EN
🔍

Conseil Législatif, 15 Février 1865, Provinces de L'Amerique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

192

MECRECREDI, 15 février 1865.

L'HON. M. BUREAU.— Je me serais abstenu de prendre la parole, si je n'eus entendu l'étonnant discours prononcé hier par l'hon. membre qui est en face de moi. (Sir N. F. BELLEAU) Il nous a parlé d'annexionnistes et de républicains, et des dangers qu'ils pouvaient faire courir au pays. La chose ne me surprend pas de sa part, car, partisan du gouvernement actuel qui veut faire la confédération pour fortifier le principe monarchique en ce pays, il doit s'effrayer des tendances de certains membres du cabinet et de leurs opinions républicaines. Cependant, je crois que les anncxionnistes les plus dangereux ne sont pas ceux dont il parle, ceux qui expriment franchement et au grand jour leur manière de penser sur les questions qui agitent en ce moment le pays, mais bien ceux qui cherchent par tous les moyens possibles à irriter contre nous nos voisins des Etats-Unis et à nous entraîner dans une guerre avec eux. Mais ceux qui viennent dire leur opinion en face de tout le pays, ne peuvent certainement pas étre accusés de déloyauté, puisqu'ils ne le font que dans le but de servir leur pays. Je ne crois pas qu'il y ait un seul membre de cette chambre qui voudrait voir l'annexion de notre pays aux Etats-Unis, mais au contraire je pense que tous cherchent à trouver les moyens d'établir un gouvernement et un état de choses politiques équitables pour toutes les parties de la population, sans distinction d'origine ou de religion,—un système qui assurerait la stabilité de nos institutions et le bonheur du pays. L'hon. membre a aussi parlé du danger du système électif appliqué à. cette chambre, parce que des intrigants sans valeur pourraient acquérir de la popularité et s'introduire dans cette chambre. Que l'hon. membre lise donc l'histoire du pays, et il y verra que les principaux hommes qui ont occupé les premières positions politiques, étaient des enfants du peuple qui, grâce à leur éducation, à leurs talents et à leur persévérance, sont parvenus à la tête des affaires de leur pays. Qu'il se rappelle l'histoire du passé, et il se souviendra qu'il a été un temps où le conseil législatif était devenu un obstacle à toute réforme, à tous progrès. Mais, grâce à notre énergie et à notre persévérance, il a été possible au ministère libéral d'obtenir les réformes demandées. Le ministère LAFONTAINE-BALDWIN voyant u'il n'y avait aucun moyen d'obtenir des réformes à cause de l'obstacle qu'apportait le conseil législatif, tel que composé alors, ont recours a la nomination de nouveaux conseillers libéraux ; et, avec l'adhésion de quelques—uns des anciens conseillers, il put faire adopter ses mesures. La marche de ces nomination de nouveaux conseillers a été comme suit : en 1848 le 193 ministère SHERWOOD-BAGLEY a nommé l'hon. D. B. Viger ; c'était un libéral nommé par un ministère tory; puis à l'avènement du ministère LAFONTAINE-BALDWIN Sir E. P. TACHÉ et les hons. MM. James LESLIE, QUESNEL, BOURRET, DEBEAUJEU, ROSS, MÉTHOT, J. O. TURGEON, MILLS, CRANE, JONES et WYLIE furent nommés. Sans la nomination de ces membres et l'adhésion de quelques autres, il aurait impossible de réformer le conseil législatif. Mais quel sera le résultat de la constitution du conseil législatif fédéral ? En limitant le nombre des membres de cette chambre, ou limite en réalité la prérogative de la couronne, et l'on adopte un système contraire à celui qui existe en Angleterre. Et dans le cas où il surviendrait des dificultés graves entre la chambre des communes et la chambre haute, qu'arrivera-t-il ? Il arrivera ce qui est arrivé autrefois, mais avec cette différence, que la couronne ne pourra pas y faire entrer de nouveaux éléments, et la législation se trouvera arrêtée. Il n'y aura pas d'autre remède alors que de demander à l'empire d'amender la constitution du conseil, car le peuple n'y pourra rien, puisqu'on lui aura enlevé le droit d'élire ses conseillers. Pour ma part, je suis convaincu que ce nouveau système ne pourra produire aucun bon résultat. Je ne veux pas répéter ici tous les arguments que l'on a déjà fait valoir contre le changement projeté, mais je dois dire que, tenant mon mandat du peuple, il n'a jamais été question de la confédération dans le cours des deux élections que j'ai eues a subir, et que par conséquent je ne considère pas que mes électeurs se sont prononcés sur cette question en m'élisant, ou qu'ils m'aient donné le droit de changer la constitution du conseil législatif sans les consulter. Je sais qu'il a été parlé en 1859, de la confédération dans un paragraphe du discours du trône, mais je me rappelle aussi d'avoir alors combattu l'idée de cette confédération, parce que la mise en pratique des vues expnmées dans ce paragraphe aurait eu pour résultat de donner toute l'influence à une section de la province aux dépens de l'autre. A cette époque la question de la confédération n'était pas discutée, mais bien les questions de la représentation basée sur la population et des écoles sêparées pour le Haut-Canada. Nous disions dans le temps, à propos des écoles séparées, qu'il ne fallait pas abandonner la minorité du Haut-Canada à la merci de la majorité, et nous avons réussi à lui obtenir un système d'écoles séparées, qui pourtant parait ne pas satisfaire la minorité. Dans le Bas-Canada, la minorité protestante a toujours été satisfaite de son système d'écoles, jusqu'à tout dernièrement, où elle a commencé à faire de l'agitation afin d'obtenir, prétendait-elle, une répartition plus équitable des deniers affectés aux écoles. Pour ma part, je sais qu'elle n'a pas raison, et je me rappele d'avoir attiré lattention du surintendant de l'instruction publique, lorsque j'étais secrétaire-provincial, sur la distribution inégale de l'argent, parce que la minorité protestante du Bas-Canada avait une plus forte somme qu'elle n'était en droit d'avoir. Il me répondit que cette distribution avait été ainsi faite par son prédécesseur, et qu'il n'avait pas cru y devoir rien changer. L'on voit donc qu'il y a malaise chez la minorité du Haut et du Bas-Canada, et même chez la majorité du Bas. Mais j'ai été étonné d'entendre énoncer le remède de de mon hon. collègue (Sir N. F. BELLEAU) dans le cas où le gouvernement fédéral cher cherait à nuire aux intérêts du Bas-Canada. Il nous a dit que le Bas-Canada devant avoir 65 représentants dans la législature fédérale, sur 194, ces 65 députés du Bas-Canada pourront toujours se faire rendre justice en s'alliant avec l'opposition pour renverser le gouvernement. L'hon. membre croit-il en réalité que tous les représentants du Bas- Canada feraient cause commune sur une question quelconque ? Ne sait-il pas qu'il y aura toujours une minorité parmi eux, de race et de religion différentes, qui se ralliera plus probablement au gouvernement où à la majorité? Et dans ce cas, à quoi aboutirait l'opposition du Bas-Canada dont il nous a parlé ? Est-ce que les dificultés qui ont amené le plan de confédération n'ont pas été produites par la coalition d'une minorité du Haut-Canada avec la majorité du Bas, et ce qui est arrivé contre le Haut-Canada ne pourrait-il pas arriver dans la législature fedérale contre le Bas-Canada ? En rejetant le principe de la double majorité adopté par un ministère libéral, l'on a jeté une pomme de discorde dans la législature qui a produit les difficultés actuelles. Une autre grande faute commise par les membres du Bas- Canada, c'est quand ils ont renversé un gouvernement qui avait posé en principe l'égalité de la représentation, et l'on voit aujourd'hui à quoi cela nous a conduit. L' hon. membre (Sir N. F. BELLEAU) a dit que nos institutions seraient proégées dans 194 le gouvernement fédéral. Mais comment ? Par les résolutions actuelles, elles ne le sont pas Est-ce que le gouvernement général, d'ailleurs, ne pourra pas apporter son veto sur tout ce que fera le gouvernement local ? A ce propos, je voudrais bien connaître l'oranisation du gouvernement local du Bas- Canada. Tout ce que j'en vois, c'est que l'on va nous enlever à peu près tous nos revenus, et que l'on nous accordera un subside de 80 cts. par tête. Mais ce n'est pas tout : il y aura $5,000,000 de dette a répartir entre le Haut et le Bas-Canada, et comment se fera cette répartition ? Si, comme on le dit, le Bas-Canada se trouve chargé du paiement de la dette contractée pour le rachat de la tenure seigneuriale, cela seul représentera un capital d'environ $4,118,202 ; dans cette somme est comprise $891 ,500 sous forme d'indemnité aux townships. Est-ce que le Bas-Canada se chagera de payer cette somme ? Certains revenus du Bas-Canada ont été affectés au rachat de la tenure seigneuriale, mais si le gouvernement fédéral s'empare de ces revenus, qui nous dit que le gouvernement local ne répudiera pas la dette seigneuriale qu'on veut lui imposer par le projet actuel ? La législature locale dira peut-être que le gouvernement impérial n'a pas le droit de faire disparaître l'acte qui impose à tout le Canada le paiement de l'indemnité seigneuriale, et refusera peut-être de s'en charger seule en disant que le gouvernement fédéral devra la payer. Et dans ce cas, que fera le gouvernement général ? Et sur cette question, il sera facile d'exciter les passions populaires, préjugées d'avance centre les seigneurs. Il importe avant tout de respecter les droits acquis. On nous dit de voter de confiance mais on ne vont pas nous donner de détails pour satisfaire le pays et les hons. membres de cette chambre. Pourquoi ne pas mettre devant la chambre la constitution du gouvernement local ? On nous dit que les lois civiles du Bas-Canada seront garanties, mais on ne vous dit pas comment la chose se fera. Ainsi, le gouvernement fédéral aura le droit de régler les questions de divorce et de mariage. Quant au divorce, je n'en veux rien dire, car je pense qu'il vaut mieux que cela soit laissé au gouvernement fédéral. Mais on aurait dû faire une exception pour nos co religionnaires. Que dirais je du mariage. qui est la base sur laqelle repose toutes nos institutions,--n'est- il pas dangereux de le laisser à la merci du gouvernement fédéral? On en viendra peut- être bientôt à dire que ce n'est qu'une affaire secondaire, et avant peu probablement, les maires remplaceront les curés et célèbreront les mariages de leurs administrés. Nos lois qui règlent aujourd'hui le mariage sont très importantes pour nous et sont basées sur le droit romain ; ces lois qui nous régissent sont les seules qui conviennent aux Canadiens- et leur sages dispositions sont le fruit de plusieurs sièces d'expérience. Il ne faut pas s'exposer à les voir changer par une ;égislature dont la majorité des membres n'auront pas les mêmes idées que nous sur ce sujet. L'hon. membre (Sir N. F. BELLEAU) aurait pu nous dire son opinion sur ce sujet mais il n'en a rien fait, et je le regrette. Il est une autre uestion qui intéresse profondément le Bas-Canada, mais il parait qu'il n'en faut pas parler, non plus. Cette question est celle de l'intérêt. Ne sait-on pas que la question de l'intérêt de l'argent a quelque chose à faire avec nos lois civiles ? Cela est-il aussi sans importance ? La majorité du Haut-Canada nous a déjà imposé une loi abolissant le taux de l'intérêt ; cette liberté du commerce d'argent ne convenait pas au Bas-Canada, et aujourd'hui on veut remettre à la législature fédérale le droit de législater sur cette question ! Qu'en résultera-t-il ? Qui nous dit que l'on n'abolira pas, complètement les lois qui limitent le taux de l'intérêt dans tous les cas et que l'on ne donnera pas aux banques et aux companies incorporées le droit d'exiger le taux d'intérét que bon leur semblera, comme l'ont aujourd'hui les particuliers ? Cela pourra devenir funeste au Bas-Canada. Pourquoi ne pas laisser aux législatures locales le droit de régler cette question suivant les besoins et les idées des populations qu'elles représenteront, comme la chose a lieu dans les Etats-Unis, où les taux d'intérêt varient suivant les Etats ? Ainsi, on empêchera le Bas-Canada de régler une uestion qui nous a été imposée par le Haut-Canada malgré nous. J'avoue que j'en suis surpris, parce que je vois dans le gouvernement actuel des hommes qui ont combattu avec moi sur cette question. Les législatures locales auront le droit de faire des lois au sujet de l'immigration et de l'agriculture ; mais la législature fédérale aura aussi ce droit, et il est évident qu'elle aura la haute main sur ces sujets, et que les lois du Bas-Canada, par exemple, pourront être mises de côté au moyen du veto du gouvernement fédéral. Mais il y a quelque chose de plus dangereux encore pour nous :
195
c'est que le gouvernement fédéral aura le droit d'imposer ses taxes sur les provinces sans le concours des gouvernements locaux. D'après l'article cinq de la 29e résolution, le parlement fédéral pourra prélever des deniers par tous modes ou systèmes de taxation, et je regarde ce droit comme très-excessif. Ainsi, dans le cas que je posais tout à l'heure de la possibilité de voir le gouvernement local du Bas-Canada refuser de se charger de payer la dette contractée pour le rachat de la tenure seigneuriale, le parlement fédéral aura deux moyens de l'y forcer : le premier en retenant le montant sur l'indemnité de 80 cts. par tête qui doit lui être accordée, et le second en imposant une taxe locale et directe. Le lieutenant-gouverneur du gouvernement local sera nommé par le gouvernement fédéral, dont il recevra les inspirations. On ne sait paa si le gouvernement local sera responsable aux législatures locales ; s'il y aura une seule ou deux branches de la législature, ni comment sera composé le conseil législatif, s'il y en a un ; on ne veut nous donner aucun éclaircissement sur ces points, qui sont pourtant assez importants. Je regrette donc que l'on ait repoussé l'amendement proposé hier par l'hon. membre pour Grandville (M. LETELLIER) car il aurait eu pour résultat de nous faire obtenir des renseignements importants avant de voter sur la question. Je ne vois pas que les raisons apportées hier par l'hon. Sir N. F. BELLEAU pour justifier la hâte avec laquelle on veut faire passer cette mesures soient légitimes ou concluantes. Il nous a dit que le ministère actuel en Angleterre est favorable à ce projet. Pour ma part je ne crois pas que ce projet soit adopté sans d'importants amendements. Ce projet subira peut-être malheureusement des amèndements importants en Angleterre fort préjudiciables aux intérêts du Bas-Canada en particulier. Nous y verrons peut-être agir des influences indues comme la chose a eu lieu lorsqu'il s'est agi de rendre le conseil législatif électif. Les membres du Bas-Canada se rappellent que lorsque la loi fut passée en Angleterre, une influence souterraine, que nous n'avons pas encore pu découvrir jusqu'à ce jour, a fait disparaître de notre constitution la clause que nous regardions avec droit, dans le Bas- Canada, comme notre seule sauve-garde contre les empiètements et la domination du Haut- Canada ; car, en effet, si cette clause n'eût pas été retranchée ou changée, jamais le Haut- Canada n'aurait demandé la représentation basée sur la population, et les difficultés qui ont surgi de cette question n'auraient pas eu lieu, et nous n'aurions pas aujourd'hui la mesure de confédération que l'on nous propose. Si le Haut-Canada avait été bien convaincu qu'il n'y avait pas moyen de changer la constitution, il aurait fait des sacrifices, plutôt que de faire une agitation inutile. On parle de garanties our nos institutions ; mais qui nous dit que les garanties que l'on nous promettra ne disparaîtront pas une fois que le projet sera rendu en Angleterre, comme a disparu la garantie que nous avions contre la représentation basée sur la population ? Cependant, je persiste à dire que dans le projet actuel nos institutions ne sont aucunement garanties, et la preuve la plus manifeste nous en a été donnée par l'hon. Sir N. F. BELLEAU lui-même comme j'ai eu l'occasion de le faire remarquer. On veut nous faire faire le sacrifice de l'élection du conseil législatif ; mais est-ce pour le remplacer par un meilleur ? 'Je ne le crois pas, car à mon avis le système que l'on propose pour la constitution de cette chambre pêche sous tous les rapports, car non-seulement on veut priver le peuple d'un droit important, mais encore on veut attenter aux prérogatives de la couronne en limitant le nombre des conseillers qu'elle pourra nommer. Il est pénible de rétrograder de cette manière, et de céder une réforme pour laquelle tant d'hommes éminents ont si longtemps combattu ; et je pense que si nous consentons à ce changement, les conséquences s'en feront bientôt sentir. Et, afin de faire voir que les défauts du système proposé sont bien réels, je citerai l'opinion de l'hon. secrétaire d'Etat pour les colonies, émise dans sa dépêche au gouverneur-général a propos du projet de confédération et de la nouvelle constitution du conseil léglslatif. Voici ce que dit lord CARDWELL :
" Le second point que le gouvernement de Sa Majesté désirerait voir considérer de nouveau se trouve dans la constitution du conseil législatif. ll apprécie les considérations qui ont. influencé la conférence quand elle a déterminé le mode d'après lequel ce corps, si important à la constitution de la législature, sera composé ; mais il lui semble qu'il est nécessaire de considérer davantage, si, dans le cas où les membres seront nommés à vie et leur nombre fixé, il yaura des moyens suffisants de rétablir l'harmonie entre le conseil législatif et l'assemblée populaire, s'il arrive jamais malheureusement qu'il surgisse une grave divergence d'opinions entre eux."
Après cette condamnation formelle du projet de constitution du conseil législatif, et notre 196 propre expérience, il me semble que nous avons parfaitement le droit de nous y opposer et de prévoir un temps où le conseil sera, comme autrefois, un obstacle à toute réforme et à tout progrès si le projet de confédération actuel n'est pas amendé. (Applaudissements)
L'HON. M. FERRIER.—Hons. messieurs, je m'étais presque promis de donner un vote muet sur les résolutions maintenant devant la chambre, mais ayant pris l'habitude, surtout depuis que j'ai l'honneur de siéger au conseil législatif, de prendre note des événements historiques au fur et à mesure qu'ils se déroulent dans notre pays, je pense qu'on me permettra de parler quelque peu de ce qui est arrivé dans ce pays durant les années passées, et plus spécialement de ce qui s'est produit durant l'année qui vient de s'écouler. Autrefois, deux grandes questions agitaient le Haut et le Bas-Canada. L'une était la question de la tenue seigneuriale dans Bas-Canada, et l'autre la question des réserves du clergé dans le Haut-Canada. Pendant plusieurs années, ces deux questions occupèrent l'attention de la législature et des hommes d'état qui se succédèrent au gouvernement. A la fin, on en arriva a un règlement de ces questions, satisfaisant, je crois, à la majorité du peuple Depuis lors, aucunes grandes questions d'intérêt public ne sont venues occuper l'attention du peuple, ou ont été soumises par le gouvernement du jour ou par le chef de l'opposition. La conséquence de cet état de choses a été que pendant plusieurs années on a été témoin en Canada d'une lutte politique éminemment propre a détruire tout principe juste en morale et en politique, tant dans la législature qu'en dehors. N 'est-il pas vrai que du moment qu'un individu acceptait un portefeuille— et quelque parfait que pût avoir été jusque là son caractère personnel ou professionnel ,—l'opposition et ses organes l'accusaient de suite de s'être allié à une compagnie fort suspecte ? ou bien encore, n'est- il pas arrivé, qu'un citoyen doué d'un sens droit mais simple, en venant visiter notre législature et assister dans les galeries à nos débats, y a entendu si fréquemment des accusations de séduction politique et de corruption, qu'il s'en est retourné avec des vues bien différentes de celles qu'il avait en y entrant ? Il n'est pas un membre du parlement qui n'ait ressenti cette influence démoralisatrice, influence qu'il a rencontrée aux polls et que, dans bien ce cas, il n'a pu vaincre qu'au moyen d'argent. (Ecoutez ! écoutez !) J'en viens maintenant à la période comprise entre 1863 et 1864, où nous voyons deux partis politiques é peu près d'égale force, et un gouvernement appuyé par une majorité de deux ou trois seulement, crut devoir en appeler au pays au moyen d'une élection générale. Après cette élection, le gouvernemeut de l'hon. et preux chevalier (Sir E. P. TACHÉ,) fut formé ! Son existence ne fut que de courte durée, et le 14 juin de l'année dernière arrivA ce qu'on a appelé " l'impasse." Alors, hons. messieurs, il y eut un répit de huit ou dix jours, qui permit en quelque sorte aux partis qui avaient été ainsi en lutte, de faire un retour sur le passé, et d'essayer d'assurer l'avenir. Il y en avait beaucoup qui pensaient que l'esprit de patriotisme était un principe mort dans le cœur de nos hommes d'état. Dans leur lutte ils paraissaient avoir oublié les plus chers intérêts du Canada. Mais, pendant ces dix jours, l'esprit de patriotisme se raviva,—ce fut une époque mémorable dans l'histoire du Canada,—le chef de l'opposition, (l'hon. G. BROWN),—je le dis a son honneur, —fut le premier à exposer ce qu'il était prêt à faire, et ce qu'il proposait était si raisonnable que très peu de temps après on accepta ses propositions. Je me reporte avec bonheur à cette période, vu que j'ai eu l'opportunité de donner un mot d'avis la veille même du jour où ces propositions furent faites. Je puis y référer, car le nom de l'hon. monsieur auquel je fais allusion, (M. MORRIS), membre de l'assemblée législative,—fut mentionné dans les documents qui furent soumis à cette hon. chambre lorsque le résultat des négociations nous fut soumis. Ayant rencontré M. MORRIS dans la soirée, il me fit part des propositions de l'hon. M. BROWN. Je les trouvai si raisonnables et j'y vis quelque chose qui annonçait tellement qu'elle nous feraient sortir du dilemme dans lequel nous nout trouvions, que je lui recommandai de suite de les communiquer aux principaux membres du gouvernement, et je l'accompagnai chez un de ces derniers, qui occupe aujourd'hui un siége dans cette chambre. Il fit part à cet hon. monsieur de ce que M. BROWN lui avait communiqué et lui dit qu'il (M. MORRIS) était autorisé par les autres membres du gouvernement à s'entendre avec l'hon. M. BROWN. Chacun de nous se rappelle parfaitement l'époque à laquelle je fais allusion et l'étonnement qui s'empara| d'un grand nombre en voyant 197 qu'une reconciliation avait pu se faire entre des hommes qui avaient été opposés pendant si longtemps les uns aux autres. Je ne sais pas si je devrais répéter les ont-dits du jour relativement à cette réconciliation, mais je crois me rappeler qu'entre autres choses on disait que lors de l'entrevue de l'hon. M. GALT et de l'hon. M. BROWN, le premier l'avait accueilli avec cette franchise élevée et ouverte qui le caractérise, et que l'hon. M. CARTIER en rencontrant l'hon. M. BROWN, s'était soigneusement assuré que ses deux amis rouges n'étaient pas derrière lui, ( on rit.) et que du moment qu'il ont acquis la certitude qu'ils ne s'y trouvaient pas, il l'avait reçu à bras ouverts et lui avait juré une amitié éternelle. (Rires et applaudissements.) Et, de plus, que l'hon. M. MACDONALD, d'un coup-d'œil rapide, vit quelle opportunité lui était offerte.
