MECRECREDI, 15 février 1865.
L'HON. M. BUREAU.— Je me serais
abstenu de prendre la parole, si je n'eus
entendu l'étonnant discours prononcé hier
par l'hon. membre qui est en face de moi.
(Sir N. F. BELLEAU) Il nous a parlé
d'annexionnistes et de républicains, et des
dangers qu'ils pouvaient faire courir au
pays. La chose ne me surprend pas de sa
part, car, partisan du gouvernement actuel
qui veut faire la confédération pour fortifier
le principe monarchique en ce pays, il doit
s'effrayer des tendances de certains membres
du cabinet et de leurs opinions républicaines.
Cependant, je crois que les anncxionnistes
les plus dangereux ne sont pas ceux dont il
parle, ceux qui expriment franchement et
au grand jour leur manière de penser sur
les questions qui agitent en ce moment le
pays, mais bien ceux qui cherchent par tous
les moyens possibles à irriter contre nous nos
voisins des Etats-Unis et à nous entraîner
dans une guerre avec eux. Mais ceux qui
viennent dire leur opinion en face de tout le
pays, ne peuvent certainement pas étre accusés de déloyauté, puisqu'ils ne le font
que
dans le but de servir leur pays. Je ne crois
pas qu'il y ait un seul membre de cette
chambre qui voudrait voir l'annexion de
notre pays aux Etats-Unis, mais au contraire
je pense que tous cherchent à trouver les
moyens d'établir un gouvernement et un
état de choses politiques équitables pour
toutes les parties de la population, sans distinction d'origine ou de religion,—un
système qui assurerait la stabilité de nos institutions et le bonheur du pays. L'hon.
membre a aussi parlé du danger du système
électif appliqué à. cette chambre, parce que
des intrigants sans valeur pourraient acquérir de la popularité et s'introduire dans
cette
chambre. Que l'hon. membre lise donc
l'histoire du pays, et il y verra que les principaux hommes qui ont occupé les premières
positions politiques, étaient des enfants du
peuple qui, grâce à leur éducation, à leurs
talents et à leur persévérance, sont parvenus
à la tête des affaires de leur pays. Qu'il
se rappelle l'histoire du passé, et il se
souviendra qu'il a été un temps où le
conseil législatif était devenu un obstacle à
toute réforme, à tous progrès. Mais, grâce
à notre énergie et à notre persévérance, il a
été possible au ministère libéral d'obtenir
les réformes demandées. Le ministère LAFONTAINE-BALDWIN voyant u'il n'y avait
aucun moyen d'obtenir des réformes à cause
de l'obstacle qu'apportait le conseil législatif,
tel que composé alors, ont recours a la nomination de nouveaux conseillers libéraux
; et,
avec l'adhésion de quelques—uns des anciens
conseillers, il put faire adopter ses mesures.
La marche de ces nomination de nouveaux
conseillers a été comme suit : en 1848 le
193
ministère SHERWOOD-BAGLEY a nommé
l'hon. D. B. Viger ; c'était un libéral nommé par un ministère tory; puis à l'avènement
du ministère LAFONTAINE-BALDWIN
Sir E. P. TACHÉ et les hons. MM. James
LESLIE, QUESNEL, BOURRET, DEBEAUJEU,
ROSS, MÉTHOT, J. O. TURGEON, MILLS,
CRANE, JONES et WYLIE furent nommés.
Sans la nomination de ces membres et l'adhésion de quelques autres, il aurait impossible
de réformer le conseil législatif. Mais
quel sera le résultat de la constitution du
conseil législatif fédéral ? En limitant le
nombre des membres de cette chambre, ou
limite en réalité la prérogative de la couronne,
et l'on adopte un système contraire à celui
qui existe en Angleterre. Et dans le cas où il
surviendrait des dificultés graves entre la
chambre des communes et la chambre haute,
qu'arrivera-t-il ? Il arrivera ce qui est arrivé
autrefois, mais avec cette différence, que la
couronne ne pourra pas y faire entrer de
nouveaux éléments, et la législation se trouvera arrêtée. Il n'y aura pas d'autre
remède
alors que de demander à l'empire d'amender
la constitution du conseil, car le peuple n'y
pourra rien, puisqu'on lui aura enlevé le
droit d'élire ses conseillers. Pour ma part,
je suis convaincu que ce nouveau système ne
pourra produire aucun bon résultat. Je ne
veux pas répéter ici tous les arguments que
l'on a déjà fait valoir contre le changement
projeté, mais je dois dire que, tenant mon
mandat du peuple, il n'a jamais été question
de la confédération dans le cours des deux
élections que j'ai eues a subir, et que par
conséquent je ne considère pas que mes
électeurs se sont prononcés sur cette question
en m'élisant, ou qu'ils m'aient donné le droit
de changer la constitution du conseil législatif sans les consulter. Je sais qu'il
a été
parlé en 1859, de la confédération dans un
paragraphe du discours du trône, mais je me
rappelle aussi d'avoir alors combattu l'idée
de cette confédération, parce que la mise en
pratique des vues expnmées dans ce paragraphe aurait eu pour résultat de donner
toute l'influence à une section de la province aux dépens de l'autre. A cette époque
la question de la confédération n'était pas discutée, mais bien les questions de la
représentation basée sur la population et des écoles
sêparées pour le Haut-Canada. Nous disions
dans le temps, à propos des écoles séparées,
qu'il ne fallait pas abandonner la minorité
du Haut-Canada à la merci de la majorité,
et nous avons réussi à lui obtenir un système
d'écoles séparées, qui pourtant parait ne pas
satisfaire la minorité. Dans le Bas-Canada,
la minorité protestante a toujours été satisfaite de son système d'écoles, jusqu'à
tout dernièrement, où elle a commencé à
faire de l'agitation afin d'obtenir, prétendait-elle, une répartition plus équitable
des deniers affectés aux écoles. Pour ma
part, je sais qu'elle n'a pas raison, et je me
rappele d'avoir attiré lattention du surintendant de l'instruction publique, lorsque
j'étais secrétaire-provincial, sur la distribution inégale de l'argent, parce que
la minorité protestante du Bas-Canada avait une
plus forte somme qu'elle n'était en droit
d'avoir. Il me répondit que cette distribution avait été ainsi faite par son prédécesseur,
et qu'il n'avait pas cru y devoir rien changer.
L'on voit donc qu'il y a malaise chez la
minorité du Haut et du Bas-Canada, et
même chez la majorité du Bas. Mais j'ai
été étonné d'entendre énoncer le remède de
de mon hon. collègue (Sir N. F. BELLEAU)
dans le cas où le gouvernement fédéral cher
cherait à nuire aux intérêts du Bas-Canada.
Il nous a dit que le Bas-Canada devant avoir
65 représentants dans la législature fédérale,
sur 194, ces 65 députés du Bas-Canada
pourront toujours se faire rendre justice en
s'alliant avec l'opposition pour renverser le
gouvernement. L'hon. membre croit-il en
réalité que tous les représentants du Bas-
Canada feraient cause commune sur une
question quelconque ? Ne sait-il pas qu'il y
aura toujours une minorité parmi eux, de
race et de religion différentes, qui se ralliera
plus probablement au gouvernement où à la
majorité? Et dans ce cas, à quoi aboutirait
l'opposition du Bas-Canada dont il nous a
parlé ? Est-ce que les dificultés qui ont
amené le plan de confédération n'ont pas été
produites par la coalition d'une minorité du
Haut-Canada avec la majorité du Bas, et ce
qui est arrivé contre le Haut-Canada ne
pourrait-il pas arriver dans la législature
fedérale contre le Bas-Canada ? En rejetant
le principe de la double majorité adopté par
un ministère libéral, l'on a jeté une pomme
de discorde dans la législature qui a produit
les difficultés actuelles. Une autre grande
faute commise par les membres du Bas-
Canada, c'est quand ils ont renversé un
gouvernement qui avait posé en principe
l'égalité de la représentation, et l'on voit
aujourd'hui à quoi cela nous a conduit.
L' hon. membre (Sir N. F. BELLEAU) a dit
que nos institutions seraient proégées dans
194
le gouvernement fédéral. Mais comment ?
Par les résolutions actuelles, elles ne le sont
pas Est-ce que le gouvernement général,
d'ailleurs, ne pourra pas apporter son veto
sur tout ce que fera le gouvernement local ?
A ce propos, je voudrais bien connaître l'oranisation du gouvernement local du Bas-
Canada. Tout ce que j'en vois, c'est que
l'on va nous enlever à peu près tous nos
revenus, et que l'on nous accordera un
subside de 80 cts. par tête. Mais ce n'est
pas tout : il y aura $5,000,000 de dette a
répartir entre le Haut et le Bas-Canada, et
comment se fera cette répartition ? Si, comme
on le dit, le Bas-Canada se trouve chargé du
paiement de la dette contractée pour le rachat
de la tenure seigneuriale, cela seul représentera un capital d'environ $4,118,202
; dans
cette somme est comprise $891 ,500 sous
forme d'indemnité aux townships. Est-ce
que le Bas-Canada se chagera de payer cette
somme ? Certains revenus du Bas-Canada
ont été affectés au rachat de la tenure seigneuriale, mais si le gouvernement fédéral
s'empare de ces revenus, qui nous dit que le
gouvernement local ne répudiera pas la dette
seigneuriale qu'on veut lui imposer par le
projet actuel ? La législature locale dira
peut-être que le gouvernement impérial n'a
pas le droit de faire disparaître l'acte qui
impose à tout le Canada le paiement de l'indemnité seigneuriale, et refusera peut-être
de s'en charger seule en disant que le gouvernement fédéral devra la payer. Et dans
ce cas, que fera le gouvernement général ?
Et sur cette question, il sera facile d'exciter
les passions populaires, préjugées d'avance
centre les seigneurs. Il importe avant tout
de respecter les droits acquis. On nous
dit de voter de confiance mais on ne vont
pas nous donner de détails pour satisfaire le
pays et les hons. membres de cette chambre.
Pourquoi ne pas mettre devant la chambre
la constitution du gouvernement local ? On
nous dit que les lois civiles du Bas-Canada
seront garanties, mais on ne vous dit pas
comment la chose se fera. Ainsi, le gouvernement fédéral aura le droit de régler les
questions de divorce et de mariage. Quant
au divorce, je n'en veux rien dire, car je pense
qu'il vaut mieux que cela soit laissé au gouvernement fédéral. Mais on aurait dû faire
une exception pour nos co religionnaires.
Que dirais je du mariage. qui est la base sur
laqelle repose toutes nos institutions,--n'est-
il pas dangereux de le laisser à la merci du
gouvernement fédéral? On en viendra peut-
être bientôt à dire que ce n'est qu'une affaire
secondaire, et avant peu probablement, les
maires remplaceront les curés et célèbreront
les mariages de leurs administrés. Nos lois
qui règlent aujourd'hui le mariage sont très
importantes pour nous et sont basées sur le
droit romain ; ces lois qui nous régissent sont
les seules qui conviennent aux Canadiens- et leur sages dispositions sont le fruit
de
plusieurs sièces d'expérience. Il ne faut
pas s'exposer à les voir changer par une
;égislature dont la majorité des membres n'auront pas les mêmes idées que nous sur
ce
sujet. L'hon. membre (Sir N. F. BELLEAU)
aurait pu nous dire son opinion sur ce sujet
mais il n'en a rien fait, et je le regrette. Il
est une autre uestion qui intéresse profondément le Bas-Canada, mais il parait
qu'il n'en faut pas parler, non plus. Cette
question est celle de l'intérêt. Ne sait-on
pas que la question de l'intérêt de l'argent
a quelque chose à faire avec nos lois civiles ?
Cela est-il aussi sans importance ? La
majorité du Haut-Canada nous a déjà imposé
une loi abolissant le taux de l'intérêt ; cette
liberté du commerce d'argent ne convenait
pas au Bas-Canada, et aujourd'hui on veut
remettre à la législature fédérale le droit de
législater sur cette question ! Qu'en résultera-t-il ? Qui nous dit que l'on n'abolira
pas,
complètement les lois qui limitent le taux de
l'intérêt dans tous les cas et que l'on ne donnera pas aux banques et aux companies
incorporées le droit d'exiger le taux d'intérét
que bon leur semblera, comme l'ont aujourd'hui les particuliers ? Cela pourra devenir
funeste au Bas-Canada. Pourquoi ne pas
laisser aux législatures locales le droit de régler cette question suivant les besoins
et les
idées des populations qu'elles représenteront,
comme la chose a lieu dans les Etats-Unis,
où les taux d'intérêt varient suivant les
Etats ? Ainsi, on empêchera le Bas-Canada
de régler une uestion qui nous a été imposée par le Haut-Canada malgré nous.
J'avoue que j'en suis surpris, parce que je
vois dans le gouvernement actuel des hommes
qui ont combattu avec moi sur cette question.
Les législatures locales auront le droit de
faire des lois au sujet de l'immigration et de
l'agriculture ; mais la législature fédérale
aura aussi ce droit, et il est évident qu'elle
aura la haute main sur ces sujets, et que les
lois du Bas-Canada, par exemple, pourront
être mises de côté au moyen du
veto du gouvernement fédéral. Mais il y a quelque
chose de plus dangereux encore pour nous :
195
c'est que le gouvernement fédéral aura le
droit d'imposer ses taxes sur les provinces
sans le concours des gouvernements locaux.
D'après l'article cinq de la 29e résolution, le
parlement fédéral pourra prélever des deniers
par tous modes ou systèmes de taxation, et
je regarde ce droit comme très-excessif.
Ainsi, dans le cas que je posais tout à l'heure
de la possibilité de voir le gouvernement
local du Bas-Canada refuser de se charger de
payer la dette contractée pour le rachat de
la tenure seigneuriale, le parlement fédéral
aura deux moyens de l'y forcer : le premier
en retenant le montant sur l'indemnité de
80 cts. par tête qui doit lui être accordée, et
le second en imposant une taxe locale et
directe. Le lieutenant-gouverneur du gouvernement local sera nommé par le gouvernement
fédéral, dont il recevra les inspirations. On ne sait paa si le gouvernement
local sera responsable aux législatures locales ; s'il y aura une seule ou deux branches
de la législature, ni comment sera composé
le conseil législatif, s'il y en a un ; on ne
veut nous donner aucun éclaircissement sur
ces points, qui sont pourtant assez importants. Je regrette donc que l'on ait repoussé
l'amendement proposé hier par l'hon. membre
pour Grandville (M. LETELLIER) car il
aurait eu pour résultat de nous faire obtenir
des renseignements importants avant de
voter sur la question. Je ne vois pas que
les raisons apportées hier par l'hon. Sir
N. F. BELLEAU pour justifier la hâte avec
laquelle on veut faire passer cette mesures soient légitimes ou concluantes. Il
nous a dit que le ministère actuel en Angleterre est favorable à ce projet. Pour ma
part
je ne crois pas que ce projet soit adopté sans
d'importants amendements. Ce projet subira
peut-être malheureusement des amèndements
importants en Angleterre fort préjudiciables
aux intérêts du Bas-Canada en particulier.
Nous y verrons peut-être agir des influences
indues comme la chose a eu lieu lorsqu'il
s'est agi de rendre le conseil législatif électif.
Les membres du Bas-Canada se rappellent que
lorsque la loi fut passée en Angleterre, une
influence souterraine, que nous n'avons pas
encore pu découvrir jusqu'à ce jour, a fait
disparaître de notre constitution la clause que
nous regardions avec droit, dans le Bas-
Canada, comme notre seule sauve-garde contre
les empiètements et la domination du Haut-
Canada ; car, en effet, si cette clause n'eût pas
été retranchée ou changée, jamais le Haut-
Canada n'aurait demandé la représentation
basée sur la population, et les difficultés qui
ont surgi de cette question n'auraient pas eu
lieu, et nous n'aurions pas aujourd'hui la
mesure de confédération que l'on nous propose. Si le Haut-Canada avait été bien convaincu
qu'il n'y avait pas moyen de changer
la constitution, il aurait fait des sacrifices,
plutôt que de faire une agitation inutile.
On parle de garanties our nos institutions ;
mais qui nous dit que les garanties que l'on
nous promettra ne disparaîtront pas une fois
que le projet sera rendu en Angleterre, comme
a disparu la garantie que nous avions contre
la représentation basée sur la population ?
Cependant, je persiste à dire que dans le
projet actuel nos institutions ne sont aucunement garanties, et la preuve la plus
manifeste
nous en a été donnée par l'hon. Sir N. F.
BELLEAU lui-même comme j'ai eu l'occasion
de le faire remarquer. On veut nous faire
faire le sacrifice de l'élection du conseil
législatif ; mais est-ce pour le remplacer par
un meilleur ? 'Je ne le crois pas, car à mon
avis le système que l'on propose pour la
constitution de cette chambre pêche sous
tous les rapports, car non-seulement on veut
priver le peuple d'un droit important, mais
encore on veut attenter aux prérogatives de
la couronne en limitant le nombre des conseillers qu'elle pourra nommer. Il est pénible
de rétrograder de cette manière, et de céder
une réforme pour laquelle tant d'hommes
éminents ont si longtemps combattu ; et je
pense que si nous consentons à ce changement, les conséquences s'en feront bientôt
sentir. Et, afin de faire voir que les défauts
du système proposé sont bien réels, je citerai
l'opinion de l'hon. secrétaire d'Etat pour les
colonies, émise dans sa dépêche au gouverneur-général a propos du projet de confédération
et de la nouvelle constitution du
conseil léglslatif. Voici ce que dit lord
CARDWELL :
" Le second point que le gouvernement de Sa
Majesté désirerait voir considérer de nouveau se
trouve dans la constitution du conseil législatif.
ll apprécie les considérations qui ont. influencé la
conférence quand elle a déterminé le mode d'après
lequel ce corps, si important à la constitution de
la législature, sera composé ; mais il lui semble
qu'il est nécessaire de considérer davantage, si,
dans le cas où les membres seront nommés à vie
et leur nombre fixé, il yaura des moyens suffisants
de rétablir l'harmonie entre le conseil législatif et
l'assemblée populaire, s'il arrive jamais malheureusement qu'il surgisse une grave
divergence
d'opinions entre eux."
Après cette condamnation formelle du projet
de constitution du conseil législatif, et notre
196
propre expérience, il me semble que nous
avons parfaitement le droit de nous y opposer
et de prévoir un temps où le conseil sera,
comme autrefois, un obstacle à toute réforme
et à tout progrès si le projet de confédération
actuel n'est pas amendé. (Applaudissements)
L'HON. M. FERRIER.—Hons. messieurs, je m'étais presque promis de donner
un vote muet sur les résolutions maintenant
devant la chambre, mais ayant pris l'habitude, surtout depuis que j'ai l'honneur de
siéger au conseil législatif, de prendre note
des événements historiques au fur et à mesure qu'ils se déroulent dans notre pays,
je
pense qu'on me permettra de parler quelque
peu de ce qui est arrivé dans ce pays durant les années passées, et plus spécialement
de ce qui s'est produit durant l'année qui
vient de s'écouler. Autrefois, deux grandes
questions agitaient le Haut et le Bas-Canada.
L'une était la question de la tenue seigneuriale dans Bas-Canada, et l'autre la question
des réserves du clergé dans le Haut-Canada.
Pendant plusieurs années, ces deux questions
occupèrent l'attention de la législature et des
hommes d'état qui se succédèrent au gouvernement. A la fin, on en arriva a un
règlement de ces questions, satisfaisant, je
crois, à la majorité du peuple Depuis lors,
aucunes grandes questions d'intérêt public
ne sont venues occuper l'attention du peuple,
ou ont été soumises par le gouvernement du
jour ou par le chef de l'opposition. La conséquence de cet état de choses a été que
pendant plusieurs années on a été témoin
en Canada d'une lutte politique éminemment propre a détruire tout principe juste
en morale et en politique, tant dans la législature qu'en dehors. N 'est-il pas vrai
que
du moment qu'un individu acceptait un
portefeuille— et quelque parfait que pût
avoir été jusque là son caractère personnel ou
professionnel ,—l'opposition et ses organes
l'accusaient de suite de s'être allié à une compagnie fort suspecte ? ou bien encore,
n'est-
il pas arrivé, qu'un citoyen doué d'un sens
droit mais simple, en venant visiter notre
législature et assister dans les galeries à nos
débats, y a entendu si fréquemment des
accusations de séduction politique et de
corruption, qu'il s'en est retourné avec des
vues bien différentes de celles qu'il avait en
y entrant ? Il n'est pas un membre du parlement qui n'ait ressenti cette influence
démoralisatrice, influence qu'il a rencontrée aux
polls et que, dans bien ce cas, il n'a pu vaincre
qu'au moyen d'argent. (Ecoutez ! écoutez !)
J'en viens maintenant à la période comprise
entre 1863 et 1864, où nous voyons deux
partis politiques é peu près d'égale force, et
un gouvernement appuyé par une majorité
de deux ou trois seulement, crut devoir en
appeler au pays au moyen d'une élection générale. Après cette élection, le gouvernemeut
de l'hon. et preux chevalier (Sir E. P. TACHÉ,)
fut formé ! Son existence ne fut que de
courte durée, et le 14 juin de l'année dernière arrivA ce qu'on a appelé " l'impasse."
Alors, hons. messieurs, il y eut un répit
de huit ou dix jours, qui permit en
quelque sorte aux partis qui avaient été
ainsi en lutte, de faire un retour sur le
passé, et d'essayer d'assurer l'avenir. Il y en
avait beaucoup qui pensaient que l'esprit de
patriotisme était un principe mort dans le
cœur de nos hommes d'état. Dans leur lutte
ils paraissaient avoir oublié les plus chers
intérêts du Canada. Mais, pendant ces dix
jours, l'esprit de patriotisme se raviva,—ce
fut une époque mémorable dans l'histoire du
Canada,—le chef de l'opposition, (l'hon. G.
BROWN),—je le dis a son honneur, —fut le
premier à exposer ce qu'il était prêt à faire,
et ce qu'il proposait était si raisonnable que
très peu de temps après on accepta ses propositions. Je me reporte avec bonheur à
cette période, vu que j'ai eu l'opportunité
de donner un mot d'avis la veille même du
jour où ces propositions furent faites. Je
puis y référer, car le nom de l'hon. monsieur
auquel je fais allusion, (M. MORRIS), membre de l'assemblée législative,—fut mentionné
dans les documents qui furent soumis à cette
hon. chambre lorsque le résultat des négociations nous fut soumis. Ayant rencontré
M. MORRIS dans la soirée, il me fit part des
propositions de l'hon. M. BROWN. Je les
trouvai si raisonnables et j'y vis quelque
chose qui annonçait tellement qu'elle nous
feraient sortir du dilemme dans lequel nous
nout trouvions, que je lui recommandai de
suite de les communiquer aux principaux
membres du gouvernement, et je l'accompagnai chez un de ces derniers, qui
occupe aujourd'hui un siége dans cette
chambre. Il fit part à cet hon. monsieur
de ce que M. BROWN lui avait communiqué
et lui dit qu'il (M. MORRIS) était autorisé
par les autres membres du gouvernement à
s'entendre avec l'hon. M. BROWN. Chacun
de nous se rappelle parfaitement l'époque à
laquelle je fais allusion et l'étonnement qui
s'empara| d'un grand nombre en voyant
197
qu'une reconciliation avait pu se faire entre
des hommes qui avaient été opposés pendant
si longtemps les uns aux autres. Je ne sais
pas si je devrais répéter les ont-dits du jour
relativement à cette réconciliation, mais je
crois me rappeler qu'entre autres choses on
disait que lors de l'entrevue de l'hon. M.
