MERCREDI, 8 mars 1865.
M. CHAMBERS—Bien que désavantageuse sous certains rapports, la position de
l'orateur qui prend la parole vers la fin
des débats ne laisse pas que d'avoir aussi son
côté avantageux. Si par le savoir et l'argumentation logique de ceux qui l'ont précédé
la question se trouve presque épuisée; si
leurs vastes connaissances leur ont permis
d'émettre de nombreuses idées et d'en tirer
de justes conclusions, il reste au moins cet
avantage de pouvoir profiter de ces idées, de
ces connaissances et de ces conclusions. Si le
député qui vient en dernier lieu se trouve
empêché d'émettre de nouvelles théories ou
même d'apporter de nouveaux arguments, il
peut au moins comparer entre elles les diverses
opinions déja exprimées. Je dois d'abord
dire qu'au commencement de ces débats je
m'étais bercé de l'espoir que cette législature aurait le juste privilège de pouvoir
amender telles de ces résolutions qui, après
mûre délibération, lui paraîtraient défectueuses; j'avais espéré, M. l'ORATEUR,
qu'on lui laisserait la latitude de perfectionner ces résolutions, qui sont d'un si
grand
intérêt et d'une importance si vitale pour
ces provinces, mais qui, en même temps,
portent le cachet de la hâte que l'on a
apportée à leur rédaction et adoption. Si
ceux qui composaient la convention eussent
été infaillibles; si, comme le reste de l'humanité, ils n'étaient pas susceptibles
d'errer, je
comprendrais, M. l'ORATEUR, que l'on eut
pu demander à cette législature ou à toute
autre d'adopter sans amendements la constitution qu'ils ont élaborée pour nous; je
comprendrais que l'on eut pu nous demander
d'avoir foi en ces délégués, et même de
croire à la perfection de leur œuvre. J'avais
espéré, M. l'ORATEUR, que nous pourrions
délibérer avec calme et impartialité sur ces
importantes résolutions, et qu'après avoir
mis de côté tout esprit de parti, nous serions
arrivés à des conclusions avantageuses pour
toutes ces provinces; cependant, M. l'ORATEUR, malgré cette déception, malgré tout
le désir que nous avons pu avoir d'y faire
des changements qui eussent été à l'avantage
du Haut-Canada, et bien que moi-même
j'eusse préféré que ces résolutions et quelques- uns de leurs détails fussent amendés,
je ne
suis pas prêt à les rejeter; je ne saurais
dire que je m'opposerai par mon vote
à la création d'une nouvelle nationalité.
(Ecoutez! écoutez!) Et voici quelques unes
des raisons qui me portent à agir en ce sens.
Lorsque je vois la république voisine engagée
dans une des plus terribles et des plus désastreuses guerres qui aient jamais affligé
ce
continent; lorsque je vois que presque tous
les journaux de ce pays lancent chaque jour
l'anathème à l'empire britannique; lorsque
je vois cette presse menacer notre pays;
lorsque je sais que cette nation possède une
flotte prête à lutter avec celles des grandes
puissances de l'ancien monde, et que ses
forces de terre, au moins sous le rapport du
nombre, font l'étonnement des plus grandes
puissances militaires; lorsque je vois, dis-je,
non-seulement les tendances guerrières de
cette république, mais aussi l'attitude menaçante qu'elle a prise vis-à-vis de nous,
avant
toute chose je suis porté à m'occuper de ce
qu'il faut faire pour la sûreté de ce pays.
Préserver son territoire d'une invasion, protéger l'existence et la propriété de ses
administrés sont, je pense, les première
choses qui doivent attirer l'attention de tout
gouvernement. (Ecoutez!) Et puis, M.
l'ORATEUR, d'accord avec cette maxime:
l'union fait la force, je suis porté à croire
que l'union des provinces de l'Amérique
Britannique du Nord augmenterait leur
puissance. (Ecoutez! écoutez!) Je suis loin
d'être de l'avis de ceux qui repoussent le
projet en entier et qui ne voient dans cette
union qu'une source de faiblesse. Il me
semble que le caractère politique et national
qu'une union donnerait à ces provinces deviendrait avant peu une source de puissance;
que
le nom même qui serait donné à la nouvelle
nationalité équivaudrait à une immense force.
Quand je considère l'intérêt manifesté par
le peuple d'Angleterre, de France, et, je
puis le dire, de toute l'Europe —à l'égard de
cette confédération des provinces de l'Amérique Britannique, —force m'est de croire
que
la nouvelle seule de la création de cette
nationalité nous a déjà fait une position et
donné une force que nous n'aurions jamais
pu espérer dans les plus beaux jours de l'ancien régime. (Ecoutez! écoutez!) Quand
je
me rappelle, M. l'ORATEUR, que es grandes
776
constitutions de l'ancien monde ont été
cimentées par le sang de nations ennemies;
quand on se rappelle qu'en Angleterre les
héritiers de maisons rivales eurent à lutter
pendant plusieurs siècles à qui aurait la
suprématie, et que l'autorité, le pouvoir et le
bon gouvernement n'ont pu être obtenus
de factions adverses que par le concours de
la force; quand je me rappelle la révolution
qui a terminé la longue lutte entre les souverains d'Angleterre et les parlements,
et
comment, de l'union, de la concorde et de la
liberté obtenus seulement par le glaive, est
sortie une prospérité jusqu'alors inconnue
dans les annales de l'histoire; quand je me
retrace l'histoire depuis les temps de la
féodalité jusqu'à nos jours, je suis porté à
croire que nous manquerions de sagesse si
nous laissons passer l'occasion qui nous est
offerte d'acquérir à la fois la liberté, la
puissance et la prospérité. (Ecoutez! écoutez!) Il va sans dire que cette union
augmentera nos moyens de défense, premièrement, parce que si nous devions rester tels
que nous sommes, c'est-à-dire autant de
provinces séparées, l'acquisition de notre
territoire tenterait davantage la république
voisine, qui, indubitablement, croira qu'elle
peut l'annexer à elle sans beaucoup de frais;
mais si nous formons une confédération, le
caractère national que nous acquerrons par
elle la détournera de cette entreprise. Je
suis de même convaincu que le peuple d'Angleterre s'intéresserait plus à nous, qu'il
ferait plus de sacrifices d'hommes et d'argent
pour notre défense que si nous restions colonies séparées. (Ecoutez! écoutez!) Je
crois
que la seule mention de cette confédération
a attiré les regards du monde sur la grandeur
des ressources de ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Un fait très significatif aussi, c'est
que l'opinion en faveur de cette union est
partagée en Europe par des hommes d état
éminents. En secondant l'adresse en réponse
au dernier discours du trône, lord HOUGHTON
a distinctement déclaré, relativement à la
partie qui avait trait à la confédération:
"qu'il était aise de cette initiative, d'autant
qu il croyait qu'un jour le monde ne se composerait que de grands empire." Voici en
outre ce qu'a dit le comte DERBY à cette
occasion:
"Dans les circonstances actuelles, je vois avec
la plus grande satisfaction cette réforme dont fait
mention le discours de Sa Majesté: la confédération des provinces canadiennes. Par
cette union,
j'espère que le but des provinces canadiennes est
de former une puissance assez forte pour pouvoir,
avec l'aide de ce pays—et je suis sûr que cette
aide ne lui fera jamais défaut—repousser toute
agression."
(Ecoutez! écoutez!)
Je demande maintenant quelle serait notre
position si la coalition qui existe aujourd'hui
n'eut pas été formée dans le but que nous
connaissons? Nous avons vu les luttes de
parti et l'agitation qu'elles ont créée; nous
avons vu avec quelle avidité le pouvoir était
recherché; nous avons vu que les affaires
du pays étaient négligées, sa législation
devenue presque impossible, et que nos
salles législatives étaient devenues le champ
clos des luttes personnelles dues à l'animosité qui existait entre les différents
partis
politiques; nous avons vu les difficultés qui
existaient entre les deux sections, auxquelles
sont venues se mêler les dissensions religieuses,—difficultés qui se compliquaient
de
plus en plus et qui tendaient fortement à
une dissolution de l'union, parce que nous,
les députés du Haut-Canada, n'aurions pu
nous soumettre pendant longtemps encore à
la privation du juste droit qu'à cette section
d'être représentée en cette chambre d'après
le nombre de sa population. (Ecoutez! écoutez!) Prenant la question à ce point de
vue,
je trouve que nous avons été favorisés par
les circonstances, puisqu'elles ont ouvert une
voie à la solution des difficultés qui nous
entouraient de toute part, et offert au peuple
de plus grands moyens d'action, à l'égard
du développement de ses resources commerciales, manufacturières et minières, et relativement
à nos relations sociales. Croyant
que la confédération est à désirer pour le
réglement de nos difficultés politiques;
croyant que pour maintenir dignement notre
existence elle est devenue nécessaire, si l'on
veut augmenter nos moyens de défense
contre toute agression, je me trouve avoir 1à
deux puissants motifs d'être en faveur du
projet. (Ecoutez! écoutez!) Bien que j'admette l'opportunité d'une confédération;
bien
que je sois convaincu qu'il faut que quelque
chose soit fait et que la nécessité exige que
le gouvernement déploie de la vigueur et de
l'énergie pour nous tirer de l'embarras où
nous ont plongés nos différends politiques,
et pour nous préserver non seulement du
danger de difficultés politiques à l'intérieur
mais aussi d'une guerre avec l'étranger, il
ne s'ensuit pas que je sois un de ceux qui
sont prêts à accepter une constitution sans
s'assurer d'abord si elle convient au peuple
777
qu'elle doit régir. (Ecoutez! écoutez!) Je
tiens à ce que cette constitution soit selon le
désir et la volonté du peuple. (Ecoutez!
écoutez!) Si j'appréhendais que cette mesure
n'est pas approuvée, acceptée par lui, des
membres de cette chambre je serais le dernier à voter pour elle. Voilà pourquoi je
désire et demande que tous les renseignements possibles nous soient communiqués.
Il va toutefois sans dire que je ne prétends
pas dicter au gouvernement la somme d'informations qu'il doit donner et soumettre
à
cette chambre. Je ne l'accuserai pas d'avoir
oublié son devoir en ne nous en donnant pas
plus que nous en avons. Je ne prétends
pas dire, non plus, qu'à cette période avancée
des débats il doive nous faire connaître la
politique qu'il a adoptée à l'égard des gouvernement locaux. Je n'ai aucun doute qu'à
ce sujet il s'est arrêté à ce qui lui a paru le
plus judicieux, mais en même temps, je me
réserve le droit d'être mécontent ou satisfait
des raisons et renseignements donnés, étant
convaincu qu'un député haut-canadien ne
saurait être blamâble de vouloir connaître,
avant de voter pour la confédération, quelle
sera la conséquence de ce changement pour
le Haut-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Les
membres du gouvernement, je l'espère, n'imputeront pas à une mauvaise intention de
ma part si je dis que sur d'autres qu'eux, sur
de plus jeunes que nous, retomberont les
conséquences de ce projet s'il est mis à
exécution; mais sur nous, qui aurons voté
son adoption, retombera la responsabilité de
ces conséquences s'il arrivait qu'elles fussent
désastreuses pour le Haut-Canada. (Ecoutez!
écoutez!) Le mérite restera à ceux qui auront
conçu et réalisé ce projet d'une nouvelle
nationalité,—Il n'y a pas non plus à douter
qu'à l'aide de places d'honneur et de hautes
fonctions bien rémunérées, ils auront su
se mettre hors de l'atteinte du peuple, et
cela pendant que notre lot à nous sera de
voir si les rouages de cette gigantesque
invention fonctionnent bien à la place qui
leur a été destinée. (Ecoutez! écoutez!)
Et malheur à nous si un de ces rouages se
déplace ou qu'il survient le moindre accident! N'aimons-nous pas, M. l'ORATEUR, à
consulter le programme d'un spectacle avant
d'y assister? Bien que favorables à la confédération, il se peut qu'après examen
quelques uns de ces détails soient par nous
trouvés inacceptables, de même qu'après
avoir examiné ces résolutions, j'ai trouvé que
la première ne contenait rien qui ne soit
accepté avec empressement par tout fidèle sujet
anglais—une confédération sous l'égide de la
couronne britannique. Personne n'a encore
pris la parole sans exprimer le désir de voir
se conserver notre alliance avec la mère- patrie, de voir l'empire britannique augmenter
de puissance. (Ecoutez! écoutez!)
On a dit ici que la réalisation de ce projet
aurait l'effet de relâcher les liens qui nous
unissent à l'Angleterre; qu'après avoir
acquis un certain degré de puissance, nous
finirions par devenir indépendants, par renoncer à notre allégeance, et, en fin de
compte, par être convoités et absorbés par
la république voisine; or, je crois à la sincérité de l'intérêt que l'Angleterre prend
aujourd'hui a notre bien-être, à notre prospérité, à l'établissement de notre nouvelle
nationalité; je crois de même à l'affection
que nous ont témoigné plusieurs hommes
d'état de la mère-patrie lorsqu'ils ont déclaré
avoir foi en notre loyauté,—(écoutez!) —par
conséquent, je ne pourrais supposer qu'à
mesure que nous grandirons en puissance et
en prospérité l'intérêt qu'elle nous porte
diminuera dans la même proportion. Je
pourrais plutôt supposer le contraire. Si
cette nation a autrefois donné tant de preuves
de sa sollicitude pour nous; si, alors que
nous étions pauvres, peu nombreux et comparativement inconnus, elle a prodigué son
sang le plus pur et ses plus riches trésors
pour notre défense et notre protection, il
serait à la fois injuste et illogique de supposer qu'elle pourrait nous oublier ou
nous
abandonner quelque jour, si nous ne le lui
demandons pas. (Ecoutez! écoutez!) Les
souvenirs de notre enfance et des soins qu'elle
nous a donnés resteront toujours vivaces
dans l'esprit et la mémoire de notre mère- patrie, et lorsque l'âge de la maturité
arrivera
pour nous, je suis sûr qu'alors même elle
ne songera pas à oublier l'enfant qu'elle
aura tant aimé. De ce côté, je n'ai aucune
appréhension. (Ecoutez! écoutez!) Si nous
devons avoir une union des provinces, je
vois dans la deuxième résolution, M. l'ORATEUR, la seule méthode qui, selon moi,
pourrait en quelque sorte convenir aux
diverses sections. Quelques uns se sont prononcés en faveur d'une union législative;
mais, pour ma part, je crois que cette union
donnerait aussi lieu à des difficultés inévitables et insurmontables. Je ne crois
pas qu'un
gouvernement général serait capable, quand
même il serait disposé comme pourraient
l'être des gouvernements locaux, de s'oc
778
cuper des affaires locales de toutes les sections.
Je crois qu'un gouvernement général, chargé
de l'administration des affaires d'un intérêt
commun à tout le pays, et des gouvernements
locaux pour les provinces, tel que le propose
cette résolution, serait le système le plus
propre à assurer l'harmonie, l'efficacité et la
stabilité de cette union. La seconde résolution aussi ouvre une grande page à l'histoire
de notre avenir. Elle prévoit l'époque où des
millions d'habitants seront établis dans la
verdoyante vallée de la Saskatchewan, où
des chemins de fer et des télégraphes sillonneront ce territoire presque sans limites
du
Nord-Ouest où ne se fait encore entendre que
le cri de guerre du sauvage. Elle prévoit
les vastes entreprises commerciales qui se
poursuivront depuis les bords du Pacifique
jusqu'anx riches mines d'or de la Colombie
et de là aux rives fertiles de Vancouver.
(Ecoutez! écoutez!) Cette résolution, M.
l'ORATEUR, nous prend à l'état de petites
colonies dépendantes qu'elle transforme en
un vaste territoire, auprès duquel les petites
îles qui composent le grand empire auquel
nous appartenons, paraissent comme autant de
pigmées à côté d'un géant. Par elle, et sans
faire, je pense, un trop grand effort d'imagination, nons pouvons nous former le glorieux
espoir que dans un temps, éloigné sans doute,
alors que les trônes de l'Europe seront peut- être ébranlés, nous serons assez puissants
pour
envoyer une flotte et une armée au secours
de cet empire auquel nous demandons encore
aujourd'hui aide et protection. (Applaudissements.) Qui osera dire que la conception
de ce projet ne porte pas ce cachet de grandeur qui commande à l'esprit de ceux qui
s'élèvent au-dessus des luttes de partis; qui
se recommande d'elle-même à la considération favorable de ceux qui désirent arriver
à
pas de géant à la puissance, à la richesse et a
une parfaite civilisation, de ceux qui veulent
sortir de l'ornière du préjugé, de la mesquinerie et de la bigoterie pour adopter
une
sphère politique à la fois large et éclairée.
(Ecoutez! écoutez!) Je passe par dessus les
3me, 4me et 5me résolutions, qui toutes ont
pour but de jeter les fondements de cette
nouvelle nationalité sur les bases solides
auxquelles la constitution anglaise a servi de
modèle, qui, en un mot, portent le cachet d'une
politique contre la sagesse de laquelle aucune
voix ne s'est encore élevée dans cette enceinte.
Je ne veux maintenant m'occuper que la
11me, qui a été le sujet de beaucoup de
discussion en dehors de cette chambre, et
que l'on a citée comme une très forte raison
portant à faire rejeter le projet. Ceux de
l'ancien parti réformiste qui désiraient sincèrement que le principe électif restât
appliqué à la chambre haute, jaloux comme ils ont
raison de l'être de ces droits et privilèges
pour lesquels ils ont longtemps combattu
avec ardeur, voient dans cette résolution la
consécration d'un principe plutôt rétrograde
qu'autrement, le retour à l'ancien régime
rétrograde, si toutefois je puis me servir de
cette expression. (Ecoutez! écoutez!) Eh
bien! M. l'ORATEUR, jusqu'à un certain
point je suis d'accord avec ceux qui entretiennent ces opinions. Pour ma part, je
préférerais de beaucoup que le conseil législatif
conservât le principe électif, et si toutefois
cette mesure doit-être adoptée, il me plairait
que les provinces, conformément au conseil
donné par le gouvernement impérial dans sa
dépêche du 3 déc. 1864, adressée à ce gouvernement en réponse à la sienne du
novembre 1864, revînsent sur leur décision
concernant la nomination à vie des membres
du conseil législatif. Cette demande ne
venant d'aucune des provinces en particulier
—elle n'est pas non plus due à des préjugés
de province ou de section—aucune des provinces ne pourrait s'y refuser si elles sont
réellement mues par le désir de former un
gouvernement constitutionel établi sur des
principes de stricte justice pour tous, ainsi
que le déclare la première de ces résolutions.
(Ecoutez! écoutez!) Je n'entrerai pas, M.
l'ORATEUR, dans de nouveaux détails sur ce
sujet; je ne discuterai pas les avantages ni les
désavantages d'un chemin intercolonial; je
dirai simplement que dans les circonstances
où nous sommes et qui ne nous permettent
pas de rester inactifs; quand le danger nous
menace d'un côté et que de l'autre nous est
offerte une brillante perspective, qui ne
dépend que d'une unité immédiate d'action,—
nous ne devons pas pousser la mauvaise
volonté jusqu'à refuser de faire les dépenses
voulues pour accomplir un projet grandiose
qui fera époque dans les âges futurs, pour
fonder une nationalité qui pourra peut-être
exister, ainsi que l'a dit le savant historien
cité par mon hon. ami de Québec, "lorsque
quelque voyageur de la Nouvelle-Zélande
sera vu sur une arche démolie du pont de
Londres et travaillant à faire le croquis des
ruines de la basilique de St. Paul." (Ecoutez!)
Je ne voudrais pas, cependant, adopter un
projet qui, au point de vue financier, nuirait
aux intérêts du Haut—Canada; mais je suis
779
rassuré sur ce point par les faits et chiffres
cités par mes hon. amis d'Oxford Sud et de
Sherbrooke, lesquels, j'en suis convaincu.
ne désirent pas plus que moi, ou que tout
autre Haut—Canadien, être trompé sous ce
rapport; je suis rassuré, dis-je, parce que
selon eux, la confédération sera avantageuse
à notre position financière. J'ai comparé ces
faites et ces chiffres et force m'est d'avouer
que j'ai confiance en leurs conclusions.
(Ecoutez! écoutez!) On a prétendu, M.
l'ORATEUR, parce que quelques comtés du
Nouveau-Brunswick n'avaient pas voulu
élire les hommes qui ont'adopté la confédération comme politique, que nous devions
en abandonner le projet; or, M. l'ORATEUR,
sommes-nous, oui ou non, tenus de remplir
l'engagement arrêté à Québec? Avec mon
hon. ami le procureur-général du Haut- Canada, je dis qu'en conscience, en honneur,
en justice et en équité, nous y sommes tenus.
(Ecoutez! écoutez!) L'argument tu quoque
ne saurait servir d'excuse à un tel manque
de foi. Je vous le demande, M. l'ORATEUR,
quelle piteuse figure ferions-nous en disant
au gouvernement impérial: les provinces
du Nouveau—Brunswick, de la Nouvelle- Ecosse et de l'Ile du Prince-Edouard ont
manqué à leurs engagements et nous avons
cru devoir suivre leur exemple. Je pense,
M. l'ORATEUR, que la position que l'on se
ferait ainsi ne mériterait que la pitié, car
elle nous abaisserait aux yeux du gouvernement impérial. (Ecoutez! écoutez!) Je
maintiens la justice du principe énoncé par
mon hon. ami le procureur-général du Haut- Canada: nous devons adopter ces résolutions
et les soumettre au gouvernement impé- ials afin que le nôtre reste digne de son
respect et que nous soyions nous-mêmes
respectés. (Ecoutez! écoutez!) Cela fait,
notre devoir sera accompli. Si les provinces
maritimes ne tiennent pas à leur engagement, nous n'en aurons pas moins fait notre
devoir et conservé par la le respect et la
bonne volonté de la mère-patrie. (Ecoutez!
écoutez!) Avant de terminer, M.l'ORATEUR,
je dois dire qu'il me fait peine de voir que
la question préalable ait été proposée, car
je voudrais que tout député eut pleine et
entière liberté d'exprimer ses opinions, de
motiver et d'enregistrer son vote dans les
journaux, afin qu'au besoin il soit consulté,
soit par lui pour se défendre, soit par d'autres
qui voudraient en tirer parti; mais en cela,
M. l'ORATEUR, il ne s'agit que de procédure, et quelque contrariété que j'éprouve
de voir que la question ait été présentée sous
cette forme, il ne s'en suit pas que je doive
rejeter tout le projet de confédération.
(Ecoutez! écoutez!)
M. GEOFFRION—M. l'ORATEUR:—
Lorsque je proposai l'ajournement, hier
soir, je n'entendais pas faire, le lendemain,
une revue générale du projet sous discussion, car je pense qu'il a été suffisamment
discuté pour que le pays puisse juger de
ses mérites et de ses désavantages. Mon
intention était plutôt de m'attacher à certains points du plan qui, dans mon opinion,
n'ont pas été assez mis au jour, et de faire
quelques réflexions sur ce qui a été dit, tant
dans cette chambre que dans le conseil
législatif, relativement à la protection des
institutions du Bas-Canada. Dans la chambre
haute, l'hon. premier ministre (Sir ETIENNE
PASCAL TACHÉ) disait dans son discours
du 3 février dernier:
"Si nous obtenons une union fédérale, ce sera
l'équivalent d'une désunion des provinces, et par
là le Bas-Canada conservera son autonomie avec
toutes les institutions qui lui sont si chères et
sur lesquelles il pourra exercer la surveillance
nécessaire pour la préserver de tout danger."
Et l'hon. soliciteur—général (M. LANGEVIN), après avoir expliqué à sa manière
les résolutions sur le mariage et le divorce,
s'exprimait ainsi dans son discours du 21
février dernier:
"C'est là un point important, et les députés
Canadiens—Français doivent être heureux de voir
que leurs compatriotes dans le gouvernement
n'ont point failli à leur devoir sur une question
aussi majeure. Il va sans dire que sur bien d'autres points plusieurs d'entre eux
n'admettront pas
que nous ayons bien rempli notre devoir; mais
sur le point en question, nous ne pouvons différer, car nous avons tous une règle
commune, et,
je le répète, ils doivent être heureux que leurs
coreligionnaires dans la conférence ne se soient pas
oubliés en cette occasion."
Il s'agit donc pour cette hon. chambre,
M. l'ORATEUR, de voir si nos institutions
nationales sont véritablement protégées par
les résolutions que nous ont été soumises.
Pour bien le faire, il faut établir ce qui
nous distingue comme nationalité. Je le
dis en toute sincérité, je n'ai jamais reconnu qu'il y avait d'autre différence entre
les Anglais et les Canadiens-Français qui
habitent ce pays que celle de leur religion,
leur langue et leurs lois, car nous avons le
même attachement qu'eux à l'empire britannique, et je suis convaincu qu il nest
pas un hon. membre de cette chambre qui
780
oserait exprimer une opinion contraire.
(Ecoutez! écoutez!) Ceci établi, M. l'ORATEUR, je me permettrai d'attirer l'attention
de la chambre sur la vingt-neuvième résolution. Elle se lit comme suit:—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire
des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées,
(sans toutefois
porter atteinte à la souveraineté de l'Angleterre,)
et en particulier sur les sujets suivants:"
Après une longue énumération des sujets
sur lesquels le gouvernement général pourra
législater, l'on arrive au paragraphe trente- et-un, qui a trait au mariage et au
divorce.
Le 2 juillet 1864, le premier ministre (Sir
ETIENNE PASCAL TACHÉ), dans un éloquent
discours prononcé lors de la seconde lecture
du bill de divorce BENNING, s'exprimait
ainsi dans le conseil législatif:
"Je m'oppose à la seconde lecture du bill et je
le fais sur le principe que le divorce est anti-chrétien et anti-national." [Et après
avoir cité différents passages de la bible:]—" Le divorce est immoral dans ses conséquences,
bien plus, il détruit
le famille."—[Plus loin:] "Je serais fâché de blesser
les sentiments de qui que ce soit, mais nous avons
à protéger la société en général et nous avons
certains devoirs à remplir. Pour ma parl, je manquerais envers ma conscience, ma religion
et
mon pays, si je ne m'opposais à ce bill. Il n'y a
que la mort qui puisse dissoudre le mariage.—Cette
opinion est des apôtres; c'est aussi la doctrine de
tous les pères et des conciles."