L'HON. M. SEYMOUR —-Il vit l'avantage qui lui était ofi'crt.
L'HON. M. FERRIER.—Que l'hon. M. MACDONALD vit que l'opportunité s'offrait de former une grande et puissante dépendance de l'empire britannique ; que le preux chevalier, le premier du gouvernement, doué d'un esprit libéral, prudent et étendu, n'y fit pas objection, et que le commissaire des terres de la couronne, avec sa courtoisie habituelle, son esprit vigoureux et pénétrant, y consentit. (Ecoutez ! écouteù !) Autant que je puis me le rappeler, voilà, comment daus le public on disait que les propositions de l'hon. M. BROWN avaient été acceptées par les messieurs composant le gouvernement du jour. Vous vous rappelez tous combien joyeux nous étions de voir s'éteindre cette acrimonio politique. De fait, chacun de nous était sous l'impression que l'âge d'or était arrivé et que l'opposition s'était évaporée. (On rit.) La législation de la session marcha rapidement, et nous fûmes bientôt relevés de notre responsabilité au siége du gouvernement. Immédiatement après la clôture de la session, la convention en question fut pleinement exécutée. L'hon. M. BROWN et les deux autres hons. messieurs qui entrèrent avec lui dans l'administration en firent partie comme il avait été convenu. Ces hons. messieurs se présentèrent au pays, et à l'exception d'un seul, qui fut bientôt élu après sa première défaite, ils furent tous réélus. Ainsi constitué, le gouvernement, je crois, avait pour l'appuyer une majorité des deux-tiers de la population du Canada, et autant que j'ai pu en juger, les deux tiers de la presse l'a aussi supporté dans son projet d'union. Fort de cet appui, le gouvernement ne tarda pas à se mettre à l'œuvre, et son premier acte fut de s'embarquer sur le vapeur provincial et de se rendre à l'Ile du Prince- Edouard. Je me rappelle encore le jour où monté sur les berges de la Rivière- du-Loup, je vis ce vapeur descendre le cours du fleuve ; je priai le ciel de protéger nos ministres dans leur voyage. Ils assistèrent à la conférence de Charlottetown, et je n'ai pas le moindre doute que leur conduite fut en tout point digne d'hommes qui allaient proposer une union. Nous savons aussi qu'ils y furent bien accueillis—ces provinces depuis un certain temps ayant donné des signes de sympathies pour le Canada. Elles le prouvèrent en invitant notre législature à aller leur rendre visite aussitôt que la dernière session serait terminée, et je regrette que tous les membres de cette chambre n'aient pas accepté cette invitation. Ceux qui acceptèrent, revinrent avec des connaissances qu'ils'n'avaient pas à leur départ. Nous eûmes la satisfaction de voir ceux qui seront probablement nos associés dans cette union, et je puis vous assurer que, pour ma part, j'ai trouvé que le peuple des provinces d'enbas était un peuple énergique, actif, industrieux, et notre égal sous tous rapports. (Ecoutez ! écoutez !) Et, quant aux ressources de ces provinces, avant d'aller leur rendre visite, je n'avais pas l'idée de leur étendue. Nous y avons vu des fermes sur les berges de la rivière St. Jean, comparables à n'importe quelles fermes de la péninsule occidentale, qu'on a surnommée le jardin du Canada. Les membres de la conférence de Charlottetown, comme je l'ai compris, après avoir discuté la questioù dans tous ses points et en étre arrivés à quelque chose comme une entente, retôurnèrent dans leurs provinces respectives et se préparérent à avoir une conférence qui représenterait d'une manière plus officielle toutes les provinces. Quelques messieurs ont déclaré que cette conférence n'avait pas été autorisée et qu'elle s'était elle-même constituée. Mais je crois qu'il est facile de prouver que ses membres avaient l'autorisation expresse du gouvernement britannique pour entreprendre ces négociations. Les provinces d'en-bas envoyèrent des membres de leurs gouvernements respectifs, et ils allèrent plus loin, ils les firent accompagner des chefs de l'opposition, en sorte que le peuple de ces provinces se trouva pleinement représenté. Ils firent de fait l'équi 198valent de ce qui avait été fait en Canada, où nos gouvernements de coalition représentent les deux écoles politiques. Ainsi, les hommes d'état habiles qui se réunirent à Québec, représentaient la population entière de ces provinces. On a fait cette objection : qu'il était impossible qu'une conférence ne siégeant que quelques jours pût rédiger une mesure qui fut de nature à être acceptée par nous. Mais, hons. messieurs, des hommes qui se mettent honnêtement à l'œuvre dans un certain but, peuvent faire beaucoup en très peu de temps. (Ecoutez ! écoutez !) Et je crois que les messieurs présents à la conférence qui s'est tenue dans cette cité, étaient des hommes remplis d'intentions honnêtes et de bon vouloir, et déterminés à trouver une constitution qui servirait les plus chers intérêts de notre pays. Nous ne pouvons nous attendre à ce qu'elle soit infailible, car l'homme ne fait rien qui le soit. Mais son caractère est tel que je ne crois pas que jamais l'occasion se présente une seconde fois pour nous,—si nous laissions échapper celle qui nous est ainsi donnée,—d'étre saisis d'un document si propre sous tous rapports à nous faire atteindre le but qu'on se propose. Aucun gouvernement de parti, soit ici ou dans les provinces d'en-bas, ne saurait jamais produire une proposition qui soit ou devrait être aussi bienvenue du peuple entier. (Ecoutez ! écoutez !) Je pense qu'il est injuste d'établir des comparaisons entre le Haut et le Bas-Canada d'un côté et les provinces d'enbas de l'autre. Quand on prend des associés pour la vie on les prend avec ce qu'ils ont et on les fait partager dans toutes nos richesses matérielles, et je suis d'opinion qu'on devrait se laisser guider par le même principe en formant cette union avec les provinces d'enbas. J'ai entendu avec surprise quelques- uns des arguments que les adversaires e la mesure ont apportés contre le projet. J'ai été certainement étonné de la conduite tenue l'autre jour par mon hon. ami de Niagara (M. CURRIE), lorsqu'il a essayé de faire du capital politique en disant que nos intérêts commerciaux et agricoles en Canada étaient très peu de chose, et qui, en parlant de notre marine et du nombre de vaisseaux employés dans notre commerce, s'est écrié : Oh cela ne se voit que sur le papier !
L'HON. M. CURRIE.—Je demandrai pardon à mon hon. ami. Dans toutes les observations que j'ai pu faire, je n'ai certainement pas dit que nos intérêts commerciaux ou agricoles fussent minimes. (Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. FERRIER.—Puisque mon hon. ami m'assure qu'il n'a pas dit une pareille chose, je dois accepter sa parole. J'ai suposé que l'impression qui m'était restée de la lecture de ses observations était juste, mais il faut que je me sois trompé. Cependant je dois dire que je considère qu'il (l'hon. M. CURRIE) a manqué de justice en se servant de journaux pour donner la lecture de tous les pêchés supposés de ses propres amis, le parti avec lequel il marchait autrefois. Aujourd'hui que ces hons. messieurs en travaillant à faire passer ce projet d'union, se dévouent à ce que je considère être les meilleurs intérêts du pays, je crois réellement que mon hon. ami ferait mieux de leur donner son appui.
L'HON. M. CURRIE.—C'est-là une matière d'opinion.
L'HON. M. FERRIER.—Je donne mon opinion—rien de plus. Mais mon hon. ami a ensuite parlé du Grand-Tronc—cette corporation monstrueuse qui, à en juger d'après les remarques de mon hon. ami, a rééllement semé la désolation dans tous les districts du Canada qu'il traverse. Pour ma part, je ne puis me rendre compte du dommage que le Grand-Tronc a fait au Canada. Treize millions de louis sterling ont été affectés à la construction du chemin de fer Grand-Tronc et du Pont Victoria, qui est une oeuvre sans égale au monde. Le Canada a payé environ trois millions pour compléter ce chemin de fer,—environ un cinquième des seize millions qui ont été dépensés,—et c'est là meilleur marché qu'il ait jamais conclu. (Ecoutez! écoutez !) Nous recueillons les bénéfices de toute cette dépense. Si on s'est rendu coupable d'extravagance, les actionnaires anglais seuls en ont souffert. Nous n'avons contribué que la cinquième partie des fonds qu'ils ont avancés, et nous recueillons tous les bénéfices du chemin. Voilà, je pense, à. quel point de vue on devrait considérer le Grand-Tronc par raport au Canada. ( Ecoutez ! écoutez ! ) On a aussi fait allusion au chemin de fer intercolonial ; même aujourd'hui, ce chemin est devenu, je pense, une nécessité. Il aurait dû être construit il y a quelques années, et il l'aurait été, si l'incapacité politique du gouvernement d'alors n'en eut empêché l'établissement. (Ecoutez! écoutez !)
L'HON. M. CURRIE.—Mon hou. ami me permettra de lui rappeler que deux 199 membres de ce gouvernement, les hons. MM. McDOUGALL et HOWLAND, sont membres du gouvernement actuel.
L'HON. M. FERRIER.—Il est heureux que certains hommes reconnaissent leurs erreurs et s'en corrigent ; aussi, ai-je confiance qu'il en a été ainsi pour ces messieurs. (Ecoutez ! écoutez et rires.) Si aujourd'hui nous étions reliés à la mer par ce chemin de fer, il est très probable que le traité de réciprocité n'aurait pas été abrogé. (Ecoutez ! écoutez !) Quelques hons. membres disent que si nous avions ce chemin aujourd'hui, nous n'aurions pas de fret à lui fournir. Le fait est qu'en faisant une pareille assertion, ceux qui la font démontrent qu'ils n'ont pas pris le trouble de préciser dans quelle position se trouvait notre commerce. Depuis les dix derniers jours nous avons eu environ 100 chars chargés stationnés à la Pointe St. Charles qu'il a été impossible d'expédier. Ces chars sont remplis de produits à destination de Boston et New- York, et les deux chemins conduisant à ces cités sont tellement encombrés qu'il leur est impossible de faire face à la demande de leur propre pays ainsi que du nôtre. Et ces chars qui sont ainsi détenus, sont requis pour le commerce de l'ouest, dont les populations demandent à. grands cris des moyens de transport et nous ne pouvons fournir à l'expédition des produits que nous avons entre les mains.
L'HON. M. SIMPSON—Mon hon. ami voudra-t-il me dire de quelle espèce de produits sont chargés ces chars, et de quel endroit ils ont été expédiés ?
L'HON. M. FERRIER.—Je crois que ce sont tous des produits du Canada. (Ecoutez ! écoutez !) Une partie est destinée aux marchés de New-York et de Boston, ou doit être expédiée de là, et l'autre partie doit être laissée aux différentes stations de ces chemins de fer. J'ai pris la peine de demander la-dessus des renseignements à M. BRYDGES avant—hier.
L'HON. M. SIMPSON.—J'ai aussi vu M. BRYDGES
L'HON. M. FERRIER.—A Portland nous avons aussi une accumulation de chars, et pas de navires pour prendre leurs chargements ; telle est la position dans laquelle se trouve aujourd'hui le Grand Tronc, et elle est sérieuse. Comme nous l'a si bien dit l'autre jour, le preux chevalier, (Sir E. P. TACHÉ), c'est comme si nous avions une terre entre nous et la voie publique. Les Etats- Unis forment cette terre ; ils sont placés entre le Canada et la mer. Et il vient de leur prendre la fantaisie de nous dire : nous ne voulons pas que vous traversiez notre terre,—car bien que le traité de réciprocité ne soit pas abrogé, ils mettent une entrave à notre circulation avec leur système de passeports, et je dois dire ici qu'ils appliquent cette loi aux produits que nous envoyons par là. Un exemple : pour expédier du lard , il faut produire un affidavit affirmant que ce lard est de provenance canadienne. Eh bien ! on comprend qu'à cette saison de l'année, il est assez difficile de faire un pareil affidavit. Des quantités considérables de lard sont expédiées de toutes les régions et après que ce lard est mis en baril, on comprend qu'il est à peu près impossible d'affirmer par affidavit que ce lard a été fourni par telle ou telle section. (Ecoutez ! écoutez !) Il en est de même pour la fleur. Il arrive fréquemment qu'un meunier mêle sa fleur à de la fleur de provenance américaine. Alors, comment veut-on qu'il soit possible de donner un affidavit afirmant que cette farine est mêlée ou non. Celle de provenance canadienne peut former quatre- cinquièmes, et cependant l'autre cinquième fait qu'elle ne peut être ainsi expédiée. Notre commerce ainsi embarrassé par toutes ces entraves que lui oppose le gouvernement des Etats-Unis, se trouve sérieusement contrarié. J'ai ici quelques mémoires, extraits de certains états que j'ai eu l'occasion d'examiner, d'après lesquels je trouve que les provinces d'en-bas ont besoin tous les ans, à part de leur récolte, de 600,000 barils de fleur et blé. Aujourd'hui, qu'elles expertent de la fleur de Boston et de Portland, une quantité considérable de cette fleur est transportée à Portland par le chemin de fer Grand Tronc. Cette fleur est ensuite transportée a St. Jean, distribuée tout le long de la rivière de ce nom, à venir jusqu'à soixante milles de notre propre frontière canadienne, à la Rivière-du-Loup. Eh bien! je demanderai à tout homme sensé s'il ne serait pas facile que le chemin de fer intercelonial transportât ces produits et les distribuât le long de sa ligne comme le Grand Tronc le fait aujourd'hui dans l'Etat du Maine ? St. Jean est exactement à 600 milles de distance de Montréal, ce qui est aussi la distance exacte entre Portland et Sarnia. Eh bien ! pour transporter la quantité de fleur que j'ai mentionnée, 600,000 barils, il faudrait un train quotidieu pendant tout le cours de l'année. e pense que c'est 200 là une réponse suflisante à tous ceux qui disent qu'il n'y a rien à faire transporter par ce chemin de fer intercolonial. En 1862, le Nouveau-Brunswick vendait aux Etats-Unis des marchandises pour un montant de $880,000, et en achetait pour $2,916,000, payant ainsi en argent comptant aux Etats-Unis une somme de $2,000,000. La Nouvelle-Ecosse exportait aux Etats pour une valeur de $1,879,000, et en importait our $3,860,000, faisant une autre somme de $2,000,000. Ainsi, ces deux provinces payaient dans un an aux Etats-Unis, la somme d'environ $4,000,000. Il se fait maintenant un commerce entre les Etats-Unis et ces provinces de dix millions de piastres par année. L'abrogation projetée du traité de réciprocité entrave ce commerce, et n'est-il pas de notre devoir à nous, Canadiens, de nous assurer ce commerce ? (Ecoutez ! écoutez !) Est-il un seul commerçant qui ne soit au guet et prêt à se l'assurer de suite s'il y a possibilité de le faire, mais cette possibilité ne saurait exister qu'avec le chemin de fer intercolonial. Une autre question à laquelle je désire appeler l'attention, c'est que la moitié des importations de thé faites par la Nouvelle- Ecosse et le Nouveau-Brunswick sont fournies par les Etats-Unis. Eh bien! c'est justement là un article que nous pourrions transporter par chemin de fer à un prix très- bas, et il n'est pas un hon. membre de cette chambre qui ne sache que pour le commerce de thé Montréal et Québec font concurrence à. New-York et à Boston. Les marchands du Haut-Canada savent qu'ils ne voudraient jamais aller à Montréal pour y acheter des cargaisons considérables de thé, qui y sont vendues, s'il leur était possible de faire mieux à New-York, et je maintiens, par conséquent, que Montréal et Québec sont en position, aussitôt qu'ils en auront l'opportunité, d'offrir un meilleur marché pour ces provinces que les Etats-Unis. ( Ecoutez ! écoutez !) Sous le traité de réciprocité et le système de transit, dans une période de quinze années environ, notre commerce avec les Etats a augmenté de $9,000,000 à $37,000,000 ce qui fait quatre cents pour cent. En 1862, les importations canadiennes traversant le territoire des Etats- Unis représentaient une valeur de $6,000,000, et si nous ne suivons pas avec soin les progrès du commerce tant chez nous qu'aux Etats- Unis nous serons exposés à perdre ce qui est absolument nécessaire à la prospérité de notre propre pays. Dans ces temps de progrès rapides il faut que les hommes marchent les yeux ouverts et avec les événements du jour. (Ecoutez ! écoutez !) Et je suis prêt à démontrer, comme j'ai déjà. essayé de le faire jusqu'à un certain point, et mon opinion est formée là-dessus, qu'avant que le chemin de fer intercolonial puisse être construit, nous aurons assez d'affaires à lui donner pour qu'il paye ses dépenses, (écoutez ! écoutez !) de sorte que la province ne souf frira aucune perte lorsque le chemin sera fait, c'est-à-dire dans trois ans d'ici si nous nous mettons de suite à l'œuvre. Mais je suppose que si cette union se fait, il s'écoulera quelque temps après que la confédération aura eu lieu, avant de décider quelle marche on adoptera pour sa construction, et quand même on en pousserait l'établissement avec la plus grande vigueur, il faudra au moins quatre ans avant qu'il ne soit en état d'être livré à la circulation. Je considère qu'il est tout-à-fait regrettable que nous ayons tardé aussi longtemps à le commencer ; si l'on tient compte de la nature de nos relations actuelles avec les Etats-Unis, ce chemin devrait exister à l'heure qu'il est, et je dis qu'il aurait payé ses dépenses au bout d'une autre année. (Ecoutez ! écoutez !) Quelques hons. messieurs repoussent le projet sous prétexte qu'il n'a pas été suffisamment répandu pour que le peuple de ces provinces ait pu en prendre connaissance. Je ne comprends point cette objection : il n'est pas une des clauses du document aujourd'hui sous considération qui n'ait été publiée à Québec avant que les délégués n'eussent quitté cette cité.
L'HON. M. CAMPBELL.—Ainsi que dans les journaux du Haut—Canada.
L'HON. M. SIMPSON.— Mais on a nié que ce fût une copie authentique des résolutions de la conférence.
L'HON. M. CAMPBELL —On a simplement nié que ce fût une copie officielle.
L'HON.M . SIMPSON .—La copie du document qui m'a été envoyée portant cette marque : " confidentielle," et, en conséquence, je ne pus en faire aucun usage.