GALT et de l'hon. M. BROWN, le premier
l'avait accueilli avec cette franchise élevée
et ouverte qui le caractérise, et que l'hon.
M. CARTIER en rencontrant l'hon. M.
BROWN, s'était soigneusement assuré que
ses deux amis rouges n'étaient pas derrière
lui, ( on rit.) et que du moment qu'il ont
acquis la certitude qu'ils ne s'y trouvaient
pas, il l'avait reçu à bras ouverts et lui avait
juré une amitié éternelle. (Rires et applaudissements.) Et, de plus, que l'hon. M.
MACDONALD, d'un coup-d'œil rapide, vit
quelle opportunité lui était offerte.
L'HON. M. FERRIER.—Que l'hon. M.
MACDONALD vit que l'opportunité s'offrait de
former une grande et puissante dépendance
de l'empire britannique ; que le preux chevalier, le premier du gouvernement, doué
d'un esprit libéral, prudent et étendu, n'y
fit pas objection, et que le commissaire des
terres de la couronne, avec sa courtoisie
habituelle, son esprit vigoureux et pénétrant, y consentit. (Ecoutez ! écouteù !)
Autant que je puis me le rappeler, voilà, comment daus le public on disait que les
propositions de l'hon. M. BROWN avaient été acceptées par les messieurs composant
le gouvernement du jour. Vous vous rappelez tous
combien joyeux nous étions de voir s'éteindre
cette acrimonio politique. De fait, chacun
de nous était sous l'impression que l'âge
d'or était arrivé et que l'opposition s'était
évaporée. (On rit.) La législation de la session marcha rapidement, et nous fûmes
bientôt relevés de notre responsabilité au
siége du gouvernement. Immédiatement
après la clôture de la session, la convention en
question fut pleinement exécutée. L'hon. M.
BROWN et les deux autres hons. messieurs
qui entrèrent avec lui dans l'administration
en firent partie comme il avait été convenu.
Ces hons. messieurs se présentèrent au pays,
et à l'exception d'un seul, qui fut bientôt
élu après sa première défaite, ils furent tous
réélus. Ainsi constitué, le gouvernement,
je crois, avait pour l'appuyer une majorité
des deux-tiers de la population du Canada,
et autant que j'ai pu en juger, les deux
tiers de la presse l'a aussi supporté dans son
projet d'union. Fort de cet appui, le gouvernement ne tarda pas à se mettre à l'œuvre,
et
son premier acte fut de s'embarquer sur le
vapeur provincial et de se rendre à l'Ile du
Prince- Edouard. Je me rappelle encore le
jour où monté sur les berges de la Rivière-
du-Loup, je vis ce vapeur descendre le cours
du fleuve ; je priai le ciel de protéger nos ministres dans leur voyage. Ils assistèrent
à la
conférence de Charlottetown, et je n'ai pas
le moindre doute que leur conduite fut en
tout point digne d'hommes qui allaient proposer une union. Nous savons aussi qu'ils
y furent bien accueillis—ces provinces depuis un certain temps ayant donné des
signes de sympathies pour le Canada. Elles
le prouvèrent en invitant notre législature à
aller leur rendre visite aussitôt que la dernière session serait terminée, et je regrette
que tous les membres de cette chambre
n'aient pas accepté cette invitation. Ceux
qui acceptèrent, revinrent avec des connaissances qu'ils'n'avaient pas à leur départ.
Nous
eûmes la satisfaction de voir ceux qui seront
probablement nos associés dans cette union,
et je puis vous assurer que, pour ma part,
j'ai trouvé que le peuple des provinces d'enbas était un peuple énergique, actif,
industrieux, et notre égal sous tous rapports.
(Ecoutez ! écoutez !) Et, quant aux ressources de ces provinces, avant d'aller leur
rendre visite, je n'avais pas l'idée de leur
étendue. Nous y avons vu des fermes sur
les berges de la rivière St. Jean, comparables
à n'importe quelles fermes de la péninsule
occidentale, qu'on a surnommée le jardin
du Canada. Les membres de la conférence
de Charlottetown, comme je l'ai compris,
après avoir discuté la questioù dans tous ses
points et en étre arrivés à quelque chose
comme une entente, retôurnèrent dans leurs
provinces respectives et se préparérent à avoir
une conférence qui représenterait d'une manière plus officielle toutes les provinces.
Quelques messieurs ont déclaré que cette
conférence n'avait pas été autorisée et qu'elle
s'était elle-même constituée. Mais je crois qu'il
est facile de prouver que ses membres avaient
l'autorisation expresse du gouvernement britannique pour entreprendre ces négociations.
Les provinces d'en-bas envoyèrent des membres de leurs gouvernements respectifs, et
ils
allèrent plus loin, ils les firent accompagner
des chefs de l'opposition, en sorte que le
peuple de ces provinces se trouva pleinement représenté. Ils firent de fait l'équi
198valent de ce qui avait été fait en Canada, où
nos gouvernements de coalition représentent
les deux écoles politiques. Ainsi, les hommes
d'état habiles qui se réunirent à Québec,
représentaient la population entière de ces
provinces. On a fait cette objection : qu'il
était impossible qu'une conférence ne siégeant que quelques jours pût rédiger une
mesure qui fut de nature à être acceptée par
nous. Mais, hons. messieurs, des hommes
qui se mettent honnêtement à l'œuvre
dans un certain but, peuvent faire beaucoup
en très peu de temps. (Ecoutez ! écoutez !)
Et je crois que les messieurs présents à la
conférence qui s'est tenue dans cette cité,
étaient des hommes remplis d'intentions
honnêtes et de bon vouloir, et déterminés à
trouver une constitution qui servirait les
plus chers intérêts de notre pays. Nous ne
pouvons nous attendre à ce qu'elle soit infailible, car l'homme ne fait rien qui le
soit.
Mais son caractère est tel que je ne crois pas
que jamais l'occasion se présente une seconde
fois pour nous,—si nous laissions échapper
celle qui nous est ainsi donnée,—d'étre saisis
d'un document si propre sous tous rapports
à nous faire atteindre le but qu'on se propose.
Aucun gouvernement de parti, soit ici ou
dans les provinces d'en-bas, ne saurait jamais
produire une proposition qui soit ou devrait
être aussi bienvenue du peuple entier. (Ecoutez ! écoutez !) Je pense qu'il est injuste
d'établir des comparaisons entre le Haut et
le Bas-Canada d'un côté et les provinces d'enbas de l'autre. Quand on prend des associés
pour la vie on les prend avec ce qu'ils ont et
on les fait partager dans toutes nos richesses
matérielles, et je suis d'opinion qu'on devrait
se laisser guider par le même principe en
formant cette union avec les provinces d'enbas. J'ai entendu avec surprise quelques-
uns des arguments que les adversaires e la
mesure ont apportés contre le projet. J'ai
été certainement étonné de la conduite
tenue l'autre jour par mon hon. ami de
Niagara (M. CURRIE), lorsqu'il a essayé de
faire du capital politique en disant que nos
intérêts commerciaux et agricoles en Canada
étaient très peu de chose, et qui, en parlant de notre marine et du nombre de
vaisseaux employés dans notre commerce,
s'est écrié : Oh cela ne se voit que sur le
papier !
L'HON. M. CURRIE.—Je demandrai
pardon à mon hon. ami. Dans toutes les
observations que j'ai pu faire, je n'ai certainement pas dit que nos intérêts commerciaux
ou agricoles fussent minimes. (Ecoutez !
écoutez !)
L'HON. M. FERRIER.—Puisque mon hon. ami m'assure qu'il n'a pas dit une
pareille chose, je dois accepter sa parole. J'ai suposé que
l'impression qui m'était restée de la lecture de ses observations était
juste, mais il faut que je me sois trompé. Cependant je dois dire que je
considère qu'il (l'hon. M. CURRIE) a manqué de justice en se servant de
journaux pour donner la lecture de tous les pêchés supposés de ses propres
amis, le parti avec lequel il marchait autrefois. Aujourd'hui
que ces hons. messieurs en travaillant à faire passer ce projet
d'union, se dévouent à ce que je considère être les meilleurs
intérêts du pays, je crois réellement que mon hon. ami ferait mieux de leur
donner son appui.
L'HON. M. FERRIER.—Je donne mon
opinion—rien de plus. Mais mon hon. ami
a ensuite parlé du Grand-Tronc—cette
corporation monstrueuse qui, à en juger
d'après les remarques de mon hon. ami, a
rééllement semé la désolation dans tous les
districts du Canada qu'il traverse. Pour ma
part, je ne puis me rendre compte du dommage que le Grand-Tronc a fait au Canada.
Treize millions de louis sterling ont été
affectés à la construction du chemin de fer
Grand-Tronc et du Pont Victoria, qui est
une oeuvre sans égale au monde. Le Canada
a payé environ trois millions pour compléter
ce chemin de fer,—environ un cinquième
des seize millions qui ont été dépensés,—et
c'est là meilleur marché qu'il ait jamais
conclu. (Ecoutez! écoutez !) Nous recueillons les bénéfices de toute cette dépense.
Si on s'est rendu coupable d'extravagance,
les actionnaires anglais seuls en ont souffert.
Nous n'avons contribué que la cinquième partie des fonds qu'ils ont avancés, et nous
recueillons tous les bénéfices du chemin.
Voilà, je pense, à. quel point de vue on devrait considérer le Grand-Tronc par raport
au Canada. ( Ecoutez ! écoutez ! ) On a
aussi fait allusion au chemin de fer intercolonial ; même aujourd'hui, ce chemin est
devenu, je pense, une nécessité. Il aurait
dû être construit il y a quelques années, et
il l'aurait été, si l'incapacité politique du
gouvernement d'alors n'en eut empêché
l'établissement. (Ecoutez! écoutez !)
L'HON. M. CURRIE.—Mon hou. ami
me permettra de lui rappeler que deux
199
membres de ce gouvernement, les hons.
MM. McDOUGALL et HOWLAND, sont membres du gouvernement actuel.
L'HON. M. FERRIER.—Il est heureux
que certains hommes reconnaissent leurs
erreurs et s'en corrigent ; aussi, ai-je confiance qu'il en a été ainsi pour ces messieurs.
(Ecoutez ! écoutez et rires.) Si aujourd'hui
nous étions reliés à la mer par ce chemin de
fer, il est très probable que le traité de réciprocité n'aurait pas été abrogé. (Ecoutez
!
écoutez !) Quelques hons. membres disent
que si nous avions ce chemin aujourd'hui,
nous n'aurions pas de fret à lui fournir. Le
fait est qu'en faisant une pareille assertion, ceux qui la font démontrent qu'ils
n'ont pas pris le trouble de préciser dans
quelle position se trouvait notre commerce.
Depuis les dix derniers jours nous avons
eu environ 100 chars chargés stationnés
à la Pointe St. Charles qu'il a été impossible d'expédier. Ces chars sont remplis
de produits à destination de Boston et New-
York, et les deux chemins conduisant à ces
cités sont tellement encombrés qu'il leur est
impossible de faire face à la demande de leur
propre pays ainsi que du nôtre. Et ces chars
qui sont ainsi détenus, sont requis pour le
commerce de l'ouest, dont les populations
demandent à. grands cris des moyens de transport et nous ne pouvons fournir à l'expédition
des produits que nous avons entre les mains.
L'HON. M. SIMPSON—Mon hon. ami
voudra-t-il me dire de quelle espèce de
produits sont chargés ces chars, et de quel
endroit ils ont été expédiés ?
L'HON. M. FERRIER.—Je crois que ce
sont tous des produits du Canada. (Ecoutez ! écoutez !) Une partie est destinée
aux marchés de New-York et de Boston, ou
doit être expédiée de là, et l'autre partie
doit être laissée aux différentes stations de
ces chemins de fer. J'ai pris la peine de
demander la-dessus des renseignements à M.
BRYDGES avant—hier.
L'HON. M. FERRIER.—A Portland
nous avons aussi une accumulation de chars,
et pas de navires pour prendre leurs chargements ; telle est la position dans laquelle
se
trouve aujourd'hui le Grand Tronc, et elle
est sérieuse. Comme nous l'a si bien dit
l'autre jour, le preux chevalier, (Sir E. P.
TACHÉ), c'est comme si nous avions une terre
entre nous et la voie publique. Les Etats-
Unis forment cette terre ; ils sont placés
entre le Canada et la mer. Et il vient de
leur prendre la fantaisie de nous dire : nous
ne voulons pas que vous traversiez notre
terre,—car bien que le traité de réciprocité
ne soit pas abrogé, ils mettent une entrave à
notre circulation avec leur système de passeports, et je dois dire ici qu'ils appliquent
cette loi aux produits que nous envoyons
par là. Un exemple : pour expédier du
lard , il faut produire un affidavit affirmant que
ce lard est de provenance canadienne. Eh
bien ! on comprend qu'à cette saison de
l'année, il est assez difficile de faire un pareil affidavit. Des quantités considérables
de lard sont expédiées de toutes les
régions et après que ce lard est mis en
baril, on comprend qu'il est à peu près impossible d'affirmer par affidavit que ce
lard
a été fourni par telle ou telle section. (Ecoutez ! écoutez !) Il en est de même pour
la
fleur. Il arrive fréquemment qu'un meunier
mêle sa fleur à de la fleur de provenance
américaine. Alors, comment veut-on qu'il
soit possible de donner un affidavit afirmant
que cette farine est mêlée ou non. Celle de
provenance canadienne peut former quatre-
cinquièmes, et cependant l'autre cinquième
fait qu'elle ne peut être ainsi expédiée.
Notre commerce ainsi embarrassé par toutes
ces entraves que lui oppose le gouvernement
des Etats-Unis, se trouve sérieusement
contrarié. J'ai ici quelques mémoires, extraits
de certains états que j'ai eu l'occasion d'examiner, d'après lesquels je trouve que
les provinces d'en-bas ont besoin tous les ans, à
part de leur récolte, de 600,000 barils de
fleur et blé. Aujourd'hui, qu'elles expertent
de la fleur de Boston et de Portland, une
quantité considérable de cette fleur est
transportée à Portland par le chemin de fer
Grand Tronc. Cette fleur est ensuite transportée a St. Jean, distribuée tout le long
de la rivière de ce nom, à venir jusqu'à
soixante milles de notre propre frontière canadienne, à la Rivière-du-Loup. Eh bien!
je demanderai à tout homme sensé s'il
ne serait pas facile que le chemin de
fer intercelonial transportât ces produits
et les distribuât le long de sa ligne comme le
Grand Tronc le fait aujourd'hui dans l'Etat
du Maine ? St. Jean est exactement à 600
milles de distance de Montréal, ce qui est
aussi la distance exacte entre Portland et
Sarnia. Eh bien ! pour transporter la quantité de fleur que j'ai mentionnée, 600,000
barils, il faudrait un train quotidieu pendant
tout le cours de l'année. e pense que c'est
200
là une réponse suflisante à tous ceux qui
disent qu'il n'y a rien à faire transporter
par ce chemin de fer intercolonial. En
1862, le Nouveau-Brunswick vendait aux
Etats-Unis des marchandises pour un montant de $880,000, et en achetait pour
$2,916,000, payant ainsi en argent comptant
aux Etats-Unis une somme de $2,000,000.
La Nouvelle-Ecosse exportait aux Etats pour
une valeur de $1,879,000, et en importait
our $3,860,000, faisant une autre somme de
$2,000,000. Ainsi, ces deux provinces
payaient dans un an aux Etats-Unis, la somme
d'environ $4,000,000. Il se fait maintenant
un commerce entre les Etats-Unis et ces
provinces de dix millions de piastres par
année. L'abrogation projetée du traité de
réciprocité entrave ce commerce, et n'est-il
pas de notre devoir à nous, Canadiens, de nous
assurer ce commerce ? (Ecoutez ! écoutez !)
Est-il un seul commerçant qui ne soit au guet
et prêt à se l'assurer de suite s'il y a possibilité de le faire, mais cette possibilité
ne saurait
exister qu'avec le chemin de fer intercolonial. Une autre question à laquelle je désire
appeler l'attention, c'est que la moitié des
importations de thé faites par la Nouvelle-
Ecosse et le Nouveau-Brunswick sont fournies par les Etats-Unis. Eh bien! c'est
justement là un article que nous pourrions
transporter par chemin de fer à un prix très-
bas, et il n'est pas un hon. membre de
cette chambre qui ne sache que pour le commerce de thé Montréal et Québec font concurrence
à. New-York et à Boston. Les
marchands du Haut-Canada savent qu'ils ne
voudraient jamais aller à Montréal pour y
acheter des cargaisons considérables de thé,
qui y sont vendues, s'il leur était possible de
faire mieux à New-York, et je maintiens,
par conséquent, que Montréal et Québec
sont en position, aussitôt qu'ils en auront
l'opportunité, d'offrir un meilleur marché
pour ces provinces que les Etats-Unis.
( Ecoutez ! écoutez !) Sous le traité de réciprocité et le système de transit, dans
une
période de quinze années environ, notre
commerce avec les Etats a augmenté de
$9,000,000 à $37,000,000 ce qui fait quatre
cents pour cent. En 1862, les importations
canadiennes traversant le territoire des Etats-
Unis représentaient une valeur de $6,000,000,
et si nous ne suivons pas avec soin les progrès
du commerce tant chez nous qu'aux Etats-
Unis nous serons exposés à perdre ce qui
est absolument nécessaire à la prospérité de
notre propre pays. Dans ces temps de progrès
rapides il faut que les hommes marchent les
yeux ouverts et avec les événements du jour.
(Ecoutez ! écoutez !) Et je suis prêt à
démontrer, comme j'ai déjà. essayé de le faire
jusqu'à un certain point, et mon opinion est
formée là-dessus, qu'avant que le chemin
de fer intercolonial puisse être construit,
nous aurons assez d'affaires à lui donner
pour qu'il paye ses dépenses, (écoutez !
écoutez !) de sorte que la province ne souf
frira aucune perte lorsque le chemin sera
fait, c'est-à-dire dans trois ans d'ici si
nous nous mettons de suite à l'œuvre. Mais
je suppose que si cette union se fait, il
s'écoulera quelque temps après que la confédération aura eu lieu, avant de décider
quelle marche on adoptera pour sa construction, et quand même on en pousserait l'établissement
avec la plus grande vigueur, il
faudra au moins quatre ans avant qu'il ne
soit en état d'être livré à la circulation.
Je considère qu'il est tout-à-fait regrettable
que nous ayons tardé aussi longtemps à le
commencer ; si l'on tient compte de la nature
de nos relations actuelles avec les Etats-Unis,
ce chemin devrait exister à l'heure qu'il est,
et je dis qu'il aurait payé ses dépenses au
bout d'une autre année. (Ecoutez ! écoutez !) Quelques hons. messieurs repoussent
le projet sous prétexte qu'il n'a pas été suffisamment répandu pour que le peuple
de ces
provinces ait pu en prendre connaissance.
Je ne comprends point cette objection : il
n'est pas une des clauses du document aujourd'hui sous considération qui n'ait été
publiée à Québec avant que les délégués
n'eussent quitté cette cité.
L'HON. M. SIMPSON.— Mais on a nié
que ce fût une copie authentique des résolutions de la conférence.
L'HON.M . SIMPSON .—La copie du
document qui m'a été envoyée portant cette
marque : " confidentielle," et, en conséquence, je ne pus en faire aucun usage.
L'HON. M. FERRIER.—Je pensais que
les hons. membres à qui ces documents
avaient été envoyés avaient parfaitement compris la signification du mot " confidentielle."
(Ecoutez ! écoutez !) Je fus invité a une
assemblée très considérable, a laquelle assistaient presque tous les principaux marchands
de Montréal, exactement après le départ des
délégués pour leurs foyers. Cette assemblée
201
dura toute la nuit. Je crois que nous nous
séparâmes à une heure avancée du matin.
Le tiers de l'assemblée, je pense, était composé en apparence de gens qui y étaient
venus pour opposer le projet. Heureusement que nous avions avec nous un monsieur
qui s'était rendu très familier avec la question, et qui fut en état de donner des
explications et de faire face à toutes les objections
et questions qui lui furent faites par les
différents opposants. Le résultat de cette
assemblée fut qu'au moment de nous séparer il ne se trouva qu'un seul homme
qui se prononça positivement contre le
projet, (écoutez ! écoutez !) et cet homme
déclara que la raison de son opposition
était que, selon lui, cette mesure donnerait aux Canadiens-Français les moyens de
nous chasser, nous Anglais, de la province inférieure. Je maintiens que l'opinion
publique en Canada n'est pas contre le projet
de confédération. (Ecoutez ! écoutez !) S'il
en eût été ainsi, nous aurions vu les pétitions pleuvoir sur nous de toutes parts.
Je
ne pense pas que la mesure soit parfaite,
mais nous devrions l'essayer avec une hon
nête détermination de la faire fonctionner,
et si nous la trouvons défectueuse nous
pourrons la motifier, car il ne s'agit pas ici
d'une loi immuable comme les lois des
Mèdes ou des Perses. La constitution de
1841 a été amendée plus d'une fois ; elle l'a
été au moins deux fois depuis l'Union. Si
nous nous apercevons que certaines parties
du système ne fonctionnent pas; si, après
l'établissement de la confédération, nous,
découvrons qu'il y a eu quelque légère
erreur de commise, nous aurons alors, sans
aucun doute, le pouvoir et l'autorité de la
corriger. J'ai confiance que ce projet sera
emporté par une grande majorité dans cette
chambre, aussi bien que dans l'assemblée
législative ; et que les législatures des provinces d'en-bas l'adopteront aussi. Si
cela
arrive, hons. messieurs, nous entrerons dans
une nouvelle ère de l'histoire de l'Amérique
Britannique du Nord. (Ecoutz ! écoutez !)
Je crois qu'une Providence divine préside
aux destinées des nations, et je crois ne la
divine Providence a guidé dans leurs délibérations les hommes d'état qui assistaient
à la
conférence, et a su concilier d'une façon miraculeuse des intérêts si divergents.