Le 9 juillet de la même année, l'hon.
solliciteur-général du Bas-Canada, dans le
discours qu'il prononça dans cette enceinte à
cette occasion, s'exprimait aussi dans les
termes suivants:
"Si je m'oppose au bill qui nous est soumis, ce
n'est pas que je ne croie pas que la personne qui
en fait la demande ne soit pas lésée, mais parce
qu'elle se trouve en contradiction formelle avec
mes principes sur cette matière; et, de plus,
parce que je considère que cette chambre n'a pas
le droit de dissoudre le mariage contracté entre
les parties en cause et de leur permettre de se
remarier."
Cette opinion de l'hon. solliciteur-général
du Bas-Canada fut soutenue par la totalité
des députés Canadiens-Français et des catholiques, qui ont déclaré en cette occasion,
en
votant même contre la première lecture du
bill, qu'ils étaient opposés en principe au
divorce; et leur opinion fut partagée et
appuyée par la plus grande partie des journaux du Bas-Canada. Le Canadien disait
à cette occasion:
"Le bill de divorce a obtenu, nous regrettons
de le dire, sa première lecture dans la chambre,
hier soir. La division a été de 61 voix contre 42.
Il n'y a donc aucun espoir de voir cette mesure
anti-sociale repoussée. Le devoir des esprits sages
du moins, c'est d'avertir la société des périls qu'on
lui fait courir, c'est de protester énergiquement
contre les funestes atteintes qu'on lui porte. MM.
LANGEVIN, MCGEE et CARTIER ont rempli, hier soir,
ce noble devoir, et, au nom de la société bas- canadienne, ils ont fait entendre à
la société haut- canadienne d'éloquents avertissements."
Le Courrier du Canada, à propos de la
même question, disait:
"Si quelqu'un dit que l'église est dans l'erreur,
lorsque, pour différentes raisons, elle décide que
la séparation entre gens mariés, en ce qui concerne
le lit nuptial ou la cohabitation, peut avoir lieu
pour un temps déterminé et indéterminé, qu'il
soit anathème. Voilà la doctrine de l'église
catholique sur le mariage, et ici, comme toujours
elle s'accorde parfaitement avec les lois de la
nature qui repoussent, elles aussi, le divorce
comme quelque chose de monstrueux."
Le Journal de Québec, du 9 juin 1864,
s'exprimait ainsi:
"La question du divorce vient périodiquement
occuper l'attention de la législature et attrister
les consciences catholiques. Le divorce est le
dissolvant le plus puissant des sociétés, car le
mariage c'est la formule sociale; ouvrez une fois
la porte un divorce sous un prétexte quelconque,
comment l'empêcherez-vous de déborder et de
submerger la société toute entière? "
Eh bien! M. l'ORATEUR, comme je le
disais il y a un instant, ces opinions étaient
celles de tous les Canadiens catholiques, et,
sur la même question, je ne puis voir de
raison qui justifie ce revirement d'opinion
qui s'est produit chez un certain nombre de
députés canadiens et chez nos ministres
catholiques. S'il est vrai qu'un catholique
ne peut admettre en principe le divorce, et
si nous sommes, en conscience. tenus de
l'empêcher en notre qualité de législateurs,
en votant contre toute proposition tendant à
le faire sanctionner, je me demande comment
on peut voter pour une résolution qui demande d'accorder à la législature générale
le droit de législater sur cette matière.
L'hon. député de Montmorency, dans le
discours qu'il a prononcé avant-hier dans
cette enceinte, nous a dit que si on n'avait
pas spécifié dans les résolutions que le parlement fédéral aurait le droit de législater
sur le divorce, ce pouvoir aurait pu s'exercer
non seulement par ce dernier, mais aussi par
les législatures locales. Par la quarante- troisième résolution, on voit, à l'article
15:
781
"que la propriété et les droits civils. moins
ce qui est attribué à la législature fédérale,
devront être laissés aux gouvernements
locaux." Il est évident que si on n'avait pas
dit dans les résolutions que la législature
fédérale aurait le droit de législater sur le
mariage et le divorce, ce droit serait resté
aux législatures locales.
L'
HON. M. CAUCHON — Et si cette
résolution n'avait pas été énoncée dans le
projet, que serait-il arrivé?
M. GEOFFRION—L'insertion de cette
clause nous place exactement dans la position que nous occuperions sous l'union législative.
Par l'insertion de cette clause, la
législature fédérale se trouve avoir le droit,
non seulemcnt de législater sur le mariage
et le divorce, mais aussi sur nos droits civils,
à nous, Bas-Canadiens; elle peut, quand elle
le voudra, s'attaquer à nos lois civiles.
L'hon. député de Montmorency admet que
la 48e clause et le paragraphe 15 assurent
la protection de nos droits civils, et que si
on n'avait pas précisé ce qui apparaît dans
cette partie des résolutions, les législatures
locales seules auraient eu le drort de s'en
occuper. Et il suffit, M. l'ORATEUR, de
jeter un coup-d'œil sur notre code civil pour
se convaincre que tel est le cas. A l'article
74 du titre 5, je lis ce qui suit: "Le
mariage ne se dissout que par la mort naturelle de l'un des conjoints; tant qu'ils
vivent
l'un et l'autre, il est indissoluble." Eh
bien! M. l'ORATEUR, s'il est vrai que notre
droit civil français dit que le mariage ne
peut pas être dissous par aucun moyen quelconque et par aucune autorité, si le droit
de
législater sur le divorce et le mariage n'avait
pas été laissé à la législature générale, il
n'aurait été permis à personne de divorcer
et de se remarier.
M. GEOFFRION—Qu'est-ce qui arrive?
Il est vrai que la législation nous fournit
des précédents; mais chaque fois que dans
la législature du Bas-Canada il s'est présenté
une demande de divorce, les députés catholiques ont voté pour la rejeter. Aujourd'hui,
la législature fédérale pourra décréter le
divorce, grâce à l'insertion de cette clause
dans le projet. On nous dit qu'en agissant
ainsi on avait voulu éloigner un danger qui
se recontrait aujourd'hui dans les législatures locales; mais on s'est grandement
fourvoyé, puisque sous le nouveau régime le
premier venu pourra se présenter à la légis
lature générale et obtenir un bill de divorce.
Et si l'on n'eût pas donné ce droit a la
législature fédérale, il eût été impossible de
divorcer dans le Bas-Canada, vu que la majorité de la législature locale sera canadienne-
française et catholique, et que le mariage
et le divorce se seraient trouvés sous le coup
de cette législature. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. solliciteur-général nous a dit dans
son discours,—et je conçois que c'est avec
beaucoup de peine qu'il a pu expliquer l'article relatif au divorce, que les membres
catholiques de la conférence ne s'étaient pas
opposés à cet article, et que, bien qu'ils fussent
opposés en principe au divorce, ils reconnaissaient qu'il y avait des cas où il était
permis
aux catholiques de se séparer. Je ne puis
m'empêcher de dire, M. l'ORATEUR, que
c'est une bien faible raison pour justifier la
concession au gouvernement général du droit
de législater sur le divorce. Le même paragraphe des résolutions dit que le gouvernement
fédéral aura le droit de législater sur
le mariage, et l'hon. soliciteur-général, dans
son discours, explique cet article comme
suit:—
"Le mot mariage a été placé dans la rédaction
du projet de constitution, pour attribuer à la
législature fédérale le droit de déclarer quels
seront les mariages que l'on devra considérer
comme valides dans toute l'étendue de la confédération, sans toucher pour cela, le
moins du
monde, aux dogmes ni aux rites des religions
auxquelles appartiennent les parties contractantes."
Je ne puis m'empêcher de reconnaître
que cette déclaration est très habile, et
pour une personne qui ne l'examinerait que
légèrement, je conviens qu'elle serait portée
à croire que le gouvernement maintient que
la législature fédérale ne pourra décréter
que le mariage civil est obligatoire, et qu'il
faudra qu'un mariage ait lieu devant l'église
catholique ou protestante pour être valide.
Mais our celui qui examine bien attentivement a portée de la clause en question, il
est facile de voir qu'elle ne peut pas être du
tout interprétée dans ce sens-là, et que sa
présence dans la constitution rendra loisible
au gouvernement général de décréter que le
mariage civil seul sera valide, en sorte que
les enfants qui naîtront de mariages contractés devant l'église et non ratifiée par
un
magistrat civil seront bâtards. Je maintiens
que c'est la seule interprétation qui puisse
être donnée à cette clause, et je défie l'hon.
sol.-gén. du Bas-Canada (M. LANGEVIN)
782
de lui en donner une autre qui soit
juste. (Ecoutez! écoutez!) Il nous a donné
réellement une magnifique explication de
cette clause, mais il me semble que la
chambre est appelée à se prononcer sur des
résolutions écrites, et qu'elle doit les interpréter telles qu'elles lui sont soumises;
elle
n'a pas à scruter les intentions intimes du
gouvernement sur leur objet. Si elles ont
un autre sens que celui que leur lettre comporte, la chambre a le droit d'exiger que
le
gouvernement les explique et les corrige.
La motion qui est maintenant devant la
chambre, M. l'ORATEUR, se lit comme suit:
"Qu'il soit présenté une humble adresse à Sa
Majesté, priant Sa Majesté qu'il lui plaise gracieusement de soumettre au parlement
impérial une
mesure à l'effet d'unir les colonies du Canada, de la
Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre- neuve et de l'Ile du Prince-Edouard
en un seul gouvernement, basée sur certaines résolutions qui ont
été adoptées à une conférence de délégués des
dites colonies, en la cité de Québec, le 10 octobre
1864."
Je dis donc que si cette adresse est votée,
on n'aura pas le droit de se plaindre si le
gouvernement impérial adopte des dispositions pour dire que la législature fédérale
aura le droit de statuer sur tout ce qui se
rapporte au mariage et au divorce.
L'
HON. M. CAUCHON—Pas le moins
du monde: elle sera rédigée ici et soumise
ensuite au gouvernement impérial.
M. GEOFFRION—Si je comprends bien
ce que je lis, l'adresse demande à Sa
Majesté de vouloir bien soumettre au parlement impérial une mesure à l'effet d'unir
les colonies du Canada, de la Nouvelle- Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre- neuve
et de l'Ile du Prince-Edouard en un
seul gouvernement, basée sur certaines résolutions qui ont été adoptées à une conférence
de délégués des colonies. Or, si c'est
au gouvernement impérial à adopter cette
mesure, il lui sera loisible de faire comme
en 1856 relativement au conseil législatif,
et l'on n'aura pas le droit de se plaindre s'il
y fait certains amendements qui pourraient
ne pas être de notre goût, puisque l'on dit
dans nos résolutions que les gouvernements
locaux auront le droit de législater sur la
propriété et les droits civils, moins ce qui
est attribué au gouvernement fédéral, et que
parmi les sujets ainsi laissés à ce dernier,
se trouvent le mariage et le divorce. (Ecoutez! écoutez!) Je sais, M. l'ORATEUR,
ce qui va m'être répondu. On dira que par
esprit de parti je me pose en défenseur de
la religion, et que je veux faire croire à cette
hon. chambre que si elle vote pour les
résolutions, elle va mettre en danger nos
institutions. Mais il me semble, M. l'ORATEUR, que pour nous tous, catholiques,
l'indissolubilité du mariage est un article
religion, et que si les résolutions ne reconnaissent pas cette doctrine de l'église,
elles
devront être rejetées par chacun de nous. On
va peut-être me répondre: "mais comment
se fait-il que notre clergé catholique reste
tranquille quand on sape ainsi un des dogmes
de notre église, et se prononce en faveur de
la confédération?" Je nie, M. l'ORATEUR,
que le clergé canadien soit en faveur du
projet ministériel, et la preuve, c'est que
les requêtes qui ont été envoyées contre le
projet étaient signées par plusieurs prêtres.
M. GEOFFRION—Plusieurs ont signé
ces requêtes. Je conçois qu'il y ait quelques
membres du clergé qui soient en faveur
projet; mais je ne pense pas que le clergé
en général professe les mêmes sentiments.
Nous n'avons pas reçu une seule requête en
faveur de la confédération, et tous les jours
il nous en arrive un grand nombre pour
repousser le projet.
L'
HON. M. CAUCHON—N'amenez donc
pas le clergé dans cette enceinte: nous ne
l'avons pas fait, nous!
M. GEOFFRION—Oui, vous l'avez fait.
L'hon. procureur-général du Bas-Canada a
dit dans cette chambre que le clergé était en
faveur du projet. Eh bien! moi, je maintiens qu'un grand nombre de prêtres sont
opposés à la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Je vois dans le
Canadien d'aujourd'hui une correspondance écrite par un
membre du clergé, qui s'exprime ainsi sur
le projet de confédération...
M. ROBITAILLE — Cette corresponddance est-elle bien écrite par un prêtre?
M. GEOFFRION—Si l'hon. membre en
doute, il pourra se renseigner auprès de
l'hon. député du comté de Québec, qui est
le propriétaire de ce journal. Voici ce que
ce prêtre dit dans sa correspondance: "Le
clergé! Non, il n'est point pour votre confédération telle que proposée. Un grand
nombre, il est vrai, y vont de confiance et se
fient à nos hommes; mais un bon nombre
783
ainsi la redoutent et voudraient y voir des
amendements." Il est facile de comprendre,
pour quiconque se donne la peine de refléchir
sure cette question, que parmi le clergé comme
parmi les laiques, il se trouve un grand
nombres d'hommes qui, ayant toujours eu
confiance dans les ministres bas-canadiens,
ont été habitués a les considérer comme les
protecteur-nés de la religion et de res institution nationales, et soient prêts à
accepter
les déclaratrons et les explications données
dans cette chambre par nos ministres,—explications qui disaient tout simplement que
la
législation du gouvernement fédéral n'aurait
pas autres effet que d'établir la légalité des
mariages contractés dans n'importe quelle
province de la confédération lors ne les conjoints passeraient dans le Bas-Canada.
On
comprend facilement qu'avec de pareilles explication les membres du clergé, qui ont
toujours eu confiance dans les ministres du jour,
ne soient pas susceptibles de trop s'alarmer.
Mais si on veut bien interpréter cette clause
des résolutions dans leur véritable sens, on
devra convenir que la législation du gouvernement fédéral sur le mariage et le divorce
pourra très souvent blesser nos sentiments
comme catholiques, puisqu'elle pourra décéter que le mariage est amplement un acte
civile et que les mariages contractés devant
l'église, soit catholique ou protestante, qui ne
seront pas ratifiée par un magistrat, ne seront
pas valides. Maintenant, voyons quel sera
l'effet de ces dispositions par rapport à nos
lois. L'honorable procureur-général du Bas- Canada nous a fait un éloge pompeux de
notre
code civil; il a même it qu'il était infiniment supérieur au code français et à tous
les codes connus. (Rires.) On nous dit que nos
institutions et nos lois civiles seront pleinement protégées, et que la législature
fédérale
pourra seulement législater sur les lois des
aures provinces, nos lois civiles étant à l'abri
de son action. Si cette disposition relative au
mariage et au divorce est adoptée, quel en sera
l'effet sur nos lois civiles? Le solliciteur- général du Bas-Canada nous dit que le
but
de cette résolution était de rendre valide
dans toute la confédération un mariage contracté dans n'importe quelle province. Il
me semble, M. l'ORATEUR, qu'un homme
dans la position de l'hon. député de Dorchester, qui, par rapport à cette même position,
a droit de monter sur le banc, et a préséance
sur la plupart des membres du barreau du
Bas-Canada, n'aurait pas du montrer une
ignorance aussi impardonnable de notre droit
civil. En regardant à l'article 19, titre 5 du
code civil, je lis ce qui suit:—
"Le mariage célébré hors du Bas-Canada entre
deux personnes sujettes à ses lois, ou dont l'une
seulement y est soumise, est valable, s'il est célébré
dans les formes usitées au lieu de la célébration,
pourvu que les parties n'y soient pas allées dans
le dessein de faire fraude à la loi."
Ainsi, M. l'ORATEUR, puisque le mariage d'un Bas-Canadien contracté dans un
un autre pays suivant ses lois, est valide dans
notre pays, l'explication et l'interprétation
données par l'hon. solliciteur-général de la
clause relative au mariage et au divorce n'a
aucune valeur, et on peut retrancher cette
clause des résolutions. (Ecoutez! écoutez!)
Si j'ai bien compris cette clause, il sera
permis à la législature de décréter une foule
de choses sur le mariage: ainsi, elle pourra
changer cette partie du code qui a fixé l'âge
à laquelle un enfant peut se marier sans le
consentement de ses parents; changer la
manière de contracter mariage; changer les
droits et devoirs des époux l'un envers l'autre;
elle pourra aussi affecter notre code civil au
titre des obligations, du mariage, des tutelles,
de la puissance paternelle, etc., en un mot,
dans un grand tiers de ses dispositions. Si
c'est là la magnifique protection qu'on prétend devoir être offerte par la constitution
nouvelle à nos lois et à nos institutions
religieuses et civiles, ou a bien raison de
craindre qu'elles seront, un jour ou l'autre,
atteintes dans leur vitalité. Maintenant j'attirerai l'attention de la chambre, et
surtout des
députés canadiens—français, sur la quarante- sixième résolution, qui a trait à l'usage
de
la langue française dans les législatures
fédérale et locale. Elle se lit comme suit:—
"Les langues anglaise et française pourront
être simultanément employées dans les délibérations du parlement fédéral ainsi que
dans la législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours
fédérales et les cours du Bas-Canada."
Si l'on examine attentivement ces résolutions,
l'on voit de suite qu'elle n'aflirme pas que la
langue française sera sur le même pied que
la langue anglaise dans les chambres fédérale
et locale. En effet, au lieu de "devra" qu'on
aurait dû mettre dans cette résolution, en a
écrit "pourra," de sorte que si la majorité
anglaise décide que les votes et délibérations
ainsi que les bille de ces chambres ne soient
imprimés qu'en anglais, rien ne pourra empêcher que sa décision ne soit mise à effet.
I1 va sans dire que nous pourrons nous servir
de la langue française dans les discussions;
784
mais, d'un autre côté, il est évident que la
majorité pourra décréter, quand elle le voudra,
que les bills et les délibérations de nos
chambres ne soient pas imprimés en français,
et, par conséquent, cette clause ne nous offre
aucune garantie, à nous, Canadiens-Français.
Je suppose que pour tous les actes ou résolutions de cette chambre, l'on entend donner
aux mots la signification qui leur est donnée
par la loi du pays, et l'on ne devra point être
surpris si, pour expliquer les résolutions qui
nous sont soumises, je m'attache à la lettre
même de ces résolutions, et si je ne fais pas
d'efforts d'imagination pour deviner l'intention de ceux qui les ont rédigées. Le
statut
provincial, 22, Vic. chap. 29, réglant l'interprétation des statuts, dit:
"Chaque fois que par un acte quelconque il est
prescrit qu'une chose sera faite, l'obligation de
l'accomplir sera sous-entendue; mais lorsqu'il est
dit qu'une chose pourra être faite, de pouvoir de
l'accomplir sera facultatif."
Dans les résolutions qui nous sont soumises, l'on emploie dans la version anglaise
le mot "may," que l'on a traduit en français par le mot "pourront," et on dit que
les langues française et anglaise pourront
être simultanément employées dans les
délibérations du parlement fédéral ainsi que
dans la législature du Bas-Canada, et aussi
dans les cours fédérales et les cours du
Bas-Canada. Il est donc facile de voir
que cette résolution rend l'usage de la
langue française excessivement précaire, et
que la majorité pourra la proscrire de nos
votes et délibérations et de notre législature.
Les députés bas-canadiens, qui ont toujours
soutenu les ministres du jour, devraient exiger d'eux que l'on affirmât dans les résolutions
que la langue française sera sur le même pied
que la langue anglaise. La garantie qu'elles
nous offrent sous ce rapport n'en est pas une.
Je ne suis point le premier qui ait signalé les
dangers que courraient nos institutions et
nos lois; le Canadien de cette ville les a
signalées en maintes et maintes occasions, et
l'hon. député de Montmorency lui-même, qui
tout dernièrement admettait dans cette
chambre qu'il est le rédacteur en chef du
Journal de Québec, écrivait ce qui suit dans
cette feuille, en date du 18 janvier 1865.
Après avoir parlé de la conduite passée des
Haut-Canadiens et particulièrement de l'hon.
président du conseil (M. BROWN) vis-à-vis
des Bas-Canadiens il ajoute:—
"Pour le Bas-Canada, il est d'autres questions
encore que celle de l'argent: il y a les questions
religieuses, sociales et nationales. C'est ici que se
trouvent pour le succès du projet, les plus grandes
difficultés; mais elles ne sont pas insurmontables,
car quelques légers changements dans la lettre—
changements qui n'affecteront en rien les intérets
des autres provinces,—feront accueillir la constitution nouvelle par l'immense majorité
de la population du pays. Nous pouvons dire, sans crainte,
qu'il est prodigieux que la convention ait approché
si près de l'équité, après quelques jours de travail
seulement et au milieu de tant et d'innombrables
obstacles."
Il me semble, M. l'ORATEUR, que si l'hon.
député de Montmorency a eu raison de dire
à l'administration qu'il y avait danger pour
notre nationalité et nos institutions et qu'il
fallait des changements, nous, députés canadiens-français sommes tenus d'exiger que
ces résolutions qu'on nous soumet offrent
une protection suffisante pour ces mêmes
institutions, et qu'elles ne soient point
écrites de manière à donner lieu à deux
interprétations Comment la discussion du
projet de confédération a-t-elle été conduite
dans le Bas-Canada? Le voici: tout 1es
journaux ministériels ont d'abord prié et
supplié la population de ne pas condamner
la mesure avant de la connaitre; ils ont
crié bien haut que le gouvernement avait
besoin d'être laissé tranquille pour élaborer
son projet; puis, quand le projet a été livré
à la publicité, ces mêmes journaux ont
déclaré que bien certainement il devait être
amendé dans certaines parties avant d'etre
adopté par le pays, et qu'ils seraient les
premiers à demander ces changements qui,
d'ailleurs, seraient facilement obtenus de
l'administration, sinon, qu'ils les rejetteraient comme dangereux pour le Bas- Canada.
Il n'est pas même jusqu'a la
Minerve qui n'ait fait ces admissions. On
a dit: le gouvernement ne fera pas une
question ministérielle de l'adoption du projet tel qu'il est; on pourra le discuter,
et, si on
y découvre quelque danger pour nos institutions religieuses et nationales, on pourra
le
faire disparaître en l'amendant. Il y a même
plus. Au commencement de la discussion du
projet, le procureur-général du Haut-Canada
lui-même a déclaré dans cette enceinte que
les députés pourraient proposer des amendements et que la chambre en disposerait.
Eh bien! qu'a-t-on vu depuis? On a vu
ce même ministre venir déclarer que le projet devait être accepté tel qu'il se trouvait,
et que le gouvernement ne permettrait
aucun amendement. Est-ce là une conduite
de nature à nous donner confiance dans le
projet et dans l'administration qui le pro
785
pose? J'en appelle aux membres bas- canadiens, et je leur demande s'ils sont prêts
à ratifier par leur verdict une conduite aussi
inexcusable de la part du gouvernement,
et s' ils ne doivent pas insister pour qu'il nous
donne plus de garanties pour nos institutions religieuses et nationales. (Ecoutez!
écoutez!) J'espère que les députés canadiens-français seront à la hauteur de leur
devoir et qu'ils insisteront pour que le gouvernement déclare dans ces résolutions
que
toute les choses qui nous sont chères soient
à l'abri des attaques de nos adversaires.
Toute fausse interprétation doit être enlevée
de ces résolutions. Si, comme on le dit,
notre langue sera amplement protégée sous
le nouveau régime, je ne vois pas pourquoi
on ne le statuerait pas en toute lettre dans
la constitution. Les explications de l'hon.
soliciteur-général du Bas-Canada (M. LANGEVIN) sont bien belles et bonnes; mais
elles ne suffisent pas, et je leur préfère une
déclaration écrite dans la constitution même
qui statuer formellement que ces choses
ne pourront être touchées par aucune législation du gouvernement fédéral. (Ecoutez!
écoutez!) Je demande pardon aux députés
anglais d'avoir été obligé d'exiger du gouvernement de plus amples garanties pour
nos
institutions religieuses et nationales; mais
j'espère qu'ils comprendront que ce n'est
pas par esprit d'hostilité contre leurs propres
institutions, et que les mêmes motifs qui
leur font demander de plus amples garanties
pour leurs nationaux, en minorité dans le
Bas-Canada,— garantie réclamée l'autre soir
par l'hon. député de Montréal-Centre (M.
ROSE),—me font aussi demander la même
chose pour mes compatriotes. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. Sol.-Gén. LANGEVIN—Mon
hon. ami voudra bien me permettre de lui
donner une courte explication. Il a dit qu'il
espérait que le gouvernement et les députés
de ce côté-ci de la chambre admettraient qu'il
avait voulu défendre les intérêts religieux
et nationaux du Bas-Canada. L'hon. député
de Verchères n'a pas besoin d'avoir de
crainte à ce sujet: car on doit toujours
supposer—et il n'est pas un hon. membre de
ce coté-ci qui ne partage ces sentiments—
que toute opinion exprimée dans cette enceinte par les messieurs de l'opposition relativement
à ces questions qui touchent à
notre nationalité et à notre religion, est
franche, et sincère. Nous croyons donc
qu'en s'exprimant comme il l'a fait, l'hon.
député de Verchères a été sincère et franc.
Cependant, je me permettrai de lui répondre
sur deux points. La première question est
celle du mariage. L'hon. député n'a pas
cité toute la partie de mon discours qui a
trait au mariage; il s'est contenté d'en citer
la première partie, mais il aurait dû citer la
seconde, qui est comme suit:
"Le fait est que le tout consiste en ceci: que le
parlement central pourra décider que tout mariage
contracté dans le Haut-Canada, ou toute autre
province confédérée, d'après la loi du pays où il
aura été contracté, quand bien même cette loi
serait différente de la nôtre, serait considéré
comme valide dans le Bas-Canada, au cas où les
conjoints viendraient y demeurer, et vice versa."