L'HON. M. FERRIER.—Je pensais que les hons. membres à qui ces documents avaient été envoyés avaient parfaitement compris la signification du mot " confidentielle." (Ecoutez ! écoutez !) Je fus invité a une assemblée très considérable, a laquelle assistaient presque tous les principaux marchands de Montréal, exactement après le départ des délégués pour leurs foyers. Cette assemblée 201 dura toute la nuit. Je crois que nous nous séparâmes à une heure avancée du matin. Le tiers de l'assemblée, je pense, était composé en apparence de gens qui y étaient venus pour opposer le projet. Heureusement que nous avions avec nous un monsieur qui s'était rendu très familier avec la question, et qui fut en état de donner des explications et de faire face à toutes les objections et questions qui lui furent faites par les différents opposants. Le résultat de cette assemblée fut qu'au moment de nous séparer il ne se trouva qu'un seul homme qui se prononça positivement contre le projet, (écoutez ! écoutez !) et cet homme déclara que la raison de son opposition était que, selon lui, cette mesure donnerait aux Canadiens-Français les moyens de nous chasser, nous Anglais, de la province inférieure. Je maintiens que l'opinion publique en Canada n'est pas contre le projet de confédération. (Ecoutez ! écoutez !) S'il en eût été ainsi, nous aurions vu les pétitions pleuvoir sur nous de toutes parts. Je ne pense pas que la mesure soit parfaite, mais nous devrions l'essayer avec une hon nête détermination de la faire fonctionner, et si nous la trouvons défectueuse nous pourrons la motifier, car il ne s'agit pas ici d'une loi immuable comme les lois des Mèdes ou des Perses. La constitution de 1841 a été amendée plus d'une fois ; elle l'a été au moins deux fois depuis l'Union. Si nous nous apercevons que certaines parties du système ne fonctionnent pas; si, après l'établissement de la confédération, nous, découvrons qu'il y a eu quelque légère erreur de commise, nous aurons alors, sans aucun doute, le pouvoir et l'autorité de la corriger. J'ai confiance que ce projet sera emporté par une grande majorité dans cette chambre, aussi bien que dans l'assemblée législative ; et que les législatures des provinces d'en-bas l'adopteront aussi. Si cela arrive, hons. messieurs, nous entrerons dans une nouvelle ère de l'histoire de l'Amérique Britannique du Nord. (Ecoutz ! écoutez !) Je crois qu'une Providence divine préside aux destinées des nations, et je crois ne la divine Providence a guidé dans leurs délibérations les hommes d'état qui assistaient à la conférence, et a su concilier d'une façon miraculeuse des intérêts si divergents. Quelle était notre condition politique le 14 de juin dernier, il y a huit mois seulement ? Quelle était alors notre condition politique, et qu'elles sont les causes qui ont rétabli l'harmonie entre les chefs des partis politiques qui luttaient alors avec fureur et comme dans un combat à mort pour la possession du pouvoir ; qui les a unis, dis je, dans des liens d'amitié intime ? Qui a engagé les gouvernements du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle - Ecosse, de Terreneuve et de l'Ile du Prince-Edouard à envoyer leurs premiers hommes d'état, représentant leurs deux partis politiques, pour s'entendre avec notre gouvernement de coalition ? Ça été la toute puissante Providence. Un gouvernement de parti n'aurait jamais réussi à créer un projet d'union comme celui-ci. Si nous rejetons la confédération projetée, nous refusons de jeter les bases d'une grande nation, dépendant de l'empire britannique. Lorsque je devins en âge je considérai quel pays j'adopterais, et je choisis le Canada. J'y ai vécu 44 ans. Je me suis identifié aux progrès de ses institutions, dans tous les cas de celles du Bas-Canada, et particulièrement de Montréal. J'ai en le plaisir de participer avec d'autres à l'organisation de quelques unes de ces institutions. J'en ai vu quelques unes prospérer, et d'autres qui tomberont pobablement, comme cela arrive dans tous les pays du monde. Durant cette période, j'ai aussi voyagé dans une grande partie de l'Europe et dans quelques parties de l'Asie et de l'Afrique. J'ai vu des peuples gouvernés par des institutions monarchiques ; quelques-uns passablement prospères et d'autres qui l'étaient moins. J'ai aussi vu des peuples gouvernée par des despotes, quelques uns vivaient assez heureux, autres étaient soumis au pire des esclavages. J'ai vu des gouvernements républicains en Europe, et il va sans dire que j'ai visité la grande république qui nous avoisine. J'ai aussi vu des peuples soumis au gouvernement de l'église, mais je n'ai pas rencontré de peuple comparable à ceux qui vivent sous le gouvernement de la Grande-Bretagne, de peuple possédant une liberté aussi étendue, ou une protection aussi complète de la personne et de la propriété que les peuples qui s'abritent sous le drapeau de la vieille Angleterre ! (Ecoutez ! écoutez !) Et si j'avais à recommencer mon choix aujourd'hui, après une expérience de 44 ans, je choisirais encore le Canada pour ma patrie. Je sens qu'à l'âge où je suis il me reste peu de temps à vivre, mais aussi longtemps que le Tout-Puissant me laissera sur cette terre je serai heureux d'employer toutes mes aptitudes à assurer l'accomplissement de ce projet, 202 et je prie le ciel qu'il réussisse, parce qu'il est appelé à jeter de nouveau les bases de l'une des plus importantes dépendances de l'empire britannique. J'espère que je ne vivrai jamais pour la voir dans une condition autre que celle de dépendance britannique. Hons. messieurs, j'aurai beaucoup de plaisir à voter en faveur des résolutions de l'hon. et preux chevalier (Applaudissements).
L'HON. M. SEYMOUR—Hons. messieurs :—Je désire faire une ou deux observations en réponse à une assertion faite par mon hon. ami le commissaire des terres de la couronne relativement aux objections que, dans une occasion antérieure, j'énonçai contre les détails de ce projet. Cet hon. monsieur, après avoir expliqué un ou deux points de peu d'importance, en fit autant des autres en disant que je m'opposais à tout. Comme on pourrait induire de cette assertion,—si je n'étais pas connu comme je le suis des hons. membres de cette chambre, —que j'ai été factieux dans mon opposition, je désire préciser ce à quoi je me suis opposé. Ayant toujours été un zélé partisan du retranchement et de la réforme financière, je me suis opposé aux dépenses exorbitantes du gouvernement. Je me suis opposé à l'extravagance qui a fait que les dépenses du gouvernement civil du Canada ont excédé celles d'aucun autre pays au monde proportionnellement au revenu. Je me suis toujours opposé aux déboursés de deniers non autorisés par le parlement. (Ecoute z! écoutez !) Je me suis toujours opposé aux octrois extravagants et aux subventions accordées à la compagnie du chemin de fer Grand Tronc. (Ecoutez ! écoutez ! Mon hon. ami de l'autre côté de la chambre (M. FERRIER) nous a parlé des bienfaits conférés par le chemin de fer Grand Tronc, et des immenses capitaux placés dans cette entreprise par les capitalistes anglais. Il est vrai que l'oeuvre fut. entreprise par eux, mais le Canada a contribué sa large part et rempli toutes les conventions. Plus que cela, le Canada a payé pour ses chemins de fer a raison de trente mille piastres par mille. Le Canada a contribué our $15,142,000 en principal et $5,400,000 en intérêt, abstraction faite d'une foule d'autres items moins considérables. Si l'on établit un calcul avec ces chiffres, on trouvera, comme je l'ai dit, que le Canada a donné $30,000 par mille pour toutes les voies ferrées dont il avait besoin, de Québec à Toronto, pour établir une correspondance avec le Grand Occidental et former une artère traversant la province et finissant à Sarnia. Si des sommes considérables ont été dépensées, si des montants énormes ont été gaspillés, les entrepreneurs anglais n'en ont-il pas profité? Le peuple du Canada peut- il être blâmé ? Le projet fut conçu par des capitalistes anglais, et le Canada a rempli toutes ces obligations. (Ecoutez ! écoutez !) Maintenant, il est un autre grief que j'ai combattu. Je me suis toujours opposé au système relâché adopté pour l'administration des terres de la couronne, système qui a eu l'effet de morceler notre magnifique domaine. Je n'entends pas appliquer ces remarques à mon hon. ami le commissaire des terres de la couronne. Il n'occupe cette charge que depuis quelques mois, et je n'ai pas encore vu son rapport. Mais je fais allusion au passé ; je dis que tout ce domaine a été gaspillé pour faire face à des dépenses inu tiles. Il est aussi une autre mesure que j'ai opposée ; c'est le bill de milice de 1862. Je conviens que je me suis opposé à cette mesure. Elle était de nature à faire encourir au pays une dépense énorme, qui aurait épuisé nos ressources dans un temps où cette dépense n'était pas nécessaire. Je vous le demande, hons. messieurs, l'affaire du Trent n'était-elle pas réglée à cette époque ? Le gouvernement américain n'avait-i1 pas souscrit aux demandes de la Grande-Bretagne ; et cette dépense était-elle motivée par quelque danger ? Il est une dépense que jai opposée peut-être à tort. J ai opposé le bill des subsides en 1858, de concert avec mon hon. ami le commissaire des terres de la couronne. (Ecoutez ! et rires.) Je ne saurais dire si le vote que je donnai en cette occasion est juste au point de vue constitutionnel, mais tous les votes que j'ai donnés dans cette chambre ou dans l'autre branche de la législature, l'ont été avec la conviction qu'ils étaient dans l'intérêt de mon pays natal. (Ecoutez !) L'autre jour, mon hon. ami le commissaire des terres de la couronne a fait allusion à l'esprit conservateur du sénat des Etats- Unis qui alloue le même nombre de représentants aux petits Etats qu'aux grands. Mais cette disposition n'affecte en aucune manière l'arrangement général parce que les états considérables forment la grande majorité. Mais puisque mon hon. ami approuve ce détail, il aurait dû donner son opinion sur le système entier. Aux Etats—Unis, la constitution ne peut pas être changée 203 sans le consentement des deux tiers des deux chambres de la. législature, et tout tel changement doit être ensuite sanctionné par les trois quarts des gouvernements d'Etats. Voilà aussi un détail d'un caractère conservateur. Maintenant, voyons quelles sont les constitutions des gouvernements d'Etats. J'ai devant moi une clause de la constitution de l'un des plus anciens états, —le Connecticut,—qui pourvoit à ce que :
" Chaque fois qu'une majorité de la chambre des représentants jugera nécessaire de changer ou amender cette constitution, elle pourra proposer tous tels changements et amendements—lesquels amendements proposés seront continués jusqu'à l'assemblée générale suivante, et seront publiés avec les lois qui auront pu étre passées à la même session ; et si les deux-tiers de chaque chambre, à la session suivante de la dite assemblée, approuvent les amendements proposés, par oui et par non, les dits amendements seront transmis par le secrétaire au greffier de ville de chaque ville de cet état, dont le devoir sera de les présenter à ses habitants, pour leur considération, à une assemblée de ville légalement annoncée et tenue pour cette fin ; s'il apparait, en la manière pourvue par la loi, qu'une majorité des électeurs présents aux dites assemblées, a approuvé tels amendements, ils seront valides à toutes fins et effets comme partie de cette constitution."
Voilà comment l'un des lus anciens Etats veille aux droits et aux libertés de sa population. Voici un autre extrait de la constitution de l'état du Mississippi, l'un des nouveaux états, qui montre comment le peuple y est protégé contre les innovations préoipitées :
" Chaque fois que les deux-tiers de l'assemblée générale jugeront nécessaire d'amender ou de changer cette constitution, ils recommanderont aux électeurs, à l'élection suivante des membres de l'assemblée générale, de voter pour ou contre une convention ; et s'il apparait qu'une majorité des citoyens de l'état, votant pour l'élection des représentants, a voté en faveur d'une convention, l'assemblée générale, sa session suivante, appellera une convention, qui se composera d'autant de membres qu'il pourra y en avoir dans l'assemblée générale, qui devront être choisis par les électeurs, en la manière et aux époques et endroits fixés pour le choix des membres de l'assemblée générale,—laquelle convention s'assemblera dans les trois mois qui suivront la dite élection, dans la vue de reviser ou changer la constitution."
Maintenant, à part cela, qu'avons-nous vu ? N'avons-nous pas vu, tout dernièrement, effectuer des changements à la constitution relativement à l'esclavage, et ces amendements ont-ils été mis en force avant d'être ratifiée par les gouvernements d'Etat? Comparer, maintenant, cette manière d'agir avec celle adoptée relativement au projet,—appellation tout à fait correcte,—de confédération soumis à cette chambre. Par qui ces délégués furent-ils nommés ? Leur nomination n'émane-t-elle pas d'eux-mêmes ? (Ecoutez !) Les ministres du conseil exécutif ne se sont- ils pas eux-mêmes constitués en délégation? (Cris de " non, non," et " oui oui. ") Et les membres des conseils exécutifs des provinces d'en-bas, ne se sont-ils pas aussi eux- mêmes constitués en délégation ? Ils ont préparé un projet qu'ils ont soumis au parlement, et quel est ce projet? Ce projet a été incorporé dans des résolutions qu'on a envoyées aux membres de la législature avant la réunion des chambres et sur lesquelles on avait apposé le mot " personnel," tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Est-ce qu'il est un hon. membre de cette chambre qui se soit senti libre de se présenter à ses électeurs pour leur expliquer ces résolutions? Est-il un hon. membre de cette chambre qui se soit senti libre de convoquer une assemblée de ses électeurs pour leur dire : voici un projet sur lequel je vais être appelé à voter à la prochaine session de la législature ? Non, il ne pouvait le faire ! Quelques journaux publièrent ce qu'on prétendait être les résolutions, mais ont-elles été répandues par tout le pays de façon à ce que le peuple put en prendre connaissance et les juger ? Non, elles n'ont pas été ainsi mises en circulation, et pour quelle raison ? Le secrétaire provincial n'a il pas fait signifier à la presse un ordre déclarant que toute feuille qui ne supporterait pas la confédération, n'aurait pas le patronage du gouvernement ? N'ayant pas été élu par le peuple, je ne me crus pas libre d'exprimer publiquement mon opinion sur ces résolutions. Est-il un seul hon. membre qui les ait soumises à ses commettants et leur ait expliqué chacun des détails ?
L'HON. M. MACPHERSON.—L'hon. membre a tort de vouloir créer une fausse impression ; moi, pour un, j'ai tenu, pendant quelque temps, deux assemblées par jour et j'ai expliqué pleinement la mesure à mes commettants.
L'HON. M. SEYMOUR.—Mon hon. ami leur a-t-il dit combien coûterait ce chemin de fer intercolonial ou combien le Haut-Canada aurait à contribuer à cette dépense ? Ou bien encore, qu'il serait construit par le gouvernement et maintenu comme les autres travaux publics. J'aimerais beaucoup a entendre mon hon. ami se prononcer là-dessus devant une assemblée publique. (Ecoutez !)
204
Mon hon. ami le commissaire des terres de la couronne nous a dit qu'il leur avait fallu faire des concessions ; mais comment ces concessions ont-elles été faites ? Malheureusement, elles ne l'ont été que par un seul parti, et en faveur des provinces d'en-bas. Il n'a été fait aucune concession au Canada, pas plus au Bas qu'au Haut, mais elles ont toutes été en faveur des provinces inférieures. Et pouviez-vous espérer d'autre résultat de la confédération, lorsque la petite province de l'Ile du Prince-Edouard, et la petite province de Terreneuve, envoyaient des représentants de la même manière et en même nombre que toute la province du Canada ? Pouvait-on espérer que les délégués du Canada fourniraient tous les talents ? Quelque soit mon estime pour les talents des membres du conseil exécutif, je pense que les provinces d'en-bas possèdent des hommes d'un talent suffisant pour régler les détails d'un plan de cette nature. Lorsque le Canada, avec sa population de trois millions d'âmes, et ses onze millions de revenu, était représenté à la conférence par douze membres, et que les provinces maritimes avec une population de 800,000 âmes seulement, et un revenu de moins de $3,000,000, y étaient représentées par près de deux contre un, pouvait-on espérer qu'il serait fait un arrangement favorable pour nous ? (Ecoutez !) Mon hon. ami dit qu'ils ont voté par province, mais c'est exactement la même chose. Maintenant, qu'elle a été la première concession ? La première concession a été d'accorder 28 membres de cette chambre a ces provinces, qui n'ont que 800,000 habitants, et qui ne paient qu'un revenu minime, tandis que dans le Haut-Canada nous avons un million et demi d'habitants, et nous contribuons pour sept ou huit millions de piastres au revenu, et cependant nous n'aurons que 24 conseillers législatifs. C'est là la première concession qui a été faite pour amener les provinces d'en-bas à supporter le projet. Et n'est-il pas vrai que cette chambre aura, jusqu'à un certain point, le contrôle de la législation, et n'y avons nous pas droit ? Il y a encore un autre fait à propos des provinces d'en-bas dont je dirai un mot maintetenant. Le cens électoral est plus bas là qu'ici ; elles ont presque le suffrage universel. Les personnes qui sont portées sur les rôles de cotisation pour un petit montant de propriété mobilière, peuvent voter aux élections des membres du parlement confédéré. Ici les membres sont élus par les personnes cotisées pour des propriétés foncières d'une certaine valeur. C'est là un autre question dont on aurait dû s'occuper. Il n'est pas juste que les membres du parlement général soient élus dans ces conditions. (Ecoutez !) Tout le plan n'est, de fait, qu'une affaire de concessions, et toutes de notre côté. La répartition de la dette publique à tant par tête, au lieu de la baser sur le revenu, est une autre erreur. Mon hon. ami le représentant de Saugeen (M. MACPHERSON), que je ne vois pas à sa place, a dit l'autre jour que mes arguments étaient spécieux ; que dans le cas actuel, la répartiton par tête de la population était celle qui devait être adoptée. Le revenu n'est-il pas le moyen de payer la dette ? Doit-on prendre la population en considération ? Je convaincrai mon hon. ami que son raisonnement n'est pas exact, au moins il n'est pas tel que je l'aurais attendu d'un homme qui occupe sa position dans le pays. La population est-elle toujours la richesse ? Non ; c'est une richesse quand elle peut être employée avec profit ; c'est une richesse quand on peut l'employer dans les manufactures, ou dans la culture de bonnes terres. Mais regardez l'Irlande, où la population a été une, source de pauvreté !
L'HON. M. MACPHERSON.—Ce que j'ai dit, c'est que le revenu antérieur n'était pas une juste mesure pour établir ce que chaque province devait payer. A l'avenir nous aurons un tarif uniforme. Je suis sûr que mon hon ami ne dira pas que dans ce pays la population est une source de pauvreté.
L'HON. M. SEYMOUR.—Mon hon. ami dit qu'il adopte un plan pour le passé et un autre pour l'avenir. Quelle justice y a-t-il là-dedans ? Nous n'avons qu'à regarder le système proposé pour voir l'effet qu'il aura. Si le Nouveau-Brunswick, avec un million de revenu peut apporter sa dette de sept millions dans la confédération, alors, en suivant la même règle, le Canada devrait entrer dans la confédération avec toute sa dette et même davantage. Le revenu probable du Canada est de onze millions. Le premier venu peut calculer cela et voir que le Canada n'aurait pas dû avoir de dette à payer pour ses deux gouvernements locaux ; mais avec ce principe de concession, comme de raison, il faut que le Canada se soumette. Maintenant, pour faire voir le fonctionnement du système, voyez l'effet du taux de 80 cts. par tête. Le Haut-Canada paiera $1,540,000 au gouvernement général, et en recevra $1,120,000 pour le gouverne 205ment local ; c'est-à-dire, en supposant que le Haut-Canada contribue pour les deux tiers au revenu des provinces unies. Cela a été admis par l'un de ceux qui occupent aujourd'hui une position élevée dans le gouvernement. C'est là le magnifique projet que mon hon. ami de Saugeen loue et approuve ! Vous payez d'après votre richesse, et la différence contre le Haut-Canada est de $420,000 ; ou en d'autres termes, le Haut- Canada paie d'une main $1,540,000, et reçoit de l'autre $1,120,000. C'est là le fonctionnement du système qui a été adopté contre les intérêts non seulement du Haut-Canada mais de tout le Canada. La troisième concession est la somme qui doit être payée à Terreneuve, comme compensation du fait que cette province n'est pas endettée. Il peut y avoir, je l'admets, un semblant de justice en cela, mais la somme qui lui est accordée est beaucoup trop forte. Le Canada continuera à augmenter, tandis que nous ne pouvons pas attendre grand'chose de Terreneuve. La quatrième concession sont les 80 cts. par tête dont je viens de parler, et j'en ai fait voir l'opération, qui nous est decidément contraire. Viennent ensuite les $63,000 par année au Nouveau-Brunswick pendant dix ans. J'ai été bien content d'entendre mon hon. ami le membre de Saugeen (M. MACPHERSON ) désapprouver cela. Je suis heureux de le voir, lui qui est un si fort partisan du projet, admettre que cela est mal. J'ai fait mes calculs au point de vue haut-canadien ; mais tant que union a été maintenue, je n'ai jamais élevé la voix pour faire de comparaison. Je désire conserver cette union. (Ecoutez !) Mais aujourd'hui nous sommes forcés d'accepter ce projet tel qu'il est, sans amendement sous aucun rapport ; je ne veux qu'indiquer que sur le principal que représente cette somme de $63,000, et que mon hon. ami ne peut approuver, le Haut- Canada paiera $367,000. Ensuite l'on donne $150,000 par année à Terreneuve,—ce qui est une sixième concession faite pour des terres sans valeur. Cette somme représente un capital de trois millions. Les terres des autres provinces sont bien soignées, mais que valent celles de Terreneuve ? Elles n'ont aucune valeur quelconque. Lorsque mon hon. ami le commissaire des terres de la courrone aura le contrôle de toutes ces terres, je suis sûr qu'il aura les mains pleines. Les terres des autres provinces valent la peine d'être gardées, et on leur en   a laissé l'administration ; mais comme ces terres se trouvent n'être bonnes à. rien, on les abandonne au gouvernement général. Si elles eussent eu la moindre valeur, on les aurait aussi gardées. Mais il y a encore une autre question. L'on propose de prendre les chemins de fer du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse, et d'en faire des travaux publics. Je suppose que l'on me dira que les canaux du Canada sont aussi pris comme travaux publics de la confédération ; mais il existe une très grande différence entr'eux. Les chemins de fer n'existent que depuis quelques années; ils seront bientôt usés, et devront être entretenus aux frais du gouvernement ? N'avons-nous pas vu abolir les péages sur nos canaux, et le gouvernement confédéré ne croira-t-il pas nécessaire d'abolir les prix payés sur ces chemins de fer, et alors ne seront-ils pas entretenus comme le sont tous les travaux publics, au moyen d'une énorme perte pour le gouvernement. (Ecoutez !) Mon hon. ami le représentant de Niagara (M. CURRIE) n'était pas tout à fait exact, l'autre jour, je crois, dans ce qu'il a dit sur le Haut-Canada. (Rires et écoutez !) D'après le recensement de 1861, la valeur des terres en culture dans le Haut-Canada était de $295,162,3l5, et dans le Bas-Canada $ l68,482,546, formant un total de $463,594,861. Dans le Haut-Canada, le bétail était évalué à. $53,227,516 ; dans le Bas-Canada. $24,572,124. Blé, Haut-Canada, $24,640,425 ; Bas-Canada, $2,563,114. Autres espèces de grains, Haut-Canada, $38,123,340 ; Bas-Canada, $23,534,703. Pour ce qui est du bois, de la richesse minérale, des manufactures et des pêcheries, le Haut-Canada est parfaitement égal au Bas-Canada et aux provinces maritimes. Je crois que si le Haut- Canada était laissé à lui-même et s'il n'était pas écrasé, réduit à l'impuissance par ces nouvelles concessions, le Canada tout entier deviendrait plus prospère, pourvu que nous évitions à l'avenir toute dépense extravagante et inutile. Comparez ces ressources à celles des provinces maritimes ! L'hon. premier ministre a parlé de la richesse de ces provinces en bois et en minéraux. Mais le bois s'épuisera et ces provinces ne croîtront plus en richesse, tandis qu'au Canada, avec un sol productif et une population active, notre prospérité doit nécessairement s'accroître. Quelle est la valeur de ces mines dont on nous parle? A la Nouvelle-Ecosse le droit régalien sur le charbon ne produit que $28,000, et sur les mins d'or, seulement $20,000 206 qu'avons-nous à attendre de plus de ces provinces ? La Nouvelle-Ecosse ne produit point de bois et, par conséquent, son revenu ne saurait augmenter, tandis qu'au Canada notre richesse dépend du climat et du sol. (Ecoutez !)
