qu'elles ont joués au ministère
canadien en usant de leur franchise électoale pour rejeter un projet qu'il avait mis
en avant sans l'autorisation de la législature
et au risque de révolutionner le pays,
obtiennent ce résultat inattendu, savoir: que
nos hon. ministres ne se croient plus liés
par les engagements qu'ils ont pris vis-à-vis
de la chambre et du pays.
L'HON. M. HOLTON—J'ai droit de
parler au moins des engagements relatifs à
l'amendement de la loi des écoles du Bas- Canada. Personne ne comprend mieux que
l'hon. monsieur l'à-propos de mon observation. Elle peut ne pas être appréciée par
les membres du Haut-Canada, mais l'hon.
monsieur sait combien les protestants du
Bas-Canada tiennent à voir cette question
réglée avant que le pays ne se prononce sur la
confederation. On a cru, d'après les assurances de ce monsieur, que cette question
serait réglée avant que le vote définitif ne fût
pris sur la confédération. Il ne s'agit pas
d'autre chose. Et maintenant l'hon. monsieur nous fait dire par son chef que la confédération
va être votée immédiatement, et
que des commissaires vont passer en Angleterre pour obtenir un bill impérial basé
sur
ces résolutions, tandis que lui, le grand
champion protestant du Bas-Canada, dit à
ses coreligionnaires que cette mesure ne sera
finalement examinée qu'à la prochaine session.
Ainsi donc, j'avais raison de dire qu'un des
résultats les plus curieux du vote de la population du Nouveau-Brunswick est que le
grand champion protestant du Bas-Canada ne
croit plus obligé de remplir les promesses
faites à son pays et ses coreligionnaires,
mais veut attendre la prochaine session, pour
profiter sans doute du changement de circonstances (Ecoutez!)
L'HON. M. GALT—Il me semble que
l'hon. membre pour Chateauguay prend un
bien vif intérêt à cette question, et cela
m'étonne. Je le remercie beaucoup de ses
bons avis a l'effet que je ne dois point désappointer ceux que j'ai l'honneur de représenter.
Mais je trouve un défaut dans sa déclaration,
c'est qu'il me cherche une vraie querelle
d'Allemand. L'attitude du gouvernement a
été franchement expliquée par l'hon. procu-reur—général du Haut-Canada, et il ne peut
plus y avoir de malentendu. Nous admettons que les derniers événements du Nouveau-Brunswick
réclament l'attention spéciale du gouvernement, qui a formellement
déclaré ce qu'il comp faire. En ce qui
regarde la question de l'éducation, le ministère a été non moins explicite. Le gouvernement
fera amender cette loi conformément
à ses déclarations avant que la confédération
ne passe. Il me semble inutile de répéter ce
qui a été dit, car je ne puis rien ajouter aux
assurances qui ont été données. (Ecoutez!)
L'HON. J. H. CAMERON—Je désire
une explication de l'hon. procureur-général
du Haut-Canada. Cet hon. monsieur a dit
qu'un vote de crédit serait demandé à la
chambre pour d'ici à la prochaine session.
Je suppose que ce sera au mois de juillet ou
en août, mais le service des volontaires à la
frontière expire au mois de mai. Ce vote
de crédit comprendra-t-il le montant nécessaire pour continuer le service actuel,
si le
gouvernement juge nécessaire de maintenir
nos troupes en garnison après le premier
août, par exemple? Je désirerais avoir une
réponse sur ce point, si toutefois le gouvernement a réglé la question. Il serait
à
regretter que les affaires du pays fussent
ainsi entravées. Si le gouvernement est
déterminé à presser la mesure de la confédération, et si l'hon. procureur-général
du
Haut-Canada se rend en Angleterre avec
quelques-uns de ses collègues, il est nécessaire que la chambre s'ajourne sans s'occuper
des questions ordinaires. D'un autre côté
nous pourrions, en quelques semaines, régler
toutes nos affaires, et lorsque la délégation
sera de retour d'Angleterre nous pourrions
donner toute notre attention au résultat de
cette mission. Même en pressant la question
de la confédération, comme l'a indiqué l'hon.
procureur-général, nous aurions le teemps,
avant le premier avril, de régler toutes nos
autres affaires. (Ecoutez!)
L'HON. M. GALT—Je répondrai à la
question que mon hon. ami vient d'adresser
666
à l'hon. procureur-général du Haut-Canada.
Le gouvernement a l'intention de demander
a la chambre un vote de crédit suffisant pour
pourvoir aux besoins du pays, en attendant
que les chambres se réunissent de nouveau.
Je rappellerai à la chambre que le budget
ordinaire est voté jusqu'au 30 juin, et ceci
devra être pris en considération dans le vote
dont il s'agit actuellement. Le gouvernement a la ferme intention de continuer à.
protéger notre fontière. (Ecoutez!) Comme
l'a déclaré l'hon. procureur-général, le gouvernement a aussi l'intention de réunir
les
chambres aussitôt qu'il sera à même de leur
faire part des vues du gouvernement impérial; cela dépend, comme de raison, du
temps que les ministres pourront être retenus
à Londres avant d'avoir une réponse définitive. Mais l'intention du gouvernement est
de réunir les chambres le plus tôt possible.
(Ecoutez!)
L'HON. J. S. MACDONALD—Je désire
placer un ou deux mots dans la discussion.
Le gouvernement change si subitement de
politique que nous ne pouvons nullement.
ajouter foi aux déclarations des hon. ministres. On pourra regarder comme bien
audacieuse la déclaration que je vais faire,
mais je n'hésite pas à le croire, voici ce qui
va arriver: si nous adoptons ces résolutions,
les hon. ministres vont se rendre en Angleterre et faire rédiger un bill peut-être
tout
différent, qui les mettra à l'abri de tous
côtés, et ils reviendront forcer nos populations de l'accepter à. tout risque; ils
règloront
à leur gré la question des écoles, ils décideront de même si nous devrions avoir deux
chambres dans les parlements locaux, et mille
autres détails. Je suis persuadé que tel est
le plan de ces messieurs. Ils n'osent point
en appeler au peuple, le projet est trop impopulaire; ils vont donc nous passer sur
le
corps et revenir avec un bill fabriqué à
Londres, comme on fit en 1840, et ils imposeront ce bill au Canada. C'est en 1852
ou 1858 qu'on nous apporta un bill modifiant
la constitution en ce qui regardait l'augmentation du nombre de représentants, et
ce bill
personne n'en a jamais bien au l'origine.
Or, on va user du même procédé. Nos ministres vont s'entendre en Angleterre avec
des délégués du Nouveau-Brunswick et de la
Nouvelle-Ecosse, pour donner une nouvelle
constitution au Canada, et les citoyens du
Canada devront accepter cette constitution
sous pei .e de passer pour traîtres et rebelles.
Nos ministres useront de l'autorité du gou
vernement impérial et invoqueront le nom
de la Reine pour imposer cette constitution à
toutes les colonies, en stigmatisant du nom de
traitres tous ceux qui leur seraient opposés.
Ce n'est pas la première fois qu'on a recours
à pareil subterfuge. Si le peuple de ce pays
leur résiste, les hon. ministres en agiront
ainsi, car ils savent bien que l'Angleterre ne
demande qu'à nous imposer un lourd fardeau
pour notre défense. Influencés par l'accueil
flatteur qu'ils vont recevoir en Angleterre,
nos ministres vont sacrifier nos intérêts et
obtiendront peut-être en retour des titres
honorifiques de la plus haute distinction.
(Rires).
L'HON. J. S. MACDONALD—C'est pour
cela que nous pouvons nous y attendre
encore. Ils vont arriver en Angleterre en
aisant que le pays leur a donné carte blanche.
Ils baseront cette audacieuse assertion sur le
vote de cette chambre en faveur de la constitution, que présagent au Haut et au Bas-
Canada ainsi qu'aux autres provinces, les
résolutions qui nous occupent en ce moment.
Alors le parlement anglais se dira ceci:
"Voici les hommes les plus intelligents de
ces provinces, les chefs des deux partis, des
hommes qui, depuis huit en dix ans, jouissent
de la confiance de leurs compatriotes." Mais
si le parlement pouvait lire ce que ces
hommes ont dit et écrit les uns des autres, il
se demanderait si les auteurs de l'infamie et
de la honte sont les plus aptes à dresser un
bill propre à produire la paix et le repos du
pays, une mesure qui, d'après les propres
paroles de l'hon. membre pour South Oxford
(M. BROWN), réglera pour toujours les difficultés qui existent entre le Haut et le
Bas- Canada. (Ecoutez!) Je proteste énergiquement contre cet attentat à nos droits.
Je
proteste parce qu'on nous demande de voter
les yeux fermés et de gaîté de cœur l'abandon
de nos droits et de nos libertés. Nous avons
appris à nos frais quelles cxtravagances
peuvent faire nos plus habiles financiers
lorsqu'ils sont hors de l'atteinte de l'opinion
publique. Le pays était fatigué d'eux, et ils
ont formé cette coalition pour se fortifier.
Et voilà les hommes qui vont nous apporter
d'Angleterre une nouvelle constitution! Je
ne suis pas prophète, M. l'ORATEUR; on ne
l'est point en son pays; mais je vous prie, M.
l'ORATEUR, de vous rappeler ce que je viens
de dire au sujet des tours de passe-passe que
nous préparent les hon. ministres. (Ecoutez!)
667
L'HON. M. BROWN —Je suis bien surpris
d'entendre un hon. membre, dans la position
qu'occupe l'hon. député de Cornwall, faire
de pareilles déclarations après les assurances
positives qui ont été données par le ministère
avec le consentement du gouverneur-général
de cette province. On a dit à l'hon. monsieur
que, si la chambre sanctionne cette mesure,
le gouvernement a l'intention d'envoyer en
Angleterre des délégués chargés de la mettre
en pratique et de régler quelques autres
détails importants qui seront alors examinés.
L'HON. M. BROWN—La question de la
défense et celle de nos relations commerciales
avec les Etats-Unis. On lui a dit aussi que
certains membres du gouvernement se rendraient en Angleterre et, à leur retour, soumettraient
le plus tôt possible à la chambre
le résultat de leurs négociations. Et, malgré
cela l'hon. monsieur s'emporte et lance les
plus audacieuses imputations au gouvernement et à son chef qui a approuvé la déclaration
faite à la chambre.
L'HON. A. A. DORION—Je veux faire
une question d'ordre; a-t- on le droit d'invoquer devant la chambre le nom et l'autorité
du gouverneur-général?
L'HON. M. L'ORATEUR—Le nom du
souverain ne doit pas être cité de la sorte,
mais cette règle, je crois, ne s'étend pas
plus loin.
L'HON. M. BROWN—Je suis parfaitement dans l'ordre. Il serait presqu'impossible, selon moi, d'annoncer
la prorogation
des chambres et l'intention du gouvernement
d'envoyer des délégués en Angleterre, si
nous n'avions pas la sanction du gouverneur- général.
L'HON. M. BROWN—Certainement, mais
nous devions à Son Excellence de lui demander sa sanction. L'hon. membre suit parfaitement
cela et, lorsqu'il se lève pour protester
en disant que tout le projet est une farce
indigne, je crois que c'est lui qui joue un
rôle indigne d'un membre de cette chambre.
(Ecoutez!) Je puis garantir à l'hon. monsieur
et à mon hon. ami le député d'Hochelaga
qui semblent se préoccuper si vivement de
l'attitude que l'hon. secrétaire-provincial,
l'hon. maître des postes et moi-même avons
cru devoir prendre, Je puis garantir dis-je
que nous comprenons parfaitement notre
position, que nous nous y tiendrons tant que
cette mesure ne sera pas arrivée à une conclusion satisfaisante, et que nous sommes
prêts
à expliquer notre conduite devant ceux qui
nous ont envoyés ici. (Applaudissements.)
L'HON. M. HOLTON—La déclaration de
l'hon. président du conseil est importante en
ce sens qu'elle explique celle de l'hon.
procureur-général du Haut-Canada que plusieurs membres,—et moi pour un,—n'ont
pas bien comprise. D'après l'hon. président
du conseil, le gouvernement ne prendra
aucune décision finale sur la confédération
avant la prochaine réunion de cette chambre.
L'HON. M. HOLTON—Mais qu'a donc
voulu dire l'attaque dirigée contre l'hon.
membre pour Cornwall? Ce monsieur avait
exprimé la crainte sérieuse que la constitution serait rédigée en Angleterre, avec
l'aide et sous la surveillance de quelques- uns des hon. ministres, et que cette constitution
ne serait probablement point acceptable au pays. L'hon. président du conseil
a énergiquement repoussé cette insinuation.
S'il a raison de s'indigner c'est qu'il présume lui-même que la chambre sera consultée
ultérieurement sur cette question; il
me semble avoir bien compris ses paroles,
me suis-je trompé? (Pause) L'hon. monsieur
refuse de répondre...?
L'HON. M. HOLTON—L'hon. monsieur
sait bien que ceci n'est qu'un incident. Je
ne me suis pas levé pour faire un discours.
L'hon. procureur-général du Haut-Canada
n'a pas fait un discours, mais une simple
déclaration au nom du gouvernement; nous
en sommes tous là pour le moment. Cette
déclaration a suscité des interpellations que
la chambre désire voir complétées. Mon
hon. ami pour Québec (M. ALLEYN) est
inscrit pour continuer le débat puisqu'il
a proposé l'ajournement, et je serais fâché
de prendre sa place en faisant maintenant un discours. Mais je voudrais voir
ces différents points éclaircis; c'est dans l'intérêt général. Je n'irai pas aussi
loin dans
mes observations que l'hon. membre pour
Cornwall.
L'HON. M. HOLTON—Tout en ne m'étant pas aventuré aussi loin, j'ai cru cependant
668
qu'il y avait du danger, et je regarde la
déclaration de l'hon. président du conseil et
l'indignation qu'il a mise à réfuter mon hon.
ami de Cornwall, comme propres à rassurer
cette chambre. Je ne me suis levé que
pour demander aux hon. messieurs si nous
devons comprendre, d'après les communications supplémentaires et officielles de l'hon.
président du conseil, que cette chambre sera
de nouveau saisie ou non de la considération
de toutes ces mesures, c'est-à-dire de la nouvelle constitution du pays, de la question
des fortifications et de nos relations commerciales avec l'étranger.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Si
je pensais un instant que l'hon. député de
Chateauguay veut réellement avoir une
réponse, je la lui donnerais, et je ne doute
pas que l'hon. président du conseil ne lui
fit lui-même cette réponse très volontiers
s'il était convaincu qu il a des informations
à communiquer aux hon. députés de la
gauche. Personne ne comprend mieux que
l'hon. député de Chateauguay la manière
dont la question a été faite. L'hon. député
de Cornwall, (M. J. S. MACDONALD) se lève
et,—d'une façon assez peu parlementaire et
après que la chambre eut été oficiellement
informée ainsi que le pays de la politique du
gouvernement,—déclare sur son honneur qu'il
croit que le gouvernement a manqué de
sincérité dans les explications qu'il a données,
et que son dessein est de faire passer par le
parlement impérial une loi en contradiction
avec l'opinion de ce pays et des provinces du
golfe et de l'imposer au peuple. Telle a
été la déclaration faite et l'hon. monsieur.
Je ne sais s'il l'a fait telle qu'il la pensait;
il m'a semblé qu'il était sincère, car il l'a
déclaré sur son honneur et sa conscience.
(On rit.) Ses paroles n'ont cependant eu
d'autre effet que de me convaincre que,
eut-il été au pouvoir, telle eut été la conduite qu'il' aurait adoptés, car il est
impossible qu'un homme puisse songer à une telle
chose sans la croire possible. (Ecoutez!
écoutez!) Quant à nous, nous considérons
qu'un tel acte est indigne de notre position
dans cette chambre, indigne de nos principes
comme hommes d'honneur: aussi, l'hon. président du conseil a-t-il repoussé cette insinuation
déshonorante avec un sentiment
d'indignation qui a été partagé par tous
ceux qui l'ont entendu, et a déclaré que
l'assertion de l'hon. monsieur était complétement inexacte, mal fondée et inexcusable.
Cependant, je répèterai la communication
officielle de façon à ce qu'elle puisse être
comprise de l'hon. député de Cornwall, et à
la mettre à la portée de tous les esprits,
(on rit), afin que personne ne puisse s'y
méprendre. L'intention du gouvernement
est d'obtenir l'approbation de la chambre à
la proposition que j'ai faite, puis, cette approbation obtenue, les deux branches
de la
législature se trouveront avoir voté la confédération: la question se trouvera vidée
en
ce qui regarde le Canada. Nous irons ensuite
en Angleterre avec ce projet de confédération voté par les chambres du Canada, et
nous
dirons au gouvernement impérial:—"Le
Canada a adopté la confédération tandis que le
Nouveau—Brunswick l'a rejetée, et nous venons
prendre sur notre position l'avis du gouvernement impérial. Telle est la voix du peuple
canadien, et nous, représentants du gouvernement du Canada, qui renferme les trois-quarts
de la population entière de toutes les provinces, venons nous consulter avec les auto
rités de la métropole sur les meilleurs intérêts
de ces provinces." (Ecoutez! écoutez!)
Nous discuterons aussi la question des fortfications, et je n'ai pas de cute que nous
ne
recevions le plus cordial accueil du gouvernement anglais, et que l'Angleterre ne
nous
promette pour nous défendre son dernier
homme et son dernier louis. (Ecoutez! écoutez!) La troisième question est celle du
traité de réciprocité. Nous voulons également
prendre l'avis du gouvernement anglais sur
les moyens de régler cette question. L'hon.
monsieur sait, ou il devrait savoir, que nous
ne pouvons nous occuper de ces questions
qu'avec les autorités impériales, et que nous
ne pouvons pas non plus entrer en communication sur ce sujet avec le gouvernement
américain. Après avoir pris l'avis de la
métropole sur ces trois questions, nous convoquerons les chambres le plus tôt possible,
longtemps, j'espère, avant l'expiration du
semestre fiscal, c'est-à-dire avant le 30 juin,
pour leur soumettre le résultat de notre
mission. Quoique constituant une nouvelle
session, elle ne sera que la suite de la présente, et une fois que nous aurons disposé
des
questions les plus pressantes, nous nous occuperons de ce qui reste du projet de confédération,
comme la constitution des gouvernements locaux, et la question des écoles, à
l'égard de laquelle l'hon. ministre des finances a déclaré que nous voulions mettre
à
exécution les promesses que nous avons données dans la conférence et que nous demanderons
à la chambre de ratifier, ce qu'elle fera,
669
nous l'espérons. (Ecoutez! écoutez!) Nous
déposerons également devant le parlement le
fruit de nos négociations sur la question des
fortifications du pays et sur toutes les matières
qui se rattachent aux relations de la Grande- Bretagne avec les Etats-Unis, en ce
qui regarde les provinces de l'Amérique du Nord,
et au sujet desquelles nous sommes autorisés
d'agir par le gouvernement métropolitain.
Nous ne savons pas où en seront les négociations entamées par le gouvernement anglais
avec celui des Etats-Unis lorsque les chambres
seront de nouveau réunies, mais celles-ci
auront communication du résultat de la mission de ceux d'entre nous qui vont en Angleterre.
Nous leur soumettrons ce que le
gouvernement impérial aura décidé après
que nous lui aurons exposé l'état des choses
sur la question de la confédération en général
et en ce qui regarde l'attitude prise par les
autres provinces à ce sujet. Nous déposerons
aussi devant les chambres le projet des gouvernements locaux pour les deux Canadas,
ainsi que ce que nous croyons devoir faire
sur les questions des écoles, des défenses et
du traité de réciprocité. L'hon. député de
Cornwall, voyant le gouvernement décidé à
adopter une ligne de conduite ferme et convenable à cet égard, se hâte de jeter le
doute
et de lancer des insinuations malveillantes dans
l'esprit des députés de cette chambre; mais
ceux-ci ont appris la valeur qu'il fallait attacher aux paroles de l'hon. député depuis
qu'on
l'a entendu, il y a quelque temps, déclarer,
lui le patriote par excellence, au sujet de ce
projet de confédération qui rallie la majorité
du Haut-Canada, qu'il le voyait renversé avec
une satisfaction pleine de malice. C'est sans
doute avec le même sentiment de méchanceté sans cause et sans raison qu'il s'est levé
pour donner à la conduite du gouvernement
une interprétation aussi injurieuse. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. J. S. MACDONALD—Quoique
puisse dire l'honorable procureur-général du
Haut-Canada de ma capacité, je crois avoir
fait mon chemin comme il a pu faire le sien
Dans tous les cas, la chambre me remerciera,
j'espère, d'avoir enfin obtenu, en dépit du
châtiment que m'a infligé l'honorable monsieur et auquel j'espère survivre comme
à d'autres semblables, les explications aussi
claires que celles que l'honorable procureur- général du Haut-Canada a données et
l'énoncé
du fait que le projet doit encore revenir
devant cette chambre.
L'HON. J. S. MACDONALD—Il a dit
que, sinon le projet lui-méme, du moins
tout ce ui s'y rattache, tel que la constitution des gouvernements locaux, notre
quote-part à fournir dans les défenses du
pays, et la question des écoles—que l'honorable ministre des finances avait promis
de
nous soumettre avant la fin de la session acttuelle, n'eut été la conduite fâcheuse
du
Nouveau—Brunswick; il a déclaré, dis-je, que
toutes ces choses seraient remises devant la
chambre à la session prochaine et avant la
passation finale du projet de confédération. L'honorable monsieur, dans son premier
discours, est loin d'avoir fait une déclaration aussi explicite On m'accuse maintenant
d'avoir été assez dépourvu de patriotisme pour prendre un " malin plaisir " à
voir le projet arrêté en chemin; j'ai dit
qu'en effet j'éprouvais un malin plaisir à
voir que l'hon. monsieur qui avait accusé
le gouvernement canadien de mauvaise foi,
avait été défait et avait perdu sa charge, et
je répète ici que si le projet en question
offrait quelque probabilité de pouvoir favoriser
les intérêts du peuple de cette province, personne ne se réjouirait autant que moi
de le voir
adopter. Mais, j'ai toujours cru, comme je
le crois encore, que l'on peut continuer de
faire fonctionner avec avantage le régime
actuel. Je n'ai jamais voté la fédération
non plus que l'union législative.
L'HON. J. S. MACDONALD——En effet,
je n'ai jamais signé le manifeste annexioniste.
(Ecoutez! écoutez! on rit.) Je n'ai apprové
ni appuyé aucun projet ayant pour but de
changer la constitution actuelle, et il sied mal
à l'hon. monsieur de m'accuser de manquer
de patriotisme parce que je ne crois pas
devoir approuver ce projet dans tous ses
détails. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. monsieur
voudrait encore faire croire à la chambre
que j'ignorais que ce gouvernement ne
pouvait pas traiter directement avec les
Etats-Unis de la question de réciprocité; est- ce qu'il oublie que le seul document
qu'une
adresse de cette chambre a pu obtenir à ce
sujet, est une minute du conseil adressée au
secrétaire d'état par moi et mes collègues
sur le traité de réciprocité?
L'HON. J. S. MACDONALD—Ils n' ont
670
rien fait; ce qui n'a pas empêché l'hon.
président du conseil de nous attaquer parce
que nous n'avions rien fait sur cette question.
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
est dans l'erreur la plus complète, car il a fait
allusion à une circonstance dans laquelle
j'insistai en personne auprès de lui sur la
nécessité d'adopter promptement des mesures pour sonder les intentions du gouvernement
de Washington et de s'assurer
s'il n'y avait pas moyen de négocier un nouveau traité. Il m'expliqua les difficultés
qu'il y avait à surmonter, et quoique je les
regardasse comme pouvant être vaincues, je
crois cependant que les circonstances étaient
de nature à m'empêcher de l'en blâmer.
L'HON. J. S. MACDONALD—Nous
fîmes tout notre possible en fait de représentations au gouvernement anglais; que
le
gouvernement nous dise donc où en est la
question depuis lors?
L'HON. M. BROWN—Nous avons suivi
la même ligne de conduite, et il eut été
bien plus avantageux pour les intérêts du
pays si nous n'avions pas été entravés
comme nous l'avons été.
L'HON. J. S. MACDONALD—Je répète
donc que l'explication que nous a donnée
l'hon. procureur- général du Haut-Canada
est bien plus explicite et satisfaisante que
la première, et j'espère que, dans mes commentaires sur celle-ci, je ne me suis servi
d'aucun langage extra-parlementaire. J'ai
usé de mon droit de tirer des déductions
des communications officielles faites à cette
chambre, et ne suis pas tenu de me restreindre lorsque j'ai raison de redouter les
suites du renversement de la constitution
qui nous régit depuis si longtemps. Il n'y
a donc rien d'étonnant ni de malséant que
ce sujet m'émeuve profondément et, qu'avant de laisser anéantir la constitution à
laquelle je suis si attaché, j'aie donné libre
cours à l'indignation dont je suis animé.
