Chambre de l'Assemblée, Upper Fort Garry
Mardi, 15 mars 1870
Les membres de la nouvelle Assemblée Législative de la Terre de Rupert se sont réunis
de nouveau dans leur Chambre le 15 suivant. Le Président ayant pris place au fauteuil,
Les avis de motion suivants sont donnés :
L'honorable M. Bunn— Que le Gouvernement de l'Angleterre,
le Gouvernement Canadien et la Compagnie de la Baie d'Hudson ont ignoré nos droits
en
tant que sujets britanniques quand ils ont conclu des arrangements pour le transfert
du
Gouvernement du Nord-Ouest à la Puissance du Canada; sans consulter les souhaits des
gens du Territoire du Nord-Ouest.
L'honorable M. Scott — Que nonobstant les insultes et les
souffrances endurées par les gens du Nord-Ouest jusqu'à maintenant, et qu'ils continuent
d'endurer, la loyauté du peuple du Nord-Ouest envers la Couronne d'Angleterre reste
la
même, pourvu que les droits et les propriétés, les us et coutumes des gens soient
respectés.
On annonce que Sa Grandeur l'Évêque Tache attend à l'extérieur de la salle de l'Assemblée.
Le Président va immédiatement à sa rencontre et le présente à la Chambre. Un siège
est offert à Sa Grandeur, qui l'accepte.
Pendant
plusieurs mois, les gens ont eu des troubles et des souffrances, mais depuis quelque
temps, les choses semblent évoluer en notre faveur. Le Canada a commencé à nous
reconnaître plus que d'habitude. Les gens de ce pays ont commencé à se comprendre les
uns les autres et se sont rencontrés de toutes les parties de la Colonie pour s'unir.
Tandis que nous parvenons ainsi à cette entente et en ressentons le plaisir, la première
joie est produite par l'arrivée Sa Grandeur l'Évêque Tache.
Le Président dit qu'il éprouve un plaisir extrême à présenter à Sa Grandeur la première Assemblée
Législative de ce pays, qui représente toutes les classes de gens. Et au nom des gens
représentés par les honorables membres de cette Assemblée Législative, il souhaite
la bienvenue à Sa Grandeur et le félicite de son retour sain et sauf parmi eux. Nous
sommes ici pour défendre les intérêts de notre peuple; et il s'agit d'une grande responsabilité,
mais nous ne devons pas nous y dérober; car le futur destin de ce vaste pays dépend
de nous. Ne soyons donc pas trop hâtifs, mais pesons bien tous nos mots pour que nos
actions portent abondamment fruit. Souhaitons encore la bienvenue à Sa Grandeur parmi
nous, son peuple, et je sais qu'il est le bienvenu par toutes les classes.
En réponse.
L'Évêque Tache ayant exprimé le plaisir qu'il ressent de
rencontrer le Conseil, dit, en substance — Je peux bien comprendre l'anxiété des gens,
vu la crise dans les affaires publiques à laquelle nous devons faire face. Je crois
qu'il s'agit d'une anxiété profonde et étendue. Permettez-moi d'exprimer l'espoir,
cependant, que tout sentiment de ce genre cessera. C'est un espoir fondé sur ma propre
conviction que cette anxiété est maintenant inutile, et qu'un jour plus serein et
meilleur se lèvera rapidement sur ce pays (acclamations). Je ne reviens pas, messieurs,
investi d'une qualité officielle. Quand je suis arrivé au Canada, on savait que le
peuple de la Rivière Rouge envoyait des délégués; et il n'a donc pas été jugé nécessaire
de m'investir de pouvoirs quelconques en tant que Commissaire. Le Gouvernement m'a
prié
de rester jusqu'à l'arrivée des délégués, mais j'étais dans une telle anxiété d'esprit
que je n'ai pas pu attendre. Je voulais être avec les miens en une telle période;
et
j'ai donc quitté le Canada avec toute la rapidité qui convenait. Aussi bref qu'ait
été
mon séjour, toutefois, j'ai eu amplement l'occasion d'apprendre ce fait, que les
intentions du Gouvernement Canadien en ce qui concerne les habitants de ce pays sont
bonnes et louables (acclamations). Je peux attester qu'il n'a aucun désir de passer
outre aux droits politiques des gens d'ici (acclamations). À titre de preuve, je vais,
avec votre permission, lire un télégramme de l'honorable Joseph Howe, que j'ai reçu
depuis mon arrivée ici. Il m'a été envoyé à St. Paul, en réponse à un autre télégramme
que je lui avais envoyé, mais il est arrivé là le lendemain de mon départ. J'ai expédié
le télégramme, je l'avoue, après avoir reçu à St. Paul
The New Nation, qui contenait une
copie de la Liste des Droits adoptée par la Convention. M. Howe a répondu ainsi :
« Propositions dans l'ensemble satisfaisantes. Mais que la délégation vienne ici régler
les détails » (acclamations). Permettez-moi d'ajouter, par ailleurs, que je crois
que
jusqu'à récemment, les habitants du Canada étaient dans une parfaite ignorance du
véritable état de choses dans ce pays; et il ne faut pas s'en étonner, car moi-même,
même après avoir passé la majeure partie de ma vie dans ce pays, j'étais loin de
connaître la véritable situation ici, avant d'arriver l'autre jour. Je suis un Canadien,
et fier de ce titre. Vous avez de nombreux amis au Canada, tant au sein du Gouvernement
qu'en dehors; soyez donc sûrs que personne n'est désireux de vous opprimer (bravos).