L'HON. M. CAMPBELL—Mon hon. ami ne prétend pas assurément que les ressources de la Nouvelle-Ecosse ne peuvent augmenter ; elles ont au contraire doublé depuis un an.
L'HON. M. SEYMOUR.—Qu'offre-t-elle à part ses mines de charbon ? On ne prétendra pas qu'il s'y trouve du bois. En augmentant le tarif, le revenu s'accroîtra, c'est vrai, mais il ne doublera pas. Si le tarif augmente, la consommation diminuera. C'est un argument spécieux de dire que le revenu double avec le tarif.
L'H0N. M. CAMPBELL—En 1859, le revenu de la Nouvelle-Ecosse était de $689,000, et l'année suivante il monta jusqu'à $1,249,000 ; depuis, il n'a fait qu'augmenter encore et mon hon. ami prétend qu'il ne peut pas s'accroître.
L'HON. M. SEYMOUR.—Je n'ai pas les chiffres que mon hon. ami vient de citer, j'ai pris ceux de 1862. Il y a les droits d'accise, mais ces droits locaux seront payés au gouvernement local. Le Haut-Canada s'est toujours plaint de ce que, fournissant les deux-tiers ou les trois-quarts du revenu, il n'a pas un contrôle suffisant dans la législature et ne reçoit pas du trésor une somme proportionnée à ce qu'il paie. La confédération remédiera-t-elle à cela? Depuis Montréal en allant à l'est le contrôle n'est-il pas proportionné aux concessions faites aux provinces maritimes ?
L'HON. M. CAMPBELL.—L'équilibre sera rétabli lorsque la Rivière-Rouge fera partie de la confédération.
L'HON. M. SEYMOUR.—— J'ai bien peur qu'aucun d'entre nous ne vive assez longtemps pour voir la réalisation de ce fait. J'ai écouté avec beaucoup d'attention les discours des hons. membres qui ont parlé avant moi, et j'ai lu le rapport des débats de l'assemblée législative, et le seul argument valable que j'aie entendu donner en faveur du projet est que, par ce moyen, notre union avec la mère- patrie sera consolidée. (Ecoutez ! écoutez !) Je le dis aussi avec conviction, cette union ne doit pas étre rompus. Nous sommes infiniment mieux à l'ombre du drapeau anglais que nous ne serions avec les Etats-Unis ; (Ecoutez ! ) mais qu'on nous donne des raisons, qu'on nous dise comment notre union sera resserrée ? Pouvez-vous changer la position géographique du pays ? Pouvez-vous, d'un jour à l'autre, augmenter notre population et nos ressources ? Votre revenu n'augmente pas, votre population reste la même, et la position géographique ne saurait changer Me direz-vous que les populations des provinces maritimes sont prêtes a dépenser des sommes considérables pour la défense du pays. Pour montrer ce qu'on pense à ce sujet dans ces régions, je vais lire un extrait d'un exposé du secréraire des finances de la Nouvelle-Ecosse :
" En ce qui regarde la somme qu'on veut affecter à la milice,—$20,000,—l'hon. chambre peut croire qu'elle est considérable, vu l'état actuel de nos finances. Mais, si on considère les sommes énormes déja dépensées et celles qu'on se propose d'affecter à cet objet en Canada, on se demande s'il serait même convenable pour la Nouvelle- Ecosse, en tenant compte des efforts du gouvernement anglais, de voter une somme moindre" ?
On allait dépenser $20,000 au moment où le coûteux bill de milice qu'on connait se discutait devant notre législature ! (Ecoutez !) La Nouvelle-Ecosse proposait vingt- mille piastres alors qu'on nous répétait ici tous les jours que nous étions menacés d'une invasion ! L'hon. premier-ministre de la Nouvelle-Ecosse proposait de réduire ce montant à. $8,000. Voici ce que lui répondait le secrétaire des finances :
" Dans des circonstances ordinaires, j'opterais avec l'hon. monsieur pourqu'on retranchât $12,000 du budget de la milice ; mais, en vue des sommes considérables que vont dépenser le Nouveau- Brunswick et le gouvernement impérial pour notre défense, je crois que le moins qu'on puisse faire est que le montant de $20,000 soit maintenu. Le gouvernement aurait manqué aux plus simples convenances en n'inscrivant pas cet item dans le budget, et il se maintiendra ou tombera sur cette motion que l'honneur du pays exige."
L'honneur de la Nouvelle-Ecosse était au prix de ces $20,000, le Nouveau-Brunswick dépensa la même année $15,000. J 'ai combattu le coûteux bill de milice soumis à cette chambre. Mais, à cette époque, le gouvernement dépensait par année plus d'un demi- million de piastres pour la milice ; j'admets même qu'aujourd'hui il va assez bon train sous ce rapport. (Ecoutez !) On nous a dit aussi que le projet de confédération allait rétablir le crédit du pays. Mon hon. ami de la division de Saugeen nous a dit qu'en Angleterre, à la réception de la nouvelle de ce projet, nos fonds ont monté de quinze à 207 dix-sept pour cent. Quelqu'un prétendra-t-il que telle était la vraie raison de cette hausse ?
UNE VOIX—Certainement !
L'HON. M. SEYMOUR.—J'ai ici, d'après le Times de Londres, la cote des fonds canadiens au 7 novembre, date de la lettre dans laquelle Son Excellence transmettait la nouvelle de l'acceptation du projet par les délégués, et je trouve que les fonds avaient monté de 86 à90.
L'HON. M. MACPHERSON.—Je ne me suis point trompé en disant que nos fonds avaient monté par suite de cette nouvelle. J'insisterai auprès de l'hon. membre pour une explication plus satisfaisante.
L'HON. M. SEYMOUR.—Tout le monde sait que mille causes diverses influent sur le mouvement des fonds anglais, le taux d'intérêt de la banque d'Angleterre, etc., etc. Or, je trouve que le 7 novembre les fonds canadiens étaient cotés de 86 à 92, tandis que le 25 novembre, époque à laquelle la nouvelle de la confédération devait être reçue, ils étaient cotés de 88 à 92. Et aujourd'hui que l'adoption de cette mesure est presque certaine, la cote est de 81 à 83.
L'HON. M . MACPHERSON.—Je suppose que l'hon. monsieur connaît les causes de cette baisse : à peine le résultat des délibé rations de la conférence était-il connu en Angleterre, que l'excursion de St. Alban eut lieu et produisit une baisse de dix-sept à dix-huit pour cent sur les fonds canadiens.
L'HON. M. SEYMOUR.—La sage politique du gouvernement anglais nous a au moins tenus en bons termes avec nos voisins. Il est vrai qu'ils ont établi un système de passeports, mais ils vont les abolir, et nos relations resteront les mêmes, sauf le traité de réciprocité. Tous les hommes d'affaire savent parfaitement que cette hausse des fonds n'avait rien de commun avec le projet de confédération. Et quelle influence pouvait avoir ce projet ? qui fait que les fonds montent ou baissent ? n'est-ce pas la confiance qu'ont les capitalistes que les intérêts seront payés ? Or, avec la confédération notre dette ne va-t-elle pas augmenter ? Il faudra construire et exploiter le chemin de fer intercolonial, le tout aux frais du Canada. Il faudra maintenir les gouvernements locaux et le gouvernement général, et, si on en juge par le passé, il y a peu de chances de réduction. ( Ecoutez !) Voici ce que coûtaient les deux gouvernements avant l'union des provinces : le gouvernement du Bas-Canada dépensait, y compris les traitements des employés, £57,618. Dans le Haut- Canada nous étions économes. Nous avions le pacte de famille et nous aurions pu en avoir un pire. ( Ecoutez ! et rires. ) L'esprit public ne s'était pas encore abaissé aux pratiques de la corruption. ( Ecoutez! ) Les dépenses des deux gouvernements réunis n'excédaient pas £100,000 par an. Que sont- elles aujourd'hui ? Il y a deux ans les dépenses du service civil, sans comprendre la milice, se montaient à trois millions de piastres, c'est-à-dire que dans un peu plus de vingt ans les dépenses sont devenues sept fois plus fortes, et cependant nous n'avons eu qu'un gouvernement. Mais qu'avons- nous à attendre, sous ce rapport, du gouvernement confédéré. Tous les hons. membres le savent, il faudra plaire à tout le monde et continuer les mêmes dépenses sous le nouveau régime. On ne peut renvoyer d'anciens serviteurs, il faudra les employer ou leur donner des pensions. Peut on supposer que la confédération va diminuer nos dépenses ? J'admets que les provinces maritimes ont été plus économes que nous. Mais nous aurons à payer les gouvernements locaux ; il faudra un nouveau personnel dans chaque province, et ce personnel nous causera un surcroît de frais. Et les deniers sortiront de la poche du peuple qui devra être taxé directement ou indirectement. Qu'importe que les populations paient une taxe directe ou aient à supporter des droits excessifs. Les gouvernements devront avoir recours, et sur une grande échelle, à la taxe directe.
Six heures sonnent, l'ORATEUR quitte le fauteuil ; à la rentrée, l'hon. M. SEYMOUR continue :
Je pense, hons. messieurs, que l'importance de ce projet au point de vue financier sans parler du changement constitutionnel exige un appel au peuple. Je ne me suis pas assez étendu sur ce point que le projet de fédération consolidera notre union avec la mère-patrie. Tout le parti qui demande des réformes financières en Angleterre, y compris le Times et autres journaux influents qui, pour des raisons de finance, demandent l'abandon des colonies, a accueilli chaleureusement ce projet. Le gouvernement impérial sanctionnera la confédération, il n'y a pas de doute, mais c'est aujourd'hui sa politique de sanctionner toutes les mesures locales adoptées pour les colonies. En outre de la presse et des réformistes favorables à l'abandon des colonies, tel que GOLDWIN 208 SMITH et autres, que disait, il y a quelque temps à ses électeurs le sous-secrétaire d'état pour les colonies ? En parlant de ce projet il déclarait qu'il serait approuvé par le gouvernement impérial en vue de changer nos relations avec la mère-patrie et de nous apprendre à nous défendre par nous-mêmes. ( Ecoutez !) Il me semble que cette assertion est assez significative, venant surtout du sous-secrétaire des colonies, car, en définitive, cela veut dire que l'Angleterre se séparera de nous quand cela nous plaira. ( Ecoutez !) Je ne suis pas de ceux qui désirent cette séparation. Loin de vouloir en répandre l'idée dans le public je chercherai toujours à convaincre le peuple qu'il est pour nous de la plus haute importance de rester unis à la mère-patrie. ( Ecoutez !)
L'HON. M. DEBEAUJEU.—La presse étrangère ne nous a-t-elle pas fait des menaces et ne devons-nous pas nous tenir prêts ?
L'HON. M. SEYMOUR.—Je suppose que mon hon. ami fait allusion à la presse des Etats-Unis. Il est vrai que certains journaux nous ont menacé d'une invasion terrible, mais a-t-on jamais en rien d'officiel dans ce sens et ne sommes-nous pas dans les meilleurs termes avec le gouvernement américain ? Allons-nous être dirigée maintenant par quelques journaux à sensations ?
L'HON. M. MACPHERSON. — M. SEWARD ne nous a-t-il pas menacé ? ( Ecoutez ! et rires. )
L'HON. M. SEYMOUR.—Pas depuis qu'il fait partie du gouvernement. ( Ecoutez ! écoutez ! et rires.)
L'HON. M. CAMPBELL.—Oui, peu avant la dernière élection présidentielle.
L'HON M. SEYMOUR. —C'est une petite affaire. ( Rires. ) J'ai fait voir, hons. messieurs, que ce projet n'avait pas de précédent, même de l'autre côté de notre frontière. Au milieu des théories républicaines les plus avancées, nos voisins n'ont jamais proposé de changer une constitution de cette manière, … ils n'en ont jamais changé du moins sans demander par un moyen ou un autre, le consentement du peuple. L'hon. M. Ross a fait allusion, je crois, à l'union de l'Angleterre et de l'Irlande. Tout le monde sait comment cette union s'est effectuée. Dans son Histoire de la Constitution, MAY prétend qu'elle a coûté un million et demi de livres sterling. Et comment a été traitée la représentation ? L'Angleterre, qui est le plus riche des deux pays, a-t-elle donné prépondérance à l'Irlande comme nous voulons le faire pour les provinces maritimes ?
L'HON. M. ROSS.—Mais c'était une union législative, tandis que chez nous la représentation sera basée sur la population.
L'HON. M. SEYMOUR.—Cela n'affecte en rien la question. Quelle était, après l'union, la représentation de l'Irlande dans la chambre des communes ? 100 membres sur 656, et 28 sur 450 dans la chambre des Lords. Or, l'Angleterre, tout en considérant cette union nécessaire, ne jugea pas à propos de donner prépondérance et à faire une juste part de représentation au royaume nouvellement uni.
L'HON. M. ROSS.—Parce que le parlement anglais n'admet pas le principe de la représentation d'après la population.
L'HON. M. SEYMOUR—On me dira tout à l'heure que la nouvelle constitution n'est ni américaine ni anglaise.
PLUSIEURS HONS MEMBRES.— C'est un projet tout canadien. ( Ecoutez !)
L'HON. M. SEYMOUR. —Ni l'un ni l'autre—c'est une constitution amphibie. ( Rires. ) En Angleterre aucun changement important dans les lois ne s'opère qu'après avoir été discuté durant plusieurs sessions et est toujours suivi d'un appel au peuple. Même la question du cens électoral qui, comparativement à celle qui nous occupe, est d'une importance secondaire, a été discutée en parlement pendant des années et la loi une fois passée a été soumise au peuple. Or, quelles sont les fonctions de la législature de ce pays ? Ne sommes-nous pas assemblées ici pour faire des lois avantageuses à la nation ? ( Ecoutez !) Ces lois peuvent être abrogées si elles ne conviennent pas aux populations Mais aujourd'hui on propose de changer toute la constitution, toute l'économie intérieure de notre société, en un mot on veut faire une révolution sans consulter le peuple et sans pouvoir jamais revenir sur ce changement une fois qu'il sera effectué ; cette importante question n'intéresse-t-elle pas chaque propriétaire canadien aussi bien que nous ? Des millions de particuliers n'y sont ils même pas plus intéressés que les membres du conseil exécutif du Canada ? Et voilà que ces messieurs préparent un projet et le soumettent à la chambre en disant aux députés du peuple : " Vous n'avez pas le droit de consulter vos électeurs sur cette question, vous ne pouvez rien y changer, il faut l'accepter telle qu'elle 209 est ? Qu'on ne vienne pas me dire à présent que nous sommes un peuple libre !
L'HON. M. CAMPBELL. — Mais vous pouvez accepter ou rejeter la mesure.
L'HON. M. SEYMOUR. — C'est bien ; mais il faut l'accepter telle qu'on nous la présente ; toute l'influence du gouvernement sera employée à la faire passer et elle passera, je le crains, sans que le peuple ait droit de souffler mot. On nous dit que telle est la coutume anglaise, qui ne permet pas même la passation d'une courte loi pour autoriser le peuple à voter en pareil cas ;… une chose certaine c'est que la constitution qu'on nous propose n'est pas anglaise. ( Ecoutez !) Je supplie les hons. membres de ne pas adopter cette mesure sans différer un peu, et sans avoir l'expression de l'opinion publique. Les populations qui devront être gouvernées pendant un long avenir par cette constitution ont droit d'être consultées en ce moment, et pour le bien-être et la prospérité j'espère qu'on ne les privera pas de ce droit imprescritible. ( Ecoutez !)
L'HON. M. BENNETT.—Hons. messieurs : —Après ces nombreux et habiles discours que nous avons entendus sur ce sujet, il est peut- être présomptueux de ma part de prendre parole, ( cris de : parlez ! parlez !) mais je ne saurais consentir à donner un vote silencieux ; je croirais manquer à ceux qui m'ont envoyé ici en ne faisant pas quelques remarques sur cette question importante. ( Ecoutez ! écoutez !) Je pense que les hons. messieurs sont avec moi d'accord pour dire que ce projet est un des plus importants, le plus important qui ait encore été soumis à la législature du Canada. ( Ecoutez ! écoutez !) Nous sommes à la veille d'être témoins d'un grand changement dans la constitution du pays, du plus grand qui ait été vu depuis l'union des provinces ; et je puis bien dire que ce changement ou tout autre est impérieusement demandé, ou s'il fallait que l'état des choses actuel se continuât, il serait difficile, sinon impossible, de faire fonctionner le gouvernement comme il a fonctionné depuis trois ou quatre ans. ( Ecoutez ! écoutez !) L'hon. premier ministre a dit que nous étions dans un état de transition, et je suis sûr que si quelque remède n'eût pas été proposé, nous serions tombés dans l'anarchie, à en juger par l'esprit de mécontentement que manifestait le pays. ( Ecoutez !) Je ne suis pas porté à croire, comme semblent l'être quelques hons. messieurs, qu'avec la confédération nous tomberons dans une espèce d'âge, d'or, que nous n'aurons plus de crises ni d'agitations politiques, mais je pense que nous nous trouverons à peu près comme auparavant à l'égard des partis, c'est-à-dire que l'un sera du gouvernement et l'autre de l'opposition,—état de choses à désirer sous un gouvernement constitutionnel. Je suis en faveur d'une opposition tant qu'elle n'est pas factieuse. ( Ecoutez ! écoutez !) Avec la différence qui existe entre les lois, la langue et les institutions des diverses provinces, il est claire qu'une union législative serait impossible. Le principe de la double majorité comme remède à nos difficultés a fait ses preuves d'inefficacité ; la représentation d'après le nombre, qui eut contenté le Haut-Canada, a toujours été refusée avec persistance par le Bas, si bien que je ne vois pas que nous puissions nous jeter sur autre chose que la confédération des provinces. ( Ecoutez ! écoutez !) Je désire attirer l'attention sur la position particulière faite aux membres élus de cette chambre par la question actuelle. On a dit que s'ils votaient pour les résolutions ils se feraient eux-mêmes conseillers à vie ; que leurs commettants ne pouvaient vouloir cela lorsqu'ils furent députés par eux, et que ce serait ôter au peuple une de ses franchises que cette chambre n'a pas le pouvoir de lui enlever. Eh bien ! quant à moi, je puis déclarer n'avoir jamais entendu faire ces objections par les électeurs de la divison que j'ai l'honneur de représenter. Tout ce que j'ai appris, c'est que l'on voulait que l'adoption de cette mesure fut retardée, et je maintiens que ce retard ne saurait lui être fatal. ( Ecoutez ! écoutez !) Nous l'avons déjà retarée de plusieurs semaines; au Nouveau- Brunswick, elle a été remise après les élections générales, et quelqu'un peut-il me démontrer qu'elle courra quelque danger si on la remet encore pendant quelque temps ? Assurément que si cette mesure est bonne aujourd'hui, elle le sera autant dans une année. ( Ecoutez ! écoutez !) Les résolutions ont été élaborées par des hommes habiles et de talent, mais faillibles comme les autres, et c'est justement pour cela ne nous devons les étudier avec soin avant de les adopter. ( Ecoutez! écoutez !) Je suis positif que c'est l'avis de tous, même des délégués qui ont rédigé ces résolutions, que si nous en avions le pouvoir nous en modifierions quelques unes sous certains rapports. Si j'avais cette faculté, je n'hésite pas à dire que je leur ferais subir des changements ; mais, au 210 lieu de cela, il nous faut en rejeter ou accepter le tout. Chaque fois que je vois proposer des amendements par quelque hon. membre, il me rappelle le spectateur faisant galerie à une partie d'échecs. Il s'imagine qu'il pourrait bien mieux diriger certains mouvements opérés par les joueurs, mais il reconnaît à la fin que si ses conseils eussent été suivis il eut fait échec et perdu la partie. ( Ecoutez ! écoutez !) En examinant ces résolutions, j'en ai trouvé de bonnes, et quelques unes susceptibles d'objections, mais j'ai reconnu que le bon l'emportait sur le défectueux. ( Ecoutez ! écoutez !) J'hésiterais donc à prendre la responsabilité de faire rejeter la mesure en votant pour un amendement. ( Ecoutez! écoutez !)