(Ecoutez! écoutez!) On s'est servi d'un
langage bien plus violent dans cette enceinte lorsque les motifs des hon. ministres,
ont été mis en doute par des hon. députés
dont l'intelligence dépasse autant la mienne
que le jour l'emporte sur la nuit. (On
rit.) Je crois que le pays et la chambre
me seront obligés de la façon dont j'ai
exprimé mes alarmes sur la question;
dans tous les cas, je crois à la vérité
de ce que j'ai avancé. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—Les explications données aujourd'hui par l'hon. pro
cureur-général du Haut-Canada sont bien
plus complètes que celles qui ont d'abord été
données, mais je crains qu'il n'y ait encore
quelque malentendu. Ainsi, l'hon. procureur-général du Haut-Canada a déclaré
qu'il soumettrait à la chambre à la prochaine session le projet de constitution des
gouvernements locaux; est-ce l'intention du
gouvernement ou de la députation chargée
d'aller en Angleterre, de faire approuver le
projet par le gouvernement impérial sans
le concours des provinces du golfe? Et si
les provinces du golfe ne se montrent pas
disposées à accepter le projet, est-ce que
le gouvernement en pressera l'adoption
pour l'appliquer aux deux provinces du
Canada? Si j'ai bien compris l'hon. procureur-général du Haut-Canada, il a dit que
le gouvernement déposerait à la prochaine
session devant les chambres la constitution
des législatures locales; or, s'il ne veut pas
pousser le projet, je ne vois aucune nécessité à ce que nous nous occupions des législatures
locales. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—
Je déclare ce que j'ai déjà dit auparavant,
savoir: que lorsque les présentes résolutions
seront votées, ceux qui seront chargés de
porter la chose à la connaissance du gouvernement impérial et d'en conférer avec lui,
prendront, sans aucun doute, les mesures
les mieux combinées pour nos intérêts.
(Ecoutez! écoutez! et on rit.)
M. RANKIN—Je remercie l'hon. député
de Cornwall d'avoir obtenu les explications
qui viennent d'être données, tout en faisant
mes réserves sur ce qu'il a ajouté. Ces
explications me satisfont amplement. (Ecoutez! écoutez!) Je vois avec plaisir qu'il
est de l'intention du gouvernement de poursuivre, sans s'occuper de ce que peuvent
faire les provinces du golfe, et de pousser la
mesure sans faire de cas du Nouveau-Brunswick, car nous devons nous rappeler que
nous nous occupons des intérêts du pays en
général, et que si le projet actuel est acceptable au peuple canadien, il devra l'être
aux quatre cinquièmes de la population de
l'Amérique du Nord. (Ecoutez! écoutez!)
Il est évident, même pour l'esprit le plus
borné, pour me servir des paroles de l'hon.
procureur-général du Haut-Canada, que
notre destinée est dans le dilemme suivant:
ou nous devons accroître et fortifier l'influence et la domination anglaise sur ce
continent, ou toutes les provinces s'en iront
une à une s'engouffrer dans la république
671
voisine. (Ecoutez! écoutez!) Telle a été
mon opinion pendant des années, et telle est
encore celle que j'ai aujourd'hui. Cependant, je me suis levé, M. l'ORATEUR, afin
d'obtenir une explication plus complète sur
un point dont il n'a pas été question, hormis
que ce soit avant mon arrivée ici. J'aimerais
à savoir quelle est l'intention du gouvernement à l'égard des volontaires aujourd'hui
stationnés sur la frontière: devront-ils y
demeurer au-delà du 1er mai prochain?
UN
HON. DEPUTE —La réponse a déjà
été donnée à cette question.
M. RANKIN—J'espère que le gouvernement demandera à la chambre les moyens
de maintenir sur pied le nombre de troupes
nécessaires, non pas seulement jusqu'en juin,
mais jusqu'en octobre, s'il le faut. (Ecoutez!
écoutez!)
M. GIBBS—Je pense que la politique
qu'a annoncée le gouvernement aujourd'hui
est ferme, énergique, droite et propre à lui
rallier la confiance de cette chambre et du
pays. (Ecoutez! écoutez!) Elle prouve
que le ministère est sérieux dans cette grave
question de la confédération, et quoique dise
l'opposition sur les motifs qui ont porté le
gouvernement à déposer devant la chambre
cette mesure au commencement de la session,
je répète que les paroles de l'hon. procureur- général du Haut-Canada sont de nature
à
détruire tout doute. (Ecoutez! écoutez!)
Si le projet valait quelque chose lorsque le
gouvernement déclara, dans le discours du
trône, son intention de le soumettre au vote
de la chambre, il doit aujourd'hui avoir la
même valeur, et j'espère que quelles que
soient les obstacles à vaincre, l'administration réussira à le faire mettre à exécution.
(Ecoutez! écoutez!) On a prétendu que
le gouvernement aurait dû commencer par
le projet de moindre importance au lieu de
celui qui en avait le plus:—je prétends,
pour ma part, M. l'ORATEUR, que le plus
renferme le moins, et que le gouvernement,
au lieu d'être blâmable dans ce qu'il a fait,
mérite au contraire la reconnaissance de
cette lambre pour lui avoir soumis tout
d'abord le plus considérable des deux projets.
(Ecoutez! écoutez!) Ce n'est pas souvent
qu'on voit des questions de cette gravité
emportées sans opposition; qu'on se rappelle
entr'autres celle des réserves du clergé, dont
la discussion fut accompagnée de débats si
vifs et si orageux et qui, après plusieurs
années d'efforts, finit par être réglée. Aujourd'hui, que nous sommes sur le point
d'obtenir ce que demande le Haut-Canada
depuis si longtemps—la représentation législative basée sur le chiffre de la population—
des difficultés nouvelles surgissent et s'opposent à ce résultat: aussi, j'espère
bien
que le gouvernement ne cèdera pas, mais
qu'il accomplira la volonté de la majorité
des membres de cette chambre et du peuple
de cette province, et qu'il consommera
l'union de toutes les provinces anglaises de
l'Amérique du Nord (Ecoutez! écoutez!)
Je vois avec plaisir que le gouvernement a
songé à la réciprocité commerciale de ce
pays avec les Etats-Unis. C'est là une
question des plus importantes, et n'eut-ce
été que cette considération, elle aurait encore
suffi pour me faire envisager avec joie l'adoption du projet actuel, parce qu'il aurait
été
bien plus facile de discuter cette question
avec le gouvernement impérial au moyen de
représentants de la confédération que par des
représentants de chaque province. Je répète
donc, M. l'ORATEUR, que la conduite du
gouvernement est de nature à inspirer la
confiance de ses amis, et je crois que tout
le pays l'approuvera. (Ecoutez! écoutez!)
J 'espère qu'il n'épargnera rien pour assurer le succès final de la mesure. (Ecoutez!
écoutez!)
DR. PARKER—Si je comprends bien les
déclarations que vient de faire le gouvernement, il se propose d'envoyer en Angleterre
une délégation chargée de discuter les trois
questions du traité de réciprocité, des fortifications et de la confédération telle
que
proposée à cette chambre. L'hon. procureur- général ajoute que la deuxième de ces
questions est très pressante et qu'il faut s'occuper
de suite du traité de réciprocité: —mais,
si ces questions sont aussi pressantes qu'il
le dit, pourquoi ne pas s'en occuper sur
le champ, indépendamment du succès
du projet actuel? (Ecoutez!! écoutez!)
L'époque des changements constitutionnels
dans un pays est on ne peut plus défavorable
à l'étude mûre et réfléchie de ces questions,
et s'il y a urgence, on doit s'en occuper de
suite et même avant le projet de confédération. Le comte RUSSELL fut, on s'en souvient,
la fable de toute la presse anglaise,
parce qu'il avait introduit le bill de réforme
durant la guerre de Crimée. Je repousse
vivement la tentative faite pour imposer à
cette chambre des changements constitutionels sous la pression du danger et d'une
guerre imminente. (Ecoutez! écoutez!) Celui- là n'est pas l'ami de son pays qui cherche
672
à créer des alarmes continuelles et pousse
sans cesse le cri de loyauté. (Ecoutez!
écoutez!) Le gouvernement actuel a été
formé expressément dans le but de porter
remède aux difficultés constitutionelles de
cette province, et je lui rappelle cet engagement. Le projet qui nous est soumis a
pour
objet l'union de toutes les colonies de l'Amérique Anglaise du Nord, et si le traité
est
sanctionné par le gouvernement impérial, si
le parlement anglais vote une loi basée sur
les présentes résolutions et que les provinces
du golfe persistent dans leur détermination,
quelle sera la situation qui nous sera faite?
Est-ce que ce plan de fédération devra être
appliqué aux deux Canadas? Eh bien! M.
l'ORATEUR, ce n'est pas là le remède constitutionnel que nous voulions, et je demanderai
à la chambre si elle est prête à l'adopter
pour nous-mêmes? (Ecoutez! écoutez!) Je
crois que le gouvernement aurait dû se
borner à la question constitutionnelle et
n'aurait pas dû la mêler avec celles de la
défense et du commerce de ce pays dans le
but de lui donner plus d'éclat. Il n'a pas
saisi le parlement de la question comme il
le devait, ou comme en ont été saisis les parlements des autres provinces, et la chambre
devra l'envisager de la manière suivante:—
Est-ce qu'il va être passé un acte impérial
pour établir la confédération entre les deux
Canadas d'après les résolutions actuelles?
Je ne suis pas prêt à accepter cette mesure
comme remède constitutionnel, et je ne
le veux pas dans cette forme. (Ecoutez!
écoutez!)
L'HON. M. McGEE—L'hon. député qui
vient de s'asseoir prétend que la question de
la confédération n'a pas été mise devant cette
chambre de la façon qu'elle l'a été devant la
législature des autres provinces; eh bien!
mes renseignements, qui sont peut-être aussi
exacts que les siens, me portent à croire
qu'on a suivi la même ligne de conduite ici que
dans trois des autres provinces, à savoir:
Terreneuve, l'Ile du Prince-Edouard et la
Nouvelle-Ecosse. Les dernières nouvelles
reçues ici font espérer que les résolutions
vont être votées par Terreneuve; dans la
Nouvelle-Ecosse, elles ont été mises devant
la chambre par le secrétaire provincial, qui
déclara que l'adoption des résolutions serait
proposée à un jour ultérieur. Du moins, c'est
la déclaration faite par l'hon. M. TUPPER,
secrétaire provincial.
L'HON. M. McGEE—Eh bien! ce discours
était très convenable. D'un autre côté, l'hon.
monsieur se rappellera que ce qu'il a dit de
quatre provinces est inexact pour trois d'entr'elles. Mon hon. ami, le député de North
Hastings (M. T. C. WALLBRIDGE), a nié que
l'influence américaine ait eu quoique ce soit
à faire avec le résultat des élections dans le
Nouveau-Brunswick. Je lui répondrai que
l'un des candidats heureux est l'agent de la
ligne des vapeurs américaine—la ligne intercoloniale—compagnie qui monopolise tout
le
commerce de transport dans le Nouveau- Brunswick, et dont pas une seule action
n'appartient à un habitant du Nouveau- Brunswick. (Ecoutez! écoutez!) Qui peut
supposer que l'on ne s'est pas servi de l'influence de cette compagnie dans les élections?
On a fait jouer toute espèce d'influence, et de
bateaux à vapeur, et de chemins de fer et de
mines et de pêcheries; et ce n'est pas trop avancer que de dire, pour ma part je le
fais sans
hésiter, que la lutte dans cette partie du
pays comme dans les autres s'est faite entre
Yankees et Anglais. Ç'a été une bataille
rangée et à découvert entre les intérêts
yankees d'un côté et les intérêts anglais de
l'autre, et ceux qui ont assez peu de générosité pour se réjouir de la défaite de
l'hon.
M. TILLEY, le font pour fêter le triomphe des
intérêts
yankees. Ce que je dis ici, je le
tiens de faits recueillis par moi dans dix
différentes visites que j'ai faites dans cette
province; aussi, je n'hésite pas à dire que
si mon hon. ami y eut été autant de fois que
moi, et eut eu les mêmes avantages de voir
les choses de près, il comprendrait qu'il y a
eu en jeu bien autre chose que le mérite ou
les désavantages du projet de confédération.
(Ecoutez! écoutez!) Entr'autres reproches
faits à l'hon. M. TILLEY, on lui a dit que
l'hon. M. MACDONALD avait déclaré que le
chemin de fer intercolonial ne pouvait pas
comme de juste, faire partie de la constitution: voilà un exemple du genre de guerre
qu'on lui a faite. La lutte a donc été entre
le préjugé et le patriotisme, entre l'ignorance°
et l'intelligence, entre l'influence yankee et
les grands principes de la politique anglaise
de l'Amérique du Nord. (Ecoutez! écoutez!)
Ceux qui se réjouissent de cet état de choses
peuvent s'en féliciter s'ils le veulent, mais
notre devoir à nous est d'obéir à l'opinion
véritable du pays, de montrer notre fermeté
et notre bonne foi en fesant adopter le projet
actuel, de prouver au reste de l'empire notre
résolution inébranlable de nous en tenir à la
673
ligne de conduite qui a été décidée, de faire
voir que nous ne changeons pas d'avis en
trois semaines et que nous ne fesons de
propositions aujourd'hui pour les répudier demain. (Ecoutez! écoutez!) Je
suis donc certain que si mon hon. ami de
North Hastings connaissait ce pays comme
moi, il en viendrait à la même conclusion.
Ajournement de six heures; à la reprise
de la séance:—
L'HON. M. ALLEYN—M. l'ORATEUR:—
Ceux à qui il a été donné de siéger, depuis
1854, dans la législature canadienne, ont eu
à expédier et à régler des matières de la
plus haute importance pour la province.
Des questions qui, dans d'autres pays plus
anciens, ont dissous les liens de la société,
ont causé des effusions de sang et presque
conduit à l'anarchie,—tel que l'acte de notre
tenure seigneuriale et celui des réserves du
clergé,—ont été définitivement et paisiblement réglées, non pas sans quelqu'injustice
envers un petit nombre, mais certainement à la
satisfaction du peuple en général. Cependant,
toutes ces questions, de la plus grande importance pour nous, ne sont rien comparées
à celle qui nous occupe en ce moment, car les
premières ne se rapportaient qu'aux intérêts
et à la prospérité d'une seule province, tandis
que le projet actuel se rattache à la création d'une constitution pour toutes les
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord, et pour un pays qui peut arriver à comprendre la moitié d'un continent et s'étendre,
par une chaine non interrompue, de l'Atlantique au Pacifique. (Applaudissements.)
Quoique la considération de cette grande
question ait déjà pris beaucoup de temps à
cette chambre, et que la gravité des matières
auxquelles elle se rapporte n'ait pas soulevé
dans l'esprit des hon. députés ces vifs sentiments de parti et d'individualité qui
sont
d'ordinaire l'accompagnement obligé de
questions d'une moindre importance et d'une
nature plus locale; je crois néanmoins, M.
l'ORATEUR qu'il n'est personne qui, s'intéressant à l'avenir de ce pays au nom duquel
nous sommes ici, peut ne pas finir par rester
convaincu que le sujet actuel mérite de
nous les plus graves et les plus calmes délibêrations. La question, M. l' ORATEUR,
n'est
pas nouvelle, car elle a été mise sous les
yeux du parlement et du peuple à diverses
reprises, et depuis 40 ou 50 ans nos hommes
d'état les plus distingués n'ont cessé plus
ou moins de s'en occuper. Elle a été exposée
aux populations de toutes les provinces de
l'Amérique du Nord dans une foule d'écrits
et de brochures, et aujourd'hui, à la suite
d'une combinaison d'évènements extraordinaires, tels peut-être qu'il ne s'en présentera
jamais, elle veut être discutée pratiquement par ceux-là qui peuvent lui donner de
la vie et de la vitalité (Ecoutez! écoutez!)
Nous sommes, à l'égard de la décision que
nous devons prendre sur cette question
importante, chargés d'une grande responsabilité. Dans cette combinaison extraordinaire
d'évènements dont je viens de parler, l'un
des faits les plus remarquables a été de voir
les hommes les plus éminents de toutes les
provinces, ayant chacun des opinions contradictoires, se décider à faire taire leurs
répugnances pour élaborer ensemble un projet
ayant pour but de favoriser les intérêts du pays.
À quelle époque a-t-il été donné de voir
les chefs des partis opposés abandonner les
avantages que donne toujours à un parti son
opposition à quelque grande mesure, pour
s'entendre dans une action commune? C'est
pourtant ce qu'il nous a été permis de voir
l'automne dernier dans la conférence de
Québec. Plusieurs des membres de cette
conférence savaient très bien qu'en agissant
ainsi ils risquaient leur position politique;
cette considération ne les a pas arrêtés, et
nous voyons aujourd'hui qu'en effet la difficulté était sérieuse. Quant à moi, je
considère que du moment où un homme agit
consciencieusement dans l'exécution de ses
devoirs, il préfèrera essuyer une défaite en
combattant pour une bonne cause que triompher avec une mauvaise. (Ecoutez! écoutez!)
Aussi, me semble-t-il qu'on ne peut
réfléchir à la conduite de ces hommes sans
leur décerner les plus grandes louanges pour
les sentiments élevés de patriotisme dont ils
ont fait preuve en cette circonstance. Quoi qu'on puisse dire de leur jugement, tout
le
monde conviendra que leur conduite est
digne des éloges les mieux mérités. (Ecoutez! écoutez!) En voyant d'un autre côté,
la question actuelle agitée par toutes les
provinces, faire tant de bruit en Angleterre
et même sur le continent européen, dans un
laps de temps aussi restreint, je crois que
nous devons nous convaincre qu'il existe
quelque raison toute puissante qu'il en soit
ainsi. J'ai soigneusement étudié la question
à ce point de vue, et je crois pouvoir dire
que la même raison se trouve dans l'histoire
de tous les peuples. Je me rappelle que
lord MACAULAY, dans un discours qu'il
fesait à l'université d'Aberdeen, en parlant
674
des évènements de 1848, déclarait que
depuis l'invasion des Huns jamais la civilisation n'avait couru d'aussi grands risques
que dans cette année-là. (Ecoutez! écoutez!)
Ces dangers sont passés, mais les résultats
en sont restés. Le flot menaçait de tout
submerger, mais, obéissant à la loi naturelle,
il s'est retiré au-delà de la limite de la basse
marée et a laissé à découvert plus d'une côte.
On semble se rire des petites nations, on se
moque de la bonne foi des traités, et dans
cet âge de civilisation, tant vanté, la doctrine
du droit du plus fort prévaut aussi fortement
qu'au 17me siècle. (Ecoutez! écoutez!)
Les Danois, peuple vertueux et brave, ont
été en butte à une guerre sans espoir, avec
l'Autriche et la Prusse, pendant que l'Angleterre et la France faisaient des représentations
dans des protocoles, mais des actes,
point. La Russie, sous son talon de fer, a
écrasé la dernière étincelle de la liberté de
la Pologne, et la libre Angleterre et la généreuse France sont demeurées silencieuses
devant les longues souffrances de la Pologne,
qui ont excité des sympathies si vives et si
universelles. (Ecoutez!) Au Caucase,
nous avous vu toute une nation abandonner
un sol qu'elle a défendu pendant des siècles,
perdant sur la route des mille et des dizaines
de mille de ses membres, pour chercher dans
les déserts cachés de l'Asie, le pain et la
liberté. Sur ce continent, la grande nation
qui nous avoisine, a eu recours à la dure loi
du sabre, et une déplorable lutte intestine y
exerce des ravages dans des proportions
inconnues depuis la campagne de Russie et les
guerres de NAPOLEON. Ces choses, d'après
les inflexibles lois de la politique, peuvent
être dans l'ordre, et les nations ne peuvent
pas rompre la dure loi de la non-intervention,
mais lorsque nous voyons de tels évènements
se passer autour de nous, ne devons-nous pas
en venir à la conclusion que tout pouvoir doit,
à moins de s'abdiquer, augmenter et empiéter, et que la pure justice et le droit
abstrait, sans des bataillons armés pour les
appuyer, seront toujours impuissants à conserver l'intégrité d'un territoire de même
qu'à assurer a protection de ses habitants.
En outre, dans les découvertes, dans les
arts et les sciences, nous voyons combien la
puissance des grands états a pris de l'essor,
comparativement aux autres plus petits.
Le télégraphie a annihilé le temps, les chemins de fer et les steamers ont dévoré
l'espace. La guerre ne peut plus être faite
que par des nations possédant des vastes
ressources, des engins et du matériel militaires. Un vaisseau de guerre bordé de fer,
avec son armement de canons Armstrong,
coûterait une année de revenu à une province. (Ecoutez! écoutez!) Et si nous
regardons autour de nous, nous voyons
ce principe d'agrandissement territorial, ces
alliances des diverses parties de nations et
ces unions entre diverses portions d'empire,
s'accomplir de tous côtés en vue des événements à venir. Le principe de centralisation
fait partout des progrès rapides; il
réunit ensemble les grandes nations et
oblige les petites à chercher dans des alliances réciproques le salut de chacune.
(Ecoutez! écoutez!) Ceci n'est pas de la
vaine théorie, mais résulte des faits. Jetez
les yeux sur l'Italie: qu'était-elle il n'y a pas
longtemps, sinon une multitude de petits
effets faibles et éparpillés. Qu'est-elle aujourd'hui, sinon une des premières puissances
du monde soumise À VICTOR EMMANUEL,
devenu roi de vingt-cinq millions d'individus. La France possède Nice et la Savoie
et convoite une partie de l'Amérique
centrale; la Prusse et l'Autriche ont volé
le Danemarek; la Russie a absorbé le Caucase
et s'avance dans l'Asie centrale; le Mexique
se transforme en un puissant empire; les
Etats-Unis, en fait d'hommes et de matériel de guerre, font preuve d'une vigueur
qu'on a rarement vue surpassée. Si de tels
faits se passent autour de nous, n'est-il pas
de notre devoir de considérer sérieusement
notre position et, s'il est possible, profiter
de l'occasion? (Applaudissements.) Ce que
j'ai dit s'applique à toutes les provinces et
à toutes les petites puissances; et il faut se
rappeler que nous avons, en Canada, des
difficultés qui nous sont propres. Ordinairement, de grandes questions donnent de
la
force aux gouvernements. La verge d'AARON
a dévoré les verges des magiciens; mais
quoique nous ayons réglé de grandes questions, nos gouvernements sont tombés comme
des châteaux de cartes. Les gouvernements
de coalition et ceux de partis ont tous
fini par partager le même sort, et l'on
en est venu, en fin de compte, à se demander si le gouvernement responsable
n'avait pas manqué son coup en Canada?
Avant que le cri ne se fut fait entendre pour
une augmentation de représentation dans le
Haut-Canada, plusieurs de nos hommes
publics les plus éminents avaient été repoussés de la vie publique; et il était devenu
évident pour ceux qui surveillaient les
675
événements, qu'il fallait qu'il y eut bientôt
un remaniement de la représentation basée
en partie, du moins, sur le nombre, ou qu'il
y eut une dissolution de l'union. Je crois,
M. l'ORATEUR, que ceux qui connaissent les
leçons de l'histoire et savent en profiter pour
en tirer parti dans les conjcctures qu'ils
hasardent sur l'avenir, doivent en être arrivés
à la conclusion que l'un des malheurs qui
pourraient le plus nous affliger, serait le rappel
de l'union entre le Bas et le Haut-Canada.
Quant à la représentation basée sur le chiffre
de la population, les appels aux passions et
aux préjugés qu'elle occasionnerait dans les
deux sections de la province seraient des plus
désastreux. (Ecoutez! écoutez!) Nous n'aurions pas manqué de voir éclater dans le
Bas-Canada le mécontentement le plus vif;
c'est pourquoi, en vue de toutes ces choses,
je ne puis m'empêcher de regarder comme
un grand avantage, pour le Canada, que
l'adoption de la confédération ait pour effet
de trancher ces difficultés sans créer le mécontentement que toute autre mesure, pour
la même fin, aurait inévitablement causé.
Ecoutez.) Mais, on me demandera peut- être, les provinces, eu s'unissant, deviendront-
elles une grande puissance? Je répondrai
franchement que je ne pense pas que tel
soit le cas pour le présent; je n'oserais
prédire, non plus, ce que l'avenir nous
destine; mais je crois que cette union nous
donnera une plus grande chance de remédier
aux maux auxquels j'ai fait allusion, ainsi
que de surmonter nos difficultés particulières;
et je dis qu'unis, nous posséderons des avantages que, séparés, quoique faisant partie
du
même empire, nous ne pourrons jamais
obtenir. (Applaudissements.) Nous ne serons
qu'un seul peuple quand il faudra délibérer,
décider et agir. Nous n'aurons qu'un tarif; le
commerce sera sans entraves; nos communications seront non interrompues et les provinces
maritimes nous donneront un port de
mer, pendant que les ressources manufacturières du Bas-Canada et les richesses
agricoles du Haut-Cauada, leur appartiendront. Un vaste champ sera ouvert à lambition
de nos gens, et nos hommes
politiques auront un bel avenir devant eux
et pourront justement aspirer à la position
et aux honneurs qui sont la récompense des
hommes d`état. (Applaudissements.) Comment pas croire après cela que l`union
de toutes les provinces ne sera pas des plus
avantageuses à chacune d'entr'elles, d'autant
plus que nous, Canadiens, avons des raisons
particulières de désirer encore plus que les
autres qu'il en soit ainsi? (Ecoutez!)