Sa
Grandeur, pour montrer ce qu'on pense de l'action de M. McDougall à Pembina, lit un
extrait d'un discours de l'honorable M. Howe au Parlement de la Puissance. L'orateur
condamne complètement l'action de M. McDougall et déclare que quand tous les documents
reliés au Nord-Ouest auront été déposés devant la Chambre, on déterminera que la
position de M. McDougall était injustifiable. Je répète, dit Sa Grandeur en reprenant
son discours, que mes propres sentiments à l'égard des habitants de la Rivière Rouge
n'ont aucunement changé. Comme je l'ai souvent dit auparavant, je le dis maintenant :
ils ont tous et chacun, sans distinction de race ou de langue ou de croyance, ma plus
haute estime et affection (acclamations). Permettez-moi de faire une comparaison pour
exprimer mon égard. Je dis, pour montrer que le sentiment que j'éprouve envers les
habitants de la Rivière Rouge est comme s'ils étaient tous un seul corps : quand un
membre d'un corps, disons, la main droite, souffre, la main gauche sympathise. Et
c'est
ainsi pour nous, en tant que peuple. Nous sympathisons si complètement les uns avec
les
autres que quand une section souffre, l'autre partage cette souffrance. En faisant
ce
que je peux, donc, pour atténuer cette souffrance, j'estime que je dois faire ce qui
est
possible pour toutes les classes, également. (Sa Grandeur devient très émue durant
la
dernière partie de son discours et s'assoit au milieu des acclamations.) Elle se relève
peu après et dit — J'ai une inspiration. Je demande au Président, comme acte de grâce,
de libérer la moitié des prisonniers (acclamations).
Le Président —J'ai le grand plaisir de déclarer, en réponse
à la requête de Sa Grandeur, que la moitié des prisonniers seront libérés ce soir
(vives
acclamations), et que l'autre moitié sera mise en liberté dès que nous aurons entendu
d'un certain milieu auquel certains des prisonniers appartiennent (acclamations).
Je le
fais par respect pour l'Assemblée (acclamations).
L'Évêque— J'aimerais, comme dernière requête avant de
prendre congé, exprimer mon désir que tous les représentants présents, mais surtout
ceux
de la population d'expression anglaise, déploient tous leurs efforts et leur influence
auprès des gens de leurs localités respectives pour leur faire comprendre la nécessité
de l'union, de préserver l'ordre, d'obéir aux lois du gouvernement établi et de veiller
à ce qu'il n'arrive plus jamais rien qui perturbe la paix de la Colonie (acclamations).
Avant de m'asseoir, j'aimerais dire un mot ou deux de plus à propos de l'action de
M.
McDougall. Quand j'étais à Ottawa, j'ai eu le privilège de voir les documents officiels
portant sur cette difficulté dans le Nord-Ouest; et le Gouvernement y condamne
publiquement l'action de M. McDougall. Ces documents montrent, que pendant qu'ils
pensaient que M. McDougall était encore à Pembina, ils lui ont envoyé deux messagers
spéciaux avec des dépêches condamnant son action (bravo et acclamations). Et à propos
de
l'action de Dennis ici, la même dépêche déclare que si Dennis avait réussi à causer
une
guerre civile à la Rivière Rouge, il aurait eu à répondre de toute vie perdue à cause
de
cette action, devant la justice (vives acclamations).
L'honorable M. Bunn propose un vote de remerciement pour Sa
Grandeur, et exprime ce faisant le sentiment d'immense satisfaction avec lequel la
nouvelle de son arrivée a été accueillie par toutes les classes de gens. Pendant
longtemps, ils ont été distraits par les plus harassants doutes et craintes; et
maintenant enfin, en la personne de Sa Grandeur, ils croient avoir trouvé quelqu'un
qui
leur prêtera une aide des plus puissantes pour arriver à un meilleur et un plus heureux
état de choses (acclamations). J'appuie cordialement et sincèrement, dit l'honorable
M.
Bunn, l'opinion de Sa Grandeur que paix et union parmi toutes les classes et sections
devrait être notre devise. Je crois comme d'autres que l'union entre nous est absolument
nécessaire pour notre préservation comme peuple, mais qu'elle est aussi nécessaire
dans
l'intérêt du Canada, et peut-être même dans l'intérêt du Gouvernement Impérial.
Messieurs, malheureusement, des erreurs et des fautes ont été commises de toutes parts.
Toutes les parties en cause l'ont admis; mais est-ce là une raison pour laquelle les
pauvres habitants de la Rivière Rouge devraient être appelés à sacrifier leur vie
et à
répandre leur meilleur sang pour effacer ces erreurs? Qui parmi nous, en entendant
l'appel à l'union de Sa Grandeur, et son appel pour nos infortunés frères maintenant
en
prison, n'a pas fait écho de tout cœur à cet appel, et ne s'est pas réjoui dans son
âme
d'entendre cette requête de libérer la moitié d'entre eux, acceptée sans nulle
hésitation. Espérons et croyons que dorénavant il ne sera plus nécessaire d'avoir
recours aux mesures sévères que tous ont lamentées, mais que dans l'avenir tout sera
unité et paix; et j'espère que la prospérité du pays en résultera (acclamations).
La Chambre s'ajourne alors jusqu'à dix heures A.M. le lendemain.