L'HON. M. ALEXANDER.—Hons. messieurs :—Je ne veux pas cette fois entretenir longtemps la chambre. Mon hon. ami de Port Hope ( M. SEYMOUR ) jouit de l'estime et du respect de cette chambre et du pays pour la conduite intègre et conséquente qu'il a toujours tenue à l'égard des grandes questions d'intérêt public, et c'est par conséquent avec crainte que je me hasarde à réfuter certains chiffres ( et les déductions qu'il en a tirées ) donnés par lui relativement au projet de confédération. Pour qu'il ait pris cette attitude, il faut certainement que mon hon. ami ait envisagé la question sous son plus mauvais jour, car il paraît entrevoir les plus fâcheuses conséquences de l'union projetée. Pour combattre ses craintes, il suffit de penser qu'il dépend de nous, comme il dépendra des membres de la nouvelle législature fédérée, s'il doit en résulter du bien ou du mal. ( Ecoutez ! écoutez !) Si cette législature suit bien la constitution ; si elle veille avec économie aux dépenses publiques et empêche tout agiotage ( jobbery ) dans l'exécution des travaux publics, je suis convaincu que la confédération n'augmentera guère les charges du public, ou, du moins, que nous n'en ressentirons pas plus le fardeau qu'à présent. L'hon. monsieur a particularisé certains cas de prétendue injustice, entre autres les arrangements financiers pris à l'égard de Terre- neuve et de la Nouvelle-Ecosse ; mais je ne vois pas qu'il y ait une bien grande injustice envers le Canada de leur avoir accordé une subvention, peu élevée d'ailleurs, quand d'un autre côté nous prenons tous leurs droits de douane et d'excise avec le pouvoir d'établir un tarif uniforme. Quant à l'insuffisance probable du revenu du gouvernement général pour subvenir à ses dépenses ordinaires, je laisse à mon hon. ami de Port Hope de contredire l'exactitude des chiffres donnés à Sherbrooke par le ministre des finances Pour ma part, je ne l'oserais pas. On a dit que pour faire face aux dépenses du gouvernement local, il faudrait recourir à l'imposition d'une forte taxe directe dans le Haut et le Bas-Canada. Je vais maintenant démontrer que cet impôt ne sera pas nécessaire à moins que la législature locale ne fasse des dépenses extraordinaires. Voyons quelle sera la position du Haut-Canada, qui, par son allocation de 80 centins par habitant, devra recevoir $l,120,000. Les items de dépense locale auxquels il faudra subvenir avec cette somme se déeomposent comme suit :-
Instruction publique ................ $ 274,112
Hôpitaux et institutions de charité… . 125,000
Pénitenciers, prisons de réforme.... 76,000
Sociétés agricoles...……….......... 52,000
Chemins et ponts........................ 80,000
Police.............................................. 15,000
Institutions littéraires et scientifiques.. 7,000
$629,112
Législation. ................................... 100,000
Gouvernement civil, lieut-gouverneur et son état-major...................... 120,000
$ 849,112
Ce qui laisse, pour d'autres objets, une balance de.............. 270,888
$1,120,000
Dans la partie du Haut-Canada que j'habite, le désir général est que la législature locale ne se composera que d'une chambre d'environ 30 membres et d'un gouvernement dont la dépense sera très-limitée, en un mot, une espèce de grand conseil municipal qui donnerait lieu à peu de dépense, et si ce désir est réalisé, il n'y aurait aucune raison d'appréhender la nécessite de l'impôt direct. En prenant la parole, je n'ai pas eu l'intention de m'étendre longuement sur ces détails ; j'ai seulement voulu faire connaître dans quel sens je me prononcerai à l'égard de l'amendement de l'hon. membre pour la division de Wellington. Puisque le chef du gouvernement dans l'autre chambre a déclaré que toute modification d'un détail important serait pris pour le rejet même du projet, je ne suis pas prêt à prendre la responsabilité de voter pour un amendement qui aura ce résultat ( Ecoutez ! écoutez !) Mais bien que je croie agir selon les vues de mes mandataires en votant pour la négative, 211 je pense aussi qu'une occasion devrait être donnée à tout membre de cette chambre d'exprimer l'opinion de ses commettants sur ce détail ou sur tous les autres, et je propose en conséquence, sous forme d'amendement, secondé par l'hon. M. SKEAD-
" Que les membres de cette chambre devraient avoir l'occasion d'enregister leur opinion sur le changement proposé dans la nomination des membres du conseil législatif, et que le moyen de parvenir à cette fin de la manière la plus satisfaisante, sans mettre en danger le projet de confédération comme ensemble, serait pour eux d'enregistrer un mémoire ou protêt sur les journaux de cette chambre, énonçant leurs vues sur ce détail important du projet de confédération ; copie de ce mémoire ou protêt devant être transmise au gouvernement impérial avec les résolutions maintenant soumises à cette chambre."
L'HON. M. AIKINS.—Je voudrais bien savoir dans quelle position je vais me trouver si l'amendement de l'hon. monsieur est emporté. (Ecoutez ! écoutez !) Si j'appuie l'amendement de l'hon. membre pour la division de Wellington (M. SANBORN), je devrai, dans le cas où l'amendement sera adopté, voter également pour les résolutions principales. Or, comment accorder ces deux choses ?
L'Hon. M. BOSSÉ—Je ne crois pas que l'amendement soit dans l'ordre et j'objecte.
L'Hon. Sir N. F. BELLEAU.—Les réglements de la chambre autorisent les membres à entrer protêt et, par suite, l'amendement est inutile.
L'HON. M. CURRIE.—Mon hon. ami de la division de Gore, voudrait-il nous donner quelques explications au sujet de cet amendement ?
L'Hon. M. REESOR.—L'amendement est-il dans l'ordre ?
L'HON. ORATEUR — L'amendement n'est pas dans l'ordre. C'est une simple répetition de la 28me règle par laquelle " Tout membre peut inscrire protêt contre un vote de cette chambre. A mon avis, l'amendement n'est pas dans l'ordre. (Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. AIKINS—Comme l'hon. membre pour la division de Gore désire particulierement se prononcer sur la question de savoir si le principe électif doit être aboli ou non, je donnerai, avec la permission de la chambre, un avis de motion que je propose en amendement à la motion principale :
" Que les conseillers législatifs devant représenter le Bas et le Haut-Canada au conseil législatif de la législature générale, seront élus comme ils le sont maintenant pour représenter les quarante-huit colléges électoraux mentionnée dans la cédule A du chapitre premier des statuts refondus du Canada, et devront avoir leur résidence ou posséder leur sens d'éligibilité dans le collége qui les élira."
L'HON. M. CURRIE.— A ce point de la discussion je crois opportun de revenir sur quelques chiffres cités par l'hon. membre de la division de Gore, qui nous a donné à entendre que les gouvernements locaux auraient amplement de quoi administrer leurs affaires locales dans les subsides qui leur seront accordés par le gouvernement général. C'est fort aise à dire, mais si l'hon. membre veut bien se reporter à l'époque de l'union du Haut et du Bas-Canada, il trouvera qu'immédiatement avant l'union les frais du gouvernement du Haut-Canada, avec sa législature séparée et sa population de 450,000 âmes, se montaient à $770,000 par année ; et on nous a dit qu'à cette époque le pays était gouverné avec économie, honnêteté et convenance. Or, s'il fallait dépenser $770,000 pour gouverner les 450,000 habitants du Haut-Canada en 1839, combien en coûtera- t-il proportionnellement pour gouverner la population actuelle de 1,396,000 dans la confédération ? La proportion donne : $2,170, 000 par année ou, en d'autres termes, le double du montant de la subvention locale.
L'HON. M. ALEXANDER. — L'hon. monsieur oublie que le gouvernement fédéral paiera une large part des dépenses alors aux charges de la législature locale.
L'HON. M. CURRIE.—Je sais parfaitement quelles seront les charges du gouvernement général ; je n'ignore pas même qu'il aura contrôle sur certaines questions laissées jusqu'à présent à la législature locale. Quant au Bas-Canada, à l'époque de l'union, il comptait 650,000 habitants, c'est-à-dire 200, 000 de plus que le Haut-Canada, et les frais de son gouvernement ne montaient qu'à $573,348 ; en supposant que la nouvelle législature locale soit aussi économe que l'ancienne, cette somme serait aujourd'hui de $1,230,000,— environ $400,000 de plus que la subvention locale. Or, cet excédant devra être prélevé au moyen de la taxe directe. Ces chiffres sont pris dans les comptes publics, l'hon. membre pour la division de Gore peut les vérifier, ils sont de plus parfaitement exacts.
L'HON. M. ALEXANDER— Les chiffres que j'ai cités sont également authentiques, et j'ose défier l'hon. membre d'en attaquer l'exactitude.
212
L'HON. M. ARMAND.—Hons. messieurs : j'ai écouté atttentivement les hons. membres qui ont parlé sur la question devant cette chambre. Quelques-uns ont manifesté leur crainte relativement aux changements de la constitution. Je suis loin de les blâmer, mais aucun de ces messieurs n'a donné un remède aux embarras de la situation. Deux ou trois hons. membres ont prétendu que la confédération prenait la législature et le pays par surprise. Il me semble que ces hons. messieurs ont oublié qu'en 1859 la question de la confédération a été agitée dans les chambres de ce pays et que depuis cette époque la législature et la presse s'en sont occupées assez souvent. L'an dernier, la chambre basse n'a-t-elle pas nommé un comité pour s'enquérir des maux qui semblaient nous conduire à l'anarchie, et ce comité n'a-t-il pas fait rapport que le remède à cet état de choses était la confédération ? Ces messieurs semblent aussi oublier que depuis que le gouvernement a fait connaître sa politique par l'un de ses membres, l'hon. ministre des finances, dans son magnifique discours à ses électeurs,—discours qui a été distribué dans toutes les parties du pays par la presse des différents partis,—24 élections ont eu lieu, 13 pour cette hon. chambre et 11 pour la chambre basse. Sur les 13 candidats pour cette hon. chambre, 3 seulement se sont prononcés contre la confédération, mais un seul a pu se faire élire. Dans la chambre basse, sur les 11 candidats un seul s'est prononcé contre la confédération, et on me dit qu'il votera probablement pour. Maintenant, quant à l'article des résolutions de la conférence, qui a trait au système électif relativament au conseil législatif, j'ai déjà eu occasion d'émettre mon opinion à ce sujet. Je dirai à l'hon. membre pour la division Wellington qu'il me semble que les hons. conférendaires, qui sont tous des hommes éminents, n'ont pas dû en venir à une telle conclusion qu'après mûre délibération. En effet, hons. messieurs, je conçois que tant que l'Angleterre ne nous a pas permis de faire usage de sa constitution, ne nous a pas donné le gouvernement responsable, ne nous a pas laissé le contrôle de nos affaires, tant que ses gouverneurs n'ont pas été entourés de ministres responsables au peuple, mais par des aviseurs qui étaient plutôt comme des commis qui, pour conserver leur salaire, étaient souvent obligés de se soumettre à la volonté arbitraire de leur maître, je conçois, dis-je, qu'il était expédient de chercher des remèdes aux maux qui alors pesaient sur nous. Mais aujourd'hui que la mère-patrie veut que ses gouverneurs se choisissent des aviseurs responsables au peuple, le système électif n'a plus les mêmes raisons d'exister et ne doit pas exister relativement aux finances, relativement à la tranquilité et à la sûreté des citoyens. Quant aux finances, je ne dirai pas que des officiers de la couronne profitent de leur position pour faire de la spéculation en suscitant des candidats éphémères, non, bien certainement non ; mais je dirai que bien des citoyens peu soucieux de leurs intérêts, peu soucieux de l'avenir de leur pays font de ces jours d'élection des jours de spéculation en suscitant la corruption, la violence et le parjure. Je me fais fort de prouver en temps et lieu, aussi clairement que deux et deux font quatre, que dans plusieurs divisions ces élections ont plutôt ressemblé à des guerres civiles. Je sais que plusieurs personnes, je ne dirai pas poussées par un libéralisme démesuré qui dégénère en démagogie, non, je ne pense pas qu'il y ait dans notre jeune pays de ces démagogues farouches, mais je dirai qu'il y a des personnes qui voudraient que toutes les charges de l'État dépendissent du suffrage universel, parce qu'elles savent qu'elles réussiraient à tromper la bonne foi et le jugement. Mais je leur dirai, messieurs, il ne faut pas vous croire plus rusés diplomates que les habitants de la mère-patrie, qui ont acquis leur constitution après des siècles de luttes et de combats,—qui la font fonctionner par des siècles d'expérience ; je leur dirais encore : il ne faut pas vous croire plus habiles appréciateurs de la constitution britannique que M. DE MONTALEMBERT, ce littérateur, cet historien, cet homme d'état éminent ; que M. BERRIER, ce prince du barreau français, qui naguère, tous deux proclamaient que la constitution britannique est incontestablement l'une des plus belles, l'une des plus libérales qu'on puisse désirer. Je félicite le gouvernement du jour de vouloir conserver de cette loi ce qui, aujourd'hui, peut encore paraître bon et rationnel. Je veux parler des divisions territoriales, et de la sagesse de les faire représenter par des personnes qui y ont des intérêts. En effet, hons. messieurs, quel est celui qui peut représenter avec plus de dévouement et d'avantage sa division, si ce n'est celui qui y a des intérêts sacrés, soit par sa résidence ou par les propriétés qui le qualifient et qui lui appartiennent parce qu'il les tient de ses 213 ancêtres ou qu'il les a acquises au prix de ses sueurs, de ses veilles et de ses travaux. On ne dira pas que je veuille, par les dispositions de cette loi, jalouser les habitants des villes ; non, car la division que j'ai l'honneur de représenter se compose d'une des divisions de la ville la plus populeuse du Canada, et je n'ai accepté la candidature qu'au refus de deux de ses citoyens les plus éminents, tant leur immense fortune que par leur position sociale ; probablement que ces messieurs avaient compris, soit par leur propre expérience ou celle des autres, que la vie publique n'offrait pas assez de charmes. ( Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. CURRIE.—J'ai quelques mots à ajouter avant de donner mon vote sur l'amendement soumis à la chambre. Je n'approuve pas en entier les termes de l'amendement, mais comme membre élu, je dois l'appuyer. Je manquerais à mon devoir et à mes commettants si je gardais le silence sur ce point et si je votais pour changer la constitution en vertu de laquelle j'ai été élu. ( Ecoutez !) Je trouve quelque chose d'extraordinaire dans la quatorzième des résolutions soumises, à cette chambre et je demanderai au gouvernement des explications complètes nous éclairant sur la manière dont la conférence est arrivée à cette résolution. Je vous rappellerai, hons. messieurs, qu'en vertu de la onzième résolution : " Les conseillers législatifs seront nommés à vie par la couronne sous le grand sceau du gouvernement général. " Ainsi, d'après cette résolution, la couronne aura, à l'avenir, le droit de choisir les conseillers législatifs pour le Haut-Canada dans telle partie du pays qu'il lui plaira. Mais, dans le Bas-Canada, il y a cette différence que, en vertu de la seisième résolution :
" Chacun des vingts-quatre conseillers législatifs représentant le Bas-Canada dans le conseil législatif de la législature fédérale, sera nommé pour représenter l'un des vingt-quatre colléges électoraux nommés dans la cédule A du 1er chap. des statuts refondus du Canada et ce conseiller devra résider ou posséder son cens d'éligibilité dans le collége dont la représentation lui sera assignée. "
De plus, il est déclaré dans la quatorzième résolution, que :
" Les premiers conseillers législatifs fédéraux seront pris dans les conseils législatifs actuels des diverses provinces, excepté pour ce qui regarde l'Ile du Prince-Edouard. S'il ne s'en trouvait pas assez parmi ces conseillers qui fussent éligibles ou qui voulussent servir, le complément devrait nécessairement être pris ailleurs. "
Or, messieurs, si j'ai bien compris certains ouvrages de droit constitutionnel que j'ai lus, les auteurs déclarent positivement que la prérogative royale ne doit ni ne peut jamais être limitée. Comment les trente-trois hommes distingués et habiles qui ont siégé à huis-clos dans la chambre ici voisine ont-ils osé entraver, je dirai même frapper d'impuis sance l'application d'une règle si sage. ( Ecoutez !) Peut-on limiter la prérogative royale dans le choix des membres de cette chambre ? Il est vrai, par exemple, que les membres représentant plusieurs colléges du Bas-Canada sont des hommes habiles et, en tout point, aptes à remplir leurs fonctions, mais, en dehors de ses colléges, on en trouverait peut-être d'aussi capables. Pourquoi fermer à ces hommes la porte de cette chambre ? Pourquoi la prérogative royale est-elle restreinte au point d'empêcher le choix de ces hommes ? C'est ce que je désire savoir.
L'HON. SIR. E. P. TACHÉ.—Il m'est facile de donner des explications à l'hon. monsieur. Il doit savoir que le Bas-Canada est dans une position différente de celle du Haut-Canada, où deux nationalités se partagent le pays. Ces divisions ont été faites afin d'assurer aux deux nationalités leurs droits respectifs, et cela nous a semblé une raison suffisante pour établir cette disposition.
L'HON. M. CURRIE.—Je crois que mon hon. ami ne m'a pas bien compris : Je demande pourquoi le premier choix sera restreint aux membres de cette chambre, tandis qu'en dehors on pourrait trouver des hommes dont les lumières seraient précieuses pour le pays.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Je ne vois pas quel avantage trouverait la couronne à avoir un choix si étendu. Une pareille disposition aurait certainement déplu a plusieurs des hons. messieurs ici présents ( Ecoutez !) Nous devions au pays d'avoir une considération particulière pour les membres de cette chambre, et, de plus, ils ont des droits acquis et ces droits commandent le respect. Mon hon. ami semble hésiter à reconnaître cela. Les derniers membres élus par le peuple sont actuellement dans cette chambre et, par ce fait, ils ont droit à un siége ; quant aux membres à vie, je crois qu'ils ont des titres inattaquables. ( Ecoutez !)
L'HON. M. CURRIE.—L'hon. premier ministre dit que nous avons un droit acquis. J'admets que nous ayons le droit de siéger 214 pendant le temps pour lequel nous avons été élus ; mais qui nous donne le droit de siéger en cette chambre pour le reste de notre vie ? Nous ne sommes pas délégués du peuple pour faire un tel changement dans cette chambre. (Ecoutez !) Je dirai plus, quels sont les droits réels des membres à vie? J 'ai ici une dépêche adressée par le duc de NEWCASTLE (dont on voudra bien admettre l'autorité en pareille matière) au gouverneur de l'Ile du Prince-Edouard sur cette même question. Je ne lirai pas la dépêche, mais en voici le sens : "Les conseillers législatifs ne sont pas maîtres absolus de leur position ; ils n'ont qu'un simple mandat que la législature peut leur retirer si l'intérêt public le demande."
L'HON. Sir E. P. TACHÉ.—Ce n'est qu'une affaire d'opinion. Les autorités impériales ont pu, à l'époque, avoir eu ces vues, mais antérieurement à 1856, elles pensaient tout le contraire. Elles déclarèrent alors qu'elles avaient accordé certains priviléges aux membres à vie et qu'elles ne commettraient pas l'injustise de leur retirer ces priviléges puisque ces messieurs n'avaient rien fait qui les en rendit indignes. (Ecoutez ?)
L'HON. M. CURRIE —Je suis surpris d'entendre l'hon. premier ministre mettre en doute la capacité de l'homme distingué qui a rédigé la dépêche dont je viens de parler. Je n'ai pas mentionné l'opinion du ministère des colonies en 1856, j'ai parlé d'une opinion exprimée plus tard, car la dépêche est datée du 4 février 1862. L'hon. monsieur dit que le ministère ne songe pas à enlever à aucun conseiller législatif les droits dont il jouit maintenant. Je pourrais comprendre ce raisonnement si le gouvernement ne s'était pas proposé de dépouiller de leurs droits les hons. membres de cette chambre ;—mais comment saisir un tel argument, lorsque de fait on a l'intention d'éloigner du conseil législatif des sujets fidèles qui ont servi honnêtement leur pays dans la législature? En vérité, je crains que nous n'ayons encore eu de l'hon. premier les explications auxquelles cette chambre a droit. (Ecoutez ! écoutez !) Comment se fait-il que l'on excepte les conseillers législatifs de l'Ile du Prince-Edouard ? Nous savons tous que les conseillers législatifs de cette province sont électifs, que cette partie de la législature est élue par le peuple, et voilà que ses membres sont exceptés de la partie du projet de confédération qui s'applique aux conseils législatifs des autres provinces. Pourquoi en est-il ainsi ? Je crois qu'il doit y avoir de bonnes raisons, en premier lieu, de déroger ainsi à la règle qui déclare que la prérogative royale ne peut recevoir de restrictions ; en second lieu, de faire pour une province une exception à l'exclusion de toutes les autres. L'une de ces raisons pourrait bien être la crainte de voir les résolutions ne pas être votées sans cette exception, par les différentes branches des législatures des provinces. (Ecoutez ! écoutez !) J 'aimerais à savoir que l'acte de justice s'accomplira dans le cas où ce changement sera mis à exécution ? Que fera-t-on par exemple des deux hons. membres qui viennent de la ville d'Hamilton ? L'un d'eux (l'hon. M. MILLS) tient son mandat de la couronne et le second du vote unanime des électeurs, il y a quelques mois à peine : lequel des deux perdra son siége sous la confédération ?
L'HON. M. ROSS.—Pourquoi ? (Ecoutez ! écoutez.)