En effet, si nous nous unissons, avec l'appui
de la Grande-Bretagne, et si nous continuons d'être ce que nous sommes, ne faisant
pas d'appel à Jupiter sans mettre nous- mêmes l'épaule à la roue, nous n'avons
aucun ennemi à craindre; et si le jour
arrive où il devienne nécessaire pour nous
de prendre rang parmi les nations de la
terre, nous pourrons le faire dans des circonstances beaucoup plus favorables qu'en
demeurant provinces séparées. (Ecoutez!
écoutez!) Je m'abstiens de discuter les
détails du projet. C'est dans la nature des
choses que telle ou telle partie puisse déplaire
à quelques-uns de nous, mais je suis prêt à
accepter le moindre mal pour l'amour d'un
plus grand bien: car je sais aussi que lorsque
ce projet sera en opération, le parlement
uni y fera des changements, ou des amendements, au fur et à mesure que des inconvénients
se feront sentir sérieusement. Avec
de telles opinions, il est inutile pour moi de
dire que je voterai pour l'adresse et les résolutions tclles qu'elles sont. J'ai entendu,
vendredi soir, un hou. député (Le Col. HAULTAIN) déclarer que la minorité protestante
du Bas-Canada avait de sérieuses appréhensions au sujet de ses libertés religieuses.
Cet hon. monsieur a laissé percer des doutes
assez énergiques sur la tolérance des catholiques, en matière de religion. Tout en
donnant à cet hon. député tout le crédit
possible pour sa sincérité et la manière
modérée avec laquelle il s'est exprimé, je
crois qu'il eut mieux valu pour lui d'omettre
cette partie de son discours, car ses paroles
n'en auraient pu avoir que plus de poids
dans l'opinion publique. Je ne pense pas
que les protestants du Bas-Canada craignent
la persécution, et il en est parmi eux qui
sont en cette chambre, qui ne le cèdent à
personne en talents et en connaissances et
qui, par conséquent, ne sauraient manquer de
prendre leur défense. D'ailleurs, si cet hon.
monsieur avait lu l'histoire avec autant de
soin qu'il paraît avoir étudié la controverse
et la théologie, il ne serait tombé dans
l'erreur où il est tombé. Il aurait trouvé
que toutes les sectes chrétiennes ont eu raison
de rougir des persécutions de leurs coreligionnaires, et que la meilleure marche à
suivre est de jeter le voile sur les erreurs du
passé. (Ecoutez! écoutez!) Il aurait aussi
appris que ceux qui ont jeté les bases de la
constitution anglaise étaient des catholiques
676
(écoutez! écoutez!); que les barons qui
arrachèrent à JEAN la
magna charta étaient
catholiques. (Ecoutez! écoutez!) Ce fut un
parlement catholique, la diète de Hongrie,
qui, seul, accorda aux protestants une émancipation pleine, libre, et sans restriction,
et
les catholiques de la Bavière ont suivi cet
exemple. En Amérique, l'état catholique du
Maryland a le premier adopté la tolérance
religieuse, sans limites. Si l'hon. député
avait visité Rome, il aurait pu y voir une
église protestante et, chaque dimanche de
l'année, assister au service divin sous les
yeux mêmes du Pape.
M. T. C. WALLBRIDGE—ll n'y a pas
d'église protestante a Rome; je le dis parce
que je suis allé à Rome et que je connais la
chose.
L'HON. M. ALLEYN—Je ne prétends
pas non plus que cette église soit au centre
de la ville; mais elle existe dans Rome
proprement dite.
M. T. C. WALLBRIDGE—Je prétends
le contraire et affirme que cette église n'est pas
dans les limites de la ville, mais en dehors
des murs, et dans un renier.
L'HON. M. ALLEYN—Ce n'est pas non
plus un grenier, quoiqu'à vrai dire l'extérieur du temple ne soit pas des plus brillants.
Dans tous les cas, on y tolère l'exercice
de la religion protestante. Mais ceci n'est
qu'un incident léger occasionné par l'interruption de l'hon. député de Peterborough.
J'espère bien qu'il ne croira pas que j'aie
voulu le moins du monde le blesser personnellement, lui ou aucun autre hon. député;
la facon dont il a parlé dans cette enceinte
a été de nature à lui attirer les louanges de
tous: d'ailleurs, je regretterais beaucoup
qu'on put m'imputer l'intention d'offenser
qui que ce soit. Mon hon. ami m'a demandé
si je fréquentais l'église:—je lui répondrai que j'y vais chaque fois que je
suis certain d'y entendre un bon prêtre.—
Je dirai donc que si l'hon. député avait
voyagé en France, il eût pu voir un clergé
protestant recevant de l'Etat un traitement
plus élevé d'un cinquième ne celui du
prêtre catholique, et cela, par la raison qu'il
peut avoir une famille à supporter. Dans
le Bas-Canada, une législature catholique à
donné l'égalité de droits aux Juifs, et
cela, une génération avant que l'Angleterre
éclairée eût émancipé les catholiques. (Ecoutez! écoutez!) L'histoire des Juifs est
un
terrible avertissement pour tous ceux qui
exercent des persécutions. Les Juifs, qui
étaient le propre peuple de Dieu, ont donné
ce mauvais exemple. Pour leur foi, ils ont
crucifié, et pour leur foi, durant mille ans,
ils ont été opprimés et maltraités comme
aucune nation ne l'a jamais été. Ce n'a pas
été par la persécution que les membres de
l'église catholique romaine comptent au moins
150,000,000, pendant que toutes les autres
dénominations chrétiennes ne comptent que
120,000,000. S'ils eussent en pour règle
l'intolérance et la persécution, par une loi
inévitable, ils auraient depuis longtemps
détruit ce qu'ils voulaient conserver, et
MACAULAY n'aurait pas été obligé d'écrire,
avec regret, comme il l'admet, que—
"L'Eglise de Rome, ayant vu le commencement
de tous les gouvernements et de tous les établissements ecclésiastiques qui existent
maintenant
dans le monde, on ne peut être assuré qu'elle ne
soit pas destinée à voir la fin de tous. Elle était
grande et respectée avant que le Saxon mit le
pied en Bretagne, avant que la France eût passé
le Rhin, lorsque l'éloquence grecque florissait
encore à Antioche, lorsque les idoles étaient
encore adorées dans les temples de la Mecque.
Et elle pourra encore exister, avec une vigueur
non amoindrie, lorsque quelque voyageur de la
Nouvelle-Zélande s'appuiera, au milieu d'une
vaste solitude, sur une pièce rompue du pont
de Londres, et fera un croquis des ruines de Saint
Paul."
J'espère bien qu'en lisant cet extrait et
en le rapportant à propos de ce que j'ai à
dire, mon hon. ami ne croira pas que j'aie
voulu blesser ses convictions en parlant de
l'écroulement prochain du pont de Londres
ou de la ruine précipitée de la cathédrale de
St. Paul. (On rit.) Je puis assurer mon
hon. ami que le sentiment le plus répandu
parmi les catholiques du Bas-Canada, est la
tolérance la plus entière et la plus absolute
envers toutes les dénominations religieuses.
Pour ma part, M. l'ORATEUR, je trouve que
la persécution exercée contre les croyances
religieuses est un crime contre l'humanité
et un péché contre le créateur.—Je dois,
cependant, dire une fois de plus, en termnant, que je voterai our la résolution
maintenant devant la chambre. (Applaudissements.)
M. H. MACKENZIE—M. l'ORATEUR:
Les débats me paraissant interrompus, je
saisis cette occasion qui m'est offerte d'exprimer en peu de mots mon opinion sur
le
projet. Je dois d'abord féliciter le gouvernement de l'attitude qu'il à prise quant
à
l'échec que cette mesure vient d'éprouver.
Après la réception des nouvelles défavorables
677
des provinces inférieures, les partisans et
amis du cabinet sont restés dans une espèce
d'incertitude quant à la décision qu'il allait
prendre dans cette éventualité. Chez moi,
cette incertitude n'a pas existé. Ma confiance dans le gouvernement m'assurait qu'il
se mettrait au niveau de la circonstance,
c'est-à-dire qu'il demanderait à la chambre
de se prononcer pour ou contre le projet.
Si le résultat des premières élections qui
viennent d'avoir lieu au Nouveau-Brunswick
sont l'expression réelle de l'opinion du
peuple de cette province, il est évident que
le projet d'union est manqué de ce côté-là;
mais aucune province ne s'est encore prononcé ni pour ni contre, et bien que les
nouvelles reçues annoncent que le parti de
l'union a été défait aux élections du Nouveau- Brunswick et que la réussite du projet
se
trouve ainsi retardée, ce n'est pas une raison
pour que nous, qui sommes les promoteurs
du projet, donnions un mauvais exemple en
l'abandonnant immédiatement. Le devoir
qui nous reste à remplir à l'égard de la proposition soumise au parlement par le cabinet
est bien simple, car il ne s'agit que de
l'adopter ou le rejeter dans son entier. (Ecoutez! écoutez!) Je n'occuperai pas l'attention
de la chambre aussi longtemps que je
l'eusse probablement fait si j'avais parlé au
commencement des débats, et cela pour deux
raisons: d'abord parce que la matière a été
épuisée par ceux qui m'ont précédé; ensuite,
parce que Je crois que le gouvernement a
de bon motifs de vouloir que la chambre
termine ces débats le plus tôt possible. Je
comprends sans peine toute l'importance
qu'il y a de faire connaître le plus tôt possible au gouvernement impérial l'opinion
du parlement canadien sur cette question.
Cependant, je ne croirais pas m'acquitter
complètement de mes devoirs de député si
je me bornais à donner un vote silencieux.
M'étant rencontré avec mes électeurs avant
l'ouverture de cette session, je leur ai parlé
de ce projet, tout en leur faisant part de
certaines objections que j'avais à quelques- uns de ses détails. (Ecoutez! écoutez!)
Mais,
M. l'ORATEUR, si je n'ai pas cherché à faire
valoir ici ces objections, c'est que tout en
les désignant à mes mandataires je leur ai
formellement dit que, dans les cas où les
gouvernements des différentes provinces
seraient convenus de l'adopter tel quel, avec
la condition qu ils exigeraient qu'il fut ainsi
accepté ou rejeté par leurs parlements respectifs, je voterais pour la mesure quand
même.
(Ecoutez! écoutez!) Pour ce qui est de
l'appel au peuple sur ce sujet, je puis sans
crainte voter contre toute proposition faite
dans ce but. J'ai dit aux électeurs d'Oxford
Nord, que selon moi un appel au peuple
n'était nullement nécessaire et ils se sont déclarés de mon avis. A ceux des hon.
membres
qui demandent à grand cris une disolution
dans le seul but de connaître l'opinion du
peuple sur la mesure, mais qui ne nient pas
au parlement le droit de legiférer sur ce
sujet, je me permettrai de dire que s'ils
n'ont pas consulté leurs commettants dans
ce cas-ci, ils auraient dû le faire. Pendant
plusieurs mois ils ont eu en leur possession
le projet dans tous ses détails, et je pense
qu' une fois rendus en chambre ils auraient
dû savoir si leurs commettents étaient ou
non en faveur de cette mesure. Aux assemblées qui ont eu lieu dans mon comté, je n'ai
rencontré que deux individus qui fussent
totalement opposés au projet, bien que
plusieurs, sous certains rapports, eussent
préféré qu'il fut différent de ce qu'il est.
La population était si bien disposée en faveur
d'un projet d'union, que dans la ville de
Woodstock, où eut lieu une très nombreuse
assemblée, le rédacteur d'un journal qui,
jusque là, avait écrit en faveur d' une dissolution avant l'adoption du projet, fut
le premier à proposer une résolution approuvant
le projet dans son entier, et que, ni dans
sa proposition ni dans son discours, il ne fut
question de l'appel au peuple; et cette
assemblée se prononça unanimement pour le
projet. (Ecoutez! écoutez!)
M. RYMAL—Peut-être la circulaire avait
elle été envoyée à ce rédacteur. (On rit.)
M. H. MACKENZIE—Si cela était, je
ne sache pas qu'il en ait retiré grand chose
ou qu'elle ait eu l'effet de modifier sa politique. Je suis très convaincu que le
peuple
ne s'oppose nullement à ce que ce parlement
se prononce sur ce projet de confédération.
Cela dit, M. l'ORATEUR, je vais faire en peu
de mots l'exposé de mes opinions sur les
principes qui servent de base au projet.
L'autre soir, l'hon. député de Brome en a
fait une habile revue, et, entre autres choses,
il se proposa de démontrer que la constitution
projetée différait on ne peut plus de la constitution anglaise, et qu'elle embrassait
une
trop grande partie du système républicain
des Etats-Unis pour que des Anglais ne s'en
aperçussent pas; mais, contrairement à sa
promesse, il ne réussit qu'a prouver, si
toutefois il prouva quelque chose, que sur
678
un point à peine elle était modelée sur celle
de la république. Il a même fini par
désapprouver ce projet parce qu'il différait
trop de la constitution des Etats-Unis, à
laquelle, selon lui, il est inférieur. Quant à
moi, M, l'ORATEUR, je l'accepte pour ses
principes monarchiques et anglais. (Ecoutez!
écoutez!) Je vois en lui plutôt une constitution nationale que fédérale, et c'est
surtout
pour cela que mon appui lui est assuré.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de
Lotbinière a différé de cette opinion l'autre
soir, car, selon lui, à moins que le pouvoir
suprême ne puisse être exercé par les provinces
indistinctement, le principe cesse d'être
acceptable pour le Bas-Canada, vu qu'autrement ses institutions se trouveraient en
danger. Il a même poussé la bizarrerie
jusqu'à vouloir prouver l'instabilité des fédérations établies sur le seul principe
qu'il est
disposé à accepter pour ce pays. Voici en
substance son argumentation sur ce point:—
"L'hon. ministre de l'agriculture a dit du principe fédéral que c'était à cause de
la faiblesse du
pouvoir central que les confédérations n'avaient
pu subsister, et que dans l'union projetée par
nous, cette faiblesse n'existerait pas dans le pouvoir
central; or, c'est précisément par rapport à ce
pouvoir que mes compatriotes Franco-Canadiens
ne sont pas pour la confédération, attendu qu'à
proprement parler les parlements locaux seraient
sans pouvoir aucun. (Ecoutez! écoutez!) Toutes
les confédérations dont j'ai parlé ont au moins
cette excuse d'être composées d'états souverains,
et lorsqu'ils sont menacés par d'autres puissances,
ces états se liguent entre eux dans un intérêt
commun."
Eh bien! M. l'ORATEUR, la raison qui
porte cet hon. membre à repousser le projet
est justement celle qui me le fait accepter.
Je me pose comme défenseur d'une unité
nationale, car je ne voudrais pas accéder au
principe de la souveraineté d'état dans cette
confédération, en vertu duquel les provinces
délégueraient certains pouvoirs au gouvernement général et réserveraient pour elles-
mêmes l'exercice de tous les autres. (Ecoutez!
écoutez!) Ainsi que l'a fait le député de
Lotbinière, nous n'avons pas besoin de consulter l'histoire des républiques de l'Amérique
du Sud pour trouver un exemple de la
mise en pratique du principe fédéral que l'on
veut implanter ici. Ces gouvernements étant
non-seulement républicains, mais constitués
sur le principe de souveraineté partagée, et
leurs populations n'ayant aucune aptitude
pour le fonctionnement des institutions
démocratiques, ils ne sauraient être comparés avec notre constitution projetée.
Si l'hon. député tenait à aller chercher
dans l'Amérique du Sud quelque chose
qui put entrer en parallèle avec ce projet
d'union, il aurait pu le trouver dans la
monarchie constitutionnelle du Brésil, dont
les immenses provinces ont des parlements
locaux, contrôlés par un parlement central et
un exécutif, lesquels sont élus et formés, à peu
d'exception près, comme le seront notre parlement central et notre gouvernement général,
et il exercent des pouvoirs analogues à ceux
que les nôtres exerceront. Il aurait vu que
pendant que les républiques fondées sur la
doctrine de la souveraineté des états sont
perpétuellement en révolution, l'empire du
Brésil est florissant et donne des signes d'une
stabilité qui portent à prédire sa grandeur
future. (Ecoutez! écoutez!) Mais sans aller
si loin, M. l'ORATEUR, nous avons d'abondantes preuves du caractère dangereux de
la doctrine de la suprématie d'état dans une
confédération. il ne s'agit que de rappeler
à la chambre la ruine dont étaient menacés
les Etats-Unis sous leur première coustitution,
qui était basée sur ce dangereux principe;
et combien cette ruine parut imminente aux
yeux des grands hommes de ce pays et des
la première année de cette république.
Voyant la confédération décliner rapidement,
WASHINGTON, dans sa correspondance avec
les premiers patriotes du jour, ne cesse de
demander leur opinion sur l'opportunité d'une
nouvelle constitution, et, à cet égard, voici
ce que MADISON lui répondait:—
"Considérant que l'indépendance individuelle
des états est tout à fait incompatible avec leur
souveraineté collective, et trouvant qu'une réunion de ces états en une simple république
serait aussi inexpédiente qu'impossible, j'ai cherché à trouver un système occupant
un juste
milieu, et à l'aide duquel la suprématie de l'autorité nationale pourrait être sur
le champ exercée
par un seul corps, sans pour cela exclure les
autorités locales où, en sous ordre, elles peuvent
utilement exister."
Les convictions de M. JAY en faveur
d'une autorité suprême sont également bien
arretées, ainsi qu'on peut le voir par ce que
je vais citer de lui:
"Quels pouvoirs," dit-il "devraient être conférés au gouvernement ainsi constitué,
est une
question qui demande beaucoup de réflexion;
mais je pense que plus il on aura le mieux ce sera,
les états ne devant avoir que l'autorité nécessaire
à leurs fins locales."
De même, HAMILTON, parlant de fédération comme celle connue jusque là et comme
celle qui existait alors en Amérique,—car
679
il avait le même désir que ses compatriotes
d'éviter à son pays l'anarchie et la ruine
qu il voyait approcher, et qui étaient le résultat inévitable d'une souveraineté partagée,
—s'adressa en ces termes au chef de la république:
"Tous les gouvernements fédéraux sont faibles
par le fait que l'autorité est partagée. Pour
éviter les maux qui découlent de cette forme, il
faut que le gouvernement de l'Union Américaine adopte le système de représentation
nationale. Mais nul système analogue ne pourrait
réussir dans la situation actuelle du pays, à
moins qu'il ne soit adopté avec tous ces principes
et moyens d'influence et de pouvoir qui sont
nécessaires au maintien d'un gouvernement. Il
faut: par conséquent, que ce dernier soit complètement souverain, et que le pouvoir
des états,
comme pouvoir législatif distinct, soit aboli."
Si je donne lecture de ces extraits, c'est
afin de démontrer avec quelle rapidité le
gouvernement central des Etats Unis perdait de son prestige par le fait de sa subordination
aux états, et que. les hommes d'état
de l'Amérique, alors que la république
était encore dans son enfance, reconnaissaient que la doctrine de la suprématie d'état
était propre à enfanter une arnarchie qui
eut sous peu détruit leur oeuvre. Je cite
aussi ces faits pour faire voir avec quelle
ardeur ils travaillèrent à faire disparaître ce
mal et pour transférer au gouvernement
central cette souveraineté qui était la seule
espérance sur laquelle ils comptaient pour
maintenir la paix, l'ordre et rendre stable
leur système. Quant à nous, M. l'ORATEUR,
qui nous à adopter une constitution pour
ces provinces, je crois qu il serait sage de
profiter, non seulement de la première expérience de nos voisins, mais aussi de celle
qu'ils ont acquise dans ces derniers temps,
afin de constater jusqu'à quel point ils ont
réussi à faire disparaître les défectuosités de
leur nouvelle constitution, et jusqu'à quel
point leur difficultés actuelles peuvent être
imputées à ce qui reste de vicieux dans leur
système de gouvernement. Profitons de la
sagesse des auteurs de la constitution américaine et de l'expérience du pays gouverné
par elle, non pour copier leur œuvre, mais
pour qu'elles nous aident à éviter pour nous
les maux que ce pays a soufferts. Croyant
que la convention de Québec a su profiter
un projet de constitution qu elle nous a donné
un projet de constitution dont les principes
concordent bien avec ceux de la monarchie
britannique et avec cette allégeance que
nous devons et que nous rendons tous avec
empressement au trône de la Grande-Bretagne, je donne volontiers mon appui à la
mesure. (Ecoutez! écoutez!) Je vais maintenant, M. l'ORATEUR, examiner ce projet
au point de vue des différentes provinces,
et sous ce rapport, je le trouve conforme à
la justice. Le partage de la dette et d'autres
arrangements financiers ont été le sujet de
beaucoup de remarques et d'explications,
tant dans cette chambre que dans l'autre.
On accuse les délégués canadiens d'avoir
pratiqué la corruption pour engager les provinces inférieures à entrer dans la confédération,
et, dans la conférence, d'avoir sacrifié
les intérêts du Canada, tant était grand leur
désir d'amener à bonne fin un projet qui ne
devait son origine qu'aux difficultés politiques dans lesquelles ils se trouvaient.
Un
hon. monsieur a affirmé que la population
n'est pas la base d'après laquelle doit être
réparti le fardeau de la dette publique, et
qu'en l'adoptant, le Canada allait avoir à
payer plusieurs millions de plus que sa part.
Le revenu, a-t-on dit, est la véritable indice
de ce qu'un pays peut payer, et le revenu,
par conséquent, devrait servir de base à ce
partage. Si l'impôt était uniforme dans
toutes les provinces, cet argument pourrait au moins paraître juste; mais comme
dans ces provinces il est prélevé sous l'opération de différents tarifs, je pense
que la
population est une plus juste base que le
revenu; cependant, en prenant les revenus
tels que nous les trouvons sous ces tarifs
actuels, et en réglant le partage de la dette
sur cette échelle, nous voyons qu'il y a très
peu de différence avec le partage arrêté; et
si les tarifs des provinces maritimes étaient
un peu plus élevés qu'ils ne le sont aujourd'hui, je pense, M. l'ORATEUR, que leur
consommations démontreraient, non seulement qu'elles seraient en mesure de contribuer
d'après cette échelle, mais aussi qu'il
n'en a nullement été imposé au Canada à
l'égard du montant de la dette avec laquelle
il leur sera permis d'entrer dans l'union.
Je pense que dans ce projet les intérêts de
chacune des cinq provinces sont bien consultés, et qu'à cet égard tout est assez bien
arrangé pour qu'il n'y ait que très peu à
redire. (Ecoutez! écoutez!) Mais pour en
parler au point de vue haut-canadien,—et
c'est aussi mon devoir comme un des représentants de cette section,—je vais dire quelques
mots à l'égard d'une ou deux des objections
faites par l'hon. député d'Ontario Nord. Cet
hon. monsieur reproche aux Haut—Canadiens
680
d'avoir oublié ou mis de côté leurs anciennes opinions sur le projet de la représentation
d'après le nombre, et afirme ouvertement que l'hon. président du conseil, comme
chef du parti qui voulait cette réforme, a
consenti à une mesure qui n'est au fond
qu'un leurre, puisque de fait elle veut mettre
le Haut—Canada dans une position pire que
celle où il se trouve actuellement. Il dit
qu'au lieu d'étre comme aujourd'hui sur un
pied d'égalité dans la législature, il aura
contre lui dans la nouvelle union une majorité
de 30 voix. L'hon. membre s'appuie de
fausses données quand il dit que le Haut- Canada n'obtient pas, par ce projet, ce
que
sa population demande depuis longtemps: la
représentation d'après le nombre; et lorsqu'il
dit que dans la législature générale toutes les
autres provinces réunies auront contre lui
une majorité de 80 voix, je trouve, M.
l'ORATEUR, cette assertion injuste, car elle
paraît fondée sur la présomption que le
Haut—Canada ne demandait une augmentation de représentation que pour obtenir la
suprématie dans le gouvernement; or, je
nie formellement cela, non seulement en mon
nom, mais en celui de tout Haut-Canadien
qui a demandé un changement à notre représentation Nous n'avons pas demandé ce
changement pour avoir la prépondérance,
mais simplement et seulement comme mesure
de justice envers le peuple du Haut-Canada,
c'est a dire our le mettre sur un pied d'é galité avec a Bas. Nous avions à nous
plaindre de certains griefs que la représentation d'après le nombre n'aurait pu redresser;
nous avions à nous plaindre de ce qu'une
plus grande partie du revenu public, auquel
nous contribuions dans la proportion de 70
pour cent, était dépensés dans le Bas-Canada;
nous avons aussi eu à nous plaindre de ce
que des actes législatifs, concernant surtout
le Haut-Canada, ont été passés par des majorités du Bas. Nous n'avons pas demandé
la
représentation d'après le nombre parce qu'elle
mettrait fin a toute injustice, mais pour être,
dans cette chambre, sur un pied d'égalité
avec le Bas-Canada, et rien de plus. C'est
là tout ce que nous avons demandé; nous
n'avons jamais demandé plus que ce qui
était juste; nous n'avons demandé que
justice égale, que l'égalité de représentation,
homme pour homme, et cette justice accordée,
nous reprendrons volontiers la lutte à l'effet
d'obtenir le redressement des griefs dont
nous avons à nous plaindre. Nous n'avons
jamais demandé la suprématie, mais nous
avons réclamé une juste part d'influence en
raison de notre nombre et de la part du
revenu public que nous payons. Ce point
obtenu, nous étions déterminés à essayer si
cette influence bien appliquée dans la constitution suflirait ou non à. faire disparaître
la cause de nos griefs. (Ecoutez!) Prétendre
que nous n'obtenons pas ce que nous avons
demandé; dire aujourd'hui que nous n'avons
pas la représentation par la population parce
que les provinces du golfe réunies au Bas- Canada auront trente voix de plus que nous
c'est simplement faire insulte et injustice au
Haut-Canada. L' histoire du parlement anglais
et notre propre expérience en Canada nous
garantissent que, dans la législature générale,
nous ne verrons pas les partis divisés au
nom des difiérentes provinces, comme l'ont
prétendu les adversaires du projet. Sous
notre constitution actuelle, nous ne sommes
pas divisée par sections, mais en partis politiques, car nous trouvons, dans les aux
sections, des hon. membres qui se rangent
du côté ou leurs prédilections politiques les
entraînant sans tenir compte d'aucune considération lacale; il en sera de même dans
la confédération projetée. Nous aurons,
comme aujourd'hui, des conservateurs et des
radicaux. Dans les deux partis politiques
qui divisent actuellement le Canada, ne
trouvons-nous pas des hommes des deux races?
