LUNDI, 20 février 1865.
L'
HON. M. AIKINS—Les hon. messieurs
qui se trouvaient ici la dernière fois que
j'eus l'honneur de prendre la parole dans
cette chambre, doivent se rappeler que je
me suis exprimé dans un langage très fort à
propos des changements qu'on se propose de
faire subir à cette branche de la législature
en vertu des résolutions qui nous sont soumises. Bien que, depuis cette époque, j'aie
prêté une attention soutenue aux hon.
membres qui ont traité la question, je dois
dire que je ne leur ai pas entendu donner
une seule raison qui fût de nature à me
convaincre que le principe électif quant à
ce qui concerne cette hon. chambre, devrait
être aboli. Les fervents apôtres de la confédération ont affirmé que si on admettait
quelque amendement affectant les principes
généraux des résolutions, cela serait regardé
comme une défaite,—que le projet devrait
être considéré de nouveau,—et que les
négociations entamées avec les provinces
maritimes devraient être recommencées afin
de les faire cadrer avec les vues nouvelles
sur le sujet. Si l'amendement de l'hon.
député de Wellington (M. SANBORN) eût
été adopté, cela aurait pu avoir lieu, mais
comme la motion que je vais proposer
ne s'applique qu'aux Canadas, il ne pourrait
en être ainsi. On se rappellera que cet
amendement n'affirmait pas simplement
l'application du principe électif à toutes les
provinces, mais de plus, que les membres
nommés à vie qui siégent aujourd'hui dans
cette chambre continueraient d'y siéger.
Cet amendement allait même plus loin et
déclarait qu'on devrait admettre dans cette
chambre autant de députés des provinces
maritimes qu'il y avait de membres nommés
à vie. En consultant le vote qui fut pris sur
cet amendement, je trouve que sur les 41
voix qui le rejetèrent, il se trouva 11 des
membres nommés à vie, trois de ces derniers
seulement lui étant favorables. Ainsi, la
grande majorité de ces membres rejeta les
principes qui y étaient affirmés. Je mentionne ce fait d'une manière toute particulière,
parce que je considère que les membres
à vie de cette chambre peuvent se dire que
mon amendement est spécialement dirigé
contre eux, et que s'il était adopté il leur
serait appliqué. Hon. messieurs, le vote
qu'il ont déjà donné sur la résolution en
question est ma justification, et en affirmant
les principes généraux des résolutions relatives à la confédération, ces messieurs
voteront pour une mesure qui pourra les priver
de leurs siéges.
L'
HON. M. AIKINS—L'hon. commissaire des terres de la couronne crie " écoutez! écoutez!" mais je pense
qu'après avoir
affirmé par leur vote qu'ils ne désirent pas
que le principe électif soit adopté, les
membres de cette chambre nommés à vie ne
peuvent pas trouver mal que moi, qui suis un
des membres élus, j'affirme que ce principe
devrait prévaloir. Et il me semble, hon.
messieurs, que si cette chambre est constituée
comme les résolutions le font prévoir, elle
sera l'un des corps les moins responsables
et les plus indépendants qu'il serait possible
de créer, la couronne n'ayant aucun contrôle
sur elle. Le pouvoir de la dissoudre ne se
trouve nulle part; la couronne ne peut
ajouter au nombre de ses membres; et
quelque graves que puissent être les difficultés qui pourraient se produire sous le
système électif, qui laisse au peuple le moyen
de les faire disparaître, on verra que ces
321
difficultés s'augmenteront considérablement
sous le système proposé. Il a été dit par
quelques hon. membres qu'une impasse
constitutionnelle pourrait en résulter. C'était
là l'impression qui prédominait lors de l'introduction du principe électif, mais il
en est
peu qui, dans le cours du débat actuel, aient
cru devoir se servir de cet argument, parce
que les résultats n'en ont pas justifié la justesse. Mais s'il était possible qu'une
impasse de ce genre pût se produire avec le
système électif, la chose est infiniment plus
susceptible de se produire sous le système
proposé dans les résolutions. Si depuis l'introduction du principe électif cette chambre
eût manifesté quelque tendance,—si nous
avions tenté de quelque manière que ce soit
d'usurper les principes exclusifs de l'assemblée législative, on pourrait dans ce
cas
affirmer avec raison que l'introduction du
principe électif dans cette chambre était un
principe dangereux. Mais il n'en a pas été
ainsi. Je pense que le principe électif a bien
fonctionné, et qu'en tant qu'il s'agit du
danger d'un conflit, il est encore plus impos
sible sous le système actuel que sous le
système nominatif. Etant de cette opinion,
j'ai cru devoir soumettre mon amendement
à la chambre, et j'ai confiance que la question
sera loyalement discutée d'après ses mérites.
Je prends donc la liberté de faire motion,
secondé par l'hon. M. BUREAU:
Qu'il soit résolu, en amendement aux résolutions de Sir E. P Taché: Que les conseillers
législatifs devant représenter le Haut et le Bas- Canada au conseil législatif de
la législature
générale, seront élus comme ils le sont maintenant
pour représenter les quarante-huit colléges électoraux mentionnés dans la cédule A
du chapitre
premier des statuts refondus du Canada, et devront
avoir leur résidence ou posséder leur sens d'éligibilité dans le collége qui les élira.
Plusieurs des hon. membre qui sont
entièrement favorables à ce projet, peuvent
prétendre qu'il y a beaucoup plus de symétrie
dans la mesure comprise dans les résolutions
que n'en offrirait ma motion si elle était
adoptée. Mais, à vrai dire, il y a bien peu
d'harmonie dans ces résolutions. Elles portent que les conseillers nommés pour le
Bas- Canada devront résider dans certaines divisions ou y avoir des propriétés; pour
le
Haut- Canada, la même condition est exigée,
mais il n'est point fait de restriction quant à
la résidence; tandis que pour l'une des provinces maritimes (l'Ile du Prince-Edouard)
la
propriété mobilière est la seule base du sens
d'éligibilité. Ainsi donc, le système ne
présente, en réalité, que très peu de symétrie.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. SIR N. F. BELLEAU—Soulève
le point d'ordre et dit que l'amendement a
déjà été en substance réglé par le vote
donné sur l'amendement de l'hon. M.
SANBORN.
L'
HON. M. L'ORATEUR—La question
d'ordre soulevée par l'hon. monsieur est
celle-ci: l'amendement maintenant proposé
n'est-il pas, en substance, le même que celui
sur laquelle la chambre s'est prononcée et
qui a été proposé par l'hon. M. SANBORN;
et s'il l'est, est-il dans l'ordre? Avant de
donner ma décision, je désire que l'auteur
de l'amendement explique lui-même la différence qu'il y a entre sa motion et celle
qui a
déjà été décidée par la chambre, si toutefois
il juge à propos de le faire.
L'
HON. M. AIKINS—Je maintiens que
son effet ne sera pas le même que celui de
l'amendement proposé par l'hon. député de
Wellington. Il est vrai que le principe électif
est affirmé dans les deux; mais, d'un autre
côté, la motion de l'hon M. SANBORN allait
plus loin et appliquait le principe électif aux
provinces maritimes, et proposait de conserver les membres nommés à vie; elle étendait
aussi le principe nominatif aux provinces
maritimes, et avait en vue d'ajouter à cette
chambre dix membres nommés à vie et pris
dans les provinces maritimes. Ma motion
affirme simplement l'application du principe
électif au Canada, et je crois qu'il y a une
grande différence entre les deux.
L'
HON. M. ROSS —Il n'y a pas de doute
que la motion de l'hon. député de Wellington
embrassait tout ce que celle-ci contient, et
beaucoup plus encore. De sorte que si la
motion qu'on a rejetée l'autre jour embrasse
ce que celle-ci contient, la présente motion
n'est pas dans l'ordre, puisqu'elle contient
un principe sur lequel cette chambre s'est
déjà prononcée.
L'
HON. M. L'ORATEUR—Il peut y avoir
quelque difficulté à décider une question
comme celle-ci, parce que les deux motions,
tout en n'étant pas identiques, le sont presque
sur un point. L'argument que la motion de
l'hon. M. SANBORN contenait plus que ne
renferme la présente motion ne saurait s'appliquer du cas actuel. La question est
celle-ci:
contient-elle ce qui était renfermé dans la
motion déjà soumise au vote? Le fait qu'en
décidant sur cette matière particulière la
chambre s'est prononcée sur d'autres choses
qui s'y rattachaient, ne saurait affecter le cas
322
actuel. La raison pour laquelle il a été fait des
réglements pour décider des questions de ce
genre, a été de ne pas exposer le parlement
à juger un jour d'une façon et le lendemian
d'une autre, et aussi pour éviter les surprises
qu'on pourrait tenter en introduisant une
seconde fois des questions en l'absence de
membres qui auraient déjà voté sur ces mêmes
questions. Si cette motion est adoptée, on
aura affirmé un principe qui a été négativé
lorsque la motion de l'hon M. SANBORN
était devant la chambre. Il n'est pas nécessaire que les deux motions soient exactement
semblables: il suffit qu'au fond elles le
soient. Je citerai à ce sujet quelques mots
de MAY:—
"Il est de règle pour les deux chambres de ne
pas admettre de question ou bill dont la substance
est la même que celle d'aucun bill ou question sur
lequel elles ont eu a prononcer leur jugement dans
une même session. Cela est nécessaire pour empêcher que des décisions différentes
ne soient données, et pour éviter des surprises de ce genre, qu'une
question qui a d'abord été décidée dans l'affirmative le soit dans la négative."
Si nous adoptions la motion qui est maintenant devant la chambre, nous ferions ce
que, d'après MAY, les règles du parlement
ont eu pour but d'empêcher, car ce serait
affirmer un jour un principe et le condamner
le lendemain. MAY ajoute:
"Lorsqu'une question a été proposée et décidée
dans l'affirmative ou la négative, elle ne peut être
discutée de nouveau, mais doit être regardée
comme le jugement de la chambre."
Je dois dire que, dans mon opinion, la résolution se trouve en substance renfermée
dans
la résolution déjà jugée, et qu'en conséquence elle n'est pas dans l'ordre. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. M. AIKINS—Je dois avouer
que j'aurais aimé à voir la chambre se prononcer sur la motion; mais je suis prêt
à
me soumettre à la décision de l'ORATEUR.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. L'ORATEUR—Afin que la
décision que je viens de rendre soit bien comprise, et pour mieux faire comprendre
qu'une
motion qui a été une fois négativée est finalement réglée,—matière sur laquelle on
pourrait
avoir des doutes,—je vais citer le paragraphe
suivant que je trouve dans les règlements
du parlement impérial:
"Une question qui a été une fois adoptée ou
négativée, ne peut plus être proposée."
L'
HON. M. FLINT—Hon. messieurs—
Je regrette profondément que l'amendement
de mon hon. ami n'ait pas pu être soumis à
cette chambre; s'il eût été reçu, nous aurions
eu un vote plus direct sur le principe qu'il
contient: celui de l'application du principe
électif à cette chambre. Il est vrai que
l'hon. député de Wellington avait incorporé
le même principe dans la résolution qu'il a
soumis à la chambre et qui a été négativée.
J'avoue que lorsque j'ai vu cet amendement
sur les avis de motions, j'ai eu fort peu
d'espoir qu'on permettrait qu'il fût considéré. Cependant, j'espérais que la chambre
aurait des égards pour l'hon. monsieur, et
permettrait que sa motion fut placée sur les
journaux de la chambre. Ayant été délégué
ici par un collége électoral renfermant en-
viron 75,000 habitants, grâce au principe
électif, je sens que je remplirais mal mon
devoir vis-à-vis de ce collége électoral,—
n'ayant pas reçu d'autres instructions directes
et positives à ce contraire,—si je me levait
dans cette enceinte pour aider à lui enlever
le privilége de la franchise électorale qui
lui a été concédé par le parlement. Si ce
principe n'avait été octroyé, la position
serait tout à fait différente. Mais après
avoir octroyé à un peuple le droit de décider
qui le représentera dans cette chambre, on
devrait aussi lui demander, avant qu'on nous
fasse voter, s'il désire remettre ce privilége
au gouvernement. Je ne voudrais pas, pour
un seul instant, penser à le placer dans une
aussi fausse position. Je ne puis, par conséquent, envisager favorablement cette partie
des résolutions qui propose d'enlever au
peuple le droit de nommer et d'élire les
membres de cette hon. chambre. Cette
question a été si longuement traitée qu'il
est à peu près inutile pour moi d'occuper le
temps de la chambre à faire un exposé
que tant d'autres ont déjà fait avant moi.
Je dois dire, cependant, que pas un des
discours prononcés en faveur de la confédération n'a eu l'effet d'ébranler un seul
instant l'opinion que j'ai toujours eue, après
avoir pris connaissance de cette partie des
résolutions. Je puis dire que lors de mon
élection, la question qui était devant le pays
était celle d'une fédération pure et simple,
mais la fédération qu'on proposait alors était
bien différente de celle qu'on nous propose
aujourd'hui. Après la défaite du ministère
actuel à la derniere session, et après qu'on
eût adopté des arrangements, l'on comprit,
par ces arrangements, que nous étions pour
avoir la fédération des deux Canadas. Ce
fut là tout ce qui fut mis devant nous. En
323
publiant ma courte adresse, je déclarai que
j'étais en faveur de la fédération. Je le suis
encore; mais tout en étant en faveur de la
confédération de toutes les provinces, je
désire qu'elle soit faite de façon à promouvoir les plus chers intéréts de tous ceux
qui
y sont concernés. Je désire qu'aucune des
provinces ne profite au détriment des autres.
Lorsque je me présentai aux suffrages de
mes commettants—comme les hon. membres
peuvent le savoir—je ne rencontrai aucune
opposition; je fus élus par acclamation
Tout ce que je pus dire au peuple, sur la
mesure, fut simplement ceci: que j'approuvais la mesure telle que définie par le gouvernement
lors de la formation de la nouvelle
administration, et que je ne savais rien de ce
qui avait pu être ait fait subséquemment. Je
dis a mes commettants que j étais en faveur
d'un changement; que j'étais en faveur
d'une fédération des provinces du Haut et
du Bas-Canada, afin qu'on pût vivre ensemble
en paix, parce que jétais convaincu,
d'après ce que nous avions pu voir depuis
plusieurs années, qu'il était impossible de
vivre ensemble plus longtemps, qu'il valait
mieux se séparer, et qu'en se séparant nous
deviendrions probablement meilleurs amis.
Je leur déclarai aussi que le temps viendrait
où il faudrait que la confédération de toutes
les provinces eût lieu, et que si cette confédération était appuyée sur une base équitable,
elle produirait, sans aucun doute, un bien
immense pour notre commune patrie. La
première intimation que j'eus de la confédération m'arriva naturellement lors de la
réunion des délégués, et lorsque les résolutions qui furent alors passées et qui sont
maintenant devant nous, avec une ou deux
légères corrections de nulle importance,—
lorsque ces résolutions furent publiées par le
gouvernement, j'en reçus une copie de l'hon.
secrétaire provincial sur laquelle se trouvait le mot " privé," et je reçus aussi
en
même temps une note de cet hon. monsieur, dans laquelle il me disait que pour
le moment ces résolutions ne devaient
pas être livrées à la publicité. Nécessairement, je compris que je ne pouvais
pas prendre connaissance de ces résolutions
et aller ensuite devant mes commettants pour
leur dire que je ne connaissais rien de la
confédération. Me sentant ainsi lié, je plaçai
les résolutions dans mon secrétaire et les y
laissai dormir en paix; je ne les ai jamais exainées pour voir ce ne les hon. ministres
avaient fait, à venir jusqu'au jour où je pris
mon siége dans cette chambre. Lié comme
je l'étais par ces restrictions, si j'avais pris
connaissance de ces résolutions, je ne me
serais pas senti libre d'aller devant mes
commettants pour leur expliquer ma position,
ou de donner une réponse franche à ceux
qui à maintes reprises venaient me demander
ce que je pensais de la confédération et quels
en étaient les détails. Je ne lus donc pas ces
résolutions, afin de pouvoir répondre honnêtement que je n'en connaissais rien. Je
sens, hon. messieurs, qu'il me serait impossible, sous les circonstances actuelles,
d'enlever par mon vote un droit qui a été octroyé
par la constitution de notre pays à ceux qui
jouissent du privilége qu'on leur a conféré
d'exercer la franchise électorale en ce qui a
rapport à cette chambre. J'ai la conscience
que je commettrais une grande injustice
et ferais une grande injure aux électeurs qui
m'ont envoyé ici si je votais pour cette
partie du projet qui a pour but de leur enlever
entièrement leur franchise. Je n'ai pas
d'objection, naturellement, à ce que les
membres à vie, s'ils le veulent, votent l'abdication de leurs droits, ou remettent
leurs
siéges aux mains du gouvernement qui en
fera ce que bon lui semblera; et en autant
que je suis personnellement concerné, je
consentirais volontiers à faire le sacrifice de
mon siége dans cette chambre s'il pouvait
en résulter quelque bien pour mon pays et
mes commetants Ils m'ont envoyé ici non
pas parce que j'ambitionnais cette position,
quelque honorable qu'elle puisse être, mais
parce qu'ils m'ont distingué parmi les autres
pour l'occuper. Et je puis dire que l'un des
plus beaux jours de ma vie et l'un de ceux
où j'ai ressenti le plus d'orgueil a été le
jour où, après avoir fait la lutte politique
pendant tant d'années dans les rangs des
réformateurs, je pus aller me présenter dans
un collége électoral renfermant 75,000 habitants de toutes couleurs et nuances politiques,
et où je vis que je les avais si bien satisfaits,
qu'il ne s'y rencontra pas un seul homme
pour élever la voix contre ma réélection.