L'HON. M. CURRIE.—S'il ne s'ensuit pas que l'un de ces deux hons. messieurs perde son siège, c'est qu'alors il y aura une autre partie du Haut-Canada qui restera sans représentants. (Ecoutez ! écoutez !) On peut choisir l'une ou l'autre partie de ce dilemne. Il peut se faire que les députés envoyés ici possèdent la confiance de leurs électeurs, mais il ne suit aucunement de là qu'on leur laissera leur siège. Il est donc évident qu'on se rendra coupable d'un acte de grave injustice envers ces hons. députés dont plusieurs ont servi leur pays fidèlement, sans empiéter d'aucune façon sur les droits de la couronne ou sur ceux du peuple, et je crois que la conclusion à laquelle cette chambre, le pays en général et l'autre chambre devront en arriver, est que les résolutions actuelles ont été rédigées ainsi afin de les rendre plus acceptables, sinon à cette chambre, du moins a toutes les branches des législatures des autres provinces. (Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. CHRISTIE. —Comme les hons. messieurs qui m'ont précédé je suis profondément pénétré de l'importance de la question qui occupe en ce moment la chambre, et je croirais manquer à mon devoir si je m'abstenais de motiver mon vote. Comme mon hon. ami pour la division de l'Est je suis convaincu que cette question est de la plus haute importance, et que la chambre a raison de se féliciter sur la manière dont la discussion en a été traités tant par ceux qui 215 appuient les résolutions que par ceux qui y sont opposés. ( Ecoutez !) Toutes les grandes questions d'intérêt public donnent lieu à des divergences d'opinion. ( Ecoutez !) Sur celle- ci, comme sur toutes les autres nous ne saurions être unanimes, et, de plus, les jugements que nous pouvons former n'ont qu'une exactitude et une vérité approximatives. ( Ecoutez !) Tous ceux qui, avant nous, ont fait des constitutions n'ont pu les soustraire au cachet de l'imperfection humaine. Nous en avons une preuve lamentable chez nos voisins. Un des membres marquants du ministère nous a dit que " la constitution des Etats-Unis est une des œuvres les plus remarquables de l'intelligence humaine, un chef-d'œuvre d'habileté et d'organisation appliqué au gouvernement d'un peuple libre, et cependant on ne saurait prétendre qu'elle est parfaite. " Un fait étonnant c'est que les auteurs de cette constitution aient pu arriver à un pareil résultat avec le peu d'expérience qu'ils avaient. Cette constitution a supporté de rudes épreuves, et n'eût été l'existence chez nos voisins d'un élément entièrement contraire à ses principes, je veux parler de l'esclavage des noirs, elle se serait maintenue, et à l'extinction de cet élément de discorde elle se maintiendra en dépit de toutes les attaques du despotisme à l'intérieur et au dehors. Leurs institutions ont les mêmes caractères que les nôtres. Elles diffèrent en quelques points, mais elles ont pour base commune ce grand principe : que la vie, la liberté et la recherche du bonheur sont les droits imprescriptibles de l'homme, et que pour le maintien de ces droits, sont institués les gouvernements qui tiennent leurs pouvoirs des citoyens. Tel est le secret de la force de la constitution anglaise, et tout gouvernement qui ne reconnaît pas entièrement et librement ce principe ne saurait être ni fort ni durable. Je suis libre d'admettre que le projet qui nous occupe a des défauts qui en entraveront le fonctionnement ; mais, si le projet devient loi, ces défauts peuvent être et seront corrigés, j'en ai la confiance. La majorité de la conférence a sincèrement cru que ses vues étaient justes, mais un temps viendra où ces messieurs ou leurs successeurs verront qu'ils se trompent et l'erreur sera rectifée. On nous dit que nous n'avons que deux alternatives : accepter ou rejeter entièrement les résolutions. Le problème à résoudre consiste donc en ceci : Les vices de la nouvelle constitution sont-ils assez sérieux pour que nous devions la rejeter, ou les avantages qui devront résulter de son adoption compensent-ils ces inconvénients ? Je trouve une grande objection dans l'abandon du principe électif pour cette chambre et dans la nomination des conseillers par la couronne. J'ai toujours défendu le principe électif, mais cela ne suiffirait pas pour me faire voter contre le projet. ( Ecoutez !) Nous étions dans un état voisin de l'anarchie ; les passions étaient excitées et il fallait un prompt remède aux maux qui nous menaçaient ; je ne blâme ici ni l'un ni l'autre parti, je constate seulement un fait admis par tous. Fort heureusement il s'est trouvé des hommes, de vrais patriotes, qui au moyen de concessions mutuelles se sont unis pour nous donner une constitution qui nous mettra désormais à l'abri des maux dont nous avons souffert. On dit, et je ne suis pas ici pour discuter ce point, que le nouveau système grèvera le pays de frais énormes ; à mon avis, ce n'est pas un argument valide contre le projet. ( Ecoutez !) La chambre et le pays doivent considérer si après avoir rejeté ce plan il sera possible d'en tracer un autre qui nous fasse sortir de nos difficultés et soit admissible par toutes les parties contractantes. L'opportunité d'une union des provinces de l'Amérique Britannique du Nord est hors de discussion. Tous les hons. messieurs qui ont parlé avant moi ont admis cette opportunité. Mais on a soulevé des objections contre les résolutions soumises à la chambre. Ces objections ont même pris la forme d'amendements proposés par mes hons. amis de Wellington et de Niagara. Quant à moi, je voterai pour les résolutions malgré ce qui s'y trouve de défectueux, vu que les avantages compensent les défauts. ( Ecoutez !) On a encore dit que ce projet est nouveau et que le pays ne le comprend pas. L'histoire politique du Canada est là pour nous dire qu'il y a quelques années ce système de gouvernement, ou du moins les principes qui le constituent, furent discutés et approuvés par un grand nombre de citoyens. En 1859, une assemblée nombreuse et imposante, représentant le parti réformiste du Haut- Canada, se réunit à Toronto. Cette convention se composait, je crois, de 560 membres, qui adoptèrent le principe d'union comme un des principes politiques de leur parti. Je citerai, entr'autres, deux des résolutions adoptées par cette convention. La 4ème était ainsi conçue :
" Que sans entrer dans la discussion des autres objections, cette assemblée est d'opinion que le 216 délai qu'entraînerait l'assentiment des provinces inférieures à une union fédérale de toutes les colonies britanniques nord-américaines, doit placer cette mesure en dehors de tout examen comme remède aux maux présents. "
L'objet de cette résolution était évidemment de prendre ultérieurement en considération le projet plus vaste de la fédération de toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord ; les vues que j'exprimai moi-même en cette occasion suffiront, j'espère, pour convaincre la chambre que telle était bien l'intention de l'assemblée. Mais les difficultés qui nous entouraient devenaient de plus en plus graves et il fallait un remède immédiat ; or, comme il est dit dans cette résolution, le grand obstacle à l'union fédérale de toutes les provinces et ce qui empêchait d'y avoir recours comme remède immédiat, était le retard qu'on éprouverait en demandant le consentement des provinces maritimes. Mais la 5ème résolution adoptée par cette assemblée contenait les éléments principaux des résolutions de la conférence. Voici cette résolution :
" Que, dans l'opinion de cette assemblée, le remède le plus praticable aux maux actuels du gouvernement du Canada se trouve dans la création de deux ou plusieurs gouvernements locaux, ayant le contrôle de toutes les matières d'un caractère local et d'un gouvernement général qui dirigerait toutes les choses nécessairement communes aux deux provinces. "
L'HON. M. ROSS. — Ou, en d'autres termes, qu'on espérait voir se réaliser la confédération. ( Ecoutez !)
L'HON. M. CHRISTIE. —Oui ; j'allais montrer que c'était bien le sens dans lequel moi-même et plusieurs autres interprétâmes cette résolution, à l'époque. Mon hon. ami, pour la division de Niagara, était membre de la convention. Je citerai un passage du discours que je fis moi-même en cette circonstance, cela fera voir du moins dans quel sens j'interprétais la résolution que je viens de lire. Il est bon, quand on défend une mesure, de ne pas avoir d'antécédents fâcheux. J'ai ce bonheur aujourd'hui, car s'il en était autrement, mon hon. ami pour Niagara aurait fort bien su me le rappeler. Ceux qui étaient présents à cette assemblée se rappellent que M. SHEPPARD proposa, en amendement, une résolution en faveur du rappel de l'union du Haut et du Bas-Canada, mais, en faisant cette proposition, il ajouta que si notre objet était d'établir une grande nationalité il retirerait son amendement et soutiendrait la motion principale. Je lui répondis en ces termes :
" M SHEPPARD vient de déclarer que s'il pouvait découvrir en nous une tendance à la formation d'une grande nationalité il serait des nôtres. Pour ma part, je n'hésite pas à répondre que telle est la tendance de cette convention ou qu'il faut être aveugle sur l'avenir de son pays, je dirai même qu'il faut ne pas avoir les sentiments d'un vrai patriote pour douter qu'un jour ou l'autre l'Amérique Britannique du Nord aura une nationalité. L'hitoire du passé, d'après laquelle nous pouvons augurer de l'avenir, est là pour nous donner l'assurance que ce fait s'accomplira peut-être avant longtemps. Notre projet n'exclut point la fédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord. Nous en admettons la possibilité dans une des résolutions déjà passées, en ajoutant toutefois que nous ne pouvons en attendre la réalisation, car les circonstances nous pressent et demandent impérieusement une fin aux extravagances de notre système actuel. En ce qui regarde le rappel pur et simple de l'union nous objectons in toto,—une telle mesure serait inopportune, ce serait un pas de plus dans la mauvaise voie. Nous adoptons le principe de fédération, qui nous délivrera des difficultés présentes et admet dans l'avenir la fédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, sans compter d'autres vastes territoires qui pourront ultérieurement venir se joindre à la confédération de l'Amérique du Nord."
Si telle était l'opinion publique à cette époque, je crois, hons. messieurs, que nous sommes parfaitement justifiables d'appuyer l'ensemble de ce projet. ( Ecoutez !) Les hons. membres se souviennent qu'en outre de l'assemblée de Toronto, tenue le 9 novembre 1859, il y avait eu une autre assemblée à Montreal le 25 octobre précédent. Les délibérations de cette dernière assemblée eurent une grande influence sur la décision de la convention. L'assemblée de Montréal, composée des députés de l'opposition en parlement, publia un document remarquable destiné en partie à servir d'avertissement aux membres du parti réformiste qui devaient bientôt se réunir à Toronto. Ce document était signé par les hons. A. A. DORION, L. T. DRUMMOND, L. A. DESSAULLES et THOMAS D'ARCY MCGEE. Si la chambre veut le permette je citerai quelques passages de ces documents qui contiennent à l'appui du projet qui occupe aujourd'hui la chambre, des arguments meilleurs que tous ceux que je pourrais formuler. ( Ecoutez !) Après avoir fait ressortir la nécessité d'agir immédiatement et rejeté le rappel pur et simple de l'union, ces messieurs qui composaient le comité du parti libéral bas-canadien chargé de préparer ce manifeste, disaient :
217
" Il n'est pas non plus possible de s'expliquer comment un simple changement dans la proportion de représentation, soit que la prépondérance fût d'un côté ou de l'autre de l'ancienne ligne de division, pourrait empêcher les conflits et les coalitions résultant du caractère distinct des deux populations qui habitent les deux provinces. Dans chaque province, quelle que fût sa représentation, il y aurait une majorité et une minorité, et, à moins de pouvoir reconnaître le principe de la double majorité comme règle fondamentale de notre constitution, les mêmes plaintes qui se font entendre maintenant qu'une section gouverne l'autre contrairement à l'opinion publique, et aux protestations de cette dernière les mêmes passions, les mêmes intrigues, la même corruption et le même défaut de sincérité y domineraient encore. Personne, d'ailleurs, ne songe à faire consacrer par une disposition législative le système de la double majorité. "
Je suis fâché que mon hon. ami de la division de Grandville ne soit pas à son siége, car il me semble que ce document démontre l'insuffisance des moyens qu'il propose pour régler la situation, et que mon hon. ami serait convaincu par là de l'inefficacité des vues dont il vient de nous faire part. Ce que je viens de lire est conforme à ce que nous prétendons aujourd'hui, savoir que la représentation d'après la population per se ne nous donnerait ni les moyens de sortir de nos difficultés, ni l'espoir que nous fondons justement sur la nouvelle constitution de voir le pays délivré des maux qui l'accablent aujourd'hui. ( Ecoutez !) Si l'on entait ce principe sur notre union législative cela n'augmenterait aucunement l'influence du Haut-Canada, mais, comme le dit avec raison le manifeste :
" Nous serions exposés à entendre toujours la même plainte que l'une des sections opprime l'autre contre l'expression formelle et publique de sa volonté. "
Nous aurions encore le même état de choses, c'est-à-dire la lutte du Haut contre le Bas- Canada, parceque les difficultés locales résultant de l'intervention réelle ou supposée de l'une ou de l'autre dans les questions de douane, de législation civile, de religion ou d'institutions locales, ne cesseraient de raviver et perpétuer le même esprit d'hostilité qui crée depuis si longtemps le malaise et le mécontentement dans la population des deux parties de la province. ( Ecoutez ! écoutez !) Le régime fédéral est le seul remède à ce grand mal. ( Ecoutez ! écoutez !) Le manifeste du comité continue en ces termes :
" Votre comité s'est donc convaincu que soit que l'on considère les besoins présents ou l'avenir du pays, la substitution d'un gouvernement purement fédéral à l'union législative actuelle offre la véritable solution à nos difficultés, et que cette substitution nous ferait éviter les inconvénients, tout en conservant les avantages que peut avoir l'union actuelle. Il n'est pas douteux qu'en restreignant les fonctions du gouvernement fédéral aux quelques sujets d'intérêt commun qui peuvent clairement et facilement se définir, et laissant aux différentes provinces ou subdivisions un contrôle complet sur toutes les autres questions, les habitants de chacune d'elles auraient toutes les garanties pour la conservation intacte de leurs institutions respectives que la dissolution pure et simple de l'union pourrait leur procurer. "
Il est impossible d'exposer en termes plus énergiques et en même temps plus convenables les avantages qui ressortent des dispositions principales du projet actuel, lesquelles dispositions s'accordent avec les principes que nous venons d'entendre exprimer avec tant de force et de lucidité. On dirait la phrase sorti de la plume de l'hon. et brave chevalier ou de l'hon. commissaire des terres de la couronne, car on ne saurait mieux de- fendre leur œuvre. ( Ecoutez ! écoutez !) Je désire maintenant signaler à l'attention de mon hon. ami ( l'hon. M. AIKINS ) le paragraphe suivant, lui qui pense que les présentes résolutions n'ont pas été assez longtemps mises devant le public pour permettre à celui-ci de s'en former une idée exacte. J'espère que la chambre voudra bien me permettre de citer ce document politique, parce que je crois que c'est le meilleur argument que je puisse apporter au soutien de la mesure qui nous est proposée en ce moment :
" La proposition de former une confédération des deux Canadas n'est pas nouvelle. Elle a été souvent agitée dans le parlement et dans la presse depuis quelques années. L'exemple des Etats voisins où l'application du système fédéral a démontré combien il était propre au gouvernement d'un immense territoire, habité par des peuples de différentes origines, croyances, lois et coutumes, en a sans doute suggéré l'idée ; mais ce n'est qu'en 1856 que cette proposition a été énoncée devant la législature, par l'opposition du Bas-Canada, comme offrant, dans son opinion, le seul remède efficace aux abus produits par le système. "
Ainsi donc, le brave chevalier et ses collègues de la conférence n'ont le mérite de leur mesure, puisqu'elle vient du parti libéral du Bas-Canada. Seulement, il est assez singulier que ces messieurs qui, ne se contentant pas de l'adopter, l'ont encore recommandée au Haut-Canada, soient les mêmes et les seuls qui aujourd'hui s'y opposent ( Ecoutez ! écoutez !) On voudra en remarquer la 218 signification du paragraphe suivant, lequel ajoute que :
" La discussion qui a maintenant lieu donne à espérer que le parti libéral du Haut-Canada se ralliera autour d'un projet de conféderation à la convention du 9 novembre prochain. Il est donc urgent pour les libéraux du Bas-Canada de prendre un parti et de décider de suite s'ils doivent appuyer les opinions énoncées en parlement en 1856 et chaque fois qu'il a été question, depuis ce temps, de changements constitutionnels. "
L'HON. M. CURRIE.—( Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. CHRISTIE.—L'hon. monsieur, dit—( écoutez ! écoutez !)—mais est-ce que les recommandations de ce paragraphe n'ont pas été adoptées ? Nos amis proposèrent au parti libéral du Haut Canada d'accepter leur plan de 1859, et il fut fait comme ils le désiraient. Il se trouve maintenant accepté par les deux partis du Haut- Canada ; bien plus, il l'est encore par les conservateurs du Bas-Canada, et cependant on ira dire au peuple que le seul parti qui s'est opposé à la confédération telle que proposée est le parti libéral du Bas-Canada, tandis que c'est précisément celui-là qui réclame le mérite d'en être le père. Les arguments du manifeste me paraissent si concluants que je continue à le citer :
" Si le Bas-Canada, veut maintenir intacte l'union actuelle des provinces, s'il ne veut ni consentir à une dissolution, ni à une confédération, il est difficile de concevoir sur quelles raisons plausibles il pourrait se fonder pour refuser la représentation basée sur la population. Jusqu'à présent il s'y est opposé, en alléguant le danger qui pourrait en résulter pour quelques-unes de ses institutions qui lui sont les plus chères ; mais cette raison ne serait plus soutenable, s'il repoussait une proposition dont l'effet serait de laisser à ses habitants le contrôle absolu de ces mêmes institutions et de les entourer de la protection la plus efficace qu'il soit possible d'imaginer, celle que leur procurerait les dispositions formelles d'une constitution écrite, qui ne pourrait être changée sans leur concours. "
Est-il possible de dire à ce sujet quelque chose de plus fort ? Mon vénérable et valeureux ami, le premier ministre, n'en conviendra pas, j'en suis sûr, mais nul doute que ce document ne soit pour beaucoup dans sa conversion aux idées qu'il professe aujourd'hui. ( Ecoutez ! écoutez ! et rires. ) J'ai tant de confiance dans l'efficacité de ce manifeste que je vais continuer de le citer dans l'espoir de faire quelques conversions de plus :
" Votre comité ne croit pas pouvoir faire autre chose que d'indiquer la conclusion à laquelle il en est venu sur les traits les plus saillants du système de fédération qu'il propose. Il soumet, comme son opinion bien arrêtée, que quel que soit le nombre des provinces ou de subdivisions que l'on pourrait ultérieurement juger convenable d'adopter, il faudrait conserver la ligne de séparation qui existe entre le Haut et le Bas-Canada. En définissant les attributions des gouvernements locaux et du gouvernement fédéral, il faudrait ne déléguer à ce dernier que celles qui seraient essentielles aux fins de la confédération, et, par une conséquence nécessaire, réserver aux subdivisions des pouvoirs aussi amples et aussi variés que possible. Les douanes, les postes, les lois pour régler le cours monétaire, les patentes et droits d'auteur, les terres publiques, et ceux d'entre les travaux publics qui sont d'un intérêt commun pour toutes les parties du pays, devraient être les principaux, sinon les seuls objets dont le gouvernement fédéral aurait le contrôle ; tandis que tout ce qui aurait rapport aux améliorations purement locales, à l'éducation, à l'administration de la justice, à la milice, aux lois de la propriété et de police intérieure, serait déféré aux gouvernements locaux. . . . . . . . En fin de compte, votre comité recommande fortement au parti libéral du Bas-Canada l'opportunité de chercher une solution aux difficultés actuelles dans un plan de confédération dont les détails devraient être de nature à rencontrer l'approbation d'une majorité du peuple de cette province, et, pour arriver à cette fin, de porter ce sujet à la connaissance du parlement et du pays. "
On nous dira peut-être que ce document ne s'applique qu'à la confédération des Canadas ; mais le projet actuel remplit cet objet, et si le principe est bon pour le Canada, pourquoi ne le serait-il pas pour toutes les colonies anglaises de l'Amérique du Nord ? ( Ecoutez ! écoutez !) L'hon. député de Wellington, dans le discours si remarquable qu'il a fait l'autre jour et que ses auditeurs ont écouté avec tant de plaisir, a énoncé ses vues de cette façon lucide et forte et qui lui est particulière, et il est impossible de ne pas admirer l'intelligence, la modération et la bonne foi avec lesquelles il s'est exprimé, qu'on partage ou non ses opinions. ( Ecoutez ! écoutez !) C'est pourquoi, j'espère bien qu'en attaquant quelques points de son argumentation on ne m'accusera pas de manquer de courtoisie envers lui. ( Ecoutez !) Tout d'abord l'hon. monsieur a prétendu que cette constitution, pour être solide " devrait-être inscrite dans le cœur et s'attirer les sympathies les plus actives du peuple, " et qu'à moins qu'il en soit ainsi " elle ne saurait durer, ni avoir aucun espoir de durée. " Ces paroles sont si vraies que si je ne croyais pas sincèrement que la constitution que nous discutons en ce moment n'est pas approuvée par la majorité 219 des Canadiens—je parle en particulier de la partie de la province à laquelle j'appartiens,- que je demanderais qu'on en différât l'adoption jusqu'à ce qu'on se fût assuré des sentiments du peuple. Mais, non, il n'y a aucun motif raisonnable de douter quelle est l'opinion du pays à ce sujet. ( Ecoutez ! écoutez !) On en a la preuve, en premier lieu, ainsi que l'a démontré l'hon. commissaires des terres de la couronne, dans le fait que presque toutes les élections parlementaires qui ont eu lieu depuis la formation du gouvernement actuel, lui ont donné des résultats favorables. N'est-ce pas là un témoignage non équivoque de la sanction du peuple? ( Ecoutez ! écoutez !) D'un autre côté, nous n'avons reçu aucune requête contre la mesure. ( Ecoutez !) écoutez !)
L'HON M. CURRRIE.—Pas plus que nous n'en avons reçu pour la demander.