Il est vrai que le besoin de changements
constitutionnels nous a, jusqu'à un certain
point, divisés en deux sections; mais sur
toutes les autres questions, commerce, banques
tarifs de douanes, accise et autres, nous avous
vu les hon. membres voter suivant leurs opinions et non comme représentants de sections.
Ce sera la même chose dans la confédération.
Nos populations adopteront de même des
opinions politiques et non des idées de
section. (Ecoutez!) Donc, en disant qu'il y
aura toujours une majorité contre le Haut- Canada, on affirme que ce sera une guerre
perpétuelle entre le Haut-Canada et les
autres provinces. Mais de quel droit le
Haut-Canada serait-il l'Ismaël de la confédération? Pour ma part je ne le vois pas.
(Ecoutez!) L'addition de dix-sept membres
au Haut-Canada avec la garantie d'une nouvelle répartition tous les dix ans, d'après
l'accroissement ou la diminution de la population dans chacune des provinces, est
une
disposition parfaitement équitable pour tous,
et le Haut-Canada n'a jamais demandé plus.
Mais, monsieur l'ORATEUR, l'hon. membre
pour Ontario Nord, n'accuse pas seulement
681
les Haut-Canadiens qui soutiennent ce projet,
d'avoir manqué à leurs principes et de
donner au Haut-Canada le contraire de ce
qu'il demande, il prétend de plus qu'avec nos
principes nous avons sacrifié tous nos intérêts.
Un autre hon. membre a prétendu la même
chose en disant qu'on avait entraîné les
provinces du golfe dans ce projet aux frais
du Haut-Canada, et que nous paierons au
Bas-Canada une subvention annuelle de
$167,000 par année; puis il se demande si, sous
le régime actuel, le Bas-Canada a jamais rien
demandé de semblable. Il nous dit encore
que pour chacun des dix-sept membres additionnels que nous aurons dans le gouvernement
fédéral, nous paierons $16,000 par
année. Quant aux provinces du golfe, je
crois qu'il est difficile de démontrer que leur
union avec nous sera à notre détriment. Elles
contribueront par tête, au revenu général
autant que le Haut-Canada et l'union ne
pourra que diminuer nos charges. Telle est
du moins la conclusion à laquelle je suis
arrivé et à laquelle on viendra, je crois, tout
hon. membre qui voudra bien étudier la
position que vont prendre les provinces en
intervenant dans les questions financières
à régler entre le Haut et le Bas-Canada. Je
ne vois pas bien où l'hon. membre est allé
puisser ses chiffres, je ne comprends pas,
entr'autres choses, sur quoi il appuie son assertion relative à la subvention de $167,000
par année. Il faut se rappeler, monsieur
l'ORATEUR, que les Haut-Canadiens ont fait
valoir qu'ils paient un prix énorme pour
l'union avec le Bas-Canada; qu'en raison de
cette injustice, ils ont demandé la représentation par la population, afin d'avoir
une
juste part du revenu auquel ils contribuent
si abondamment. Nous nous sommes plaints,
en mille circonstances dans cette chambre,
de ce que nos deniers étaient affectés à des
sections qui ne payaent rien ou presque
rien au revenu; que nous payions soixante- dix par cent et le Bas-Canada trente par
cent; que, malgré cela, la répartition des
deniers entre les deux provinces était faite
également que, d'après ce système, le
Haut-Canada payait non seulement ses améliorations et son administration locales,
mais
contribuait largement aux besoins du Bas- Canada. (Ecoutez!) C'était plutôt ces questions
locales qui avaient fait naître la discorde
que la dépense générale, car, elles constituaient
des griefs notaires faciles à comprendre et
qui se manifestaient ouvertement chaque
année dans le budget soumis à la chambre.
On votait tous les ans une somme de deux
millions pour améliorations locales, comprenant le budget de l'éducation, des hôpitaux,
des institutions de charité, et l'ouverture des
chemins de colonisation. La moitié de cette
somme étant appliquée au Bas-Canada, nous
prétendions que le Haut-Canada contribuait
soixante-dix pour cent. Si cela était vrai,
et personne n'a prouvé le contraire, il était
évident que le Haut-Canada subvenait non
seulement à ses dépenses locales, mais payait
encore presque la moitié des allocations du
Bas-Canada. Je ne crois pas, toutefois, que
personne se plaigne du fait même que nous
payons une somme si considérable au revenu
public. Dans notre système de taxe indirecte, et même d'après tout autre système,
la plus riche portion d'une société doit
supporter la plus large part des impôts
publics, c'est même un droit. Je ne me plains
pas du fait même que le Haut-Canada paie
au revenu une portion plus considérable que
le Bas-Canada, parce que si le Haut-Canada
consomme les articles sur lesquels il y a des
droits, c'est parcequ'il le veut bien. On
n'exige pas cette consommation, mais si elle
s'opère et si le Haut-Canada paie davantage
au trésor public, il n'a point droit de se
plaindre de ce que les populations Bas-Canadiennes, plus frugales et plus économes,
consomment moins d'articles sujets aux droits
et, par suite, contribuent au revenu dans
une moindre proportion. Le Haut-Canada
ne se plaint pas de cela, mais il donne ce
fait comme une raison pour laquelle il doit
avoir une juste part dans la législation et le
gouvernement du pays. Nous ne prétendons
pas à une représentation plus forte que celle
du Bas-Canada parce que nous payons plus,
mais nous disons que si tel est le cas nous
devons avoir un plus grand contrôle sur la
dépense des deniers publics. (Ecoutez!)
Or, tel étant le vrai motif de notre plainte,
toute personne qui a étudié la question
reconnaitra avec moi que, dans notre système
actuel, le Haut-Canada paie au Bas-Canada
une somme annuelle d'un demi-million de
piastres pour les besoins locaux de cette
dernière section; et si l'hon. membre pour
Ontario Nord veut bien comparer la proportion de quatre-vingt centins par tête qu'on
propose de payer au Bas-Canada avec le
montant que le Haut-Canada lui paie aujourd'hui, il trouvera, comme moi, que le
système proposé est appelé à réaliser une
économie considérable. (Ecoutez!) Ainsi
donc, par cette mesure, nous obtenons la
682
représentation par la population, et de plus
nous avons le remède aux griefs que la
représentation par la population devait
redresser à elle seule. (Ecoutez!) Non- seulement nous réalisons une économie, mais
nous banissons à jamais de cette enceinte la
cause permanente de discussions ou plutôt
d'altercations pénibles et peu convenables.
(Ecoutez!) L'inconséquence des adversaires
du projet est étonnante. Sous ce rapport,
l'hon. membre pour Lotbinière s'est surtout
mis dans le cas d'être taxé d'inconséquence.
Il accuse l'hon. procureur-général du Bas- Canada d'inconséquence, pour ne rien dire
de plus. Pour la seule raison qu'il occupe sa
position actuelle et ne se préoccupe pas suffisamment des intérêts du Bas-Canada,
dont il
est le chef, voici ce qu'a dit l'hon membre:
"L'hon. membre pour South-Oxford demandant
la représentation par la population et l'hon. procureur-général du Bas-Canada la refusant,
se sont
posés tous les deux comme les champions de leurs
sections et en sont devenus les chefs...
Grâce à son énergie, à sa connaissance intime du
fort et du faible de ses compatriotes, le procureur- général du Bas-Canada est parvenu
à conquérir
le rang, que personne ne peut lui disputer, de chef
de la nationalité canadienne-française."
(Ecoutez! écoutez!)
L'hon. membre pour South-Oxford (M.
BROWN) est ici représenté comme ayant
gagné la popularité en attaquant les institutions du Bas-Canada, et l'hon. membre
pour
Montréal-Est (M. CARTIER) comme ayant
mérité la sienne en défendant ces mêmes
institutions, puis on insinue qu'il vient, tout- à-coup, de les mettre à la merci
de l'hon.
président du conseil. Or, je demanderai à
l'hon. membre pour Lotbinière, puisque par
le fait même qu'on est partisan de l'hon.
membre pour South-Oxford on doit être
l'ennemi juré des institutions du Bas-Canada,
comment se fait-il que lui-même et ses amis
se sont rangés du côté de l'hon. président du
conseil, alors au fort de cette lutte, et ont
abandonné l'hon. procureur-général du Bas- Canada qui défendait les institutions Bas-
Canadiennes? La réponse est difficile, car
la question peut se résumer dans ce dilemme:
ou l'hon. membre a été profondément déshonnête en politique, ou il est profondément
déshonnête aujourd'hui.
M. JOLY—Je n'ai jamais soutenu l'hon.
procureur-général du Bas-Canada, et si je me
suis trouvé du côté de l'hon. président du
conseil c'est que nous étions également
opposés à l'hon. procureur-général. C'était
le seul lien qui nous unissait, car sur la question de la représentation nous avons
toujours
différé d'opinion. Dans ce que signale l'hon.
membre, j'ai voulu dire que l'hon. président
du conseil a gagné sa position actuelle en
attaquant les droits du Bas-Canada que
l'hon. procureur-général du Bas-Canada a
toujours fait profession de défendre. Mais
quand il ont découvert que cette lutte ne les
menait à rien, ils se sont donné la main et
nous voyons aujourd'hui le résultat (Ecoutez! et rires.)
M. H. MACKENZIE —En tout cas,
l'hon membre admet qu'il a viré casaque.
Car lorsque l'hon. procureur-général défendrait les institutions du Bas-Canada, il
lui
était opposé, et maintenant que ce dernier
fait le contraire, au dire de l'hon. membre
pour Lotbinière, il le combat encore.
M. JOLY—Je lui étais opposé, pour bien
des raisons mais pas pour celle-là.
M. H. MACKENZIE—Enfin l'hon.
membre a apporté son tribut à l'influence
acquise par l'hon. membre pour South
Oxford en attaquant les institutions du Bas- Canada. J'ai déjà dit que tout le monde
n'était pas satisfait de ce projet. Et, à ce
propos, je dirai un mot de la constitution du
conseil législatif; je serai court. Dans mon
adresse à mes électeurs, je me suis opposé à
cette partie des résolutions. le n'est pas
que je me soucie beaucoup de ce que nous
ayions un conseil législatif nommé par la
couronne ou élu par le peuple, mais le principe nominatif ayant été abandonné pour
le
principe électif, je préférais qu'en s'en tînt
là. C'est dans ces termes que j'ai parlé au
peuple. Après avoir parlé dans une ou deux
assemblées, je vis la dépêche du secrétaire
des colonies, et je remarquai que cette question de la composition du conseil était
signalée comme défectueuse; dès ce moment
je crus que les gouvernements coloniaux
allaient s'entendre pour opérer un changement sans doute; si cela n'a pas encore eu
lieu c'est qu'il y a eu de bonnes raisons. J'eus
mieux aimé que le changement eut été opéré;
le Haut-Canada l'aurait également vu d'un
œil favorable, mais cela ne suffit pas pour
me faire rejeter le projet actuel. (Ecoutez!)
Si ce point doit impliquer le rejet de la
mesure, je ne me sens pas autorisé à proposer
un amendement à cet effet. (Ecoutez!) En
élaborant une constitution, chacun doit comprendre qu'on ne pourra obtenir un bon
résultat qu'un moyen de compromis et
concessions mutuelles. Il est absurde de
683
supposer que toutes les sections d'un aussi
vaste territoire vont former une union sans
que chacune d'elles fasse au moins un petit
sacrifice. De quel droit prétendrions-nous
que toutes les colonies doivent s'accorder
unanimement avec le Haut-Canada ou avec
le Canada tout entier? De quel droit prétendrions-nous, par exemple, que la Nouvelle-
Ecosse doit-être d'accord avec nous sur tous
les détails? De quel droit prétendrions-nous,
dans le Haut-Canada, faire biffer les clauses
relatives aux écoles séparées dans l'acte des
écoles? Si cela pouvait se faire, les populations du Haut-Canada en seraient certainement
satisfaites parce que nous croyons
que de notre système d'enseignement on
devrait bannir tout esprit de secte. Nous
désirons, en masse, n'avoir aucune clause
relative aux écoles séparées. Il est peut être
un peu hardi de l'affirmer, mais je crois que
les populations du Haut-Canada, protestants
comme catholiques romains, seraient satisfaites de voir ainsi bannir tout esprit de
secte
de notre système scolaire. Mais, même dans
la confédération, nous ne pouvons espérer ce
résultat si les catholiques romains du Bas- Canada, d'accord avec ceux du Haut-Canada,
demandent comme condition
sine quâ non le
système séparé. Mais bien que les populations du Haut-Canada, et celles de mon comté
en particulier, soient très susceptibles sur ce
point, je crois qu'elles sont prêtes à entendre
raison et à accepter le projet dans son ensemble. (Ecoutez!) J'espère qu'on ne cherchera
pas à augmenter les priviléges des
partisans des écoles séparées, et que la question en restera où elle en est. (Ecoutez!)
Il n'est peut-être pas hors de propos de citer
l'opinion d'un homme éminent sur ce système
de concessions. J'ai déjà parlé des vues des
auteurs de la constitution américaine lorsqu'ils
se mirent à l'œuvre pour opérer un changement. Tandis qu'ils élaboraient la constitution,
WASHINGTON écrivit une lettre où je
lis le passage suivant:
"Il est evidemment impraticable dans le gouvernement fédéral de ces états d'assurer
à chacun
une souveraineté indépendante en même temps
que la sûreté générale. Les individus qui entrent
en société doivent sacrifier une part de leur liberté
individuelle à la liberté générale. La grandeur
des sacrifices dépendent de la situation, des circonstances et de l'objet qu'on a
en vue. Il est
toujours difficile d'établir une ligne de démarcation entre les droits qu'on doit
garder et ceux
dont on doit faire le sacrifice."
Nul doute, M. l'ORATEUR, que les délégués à la conférence de Québec ont rencontré
les mêmes difficultés que les auteurs de la
constitution américaine. Ils ont éprouvé
les mêmes difficultés à tracer cette ligne de
démarcation. C'était impossible à mon avis,
et ils ont dû reconnaître qu'ils avaient certaines concessions à faire, dans l'espoir
qu'on
leur laisserait une marge, un terrain neutre
pour concilier les intérêts de section avec
ceux de notre avenir comme nationalité.
(Ecoutez!) Mais je ne veux pas abuser du
temps de la chambre, et j'aurais plus détaillé
certains points si le gouvernement tenait à
prolonger la discussion. J'en arrive donc
rapidement à ma conclusion. (Cris de: continuez!) Je pense que l'union est désirable,
non seulement pour nous mais pour le maintien de la domination anglaise sur ce continent,
et pour prévenir notre absorption dans
la république américaine, d'autant plus que
nous avons en nous les éléments de l'indépendance. Examinez la carte du pays,
voyez le magnifique St. Laurent et les
fertiles plaines qui le bordent. Ne pouvons- nous pas diriger le trafic de l'ouest
par son
débouché naturel jusqu'à l'océan! N'est-il
pas possible d'améliorer cette voie de communication de manière à y attirer le trafic
des Etats de l'ouest? N'est-il pas possible,
en faisant certaines dépenses judicieuses, de
mettre les Etats-Unis dans notre dépendance
sous ce rapport, au lieu de rester à leur
merci? (Ecoutez!) On aurait beaucoup à
dire sur les avantages commerciaux que
nous pouvons nous assurer. Selon moi, c'est
plutôt l'ouverture d'un canal navigable traversant l'Outaouais jusqu'au lac Huron
que
l'agrandissement du canal Welland et de
ceux du St. Laurent, qui nous fournira la
voie de communication la plus courte pour
transporter à l'étranger les produits agricoles des vastes régions de l'ouest. Le
canal
d'Outaouais projeté pourra ne pas traverser
une région aussi fertile que la vallée du St.
Laurent: la première diffère de celle-ci par
sa formation géologique; néanmoins, je crois
que ce pays contient des sources de richesses
qui ne sont point encore développées. Je
crois qu'un canal à navires de la Baie Géorgienne dans cette direction ouvrirait non
seulement un débouché aux productions de
l'ouest, mais encore un marché abondant au
commerce des bois et donnerait du fret à
une classe de vaisseaux qui n'en peuvent
trouver de profitable aujourd'hui, sans
compter qu'il serait le chemin des navires
et du matériel de guerre nécessaire pour
les fortifications et la défense du pays.
684
(Ecoutez!) Je terminerai en disant que
je crois l'union désirable tant à cause de ses
avantages actuels qu'à cause de la perspective qu'elle nous ouvre. Si je jette les
regards sur l'avenir, je ne crois pas désirable
qu'il n'y ait qu'un seul gouvernement pour
tout le continent de l'Amérique du Nord
(écoutez! écoutez!), pas plus qu'il n'est à
souhaiter que ce gouvernement soit républicain. (Ecoutez! écoutez!) Envisageant ainsi
la question, le souvenir du passé devant les
yeux et nous rappelant les malheurs qui ont
accompagné les constitutions faites à la hâte
et les erreurs qui se commettent à leur
origine, notre devoir est d'examiner si le
projet actuel renferme des éléments de stabilité. Pour ma part, je le regarde comme
portant en lui les germes de vie, autant du
moins qu'il est possible à l'homme de prévoir
l'avenir. (Ecoutez! écoutez!) Ce pays, géographiquement parlant, couvre une étendue
considérable de territoire,—au nord, nous
nous appuyons sur les glaces du pôle Nord
et n'avons à redouter aucune invasion de ce
côté;—si nous ne nous étendons pas plus vers
le sud, notre expansion vers l'ouest est immense. Puis, quoique notre climat soit
celui des contrées septentrionales, quoique
notre latitude soit plus élevée que celle de
nos voisins du midi, il n'existe cependant
aucun obstacle à l'accroissement de notre
population ou de notre prospérité. (Ecoutez!
écoutez!) Des millions d'habitants sont
appelés à habiter ces vastes solitudes, et il
s'agit pour nous en ce moment de jeter les
fondements d'un grand et solide empire.
Montrons que nous savons apprécier la valeur
des instititutions anglaises qui ont été transplantées parmi nous,—de ces institutions,
dont
la base consiste dans la liberté et la tolérance
universelle,—de ces institutions qui ont fait
grand le pays qui les a vues naître et qui en
font le point de mire de tous les peuples dont
les libertés sont vacillantes, et le refuge des
rois comme des victimes du despotisme aux
jours de l'infortune et du malheur. (Ecoutez! écoutez!) Je n'hésite donc point, M.
l'ORATEUR, à donner mon appui au projet
actuel, parce que je crois que les traits principaux de sa rédaction s'accordent avec
les
principes de la constitution anglaise, et qu'il
constitue un régime également juste pour
toutes les provinces. Comme Haut-Canadien, je l'accepte parce qu'il nous concède
l'état de choses auquel nous avons droit; je
l'accepte enfin parce qu'il nous promet la
formation d'une grande nationalité et nous
permettra de transmettre à nos enfants des
institutions que nos pères ont scellées de leur
sang. (Vifs applaudissements.)
M. M. C. CAMERON—Je désire communiquer à l'hon. député de North Oxford
les chiffres sur lesquels j'ai basé mes calculs.
Voici le résultat auquel, suivant moi, nous
aboutissons avec le projet actuel:—
La subvention fédérale au B.-C. sera de $ |
888,531 |
" " H.-C. " |
1,117,590 |
|
$2,006,121 |
Sur cette subvention au Bas-Canada— |
|
La contribution des provinces mari- |
|
times sera, soit un cinquième...$ |
177,706 |
Celle du H.-C. sera, soit 2/3 de la |
|
balance, ou... |
473,884 |
Celle du B.-C. lui-même sera, soit 1/3. |
236,941 |
|
$888,531 |
Sur la subvention du H.-C. |
|
La contribution des provinces mari- |
|
times sera, soit un cinquième...$ |
223,514 |
Celle du B.-C. sera, soit 1/3 de la balance |
298,625 |
Celle du H.-C. sera, soit 2/3 " |
596,051 |
|
$1,117,590 |
Contribution du H.-C. à la subvention |
|
du B.-C...$ |
473,884 |
" B.-C. " H.-C... |
298,025 |
|
$175,359 |
Dépenses du gouvernement général |
$8,553,379 |
La contribution des provinces maritimes |
|
suivant Mr. GALT...$ |
1,929,272 |
Celle du B.-C. 1/3 de la ba- |
|
lance... |
2,208,035 |
Celle du H.-C. 2/3 de la ba- |
|
lance... |
4,416,072 |
|
$8,553,379 |
Excédant de contribution du H.-C. sur |
|
celle des provinces maritimes...$ |
2,486,800 |
Excédant de contribution du H.-C. sur |
|
celle du B.-C... |
2,208,035 |
Excédants des contributions du H.-C. |
|
sur celles des deux...$ |
278,765 |
Cette somme divisée par 17, qui est le chiffre des
nouveaux députés qui seront accordés au
Canada, porte le prix de chacun à $ 16,397 par
année.
L'HON. A. A. DORION—M. le PRESIDENT:—Les nouvelles reçues du Nouveau- Brunswick depuis la dernière séance,
ont
fait perdre beaucoup d'intérêt à la question
qui nous est soumise. Chacun est maintenant
convaincu que c'est une question qui n'a
plus d'actualité et qui doit être reléguée sur
685
les tablettes, pour quelque temps du moins.
Je crois, cependant, de mon devoir de répondre
quelques mots à l'hon. député de Montmorency, et de faire allusion en passant au
discours de l'hon. solliciteur-général Est
(M. LANGEVIN). L'hon. député de Montmorency a commencé son discours en disant
que les membres de cette chambre devaient
s'élever au-dessus des mesquines considérations personnelles ou de partis, et discuter
la question de la confédération sur son mérite propre, afin d'en faire voir les avantages
ou les désavantages. Et cependant l'hon.
député a employé un grand tiers de son discours à rappeler et discuter ce que j'ai
dit ou
n'ai pas dit autrefois? J'ai déjà dit et je
répète que je mets aucun membre de cette
chambre au défi de citer une seule phrase de
tous mes discours, ou une seule ligne de ce
que j'ai jamais écrit, pour démontrer que
j'ai jamais été en faveur de la confédération
des provinces de l'Amérique Britannique du
Nord. Afin de donner un semblant de preuve
pour me mettre ainsi en contradiction avec
moi-même, on a été obligé de tronquer mes
paroles, de falsifier mes discours, d'en faire
des traductions fausses, et même avec cette
tactique on n'a pas encore réussi. Le discours que l'on a cité avec le plus de complaisance,
pour établir que j'étais en faveur de la
confédération de toutes les provinces, est
celui que j'ai prononcé le 8 mai 1860. Ce
discours, qui a duré près de deux heures, a
été rapporté dans une quinzaine de lignes
dans le
Morning Chronicle, et il n'occupe
qu'une colonne du
Mirror of Parliament.