(Ecoutez! écoutez!) J'ai acquis, je puis
le dire, tout ce que je désire en fait d'honneurs terrestres; mais je sens, comme
beaucoup
d'autres hon. messieurs, que dans cette
haute et honorable position, il est de mon
devoir d'être fidèle à ceux qui m'ont envoyé
ici. Et je sens que je commettrais une faute
si, dans une occasion comme celle-ci, je votais
pour placer cette portion du Haut-Canada
que j'ai été envoyé ici pour représenter, dans
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une position plus mauvaise que celle qu'elle
occupait avant. Après ces quelques observations sur le principe électif, je désire
maintenant faire allusion à une ou deux
questions se rattachant à ces résolutions. Il
est une chose, particulièrement, sur laquelle
aucun hon. membre de cette chambre n'a
appuyé. Je veux faire allusion à la 6e résolution, qui a trait à l'éducation. Eh bien!
hon messieurs, il me semble qu'il était tout
à fait injuste de la part des délégués d'insérer quoi que soit dans ce projet qui
eût trait
à l'éducation du peuple du Haut et du Bas- Canada. Je vais en donner mes raisons,
et je pense qu'elles sont bonnes. Je pense
que l'on devrait laisser pleinement et entièrement au peuple du Haut et du Bas-Canada
le
soin de décider ce qui leur convient le mieux
sous ce rapport. Nous voyons déjà que dans
le Haut et le Bas-Canada les deux partis sont
activement occupés à attirer l'attention des
deux chambres du parlement sur la nécessité
de leur concéder de plus amples priviléges
que ceux qu'ils possèdent déjà. Ils paraissent
décidés à obtenir pour leur éducation catholique rien moins qu'un personnel complet
d'officiers, des écoles normales et modèles et
tout l'attirail que comporte le système actuel
d'écoles communes. La question des écoles,
que l'on considérait comme réglée pour le
Haut-Canada, est maintenant remise sur le
tapis, et les partisans des écoles séparées
vont jusqu'à insister pour que l'on fonde un
collége. Leur but est, sans aucun doute,
de se placer de manière à être parfaitement
indépendants du gouvernement local projeté
du Haut-Canada. En autant que je suis
personnellement concerné, relativement à la
question des écoles, je dirai que je préférerais
de beaucoup que le système d'instruction fût
fondé pour les deux pays sur le principe des
écoles communes. Je ne vois pas de raison pour
qu'une partie des enfants d'une localité soit
envoyée à une école de telle dénomination, et
l'autre partie à une école de telle autre denomination. Je suis d'avis qu'en principe
cela est très faux, et que les enfants de notre
patrie commune devraient être élevés et
instruits ensembles dans nos écoles publiques,
où rien ne devrait être enseigné qui fût de
nature à empêcher qui que ce soit d'y
envoyer ses enfants. Telles sont mes vues
relativement aux écoles. Je crois que la
concession de droits exclusifs et de priviléges à une certaine classe de personnes
est de nature à affecter les bons rapports qui
devraient exister entre tous les classes de la
société,—ce que démontrent les efforts qui
sont faits aujourd'hui dans les deux sections de
la province pour obtenir des systèmes d'éducation différents. (Ecoutez!) Le sujet
sur
lequel je désire maintenant attirer l'attention
de cette chambre, est celui du chemin de
fer intercolonial. Je suis opposé
in toto à
cette grande voie ferrée. J'y suis opposé
pour la meilleure de toutes les raisons. En
premier lieu, j'y suis opposé parce que je ne
sais pas combien elle coûtera. Il n'y a rien
dans les résolutions qui indique quel en sera
le coût; et la discussion qui a eu lieu dans
cette chambre ne m'a pas non plus fourni
aucunes données sur cette matière. Par
conséquent, je sens que je manquerais à mon
devoir si je votais pour une mesure qui va
faire encourir au Haut-Canada une dette
considérable, sans auparavant savoir quel en
sera le chiffre Bien loin de considérer ce
chemin comme une entreprise commerciale, je ne puis voir en quoi ni comment il
serait possible de l'exploiter comme entreprise commerciale. L'hon. député de Montréal
(M. FERRIER), dans le discours qu'il a
prononcé l'autre soir dans cette enceinte,
n'a pas fait la plus légère allusion à ce sujet.
Tout ce qu'il nous a dit de ce grand projet,
ça été simplement ceci: qu'il y avait quelques 100 chars chargés de produits qui
attendaient à Montréal, et qu'ils ne pouvaient
être expédiés parce que de l'autre côté
des lignes on avait tant à faire, qu'on ne
pouvait avoir l'usage de la voie. Mais ceci
n'est pas du tout un argument en faveur du
chemin de fer intercolonial. Ainsi en supposant que le chemin fût construit, les
hon. messieurs pensent-ils, pour un instant,
qu'il paierait ses dépenses d'entretien? Il
n'existe pas l'ombre d'un doute dans mon
esprit que pour le tenir en opération il
faudrait le subventionner aussi considérablement que la ligne des steamers océaniques.
L'autre jour, l'hon. député de Montréal a
dit que deux centins par tonneau par mille
était un très-faible taux pour le transport par
chemin de fer. Mais si on adopte ce chiffre,
à quel résultat en arrivons-nous? De
Toronto aux côtes de l'Atlantique, par le
chemin de fer intercolonial, la distance peut
être portée à 939 milles, et pour expédier un
baril de fleur à cette distance par chemin
de fer, à raison de deux centins par mille
par tonneau, cela reviendrait à pas moins de
$2.08 centins. Mais en supposant que le
tarif serait diminué de moitié,—c'est-à-dire.
un centin par tonneau par mille,—et on nous
325
dit qu'à ce taux le chemin y perdrait—le
coût reviendrait à $1.04 centins, et avant
qu'une cargaison de fleur pût être débarquée à
Liverpool, les frais de son transport reviendraient à 8 ou 10 centins pour chaque
minot
de blé en sus de ce qui aurait été payé
antérieurement. Ces calculs sont basés
sur les renseignements que nous ont donné
les hon. messieurs de l'autre côté de
la chambre. " Oh! mais—nous disent-ils—
le cultivateur profitera de son argent pendant
l'hiver." Je ne vois pas que cela soit du tout
un argument au point de vue commercial.
Nous avons, il est vrai, l'avantage d'avoir
l'argent pendant l'hiver, mais comment l'avons-nous? En en perdant une forte proportion.
Pour ma part, je ne tiens pas du tout
à recevoir seulement 3s. 9d. pour ce qui vaut
$1. Et je suis convaincu que lorsque nos
cultivateurs comprendront la question, ils ne
consentiront jamais à être taxés pour la
construction d'un pareil chemin. Si l'on fixe
à deux centins le coût du transport d'un
tonneau sur une distance d'un mille, et à
831 milles la distance entre Halifax et
Belleville, nous trouvons qu'un tonneau
transporté sur cette distance coûtera $16.62
centins. Et à ces taux, est-il un hon.
monsieur qui a quelques connaissances commerciales, qui puisse croire pour un instant
qu'on pourrait expédier par ce chemin des
marchandises quelconques? En supposant
que vous réduisiez ces taux de moitié, à un
centin, un tonneau coûterait encore $8.31
centins, ce qui rendrait impossible l'expédition de marchandises par ce chemin, en
sorte
qu'au point de vue commercial le chemin
serait complétement inutile. Il est vrai
qu'avec notre système actuel de banques,
les banquiers s'efforcent de faire subir aux
acheteurs de produits la nécessité d'expédier
et de vendre immédiatement, et dans ce
but elles leur font prendre de l'escompte à de
courtes échéances; mais il est aussi vrai que
grâce à cette pratique le cultivateur se
trouve toujours à être le perdant. La raison
de cette coutume est que les banques veulent
que les rentrées se fassent plus vite. Mais
je maintiens que les banques devraient
prêter à échéances suffisamment longues
pour permettre au producteur de vendre ses
produits de façon à en obtenir en retour un
prix suffisamment élevé pour rémunérer son
travail. Mais ce n'est pas tout. Il semble
que tout tend à faire affluer le fret vers les
chemins de fer durant la saison de l'hiver,
et c'est dans cette vue que les banques
prêtent leurs fonds à courte échéance, le
cultivateur se trouvant être celui qui y perd
le plus par la transaction. On dit aussi que
le chemin de fer intercolonial est nécessaire
au point de vue militaire. On dit qu'il est
essentiel à la défense du pays, et pour le
transport des troupes et des approvisionnement de guerre. Je pense, hon. messieurs,
qu'il suffit de jeter un coup-d'œil de l'autre
côté des lignes et voir ce qui est arrivé
durant la guerre dans l'Etat de la Virginie
et les autres Etats, pour nous convaincre de
suite que, pour effectuer le transport des
troupes et approvisionnements de guerre
d'un grands poids, comme de l'artillerie
et des munitions, ces chemins ne sont que
de très peu d'utilité. Vous verrez qu'ils ont
été coupés dans presque toutes les directions,
et que les facilités qu'on leur supposait pour
les transports se sont trouvées réduites à si
peu de chose qu'ils ont été considérés comme
n'ayant à peu près aucune valeur au
point de vue pratique. Et cela est arrivé
dans un pays où l'on peut, en très peu de
temps, reconstruire les parties de chemin
qui ont été détruites. Mais qu'est-ce qui
arriverait avec le chemin de fer intercolonial?
L'on projette de faire passer cette voie
ferrée le long de l'Etat du Maine, et l'ennemi pourrait distribuer des troupes à différents
endroits de façon à ce que dans un cas de
nécessité, elles pussent le couper en cent
endroits, et empêcher ainsi le transport de
troupes et de munitions durant l'hiver.
UN
HON. MEMBRE—Ils ne pourraient
pas arriver de façon à le couper.
L'
HON. M. FLINT — En voilà une
curieuse idée: " Ils ne pourraient pas y
arriver! " Je regarde les Américains comme
une classe d'hommes capables d'arriver
partout où ils veulent. Rien ne leur serait
plus facile que de couper le chemin de fer
intercolonial. Mais si c'était véritablement
le cas que le pays qui sera traversé par le
chemin de fer intercolonial est d'une nature
telle que personne ne pourrait l'approcher,
je dis que le plus tôt nous cesserons d'en
dire davantage sur le sujet le mieux ce sera.
(Ecoutez!) Car si le pays y est d'une
nature telle qu'il sera impossible de le traverser, je ne puis voir les bienfaits
que nous
retirerions d'un pareil chemin. (Ecoutez!)
Voilà ce que je pense du chemin de fer
intercolonial. (Ecoutez! écoutez!) En premier lieu, je ne me sens pas disposé à payer
la somme considérable qu'il coûtera, sans
savoir auparavant quel en sera le chiffre.
326
Personne ne sait quelle proportion le Haut- Canada aura à contribuer—si cette proportion
sera de $12,000,000, $15,000,000, ou
$20,000,000. Mais si l'on tient compte du
chiffre de la dette qu'il nous faudra assumer,
ainsi que de la proportion des $62,500,000
assignée au Haut et au Bas-Canada, et aussi
cette portion de dépenses non encore établie
par les résolutions, je pense que lorsque le
chemin de fer intercolonial sera construit, le
Haut-Canada sera chargé d'au moins $50,000,000, comme montant de sa part de
la dette. Je ne vois pas qu'il soit possible
que le peuple supporte un pareil fardeau,
et je ne crois pas non plus que s'il comprenait cette question comme il devrait la
comprendre, il consentirait à ce que nous
votions en sa faveur. On pourra peut-être
penser que je ne suis pas en faveur de la
confédération; mais tel n'est pas le cas. Je
désirerais beaucoup la fédération de toutes
les provinces, mais tout en désirant cette
fédération, je désire qu'elle soit basée sur
des principes justes et équitables,—de façon
à ce que chacune des différentes provinces
du domaine de Sa Majesté partage également.
Je ne veux pas qu'une partie des provinces
soit placée dans une position d'infériorité
par rapport aux autres. Je crois que le
Haut-Canada devrait avoir ses justes droits.
Je crois que le Bas-Canada devrait avoir ses
justes droits, et je crois aussi que les autres
provinces devraient avoir leurs justes droits.
Nous devrions effectuer notre union non avec
un sentiment de défiance, mais avec un sentiment de bon vouloir réciproque, prêts
à
nous prendre par la main et à marcher vers
ce que j'espère être une honorable destinée. (Ecoutez! écoutez!) Je suis bien
convaincu que plus cette question sera
discutée,—quoi qu'en aient dit certains hon
messieurs,—plus elle sera discutée et pesée,
plus elle deviendra impopulaire. Je n'ai
reçu qu'une seule lettre de mes commettants
sur cette question, et la seule allusion qu'y
fait celui qui m'écrit est celle-ci: " Ne
votez pas pour le chemin de fer intercolonial.' Il ajoute:" J'aimerais la fédération,
mais ne votez pas pour le chemin de
fer intercolonial." Mais, hon. messieurs,
que j'eusse ou non reçu une pareille injonction, je ne pouvais voir la possibilité
pour
moi de voter en faveur des résolutions telles
quelles sont aujourd'hui. J'ai étudié avec le
plus d'attention possible les différents discours
qui ont été prononcés dans cette chambre.
J'ai écouté avec une attention respectueuse
l'hon. et vaillant chevalier qui est à la tête
du gouvernement, et aussi son hon. collègue
le commissaire des terres de la couronne, et je
serais heureux, si je le pouvais, de me joindre
à eux dans le vote qui va bientôt être donné;
mais je ne vois pas comment je pourrais
concilier une pareille conduite avec le devoir
que j'ai à remplir vis-à-vis de mes commettants, de moi-même et de mon pays. Je ne
pourrai jamais consentir à enlever par mon
vote les droits qui appartiennent au peuple,
sans auparavant lui demander son consentement. Si on lui donne le temps nécessaire
pour qu'il puisse juger pleinement le sujet,
et qu'il vienne ensuite dire à cette chambre:
" Nous consentons à faire l'essai de ce projet
—nons consentons à l'accepter avec tous ses
défauts, dans l'espérance qu'il fonctionnera bien," je consentirai à voter pour la
mesure telle que proposée. Mais cette
opportunité ne nous étant pas offerte, je dois
dire que si je suis dans cette chambre lorsque
le vote sera pris sur cette mesure, je devrai
enregistrer mon vote contre elle, et en le
faisant j'obéirai aux dictées de ma conscience.
J'agirai ainsi parce que je pense que c'est
pour moi un devoir à remplir, quelque
pénible qu'il puisse être pour moi de voter
contrairement aux vues du gouvernement
sur ce sujet, et contrairement à la grande
majorité de cette chambre. Et tout en concédant à chacun des hon. messieurs qui peuvent
différer d'opinion avec moi la même liberté
de jugement que je réclame pour moi-même,
tout en étant prêt à juger avec charité la
conduite que mes confrères membres ont cru
devoir suivre relativement à cette mesure, je
suis persuadé qu'ils ne me contesteront pas le
droit que j'ai de remplir mon devoir suivant
les dictées de ma conscience et suivant ce
que je crois être pour l'avantage de mes
commettants. Et si mes commettants n'approuvent pas ce que je suis à la veille de
faire, ils n'ont que cela à me dire: "M. FLINT,
votre conduite n'est pas en accord avec nos
vues; nous désirons que vous vous retiriez
de la vie publique," et je serai excessivement heureux de me conformer à leurs
désirs. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. DE BEAUJEU—Hon. messieurs:—Je crois faire acte de patriotisme en
donnant mon appui aux résolutions qui nous
sont soumises et qui ont pour objet de
confédérer et grouper ensemble diverses
provinces de manière à former une nationalité. Ce projet ne surprendra personne si
l'on
réfléchit que l'immense territoire dont il
327
s'agit ici est habité par les descendants des
deux premières puissances du monde entier,
et que la grande majorité d'entr'eux appartiennent à la race normande et bretonne,
et
si l'on se rappelle, en outre, que les Normands
ont été les pionniers les plus aventureux,
les colonisateurs les plus hardis et les navigateurs les plus audacieux. Après avoir
établi leur domination sur les îles anglaises
et sur une partie de France, de Naples, de
la Sicile, s'être imposés à Jérusalem, Antioche et aux environs de Constantinople,
ils
traversèrent l'Océan et fondèrent un trône
dans les Iles Canaries, et s'avancèrent jusque
près du St. Laurent et du Mississipi,—voyage
qu'avaient commencé leurs ancêtres dans le
voisinage de Novgorod où se trouve encore
un noyau de leurs descendants. Plus que
d'autres encore, nos compatriotes canadiens- français devraient se réjouir de ce projet,
car il devrait leur faire ressouvenir que la
France eut un jour l'intention de faire du
territoire de 1800 lieues qu'elle possédait
alors de ce côté de l'Amérique, une seconde
elle-même en l'appelant la Nouvelle-France.
Elle eut pour l'aider dans ce noble projet
les militaires et les gouverneurs les plus
capables, entre lesquels on distingue au
premier rang le comte de FRONTENAC, le
marquis de DENONVILLE, le marquis de LA
GALISSONIÈRE et le célèbre intendant
TALON. C'était, en outre, le même besoin
qu'éprouvait le gouvernement français de se
ménager un port toujours libre en hiver,
et d'éviter d'être bloqué pendant cinq mois
d'hiver et de se trouver ainsi à la merci, de
même que nous aujourd'hui, de voisins
puissants et redoutables. On sait que le
chevalier d'IBERVILLE, l'un des héroïques
fils de Montréal et l'égal, au dire de tous
les historiens, de l'illustre JEAN BART,
après avoir fait en 1695 deux glorieuses
expéditions à la Baie d'Hudson, à Terre- neuve et dans quelques-unes des provinces
maritimes actuelles, écrivit six ans après, en
1701, un mémoire sur la situation de Boston
et New-York, et autres côtes des colonies
anglaises d'alors, et démontra la nécessité
d'un port de mer durant l'hiver. Eh! bien,
hon. messieurs, ce but nous pouvons
aujourd'hui l'atteindre sans qu'il nous en
coûte ni sang ni argent, en effectuant le
projet de confédération élaboré dans une
convention des hommes d'état les plus distingués des provinces anglaises, et en proprolongeant
jusqu'aux colonies du golfe le
chemin de fer actuel de la Rivière-du-
Loup, de façon à assurer un débouché
maritime non interrompu aux endroits les
plus reculés du Haut-Canada. L'hon.
premier et d'autres orateurs distingués ont,
au début de la discussion, fait ressortir,
dans des discours brillants et pleins de raisonnement, les bons effets de cette annexion
des provinces maritimes au Canada; je me
permettrai d'ajouter une autre considération et de dire que ce dernier y trouvera
en outre l'immense avantage de pouvoir
jeter les bases de notre existence militaire à
venir, surtout si la métropole nous accorde
le secours puissant auquel nous avons droit.