L'HON. M. CHRISTIE.—L'hon. monsieur dit que nous n'avons pas reçu de requête en faveur de la mesure actuelle, mais le pays la demande depuis des années. ( Ecoutez ! écoutez !) Qu'ai-je essayé de prouver à la chambre, sinon que le parti auquel appartient l'hon. deputé est celui-là qui adopait ce projet en 1859. Je ne crois pas que la convention eût pu exprimer son opinion avec plus d'énergie qu'elle ne l'a fait. C'est ainsi du moins que je l'ai compris, ainsi qu'une grande majorité des 560 citoyens qui y étaient présents. ( Ecoutez ! écoutez !) Le projet actuel est devant le peuple du Bas- Canada depuis 1856, alors que nos amis de cette partie de la province l'introduisirent formellement en parlement. Avons-nous reçu des pétitions de cette partie de la province contre ce projet ? ( Ecoutez ! écoutez !) En avons-nous reçu du Haut- Canada ? A-t-on vu une seule assemblée publique dans le Bas comme dans le Haut- Canada convoquée pour le désapprouver ? ( Ecoutez ! écoutez !) Un hon. membre du Bas-Canada me dit, qu'il y en a eu deux ou trois ; mais on assûre, du moins si j'en crois la rumeur, qu'elles n'ont pu réussir et n'étaient que de faibles démonstrations. On n'a rien vu de tel dans le Haut-Canada, si ce n'est une tentative dans laquelle on a essayé de faire condamner le chemin de fer Intercolonial comme partie de la confédération, et laquelle a complétement manqué. ( Ecoutez ! écoutez !) Je crois donc que l'on peut avancer sans crainte de se tromper, et que l'on doit même tenir pour certain que le peuple ne s'oppose pas à la mesure, et qu'il en saisit même tout à fait la portée, car, quoiqu'on en ait dit, elle a été publiée d'un bout à l'autre de la province et dans toute la presse, et c'est un pauvre argument pour les hons. membres que de dire qu'ils n'ont pas communiqué le projet au public, parce que sur la copie qu'ils ont reçu se trouvait écrit le mot " personnel. " ( Ecoutez ! écoutez !) Mais on a affirmé d'un autre côté que le gouvernement a acheté la presse de tout le pays. Dire que les journaux ont pu être influencés par la circulaire dont on a parlé, elle est tout bonnement ridicule. ( Ecoutez ! écoutez !) Bien peu de journaux se sont prononcés contre le projet dans les deux parties de la province,—et très peu dans tous les cas en Haut-Canada ;—au contraire, les neuf- dixièmes sont en faveur et l'ont discuté dans tous ses détails. Comment après cela prétendre que le pays n'a pas eu les renseignements difficiles sur la question,—que l'opinion publique n'a pu se former, et que c'est à cause de cela que nous n'avons reçu de requêtes ni pour ni contre le projet ? C'est là un mode d'argumentation que mon hon. hon. ami ( M. CURRIE ) ne devrait pas adopter, car il est indigne de lui. ( Ecoutez ! écoutez !) Mon hon. ami de Wellington a attaqué, l'autre jour, le caractère de la conférence, en l'appelant de " corps sans mandat, " et cette attaque a été beaucoup répétée depuis. Ce reproche manque d'exactitude. En ce qui regarde le Canada, nous y étions représentés par notre ministère, lequel a été formé dans le but exprès de mener à bonne fin un plan d'union fédérale entre toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord, et en tout cas entre les deux Canada. Qui peut nier que le gouvernement canadien possède la confiance des deux chambres du parlement et du peuple de cette province ? ( Ecoutez ! écoutez !) On ne saurait donc soutenir que les délégués du Canada étaient sans mandat, c'est-à-dire, ainsi que l'entend mon hon. ami, qu'ils ne représentaient personne autre qu'eux-mêmes, car ce serait méconnaître les deux chambres du parlement et le principe lui-même de la représentation. ( Ecoutez ! écoutez !) Quant à ce qui regarde maintenant les délégués des autres provinces, ils furent nommés par la couronne, sur l'invitation du gouverneur- général, et choisis dans tous les partis politiques pour décider d'une question du plus haut intérêt pour tous les sujets anglais des provinces de quelque origine, ou de quelque foi religieuse qu'ils fussent ; et la conclusion 220 à laquelle ils en arrivèrent est destinée à exercer l'influence la plus décisive sur l'avenir social et matériel de tous. Mon hon. ami de Port Hope, ( M. SEYMOUR ), nous a parlé, l'autre jour, du mode qu'employèrent les Américains pour reviser leur constitution, et a trés-bien indiqué la manière dont la constitution fédérale pourrait être amendée ; mais il a fait erreur en ce qui regarde la façon dont les constitutions locales peuvent y être revisées. L'un des Etats les plus importants de l'union, l'Etat de New-York, revisa sa constitution en 1846, et voici quel mode fut adopté : Il y eût d'abord un acte de passé dans la législature locale enjoignant à tous les électeurs de se choisir des délégués pour les représenter dans une convention tenue dans le but exprès de reviser la constitution. Les résolutions de la convention furent ensuite soumises à l'approbation de la législature qui ne pouvait que les accepter ou les rejeter sans pouvoir rien y changer. Elles furent en effet adoptées et les détails restèrent dans leur entier. Mon hon. ami doit observer que tandis que la conférence se composait de délégués des diverses provinces, ces conventions, dont on vient de parler, l'étaient d'hommes élus par le peuple, et que toute la différence existe uniquement dans le mode d'élection. Quoiqu'il en soit, on ne peut nier que tous les partis politiques ne soient représentés. Mon hon. ami pour la division de Home ( M. AIKINS ), en parlant l'autre jour de la conférence, a déclaré qu'il aurait préféré que c'eût été une affaire de parti et que le pays n'aurait pu que gagner.
L'HON. M. AIKINS —Je demande pardon à l'hon. monsieur. J'ai dit que je regrettais qu'on n'eût pas abordé la mesure pour la discuter comme une question de parti ; j'exprimais la conviction qu'ainsi présentée la mesure ne pouvait pas passer, mais que, dans ces conditions, elle eût été approfondieet discutée complétement en face du pays.
L'HON. M. CHRISTIE—Je pense que l'explication de mon hon. ami revient à ce que j'ai dit qu'il pensait qu'on aurait dû en faire une question de parti.
L'HON. M. AIKINS—Je pense que c'eût été à l'avantage du pays.
L'HON. M. CHRISTIE —Et comment ?
L'HON. M. AIKINS—Parce que la discussion eût été plus complète.
L'HON. M. CHRISTIE —L'hon. monsieur peut-il me citer un seul cas d'une révision ou d'un changement de constitution opéré comme affaire de parti ?
L'HON. M. AIKINS—Mon hon. ami en a un exemple dans l'initiative de la convention de Toronto et celle du parti libéral bas- canadien auxquelles il vient de faire allusion.
L'HON. M. CHRISTIE—Je m'aperçois que l'hon. monsieur ne veut pas quitter le terrain sur lequel il s'est placé l'autre jour, comme je viens de le lui dire. Il pense qu'il eût été avantageux pour le public que la question eût été soulevée et discutée par un parti. Or, c'est en ce point qu'il a tort et je répète qu'il ne peut me citer un cas de revision d'une constitution par un parti.
L'HON. M. CURRIE. —J'en citerai un cas, l'amendement à la constitution des Etats-Unis pour prohiber l'esclavage, qui a été passé l'autre jour, a été proposé par un parti.
L'HON. M. CHRISTIE.—Plusieurs des représentants au congrès qui ont voté pour cet amendement étaient des démocrates et, sans leurs concours, l'amendement eût été rejeté. En outre, ce n'était qu'un amendement et non une revision totale de la constitution. La constitution des Etats-Unis n'est pas l'œuvre d'un parti. La revision de la constitution de l'Etat de New-York en 1846, n'était pas l'œuvre d'un parti. Une constitution ne peut pas raisonnablement être l'œuvre d'un parti ; dans une entreprise aussi importante, il faut mettre de côté tout esprit de parti. ( Ecoutez !) Et pourquoi ?- Parce que les hommes de tous les partis sont intéressés dans la formation d'une constitution, et parce que, dans la rédaction d'un document si important, les lumières des hommes marquants de tous les partis sont absolument requises. En outre, une constitution ainsi élaborée a chance de vie dans le cœur et l'affection du peuple, comme l'a fort bien dit mon hon. ami de la division de Wellington. ( Ecoutez !) Une preuve du bon sens de nos voisins à cet égard, c'est que pour reviser la constitution- et l'œuvre de la conférence de Québec n'est autre chose que cela—ils ne s'adressent pas à un parti, mais à des hommes choisis à cet effet dans tous les partis ;—et je pense que le gouverneur-général du Canada et les lieutenants-gouverneurs des provinces du golfe ont agi fort sagement en choisissant des hommes de toutes les nuances politiques pour composer la conférence et élaborer la constitution, parce que, tout esprit de parti étant mis de côté, le seul objet et le seul mobile des membres de la conférence était de travailler au bien de leur commune patrie. ( Ecoutez !) L'hon. membre de Wellington 221 a fait une objection importante au projet, et je puis admettre que s'il était dans le vrai, ce serait mon devoir et celui de tous les membres électifs de voter contre la mesure. Pour éviter tout malentendu, je citerai les propres paroles de l'hon. monsieur, telles que rapportées par les journaux :
" Aux membres électifs a été confié un mandat sacré, ils sont envoyés ici par leurs électeurs pour les représenter et pour cela seulement. Dans de telles circonstances sont-ils justifiables de voter pour l'abandon des droits de leurs électeurs ? Tel n'est point leur mandat et, pour agir de la sorte, ils n'ont aucune autorisation valable ; en agissant ainsi ils passent outre l'autorisation qui leur a été donnée. "
Il faut avouer que si cette proposition est juste, nul membre électif n'est en droit de voter pour la confédération. Mais examinons un instant quelle est la position d'un représentant. Deux éléments constituent l'idée complexe de la représentation : le pouvoir et le devoir. Le premier est confié à un député par ses commettants en vertu de la constitution—mais d'où dérive l'autre élément ? Evidemment ce n'est pas de ses électeurs, car la majorité même ne s'accorde pas en tous points sur la nature des devoirs d'un député. Mon hon. ami ( M. SANBORN ) a comparé la position d'un représentant à celle du dépositaire, et je vais citer une page d'un excellent ouvrage anglais où cette comparaison est, à mon sens, on ne peut mieux faite :
" Tout dépôt," dit Cox " pour être obligatoire en conscience, doit être défini par les mêmes personnes qui nomment le dépositaire ou la personne qui doit exécuter le dépôt. Ses pouvoirs et attributions doivent découler de la même autorité, car il est évident qu'il serait contraire à la morale autant qu'à la loi qu'un homme fut obligé, en conscience, d'exercer d'une manière particulière des pouvoirs à lui délégués par plusieurs autres, tandis que ces derniers, tout en déléguant ces pouvoirs, ne seraient pas d'accord sur la manière qu'ils doivent être exercés. Quel est celui d'entre ceux qui l'ont nommé qui doit lui servir de guide de préférence aux autres ? Autant que possible il est tenu d'exécuter son dépôt d'une manière particulière, mais seulement d'après celle convenue par ceux qui auront créé le dépôt. Appliquons maintenant ce principe abstrait d'équité aux relations entre le représentant et ses mandataires. Quant à la source de ses pouvoirs, il n'existe aucune ambiguité : elle vient de ses commettants qui, eux la tiennent de leur majorité. Mais le devoir qui lui incombe d'exprimer telle ou telle opinion au parlement, qui le lui prescrit ? Quelle est celle dont les mandataires sont convenus avec lui ? La majorité qui l'a élu est rarement, peut-être jamais d'accord sur aucun des points sur lesquels ses opinions ont été comparées aux siennes. Quelques uns de cette majorité peuvent différer d'avec lui sur quelques points, quelques autres sur d'autres ; mais tous ont voté pour lui, par considération personnelle, ou parce qu'ils s'étaient entendus avec lui sur ces points considérés par eux respectivement comme les plus importants. De même dans la minorité, il se trouve probablement des électeurs qui partagent quelques unes de ces opinions. Ainsi donc, les conditions essentielles prescrivant quelles opinions seront exprimées en parlement font défaut. Les personnes qui l'ont élu député n'ont pas adhéré d'avance aux opinions qu'il doit professer. Comment donc alors peut-il exister un dépôt si on ne peut le définir. Le véritable dépôt imposé au représentant est le corollaire de ces obligations que ceux qui ont institué le dépôt peuvent seuls lui imposer généralement, c'est-à- dire d'exercer ses attributions de député honnêtement et avec circonspection. Cet argument comporte naturellement que le candidat n'a pas défini ses obligations par des engagements purs et simples. "
Je vais maintenant diriger votre attention sur l'autorité d'où nous viennent nos pouvoirs comme conseillers législatifs, en citant la première section de la loi impériale de 1854, intitulée : " Acte pour autoriser la législature du Canada à changer la constitution du conseil législatif de cette province et pour d'autres objets. "
" il sera loisible à la législature du Canada, par aucun acte ou actes à être ci-aprés passés à cette fin de changer la manière de composer le conseil législatif de la dite province, et de le faire consister en tel nombre de membres nommés ou élus par telles personnes et en telle manière qu'il paraîtra convenable à la dite législature, et de déterminer les qualifications des personnes qui pourront être ainsi nommées ou élues, et par tels acte ou actes de pourvoir, si elle le juge convenable, à ce que le dit conseil législatif et l'assemblée législative, respectivement, puissent être dissous séparément, et aux fins susdites d'abroger et changer, ou telle manière qu'elle le jugera à propos, toutes ou aucune des sections et dispositions de l'acte précité et de tout autre acte du parlement maintenant en force relativement à la constitution du conseil législatif du Canada. "
La 3me section comporte cette autre disposition :-
" il sera loisible à la législature du Canada, de temps à autre, de changer et abroger toutes ou chacune des dispositions de l'acte ou des actes changeant la constitution du conseil législatif. "
Ce sont là les pouvoirs que notre constitution nous donne. Nous avons été élus conformément à une loi passée par l'effet de l'exercice de ces pouvoirs, que nous possédons du moment que nous sommes élus. Pas un de nous, à l'élection, ne s'est engagé 222 à ne pas exercer les pouvoirs conférés par la constitution ; ses commettants ne le lui ont pas demandé non plus ; et, parce qu'on aura voté pour cette mesure ou pour toute autre qui amende la constitution du conseil législatif, sur quoi s'appuiera-t-on pour dire que nous aurons violé ce dépôt qui nous a été confié par nos mandataires ? Mon hon. ami le député de Wellington admet qu'en vertu de la constitution nous pouvons modifier la constitution de cette chambre en ce qui concerne le Canada, mais il ajoute que nous ne sommes pas autorisés à en faire autant pour les autres provinces dans un projet d'union fédérale. C'est ce qui s'appelle faire une pétition de principe. Je vais maintenant répondre à cette objection faite par lui : que toute modification affectant le principe électif est une violation de dépôt. D'abord, nous ne proposons pas d'établir un système de gouvernement pour toute l'Amérique Britannique du Nord ; nous n'avons pas ce pouvoir, nous proposons seulement de s'adresser à Sa Majesté à cet égard. Le parlement impérial seul a ce pouvoir ; mais si sans violer notre dépôt nous pouvons changer la constitution du conseil législatif du Canada ( ce qu'admet mon hon. ami ), il est alors certain que nous ne pouvons pas nous rendre coupables de violation de dépôt en suggérant un changement sous forme de constitution des différentes provinces. Je n'ai pas pour le principe électif , tel qu'appliqué à cette chambre, le même attachement que mes hons. amis les députés de Wellington et de Niagara. J'ai toujours été et je suis encore pour ce principe, mais nous ne pouvons lui faire donner place ici, car, tout en déplorant son élimination de notre constitution projetée, je ne vois pas là un motif qui me porte à rejeter les résolutions. Ce projet, comme toutes les autres conventions constitutionnelles, est un compromis offert aux opinions dissidentes de ses auteurs et, somme toute, c'est un compromis appuyé sur de justes bases. Ce trait n'est pas particulier à notre plan de confédération. Mon hon. ami pourra voir dans le Federalist et par les correspondances des hommes éminents qui rédigèrent les articles de la confédération, que l'on a dû se soumettre à un compromis et à des concessions d'opinion, et que c'est grâce à cela si la constitution américaine à pu atteindre la perfection que l'on sait. D'après mon hon. ami, la résolution qu'il propose renferme un compromis. Il reconnaît qu'on ne peut appliquer au conseil législatif le principe électif dans toute son intégrité ; il propose même de donner plus d'extension au principe contraire ; alors, pourquoi mon hon. ami s'oppose-t-il à de semblables concessions de notre part, quand il croit que les avantages probables de tout le projet l'emportent de beaucoup sur ses défauts ? ( Ecoutez !) Quant à la limitation des pouvoirs généraux du parlement que veut proscrire mon hon. ami, je pense qu'on ne saurait pas plus la trouver dans la constitution non écrite faite à l'aide de précédents historiques et parlementaires que dans la charte écrite que nous a donnée le parlement impérial. Voici ce que dit du parlement le célèbre commentateur BLACKSTONE :
" Son autorité souveraine et sans contrôle peut faire, confirmer, étendre, restreindre, abroger, renouveler et interpréter les lois sur les matières de toute dénomination ;"
Et aussi le juge STORRY, parlant de la constitution américaine :
" Lorsqu'un pouvoir est conféré en termes généraux, ce pouvoir doit être considéré comme corollaire des dits termes, à moins qu'une claire restriction puisse être déduite du contexte même. "
Le juge-en-chef MARSHAL dit :
" La constitution ne peut être rédigée qu'en termes généraux ; ses pouvoirs sont également désignés en termes généraux, et elle laisse à la législature de prendre de temps à autre des mesures pour effectuer certains objets et autoriser l'exercice de ses pouvoirs selon qu'elle le juge à propos et que l'intérêt public peut l'exiger. "
La seule autre autorité que je vais citer est la jurisprudence constitutionnelle de DUER :
" Nul axiome de droit ou de raison n'est plus clairement établi que le présent : Partout où besoin est, les moyens sont permis ; quand le pouvoir de faire une chose est donné, tout pouvoir particulier nécessaire à l'exécution de cette chose existe également. "
Mais la motion de mon hon. ami est tout à fait en désaccord avec la position qu'il a prise. Il a invoqué dans son discours un motif que sa motion détruit. Dans la position où il se trouve, il est tenu d'être pour le principe électif, et, dans ce cas, il doit faire tout en son pouvoir pour s'opposer à ce qui peut lui faire obstacle. Or, que veut sa motion ? Elle propose non seulement de conserver aux membres à vie leur siège, mais encore d'en ajouter dix autres à leur nombre ! Ce n'est pas là, assurément, donner au principe électif ses coudées franches.
223
Si les provinces inférieures devaient avoir le pouvoir que mon hon. ami propose de leur donner, elles nommeraient dix de leurs plus jeunes hommes à cette chambre, lesquels pourraient y rester pendant bien des années après le départ de ceux dont ils devaient grossir le nombre. ( Ecoutez ! écoutez !) Il propose en outre de prolonger de huit ans le mandat des membres actuellement députés, mais, au bout de ce temps , de les renvoyer tous à leurs électeurs. Aucun argument ne m'a pu encore convaincre que le principe électif, appliqué de quelque manière que ce fut, ne soit pas le meilleur qui puisse présider à la composition de cette chambre. N'en avons-nous pas été satisfaits jusqu'ici ? Toutes les craintes qu'il a excitées étaient sans fondement, l'expérience l'a prouvé. Je pense que ce système fonctionnerait encore bien ; c'est pourquoi je désapprouve le changement proposé par les résolutions ; mais pour cela, je ne voudrais pas rejeter tout ce projet, que j'accepte avec tous ses défautsauxquels je crois qu'il sera remédié—parce qu'il a pour but le bien de tout le pays. Conséquemment, je recule devant la responsabilé de son rejet. ( Ecoutez ! écoutez !) Je demande que la chambre me pardonne de l'avoir occupée aussi longtemps ( cris de " Non, non ; parlez ") ; mais avant de m'asseoir, je veux dire un mot de l'amendement dont mon hon. ami le député de la division de Niagara ( M. CURRIE ) a donné avis, et qui est ainsi conçu :
" Que sur une question d'une aussi grande importance que celle de la confédération projetée du Canada et de certaines autres colonies anglaises, cette chambre se refuse à assumer la responsabilité de consentir à une mesure qui renferme tant de graves intérêts, sans que l'opinion publique ait l'occasion de se manifester d'une manière plus solennelle. "
Mon hon. ami ne dit pas, dans cette résolution qu'il compte proposer......
L'HON. M. ARMSTRONG. — Je ne pense pas qu'il soit dans l'ordre de discuter une résolution qui n'a pas encore été proposée.
L'HON. M. CHRISTIE.—Elle fait partie de la question soumise à la chambre. Elle est, d'ailleurs, au nombre des avis, et je pense être dans l'ordre en en parlant. Je disais donc que dans cette résolution mon hon. ami ne nous dit pas s'il propose que cette manifestation de l'opinion publique se fera par l'appel au peuple sous forme de dissolution de la chambre d'assemblée, ou en soumettant le projet même au vote populaire. Si nous recommandons le premier moyen, nous nous placerons dans une position assez étrange. Si nous conseillons à Son Excellence de dissoudre la chambre d'assemblée, pendant que nous resterons là à attendre tranquillement ce qui va se passer, ce sera comme si l'on disait : " Nous doutons si le peuple est pour ou contre les changements constitutionnels projetés, et si Votre Excellence veut bien dissoudre l'assemblée, nos doutes seront levés par une élection générale. " ( Ecoutez ! écoutez ! et rires. ) Je pense que la chambre ferait là une démarche que le pays jugerait comme manquant de délicatesse. ( Ecoutez ! écoutez !) Si l'autre moyen est celui que mon hon. ami veut faire adopter par cet avis, je déclare alors que cette manière d'obtenir la sanction du peuple est tout à fait inconnue à la constitution anglaise, même par nos amis de l'autre côté des lignes, excepté dans les cas où la constitution générale ou celles des Etats le prescrit expressément. Là où de semblables dispositions n'existent pas dans les constitutions d'Etat, il est invariablement admis que la soumission au vote populaire, pour donner force de loi à un acte législatif, est inconstitutionnelle et nulle. Voici ce que l'on lit à ce sujet dans SEDGWICK, une des meilleures autorités américaines :
" Les législatures ont essayé plusieurs fois de se libérer de la responsabilité de leurs fonctions en soumettant des lois à la volonté du peuple ; mais ce procédé a toujours été considéré tout-à fait nul et inconstitutionnel. Les devoirs de législation ne doivent pas être exercés par la masse du peuple. La majorité gouverne, mais seulement dans la forme prescrite. L'introduction de coutumes de ce genre empêcherait tout contrôle dans le cas de législation hâtive et imprévoyante, tout en diminuant les avantages du gouvernement représentatif. Il en a été ainsi de l'acte pour établir des écoles gratuites, comportant qu'elle ne deviendrait loi que dans le cas où une majorité des électeurs de l'Etat voterait en sa faveur ; il fut décidé, à New-York, que toute cette procédure était nulle. La cour d'appel a déclaré que la législature n'avait pas le pouvoir d'en référer ainsi au peuple, et que ce dernier n'avait non plus le pouvoir de se prononcer à son égard, d'autant qu'il avait fait abandon de ce pouvoir en adoptant la constitution. Le gouvernement de cet Etat est démocratique, mais il est en même temps une démocratie représentative, et en édictant des lois générales, le peuple n'agit que par l'intermédiaire de ses députés à la législature. Dans l'Indiana, le principe est maintenant érigé en une disposition constitutionnelle qui confère l'autorité législative à un sénat et à une chambre de représentants, et déclare que nulle loi ne sera passée dont la mise à effet devra dépendre d'aucune autre autorité 224 que celle indiquée par la constitution. Et par ces dispositions l'on entend que toute partie d'un acte prescrivant qu'il doit être soumis au vote du peuple sera nulle et non avenue. "
Tel est le principe général d'après la coutume américaine ? Et ainsi que je l'ai dit, le fait de soumettre aucun statut au vote du peuple pour lui donner force de loi est inconnu dans la pratique constitutionnelle anglaise. ( Ecoutez ! écoutez !) Conformément à ma promesse, je n'occuperai pas l'attention de la chambre en entrant dans la question des dépenses. Pour terminer, je me bornerai à dire qu'il est de notre devoir, comme patriotes et comme hommes mus par l'honnête désir de soustraire notre pays aux difficultés actuelles, d'agir avec franchise à l'égard de ce projet. Comme il n'en est pas présenté d'autres ; comme ceux qui s'y opposent n'ont rien soumis à notre considération ; qu'ils n'ont même rien suggéré pour nous soustraire à notre fausse position, et croyant que le projet devant nous atteindra ce résultat, je dis qu'en bons patriotes nous devons l'approuver et sanctionner en votant pour les résolutions. ( Ecoutez ! écoutez !) Comme mes hons. amis des division Ouest et de Brock j'ai résolu de voter contre tout amendement qui sera proposé. Les membres du gouvernement nous ont formellement déclaré qu'il fallait que nous l'adoptions ou que nous le rejetions tel qu'il est—qu'aucun amendement ne serait accepté, et j'en comprends très bien la raison. I1 a été adopté comme traité entre les représentants des différentes provinces réunis en convention dans le but exprès de rédiger cette constitution. Si l'on se permettait de modifier ces résolutions, les autres provinces pourraient réclamer et exercer le même droit. Cette mesure n'est pas parfaite ; nous savons tous qu'elle est susceptible d'objection sur certains points, et que cette opinion est partagée par nos amis des provinces d'en-bas ; mais elle comporte un compromis équitable qui se recommande de lui-même à tout esprit juste et honnête, et voilà pourquoi je suis d'avis que tous ces amendements doivent être repoussés. Je ne crains pas, en agissant ainsi, que nous serons désapprouvés par le peuple. ( Ecoutez ! écoutez !) Le peuple comprend parfaitement le but de ces amendements et l'effet qu'ils pourraient avoir. Peut-être ne devrais-je pas dire qu'ils sont entachés de charlatanisme, mais ils en ont beaucoup l'air. Je pense que les membres de cette chambre n'ont nulle raison de craindre l'opinion publique en cette matière. Quant au peuple du Haut-Canada, au nom duquel je suis plus en mesure de me prononcer que pour celui du Bas, je suis convaincu qu'il ratifiera l'assentiment que nous donnerons à ces résolutions, bien qu'il soit peut-être adverse à quelques-uns de leurs détails, comme je le suis moi-même, ainsi que je n'ai pas craint de le déclarer.