Ceci n'était qu'un développement de ce
que j'avais dit, etje déclarais plus loin que
l'interprétation que j'avais donnée du mot
mariage était celle du gouvernement et de la
conférence de Québec, et que nous voulions
que la constitution fût rédigée dans ce sens.
L'hon. député de Verchères a cité la partie
du projet de code civil et dit qu'un article
porte qu'un mariage contracté dans n'importe
quelle province suivant les lois du pays où
il aura été contracté, sera valide dans n'importe quel pays du monde, et il déduit
de cela
que puisque le code civil le déclarait, nous
n'avions pas besoin de le mettre dans les
résolutions. Mais l'hon. député devrait savoir
que cette partie du code peut être rappelée
un jour ou l'autre, et que si cela arrivait les
conjoints mariés sous les circonstances précitées n'auraient plus la protection qu'ils
ont
aujourd'hui et que nous voulons leur assurer
par la constitution. Je maintiens donc qu'il
était essentiel d'insérer le mot "mariage"
comme il l'a été dans les résolutions, et qu'il
n'a pas d'autre signification que celle que je
lui ai donnée au nom du gouvernement et
de la conférence; ainsi, l'hon. député de
Verchères n'avait aucune raison de dire que
la législature fédérale pourrait changer la
partie du code civil qui fixe l'âge à laquelle
l'enfant pourra se marier sans le consentement de ses parents. Un autre point sur
lequel l'hon. député de Verchères a insisté
sans doute pour avoir des éclaireissements,
que je serai content de lui donner si cela
peut le faire voter pour les résolutions,—et
j'ai la conviction qu'ils devront le satisfaire,—
c'est celle de la langue française sous la confédération. La quarante-sixième résolution
se lit comme suit:
"Les langues anglaise et française pourront
être simultanément employées dans les délibéra
786
tions du parlement fédéral ainsi que dans la
législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours
fédérales et les cours du Bas-Canada."
L'hon. député de Verchère a dit qu'il est
vrai qu'on pourra discuter les questions en
langue française dans le parlement fédéral et
dans la législature du Bas-Canada, ainsi que
dans les cours de justice de la confédération,
mais que la rédaction de la résolution n'affirmait pas que cette langue pourrait être
employée dans la rédaction des lois et des
votes et délibérations des législatures fédérale et locale. Eh bien! M. l'ORATEUR,
je suis certain que l'hon. député de Verchères apprendra avec bonheur qu'il a été
parfaitement entendu à la conférence de Québec que la langue française ne serait pas
seulement parlée dans les cours de justice et
dans le parlement fédéral et le parlement
local du Bas-Canada, mais que de même
qu'aujourd'hui les votes et les délibérations
de ces législatures, ainsi que toutes les lois
fédérales et de la législature du Bas-Canada,
seront imprimées dans les deux langues. Il
y a même plus: la langue française sous la
confédération sera parlée devant les tribunaux fédéraux, avantage que nous n'avons
pas aujourd'hui quand nous avons à nous
présenter devant les cours d'appel de la
Grande-Bretagne. Ainsi donc, l'hon. député
de Verchères, de même que cette hon. chambre, devront être heureux de voir que ses
représentants à la conférence de Québec
n'ont point failli à leur devoir sur ce point
Ce sont les principes sur lesquels sera basée
la nouvelle constitution, et je ne crois pas
trop dire en prétendant qu'il était impossible
de garantir davantage ce privilége essentiel
de notre nationalité, ainsi que nos institutions civiles et religieuses. Je tenais
à
donner cette explication à l'hon. député de
Verchères ainsi qu'à cette hon. chambre, et
j'ai confiance qu'elles satisferont pleinement
le pays. (Ecoutez! écoutez!)
M. GEOFFRION—L'hon. député de
Dorchester (le Sol.-Gén. LANGEVIN) nous a
expliqué que l'intention des membres de la
conférence de Québec avait été que non
seulement la langue française serait en usage
dans la législature fédérale et le parlement local du Bas-Canada, ainsi que devant
les tribunaux du pays, mais que ce
serait un droit garanti par la constitution
aux populations françaises sous la confédération. Cet hon. ministre nous a aussi dit
que le mot "mariage" inséré dans les résolutions ne veut pas dire autre chose que
ce
qu'il a expliqué a la chambre dans son discours, et que nous devions être heureux
que
les représentants de la population française
à la conférence aient ainsi garanti ses institutions civiles et religieuses. Pour
ma part,
M. l'ORATEUR, j'avoue que je ne puis
comme lui apercevoir cette magnifique protection qu'il nous a vantée. Si les résolutions
maintenant devant la chambre veulent
dire quelque chose, on ne peut trouver
cette signification que dans la lettre même
de ces résolutions. Il sera toujours loisible
à une majorité anglaise de se servir de la
lettre de la constitution et de venir nous
dire: cela ne sera pas; nous ne le voulons pas,
et la constitution ne vous garantit pas
droits que vous prétendez qu'elle vous
confère. Et elle pourra d'autant plus facilement le faire, que les résolutions n'affirment
pas que ces choses seront inattaquables. S'il
y a eu à ce sujet dans la conférence une autre
entente que celle qui apparait dans les résolutions, la chambre devrait en être saisie
avant d'être appelée a voter sur ces résolutions; car si l'intention des conférendaires
est telle que le dit l'hon. solliciteur-général
pour le Bas-Canada, et qu'elle soit suivie, la
chambre est exposée à ce que, sur toute autre
résolution, l'intention soit également contraire à ce qui est écrit et qu'elle soit
suivie.
Les résolutions devront être interprétées
telles qu'elles sont, sans égard a l'intention
des conférendaires, et à cause de cela, je
ne puis m'empêcher de déclarer que les
Canadiens-Français commettraient une bien
inexcusable imprudence en adoptant une
résolution qui dit que la législature fédérale
aura le droit de législater sur le mariage et
le divorce, et qui dit tout simplement que
la langue française pourra être employée
dans la législature fédérale. La députation
française, je le répète, devrait exiger que
l'on remplaçât le mot "pourra" par le mot
"devra" dans la résolution qui a trait à
cette matière, pour la publication des procédés de cette législature. Si on n'agit
pas
ainsi et si on ne s'entoure pas de toutes ces
précautions, tôt ou tard la majorité anglaise
dans le parlement fédéral pourra proposer
et obtenir que les lois ne soient imprimées
qu'en anglais; et si nous nous contenons
de l'entente dont nous a parlé l'hon solliciteur-général du Bas-Canada, on pourra
nous
répondre, quand nous voudrons nous opposer
à cette injustice: "Il fallait prendre et
exiger de plus amples garanties, et vous
deviez voir à ce que la constitution fût plus
787
explicite et plus précise sur ce point." Et
nous aurons rien à répondre a cela! Il
faudra nous résigner; il nous faudra subir
toutes les restrictions que la majorité pourra
nous imposer. Je maintiens donc que la députation canadienne—française de cette chambre
devrait exiger du gouvernement que cette
entente entre les conférendaires fit partie de
la constitution, et que les garanties qu'on
nous dit être octroyées par la constitution
fussent plus explicitement exprimées qu'elles
ne le sont dans les résolutions. Si nous
votons ces résolutions telles qu'elles sont,
nous voterons sans avoir exactement quelle
est la nature des garanties qu'elles nous
offrent. (Applaudissements.)
M. RÉMILLARD M. le PRÉSIDENT:—
La question d'une un on fédérale des provinces britanniques de l'Amérique du Nord
est si importante qu'elle occupe en ce moment
non-seulement cette hon. chambre, mais le
monde politique presque tout entier. Je
crois donc qu'il est du devoir de ceux auxquels elle est soumise de faire connaître,
chacun à sa manière, les raisons qui les
engageront à adopter ou rejeter cette union.
Quand pour la première fois, en 1861, le
comté de Bellechasse me faisait l'honneur
de m'envoyer ici comme son représentant,
j'étais bien loin de m'attendre à être appelé, au
commencement de 1865, à prendre part à
la discussion d'une semblable mesure, dont
dépend, suivant moi, tout notre avenir. Les
choses vont si vite dans ce siècle de progrès
de tout genre, qu'il ne faut pas s'étonner si
on nous propose aujourd'hui d'envisager la
position politique de notre jeune pays. Je
l'avouerai de suite, M. le PRÉSIDENT, cette
position ne m'a pas paru enviable depuis
quelques années. En effet, qu'avons-nous
vu en politique? Nous avons vu dans cette
enceinte des scènes regrettables et souvent
répétées, des luttes acharnées et incessantes
parmi nos hommes d'Etat au sujet de
certaines difficultés sectionnelles qui ont
besoin d'être réglées à l'amiable, si nous
voulons éviter pour plus tard des troubles
sérieux; nous avons vu des ministères se
succéder presque tous les six mois, des ministères accusés tous les jours—et avec
raison dans bien des cas—de s'être rendus
coupables d'actes de corruption pour prolonger leurs faible existence. Nous avons
vu au dehors des journaux remplis d'attaques
personnelles et d'injures de toutes sortes,
des élections générales tous les ans, remportées dans bien des comtes par la fraude
et l'exploitation de misérables préjugés.
(Ecoutez! écoutez!) Le peuple en était
rendu à croire que c'est chose méritoire
pour le ciel que de calomnier un député ou
un candidat et de lui faire perdre la bonne
réputation qu'il s'était acquise quelquefois par
bien des sacrifices. (Ecoutez! écoutez!) Les
honnêtes gens ne peuvent éprouver que
du dégoût pour une semblable politique,
ennemie de tout patriotisme et dangereuse
pour nos institutions. Le peuple canadien,
intelligent, courageux et brave, est appelé
à jouer un rôle plus noble et plus digne que
celui-là. C'est à nos hommes d' Etat, à quelque
partis qu'ils appartiennent, à lui fournir la
carrière qui lui convient, sans s'occuper des
préjugés ni des opinions données à une autre
époque et dans d'autres circonstances. (Ecoutez! écoutez!) Nous surtout, Canadiens-
Français, si nous voulons continuer de jouir,
au milieu des peuples divers qui habitent
cette vaste Amérique, des institutions qui
nous ont été précieusement conservées,
auxquelles nous tenons plus qu'à la vie, nous
avons besoin de chercher des alliances avec
les habitants des autres provinces britanniques de l'Amérique, avec lesquelles nous
avons des intérêts communs, qui auront les
mêmes ennemis que nous à repousser en cas
d'invasion, et qui, comme nous, ont l'avantage
d'être sous la protection de la Grande-Bretagne. Dans un temps où nous sommes, pour
ainsi dire, menacés par les Etats-Unis, serions- nous assez insensés pour mépriser
les conseils
qui nous viennent de la Grande-Bretagne,
sans laquelle nous ne pourrions rien pour
notre protection, et de prétendre sérieusement
que nous pouvons sans danger faire manquer
l'union fédérale que nous discutons, dans
le projet de laquelle nos hommes d'Etat
ont eux-mêmes fait accepter les conditions
qu'ils ont cru être les plus équitables pour
sauvegarder les plus chers intérêts de tous?
Si nous en agissions ainsi, nous connaîtrions
bien mal notre position vis-à-vis de l'Angleterre et, des Etats—Unis, nos redoutables
voisins. Les hommes distingués de la conférence tenue à Québec, dans le mois d'octobre
dernier, l'ont dit unanimement: "Une
union fédérale sous la couronne de la Grande- Bretagne, aurait l'effet de sauvegarder
les
intérêts les plus chers et d'accroître la prospérité de l'Amérique Britannique du
Nord,
pourvu qu'elle puisse s'effectuer à des conditions équitables pour les diverses provinces."
Les hommes les plus éminents en Angleterre
ont répété la même chose et approuvé le
788
projet de la conférence. Je n'entreprendrai
pas, M. le PRÉSIDENT, de discuter les différents articles qui se trouvent dans le
projet
d'union; les hon. députés qui m'ont précédé
dans cette discussion ont dit, suivant moi,
tout ce qui peut être dit sur chacun de ces
articles. D'ailleurs, les écrits savants et
bien pensés qui ont été publiés en cette
ville, dans le
Journal de Québec et le
Courrier du Canada, n'ont pas moins contribué à faire connaître ce projet que les
nombreux discours qui ont été prononcés
dans cette chambre. Malgré la bonne opinion que j'ai de quelques-uns des hon.
députés qui ont essayé de prouver à cette
chambre et au pays que l'union proposée
serait plus funeste qu'avantageuse aux
diverses provinces qui y sont concernées, je
dois avouer que leur raisonnement ne m'a
pas convaincu—je dirai même qu'il ne m'a
pas paru convainquant. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député de Lotbinière, par exemple,
en qui j'ai confiance, il le sait, et avec lequel
je regrette infiniment de différer d'opinion
sur une mesure aussi importante, ne veut
aucun changement dans notre constitution
actuelle. Il trouve que tout a été pour
le mieux. Voici ce qu'il nous dit dans son
éloquent discours:
"Ne nous laissons pas éblouir par l'ambition
de devenir tout d'un coup un grand peuple! Les
Etats-Unis sont un grand peuple, mais quel est
le peuple, quelque petit qu'il soit, qui envie
aujourd'hui leur grandeur? Contentons-nous
de notre sort; peu de peuples en ont un meilleur."
Je suis de l'avis de mon hon. ami jusqu'à
un certain point. Comme lui, je n'envie pas
le sort des Etats-Unis, mais je diffère d'avec
lui sur le moyen à prendre pour nous protéger contre nos adversaires, même contre
les Etats-Unis, et pour conserver notre nationalité. L'hon. député, pour prouver que
l'union proposée serait un mal, nous a
cité l'extrait suivant de l'ouvrage de lord
BROUGHAM, sur la Philosophie Politique:
"L'union fédérale, en conservant une ligne de
démarcation entre ses différents membres, encourage au plus haut degré la croissance
de tous ces
préjugés pernicieux que tout gouvernement doit
regarder comme son premier devoir de déraciner,
puisqu'ils conduisent directement à l'anarchie et
à la guerre civile."
Je puis être dans l'erreur, mais il me
semble que cet extrait de l'ouvrage de lord
BROUGHAM n'est pas tant contre une union
fédérale comme celle qui nous est proposée
que contre la situation actuelle des Cana
diens-Français. En effet, il y a une ligne de
démarcation bien marquée dans cette province entre les habitants du Haut-Canada
et ceux du Bas-Canada. C'est cette ligne
de démarcation-là même qui a occasionné
les difficultés sectionnelles que nos hommes
d'Etat ont entrepris de régler à l'amiable.
Les chefs de l'opposition eux-mêmes ont
entrepris de régler les difficultés d'une
manière bien moins avantageuse pour le
Bas-Canada. Si donc l'opinion de lord
BROUGHAM devait faire autorité ici, il
serait du devoir du gouvernement de cette
province de faire disparaître cette ligne de
démarcation dont je parle, entre les habitants
du Haut-Canada et ceux du Bas-Canada.
Ce n'est pas cela, j'en suis sûr, que désirerait mon hon. ami. (Ecoutez! écoutez!)
En parlant des sept provinces unies (maintenant la Hollande et la Belgique), l'hon.
député de Lotbinière a lu l'extrait suivant
de lord MACAULAY:—
"L'union d'Utrecht, construite à la hâte, au
milieu des convulsions d'une révolution dans le
but de faire face aux exigences du moment, n'avait
jamais été pesée avec calme, ni perfectionnée
dans une époque de tranquillité. Chacune des
sept provinces que cette union réunissait en un
seul faisceau conservait presque tous les droits de
souveraineté et exigeait du gouvernement fédéral
le respect absolu de ces droits."
C'est tout ce que l'hon. député nous a cité
de lord MACAULAY. Comme on le voit, M.
le PRÉSIDENT, cet auteur n'est pas contre
une union fédérale; il démontre seulement
d'où venaient les vices de l'union d'Utrecht.
Cette union avait été faite à la hâte, au
milieu d'une révolution, dans le but de faire
face aux exigences du moment. Mais notre
projet d'union a été pesé avec calme, dans
un temps de tranquillité,—tranquillité qui
nous vient indubitablement du gouvernement de coalition actuel. Donc, l'auteur qui
vient d'être cité ne démontre qu'une chose:
c'est que nous aurions tort d'attendre les
convulsions d'une révolution ou d'une invasion pour discuter les bases d'une union
fédérale. (Ecoutez! écoutez!) L'hon.
député de Lotbinière a donné à entendre
que le plus sûr moyen de gagner l'amitié
des provinces maritimes, de conserver leur
sympathie, leur zèle en cas d'attaque, était
de n'avoir pour ainsi dire rien de commun
avec ces provinces. Je crois, au contraire,
que le Bas-Canada gagnerait à se faire connaître davantage, à faire connaître l'esprit
de justice et de libéralité de ses habitants,
et ses institutions telles qu'elles sont. La
789
meilleure entente ne règne-t-elle pas parmi
les habitants des différentes origines, dans
toutes les classes de la société? Nous
constatons tous les jours avec plaisir, —
et je le dis avec bonheur, — que le Bas- Canada a beaucoup gagné dans l'esprit
des hon. députés du Haut-Canada, depuis
qu'ils leur a été donné de séjourner au
milieu de nous, de voir par eux-mêmes ce
que sont nos institutions, et ce que nous
sommes nous-mêmes. (Ecoutez!) J'espère
que mon hon. ami, le député de Lotbinière, me
pardonnera si je prends la liberté de discuter
encore quelques instants certaines parties de
son discours, mais je tiens beaucoup à lui faire
voir que je l'ai écouté avec attention et que
s'il ne m'a as convaincu, ce n'est pas ma
fant. Pour nous mettre en garde contre
l'union proposée, l'hon député nous a fait
jeter un coup-d'œil rapide sur l'histoire de
l'ancienne Grèce, pour nous montrer la haine
que l'Athénien portait au Spartiate. Il craint
sans doute que cette haine, si l'union a lieu,
ne se manifeste entre l'habitant du Bas- Canada et celui de l'Ile de Terreneuve ou
de
l'Ile du Prince-Edouard. Il nous a fait
voyager aussi à travers diverses contrées où il
nous a fait voir des insurrections fréquentes,
des échauffourées et des troubles de toutes
sortes chez des euples vivant sous le régime
d'unions fédérales, et il en conclut que les
unions fédérales sont mauvaises et pernicieuses. Mais l'hon. député nous a-t-il montré
que la situation politique de ces peuples,
avant leur union, fût analogue à la nôtre?
Nous a—t—il montré que la base de ces unions
fédérales fût semblable à la base de celle que
nous projetons? Ces unions ont-elles fait
passer ces peuples de l'état de prospérité, de
tranquillité et de bonheur, à l'état où on a
bien voulu nous les représenter? Etaient-ils
situés comme nous le sommes? Avaient-ils
les mêmes penchants, les mêmes goûts, les
mêmes antécédents que nous? Tiraient-ils
comme nous leur origine des deux plus sages,
des deux plus grandes nations du monde?
Comme nous, enfin, avaient-ils la couronne
d'Angleterre pour les protéger? Non, ils
n'avaient aucun des avantages que nous possédons, et la comparaison n'était pas possible
(Ecoutez! écoutez!) D'ailleurs. M. le PRESIDENT, ne suffit-il pas d'un coup-d'oeil
sur
l'histoire de tous les pays pour y voir partout,
sous toutes les institutions possibles, non
seulement des échauffourées mais bien des
guerres fréquentes et des révolutions sanglantes et pleines d'horreur? Les constitu
tions de l'Angleterre et de la France n'ont- elles as été arrosées par des ruisseaux
de
sang? Tous ces raisonnements et tous ces
arguments de l'hon. député de Lotbinière ne
s'appliquent donc pas à la question qui nous
est soumise, et ne sont pas de nature à
changer l'opinion de ceux qui sont en faveur
d'une union fédérale de toutes les provinces
de l'Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez!) J'en reviens maintenant a certaines
objections présentées par d'autres hon. députés de l'opposition contre le projet actuel
du gouvernement. Ainsi, ils nous ont parlé
du divorce et ont essayé de nous faire voir
qu'il y aurait de grands inconvénients à
laisser au parlement fédéral le droit de législater sur le divorce. Mais ils ne remarquent
pas ne par ce moyen les députés du Bas- Canada, c'est-à-dire la législature locale
du
Bas-Canada, n'aura pas à s'occuper de ces
questions, et qu'il vaut mieux les laisser à
une législature a la majorité de laquelle on
ne peut pas refuser le droit de s'en occuper.
Aujourd'hui, tous les députés catholiques du
Bas-Canada sont opposés au divorce par
raison et par conscience, et cependant, même
dans la législature actuelle, ils ne peuvent
pas l'empêcher. Pourquoi donc accuser le
gouvernement de n'avoir pas empêché dans
le parlement fédéral ce qu'il ne peut pas
même empêcher ici?
M. REMILLARD—A-t-il jamais été bien
facile dans le Bas-Canada d'imposer des lois
aux Anglais de cette province et de les
empêcher d'obtenir ce qu'ils considèrent
comme un droit? Non; c'eût été une injustice que de vouloir imposer nos opinions sur
ce sujet a la population anglaise et protestante du Bas-Canada, et si on eût essayé
de
le faire, la confédération n'aurait peut-être
pas pu avoir lieu, parce que la majorité des
membres de la convention aurait soutenu
leurs prétentions, et cela eût suffi pour empêcher la confédération. (Ecoutez! écoutez!)
Il ne faut pas faire un crime au gouvernement d'avoir permis à la législature
fédérale de législater sur les sujets sur
lesquels nous avons nous-mêmes le droit de
législater. Pour ma part, M. le PRESIDENT,
je ne me suis pas occupé de cette question
pour juger le plan de confédération. J'ai
assez de confiance dans le clergé pour
admettre que sur cette question c'est lui qui
est le meilleur juge et qui delt décider s'il
790
y a danger ou non; et il n'y a pas de doute
que les évêques et le clergé se sont consultés
sur cet article, et qu'ils en sont venus à la
conclusion que c'était un mal qu'il n'y
avait pas moyen d'empêcher. L'hon. député
de Verchères (M. GEOFFRION) a prétendu
qu'il fallait dire clairement dans es résolutions quelles étaient les intentions des
membres de la conférence à propos du mariage et du divorce, afin que le gouvernement
impérial ne puisse pas nous imposer une
constitution autre que celle que nous demandons. Eh bien! j'ai plus de confiance que
lui dans la parole de nos hommes publics et
dans la justice du gouvernement impérial.
Nos hommes d'Etat ayant fait un compromis
et demandé une constitution pour les provinces de l'Amérique Britannique du Nord,
qui doit faire disparaître les difficultés qui
existent dans la province, peut-on croire un
instant que quand ce projet—qui a pour but
de rétablir l'harmonie, l'accord et la paix dont
nous avons besoin—sera porté en Angleterre,
en y insèrera une clause qui soulèverait les
Bas-Canadiens en masse? C'est alors que
nous verrions pleuvoir les pétitions devant
la chambre, ayant en tête les signatures des
chefs du clergé, pour réclamer contre cette
injustice; c'est alors que l'on verrait de véritables pétitions contre cette atteinte
à nos
droits religieux. Si l'on menaçait ainsi nos
institutions, le peuple du Bas-Canada se
ferait justice à lui-même si on la lui refusait,
et nous n'aurions plus cette aix qui règne
aujourd'hui en Canada entre les populations
d'origine et de croyance différentes, parce
que le peuple est sans inquiétude. (Ecoutez!
écoutez!) J'ai assez de confiance dans le
clergé et les évêques du Bas-Canada pour
croire que si cette clause, sur laquelle on
insiste tant, devait nuire à nos intérêts religieux, ils sauraient réclamer énergiquement
et nous faire rendre justice. Nos évêques
n'ont pas l'habitude de craindre l'autorité
civile lorsque leur devoir les appelle à défendre les intérêts qui leur sont confiés.
(Ecoutez! écoutez!) On dit encore que le
clergé n'est pas en faveur du projet de confédération, parce que deux ou trois de
ses
membres ont écrit dans les journaux et ont
signé des pétitions hostiles au projet. Mais
est-ce bien la la manifestation de l'opinion
du clergé? Non, car ils n'écrivent pas au nom
du clergé, mais seulement en leur qualité de
citoyens,—et ils signent leurs écrits de leur
titre de citoyen. Certains membres du clergé
peuvent bien différer d'opinion avec le reste
de leurs confrères; comme citoyens, ils peuvent
croire que le projet de confédération est
mauvais, mais c'est certainement le petit
nombre,—comme dans la chambre c'est le
petit nombre des membres qui sont opposés
à la confédération. (Ecoutez! écoutez!) On
parle aussi de l'usage de la langue française;
on dit qu'on ne pourra pas la parler dans le
parlement fédèral. Mais, pour ma part, je
pense que si le projet est adopté, la langue
française sera plus en usage et plus considérée dans le parlement fédéral qu'elle
ne l'a
été dans cette législature depuis quelques
années. On craint que les lois, les documents
et les délibérations du parlement fédéral ne
soient pas imprimés en français. Mais que
dit la clause 16 des résolutions? Elle dit:—
"Les langues anglaise et française pourront
être simultanément employées dans les délibérations du parlement fédéral ainsi que
dans la législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours
fédérales et les cours du Bas-Canada."
Ainsi, si l'on peut exclure l'usage de la
langue française, on pourra aussi exclure
l'usage de la langue anglaise, car toutes
deux sont sur un pied d'égalité parce que
l'on ne dit pas que les lois et les délibérations du parlement fédéral seront imprimées
en français, on en conclut qu'elles le seront
en anglais; mais on pourrait dire la même
chose pour l'anglais, puisqu'il n'est pas dit
qu'elles seront imprimées dans cette langue.
L'hon. député de Verchères (M. GEOFFRION) voudrait avoir quelque chose de
plus, et qu'au lieu de dire dans les résolutions que la langue française pourra être
employée, l'on devrait dire qu'elle devra
être employée. Dans ce cas on pourrait
forcer les membres du Bas-Canada à parler
français, mais forcera-t-on aussi les membres
du Haut-Canada à parler cette langue, eux
qui n'en comprennent pas un mot? Je
serais avec l'hon. député de Verchères si
l'on pouvait forcer les députés bas-canadiens
à parler français et ceux du Haut-Canada à
parler anglais; de cette manière, ils apprendraient mutuellement les deux langues.
Je
pense bien que si l'hon. procureur-général
du Bas-Canada avait toujours parlé français
dans cette chambre, les députés du Haut- Canada auraient appris cette langue pour
la
comprendre, mais comme il veut se faire
comprendre sans leur donner ce trouble, il
parle le plus souvent en anglais. (Ecoutez!
écoutez!) On dit que l'on n'exprime pas
assez clairement, dans ces résolutions, les
garanties que nous voulons avoir pour notre
791
langue nos lois et nos institutions, et que
le gouvernement impérial pourra nous donner, en conséquence, autre chose que ce que
nous demandons. Mais est-ce que le gouvernement impérial ne pourrait pas nous
imposer la confédération comme il nous a
imposé l'union? Et puisqu'il ne le fait pas
et qu'il veut seulement être consulté, nous
ne devons pas croire qu'il nous imposera des
conditions contraires à nos intérêts.
M. REMILLARD —Certains députés
trouvent notre position actuelle excellente
et ne voulent pas la changer, disent—ils. Mais
ce n'est pas la l'opinion du plus grand nombre, et presque tous les membres de l'opposition
ont déclaré que des changements
étaient indispensables et nécessaires. L'hon.
député d'Hochelaga l'a reconnu et a fait
connaître son opinion sur ce point. Lorsque
j'ai supporté l'administration MACDONALD- DORION, j'ai compris que ses membres étaient
d'avis que des changements étaient nécessaires et qu'on ne pouvait pas rester très
longtemps dans notre position actuelle.
L'hon. député d'Hochelaga a admis qu'il
fallait respecter l'opinion du Haut-Canada
et qu'il fallait lui accorder la représentation
basée sur la population, et l'influence du
Haut-Canada s'est fait sentir sur le gouvernment MACDONALD-DORION. Elle s'est fait
sentir surtout lorsqu'à la veille des dernières
élections générales, il a fallu mettre l'hon.
M. SICOTTE hors du ministère pour satisfaire
le Haut-Canada. Par le moyen de M. SICOTTE,
on avait fait des élections assez avantageuses
pour renverser le gouvernement CARTIER- MACDONALD, contre lequel j'étais parce que
je voulais voir faire une coalition entre les
partis et parce que je trouvais que ce gouvernement avait employé trop libéralement
les deniers publics. Mais je prévoyais que
tôt ou tard je reviendrais au parti conservateur, dont je m'étais séparé à cause de
la
conduite extravagante de deux ou trois de
ses chefs, et en conséquence j'ai fait mon
éléction alors sans le secours d'aucun parti.
J'ai lutté seul contre le parti conservateur
dans mon comté. J'ai été fidèle aux amis
avec lesquels je marchais dans le temps, et je
ne regrette pas d'avoir marché avec eux;
tant qu'ils ont eu besoin de moi je les ai
appuyés, afin de leur permettre de profiter
des circonstances pour amener un changement dans les affaires financières du pays.
Je n'ai pas voulu changer de parti alors;
mais les choses et les circonstances ayant
changé, j'ai consulté mes amis dans le comté
que je représente, et j'ai alors pu marcher
avec les hommes que je crois capables de
protéger et de conserver nos institutions et
les intérêts du pays en général. C'est pour
cela que je suis prêt à accepter le projet de
confédération préparé par eux,—car j'ai plus
de confiance pour la conservation de nos
droits et de nos institutions dans les hommes
du pouvoir que dans ceux avec lesquels j'ai
marché autrefois. (Ecoutez! écoutez!) Je ne
puis faire autrement que de le déclarer. Je
ne veux insulter personne; je dis seulement
les raisons qui m'ont porté à marcher avec
eux, et comme je vois qu'il faut toujours
être pour un parti ou pour un autre dans
cette chambre, c'est-à-dire pour celui qu'on
croit être le meilleur, je n'hésite pas à dire
mon opinion et à me déclarer en faveur du
parti conservateur. (Ecoutez! écoutez!)
J'avais l'intention de répondre au discours de l'hon. député de Richelieu (M.
PERRAULT), mais je m'aperçois que les idées
me viennent difficilement, et, d'ailleurs, je ne
veux as ennuyer la chambre plus longtems.
M. REMILLARD—Eh bien! j'ai entendu avec peine l'hon. député de Richelieu
parler comme il l'a fait. Si quelqu'un répétait en anglais ce qu'il a dit en français,
je
craindrais beaucoup qu'il ne soulevât les
préjugés des députés anglais contre nous.
(Ecoutez! écoutez!) L'année dernière, il
disait aux députés du Haut-Canada: "Les
Canadiens-Français apprennent les armes,
et si vous insistez pour avoir la représentation basée sur la population, vous les
aurez
contre vous;" et, cette année, il dit qu'un
Bas-Canadien peut lutter contre dix Haut- Canadiens. Il se trouve heureux d'être
abrité par le drapeau anglais, et cependant
tout son discours n'a été qu'une insulte au
gouvernement anglais. (Ecoutez! écoutez!)
Il oublie donc que les Canadiens—Français
sont en minorité?—Il a beaucoup parlé des
grands hommes qui ont sauvé notre nationalité; mais si ces hommes s'étaient servi
du
langage de l'hon. député, ils n'auraient pas
obtenu ce qu'ils ont obtenu. (Ecoutez!
écoutez!) Notre nationalité aurait disparu
depuis longtemps, car, je le répète, son
discours n'a été qu'une insulte à l'Angleterre et aux Anglais. Son discours, heureusement,
n'a pas été compris par les députés
792
anglais de cette chambre, et par conséquent
il n'a pu faire aucune impression sur eux;
et ceux qui l'ont compris, d'ailleurs, savaient
qu'il parlait pour lui-même seulement, et
qu'il ne représentait pas l'opinion des
députés ni du peuple du Bas-Canada. Je
suis donc convaincu qu'ils n'en voudront
pas aux Canadiens-Français à cause de ce
discours. (Ecoutez! écoutez!) L'on a dit
que le projet de confédération allait être
la cause de l'imposition de taxes énormes,
et qu'il nous faudrait pourvoir à la défense du pays. Cependant, la plupart des
hon. députés qui s'opposent à ce prejet
admettent qu'il faut pourvoir à la défense
du pays, ou au moins fournir notre quotepart. Le gouvernement, actuellement, à le
droit de présenter un bill de milice ou de
défense, et les députés peuvent l'accepter ou
le rejeter s'il est trop onéreux pour nous,—
et en serait—il autrement dans le parlement
fédéral? Nous ne perdrons rien avec la
confédération sous le rapport de la défense,
car nous aurons des alliés qui nous aideront
à économiser et à empêcher l'adoption de
toute mesure qui serait au-dessus des forces
du pays, car le peuple des autres provinces
n'aime pas plus les taxes que celui du Bas- Canada. On sait parfaitement que notre
position ne serait que plus avantageuse sous
la confédération par rapport, à la défense,
car si les Etats-Unis attaquaient les provinces
anglaises, ils attaqueraient toutes les provinces
ensemble; mais ils commenceraient probablement par attaquer le Canada, parce qu'ils
s'occupent plus du Canada que des provinces
d'en-bas. Dans un cas de difficultés entre
l'Angleterre et les Etats-Unis, le fardeau de
la guerre retomberait sur nous, car nous
serions attaqués les premiers il est donc
de notre intérêt de pouvoir recevoir de l'aide
des provinces maritimes, et de pourvoir transporter les secours qu'elles nous enverraient
et que nous cherrait l'Angleterre, par
chemin de fer. Sous le rapport de la défense, je crois que le Bas-Canada se trouverait
à occuper la position la plus avantageuse
dans la confédération, étant placé au centre
des provinces. (Ecoutez! écoutez!) Sous
le rapport matériel, nous ne pourrions ne
profiter et progresser. Il n'y a ne es
annexionistes du district de Montréal qui
ont peur dela confédération. En effet, le
district de Montréal fait toutes ses affaires
commerciales avec les Etats-Unis; mais si
nous ne voulons pas nous annexer aux Etats- Unis, et si nous voulons conserver les
insti
tutions que nous chérissons tant, je prétends
qu'il faut former une confédération qui soit
capable de nous protéger contre les Etats- Unis. Si nous ne voulons rien faire pour
montrer à l'Angleterre que nous somme
disposés à améliorer notre position par
rapport à la défense des provinces de
l'Amérique Britannique du Nord, nous
nous exposons à voir l'Angleterre en retirer ses forces et nous abandonner, parce
qu'elle ne peut pas faire la lutte seule
contre les Etats-Unis. Avec nous, elle serait
sûre de la victoire. (Ecoutez! écoutez!)
Nous devons donc faire une constitution qui
établira des relations entre toutes les provinces de manière à n'en faire qu'un seul
Etat et un seul peuple qui s'unisse dans un
cas de guerre. Nous pouvons changer notre
constitution sans changer nos institutions;
et je prétends que plus le gouvernement
sera monarchique, plus nos institutions seront
en sûreté, car dans ces institutions c'est
surtout l'esprit monarehique qui domine.
C'est parce que nous avons toujours été en
paix que ces institutions ont grandi et
prospéré. Si l'Angleterre abandonnait ses
colonies, les Etats-Unis s'empareraient de
nous, et nous disparaîtrions bientôt, car la
constitution américaine n'est pas suffisante
pour protéger nos institutions. Les citoyens
des Etats-Unis auraient peu de respect pour
ces institutions, et la loi ne serait pas assez
forte pour empêcher la masse de se répandre
au milieu de nous et de nous enlever ce qu
nous est le plus cher. (Ecoutez! écoutez!)
Je termine en disant que je me joins avec
plaisir aux hommes qui proposent ajourd'hui un projet que je crois de nature à
sauvegarder nos institutions, notre langue;
nos lois et notre religion,—à ce grand parti
qui possède la confiance de la grande majorité des habitants de ce pays.
(Applaudissements.)
M. PAQUET—M. l'ORATEUR:—Bien
que je n'aie pas l'habitude de prendre la
parole dans cette chambre, et malgré que la
question qui nous occupe soit déjà depuis
longtemps discutée, je ne puis néanmoins
laisser passer une occasion aussi importere
sans enregistrer les raisons que j'ai de protester contre les changements constitutionnels
qu'on nous propose et qui ne tendent à rien
moins qu'à un renversement complet de la
constitution qui nous régit depuis l'union du
Haut et du Bas-Canada. Depuis la prorogation des chambres, en juin dernier, je
cherchais inutilement à m'expliquer les
793
avantages que nous, Bas—Canadiens, devions
rétirer de la confédération, et je me perdais
dans les motifs et le but d'une telle union,
quand j'eus l'avantage de lire dans le discours
de l'hon. membre pour Sherbrooke qu' "au
reste ce projet de confédération n'était pas
une question nouvelle depuis lord DURHAM,
il n'y manquait que la question pratique."
Après avoir lu ce passage significatif, je me
suis mis à étudier et à rechercher quelles
étaient les tendances et l'esprit de lord
DURHAM et surtout son but. Je n'ai pas
été longtemps à me convaincre, comme tout
député Bas—Canadien doit le voir en lisant ce
fameux rapport, que tout y est calculé de
manière à assurer notre anéantissement
comme Canadiens-Français, et qu il ne désire
rien moins que de nous mettre sous une
domination exclusivement anglaise. Quand
nous voyons, M. l'ORATEUR, les députés
Haut-Canadiens s'extasier d'aise devant
un tel projet et se déclarer d'autant plus
satisfaits qu' ils obtiennent par là beaucoup
plus qu'ils n'avaient espéré au début;
quand l'hon. membre pour Lambton (M.
MCKENZIE), tout en n'avouant comme
toujours qu' incomplètement sa pensée, s'exprime dans les termes que je vais vous
citer,
on a raison de s'alarmer quelque peu.
Voici ce que disait l'autre jour en chambre
cet hon. membre:—
"Je pense, en premier lieu, que la confédération
est désirable; en 2nd lieu, qu'elle est utile, et en
3e lieu qu'elle est la seule chose possible, et que
c'est plus forte recommandation de toutes. Il
est clair que nous devons avoir un règlement
quelconque, et je pense que le moyen proposé remédiera parfaitement à nos difficultés.
Je crois en
outre que ce plan nous donnera, à nous Haut- Canadiens, beaucoup plus qu'un grand
nombre
d'entre nous ne pouvait attendre, et que ce serait
faire acte de la plus extrême folie de la part des
Haut-Canadiens que de voter à l'encontre de ce
projet. Je suis persuadé aussi qu'ayant obtenu, par
ce moyen la représentation d'après la population,
et justice pour le Haut-Canada, en ayant alors le
contrôle absolu de nos ressources avec l'espoir
d'édifier une grande nation anglaise sur ce continent, les Haut-Canadiens doivent
être heureux de
passer par-dessus des détails insignifiants, en vue
des grands advantages que ce projet leur offre. Je
supporterai donc la mesure, et je dis quelle est
extrêmement satisfaisante non seulement pour
mes constituent, mais bien aussi pour tous les
habitant du Haut-Canada."
S'il est permis, M. l'ORATEUR, aux hon.
membres de la section Haut-Canadienne
d'exprimer de tels sentiments, j'espère que
mes concitoyens du Bas-Canada me permettront de revendiquer nos propres droits.
(Ecoutez! écoutez!) Mais continuons, et
examinons cette confédération à laquelle il
ne manque plus que la question pratique:—
"Je n'entretiens aucun doute sur le caractère
national qui doit être donné au Bas-Canada: ce
doit être celui de l'empire britannique, celui de
la majorité de la population de l'Amérique
Anglaise; celui de cette race puissante qui doit,
dans un temps peu éloigné, prédominer sur tout
le continent de l'Amérique du Nord. Sans
effectuer ce changement d'une manière trop
prompte ou trop brusque, qui pourrait blesser les
susceptibilités et sembler mépriser le bien—être
de la génération actuelle, ce doit être néanmoins
la première et la ferme détermination du gouvernement anglais d'établir une population
anglaise
avec une langue et des lois anglaises, dans cette
province, et de ne confier son gouvernement à
aucune autre qu'à une législature décidément
anglaise."
Un peu plus loin, à la page 22 du rapport,
je lis ceci:—
"Si la population du Haut—Canada est justement estimée à 400,000, la proportion anglaise
dans le Bas-Canada à 150,000, et les Canadiens- Français à 450,000, l'union des deux
provinces ne
donnera pas seulement une majorité anglaise, mais
une majorité qui augmentera considérablement
chaque année par l'influence de l'émigration
anglaise; et je n'entretiens aucun doute que les
Canadiens—Français, une fois en minorité tant
par le cours légitime des événements que par
le travail des causes naturelles, abandonneront
leurs vaines espérances de nationalité."
L'
HON. M. CAUCHON—Il s'était trompé;
il s'agissait de l'acte d'union, voilà tout.
M. PAQUET—Oui; il s'agissait alors du
commencement de la fin. (Ecoutez! écoutez!) Un peu plus loin, je lis ceci:—
"Une union législative générale élèvera nos
hommes publics et satisfont les espérances de
tous ceux qui ont des aspirations. Ils ne regarderont plus avec convoitise et étonnement
la
grande arène de la république avoisinante, mais
ils verront les moyens de satisfaire toute légitime
ambition dans les hautes fonctions de la judicature et le gouvernement exécutif de
leur propre
union."
Un peu plus loin encore, je trouve ce
passage:—
"Mais, même dans l'administration de la justice,
une telle union remédierait immédiatement à un
des besoins les plus impérieux de la province, en
facilitant la formation d'un tribunal d'appel pour
toutes les colonies de l'Amérique du Nord."
Un peu plus loin, je lis encore ceci:—
"La complétion de toute communication satisfaisante entre Halifax et Québec produirait
indubitablement entre ces provinces des relations d'une
794
nature telle qu'une union générale serait d'une
necessité absolue. Plusieurs explorations ont
prouvé qu'un chemin de fer serait parfaitement
pratiquable dans tout son parcours," etc., etc.
Voici enfin le chemin de fer intercolonial!
Ainsi, comme il est facile de le voir, lord
DURHAM, du commencement à la fin de son
rapport, prêche en faveur de la confédération
qu'on est à la veille de nous imposer. Mais
avant lord DURHAM le juge SEWELL, en
1814, avait exprime une opinion à peu près
s'emblable à celle du noble lord, et en 1839
on a tracé tout le plan de confédération
actuel. L'hon. député de Montmorency a
prétendu que lord DURHAM s'était trompé;
mais moi je trouve qu'an nombre des reproches qu'on doit faire aux conférendaires,
on
devrait y ajouter celui de ne pas avoir donné
crédit à lord DURHAM de son œuvre et de
n'avoir pas signé sur le projet de confédération qui nous est maintenant soumis: vraie
copie du projet de lord DURHAM, tel qu'exposé dans son rapport au gouvernement britannique.
(Ecoutez! écoutez!) On nous
a parlé également de la nationalité canadienne—française. Lord DURHAM en parle
aussi dans son rapport, et voici comment:—
"L'erreur du Bas-Canada consiste surtout dans
ce vain effort de conserver une nationalité canadienne-française au milieu des Etats et colonies
anglo-américains."
Quand parle-t-on d'imposer une nouvelle
nationalité, si ce n'est quand on veut ravir
à un peuple celle qu'il possède déjà. On
s'y opposera, j'espère, car autrement, M.
l'ORATEUR, je ne pourrais comprendre la
logique des hon. députés qui déclarent
emphatiquement y tenir à tout prix. Je sais
bien qu'on ne change pas la nationalité d'un
peuple par un simple acte de législation;
mais pourquoi nous créer ainsi des entraves?
pourquoi subir un joug tyrannique quand il
n'y a pas de raison légitime pour nous y
contraindre? Une autre considération qui
me fait espérer à juste titre, je pense, que
l'œuvre de destruction projetée ne s'accomplira pas de suite au gré des membres de
l'administration, c'est qu'on réussit difficilement à ostraciser un peuple qui compte
au- delà d'un million d'habitants. L'exemple
de la Belgique est là pour nous le prouver,
ainsi que la Grèce qui, après trois siècles de
tyrannie et d'oppresston, se dressait fièrement
et s'écriait: "Nous sommes encore Grècs!"
J'ai confiance donc qu'à leur exemple en
dépit de toutes les constitutions qu'on nous
prépare, de toutes vexations auxquelles
on veut nous soumettre, nous pourrons, nous
aussi, sortir triomphants de ces épreuves et
nous écriér: Nous sommes encore Canadiens-Français! (Ecoutez! écoutez!) Les
membres de l'administration, surtout ceux
du Bas-Canada, devraient, dans notre intérêt
comme dans le leur, ne pas oublier qu'une
génération qui rompt avec les générations
qui l'ont précédée, court risque d'être reniée
par les générations qui doivent suivre; que
l'existence sociale ne se concentre pas dans
une seule époque; que du présent elle reflue
dans le passé...elle reflue aussi dans
l'avenir. Ces messieurs feraient bien de
réfléchir à cela avant de nous imposer la
question pratique de lord DURHAM. Passant
maintenant, M. l'ORATEUR, à la question
financière, je regrette de ne pas partager
l'opinion de l'hon. député de Dorchester
(le solliciteur-général pour le Bas-Canada),
qui prétend avoir donné à ce sujet une
opinion officielle. Bien qu'il ait afiirmé avoir
puisé aux sources authentiques, les résultats
qu'ils obtenus person calcul diffèrent de
ceux que j'ai obtenus moi-même en me
basant sur les chiffres qui lui ont servi pour
établir la proposition. Il a prétendu que
nous aurions un excédant de $200,000.
M. PAQUET—Je vais maintenant soumettre à cette hon. chambre un tableau des
dépenses que devra encourir le gouvernement
local du Bas-Canada:—
Administration de la justice... |
$364,785 |
A déduire—le salaire des juges... |
50,000 |
|
$314,765 |
Education... |
254,000 |
Institution scientifiques... |
5,900 |
Hôpitaux et charités... |
124,949 |
Bureau des arts... |
3,500 |
Agriculture... |
50,000 |
Réparations et édifices publics... |
15,000 |
Colonisation et chemins... |
113,000 |
Mesureurs de bois... |
35,000 |
Contingents de bureaux et autres |
|
contingents... |
77,000 |
Travaux publics... |
30,000 |
Glissoires... |
77,000 |
Arpentage... |
30,000 |
Prisons et cours... |
10,500 |
Terrain de la chambre... |
4,444 |
Législation... |
200,000 |
Gouvernement exécutif... |
100,000 |
Départements publics... |
100,000 |
Terres publiques... |
37,000 |
Publication des lois... |
20,000 |
Elections... |
15,000 |
Police riveraine... |
30,000 |
Imprévus... |
19,000 |
795
Interêt de la dette fédérale-quote- |
|
part du Bas-Canada... |
300,000 |
Total des dépenses... |
$1,885,078 |
Revenue local estimé à environ... |
$1,400,000 |
Déficit... |
485,078 |
Ces chiffres sont tirés des comptes publics
de l'année dernière. En soustrayant donc de
cette somme le montant du revenu probable
du gouvernement local, au lieu d'un excédant on trouve un déficit de $485,078, et
je
vous demande, M. l'ORATEUR, comment
nous pourrons le rencontrer autrement que
par la taxe directe ou en diminuant les octrois
publics, qui ne sont deja trop élevés?
(Ecoutez! écoutez!) Si nous n'adoptons pas
la dernière alternative, il ne restera, dis-je,
d'autre moyen que la taxe directe. L'hon.
minitre des finances nous le dit d'ailleurs
expressément en ces termes:—
"La législature fédérale aura le pouvoir d'employer tous les systèmes d'impôts qu'elle
croira
devoir adopter pour subvenir aux dépenses de son
administration, tandis que les législatures locales
seront obligées de recourir à la taxe directe pour
faire la même chose, si leurs revenus ne suffisent
pas."
Pour ma part, M., l'ORATEUR, je dis que
le pays n'est pas prêt à se soumettre à un tel
état de choses, et je suis en cela, comme sur
le projet lui-même, parfaitement certain d'exprimer les vues de mon comté. (Ecoutez!
écoutez!) Un troisième point, que, je soumettrai humblement à la considération de
cette chambre, c'est celui de ne pas presser
l'adoption de la mesure avant qu'il y ait eu
un appel au peuple. Je crois et j'espère que
la chambre aura trop de respect pour elle- même et pour le peuple pour voter à présent
les résolutions telles qu'elles nous sont soumises. Si toutefois on ne voulait pas
tenir
compte de l'opinion publique, je me flatte
qu'on respectera au moins les précédents.
Nous trouvons dans l'histoire du Canada, par
CHRISTIE, qu'en 1823, quand il fut proposé
dans le parlement canadien de faire des
changements à la constitution, la décision
suivante fut adoptée par le gouvernement du
Bas-Canada, et le paragraphe que je vais lire
fut inséré dans le discours du trône:—
Je suis prié de vous informer que les ministres
de Sa Majesté ont proposé au parlement certains
changement à l'acte 31e GEORGE III, chap. 31,
surtout dans le but d'unir en une seule les deux
législatures du Haut et du Bas-Canada; mais
cette mesure, a été retirée et remise à là prochaine
session, afin d'avoir l'opportunité de s'assurer des
sentiments du peuple de ces provinces à cet égard."
(Ecoutez! écoutez!)
Nous trouvons un autre exemple dans la
même histoire, par le même, qui aura, je
l'espère, l'effet d'appuyer fortement ma proposition:
"En 1839, lord JOHN RUSSELL donna avis dans la
chambre des communes le 3 juin, de certaines résolutions qu'il avait l'intention de
soumettre relativement à l'union projetée des Canadas. Il fut engagé,
néanmoins, à la suggestion de Sir ROBERT PEEL, à
y renoncer et à introduire tout d'abord son bill à
cet effet. En le faisant, il constata que son
intention n'était que d'obtenir la seconde lecture,
afin que la discussion pût avoir lieu de part et
d'autre; mais qu'ayant reçu de nombreuses pétitions de la part du Haut-Canada contre
l'union
projetée, il ne croyait pas prudent de législater
définitivement sur le sujet pendant cette session."
(Ecoutez! écoutez!)
Voilà encore un fait qui prouve qu'en
Angleterre, en 1839, ou a opposé une mesure à sa seconde lecture et qu'on a donné
un an au peuple canadien pour qu'il eût le
temps de réfléchir sur le mérite du projet
de l'union des deux Canadas, et s'il devait
oui ou non, l'adopter. (Ecoutez! écoutez!) J'éspère donc, M. l'ORATEUR, que
ce qui a été fait en 1889, le sera de nouveau relativement au plan de confédération
proposé. Pour ces différentes raisons, je
conclus que le gouvernement ne devrait
pas nous humilier d'abord, en nous enlevant
les privilèges auxquels nous avons droit;
nous ruiner ensuite par un projet qui doit
tripler les dépenses, et, en dernier lieu,
manquer au respect auquel le peuple a droit,
en refusant de le consulter avant de changer
sa constitution. Au reste, si je ne me trompe
pas, le parti qui désire ces changements
constitutionnels est le parti qui s'est appelé
conservateur, qui s'est fait élire pour conserver et protéger la constitution, qui
nous
a opposés parce qu'il criait bien haut que
nous étions les alliés de l'hon. membre pour,
South Oxford (M. BROWN), à qui nous
voulions concéder, disaient-ils, la représentation par la population, ce puissant
levier
qui devait mettre toutes nos institutions
civiles et religieuses en danger. Eh, bien!
que tout ces hon. membres aujourd'hui?
Au lieu de conserver notre constitution, ils
la changent et même la renversent en accordant au Haut-Canada la prépondérance dans
la représentation. Je le prouve en citant
l'extrait suivant du discours de l'hon. ministre des finances (M. GALT):—
796
"Maintenant, il fallait introduire dans la représentation de la députatîon à la chambre
basse le
principe de la représentation au prorata de la
population; car, sans cela, le Haut-Canada, qui
demandait depuis si longtemps cette réforme,
n'eût jamais consenti à entrer dans la confedération."
Si le Haut-Canada n'eût jamais consenti
à entrer dans la confédération sans la représentation basée sur la population, il
l'a donc
obtenue puisqu'il a consenti à en faire partie?
Alors, pourquoi dire que cette mesure ne lui a
pas été concédée? En terminant, je dirai que
la confédération proposée des provinces n'est
qu'une union législative déguisée, et j'ajouterai ce qu'un homme bien connu dans le
pays, par ses talents et son éloquence, disait
il y a peu de temps dans une assemblée
tenue dans la ville de Montréal, pour condamner le projet ministériel: Que la confédération
actuelle est la chrysalide de l'union
législative, et que le papillon ne se fera pas
longtemps attendre. (Applaudissements.)
M. O'HALLORAN—M. l'ORATEUR:—
Avant de faire quelques observations sur les
résolutions que vous avez à la main, je puis
dire que si j'éprouvais quelque hésitation à
me prononcer sur leur mérite, je récuserais la
chambre comme n'ayant pas la juridiction
voulue pour les adopter; car, nous avons
été envoyés ici pour faire des lois et non pour
établir des législatures. (Ecoutez! écoutez!)
On nous a députés ici pour faire fonctionner
la constitution de ce pays et non pour
la détruire. De Gaspé à Sarnia, il n'est pas
un électeur, quelque humble que soit sa
condition, qui n'ait autant que nous le droit
de se prononcer sur cette question. Par
conséquent, si c'était mon désir de ne pas
m'occuper de cette question, je pourrais
justifier mon abstention en disant qu'elle est
étrangère à mon mandat ou à l'engagement
que j'ai contracté envers ceux dont je suis
le député. En exerçant le pouvoir de régler
cette question, de changer tout le système
gouvernemental, d'opérer une révolution,
paisible il est vrai, sans consulter la volonté
du peuple, on s'arroge un droit qui ne nous
a jamais été conféré, et cet acte est une
usurpation. Je ne prends pas la parole pour
discuter le projet dans ses détails, — je ne
ferais que répéter ce qui a déjà été dit et
bien mieux dit que je ne pourrais espérer
le faire, — mais bien pour protester contre
l'usurpation dont cette chambre s'est, à
mon avis, rendue coupable en entreprenant
de passer ce projet en voulant, dans la
mesure de ses facultés, imposer au peuple
de ce pays une constitution qu'il ne pourra
connaître que lorsqu'il sera appelé à lui
obéir. C'est aussi pour m'élever contre ce
procédé inique à l'aide duquel on essaie de
supprimer en cette chambre la liberté de
discussion, et de nous forcer, contre notre
gré, notre raison et notre jugement, à adopter
une mesure pour laquelle un très grand
nombre d'entre nous n'ont aucune sympathie
réelle. Ce n'est pas me répondre si l'on me
dit que je puis librement exprimer mes vues
sur cette mesure, que je puis la discuter de
même, et en indiquer les défauts, et qu'ensuite l'on me refuse le privilége d'obtenir
l'expression de l'opinion de la chambre, de faire
enregistrer dans ses annales les motifs de mes
objections, et de présenter des résolutions
ou motions qui pourraient peut-être rencontrer les vues de la majorité en au moins
faire connaître au peuple de ce pays l'opinion des membres de cette chambre sur des
amendements qui pourraient être proposés
à cette mesure. Au commencement de cette
session, j'ai donné avis que je proposerais
deux résolutions qui n'auraient peut-être pas
obtenu l'assentiment de la majorité de cette
chambre, mais qui exprimaient les vues du
grand nombre de mes commettants; eh bien!
si je pouvais les mettre en délibération, cela
les intéresserait de voir jusqu'à quel point
leur opinion est partagée par les représentants
du peuple; cela les intéresserait de voir jusqu'à quel point les députés du Haut-Canada
sont prêts à assurer à la minorité anglaise du
Bas-Canada ces droits et cette liberté qu'ils
réclament pour eux, et ainsi nous pourrions
juger quel degré de protection nous trouverious dans le parlement fédéral contre toute
oppression que pourrait possiblement nous
faire subir notre législature locale. Car, si
les hon. députés du Haut-Canada ne veulent
pas nous entendre aujourd'hui; s'ils montrent
de l'indifférence pour l'injustice qui est à la
veille d'être commise envers les habitants
du Bas-Canada, parlant la langue anglaise,
par la constitution projetée, quelle garantie
avons-nous qu'ils ne manifesteront pas le
même égoïsme, alors que nous serons impuissauts à repousser cette injustice? Je
vais lire ces résolutions que javais l'inten tion de proposer, afin d'obtenir l'opinion
de
la chambre sur une modification de cette
mesure qui, s'il faut qu'elle soit adoptée,
aurait pu être amendée de manière à faire
disparaître bien des motifs d'objection qu'une
grande partie du peuple de cette section a
contre elle. La première de ces résolutions
797
est ainsi conçue:—
Résolu — Qu'admettant que le système du gouvernement fedéral soit celui qui doive être préféré
dans l'union des provinces Anglo-Américaines, cependant toute confédération de ces
provinces qui ignorerait les différences de race, de
de langue et de religion des états ou territoires que
l'on veut ainsi réunir, et qui ne serait pas rédigée
de manière à assurer aux habitants de chaque
état ou territoire l'administration de ses propres
affaires 1ocales suivant leurs vues particulières,
ne serait nullement désirable ni propre au bon
gouvernement de ceux pour qui elle est faite, ni
ce qu'elle devrait être pour leur assurer la paix
et la tranquillité.
Je ne reproduis cette résolution que pour
montrer l'idée que javais en la rédigeant,
car j'avoue que je m'espérais pas alors ne
la majorité consentirait à accepter la modification qu'elle comporte: je ne voulais
qu'indiquer de quelle manière la partie anglaise
du Bas-Canada croit que ses intérêts seraient
le mieux sauvegardés. La deuxième résolution que je voulais proposer est comme suit:
Résolu—Que dans la vue d'assurer à la partie
des habitants du Bas-Canada qui parlent la langue
anglaise la jouissance de leurs institutions et de
leurs droits dans toute confédération projetée des
provinces, le Canada devrait étre partagé en trois
divisions civiles, savoir: le Canada-Ouest, le
Canada-Central et le Canada-Est.
Pourquoi s'oppose-t-on à une union législative? La raison pour laquelle la population
d'origine française du Bas—Canada est opposée
à une pareille union, est justement celle qui
porte la minorité du Bas-Canada à se déclarer
en sa faveur, car c'est cette union là que nous
voulons. Nous voulons aussi que le peuple
du Canada vive dans l'harmonie, qu'il n'ait
pas de préjugés de section et que nos institutions reposent sur le principe large
d'une
nationalité canadienne qui réunira les
races et, avec le temps, fera disparaître toute
distinction de langage, de religion ou
d'origine; mais nos compatriotes Franco- Canadiens ne veulent pas consentir à cela.
S'ils ne veulent pas prêter l'oreille à nos
arguments, qu'ils écoutent les leurs. Si la
fédération est nécessaire pour protéger leurs
droits, elle l'est dix fois davantage à la
protection des droits de la minorité parlant
la langue anglaise. Ils nous disent que nous
pouvons nous fier à leur libéralité et tolérance bien connues; mais nous ne pouvons
consentir à leur être redevable de nos libertés
quand le droit d'avoir ces libertés devrait
nous être acquis. Nous croirons commettre
une indignité en nous soumettant à cette
humiliation. Par ces observations que je suis
forcé de faire pour la défense des droits de
ceux que je représente ici, je n'entends rien
d'irrespectueux pour ceux d'une autre
origine, pour les hon. membres d'origine
française que je vois autour de moi, (écoutez! écoutez!), car, sous bien des rapports,
j'ai toujours sympathisé et sympathise encore
avec eux. Je n'ai d'autre désir que de vivre
en paix au milieu de mes compatriotes
Franco—Canadiens; je désire conserver ces
relations amicales qui ont toujours existé
entre les deux populations du Bas Canada.
Ainsi que je viens de le dire, je sympathise
avec les Franco—Canadiens sous beaucoup de
rapports; je respecte leur caractère et
j'admire leur lois, et cet antagonism que je
leur ai manifesté ne vient pas de moi: il
m'est imposé. Qu'il me soit permis d'attirer
l'attention des hon. membres, de ceux du
Haut—Canada particulièrement, sur la position ne va faire à la minorité du Bas- Canada
la constitution projetée soumise à
cette chambre. Je dois d'abord dire que
bien qu'elle ne forme qu'un quart de la
population, elle possède au moins le tiers de
la propriété et paie la moitié des taxes. Sous
beaucoup de rapports, le Franco—Canadien
diffère grandement de l'Anglais ou de
l'Anglo-Saxon. Il est plus simple dans ses
habitudes, plus frugal dans sa manière de
vivre et moins enclin à la nouveauté. Il
se contente de voyager dans une voiture
comme celle qu'avait son grand-père. Il
est attaché à ses institutions, à ses anciens
usages et à ses anciennes lois. Il diffère de
l'Anglais qui, lui, est plus extravagant, plus
porté à la nouveauté; ses goûts et habitudes
diffèrent aussi énormément; mais, comme
il serait mal de pousser la comparaison plus
loin, je m'arrête là pour éviter des faits
que je ne suis pas libre d'ignorer. Voyons
comment, à l'égard de ses idées et intérêts
particuliers, se trouvera placée la minorité du
Bas—Canada sous la constitution projetée. En
premier lien, je désire attirer votre attention
sur la 14me résolution, qui prescrit de quelle
manière, spécialement après que seront établis
les gouvernements locaux, sera constituée la
chambre haute de la législature générale,
dont les membres seront nommés à vie par le
gouvernement fédéral sur la recommandation
respective des gouvernements locaux. Nous
devons ne pas oublier que dans cette législature locale qui sera imposée au Bas-Canada,
l'élément anglais ne sera certainement pas
de plus d'un cinquième. Sous ces circonstances, et en vertu des dispositions
particu798lières
concernant le pouvoir accordé aux
gouvernements locaux de recommander au
gouvernement général la nomination des conseillers législatifs, pensez-vous que dans
le
Bas-Canada, dont la législature locale se composera pour les quatre-cinquièmes de
Franco- Canadiens et seulement d'un cinquième
d'origine anglaise, pensez-vous, dis-je, que
beaucoup de députés au lais parviendront à se
faire nommer au conseil législatif? Comment
cela serait-il possible quand les membres du
conseil législatif doivent être nommés sur la
recommandation des gouvernements locaux?
Comment sera-t-il possible que l'élément
anglais de cette section soit justement représenté dans la chambre haute fédérale
quand,
dans notre gouvernement local, les quatre
cinquièmes se composeront de Franco- Canadiens? Comment, dis-je, un Anglais du
Bas-Canada obtiendrai-t-il cette recommendation sans prouver qu'il est plus Français
que Saxon en principe? (Ecoutez! écoutez!)
Il est encore prescrit, par la 23me résolution, que "les législatùres des diverses
provinces diviseront respectivement celles-ci
en comtés et en définiront les limites."
Combien, alors, il sera facile à la législature
locale, en vertu de cette clause, de faire
disparaitre la moitié des colléges électoraux
anglais du Bas-Canada. Ne pourrait-elle
pas faire ces divisions de manière à ce que
l'élément anglais ne soit pas représenté dans
la proportion de son chiffre? On laisserait
quelques divisions entièrement anglaises,
mais à la population anglaise ne serait pas
moins ainsi enlevée l'influence que son
nombre et sa richesse lui permettraient
d'exercer dans la législature locale. Cette
législature aura encore le pouvoir de changer
du amender, de temps à autre, sa constitution. Tels que nous sommes aujourd'hui,
nous pourrions faire une constitution; la
majorité parlant la langue anglaise, en cette
chambre, pourrait faire une constitution ui
protégerait, à son gré, la population anglaise
du Bas-Canada; mais, par ce projet, il sera
au pouvoir des législatures locales de changer
et modifier cela de maniere à satisfaire au
désir ou aux préjugés dela majorité française.
Sous le nouveau système, nous ne serons
plus en mesure de conserver nos droits et les
priviléges que ce parlement aurait pu nous
donner, mais ils pourront nous être enlevés
dès la première session de la législature locale.
Voyez en outre les pouvoirs qui, par cette
constitution, sont conférés au gouvernement
local. Le premier que je remarque lui
permet de taxer directement. Pour tous les
gouvernements, le pouvoir de taxer est le
plus important qu'ils puissent avoir, car il
concerne toutes les classes de la société, et
donne lieu à des contestations et à beaucoup,
de difficultés. C'est le plus important de
tous les pouvoirs législatifs et il est conféré
à la législature locale d'une province où une
nationalité compose les quatre cinquièmes
de la population, et où l'autre nationalité
paie la moitié des taxes. La législature
locale aura aussi le contrôle de l'immigration—chose qui n'est pas peu importante
et qui intéresse grandement la minorité anglaise du Bas-Canada, mais elle ne pourra
rien à l'égard des mesures qui pourraient
être adoptées pour la diriger et contrôler.
La législature locale devra avoir aussi le
contrôle de l'instruction publique, et quel
est le sujet qui soit plus important que
celui-là et qui puisse donner lieu à plus de
difficultés entre les deux nationalités qui,
par cette disposition, seront amenées à un
antagonisme? Même sous notre système
actuel, avec 65 députés haut-canadiens parlant la langue anglaise, et qui, naturellement,
doivent être portés à sympathiser avec
l'élément anglais du Bas Canada, ce dernier
a encore à se plaindre de ce qu'il ne peut
obtenir de législation à son gré sur ce point.
A quoi pourrait-il donc s'attendre s'il avait
à se soumettre à une législature dont les
quatre cinquièmes des députés seraient
d'origine et de religion différentes, et dont
les préjugés et les intérêts seraient adverses
aux droits du cinquième composant la
minorité? (Ecoutez! écoutez!) La législature locale contrôlera aussi "l'établissement,
l'entretien et la régie des hôpitaux, des
asiles, des lazarets et des institutions de
charité quelconques." Il est de même positif que la population bas-canadienne parlent
la langue anglaise, par sa richesse et sa
manière coûteuse de vivre, par ses habitudes
de luxe, sa disposition aux changements et
ses aspirations vers le progrès, et aussi par
ses idées qui diffèrent généralement de celles
des Franco-Canadiens, consomme plus que
la moitié des articles imposables importés en
ce pays, et paie la moitié des taxes; de
sorte que les fonds qu'elle versera dans la
caisse publique seront répartis par une
majorité qui, sur aucun point, ne sympathisera avec elle; le produit de ses taxes
pourra être appliqué à des objets qui ne
lui conviennent pas ou qu'elle considérera
désavantageùx à ses intérêts, et contre toute
799
cette oppression, qui pourrait être exercée
contre elle, si on lui impose la constitution
projetée, elle n'aura aucun recours. (Ecoutez! écoutez!) Il est pénible pour moi
d'attirer l'attention de la chambre sur toutes
ces choses, sur l'antagonisme qui devra
inévitablement s'élever entre les deux nationalités si elles sont amenées ensemble
dans
une législature avec une si grande disparité
de moyens pour faire valoir leurs droits. On
nous dit—et je me réjouis de l'exactitude
de ce fait—que jusqu'ici les deux races du
Bas-Canada ont vécu en paix; mais, à présent, il serait impossible qu'elles vécussent
ainsi; il serait impossible qu'avec une si
grande disparité de nombre et des intérêts
si opposés elles ne vivent pas en lutte. La
discorde serait continuelle, et au lieu de
régler les difficultés des deux sections,
d'amener la paix et de faire disparaître les
jalousies et les animosités, la nouvelle constitution aura produit un effet tout contraire.
L'animosité n'en sera que plus ardente par
le fait que le champ clos de la lutte sera
plus circonscrit. Ce n'est pas la paix que
vous auras apportée, mais bien tous les
éléments qui conduisent à la guerre civile.
(Ecoutez! écoutez!)
M. POWELL—Le chef de l'opposition
du Bas-Canada professe-t-il les mêmes idées
que vous sur ce sujet? (Ecoutez! écoutez?)
M. O'HALLORAN—Je ne m'inquiète
pas de savoir quelles idées professe ou
répousse n'importe quel hon. député de cette
chambre. Ce que j'ai à faire, c'est de veiller
à ce que mes mandataires ne soient pas
frustrés dans leurs intérêts, et c'est sans
doute ce que doit faire aussi le chef de
l'opposition pour ceux qu'il représente.
Mais je le vois, M. l'ORATEUR, on veut
détourner l'attention de la minorité anglaise
du Bas-Canada, on veut l'empêcher d'examiner attentivement ces questions sérieuses
qui s'offrent à notre considération, et cela à
l'aide de sophismes que l'on fait habilement
miroîter, comme ceux de nouvelle nationalité, de grand empire, l'union fait la force,
et autres prétextes plus ou moins plausibles
que l'on cherche à faire valoir auprès d'elle.
Il serait facile de les mettre à néant ces
grands projets de grandeur à l aide desquels
on cherche à conduire le peuple en erreur,
aussi facile que d'en démontrer le ridicule.
Avec gravité on nous demande:—"quel est
l'homme qui voudrait rester pauvre s'il était
à même de devenir riche à l'instant? Quel
est celui qui voudrait rester faible s'il n'avait
qu'à le vouloir pour devenir puissant? Qui
voudrait rester nain s'il n'avait qu'à en formuler le souhait pour ajouter des coudées
à sa taille? Quel est le pays qui aimerait à
rester simple colonie, quand, d'un seul trait
de plume, il pourrait devenir empire et
fonder une nouvelle nation." Tous ces
sophismes, M. l'ORATEUR, n'en imposerent
pas au peuple de ce pays. En quoi ce projet
augmentera-t-il d'une piastre la richesse de
ce pays, le nombre de ses habitants ou
l'étendue de son territoire? On ne nous l'a
pas appris, du moins, dans le cours de ces
débats. J'ai écouté attentivement tout ce
qu'on a pu arguer en sa faveur, mais je n'ai
entendu personne qui ait essayé de prouver
cela. On a répété sur tous les tous que nous
étions à la veille de concentrer la force de
ce pays pour résister à une invasion. Ne
sommes-nous pas unis déjà sous un gouvernement? Ne vivons-nous pas sous le contrôle
du même pouvoir exécutif? Est-ce que
l'on ne combat pas sous le même drapeau?
Ne prêtons-nous pas allégeance au même
souverain? Tout habitant de la Nouvelle- Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre- neuve
et de l'Ile du Prince-Edouard, n'est—il
pas autant que le peuple de cette province
sous le contrôle du chef de notre gouvernement? Elle n'est que sophisme cette idée
que nous allons augmenter la puissance du
pays par une union avec les provinces maritimes. On a aussi essayé de nous alarmer
en répandant la rumeur d'une invasion, en
disant qu'il nous faut déployer autant de
force qu'on le pourra pour empêcher que
nous soyions absorbés par la république voisine, et l'on nous a ensuite gravement
annoncé qu'un nombre de personnes, déléguées de leur propre mouvement, s'étaient
réunies autour d'une table couverte d'un
tapis vert, et que là elles avaient adopté
des résolutions qui allaient changer toutes
les lois physiques de notre pays. Terre- neuve et l'Ile du Prince-Edouard doivent
être transportées dans le lac Ontario, et tout
notre territoire consolidé et fortifié; notre
immense frontière ne sera plus exposée à
une attaque, ou, si elle est attaquée, il sera
maintenant plus facile de la défendre. Tout
cela est-il autre chose que le sophisme le plus
absurde? Des résolutions couchées sur le
papier pourront-elles changer les lois de la
nature ou modifier la géographie physique
du pays? Terreneuve, après que la confédération sers devenue un fait accompli,
sera-t-elle moins éloignée de cette province
800
qu'auparavant? Je crois, M. l'ORATEUR,
qu'il est généralement admis que le Canada
sera incapable de protéger ses frontières
contre une invasion, c'est-à-dire contre celle
d'une armée des Etats-Unis, car c'est la seule
que nous appréhendions. Il est de même
reconnu que les provinces maritimes sont
aussi incapables de défendre les leurs; or, à
moi qui sait cela, compte-t-on me convaincre
qu'en ajoutant leurs frontières à celles du
Canada; qu'en réunissant leurs forces aux
nôtres nous ne serons pas aussi faibles qu'à
présent? Entre le terrain à défendre et les
forces défensives—la même disproportion
n'existera-t-elle pas toujours? (Ecoutez!
écoutez!) D'abord, M. l'ORATEUR, je ne
vois aucune nécessité immédiate qui puisse
exiger ces changements constitutionnels. Je
pense que la constitution qui nous régit
actuellement suffit à nos besoins, et que
toutes les difficultés, soit réelles ou imaginaires, qui entravent notre marche, peuvent
très bien se régler sans recourir à ce changement radical. Selon moi, nous n'avons
d'autres difficultés que celles de section à
section, car il n'en existe pas qui ont pour
cause les différences de religion, d'origine,
de langue ou de lois. En examinant bien,
on verra que ces difficultés ne sont que fiscales et qu'elles sont dues à ce que notre
gouvernement dépasse le véritable but de son
existence. N'accordez plus d'octrois locaux;
renoncez à votre système absurde de compenser une dépense par une autre dépense.
Qu'il ne soit plus fait de dépense pour des
fins simplement locales ou pour des objets
qui ne sont pas directement du ressort de
l'administration générale. (Ecoutez! écoutez!)
En suivant cette règle de droit, par exemple, les habitants du Haut-Canada auraient-
ils à contribuer au rachat de la tenure
seigneuriale du Bas-Canada, qui, à son tour,
ne serait pas appelé à payer une partie de la
dette municipale du Haut? Si nos difficultés
sont dues aux différences de langue ou de
race, comment se fait-il que la population
anglaise du Bas-Canada sympathise depuis
si longtemps avec le parti ultramontain de
cette section? (Ecoutez! écoutez!) Je pense
que vous n'en pourriez trouver la raison
qu'en supposant qu'ils doivent rester ainsi
d'accord pour conserver leur influence et
leur pouvoir respectifs sous un système où
la caisse commune est considérée comme un
objet que l'on peut légitimement et publiquement piller. Chaque section semble avoir
toujours regardé l'échiquier public comme
un objet de bonne prise, et il est irréfutable
que le Bas-Canada, généralement, en a retiré
la meilleure part. Ces faits ont mécontenté
les populations d'autres localités du pays,
lesquelles ont entrepris de se coaliser pour
obtenir de la caisse publique de semblables
mais injustes avantages. Le remède à cet
état de choses est d'enlever à la législature
le pouvoir de faire des octrois pour des fins
locales. Qu'il ne soit pas perçu de revenu
plus qu'il n'est absolument nécessaire pour
subvenir aux dépenses générales du pays;
que ce qu'il en restera soit partagé avec
économie pour les objets généraux, et nous
n'entendrons plus parler de difficultés de
section. (Ecoutez! écoutez!) Comme corollaire de cette idée, j'ai à faire, M. l'ORATEUR
une autre observation très importante au
sujet de l'administration du gouvernement
de notre pays. Je crois que maintenant ce
n'est plus un crime de "diriger ses regards
vers Washington." Il n'y a pas encore longtemps, ces paroles comportaient le sens
d'un
reproche,
mais les temps saut changés, nos
amis de la droite ont non-seulement jeté leurs
regards vers Washington, mais ils y sont
allés et nous ont rapporté tout ce qu'il y
avait de plus mauvais dans le système américain pour l'introduire dans la nouvelle
constitution. Je regrette beaucoup qu'ils n'aient
pas appris à Washington, en dans toute autre
partie des Etats-Unis, l'économie dans l'administration des deniers publics. (Ecoutez!)
Je regrette qu'ils n'y aient pas puisé ce principe qui prédomine de l'autre côté de
la
frontière, savoir: que le gouvernement du
jour doit imposer au pays le moins de fardeaux possible. Aujourd'hui, M. l'ORATEUR
l'huissier qui se tient à la porte de cette
chambre est plus payé que le gouverneur de
l'Etat de Vermont. Le messager qui, dans
ce coin de la chambre, enveloppe nos papiers,
reçoit un salaire plus élevé que l'indemnité
accordée à un sénateur des Etats-Unis. Le
gouverneur-général est plus payé que le
Président des Etats-Unis. Nous sommes le
peuple le plus taxé de la terre. Et nous
payons le service public à un taux plus élevé
qu'aucune nation du monde.
M. O'HALLORAN—On l'a dit et on
s'est servi de cela comme argument pour
prouver que nous devons nous agiter; que
nos affaires ne peuvent plus marcher dans
le sentier suivi jusqu'à ce jour; qu'un
changement est devenu nécessaire. M. l'ORA
801
TEUR, une des erreurs les plus répandues en
fait d'économie politique, est que la prospérité d'un pays dépend de son plus ou
moins de législation. Pour notre compte
nous légiférons beaucoup trop. On nous noie
dans les lois, si je puis ainsi parler. Lorsqu'à
chaque session je vois des bills présentés à
cette chambre par centaines, je me dis toujours: "Au nom du ciel, que va devenir le
pays si tous ces bills passent à l'état de
loi?" (Rires.) On semble croire en Canada que l'herbe même ne saurait pousser
sans autorisation spéciale par acte du parlement. Aucun changement n'apportera remède
aux maux dont on se plaint, car le
germe de ces maux est en nous. Il nous
faut une administration sage et économe,
mais pas de nouvelles lois, pas de changements dans notre constitution,
Des formes de gouvernement
Discuter est chose peu sage.
"Administrez habilement"
"Celui que vous avez, tel serait mon adage."
Transférez le siége du gouvernement à
Outaouais, portes le nombre des membres de
la legislature de 130 à 194, vous trouverez
toujours, sous toute nouvelle forme de gouvernement, les mêmes difficultés tant que
vous
continuerez à faire des dépenses extravagantes. Ces difficultés se présenteront toujours
tant, que la législature ou lors législatures du pays auront des attributions qui
n'appartiennent pas proprement à un gouvernement général; tant que les localités
ne seront pas obligées de se suffire par leurs
propres ressources, les mêmes difficultés se
recontreront tant à Outaouais qu'à Québec.