Souvenons-nous bien que la France a inauguré son existence coloniale au Canada, en
envoyant à tour de rôle dans les provinces
actuelles du golfe aussi bien qu'à la Louisiane, divers détachements militaires. Ces
corps de troupes étaient commandés par des
officiers qui occupaient le rang de " capitaines des détachements de la marine," correspondant
à celui de lieutenant-colonel de
l'armée, et étaient d'ordinaire formés aux
exercices militaires de la marine. Je n'ai
aucun doute que ce but ne soit atteint par
les relations fréquentes que nous allons avoir
avec les provinces maritimes et par une
école de marine que le gouvernement impérial a l'intention, si je suis bien informé,
d'établir à Québec sur le modèle de celles
qui existent déjà en France et en Angleterre.
Mais la réalisation d'un tel projet ne saurait
souffrir aucune difficulté si l'Angleterre
jugeait à propos d'ouvrir en outre à notre
jeunesse ses écoles de Woolwich et de Sandhurst, ainsi que la France le fesait pour
ses
colonies—en admettant comme cadets de
marine à Brest et à Rochefort les fils des
colons qui l'avaient servie avec éclat, soit
dans l'administration, soit dans l'armée.
C'est de cette manière qu'elle jeta les bases
d'une bonne marine coloniale où se formèrent ces officiers si renommés par leurs
travaux et leur capacité, et qui sont la gloire
des premiers temps de la colonie, comme aussi
de la France elle-même. Dans cette foule
de héros dont le souvenir devrait se raviver
dans la mémoire du peuple canadien et des
provinces maritimes, aujourd'hui qu'il s'agit
de donner naissance à une nouvelle nation,
je citerai entr'autres les BONAVENTURE,
les SÉRIGNY, les CHATEAUGUAY, les d'ALLIGNY, les TILLY, les GRANVILLE, les SOULANGES,
les VAUDREUIL, les BEAUHARNOIS, les LONGUEUIL, les RÉPENTIGNY, les
BOISHÉBERT et les ST. OURS. Combien
328
de ces officiers distingués de marine
devinrent gouverneurs non seulement des
colonies françaises d'Amérique et des Indes,
mais eurent encore le commandement des
ports de mer de France! Les BENOIT, les
CHAUSSEGROS DE LÉRY, les deux VAUDREUIL et PIERRE BEDOUT s'élevèrent
au rang de contre-amiral, et l'un deux,
ROUER DE LA CORDONNIÈRE, fut complimenté par FOX dans le parlement anglais
sur la conduite pleine de générosité et
de bravoure qu'il avait tenue envers ses
ennemis. Cependant, hon. messieurs, nous
ne devons pas veiller seulement à la fondafondation d'une marine coloniale, mais
encore à encourager l'organisation parmi
nous d'une armée de terre et à susciter dans
le peuple cet esprit martial qui est le compagnon naturel et la meilleure garantie
de
ses libertés, en prenant une partie du fardeau
des défenses de cette colonie suivant nos
revenus et le chiffre de notre population, et
fortifiés de l'aide du gouvernement impérial.
J'espère que l'Angleterre appellera à exercer
les plus hautes fonctions politiques ceux de
ses sujets dans les colonies qui se rendront
propres à de telles situations. Pourquoi ne
seraient ils pas employés dans la diplomatie,
ou comme gouverneurs des autres colonies,
ainsi que la France le fesait pour récompenser des services éminents? En dépit des
intrigues qui se nouaient autour du soleil
levant à Versailles, les exploits éclatants des
colons qui se distinguèrent dans la glorieuse
époque qui s'étend de 1608 à 1759 retentirent néanmoins jusqu'auprès du trône et
forcèrent le monarque français à être juste
C'est ainsi que la plupart des commandements militaires et des gouvernements des
colonies françaises tombèrent entre les mains
de sujets nés en Canada. Mon but, hon.
messieurs, en appuyant sur ce sujet et de
montrer que l'Angleterre aurait dû ouvrir à
ses sujets des colonies les mêmes carrières
militaires et administratives qu'à ceux nés
sur le sol même de la Grande-Bretagne.
(Ecoutez! écoutez!) Pour en revenir maintenant aux provinces maritimes, je dirai à
mes compatriotes canadiens-français qu'il
est dans le passé de leur histoire américaine
trop de pages glorieuses pour ne pas ressentir
envers ces colonies une sympathie d'autant
plus vive qu'il s'y trouve encore une population acadienne très considérable qui serait
fière de reprendre ses anciennes relations et
de vivre heureuse avec nous sous la protection
du drapeau anglais. N'est-ce pas là que se
trouvent plusieurs des lieux qui furent le
théâtre des exploits des valeureux officiers
que j'ai rappelés plus haut, —entr'autres
Louisbourg, Port-Royal, aujourd'hui Annapolis, Chebouctou, aujourd'hui Halifax;
Port Lajoie, aujourd'hui Charlottetown; l'Ile
Royale, aujourd'hui Cap Breton; l'Ile St.
Jean, aujourd'hui Prince- Edouard? J'espère
de même que la construction d'une bonne
voie de communications avec la rivière Rouge,
les Montagnes Rocheuses et la Colombie
Anglaise, ouvrira ces régions au commerce,
à l'industrie et à l'agriculture de nos populations, et les empêchera d'émigrer vers
les
Etats-Unis. Nous y retrouverons d'autres
glorieux souvenirs et les lieux où nos frères
ont déjà formé des établissements florissants
et ouvert des mines de métaux précieux.
J'ai confiance que mes compatriotes canadiens-français de cette chambre comprendront
tous les avantages de l'adoption des
résolutions qui nous sont soumises en ce
moment, se reposant, comme ils doivent le
faire, sur les bonnes dispositions de la métropole à leur égard, et voyant que la
nouvelle
constitution est des plus propres à développer
les ressources de ce beau et immense pays.
La preuve que nous sommes engagés dans la
bonne voie est entr'autres celle que me
fournit un journal d'ordinaire hostile à
l'Angleterre, le
Courrier des Etats-Unis,
lequel, dans un article sur la question de
confédération qui s'agitait ici en 1853, disait
ce qui suit:—
"Malgré tout ce qui a été dit, écrit ou débité
contre la tyrannie et la rapacité anglaises, on doit
cependant reconnaître que la Grande-Bretagne a
toujours su se tenir à la hauteur du siècle et
accorder peu à peu, en temps propre, à ses colonies
de précieux priviléges."
Si le projet actuel est adopté, notre importance sur le continent européen s'élèvera
au même niveau au moins que celle de
nos voisins, car nous formerons une confédération vaste et puissante; notre crédit
lui- même ne manquera pas d'en éprouver une
influence des plus favorables. Les Bas-Canadiens n'ont qu'à se rappeler de quelles
angoisses fut agité le peuple lorsqu'après la
suspension temporaire de l'acte de 1791, en
1840, l'Angleterre nous octroya une nouvelle constitution. Quoique nous n'ayions
pas eu dans la mesure la part que nous avons
aujourd'hui dans celle-ci, néanmoins les
droits et avantages qui nous étaient assurés
par la capitulation de Québec et de Montréal
et le traité Versailles en 1763, ne furent pas
329
révoqués, et je suis d'avis qu'en adoptant la
constitution actuelle nos droits sont aussi
saufs qu'ils l'étaient jadis. (Ecoutez! écoutez!)
Afin de terminer ces remarques, je repondrai
à l'hon. député de Lanaudière qui, il y a
quelques jours, à cause de la doctrine MONROE,
prétendait que nous ne devions pas légiférer
sur des matières aussi délicates, et citerai
deux lettres que vient de découvrir et publier
M. PIERRE MARGRY, gardien des archives du
ministère des affaires étrangères, ainsi que
les observations dont il les accompagne sur les
deux grands navigateurs qui ont découvert
le Mississipi et autres partie de l'Amérique.
Voici des extraits de ce précieux document:—
"Nous ne pouvons pas nous dissimuler qu'il y
a entre les intéréts de notre temps et ceux d'autrefois des affinités qui doivent
nous rappeler
la mémoire de LASALLE et de d'IBERVILLE. En
1699, d'IBERVILLE écrivait au sujet de la Louisiane:
" Si la France ne se saisit pas de cette partie
de l'Amérique qui est la plus belle, pour avoir une
colonie assez forte pour résister à celles que l'Angleterre a dans l'Est, depuis Pescadoue
jusqu'à la
Caroline, ces colonies qui deviennent très-considérables s'augmenteront de manière
que dans
moins de cent années elles seront assez fortes
pour se saisir de toute l'Amérique et en chasser
toutes les autres nations." D'IBERVILLE écrivait
encore en novembre 1702:
"Quelque chose que l'on puisse dire contre
l'établissement que le Roi a fait à Mobile, c'est le
seul qui puisse soutenir l'Amérique Centrale contre
les entreprises que pourront faire les Anglais de
ce continent; dans quelques années ils seront en
état de transporter, par le moyen de leur grand
nombre de bâtiments, en quinze jours plus de
20 à 30,000 hommes dans telle île française qu'ils
voudraient attaquer, n'en étant éloignés que de
5 à 600 lieues, les vents les y portant du même
bord; par terre ils pourront aller au Mexique."
"Cette vue, (dit M. MARGRY,) avec les paroles
de d'IBERVILLE, nous explique les préoccupations
des puissances européennes dans ce qui se passe
au sud de l'Amérique Septentrionale."
En voilà assez, j'espère, pour convaincre l'hon.
député de Lanaudière que les puissances
de l'Europe n'étaient aucunement disposées,
même à cette époque reculée, à favoriser la
doctrine MONROE; la seule différence qu'il y
ait entre ces temps-là et aujourd'hui, est que
les colons anglais de jadis ont fait place à
nos voisins républicains. Je finis en disant
que je voterai pour les résolutions telles
qu'elles sont soumises à cette hon. chambre.
(Applaudissements.)
L'
HON. M. HAMILTON (d'INKERMAN)—
Hon. messieurs:—On a tant parlé dans le
cours du débat actuel des membres élus de
cette chambre, et du droit des électeurs qui
nous ont envoyés ici, que je désire faire
quelques observations pour expliquer comment il se fait que moi, qui représente une
division bas-canadienne, dont la majorité des
habitants se trouvera former partie de la
minorité du futur Bas-Canada,—comment il
se fait, dis-je, que j'en suis venu à la conclusion qu'il est de mon devoir de voter
en
faveur des résolutions de la conférence de
Québec qui nous ont été soumises par le
gouvernement, et conséquemment contre tous
les amendements. J'avoue, hon. messieurs,
qu'il est certaines de ces résolutions que
jaurais vu amender avec plaisir; mais
après avoir considéré la nature du projet
en lui-même, et partageant en conséquence
les vues que plusieurs d'entre nous ont
entendu exprimer par un homme d'état
éminent et distingué de l'autre chambre,
qui a déclaré que le projet de confédération avait, jusqu'à un certain degré,
la nature d'un traité dans lequel, tout naturellement, l'esprit de compromis avait
dû
avoir une large part,—et le gouvernement
nous ayant informé, comme je suis d'opinion
que c'était son devoir de le faire, que nous
devions accepter le projet dans son entier ou
le rejeter de même, je me suis dit qu'il était
de mon devoir de ne pas faire d'opposition,
toute humble qu'elle pût être, à l'adoption
des résolutions J'en suis venu à cette
conclusion d'autant plus facilement que j'ai
avocassé pendant longtemps une union des
provinces, et cela parce que je considère qu'il
est incontestable que nous devons contribuer
plus que nous l'avons fait jusqu'à présent
à notre propre défense; et bien qu'en
somme nos moyens de défense ne soient peut- être pas aussi considérables que nous
pourrions le désirer, néanmoins il est parfaitement clair qu'ils seront plus considérables
si
nous les réunissons en un seul faisceau. Quelques hon. messieurs,—et particulièrement
mon hon. voisin le député de St. Clair
—ont tourné en ridicule l'idée que la confédération allait augmenter nos moyens de
défense, d'autant plus que dans les meilleures
circonstances possibles, il devra s'écouler
beaucoup de temps avant que nos préparatifs
soient complets; mais je prierai ces hon.
messieurs de vouloir bien réfléchir à ce qu'on
dira en Angleterre à propos de notre défense,
si nous rejetons ce projet de confédération
ou même si nous différons de l'adopter;
surtout quand tout récemment nous avons
rejeté un bill de milice. Dans le cours de la
discussion, on nous a donné—si je puis me
330
servir de cette expression sans manquer au
langage parlementaire — plusieurs exposés
financiers de fantaisie. Eh bien! sans vouloir
mettre en doute l'exactitude d'aucuns de
ces exposés, je me permettrai de demander
aux hon. messieurs qui les ont fait s'ils ont
vraiment calculé ce que nous aurons à payer
quand nous aurons été avalés par notre voisin
qui demeure au sud de la ligne 45°,—ou,
pour me servir de l'expression de l'hon. et
vaillant chevalier, l'hon. Premier, après que
nous aurons parcouru le plan incliné et
serons enclavés dans la république voisine? Pour ma part, je dis que ce serait
occuper une position tout à fait méprisable.
Relativement au changement qui fait disparaître le conseil législatif électif,—changement
qu'on a si longuement discuté,—je suis
d'opinion que cette conclusion est la meilleure
que les délégués pouvaient adopter; cette
opinion n'implique pas chez moi un changement, et je puis en appeler à un hon. membre
de cette chambre si, une demi-heure avant
de rendre mon siége dans cette enceinte, je
ne lui ai pas déclaré que, bien que je considérais qu'il soit injuste de parler en
mal
d'un pont sur lequel on a traversé en
toute securité, j'étais cependant opposé
à l'application du principe électif à cette
chambre. Je ne partage pas non plus
les sentiments que j'ai entendu exprimer par
plusieurs hon. membres de cette chambre
relativement à la position que nous occupons;
car je n'ai jamais compris que je ne suis ici
que le simple délégué des habitants d'Inkerman, obéissant, quand il s'agit de voter,
aux
ficelles que pourraient me tirer les plus actifs
politiqueurs de tel ou tel village de mon collége
électoral. Au contraire, messieurs, j'ai toujours
pensé que, comme représentant de ma division, je devais employer mes humbles talents
à législater pour l'avantage de tout le pays,
et je n'aurais jamais accepté mon mandat à
des conditions autres que celles-là. Hon.
messieurs, je ne vous retiendrai pas pour
vous répéter ce que d'autres vous ont dit
beaucoup mieux que je ne pourrais le faire
moi-même; je me contenterai de vous remercier pour les quelques minutes d'attention
que vous m'avez accordé avec tant de bienveillance,et je termine en formulant ainsi
mes
explications: je vote pour la confédération
parce que je considère qu'elle est essentielle
à l'existence de notre connexion avec la
Grande-Bretagne,— connexion pour laquelle,
moi pour un, je suis prêt à faire beaucoup de
sacrifices. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. BLAKE—Je sens qu'il est
de mon devoir, hon. messieurs, à faire
quelques remarques sur la question générale
de fédération, avant que le vote ne soit pris
On a beaucoup parlé de la manière dont le
projet était né. On a dit que les hon. messieurs qui composent l'administration s'étaient
constitués d'eux-mêmes. Eh bien! je maintiens qu'il est tout à fait déloyal d'accuser
d'hon. messieurs qui, comme membres du
gouvernement, ont étudié cette question à la
demande de son excellence le gouverneur- général, avec le désir sincère de faire tout
ce
qu'il est possible de faire pour promouvoir les
intérêts du Canada, de les accuser, dis-je, d'y
apporter trop de précipitation, surtout quand
la question est entourée de tant de difficultés.
Bien que j'aie été partisan de l'union des
provinces depuis un grand nombres d'années,
cependant je suis bien prêt à admettre qu'il
y a dans ces résolutions certains détails qui
me répugnent beaucoup. Je fais particulièrement allusion à l'abandon du principe
électif qui se trouve dans la constitution de
cette branche de la législature. J'ai toujours
été en faveur de l'application du principe
électif au conseil législatif, et une très grande
partie de mes commettants sont aussi en faveur
de ce principe. Je suis opposé à la construction du chemin de fer intercolonial, parce
qu'il entraînera une dépense énorme pour le
pays, non seulement pour le présent, mais
aussi pour les temps futurs. Je pense que
cette dépense sera tellement considérable,
qu'elle obérera fortement nos finances, qui
sont aujourd'hui si peu en état de faire face
à cette charge, et que le chemin ne sera que
de peu d'utilité au pays. On a dit et répété sur
tous les tons que ce sujet n'était pas compris
par le peuple. Quant à cela, je ne puis parler
que pour ma localité. Avant de venir ici,
je visitai mon collége électoral et conversai
avec un très grand nombre des principaux
membres de tous les partis politiques, et
tous, sans une seule exception, me pressèrent
de voter en faveur de la confédération.
(Ecoutez! écoutez!) Je leur signalai les
objections que j'avais au projet. Je leur dis
que je désapprouvais la clause qui mettait de
côté le principe électif; celle qui voulait la
construction du chemin de fer intercolonial,
et que j'étais opposé à l'augmentation de
dépenses nécessitée par le maintien de deux
gouvernements différents. Je leur fis part
de toutes ces objections et de plusieurs autres
encore, mais, malgré cela, ils me répondirent qu'il valait infiniment mieux accepter
331
la fédération, même sous la forme qu'on nous
présentait dans les résolutions, que de
rester comme nous étions. Ils me dirent ceci:
" Le gouvernement du pays est devenu
impossible; nous avons vu un fort parti en
lutte suprême contre un autre fort parti;
nous avons vu deux ou trois gouvernements se former et être dans l'impossibilité
de passer une seule mesure importante,
et un changement quelconque est par conséquent devenu absolument nécessaire." La
question qu'il s'agit de résoudre est celle- ci: " Qu'allons-nous faire?" Eh bien!
je voudrais demander aux messieurs qui
opposent cette mesure s'ils ont un plan
quelconque à proposer à sa place, qui pourra
faire disparaître les difficultés dont le pays
à eu à se plaindre jusqu'ici? (Ecoutez!
écoutez!) D'un autre côté, de grandes
autorités nous ont dit que nous côtoyions la
banqueroute. L'hon. et vaillant chevalier,
qui se trouve à la tête du gouvernement,
nous a dit que nous nous trouvions sur " un
plan incliné," et que nous glissions avec
rapidité vers la république des Etats-Unis
d'Amérique. Je crois donc qu'il est de
mon devoir de voter pour les résolutions
telles qu'elles se trouvent, et de ne voter en
faveur d'aucun amendement quelconque.
(Ecoutez! écoutez!) On nous dit que si
nous adoptons le moindre amendment aux
résolutions, le projet entier tombera. Devons- nous retourner au point où nous étions
auparavant, ou ne vaut-il pas mieux pour
nous accepter ces résolutions qui serviront
de base à une nouvelle constitution? Si elle
ne nous convient pas, nous pourrons plus
tard l'amender. Elle ne sera pas, je suppose,
comme les lois des Mèdes et des Perses,
complètement immuable. La constitution de
la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et des
différentes nations civilisées qui existent aujourd'hui, ont été amendées, et je ne
vois
pas pourquoi nous verrions dans ces résolutions un cachet d'immutabilité. Messieurs,
la constitution de la confédération pourra
être changée dans l'avenir aussi facilement
qu'on a pu le faire pour la constitution
actuelle. J'espère que ce projet sera mis
en pratique à une époque très-rapprochée,
et j'ai confiance qu'il produira en fruits
abondants pour notre pays. (Ecoutez! écoutez!) Quelques hon. messieurs disent qu'il
équivaut à une révolution. Ce peut être une
révolution, mais bien certainement ce n'en
est pas une aussi violente que celle que l'on
proposait en 1837-38. (Ecoutez! écoutez!)
On a fait jouer de très grosses pièces
d'artillerie depuis que le débat s'est ouvert,
mais j'espère que cette révolution s'accomplira sans effusion de sang. (Ecoutez! écoutez!
et rires.) Je suis prêt à donner mon
vote en faveur de la mesure. (Applaudissements.)
L'
HON. M. READ—Hon. messieurs:—J'ai
voté pour que l'adoption de ces résolutions
fût retardée, croyant que c'était mon devoir
de le faire, et si j'ai mal fait en agissant
ainsi, je ne puis en accuser que mon jugement. Je n'ai pas eu d'autre intention en
cela que de servir les meilleurs intérêts
du pays. Cependant, comme je vois qu'une
très grande majorité de cette chambre est
d'une opinion différente, je n'essaierai pas
plus longtemps de faire de l'opposition à la
mesure, mais je l'appuierai lorsque le temps
sera arrivé. (Ecoutez! écoutez! et applaudissements.) Je n'ai jamais eu l'intention
de contrecarrer cette mesure, mais je désirais
être bien convaincu que le pays la trouvait
satisfaisante, et saurait l'apprécier lorsqu'elle
lui serait donnée. (Ecoutez!) Je pense que
la nature humaine est aujourd'hui ce qu'elle
à toujours été et ce quelle sera toujours.
L'hon. premier et l'hon. commissaire des
terres de la couronne s'étant servis de
comparaisons à propos de l'union projetée, je
me permettrai aussi d'en faire une. Ils ont
dit qu'une union ne pourrait être effectuée
sans quelques sacrifices, sans de petites concessions de part et d'autre. Je suis
aussi de
cet avis, mais je crois qu'on doit envisager
cette union projetée à un point de vue différent Je compare le Canada à un jeune
homme à qui l'on a donné des tuteurs pour
surveiller l'administration de ses biens, et
qui, ayant atteint un âge ou ses tuteurs
croient qu'il doit se marier, se voit arranger
une alliance matrimoniale par ces derniers.
Le jeune homme, naturellement, s'attend
constamment à ce n'on lui demande si
l'alliance lui sourit. Mais dans ce cas-ci, il
paraît qu'on ne le consultera pas le moins du
monde. (Ecoutez! écoutez!) Lorsqu'ils eurent
mis la dernière main aux arrangements, il s'est
dit à lui-même: " Vous pouvez me marier,
mais vous ne pouvez pas faire que je vive
heureux." Eh bien! il est tout probable
que si on l'eût consulté il aurait fait le même
choix et s'en serait tenu pleinement satisfait.
Comme la nature humaine ne change pas,
j'ai pensé que ces raisons étaient suffisamment
fortes pour faire désirer d'obtenir quelque
délai, afin que le peuple, ayant eu l'occasion
332
d'examiner amplement le projet, puisse
entrer avec plaisir dans l'union projetée.
J'ai une opinion très favorable de plusieurs
des résolutions composant cette mesure. Je
ne puis cependant partager l'opinion de
mon hon. ami de Toronto (M. Ross),
que le Haut-Canada, plutôt que de ne pas
avoir le chemin de fer intercolonial, le
construirait à ses propres frais. Le Haut- Canada ne produit rien qui puisse être
expédié avantageusement par ce chemin;
mais si la confédération doit avoir lieu, il n'y a
pas d'autre alternative que de le construire.
En 1862, on nous offrait un excellent
marché; mais comme nous avons refusé dans
le temps de l'accepter, nous ne pouvons
aujourd'hui l'avoir sans le payer un plus
haut prix. L'alliance matrimoniale que
nous avons contractée va entraîner de
nouvelles responsabilités, et sincèrement je
ne crois pas que le pays soit tout-à-fait en
état de s'en charger. (Ecoutez! écoutez!)
Tout indique que cette alliance est à peu
près certaine, et il est également certain que
ces petites responsabilités se manifesteront
aussitôt qu'elle aura lieu. (Hilarité.) Je
pense, néanmoins, n'on peut les appeler
de grandes responsabilités; et, je le répète,
elles sont infiniment plus importantes que
celles que nous pourrions supporter. Je serais
prêt à faire de très grands sacrifices pour la
défense du pays, mais si l'Angleterre vient
nous dire que nous devons faire plus que le
pays ne pourrait faire, je ne pense pas qu'il
consentira à se soumettre à sa volonté. Nous
somme prêts à nous défendre dans la mesure
de nos forces; mais je ne suis pas prêt à
encourir une dépense tellement énorme
qu'elle écrasera notre pays sous une dette
qui en rendra le séjour impossible Avec
la confédération, il nous faudra non seulement encourir des dépenses considérables
pour nos fortifications et notre milice, mais
aussi pour créer une marine, parce que je
crois que du moment que les Américains
augmenteront le nombre de leurs canonnières
sur les lacs, il nous faudra en mettre un
nombre égal, et il me paraît très douteux que
nos moyens nous le permettent. (Ecoutez!
écoutez!) Où prendrons-nous l'argent?
L'
HON. M. READ—Aujourd'hui, nous
sommes considérablement obérés par les
taxes, et nous avons à payer une forte somme
pour l'intérêt de notre énorme dette. Je
voudrais que le gouvernement adoptât
quelque méthode qui eût pour effet de retenir
chez nous cette somme d'intérét. Je n'aime
pas voir ces énormes emprunts qu'on fait à
l'étranger. L'intérêt est une chose qui s'accumule très-rapidement, et il faut qu'il
soit
payé régulièrement. Si l'on pouvait trouver
quelque moyen d'arrêter ces emprunts à
l'étranger, le plan de confédération me sourirait davantage, surtout lorsque l'on
considère que la capitation dans ce pays s'est
accrue dans une proportion alarmante—de
l à 8 piastres—depuis l'union de 1841. Il
semble que la confédération va augmenter le
chiffre de notre taxe; c'est là un fait généralement admis; sans compter la dépense
que va entraîner la construction du chemin
de fer intercolonial. Je ne puis voir où nous
prendrons tout l'argent nécessaire, mais j'ose
dire que le ministre des finances découvrira
quelque moyen de se le procurer—l'augmentation de la taxe, par exemple. Lorsque
viendra le temps de prendre le vote définitif,
je serai prêt à appuyer la motion, plutôt que
de la voir rejeter complétement, et ne pousserai pas plus loin mon opposition. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. M. REESOR—Je propose que
les mots suivants soient ajoutés à la motion
principale:
"Pourvu toujours que son excellence le gouverneur-général sera prié de ne pas transmettre
la dite adrese jusqu'à ce que les dites résolutions
aient été approuvées par les électeurs de cette
province, habiles à voter en vertu des dispositions de l'acte 22e Vict. chap. 6, la
dite approbation à être constatée par un vote direct sur les
dites résolutions, qui devra être pris dans les
diverses municipalités du Haut et du Bas-Canada."
L'
HON. M. DICKSON—Je désire attirer
l'attention de la chambre sur le fait que cet
amendement semble comporter le même
principe que l'amendement proposé par
l'hon. membre en face (M. CURRIE) et
secondé par moi, lequel a été rejeté à la
suite d'une longue discussion. J'aimerais à
savoir, par conséquent, si l'amendement est
dans l'ordre. Je ne m'y oppose pas, mais
s'il n'est pas dans l'ordre, on sauvera du
temps en en disposant de suite, et je demande
que M. l'ORATEUR décide à cet égard.
L'
HON. M. ROSS—Je crois fondée l'observation que vient de faire l'hon. membre au
sujet de l'amendement. Il me paraît contenir
le même principe que celui proposé par
l'hon. membre de Niagara, et par conséquent
hors d'ordre.
L'
HON. M. BUREAU—Je crois la motion
dans l'ordre. Elle est à l'effet de soumettre
333
à la votation du peuple le projet avant son
adoption définitive. Nul amendement semblable n'a encore été présenté à cette
chambre.
L'
HON. M. L'ORATEUR—L'amendement
proposé par l'hon. M. CURRIE à la motion
principale était ainsi conçu:
"Que sur une question d'une aussi grande
importance que celle de la confédération projetée du Canada et de certaines autres
colonies
anglaises, cette chambre se refuse à assumer la
responsabilité de consentir à une mesure qui renferme tant de graves intérêts, sans
que l'opinion
publique ait l'occasion de se manifester d'une
manière plus solennelle."
La motion actuelle est à l'effet:
"Que son excellence le gouverneur-général
sera prié de ne pas transmettre la dite adresse
jusqu'à ce que les dites résolutions aient été
approuvées par les électeurs de cette province,
habiles à voter en vertu des dispositions de l'acte
22 VICTORIA, chapitre 6, la dite approbation
devant être constatée par un vote direct sur les
dites résolutions, qui devra être pris dans les
diverses municipalités du Haut et du Bas-Canada."
Bien qu'il y aît quelque analogie, elle n'est
pas, en substance, la même motion. (Ecoutez!
écoutez!) " La manifestation de l'opinion
publique d'une manière plus solennelle "
diffère totalement de celle qui pourrait avoir
lieu par un vote direct, ainsi que le prescrit
cet amendement. Je crois, par conséquent,
cette motion dans l'ordre; et comme je suis
d'avis qu'en pareil cas les règles et la pratique
de cette chambre soient interprétées dans un
sens libéral, je ne puis déclarer que l'amendement comporte le même principe que la
motion rejetée hier par la chambre. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. M. REESOR—On pourra dire,
assurément, que ces débats ont pris une
tournure des plus extraordinaires. Au début,
des hon. membres ont adressé la chambre
en faveur des résolutions, les ministres
spécialement; mais depuis peu, nous avons
entendu d'hon. messieurs s'exprimer fortement contre plusieurs des résolutions qui
forment partie du projet de confédération, et
qui tout en s'exprimant ainsi, ont fini par dire
qu'ils se faisaient un devoir de donner leur
appui à l'ensemble de la mesure. (Ecoutez!
écoutez!) Si je ne me trompe, cependant—
et je pense que d'autres hons. membres sont
aussi sous cette impression—nous avons été
députés à cette législature pour perfectionner
autant que possible tout projet ou proposition qui peut lui être soumis. Si notre
opinion sur une mesure nous porte à proposer
des amendements à l'effet de lui faire
subir des modifications, je maintiens qu'il
est de notre devoir d'exprimer nos vues en
ce sens, de ne pas accepter cette mesure
sans l'étudier à fond et avec impartialité, et
de repousser l'idée que nous n'avons pas
le droit de la discuter ou d'en amender
quelque partie. Pour ma part, je trouve
que le projet dans son ensemble ne répond
pas aux espérances que l'on s'en était faites
et à ce que nous avions droit d'attendre des
membres du gouvernement actuel. Il a été
fortement appuyé par les deux chambres du
parlement et par le pays, et je ne désire pas
non plus qu'on lui suscite des difficultés
dont l'effet serait de diminuer le nombre de
ses adhérents dans la législature; mais je
ne crains pas de dire que pour se mettre à la
hauteur de l'appui qu il a reçu et de la confiance qu'il a inspirée, il aurait dû
produire
un meilleur projet que celui qu'il a soumis à
la chambre et au pays. Que l'on prenne la
question du chemin de fer intercolonial qui
doit surgir de ces résolutions, et que trouvons-nous? Il y a plus de deux ans, les
gouvernements des provinces du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse ont
proposé à l'administration canadienne de
construire cette voie à la condition pour le
Canada de fournir les cinq douzièmes et
ces provinces les sept douzièmes de son
prix de revient; or, quel arrangement
avons-nous aujourd'hui, quel avantage
nous ont valu les deux années écoulées
depuis? Nous y avons gagné le projet
présenté par le gouvernement, et en vertu
duquel le Canada va avoir à payer les
neuf douzièmes de tous les frais de la
construction de ce chemin, et les autres
provinces la balance, de sorte que la dépense
additionnelle pour le Canada va s'élever à
plusieurs millions de piastres; car il en
coûtera certainement au moins six millions
de piastres pour la construction du chemin
de fer intercolonial seul, c'est-à-dire plus
qu'on ne nous demandait il y a deux ans,
dépense additionnelle dont le total augmentera pour un temps indéfini notre impôt
annuel de plus d'un million et demi de
piastres. Cet énorme excédant de dépense
sur celle que l'on nous offrait de faire il y a
deux ans n'en a pas moins été accepté.
Il est admis, même par les auteurs du projet,
que les provinces de l'Est profiteront plus que
le Canada de la construction de cette voie. Il
est aussi reconnu par les hommes experts
en matières commerciales, et qui se sont
334
prononcés sur ce sujet, que cette entreprise ne sera pas profitable au point de vue
du commerce. Au point de vue de la défense, il est de même admis qu'elle n'aurait
que peu ou point de valeur. Cela étant,
pourquoi donc se lancer dans cette énorme
dépense avec autant de précipitation; pourquoi ne pas au moins différer l'adoption
du
projets afin d'en faire une mesure plus parfaite
et plus en harmonie avec les désirs du principal intéressé, le peuple? Les hon. messieurs
qui veulent ainsi hâter l'adoption de ce
projet, devraient se rappeler que ce n'est
pas notre argent que nous votons, mais bien
celui du peuple, et qu'on ne devrait pas
pousser cette liberté si loin qu'on veut à
présent le faire sans consulter ses volontés
sur ce point. C'est ce que la loi exige d'un
conseil municipal avant qu'il ne puisse affecter
aucune somme d'argent. En pareils cas, il
faut que les contribuables décident par leur
vote si la dépense projetée sera ou non encourue; et cependant, nous sommes ici à
la
veille de passer une mesure d'une importance
autrement grande pour le peuple, une mesure qui va occasionner une révolution dans
notre régime politique et de vastes dépenses,
sans même lui demander s'il y consent ou
non. Je persiste à dire, hon. messieurs,
qu'avant l'adoption définitive du projet, toute
la question devrait être soumise au peuple,
et que la loi qui veut qu'on le consulte dans
des affaires d'une importance mineure devrait
être également observée lorsqu'il s'agit de
sa condition et prospérité futures. Le peuple
des provinces de l'Est trouve peu à redire
au plan de confédération projetée. Le fait
est que s'il est adopté, il devra y gagner
beaucoup. Les membres des gouvernements
du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle- Ecosse, et d'autres hommes publics, voient
le grand avantage que ces provinces auront
sur le Canada, et ils s'empressent de
le faire connaître au peuple. Ils désirent naturellement que ce projet soit
adopté aussi promptement que possible et
font toute sort d'efforts dans ce but; car, par
là, des travaux improductifs de ces provinces vont être transférés au gouvernement
général et payés par lui, comme par
exemple, les chemins de fer du Nouveau- Brunswick, qui, avant que cinq années
ne s'écoulent, ne pourront être exploités,
j'en suis convaincu, qu'à l'aide de deboursés
considérables en sus de ce qu'ils rapporteront au gouvernement général. Dans un
discours qu'il fit aux électeurs de St. Jean,
voici comment l'hon. M. TILLEY, leur fait
connaître les avantages que le Nouveau- Brunswick trouvera dans l'union:
"On a permis au Nouveau-Brunswick d'entrer
dans la confédération avec une dette de sept
millions, et à la Nouvelle-Ecosse avec une dette
de huit millions. Eh! bien, quelle est la nature
de l'arrangement d'après lequel nous allons faire
partie de l'union? On a constaté que par tête la
dette du Canada n'etait guère plus considerable
que celle du Nouveau-Brunswick, de sorte que
nous sommes entrés dans l'union à des conditions
plus avantageuses que cette province."
L'hon. M. TILLEY leur démontra ensuite
comment le Nouveau-Brunswick avait fait
un profit net de $610,000 par année, seulement à l'égard du chemin de fer intercolonial,
de sorte que cette province se trouve avoir ainsi
gagné beaucoup sur les conditions qu'elle
nous offrait en nous invitant, il y a deux
ans, à se joindre à elle pour construire ce
chemin. Voici ce qu'a dit encore l'hon. M.
TILLEY:
"Pour ce chemin de fer intercolonial, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse avaient
engagé leur credit pour les sept douzièmes de
son prix de revient et le Canada pour les cinq
douzièmes; mais si la confédération veut construire cette voie, le Nouveau-Brunswick
et la
Nouvelle-Ecosse seront exemptés de l'intérêt des
sept millions—lequel s'é1ève à $420,000—ainsi
que de celui des trois douzièmes et demi sur les
trois millions sterling—lequel se monte à $190,000,—faisant en tout $610,000 que le
gouvernement général aura à payer."
On pourrait croire que l'avantage libéral
ainsi fait au Nouveau-Brunswick pour l'engager à entrer dans l'union devait satisfaire
amplement cette petite province, mais M.
TILLEY se charge encore ici de nous démontrer le contraire:
"En sus de tous ces avantages," dit-il, " nous
aurons encore, pendant dix ans, une subvention
annuelle de $63,000. Nos dépenses locales réunies
s'élevèrent à $320,630, et sans augmenter notre
impôt, nous allons recevoir du gouvernement
général $90,000 en échange de notre droit d'importation et de notre revenu territorial,
plus 80
centins par tête sur le chiffre de notre population,
faisant $201,637, et une subvention spéciale de
$63,000 par année pendant dix ans, en tout
$354,637 c'est-à-dire que nous aurons un surplus de $84,000 une fois nos obligations
actuelles
satisfaites."
C'est là, ajoute l'hon. M. TILLEY, ce à quoi
nous avons d'abord songé. Il est très sincère,
ce monsieur, car il désigne tous ces avantages
sous le nom de subventions. Voici en outre
comment il rassure ses auditeurs:
335
"On nous demande: ' Quelle garantie avez-vous
que ces subventions promises par le gouvernement
générale vous seront continuées? La garantie
la plus incontestable, car nous ne sommes pas à la
merci des Canadiens...La force des partis est
si près d'être égale dans la législature canadienne, que par leur vote les cinq membres
de
l'Ile du Prince-Edouard pourraient faire pencher
la victoire du côté qu'il leur plaira et être maîtres
de la position."
Tels sont les moyens de succès que M.
TILLEY a employés auprès du peuple du
Nouveau-Brunswick, et je pense que lorsque
le commissaire des terres de la couronne
réfléchira sur les avantages que les provinces
de l'Est ont obtenus de plus que le Canada,
il reconnaîtra que je ne me trompais guère,
l'autre jour, en disant que nos hommes
publics ont agi très-inconsidérément. On
dirait qu'ils se sont mis à l'œuvre avec la
ferme détermination d'obtenir la confédération, de l'obtenir à de justes conditions
si
possible, mais de l'obtenir, peu importent les
concessions onéreuses que pourraient exiger
les provinces inférieures. (Ecoutez! écouttez!) Un autre des délégués à la convention
de Québec, l'hon. M. WHELAN, de l'Ile du
Prince-Edouard, a fait l'énumération de
tous les avantages qui seront assurés à cette
colonie par la confédération, et il a terminé
en disant que cette petite île aurait $40,000
par année de plus qu'il ne lui faudra pour
subvenir à ses dépenses locales. (Ecoutez!)
Tous ces faits pris en considération, je
pense que le gouvernement aurait dû donner
plus de temps pour délibérer sur cette
mesure et pour la perfectionner, ou qu'il
devrait au moins la remettre à une autre
session.Mais puisqu'il refuse cela et s'oppose
à tout changement à n'importe laquelle des
résolutions, quelles que soient les objections
que l'on y trouve, je crois qu'il est de notre
devoir d'exiger que l'on en réfère au peuple.
Je crois que l'on va m'objecter que cela est
contraire à la pratique anglaise; qu'un appel
au peuple de la manière que je le propose
est inconnu de la constitution britannique;
cependant, on peut faire la même objection
à l'égard de toute législation et affaires
publiques qui diffèrent dans quelque rapport
de la manière dont elles se font en Angleterre; mais nous devons tenir compte de ce
que votre situation est différente de celle du
peuple d'Angleterre, et que notre manière
de voir et nos habitudes en fait d'affaires
publiques sont aussi entièrement différentes.
Et puisqu'à l'égard de nos affaires municipales nous avons adopté le principe d'en
référer au peuple lorsqu'il s'agit de dépenses
d'argent pour des fins spéciales, il ne pourrait
résulter aucun mal de l'appliquer à cette
mesure. Si le peuple l'adopte et que plus
tard il ait à s'en repentir, il n'aura alors
personne à blâmer que lui-même, et je suis
convaincu que ce cas échéant, il en porterait
la peine plus patiemment. Mais si nous
prenons la voie contraire, si nous adoptons
ce projet dont les conditions sont pour nous
désavantageuses, il s'écoulera bien des années
avant qu'il soit possible d'y remédier. Pensez-vous, qu'à la demande du Canada, l'île
du
Prince-Edouard abandonnera le privilége,
le droit constitutionnel qu'elle aura acquis
par ce projet au fonds qu'elle recevra en sus
de ses besoins locaux? Pas du tout. Terre- neuve abandonnera-t-elle sa subvention
perpétuelle de $160,000 par anneé, si elle sait
ne pouvoir retirer autant du droit d'importation sur ses houilles? Je n'en crois rien.
Est-ce que la Nouvelle-Ecosse renoncera à
son pouvoir d'imposer un droit d'exportation
sur le charbon et autres minéraux parce que
le Canada trouvera que ce pouvoir lui donne
des avantages auxquels elle n'a pas droit?
Assurément non. Le Nouveau-Brunswick
renoncera-t-il à son pouvoir de prélever un
droit d'exportation sur les bois, ou, à la
demande du Canada, consentira-t-il à donner
une somme additionnelle pour aider à la
construction du chemin de fer intercolonial,
dont il profitera beaucoup plus qu'aucune
autre province, pour la raison qu'il va
ouvrir en cette province une grande étendue
de pays, et mettre en valeur les terres et le
bois qui s'y trouvent? Il va sans dire qu'il
ne le voudra pas. Nous aurons à nous
conformer à notre arrangement, quels que
soient les avantages qu'il confère aux autres
provinces, quelque désavantageux qu'il soit
à nos intérêts. (Ecoutez! écoutez!)
Sous l'union actuelle, on se plaint que, individu pour individu, le peuple du Bas-Canada
ne contribue pas au revenu autant que celui
du Haut. Si je ne fais pas erreur, je crois
me rappeler que dans un discours qu'il fit
il y a quelques années à Verchères, le procureur-général du Bas-Canada a dit à ses
électeurs que la dépense occasionnée par le
rachat des droits seigneuriaux ne pesait
que très peu sur le Bas-Canada, attendu
que le Haut contribuait pour les deux
tiers au revenu du pays; et tous les
représentants de la section ouest qui ont
travaillé à revendiquer ses droits ont de
même affirmé qu'elle contribuait dans cette
336
proportion au revenu public. Eh bien! s'il
y a quelque vérité dans cette assertion, il doit
s'ensuivre que sous cet arrangement le Canada
devra contribuer, homme pour homme,
plus que les provinces de l'Est au revenu
général, parce qu'on ne saurait prétendre, je
le suppose, que l'Ile du Prince-Edouard,
Terreneuve, ou aucune des autres provinces
maritimes, quelque prospère que puisse être
leur condition, a une population aussi riche
que celle du Haut-Canada ou qui pourra
contribuer autant qu'elle au revenu du gouvernement général. Et parce que le Bas-Canada,
jusqu'ici, a moins contribué que le Haut,
tout en jouissant de l'avantage de dépenser
autant, sinon plus, que propose-t-on de faire
maintenant? Eh bien! pour obvier à cette
difficulté qui mettait notre législation dans
une impasse, pour faire disparaître les entraves que le gouvernement de ce pays a
dû
subir depuis bien des années, on nous demande
d'adopter un projet qui va non-seulement
perpétuer cette difficulté, ces entraves, mais
encore les augmenter, et qui, seulement
par la construction du chemin de fer intercolonial, va nous charger d'une dépense
perpétuelle d'un million ou d'un million
et demi par année! (Ecoutez! écoutez!)
Il est absurde, par conséquent, de vouloir
hâter l'adoption de ce projet sans au moins
en partager la responsabilité avec le peuple.
Pourquoi ne pas prendre le temps nécessaire
pour bien mûrir cette mesure? Pourquoi
ne la pas soumettre au verdict de celui qui
devra en payer les frais et en subir les conséquences? (Ecoutez! écoutez!) Il a beaucoup
été dit à l'égard de la constitution de
la chambre haute de la confédération, mais
je pense que l'on a perdu de vue le point
principal. Durant les débats sur ces résolutions, il en est qui ont parlé tout comme
s'ils
eussent considéré la charge de membre de
cette chambre une position que nous devrions
occuper de droit, tout comme si nous tenions
en quelque sorte de la constitution le droit
de rester ici, et tout comme si les gouvernements et les institutions législatives
avaient
été instituée par le peuple non pas à l'avantage de la société, mais à l'avantage
de ceux
qui les composent. On a paru avoir oublié
le principe fondamental de tous les gouvernements libres, qui veut que ces gouvernement
n'existent que pour le bien de
l'administré; on a paru avoir oublié le principe
du gouvernement responsable, lequel veut
que l'Etat soit régi selon les volontés bien
comprises du peuple.
L'
HON. M. REESOR—Telles qu'exprimées, comme le dit mon hon. ami, par ses
représentants. Eh bien! nous ne devons pas
oublier que ceux qui composent le gouvernement de ce pays nous ont apporté ici
un très curieux projet, tout en nous donnant
à entendre que si nous lui donnions notre
appui nous aurions l'avantage d'être nommés
conseillers à vie, mais pour cela il faudrait
oublier ce que nous devons au peuple,
à nos commettants et notre devoir envers le pays; or, relativement au principe électif
appliqué à cette chambre,
ce sont de pareils faits qui me portent à
maintenir que le plus souvent un homme
peut légitimement venir en contact avec le
peuple pour en connaître les volontés, le
plus il devient en mesure, dans l'administration des affaires publiques, de faire
servir
son influence et ses talents de manière à
assurer le bonheur et la prospérité du pays.
(Ecoutez! écoutez!) On dit que puisque
nous avons un gouvernement responsable, le
cabinet actuel sera solidaire envers le peuple,
par l'intermédiaire de ses représentants à la
chambre basse, des nominations qu'il pourra
faire à cette chambre. En admettant que
cela soit, on connait quelles sont les tendances de ce principe en Angleterre et celles
qui existaient en ce pays lorsque le gouvernement nommait à cette chambre; le but
sera
de trouver en cette chambre une place aux
hommes distingués qui, aux élections auront
aidé à certains hommes ou à certains partis,
et non de récompenser le vrai mérite ou les
capacités. De plus, si cette chambre est de
quelque utilité, ce n'est que parce qu'elle
peut apporter un empêchement salutaire à
une législation inconsidérée ou hâtive, mais
si vous mettez toute la législation du pays
entre les mains d'un seul homme ou d'un
seul corps délibérant,—peu importe que ses
tendances soient démocratiques ou aristocratiques,—vous lui conférer un pouvoir
dangereux, et il en sera de même si vous
donnez à l'exécutif celui de nommer à la
chambre haute. Un simple corps électif du
caractère le plus démocratique est de même
sujet à errer s'il n'est contrôlé par un autre.
Voilà pourtant ce que l'on veut faire à l'aide
de ce projet. Croyez-moi, faites plutôt que
cette chambre soit élue comme auparavant
par le peuple, que ses membres soient,
comme à présent, élus pour huit ans, ou
pour une plus longue période si on le désire,
337
et alors si le peuple demande quelque mesure
injuste,—une de ces mesures qui, fondée sur
l'ignorance ou la passion, finit par prendre de
la consistance après un laps de quelques
années,—les membres de cette chambre sauront prendre la responsabilité de la rejeter,
et
l'opinion publique finirait par reconnaître
qu'ils ont rendu quelque service au pays.
Mais en nommant ces membres à vie, vous
perdez tout contrôle sur eux, et il est aussi
à présumer qu'ils ne s'empresseront pas non
plus d'opposer un frein à toute législation
hâtive ou inconsidérée dont ils pourraient
être saisis. Tant que resteront au pouvoir
les ministres qui les auront nommés, il est à
supposer qu'ils seront appuyés par eux, mais
que ces ministres tombent et que le parti
adverse ait à son tour le gouvernement, il se
présentera certainement une difficulté; il y
aura désaccord entre les deux branches de la
législature, et nous verrons se répéter ces
scènes dont le pays a été témoin il y à
quelques années et qui ont été la cause
principale de la révolte de 1837. D'hon.
messieurs disent que nous aurons le pouvoir
de remédier à ces défauts du projet si on
trouve que nous en ressentons les effets,
et pourtant, chacun sait par expérience que
ce n'est qu'après bien des efforts, et que
lorsqu'une agitation est parvenue à se faire
que l'on réussit à obtenir les changements voulus. Combien de temps a duré
le mouvement relatif à la représentation
des deux sections du pays en parlement?
Il a duré pendant dix ou douze ans, et
cependant, à la veille de réussir; ceux qui
en étaient les promoteurs n'ont pas effectué
le changement désiré, ils se sont rabattus sur
un tout autre projet, lequel me parait avoir
vu le jour plutôt pour satisfaire leur ambition
personnelle que le peuple. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. et preux chevalier qui est à
la
tête du gouvernement a dit que nous étions
sur un plan incliné, et dans le danger d'être
absorbés par la république des Etats-Unis;
or, cette phrase a été citée si souvent par les
hon. membres qui ont parlé sur la question,
et il en a été tiré tant de déductions différentes, que je crois pouvoir me permettre
d'en dire aussi quelques mots. Je pense que
nous devons tous voir que le projet devant la
chambre aura l'effet, dans très peu d'années,
de faire imposer une taxe directe pour le sou
tien des gouvernements locaux; supposons
cet impôt direct établi, quelles seront ses
conséquences au point de vue politique? Si
en sus de l'impôt direct le gouvernement
se lance dans de grandes dépenses des
agitateurs politiques, qui ne se feront guère
attendre, croiront que le fardeau des dépenses publiques n'est pas également partagé
(écoutez!); que les deux tiers du revenu
sont fournis par la population qui habite à
l'ouest de Québec, et demanderont si, homme
pour homme, cette population doit apporter
à la caisse publique deux fois autant que
celle des autres parties de la confédération.
Sous un pareil état de choses, il n'y a aucun
doute que la même tendance que l'on a
reprochée aux Bas-Canadiens depuis l'union
existera encore, c'est-à dire que ceux qui
contribueront le moins au revenu ne voudront
pas pour cela se priver de dépenser largement. Lorsqu'il s'agira de voter un crédit
pour leur section, ils diront naturellement:
" Nous consentons à cette dépense, car elle
va nous profiter, et nous consentirons de
même à une dépense correspondante pour
une autre section, et cela d'autant plus
volontiers que nous n'aurons pas à payer
autant pour elle qu'elle aura à payer pour
nous; nous n'aurons à contribuer que pour
cinq centins, tandis que sa contribution à
notre égard sera d'une piastre." Tel sera
l'argument apporté à l'appui de toutes les
dépenses extravagantes qu'il s'agira de faire,
et vous pouver être certains que ces gaspillages
ne se feront pas longtemps attendre. Vous
aurez ensuite les agitateurs politiques qui
tiendront constamment le peuple au courant
de ces faits, qui sèmeront le mécontentement
et qui, pour conclure, demanderont la dissolution de l'union des provinces comme
remède à ces maux. On trouvera encore
une autre difficulté dans le fait que les farines,
auxquelles le marché américain sera probablement fermé, ne pourront être acheminés
des provinces supérieures à celles d'en-bas
qu'à la condition d'être protégées par un
droit d'importation élevé. Est-ce que les
représentants des provinces maritimes permettront l'imposition de ce droit? Il va
sans dire que non Que dans l'intérêt du
Haut-Canada on essaye de l'établir, et vous
verrez aussitôt ses représentants se transformer en autant d'avocats du rappel de
l'union.
Vous créerez ainsi une cause d'agitation dans
toutes les sections, et avant qu'il ne s'écoule
bien des années, vous verrez le désaccord
dans tout le camp. Vous verrez encore trois
gouvernements et trois élections générales se
succéder dans le cours de deux ans, et alors
vous aurez encore sujet de demander un
nouveau changement de constitution. Vous
338
pouvez être certains qu'avant que l'agitation
créée par ces causes n'ait duré seulement cinq
ans, nous nous trouverons encore sur un
plan incliné, mais plus près de le descendre
cette fois que si nous étions restés comme
nous étions auparavant. (Ecoutez! écoutez!)
Je ne puis m'empêcher de conclure, hon.
messieurs, que ces résolutions renferment le
germe de notre anéantissement comme colonies. A moins d'assumer les droits et la
responsabilité d'un pays indépendant, on ne
saurait trouver aucun avantage politique
dans l'union projetée; nous n'y gagnerions
pas non plus au point de vue du commerce.
Pourquoi donc nous l'imposer alors? Donnez
au projet le temps d'être mieux jugé; mais
si au lieu de cela vous l'imposez prématurément au pays, et que les conséquences
fâcheuses que je prévois en découlent, tenezvous pour avertis que les hommes publics
qui
auront hâté son adoption seront censurés aussi
sérieusement qu'ils sont aujourd'hui louangés.
Rigoureusement parlant, le peuple ne comprend pas ce projet. Et comment voulezvous
qu'il le comprenne dans toute sa
portée? Eh! mon Dieu! l'hon. membre de
la division de Rideau a dit qu'il lui avait
fallu se l'entendre expliquer pendant deux
semaines avant de le comprendre, après quoi
il nous appris qu'il avait envoyé 1000 circulaires à ses commettants pour qu'ils passent
en juger. Comment peut-il espérer qu'à
l'aide de ces documents imprimés ils vont le
comprendre, puisque lui-même, qui a eu
l'avantage de l'entendre expliquer, a mis
deux semaines à le comprendre. Hon.
messieurs, je suis en réalité pour l'union de
ces colonies, (Ecoutez! écoutez!) mais je
n'entends pas que l'on impose ce projet
d'une manière injuste autant qu'arbitraire,
et qui, à l'avenir, donnera lieu à des
difficultés d'un caractère plus grave que
celles que nous subissons actuellement, et
qui pourrait être la cause que l'on créera
une agitation en faveur d'un changement
que la grande majorité du pays serait loin
de désirer voir s'accomplir. (Ecoutez! écoutez!)
La chambre se divise ensuite sur l'amendement, qui est rejeté:
Pour:—Les hon. MM. Aikins, Archambault,
Armstrong, Bennett, Bureau, Chaffers, Currie,
A. J. Duchesnay, Flint, Leslie, Leonard, Malhiot,
Moore, Olivier, Proulx, Reesor, Seymour, Simpson,
et Vidal.—19.
Contre:—Les hon. MM. Alexander, Allan,
Armand, Sir N. F. Belleau, Blake, Boulton, Bossé,
Bull, Campbell, Christie, Crawford, DeBeaujeu,
Dickson, E. H. J. Duchesnay, Dumouchel, Foster,
Gingras, Guévremont, Hamilton (Inkerman),
Hamilton (Kingston), Lacoste, McCrea, McDonald, McMaster, Macpherson, Matheson, Mills,
Panet, Price, Read, Ross, Ryan, Shaw, Skead,
Sir E. P. Taché, et Wilson.—36.
L'
HON. SIR E. P. TACHÉ—Je désire,
hon. messieurs, que cette chambre ait toute
la latitude possible pour faire connaître son
opinion sur la mesure dont elle est actuellement saisie, et comme j'ai eu l'honneur
de
proposer ces résolutions, je crois qu'il n'est
que juste et raisonnable que je ferme les
débats. (Ecoutez!) Si aucun autre monsieur ne s'offre pour continuer la discussion,
j'espère qu'avant d'enregistrer le vote, l'on
voudra bien me permettre de répondre aux
arguments mis de l'avant contre le projet,
et d'expliquer certaines expressions dont
j'ai fait usage. Je veux bien croire que la
chambre ne me refusera pas le privilége
qu'elle accorde toujours en pareilles circonstances (écoutez); je me propose donc—si
personne ne désire prendre la parole—de
clore le débat ce soir.
L'
HON. M. CURRIE — J'aimerais à
savoir si le gouvernement a l'intention de
donner, sur ces résolutions, de plus amples
renseignements que ceux qui nous ont été
communiqués?
L'
HON. M. CAMPBELL—Les membres
du gouvernement seront heureux de fournir
tous les renseignements que cette chambre
pourra désirer.
La chambre s'ajourne alors à huit heures
du soir, et à la reprise de la séance la parole
est à—
L'
HON. M. RYAN—Hon. messieurs,—
L'importance du vote que nous sommes à la
veille de donner sur ces résolutions est très
grande, puisque l'avenir du pays s'y rattache
si intimement; et, comme représentant de la
division Victoria, qui est l'une des plus
importantes divisions du pays, renfermant
une population où les différentes races qui
composent le peuple du Canada sont considérablement représentées, je crois que je
dois à mes commettants de faire quelques
observations sur le sujet qui est maintenant
devant nous. (Ecoutez!) Si la division que
je représente n'est peut-être pas la plus
populeuse du pays, elle renferme une forte
partie de la richesse, de l'énergie mercantile
et manufacturière, et de l'esprit d'entreprise commerciale de cette province. Elle
renferme aussi, en proportions assez égales,
des habitants des différentes nationalités,
339
religions et langues qui forment la grande
majorité de notre population. Nous y
avons l'élément français, avec sa religion
catholique et sa langue française; nous
avons l'elément protestant anglais, écossais et irlandais, et nous avons l'élément
irlandais catholique romain, —élément spécialement représenté par moi, je puis le
dire,
et qui est loin d'être sans importance. Parcourez le Canada et vous verrez que cet
élément, avec quelques étrangers européens,
tels que les Allemands et les Norvégiens,
forment à peu près la masse de la population.
De fait, ma division se trouve être un
épitome du Canada. (Ecoutez! écoutez!)
Ce n'est peut-être pas trop dire que de
prétendre que l'opinion et la pensée de
Montréal reflète fidèlement l'opinion du
pays en général, et que si Montréal en est
venu presqu'à l'unanimité à une conclusion,
les différentes sections du pays en viendront
à une conclusion exactement semblable.
Relativement à la question de confédération,
je suis heureux de pouvoir dire que je me
suis donné le trouble de m'assurer quelle
était l'opinion de chacune des différentes
sections auxquelles j'ai fait allusion, et que
les votes que j'ai donnés dans cette chambre
concordent avec ces différentes opinions.
(Ecoutez! écoutez!) J'ai parlé de l'énergie
de mes commettants, de leur grand esprit
d'entreprise commerciale. Je crois que
l'énergie est un des traits principaux de leur
caractère, et je puis dire que si, dans quelques
rares occasions, cette énergie a pu leur faire
faire des choses qui étaient contraires à leurs
propres intérêts et à ceux de leur pays,
néanmoins, dans ces occasions, ils n'étaient
mus que par des motifs honnêtes et généreux,
ou par la conviction intime qu'on voulait
leur infliger quelque injustice. J'ai entendu
avec bonheur les observations que l'hon.
et vaillant Premier a faites au commencement
du débat, lorsque, faisant allusion à des
évènements qui ont eu lieu à Montréal il y a
déjà longtemps, il décerna le blâme à qui l'avait réellement mérité: à la législature
du jour
qui pressait le peuple d'accepter une mesure
qui lui répugnait, et contre laquelle les habitants de plusieurs parties du pays avaient
en
vain réclamé. La même nature bouillante
qui les porta alors à adopter une ligne de
conduite qu'on a certainement droit de regretter, leur fit plus tard seconder un
mouvement auquel, je puis le dire, j'étais
opposé dans le temps, et cela de toute
mon âme,—je veux parler du mouvement
annexionniste. Ils favorisèrent ce mouvement parce qu'ils pensaient qu'on avait
commis une injustice à leur égard et qu'on
les avait maltraités. Mais je puis vous dire
maintenant que ce sentiment s'est complètement évanoui, et que leur désir aujourd'hui
est de rendre le Canada, grâce à son union
avec les provinces d'en-bas et sa connexion
intime avec la Grande-Bretagne, complètement indépendant de son voisin et en position
de n'avoir plus besoin de regarder de nouveau
du côté de Washington. (Ecoutez! écoutez!)
Pendant le cours du débat sur le projet de
confédération, l'un des principaux points
auxquels on a touché dans cette chambre
a été la constitution de ce conseil, et la question la plus saillante qui s'y rattache
a
été la question du principe électif
versus le
principe nominatif. Bien que je sois un des
membres élus, j'ai voté sans la moindre
hésitation contre le principe électif, et je
crois qu'en agissant ainsi, je l'ai fait en
accord avec les vues de mes commettants
aussi bien qu'avec mes propres vues—je
veux dire la grande majorité de mes commettants, car il peut y en avoir quelques-uns
qui
pensent différemment sur cette matière, de
même que, sans aucun doute, il en est
aussi qui pensent différemment sur la
question générale de la confédération.
J'ai basé mon vote sur ce que je crois
être en politique un principe vrai, et
qui est que, si vous désirez établir le
contrepoids qu'on a eu en vue d'établir en
créant ce conseil, contrepoids qui a pour objet
de contrebalancer la législation de l'autre
branche, vous ne devez pas avoir deux
chambres élues par les mêmes commettants.
Si les commettants représentés dans les deux
chambres sont à peu près les mêmes, il n'y a
plus contrepoids, ou, dans tous les cas, ce
contrepoids n'est pas efficace, parce que vous
vous trouverez avoir les mêmes sentiments
et les mêmes tendances représentés dans cette
chambre aussi bien que l'autre. Je ne
suis pas seul de cette opinion; mais si je
devais citer l'opinion d'hommes qui ont des
tendances conservatrices, et qui ont toujours
soutenu les priviléges de l'aristocratie et les
prérogatives de la couronne, je vous donnerais peut-être des opinions qui auraient
moins
de poids auprès des adversaires de cette
mesure que n'en aurait l'opinion d'un monsieur dont je vais vous exposer les vues,
et
qui a écrit beaucoup, et avec talent, et qui
marche dans les rangs du parti libéral avancé
de la Grande-Bretagne,—je veux parler de
340
M. JOHN STUART MILL. Dans son chapitre
sur la seconde chambre (
Considérations sur
le gouvernement représentatif, page 242), il
dit:—
"Que dans tout système politique il devrait y
avoir un centre de résistance au pouvoir prédominant de la constitution, et en conséquence,
dans un gouvernement démocratique, un noyau
de résistance à la démocratie, c'est ce que j'ai déjà
dit et ce que je considère comme une maxime fondamentale du gouvernement. Si un peuple
possédant une représentation démocratique se trouve,
en conséquence de ses antécédents historiques,
plus disposé à tolérer un pareil centre de résistance sous forme d'une seconde chambre
ou
chambre des lords plutôt que sous toute autre
forme, c'est une très forte raison pour qu'on lui
donne cette forme."
Eh bien! hon. messieurs, je pense qu'une
seconde chambre, ayant à peu près la même
constitution que la chambre basse, serait
complètement insuffisante pour arrêter le
flot de législation venant de cette chambre;
à dire vrai, ce point admet difficilement la
contradiction. (Ecoutez! écoutez!) Les objections que l'on a soulevées à propos de
la
nomination par la couronne ou le gouvernement exécutif, ont très peu d'effet aujourd'hui.
Pour ma part, j'aurais préféré que
la nomination des conseillers législatifs fût
laissée à la couronne, sujet à la recommandation des gouvernements locaux, et que
la
prérogative eût été laissée parfaitement libre.
Il n'y a pas le moindre doute qu'autrefois il
s'est commis des abus en Canada, lorsque
le système nominatif était en force, avant
que le gouvernement responsable ne fût établi, et lorsque le bureau colonial se mêlait
beaucoup des affaires de la province; mais
aujourd'hui tout hon. monsieur qui a quelques notions des événements historiques qui
se sont déroulés dans ce pays, conviendra de
suite que notre position n'est plus du tout
la même. Bien loin d'intervenir dans nos
affaires intérieures, le bureau colonial nous
laisse aujourd'hui beaucoup à nous-mêmes et
maîtres de faire ce que bon nous semble. Il
n'y a jamais eu de constitution plus libre
que la nôtre. Sous ces circonstances différentes, j'aurais préféré, dis-je, afin d'empêcher
complètement qu'on pût soupçonner que certaines nominations étaient
faites dans des vues de parti, que les conseillers législatifs fussent nommés par
la
couronne ou par son représentant dans la
confédération. (Ecoutez!) L'hon. député de
Wellington, parlant de la lettre de M. CARDWELL, a fait une remarque qui, je pense,
est
erronée. Il a inféré de cette dépêche que
M. CARDWELL était opposé au système
nominatif. Voici le passage auquel il a fait
allusion:
"Le second point que le gouvernement de Sa
Majesté désirerait voir considérer de nouveau se
trouve dans la constitution du conseil législatif.
Il apprécie les considérations qui ont influencé la
conférence quand elle a déterminé le mode d'après
lequel ce corps, si important à la constitution de
la législature, sera composé; mais il lui semble
qu'il est nécessaire de considérer davantage si,
dans le cas où les membres seront nommés à vie
et leur nombre fixé, il y aura des moyens suffisants de rétablir l'harmonie entre
le conseil législatif et l'assemblée populaire, s'il arrive jamais
malheureusement, qu'il surgisse une grave divergence d'opinions entre eux "
Eh bien! il est clair que l'objection de M.
CARDWELL s'attaque à la fixation du nombre,
et non au principe nominatif, ou à la nomination à vie des membres. (Ecoutez! écoutez!)
Comme plusieurs autres hon. membres
de cette chambre, je pense qu'il est certaines
clauses de ces résolutions qui auraient pu être
amendées. Ainsi, j'aurais préféré que le
siége du gouvernement fédéral fût fixé
ailleurs qu'à Ottawa, et, à propos de cette
question, je dois dire que j'ai été très frappé
d'une remarque faite par un écrivain contemporain et que je vais citer. Il dit:
"Tout pays qui se trouve forcé de renoncer à
l'usage d'une cité que la nature a faite la plus
importante, et de faire de quelque ville inférieure
et mal située le siége de son gouvernement, se
trouve à subir des désavantages incalculables. "
Mais il n'est personne qui n'ait son plan
et ne le trouve le meilleur du monde, et
après tout, je doute fort que nous eussions
rendu le plan de confédération meilleur, si
chacun de nous avait été consulté et appelé
à la conférence de Charlottetown ou de Québec, pour faire valoir ses vues particulières.
(Ecoutez! écoutez!) Je suis plutôt disposé
à inférer, après avoir entendu les opinions
diverses exprimées dans le cours de ce débat,
que le système de compromis n'aurait pas
été aussi facilement accepté par nous qu'il
l'a été par les hon. messieurs qui formaient
partie de ces conférences. J'espère, cependant, que nous adopterons maintenant ce
système, et poursuivrons le débat avec la
confiance qu'ils ont fait ce qui était dans
les meilleurs intérêts du pays, et qu'en
somme la mesure est d'une importance
telle qu'il serait imprudent de l'entraver par
des objections d'une importance secondaire.
(Ecoutez!) J'ai noté plusieurs clauses des
résolutions que je considérais être sujettes à
objection ou susceptibles d'être amendées, et
341
J'espère que l'hon. chevalier à la tête de l'administration nous donnera des explications
sur les vues des conférendaires relativement
à ces clauses. L'une d'elles a trait à une
question dans laquelle le Bas-Canada est
jusqu'à un certain point particulièrement
intéressé: c'est la question du mariage et
du divorce, qui, comme je le vois, doit être
laissé à l'action du gouvernement fédéral.
J'espère qu'il ne sera rien fait par le gouvernement général relativement à cette
question qui soit de nature à blesser les sentiments du Bas-Canada, ou à conduire
au
relâchement que l'on remarque du côté sud
de la ligne 45° dans la législation sur le lien
matrimonial. (Ecoutez!) Il y a aussi l'immi
gration, qui est laissée en même temps à
l'action des gouvernements locaux et du
gouvernement général. Je pense que cette
question devrait être entièrement laissée au
gouvernement général. Maintenant, quant
à ce qui concerne l'éducation, j'espère que
le gouvernement assurera aux catholiques
romains du Haut-Canada les mêmes droits
que l'on octroie aux protestants du Bas- Canada. Leur donner les mêmes priviléges
n'est que justice, et j'ai confiance et crois
qu'elle leur sera donnée. Ayant eu occasion de venir en contact avec plusieurs des
membres du clergé catholique romain, je
dois dire qu'ils désirent que la plus ample
justice soit faite à leurs concitoyens protestants, mais ils s'attendent en retour
à ce
que les priviléges qui sont octroyés à la minorité protestante du Bas-Canada soient
également octroyés aux catholiques romains
du Haut-Canada qui y forment la minorité.
(Ecoutez!) Je dois aussi mentionner la
clause qui donne aux gouvernements locaux
le droit de diviser leur section de la confédération en comtés et colléges électoraux.
Ce pouvoir peut devenir très dangereux et
dans la pratique donner lieu à de grandes
injustices; on devrait, je pense, le donner
au gouvernement général. J'aborde maintenant la question du prolongement de notre
principale voie ferrée. Cette question parait
être un sérieux empêchement pour
grand nombre de ceux qui sont réellement
favorables à la mesure de la confédération.
Eh bien! je ne pense pas que le chemin de
fer intercolonial soit une entreprise qui paie
de suite, mais je pense pouvoir réfuter quelques unes des objections qu'on a soulevées
contre cette partie du projet. En premier
lieu, je pense qu'on fait erreur relativement
au coût du transport des marchandises sur
ce chemin. J'ai ici le rapport contenant
le mouvement annuel du commerce et de
la navigation du Nouveau-Brunswick pour
l863. Dans ce rapport, je trouve l'état
suivant:
"Si le Nouveau-Brunswick était relié à Montréal et à Québec par une voie ferrée traversant
le territoire britannique, nos importations des
Etats-Unis diminueraient immédiatement, toutes
nos farines et autres approvisionnements viendraient directement du Canada; et au
cas où le
traité de réciprocité et le système de transit des
Etats-Unis, qui permet que les marchandises
anglaises à destination du Canada traversent leur
territoire sans payer de droits, serait aboli, St.
Jean deviendrait probablement, pendant la saison
d'hiver, le port d'expédition du Canada sur les
côtes de l'Atlantique."
On peut supposer que les taux de fret
seront si extravagants que cela ne pourrait
pas arriver, mais dans le même rapport,—qui
nous est arrivé en temps tout à fait opportun,
puisqu'il corrobore les observations que j'ai
faites dans le cours du débat sur l'adresse à
propos du fait que nous aurons, dans la
confédération, quelque compensation fournie
par notre commerce avec les provinces d'enbas pour la perte du traité de réciprocité,
si jamais il était annulé,—je trouve l'état
ci-dessous:
"Le coût du transport de la fleur de Montréal
à Portland, Maine, par chemin de fer, a été réduit
au faible chiffre de 35 centins par baril, et de
Portland, Maine, à ce port, on peut le transporter
par bateau à vapeur à raison de 25 centins, ou par
voilier, à raison de 15 centins, faisant en tout 60
centins pour le transport d'un baril de fleur pesant
200 lbs., par chemin de fer et bateau à vapeur, à
une distance de 585 milles, et il pourrait être
débarqué à ce port (St. Jean du Nouveau-Brunswick) cinq ou six jours après avoir été
expédié
de Montréal. Il va sans dire que ces taux réduits
de fret par chemin de fer ne s'appliquent qu'à des
quantités considérables."