L'HON. M. CURRIE.—Ecoutez ! écoutez !  
L'HON. M. CHRISTIE.—Je suis opposé à quelques uns des détails tout aussi fortement que peut l'être mon hon. ami de la division de Home ( M. AIKINS ) ou mon hon. ami de la division de Niagara ( M. CURRIE ) ; mais voici comment je me justifie : on nous offre une constitution qui va mettre fin aux grandes difficultés qui existaient entre ces deux sections, c'est du moins ce ne j'en augure même d'après ce que je lis dans le document venant de l'opposition du Bas-Canada, et signé par les hons. MM. DORION, DRUMMOND, DESSSAULES et MCGEE. Je trouve que ce document renferme des arguments sans réplique en faveur du projet. ( Ecoutez ! écoutez !) Dans les circonstances où nous nous trouvons, et en l'absence d'aucune autre mesure plus pratique, je crois qu'en dépit de ses défauts le bien qui en découlera généralement fera plus que contrebalancer toutes les difficultés possibles auxquelles il pourra donner lieu. ( Ecoutez ! écoutez !) Ce projet, d'ailleurs, sera plus tard modifié dans ce qu'il peut avoir de défectueux. Nous avons toute raison d'espérer que les principes qui, à mon avis, devraient en faire partie, finiront par prévaloir. J'ai assez de confiance dans les représentants du peuple, et dans les membres de la chambre haute qui seront nommés par la couronne pour composer cette branche de la nouvelle législature qui sera établie en vertu de cette constitution ; j'ai assez de confiance en eux pour croire que l'on reconnaîtra plus tard que l'opinion que j'entretiens à l'égard de ces détails etait fondée, en un mot, que ces défectuosités en question disparaîtront de la constitution. Il ne sera pas plus difficile de faire disparaître de la future chambre haute le principe nominatif qu'il ne l'a été la premiere fois ; je crois même que la chose sera moins difficile. ( Ecoutez ! écoutez !) Quand ensuite l'on regarde aux avantages que vraisemblablement va nous valoir l'adoption des résolutions,—c'est-à-dire la paix, 225 l'harmonie et la disparition de ces nombreuses difficultés qui entravent notre législation- toute hésitation doit cesser. Quoique puissent dire aujourd'hui les honorables membres, ils n'estimaient pas peu graves ces difficultés lorsqu'ils se plaignaient de la conduite des derniers gouvernements, et mon hon. ami de Niagara ( M. CURRIE ) n'était pas la voix la plus faible dans ce concert. Je le dis encore : quand l'on considère les abus et les difficultés auxquels nous avons été en butte sous une union législative, et de plus, l'impossibilité où l'on est de continuer cette espèce d'union, et vu surtout que les avantages devant découler de ce projet feront plus que contrebalancer les difficultés qu'il pourra créer, il est de notre devoir, comme patriotes honnêtes, d'adopter les résolutions à nous présentées par la convention. ( Applaudissements. )
L'HON. M. SANBORN— Hons. messieurs, je ne désire aucunement employer le temps de la chambre, et je ne le ferai que pendant quelques instants. Je n'ai pu, étant malade, assister aux séances du conseil pendant les discours qui ont été prononcés sur l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer, et je ne profiterai de cette occasion que pour répondre à deux ou trois arguments qui ont été employés par mon hon. ami qui vient de reprendre son siége. Il me semble que les difficultés qu'éprouve mon hon. ami peuvent être facilement écartées, et que s'il partage réellement les sentiments de ceux qui appuient l'amendement qui est soumis au conseil, il ne devrait pas hésiter à le supporter. Dans une précédente occasion, j'ai essayé de faire voir que cet amendement ne pouvait aucunement nuire au projet,— qu'il ne nous mettait pas en antagonisme avec les autres provinces, que c'était une affaire qui nous regardait seuls—l'élection des membres du conseil législatif,—et que la manière dont ces membres serait élus n'était d'aucune conséquence pour les autres provinces, pourvu qu'elles aient relativement le même nombre de conseillers que nous. Mon hon. ami m'accuse d'être inconséquent en me prononçant en faveur du principe électif, tout en proposant de conserver leurs siéges aux membres nommés à vie, et aussi d'ajouter dix nouveaux membres des provinces d'en-bas. A cela je répondrai—que nous nous trouvons dans une condition exceptionnelle. Nous ne pouvons éviter cette difficulté. Une difficulté semblable s'est présentée à ceux qui cherchaient à opérer un changement lorsque le principe électif a été introduit dans la constitution de cette chambre, et ils firent exactement ce que nous proposons de faire aujourd'hui : les membres nommés à vie furent conservés tout en reconnaissant et sanctionnant le principe électif, et la chambre est aujourd'hui la preuve visible de l'adoption du plan que je propose maintenant. ( Ecoutez ! écoutez !) La position prise alors, et à laquelle l'hon. premier ministre ( SIR E. P. TACHÉ ) a donné la sanction de son nom et de sa réputation, était une reconnaisance du principe incorporé dans l'amendement devant la chambre. ( Ecoutez !) Si nous avons gagné quelque chose en introduisant le principe électif, nous proposons de conserver cet avantage en le gardant dans la même forme et dans la même relation à l'égard du conseil législatif projeté, qu'il a été gardé et qu'il a à l'égard de cette chambre.
L'HON. M. CAMPBELL—Mais, sous l'union actuelle, il n'y a aucune nécessité d'une égalité relative dans le nombre des conseillers législatifs, comme il y aura sous l'union projetée.
L'HON. M. SANBORN—Je n'admets aucune nécessité de cette nature. Ces nécessités sont tout à fait artificielles. Sous ce rapport, je crois que les hons. messieurs se trompent entièrement sur la position qu'ils prennent. Et bien que je reconnaisse à mon hon. ami pour la division Erié ( M. CHRISTIE ) la plus grande sincérité d'intention et l'excellence de jugement, je dois cependant dire que, lorsqu'il entre sur le terrain de la loi, il voyage un peu, comme l'on dit dans la profession, hors du dossier,- et que tous ceux qui connaissent un peu la doctrine du dépôt ne peuvent manquer de s'apercevoir de la fausseté de son raisonnement à ce sujet. A cet égard, la personne à qui il a été donné un mandat doit nécessairement agir d'après son jugement suivant les circonstances ; mais encore doit-elle le faire conformément aux termes de ce mandat et ne pas le dépasser.
L'HON. M. CHRISTIE—Sans doute.
L'HON. M. SANBORN—Mon. hon. ami cite l'acte qui a permis à la législature du Canada de changer la constitution du conseil législatif, et il base toute son argumentation sur cet acte. Si je lui prouve que cet acte n'appuie pas son argument, admettra-t-il que mon amendement est bon ? Cet acte dont parle mon hon. ami a été passé dans un but particulier, pour permettre au parlement de reconstituer cette chambre.
226
Il a répondu à ce but lorsque la constitution de cette chambre a été changée ; mais on ne peut pas l'invoquer comme donnant l'autorisation de former une confédération avec d'autres provinces.
L'HON. M. CHRISTIE—Mais mon hon. ami remarquera que nous ne législatons pas maintenant, et que nous ne faisons que voter une adresse.
L'HON. M. SANBORN—Nous devons sentir que, d'après les règles de la loi, l'on nous demande d'aller au-delà des devoirs que nos électeurs nous ont envoyé remplir ici. Je maintiens qu'aucun acte de nos statuts, pas plus qu'aucun acte impérial, ne nous autorise à prétendre qu'il nous ont envoyés ici pour démolir toute notre constitution, et pour chercher à former un nouveau système politique entièrement nouveau, embrassant un certain nombre d'autres provinces, de manière que notre identité se trouve complétement noyée et perdue. Je dois dire que si mon hon. ami se regarde comme lié en quoique ce soit par le dépôt qui lui a été confié par ceux qui l'ont envoyé ici comme représentant du peuple, je crois qu'il est nécessairement lié à ceci :—qu'il doit maintenir le principe électif à l'égard de la constitution du conseil législatif projeté. Il est impossible, je crois, d'en arriver à aucune autre conclusion. ( Ecoutez ! écoutez !) Mon hon. ami s'est servi d'une expression qu'il a paru employer avec quelque répugnance,—il s'est servi de l'expression de " charlatanisme. " Je crois que c'était significatif—très significatif ; car, si ceux qui favorisent ce principe, le favorisent pour ce que mon hon. ami appelle du " charlatanisme, " alors ils cherchent la popularité parmi le peuple, justement ce dont le peuple ne veut pas. ( Ecoutez !) Et cet argument ne sert certainement de rien à mon hon. ami dans sa position actuelle ; car il maintient que le peuple comprend parfaitement la chose et la veut. Si tel est le cas, si toute la province du Canada désire ardemment la réalisation de ce projet, alors ceux qui cherchent à s'y opposer se trouvent seuls, isolés, et agissent patriotiquement ou ne sont pas dans leur bon sens. Ils ne peuvent certainement pas agir dans le but d'obtenir de la popularité, puisque, suivant mon hon. ami, ils font exactement ce que le peuple ne veut pas qu'ils fassent. ( Ecoutez !) Je sais que la position de mon hon. ami est un peu embarrassante. Il demeure dans une section de la province où il sent qu'il y a une difficulté à faire disparaître d'une manière ou d'une autre,—et il cherche maintenant à faire voir que le meilleur moyen de la faire disparaître est de créer un grand nombre d'autres difficultés beaucoup plus formidables, et dont nous ne pouvons pas bien comprendre les conséquences. Quand un hon. membre est prêt à prendre cette position, je pense qu'il vaudrait mieux pour lui la prendre silencieusement plutôt que de chercher à la justifier par le raisonnement. Quant au Bas-Canada, nous ne sommes pas placés dans la même position. Il a le parti français, et il y a le parti anglais dans le Bas-Canada, qui sont situés bien différemment du peuple du Haut-Canada,—et le peuple du Haut-Canada paraît disposé à ne pas reconnaître leurs circonstances particulières, ni de s'occuper le moindrement d'eux. Si mon hon. ami veut bien m'excuser, je dirai que toute sa philosophie est en faveur du Haut-Canada. En parlant de l'opinion publique de cette province, il a toujours parlé du Haut-Canada ;—il ne paraissait pas même soupçonner que le Bas-Canada existait ou qu'il avait quelques droits.
L'HON. M. CHRISTIE—Mon hon. ami se trompe. J'ai cité tout autant du manifeste de l'opposition du Bas-Canada que de celui de l'opposition du Haut-Canada.
L'HON. M. SANBORN—Je parle maintenant des Anglais du Bas-Canada, et en ce qui est de l'assentiment du peuple à cette proposition, mon hon. ami admettra que les Anglais du Bas-Canada n'ont pas donné cet assentiment.
L'HON. M. CHRISTIE—J'ai dit que je pouvais parler avec plus de certitude de l'opinion publique de la section du pays à laquelle j'appartiens qu'à l'égard du Bas- Canada.
L'HON. M. SANBORN—Les résolutions dont l'hon. M. DORION a été l'un des auteurs, et qui ont été lues par mon hon. ami, n'embrassaient pas seulement ce que désirait le parti de M. DORION, ni aucun parti politique plutôt qu'un autre. Je regarde comme certain que les sujets britanniques d'origine franco-canadienne généralement entretiennent des sentiments de cette nature ; c'est- à-dire, qu'ils désirent d'amples pouvoirs pour les gouvernements locaux ;—de fait, ils voudraient que les gouvernements locaux fussent les véritables gouvernements, et que la fédération ne fût que nominale, pour des fins mineures, et n'eût que de faibles pouvoirs 227 dans le gouvernement central ; tandis que, d'un autre côté, la population anglaise du Bas-Canada se placerait au point de vue opposé, et voudrait de grands pouvoirs pour le gouvernement central, et de moindres pouvoirs pour le gouvernement local. Ce sont là, je crois, les vues auxquelles s'appliquaient les résolutions lues par mon hon. ami. Maintenant, quant au parti réformiste du Haut-Canada, voyons à quoi ses résolutions s'appliquaient, et si elles demandaient quelque chose comme la constitution que l'on propose maintenant. Je tiens à la main une brochure, " l'Adresse de l'Association Constitutionnelle Réformiste au peuple du Haut-Canada, en 1859, " et j'y trouve ce que l'association croyait être le véritable remède aux difficultés d'alors, exposé comme suit :
" Le vrai remède ! Quel est donc le remède le plus propre à faire sortir la province de la désastreuse position qu'elle occupe maintenant ? Nous répondons : dissolvez l'union législative actuelle ; divisez le Canada en deux provinces ou plus, avec des législatures et des exécutifs locaux, qui auront un contrôle entier sur tout intérêt public, excepté ceux et ceux seulement qui sont nécessairement communs à toutes les parties de la province. Que les législatures ne contractent aucune dette jusqu'à ce que la sanction ait été obtenue par un vote direct. Etablissez quelque autorité centrale sur toutes les autres avec pouvoir d'administrer les affaires, et seulement les affaires qui seront nécessairement communes à toute la province. Que les fonctions de cette autorité centrale soient clairement définies, que ses pouvoirs soient strictement bornés à l'accomplissement de devoirs spécifiés. Empêchez-le de contracter de nouvelles dettes, ou d'imposer plus de taxes qu'il n'est nécessaire pour faire face à nos obligations actuelles, remplir ses propres devoirs définis, et payer graduelment la dette nationale. Assurez ces droits par une constitution écrite, ratifiée par le peuple et incapable de subir des changements, excepté par sa sanction formelle. "
C'est là le programme élaboré par la convention réformiste du Haut-Canadaen 1859.
L'HON. M. CURRIE—Quel est l'auteur de cette adresse ?
L'HON. M. SANBORN—Plusieurs personnes y ont mis la main. Je vois le nom de l'hon. M. MCDOUGALL, le secretaire- provincial actuel, au bas de cette adresse. Et je suppose que mon hon. ami pour la division d'Erié ( M. CHRISTIE ) était l'un des auteurs.
L'HON. M. CURRIE—Ils proposaient que la constitution fût soumise au peuple ?
L'HON. M .SANBORN—Oui, elle devait être ratifiée par un vote direct du peuple.
Et le plus beau de la chose était que le parlement central devrait être tenu de ne pas augmenter la dette des provinces, mais de l'éteindre graduellement. ( Ecoutez !) Je pense que le parti réformiste du Haut-Canada à cette époque était plus sage que ce même parti ne l'est aujourd'hui.
L'HON. M. CHRISTIE—C'est à savoir.
L'HON. M. SANBORN—Si mon hon. ami voulait prendre ce programme, ou quelque chose d'approchant, je serais heureux de lui accorder la plus mûre considération immédiatement ; et je serais très heureux si on voulait nous en donner une petite partie, savoir : des garanties écrites, de manière à nous assurer que nos droits de propriété ne seront pas bouleversée par le parlement local,—pour empêcher, par exemple, qu'un bill de Squatters ( rires ) ne passe à la première occasion dans le parlement local, en démolissant tous les droits de propriété. Je vois que mon hon. ami vis-à-vis ( M . CRAWFORD ) a l'air triste parce qu'il prévoit que lorsque la nouvelle constitution sera adoptée, il ne s'écoulera pas douze mois avant que ce bill ne devienne loi dans le Bas-Canada, et que toute protection pour les propriétaires, sous ce rapport, sera anéantie. Mais cela n'est qu'un exemple frappant de ce qui aura lieu. L'on sait parfaitement,—et personne ne peut mieux croire la réalité que ceux qui ont une bien plus grande horreur que moi des progrès des sentiments populaires,—que la tendance de l'esprit public est de détruire les monopoles de toute espèce et d'aller jusqu'aux extrêmes à l'égard de droits acquis, même ceux qui sont fondés sur des principes solides de justice. Eh bien ! ces droits devraient au moins être confiés à la plus haute autorité législative. Je vais plus loin et maintiens que la garantie de ces droits devrait être placée dans la constitution écrite, qu'ils devraient être en dehors du pouvoir d'intervention de la part de l'autorité législative, et qu'ils devraient être sous la garde des décisions judiciaires des tribunaux les plus élevés du pays. Dans ce cas, il y aurait une protection pour la propriété ; mais dans la constitution actuelle, il n'y a aucune protection pour la propriété soit dans le Haut, soit dans le Bas-Canada. Et voici un point sur lequel j'attire l'attention de mes hons. amis de tous les partis, un point dont aucun d'eux, je le crains, ne s'est assez occupé, et qui s'applique autant au Haut qu'au Bas- Canada ; car je dis que si l'on ne donne pas quelques garanties au peuple pour la conservation des droits acquis et les intérêts 228 de cette nature, il s'en suivra les plus désastreux résultats dans toutes les législatures locales, parce que, lorsque ces législatures seront constituées, elles se composeront nécessairement d'une classe d'hommes différents de ceux qui composent aujourd'hui les législatures des diverses provinces. Il y aura tant d'appâts pour engager les hommes de premier ordre à se faire élire à la législature centrale, que la conséquence sera nécessairement et naturellement le résultat que j'indique. ( Ecoutez !) J'aimerais à répondre à l'un des arguments employés par mon hon. ami pour Saugeen ( M. MACPHERSON ) qui n'est pas maintenant à son siége :—que la nomination des membres du conseil législatif dans le parlement fédéral projeté n'est pas, de fait, un abandon du principe électif , parce que les nominations doivent être faites par le ministère du jour qui devra posséder la confiance du peuple. C'est certainement là un argument trés extraordinaire. S'il vaut quelque chose, il doit s'appliquer également aux deux chambres, et l'assemblée législative devrait être nommée par le ministère parce que le ministère a été choisi par ceux qui ont été élus par le peuple. C'est-là la déduction claire et logique de l'argument de mon hon. ami, s'il est bon à quelque chose,- parce que, si la nomination par le ministère n'est pas un abandon du principe électif, vous auriez encore une assemblée législative élue, bien que ses membres seraient nommés par le gouvernement. ( Ecoutez ! et rires. ) Mais cette prétention a été trés bien réfutée déjà par mon hon. ami en arrière de moi ( M. AIKINS ). Ce n'est pas simplement la première nomination à laquelle nous nous opposons ; mais nous objectons aux nominations qui suivront, à mesure que les premiers membres mourront ou résigneront, et que leurs successeurs seront nommés sur la recommandation des gouvernements locaux futurs. Ce mode, au lieu de produire un résultat favorable, me parait devoir être suivi d'un effet exactement contraire. Et la raison en est simple : si, en premier lieu, la prérogative est exercée, non pas par le souverain ou le représentant du souverain, qui serait sans préventions, mais par un gouvernement de parti, vous avez une chambre de parti dès sa première séance. Dans l'autre chambre, ce gouvernement particulier a une majorité ; mais il est possible que ce parti ne conserve pas longtemps le pouvoir— d'après la nature des choses, il n'est pas probable qu'il y restera longtemps—mais la chambre haute demeure permanente, et vous commencez, par votre premier acte, à poser les bases de cet enrayement, de ce conflit entre la chambre haute et la chambre basse dont il a été parlé. ( Ecoutez ! écoutez !)
Sur motion de l'hon. M. MOORE, les débats sont ajournés à demain.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

Credits:

.

Selection of input documents and completion of metadata: Gordon Lyall.

Personnes participantes: