Chambre du Conseil, Upper Fort Garry
Mercredi, 16 mars 1870
Midi — Le Président est au fauteuil. Les représentants sont assemblés.
L'honorable M. Bunn signale que la motion originale en
français contenait les mots « les droits des gens » et que cela avait été traduit
par
«
the rights of men ». La traduction anglaise étant
vague, il change les mots en question pour dire plutôt « nos droits en tant que sujets
britanniques ».
Le Président— Nous avons le devoir de peser soigneusement
la manière dont nous libellons nos résolutions et ce que nous faisons. Tout en cherchant
à être aussi explicites que possible, nous devons être respectueux et dignes, pas
seulement pour nous, mais en considération des autorités Impériales (bravos).
L'expression française utilisée dans la motion originale est très expressive et fait
allusion à nos droits en tant qu'hommes, en tant que peuple, en tant que nation. À
ce
titre, on nous a ignorés. Tout ce que je veux faire comprendre aux honorables messieurs
est qu'ils doivent faire preuve du plus grand soin possible quand ils formulent leurs
résolutions.
L'honorable M. Scott suggère d'insérer les mots « nos
droits en tant que peuple » plutôt que « nos droits en tant que sujets
britanniques ».
L'honorable M. Bunn— Je m'oppose au changement. C'est
seulement à titre de sujets britanniques que nous avons le droit de nous plaindre
du
transfert. Si nous étions sujets de toute autre Puissance, nous n'aurions rien à dire
dans l'affaire.
L'honorable M. Scott— Je continue de penser que les mots
« sujets britanniques » sont non seulement inutiles, mais qu'ils altèrent l'essence
réelle de la motion. La seconde résolution, dont il a été donné avis, défend nos droits
en tant que sujets britanniques.
Le Président— Nous avons, bien sûr, nos droits en tant que
peuple et, forts de ces droits généraux, nous disons que nous avons été ignorés et
nous
nous plaignons. Mais, ces droits nous étant accordés, nous sommes certains que nous
sommes toujours des sujets britanniques. En fait, il semble y avoir peu de différence
entre les deux formules proposées.
L'honorable M. Bunn— Il n'y a pas tellement de différence.
Mais par souci de concision, je préfère que ma motion demeure telle qu'elle est. Je
reconnais le principe défendu par le Président, que chaque peuple a des droits, mais
auprès de qui doivent-ils les revendiquer? Supposons que conformément à ce principe
général, nous disions que nous avons des droits, auprès de qui devons-nous les
revendiquer? Auprès de la Couronne d'Angleterre, indubitablement, en tant que sujets
britanniques.
L'honorable M. O'Donoghue propose un amendement — Que nous,
représentants des habitants du Nord-Ouest, considérons que le Gouvernement Impérial,
la
Compagnie de la Baie d'Hudson et le Gouvernement Canadien, en stipulant le transfert
du
gouvernement de ce pays au Gouvernement de la Puissance, sans d'abord consulter, ou
même
avertir les gens de ce transfert, ont entièrement ignoré nos droits en tant que
peuple.
Le Président— Les gens, bien sûr, avaient le droit d'être
consultés. Il n'y a que le droit de conquête qui aille à l'encontre.
L'honorable C. J. Bird appuie la motion de M. Bunn. Il dit
— Je considère qu'insérer les mots « nos droits en tant que sujets britanniques »
est
simplement cohérent. Cela ne change en rien nos droits en tant que peuple, mais les
renforce plutôt. Supposons que nous étions des étrangers; manifestement nous n'aurions
pas à la bouche de nous plaindre du transfert au Canada. Mais en tant que sujets
britanniques, et seulement à ce titre, nous avons le droit de nous plaindre.
Le Président— Après tout, il y a ici à certains égards une
distinction sans différence. Nous nous plaignons non seulement parce que nous sommes
des
sujets britanniques, mais parce que nous sommes des hommes. Nous nous plaignons en
tant
que peuple, en tant qu'hommes, parce que si nous n'étions pas des hommes, nous ne
serions pas des sujets britanniques.
L'honorable M. O'Donoghue— Incontestablement, c'est notre
affaire, en tant que peuple, de dire que nous ne pouvons pas être échangés comme un
article de commerce. Il est admis que les parties contractantes supérieures auraient
pu
conclure cette entente si elles avaient d'abord notifié les gens et obtenu leur accord
au transfert. Mais cette notification n'a pas été faite; les gens de chez nous ont
été
privés d'un droit commun à tous les hommes, et il est évident qu'ils se sont sentis
lésés (acclamations). L'honorable député de Mapleton (M. Bunn) voudrait que nous
affirmions que c'est seulement parce que nous sommes des sujets britanniques que nous
avions le droit d'être consultés. Eh bien, j'irais plus loin, et je conviendrais avec
l'honorable Président qu'en tant qu'hommes, nous ne pouvons pas faire l'objet d'un
trafic, être troqués au gré de n'importe quel Gouvernement. Nous sommes des hommes
libres et à ce titre, nous avons des droits autres que ceux que nous acquérons en
étant
des sujets britanniques (acclamations).
Le Président— Pour ma part, en déclarant qu'une forme
d'expression est à peu près aussi acceptable qu'une autre, je le fais, bien que j'aie
le
plus sincère désir de protéger étroitement les intérêts des gens (acclamations). Le
Président suggère ensuite que pour être plus explicite, les mots « sujets de ce pays »,
à la fin de la résolution, soient supprimés, et que les mots « gens du Territoire
du
Nord-Ouest » soient insérés.
La motion amendée de l'honorable M. Bunn est alors mise aux voix et adoptée avec dissidence.
L'honorable M. Bunn propose sous forme d'amendement que ce
qui suit soit ajouté à la résolution après le mot « respectés » — « et nous ne doutons
pas qu'en tant que sujets britanniques, ces droits et ces propriétés, ces us et coutumes
seront respectés. »
Le Président— Je dois dire ici, une fois pour toutes, que
nous ne pouvons pas espérer mener les débats parlementaires comme ils le font à Londres
et à Ottawa. Mais nous devons chercher à être aussi ordonnés et professionnels que
possible dans nos travaux, et j'espère que chaque honorable membre s'efforcera de
le
faire.
À la suggestion de
l'honorable M. O'Donoghue, le mot
« souffrances » est ajouté à la deuxième clause de la résolution, qui se lit alors
ainsi, « souffrances qu'ils continuent d'endurer. »
La résolution se lit alors ainsi : « Que nonobstant les insultes et souffrances endurées
par les gens du Nord-Ouest jusqu'à maintenant, souffrances qu'ils continuent d'endurer,
la loyauté des gens du Nord-Ouest envers la Couronne d'Angleterre demeure la même,
pourvu que les droits, les propriétés, les us et coutumes des gens soient respectés,
et nous ne doutons pas qu'en tant que sujets britanniques, ces droits, ces propriétés,
ces us et coutumes seront respectés. »
À une heure et demie, la Chambre fait une pause d'une heure et demie.
Trois heures P.M. — La Législature reprend sa séance.
L'honorable M. Bunn, appuyé par
l'honorable M. Bannatyne, propose que la Constitution du Gouvernement
Provisoire de la Terre de Rupert et du Territoire du Nord-Ouest soit maintenant rédigée;
qu'un comité soit formé pour la rédiger, et la soumettre à l'approbation de l'Assemblée
Législative; et que ledit comité soit composé, comme représentants français, de
l'honorable Président et des honorables MM. Lepine, O'Donoghue et Bruce; comme
représentants anglais des honorables MM. Tait, Bird, Bunn, et de Maître James Ross,
Juge
en Chef.
Le Président— Il s'agit d'une résolution très importante.
Avant de commencer, il est nécessaire, bien entendu, d'avoir des bornes. Nous ne sommes
qu'un corps provisoire, mais il me semble qu'il serait bien de montrer, de la façon
proposée, ce que sont les buts du Gouvernement actuel.
L'honorable M. O'Donoghue s'oppose à ce que toute personne
qui n'est pas un membre soit nommée à ce comité ou à tout autre comité de la Chambre.
Ce
n'est pas parlementaire et ce serait un mauvais précédent.
L'honorable M. Bunn— À ce stade, quand nous sommes sur le
point de concevoir une constitution, je pense qu'il est parfaitement compétent de
notre
part d'essayer d'obtenir les services d'un homme capable, d'un homme qui, même s'il
n'occupe pas un siège à la Chambre, est par sa position et ses talents éminemment
qualifié pour nous aider dans le travail que nous entreprenons.
L'honorable M. O'Donoghue— Je ne m'objecte pas à M. Ross
pour des motifs personnels, je m'oppose simplement à ce qu'il soit placé sur le comité,
car cela créerait un précédent qui non seulement n'est pas usuel, mais qui selon toute
probabilité mènerait à mal, puisque si le Juge en Chef est placé sur un comité
parlementaire, il n'y a pas de raison de ne pas placer trois ou quatre autres personnes
externes sur ce comité ou tout autre.
Le Président— Cette petite discussion montre clairement la
nécessité de définir rapidement les pouvoirs et les privilèges de cette Chambre.
Sur motion de
M. O'Donoghue, appuyé par
l'honorable M. Scott, le nom de l'honorable M. Bannatyne
est substitué à celui du Juge en Chef dans la motion, qui est alors adoptée ainsi
modifiée.
Le privilège des foins
L'honorable M. O'Donoghue avise qu'il va déposer un bill
visant à convertir le privilège des foins de deux milles accordé jusqu'à maintenant
en
propriété en fief simple, par un acte de cette Législature; et renvoyant tous les
différends survenant entre parties relativement au droit à ce privilège à un comité
nommé par la Chambre pour régler ces différends.
L'honorable M. Bunn, appuyé par
l'honorable M. Scott, propose que la Chambre, lorsque qu'elle s'ajournera,
demeure ajournée jusqu'à vendredi matin dix heures, afin de permettre au comité qui
a
été formé de terminer ses labeurs. — Adopté.
La Chambre est alors ajournée.