"Caelum non animum mutant qui trans
mare currunt." "Vous changez de pays
mais sans changer de mœurs" avec tous
vos changements constitutionnels. Je l'ai
dit dès l'abord, je ne reconnais point à
cette chambre le droit de donner une nouvelle constitution au pays avant d'en avoir
appelé au peuple. Qui vous a envoyés ici pour
faire une constitution? Vous êtes délégués
pour administrer la constitution telle qu'elle
est. D'un bout à l'autre de l'Amérique
Britannique du Nord, il n'y a que notre
gouvernment qui ait osé s'arroger le droit
de changer la constitution sans consulter
le peuple. Je sure même surpris, M. l'ORATEUR, que notre gouvernement actuel si
fort et si présomptueux ait eu cette audace,
car, tôt ou tard il faudra qu'il en vienne à
l'appel au peuple. (Ecoutez!) J'ai mis
la main ce soir sur une résolution proprosée
par l'hon. procureur-général de Terreneuve,
à la législature de cette colonie. Elle est
importante parce qu'elle indique, dans les
provinces du golfe, un sentiment unanime
en faveur de l'appel au peuple. Cette mesure a été soumise aux populations du Nouveau—Brunswick
et a eu le sort qu'elle méritait. Elle va être soumise aux électeurs de
la Nouvelle—Ecosse. Mais notre administration est beaucoup plus sage que celle de
ces provinces. Elle n'a pas osé soumettre
la mesure à l'examen du peuple; cela prouve
une fois de plus l'habileté diplomatique
pour laquelle plusieurs des hon. messieurs
sont renommés depuis longtemps. (Ecoutez!) Voici la resolution dont j'ai parlé et
qui comprend toute la politique du gouvernement de Terreneuve sur le projet de confédération:
Résolu,—Qu'ayant examiné sérieusement le projet d'une union fédérale des provinces anglaises
de l'Amérique Britannique du Nord, aux conditions indiquées dans le rapport des délégués
à la
conférence tenue à Québec le 10 octobre dernier,
—aussi la dépêche du très honorable secrétaire
d'état au département des colonies en date du
3 décembre 1864,—aussi les observations de
Son Excellence le gouverneur dans le discours
du trône à l'ouverture de cette session,—enfin le
rapport des délégués de Terreneuve,—le comité
est d'opinion que, vu la nouveauté et la haute
importance de ce projet, il est à désirer avant que
le vote de la législature soit pris sur le sujet, que
la question soit soumise à l'examen des électeurs
surtout parce que l'action des autres provinces ne
semble pas exiger que la mesure soit discutée à la
hâte et que, le parlement en étant à la dernière
session, aucun délai inopportun ne peut résulter
de ce mode de procéder: le comité recommande
donc que la décision finale sur ce projet soit
remise à la prochaine session.
(Ecoutez! écoutez!)
M. O'HALLORAN—Oui, mais ce rapport
a été soumis à la législature par l'hon. procureur-général comme étant la politique
du
gouvernement. Naturellement, si cette résolution n'est pas adoptée, le projet sera
doublement rejeté par la législature. Ainsi,
dans cette petite province, dont les intérêts
comparés aux nôtres ne sont que d'une
maigre importance, la législature ne veut
pas faire un pas avant d'en avoir appelé au
peuple; mais ici, où les intérêts en jeu sont
considérables, la mesure va être passée sans
que le peuple soit consulté, sans même qu'il
ait le temps de juger des mérites de la question. (Ecoutez! écoutez!) Nos populations
802
n'auront rien à dire sur la nouvelle forme
de gouvernement par laquelle elles-mêmes
et les générations futures seront régies. Je
sais bien, M. l'ORATEUR, n'on me traitera
d'audacieux parce que je nie à cette chambre
le droit de juger en pareille matière. Mais
j'ai bien réfléchi avant de faire cette déclaration et je défie aucun hon. membre
de me
citer, en aucun pays, un précédent en faveur
de la marche qu'on vont suivre. Nous ne
sommes pas en temps de révolution, nous
n'attendons aucun évènement considérable;
mais, si tel était malheureusement le cas, je
doute qu'on puisse citer un précédent même
dans les révolutions les plus violentes de
l'Angleterre, dont l'histoire nous fournit
une foule de précédents. On peut dire
des précédents invoqués en faveur du gouvernement qu'ils prouvent trop; or:
qui
nimis probat nil probat; s'ils suffisent à
justifier le ministère, ils peuvent établir aussi
logiquement que cette chambre a le droit
de prolonger indéfiniment son existence et
que nous pouvons, par un vote, nous déclarer
tous membres à vie. Nommons-nous tout
de suite membres à vie du parlement fédéral;
cela ne serait pas plus mal que de marcher
dans la voie qu'on nous trace. (Ecoutez!)
On dit qu'il est important que la mesure
passe immédiatement, mais ceci est un expédient tout-à-fait étranger aux principes
constitutionnels. (Ecoutez! écoutez!) On
a pompeusement cité l'union de l'Irlande à
l'Angleterre en faveur de la mesure. Selon
moi, c'est un bien triste précédent que nous
devrions tendre à éviter. Voici ce qu'en
pense une autorité incontestable. Je lis dans
"
l'Histoire de la Constitution Anglaise de
May," page 505 du 2nd volume, à propos
de l'union de l'Irlande avec l'Angleterre:—
"Un grand but fut atteint par les moyens les
plus vils et les plus éhontés. GRATTAN, lord
CHARLEMONT, PONSONEY et PLUNKETT, avec quelques patriotes, continuèrent à protester
contre le
sacrifice des liberés et de le libre constitution de
l'Irlande. Leur éloquence et leurs vertus civiques
commandent le respect de le postérité; mais les
misérables historiens de leur pays leur ont nié
jusqu'à leurs sympathies."
Tel est, M. l'ORATEUR, le jugement d'un
historien anglais impartiel sur les moyens
employés pour consommer ce grand crime
politique, et cette décleration est un juste
éloge des efforts patriotiques qui voulaient
l'empêcher. J'ai cru devoir faire cette
citation pour les raisons suivantes: j'y trouve
d'abord le sinistre prédiction des malheurs
dans lesquels on veut nous entraîner; j'y
vois en même temps un juste éloge décerné
à la poignée d'hommes courageux qui s'opposent ici ce soir à la mesure, et enfin j'y
lis la condamnation solennelle de ceux qui
foulent aux pieds les droits du peuple et qui
oublient, dans l'orgueil de leur pouvoir éphémère, ceux qui leur ont donné les places
qu'ils occupent ici et qui les ont chargés
non de violenter mais d'exécuter la volonté
du peuple, qui est la seule et vraie source de
tout pouvoir politique. (Applaudissements.)
M. J. S. ROSS—Je ne retiendrai pas
longtemps la chambre, car, à mon avis, il
est temps que ce débat finisse aussitôt qu'il
sera possible; je crois aussi que telle est
l'opinion de cette chambre, et c'est une raison
de plus pour que je sois bref. L'hon. monsieur qui vient de reprendre son siége a
traité un point auquel je ne ferai point
allusion, tout le monde comprend ce dont
je veux parler, cela suffit. Mais il a dit
qu'aucun changement de constitution n'était
nécessaire et je tiens à montrer qu'il y
a, au contraire, sous ce rapport nécessité
urgente. La chambre se rappelle qu'il y a
un an les choses en étaient rendues au point
que toute législation, dans cette chambre,
était impossible, tout les difficultés de partis
étaient nombreuses. La preuve en est que
le gouvernement d'alors déclara même qu'il
lui était impossible d'administrer les affaires
du pays. Or, pourquoi un gouvernement,
si habile néanmoins, a-t-il fait une pareille
déclaration si elle n'était pas nécessaire?
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. J. S. MACDONALD—Pourquoi
ne votiez-vous pas pour nous, cela aurait
arrangé les choses? (Ecoutez! et rires.)
M. ROSS—J'ai toujours eu une haute
opinion de l'hon premier-ministre d'alors,
mais je ne partageais pas ses vues politiques.
M. l'ORATEUR, je citerai un autre fait qui
prouvera combien de difficultés entravaient
la situation. L'hon. membre pour South
Oxford proposa la nomination d'un comité
pour examiner certains changements constitutionnels. Ce comité fit rapport à la
chambre, et voici le dernier paragraphe du
rapport de ce comité: —
"Un sentiment général semble prévaloir parmi
les membres du comité en faveur de changements
tendant à un système fédératif appliqué au Canada
seul, ou à toutes les provinces de l'Amérique
Britannique du Nord; et la question a été suffisamment étudiée pour permettre au comité
de recommander qu'elle soit reprise, par un comité, à la
prochaine session du parlement."
803
Ce rapport était signé par douze membres,
au nombre desquels je vois le nom de l'hon.
membre de Chateauguay qui déclarait donc,
avec les autres, que certains changements
constitutionnels étaient nécessaires. Il me
semble que cela prouve assez, M. l'ORATEUR,
que cette question ne nous a pas été soumise
ex abrupto et que nous l'avions en vue depuis
quelque temps. A cette époque, le ministère
plaça sa résignation entre les mains de Son
Excellence; il se forma un nouveau gouvernement qui réunit les chambres le 3 mai et
fut battu le 14 juin. A cette époque, la ministére avait, je crois, obtenu du gouverneur
l'autorisation de dissoudre les chambres. On
essaya une reconstruction, qui permît aux
affaires de marcher. Après quelques délais
la reconstruction fut opérée et, dans le programme qu'il adopta, le gouvernement actuel
annonçait que la question dela confédération
serait examinée et qu'à la session suivante
il presénterait une mesure propre à faire
disparaître les difficultés existantes en introduisant, en Canada, le système fédéral
avec
des dispositions permettant que les provinces
du golfe vinssent plus tard se joindre à la
confédération. S'il existait tant d'objections
à un changement, pourquoi ne les a-t—on pas
faites à l'époque? La chambre ne s'est—elle
pas compromise en acceptant la nouvelle de ce
projet sans faire d'objection? Je crois donc
que le gouvernement a agi avec franchise et
fermeté en annonçant son projet; que ce
projet soit bon ou mauvais il a tenu ses
engagements, puisqu'il soumet aujourd'hui
à la chambre un projet de confédération.
(Ecoutez!) Ce projet comble-t-il tous nos
vœux? Sur ce point là nous pouvons ne pas
être unanimes. Pour moi, depuis que je
m'occupe de politique, j'ai toujours eu en
vue ce projete. J'ai été en faveur d'une
union législative. Je pense encore que c'est
celle qu'il nous faut; mais, dans une question
aussi importante, je suis prêt à entendre
raison. Nous ne pouvons espérer la réalisation de toutes nos vues particulières, et
nous
devons faire des concessions en acceptant ce
qu'on pourra nous offrir de mieux. Ecoutez!) Nous savons tous avec quelle hésitation
la constitution des Etats—Unis fut acceptée.
WASHINGTON lui-même, le père de cette
grande république, y trouvait beaucoup à
redire ainsi que plusieurs autres hommes
éminents, mais il l'accepta comme la meilleure
qu'il pût alors obtenir. (Ecoutez!) Or, en
nous nous reportant aux travaux de la conférence de Québec, nous trouvons réunis dans
cette conférence les hommes qui ont depuis
plusieurs années dirigé le portique de leur
pays, tant pour le Canada que pour les provinces maritimes. (Ecoutez!) Et je suis
persuadé que les délégués ont tous abordé
la question avec les sentiments d'un pur
patriotisme, un sincère désir de régler nos
difficultés et de fonder dans cette partie du
glorieux empire britannique un gouvernement solide et durable. (Ecoutez! et applaudissements.)
De plus, M. l'ORATEUR, je crois
que rien n'est plus acceptable que ce projet
aux populations de ce pays. (Ecoutez!) Pour
moi, lorsque je soumis la question à mes
électeurs, je fus accueilli par de chaleureux
applaudissements en lisant la première clause
des résolutions ainsi conçue:—
"Une union fédérale, sous la couronne de la
Grande—Bretagne, aurait l'effet de sauvegarder les
intérêts les plus chers et d'accroître la prospérité
de l'Amérique Britannique du Nord, pourvu qu'elle
puisse s'effectuer à des conditions équitables pour
les diverses provinces."
(Ecoutez! écoutez!)
Le district électoral que j'ai l'honneur de
représenter n'est pas un des plus grands du
Haut—Canada, mais je n'en suis pas moins
fier des électeurs de l'ancien comté de Dundas,
qui son heureux de vivre sous la couronne
anglaise et ne maintiendraient pas un instant
le représentant qui ne serait pas fidèle a cette
union. (Applaudissements.) Je crois, M.
l'ORATEUR, que l'heure des changements est
venue, et qu'il faut faire disparaître, le plus
tôt possible, l'incertitude qui semble paralyser l'esprit public en Canada. Plus vite
nous serons tous pénétrés de la grandeur de
notre avenir et plus nous serons fiers de
notre pays, plus notre prospérité sera avancée.
(Applaudissements.) Et ce changement est
désirable non seulement au point de vue
canadien, mais en ce qui regarde nos voisins,
avec lesquels nous désirons vivre en paix
tant qu'ils nous laisseront tranquilles ici.
C'est tout ce que nous désirons de nos voisins,
mais, en même temps, il serait bon de leur
faire comprendre que nous ne désirons nullement unir nos destinées aux leurs. (Applaudissements.)
On a dit, M. l'ORATEUR, que
cette question était nouvelle. Je me rappelle
avoir lu, il a quelques années, des lettres
adressées a lord JOHN RUSSELL par l'hon.
M. HOWE, de la Nouvelle—Ecosse, et qui faisaient voir combien cette union était désirable.
DR. PARKER—Je demanderai à l'hon.
monsieur si ces lettres n'étaient pas en faveur
d'une union législative
804
M. ROSS—Je crois que oui, mais je suis
persuadé que si l'auteur de ces lettres avait
été présent à la conférence de Québec il eût
agi comme les autres délégués. Je trouve
encore qu'en 1849, à Kingston, une réunion
de cent quarante hommes éminents, présidée
par un citoyen hautement respecté, l'hon.
GEORGE MOFFAT, (je veux parler de cette
organisation, la Ligue Anglaise), adopta
comme projet essentiel à l'avenir du pays
l'union des provinces du l'Amérique Britannique du Nord. (Applaudissements.) Si
j'en avais le temps, M. l'ORATEUR, je
pourrais démontrer que fréquemment à la
chambre des communes, l'on a parlé de
l'union de ces provinces comme d'un événement qui ne manquerait pas d'arriver.
Depuis que cette question s'agite dans le
pays, j'ai lu avec une grande satisfaction des
articles des journaux des Etats-Unis dans
lesquels on s'attache à démontrer les avantages de cette union, un entr'autres dans
le
Times de Chicago, dans lequel l'écrivain
vante bien haut la prévoyance dont fait
preuve le peuple canadien en cherchant
à sauvegarder ses intérêts dans l'avenir.
(Ecoutez! écoutez!) Si je le voulais, je
pourrais encore apporter nombre d'autorités
pour prouver les avantages d'une union des
provinces. L'union, soit législative, soit
fédérale, fait la force, et nous devons rechercher l'union si nous voulons prospérer
et
grandir. Cependant, je dois dire que tout,
suivant moi, doit nous porter à rechercher
l'union législative, et, en examinant les
choses, on s'accordera à trouver qu'on ne
peut raisonnablement supposer que les provinces d'en-bas préfèrent la forme fédérale
à cette dernière. Rien de plus facile que
de s'apercevoir de ce qui leur fait priser
l'institution de parlements locaux, car c'est
certainement leur demander trop que de
leur enlever toute espèce d'administration
pour la remettre entre les mains d'une population supérieure en nombre, et avec qui
elles
n'ont en comparativement que il de relations. On peut également avoir raison de
croire que le système d'une union législative
ne soit trop embarassé et que la législature
générale ne soit trop absorbée par la discussion des affaires particulières de chacune
des
provinces. Mais, je crois que lorsque ce
régime aura fonctionné quelque temps et
que nous serons mieux connus, on verra qu'il
est avantageux et que l'union de tous ces
fragments de population, en un seul faisceau,
a été un acte tout à fait sage. On verra
que nous comprendrons mieux nos intérêts
lorsqu'ils ne feront qu'un, et qu'il sera
d'autant plus facile de se passer de parlements locaux et de les grouper dans une
seule et même législature. (Ecoutez! écoutez!) Le projet actuel présente encore cet
autre avantage qu'il établit un gouvernement
général pour tout le pays, et qu'il sera facile
pour ceux qui le voudront, du consentement
du peuple, de consolider le régime existant
sans entraîner des changements politiques
aussi radicaux que ceux d'aujourd'hui. Mais
prenons un autre point de vue qui se trouve
confirmé par les faits. Du moment que
nous nous unissons, que nous montrons à
l'univers que nous élargissons l'horizon de
notre avenir, il se fera un tel accroissement
dans notre population que la besogne ne
manquera ni pour les parlements locaux, ni
pour la législature fédérale. Ce système
aura, en outre, pour effet de produire dans
les gouvernements locaux un esprit d'émulation pour administrer leurs provinces le
mieux et le moins cher possible. Une fois
ces parlements locaux institués, je ne doute
pas de voir le peuple comprendre l'importance de modifier son régime municipal,
attendu que ce dernier se trouvera trop
subordonné aux gouvernements locaux.
Quoiqu'il en soit, ce sont là des sujets à
discuter plus tard. (Ecoutez!) J'aborderai,
maintenant, M. l'ORATEUR, la question de
la confédération au point de vue commercial.
On a prétendu qu'à cet égard le pays n'y
gagnera rien, et qu'il n'y aura pas acroissement d'affaires entre les provinces; mais
je
prierai la chambre de se rappeler notre position actuelle, et je regrette de dire
que nous
avons d'excellentes raisons de l'envisager ainsi.
Chacun sait que les Etats-Unis ont donné
avis de l'abrogation du traité de réciprocité
et qu'on a tout lieu de croire qu'il en sera de
même du système de transit; or, une fois
isolés de ce côté, quelle se trouve être notre
situation? Nous devenons sans communications avec la mer pendant six mois et, à cet
égard, nous restons soumis au bon plaisir d'une
puissance étrangère. (Ecoutez!) On a insisté
sur la construction du chemin de fer intercolonial comme étant une nécessité commerciale;
quoique ce projet doive nous entraîner
dans de grandes dépenses, je crois néanmoins
qu'il nous faut l'exécuter. Je me permettrai,
à propos de ce sujet, de définir ma position. Lorsque le gouvernement demanda à
la chambre d'affecter un crédit à l'exploration du chemin de fer intercolonial, j'étais
805
tellement opposé à cette entreprise que je
votai contre le ministère; aujourd'hui, j'en
vois la nécessité, et, ainsi que je l'ai dit,
l'époque de construire ce chemin est arrivée.
(Ecoutez! écoutez!) J'espère qu'il sera fait
avec toute l'économie possible, et qu'une fois
achevé il sera d'une immense utilité pour
notre commerce. (Ecoutez! écoutez!) Et
je défierai aucun hon. monsieur de prouver
que ce chemin n'accroîtra pas les relations
commerciales entre les différentes provinces.
Le Haut—Canada est un pays agricole qui
produit un excédant de céréales auquel il
faut trouver un débouché; et si les Etats- Unis nous sont fermés où nous dirigerons-
nous? L'engranger ou l'emmagasiner durant
l'hiver coûterait beaucoup. On prétend que
l'exportation en hiver n'est point profitable:
mais les Etats-Unis n'exportent-ils pas continuellement en hiver de grandes quantités
de grains et de produits en Angleterre et
dans d'autres parties du monde? Qui nous
empêcherait d'en faire autant lorsque nous
aurons le chemin de fer intercolonial? (Ecoutez!) Peut-être d'hon. messieurs essaieront-
ils de prouver que tel n'est pas le cas, et
tenteront-ils de dissimuler les faits; je crois
pour ma part que c'est l'intention des Etats- Unis d'inaugurer des mesures coërcitives
afin
de nous persuader que nos intérêts sont les
mêmes que les leurs, et de continuer cette ligne
de conduite avec nous, non pas jusqu'à l'envahissement immédiat ou à la subjugation,
mais je crains qu'elle ne soit restrictive, afin
de nous faire sentir autant qu'ils le pourront
notre condition de dépendance: telle est, je
crois, leur politique. Ils ne se proposent pas
de nous envahir de suite, mais bien de faire
en sorte que nous sentions que nos intérêts
sont avec eux et non avec d'autres. (Ecoutez! écoutez!) Je comprends très bien la
signification de ce désir de leur part d'annexer
le Canada, bien qu'ils prétendent que telle
n'est pas leur intention. En se transportant
aux premiers temps des Etats-Unis, on voit que
par les clauses de la confédération de divers
Etats il est pourvu dans le 11e article que:
dans le cas où le Canada se joindrait à eux,
il participerait à tous les droits et priviléges
de l'union; ce qui était refusé à tout autre
pays, sauf le consentement de neuf états. Plus
tard, la guerre de 1812 montra l'ardent désir
des Américains de s'attacher le Canada, et je
crois que leurs hommes d'état d'aujourd'hui
sont animés des mêmes vues, et que leur but
est de nous faire sentir que nos intérêts ne
peuvent plus rester isolés des leurs, mais qu'il
nous faut les y rattacher. Il n'y a pas longtemps que j'allai écouter une certaine
lecture
faite en cette ville, laquelle me parut n'être
qu'un plaidoyer exprès et fait à dessin pour
nous engager à lier nos destinées à celles des
Etats voisins. On y disait que la grande
cause des difficultés des Etats—Unis était
maintenant disparue et qu'il n'y avait plus
rien qui s'opposait à leur progrès matériel
et social. Je reconnais sans doute, M. l'ORATEUR, que les Américains sont un grand
peuple et que leurs progrès ont été considérables: mais je ne vois point que n'ayions
pas les
mêmes avantages si nous y prenons garde.
(Ecoutez écoutez!) Dans tous les cas, si
nos avantages ne sont pas aussi grands ils
nous suffisent, et nous devons être contents.
Il est encore une autre considération dont je
veux faire mention. Si on réfléchit à la population qui peuple ces provinces et si
nous
considérons son origine, son caractère, si
nous nous rappelons qu'elle est progressiste,
entreprenante et pleine d'initiative, est—il
raisonnable de supposer que nous resterons
éternellement dans cet état d'incertitude?
Est-il raisonnable de supposer que nous
devons toujours rester divisés en plusieurs
provinces séparées seulement par une ligne
imaginaire? Est—ce que nous ne voulons
ni grandir, ni croître? Nous est—il possible
d'espérer pouvoir atteindre aucune importance nationale sous un régime tel que celui
d'aujourd'hui? Je crois donc que l'on devrait
consolider les intérêts des diverses provinces;
et d'abord rien ne s'y oppose a l'égard du
territoire qui, s'étendant de l'Atlantique au
Pacifique, est assez vaste pour nourrir un
grand peuple. J'ai entendu dire par des
personnes, dont l'autorité fait foi en pareille
matière que la génération est née de ceux
qui sont destinés a voir l'Amérique Britannique du Nord peuplée par 60,000,000 d'habitants.
Peut—étre cette opinion est—elle
exagérée, mais personne ne doute de l'accroissement considérable qui se fera dans
notre population du moment où le projet
actuel aura reçu son exécution. (Ecoutez!
et applaudissements.) L'hon. député d'Hochelaga (M. A. A. DORION) a dit, dans
le cours de ses remarques, ne le jour où
seraient adoptées ces résolutions serait un
jour néfaste. M. l'ORATEUR, telle peut—être
l'opinion de l'hon. monsieur, mais elle n'est
certainement pas la mienne. Je crois, au contraire, que le jour où nous ne pourrons
nous
entendre pour accomplir une union entre
nous, ce jour—là sera le jour néfaste (Applau
806
dissements.) L'hon. monsieur a également
dit que ce projet était trop conservateur de
sa nature: je comprends que cela puisse lui
déplaire; mais, pour moi, je n'en suis aucunement inquiet. (Applaudissements.) Il
déclare
que c'en est fait du grand parti libéral. Je
serais fâché qu'il en fût ainsi, car j'ai toujours tenu à être libéral et modéré dans
mes
opinions politiques. (Ecoutez! écoutez!)
Tout en regrettant que le projet actuel eut
pour effet de ruiner aucun parti important, je verrais plus particulièrement avec
peine la destruction du grand parti libéral.
(Ecoutez! écoutez!) Mais je ne crois pas
qu'il puisse être détruit de cette manière;
car, lorsque la confédération sera accomplie,
nous aurons les mêmes partie que ci-devant.
Il pourra se faire quelque modification quant
aux hommes, mais j'ai la conviction qu'il y
aura encore un grand parti libéral. (Applaudissements et rires.) Les partis sont nécessaires
au bon fonctionnement des pays; mais
on ne doit pas soutenir l'esprit de parti afin
de semer la discorde et la division; au contraire, tous les partis doivent faire trève
et
s'unir pour élever un pouvoir qui devra
être senti et respecté par tout l'univers.
(Ecoutez! écoutez! et applaudissements.)
L'hon. député de Brome (M. DUNKIN) a
fait quelques remarques qui m'ont frappé par
leur singuliarité, mais qui sont un exemple
de la façon dont il s'exprime. Il s'est attaché à citer des auteurs et des hommes
d'état
anglais tout ce qu'il a pu trouver de contraire
au projet; mais, aussitôt qu'on a voulu lui
prouver que l'opinion en Angleterre était en
faveur, il s'est retourné et a répondu que
l'on ne pouvait accorder aucun poids à ce
que l'on pensait en Angleterre sur la politique canadienne. (Ecoutez! écoutez! et
rires.) Comme cet hon. membre n'est pas
à son siége, je ne dirai rien de plus de ses
assertions. L'hon. député de Cornwall, (M.
J. S. MACDONALD), pour qui j'ai toujours
eu le plus grand respect, a prétendu que
l'on n'avait crié à l'annexion qu'afin de faire
voter le projet;—mais, voilà que l'hon.
député d'Hochelaga (M. A. A. DORION)
prétend de son côté que c'est précisément le
même projet qui doit nous pousser vers l'annexion. (On rit.)
L'
HON. J. S. MACDONALD—Le premier ministre a dit que nous marchions rapidement vers l'annexion, et que cette
mesure
devait mettre fin à cet état de choses.
M. ROSS—Je crois avoir fatigué l'attention de cette hon. chambre par mes remarques
déjà trop longues: c'est pourquoi, si l'occasion s'en présente, je reviendrai sur
la
question et je parlerai de quelques autres
considérations. (Cris:—continuez!) Ainsi
que je l'ai dit, les membres de la conférence
de Québec se sont occupés de la question
dans le dessein bien arrêté de combiner une
constitution qui produirait le bien-être du
pays, et quoique je sois loin d'approuver
toutes les résolutions, quoiqu'il y ait des
choses que j'aimerais à voir modifier, je
voterai cependant pour le projet. Ainsi, par
exemple, j'aurais aimé que dans la constitution du conseil législatif ont eut gardé
le
système actuel; mais les délégués ayant cru
bon de le changer, je ne saurais me justifier
de voter contre le projet à cause d'un ou de
deux détails qui me déplaisent. (Ecoutez!
écoutez!) —Nous devons nous attendre à
faire jusqu'à un certain point le sacrifice de
nos opinions, afin d'arriver à un meilleur
ordre de choses que celui que nous avons
aujourd'hui. Pour ma part, je crois de mon
devoir d'agir de cette façon et suis persuadé
que le pays contracte une dette de reconnaissance envers les hon. ministres si le
projet qu'ils ont combiné vient à être mis
à exécution. (Ecoutez!) C'est pourquoi,
j'espère que quoiqu'il advienne, et quelque
échec que rencontre ce projet, qu'il finira par
être voté, et que les législatures prieront.
Sa Majesté de faire passer une loi pour lui
donner suite. Puis, lorsque cette constitution aura été complétée et ratifiée, lorsqu'il
n'y aura plus de doute sur l'identité de ses
principes avec ceux de notre gouvernement
actuel, tout Canadien loyal et de cœur aura
raison de bénir la Providence de l'avoir fait
naître sur une terre aussi favorisée. (Applaudissements.)
M. BOWMAN—Comme la discussion sur
cette grande question me parait tirer rapidement ver sa fin, je veux faire part à
la
chambre de quelques observations avant le
vote. La question de réformes constitutionnelles est loin d'être nouvelle en Canada,
car elle a déjà occupé l'attention des hommes
publics, de la presse et de l'opinion de ce
pays, depuis déjà des années;—et les demandes à ce sujet de la part du Haut- Canada
ont été tellement pressantes, qu'il a
été impossible depuis quelque temps de
former un ministère qui fut assez fort pour
administrer le pays avec succès. La population du Haut-Canada a depuis nombre
d'années agité la question d'une augmentation de représentation dans les chambres,
et
807
peu refuseront d'en reconnaître la justice.
A cause de la différence de la population du
Haut et du Bas-Canada, et de l'injustice faite
au premier, je suis convaincu de la nécessité
de certains changements afin de combiner
un système de gouvernement plus satisfaisant.
(Ecoutez! écoutez!) Le peuple comprend
tellement l'importance de cette question que
je suis persuadé qu'il est prêt à laisser le
champ libre à tout projet qui promettrait
d'inaugurer un nouvel et plus satisfaisant
état de choses. (Ecoutez! écoutez!) Il y a,
suivant moi, deux moyens d'atteindre ce- résultat; le premier, par l'union législative
du Haut et du Bas-Canada basée sur la
représentation d'après le chiffre de la population, le second, par une union fédérale
soit entre les deux Canadas, soit entre toutes
les provinces de l'Amérique du Nord. En
s'adoptant pas l'un ou l'autre de ces deux
remèdes, les deux provinces courent de
grands dangers de se séparer finalement,—ce
qui ne saurait manquer d'être fatal à notre
existence comme ce colonie anglaise. (Ecoutez! écoutez!) Notre proximité des Etats-
Unis rend nécessaire de maintenir notre
union presqu'à aucun prix. Mais, pour changer
notre constitution, il serait à souhaiter qu'on
obtint le consentement de la majorité des
députés des deux sections de la province;
car, bien ne le projet pût être voté par une
majorité d'une section appuyée d'une miorité de l'autre section, il ne donnerait pas
de cette manière toute la satisfaction désirable. Les demandes du Haut—Canada pour
changer le mode de représentation ont rencontré, de la part du Bas-Canada, une telle
résistance et une telle opposition, que même
plus chauds défenseurs de la mesure ont
été convincus que la chose était impossible
au moins pour quelque temps. Partant de la
supposition qu'il est impossible avec l'union
actuelle d'opérer ce changement, je crois
qu'il est de notre devoir de tâcher, par un
autre moyen, de résoudre nos difficultés.
Suivant moi, la formation d'un système de
gouvernement basé sur le principe fédéral
avec une législature centrale exerçant son
contrôle sur toutes les questions communes
aux provinces, et une législature locale afin de
permettre à chaque état d'administrer ses
propres affaircs, serait le seul système qui
pût plaire au peuple de ces provinces: or,
le project actuel n'est rien autre chose. Les
adversaires du projet ont prétendu qu'il n'y
avait aucune necessité d'un tel changement
qu le Haut—Canada avait cessé ses demandes
de réformes constitutionnelles et qu'il est
tout-à-fait heureux de sa présente condition.
Je me permettrai de dire a ces hon. messieurs
qu'ils sont dans l'erreur la plus complète.
Le désir d'un changement est tout aussi fort
que jamais dans le Haut—Canada, qui ne sera
satisfait que lorsque justice lui aura été faite
d'une manière ou d'une autre. (Ecoutez!
écoutez!) Nous ne sommes pas le seul
peuple qui ait jugé nécessaire de changer sa
constitution, car on voit à peine une nation
civilisée qui n'ait pas été un jour ou l'autre
forcée de modifier la forme de son gouvernement afin de se tenir à la hauteur des
évènements, de même qu'il est assez rare que ces
grands bouleversements politiques, qui consolident ou ruinent une puissance, ne soient
pas amenés par de violentes commotions
civiles où des milliers de citoyens perdent
la vie ou leur fortune. La situation actuelle
des Etats—Unis en est un triste exemple.
La constitution de ce malheureux pays fut
l'œuvre des hommes d'état les plus sages et
les plus éminents, et cependant, moins d'un
siècle après, voilà que le peuple américain,
qui la regardait comme la plus parfaite du
monde, se trouve plongé dans les horreurs
d'une guerre civile et tente de faire
disparaitre la cause qui lui a suscité tant
de troubles et de maux. Si donc nous
réussissons à donner une base permanente à
la consolidation de ces provinces, si nous
réussissons à combiner une union qui aura
pour effet de perpétuer les institutions
anglaises sur ce continent et arrêter ainsi le
courant d'absorption de la république voisine,
nous aurons travaillé pour notre postérité
et mis un obstacle infranchissable aux discordes intestines. (Ecoutez! écoutez!) Nous
devons dans la discussion de ce projet mettre
de côté le souvenir des anciennes liaisons
de parti, afin de lui donner cette considération calme et réfléchie que demande son
importance. Lorsque nous songeons aux
difficultés de section à faire disparaître, aux
intérêts à reconcilier et aux préjugés à
vaincre, il est évident que nous ne pouvons
étudier ce projet qu'avec des dispositions à
accepter un compromis. Il nous faut entrer
dans la voie des concessions mutuelles afin
de respecter les droits et les sentiments de
tous, autant que cela est compatible avec la
justice que l'on doit à tous. J'ajouterai que
quoique n'approuvant pas la mesure actuelle
dans tous ses détails, je crois cependant qu'à
tout prendre c'est encore la mieux combinée
dans, les circonstances actuelles, et c'est à
808
ce titre que je lui donnerai mon appui. Je
crois, par exemple, que la clause qui règle la
constitution du conseil législatif est contraire au sentiment de la majorité du peuple
du Haut-Canada, et en particulier à celui de
mes électeurs. Tout le monde conviendra
que le système électif nous a donné un conseil législatif composé d'hommes qui feraient
honneur à n'importe quelle nation, et je
confesse que j'aimerais à voir continuer le
même système. Cependant, quelque disposé
que je sois à voter un amendement qui aurait
pour but de continuer le système actuel,
pourvu qu'il ne mît aucun obstacle au succès
de tout le projet, je ne crois pas que mes
électeurs le rejeteraient pour la seule raison
qu'il s'y trouve quelques détails qu'ils n'appreuvent pas. Pour ma part, M. l'ORATEUR,
j'affirme que je n'agirai pas ainsi. Les adversaires du projet en appellent à la partie
française denotre population en lui disant
que sa nationalité est en danger, qu'elle va
être absorbée par la législature centrale et
que l'on va attenter à ses droits et priviléges;
ils se tournent ensuite du côté des Anglais
du Bas-Canada, et leur disent que leur nationalité et leurs écoles courent les plus
grands
dangers de se trouver à la merci des Français
dans la législature locale. Ce n'est pas tout:
pour se rallier des amis dans l'ouest ils menacent les contribuables du Haut-Canada
et
tâchent de les convaincre que c'est sur eux
que va retomber la plus forte partie des
impôts du nouveau système. On a déjà
démontré que les provinces maritimes contribueront pour leur part aux dépenses
civiles, qu'elles paieront par tête autant que
le Haut et bien plus que le Bas-Canada, de
sorte que cette objection ne s'appuie sur
rien. Ceux qui cherchent à renverser la
mesure en soulevant les préjugés et les animosités de race, devraient se rappeler
qu'ils suivent une ligne de conduite destinée
à
empêcher tout gouvernement de fonctionner,
et que, s'ils venaient à réussir, ils convaincraient le Haut-Canada que le Bas est
déterminé à lui refuser toute justice. (Ecoutez!
écoute!) D'autres ont prétendu que la confédération produirait la séparation avec
la
métropole; je crois que les amis de l'union
sont tout aussi désireux de maintenir les
liens qui nous unissent à l'Angleterre que
ses adversaires, et qu'il est à désirer que ces
liens durent aussi longtemps que possible.
Mais, en supposant même que nous jetons
les fondements d'un empire anglo-américain
destiné à devenir indépendant de le métro
pole, lorsque ses ressources auront atteint
un développement suffisant et que sa population sera assez nombreuse, assez forte
et
assez prospère, je ne pense pas que cette
pensée doive nous empêcher de voter le plan
actuel. Une autre objection est la probabilité que les provinces du golfe s'opposent
à l'ouverture du territoire du Nord-Ouest
laquelle probabilité n'a de fondements que
dans la tête des adversaires de la confédéraration, car comment ne s'apercevraient-elles
pas qu'il est aussi de leur intérêt de voir
ouvrir cette partie du territoire à la colonisation, et d'étendre par là leur commerce
et
leurs relations? L'ouverture de ce territoire
serait donc mutuellement avantageuse à elles
comme à nous. On a beaucoup parlé de
soumettre la mesure actuelle au peuple
avant de l'adopter, et je dois dire que jamais
je me saurais décidé à la voter sans connaître le sens del'opinion publique d'une
façon ou d'une autre, à moins qu'une majorité de mes électeurs ne se déclarât favorable
au projet. C'est pourquoi j'ai tenu
des assemblées publiques dans mon comté,
afin de savoir ce que pensaient mes électeurs.—Ces assemblées furent très fréquentes
et presque chaque fois la grande
majorité s'est prononcée non seulement en
faveur des principaux traits de la mesure,
mais a même exprimé le désir de la voir
voter par le parlement sans en appeler au
peuple. Je voterai donc avec plaisir les
résolutions actuelles, persuadé qu'en agissant
ainsi je ne ferai que m'acquitter de mon
devoir envers mes électeurs et le pays en
général.(Applaudissements.)
M. WALSH—M. l'ORATEUR :—J'avais
l'intention au commencement de la discussion actuelle, de prier la chambre d'écouter
avec bienveillance quelques observations détaillées que j'avais à faire sur la question
importante contenue dans les résolution mises
entre vos mains. J'aurais voulu passer en
revue les évènements qui ont rendu nécessaire la combinaison du plan qui se discute
aujourd'hui dans toutes les colonies Anglo- Américaines du Nord de ce continent,—remonter
à la source de l'agitation qui a été
la suite des difficultés entre le Haut et le
Bas-Canada, et montrer comment ces difficultés avaient grandi au point de ne nous
laisser d'autre alternative qu'une dissolution de l'union ou une constitution nouvelle
dans le genre de celle qui est soumise au jourd'hui à notre sanction. J'aurais voulu
exposer au long mes raisons pourquoi nous
809
devions rejeter la première et adopter la
seconde, car je crois, avec à peu près tous
les deputés de cette chambre, que l'union
actuelle des deux provinces a plus que
réalisé les espérances les plus larges de ceux
qui travaillèrent à son accomplissement.
Depuis l'union, nous avons grandi en population, en revenu et en ressources dans une
proportion presqu'inouïe; nous avons vu
deux population différentes d'origine, de
langue et d'institutions, n'ayant de commun
que leur allégeance à la même couronne,
se fondre rapidement en une seule par le
nom et les sentiments; de sorte qu'à tous
égards l'union actuelle a été féconde en excellents résultats. Aussi, me proposais-je,
dans le cas où j'aurais traité le sujet à fond,
de dire que si j'avais eu à voter entre le
maintien de cette union et sa dissolution
avec retour à l'ancien ordre de choses,
j'aurais été, pour ma part, des plus hostiles à
cette dernière mesure. (Ecoutez! écoutez!)
Mais des circonstances majeures ayant fait
hâter la clôture du débat plus tôt que je
ne m'y attendais, je ne mettrai pas la patience de cette chambre à l'épreuve à cette
heure avancée en lui exposant bien au long
ce que j'ai à dire sur la question. Dans
les quelques observations que je ferai je
veux me borner à parler des oints principaux de la mesure. Au lieu de me lancer
dans de longs extraits de ce qu'ont dit
d'autres hommes, ou dans des commentaires
à perte de vue sur les divers systèmes de
gouvernement dans les autres pays, je
me bonerai à parler des résultats probables que devra avoir pour nous le plan
qui nous est présenté. (Ecoutez! écoutez!)
Comme plusieurs des hon. orateurs qui
m'ont précédé, je dirai que le jour où je
m'occupai d'affaires publiques, je ne pus
m'empêcher de songer qu'il viendrait un
temps où non seulement l'union des provinces de l'Amérique Britannique du Nord
serait à souhaiter mais même absolument
indispensable. Je considère cette mesure
désirable au point de vue commercial et
militaire. Tout député qui siège dans cette
enceinte, même depuis le temps assez court
où j'y suis entré, conviendra que l'opinion
de la chambre a complètement changé depuis les dernières années sur cette importante
question des défenses du pays. Je
vois avec plaisir que sans exception de parti
tous nous comprenons mieux nos devoirs à
cet égard, et que le peiple agissant par ses
députés est tout-à-fait disposé à accepter sa
part de responsabilité dans la défense de ces
provinces. (Ecoutez! écoutez!) A cet égard,
la démarche que nous prenons en ce moment
est de la plus haute importance, parce que
tout en nous reposant beaucoup sur l'aide de
l'Angleterre pour nous défendre en cas de
nécessité, il est évident que les provinces
en s'unissent ensemble et en agissant toutes
de concert avec la métropole, peuvent organiser un systéme de défense bien plus effectif
que celui que nous pourrions combiner en
demeurant séparés et isolés. (Ecoutez!
écoutez!) Mais, c'est au point de vue
commercial que je crois devoir surtout m'attacher en étudiant cette question. Nous
devons la considérer sous le rapport des
relations commerciales plus fréquentes que
fera naître la construction du chemin de fer
intercolonial;—c'est ainsi qu'un nouveau
marché sera ouvert par l'enlèvement des
barrières qui s'élèvent aujourd'hui entre les
provinces du golfe et nous. Persuadé que
nos relations d'affaires avec les provinces- sœurs devraient êtres libres et sans
entraves,
je suis chaudement en faveur de la construction de ce chemin de fer. Après avoir exposé
les raisons générales qui me portent à appuyer
l'union de ces provinces, j'ajouterai que si
j'avais le choix et que je pusse décider la
question par mon vote, je dirais:— "Donnez- nous une union législative!"—qui aurait,
je le crois, pour effet de rapprocher plus
étroitement tous les colons entr'eux et de
rendre leurs intérêts bien plus identiques que
le système fédéral. Mais, comme les discours
prononcés à l'ouverture des débats dans cette
chambre par des membres de la conférence
du 10 octobre, nous apprennent que les deux
modes ont été discutés par les délégués et
que l'union fédérale l'a emporté, l'autre ayant
été déclaré impossible, il ne nous est par conséquent pas permis de décider la question
dans
l'autre sens. Nous en avons asser vu et
entendu pour nous convaincre que probablement toutes les autres provinces refuseraient
d'entrer dans une union législative. L'hon.
proc.-gén. du Haut-Canada, dans le discours
qu'il a prononcé à l'ouverture du débat, nous
en a assez dit à ce sujet, pour nous persuader
que cette question avait été discutée dans
la conférence, et que si ce dernier mode avait
été rejeté c'était à cause de son impossibilité.
C'est pourquoi persuadé qu'il ne nous reste
plus qu'à décider entre l'union fédérale ou
rien du tout, je donne mon assentiment à
l'union fédérale sans hésiter. (Ecoutez!
écoutez!) L'une des plus fortes objections que
810
l'on apporte contre cette mesure, est que le
gouvernement fédéral coûtera bien plus cher
que celui que nous avons ajourd'hui:—cela
peut-être vrai jusqu'à un certain point,
quoique pas autant qu'on a voulu le faire
croire. Nous ne devons pas perdre de vue
que chaque province possède un gouvernement com let dans tous ses détails; par conséquent,
il ne restera que peu de chose à y
ajouter qui sera de donner simplement des
législatures locales à chacun des Canadas. En
vertu de ces principes généraux, je me déclare
favorable au projet d'union actuel, et, ainsi
que l'a très bien fait remarquer l'hon. député
de Dundas (M. J. S. Ross), les termes dans
lesquels se trouvent conçu le projet doivent
plaire beaucoup à tous ceux qui étaient en
faveur d'une union de ce genre. Pour ma
part, en remplaçant le mot "fédérale" par
celui de "législative," les termes de la première résolution ne peuvent pas me satisfaire
davantage. Voici cette résolution:—
"Une union fédérale sous la couronne de la
Grande-Bretagne aurait l'effet de sauvegarder les
intérêts les plus chers et d'accroître la prospérité
de l'Amérique Britannique du Nord, pourvu qu'elle
puisse s'effectuer à des conditions équitables pour
les diverses provinces."
Je dirai ici, M. l'ORATEUR, et je suis
sur de n'être en cela que l'écho de tous ceux
qui m'écoutent, que ce que veut le peuple,
c'est qu'on effet l'union soit basée sur des
principes de justice égale envers toutes les
provinces. (Ecoutez! écoutez!) Les termes
de la troisième résolution ne sont pas moins
satisfaisants:—
"En rédigeant une constitution pour le gouvernement général, la convention ayant en
vue de
resserrer autant que possible les liens qui nous
unissent à la mère-patrie, et de servir les plus
chers intérêts des habitants de ces provinces,
désire, autant que le permettront les circonstances, prendre pour modèle la constitution
britannique."
En effet, où trouver un remède plus
parfait ou un meilleur système de gouvernement que celui de la constitution anglaise?
(Ecoutez! écoutez!) L'un des caractères
par lequel ce projet se recommande fortement à mon approbation est celui par lequel
il diffère de la constitution de la république
voisine, car je crois que la cause en grande
partie des troubles qui désolent aujourd'hui
ce malheureux pays, est due à l'absurde
doctrine des droits des Etats. Au lieu de
déposer l'autorité suprême dans le gouvernement central, qui ensuite peut le déléguer
aux gouvernements des divers Etats, on a
adopté précisément le principe contraire;—
ce sont les gouvernements locaux qui y
possèdent le pouvoir et qui en délèguent
une partie à la législature centrale. Je suis
heureux d'observer que dans le plan soumis
à notre approbation, on a fait du gouvernement central le dépositaire du pouvoir
suprême et qu'on lui a subordonné les législatures locales. (Ecoutez! écoutez!) Je
vois
aussi avec laisir que, dans l'organisation
de la législature générale des provinces- unies, la question si ardue et si longtemps
agitée de la représentation d'après le chiffre
de la population est en voie d'être réglée
d'une manière satisfaisante, car on se propose
de faire représenter dans la chambre des
communes chaque province suivant le
chiffre de sa population. Une telle mesure
fait disparaître la source des difficultés qui
ont agité depuis si longtemps le Haut et
le Bas-Canada, et ont rendu nécessaire de
recourir au remède qui nous est aujourd'hui
proposé. Quant au conseil législatif, je dois
dire qu'ayant toujours été de ceux qui se
sont opposés à l'introduction du principe
électif dans la constitution de ce corps, je
n'ai pas beaucoup de peine à approuver le
changement que l'on propose. J'ai toujours
cru que nous ne pouvions pas nous attendre
à ce que deux branches d'une même législature, émanant de la même source, pussent
fonctionner ensemble avec harmonie. (Ecoutez! écoutez!) On pourra appeler cela un
mouvement rétrograde, et cependant j'y
adhère, parce qu'il place les choses dans
l'état où elles auraient dû rester. En pressant cette chambre d'adopter ou de rejeter
la mesure, le gouvernement obéit, j'en suis
sûr, à des motifs excellents, et il est de son
devoir d'en agir ainsi. Tout disposé que je
sois à donner mon vote au gouvernement, je
reconnais cependant la force des objections
soulevées par le secrétaire des colonies dans
sa dépêche du 3 décembre dernier au gouverneur-général, au sujet de la constitution
de la chambre haute en ce qui touche la
chiffre des membres. Quoiqu'il n'y ait aucun
doute que ces résolutions soient passées dans
leur forme actuelle, je verrais néanmoins
avec plaisir le parlement impérial faire à ce
sujet, comme à d'autres, les changements qu'il
croire nécessaires, et je m'y soumettrais avec
plaisir. (Ecoutez! écoutez!) Il y a deux ou
trois questions qui se rapportent à ces résolutions dont je dirai quelque chose. La
premiére est l'éducation. On en a déjà
811
beaucoup parlé depuis l'ouverture des dé bats:
étant du nombre de ceux qui ont voté la loi
actuelle des écoles séparées du Haut-Canada,
je dois dire qu'en votant ainsi j'ai cru devoir
fair pour la minorité d'une province ce qui
était justice pour la minorité de l'autre province, et ainsi rendre justice à tous.
Aussi,
vois-je avec plaisir qu'on a inséré dans les
résolutions le principe des droits des miorités dans chaque division du pays au
sujet de l'éduction. J'avouerai que si je
demeurais dans le Bas-Canada, je serais loin
de me croire traité avec justice si j'étais
obligé de contribuer au maintien d'écoles
auxquelles je new pourrais en conscience
envoyer mes enfants. (Ecoutez! écoutez!)
Et puis, j'ai eu la satisfaction lorsque
je retournai parmi mes électeurs, de les voir
satisfaits de mes explications, et mon vote
apprové par eux. Une autre question que
je regard comme très importante pour les
colonies et que je ne vois pas traitée, dans
le plan actuel, est celle de 'administration
et de la vente des terres de la couronne. Je
regrette d'en voir laissé le contrôle aux
législatures locales, car je pense que s'il est
une question sur laquelle le gouvernement
ait eu lieu de subir de graves reproches
autrefois, c'est celle de l'adminstration des
terres de la couronne. On n'a pas tiré parti
de ces terres pour établir un système sage
et libéral d'immigration et pour les offrir
gratuitement à tous ceux qui voulaient venir
s'y établir. N'y a-t-il pas quelque chose
d'humiliant pour tout homme qui a des
intérêts dans ce pays de voir les torrents
d'immigration se diriger de l'Angleterre vers
les Etats-Unis, et prendre même pour s'y
rendre, la route du St. Laurent? (Ecoutez!
écoutez!) Nous avons manqué autrefois de
fair ce qu'il fallait pour engager ces immigrants à se fixer parmi nous, et je crains
qu'en abandonnant cetter question aux législatures locales, la question de l'immigration
ne soit traitée dans l'avenir avec le même
esprit étroit qu'elle l'a été par le passé.
J'aurais aimé à pouvoir songer que la législature générale adopterait un plan libéral
et
vaste pour l'immigration, enverrait ses agents
dans le ports européens, d'où sortent le
plus d'immigrés, afin d'explique à ces individus les avantages qu'ils trouveraient
à se
diriger ici. Aussi, ai-je vu avec peine les
délégués fair l'arrangement dont je viens
de parler au sujet de cette important
question. (Ecoutez! écoutez!) La troisième
question qui se rapporte à ces résolutions,
quoique ne ne formant pas partie du plan de
constitution, est celle de la construction du
chemin de fer intercolonial. Avant d'aller
plus loin, j'avouerai que mes idées ont subi
un grand changement à ce sujet depuis
mon arrivée en chambre. En effet, en 1862,
à mon entrée au parlement, j'étais l'adversaire déclaré de toute contribution de la
part du Canada à cette entreprise. Je
croyais, à cette époque, que cette entreprise ne serait pas avantageuse au Canada;
mais les événements survenus depuis m'ont
convaincu que le temps est arrivé où nous
devons assumer notre juste part des frais de
construction d'une voie de communication
aussi importante. Quels pénibles sentiments
ne doit pas éprouver un Canadien visitant le
Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Écosse,
quand il se sent étranger au milieu d'une population qui, bien que vivant à nos portes,
n'a
cependant aucune relation commerciale avec
nous. Ce sont, à vrai dire, des voisins que
nous ne fréquentons guère. A mon avis, il
est grandement temps de faire disparaître les
barrières qui nous sé atout, et c'est la construction seule du chemin de fer intercolonial
qui amènera ce résultat. L'on a prétendu, M. l'ORATEUR, dans le cours de ce
débat, que cette chambre a outrepassé ses
pouvoirs en prétendant régler une question
de cette nature avant que de la soumettre au
peuple, et l'on va même jusqu'à dire qu'avant de donner suite à ces résolutions, l'on
devrait permettre à l'opinion publique de se
prononcer, en décrétant une élection générale.