Quelle
était notre condition politique le 14 de juin
dernier, il y a huit mois seulement ? Quelle
était alors notre condition politique, et qu'elles
sont les causes qui ont rétabli l'harmonie
entre les chefs des partis politiques qui
luttaient alors avec fureur et comme dans
un combat à mort pour la possession du pouvoir ; qui les a unis, dis je, dans des
liens
d'amitié intime ? Qui a engagé les gouvernements du Nouveau-Brunswick, de la
Nouvelle - Ecosse, de Terreneuve et de
l'Ile du Prince-Edouard à envoyer leurs
premiers hommes d'état, représentant leurs
deux partis politiques, pour s'entendre avec
notre gouvernement de coalition ? Ça été
la toute puissante Providence. Un gouvernement de parti n'aurait jamais réussi à
créer un projet d'union comme celui-ci.
Si nous rejetons la confédération projetée,
nous refusons de jeter les bases d'une grande
nation, dépendant de l'empire britannique.
Lorsque je devins en âge je considérai quel
pays j'adopterais, et je choisis le Canada. J'y
ai vécu 44 ans. Je me suis identifié aux
progrès de ses institutions, dans tous les cas
de celles du Bas-Canada, et particulièrement
de Montréal. J'ai en le plaisir de participer avec d'autres à l'organisation de quelques
unes de ces institutions. J'en ai vu quelques
unes prospérer, et d'autres qui tomberont
pobablement, comme cela arrive dans tous
les pays du monde. Durant cette période,
j'ai aussi voyagé dans une grande partie de
l'Europe et dans quelques parties de l'Asie
et de l'Afrique. J'ai vu des peuples gouvernés par des institutions monarchiques ;
quelques-uns passablement prospères et d'autres qui l'étaient moins. J'ai aussi vu
des
peuples gouvernée par des despotes, quelques
uns vivaient assez heureux, autres étaient
soumis au pire des esclavages. J'ai vu
des gouvernements républicains en Europe, et il va sans dire que j'ai visité la
grande république qui nous avoisine. J'ai
aussi vu des peuples soumis au gouvernement
de l'église, mais je n'ai pas rencontré de
peuple comparable à ceux qui vivent sous
le gouvernement de la Grande-Bretagne, de
peuple possédant une liberté aussi étendue,
ou une protection aussi complète de la
personne et de la propriété que les peuples
qui s'abritent sous le drapeau de la vieille
Angleterre ! (Ecoutez ! écoutez !) Et si j'avais à recommencer mon choix aujourd'hui,
après une expérience de 44 ans, je choisirais encore le Canada pour ma patrie. Je
sens qu'à l'âge où je suis il me reste peu de
temps à vivre, mais aussi longtemps que le
Tout-Puissant me laissera sur cette terre je
serai heureux d'employer toutes mes aptitudes à assurer l'accomplissement de ce projet,
202
et je prie le ciel qu'il réussisse, parce qu'il
est appelé à jeter de nouveau les bases de
l'une des plus importantes dépendances de
l'empire britannique. J'espère que je ne
vivrai jamais pour la voir dans une condition
autre que celle de dépendance britannique.
Hons. messieurs, j'aurai beaucoup de plaisir
à voter en faveur des résolutions de l'hon.
et preux chevalier (Applaudissements).
L'HON. M. SEYMOUR—Hons. messieurs :—Je désire faire une ou deux observations en réponse à une assertion
faite par
mon hon. ami le commissaire des terres
de la couronne relativement aux objections
que, dans une occasion antérieure, j'énonçai
contre les détails de ce projet. Cet hon. monsieur, après avoir expliqué un ou deux
points
de peu d'importance, en fit autant des autres
en disant que je m'opposais à tout. Comme on
pourrait induire de cette assertion,—si je
n'étais pas connu comme je le suis des hons.
membres de cette chambre, —que j'ai été
factieux dans mon opposition, je désire préciser ce à quoi je me suis opposé. Ayant
toujours été un zélé partisan du retranchement et de la réforme financière, je me
suis
opposé aux dépenses exorbitantes du gouvernement. Je me suis opposé à l'extravagance
qui a fait que les dépenses du gouvernement civil du Canada ont excédé celles
d'aucun autre pays au monde proportionnellement au revenu. Je me suis toujours
opposé aux déboursés de deniers non autorisés
par le parlement. (Ecoute z! écoutez !) Je
me suis toujours opposé aux octrois extravagants et aux subventions accordées à la
compagnie du chemin de fer Grand Tronc.
(Ecoutez ! écoutez ! Mon hon. ami de
l'autre côté de la chambre (M. FERRIER)
nous a parlé des bienfaits conférés par
le chemin de fer Grand Tronc, et des immenses capitaux placés dans cette entreprise
par les capitalistes anglais. Il est vrai
que l'oeuvre fut. entreprise par eux, mais le
Canada a contribué sa large part et rempli
toutes les conventions. Plus que cela, le
Canada a payé pour ses chemins de fer a
raison de trente mille piastres par mille.
Le Canada a contribué our $15,142,000 en
principal et $5,400,000 en intérêt, abstraction faite d'une foule d'autres items
moins considérables. Si l'on établit un
calcul avec ces chiffres, on trouvera,
comme je l'ai dit, que le Canada a donné
$30,000 par mille pour toutes les voies
ferrées dont il avait besoin, de Québec à
Toronto, pour établir une correspondance
avec le Grand Occidental et former une
artère traversant la province et finissant
à Sarnia. Si des sommes considérables ont
été dépensées, si des montants énormes ont
été gaspillés, les entrepreneurs anglais n'en
ont-il pas profité? Le peuple du Canada peut-
il être blâmé ? Le projet fut conçu par des
capitalistes anglais, et le Canada a rempli
toutes ces obligations. (Ecoutez ! écoutez !)
Maintenant, il est un autre grief que j'ai
combattu. Je me suis toujours opposé au
système relâché adopté pour l'administration
des terres de la couronne, système qui a eu
l'effet de morceler notre magnifique domaine.
Je n'entends pas appliquer ces remarques à
mon hon. ami le commissaire des terres de
la couronne. Il n'occupe cette charge que
depuis quelques mois, et je n'ai pas encore
vu son rapport. Mais je fais allusion au
passé ; je dis que tout ce domaine a été
gaspillé pour faire face à des dépenses inu tiles. Il est aussi une autre mesure que
j'ai
opposée ; c'est le bill de milice de 1862. Je
conviens que je me suis opposé à cette mesure. Elle était de nature à faire encourir
au pays une dépense énorme, qui aurait
épuisé nos ressources dans un temps où cette
dépense n'était pas nécessaire. Je vous le demande, hons. messieurs, l'affaire du
Trent
n'était-elle pas réglée à cette époque ? Le
gouvernement américain n'avait-i1 pas souscrit aux demandes de la Grande-Bretagne
;
et cette dépense était-elle motivée par
quelque danger ? Il est une dépense que
jai opposée peut-être à tort. J ai opposé
le bill des subsides en 1858, de concert avec
mon hon. ami le commissaire des terres de
la couronne. (Ecoutez ! et rires.) Je ne
saurais dire si le vote que je donnai en
cette occasion est juste au point de vue
constitutionnel, mais tous les votes que
j'ai donnés dans cette chambre ou dans
l'autre branche de la législature, l'ont
été avec la conviction qu'ils étaient dans
l'intérêt de mon pays natal. (Ecoutez !)
L'autre jour, mon hon. ami le commissaire
des terres de la couronne a fait allusion à
l'esprit conservateur du sénat des Etats-
Unis qui alloue le même nombre de représentants aux petits Etats qu'aux grands.
Mais cette disposition n'affecte en aucune
manière l'arrangement général parce que les
états considérables forment la grande majorité. Mais puisque mon hon. ami approuve
ce détail, il aurait dû donner son opinion
sur le système entier. Aux Etats—Unis, la
constitution ne peut pas être changée
203
sans le consentement des deux tiers des
deux chambres de la. législature, et tout
tel changement doit être ensuite sanctionné
par les trois quarts des gouvernements
d'Etats. Voilà aussi un détail d'un caractère
conservateur. Maintenant, voyons quelles
sont les constitutions des gouvernements
d'Etats. J'ai devant moi une clause de la
constitution de l'un des plus anciens états,
—le Connecticut,—qui pourvoit à ce que :
" Chaque fois qu'une majorité de la chambre
des représentants jugera nécessaire de changer
ou amender cette constitution, elle pourra proposer
tous tels changements et amendements—lesquels
amendements proposés seront continués jusqu'à
l'assemblée générale suivante, et seront publiés
avec les lois qui auront pu étre passées à la même
session ; et si les deux-tiers de chaque chambre, à
la session suivante de la dite assemblée, approuvent les amendements proposés, par
oui et par
non, les dits amendements seront transmis par le
secrétaire au greffier de ville de chaque ville de
cet état, dont le devoir sera de les présenter à ses
habitants, pour leur considération, à une assemblée de ville légalement annoncée et
tenue pour
cette fin ; s'il apparait, en la manière pourvue par
la loi, qu'une majorité des électeurs présents aux
dites assemblées, a approuvé tels amendements,
ils seront valides à toutes fins et effets comme
partie de cette constitution."
Voilà comment l'un des lus anciens Etats
veille aux droits et aux libertés de sa population. Voici un autre extrait de la constitution
de l'état du Mississippi, l'un des
nouveaux états, qui montre comment le
peuple y est protégé contre les innovations
préoipitées :
" Chaque fois que les deux-tiers de l'assemblée
générale jugeront nécessaire d'amender ou de changer cette constitution, ils recommanderont
aux
électeurs, à l'élection suivante des membres de
l'assemblée générale, de voter pour ou contre une
convention ; et s'il apparait qu'une majorité des
citoyens de l'état, votant pour l'élection des représentants, a voté en faveur d'une
convention,
l'assemblée générale, sa session suivante, appellera
une convention, qui se composera d'autant de
membres qu'il pourra y en avoir dans l'assemblée
générale, qui devront être choisis par les électeurs,
en la manière et aux époques et endroits fixés
pour le choix des membres de l'assemblée
générale,—laquelle convention s'assemblera dans
les trois mois qui suivront la dite élection, dans
la vue de reviser ou changer la constitution."
Maintenant, à part cela, qu'avons-nous vu ?
N'avons-nous pas vu, tout dernièrement,
effectuer des changements à la constitution
relativement à l'esclavage, et ces amendements ont-ils été mis en force avant d'être
ratifiée par les gouvernements d'Etat? Comparer, maintenant, cette manière d'agir
avec
celle adoptée relativement au projet,—appellation tout à fait correcte,—de confédération
soumis à cette chambre. Par qui ces
délégués furent-ils nommés ? Leur nomination
n'émane-t-elle pas d'eux-mêmes ? (Ecoutez !)
Les ministres du conseil exécutif ne se sont-
ils pas eux-mêmes constitués en délégation?
(Cris de " non, non," et " oui oui. ") Et
les membres des conseils exécutifs des provinces d'en-bas, ne se sont-ils pas aussi
eux-
mêmes constitués en délégation ? Ils ont
préparé un projet qu'ils ont soumis au parlement, et quel est ce projet? Ce projet
a
été incorporé dans des résolutions qu'on a
envoyées aux membres de la législature avant
la réunion des chambres et sur lesquelles
on avait apposé le mot " personnel," tant à
l'extérieur qu'à l'intérieur. Est-ce qu'il est
un hon. membre de cette chambre qui se soit
senti libre de se présenter à ses électeurs
pour leur expliquer ces résolutions? Est-il
un hon. membre de cette chambre qui se
soit senti libre de convoquer une assemblée
de ses électeurs pour leur dire : voici un
projet sur lequel je vais être appelé à voter
à la prochaine session de la législature ? Non,
il ne pouvait le faire ! Quelques journaux
publièrent ce qu'on prétendait être les résolutions, mais ont-elles été répandues
par tout
le pays de façon à ce que le peuple put en
prendre connaissance et les juger ? Non,
elles n'ont pas été ainsi mises en circulation,
et pour quelle raison ? Le secrétaire provincial n'a il pas fait signifier à la presse
un
ordre déclarant que toute feuille qui ne
supporterait pas la confédération, n'aurait
pas le patronage du gouvernement ? N'ayant
pas été élu par le peuple, je ne me crus pas
libre d'exprimer publiquement mon opinion
sur ces résolutions. Est-il un seul hon. membre qui les ait soumises à ses commettants
et leur ait expliqué chacun des détails ?
L'HON. M. MACPHERSON.—L'hon.
membre a tort de vouloir créer une fausse
impression ; moi, pour un, j'ai tenu, pendant
quelque temps, deux assemblées par jour et
j'ai expliqué pleinement la mesure à mes
commettants.
L'HON. M. SEYMOUR.—Mon hon. ami
leur a-t-il dit combien coûterait ce chemin de
fer intercolonial ou combien le Haut-Canada
aurait à contribuer à cette dépense ? Ou
bien encore, qu'il serait construit par le gouvernement et maintenu comme les autres
travaux publics. J'aimerais beaucoup a entendre mon hon. ami se prononcer là-dessus
devant une assemblée publique. (Ecoutez !)
204
Mon hon. ami le commissaire des terres
de la couronne nous a dit qu'il leur avait
fallu faire des concessions ; mais comment ces concessions ont-elles été faites ?
Malheureusement, elles ne l'ont été que par
un seul parti, et en faveur des provinces
d'en-bas. Il n'a été fait aucune concession
au Canada, pas plus au Bas qu'au Haut,
mais elles ont toutes été en faveur des provinces inférieures. Et pouviez-vous espérer
d'autre résultat de la confédération, lorsque
la petite province de l'Ile du Prince-Edouard,
et la petite province de Terreneuve, envoyaient des représentants de la même manière
et en même nombre que toute la province
du Canada ? Pouvait-on espérer que les délégués du Canada fourniraient tous les
talents ? Quelque soit mon estime pour
les talents des membres du conseil exécutif,
je pense que les provinces d'en-bas possèdent
des hommes d'un talent suffisant pour régler
les détails d'un plan de cette nature. Lorsque le Canada, avec sa population de trois
millions d'âmes, et ses onze millions de
revenu, était représenté à la conférence par
douze membres, et que les provinces maritimes avec une population de 800,000 âmes
seulement, et un revenu de moins de $3,000,000, y étaient représentées par près de
deux
contre un, pouvait-on espérer qu'il serait
fait un arrangement favorable pour nous ?
(Ecoutez !) Mon hon. ami dit qu'ils ont voté
par province, mais c'est exactement la même
chose. Maintenant, qu'elle a été la première
concession ? La première concession a été
d'accorder 28 membres de cette chambre a
ces provinces, qui n'ont que 800,000 habitants,
et qui ne paient qu'un revenu minime, tandis
que dans le Haut-Canada nous avons un
million et demi d'habitants, et nous contribuons pour sept ou huit millions de piastres
au revenu, et cependant nous n'aurons que 24
conseillers législatifs. C'est là la première
concession qui a été faite pour amener
les provinces d'en-bas à supporter le projet. Et n'est-il pas vrai que cette chambre
aura, jusqu'à un certain point, le contrôle de
la législation, et n'y avons nous pas droit ?
Il y a encore un autre fait à propos des provinces d'en-bas dont je dirai un mot maintetenant.
Le cens électoral est plus bas là
qu'ici ; elles ont presque le suffrage universel.
Les personnes qui sont portées sur les rôles
de cotisation pour un petit montant de propriété mobilière, peuvent voter aux élections
des membres du parlement confédéré. Ici
les membres sont élus par les personnes cotisées pour des propriétés foncières d'une certaine valeur. C'est là un autre question
dont on aurait dû s'occuper. Il n'est pas
juste que les membres du parlement général
soient élus dans ces conditions. (Ecoutez !)
Tout le plan n'est, de fait, qu'une affaire
de concessions, et toutes de notre côté. La
répartition de la dette publique à tant par
tête, au lieu de la baser sur le revenu, est une
autre erreur. Mon hon. ami le représentant
de Saugeen (M. MACPHERSON), que je ne
vois pas à sa place, a dit l'autre jour que mes
arguments étaient spécieux ; que dans le
cas actuel, la répartiton par tête de la population était celle qui devait être adoptée.
Le revenu n'est-il pas le moyen de payer la
dette ? Doit-on prendre la population en considération ? Je convaincrai mon hon. ami
que son raisonnement n'est pas exact, au
moins il n'est pas tel que je l'aurais attendu
d'un homme qui occupe sa position dans le
pays. La population est-elle toujours la
richesse ? Non ; c'est une richesse quand elle
peut être employée avec profit ; c'est une
richesse quand on peut l'employer dans les
manufactures, ou dans la culture de bonnes
terres. Mais regardez l'Irlande, où la population a été une, source de pauvreté !
L'HON. M. MACPHERSON.—Ce que j'ai
dit, c'est que le revenu antérieur n'était pas
une juste mesure pour établir ce que chaque
province devait payer. A l'avenir nous aurons un tarif uniforme. Je suis sûr que mon
hon ami ne dira pas que dans ce pays la population est une source de pauvreté.
L'HON. M. SEYMOUR.—Mon hon. ami
dit qu'il adopte un plan pour le passé et un
autre pour l'avenir. Quelle justice y a-t-il
là-dedans ? Nous n'avons qu'à regarder le
système proposé pour voir l'effet qu'il aura.
Si le Nouveau-Brunswick, avec un million
de revenu peut apporter sa dette de sept
millions dans la confédération, alors, en
suivant la même règle, le Canada devrait
entrer dans la confédération avec toute sa
dette et même davantage. Le revenu probable du Canada est de onze millions. Le
premier venu peut calculer cela et voir que
le Canada n'aurait pas dû avoir de dette à
payer pour ses deux gouvernements locaux ; mais avec ce principe de concession,
comme de raison, il faut que le Canada se
soumette. Maintenant, pour faire voir le
fonctionnement du système, voyez l'effet du
taux de 80 cts. par tête. Le Haut-Canada
paiera $1,540,000 au gouvernement général,
et en recevra $1,120,000 pour le gouverne
205ment local ; c'est-à-dire, en supposant que le
Haut-Canada contribue pour les deux tiers
au revenu des provinces unies. Cela a été
admis par l'un de ceux qui occupent aujourd'hui une position élevée dans le gouvernement.
C'est là le magnifique projet que
mon hon. ami de Saugeen loue et approuve !
Vous payez d'après votre richesse, et la
différence contre le Haut-Canada est de
$420,000 ; ou en d'autres termes, le Haut-
Canada paie d'une main $1,540,000, et reçoit
de l'autre $1,120,000. C'est là le fonctionnement du système qui a été adopté contre
les intérêts non seulement du Haut-Canada
mais de tout le Canada. La troisième concession est la somme qui doit être payée à
Terreneuve, comme compensation du fait
que cette province n'est pas endettée. Il
peut y avoir, je l'admets, un semblant de
justice en cela, mais la somme qui lui est
accordée est beaucoup trop forte. Le Canada continuera à augmenter, tandis que
nous ne pouvons pas attendre grand'chose
de Terreneuve. La quatrième concession
sont les 80 cts. par tête dont je viens
de parler, et j'en ai fait voir l'opération,
qui nous est decidément contraire. Viennent ensuite les $63,000 par année au
Nouveau-Brunswick pendant dix ans. J'ai
été bien content d'entendre mon hon.
ami le membre de Saugeen (M. MACPHERSON ) désapprouver cela. Je suis
heureux de le voir, lui qui est un si fort
partisan du projet, admettre que cela est
mal. J'ai fait mes calculs au point de vue
haut-canadien ; mais tant que union a été
maintenue, je n'ai jamais élevé la voix pour
faire de comparaison. Je désire conserver cette
union. (Ecoutez !) Mais aujourd'hui nous
sommes forcés d'accepter ce projet tel qu'il
est, sans amendement sous aucun rapport ; je
ne veux qu'indiquer que sur le principal que
représente cette somme de $63,000, et que
mon hon. ami ne peut approuver, le Haut-
Canada paiera $367,000. Ensuite l'on donne
$150,000 par année à Terreneuve,—ce qui
est une sixième concession faite pour des
terres sans valeur. Cette somme représente
un capital de trois millions. Les terres des
autres provinces sont bien soignées, mais que
valent celles de Terreneuve ? Elles n'ont
aucune valeur quelconque. Lorsque mon
hon. ami le commissaire des terres de la
courrone aura le contrôle de toutes ces
terres, je suis sûr qu'il aura les mains
pleines. Les terres des autres provinces
valent la peine d'être gardées, et on leur en
a laissé l'administration ; mais comme ces
terres se trouvent n'être bonnes à. rien, on les
abandonne au gouvernement général. Si
elles eussent eu la moindre valeur, on les
aurait aussi gardées. Mais il y a encore une
autre question. L'on propose de prendre
les chemins de fer du Nouveau-Brunswick
et de la Nouvelle-Ecosse, et d'en faire des
travaux publics. Je suppose que l'on me dira
que les canaux du Canada sont aussi pris
comme travaux publics de la confédération ;
mais il existe une très grande différence
entr'eux. Les chemins de fer n'existent que
depuis quelques années; ils seront bientôt
usés, et devront être entretenus aux frais du
gouvernement ? N'avons-nous pas vu abolir
les péages sur nos canaux, et le gouvernement confédéré ne croira-t-il pas nécessaire
d'abolir les prix payés sur ces chemins de fer,
et alors ne seront-ils pas entretenus comme
le sont tous les travaux publics, au moyen
d'une énorme perte pour le gouvernement.
(Ecoutez !) Mon hon. ami le représentant de
Niagara (M. CURRIE) n'était pas tout à fait
exact, l'autre jour, je crois, dans ce qu'il a
dit sur le Haut-Canada. (Rires et écoutez !)
D'après le recensement de 1861, la valeur des
terres en culture dans le Haut-Canada était
de $295,162,3l5, et dans le Bas-Canada
$ l68,482,546, formant un total de $463,594,861. Dans le Haut-Canada, le bétail était
évalué à. $53,227,516 ; dans le Bas-Canada.
$24,572,124. Blé, Haut-Canada, $24,640,425 ; Bas-Canada, $2,563,114. Autres espèces
de grains, Haut-Canada, $38,123,340 ;
Bas-Canada, $23,534,703. Pour ce qui est
du bois, de la richesse minérale, des manufactures et des pêcheries, le Haut-Canada
est parfaitement égal au Bas-Canada et aux
provinces maritimes. Je crois que si le Haut-
Canada était laissé à lui-même et s'il n'était
pas écrasé, réduit à l'impuissance par ces
nouvelles concessions, le Canada tout entier
deviendrait plus prospère, pourvu que nous
évitions à l'avenir toute dépense extravagante
et inutile. Comparez ces ressources à celles
des provinces maritimes ! L'hon. premier
ministre a parlé de la richesse de ces provinces
en bois et en minéraux. Mais le bois s'épuisera et ces provinces ne croîtront plus
en
richesse, tandis qu'au Canada, avec un sol
productif et une population active, notre
prospérité doit nécessairement s'accroître.
Quelle est la valeur de ces mines dont on
nous parle? A la Nouvelle-Ecosse le droit
régalien sur le charbon ne produit que $28,000, et sur les mins d'or, seulement $20,000
206
qu'avons-nous à attendre de plus de ces provinces ? La Nouvelle-Ecosse ne produit
point
de bois et, par conséquent, son revenu ne
saurait augmenter, tandis qu'au Canada
notre richesse dépend du climat et du sol.
(Ecoutez !)
L'HON. M. CAMPBELL—Mon hon.
ami ne prétend pas assurément que les ressources de la Nouvelle-Ecosse ne peuvent
augmenter ; elles ont au contraire doublé
depuis un an.
L'HON. M. SEYMOUR.—Qu'offre-t-elle
à part ses mines de charbon ? On ne prétendra pas qu'il s'y trouve du bois. En augmentant
le tarif, le revenu s'accroîtra, c'est
vrai, mais il ne doublera pas. Si le tarif
augmente, la consommation diminuera. C'est
un argument spécieux de dire que le revenu
double avec le tarif.
L'H0N. M. CAMPBELL—En 1859, le
revenu de la Nouvelle-Ecosse était de
$689,000, et l'année suivante il monta jusqu'à $1,249,000 ; depuis, il n'a fait qu'augmenter
encore et mon hon. ami prétend
qu'il ne peut pas s'accroître.
L'HON. M. SEYMOUR.—Je n'ai pas les
chiffres que mon hon. ami vient de citer,
j'ai pris ceux de 1862. Il y a les droits
d'accise, mais ces droits locaux seront payés
au gouvernement local. Le Haut-Canada
s'est toujours plaint de ce que, fournissant
les deux-tiers ou les trois-quarts du revenu,
il n'a pas un contrôle suffisant dans la législature et ne reçoit pas du trésor une
somme
proportionnée à ce qu'il paie. La confédération remédiera-t-elle à cela? Depuis Montréal
en allant à l'est le contrôle n'est-il pas
proportionné aux concessions faites aux
provinces maritimes ?
L'HON. M. CAMPBELL.—L'équilibre
sera rétabli lorsque la Rivière-Rouge fera
partie de la confédération.
L'HON. M. SEYMOUR.—— J'ai bien peur
qu'aucun d'entre nous ne vive assez longtemps
pour voir la réalisation de ce fait. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention les discours
des hons. membres qui ont parlé avant moi,
et j'ai lu le rapport des débats de l'assemblée
législative, et le seul argument valable que
j'aie entendu donner en faveur du projet est
que, par ce moyen, notre union avec la mère-
patrie sera consolidée. (Ecoutez ! écoutez !)
Je le dis aussi avec conviction, cette union ne
doit pas étre rompus. Nous sommes infiniment mieux à l'ombre du drapeau anglais
que nous ne serions avec les Etats-Unis ;
(Ecoutez ! ) mais qu'on nous donne des
raisons, qu'on nous dise comment notre
union sera resserrée ? Pouvez-vous changer la position géographique du pays ?
Pouvez-vous, d'un jour à l'autre, augmenter
notre population et nos ressources ? Votre
revenu n'augmente pas, votre population
reste la même, et la position géographique
ne saurait changer Me direz-vous que les
populations des provinces maritimes sont
prêtes a dépenser des sommes considérables
pour la défense du pays. Pour montrer ce
qu'on pense à ce sujet dans ces régions, je
vais lire un extrait d'un exposé du secréraire
des finances de la Nouvelle-Ecosse :
" En ce qui regarde la somme qu'on veut
affecter à la milice,—$20,000,—l'hon. chambre
peut croire qu'elle est considérable, vu l'état actuel
de nos finances. Mais, si on considère les sommes
énormes déja dépensées et celles qu'on se propose
d'affecter à cet objet en Canada, on se demande
s'il serait même convenable pour la Nouvelle-
Ecosse, en tenant compte des efforts du gouvernement anglais, de voter une somme moindre"
?
On allait dépenser $20,000 au moment
où le coûteux bill de milice qu'on connait
se discutait devant notre législature ! (Ecoutez !) La Nouvelle-Ecosse proposait vingt-
mille piastres alors qu'on nous répétait ici
tous les jours que nous étions menacés d'une
invasion ! L'hon. premier-ministre de la
Nouvelle-Ecosse proposait de réduire ce
montant à. $8,000. Voici ce que lui répondait le secrétaire des finances :
" Dans des circonstances ordinaires, j'opterais
avec l'hon. monsieur pourqu'on retranchât $12,000
du budget de la milice ; mais, en vue des sommes
considérables que vont dépenser le Nouveau-
Brunswick et le gouvernement impérial pour notre
défense, je crois que le moins qu'on puisse faire
est que le montant de $20,000 soit maintenu. Le
gouvernement aurait manqué aux plus simples
convenances en n'inscrivant pas cet item dans le
budget, et il se maintiendra ou tombera sur cette
motion que l'honneur du pays exige."
L'honneur de la Nouvelle-Ecosse était au
prix de ces $20,000, le Nouveau-Brunswick
dépensa la même année $15,000. J 'ai combattu le coûteux bill de milice soumis à cette
chambre. Mais, à cette époque, le gouvernement dépensait par année plus d'un demi-
million de piastres pour la milice ; j'admets
même qu'aujourd'hui il va assez bon train
sous ce rapport. (Ecoutez !) On nous a dit
aussi que le projet de confédération allait
rétablir le crédit du pays. Mon hon. ami
de la division de Saugeen nous a dit qu'en
Angleterre, à la réception de la nouvelle de
ce projet, nos fonds ont monté de quinze à
207
dix-sept pour cent. Quelqu'un prétendra-t-il
que telle était la vraie raison de cette hausse ?
L'HON. M. SEYMOUR.—J'ai ici, d'après le
Times de Londres, la cote des fonds
canadiens au 7 novembre, date de la lettre
dans laquelle Son Excellence transmettait
la nouvelle de l'acceptation du projet par
les délégués, et je trouve que les fonds
avaient monté de 86 à90.
L'HON. M. MACPHERSON.—Je ne me
suis point trompé en disant que nos fonds
avaient monté par suite de cette nouvelle.
J'insisterai auprès de l'hon. membre pour
une explication plus satisfaisante.
L'HON. M. SEYMOUR.—Tout le monde
sait que mille causes diverses influent sur le
mouvement des fonds anglais, le taux d'intérêt de la banque d'Angleterre, etc., etc.
Or, je trouve que le 7 novembre les fonds
canadiens étaient cotés de 86 à 92, tandis
que le 25 novembre, époque à laquelle la
nouvelle de la confédération devait être
reçue, ils étaient cotés de 88 à 92. Et
aujourd'hui que l'adoption de cette mesure
est presque certaine, la cote est de 81 à 83.
L'HON. M . MACPHERSON.—Je suppose
que l'hon. monsieur connaît les causes de
cette baisse : à peine le résultat des délibé
rations de la conférence était-il connu en
Angleterre, que l'excursion de St. Alban
eut lieu et produisit une baisse de dix-sept
à dix-huit pour cent sur les fonds canadiens.
L'HON. M. SEYMOUR.—La sage politique du gouvernement anglais nous a au
moins tenus en bons termes avec nos voisins.
Il est vrai qu'ils ont établi un système de passeports, mais ils vont les abolir,
et nos relations resteront les mêmes, sauf le traité de
réciprocité. Tous les hommes d'affaire savent parfaitement que cette hausse des
fonds n'avait rien de commun avec le projet
de confédération. Et quelle influence pouvait avoir ce projet ? qui fait que les fonds
montent ou baissent ? n'est-ce pas la confiance qu'ont les capitalistes que les intérêts
seront payés ? Or, avec la confédération
notre dette ne va-t-elle pas augmenter ? Il
faudra construire et exploiter le chemin de
fer intercolonial, le tout aux frais du Canada. Il faudra maintenir les gouvernements
locaux et le gouvernement général,
et, si on en juge par le passé, il y a peu de
chances de réduction. ( Ecoutez !) Voici ce
que coûtaient les deux gouvernements avant
l'union des provinces : le gouvernement du
Bas-Canada dépensait, y compris les traite
ments des employés, £57,618. Dans le Haut-
Canada nous étions économes. Nous avions
le pacte de famille et nous aurions pu en
avoir un pire. ( Ecoutez ! et rires. ) L'esprit
public ne s'était pas encore abaissé aux pratiques de la corruption. ( Ecoutez! )
Les
dépenses des deux gouvernements réunis
n'excédaient pas £100,000 par an. Que sont-
elles aujourd'hui ? Il y a deux ans les dépenses du service civil, sans comprendre
la
milice, se montaient à trois millions de
piastres, c'est-à-dire que dans un peu plus
de vingt ans les dépenses sont devenues sept
fois plus fortes, et cependant nous n'avons
eu qu'un gouvernement. Mais qu'avons-
nous à attendre, sous ce rapport, du gouvernement confédéré. Tous les hons. membres
le savent, il faudra plaire à tout le
monde et continuer les mêmes dépenses sous
le nouveau régime. On ne peut renvoyer
d'anciens serviteurs, il faudra les employer
ou leur donner des pensions. Peut on
supposer que la confédération va diminuer
nos dépenses ? J'admets que les provinces
maritimes ont été plus économes que nous.
Mais nous aurons à payer les gouvernements
locaux ; il faudra un nouveau personnel dans
chaque province, et ce personnel nous
causera un surcroît de frais. Et les deniers
sortiront de la poche du peuple qui devra
être taxé directement ou indirectement.
Qu'importe que les populations paient une
taxe directe ou aient à supporter des droits
excessifs. Les gouvernements devront avoir
recours, et sur une grande échelle, à la taxe
directe.
Six heures sonnent, l'ORATEUR quitte le
fauteuil ; à la rentrée,
l'hon. M. SEYMOUR
continue :
Je pense, hons. messieurs, que l'importance de ce projet au point de vue financier
sans parler du changement constitutionnel
exige un appel au peuple. Je ne me suis
pas assez étendu sur ce point que le projet
de fédération consolidera notre union avec
la mère-patrie. Tout le parti qui demande
des réformes financières en Angleterre, y
compris le Times et autres journaux influents
qui, pour des raisons de finance, demandent
l'abandon des colonies, a accueilli chaleureusement ce projet. Le gouvernement impérial
sanctionnera la confédération, il n'y a
pas de doute, mais c'est aujourd'hui sa politique de sanctionner toutes les mesures
locales adoptées pour les colonies. En outre
de la presse et des réformistes favorables à
l'abandon des colonies, tel que GOLDWIN
208
SMITH et autres, que disait, il y a quelque
temps à ses électeurs le sous-secrétaire
d'état pour les colonies ? En parlant de
ce projet il déclarait qu'il serait approuvé
par le gouvernement impérial en vue de
changer nos relations avec la mère-patrie
et de nous apprendre à nous défendre par
nous-mêmes. ( Ecoutez !) Il me semble que
cette assertion est assez significative, venant
surtout du sous-secrétaire des colonies, car,
en définitive, cela veut dire que l'Angleterre
se séparera de nous quand cela nous plaira.
( Ecoutez !) Je ne suis pas de ceux qui désirent cette séparation. Loin de vouloir
en
répandre l'idée dans le public je chercherai
toujours à convaincre le peuple qu'il est pour
nous de la plus haute importance de rester
unis à la mère-patrie. ( Ecoutez !)
L'HON. M. DEBEAUJEU.—La presse
étrangère ne nous a-t-elle pas fait des
menaces et ne devons-nous pas nous tenir
prêts ?
L'HON. M. SEYMOUR.—Je suppose
que mon hon. ami fait allusion à la presse
des Etats-Unis. Il est vrai que certains
journaux nous ont menacé d'une invasion
terrible, mais a-t-on jamais en rien d'officiel
dans ce sens et ne sommes-nous pas dans
les meilleurs termes avec le gouvernement
américain ? Allons-nous être dirigée maintenant par quelques journaux à sensations
?
L'HON. M. SEYMOUR.—Pas depuis
qu'il fait partie du gouvernement. ( Ecoutez !
écoutez ! et rires.)
L'HON M. SEYMOUR. —C'est une
petite affaire. ( Rires. ) J'ai fait voir, hons.
messieurs, que ce projet n'avait pas de précédent, même de l'autre côté de notre frontière.
Au milieu des théories républicaines
les plus avancées, nos voisins n'ont jamais
proposé de changer une constitution de
cette manière, … ils n'en ont jamais changé
du moins sans demander par un moyen ou
un autre, le consentement du peuple. L'hon.
M. Ross a fait allusion, je crois, à l'union
de l'Angleterre et de l'Irlande. Tout le
monde sait comment cette union s'est effectuée. Dans son
Histoire de la Constitution,
MAY prétend qu'elle a coûté un million et
demi de livres sterling. Et comment a été
traitée la représentation ? L'Angleterre, qui
est le plus riche des deux pays, a-t-elle
donné prépondérance à l'Irlande comme
nous voulons le faire pour les provinces
maritimes ?
L'HON. M. ROSS.—Mais c'était une
union législative, tandis que chez nous la
représentation sera basée sur la population.
L'HON. M. SEYMOUR.—Cela n'affecte
en rien la question. Quelle était, après
l'union, la représentation de l'Irlande dans
la chambre des communes ? 100 membres
sur 656, et 28 sur 450 dans la chambre des
Lords. Or, l'Angleterre, tout en considérant
cette union nécessaire, ne jugea pas à propos
de donner prépondérance et à faire une juste
part de représentation au royaume nouvellement uni.
L'HON. M. ROSS.—Parce que le parlement anglais n'admet pas le principe de la
représentation d'après la population.
L'HON. M. SEYMOUR—On me dira
tout à l'heure que la nouvelle constitution
n'est ni américaine ni anglaise.
L'HON. M. SEYMOUR. —Ni l'un ni
l'autre—c'est une constitution amphibie.
( Rires. ) En Angleterre aucun changement
important dans les lois ne s'opère qu'après
avoir été discuté durant plusieurs sessions
et est toujours suivi d'un appel au peuple.
Même la question du cens électoral qui,
comparativement à celle qui nous occupe,
est d'une importance secondaire, a été discutée en parlement pendant des années et
la loi une fois passée a été soumise au
peuple. Or, quelles sont les fonctions de la
législature de ce pays ? Ne sommes-nous
pas assemblées ici pour faire des lois avantageuses à la nation ? ( Ecoutez !) Ces
lois
peuvent être abrogées si elles ne conviennent
pas aux populations Mais aujourd'hui on
propose de changer toute la constitution,
toute l'économie intérieure de notre société,
en un mot on veut faire une révolution sans
consulter le peuple et sans pouvoir jamais
revenir sur ce changement une fois qu'il
sera effectué ; cette importante question n'intéresse-t-elle pas chaque propriétaire
canadien aussi bien que nous ? Des millions
de particuliers n'y sont ils même pas plus
intéressés que les membres du conseil exécutif du Canada ? Et voilà que ces messieurs
préparent un projet et le soumettent à la
chambre en disant aux députés du peuple :
" Vous n'avez pas le droit de consulter vos
électeurs sur cette question, vous ne pouvez
rien y changer, il faut l'accepter telle qu'elle
209
est ? Qu'on ne vienne pas me dire à présent
que nous sommes un peuple libre !
L'HON. M. SEYMOUR. — C'est bien ;
mais il faut l'accepter telle qu'on nous la
présente ; toute l'influence du gouvernement
sera employée à la faire passer et elle passera,
je le crains, sans que le peuple ait droit de
souffler mot. On nous dit que telle est la
coutume anglaise, qui ne permet pas même
la passation d'une courte loi pour autoriser
le peuple à voter en pareil cas ;… une chose
certaine c'est que la constitution qu'on nous
propose n'est pas anglaise. ( Ecoutez !) Je
supplie les hons. membres de ne pas adopter
cette mesure sans différer un peu, et sans
avoir l'expression de l'opinion publique. Les
populations qui devront être gouvernées
pendant un long avenir par cette constitution ont droit d'être consultées en ce moment,
et pour le bien-être et la prospérité j'espère
qu'on ne les privera pas de ce droit imprescritible. ( Ecoutez !)
L'HON. M. BENNETT.—Hons. messieurs :
—Après ces nombreux et habiles discours que
nous avons entendus sur ce sujet, il est peut-
être présomptueux de ma part de prendre
parole, ( cris de : parlez ! parlez !) mais je ne
saurais consentir à donner un vote silencieux ;
je croirais manquer à ceux qui m'ont envoyé
ici en ne faisant pas quelques remarques sur
cette question importante. ( Ecoutez ! écoutez !) Je pense que les hons. messieurs
sont
avec moi d'accord pour dire que ce projet est
un des plus importants, le plus important qui
ait encore été soumis à la législature du
Canada. ( Ecoutez ! écoutez !) Nous sommes
à la veille d'être témoins d'un grand changement dans la constitution du pays, du
plus
grand qui ait été vu depuis l'union des provinces ; et je puis bien dire que ce changement
ou tout autre est impérieusement demandé, ou s'il fallait que l'état des choses
actuel se continuât, il serait difficile, sinon
impossible, de faire fonctionner le gouvernement comme il a fonctionné depuis trois
ou
quatre ans. ( Ecoutez ! écoutez !) L'hon. premier ministre a dit que nous étions dans
un
état de transition, et je suis sûr que si
quelque remède n'eût pas été proposé, nous
serions tombés dans l'anarchie, à en juger
par l'esprit de mécontentement que manifestait le pays. ( Ecoutez !) Je ne suis pas
porté à croire, comme semblent l'être quelques hons. messieurs, qu'avec la confédération
nous tomberons dans une espèce d'âge,
d'or, que nous n'aurons plus de crises ni
d'agitations politiques, mais je pense que
nous nous trouverons à peu près comme
auparavant à l'égard des partis, c'est-à-dire
que l'un sera du gouvernement et l'autre de
l'opposition,—état de choses à désirer sous
un gouvernement constitutionnel. Je suis
en faveur d'une opposition tant qu'elle n'est
pas factieuse. ( Ecoutez ! écoutez !) Avec
la différence qui existe entre les lois, la
langue et les institutions des diverses provinces, il est claire qu'une union législative
serait impossible. Le principe de la double
majorité comme remède à nos difficultés a
fait ses preuves d'inefficacité ; la représentation d'après le nombre, qui eut contenté
le
Haut-Canada, a toujours été refusée avec
persistance par le Bas, si bien que je ne
vois pas que nous puissions nous jeter
sur autre chose que la confédération des
provinces. ( Ecoutez ! écoutez !) Je désire attirer l'attention sur la position particulière
faite aux membres élus de cette
chambre par la question actuelle. On a dit
que s'ils votaient pour les résolutions ils se
feraient eux-mêmes conseillers à vie ; que
leurs commettants ne pouvaient vouloir
cela lorsqu'ils furent députés par eux, et que
ce serait ôter au peuple une de ses franchises
que cette chambre n'a pas le pouvoir de
lui enlever. Eh bien ! quant à moi, je puis
déclarer n'avoir jamais entendu faire ces
objections par les électeurs de la divison que
j'ai l'honneur de représenter. Tout ce que
j'ai appris, c'est que l'on voulait que l'adoption de cette mesure fut retardée, et
je maintiens que ce retard ne saurait lui être fatal.
( Ecoutez ! écoutez !) Nous l'avons déjà retarée de plusieurs semaines; au Nouveau-
Brunswick, elle a été remise après les élections générales, et quelqu'un peut-il me
démontrer qu'elle courra quelque danger si
on la remet encore pendant quelque temps ?
Assurément que si cette mesure est bonne
aujourd'hui, elle le sera autant dans une
année. ( Ecoutez ! écoutez !) Les résolutions
ont été élaborées par des hommes habiles et
de talent, mais faillibles comme les autres,
et c'est justement pour cela ne nous devons
les étudier avec soin avant de les adopter.
( Ecoutez! écoutez !) Je suis positif que
c'est l'avis de tous, même des délégués qui
ont rédigé ces résolutions, que si nous en
avions le pouvoir nous en modifierions quelques unes sous certains rapports. Si j'avais
cette faculté, je n'hésite pas à dire que je
leur ferais subir des changements ; mais, au
210
lieu de cela, il nous faut en rejeter ou accepter le tout. Chaque fois que je vois
proposer
des amendements par quelque hon. membre,
il me rappelle le spectateur faisant galerie
à une partie d'échecs. Il s'imagine qu'il
pourrait bien mieux diriger certains mouvements opérés par les joueurs, mais il
reconnaît à la fin que si ses conseils
eussent été suivis il eut fait échec et
perdu la partie. ( Ecoutez ! écoutez !) En
examinant ces résolutions, j'en ai trouvé de
bonnes, et quelques unes susceptibles d'objections, mais j'ai reconnu que le bon l'emportait
sur le défectueux. ( Ecoutez ! écoutez !) J'hésiterais donc à prendre la responsabilité
de faire rejeter la mesure en votant
pour un amendement. ( Ecoutez! écoutez !)
L'HON. M. ALEXANDER.—Hons. messieurs :—Je ne veux pas cette fois entretenir
longtemps la chambre. Mon hon. ami de
Port Hope ( M. SEYMOUR ) jouit de l'estime
et du respect de cette chambre et du pays
pour la conduite intègre et conséquente
qu'il a toujours tenue à l'égard des grandes
questions d'intérêt public, et c'est par conséquent avec crainte que je me hasarde
à
réfuter certains chiffres ( et les déductions
qu'il en a tirées ) donnés par lui relativement
au projet de confédération. Pour qu'il ait
pris cette attitude, il faut certainement que
mon hon. ami ait envisagé la question sous
son plus mauvais jour, car il paraît entrevoir
les plus fâcheuses conséquences de l'union
projetée. Pour combattre ses craintes, il
suffit de penser qu'il dépend de nous, comme
il dépendra des membres de la nouvelle législature fédérée, s'il doit en résulter
du bien
ou du mal. ( Ecoutez ! écoutez !) Si cette législature suit bien la constitution ;
si elle veille
avec économie aux dépenses publiques et empêche tout agiotage (
jobbery ) dans l'exécution des travaux publics, je suis convaincu que
la confédération n'augmentera guère les charges du public, ou, du moins, que nous
n'en
ressentirons pas plus le fardeau qu'à présent.
L'hon. monsieur a particularisé certains cas
de prétendue injustice, entre autres les arrangements financiers pris à l'égard de
Terre-
neuve et de la Nouvelle-Ecosse ; mais je ne
vois pas qu'il y ait une bien grande injustice
envers le Canada de leur avoir accordé une
subvention, peu élevée d'ailleurs, quand d'un
autre côté nous prenons tous leurs droits de
douane et d'excise avec le pouvoir d'établir
un tarif uniforme. Quant à l'insuffisance
probable du revenu du gouvernement général
pour subvenir à ses dépenses ordinaires, je
laisse à mon hon. ami de Port Hope de contredire l'exactitude des chiffres donnés
à
Sherbrooke par le ministre des finances
Pour ma part, je ne l'oserais pas. On a dit
que pour faire face aux dépenses du gouvernement local, il faudrait recourir à l'imposition
d'une forte taxe directe dans le Haut et
le Bas-Canada. Je vais maintenant démontrer que cet impôt ne sera pas nécessaire à
moins que la législature locale ne fasse des
dépenses extraordinaires. Voyons quelle
sera la position du Haut-Canada, qui, par
son allocation de 80 centins par habitant,
devra recevoir $l,120,000. Les items de
dépense locale auxquels il faudra subvenir
avec cette somme se déeomposent comme
suit :-
Instruction publique ................ |
$ 274,112 |
Hôpitaux et institutions de charité… . |
125,000 |
Pénitenciers, prisons de réforme.... |
76,000 |
Sociétés agricoles...……….......... |
52,000 |
Chemins et ponts........................ |
80,000 |
Police.............................................. |
15,000 |
Institutions littéraires et scientifiques.. |
7,000 |
|
$629,112 |
Législation. ................................... |
100,000 |
Gouvernement civil, lieut-gouverneur
et son état-major...................... |
120,000 |
|
$ 849,112 |
Ce qui laisse, pour d'autres objets, une
balance de.............. |
270,888 |
|
$1,120,000 |
Dans la partie du Haut-Canada que j'habite,
le désir général est que la législature
locale ne se composera que d'une chambre
d'environ 30 membres et d'un gouvernement dont la dépense sera très-limitée,
en un mot, une espèce de grand conseil
municipal qui donnerait lieu à peu de
dépense, et si ce désir est réalisé, il n'y
aurait aucune raison d'appréhender la nécessite de l'impôt direct. En prenant la parole,
je n'ai pas eu l'intention de m'étendre longuement sur ces détails ; j'ai seulement
voulu faire connaître dans quel sens je me
prononcerai à l'égard de l'amendement de
l'hon. membre pour la division de Wellington. Puisque le chef du gouvernement
dans l'autre chambre a déclaré que toute
modification d'un détail important serait
pris pour le rejet même du projet, je
ne suis pas prêt à prendre la responsabilité de voter pour un amendement qui
aura ce résultat ( Ecoutez ! écoutez !)
Mais bien que je croie agir selon les vues de
mes mandataires en votant pour la négative,
211
je pense aussi qu'une occasion devrait être
donnée à tout membre de cette chambre
d'exprimer l'opinion de ses commettants sur
ce détail ou sur tous les autres, et je propose
en conséquence, sous forme d'amendement,
secondé par l'hon. M. SKEAD-
" Que les membres de cette chambre devraient
avoir l'occasion d'enregister leur opinion sur le
changement proposé dans la nomination des membres du conseil législatif, et que le
moyen de
parvenir à cette fin de la manière la plus satisfaisante, sans mettre en danger le
projet de confédération comme ensemble, serait pour eux d'enregistrer un mémoire ou
protêt sur les journaux de
cette chambre, énonçant leurs vues sur ce détail
important du projet de confédération ; copie de
ce mémoire ou protêt devant être transmise au
gouvernement impérial avec les résolutions maintenant soumises à cette chambre."
L'HON. M. AIKINS.—Je voudrais bien
savoir dans quelle position je vais me trouver
si l'amendement de l'hon. monsieur est
emporté. (Ecoutez ! écoutez !) Si j'appuie
l'amendement de l'hon. membre pour la
division de Wellington (M. SANBORN), je
devrai, dans le cas où l'amendement sera
adopté, voter également pour les résolutions
principales. Or, comment accorder ces deux
choses ?
L'Hon. M. BOSSÉ—Je ne crois pas que
l'amendement soit dans l'ordre et j'objecte.
L'Hon. Sir N. F. BELLEAU.—Les
réglements de la chambre autorisent les
membres à entrer protêt et, par suite, l'amendement est inutile.
L'HON. M. CURRIE.—Mon hon. ami
de la division de Gore, voudrait-il nous
donner quelques explications au sujet de cet
amendement ?
L'HON. ORATEUR — L'amendement
n'est pas dans l'ordre. C'est une simple
répetition de la 28me règle par laquelle
" Tout membre peut inscrire protêt contre
un vote de cette chambre. A mon avis,
l'amendement n'est pas dans l'ordre. (Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. AIKINS—Comme l'hon.
membre pour la division de Gore désire particulierement se prononcer sur la question
de savoir si le principe électif doit être aboli
ou non, je donnerai, avec la permission de
la chambre, un avis de motion que je propose en amendement à la motion principale
:
" Que les conseillers législatifs devant représenter le Bas et le Haut-Canada au conseil
législatif de la législature générale, seront élus comme
ils le sont maintenant pour représenter les quarante-huit colléges électoraux mentionnée
dans la
cédule A du chapitre premier des statuts refondus du Canada, et devront avoir leur
résidence ou
posséder leur sens d'éligibilité dans le collége qui
les élira."
L'HON. M. CURRIE.— A ce point de la
discussion je crois opportun de revenir sur
quelques chiffres cités par l'hon. membre de
la division de Gore, qui nous a donné à entendre que les gouvernements locaux auraient
amplement de quoi administrer leurs
affaires locales dans les subsides qui leur
seront accordés par le gouvernement général.
C'est fort aise à dire, mais si l'hon. membre
veut bien se reporter à l'époque de l'union
du Haut et du Bas-Canada, il trouvera
qu'immédiatement avant l'union les frais du
gouvernement du Haut-Canada, avec sa législature séparée et sa population de 450,000
âmes, se montaient à $770,000 par année ; et
on nous a dit qu'à cette époque le pays était
gouverné avec économie, honnêteté et convenance. Or, s'il fallait dépenser $770,000
pour gouverner les 450,000 habitants du
Haut-Canada en 1839, combien en coûtera-
t-il proportionnellement pour gouverner la
population actuelle de 1,396,000 dans la
confédération ? La proportion donne : $2,170,
000 par année ou, en d'autres termes, le
double du montant de la subvention locale.
L'HON. M. ALEXANDER. — L'hon.
monsieur oublie que le gouvernement fédéral paiera une large part des dépenses alors
aux charges de la législature locale.
L'HON. M. CURRIE.—Je sais parfaitement quelles seront les charges du gouvernement général ; je n'ignore
pas même qu'il
aura contrôle sur certaines questions laissées
jusqu'à présent à la législature locale. Quant
au Bas-Canada, à l'époque de l'union, il
comptait 650,000 habitants, c'est-à-dire 200,
000 de plus que le Haut-Canada, et les frais
de son gouvernement ne montaient qu'à
$573,348 ; en supposant que la nouvelle
législature locale soit aussi économe que
l'ancienne, cette somme serait aujourd'hui
de $1,230,000,— environ $400,000 de plus
que la subvention locale. Or, cet excédant
devra être prélevé au moyen de la taxe directe. Ces chiffres sont pris dans les comptes
publics, l'hon. membre pour la division de
Gore peut les vérifier, ils sont de plus parfaitement exacts.
L'HON. M. ALEXANDER— Les chiffres
que j'ai cités sont également authentiques,
et j'ose défier l'hon. membre d'en attaquer
l'exactitude.
212
L'HON. M. ARMAND.—Hons. messieurs :
j'ai écouté atttentivement les hons. membres
qui ont parlé sur la question devant cette
chambre. Quelques-uns ont manifesté leur
crainte relativement aux changements de la
constitution. Je suis loin de les blâmer,
mais aucun de ces messieurs n'a donné un
remède aux embarras de la situation. Deux
ou trois hons. membres ont prétendu que la
confédération prenait la législature et le pays
par surprise. Il me semble que ces hons.
messieurs ont oublié qu'en 1859 la question
de la confédération a été agitée dans les
chambres de ce pays et que depuis cette
époque la législature et la presse s'en sont
occupées assez souvent. L'an dernier, la
chambre basse n'a-t-elle pas nommé un comité
pour s'enquérir des maux qui semblaient
nous conduire à l'anarchie, et ce comité
n'a-t-il pas fait rapport que le remède à cet
état de choses était la confédération ? Ces
messieurs semblent aussi oublier que depuis
que le gouvernement a fait connaître sa
politique par l'un de ses membres, l'hon.
ministre des finances, dans son magnifique
discours à ses électeurs,—discours qui a été
distribué dans toutes les parties du pays par
la presse des différents partis,—24 élections
ont eu lieu, 13 pour cette hon. chambre et
11 pour la chambre basse. Sur les 13 candidats pour cette hon. chambre, 3 seulement
se sont prononcés contre la confédération,
mais un seul a pu se faire élire. Dans la
chambre basse, sur les 11 candidats un seul
s'est prononcé contre la confédération, et on
me dit qu'il votera probablement pour. Maintenant, quant à l'article des résolutions
de la
conférence, qui a trait au système électif
relativament au conseil législatif, j'ai déjà
eu occasion d'émettre mon opinion à ce sujet.
Je dirai à l'hon. membre pour la division
Wellington qu'il me semble que les hons. conférendaires, qui sont tous des hommes
éminents, n'ont pas dû en venir à une telle conclusion qu'après mûre délibération.
En effet,
hons. messieurs, je conçois que tant que l'Angleterre ne nous a pas permis de faire
usage
de sa constitution, ne nous a pas donné le gouvernement responsable, ne nous a pas
laissé
le contrôle de nos affaires, tant que ses gouverneurs n'ont pas été entourés de ministres
responsables au peuple, mais par des aviseurs
qui étaient plutôt comme des commis qui,
pour conserver leur salaire, étaient souvent
obligés de se soumettre à la volonté arbitraire
de leur maître, je conçois, dis-je, qu'il
était expédient de chercher des remèdes aux
maux qui alors pesaient sur nous. Mais
aujourd'hui que la mère-patrie veut que ses
gouverneurs se choisissent des aviseurs responsables au peuple, le système électif
n'a
plus les mêmes raisons d'exister et ne doit
pas exister relativement aux finances, relativement à la tranquilité et à la sûreté
des
citoyens. Quant aux finances, je ne dirai
pas que des officiers de la couronne profitent
de leur position pour faire de la spéculation
en suscitant des candidats éphémères, non,
bien certainement non ; mais je dirai que
bien des citoyens peu soucieux de leurs
intérêts, peu soucieux de l'avenir de leur
pays font de ces jours d'élection des jours
de spéculation en suscitant la corruption, la
violence et le parjure. Je me fais fort de
prouver en temps et lieu, aussi clairement
que deux et deux font quatre, que dans plusieurs divisions ces élections ont plutôt
ressemblé à des guerres civiles. Je sais que
plusieurs personnes, je ne dirai pas poussées
par un libéralisme démesuré qui dégénère
en démagogie, non, je ne pense pas qu'il y
ait dans notre jeune pays de ces démagogues
farouches, mais je dirai qu'il y a des personnes qui voudraient que toutes les charges
de l'État dépendissent du suffrage universel,
parce qu'elles savent qu'elles réussiraient à
tromper la bonne foi et le jugement. Mais
je leur dirai, messieurs, il ne faut pas vous
croire plus rusés diplomates que les habitants de la mère-patrie, qui ont acquis leur
constitution après des siècles de luttes et de
combats,—qui la font fonctionner par des
siècles d'expérience ; je leur dirais encore :
il ne faut pas vous croire plus habiles appréciateurs de la constitution britannique
que
M. DE MONTALEMBERT, ce littérateur, cet
historien, cet homme d'état éminent ;
que M. BERRIER, ce prince du barreau
français, qui naguère, tous deux proclamaient que la constitution britannique est
incontestablement l'une des plus belles, l'une
des plus libérales qu'on puisse désirer. Je
félicite le gouvernement du jour de vouloir
conserver de cette loi ce qui, aujourd'hui,
peut encore paraître bon et rationnel. Je
veux parler des divisions territoriales, et de
la sagesse de les faire représenter par des
personnes qui y ont des intérêts. En effet,
hons. messieurs, quel est celui qui peut
représenter avec plus de dévouement et d'avantage sa division, si ce n'est celui qui
y a
des intérêts sacrés, soit par sa résidence ou
par les propriétés qui le qualifient et qui lui
appartiennent parce qu'il les tient de ses
213
ancêtres ou qu'il les a acquises au prix de
ses sueurs, de ses veilles et de ses travaux.
On ne dira pas que je veuille, par les dispositions de cette loi, jalouser les habitants
des villes ; non, car la division que j'ai
l'honneur de représenter se compose d'une
des divisions de la ville la plus populeuse
du Canada, et je n'ai accepté la candidature
qu'au refus de deux de ses citoyens les plus
éminents, tant leur immense fortune
que par leur position sociale ; probablement
que ces messieurs avaient compris, soit par
leur propre expérience ou celle des autres,
que la vie publique n'offrait pas assez de
charmes. ( Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. CURRIE.—J'ai quelques
mots à ajouter avant de donner mon vote sur
l'amendement soumis à la chambre. Je n'approuve pas en entier les termes de l'amendement,
mais comme membre élu, je dois
l'appuyer. Je manquerais à mon devoir et à
mes commettants si je gardais le silence sur
ce point et si je votais pour changer la constitution en vertu de laquelle j'ai été
élu.
( Ecoutez !) Je trouve quelque chose d'extraordinaire dans la quatorzième des résolutions
soumises, à cette chambre et je demanderai au gouvernement des explications
complètes nous éclairant sur la manière dont
la conférence est arrivée à cette résolution.
Je vous rappellerai, hons. messieurs, qu'en
vertu de la onzième résolution : " Les conseillers législatifs seront nommés à vie
par
la couronne sous le grand sceau du gouvernement général. " Ainsi, d'après cette résolution,
la couronne aura, à l'avenir, le droit de
choisir les conseillers législatifs pour le
Haut-Canada dans telle partie du pays qu'il
lui plaira. Mais, dans le Bas-Canada, il y
a cette différence que, en vertu de la seisième
résolution :
" Chacun des vingts-quatre conseillers législatifs représentant le Bas-Canada dans
le conseil
législatif de la législature fédérale, sera nommé
pour représenter l'un des vingt-quatre colléges
électoraux nommés dans la cédule A du 1er chap.
des statuts refondus du Canada et ce conseiller
devra résider ou posséder son cens d'éligibilité
dans le collége dont la représentation lui sera
assignée. "
De plus, il est déclaré dans la quatorzième
résolution, que :
" Les premiers conseillers législatifs fédéraux
seront pris dans les conseils législatifs actuels
des diverses provinces, excepté pour ce qui regarde
l'Ile du Prince-Edouard. S'il ne s'en trouvait pas
assez parmi ces conseillers qui fussent éligibles
ou qui voulussent servir, le complément devrait
nécessairement être pris ailleurs. "
Or, messieurs, si j'ai bien compris certains
ouvrages de droit constitutionnel que j'ai lus,
les auteurs déclarent positivement que la
prérogative royale ne doit ni ne peut jamais
être limitée. Comment les trente-trois
hommes distingués et habiles qui ont siégé
à huis-clos dans la chambre ici voisine ont-ils
osé entraver, je dirai même frapper d'impuis
sance l'application d'une règle si sage.
( Ecoutez !) Peut-on limiter la prérogative
royale dans le choix des membres de cette
chambre ? Il est vrai, par exemple, que les
membres représentant plusieurs colléges du
Bas-Canada sont des hommes habiles et, en
tout point, aptes à remplir leurs fonctions,
mais, en dehors de ses colléges, on en trouverait peut-être d'aussi capables. Pourquoi
fermer à ces hommes la porte de cette
chambre ? Pourquoi la prérogative royale
est-elle restreinte au point d'empêcher le
choix de ces hommes ? C'est ce que je désire
savoir.
L'HON. SIR. E. P. TACHÉ.—Il m'est
facile de donner des explications à l'hon.
monsieur. Il doit savoir que le Bas-Canada
est dans une position différente de celle du
Haut-Canada, où deux nationalités se partagent le pays. Ces divisions ont été faites
afin d'assurer aux deux nationalités leurs
droits respectifs, et cela nous a semblé une
raison suffisante pour établir cette disposition.
L'HON. M. CURRIE.—Je crois que mon
hon. ami ne m'a pas bien compris : Je
demande pourquoi le premier choix sera
restreint aux membres de cette chambre,
tandis qu'en dehors on pourrait trouver des
hommes dont les lumières seraient précieuses pour le pays.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Je ne vois
pas quel avantage trouverait la couronne à
avoir un choix si étendu. Une pareille
disposition aurait certainement déplu a plusieurs des hons. messieurs ici présents
( Ecoutez !) Nous devions au pays d'avoir une
considération particulière pour les membres
de cette chambre, et, de plus, ils ont des
droits acquis et ces droits commandent le
respect. Mon hon. ami semble hésiter à
reconnaître cela. Les derniers membres
élus par le peuple sont actuellement dans
cette chambre et, par ce fait, ils ont droit à
un siége ; quant aux membres à vie, je crois
qu'ils ont des titres inattaquables. ( Ecoutez !)
L'HON. M. CURRIE.—L'hon. premier
ministre dit que nous avons un droit acquis.
J'admets que nous ayons le droit de siéger
214
pendant le temps pour lequel nous avons été
élus ; mais qui nous donne le droit de siéger
en cette chambre pour le reste de notre vie ?
Nous ne sommes pas délégués du peuple
pour faire un tel changement dans cette
chambre. (Ecoutez !) Je dirai plus, quels
sont les droits réels des membres à vie?
J 'ai ici une dépêche adressée par le duc de
NEWCASTLE (dont on voudra bien admettre
l'autorité en pareille matière) au gouverneur de l'Ile du Prince-Edouard sur cette
même question. Je ne lirai pas la dépêche,
mais en voici le sens : "Les conseillers législatifs ne sont pas maîtres absolus de
leur
position ; ils n'ont qu'un simple mandat
que la législature peut leur retirer si l'intérêt public le demande."
L'HON. Sir E. P. TACHÉ.—Ce n'est
qu'une affaire d'opinion. Les autorités impériales ont pu, à l'époque, avoir eu ces
vues, mais antérieurement à 1856, elles pensaient tout le contraire. Elles déclarèrent
alors qu'elles avaient accordé certains priviléges aux membres à vie et qu'elles ne
commettraient pas l'injustise de leur retirer
ces priviléges puisque ces messieurs n'avaient rien fait qui les en rendit indignes.
(Ecoutez ?)
L'HON. M. CURRIE —Je suis surpris
d'entendre l'hon. premier ministre mettre
en doute la capacité de l'homme distingué
qui a rédigé la dépêche dont je viens de
parler. Je n'ai pas mentionné l'opinion
du ministère des colonies en 1856, j'ai
parlé d'une opinion exprimée plus tard,
car la dépêche est datée du 4 février 1862.
L'hon. monsieur dit que le ministère ne
songe pas à enlever à aucun conseiller législatif les droits dont il jouit maintenant.
Je
pourrais comprendre ce raisonnement si le
gouvernement ne s'était pas proposé de
dépouiller de leurs droits les hons. membres
de cette chambre ;—mais comment saisir
un tel argument, lorsque de fait on a
l'intention d'éloigner du conseil législatif
des sujets fidèles qui ont servi honnêtement
leur pays dans la législature? En vérité,
je crains que nous n'ayons encore eu de
l'hon. premier les explications auxquelles
cette chambre a droit. (Ecoutez ! écoutez !)
Comment se fait-il que l'on excepte les conseillers législatifs de l'Ile du Prince-Edouard
?
Nous savons tous que les conseillers législatifs de cette province sont électifs,
que cette
partie de la législature est élue par le peuple,
et voilà que ses membres sont exceptés de la
partie du projet de confédération qui s'ap
plique aux conseils législatifs des autres
provinces. Pourquoi en est-il ainsi ? Je
crois qu'il doit y avoir de bonnes raisons, en
premier lieu, de déroger ainsi à la règle qui
déclare que la prérogative royale ne peut
recevoir de restrictions ; en second lieu, de
faire pour une province une exception à
l'exclusion de toutes les autres. L'une de
ces raisons pourrait bien être la crainte de
voir les résolutions ne pas être votées sans
cette exception, par les différentes branches
des législatures des provinces. (Ecoutez !
écoutez !) J 'aimerais à savoir que l'acte de
justice s'accomplira dans le cas où ce changement sera mis à exécution ? Que fera-t-on
par exemple des deux hons. membres qui
viennent de la ville d'Hamilton ? L'un d'eux
(l'hon. M. MILLS) tient son mandat de la
couronne et le second du vote unanime des
électeurs, il y a quelques mois à peine :
lequel des deux perdra son siége sous la
confédération ?
L'HON. M. CURRIE.—S'il ne s'ensuit
pas que l'un de ces deux hons. messieurs
perde son siège, c'est qu'alors il y aura une
autre partie du Haut-Canada qui restera sans
représentants. (Ecoutez ! écoutez !) On peut
choisir l'une ou l'autre partie de ce dilemne.
Il peut se faire que les députés envoyés ici
possèdent la confiance de leurs électeurs,
mais il ne suit aucunement de là qu'on leur
laissera leur siège. Il est donc évident
qu'on se rendra coupable d'un acte de grave
injustice envers ces hons. députés dont plusieurs ont servi leur pays fidèlement,
sans
empiéter d'aucune façon sur les droits de la
couronne ou sur ceux du peuple, et je crois
que la conclusion à laquelle cette chambre,
le pays en général et l'autre chambre devront
en arriver, est que les résolutions actuelles ont
été rédigées ainsi afin de les rendre plus
acceptables, sinon à cette chambre, du
moins a toutes les branches des législatures
des autres provinces. (Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. CHRISTIE. —Comme les
hons. messieurs qui m'ont précédé je suis profondément pénétré de l'importance de
la
question qui occupe en ce moment la chambre,
et je croirais manquer à mon devoir si je
m'abstenais de motiver mon vote. Comme
mon hon. ami pour la division de l'Est je
suis convaincu que cette question est de la
plus haute importance, et que la chambre a
raison de se féliciter sur la manière dont la
discussion en a été traités tant par ceux qui
215
appuient les résolutions que par ceux qui y
sont opposés. ( Ecoutez !) Toutes les grandes
questions d'intérêt public donnent lieu à des
divergences d'opinion. ( Ecoutez !) Sur celle-
ci, comme sur toutes les autres nous ne saurions être unanimes, et, de plus, les jugements
que nous pouvons former n'ont qu'une
exactitude et une vérité approximatives.
( Ecoutez !) Tous ceux qui, avant nous, ont
fait des constitutions n'ont pu les soustraire
au cachet de l'imperfection humaine. Nous
en avons une preuve lamentable chez nos
voisins. Un des membres marquants du ministère nous a dit que " la constitution des
Etats-Unis est une des œuvres les plus remarquables de l'intelligence humaine, un
chef-d'œuvre d'habileté et d'organisation
appliqué au gouvernement d'un peuple libre,
et cependant on ne saurait prétendre qu'elle
est parfaite. " Un fait étonnant c'est que les
auteurs de cette constitution aient pu arriver
à un pareil résultat avec le peu d'expérience
qu'ils avaient. Cette constitution a supporté
de rudes épreuves, et n'eût été l'existence
chez nos voisins d'un élément entièrement
contraire à ses principes, je veux parler de
l'esclavage des noirs, elle se serait maintenue,
et à l'extinction de cet élément de discorde
elle se maintiendra en dépit de toutes les
attaques du despotisme à l'intérieur et au
dehors. Leurs institutions ont les mêmes
caractères que les nôtres. Elles diffèrent en
quelques points, mais elles ont pour base
commune ce grand principe : que la vie, la
liberté et la recherche du bonheur sont les
droits imprescriptibles de l'homme, et que
pour le maintien de ces droits, sont institués
les gouvernements qui tiennent leurs pouvoirs des citoyens. Tel est le secret de la
force
de la constitution anglaise, et tout gouvernement qui ne reconnaît pas entièrement
et
librement ce principe ne saurait être ni fort
ni durable. Je suis libre d'admettre que le
projet qui nous occupe a des défauts qui en
entraveront le fonctionnement ; mais, si le
projet devient loi, ces défauts peuvent être et
seront corrigés, j'en ai la confiance. La majorité de la conférence a sincèrement
cru que
ses vues étaient justes, mais un temps
viendra où ces messieurs ou leurs successeurs verront qu'ils se trompent et
l'erreur sera rectifée. On nous dit que
nous n'avons que deux alternatives : accepter
ou rejeter entièrement les résolutions. Le
problème à résoudre consiste donc en ceci :
Les vices de la nouvelle constitution sont-ils
assez sérieux pour que nous devions la
rejeter, ou les avantages qui devront résulter
de son adoption compensent-ils ces inconvénients ? Je trouve une grande objection
dans
l'abandon du principe électif pour cette
chambre et dans la nomination des conseillers
par la couronne. J'ai toujours défendu le
principe électif, mais cela ne suiffirait pas
pour me faire voter contre le projet. ( Ecoutez !) Nous étions dans un état voisin
de
l'anarchie ; les passions étaient excitées et il
fallait un prompt remède aux maux qui nous
menaçaient ; je ne blâme ici ni l'un ni
l'autre parti, je constate seulement un fait
admis par tous. Fort heureusement il s'est
trouvé des hommes, de vrais patriotes, qui
au moyen de concessions mutuelles se sont
unis pour nous donner une constitution qui
nous mettra désormais à l'abri des maux dont
nous avons souffert. On dit, et je ne suis pas
ici pour discuter ce point, que le nouveau
système grèvera le pays de frais énormes ; à
mon avis, ce n'est pas un argument valide
contre le projet. ( Ecoutez !) La chambre et le
pays doivent considérer si après avoir rejeté ce
plan il sera possible d'en tracer un autre qui
nous fasse sortir de nos difficultés et soit admissible par toutes les parties contractantes.
L'opportunité d'une union des provinces de
l'Amérique Britannique du Nord est hors
de discussion. Tous les hons. messieurs qui
ont parlé avant moi ont admis cette opportunité. Mais on a soulevé des objections
contre les résolutions soumises à la chambre.
Ces objections ont même pris la forme d'amendements proposés par mes hons. amis de
Wellington et de Niagara. Quant à moi, je
voterai pour les résolutions malgré ce qui
s'y trouve de défectueux, vu que les avantages compensent les défauts. ( Ecoutez !)
On a encore dit que ce projet est nouveau et
que le pays ne le comprend pas. L'histoire
politique du Canada est là pour nous dire
qu'il y a quelques années ce système de
gouvernement, ou du moins les principes qui
le constituent, furent discutés et approuvés
par un grand nombre de citoyens. En 1859,
une assemblée nombreuse et imposante,
représentant le parti réformiste du Haut-
Canada, se réunit à Toronto. Cette convention se composait, je crois, de 560 membres,
qui adoptèrent le principe d'union comme
un des principes politiques de leur parti.
Je citerai, entr'autres, deux des résolutions adoptées par cette convention. La
4ème était ainsi conçue :
" Que sans entrer dans la discussion des autres
objections, cette assemblée est d'opinion que le
216
délai qu'entraînerait l'assentiment des provinces
inférieures à une union fédérale de toutes les
colonies britanniques nord-américaines, doit placer
cette mesure en dehors de tout examen comme
remède aux maux présents. "
L'objet de cette résolution était évidemment
de prendre ultérieurement en considération
le projet plus vaste de la fédération de toutes
les provinces anglaises de l'Amérique du
Nord ; les vues que j'exprimai moi-même en
cette occasion suffiront, j'espère, pour convaincre la chambre que telle était bien
l'intention de l'assemblée. Mais les difficultés
qui nous entouraient devenaient de plus en
plus graves et il fallait un remède immédiat ;
or, comme il est dit dans cette résolution, le
grand obstacle à l'union fédérale de toutes
les provinces et ce qui empêchait d'y avoir
recours comme remède immédiat, était le
retard qu'on éprouverait en demandant le
consentement des provinces maritimes. Mais
la 5ème résolution adoptée par cette assemblée contenait les éléments principaux des
résolutions de la conférence. Voici cette
résolution :
" Que, dans l'opinion de cette assemblée, le remède le plus praticable aux maux actuels
du
gouvernement du Canada se trouve dans la création de deux ou plusieurs gouvernements
locaux,
ayant le contrôle de toutes les matières d'un caractère local et d'un gouvernement
général qui
dirigerait toutes les choses nécessairement communes aux deux provinces. "
L'HON. M. ROSS. — Ou, en d'autres
termes, qu'on espérait voir se réaliser la
confédération. ( Ecoutez !)
L'HON. M. CHRISTIE. —Oui ; j'allais
montrer que c'était bien le sens dans lequel
moi-même et plusieurs autres interprétâmes
cette résolution, à l'époque. Mon hon. ami,
pour la division de Niagara, était membre
de la convention. Je citerai un passage du
discours que je fis moi-même en cette circonstance, cela fera voir du moins dans quel
sens j'interprétais la résolution que je viens
de lire. Il est bon, quand on défend une
mesure, de ne pas avoir d'antécédents
fâcheux. J'ai ce bonheur aujourd'hui, car
s'il en était autrement, mon hon. ami pour
Niagara aurait fort bien su me le rappeler.
Ceux qui étaient présents à cette assemblée
se rappellent que M. SHEPPARD proposa,
en amendement, une résolution en faveur du
rappel de l'union du Haut et du Bas-Canada,
mais, en faisant cette proposition, il ajouta
que si notre objet était d'établir une grande
nationalité il retirerait son amendement et
soutiendrait la motion principale. Je lui
répondis en ces termes :
" M SHEPPARD vient de déclarer que s'il pouvait
découvrir en nous une tendance à la formation
d'une grande nationalité il serait des nôtres. Pour
ma part, je n'hésite pas à répondre que telle est
la tendance de cette convention ou qu'il faut être
aveugle sur l'avenir de son pays, je dirai même
qu'il faut ne pas avoir les sentiments d'un vrai
patriote pour douter qu'un jour ou l'autre l'Amérique Britannique du Nord aura une
nationalité.
L'hitoire du passé, d'après laquelle nous pouvons
augurer de l'avenir, est là pour nous donner l'assurance que ce fait s'accomplira
peut-être avant
longtemps. Notre projet n'exclut point la fédération de toutes les provinces de l'Amérique
Britannique du Nord. Nous en admettons la possibilité dans une des résolutions déjà
passées, en
ajoutant toutefois que nous ne pouvons en attendre la réalisation, car les circonstances
nous pressent et demandent impérieusement une fin aux
extravagances de notre système actuel. En ce qui
regarde le rappel pur et simple de l'union nous
objectons in toto,—une telle mesure serait inopportune, ce serait un pas de plus dans
la mauvaise
voie. Nous adoptons le principe de fédération,
qui nous délivrera des difficultés présentes et admet
dans l'avenir la fédération de toutes les provinces
de l'Amérique Britannique du Nord, sans compter
d'autres vastes territoires qui pourront ultérieurement venir se joindre à la confédération
de l'Amérique du Nord."
Si telle était l'opinion publique à cette
époque, je crois, hons. messieurs, que nous
sommes parfaitement justifiables d'appuyer
l'ensemble de ce projet. ( Ecoutez !) Les
hons. membres se souviennent qu'en outre
de l'assemblée de Toronto, tenue le 9 novembre 1859, il y avait eu une autre assemblée
à Montreal le 25 octobre précédent.
Les délibérations de cette dernière assemblée
eurent une grande influence sur la décision
de la convention. L'assemblée de Montréal,
composée des députés de l'opposition en
parlement, publia un document remarquable
destiné en partie à servir d'avertissement
aux membres du parti réformiste qui devaient
bientôt se réunir à Toronto. Ce document
était signé par les hons. A. A. DORION, L.
T. DRUMMOND, L. A. DESSAULLES et
THOMAS D'ARCY MCGEE. Si la chambre
veut le permette je citerai quelques passages
de ces documents qui contiennent à l'appui
du projet qui occupe aujourd'hui la chambre,
des arguments meilleurs que tous ceux que
je pourrais formuler. ( Ecoutez !) Après avoir
fait ressortir la nécessité d'agir immédiatement et rejeté le rappel pur et simple
de
l'union, ces messieurs qui composaient le
comité du parti libéral bas-canadien chargé
de préparer ce manifeste, disaient :
217
" Il n'est pas non plus possible de s'expliquer
comment un simple changement dans la proportion
de représentation, soit que la prépondérance fût
d'un côté ou de l'autre de l'ancienne ligne de division, pourrait empêcher les conflits
et les coalitions
résultant du caractère distinct des deux populations qui habitent les deux provinces.
Dans chaque province, quelle que fût sa représentation, il
y aurait une majorité et une minorité, et, à moins
de pouvoir reconnaître le principe de la double
majorité comme règle fondamentale de notre
constitution, les mêmes plaintes qui se font entendre maintenant qu'une section gouverne
l'autre
contrairement à l'opinion publique, et aux protestations de cette dernière les mêmes
passions, les
mêmes intrigues, la même corruption et le même
défaut de sincérité y domineraient encore. Personne, d'ailleurs, ne songe à faire
consacrer par
une disposition législative le système de la
double majorité. "
Je suis fâché que mon hon. ami de la
division de Grandville ne soit pas à son
siége, car il me semble que ce document
démontre l'insuffisance des moyens qu'il
propose pour régler la situation, et que mon
hon. ami serait convaincu par là de l'inefficacité des vues dont il vient de nous
faire
part. Ce que je viens de lire est conforme
à ce que nous prétendons aujourd'hui, savoir
que la représentation d'après la population
per se ne nous donnerait ni les moyens de
sortir de nos difficultés, ni l'espoir que nous
fondons justement sur la nouvelle constitution de voir le pays délivré des maux qui
l'accablent aujourd'hui. ( Ecoutez !) Si l'on
entait ce principe sur notre union législative
cela n'augmenterait aucunement l'influence
du Haut-Canada, mais, comme le dit avec
raison le manifeste :
" Nous serions exposés à entendre toujours la
même plainte que l'une des sections opprime
l'autre contre l'expression formelle et publique de
sa volonté. "
Nous aurions encore le même état de choses,
c'est-à-dire la lutte du Haut contre le Bas-
Canada, parceque les difficultés locales résultant de l'intervention réelle ou supposée
de
l'une ou de l'autre dans les questions de
douane, de législation civile, de religion ou
d'institutions locales, ne cesseraient de raviver et perpétuer le même esprit d'hostilité
qui crée depuis si longtemps le malaise et le
mécontentement dans la population des deux
parties de la province. ( Ecoutez ! écoutez !)
Le régime fédéral est le seul remède à ce
grand mal. ( Ecoutez ! écoutez !) Le manifeste du comité continue en ces termes :
" Votre comité s'est donc convaincu que soit
que l'on considère les besoins présents ou l'avenir
du pays, la substitution d'un gouvernement purement fédéral à l'union législative
actuelle offre la
véritable solution à nos difficultés, et que cette
substitution nous ferait éviter les inconvénients,
tout en conservant les avantages que peut avoir
l'union actuelle. Il n'est pas douteux qu'en restreignant les fonctions du gouvernement
fédéral
aux quelques sujets d'intérêt commun qui peuvent
clairement et facilement se définir, et laissant aux
différentes provinces ou subdivisions un contrôle
complet sur toutes les autres questions, les habitants de chacune d'elles auraient
toutes les garanties pour la conservation intacte de leurs
institutions respectives que la dissolution pure et
simple de l'union pourrait leur procurer. "
Il est impossible d'exposer en termes plus
énergiques et en même temps plus convenables les avantages qui ressortent des dispositions
principales du projet actuel, lesquelles dispositions s'accordent avec les principes
que nous venons d'entendre exprimer
avec tant de force et de lucidité. On dirait
la phrase sorti de la plume de l'hon. et brave
chevalier ou de l'hon. commissaire des terres
de la couronne, car on ne saurait mieux de-
fendre leur œuvre. ( Ecoutez ! écoutez !) Je
désire maintenant signaler à l'attention de
mon hon. ami ( l'hon. M. AIKINS ) le paragraphe suivant, lui qui pense que les présentes
résolutions n'ont pas été assez longtemps mises devant le public pour permettre
à celui-ci de s'en former une idée exacte.
J'espère que la chambre voudra bien me
permettre de citer ce document politique,
parce que je crois que c'est le meilleur argument que je puisse apporter au soutien
de
la mesure qui nous est proposée en ce moment :
" La proposition de former une confédération
des deux Canadas n'est pas nouvelle. Elle a été
souvent agitée dans le parlement et dans la presse
depuis quelques années. L'exemple des Etats
voisins où l'application du système fédéral a
démontré combien il était propre au gouvernement
d'un immense territoire, habité par des peuples de
différentes origines, croyances, lois et coutumes,
en a sans doute suggéré l'idée ; mais ce n'est qu'en
1856 que cette proposition a été énoncée devant
la législature, par l'opposition du Bas-Canada,
comme offrant, dans son opinion, le seul remède
efficace aux abus produits par le système. "
Ainsi donc, le brave chevalier et ses collègues de la conférence n'ont le mérite de
leur mesure, puisqu'elle vient du parti libéral
du Bas-Canada. Seulement, il est assez singulier que ces messieurs qui, ne se contentant
pas de l'adopter, l'ont encore recommandée
au Haut-Canada, soient les mêmes et les
seuls qui aujourd'hui s'y opposent ( Ecoutez !
écoutez !) On voudra en remarquer la
218
signification du paragraphe suivant, lequel
ajoute que :
" La discussion qui a maintenant lieu donne à
espérer que le parti libéral du Haut-Canada se
ralliera autour d'un projet de conféderation à la
convention du 9 novembre prochain. Il est donc
urgent pour les libéraux du Bas-Canada de prendre
un parti et de décider de suite s'ils doivent appuyer les opinions énoncées en parlement
en 1856
et chaque fois qu'il a été question, depuis ce temps,
de changements constitutionnels. "
L'HON. M. CHRISTIE.—L'hon. monsieur, dit—( écoutez ! écoutez !)—mais est-ce
que les recommandations de ce paragraphe
n'ont pas été adoptées ? Nos amis proposèrent au parti libéral du Haut Canada
d'accepter leur plan de 1859, et il fut fait
comme ils le désiraient. Il se trouve maintenant accepté par les deux partis du Haut-
Canada ; bien plus, il l'est encore par les
conservateurs du Bas-Canada, et cependant
on ira dire au peuple que le seul parti qui
s'est opposé à la confédération telle que proposée est le parti libéral du Bas-Canada,
tandis que c'est précisément celui-là qui
réclame le mérite d'en être le père. Les
arguments du manifeste me paraissent si
concluants que je continue à le citer :
" Si le Bas-Canada, veut maintenir intacte
l'union actuelle des provinces, s'il ne veut ni consentir à une dissolution, ni à
une confédération,
il est difficile de concevoir sur quelles raisons
plausibles il pourrait se fonder pour refuser la
représentation basée sur la population. Jusqu'à
présent il s'y est opposé, en alléguant le danger
qui pourrait en résulter pour quelques-unes de ses
institutions qui lui sont les plus chères ; mais
cette raison ne serait plus soutenable, s'il repoussait une proposition dont l'effet
serait de laisser à
ses habitants le contrôle absolu de ces mêmes
institutions et de les entourer de la protection la
plus efficace qu'il soit possible d'imaginer, celle
que leur procurerait les dispositions formelles
d'une constitution écrite, qui ne pourrait être
changée sans leur concours. "
Est-il possible de dire à ce sujet quelque
chose de plus fort ? Mon vénérable et valeureux ami, le premier ministre, n'en conviendra
pas, j'en suis sûr, mais nul doute que ce
document ne soit pour beaucoup dans sa
conversion aux idées qu'il professe aujourd'hui. ( Ecoutez ! écoutez ! et rires. )
J'ai
tant de confiance dans l'efficacité de ce manifeste que je vais continuer de le citer
dans
l'espoir de faire quelques conversions de
plus :
" Votre comité ne croit pas pouvoir faire autre
chose que d'indiquer la conclusion à laquelle il en
est venu sur les traits les plus saillants du système
de fédération qu'il propose. Il soumet, comme
son opinion bien arrêtée, que quel que soit le
nombre des provinces ou de subdivisions que l'on
pourrait ultérieurement juger convenable d'adopter, il faudrait conserver la ligne
de séparation
qui existe entre le Haut et le Bas-Canada. En
définissant les attributions des gouvernements locaux et du gouvernement fédéral,
il faudrait ne
déléguer à ce dernier que celles qui seraient
essentielles aux fins de la confédération, et, par
une conséquence nécessaire, réserver aux subdivisions des pouvoirs aussi amples et
aussi variés
que possible. Les douanes, les postes, les lois pour
régler le cours monétaire, les patentes et droits
d'auteur, les terres publiques, et ceux d'entre les
travaux publics qui sont d'un intérêt commun
pour toutes les parties du pays, devraient être les
principaux, sinon les seuls objets dont le gouvernement fédéral aurait le contrôle
; tandis que
tout ce qui aurait rapport aux améliorations purement locales, à l'éducation, à l'administration
de la justice, à la milice, aux lois de la propriété
et de police intérieure, serait déféré aux gouvernements locaux. . . . . . . . En
fin de compte, votre
comité recommande fortement au parti libéral du
Bas-Canada l'opportunité de chercher une solution
aux difficultés actuelles dans un plan de confédération dont les détails devraient
être de nature à
rencontrer l'approbation d'une majorité du peuple
de cette province, et, pour arriver à cette fin, de
porter ce sujet à la connaissance du parlement et
du pays. "
On nous dira peut-être que ce document ne
s'applique qu'à la confédération des Canadas ; mais le projet actuel remplit cet objet,
et si le principe est bon pour le Canada,
pourquoi ne le serait-il pas pour toutes les
colonies anglaises de l'Amérique du Nord ?
( Ecoutez ! écoutez !) L'hon. député de Wellington, dans le discours si remarquable
qu'il
a fait l'autre jour et que ses auditeurs ont
écouté avec tant de plaisir, a énoncé ses vues
de cette façon lucide et forte et qui lui est
particulière, et il est impossible de ne pas
admirer l'intelligence, la modération et la
bonne foi avec lesquelles il s'est exprimé,
qu'on partage ou non ses opinions. ( Ecoutez ! écoutez !) C'est pourquoi, j'espère
bien qu'en attaquant quelques points de
son argumentation on ne m'accusera pas de
manquer de courtoisie envers lui. ( Ecoutez !) Tout d'abord l'hon. monsieur a
prétendu que cette constitution, pour
être solide " devrait-être inscrite dans
le cœur et s'attirer les sympathies les plus
actives du peuple, " et qu'à moins qu'il en
soit ainsi " elle ne saurait durer, ni avoir
aucun espoir de durée. " Ces paroles sont si
vraies que si je ne croyais pas sincèrement
que la constitution que nous discutons en ce
moment n'est pas approuvée par la majorité
219
des Canadiens—je parle en particulier de la
partie de la province à laquelle j'appartiens,-
que je demanderais qu'on en différât l'adoption jusqu'à ce qu'on se fût assuré des
sentiments du peuple. Mais, non, il n'y a aucun
motif raisonnable de douter quelle est l'opinion du pays à ce sujet. ( Ecoutez ! écoutez
!)
On en a la preuve, en premier lieu, ainsi que
l'a démontré l'hon. commissaires des terres
de la couronne, dans le fait que presque
toutes les élections parlementaires qui ont
eu lieu depuis la formation du gouvernement
actuel, lui ont donné des résultats favorables.
N'est-ce pas là un témoignage non équivoque
de la sanction du peuple? ( Ecoutez ! écoutez !)
D'un autre côté, nous n'avons reçu aucune
requête contre la mesure. ( Ecoutez !)
écoutez !)
L'HON. M. CHRISTIE.—L'hon. monsieur dit que nous n'avons pas reçu de
requête en faveur de la mesure actuelle, mais
le pays la demande depuis des années.
( Ecoutez ! écoutez !) Qu'ai-je essayé de
prouver à la chambre, sinon que le parti
auquel appartient l'hon. deputé est celui-là
qui adopait ce projet en 1859. Je ne crois
pas que la convention eût pu exprimer son
opinion avec plus d'énergie qu'elle ne l'a fait.
C'est ainsi du moins que je l'ai compris, ainsi
qu'une grande majorité des 560 citoyens qui
y étaient présents. ( Ecoutez ! écoutez !)
Le projet actuel est devant le peuple du Bas-
Canada depuis 1856, alors que nos amis de
cette partie de la province l'introduisirent
formellement en parlement. Avons-nous
reçu des pétitions de cette partie de la
province contre ce projet ? ( Ecoutez !
écoutez !) En avons-nous reçu du Haut-
Canada ? A-t-on vu une seule assemblée
publique dans le Bas comme dans le Haut-
Canada convoquée pour le désapprouver ?
( Ecoutez ! écoutez !) Un hon. membre du
Bas-Canada me dit, qu'il y en a eu deux
ou trois ; mais on assûre, du moins si j'en
crois la rumeur, qu'elles n'ont pu réussir
et n'étaient que de faibles démonstrations.
On n'a rien vu de tel dans le Haut-Canada,
si ce n'est une tentative dans laquelle on a
essayé de faire condamner le chemin de fer
Intercolonial comme partie de la confédération, et laquelle a complétement manqué.
( Ecoutez ! écoutez !) Je crois donc que l'on
peut avancer sans crainte de se tromper, et
que l'on doit même tenir pour certain que le
peuple ne s'oppose pas à la mesure, et qu'il
en saisit même tout à fait la portée, car,
quoiqu'on en ait dit, elle a été publiée d'un
bout à l'autre de la province et dans toute
la presse, et c'est un pauvre argument pour
les hons. membres que de dire qu'ils n'ont
pas communiqué le projet au public, parce
que sur la copie qu'ils ont reçu se trouvait
écrit le mot " personnel. " ( Ecoutez ! écoutez !)
Mais on a affirmé d'un autre côté que le
gouvernement a acheté la presse de tout le
pays. Dire que les journaux ont pu être
influencés par la circulaire dont on a parlé,
elle est tout bonnement ridicule. ( Ecoutez !
écoutez !) Bien peu de journaux se sont prononcés contre le projet dans les deux parties
de la province,—et très peu dans tous les
cas en Haut-Canada ;—au contraire, les neuf-
dixièmes sont en faveur et l'ont discuté dans
tous ses détails. Comment après cela prétendre que le pays n'a pas eu les renseignements
difficiles sur la question,—que l'opinion publique n'a pu se former, et que c'est
à cause de cela que nous n'avons reçu de
requêtes ni pour ni contre le projet ? C'est
là un mode d'argumentation que mon hon.
hon. ami ( M. CURRIE ) ne devrait pas
adopter, car il est indigne de lui. ( Ecoutez !
écoutez !) Mon hon. ami de Wellington a
attaqué, l'autre jour, le caractère de la conférence, en l'appelant de " corps sans
mandat, " et cette attaque a été beaucoup répétée
depuis. Ce reproche manque d'exactitude.
En ce qui regarde le Canada, nous y étions
représentés par notre ministère, lequel a été
formé dans le but exprès de mener à bonne
fin un plan d'union fédérale entre toutes les
provinces anglaises de l'Amérique du Nord,
et en tout cas entre les deux Canada. Qui
peut nier que le gouvernement canadien
possède la confiance des deux chambres du
parlement et du peuple de cette province ?
( Ecoutez ! écoutez !) On ne saurait donc
soutenir que les délégués du Canada étaient
sans mandat, c'est-à-dire, ainsi que l'entend
mon hon. ami, qu'ils ne représentaient personne autre qu'eux-mêmes, car ce serait
méconnaître les deux chambres du parlement et le principe lui-même de la représentation.
( Ecoutez ! écoutez !) Quant à
ce qui regarde maintenant les délégués des
autres provinces, ils furent nommés par la
couronne, sur l'invitation du gouverneur-
général, et choisis dans tous les partis politiques pour décider d'une question du
plus
haut intérêt pour tous les sujets anglais des
provinces de quelque origine, ou de quelque
foi religieuse qu'ils fussent ; et la conclusion
220
à laquelle ils en arrivèrent est destinée à
exercer l'influence la plus décisive sur l'avenir social et matériel de tous. Mon
hon.
ami de Port Hope, ( M. SEYMOUR ), nous
a parlé, l'autre jour, du mode qu'employèrent les Américains pour reviser leur
constitution, et a trés-bien indiqué la manière dont la constitution fédérale pourrait
être amendée ; mais il a fait erreur en ce
qui regarde la façon dont les constitutions
locales peuvent y être revisées. L'un des
Etats les plus importants de l'union, l'Etat
de New-York, revisa sa constitution en 1846,
et voici quel mode fut adopté : Il y eût
d'abord un acte de passé dans la législature
locale enjoignant à tous les électeurs de se
choisir des délégués pour les représenter
dans une convention tenue dans le but
exprès de reviser la constitution. Les résolutions de la convention furent ensuite
soumises à l'approbation de la législature qui
ne pouvait que les accepter ou les rejeter
sans pouvoir rien y changer. Elles furent
en effet adoptées et les détails restèrent dans
leur entier. Mon hon. ami doit observer
que tandis que la conférence se composait
de délégués des diverses provinces, ces conventions, dont on vient de parler, l'étaient
d'hommes élus par le peuple, et que toute la
différence existe uniquement dans le mode
d'élection. Quoiqu'il en soit, on ne peut nier
que tous les partis politiques ne soient
représentés. Mon hon. ami pour la division de Home ( M. AIKINS ), en parlant
l'autre jour de la conférence, a déclaré qu'il
aurait préféré que c'eût été une affaire de
parti et que le pays n'aurait pu que gagner.
L'HON. M. AIKINS —Je demande pardon
à l'hon. monsieur. J'ai dit que je regrettais
qu'on n'eût pas abordé la mesure pour la
discuter comme une question de parti ; j'exprimais la conviction qu'ainsi présentée
la
mesure ne pouvait pas passer, mais que, dans
ces conditions, elle eût été approfondieet
discutée complétement en face du pays.
L'HON. M. CHRISTIE—Je pense que
l'explication de mon hon. ami revient à ce
que j'ai dit qu'il pensait qu'on aurait dû en
faire une question de parti.
L'HON. M. CHRISTIE —L'hon. monsieur
peut-il me citer un seul cas d'une révision
ou d'un changement de constitution opéré
comme affaire de parti ?
L'HON. M. AIKINS—Mon hon. ami en
a un exemple dans l'initiative de la convention de Toronto et celle du parti libéral
bas-
canadien auxquelles il vient de faire allusion.
L'HON. M. CHRISTIE—Je m'aperçois
que l'hon. monsieur ne veut pas quitter le
terrain sur lequel il s'est placé l'autre jour,
comme je viens de le lui dire. Il pense qu'il
eût été avantageux pour le public que la
question eût été soulevée et discutée par un
parti. Or, c'est en ce point qu'il a tort et je
répète qu'il ne peut me citer un cas de revision d'une constitution par un parti.
L'HON. M. CURRIE. —J'en citerai un
cas, l'amendement à la constitution des
Etats-Unis pour prohiber l'esclavage, qui a
été passé l'autre jour, a été proposé par un
parti.
L'HON. M. CHRISTIE.—Plusieurs des
représentants au congrès qui ont voté pour
cet amendement étaient des démocrates et,
sans leurs concours, l'amendement eût été
rejeté. En outre, ce n'était qu'un amendement et non une revision totale de la constitution.
La constitution des Etats-Unis n'est
pas l'œuvre d'un parti. La revision de la
constitution de l'Etat de New-York en 1846,
n'était pas l'œuvre d'un parti. Une constitution ne peut pas raisonnablement être
l'œuvre d'un parti ; dans une entreprise
aussi importante, il faut mettre de côté tout
esprit de parti. ( Ecoutez !) Et pourquoi ?- Parce que les hommes de tous les partis
sont
intéressés dans la formation d'une constitution, et parce que, dans la rédaction d'un
document si important, les lumières des
hommes marquants de tous les partis sont
absolument requises. En outre, une constitution ainsi élaborée a chance de vie dans
le cœur et l'affection du peuple, comme
l'a fort bien dit mon hon. ami de la
division de Wellington. ( Ecoutez !) Une
preuve du bon sens de nos voisins à cet
égard, c'est que pour reviser la constitution- et l'œuvre de la conférence de Québec
n'est autre chose que cela—ils ne s'adressent
pas à un parti, mais à des hommes choisis à
cet effet dans tous les partis ;—et je pense
que le gouverneur-général du Canada et les
lieutenants-gouverneurs des provinces du
golfe ont agi fort sagement en choisissant
des hommes de toutes les nuances politiques
pour composer la conférence et élaborer la
constitution, parce que, tout esprit de parti
étant mis de côté, le seul objet et le seul
mobile des membres de la conférence était
de travailler au bien de leur commune patrie.
( Ecoutez !) L'hon. membre de Wellington
221
a fait une objection importante au projet, et
je puis admettre que s'il était dans le vrai,
ce serait mon devoir et celui de tous les
membres électifs de voter contre la mesure.
Pour éviter tout malentendu, je citerai les
propres paroles de l'hon. monsieur, telles
que rapportées par les journaux :
" Aux membres électifs a été confié un mandat
sacré, ils sont envoyés ici par leurs électeurs pour
les représenter et pour cela seulement. Dans de
telles circonstances sont-ils justifiables de voter
pour l'abandon des droits de leurs électeurs ? Tel
n'est point leur mandat et, pour agir de la sorte, ils
n'ont aucune autorisation valable ; en agissant
ainsi ils passent outre l'autorisation qui leur a été
donnée. "
Il faut avouer que si cette proposition est
juste, nul membre électif n'est en droit de
voter pour la confédération. Mais examinons
un instant quelle est la position d'un représentant. Deux éléments constituent l'idée
complexe de la représentation : le pouvoir et
le devoir. Le premier est confié à un député
par ses commettants en vertu de la constitution—mais d'où dérive l'autre élément ?
Evidemment ce n'est pas de ses électeurs,
car la majorité même ne s'accorde pas en
tous points sur la nature des devoirs d'un
député. Mon hon. ami ( M. SANBORN ) a
comparé la position d'un représentant à celle
du dépositaire, et je vais citer une page d'un
excellent ouvrage anglais où cette comparaison est, à mon sens, on ne peut mieux
faite :
" Tout dépôt," dit Cox " pour être obligatoire
en conscience, doit être défini par les mêmes personnes qui nomment le dépositaire
ou la personne
qui doit exécuter le dépôt. Ses pouvoirs et attributions doivent découler de la même
autorité, car
il est évident qu'il serait contraire à la morale
autant qu'à la loi qu'un homme fut obligé, en
conscience, d'exercer d'une manière particulière
des pouvoirs à lui délégués par plusieurs autres,
tandis que ces derniers, tout en déléguant ces pouvoirs, ne seraient pas d'accord
sur la manière qu'ils
doivent être exercés. Quel est celui d'entre ceux
qui l'ont nommé qui doit lui servir de guide
de préférence aux autres ? Autant que possible
il est tenu d'exécuter son dépôt d'une manière
particulière, mais seulement d'après celle convenue par ceux qui auront créé le dépôt.
Appliquons maintenant ce principe abstrait d'équité
aux relations entre le représentant et ses mandataires. Quant à la source de ses pouvoirs,
il n'existe
aucune ambiguité : elle vient de ses commettants
qui, eux la tiennent de leur majorité. Mais le devoir qui lui incombe d'exprimer telle
ou telle
opinion au parlement, qui le lui prescrit ? Quelle
est celle dont les mandataires sont convenus avec
lui ? La majorité qui l'a élu est rarement, peut-être
jamais d'accord sur aucun des points sur lesquels
ses opinions ont été comparées aux siennes. Quelques uns de cette majorité peuvent
différer d'avec
lui sur quelques points, quelques autres sur d'autres ; mais tous ont voté pour lui,
par considération personnelle, ou parce qu'ils s'étaient entendus
avec lui sur ces points considérés par eux respectivement comme les plus importants.
De même dans
la minorité, il se trouve probablement des électeurs
qui partagent quelques unes de ces opinions. Ainsi
donc, les conditions essentielles prescrivant quelles
opinions seront exprimées en parlement font défaut. Les personnes qui l'ont élu député
n'ont
pas adhéré d'avance aux opinions qu'il doit professer. Comment donc alors peut-il
exister un
dépôt si on ne peut le définir. Le véritable dépôt
imposé au représentant est le corollaire de ces
obligations que ceux qui ont institué le dépôt
peuvent seuls lui imposer généralement, c'est-à-
dire d'exercer ses attributions de député honnêtement et avec circonspection. Cet
argument comporte naturellement que le candidat n'a pas défini
ses obligations par des engagements purs et
simples. "
Je vais maintenant diriger votre attention
sur l'autorité d'où nous viennent nos pouvoirs comme conseillers législatifs, en citant
la première section de la loi impériale de
1854, intitulée : " Acte pour autoriser la
législature du Canada à changer la constitution du conseil législatif de cette province
et
pour d'autres objets. "
" il sera loisible à la législature du Canada, par
aucun acte ou actes à être ci-aprés passés à cette
fin de changer la manière de composer le conseil
législatif de la dite province, et de le faire
consister en tel nombre de membres nommés
ou élus par telles personnes et en telle manière
qu'il paraîtra convenable à la dite législature,
et de déterminer les qualifications des personnes qui pourront être ainsi nommées
ou élues,
et par tels acte ou actes de pourvoir, si elle le juge
convenable, à ce que le dit conseil législatif et
l'assemblée législative, respectivement, puissent
être dissous séparément, et aux fins susdites
d'abroger et changer, ou telle manière qu'elle le
jugera à propos, toutes ou aucune des sections et
dispositions de l'acte précité et de tout autre acte
du parlement maintenant en force relativement
à la constitution du conseil législatif du Canada. "
La 3me section comporte cette autre disposition :-
" il sera loisible à la législature du Canada, de
temps à autre, de changer et abroger toutes ou
chacune des dispositions de l'acte ou des actes
changeant la constitution du conseil législatif. "
Ce sont là les pouvoirs que notre constitution nous donne. Nous avons été élus
conformément à une loi passée par l'effet de
l'exercice de ces pouvoirs, que nous possédons du moment que nous sommes élus.
Pas un de nous, à l'élection, ne s'est engagé
222
à ne pas exercer les pouvoirs conférés par
la constitution ; ses commettants ne le lui
ont pas demandé non plus ; et, parce qu'on
aura voté pour cette mesure ou pour toute
autre qui amende la constitution du conseil
législatif, sur quoi s'appuiera-t-on pour dire
que nous aurons violé ce dépôt qui nous a
été confié par nos mandataires ? Mon hon.
ami le député de Wellington admet qu'en
vertu de la constitution nous pouvons modifier la constitution de cette chambre en
ce
qui concerne le Canada, mais il ajoute que
nous ne sommes pas autorisés à en faire
autant pour les autres provinces dans un
projet d'union fédérale. C'est ce qui s'appelle
faire une pétition de principe. Je vais maintenant répondre à cette objection faite
par
lui : que toute modification affectant le principe électif est une violation de dépôt.
D'abord, nous ne proposons pas d'établir un
système de gouvernement pour toute l'Amérique Britannique du Nord ; nous n'avons
pas ce pouvoir, nous proposons seulement de
s'adresser à Sa Majesté à cet égard. Le
parlement impérial seul a ce pouvoir ; mais
si sans violer notre dépôt nous pouvons changer la constitution du conseil législatif
du
Canada ( ce qu'admet mon hon. ami ), il est
alors certain que nous ne pouvons pas nous
rendre coupables de violation de dépôt en
suggérant un changement sous forme de
constitution des différentes provinces. Je n'ai
pas pour le principe électif , tel qu'appliqué
à cette chambre, le même attachement que
mes hons. amis les députés de Wellington et
de Niagara. J'ai toujours été et je suis encore
pour ce principe, mais nous ne pouvons lui
faire donner place ici, car, tout en déplorant
son élimination de notre constitution projetée,
je ne vois pas là un motif qui me porte à rejeter les résolutions. Ce projet, comme
toutes
les autres conventions constitutionnelles, est
un compromis offert aux opinions dissidentes
de ses auteurs et, somme toute, c'est un compromis appuyé sur de justes bases. Ce
trait
n'est pas particulier à notre plan de confédération. Mon hon. ami pourra voir dans
le
Federalist et par les correspondances des
hommes éminents qui rédigèrent les articles
de la confédération, que l'on a dû se soumettre
à un compromis et à des concessions d'opinion,
et que c'est grâce à cela si la constitution
américaine à pu atteindre la perfection que
l'on sait. D'après mon hon. ami, la résolution
qu'il propose renferme un compromis. Il
reconnaît qu'on ne peut appliquer au conseil
législatif le principe électif dans toute son
intégrité ; il propose même de donner plus
d'extension au principe contraire ; alors, pourquoi mon hon. ami s'oppose-t-il à de
semblables concessions de notre part, quand il
croit que les avantages probables de tout le
projet l'emportent de beaucoup sur ses
défauts ? ( Ecoutez !) Quant à la limitation
des pouvoirs généraux du parlement que
veut proscrire mon hon. ami, je pense qu'on
ne saurait pas plus la trouver dans la constitution non écrite faite à l'aide de précédents
historiques et parlementaires que dans la
charte écrite que nous a donnée le parlement
impérial. Voici ce que dit du parlement le
célèbre commentateur BLACKSTONE :
" Son autorité souveraine et sans contrôle peut
faire, confirmer, étendre, restreindre, abroger,
renouveler et interpréter les lois sur les matières
de toute dénomination ;"
Et aussi le juge STORRY, parlant de la
constitution américaine :
" Lorsqu'un pouvoir est conféré en termes généraux, ce pouvoir doit être considéré
comme corollaire des dits termes, à moins qu'une claire
restriction puisse être déduite du contexte même. "
Le juge-en-chef MARSHAL dit :
" La constitution ne peut être rédigée qu'en
termes généraux ; ses pouvoirs sont également
désignés en termes généraux, et elle laisse à la
législature de prendre de temps à autre des mesures pour effectuer certains objets
et autoriser
l'exercice de ses pouvoirs selon qu'elle le juge à
propos et que l'intérêt public peut l'exiger. "
La seule autre autorité que je vais citer
est la jurisprudence constitutionnelle de
DUER :
" Nul axiome de droit ou de raison n'est plus
clairement établi que le présent : Partout où
besoin est, les moyens sont permis ; quand le pouvoir de faire une chose est donné,
tout pouvoir
particulier nécessaire à l'exécution de cette chose
existe également. "
Mais la motion de mon hon. ami est tout
à fait en désaccord avec la position qu'il a
prise. Il a invoqué dans son discours un
motif que sa motion détruit. Dans la position où il se trouve, il est tenu d'être
pour
le principe électif, et, dans ce cas, il doit
faire tout en son pouvoir pour s'opposer à
ce qui peut lui faire obstacle. Or, que veut
sa motion ? Elle propose non seulement de
conserver aux membres à vie leur siège,
mais encore d'en ajouter dix autres à leur
nombre ! Ce n'est pas là, assurément, donner
au principe électif ses coudées franches.
223
Si les provinces inférieures devaient avoir le
pouvoir que mon hon. ami propose de leur
donner, elles nommeraient dix de leurs plus
jeunes hommes à cette chambre, lesquels
pourraient y rester pendant bien des années
après le départ de ceux dont ils devaient
grossir le nombre. ( Ecoutez ! écoutez !) Il
propose en outre de prolonger de huit ans
le mandat des membres actuellement députés,
mais, au bout de ce temps , de les renvoyer
tous à leurs électeurs. Aucun argument ne
m'a pu encore convaincre que le principe
électif, appliqué de quelque manière que ce
fut, ne soit pas le meilleur qui puisse présider à la composition de cette chambre.
N'en avons-nous pas été satisfaits jusqu'ici ?
Toutes les craintes qu'il a excitées étaient
sans fondement, l'expérience l'a prouvé. Je
pense que ce système fonctionnerait encore
bien ; c'est pourquoi je désapprouve le changement proposé par les résolutions ; mais
pour cela, je ne voudrais pas rejeter tout ce
projet, que j'accepte avec tous ses défautsauxquels je crois qu'il sera remédié—parce
qu'il a pour but le bien de tout le pays.
Conséquemment, je recule devant la responsabilé de son rejet. ( Ecoutez ! écoutez
!)
Je demande que la chambre me pardonne de
l'avoir occupée aussi longtemps ( cris de
" Non, non ; parlez ") ; mais avant de m'asseoir, je veux dire un mot de l'amendement
dont mon hon. ami le député de la division
de Niagara ( M. CURRIE ) a donné avis,
et qui est ainsi conçu :
" Que sur une question d'une aussi grande importance que celle de la confédération
projetée
du Canada et de certaines autres colonies anglaises, cette chambre se refuse à assumer
la
responsabilité de consentir à une mesure qui renferme tant de graves intérêts, sans
que l'opinion
publique ait l'occasion de se manifester d'une
manière plus solennelle. "
Mon hon. ami ne dit pas, dans cette résolution qu'il compte proposer......
L'HON. M. ARMSTRONG. — Je ne
pense pas qu'il soit dans l'ordre de discuter
une résolution qui n'a pas encore été proposée.
L'HON. M. CHRISTIE.—Elle fait partie
de la question soumise à la chambre. Elle
est, d'ailleurs, au nombre des avis, et je
pense être dans l'ordre en en parlant. Je
disais donc que dans cette résolution mon
hon. ami ne nous dit pas s'il propose que
cette manifestation de l'opinion publique se
fera par l'appel au peuple sous forme de
dissolution de la chambre d'assemblée, ou en
soumettant le projet même au vote populaire.
Si nous recommandons le premier moyen,
nous nous placerons dans une position assez
étrange. Si nous conseillons à Son Excellence de dissoudre la chambre d'assemblée,
pendant que nous resterons là à attendre
tranquillement ce qui va se passer, ce sera
comme si l'on disait : " Nous doutons si le
peuple est pour ou contre les changements
constitutionnels projetés, et si Votre Excellence veut bien dissoudre l'assemblée,
nos
doutes seront levés par une élection générale. "
( Ecoutez ! écoutez ! et rires. ) Je pense que
la chambre ferait là une démarche que le
pays jugerait comme manquant de délicatesse. ( Ecoutez ! écoutez !) Si l'autre moyen
est celui que mon hon. ami veut faire adopter
par cet avis, je déclare alors que cette manière d'obtenir la sanction du peuple est
tout à fait inconnue à la constitution anglaise,
même par nos amis de l'autre côté des lignes,
excepté dans les cas où la constitution générale ou celles des Etats le prescrit expressément.
Là où de semblables dispositions
n'existent pas dans les constitutions d'Etat,
il est invariablement admis que la soumission
au vote populaire, pour donner force de loi
à un acte législatif, est inconstitutionnelle
et nulle. Voici ce que l'on lit à ce sujet dans
SEDGWICK, une des meilleures autorités
américaines :
" Les législatures ont essayé plusieurs fois de
se libérer de la responsabilité de leurs fonctions en
soumettant des lois à la volonté du peuple ; mais ce
procédé a toujours été considéré tout-à fait
nul et inconstitutionnel. Les devoirs de législation ne doivent pas être exercés par
la masse
du peuple. La majorité gouverne, mais seulement
dans la forme prescrite. L'introduction de coutumes de ce genre empêcherait tout contrôle
dans
le cas de législation hâtive et imprévoyante, tout
en diminuant les avantages du gouvernement représentatif. Il en a été ainsi de l'acte
pour établir
des écoles gratuites, comportant qu'elle ne deviendrait loi que dans le cas où une
majorité des
électeurs de l'Etat voterait en sa faveur ; il fut
décidé, à New-York, que toute cette procédure
était nulle. La cour d'appel a déclaré que la
législature n'avait pas le pouvoir d'en référer
ainsi au peuple, et que ce dernier n'avait non plus
le pouvoir de se prononcer à son égard, d'autant
qu'il avait fait abandon de ce pouvoir en adoptant
la constitution. Le gouvernement de cet Etat est
démocratique, mais il est en même temps une
démocratie représentative, et en édictant des lois
générales, le peuple n'agit que par l'intermédiaire
de ses députés à la législature. Dans l'Indiana, le
principe est maintenant érigé en une disposition
constitutionnelle qui confère l'autorité législative
à un sénat et à une chambre de représentants, et
déclare que nulle loi ne sera passée dont la mise
à effet devra dépendre d'aucune autre autorité
224
que celle indiquée par la constitution. Et par ces
dispositions l'on entend que toute partie d'un acte
prescrivant qu'il doit être soumis au vote du peuple sera nulle et non avenue. "
Tel est le principe général d'après la
coutume américaine ? Et ainsi que je l'ai
dit, le fait de soumettre aucun statut au
vote du peuple pour lui donner force de loi
est inconnu dans la pratique constitutionnelle anglaise. ( Ecoutez ! écoutez !) Conformément
à ma promesse, je n'occuperai pas
l'attention de la chambre en entrant dans la
question des dépenses. Pour terminer, je
me bornerai à dire qu'il est de notre devoir,
comme patriotes et comme hommes mus par
l'honnête désir de soustraire notre pays aux
difficultés actuelles, d'agir avec franchise à
l'égard de ce projet. Comme il n'en est pas
présenté d'autres ; comme ceux qui s'y opposent n'ont rien soumis à notre considération
; qu'ils n'ont même rien suggéré pour
nous soustraire à notre fausse position, et
croyant que le projet devant nous atteindra
ce résultat, je dis qu'en bons patriotes nous
devons l'approuver et sanctionner en votant
pour les résolutions. ( Ecoutez ! écoutez !)
Comme mes hons. amis des division
Ouest et de Brock j'ai résolu de voter
contre tout amendement qui sera proposé. Les membres du gouvernement
nous ont formellement déclaré qu'il fallait
que nous l'adoptions ou que nous le rejetions
tel qu'il est—qu'aucun amendement ne serait accepté, et j'en comprends très bien la
raison. I1 a été adopté comme traité entre
les représentants des différentes provinces
réunis en convention dans le but exprès de
rédiger cette constitution. Si l'on se permettait de modifier ces résolutions, les
autres
provinces pourraient réclamer et exercer le
même droit. Cette mesure n'est pas parfaite ; nous savons tous qu'elle est susceptible
d'objection sur certains points, et que
cette opinion est partagée par nos amis des
provinces d'en-bas ; mais elle comporte un
compromis équitable qui se recommande de
lui-même à tout esprit juste et honnête, et
voilà pourquoi je suis d'avis que tous ces
amendements doivent être repoussés. Je
ne crains pas, en agissant ainsi, que nous
serons désapprouvés par le peuple. ( Ecoutez ! écoutez !) Le peuple comprend parfaitement
le but de ces amendements et
l'effet qu'ils pourraient avoir. Peut-être ne
devrais-je pas dire qu'ils sont entachés de
charlatanisme, mais ils en ont beaucoup l'air.
Je pense que les membres de cette chambre
n'ont nulle raison de craindre l'opinion publique en cette matière. Quant au peuple
du Haut-Canada, au nom duquel je suis
plus en mesure de me prononcer que pour
celui du Bas, je suis convaincu qu'il ratifiera l'assentiment que nous donnerons à
ces
résolutions, bien qu'il soit peut-être adverse
à quelques-uns de leurs détails, comme je le
suis moi-même, ainsi que je n'ai pas craint
de le déclarer.
L'HON. M. CHRISTIE.—Je suis opposé
à quelques uns des détails tout aussi fortement que peut l'être mon hon. ami de la
division de Home ( M. AIKINS ) ou mon
hon. ami de la division de Niagara ( M.
CURRIE ) ; mais voici comment je me justifie :
on nous offre une constitution qui va mettre
fin aux grandes difficultés qui existaient
entre ces deux sections, c'est du moins ce
ne j'en augure même d'après ce que je lis
dans le document venant de l'opposition
du Bas-Canada, et signé par les hons.
MM. DORION, DRUMMOND, DESSSAULES et
MCGEE. Je trouve que ce document renferme des arguments sans réplique en faveur
du projet. ( Ecoutez ! écoutez !) Dans les
circonstances où nous nous trouvons, et en
l'absence d'aucune autre mesure plus pratique, je crois qu'en dépit de ses défauts
le
bien qui en découlera généralement fera plus
que contrebalancer toutes les difficultés possibles auxquelles il pourra donner lieu.
( Ecoutez ! écoutez !) Ce projet, d'ailleurs,
sera plus tard modifié dans ce qu'il peut avoir
de défectueux. Nous avons toute raison
d'espérer que les principes qui, à mon avis,
devraient en faire partie, finiront par prévaloir. J'ai assez de confiance dans les
représentants du peuple, et dans les membres de
la chambre haute qui seront nommés par la
couronne pour composer cette branche de la
nouvelle législature qui sera établie en vertu
de cette constitution ; j'ai assez de confiance
en eux pour croire que l'on reconnaîtra plus
tard que l'opinion que j'entretiens à l'égard
de ces détails etait fondée, en un mot, que
ces défectuosités en question disparaîtront
de la constitution. Il ne sera pas plus difficile de faire disparaître de la future
chambre
haute le principe nominatif qu'il ne l'a été
la premiere fois ; je crois même que la chose
sera moins difficile. ( Ecoutez ! écoutez !)
Quand ensuite l'on regarde aux avantages
que vraisemblablement va nous valoir l'adoption des résolutions,—c'est-à-dire la paix,
225
l'harmonie et la disparition de ces nombreuses
difficultés qui entravent notre législation- toute hésitation doit cesser. Quoique
puissent
dire aujourd'hui les honorables membres, ils
n'estimaient pas peu graves ces difficultés
lorsqu'ils se plaignaient de la conduite des
derniers gouvernements, et mon hon. ami de
Niagara ( M. CURRIE ) n'était pas la voix la
plus faible dans ce concert. Je le dis encore :
quand l'on considère les abus et les difficultés
auxquels nous avons été en butte sous une
union législative, et de plus, l'impossibilité
où l'on est de continuer cette espèce d'union,
et vu surtout que les avantages devant découler de ce projet feront plus que contrebalancer
les difficultés qu'il pourra créer, il est
de notre devoir, comme patriotes honnêtes,
d'adopter les résolutions à nous présentées
par la convention. ( Applaudissements. )
L'HON. M. SANBORN— Hons. messieurs, je ne désire aucunement employer
le temps de la chambre, et je ne le ferai que
pendant quelques instants. Je n'ai pu, étant
malade, assister aux séances du conseil pendant les discours qui ont été prononcés
sur
l'amendement que j'ai eu l'honneur de proposer, et je ne profiterai de cette occasion
que
pour répondre à deux ou trois arguments
qui ont été employés par mon hon. ami qui
vient de reprendre son siége. Il me semble
que les difficultés qu'éprouve mon hon. ami
peuvent être facilement écartées, et que s'il
partage réellement les sentiments de ceux
qui appuient l'amendement qui est soumis
au conseil, il ne devrait pas hésiter à le
supporter. Dans une précédente occasion,
j'ai essayé de faire voir que cet amendement
ne pouvait aucunement nuire au projet,—
qu'il ne nous mettait pas en antagonisme
avec les autres provinces, que c'était une
affaire qui nous regardait seuls—l'élection
des membres du conseil législatif,—et que la
manière dont ces membres serait élus n'était d'aucune conséquence pour les autres
provinces, pourvu qu'elles aient relativement
le même nombre de conseillers que nous.
Mon hon. ami m'accuse d'être inconséquent
en me prononçant en faveur du principe
électif, tout en proposant de conserver leurs
siéges aux membres nommés à vie, et aussi
d'ajouter dix nouveaux membres des provinces d'en-bas. A cela je répondrai—que
nous nous trouvons dans une condition exceptionnelle. Nous ne pouvons éviter cette
difficulté. Une difficulté semblable s'est
présentée à ceux qui cherchaient à opérer
un changement lorsque le principe électif a
été introduit dans la constitution de cette
chambre, et ils firent exactement ce que nous
proposons de faire aujourd'hui : les membres
nommés à vie furent conservés tout en
reconnaissant et sanctionnant le principe
électif, et la chambre est aujourd'hui la
preuve visible de l'adoption du plan que je
propose maintenant. ( Ecoutez ! écoutez !)
La position prise alors, et à laquelle l'hon.
premier ministre ( SIR E. P. TACHÉ ) a donné
la sanction de son nom et de sa réputation,
était une reconnaisance du principe incorporé dans l'amendement devant la chambre.
( Ecoutez !) Si nous avons gagné quelque
chose en introduisant le principe électif,
nous proposons de conserver cet avantage en
le gardant dans la même forme et dans la
même relation à l'égard du conseil législatif
projeté, qu'il a été gardé et qu'il a à l'égard
de cette chambre.
L'HON. M. CAMPBELL—Mais, sous
l'union actuelle, il n'y a aucune nécessité
d'une égalité relative dans le nombre des
conseillers législatifs, comme il y aura sous
l'union projetée.
L'HON. M. SANBORN—Je n'admets
aucune nécessité de cette nature. Ces nécessités sont tout à fait artificielles. Sous
ce
rapport, je crois que les hons. messieurs se
trompent entièrement sur la position qu'ils
prennent. Et bien que je reconnaisse à
mon hon. ami pour la division Erié ( M.
CHRISTIE ) la plus grande sincérité d'intention et l'excellence de jugement, je dois
cependant dire que, lorsqu'il entre sur le
terrain de la loi, il voyage un peu, comme
l'on dit dans la profession, hors du dossier,- et que tous ceux qui connaissent
un peu
la doctrine du dépôt ne peuvent manquer
de s'apercevoir de la fausseté de son raisonnement à ce sujet. A cet égard, la personne
à qui il a été donné un mandat doit nécessairement agir d'après son jugement suivant
les circonstances ; mais encore doit-elle le
faire conformément aux termes de ce mandat
et ne pas le dépasser.
L'HON. M. SANBORN—Mon. hon. ami
cite l'acte qui a permis à la législature du
Canada de changer la constitution du
conseil législatif, et il base toute son argumentation sur cet acte. Si je lui prouve
que cet acte n'appuie pas son argument,
admettra-t-il que mon amendement est bon ?
Cet acte dont parle mon hon. ami a été
passé dans un but particulier, pour permettre
au parlement de reconstituer cette chambre.
226
Il a répondu à ce but lorsque la constitution
de cette chambre a été changée ; mais on ne
peut pas l'invoquer comme donnant l'autorisation de former une confédération avec
d'autres provinces.
L'HON. M. CHRISTIE—Mais mon hon.
ami remarquera que nous ne législatons pas
maintenant, et que nous ne faisons que voter
une adresse.
L'HON. M. SANBORN—Nous devons
sentir que, d'après les règles de la loi, l'on
nous demande d'aller au-delà des devoirs que
nos électeurs nous ont envoyé remplir ici.
Je maintiens qu'aucun acte de nos statuts,
pas plus qu'aucun acte impérial, ne nous
autorise à prétendre qu'il nous ont envoyés
ici pour démolir toute notre constitution, et
pour chercher à former un nouveau système
politique entièrement nouveau, embrassant
un certain nombre d'autres provinces, de
manière que notre identité se trouve complétement noyée et perdue. Je dois dire
que si mon hon. ami se regarde comme
lié en quoique ce soit par le dépôt qui
lui a été confié par ceux qui l'ont envoyé
ici comme représentant du peuple, je crois
qu'il est nécessairement lié à ceci :—qu'il
doit maintenir le principe électif à l'égard
de la constitution du conseil législatif projeté.
Il est impossible, je crois, d'en arriver à
aucune autre conclusion. ( Ecoutez ! écoutez !) Mon hon. ami s'est servi d'une
expression qu'il a paru employer avec
quelque répugnance,—il s'est servi de l'expression de " charlatanisme. " Je crois
que
c'était significatif—très significatif ; car, si
ceux qui favorisent ce principe, le favorisent
pour ce que mon hon. ami appelle du
" charlatanisme, " alors ils cherchent la
popularité parmi le peuple, justement ce
dont le peuple ne veut pas. ( Ecoutez !)
Et cet argument ne sert certainement de
rien à mon hon. ami dans sa position
actuelle ; car il maintient que le peuple
comprend parfaitement la chose et la veut.
Si tel est le cas, si toute la province du
Canada désire ardemment la réalisation de
ce projet, alors ceux qui cherchent à s'y
opposer se trouvent seuls, isolés, et agissent
patriotiquement ou ne sont pas dans leur
bon sens. Ils ne peuvent certainement pas
agir dans le but d'obtenir de la popularité,
puisque, suivant mon hon. ami, ils font
exactement ce que le peuple ne veut pas
qu'ils fassent. ( Ecoutez !) Je sais que la
position de mon hon. ami est un peu embarrassante. Il demeure dans une section de
la province où il sent qu'il y a une difficulté
à faire disparaître d'une manière ou d'une
autre,—et il cherche maintenant à faire
voir que le meilleur moyen de la faire
disparaître est de créer un grand nombre
d'autres difficultés beaucoup plus formidables, et dont nous ne pouvons pas
bien comprendre les conséquences. Quand
un hon. membre est prêt à prendre cette
position, je pense qu'il vaudrait mieux pour
lui la prendre silencieusement plutôt que de
chercher à la justifier par le raisonnement.
Quant au Bas-Canada, nous ne sommes pas
placés dans la même position. Il a le
parti français, et il y a le parti anglais dans
le Bas-Canada, qui sont situés bien différemment du peuple du Haut-Canada,—et le
peuple du Haut-Canada paraît disposé à ne
pas reconnaître leurs circonstances particulières, ni de s'occuper le moindrement
d'eux.
Si mon hon. ami veut bien m'excuser, je
dirai que toute sa philosophie est en faveur
du Haut-Canada. En parlant de l'opinion
publique de cette province, il a toujours parlé
du Haut-Canada ;—il ne paraissait pas même
soupçonner que le Bas-Canada existait ou
qu'il avait quelques droits.
L'HON. M. CHRISTIE—Mon hon. ami
se trompe. J'ai cité tout autant du manifeste de l'opposition du Bas-Canada que de
celui de l'opposition du Haut-Canada.
L'HON. M. SANBORN—Je parle maintenant des Anglais du Bas-Canada, et en ce
qui est de l'assentiment du peuple à cette
proposition, mon hon. ami admettra que les
Anglais du Bas-Canada n'ont pas donné cet
assentiment.
L'HON. M. CHRISTIE—J'ai dit que
je pouvais parler avec plus de certitude de
l'opinion publique de la section du pays à
laquelle j'appartiens qu'à l'égard du Bas-
Canada.
L'HON. M. SANBORN—Les résolutions
dont l'hon. M. DORION a été l'un des auteurs, et qui ont été lues par mon hon. ami,
n'embrassaient pas seulement ce que désirait
le parti de M. DORION, ni aucun parti politique plutôt qu'un autre. Je regarde comme
certain que les sujets britanniques d'origine
franco-canadienne généralement entretiennent des sentiments de cette nature ; c'est-
à-dire, qu'ils désirent d'amples pouvoirs
pour les gouvernements locaux ;—de fait, ils
voudraient que les gouvernements locaux
fussent les véritables gouvernements, et que
la fédération ne fût que nominale, pour des
fins mineures, et n'eût que de faibles pouvoirs
227
dans le gouvernement central ; tandis que,
d'un autre côté, la population anglaise du
Bas-Canada se placerait au point de vue
opposé, et voudrait de grands pouvoirs pour
le gouvernement central, et de moindres
pouvoirs pour le gouvernement local. Ce
sont là, je crois, les vues auxquelles s'appliquaient les résolutions lues par mon
hon.
ami. Maintenant, quant au parti réformiste
du Haut-Canada, voyons à quoi ses résolutions s'appliquaient, et si elles demandaient
quelque chose comme la constitution que
l'on propose maintenant. Je tiens à la main
une brochure, " l'Adresse de l'Association
Constitutionnelle Réformiste au peuple du
Haut-Canada, en 1859, " et j'y trouve ce
que l'association croyait être le véritable
remède aux difficultés d'alors, exposé comme
suit :
" Le vrai remède ! Quel est donc le remède le
plus propre à faire sortir la province de la désastreuse position qu'elle occupe maintenant
? Nous
répondons : dissolvez l'union législative actuelle ;
divisez le Canada en deux provinces ou plus,
avec des législatures et des exécutifs locaux, qui
auront un contrôle entier sur tout intérêt public,
excepté ceux et ceux seulement qui sont nécessairement communs à toutes les parties
de la province. Que les législatures ne contractent aucune
dette jusqu'à ce que la sanction ait été obtenue par
un vote direct. Etablissez quelque autorité centrale sur toutes les autres avec pouvoir d'administrer
les affaires, et seulement les affaires qui
seront nécessairement communes à toute la province. Que les fonctions de cette autorité
centrale soient clairement définies, que ses pouvoirs
soient strictement bornés à l'accomplissement de
devoirs spécifiés. Empêchez-le de contracter de
nouvelles dettes, ou d'imposer plus de taxes qu'il n'est
nécessaire pour faire face à nos obligations actuelles,
remplir ses propres devoirs définis, et payer graduelment la dette nationale. Assurez ces droits par
une constitution écrite, ratifiée par le peuple et
incapable de subir des changements, excepté par
sa sanction formelle. "
C'est là le programme élaboré par la convention réformiste du Haut-Canadaen 1859.
L'HON. M. SANBORN—Plusieurs personnes y ont mis la main. Je vois le nom
de l'hon. M. MCDOUGALL, le secretaire-
provincial actuel, au bas de cette adresse. Et
je suppose que mon hon. ami pour la division d'Erié ( M. CHRISTIE ) était l'un des
auteurs.
Et le plus beau de la chose était que le parlement central devrait être tenu de ne
pas
augmenter la dette des provinces, mais de
l'éteindre graduellement. ( Ecoutez !) Je
pense que le parti réformiste du Haut-Canada
à cette époque était plus sage que ce même
parti ne l'est aujourd'hui.
L'HON. M. SANBORN—Si mon hon.
ami voulait prendre ce programme, ou quelque chose d'approchant, je serais heureux
de
lui accorder la plus mûre considération immédiatement ; et je serais très heureux
si on voulait nous en donner une petite partie, savoir :
des garanties écrites, de manière à nous assurer que nos droits de propriété ne seront
pas
bouleversée par le parlement local,—pour
empêcher, par exemple, qu'un bill de
Squatters ( rires ) ne passe à la première occasion
dans le parlement local, en démolissant tous
les droits de propriété. Je vois que mon
hon. ami vis-à-vis ( M . CRAWFORD ) a l'air
triste parce qu'il prévoit que lorsque la nouvelle constitution sera adoptée, il ne
s'écoulera pas douze mois avant que ce bill ne
devienne loi dans le Bas-Canada, et que
toute protection pour les propriétaires, sous
ce rapport, sera anéantie. Mais cela n'est
qu'un exemple frappant de ce qui aura lieu.
L'on sait parfaitement,—et personne ne peut
mieux croire la réalité que ceux qui ont une
bien plus grande horreur que moi des progrès
des sentiments populaires,—que la tendance
de l'esprit public est de détruire les monopoles
de toute espèce et d'aller jusqu'aux extrêmes
à l'égard de droits acquis, même ceux qui sont
fondés sur des principes solides de justice. Eh
bien ! ces droits devraient au moins être confiés
à la plus haute autorité législative. Je vais plus
loin et maintiens que la garantie de ces droits
devrait être placée dans la constitution écrite,
qu'ils devraient être en dehors du pouvoir
d'intervention de la part de l'autorité législative, et qu'ils devraient être sous
la garde
des décisions judiciaires des tribunaux les
plus élevés du pays. Dans ce cas, il y aurait
une protection pour la propriété ; mais dans
la constitution actuelle, il n'y a aucune protection pour la propriété soit dans le
Haut,
soit dans le Bas-Canada. Et voici un point
sur lequel j'attire l'attention de mes hons.
amis de tous les partis, un point dont aucun
d'eux, je le crains, ne s'est assez occupé, et
qui s'applique autant au Haut qu'au Bas-
Canada ; car je dis que si l'on ne donne
pas quelques garanties au peuple pour la
conservation des droits acquis et les intérêts
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de cette nature, il s'en suivra les plus désastreux résultats dans toutes les législatures
locales, parce que, lorsque ces législatures
seront constituées, elles se composeront
nécessairement d'une classe d'hommes différents de ceux qui composent aujourd'hui
les législatures des diverses provinces. Il y
aura tant d'appâts pour engager les hommes
de premier ordre à se faire élire à la législature centrale, que la conséquence sera
nécessairement et naturellement le résultat que
j'indique. ( Ecoutez !) J'aimerais à répondre
à l'un des arguments employés par mon hon.
ami pour Saugeen ( M. MACPHERSON )
qui n'est pas maintenant à son siége :—que
la nomination des membres du conseil
législatif dans le parlement fédéral projeté
n'est pas, de fait, un abandon du principe
électif , parce que les nominations doivent
être faites par le ministère du jour qui
devra posséder la confiance du peuple.
C'est certainement là un argument trés
extraordinaire. S'il vaut quelque chose,
il doit s'appliquer également aux deux
chambres, et l'assemblée législative devrait
être nommée par le ministère parce que
le ministère a été choisi par ceux qui ont
été élus par le peuple. C'est-là la déduction claire et logique de l'argument de
mon hon. ami, s'il est bon à quelque chose,- parce que, si la nomination par le
ministère
n'est pas un abandon du principe électif,
vous auriez encore une assemblée législative
élue, bien que ses membres seraient nommés
par le gouvernement. ( Ecoutez ! et rires. )
Mais cette prétention a été trés bien réfutée
déjà par mon hon. ami en arrière de moi
( M. AIKINS ). Ce n'est pas simplement la
première nomination à laquelle nous nous
opposons ; mais nous objectons aux nominations qui suivront, à mesure que les premiers
membres mourront ou résigneront, et
que leurs successeurs seront nommés sur
la recommandation des gouvernements locaux
futurs. Ce mode, au lieu de produire un
résultat favorable, me parait devoir être
suivi d'un effet exactement contraire. Et la
raison en est simple : si, en premier lieu, la
prérogative est exercée, non pas par le souverain ou le représentant du souverain,
qui
serait sans préventions, mais par un gouvernement de parti, vous avez une chambre
de parti dès sa première séance. Dans l'autre
chambre, ce gouvernement particulier a une
majorité ; mais il est possible que ce parti
ne conserve pas longtemps le pouvoir—
d'après la nature des choses, il n'est pas
probable qu'il y restera longtemps—mais
la chambre haute demeure permanente, et
vous commencez, par votre premier acte, à
poser les bases de cet enrayement, de ce
conflit entre la chambre haute et la chambre
basse dont il a été parlé. ( Ecoutez ! écoutez !)