Ces deux rapports sont contradictoires, et ni
l'un ni l'autre ne sont exacts; mais ils sont
suffisants pour établir le contraire de ce que
l'on à voulu prouver. Lorsqu'on a voulu
montrer que j'étais en faveur de la réprésentation basée sur le nombre, l'on a cité
une
partie du rapport du
Mirror, et lorsqu'on a
voulu établir que j'étais pour la confédération,
l'on a cité le rapport du
Chronicle. Mais
la partie du rapport du
Mirror que l'on cite
au sujet de la représentation est tellement
absurde qu'il suffit de la lire pour faire voir
que je n'ai jamais pu me servir des expressions qui s'y trouvent. Ainsi, à l'occasion
d'une discussion où il ne s'agissait pas de la
représentation basée sur le nombre, sinon
d'une manière incidente, mais d'une proposition pour la confédération des deux provinces,
l'on me fait dire que j'ai toujours
été opposé à la représentation sur le nombre,
mais que si le Haut-Canada veut l'avoir, je
suis prêt à la lui accorder. C'est à peu
près le contraire de ce que j'ai dit en cette
occasion, car j'ai invariablement mis mes
discours d'accord avec mes votes, et comme
j'ai aussi invariablement voté contre toute
proposition tendant à accorder la représentation basée sur la population, je n'ai
jamais
déclaré que j'étais en faveur de cette mesure;
mais au contraire, j'ai toujours dit que le
Bas-Canada ne pouvait pas consentir à une
telle proposition, parce qu'elle n'offrait pas
de garantie pour ses institutions. (Ecoutez!
écoutez!) Mais lorsqu'il s'est agi de la
confédération, l'on a laissé le rapport du
Mirror of Parliament et l'on a cité celui
du
Chronicle. Ce dernier rapport me faisait
dire, en substance, "que je regardais l'union
fédérale du Haut et du Bas- Canada comme
le noyau de la grande confédération des
provinces de l'Amérique du Nord, que tout
le monde prévoyait devoir arriver." Les
expressions du rapport sont:
to which all
looked forward. L'hon. député de Montmorency, qui a exhumé ce rapport lorsqu'il
ne pouvait ignorer qu'il y en avait un tout
différent dans le
Mirror of Parliament, en
a donné le texte en substituant le mot
he
au mot
all, et l'a traduit de manière à
me faire dire, en parlant de la confédération
de toutes les provinces, que "je l'appelais de
tous mes vœux;" et en traduisant cette dernière phrase en anglais, dans la brochure
qu'il a écrite en 1865, l'on m'y fait dire,
which confederation I strongly desire to
see. Il suffit de lire le rapport du
Mirror,
tout imparfait qu'il soit, pour voir que je
n'ai rien dit de semblable. Voici la partie
où je parlais de confédération:
"Il prétendit que le principe de la double
majorité ne pouvait être appliqué qu'en donnant
à chaque section de la province le contrôle de ses
affaires locales; et que, lorsque les populations
étaient aussi différentes que l'étaient celles du
Haut et du Bas-Canada, c'était le seul moyen de
les gouverner d'une manière satisfaisante. Il
espérait, cependant, qu'un temps viendrait où il
serait désirable de faire une confédération avec
les provinces supérieures. Mais le temps n'était
pas encore arrivé pour un pareil projet...
"Mais ceux qui étaient en faveur d'une union
fédérale de toutes les provinces devraient considérer que l'union fédérale entre le
Haut et le
Bas-Canada était le meilleur moyen d'établir un
noyau autour duquel la grande confédération
pourrait se former lorsque le temps en serait
venu."
Si, dans cette citation, l'on substitue le
mot "croyait" au mot "espérait," l'on
aura ma pensée, et à peu près telle que je
686
l'ai exprimée en mai 1860. Comme l'on
voit, il y a une grande différence entre ce
que j'ai dit et le rapport donné par le Chronicle, que l'hon. député de Montmorency a
été obligé de dénaturer en le citant et qu'il
a traduit d'une manière absurde, et tout cela
pour faire croire que je m'étais exprimé
d'une manière favorable à la confédération
et me mettre en contradiction avec moi- même.—Que j'aie déclaré qu'à une époque à
venir, lorsque la population des différentes
provinces se seraient accrues de manière:
rendre les établissements contigus les uns
aux autres, lorsque les voies de communications auraient été améliorées et que par
les rapports commerciaux nos intérêts seraient devenus identiques, et les différentes
populations ne feraient pour ainsi dire qu'un
seul peuple, il pourrait être avantageux
d'avoir une confédération de toutes les provinces, c'est ce dont je ne disconviens
pas;
mais il y a loin de cette prévision à l'expression d'un voeu pour une confédération
à
laquelle je me suis toujours opposé, parce
que je ne la croyais pas avantageuse dans
les circonstances où nous nous trouvions.
Je ne trouve aucun changement dans les
circonstances du pays pour me faire désirer
aujourd'hui ce que je désapprouvais en 1860.
—Je le répète, je ne me suis pas plus prononcé alors pour la confédération de toutes
les provinces que je ne l'ai fait depuis;
seulement, parlant sur une proposition pour
faire une confédération des deux Canadas,
et après plusieurs membres qui s'étaient
prononcés pour une confédération de toutes
les provinces, j'ai fait ce raisonement bien
naturel:—"que pour ceux qui désiraient
cette grande confédération, ils ne pouvaient
avoir aucune objection à la proposition alors
soumise, parceque cette confédération serait
le noyau autour duquel pourraient se grouper les autres provinces lorsque le temps
en
serait venu."—L'hon. député de Montmorency a parlé des contradictions qu'il a
bien voulu supposer entre les opinions que
j'exprimais en 1856, 1858 et l860, et celles
que j'entretiens aujourd'hui sur la confédération des Provinces. Mais ces contradictions
n'existent réellement pas. Je ne me
suis jamais prononcé en faveur d'une confédération de toutes les provinces, mais
seulement des deux Canadas, et cette confédération à laquelle j'aurais consenti pour
sortir des difficultés créées par la question
de la représentation, ne ressemblait en rien
à celle qu'on nous propose aujourd'hui.
Dans celle-là, il y aurait en pour le Bas- Canada contrôle absolu de toutes ses affaires
locales; dans celle-ci ce contrôle est entouré
de tant de restrictions qu'en définitive c'est
le gouvernement général qui a ce contrôle;
non seulement sur ce qui intéresse toutes
les provinces, mais encore sur ce qui ne peut
affecter qu'une seule des provinces. (Ecoutez! écoutez!) Avant de parler de contradictions,
l'hon. député de Montmorency
aurait dû se rappeler qu'il est plus vulnérable que tout autre à cet endroit. Il aurait
dû se rappeler ses deux brochures, l'une
de 1858 et l'autre de 1865,—l'une pour
prouver l'absurdité de la confédération de
toutes les Provinces Britanniques de l'Amérique du Nord, et l'autre pour établir les
avantages de cette confédération.—Dans la
première de ces brochures, l'hon. député,
après avoir posé 27 questions pour examiner
sous tous ses aspects la question d'un union
fédérale des deux Canadas, et celle d'une
union fédérale ou d'une union législative
de toutes les provinces, repoussait également tous ces projets, parce qu'il n'y voyait
quel l'annihilation du Bas-Canada. - L'hon.
député était tellement convaincu de cela
qu'entre toutes ces propositions il donnait la
préférence à l'union législative, parce que
l'on en aurait fini plus vite. Il la trouvait
plus logique au point de vue des résultats
immédiats de l'Union.
"En effet, disait-il, il faut que nous ayons une
union quelconque de toutes les provinces, et si le
Bas-Canada est destiné à perdre le peu d'influence
qu'il exerce encore sur la législation de l'union
actuelle, il vaut mieux arriver là par un mécanisme plus simple, moins savant et moins
coûteux."
Mais aussitôt après il ajoutait:—
"Pour nous, nous n'en voulons pas parce que
nous ne voulons pas de l'union sous aucune forme;
parce qu'elle atteindra toujours le même but,
quelle que soit la forme que vous lui donniez."
Voilà la conclusion à laquelle l'hon. député
arrivait en l858, après un examen sérieux
de toute la question. (Ecoutez!) En
l858, c'est tout différent, et l'hon député
ne trouve le salut du Bas-Canada que dans
cette même confédération de toutes les provinces, qu'il repoussait de toutes ses forces
en 1858. Voici la conclusion à laquelle il
arrive dans sa nouvelle brochure:—
"Après avoir discuté les divers projets d'union
avec ses différentes conditions d'existence, nous
avons prouvé que la confédération était, dans
notre position, le système le plus propre à nous
protéger et à assurer notre prospérité."
687
L'hon. député de Montmorency explique
ce changement complet dans ses opinions
de 1858, comme suit:
Jusqu'à naguères, nous l'avonons, nous étions
plus favorables à la confédération des deux
Canadas qu'à l'autre plus grande, parce qu'alore
nous n'avions pas de visées nationales et que nous
croyions y trouver plus de protection pour les intérêts du Bas-Canada. Nous agissions
comme si nous
avions en affaire à des ennemis actuels ou probables, et en bonne tactique, nous voulions
avoir à
combattre le moins d'ennemis possible; mais,
depuis nos rapports constants, durant les jours
de la convention, avec les hommes d'Etat éminents des provinces atlantiques, ont fait
disparaître de notre esprit bien des appréhensions et
bien des motifs de résistance.
Ainsi, le seul contact que l'hon. député a
eu avec les hommes politiques des provinces
maritimes, durant les quinze jours qu'ils ont
été ici, a suffi pour faire disparaître toutes
ses appréhensions pour les institutions du
Bas-Canada, dans la confédération de toutes
les provinces. C'est la confiance que lui ont
inspiré ces hommes, et non les garanties que
lui offre le projet de confédération, qui ont
changé ses opinions de 1858. Je trouve
dans le Journal de Québec, rédigé par l'hon.
député de Montmorency, quelques passages
assez amusants sur cette doctrine de la confiance que l'on doit avoir dans ses amis
politiques. Ces articles datent aussi de 1858.
L'hon. député était alors dans l'opposition.
Il est vrai qu'il ne nous considérait pas alors,
l'hon. députe de South Oxford et moi, sous
un jour aussi défavorable qu'il l'a fait depuis.
Alors il tançait même assez vertement ses
amis d'aujourd'hui. Mais ses doctrines
d'alors paraissent encore très applicables.
Le 26 août 1858, l'hon. député écrivait
un article sous le titre:Les amis les ennemis, où il disait:—
"Les amis, les ministériels du Haut-Canada,
ont voulu, durant cette session, nous imposer la
représentation basée sur la population et l'abolition des écoles communes; même un
ministre, M.
SMITH a voté pour la représentation basée sur la
population. Les ennemis, les oppositionistes, ont
laissé l'initiative de ces choses odieuses à nos
amis, les ministériels, et, de plus, pour prouver
qu'en ennemis qu'ils étaient, ils nous halssaient
plus que nos amis les ministériels, ils voulaient
payer aux seigneurs tous les droits casuels dus
par les censitaires (500,000 Louis.) Après cela, ce
n'est pas trop exiger, n'est-ce pas, que de demander
justice pour les ennemis!"
Et plus bas il ajoutait:—
"M. CARTIER galvanise un cadavre qui se dresse
bideux pour retomber et ne plus plus se relever.
La lampe, en s'éteignant, jette quelques pâles et
ternes reflets, et bientôt nous aurons la nuit profonde. Les jours du plus mauvais
gouvernement
qui ait pesé sur les destinées du Canada sont
comptés; ils ne sont pris nombreux, et tous les
replâtrages possibles ne les allongeront pas d'une
seconde."
Le 28 août, dans un article sur la représentation basée sur la population, l'hon.
député de Montmorency s'exprimuit ainsi:
* * * * * * * * * * * *
"Mais les amis ont droit de tout faire; ce qu'ils
font est bien fait! M. FERGUSSON, ministériel,
demandera l'abolition des écoles séparées; c'est
un ami, il faut avoir confiance en lui et bénir sa
main orangiste qui nous frappe; M. MALCOLM
CAMERON demandera la représentation basée sur
la population; c'est encore un ami, et M. BROWN
est le coupable, M. BROWN l'ennemi! Le ministère
fait, pour la première fois dans nos annales parlementaires, de la représentation
une question
libre (open question). Le ministère est un composé
de dix de nos plus ardents et loyaux amis; pourrait-il se tromper et nous trahir?
M. SMITH, le
premier de tous les ministres, vote en face du
Bas-Canada étonné pour la représentation basée
sur la population: c'est un orangiste, c'est un
doucereux ami, il devait donc dans son amitié
extrême voter ainsi. Les députés du Bas-Canada
devaient accepter tout cela et l'ont accepté avec
reconnaissance! Mais un ancien rouge, un ennemi,
vouloir la dixième partie de cela, c'est odieux,
c'est immoral, c'est mériter la mort et les humiliations du Calvaire! Et puis, toute
cette indignation se dépense, le croiriez-vous? au sujet
d'un pouvoir qui a tout sali, tout souillé, tout
corrompu dans l'ordre moral et dans l'ordre
politique!"
L'hon. député de Montmorency parlait
alors de ses amis d'aujourd'hui et de l'excuse
que se donnaient les membres ministériels
pour voter et approuver aveuglément tout
ce que leurs amis voulaient leur faire voter.
Si un orangiste demandait quelque chose
dont les consciences catholiques auraient pu
s'effaroucher, on les calmait bientôt en leur
disant: "c'est un ami," et l'orangiste obtenait ce qu'il demandait. Et l'hon. député
de Montmorency disait que cela se faisait
par un pouvoir qui avait tout sali, tout
corrompu dans l'ordre moral et politique.
Aujourd'hui, il approuve cordialement tout
ce qu'il trouvait abominable et atroce alors,
pourvu que ce soient ses amis qui le proposent. Alors, il ne voulait d'aucune espèce
de confédération quelconque, parce que
c'était un sûr moyen de noyer l'influence du
Bas-Canada, et il préférait une union législative à la confédération. Mais aujourd'hui,
ses amis proposent la confédération de toutes
les provinces, et il l'approuve volontiers.
Voici ce qu'il disait encore le 28 août 1858:
688
"Cette session, la confédération fut trouvée
si impopulaire et si absurde, que M. GALT n'osa
pas demander le vote sur ses résolutions informes.
Mais à peine est-il entré au pouvoir que son idée
triomphe et que le Canada courbe la tête sous un
ordre de choses regardé comme dangereux et
ruineux un instant auparavant. La politique du
ministère à l'endroit de la confédération n'est pas
plus définie, pas plus tangible que celle de M.
GALT sur le même sujet, et cependant les hommes
qui, deux jours auparavant, demandaient avec
rage à MM. BROWN et DORION de parier explicitement, l'acceptent avec confiance, les
yeux fermés,
sans doute parce qu'elle vient des amis et de
l'ami GALT. L'amitié a la puissance de transformer les principes et les choses, le
bien en mal,
le mal en bien, l'immoraiité en moralité, l'injustice
en justice, et les consciences en machines inertes,
subissant le mouvement que leur imprime la forte
main des amis."
Je cite le journal de l'hon. député de
Montmorency: ce n'est pas moi qui dis
cela:—
"Il y a plus que cela: le ministère se charge
de faire une constitution pour le peuple et de
changer la condition d'étre du Canada, sans consulter ceux-ci, sans prendre même la
peine de leur
dire ce qu'il va faire pour eux. Non moins de
quatre membres du gouvernement s'en vont, dit- on, trafiquer nos destinées, soit dans
Downing
street, soit dans Lombard street, mais plus probablement dans cette dernière. Si la confédération
convient au Grand Tronc, vous pouvez être sûr
que nous l'aurons, quand même le Canada tout
entier la repousserait. Le Journal se demandait
ce que deviendrait l'élément français dans la confédération? Eh! grand Dieu | vous
le voyez déjà
ce qu'il deviendrait, puisque sur quatre ministres
envoyés pour négocier la transubstantiation de
notre constitution, pas un seul n'est français:
les heureux sont: M.M. GALT, ROSS, MACDONALD
et ROSE!"
Dans ce temps-là, les ennemis, c'est-à dire
les amis actuels de l'hon. député, voulaient
changer la constitution sans consulter le
peuple, et il trouvait cela atroce; mais aujourd'hui, ils veulent faire un révolution
dans nos institutions politiquese sans donner
au peuple l'occasion de se prononcer sur
leur projet, et l'hon. député de Montmorency trouve cela très bien. Il paraît que
lorsque je disais l'autre jour que ce project
de confédération était un projet de la compagnie du Grand Tronc, je ne faisais qu'exprimer
l'opinion de l'hon. député de Montmorency; c'est lui qui le premier a dit cela,
et non pas moi. "Si le Grand Tronc veut
la confédération, disait-il, nous sommes sûr
de l'avoir." Dans le temps, ses amis les
ennemis voulaient vendre le pays; mais
aujourd'hui ils vont le sauver exactement
par les mêmes moyens qu'ils prenaient pour
le perdre! Aujourd'hui, il n'examine plus
si le plan de confédération est bon ou mauvais, mais il regarde s'il vient de ses
amis,
et cela est suffisant pour le lui faire approuver.
Puisque ce projet est proposé par "les amis,"
par les partisans des bons principes, il ne
peut offrir aucun danger pour les institutions
du Bas-Canada. (Ecoutez! et rires.) Mais
autrefois, ce n'était pas tout à fait la même
chose, lorsque le même projet était proposé
par les "ennemis" amis actuels de l'hon.
député. (Je qui fait l'excellence de ce projet
aux yeux de l'hon. député, c'est qu'il n'est
pas présenté par d'anciens rouges, par des
annexionistes, —mais bien par les représentants des bons principes, les gardiens des
intérêts du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!
et rires.) D'ailleurs, les délégués des provinces inférieures, qu'il croyait être
les
ennemis du Bas-Canada, se sont si bien
montrés durant les dîners et les bals de la
conférence, qu'ils ont fait disparaître toutes
les appréhensions de l'hon. député; c'est lui- même qui nous le dit. Pour ma part,
je ne
crois pas que ce soit les rapports que l'hon.
député de Montmorency a eu avec les délégués des provinces maritimes pendant leur
séjour ici, qui l'ont fait changer d'opinion
sur cette question. Il a regardé de quel côté
venait la proposition, et voyant qu'elle venait
du côté de ses amis, il a été convaincu
qu'elle n'offrirait aucun danger pour les institutions du Bas-Canada; il l'a voté
de confiance, cela est évident. En 1855, il adressait aux députés qui, comme l'hon.
député
de Montcalm (M. J. DUFRESNE), regardent
placidement de quel côté viennent les mesures avant de se prononcer pour ou contre,
le reproche de ne penser et de n'agir que
sur un signe de ses amis, les ministres actuels;
aussi, a-t-il été obligé d'écrire une brochure
de 150 pages, en 1865, pour réfuter celle
de 40 pages qu'il écrivait alors. Il trouvait
absurde tout ce qui, de près ou de loin, se
rapportait a la confédération. Aujourd'hui
il trouve tout bien, tout parfait; il est satisfait et engage tous les députés à voter
le
projet soumis sans amendements. Il jette
son bonnet en l'air et s'écrie: "Votons pour
la confédération et nos amis!" (Ecoutez!
et rires.) Cet hon. député trouve qu'il y a
contradiction dans ma conduite. Il voit
une paille dans l'œil de son voisin et ne voit
pas la poutre qui l'aveugle. Mais poursuivons l'examen de cette brochure de 1858.
Elle contient des enseignements précieux.
J'y trouve, à la page 15, le passage suivant:
689
"La meilleure des conditions possibles dans la
confédération serait celle où les deux chambres
seraient élues et auraient toutes deux le nombre
pour base, car nulle autre, si ce n'est celle d'une
chambre unique ayant aussi la population pour
base, nous donnerait absolument une voix sur
trois dans la législature fédérale."
Ainsi, en 1858, il trouvait que ce que
nous pouvions espérer de mieux dans la
confédération serait d'avoir deux chambres
électives, avec un nombre de membres proportionné à la population de chaque province,
ce qui nous aurait donné une voix sur trois.
C'était le système électif avec la représentation d'après le nombre dans chacune des
deux chambres. Quant à avoir la confédération de toutes les provinces, cela valait
certainement mieux que le système qui nous
est proposé, dans lequel le Bas-Canada n'a
que 65 membres sur 194 dans la chambre
basse, et 24 sur 76 dans le conseil législatif,
moins que la proportion que nous eût donné
le système électif, sans compter que les conseillers législatifs devant être nommés
par
le gouvernement général, le Bas-Canada
n'exercera que très peu d'influence sur la
nomination de ses conseillers. Mais voyons
ce que l'hon. député de Montmorency pense
aujourd'hui du système électif. Après avoir,
en 1856, proposé lui-même le projet de loi
pour rendre le conseil législatif électif, et
avoir ainsi contribué plus qu'aucun autre au
changement qui eut lieu alors dans la constitution de ce corps, et avoir écrit, en
1858, que
"la meilleure des conditions possibles dans
la confédération serait celle où les deux
chambres seraient élues," il dit en 1865, à
la page 65 de sa seconde brochure:—
"Ce fut par obéissance au sentiment général,
et non par conviction, que celui qui écrit ces
lignes céda, en 1856, une opinion de toute sa vie,
et rédigea même la constitution actuelle du conseil
législatif, et c'est avec une véritable satisfaction,
et une conviction fortifiée par l'expérience, que
nous saluons la réhabilitation du principe de la
nomination par la couronne des conseillers législatifs, dans des conditions supérieures
à celles
du passé."
Il parait qu'en 1856 l'hon. député changeait la constitution, non par conviction et
parce qu' il croyait qu'elle était mauvaise,
mais par obéissance au sentiment général,
c'est-à-dire qu'étant ministre il ne voulait
pas déplaire à ses amis, qui exigeaient ce
changement, et qu'au lieu de sacrifier son
portefeuille de ministre, il a préféré faire le
sacrifice de ses principes et de ses convictions. (Ecoutez! et rires.) Aujourd'hui
que l'hon. député n'a plus d'autre sacrifice à
faire que celui de sa dignité personnelle, il
en fait bon marché et retourne à ses anciennes
convictions pour ne pas déplaire à ses amis
actuels. Il se cramponnait au pouvoir en
1856 et il l'encense aujourd'hui, voilà toute
la différence. Lorsque le vent était aux
réformes, l'hon. député était réformateur,
non par conviction, mais par intérêt, et
lorsqu'il tourne vers l'absolutisme, l'hon.
député redevient par instinct conservateur
et tory. Ainsi, celui qui, en 1856, faisait
adopter un acte pour rendre le conseil
électif, qui, en 1858, se prononçait encore
en faveur du principe électif appliqué au
conseil, nous dit en 1865 qu'il saluait avec
une satisfaction véritable la réhabilitation
du principe de faire nommer les conseillers
à vie par la couronne. (Ecoutez! écoutez!)
Les ministres sont allés supplier les provinces inférieures de s'entendre sur un
changement de constitution et sur un projet
de confédération. Il résulte des explications
qui ont été données que, sur plusieurs points
importants, ce sont les délégués des autres
provinces qui, après avoir obtenu les conditions financières les plus favorables pour
ceux qu'ils représentaient, ont encore imposé
leur volonté et modifié ce projet de constitution contre les vues de nos ministres;
et
après que les provinces inférieures répudient
l'action de leurs délégués, le gouvernement
n'en persiste pas moins à faire adopter ce
projet et sans aucune modification quelconque. Si cette résolution passe, nous
allons demander à l'Angleterre de changer
notre constitution et de nous en donner une
qui ne sera pas conforme aux vues des ministres, et encore moins à celles du peuple
de cette province. Mais voyons ce que l'hon.
député de Montmorency disait, en 1858, à ce
sujet; je cite la page 12.
"Demander à l'Angleterre de changer la constitution, c'est lui donner raison de le
changer
dans son sens ou dans celui de nos ennemis.
"De plus, demander l'initiative pour nous, c'est
la réclamer pour toutes les provinces; c'est
appeler celles-ci à dire, elles aussi, dans quelles
conditions elles veulent l'union fédérale.
"Mais, dans le conflit de toutes ces voix, une
seule ne serait pas entendue du haut du trône
impérial, parce qu'elle parlerait la langue frençaise. Ce n'est pas un préjugé, c'est
l'histoire,
l'histoire de nos cinquante ans de souffrances et
de mécomptes."
Les circonstances sont-elles changées
depuis 1858? Qu'est-il survenu depuis cette
époque pour donner aujourd'hui au député
690
de Montmorency plus de confiance dans la
justice de l'Angleterre en dans l'efiicacité de
nos demandes qu'il n'en avait alors? L'histoire de nos cinquante dernières années
de
mécomptes ne sont-elles pas présentes à la
mémoire de tous? Lorsque l'on a demandé
au gouvernement impérial de changer la
constitution du conseil législatif, n'a-t-on pas,
sans nécessité et sans qu'on l'ait demandé,
abrogé une clause qui exigeait un vote des
deux tiers de la chambre pour changer la
base de la représentation? Cette protection
des intérêts du Bas-Canada nous a été enlevée
à notre insu et, à l'heure qu'il est, nous ne
connaissons pas la main qui a fait disparaître
cette clause de l'acte d'union. N 'avons-nous
pas les mêmes raisons de craindre que l'on
impose au Bas-Canada une constitution nouvelle avec des conditions qui enfreindront
les droits qui lui ont été solennellement
garantis par les traités? Cela est d'autant
plus probable que ce projet de constitution
étant répudié par les provinces inférieures,
l'Angleterre ne voudra pas le leur imposer,
et que s'il est adopté par le parlement impérial, il ne pourra l'être qu'avec des
modifications qui le rendront applicable au Canada
seul, sauf aux provinces inférieures à y accéder
par la suite,—et Dieu sait qu'elles seront ces
modifications et combien elles affecteront
nos institutions! (Ecoutez! écoutez!) Cette
constitution nous reviendra, si toutefois le
parlement impérial veut s'en occuper sans
le concours des provinces maritimes, comme
nous est revenu a réponse à l'adresse relative
au conseil législatif, différente de l'adresse
que nous allons voter.
L'
HON M. EVANTUREL—J'ai cru
comprendre, lors des explications données
hier ar l'hon. procureur-général Ouest,
que le gouvernement avait l'intention de
déposer devant Sa Majesté l'adresse qui sera
passée par cette chambre, puis demander
conseil au gouvernement impérial sur ce
qu'il doit faire sous les circonstances, et
revenir ensuite faire rapport à la chambre.
L'HON. A. A. DORION—J'ai demandé,
en termes aussi clairs qu'il m'était possible
de le faire, à l'hon. procureur-général
Ouest, si le gouvernement soumettrait la
nouvelle constitution à la ratification de la
législature, et il a répondu seulement que le
gouvernement soumettrait le tout au gouvernement impérial, c'est-à-dire l'adresse
qui
sera passée par cette chambre et l'exposé de
la situation créée par la défaite du projet de
confédération dans les provinces d'en-bas. Il
n'a pas voulu dire que le gouvernement reviendrait devant la chambre avec la mesure.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—L'hon.
député d'Hochelaga veut faire comprendre à
la chambre que l'intention du gouvernement
est de faire passer une mesure par le gouvernement impérial, contre l'intention de
la
chambre; mais rien de semblable ne résulte
des explications données par mon hon. ami
le proc. gén. Ouest. Il a déclaré qu'une
députation se rendrait en Angleterre et
qu'elle soumettrait au gouvernement impérial l'adresse des deux chambres contenant
le projet de confédération adopté par les délégués de toutes les provinces, et qu'elle
insisterait auprès du gouvernement impérial
pour en obtenir une mesure applicable à
toutes les provinces...
L'
HON. M. LAFRAMBOISE—Cela ne
veut pas dire que la nouvelle constitution
sera soumise à la chambre au retour de
députation. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—Tout ce que
je veux dire, c'est qu'il est parfaitement clair
que la chambre ne sera pas appelée à se
prononcer sur la nouvelle constitution qui
nous sera donnée, quels que soient les changements qu'on pourra faire subir aux résolutions
sur lesquelles nous sommes maintenant
appelés à voter. (Ecoutez!) L'hon. proc.- gén. Est ne veut pas dire que le gouvernement
soumettra à la chambre le résultat des
conseils que le gouvernement impérial lui
aura donnés; (écoutez!) tout ce que nous
pouvons comprendre du gouvernement, c'est
qu'il hâtera l'adoption de la mesure ici, et
que s'il peut la faire passer, il demandera au
gouvernement impérial de nous donner une
constitution basée sur ces résolutions, et que
cette constitution sera imposée au pays sans
que la chambre ni le peuple ne soient appelés à la ratifier, même si elle est tout
à fait
différente des résolutions qui nous sont soumises. (Ecoutez! écoutez!) De même qu'en
1856, nous avons vu que la clause de l'acte
d'Union qui exigeait le concours des deux
tiers des membres de la chambre pour permettre de changer la base de la représentation,
avait été abrogée sans demande de
notre part, nous verrons peut-être dans cette
nouvelle constitution que l'on nous donnera,
que le principe de la confédération aura été
sacrifié pour nous imposer l'union législative
pure et simple. (Ecoutez! écoutez!) Cela
691
est encore plus probable depuis qu'il est
connu que les provinces maritimes ne veulent plus du projet de confédération actuel...
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Nous
ferons une petite confédération en divisant
le Canada en quatre. (Rires.) C'est ce que
l'hon. député d'Hochelaga a promis à l'hon.
député de South Oxford quand il a formé
son ministère. Il y aurait de petits hommes,
des petites provinces et une petite confédération. (Rires à droite.)
UNE VOIX—Aujourd'hui, le gouvernement n'a que de grands projets.
L'
HON. A. A. DORION —Cependant
l'hon. proc.-gén. s'est engagé donuer une
petite confédération et de petites provinces
bien le grand projet ne passe pas, et il pourrait
bien avoir l'occasion de revenir aux petites
choses. (Ecoutez!) L'hon. député de Montmorency, après avoir exprimé son opinion sur
la constitution qui devait être donnée au
conseil législatif pour sauvegarder nos intérêts, disait dans cette brochure de 1858,
à
propos de la confédération:
"La confédération a pour but la protection
extérieure; elle peut se protéger contre les ennemis
du dehors, elle ne saurait se protéger contre elle- même. Ce n'est pas dans un but
d'amélioration
sociale, ni pour arriver d une organisation politique intérieure plus parfaite et
plus féconde, que
les colonies de l'Amérique et les petits Etats de
l'Allemagne qui voulaient rester indépendante
ont eu recours à la confédération, c'est pour se
protéger mutuellement contre l'ennemi du dehors,
et pour cela seulement. Or, nous avons l'Angleterre pour nous protéger; la confédération
politique des provinces est donc absurde. Mais si
elle est absurde et fatale en même temps, pourquoi
s'obstiner à la demander?"
Ce sont là les opinions de l'hon. député
de Montmorency. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député disait encore:
"Advenant la confédération des provinces;
celles-ci se rangeraient vite en deux camps distincts. Et, si l'on doit juger du passé
par le
présent, il n'est pas nécessaire de dire à quels
dangers y serait livré le Bas-Canada."
Et plus loin: —
"Quand une fois on a admis un principe, non
seulement il faut en admettre les conséquences,
mais encore on les subit fatalement; les conséquences de la confédération seraient
la ruine du
Bas-Canada."
L'hon. député de Montmorency était
encore convaincu que la confédération des
provinces ne pouvait avoir lieu, sans qu'on
eût recours à la taxe directe, qui se dressait
continuellement devant ses yeux. (Ecoutez!
écoutez!)
"Les taxes directes pour le soutien et l'action
des législature sectionnaires y sont donc une
nécessité du système fédéral. Et si le Bas-Canada
allait refuser de se taxer pour payer les frais de
son gouvernement et de sa législature, on lui
forcerait la main; ayant devant les yeux le souvenir du refus systématique de son
ancienne
chambre d'assemblée de voter les subsides, on
lui ferait comme on lui fit en 1840."
Ainsi, la grande confédération, fatale et
absurde, serait la ruine du Bas-Canada!
Maintenant, voici une petite description de
nos nouveaux amis des provinces maritimes:
"Quel avantage le Canada peut—il trouver dans
la consolidation des revenus de toutes les provinces? * * * * * *
Tandis que les revenus réunis des quatre provinces atlantiques atteignent à peine
celui de
quatre cent mille louis, nulle de ces provinces
n'a beaucoup d'avenir si ce n'est le Nouveau- Brunswick. Terreneuve, avec son climat
froid et
son sol aride, comme les côtes nord de notre
St. Laurent inférieur, ne sera jamais qu'une station de pêche à laquelle, d'ailleurs,
nous avons
accès déjà avec toutes les nations du globe. La
Nouvelle-Ecosse est une autre station de pêche si
laquelle aussi nous avons accés comme tout le
monde; elle manque de sol pour la culture. Son
revenu reste stationnaire ou diminue comme la
population de sa capitale, Halifax (pourtant située
au fond de l'un des plus magnifiques ports du
monde), qui, en 1840, logeait vingt-cinq mille
habitants dans ses maisons de bois, et qui n'y
abrite aujourd'hui que quinze mille êtres humains. * * * * * *
* * * * * *
Elles sont pauvres, elles veulent l'alliance des
riches. Elles ont raison; à leur place, nous ferions
comme elles."
Voilà la description des nouveaux alliés
qu'il voudrait nous donner aujourd'hui,
(Ecoutez! et rires.) Si l'on passe à la question religieuse, voici ce que l'on trouve:—
"Dans l'union actuelle, les protestants sont les
plus nombreux de peu de chose, du moins par le
recensement de mil huit cent cinquante. L'union
proposée augmenterait les forces du protestantisme, car la très-grande majorité de
la population de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau- Brunswick est protestante, et Terreneuve,
où
domine le catholicisme, est trop pauvre du présent et trop pauvre de l'avenir, avec
son sol
infécond, pour donner au catholicisme de la force
ou même de l'espérance. Le protestantisme serait
donc plus puissant dans l'union de toutes les provinces qu'il ne l'est aujourd'hui
dans l'union des
Canadas."
Je crois que je n'ai pas besoin d'en dire
692
davantage. Je crois que les raisons apportées par l'hon. député de Montmorency au
point de vue canadien-français contre l'union
des provinces, en 1858, existent encore
aujourd'hui, et qu'elles ont encore plus de
force aujourd'hui qu'alors. Et ce fait est
d'autant plus évident que l'on voit tous les
membres du Haut-Canada dire que la confédération n'est pas ce qu'ils désirent, et
qu'ils préfèrent une union législative. Cela
doit encore augmenter notre crainte, et faire
voir à quel danger nous serions exposés par
cette union. L'hon. député de Montmorency encourage aujourd'hui ses amis à
passer en Angleterre pour le faire adopter
par le gouvernement impérial et l'imposer
ensuite aux provinces maritimes comme au
Canada. C'est un appel à la Grande-Bretagne de passer une mesure à la demande
du gouvernement canadien, et de l'imposer
aux provinces d'en-bas en la modifiant de
manière à les satisfaire. L'hon. député de
Montmorency, critiquant une lettre que
j'écrivais l'automne dernier a mes électeurs,
dans laquelle je disais qu'il n'y avait pas
d'exemple d'une union fédérale entre de
simples colonies, a cité, our réfuter cela,
la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande
est composée de trois îles, divisées en onze
provinces, dont chacune possède une espèce
de conseil municipal qu'ils appellent des
gouvernements, comme ils donnent aux municipalités le nom de provinces. Chaque
province a un chef ou officier exécutif élu
par le peuple et chargé de faire exécuter les
lois. Ces conseils municipaux ont le droit
de législater, mais leur action est resserrée
dans des bornes assez étroites, et ils ne
peuvent pas même toucher aux lois de
succession et de testament. Au contraire,
le gouvernement central a droit de législater sur tous les sujets qui peuvent affecter
la colonie. Le sytème politique de la Nouvelle-Zélande est exactement comme notre
système municipal de comtés et de paroisses:
nos municipalités de comtés représentent le
pouvoir central, et nos municipalités de
paroisses représentent les gouvernements
locaux. Si l'hon. député de Montmorency
avait regardé la constitution de la Belgique,
il aurait vu qu'il y a la aussi des provinces
qui ont chacune un gouverneur et un parlement local. Et ces parlements ont beaucoup
plus de pouvoirs que les conseils locaux
dans la Nouvelle-Zélande, et sont beaucoup
plus importants; cependant, l'on ne s'est
jamais imaginé de dire que la Belgique fût
une confédération, bien qu'elle soit divisée
en provinces. L'empire français n'est pas
non plus une confédération, bien que les
départements soient présidés par des préfets.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de
Montmorency nous a dit que nos intérêts
seraient parfaitement protégés par la constitution que l'on nous propose. Je trouve
que les attributions assignées au parlement
général lui permettront de législater sur
tous les sujets quelconques. C'est une
erreur de croire que ces pouvoirs sont définis
et limités par la 29e clause des résolutions.
S'il voulait législater sur les sujets attribués
aux législatures locales, il n'y a rien dans
ces résolutions qui pourrait l'en empêcher;
et si les législatures locales réclamaient, le
parlement pourrait passer outre et ne pas
écouter ces réclamations, parce que la souveraineté réside dans le gouvernement général
et qu'il n'y a aucune autorité pour
déterminer ses attributions et celles des
gouvernements locaux.
L'
HON. A. A. DORION—Je vais vous
le dire dans un instant. Je dis que le parlement fédéral exercera le pouvoir souverain,
car il pourra toujours empiéter sur les droits
des gouvernements locaux, sans qu'aucune
autorité puisse l'en empêcher. En effet,
quel autorité établissez-vous qui puisse venir
dire au parlement fédéral: "Vous ne ferez
pas telle ou telle chose, vous ne législaterez
pas sur tel ou tel sujet, parce que ces matières
sont réservées aux gouvernements locaux."
Il n'y en aura pas, et par conséquent il sera
souverain et pourra faire tout ce qu'il
voudra et empiéter sur tous les droits et
toutes les attributions des parlement locaux
si bon lui semble. Nous serons—je parle
comme Bas-Canadiens—nous serons encore
à sa merci parce qu'il pourra exercer son
droit de véto sur toute la législation des
parlements,—et encore là nous n'aurons
aucun remède. Dans un cas de conflit entre
le pouvoir fédéral et les gouvernements
locaux, quelle autorité interviendra pour
régler leur différend?
L'
HON. A. A. DORION—En effet, il n'y
aura pas d'autre autorité que celle du gouvernement impérial, et l'on sait ce que
valent
les plaintes des Bas-Canadiens auprès du
gouvernement impérial: l'expérience nous
693
'a appris depuis longtemps.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Les confédérendaires ont compris mieux que cela.
Ce n'est ni le gouvernement impérial ni le
gouvernement général qui interviendront,
mais ce seront les cours de justice qui décideront les questions à l'égard desquelles
il y
aura conflit entre les deux pouvoirs.
UNE VOIX—Les cours de commissaires?
(Ecoutez! et rires.)
L'
HON. A. A. DORION—Oui, en effet
un magistrat décidera qu'une loi passée par
la législature fédérale n'est pas loi, tandis
qu'un autre décidera qu'elle est loi; de cette
manière le conflit, au lieu d'être entre les
législatures, sera entre toutes les cours de
justice!
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Quand
la législature générale passera une loi qui
sortira de ses attributions, elle sera nulle de
plein droit.
HON. A. A. DORION-Oui, je comprends cela, et c'est sans doute pour décider
de ces questions que l'on doit établir des
cours fédérales?
L'HON. A. A. DORION—Dans la Grande- Bretagne, le parlement est tout-puissant,—
chacun le reconnait,—et je voudrais savoir si
l'on va donner au parlement fédéral l'omnipotence que possède le parlement impérial.
Sans cela, le système que l'on veut établir
n'est plus un système politique monarchique,
mais bien une grande municipalité. Si toutes
les cours de justice doivent avoir le droit de
décider de la légalité des lois, le parlement
fédéral ne pourra pas en faire sans qu'un
juge de paix ou un commissaire de petites
causes puisse les mettre de côté sous prétexte
qu'elles ne sont pas du ressort du pouvoir
central-comme aujourd'hui ils le font pour
un procès-verbal de voirie. Ce n'est pas là
le système monarchique, mais bien le système républicain. En Angleterre, comme
ici aujourd'hui, la législature est toute-puissante, et je crois que c'est là le principe
qu'on a voulu adopter. Si l'on ne veut pas
soumettre les conflits entre le parlement
général et les parlements locaux à la décision
d'une cour fédérale suprême, je ne vois pas
du tout qui pourra les juger. (Ecoutez! écoutez!) On nous dit que la cour d'appel
fédérale ne sea pas chargée de décider les différends qui pourront s'élever entre
les législatures, mais qu'elles n'auront qu'à juger, en
dernier ressort, sur les causes décidées par
les cours locales inférieures. Eh bien! pour
ma part, je ne puis approuver la création de
cette cour. On en voit facilement tous les
inconvénients pour nous, Bas-Canadiens.
Ainsi, quand une cause aura été plaidée
et jugée dans tous nos tribunaux, il nous
faudra encore aller devant une cour d'appel
fédérale composée de juges de toutes les
provinces, et dans laquelle nous n'aurons
probablement qu'un seul juge, qui pourra
être choisi parmi la population anglaise. Et
voilà la protection que l'on nous accorde! Je
répète donc que je ne vois aucune protection
pour nos intérêts, comme Bas-Canadiens, dans
la constitution des pouvoirs politiques et
judiciaires,—car le parlement fédéral pourra
empiéter sur nos droits sans qu'aucune autorité puisse intervenir, et ensuite nous
aurons
une cour d'appel fédérale dans laquelle nous
ne serons représentés que par un seul juge
contre six ou sept des autres origines. (Ecoutez! écoutez!) Il y a une autre question
très
importante à considérer, et c'est celle qui est
comprise dans l'article 30 de la 29e résolution,
relative au "mariage et au divorce." Je
ne vois pas sans appréhension que l'on laisse
au parlement général le droit de législater
sur tout ce qui se rattache au mariage et au
divorce. La question du mariage est intimement liée à une grande partie de notre
code et de nos droits civils,—car du mariage
dépend le règlement des intérêts de famille
et de succession, et l'état civil de la population. Si on laisse au parlement fédéral
le
droit de législater sur tout ce qui se rattache au mariage, il aura non seulement
le droit de déclarer qu'un mariage contracté
ailleurs sera valable dans la confédération,
pourvu qu'il ait été contracté suivant les lois
du pays où il aura eu lieu, comme l'a dit l'hon.
solliciteur-genéral,—car c'est là un principe
de droit international parfaitement reconnu
dans tous les pays du monde civilisé et qu'il
serait impossible de changer, et il était inutile de le mettre dans la constitution;—je
dis donc que non seulement le parlement
fédéral aura ce droit, mais encore il aura
celui de changer les conditions civils du
mariage, qui font aujourd'hui partie de notre
code. Mais si l'on veut soustraire aux législatures locales le droit de législater
sur les
conditions dans lesquelles un mariage pourra
être contracté, l'âge auquel on pourra se
marier, le degré de parenté qui empêchera
le mariage, le consentement des parents et
les dispenses nécessaires qu'il faut aujour
694
d'hui obtenir de l'autorité ecclésiastique, je
conçois que l'on ait mis cet article dans les
résolutions et que l'on donne ce droit à la
législature fédérale. Si l'on veut qu'un mineur
puisse se marier, comme il peut le faire dans
les pays où le droit anglais prévaut, sans le
consentement de ses parents, je conçois que
l'on ait placé le droit de législater sur le
mariage parmi les attributions du pouvoir
fédéral; mais si ce n'était pas là le but que
l'on avait en vue, je ne vois pas du tout
pourquoi on n'a pas laissé aux législatures
locales le droit de législater sur ce sujet.
(Ecoutez! écoutez!) Je verrais donc avec
beaucoup de crainte et d'appréhension donner
ce pouvoir au parlement général, parce qu'il
sera composé d'hommes qui ont des idées
tout à fait différentes des nôtres au sujet du
mariage. Quant à la question du divorce,
nous avons en toute espèce d'explications sur
la portée de la résolution de la conférence.
L'hon. solliciteur-général du Bas-Canada
(M. LANGEVIN), qui, l'année dernière, a fait
tant de bruit quand une cause de divorce
s'est présentée devant cette chambre, et qui
a même proposé le rejet d'un bill de divorce
dès sa première lecture, en est venu à des
accommodements et a trouvé qu'il serait
bon qu'il y eût une autorité qui s'occuperait
de ce sujet. L'année dernière, il disait qu'il
était impossible à un catholique de permettre
même la première lecture d'un bill de divorce,
et il nous a fait un long discours à ce propos;
aujourd'hui il est revenu de ses erreurs,
et il ne veut pas que la législature locale
puisse législater sur le divorce, mais il délègue ce droit au parlement fédéral et
l'autorise à le faire. Il ne pourra pas lui-même
législater, mais il permet à un autre de le
faire pour lui. Eh bien! je crois que ce n'est
pas là une amélioration sur ce qui existe
aujourd'hui, et que l'on pourrait mieux
empêcher le divorce en laissant ce sujet
parmi les attributions des législatures locales,
—au moins pour le Bas-Canada,—qu'en
le donnant au parlement fédéral. Mais je
vais plus loin, et je dis qu'en laissant
cette question à la législature fédérale, c'est
introduire le divorce parmi les catholiques.
En effet, aujourd'hui, il est certain qu'aucun
catholique ne pourrait obtenir un divorce,
ni dans la chambre actuelle, ni dans la législature locale du Bas-Canada sous la confédération.
Mais supposons que le parlement
fédéral décrète qu'il y aura dans chaque
province des tribunaux de divorce, les catholiques ne pourront-ils pas y avoir recours
comme les protestants? Et qui empêchera la
législature fédérale d'établir un tribunal de
cette nature dans le Bas-Canada, si elle en
établit ailleurs? Eh bien! dans ce cas,—si
de pareils tribunaux sont établis,—en votant
pour cette résolution, l'hon. solliciteur- général n'aura-t-il pas voté pour l'établissement
de cours de divorce dans tout le pays,
ou catholiques et protestants pourront s'a dresser pour obtenir un divorce? C'est
là la
seule conclusion à laquelle on puisse en
arriver et la conséquence légitime du vote
des catholiques qui voteront pour donner ce
pouvoir au parlement général. (Ecoutez!
écoutez!) Il est évident qu'un catholique
qui croit qu'il ne peut pas voter pour un bill
de divorce ne doit pas voter indirectement
pour établir des cours de divorce, pas plus
qu'il ne le ferait directement. L'honorable
solliciteur-général Est nous a dit, l'autre
jour, qu'il avait récemment fait annuller un
mariage parce que les parties, étant parentes,
s'étaient mariées sans dispense.
L'
HON. Sol.-Gén. LANGEVIN—Je n'ai
pas prétendu que c'était un divorce. J'ai
dit que si le cas d'annullation de mariage
dont j'ai parlé était survenu dans le Haut- Canada, les cours ecclésiastiques auraient
bien pu déclarer le mariage nul au point de
vue canonique, mais non pas les cours civiles,
car la loi du Haut-Canada ne reconnait pas
les empêchements canoniques au mariage, et
que les conjoints auraient été obligés de
s'adresser au parlement pour obtenir leur
séparation. Et j'ai dit que cette séparation
n'aurait pas été un divorce au point de vue
catholique, bien que l'acte du parlement
aurait été appelé un acte de divorce.
M. GEOFFRION —Le parlement accorderait-il un acte de divorce pour cause de
parenté?
L'
HON. Sol.-Gén. LANGEVIN—Je puis
citer d'autres cas. Par exemple, celui d'un
catholique marié à une infidèle qui n'aurait
pas été baptisée, sans qu'il connût cet empêchement au moment du mariage. S'il
découvre la chose plus tard, il n'est pas
marié au point de vue canonique. Si la
conjointe ne veut pas consentir à l'obtention
des dispenses nécessaires pour valider son
mariage, elle peut s'adresser aux cours ecclésiastiques pour le faire annuler, dans
le Bas- Canada; mais, dans le Haut—Canada, elle serait
obligéede s'adresser de plus au parlement.
M. GEOFFRION—Pourraient-ils obtenir
un divorce pour cause de parenté, devant le
parlement?
695
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Il serait
prouvé devant le parlement que le mariage
contracté sous ces circonstances est nul au
point de vue du droit canonique et de la loi
du Bas-Canada. Il y a dans le Haut-Canada
des autorités ecclésiastiques comme dans le
Bas-Canada, mais comme le droit civil n'y
est pas le même qu'ici, il resterait au couple
dont le mariage serait nul au point de vue
du droit canonique, mais non pas au point
de vue légal,—car aux yeux de la loi le
mariage serait valide, et ni l'un ni l'autre des
conjoints ne pourrait se remarier sans avoir
obtenu un acte du parlement,—il resterait à
ce couple, dis-je, le droit de s'adresser au
parlement, qui pourrait déclarer légalement
nul le mariage qui aurait été déclaré nul par
les autorités ecclésiastiques. Mais il faudrait
d'abord prouver la nullité du mariage devant
les autorités ecclésiastiques et au point de
vue canonique, et alors le parlement pourrait
l'annuler sur cette preuve, car il serait omnipotent.
L'HON. A. A. DORION —Mais lors
même que le parlement fédéral interviendrait dans ce cas-là, ce qui est fort douteux,
le gouvernement local aurait également pu
intervenir si le pouvoir lui en avait été donné.
D'ailleurs, ça ne serait pas là un cas de
divorce. Il serait tout simplement déclaré
qu'il n'y aurait pas eu mariage, ce qui est
bien différent. Dans le Bas-Canada, le droit
canonique fait partie de notre droit civil;
mais dans le Haut-Canada ce n'est pas la
même chose, et la loi n'y reconnait pas le
droit de l'autorité ecclésiastique de déclarer
le mariage nul. (Ecoutez! écoutez!) Je
crois donc que l'explication de l'hon. solliciteur-général ne vaut pas mieux que celle
qu'il a donnée à l'égard de ce qui concerne
le mariage, car elle ne prouve pas le moins
du monde que le parlement fédéral ne pourra
pas établir des cours de divorce dans toutes
les provinces, et la résolution ne comporte
pas du tout que le parlement fédéral n'aura
que le droit de déclarer nuls les mariages
déclarés tels par l'autorité ecclésiastique
catholique. (Ecoutez!) Je vois que l'émigration est un sujet laissé au gouvernement
général concurremment avec ce gouvernements locaux. Je trouve aussi un danger
dans le fait que le gouvernement général
nommera tous nos juges. Il est vrai que
l'hon. procureur-général Est disait, l'autre
jour, qu'il y aurait des Canadiens-Français
dans l'exécutif du gouvernement fédéral;
mais leur nombre devra être restreint, et si
l'exécutif est composé de quinze membres,
par exemple, il n'y aura qu'un ou deux
Canadiens-Français tout ou plus. Eh bien!
supposons que les ministres Canadiens- Français recommandent la nomination d'une
personne comme juge, et que tous leurs
collègues s'y opposent; les premiers auront
beau protester, la majorité l'emportera, et tout
ce qu'ils pourront faire sera de se retirer du
gouvernement. (Ecoutez! écoutez!) Mais,
dans ce cas, ils seront remplacés et on mar chera sans eux, voilà tout. Le même raisonnement
s'applique à la nomination des conseillers législatifs. Et lorsque je songe à
toutes les injustices commises par le conseil
législatif du Bas-Canada, qui était nommé
par la couronne et dans un esprit hostile à
la masse de la population, je ne puis concevoir qu'il se trouve des Canadiens-Français
qui veuillent retourner à ce système. Ne se
rappelle-t-on pas que c'est ce conseil qui a
fermé nos écoles communes en refusant de
voter les octrois accordés par l'assemblés législative et retardé, pendant des années
et des
années, le progrès de l'éducation dans le Bas- Canada? L'hon. député de Montmorency
dit
qu'il faut une chambre conservatrice, et que
notre conseil législatif, sous la confédération,
sera moins conservateur que le sénat belge,
parce que le cens d'éligibilité des sénateurs
belge est plus élevé que celui de nos conseillers législatifs. Le sénat belge est
élu pour
huit ans, et se renouvelle par quart.
L'HON. A. A. DORION—Oui, l'hon.
député a raison. Seulement le mandat de
chaque sénateur est de huit ans, mais les
élections se font tous les quatre ans pour la
moitié d'entre eux, et il peut encore y avoir
un autre changement dans la composition du
sénat, parce qu'il peut être dissout comme
la chambre basse. Or, dans ces circonstances,
il ne peut pas y avoir de conflit constant
entre les deux chambres belges, et le sénat
ne peut pas entraver indéfiniment l'action de
la chambre basse. S'il survenait un conflit
entre les deux corps, le gouvernement
pourrait y remédier par de nouvelles élections—qui enverraient des sénateurs favorables
aux vues du peuple. Ainsi, le sénat
n'est pas conservateur par le seul fait que
le sens d'éligibilité des sénateurs est très
696
élevé. Ce que je trouve d'excessif et de
trop conservateur dans la constitution du
conseil législatif de la confédération, c'est
qu'aucun pouvoir n'en pourra changer la
composition dans le cas d'un conflit entre
lui et la chambre des communes. Les conseillers seront nommés à vie, et leur nombre
sera fixe. Par quel moyen empêcherons-nous
le conseil législatif d'enrayer la marche des
affaires s'il vient en conflit avec la chambre
basse? L'hon. député de Montmorency dit
que l'on brisera l'obstacle; mais si l'on ne
pourvoit pas à d'autre remède que celui-là,
je dis que le principe est fautif. Il ne faut
pas ouvrir la porte à des obstacles qu'on
ne peut surmonter qu'en les brisant, quand
on fait une constitution. (Ecoutez! écoutez!)
En Angleterre, où la chambre des lords est
très conservatrice, la couronne a le pouvoir
de nommer de nouveaux pairs. Et c'est
précisément ce pouvoir qu'elle possède de
créer de nouveaux pairs qui a empêché de
briser l'obstacle,—qui a empêché une révolution en 1832. L'hon. député de Montmorecy
admet lui-même que l'on était à la
veille d'une révolution à cette époque, en
Angleterre, et qu'elle serait arrivée si la
chambre des lords avait refusé plus longtemps les mesures de réformes passées par
la
chambre des communes et réclamées par le
peuple; et cette révolution n'a été évitée que
parce que le roi ayant déclaré qu'il créerait
de nouveaux pairs, une partie des lords, pour
éviter ce danger, se sont abstenus et ont
laissé passer le bill de réforme parlementaire.
(Ecoutez! écoutez!) Il y a encore deux ou
trois sujets qui sont laissés à la juridiction
concurrente de la législature fédérale et des
législatures locales, comme l'agriculture,
l'émigration et les pêcheries, mais les lois
du parlement fédéral l'emporteront toujours,
sur ces sujets, sur celles des parlements
locaux. Ainsi, une législature locale passera
une loi sur l'agriculture, mais elle pourra être
détruite le lendemain par une loi de la
législature fédérale. (Ecoutez! écoutez!)
Je ne parlerai pas de la question financière,
mais je dirai que les chiffres donnés par
l'hon. solliciteur-général Est ne s'accordent
pas avec ceux des comptes publics. Je ne sais
pas où il les a pris, mais, pour ma part, je
n'ai pas pu les trouver. Quand j'ai demandé
si le Bas-Canada paierait la dette contractée
pour le fonds d'emprunt municipal, il n'a
as voulu répondre. Quand j'ai demandé a
l'hon. ministre des finances si le Bas-Canada
serait chargé de la dette contractée pour le
rachat de la tenure seigneuriale, du fonds
des écoles communes, du fonds d'emprunt
municipal et de l'indemnité payable aux
townships,—qui s'élèvent à $4,500,000—il
m'a répondu qu'il soumettrait un plan plus
tard pour régler ces questions, mais il n'a
pas voulu donner d'explications. Eh bien!
j'ai dit qu'à part la dette de $67,000,000 due
par la province, il y a au-delà de $3,000,000
dues au Haut-Canada pour compensation
de l'indemnité seigneuriale, et qu'en portail
à $62,500,000 la dette dont se chargera le
gouvernement fédéral, il restera $9,000,000
environ à diviser entre le Haut et le Bas- Canada. Avec le montant de la dette du
fonds d'emprunt municipal et des quelques
autres items que j'ai mentionnés, le Bas- Canada se trouvera chargé d'une dette locale
de $4,500,000. (Ecoutez! écoutez!) Quand
nous sommes entrés dans l'Union, nous
avions une dette de $500,000; nous avons
dépensé en travaux publics pour le Bas- Canada, depuis l' Union, environ $13,000,000
et nous allons sortir de l'Union avec une
dette de $27,500,000, comme notre quote-part
de la dette fédérale, et une dette particulière
de $4,500,000; tandis que le Haut-Canada
en sortira sans dette locale, en abandonnant
l'indemnité à laquelle il a droit en vertu de
l'acte seigneurial de 1859. Eh bien! je dis
que c'est là un traîté injuste, et qu'il est
injuste aussi que le ministère nous refuse
toute explication sur ce point avant que
nous soyons appelés à voter ces résolutions.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. solliciteur-général Est a dit l'autre jour que, dans le
plan
de confédération que je proposais pour les
deux Canadas, je voulais laisser l'administration et la propriété des terres publiques
au
gouvernement général, et il ajoutait qu'avec
la confédération les terres publiques appartiendront aux gouvernements locaux,—ce
qui
sera, suivant lui, un grand avantage sur le
plan que je proposais. Eh bien! il faut
remarquer qu'il est dû de très fortes sommes
sur la vente des terres publiques; il est dû
environ $1,000,000 dans le Bas-Canada, et
cinq ou six millions dans le Haut. Si ces
terres étaient restées dans l'Union, il y aurait
en un million du Bas-Canada, et cinq ou six
millions du Haut-Canada pour payer la dette
générale. Nous aurions profité de ce montant pour éteindre d'autant la dette publique,
au lieu que dans le projet du gouvernement,
le Haut-Canada va profiter des cinq ou six
millions qui lui sont dûs sur les terres
vendues dans le Haut-Canada, tandis que le
696
Bas n'aura qu'un million de piastres tout au
plus. S'il n'y avait que les terres publiques
il n'y aurait pas d'injustice à les laisser aux
gouvernements locaux, mais la différence des
créances dues sur les terres vendues donne
un avantage considérable au Haut-Canada.—
Il existe une objection assez grave à la constitution du conseil législatif. L'hon.
député
de Montmorency disait que le conseil législatif serait la protection et la sauvegarde
des
intérêts des Canadiens-Français, parce que
nous y aurions une égalité de conseillers
avec les autres provinces. Eh bien! je
trouve que ce sera là une singulière égalité.
Celle dont parlait l'hon. député de Montmorency quand il se prononçait en faveur
de deux chambres électives, parce que nous
aurions un représentant sur trois, était
préférable. Dans la chambre basse, nous
n'aurons pas un représentant sur trois, ni
dans la chambre haute non plus, car nous
n'aurons que 24 conseillers sur 76. Ainsi,
nous n'aurons l'égalité ni dans la chambre,
ni dans le conseil. (Ecoutez!) Mais c'est
le gouvernement général qui nommera les
conseillers, où nous serons en grande minorité dans le conseil exécutif. L'objection
que les conseillers législatifs qui seront
nommés sur la recommandation du conseil
exécutif du gouvernement général n'offrent
aucune garantie pour les institutions du Bas- Canada puisque l'influence qui prédominera
dans ce conseil ne sera pas l'influence de la
majorité du Bas-Canada. Pour offrir quelque
garantie, il faudrait qu'ils fussent élus par le
peuple ou tout au moins nommés sur la
recommandation du gouvernement local.
Ces résolutions ne sont, nous dit-on, que des
titres d'articles de la nouvelle constitution,
et cette nouvelle constitution pourra être
toute autre chose que ce que l'on nous propose. Elle nous reviendra sous forme d'un
acte impérial auquel il faudra nous soumettre
bon gré mal gré. (Ecoutez! écoutez!) Lors
même que le projet ne subirait aucune
modification, je ne pourrais l'approuver. Je
ne puis de gaieté de cœur renoncer aux
droits imprescriptibles du peuple qui m'a
envoyé ici pour le représenter. Je ne puis
consentir à un changement qui n'est rien
moins qu'une révolution politique, il est
vrai, mais qui n'en affecte pas moins les
droits et les intérêts d'un million d'habitants,
qui sont les descendants des premiers colons
de l'Amérique - de ceux qui ont attaché leurs
noms aux immenses découvertes qui y ont
été faites et marqué leur passage de tant de
traits héroïques. (Ecoutez! écoutez!) Je
ne veux pas de cette confédération dans
laquelle la milice, la nomination des juges
et l'administration de la justice—nos droits
civils les plus importants,—seront laissés sous
le contrôle d'un gouvernement général dont
la majorité sera hostile au Bas-Canada, d'un
gouvernement général revêtu de pouvoirs
les plus amples, pendant que les pouvoirs du
gouvernement local seront restreints d'abord
par la limite des pouvoirs qui lui sont délégués, par le
véto réservé à l'autorité centrale,
puis encore par la jurisdiction concurrente
de l'autorité ou du gouvernement général.
Des requêtes, couvertes de plus de 20,000
signatures, ont déjà été présentées à cette
chambre contre ce projet de confédération.
Des assemblées nombreuses ont été tenues
dans dix-neuf comtés du Bas-Canada et une
dans la cité de Montréal. Partout l'on proteste contre ce projet et l'on demande un
appel au peuple—et nous irions au mépris
du voeu de nos commettans passer outre et
leur donner une constitution dont l'effet
serait de leur ravir le peu d'influence qui
leur est restée sous l'union actuelle! Nous
irions renoncer pour eux à des droits qui
leur sont chers et cela sans les consulter! Ce
serait une folie; ce serait plus, ce serait un
crime! Aussi, je m'opposerai de toutes mes
forces à l'adoption de ce projet et j'insisterai
pour que, dans tous les cas, il soit soumis au
peuple avant qu'il ne soit adopté. (Applaudissements.
L'
HON. M. CAUCHON—M. le PRESIDENT:—L'on est venu m'avertir, ce soir, que
le député d'Hochelaga allait répondre à mon
discours du 2 mars; voilà pourquoi je
suis venu. Autrement, n'étant pas encore
parfaitement rétabli, je serais resté chez moi.
Mais j'avoue franchement que si j'avais
prévu que j'eusse à écouter un discours
comme celui que nous venons d'entendre, je
ne me serais pas dérangé pour si peu.
En l'entendant parler il faut se dire: ou il
n'est pas un bien puissant raisonneur, ou
cet hon. député a une triste idée de l'intelligence de cette chambre et peu de respect
pour ses collègues. Sans le secours de mes
deux brochures et le discours de l'hon. solliciteur général Est, qu'il a lus et commentés
comme on sait, il se fut bientôt trouvé
court; mais en s'aidant ainsi il a trouvé le
moyen de parler trois heures. (Ecoutez!
écoutez!)
Ai-je besoin de répéter que je n'ai
jamais nié mes opinions passées? Je ne
698
les nierai pas davantage ce soir. J'avoue
franchement que j'ai changé d'opinion sur
certains sujets. A quoi lui sert donc de
passer son temps à répéter ce que j'admets
moi-même? Si je lui ai prouvé qu'il avait
plusieurs fois changé lui-même, ce n'est pas
pour l'en blâmer, mais pour lui reprocher
de nier son passé afin de se trouver plus à
l'aise avec le présent. (Ecoutez!)
Mais, du reste, qu'importe au pays que, lui
et moi, nous ayons pensé d'une manière hier,
et que nous pensions d'une autre aujourd'hui?
Ce qui lui importe, c'est la question de
savoir si le projet de confédération, qui
nous est soumis par le gouvernement, est
bon ou mauvais. (Ecoutez!)
Celui qui affirme qu'il n'a jamais changé
d'opinion sur un sujet quelconque, à mon sens,
est un niais. Les besoins publics changent avec
les circonstances et imposent nécessairement
d'autres idées. (Ecoutez! écoutez!) On ne
mange pas quand on n'a plus faim et on ne
boit pas quand on n'a plus soif!
L'hon. député a-t-il pratiqué, par exemple,
au pouvoir, la doctrine qu'il promulguait sur
la double majorité lorsqu'il était assis sur les
banquettes de l'opposition? Lorsque la
chambre était occupée à discuter une résolution qui avait pour but d'affirmer le principe
de la double majorité, le président
actuel du conseil s'étant levé pour dire
qu'il n'aurait jamais gouverné le Haut-Canada au moyen d'une majorité Bas-Canadienne,
l'hon. député d'Hochelaga se leva
à son tour pour déclarer que lui non plus ne
consentirait jamais à gouverner contre le
gré de la majorité du Bas-Canada. Cependant, en 1858, n'est-il pas entré dans un
cabinet repoussé par la presque totalité des
deputés du Bas-Canada?
L'HON. A. A. DORION —J'ai dit que lors
de la formation du cabinet BROWN-DORION,
j'avais dit au président du conseil (M.
BROWN) que je n'entreprendrais pas de faire
passer dans la législature les quatre grandes
mesures dont il était alors question, sans
l'assentiment de la majorité des représentants du Bas-Canada.
L'
HON. M. CAUCHON—Ah! oui, l'on
trouve toujours une raison excellente pour
garder le pouvoir quand on le tient malgré
ses propres déclarations. En 1862, ne fit-il
pas partie d'un gouvernement situé dans les
mêmes conditions? Et, de 63 à 64, ne gouvernait-il pas le Bas-Canada avec une verge
de fer adossé seulement à une infime minorité bas-canadienne?
L'HON. A. A. DORION —La seule
mesure passée en 1863, celle des écoles
séparées du Haut-Canada, l'a été au moyen
d'une majorité du Bas-Canada.
L'
HON. M. CAUCHON—C'est le principe
qui est ici en question, et l'hon. député ne
saurait en détourner l'attention de la chambre.
Si la double majorité était bonne dans un
cas elle devait l'être pour tous les cas, pour
la législation comme pour l'administration,
mais surtout pour l'administration, qui ne
peut et ne doit reposer que sur l'opinion
publique. Or, l'hon. député d'Hochelaga
a constamment gouverné son pays malgré la
majorité de ses représentants. (Ecoutez! écoutez!)
Il nous a parlé des requêtes présentées à
cette chambre contre le projet de confédération, mais que signifient ces requêtes?
On
sait comment on a réussi à les couvrir de
signatures! (Ecoutez! écoutez!) A cette
occasion je citerai une anecdote qui se rapporte à l'histoire parlementaire du Haut-
Canada un peu antérieure à l'Union. Un
député parlait beaucoup de requêtes dans
une discussion sur un projet de loi: "Des
requêtes! lui répond son adversaire, je m'engage, d'ici à quinze jours, à présenter
une
requête à cette chambre qui demandera que
vous soyez pendu, et qui sera couverte de
bonnes et valables signatures! "Le défi fut
accepté et, au bout de deux semaines, la
requête arrivait demanda t la pendaison de
cet homme qui avait tant confiance dans la
vertu des requêtes! Comment l'avait-on
obtenue? En apostant dans une auberge,
située à l'enfourchement de quatre chemins,
un agent habile et bien instruit, lequel ne
cessait de répéter aux chalands de l'auberge:
"Aimez-vous les bons chemins?"—"Oui."
—"Eh bien! signez donc cette requête."—
Tous signaient sans lire. (Ecoutez! et rires.)
C'est exactement de cette manière qu'ont
été obtenues la plupart des signatures contre
la confédération. A Montréal, des agents parcouraient les auberges et faisaient signer
tous ceux qui s'y trouvaient ou signaient
pour ceux qui demeuraient dans le voisinage
sans même les consulter. (Ecoutez!) Aussi,
avons-nous vu venir des requêtes de comtés
où l'opposition n'a pas même pu trouver de
candidats. Elle peut bien obtenir des signatures de cette espèce, et par ces moyens;
mais ce n'est pas là l'expression de l'opinion
du Bas-Canada, et ces requêtes ne font
les élections. L'hon. député doit en savoir
quelque chose, lui qui était au pouvoir lorsque
699
s'est faite la dernière élection générale.
(Ecoutez!) Il a voulu expliquer ses concontradictions en disant qu'il n'avait jamais
été
en faveur de la confédération de toutes les
provinces. Je n'ai jamais dit qu'il fût en
faveur de cette confédération de toutes les
provinces; j'ai seulement dit qu'il voulait,
comme membre du gouvernement BROWN- DORION, en 1858, la représentation basée
sur la population avec des garanties, des
assurances et des contrôles; puis, qu'en
1859 il proposait comme alternative à cette
mesure dans son manifeste montréalais, la
confédération des deux Canadas; puis, qu'en
1860 et 1861 il était prêt à accepter tout
changement possible, même la confédération
de toute l'Amérique Britannique du Nord.
(Ecoutez!)
Pour prouver qu'il était en faveur de la
confédération de toutes les provinces, j'ai
cité l'un de ses discours où il disait, le 6
juillet 1858:—
"Le rappel de l'union, l'union fédérale, la
représentation basée sur la population, ou quelque autre grand changement doit, de
toute necessité, avoir lieu, et, pour ma part, je suis disposé
à examiner la question de la représentation basée
sur la population pour voir si elle ne pourrait
pas être concédée avec des garanties pour la
protection de la religion, de la langue et des lois
des Bas-Canadiens. Je suis prêt pareillement à
prendre en considération le projet d'une confédération des provinces, etc., etc."
Puis un autre, du 3 mai 1860, dont j'ai
donné deux versions, la première du Mirror
of Parliament, et la seconde, du Morning
Chronicle, auquel me renvoyait, pour plus
d'authenticité et pour plus d'orthodoxie, l'organe de l'hon. député d'Hochelaga:
"J'espère, cependant, que le jour viendra où
il sera désirable pour le Canada de s'unir fédérativement avec les provinces inférieures,
etc...
Ceux qui sont en faveur de l'union fédérale
des provinces doivent voir que cette fédération
proposée du Haut et du Bas-Canada est le meilleur moyen de créer un noyau autour duquel
pourra plus tard se former la grande confédération
de toutes les provinces." (Mirror of Parliament.)
"Je regarde l'union fédérale du Haut et du
Bas-Canada comme le noyau de la grande confédération des provinces de l'Amérique du
Nord
que tous appellent de leurs vœux (to which all
look forward)...Je crois que l'union de toutes
les provinces viendra avec le temps."—(Morning
Chronicle.)
Etait-il possible d'être plus explicite?
L'HON. A. A. DORION —Le mot
he
n'est pas dans le rapport.
L'
HON. M. CAUCHON—Non; aussi j'ai
corrigé cette erreur, l'autre soir; mais j'ai
maintenu, avec raison, que les mots "
to
which all look forward" voulaient dire
que
tous portent leurs regards vers la confédération. Or, si tout le monde attend la confédération, si tous portent les regards vers elle
comme vers la terre promise, l'hon. député
d'Hochelaga doit être un peu compris dans
ce "
tout le monde." (Ecoutez! écoutez!)
N'a-t-il pas, du reste, déclaré que la confédération des deux Canadas, qu'il proposait,
ne devait être que le noyau de la grande
confédération, le noyau nécessaire de la confédération de toutes les provinces de
l'Amérique du Nord, qui nous occupe aujourd'hui?
L'
HON. M. CAUCHON —L'honorable
député cherche toujours des échappatoires
pour sortir de ses discours et se soustraire
aux conséquences de ses opinions passées;
mais, comme je ne l'ai pas interrompu, j'espère qu'il ne m'interrompra pas non plus.
N'a-t-il pas dit l'autre jour:—
"Nécessairement je ne veux pas dire que je
serai opposé toujours à la confédération. La
population peut s'étendre et couvrir les forêts
vierges qui existent aujourd'hui entre les provinces
maritimes et le Canada, et les relations commerciales peuvent s'accroître de manière
à rendre la
confédération désirable."
N'est-ce pas tout admettre? N'est-ce pas
dire que ce n'est plus entre nous qu'une
question de temps et d'opportunité? Pourquoi donc tant nous faire un crime de notre
opinion, à nous, la majorité, pour arriver, à
la suite d'un discours de quatre heures, à la
conclusion que la confédération sera bonne
ou nécessaire dans un temps plus ou moins
rapproché? Dans son manifeste contre le
projet de la confédération, il reste tellement
dans ses idées antérieures qu'il ne trouve que
"prématuré" le projet qui nous est soumis.
Ce n'était donc encore là qu'une question
de temps et, en se déclarant aujourd'hui
contre la confédération, il change donc d'opinion sur le fond même de la question.
Je
ne lui en fais pas un reproche, car, comme
je le disais il y a un instant, celui qui soutient qu'il n'a jamais changé donne une
faible opinion de son jugement et de son
aptitude pour la chose publique. Les évènements, en changeant, obligent aussi forcément
les hommes de changer. (Ecoutez!)
Un général se ventait un jour au grand
TURENNE de n'avoir jamais comme de faute
700
de stratégie. "Celui qui se vante de ne
s'être jamais trompé," lui répondit TURENNE,
"prouve, par là, qu'il ne connaît pas le
métier de la guerre." Ces paroles, pleines
de sagesse, peuvent s'appliquer à l'hon.
député d'Hochelaga qui, par son insistance
à soutenir qu'il ne s'est jamais contredit ni
trompé, prouve qu'il n'est pas un homme
d'Etat. (Ecoutez!) Mais, je le dis encore
une fois, il eût été mieux pour lui de laisser
de côté les questions personnelles. (Ecoutez!
écoutez!)
Voici ce qu'il disait le 6 juillet 1858:
"Avant longtemps il deviendra impossible de
résister à la demande du Haut-Canada...Si la
représentation basée sur la population ne lui est
pas accordée maintenant, il l'obtiendra plus tard,
mais alors sans aucune garantie pour la protection
des Canadiens-Français."
Mais aujourd'hui il change d'opinion. Alors
il voulait accorder la représentation basée
sur la population ou la confédération assise
sur le même principe. Il fallait la donner,
pour n'être pas emportés par la tempête.
Cependant, aujourd'hui, à l'entendre, le
temps n'est plus à l'orage; tout est calme et
serain à l'horizon; l'opinion publique du Haut- Canada ne menace plus de rompre les
faibles
digues de l'Union, et les changements sont
inutiles! Et pourtant, nous avons vu
jusqu'à trois crises ministérielles en une
seule année. (Ecoutez! écoutez!) Il se
trompe donc: les difficultés n'ont fait que
grandir, et il vaut mieux aujourd'hui prévenir la tempête que d'être emportés plus
tard, par elle. La plus grande sagesse ne
consiste pas à guérir le mal, mais à le prévenir. Cette vérité s'applique à la politique
comme à la médecine. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député d'Hochelaga nous a parlé de
conflits entre le parlement fédéral et les
chambres locales et de la souveraineté du
parlement central sur les législatures des
provinces. Mais qu'est-ce donc que cette
souveraineté sur les attributions des législatures provinciales? Si elle existe, elle
doit
se trouver dans la constitution. Si elle ne
s'y trouve pas, c'est qu'elle n'existe pas.
Vous dites que la législation fédérale prédominera toujours, et pourquoi? Qui donc
décidera entre l'une et les autres? Les tribunaux judiciaires ayant juré de respecter
les
lois et la constitution tout entière, seront
chargés, par la nature même de leurs fonctions, de dire si telle loi du parlement
fédéral
ou des législatures locales affecte ou non la
constitution. (Ecoutez!) Il n'y aura pas
de souveraineté absolue, chaque législature
ayant des attributs distincts et indépendents et ne procédant pas des autres par
délégation, soit d'en haut, soit d'en bas. Le
parlement fédéral aura la souveraineté législative pour toutes les questions soumises
à
son contrôle dans la constitution. De même
les législatures locales seront souveraines
pour toutes les choses qui leur seront spécifiquement attribuées. Comment les questions
de conflit se règlent-elles aujourd'hui aux
Etats-Unis, lorsqu'il s'en élève entre la législation du Congrès et celles des Etats?
Je ne
parle pas du temps actuel, où presque tout
le territoire de ce grand pays est soumis au
régime militaire et parcouru en tout sens
par une armée de cinq cent mille soldats.
Je parle de ce qui se passe dans leur état
normal. (Ecoutez!) La souveraineté se
trouve dans le gouvernement fédéral pour
toutes les choses fédérales, et, dans les
Etats, pour tout ce qui a rapport à leurs
attributions spécifiques.
En lisant STOREY, ou plutôt la constitution, l'hon. député s'appercevra que les
Etats ne sont pas souverains par rapport
aux questions de guerre et de paix, de tarif,
de commerce, de traité et de toute relation
avec les pays étrangers
Leur autorité est nulle à l'endroit de ces
questions, et la souveraineté réside exclusivement dans le gouvernement fédéral. S'il
s'élève un conflit entre la législation fédérale
et celle des Etats, les tribunaux judiciaires
le décident. Je ne sache pas qu'il se soit
jamais rencontré de difficulté à cet endroit
et que, en ce qui regarde les attributs des
législateurs des Etats, la législation fédérale
ait prédominé sur la législation locale.
(Ecoutez! écoutez!) Pourquoi donc en
serait-il autrement pour nous? Est-ce que
nous sommes différemment constitués et que
notre nature obéit à d'autres lois? Ces argu ments sont misérables, et il en est réduit
même à fendre des cheveux, depuis qu'il est
à l'école du député de Brome, qu'il remplace
presque depuis qu'il est malade! (Rires.)
L'hon. député d'Hochelaga a trouvé ma
première brochure beaucoup mieux écrite
que la dernière, sans doute pour la même
raison qu'il trouvait mes discours de 1858
bien supérieurs à celui que j'ai fait l'autre
jour. Il pense aujourd'hui comme je pensais
on 1858; il a donc rétrograde de six ans.
Faisant allusion à mon discours du 2 mars,
il semble me faire un crime d'avoir subi l'in fluence de mes rapports avec les délégués
701
des provinces maritimes et d'avoir, sous
l'action de cette influence, changé mes
opinions sur la confédération. J'admets le
fait de cette influence légitimement exercée.
L'on ne perd pas au contact des hommes
intelligents. Les membres de cette chambre
qui ont visité, l'automne dernier, ces provinces, sont revenus émerveillés de ce qu'ils
avaient vu. Ils se sont convaincus que ces
provinces possédaient de grandes ressources.
Le contact des hommes les plus éminents
de ces pays ne pouvait pas faire de mal, et
l'hon. député s'en fût bien trouvé. Peut-être
que s'il l'avait subi il n'aurait pas, aujourd'hui, recours aux moyens qu'il emploie
pour
discréditer et faire rejeter le projet de confédération. (Ecoutez! écoutez!) Parmi
ces
hommes il en est de magnifiquement doués,
et à côté desquels je serais heureux et fier
de siéger dans une assemblée délibérative.
(Ecoutez!) Oui, nous avons gagné à leur
contact, et j'ose croire que, de leur part, ils
ont perdu bien des préjugés qu'ils pouvaient
avoir contre nous comme nous en avions
contre eux.
L'hon. député a cité certains articles
du Journal de Québec de 1856 et 1858,
pour établir que je disais qu'alors le gouvernement était le plus mauvais que j'eus
jamais vu. J'avais peut-être raison dans le
temps, mais je ne pourrais plus dire la même
chose depuis qui m'a été donné de contempler le gouvernement de l'hon. député!
(Ecoutez! et rires.)
S'il fût jamais un gouvernement tyrannique et malhonnête, ce fut bien celui
de 1863, et aussi est-il tombé sous les
coups de l'indignation de tous les honnêtes gens. A moins d'un accident comme
celui de 1862, qui donc ose espérer voir
l'hon. député remonter au pouvoir! (Ecoutez! écoutez!)
Il nous a dit qu'il n'était pas convenable
de changer la constitution sans, auparavant,
recourir à l'appel au peuple. Mais il s'agit
d'abord de décider la question constitutionnelle;—la question de convenance et
d'opportunité vient après.
Il nous parle sans cesse de consulter
les électeurs. Cela se comprend: les élections sont sa seule espérance. Toujours
déçu à chaque élection, il espère, mais en
vain que la suivante lui donnera la
victoire. Il devrait comprendre pourtant
que notre constitution est faite sur le
modèle de la constitution britannique, et que
les députés ne recoivent pas et ne peuvent
pas recevoir de mandat impératif de leurs
électeurs.
Chaque représentant, bien qu'élu par un
comté particulier, représente tout le pays,
et sa responsabilité législative le couvre tout
entier. Si donc je suis convaincu qu'une
mesure législative, présentée par le gouvernement ou par un membre de cette chambre,
doit sauver le Bas-Canada, je dois voter pour
cette mesure quand bien même mes électeurs
y seraient opposés. Mes électeurs pourraient
me punir après, mais ils n'auraient pu me
créer des devoirs indépendants d'eux et
crées à la constitution elle-même. (Ecoutez!
écoutez!)
S'il y a des députés qui croient sérieusement que le projet de constitution est
mauvais et contraire à l'intérêt du Bas- Canada, bien que la grande majorité de notre
peuple pense autrement, il est de son devoir
de le combattre précisément sur le même
principe. Il peut aussi, s'il le veut, demander
un appel au peuple. Mais serait-il justifiable
dans les circonstances, et cette chambre
devrait-elle le demander uniquement pour
satisfaire au besoin d'opposition qui tourmente sans cesse l'hon. député d'Hochelaga.
(Ecoutez! écoutez!).
L'hon. député d'Hochelaga nous a parlé
d'assemblées publiques tenues dans certains comtés du district de Montréal; mais
ces assemblées sont loin d'avoir l'importance qu'il leur donne. (Ecoutez!) On sait
comment on peut en faire partout et ce
qu'elles signifient. Quoi qu'il en soit, il n'y
en a pas eu de pareilles dans le district de
Québec et même dans celui des Trois-Rivières
contre la confédération, et l'on ne peut pas
dire que les députés qui représentent ces
districts, et qui votent pour la mesure, agissent contrairement aux vœux de leurs
commettants.
On ne voit de pareilles assemblées que
dans le district de Montréal, où le parti de
l'hon. député se trouve le plus représenté;
mais l'on peut juger de ces assemblées par
ce qui se passe à Québec en ce moment.
Tandis que tous les citoyens demandent la
suspension du conseil municipal actuel,
quelques individus intéressés à le tenir debout convoquent des assemblées publiques
dans les coins et les recoins des faubourgs.
(Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député a fait d'immenses efforts pour
prouver que les intérêts de notre religion,
de notre nationalité et de nos institutions,
seraient beaucoup plus en sûreté entre les
702
mains que dans celles de la majorité. Pour
ma part, je suis prêt à laisser à l'opinion publique le soin de décider cette question,
et,
comme il se dit très-respectueux pour cette
opinion, je dois supposer qu'il sera d'accord
avec moi sur ce point. (Ecoutez! écoutez!)
Je ne voudrais pas affirmer que l'hon.
député lui-même est personnellement hostile à
la religion et aux institutions du Bas-Canada;
mais je puis dire que toutes les tendances
du parti qu'il représente sont adverses à ces
mêmes institutions. (Ecoutez! écoutez!)
Nous en avons des preuves suffisantes dans
les écrits et les actes de ce parti.
Quant à mon opinion sur la confédération,
je puis répéter ici ce que j'ai déjà, dit dans
une autre occasion, à savoir: que personne ne
savait quelle était cette opinion, et dans
quel sens j'écrirais lorsque j'ai commencé
mon travail. (Ecoutez!) J'ai gardé le
silence pour n'être tourmenté ni par les amis,
ni par les adversaires, et afin de pouvoir
juger la question dans la plénitude de ma
liberté. (Ecoutez!) On a parlé des dangers
de la confédération. Je sais que toute
question a ses dangers, et il est probable que
celle-ci en offre comme toutes les autres; mais
le plus grand danger que nous pourrions
courir serait d'amener un conflit entre les
catholiques et les protestants par des appels
comme ceux que certains députés de la
gauche ont faits aux passions religieuses de
nos populations. (Ecoutez!) Dans quelle
position nous trouverions-nous, nous catholiques, si nous provoquions un pareil conflit?
Les 258,000 catholiques du Haut-Canada
ne sont représentés, dans cette chambre, que
par deux députés, ceux de Cornwall et de
Glengary (MM. J. S. et D. A. MACDONALD),
tandis que les protestants du Bas-Canada y
sont représentés par quinze ou seize députés;
et dans une lutte entre les catholiques et les
protestants, que deviendrions-nous? (Ecoutez! écoutez!) Ce n'est que dans la justice,
dans la sagesse et la libéralité de nos actes
que nous avons trouvé, jusqu'ici, notre force
et notre protection, et c'est là que nous les
trouverons encore dans la confédération.
(Ecoutez!)
L'hon. député d'Hochelaga a cité une
partie tronquée de ma première brochure
pour lui donner une signification qu'elle
n'a pas; puis il m'accuse d'avoir changé
d'opinion sur la question de la constitution du conseil législatif. Mais je puis
lui dire que je n'ai jamais changé d'opinion
sur cette question, car je n'ai jamais été en
faveur du principe électif appliqué au conseil
législatif; et si, en 1858, j'ai redigé et
présenté la loi qui changeait la constitution
de ce corps, ce n'a été que pour me rendre à
l'opinion universelle qui voulait un conseil
législatif électif. Mais, me répondra l'hon.
député d'Hochelaga, n'avez-vous pas écrit
en 1858:—
"La meilleure des conditions possibles dans
la confédération serait celle où les deux chambres
seraient élues et auraient toutes deux le nombre
pour base, car nulle autre, si ce n'est celle d'une
chambre unique, ayant aussi la population pour
base, nous donnerait absolument une voix sur
trois dans la législature fédérale."
S'agissait-il alors de savoir si, en principe
l'élection valait mieux que la nomination?
Non, nous en étions à discuter une question
bien autrement importante, celle de savoir
dans quelle condition d'être constitutionnelle
nous nous trouverions le mieux protégés, et
ne songeant qu'à deux alternatives, le nombre
ou l'état, je préférais le nombre qui nous
eût donné une part plus large de représentation et d'influence. Les paroles qui suivaient,
et que voici, établissent à l'évidence
ma pensée d'alors:—
"La constitution des Etats-Unis, sur laquelle on
façonnerait peut-être la nôtre, ne nous donnerait
pas, à nous Bas-Canadiens, la même protection
et la même garantie de salut, puisque nous n'y
serions réellement un peu protégés que dans la
chambre des représentants, où nous serions un sur
trois."
Or, l'élection eût résidé dans le conseil
législatif même si celui-ci avait été créé sur
le principe de l'état et non du nombre.
Pour faire voir que je n'étais préoccupé
alors que d'une seule idée, celle de procurer
au Bas-Canada la plus grande somme d'influence possible dans la législature fédérale,
par la forme constitutionnelle, quelle qu'elle
fût, qui pût mieux la donner, j'écrivais
encore dans la même brochure:
"Avec le principe fédéral, les petites et les
grandes provinces pèseront d'un poids égal dans
la législature unique (générale); la petite Ile du
Prince-Edouard autant que les douze cent cinquante mille âmes du Bas-Canada."
N'ayant aucune donnée, je croyais alors
que l'on adopterait le système américain qui
donne, dans le sénat fédéral, aux petits Etats
de Rhode-Island, de New-Jersey, du Maine,
du Vermont et du Connecticut, la même représentation qu'aux grands Etats de New-York,
de la Pennsylvanie et de l'Ohio. Mais le projet
que nous avons sous les yeux prouve que
je me trompais, puisque l'Ile du Prince-
703
Edouard, au lieu d'avoir autant de représentants que nous dans le conseil législatif,
en aura qu'un sixième de notre nombre.
Pour l'objet de la représentation au conseil
législatif, les trois provinces atlantiques sont
groupées ensemble et ne devront être représentées, réunies, que par vingt-quatre voix,
comme le Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!)
Comme il ne s'agissait que d'une question
d'équilibre entre les provinces, si le projet
de la convention de Québec me donne le
même résultat qu'un conseil législatif élu,
quelle contradiction a-t-il pour moi à
venir au principe de sa nomination que j'ai
toujours préféré a celui de l'élection? Les
conditions d'équilibre étant les mêmes, je
donne la prélérence au principe qui prouve à
la législation la plus grande garantie de
sagesse et de maturité. (Ecoutez! écoutez!)
Mais, en supposant, ce qui n'est pas, que je
me fusse contredit, en quoi mes contradictions
pourraient-elles affecter le mérite même de la
question en débat? Si l'on peut prouver que
mes opinions d'aujourd'hui ne sont pas
appuyées sur la raison, qu'on le fasse. Si on
ne le peut pas, qu'on n'aille pas s'imaginer
avoir répondu en disant: "Il y a six ans,
vous ne pensiez pas ainsi." Parce que je raisonnais, en 1858, sur des hypothèses que
les
faits contredisent aujourd'hui, faut-il donc,
pour paraître consistant, que je tienne à ces
suppositions auxquelles une vérité matérielle
donne un si complet démenti? (Ecoutez.)
L'hon, député d'Hochelaga nous a dit que
la constitution du sénat belge est moins
conservatrice que celle du conseil législatif
que nous proposons d'établir dans la confédération, parce que les membres du sénat
belge sont en partie renouvelés tous les
quatre ans. Je lui réponds que le principe
conservateur peut se trouver ailleurs que
dans le mode de choisir les conseillers ou es
sénateurs, et, en Belgique, il se trouve dans le
cens d'éligibilité excessivement élevé exigé
des candidats au sénat, au point que les
hommes à grande fortune seuls, toujours en
petit nombre, peuvent y arriver.
En Belgique, ce que la constitution exige,
c'est qu'il y ait un homme d'éligible par chaque
six milles têtes de la population, et cet homme
doit payer mille florins d'impôts directs.
Dira-t-on que le sénat belge, ainsi constitué,
n'est pas plus conservateur que ne le sera
notre conseil législatif,—le sénat belge où ne
peuvent sièger que les hommes très riches
et les grands propriétaires territoriaux?
(Ecoutez!) On me répond que ce sénat se
renouvelle par moitié tous les quatre ans, et
ne la Couronne peut le dissoudre à volonté.
Mais peut-elle empêcher les hommes à grande
fortune et les grands propriétaires d'y arriver?
L'on constate qu'à peine peut-on apercevoir,
dans la Chambre des lords, que quelques-uns
des rejetons des grandes familles qui y brillaient sous CHARLES II; mais cette chambre
se recrute constamment dans la grande noblesse territoriale et parmi les hommes qui
rendent d'importants services politiques ou
militaires à l'Etat. En la renouvelant ainsi,
avec les mêmes éléments, est-ce que la Couronne lui enlève son caractère conservateur?
L'hon. député craint toujours les conflits
et les enraiements. En supposant que la
chambre des lords eût persisté dans son
opposition au bill de la réforme, en 1832,
que fût-il arrivé si GUILLAUME IV avait
refusé de la submerger par de nombreuses
nominations à la pairie? Croit-on qu'elle
eût persisté jusqu'au bout? Non, après avoir
résisté longtemps, elle eût cédé devant l'ouragan qui menaçait de l'emporter. (Ecoutez!)
En 1832, la lutte se faisait entre les grands
proriétaires et les classes moyennes qui
voulaient arriver,—car le peuple anglais,
proprement dit le popolo n'a pas de priviléges politiques; il n'est rien dans la constitution; il est prolétaire
et n'a pas d'énergie
pour la lutte qui, du reste, ne lui donnerait
rien. Il ne ressemble en rien aux populations des grandes villes dela France qui
font et défont les gouvernements par l'insurrection ou la révolution. En Angleterre,
ce
sont les classes moyennes qui font les révolutions ou qui menacent de les faire. Devenant
chaque jour plus riches, elles marchent
lentement, mais progressivement, vers la
conquête des priviléges et des immunités
politiques. L'école radicale de Manchester
dans le fond ne veut pas autre chose, bien
qu'elle affirme désirer des privilèges pour le
peuple.
Si la grande noblesse, en 1832, faisait une opposition aussi acharnée au bill
de la réforme, c'est qu'elle croyait qu'il
anéantirait son influence et la placerait à la
merci de la volonté des masses. Mais ici
nous n'avons pas de castes, et la fortune,
comme les honneurs politiques, appartient
à tout homme qui travaille pour l'acquérir.
Ici, chacun, s'il le veut, peut devenir proriétaire et acquérir, sans presque d'efforts,
le droit d'avoir voix délibérative dans la discussion des questions nationales les
plus
704
importantes. Pour être conseiller législatif,
il suffira de posséder une propriété foncière
de la valeur de quatre mille piastres. Les
conseillers législatifs feront partie du peuple,
vivront avec le peuple et de ses sentiments,
en connaîtront et en apprécieront les besoins;
la seule différence qu'il y aura entre eux et
les membres de la chambre des communes,
c'est qu'étant nommés à vie ils ne seront
pas assujétis aussi directement à l'influence extérieure; qu'ils auront plus de liberté
pour agir et pour penser, et qu'ils
pourront juger avec plus de sang-froid la
législation qui leur sera soumise. (Ecoutez!
écoutez!) Pourquoi donc provoqueraient-ils
des conflits qui ne seraient ni dans leur intérêt ni dans leurs instincts? Ils n'auront
pas,
comme la chambre des lords, de priviléges
à sauver du naufrage. Ils n'auront dans
la constitution qu'un seul rôle, celui de
mûrir la législation dans l'intérêt du peuple.
L'hon. député d'Hochelaga a dit, dans
son dernier manifeste, et a répété ici,
que si nous demandions à l'Angleterre de
toucher à notre constitution, nous nous exposions à voir une main malfaisante y faire
des changements que nous n'aurons pas
demandés. La chose est possible, je l'admets.
Elle est possible comme il est possible que
le parlement impérial change notre constitution sans attendre même notre initiative
comme il le faisait en 1840; mais s'il y a
mal aujourd'hui à demander à la Grande- Bretagne la confédération de toutes les provinces,
parce qu'elle peut nous assujétir à des
choses qui ne se trouvent pas aussi nées dans
le projet, pourquoi le député d'Hochelaga
voulait-il un changement constitutionnel en
1858? Espérait-il changer l'acte constitutionnel de 1840 sans le concours du parlement
impérial, et voudrait-il nous dire par
quel procédé surnaturel il espérait y arriver?
S'il y a danger en 1865, il devait y avoir
aussi danger en 1858. Pourquoi donc vouloir imputer à mal aux autres, aujourd'hui,
ce qu'il voulait faire lui-même alors? Est-ce
qu'il a oublié tout cela? Veut-il le nier?
Différent un peu des Bourbons, il n'a rien
appris et a tout oublié! (Ecoutez! et rires.)
Pour nous effrayer, il a aussi parlé des
taxes directes que nous aurons à subir si
nous avons la confédération. Or, dans son
projet constitutionnel de 1858, que nous
connaissons tous, il donnait au gouvernement
fédéral le revenu des douanes. Il nous aurait
donc fallu recourir aux taxes directes pour
payer les dépenses des gouvernements locaux.
Le projet de constitution qui nous est
soumis nous sert mieux que cela, car il nous
donne assez, et plus qu'il ne nous faut, pour
faire fonctionner à l'aise les organisations
locales.
L'
HON. M. CAUCHON-L'hon. député
de Chateauguay, qui crie écoutez! doit être
content s'il se croit dans la vérité, car, lors qu'il était ministre des finances,
il nous disait
que pour combler l'abîme, creusé par ses
prédécesseurs, il lui fallait nécessairement
avoir recours aux taxes directes. (Ecoutez!)
L'hon. député d'Hochelaga a longtemps
pleuré les malheurs de son pays; il s'est
longtemps désolé, comme JEREMIE, à la
pensée des maux qui l'accablaient. Et enfin,
en 1858, éclairé de l'intelligence de son
lumineux ami, le député de Chateauguay, il
a cru trouver dans les taxes directes le remède aux maux qui le conduisaient fatalement
à la mort. (Ecoutez! écoutez!) Mais,
aujourd'hui, il repousse un projet qui peut
sauver le pays sans que ne nous ayons besoin
de recourir à ce remède extrême et répulsif.
(Ecoutez!) Si le projet devient loi, non
seulement nous aurons un revenu suffisant
pour payer la dépense locale, mais encore un
surplus pour liquider progressivement le
résidu de la dette qui nous restera, si nous
pratiquons une sage économie. L'hon. député d'Hochelaga nous dit que le Bas-Canada
sera chargé d'une dette locale de plus
de $4,500,000; mais nous avons la preuve
évidente et palpable que la dette du Canada,
déduction faite de la partie payée du fonds
d'amortissement, ne s'élève qu'à $67,500,000. Or, notre partie de la dette fédérale
est établie à $62,500.000. il ne restera conséquemment pas $5,000,000 à répartir entre
les deux Canadas et tous les arguments de
l'hon. député ne changeront pas un fait
aussi incontestable. (Ecoutez! écoutez!)
Ce n'est pas à l'hon. ministre des finances
que nous devons ces chiffres. Ils nous
sont donnés par un homme parfaitement
indépendant de tous les ministres et
tous les partis, et auquel moi-même j'ai
fait reproche autrefois de l'être trop: je veux
parler de M. LANGTON l'auditeur des
comptes. (Ecoutez!) Nous ne savons pas
encore, il est vrai, comment serait partagée
entre les deux Canadas cette dette de quatre
millions et quelques cents mille piastres;
705
mais nous savons, à n'en pas douter, que les
revenus locaux appartiendront aux gouvernements locaux, et qu'ils suffiront amplement
à tous leurs besoins. (Ecoutez!)
L'hon. député d'Hochelaga se plaint que
le Haut-Canada conserve ses terres publiques et ce qui est dû au gouvernement
sur ces terres; et il prétend que le Bas- Canada devrait avoir sa part de ce que ces
terres produiront. Mais ces terres nous
appartenaient-elles avant l'Union, et n'avons- nous pas nos propres terres publiques,
ainsi
que le revenu qui en découle? N'avons- nous pas plus de terres à établir que le
Haut-Canada? Depuis la découverte de nos
mines d'or et de cuivre, le produit de la
vente de nos terres a plus que quintuplé,
tandis que le Haut-Canada n'a presque plus
de terres à vendre. Laissez nos mines s'ouvrir
et vous verrez que nous n'aurons rien à envier
au Haut-Canada. (Ecoutez!) Tout est bien
compensé, car si nous avons un revenu
moins considérable que le Haut-Canada,
notre population est aussi moins nombreuse.
Le Haut-Canada possède un revenu plus
considérable, mais qui doit décroître avec la
quantité de ses terres à vendre, tandis que
nous avons, nous, un revenu qui s'accroît
progressivement. (Ecoutez! écoutez!) L'hon.
député rendrait les terres publiques à la confédération, sans doute pour être d'accord
avec son système de 1859, tel que formulé
dans le manifeste montréalais; mais je suis
sûr que le Bas-Canada ne partagera pas son
opinion.
Il nous a aussi parlé de mariage et de
divorce. Il nous a dit: "Voyez-vous,
vous ne voulez pas voter directement pour
le divorce, mais vous votez pour établir des
cours de divorce." Eh bien! personne ne
condamne le divorce plus que moi, et je suis
convaincu que l'hon. député d'Hochelaga
l'accepterait avant que je ne l'accepterais moi- même. Mais, s'il n'était rien dit
du divorce
dans la constitution, si on ne l'y attribuaint
pas au parlement fédéral, il appartiendrait
nécessairement aux parlements locaux comme
il appartient aujourd'hui à notre législature,
bien que l'acte de l'Union n'en dise pas un
mot.
Pour ma part, j'aime mieux voir ce pouvoir
loin de nous, puisqu'il doit exister quelque
part malgré nous. (Ecoutez! écoutez!) Ses
raisonnements sur la question du mariage
sont extraordinaires à l'extrême pour un
homme qui occupe une position au barreau.
Ils sont si extraordinaires et si en dehors de
toute logique et de toute loi, que je ne prendrai
pas la peine de les combattre. Les explications du gouvernement m'ont satisfait sur
ce
point. Le pouvoir législatif du parlement
fédéral, relativement au mariage, ne sera
que ce que le fera la constitution, malgré les
singulières assertions de l'hon. député. (Ecoutez! écoutez! et applaudissements.)
Sur motion du Dr. PARKER, le débat est
ajourné.