Quelques uns des députés qui ont soutenu
cette proposition, en ont donné our raison
que l'esprit public était encore plongé dans
les doutes au sujet du changement proposé,
et qu'en conséquence, l'on ne devait pas
hésiter à donner à l'opinion publique ample
occasion de se formuler. Mais, étrange coincidence! nous voyons ces mêmes deputês
inonder la chambre de pétitions de leurs
électeurs, dans lesquelles ils ne demandent
pas un délai pour pouvoir mûrir le projet,
mais tout simplement qu'il ne soit as adopté.
Ces pétitions font voir que le peuple a étudié
la question; qu'il la connait à fond; que
son opinion est formée et que la mesure ne
doit pas être adoptée. Il faut en que l'esprit
public soit suffisamment préparé à se prononcer pour ou contre le projet, ou que ces
électeurs signent des pétitions sur des données ni ne suffisent pas pour fonder un
jugement correct. Mais, M. l'ORATEUR, je
812
suis d'avis qu' il est possible de constater la
tendance de l'opinion publique presque sur
toutes les questions, et cela sans en appeler
aux électeurs; quant à moi, les élections ne
me sourient pas. (Ecoutez! et rires.) Je
pense que presque tous les électeurs du Haut- Canada ont pris communication de ces
réso lutions et qu'ils en comprennent aussi bien
la portée que plusieurs membres de cette
chambre; et nous avons lieu de croire, M.
l'ORATEUR, que la population du Haut- Canada, au moins, est presqu'unanimement
favorable à la mesure. (Ecoutez!) Avant
que de me rendre à mon poste, j'ai consulté
mes commettants sur la question actuelle;
j'ai convoqué des assemblées dans les différentes municipalités de mon comté, et je
crois avoir, en un mot, au meilleur de ma
capacité soumis le projet actuel aux électeurs
de cette partie de la province. J'ai entendu
beaucoup parler de l'importance qu'on attachait à soumettre la question au peuple.
M. M. C. CAMERON—J'aimerais à
savoir de l'hon. député s'il a exposé à ses
électeurs les chiffres qui font voir la différence qui existe entre les dépenses qu'entraine
une union législative et une union
fédérale. S'il ne l'a pas fait, alors le peuple
n'était pas en mesure de formuler une
opinion sur ce qui convenait le mieux à ses
intérêts.
M. WALSH—Si je n'ai pas énoncé par
des chiffres la différence entre le coût du
fonctionnement d'une union législative et
d'une union fédérale, c'est que tant que
l'organisation des gouvernements locaux ne
sera pas arrêtée, il est impossible de préciser les montants exacts: conséquemment,
je
suis d'avis que le peuple est aussi bien en
position de faire ces calculs, que moi-même
ou mon hon. ami, tout avocat qu'il soit.
(Ecoutez!) Je dois, néanmoins, dire à l'hon
préopinant que j'ai fait connaître à mes
commettants le fait ne les résolutions actuelles décrétant que la présente législature
aura l'avantage de rédiger elle-même les
constitutions des gouvernements locaux du
Haut et du Bas-Canada, et que le gouvernement fédéral devant payer à chaque province
une subvention annuelle de 80 centins
par tête pour le fonctionnement du gouvernement local et la confection de travaux
locaux, toute somme excédant cette subvention devra nécessairement être perçue
au moyen de la taxe directe, et que par cet
arrangement, nous avions une ample garantie que la plus grande économie possible
serait exercée dans tous les départements
administratifs. (Ecoutez!) Telle est, M.
l'ORATEUR, la réponse que j'ai cru devoir
faire à la question de l'hon. député; malheureusement, la différence qui existe entre
lui et moi, est, qu'étant tous deux favorables à une union législative, il ne veut
pas en accepter d'autre. Pour ma part,
croyant qu'elle est irréalisable pour le moment, j'accepte le projet qui nous est
aujourd'hui proposé, dans l'espoir que le
peuple, consultant son expérience, ne tardera
pas à demander l'abolition des gouvernements locaux et l'adoption de l'union législative.
(Ecoutez!) J'ajouterai—et avec un
sentiment de bien vive satisfaction—qu'aux
assemblées tenues dans mon comté, les électeurs ont paru très favorables au système
actuel, et que des résolutions à cet effet ont
été proposées et secondées, presque dans
chaque cas, par des personnes appartenant
a différents partis politiques. (Ecoutez!) —
Plusieurs députés ont prétendu que le peuple
n'a pas eu l'avantage d'étudier ces résolutions— pour la raison que le gouvernement
avait fait inscrire le mot "confidentiel" sur
l'enveloppe en les envoyant aux membres
de la législature. Quant à moi, je dois
avouer que je n'ai pas eu de difficulté à surmonter cet obstacle. Comme je ne pouvais
faire usage de l'exemplaire qui me fut expédié sans violer la confiance que l'on reposait
en moi, je comparai cette version avec celle
publiée dans les journaux, et ayant constaté
que c'était une copie fidèle de l'original,
je m'emparai de cette dernière, et aux assemblées qui eurent lieu, j'en fis lecture
à
mes commettants au lieu de me servir du
document confidentiel que j'avais reçu
(Ecoutez! et rires.) Je crois que d'autres
auraient pu suivre mon exemple sans scrupule
et au grand avantage de leurs électeurs.
(Ecoutez!) Ne désirant pas fatiguer plus
longtemps l'attention de cette chambre, je
me contenterai d'observer que je regrette
beaucoup de voir qu'une question d'une
importance aussi vitale—une question qui
laisse bien loin derrière elle toutes celles qui
ont jusqu'à ce jour occupé la chambre—
une question qui n'intéresse pas le Canada
uniquement, mais encore toutes les provinces
de l'Amérique Britannique du Nord—une
question qui exercera une influence directe
sur les générations à venir,—qu'une pareille
question, dis-je, ait été envisagée au point de
vue des intérêts des préjugés et triomphes
de parti! (Applaudissements.) Notre but,
813
en discutant cette mesure, ne devrait pas être
de nous enforcer de renverser une administration pour en ramener une autre au pouvoir,
mais bien de rechercher les moyens les plus
propres à assurer la prospérité présente et
future des provinces de l'Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez!) Quant à moi,
personnellement, je ne m'occupe guère des
hon. membres qui siégent sur les banquettes
ministérielles, en tant qu'il s'agit de cette
question que j'envisage à un tout autre point
de vue que celui de l'esprit de parti. Quand
on songe à la position de ces provinces, l'on
ne peut se cacher le fait qu'il importe
grandement que nous votions ces résolutions.
Si le projet ne réussit pas, à cause de l'hostilité des provinces maritimes, nous
n'en
sommes pas responsables.—Si nous sommes
d'avis que le projet actuel favorise nos intéêts, je dis que nous sommes tenus d'appuyer
l'administration qui nous l'offre comme la
base de notre union. Croyant sincèrement
que c'est là la position qu'il convient de
prendre, c'est, comme je l'ai déjà exprimé,
avec un grand plaisir que je lui offre mon
concours. (Ecoutez!) L'on me permettra,
j'ose l'espérer, de répondre à une observation
faite par l'hon. député de North Waterloo
(M. BOWMAN). L'hon. monsieur a prétendu
que si ce projet est adopté, il nous conduira
à l'indépendance. Or, c'est ce à quoi
j'objecte, à tel point que si je savais que la
mesure que nous discutons en ce moment
devait dissoudre les liens qui nous unissent
à la mère—patrie, je la repousserais de mon
vote, sans me soucier des conséquences de
ma démarche. Je crois qu'il n'est rien que
nous devions si ardemment désirer—rien de
si glorieux pour ces colonies, que de rester,
comme nous le sommes aujourd hui, attachés
à la Grande—Bretagne.
L'
HON. M. COCKBURN—L'hon. député
de North Waterloo a simplement dit que la
mesure nous empêcherait d'étre absorbés
par les Etats-Unis.
M. WALSH—Je ne désire pas donner
une fausse interprétation aux paroles pronouncées par cet hon. monsieur, c'est pourquoi
je suis heureux de voir que j'ai mal compris
ses observations. M. l'ORATEUR, j'ai occupé
l'attention de la chambre plus longtemps
que je ne le croyais quand j'ai pris la parole.
Je me suis borné à commenter les points
principaux du projet; mais je n'ai pas,
comme d'autres, perdu un temps précieux
à citer des autorités, ou à lire des extraits
de journaux pour faire voir quel a été le
passé politique de certains membres des
deux partis en cette chambre. Que m'importe à moi ce que pensaient, il y a douze
mois, certains hon. membres au sujet de la
représentation basée sur la population ou de
toute autre question? La mesure dont la
chambre est actuellement saisie, doit se
recommander et se juger d'après son mérite.
Ainsi, croyant donc que l'adoption de ce
projet sera la source des plus grands avantages pour nous, Canadiens, et pour nos
descendante, je le dis encore, c'est avec un
vif plaisir que j'appuierai ces résolutions de
mon vote. (Applaudissements.)
M. GIBBS—M. l'ORATEUR—En prenant la parole à une heure aussi avancée de
la nuit, je ne puis, comme grand nombre
d'autres députés, m'empêcher d'admettre
que ce débat a duré assez longtemps et que
nous devons nous empresser de le clore.
Néanmoins, à titre de député récemment
élu par un comté riche et populeux, engagé
dans de grandes opérations commerciales,
manufacturières et agricoles, je crois qu'il
est de mon devoir de faire connaitre à
cette chambre quelles sont mes vues sur la
question de la confédération des provinces
de l'Amérique Britannique du Nord, qui
nous occupe en ce moment. A mon avis,
nos ministres méritent des éloges pour la
manière énergique et sincère avec laquelle
ils se sont appliqués à tenir, envers le pays,
les engagements qu'ils avaient contractés
dans le cours de l'été dernier. (Ecoutez!)
Je considère que l'opinion de cette chambre
est fermée depuis bien longtemps, et que la
votation sur cette question aurait pu, sans
inconvénient, avoir lieu dès que le procureur- général du Haut-Canada eût terminé
la lecture des résolutions et le discours qu'il
fit à ce sujet. J'ai observé, M. l'ORATEUR, que presque tous les députés qui ont
parlé de la mesure se sont prononcés en
faveur d'une union quelconque avec les
provinces maritimes. Lors de la réunion
des délégués des provinces maritimes à
Charlottetown, c'était d'une union législative dont on s'occupait alors; mais à la
conférence de Québec, le principe fédéral
fut substitué au principe législatif; le Bas- Canada et les provinces maritimes votèrent
unanimement dans ce sens; mais, parmi
les délégués du Haut-Canada il y eût
divergence d'opinions, le procureur-général
préférant une union législative, et l'hon.
président du conseil une union, fédérale.
(Ecoutez! écoutez!) Le sujet de l' union des
814
provinces a été vu d'un œil favorable, non- seulement par nos hommes d'état qui, depuis
des années, l'envisageaient comme la mesure
la plus propre à mettre un terme aux difficultés qui arrêtaient la législation du
pays,
mais encore par les principaux hommes
d'état de la métropole, qui regardent la
proposition comme un moyen efficace de
créer une puissante nation et aussi de maintenir sur ce continent les institutions
monarchiques. (Ecoutez!) M. l'ORATEUR,
quelle qu'ait put être la divergence d'opinions qui a donné lieu aux discussions prolongées
de la conférence, il y a néanmoins
un point qui, à en juger par les discours
des délégués ainsi que par les résolutions elles-mêmes, semble avoir été accueilli
avec la plus parfaite unanimité, je veux
parler de l'expression de notre loyauté et de
notre attachement à la couronne de la
Grande-Bretagne. (Ecoutez!) L'on aurait
pû croire inutile d'exprimer ce sentiment
dans les résolutions; néanmoins, voici qu'on
le trouve ainsi énoncé dans la première:—
"Une union fédérale sous la couronne de la
Grande Bretagne aurait l'effet de sauvegarder les
intérêts les plus chers et d'accroître la prospérité de l'Amérique Britannique du
Nord."
Quant à l'avenir que nous réserve cette
union projetée, il est singulier de voir ce qui
a été dit et écrit à ce sujet; les une prétendent qu'elle entrainera inévitablement
notre
séparation de la mère-patrie et finalement
notre indépendance; et les autres affirment,
avec non moins d'assurance, qu'elle produira
l'annexion aux Etats-Unis. (Ecoutez!)
Quelque puisse être le résultat final de cette
union, il n'en est pas moins avéré par tout
le monde qu'un changement quelconque est
devenu nécessaire dans les relations actuelles
entre le Haut et le Bas-Canada; il est donc
satisfaisant d'apprendre que l'on a enfin
trouvé un moyen d'apaiser les animosités
qui ont si souvent au pour théâtre l'enceinte
même de cette chambre. (Ecoutez!) Nous
pouvons nous féliciter, M. l'ORATEUR, du
fait que pendant que nos voisins sont engagés
dans une lutte sanguinaire au sujet du maintien de leur constitution, il nous est
permis
de discuter librement et sans entraves une
mesure d'une si grande importance pour
nous, et qui est appelée à créer une révolution, pacifique il est vrai, mais une révolution
dans nos institutions politiques, et cela avec
la sanction du gouvernement actuel nous
devons allégeance! (Ecoutez!) Les dispositions de cette mesure ont été publiées et
commentées par tout le pays; bien plus, elles
ont été discutées à fond dans gran nombre
de localités. Dans le comté que j'ai l'honnour de représenter, le sujet de la confédération
a été le thème de la dernière élection,
et je suis en position d'affirmer qu'à peu
d'exceptions près, l'opinion publique y est
favorable au projet. (Ecoutez!) Il s'est bien
dans quelques rares cas trouvé des hommes
marquants qui ont prétendu qu'ils n'étaient
pas d'avis que nous devions former partie
de cette union, mais c'était l'exception.
L'un de ces messieurs, le préfet d'un des
plus importants cantons de mon comté, était
présent à une grande assemblée des électeurs;
or, après avoir prononcé son discours, il ne
s'est pas rencontré une seule voix pour faire
écho aux sentiments exprimés par lui.
(Ecoutez!) Un autre, ex-préfet et ex-membre
du parlement, bien qu il n'ait jamais eu
l'honneur de siéger dans cette chambre,
porte également la parole devant une
assemblée considérable, mais avec le même
résultat. La seule opposition qui se soit
manifestée, dans tout le cours de la lutte,
ne s'adressait aucunement au projet même,
mais à des questions de détail. (Ecoutez!) Ce fut surtout la constitution dû
conseil législatif à laquelle l'on s'est le plus
attaqué; mon adversaire prétendait que la
chambre haute devait rester élective, tel
qu'aujourd'hui, au lieu d'être nommée par la
couronne, comme le veut la mesure actuelle.
Je suis prêt à corroborrer ce qu'a dit l'autre
soir l'hon. président du conseil, lorsqu'il a
affirmé qu'il n'hésiterait pas à se présenter
devant aucune classe d'électeurs libéraux
du Haut-Canada et à leur faire ratifier ce
principe. (Ecoutez!) Du moins c'est ce que
témoigne le résultat de l'élection de South
Ontario. J'admets volontiers que le peuple
n'a pas demandé de modification à la constitution du conseil législatif; mais il ne
suit pas
de là qu'il veuille rejeter le projet dans son
ensemble pour la raison que les résolutions
comportent ce changement. (Ecoutez!)
Lorsque l'on a cherché à faire croire à mes
commettants qu'en appuyant le principe de
la nomination par la couronne, je travaillais
à créer une aristocratie dans ce pays, et
que le résultat en serait que les terres de
cette province finiraient un jour par devenir
la propriété exclusive d'une classe privilégiée, j'ai répliqué que tel n'avait pas
été
le cas dans le passé, et que dans un pays
comme le nôtre, un fait de ce genre ne
pourrait jamais se produire; j'ajoutai en
815
outre que le chef du parti réformiste, l'hon.
président du conseil, s'était presque trouvé
seul dans cette chambre en 1850 pour
repousser l'introduction du principe électif.
Je n'ai pas d'autre désir, M. l'ORATEUR,
que de voir s'établir cette union sur des
bases justes et équitables; or, je pense que
nous atteindrons ce but en adoptant le mode
proposé de faire assumer au gouvernement
central les dettes dont chaque province est
responsable, au taux de $25 par tête. Je
regrette néanmoins que l'on ait fixé à un
chiffre aussi élevé que 80 centins par tête,
la subvention accordée aux législatures
locales, car je crains que le revenu sera si
considérable, ajouté aux revenus provenant
de sources locales, que le surplus disponible,
après paiement des dépenses du gouvernement, pourra induire les gouvernements à
se lancer dans des extravagances qui ont
tant compromis notre passé et pourraient,
sous ce système, compromettre également
notre avenir. J'ai fait des recherches très- minutieuses M. l'ORATEUR, pour constater
quelle sera la position probable du Haut- Canada en vertu de l'arrangement que l'on
propose, et je trouve que ses revenus et
dépenses seront approximativement comme
suit:
REVENU.
Honoraires judiciaires... |
$100,000 |
Fonds d'emprunt municipal... |
180,000 |
Fonds de construction, H.C... |
30,000 |
Fonds des écoles de grammaire... |
20,000 |
Terres de la couronne... |
280,000 |
Fonds de l'éducation... |
8,000 |
Travaux publics... |
64,000 |
Subvention à 80 centins... |
1,117,000 |
Autres sources... |
32,000 |
|
$1,831,000 |
DÉPENSE.
Administration de la justice... |
$275,000 |
Education... |
265,000 |
Sociétés scientifiques et littéraires... |
10,000 |
Hôpitaux et maisons de charité... |
43,000 |
Sociétés d'agriculture... |
56,000 |
Hôpitaux, fonds de construction... |
32,000 |
Chemins et ponts... |
75,900 |
Administration des terres de la |
|
couronne... |
75,000 |
Intérêt des obligations excédant |
|
l'actif... |
225,000 |
Intérêt sur la dette assumée... |
150,000 |
Balance disponible... |
625,000 |
|
$1,831,000 |
Dans cet aperçu, je n'ai pas mentionné
le fonds des municipalités, vu que les recettes sont distribuées l'année suivante
entre
les municipalités. Portant la dépense du
gouvernement local à $150,000, nous avons
une balance de $476,000 par année pour les
besoins locaux. Je considère cette subvention comme beaucoup trop élevée, et j'espère
encore qu'on en diminuera le chiffre (Ecoutez!) Mon hon. ami de North Ontario, partant
de l'hypothèse que les provinces maritimes contribueront un cinquième du revenu
de la confédération, et ne la balance sera
fournie par les Canadas, dans la proportion
relative de deux piastres pour le Haut- Canada, et une piastre pour le Bas, cherche
à asseoir son argumentation sur cette supposition pour démontrer que chaque nouveau
représentant acquis au Haut—Canada,
coûtera $17,000. Or, M. l'ORATEUR, je
suis d'avis que quand l'union sera accomplie et que les droits auront été répartis
également, cette objection disparaîtra au
moins jusqu'à un certain point, car il est
bien avéré que les provinces maritimes consomment beaucoup plus par tête, d'articles
importés, que nous n'en consommons ici.
Mais si l'on étend ce principe aux affaires
de canton et de comté, les cantons les plus
riches auront droit à des appropriations calculées d'après la somme qu'ils fournissent
au
revenu du comté. Or, cela est un principe
qui n'a jamais été admis ni en théorie ni en
pratique. Mais, comme il était nécessaire
d'établir une base pour prélever les fonds
nécessaires aux dépenses des gouvernements
locaux sans les forcer à recourir à la taxe
directe, je crois que le principe de calculer
d'après la population n'est pas injuste.
(Ecoutez!) Mais on prétend que le Haut- Canada contribue déjà dans cette proportion
et qu'il paiera une somme trop élevée dans
la confédération. A cela, je réponds que si
la proportion que paient le Haut et le Bas- Canada est juste, et que si la subvention
est
calculée sur le revenu et non sur la population, cet argument est juste. Mais voyons
si l'arrangement proposé pour la distribution des deniers publics n'est pas une
grande amélioration apportée à notre système actuel. Le Haut-Canada s'est constamment
plaint de ce que, dans cette distribution, on ne tenait compte ni du revenu
ni de la population. D'après le système
actuel, la subvention de 80 centins par tête,
soit $2,005,103 eût été partagée également
entre les deux provinces:
816
Le Haut-Canada aurait ainsi reçu... |
$1,002,701 |
D'après la population il recevra... |
1,116,872 |
Différence en faveur du nou- |
|
veau système... |
$114,171 |
Les deniers publics ayant été jusqu'à résent divisés également entre le Haut et le
Bas- Canada, je crois que la balance de la dette publique, soit $5,000,000, fût divisée
de la même
manière et non, comme l'a indiqué l'hon.
ministre des finances, d'après la population.
Mais on prétend aussi que le projet entraînera des dépenses excessives. J'avais
espéré, M. l'ORATEUR, qu'une alliance avec
les populations frugales et économes des
provinces du golfe aurait amené, dans l'administration de nos finances, une économie
qui n'a pas signalé les dernières années.
(Ecoutez!) En ce qui concerne les frais
d'administration des gouvernements locaux,
tout dépend des législatures locales, les résolutions indiquant les sources d'où sera
tiré le revenu et quelle sera la subvention
locale, le tout sans avoir recours à la taxe
directe. Mais, à mon point de vue, ce projet
nous donnera une importance nationale.
(Ecoutez!) A cela on répond que notre
importance n'augmentera qu'avec notre population. Lorsque les provinces qui forment
aujourd'hui les Etats déclarèrent leur indéendance, elles avaient une population de
2,500,000. Ou prétend que leur population
a augmenté plus rapidement que la nôtre,
mais les faits prouvent que cette opinion
n'est pas exacte; en effet, en 1860 leur
population était de 30,000,000, soit une
augmentation de 1200 pour cent; tandis
que la nôtre qui, en 1784, était de 145,000,
était en 1861 de 3,000,000, soit une augmentation de 2,300 pour cent. (Ecoutez!)
La confédération nous donnera une nationalité anglaise, je veux dire que de
diverses provinces dépendant de la Grande- Bretagne, elle formera une nation conservant
allégeance à la couronne anglaise. On
a dit aussi que les avantages commerciaux
que donnera la confédération seraient également obtenus par une union législative.
Cela est vrai, mais n'est point réalisable; et
l'union est désirable parce qu'elle établira
entre les diverses provinces des relations
commerciales, qui se développent surtout en
ce moment du côté des Etats-Unis. (Ecoutez!) Ceci m'amène, M. l'ORATEUR, à
parler du rappel probable du traité de réciprocité. Le pays apprendra avec joie ne,
d'après la déclaration faite à la chambre
lundi dernier, le ministère fait tout ses
efforts pour opérer, avec l'intervention de
l'Angleterre, le renouvellement de ce traité
avec les Etats-Unis. (Ecoutez!) Je ne suis
pas de ceux qui croient que tous les avantages de ce traité ont été pour le Canada;
je n'en veux pour preuve que les chiffres
suivants:
En 1854, commerce total... |
$24,000,000 |
En 1863... |
43,000,000 |
Augmentation de près de 180 |
|
pour cent en dix ans... |
$19,000,000 |
Exportations du Canada aux |
|
Etats-Unis pendant les dix |
|
années... |
$150,000,000 |
Importations au Canada... |
195,000,000 |
|
$45,000,000 |
La différence en faveur des Etats-Unis étant |
|
payée en or. |
|
En 1854, le montant des mar- |
|
chandises exemptes de droit |
|
était de... |
$2,000,000 |
Et en 1863... |
19,000,000 |
Augmentation de 850 pour cent |
|
en dix ans... |
17,000,000 |
Je ne redoute point le renouvellement du
traité. Avec des concessions mutuelles et
une bonne entente, les conditions en seront
réglées à la satisfactions des deux parties.
(Ecoutez!) On a dit que la construction
du chemin de fer intercolonial était indispensable à l'union qui, sans cela, n'existerait
que de nom. D'après certains calculs, le chemin ne pourra servir à transporter des
marchandises à un prix avantageux. On a
démontré, par exemple, que le transport
d'un baril de farine de Toronto à Halifax, à
raison de 2 centins par mille pour chaque
tonneau, coûterait $2.35. Aujourd'hui le
Grand-Tronc transporte un baril de farine, de
Toronto à Montréal, pour 25 centins en hiver
et, à ce taux, le transport de Toronto
Halifax coûterait $1.22. Si on pouvait obtenir ce résutat, on réaliserait une économie
de 85 centins sur le prix actuel du transport
par le St. Laurent, et de plus on économiserait les frais d'assurance et d'entrepôt.
Le
côté stratégique de la question a été longuement discuté. Ce chemin de fer reliera
toutes les provinces et les mettra à même de
s'aider les unes aux autres en cas d'attaque.
A ce point de vue ce chemin est une néces
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sité. Je lis dans le rapport de Lord
DURHAM:
L'union pour la défense commune est le lien
qui relie tous les grands états du monde, et jamais
pareille union n'a été plus nécessaire qu'entre ces
diverses colonies.
(Ecoutez! écoutez!)
Et, finalement, que nous propose-t-on
pour remplacer cetter union si elle est
rejetée? Rien de mieuix; et alors pourquoi perdre une occasion qui, peut-être,
ne se représentera jamais? Les membres
d'une même famille ne doivent-ils pas s'unir
dans le succés comme dans les revers? Par
cette union, nous développons nos relations
commerciales, nous pourvoyons à notre
défense commune et nous réglons les difficultés qui existent entre le Haut et le Bas-
Canada. (Ecoutez!) Je suis donc en faveur
du projet, mais je crois que les populations
qu'il affecte doivent être consultées. Je
voterai donc contre la question préalable, me
réservant le droit de voter pour l'amendement
de l'hon. membre pour Peel, qui a pour objet
l'appel au peuple. (Applaudissements.) Si
cet amendement est rejeté, je voterai pour la
motion principale.
Le débat est alors ajourné.