Maintenant, messieurs, la distance de
Montréal à St. Jean, par chemin de fer, est,
en chiffres ronds, d'environ 600 milles.
L'
HON. M. RYAN—Cela donne encore
plus de force à mon argument, mais je vais
donner à mon hon. ami le bénéfice des 600
milles. Eh bien! plus grande est la distance que franchit un quart de fleur, moindre
est le coût de son transport, parce que vous
n'avez pas à encourir la dépense de le
déplacer à différents endroits. Si vous
pouvez le transporter de Montréal à Portland, disons 300 milles, pour 35 centins,
vous pouvez certainement le transporter à
342
600 milles pour moins du double de cette
somme, ou, disons, 60 centins,—pas plus
que cela ne coûte aujourd'hui par la route
combinée de chemin de fer et bateau à vapeur
via Portland, tandis que la fleur transportée
toute la distance par une voie ferrée s'en
trouvera d'autant mieux qu'elle ne sera pas
exposée à des transbordements divers. J'ai
en effet raison de croire, d'après ce que m'a
dit un homme qui s'y connait très bien en
fait de chemins de fer, qu'une compagnie de
chemin de fer trouverait un bon profit à
transporter de la fleur de Montréal à St.
Jean, à raison de 60 a 70 centins par quart,
et que, s'il était nécessaire, ce transport
pourrait être effectué à raison de 50 centins
par baril. (Ecoutez!) Je veux faire voir
par cela que le transport des farines par le
chemin de fer intercolonial ne sera pas aussi
difficile que certaines personnes, qui n'ont
jamais fait de calculs sérieux à ce sujet,
pourraient être disposées à se l'imaginer.
(Ecoutez! écoutez!). J'ai de plus ici un
état des importations de farines faites par le
Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et
Terreneuve. Cet état est comme suit:
IMPORTATIONS DE FARINES.
Nouveau-Brunswick... |
243,000 |
barils. |
Nouvelle-Ecosse... |
328,000 |
" |
Terreneuve... |
226,000 |
" |
Total... |
797,000 |
barils. |
Si nous regardons maintenant à nos importations et exportations pour 1863, nous
verrons que nous avons importé en Canada,
4,210,492 minots de blé; tandis que nous en
avons exporté seulement 3,030,407 minots.
Eh bien! cela peut paraître étrange, si l'on
considère que nous sommes un pays agricole
et qui exporte, mais nous passons ensuite à
l'article " fleur " et trouvons que pour une importation de 229,793 barils seulemant,
nous
avons exporté 1,095,691 barils.
L'
HON. M. CURRIE—Nous avons importé du blé pour le transformer en farine.
L'
HON. M. RYAN—C'est exactement
cela. L'excédant de fleur exporté a été de
865,898 barils qui, computés à 4 1/2 minots par
baril, égalent 3,896,451 minots de blé. Si
l'on déduit de ce blé l'excédant de nos
importations sur nos exportations, savoir:
1,180,535 minots, cela nous laisse 2,716,006
pour exportation, qui, d'après le même calcul,
savoir: 4 1/2 minots par quart, nous donnent un
surplus de 603,557 barils de fleur manufacturés du blé en Canada, pour faire face
à
la demande des trois provinces maritimes,—
demande qui est de 797,000 barils. Ainsi,
si le traité de réciprocité était abrogé, nous
pourrions à peu près leur fournir la fleur dont
elles auraient besoin. (Ecoutez! écoutez!)
Ces importations sont, de plus, très permanentes, car le rapport ajoute:
"Nos importations de farine de blé pour 1863
se sont élevées à 243,391 barils, contre 232,237
barils pour 1862; 210,676 barils our 1861;
198,323 barils pour 1860; 295,356 barils pour
1859; 226,649 barils pour 1858, et 153,515 barils
pour 1857."
Voilà pour ce qui concerne le blé, ou le
blé manufacturé en farine. Elles consomment
aussi une quantité considérable de lard, une
grande quantité de bœuf et autres produits,
—mais je ne désire pas occuper davantage
le temps de la chambre.
L'
HON. M. RYAN—Je vais maintenant
citer le rapport du Nouveau-Brunswick. Il
dit:
"Les produits agricoles de toute espèce importés dans la province, en 1863, formaient
une valeur
de $2,060,702. Voici la description de ces produits:
Farine et moutures de toutes sortes, pain, fêves,
pois et orge perlé, $1,333,786; grain de toutes sortes,
son, nourriture pour chevaux et cochons, $148,413; légumes, y compris les patates,
$76,769;
viandes, savoir: salées, fumées et fraiches, y compris
les volailles, $242,933; beurre, fromage, saindoux
et œufs, $75,235; animaux, y compris les chevaux,
les boeufs, les vaches, les moutons et les cochons,
$58,715; pommes, poires, prunes, canneberges, etc.,
$60,257; suif et matières pour savon, $29,973;
houblon, $5,226; foin, $3,142; drèche, $4,719;
arbrisseaux, arbres, etc., $2,188; graines, $10,816;
laine, $8,531, fermant en tout, en monnaie courante, £515,175. La valeur des produits
agricoles
importés en 1862 a été de £476,581 courant; en
1861, elle a été de £447,083 courant, et en 1860
elle a été de £447,841 courant."
Les rapports de la Nouvelle-Ecosse et de
Terreneuve démontrent aussi que des quantités considérables de produits agricoles
de
toute espèce sont importées dans ces colonies, de même que des quantités considérables
de lard et autres viandes, que nous
pourrions aisément et avantageusement fournir. Eh bien! le Canada pourra fournir
tous ces articles, et il y a un autre item dans
ces rapports qui est digne d'être signalé.
Les provinces d'en-bas importent des quantités considérables de bottes et chaussures.
Le rapport du Nouveau-Brunswick établit
que:
"La valeur des bottes et chaussures importées
en 1863 a été de $59,361, droits $7, 521, contre
$57,957, droits, $9,105 en 1862; $101,967, droits,
$16,385 en 1861, et $131,424, droits, $20,832 en
1860."
343
Eh bien! sous la confédération, nous
exporterions franc de droit du Canada, où
ces articles se manufacturent sur une grande
échelle, et nous pourrions approvisionner
les marchés des provinces d'en-bas de ces
articles et de quelques autres. (Ecoutez!)
S'il est une chose, dans une connexion avec
les provinces d'en-bas, qu'il ne nous faut
pas perdre de vue, c'est le fait qu'elles
possèdent des mines de charbon considérables. Ces mines devront, éventuellement,
créer autour d'elles des centres manufacturiers, augmenter le chiffre de la population,
et rendre plus considérable qu'aujourd'hui
la demande intérieure de produits agricoles
du Haut-Canada. (Ecoutez!) Je puis maintenant faire allusion au chemin de fer intercolonial
et exprimer l'espoir que le gouvernement apportera la plus grande économie possible
dans sa construction. On peut
toutefois dire que, quel que soit le chiffre de
la somme qu'il coûtera, cet argent sera
dépensé dans le pays, c'est-à-dire dans notre
propre pays, sera dépensé au milieu de nous,
et aura l'effet d'attirer un grand concours de
travailleurs; et j'espère et j'ai confiance que
l'administration réglera sa construction de
telle façon que les travailleurs seront induits
à s'établir sur les terres traversées par la ligne,
lesquelles, me dit-on, sont très propres à
faire des établissements, créant ainsi un
autre marché pour nos manufactures et nos
produits, afin que si le traité de réciprocité
nous est enlevé,—éventualité que je regretterais autant que qui que ce soit,—nous
ayions
une compensation quelconque, compensation
que nous aurons, messieurs, si nous envisageons notre position hardiment et énergiquement,
et si nous profitons des avantages
qui se présentent. (Ecoutez! écoutez!)
Relativement à l'assertion que le chemin ne
sera d'aucune valeur pour notre défense,
comme je ne suis point un homme de guerre,
c'est-à-dire rien de plus qu'un officier de la
milice, je n'ai pas la prétention de donner
une opinion d'une haute portée, mais il me
semble que, placé comme il le sera à une
certaine distance de la frontière, une attaque
en hiver contre le chemin de fer sera à peu
près impossible; en outre, il sera de notre
devoir de protéger notre frontière de telle
façon qu'on ne puisse faire chez nous des
incursions qui réussissent, et j'espère que
nous serons en état de le faire. (Ecoutez!)
On a dit que le gouvernement anglais ne
songerait pas à envoyer des troupes
d'Halifax au Canada par chemin de fer, mais
j'avoue que je ne partage pas cette opinion.
Si, dans la guerre qui se poursuit aujourd'hui
aux Etats-Unis, on a pu voir qu'il était facile
de couper les voies ferrées, il a aussi été
prouvé qu'on pouvait facilement les rétablir,
et leur appréciation par les hommes de guerre
est clairement démontrée par les luttes qu'ils
font, soit pour s'en rendre maîtres, soit pour
en conserver la possession. Si une voie
ferrée est coupée à un certain endroit, ils
ont sous la main tout ce qu'il leur faut pour
la réparer promptement. Dans l'art moderne
de faire la guerre se trouve compris l'établissement de chemins de fer et de lignes
télégraphiques, et les armées ont des corps
spéciaux pour faire ces travaux. (Ecoutez!)
Il est un autre fait, important au point de
vue militaire, et qu'on a perdu de vue, c'est
que, bien que les soldats peuvent marcher
sur la neige, il est impossible de mettre des
raquettes et de faire voyager sur la neige les
munitions de guerre, les articles pesants
dont on se sert pour faire la guerre, tels
que les canons et les mortiers. (Ecoutez!
et rires.) Je pense que le chemin de fer
serait d'une valeur incalculable pour transporter des articles de cette nature si
l'occasion
s'en présentait, ce qui, je l'espère, n'arrivera
jamais. Il est cependant bon d'être préparés
à une éventualité comme celle de la guerre,
car c'est le meilleur moyen de l'éviter.
(Ecoutez!) Je puis maintenant dire un mot
de certaines observations faites dans le cours
du débat par quelques hon. membres, qui
ont déclaré que le fait que certaines portions
de la population des provinces d'en-bas étaient
adonnées à l'industrie de la pêche, ferait
qu'elles seraient d'autant moins capables
d'aider le Canada en cas de guerre. Je ne
saurais concourir dans cette opinion, car s'il
est une chose plus qu'une autre avec laquelle
elles peuvent nous aider, c'est avec leur population de hardis et rudes marins qui
pourraient
monter les vaisseaux de la confédération et
de l'empire et harceler avec beaucoup d'effet
le commerce et les villes du littoral appartenant à tout ennemi étranger. On a dit,
hon.
messieurs, que cette mesure va être passée
avec précipitation, et on s'est plaint de ce
qu'elle n'a pas été soumis au verdict du
peuple. Mars voyez donc les conséquences,
si on l'avait ainsi référée au pays. Envisagez
les conséquences d'un délai! Vous avez lu
aujourd'hui le télégramme qui annonce la
réunion du parlement britannique, et je suis
content de voir dans le discours de Sa Majesté
l'observation qu'elle a approuvé la mesure
344
qui est maintenant soumise à notre considération. Eh bien! hon. messieurs, le parlement
britannique ne siégera pas pendant une
période indéfinie. Sa session, cette année,
peut être plus courte que de coutume, car la
dissolution naturelle de ce parlement et la
réunion d'un nouveau se suivent ordinairement de près, et les partis opposés, en règle
générale, s'efforcent, lorsque la fin d'un parlement approche, d'effectuer un changement
d'administration. Quiconque lit les journaux
anglais et les documents politiques verra
qu'un changement de ministère est attendu
avec confiance par quelques uns, et si le
ministère actuel est défait et le parlement est
dissout, l'esprit des hommes d'Etat anglais
sera entièrement occupé de leurs propres
affaires, de sorte que lorsqu'ils se réuniront
de nouveau cet été pour une courte session,
ce sera simplement pour législater sur leurs
affaires locales, et notre projet de confédération se trouvera peut-être alors indéfiniment
ajourné.
L'
HON. M. RYAN—Je pense que tout
homme qui veut ouvrir les yeux peut voir
que les évènements marchent sur ce continent avec une grande rapidité. Les évènements
succèdent aux évènements avec une
telle rapidité qu'il nous est à peine possible
de dire de que côté nous viendra le prochain.
Déjà on nous parle des grands succès
anticipés du Nord. S'il est vrai que Charleston a été évacuée, cela portera un coup
sérieux à la cause du Sud, et si le Sud est
conquis, nous connaissons les sentiments que,
depuis trois ans, les Etats-Unis entretiennent
pour le Canada. Il se tourneront peut-être
vers le Nord pour faire de nouvelles conquêtes et essayer d'humilier une puissance
qui n'a pas toujours exactement agi comme
ils l'auraient désiré. Arrive que pourra,
nous devrons être préparés à faire face à une
pareille éventualité, préparés à repousser
une attaque, préparés à défendre nos foyers
et la libre constitution sous laquelle nous
vivons. Je terminerai en disant que si, dans
les temps passés, les citoyens de Montréal
ont été accusés d'avoir employé leur énergie
à des fins mauvaises, ils sont prêts aujourd'hui, et je le dis de bonne part et spécialement
pour la nationalité à laquelle j'appartiens, ils sont prêts, dis-je, à consacrer cette
énergie à la défense de la province. Ils
sont venus chercher une patrie dans ce
pays et ils en ont trouvé une où ils ne sont
point opprimés par aucune injustice, où il
n'existe aucune distinction blessante entre
les races et les croyances; et ils apprécient
les bienfaits et affectionnent les institutions sous lesquelles ils vivent; ils sont
prêts à les défendre, et ils regardent l'union
des provinces de l'Amérique Britannique du
Nord comme le plus sûr moyen de préserver
et de perfectionner ces institutions. (Applaudissements.)
L'
HON. M. PRICE —Hon. messieurs:—
Etant un des membres nouvellement élus de
cette chambre, je tiens à dire quelques mots
afin de bien définir ma position avant qu'on
ne prenne le vote. On a dit que j'étais en
faveur de la confédération parce que j'y
voyais le seul moyen de pourvoir à notre
défense. Toutefois avant d'avoir eu connaissance des détails autrement que par la
lecture
des résolutions, je ne pouvais me résoudre
à voter pour cette mesure. Antérieurement
à la nomination lors de l'élection dans ma
division, la presse avait fait connaître au
public les vues de la conférence; j'en expliquai tous les détails que je connaissais
et,
aux
hustings, les électeurs se déclarèrent
unanimement en faveur du projet. (Ecoutez!)
Je voudrais pouvoir discuter tous les détails,
clause par clause, mais il est impossible de
procéder ainsi en ce moment. Il n'est point
surprenant que presque chaque membre de la
chambre soit opposé à une ou plusieurs des
résolutions, car dans toutes les questions,
même lorsque nous siégeons en comité, nous
ne sommes pas toujours unanimes. Mais avant
d'aller plus loin, je dois remercier mon hon.
ami le premier ministre pour les observations
flatteuses qu'il a faites en parlant de mon père
et de moi-même au commencement de ce
débat. Depuis vingt ans je réside dans le
collége électoral qui m'a député ici et, si j'ai
été élu presque sans opposition, je le dois à
l'amitié que professent pour moi la plus
grande partie de mes commettants. Bien
que je représente une population d'opinions
religieuses différentes des miennes, je ne crois
cependant pas avoir eu plus de vingt-six votes
protestants. J'ai de nombreuses relations
et des amis parmi les membres du clergé
catholique romain. Je les ai toujours trouvés
loyaux et libéraux dans leurs vues et, comme
corps, presqu'unanimement en faveur du
projet de confédération qu'ils considèrent
comme le seul moyen de sortir de nos difficultés politiques et de maintenir nos rapports
avec l'Angleterre qui a toujours assuré la plus
grande liberté à ceux qui vivent sous ses
lois; et je suis certain que les Canadiens
345
défendraient le drapeau national jusqu'à la
dernière goutte de leur sang. Etant membre
électif de cette chambre, le projet de confédération m'offre la chance d'avoir un
siége
à vie. Je m'en soucie peu, à vrai dire; mais
tous mes commettants ont été unanimes à
me féliciter de la perspective qui s'ouvre
devant moi et, en votant pour le projet, je
suis sûr de leur donner satisfaction. En
1856, j'ai voté pour l'adoption du principe
électif dans cette chambre, mais, je l'avoue,
c'était contre mes convictions et uniquement
pour maintenir le gouvernement, car j'ai
toujours cru que le conseil législatif devait
être un corps essentiellement conservateur.
Je crois qu'il doit y avoir une branche de la
législature où l'on puisse examiner les questions sans trop se préoccuper des préjugés
du peuple, si cela est possible; que nous
devons nous mettre en dehors de cet esprit
de parti politique qui domine la plupart des
membres de l'autre chambre dont quelques- uns ne doivent leurs siéges qu'à la majorité
d'une voix. Des membres élus de la sorte
ne représentent certainement pas l'opinion
publique. Quant à moi, j'ai l'intention de
voter pour ces résolutions, car il s'agit pour
nous de devenir une forte confédération ou
de nous en aller, chiquet à chiquet, dans
l'union américaine. (Ecoutez!) Je crois
qu'il existe parmi nous une forte tendance
à l'annexion, tendance que nous ne pouvons
combattre qu'en formant une confédération
puissante. Et si nous ne prenons pas immédiatement ce parti, nous perdons une occasion
qui ne se présentera jamais. Quelques hon.
membres ont dit que notre dette s'augmenterait rapidement dans la confédération. Il
est pénible d'avoir à le reconnaître, mais
c'est malheureusement probable. Mais quelle
serait notre dette si nous étions annexés aux
Etats-Unis? quelles seraient nos taxes si,
en outre de notre dette actuelle, nous avions
à payer une part de la dette énorme de ce
pays? Pour moi, persuadé que c'est l'unique
occasion que nous aurons de réaliser ce projet,
je croirais manquer à mon devoir en ne votant
pas pour la mesure. C'est le seul moyen
pratique de régler les difficultés qui affligent
le pays. Depuis dix ans, pendant lesquels
j'ai eu l'honneur d'être représentant du
peuple, la lutte a été incessante entre le
parti au pouvoir et le parti qui venait de le
perdre. A cela le pays n'a rien gagné. Si
les hon. membres veulent bien juger impartialement la question et se convaincre que
nous ne pouvons en changer aucun détail
sans tout compromettre, ils l'appuieront, sans
hésiter, de leur vote. Si je comprends bien,
les détails relatifs à la formation de nos
gouvernements locaux nous seront bientôt
soumis, et alors nous pourrons les examiner
à loisir et les modifier si nous le jugeons
convenable. (Ecoutez!)
L'
HON. M. REESOR —Je n'ai pas l'intention de parler longuement, mais avant qu'on
ne prenne le vote, je désire attirer l'attention
de la chambre sur deux ou trois points en
particulier. (Cris de: question! question!)—
Si je ne suis pas dans l'ordre je vais m'asseoir.
L'
HON. M. REESOR—Je désire rappeler
à la chambre l'opinion d'un auteur célèbre
cité par mon hon. ami pour la division de
Victoria (M. RYAN). Mon hon. ami a lu
des passages d'un ouvrage de JOHN STUART
MILLS, auteur d'ouvrages hautement appréciés sur le gouvernement représentatif. Mon
hon. ami aurait dû, à mon sens, prolonger
un peu sa citation; voici ce que dit
MILLS:
"Selon moi, la considération la plus puissante
en faveur des deux chambres (et ceci est important) est le mauvais effet produit sur
tout chargé
de pouvoirs, soit individu soit assemblée, par
l'idée qu'il n'a besoin de consulter que lui-même."
Cela est parlaitement vrai. Mais que
demande mon hon. ami? Il veut que tout le
pouvoir soit concentré dans le gouvernement
général; que le gouvernement ait la faculté
de nommer cette chambre, en sorte que
toute l'autorité sera réunie dans un seul
corps. L'écrivain qu'il a cité condamne ce
principe dans les termes suivants:
"Si les ouvrages qui ont fait la réputation
d'un écrivain ne traitent pas de la politique, ils ne
prouvent en rien ses aptitudes à la représentation,
mais si on base les choix sur le mérite d'écrits
politiques les ministères successifs pourront
inonder la chambre de partisans aveugles."
Voilà où nous entraînerait mon hon. ami;
" il donnerait un ministère le pouvoir d'inonder la chambre de partisans aveugles."—
Il a aussi été trop loin en parlant du commerce des provinces. Il a dit que le Nouveau-Brunswick
et la Nouvelle-Ecosse nous
enleveraient nos manufactures, par exemple,
nos grandes fabriques de chaussures. Il a
ajouté que la Nouvelle-Ecosse avait du charbon et que là où il y a du charbon l'avenir
des manufactures est assuré.
L'
HON. M. RYAN—Le charbon n'est
pas employé dans la fabrique des chaussures
346
L'
HON. M. REESOR—Mais le charbon
assure l'avenir d'un pays manufacturier, et
je ne vois pas pourquoi, en cette qualité, la
Nouvelle-Ecosse ne pourrait pas fabriquer
des chaussures à aussi bon marché que
Montréal. J'ai appris dernièrement que ces
articles sont fabriqués sur une grande
échelle dans la ville de St. Jean. La maind'œuvre est au même prix dans le Nouveau-
Brunswick qu'en Canada, et je ne vois pas
pourquoi on n'y fabriquerait pas ces articles
au lieu de venir les chercher en Canada.
L'
HON. M. RYAN—En ce qui concerne
les opinions de M. MILLS, voici le passage
que j'ai cité:
"Dans tout système politique il devrait y
avoir un centre de résistance au pouvoir prédominant de la constitution, et, en conséquence,
dans
un gouvernement démocratique, un noyau de
résistance à la démocratie. Je l'ai déjà dit et je
considère ce principe comme une maxime fondamentale du gouvernement. Si un peuple
possédant une représentation démocratique se trouve,
en conséquence de ses antécédents historiques,
plus disposé à tolérer un pareil centre de résistance sous forme de seconde chambre
ou chambre
des Lords, plutôt que sous toute autre forme, c'est
une très forte raison pour qu'on lui donne cette
forme."
Il admet qu'un contrôle peut être convenablement exercé par une chambre des
lords ou conseil législatif, mais il ne croit
pas que ce soit le meilleur contrôle possible,
et il en indique un autre dans les détails
duquel je ne saurais entrer ici.
L'
HON. M. CURRIE—Je désire faire
une question à l'hon. commissaire des terres
de la couronne, au sujet du 5e paragraphe
de la 29e clause qui confie au parlement
fédéral: " le prélèvement des deniers par
tous autres modes ou systèmes de taxation."
Cela veut-il dire que le gouvernement
général aura le pouvoir d'imposer des taxes
locales sur les terres des provinces?
L'
HON. M. CURRIE—Le 34e paragraphe
de la même clause confie au gouvernement
général " l'établissement d'une cour générale
d'appel pour les provinces fédérées." Cette
cour remplacera-t-elle les cours d'appel
que nous avons aujourd'hui; abolira-t-on
ces dernières pour en avoir de nouvelles?
L'
HON. M. CAMPBELL—Je crois que
mon hon. ami n'a pas compris le sens de ce
paragraphe. Il n'est pas dit qu'on établira
une cour générale d'appel, mais seulement
que le gouvernement général aura ce droit.
L'
HON. M. CAMPBELL—Si le parlement passe une loi pour établir une nouvelle
cour d'appel, cette même loi indiquera si
cette cour devra remplacer les anciennes ou
si elle leur sera ajoutée.
L'
HON. M. CURRIE — Il me semble
qu'avant de prendre le vote ce point devrait
être bien compris. Et je ne crois pas que,
sur ce point, l'hon. commissaire des terres
ait rempli sa promesse de donner des
réponses explicites aux questions qui pourraient lui être faites relativement au projet.
Une autre chose: la 43me résolution donne
à la législature de la Nouvelle-Ecosse le
pouvoir de légiférer au sujet des droits d'exportation sur le charbon. Que veut dire
cela?
L'
HON. M. CAMPBELL—J'ai toujours
cru que le droit d'exportation était presque
l'équivalent de notre droit régalien. Il remplace ce dernier pour les mines. Et voilà
pourquoi nous donnons à la Nouvelle-Ecosse
le droit de l'exiger sur les charbons exportés
en Canada.
L'
HON. M. CURRIE —L'hon. monsieur
doit comprendre que cela ne peut être un droit
régalien, parce que ce droit s'applique à tout
le charbon consommé dans le pays, tandis
que le droit d'exportation ne s'applique,
d'après le sens même du mot, qu'au charbon
exporté. Le 9me paragraphe de cette résolution laisse aux gouvernements locaux
" l'établissement, l'entretien et l'administration des pénitenciers, maisons de réforme
publiques et des prisons." En Canada il n'y
qu'un pénitencier, qui est celui du Haut- Canada. Cette résolution impose-t-elle à
la
législature locale du Bas-Canada l'établissement et l'entretien d'un nouveau pénitencier
tout en perpétuant celui du Haut- Canada?
L'
HON. M. CAMPBELL — Sans doute;
mais le Bas-Canada peut s'arranger avec le
Haut-Canada pour l'usage temporaire ou
permanent de ce pénitencier comme il le
voudra.
L'
HON. M. CURRIE — D'après le 6me
paragraphe, les législatures locales ont le
contrôle de " l'éducation, sauf les droits et
priviléges que les minorités catholique ou
protestante dans les deux Canadas posséderont par rapport à leurs écoles séparées
au
moment de l'union." Je ne sais pas si l'interprétation qui a été faite de ce paragraphe
dans certaines parties du pays est exacte,
347
savoir: que les catholiques romains n'auront
pas droit à un plus grand nombre d'écoles
qu'il n'en auront lors de la passation de
l'acte d'union. L'hon. commissaire des terres
voudrait-il m'expliquer ce point?
L'
HON. M. CAMPBELL—Cette section
veut dire que le principe d'action, en ce qui
concerne les écoles déjà établies à l'époque
de la nouvelle union, continuera d'être appliqué. Si le parlement actuel et les parlements
des autres provinces adoptent le
projet et si le gouvernement impérial y
donne sa sanction, les principes existants
qui protégent les diverses minorités seront
maintenus dans leur application.
L'
HON. M. CURRIE — Mais supposez,
par exemple, qu'aucun changement ne soit
fait à la loi des écoles communes du Haut- Canada, les catholiques romains auront-ils
le droit d'établir un plus grand nombre
d'écoles séparées?
L'
HON. M. CAMPBELL—Le présent
acte demeurera loi et l'hon. monsieur sait
quels sont les droits des écoles catholiques
romaines en vertu de cet acte.
L'
HON. M. CURRIE—C'est ainsi que je
comprends ce point. Maintenant, au sujet
de la 61ème clause, je demanderai si on se
propose, pendant cette session de la législature, de régler, entre le Haut et le Bas-
Canada, la portion de la dette qui ne sera
pas assumée par la confédération?
L'
HON. M. CAMPBELL—On se propose,
avant d'appliquer le projet de confédération,
de régler la dette entre le Haut et le Bas- Canada.
"En considération de la transmission générale
faite à la législature du pouvoir de taxer, les
provinces auront droit respectivement à un octroi
annuel de 80 centins par tête de la population, d'après le recensement de 1861. La
population de Terreneuve est évaluée, pour cet
objet, à 130,000. Les provinces ne pourront rien
réclamer de plus à l'avenir du gouvernement
général, pour les objets locaux, et cette aide sera
payée à chacune d'elles semi-annuellement, à
l'avance."
L'hon. commissaires des terres voudrait-il
bien me dire pourquoi la population de
Terreneuve est évaluée à 130,000 âmes,
tandis que celle des autres provinces est
fixée d'après le recensement de 1861? On
donne à Terreneuve 8,000 habitants de
plus qu'elle n'en a d'après le recensement,
elle entre, par cette considération pour $200,
000 de trop dans la dette générale, et reçoit
aussi une subvention trop considérable; car
si on admet que la population de Terre- neuve a augmenté de 8,000 âmes de 1861
à 1864 ou 1865, pourquoi ne pas tenir
compte d'un accroissement proportionnel en
Canada? En supposant que la population du
du Canada suive exactement la même loi
d'accroissement elle aura augmenté, dans
les cinq années, de 160,000 âmes, ce qui
nous donnerait droit à une part dans la
dette, excédant de plus de $4,000,000 la
part qu'on nous fait aujourd'hui, et nous
donnerait une augmentation de $130,000,
pour notre subvention locale. Ce chiffre
de 130,000 habitants pour Terreneuve,
m'offusque à un autre titre, c'est que
les populations de la plupart des autres
provinces augmentent plus rapidement que
celle de Terreneuve, et cependant on adopte
pour elles les chiffres du recensement de
1861.
L'
HON. M. CAMPBELL—Voici la raison
de cette anomalie qui n'est qu'apparente:
A Terreneuve on n'a pas fait de recensement en 1861. Le dernier recensement a
eu lieu, je crois, en 1857. Si je ne me
trompe pas, on a évalué l'accroissement
depuis 1861, d'après celui de 1857 à 1861.
Et, en partant de là, on a calculé qu'à
l'époque de l'union la population de Terre- neuve serait d'environ 130,000 âmes.
Voilà pourquoi nous avons adopté ce chiffre.
L'
HON. M. CURRIE—L'hon. monsieur
a raison en disant que le dernier recensement
de Terreneuve a été fait en 1857. Mais on
aurait dû calculer sur l'augmentation de
quatre années seulement, et j'ai peine à
croire que la population de Terreneuve
augmente de 8,000 âmes en quatre ans;
on donne donc à cette province le bénéfice
de quatre ans d'augmentation de plus qu'au
Canada, car notre dernier recensement a eu
lieu en 1861.
L'
HON. M. CAMPBELL—L'hon. monsieur se trompe; nous entrons tous dans la
confédération avec les populations évaluées
à la même date; or, 130,000 est dans ce
cas le chiffre de la population de Terre- neuve. Nous ne faisons aucun avantage à
cette province, elle avait 130,000 habitants
à l'époque du recensement dans les autres
provinces.
L'
HON. M. CURRIE—L'hon. commissaire voudra bien nous dire sans doute si en
évaluant les revenus des diverses provinces,
ou a tenu compte du revenu des douanes
provenant des importations d'une province à
348
la utre? En 1861, l'Ile du Prince-Edouard a
payé, pour droits de douane, une somme de
£l7,769 sterling. Sur ce chiffre, seulement
£11,096 ont été payés pour des marchandises importées de pays étrangers, c'est-à-
dire des pays qui n'entreront pas dans l'union
projetée. De sorte que les habitants de cette
île n'ont payé que 70 centins par tête pour
les marchandises importées des pays étrangers.
L'
HON. M. CAMPBELL—A quel chiffre
fixez-vous le revenu total des douanes de
l'Ile du Prince-Edouard, pour cette année- là?
L'
HON. M. CURRIE—A £l7,769 sterling. La Grande-Bretagne a fourni la plus
grande partie des importations; après elle
viennent la Nouvelle-Ecosse et les Etats- Unis, puis le Nouveau-Brunswick. Le montant
des droits sur les marchandises venant
d'autres pays que les provinces anglaises s'est
élevé, comme je l'ai dit, à £11,096, en
environ les deux-tiers du montant total.
L'
HON. M. CAMPBELL—La personne
la mieux informée sur le montant des revenus
de l'Ile du Prince-Edouard est, je suppose,
l'hon. M. POPE,— secrétaire des finances de
cette île. Or, notre évaluation est basée sur un
rapport imprimé que ce monsieur a soumis à
chacun des membres de la conférence et dans
lequel était indiqué le revenu de l'île en 1863,
et pour une série d'années avant l863 De
même, MM. TILLEY, TUPPER et GALT
nous ont fourni des états des revenus du
Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse
et du Canada; et c'est sur ces états dressés
par les ministres des finances que nos évaluations ont été basées. J'ai remarqué que,
dans un de ses discours, l'hon M. GALT fixe le
revenu total de l'Ile du Prince-Edouard à
$197,000, provenant des douanes et de l'accise, sauf une somme de $32,000.
L'
HON. M. ALEXANDER—Mon hon.
ami pour la division de Niagara (M. CURRIE
a, dans son propre discours, évalué a $153,000 le revenu de l'Ile du Prince-Edouard.
L'
HON SIR E. P. TACHÉ fait alors un
résumé général du débat dans les termes
suivants:— Hon. messieurs: —Je désirais
vivement que tous les membres de cette chambre fussent mis à même d'exprimer leurs
opinions sur la question qui nous occupe depuis
deux ou trois semaines; ne voyant aucun
membre disposé à parler, je crois que le
débat doit se terminer si tel est le bon plaisir
de cette chambre. J'avais commencé à
prendre des notes,—et des notes assez
détaillées,—avec l'intention de répondre
aux divers arguments des hon. messieurs
qui ont parlé contre le projet. Mais d'après
l'avis de quelques amis, d'un trait de plume
j'ai biffé toutes mes observations. (Ecoutez!)
Comme compensation on m'accordera peut- être de placer un mot à mon tour (rires);
et,
pour éviter une nouvelle discussion, j'espère
que ce sacrifice de ma part,—car c'est un
sacrifice (rires)—sera pris en bonne part.
De plus, les quelques observations que j'ai
à faire ne sont pas de nature à provoquer la
réplique. D'abord, je dois répondre à une
question qui m'a été adressée, je crois, par
mon hon. ami pour la division de St. Clair
(M. VIDAL). Il ne comprend pas bien ce
que j'ai voulu dire en parlant d'un plan
incliné au haut duquel je voyais les provinces
dangereusement placées. Il est vrai que,
dans la chaleur de la discussion, je n'ai pas
expliqué en détail cette figure de rhétorique.
J'ai dit qu'un double danger menaçait la
province: en premier lieu, celui de nous
voir lancés violemment dans l'union américaine; et secondement, dans la position
périlleuse où nous nous trouvions, de glisser
vers l'abîme presque à notre insu; cela me
semble assez clair. Néanmoins, comme je
suis Français et que je ne parle pas la langue
anglaise aussi bien que je le voudrais, je
crois qu'on devrait m'accorder un privilége
qu'on ne refuse pas à certaines nations
étrangères; par exemple, on dit qu'un
anglais a le droit de parler une fois, un
Irlandais deux.......
L'
HON SIR E. P. TACHÉ—Soit, trois,
on n'en est que mieux; quant aux Hollandais on les laisse parler jusqu'à ce qu'on
les
ait compris. Eh bien! je réclame le même
privilége que les Hollandais. (Rires.) Quant
à être lancés violemment dans l'union Américaine, si ce projet de confédération ne
passe
pas, il me semble que c'est un résultat très- probable. Supposez que la guerre éclate
sur nos frontières vers la fin de l'automne,
à l'époque où ferme la navigation. Avec le
peu de moyens de défense que nous avons,
nous serions alors dans une position très- fâcheuse, car il nous faudrait attendre
cinq
mois avant de pouvoir espérer du secours de
la mère-patrie. (Ecoutez!) Cela est si
clair que je n'ai pas besoin de l'expliquer davantage. Je dois cependant commenter
et expliquer un peu ce que
j'affirme lorsque je prétends que la province se trouve placée sur un plan incliné
349
c'est pourquoi je déclare que si nous ne
cultivons pas avec les provinces maritimes ces
relations intimes de commerce, de politique
et d'entente mutuelle qui doivent être si naturelles entre des sujets anglais, tous
monarchistes et partageant la même allégeance,
si nous négligeons de nouer et entretenir ces
liens, nous courons à notre perte. Tels que
nous sommes aujourd'hui, nous formons des
populations faibles et isolées, sujettes, probablement, à cette loi de l'ordre physique
qui
veut que les corps plus puissants attirent ou
absorbent les plus petits. Si nous ne fesons
pas d'alliance avec les provinces-sœurs, si
nous n'établissons pas entr'elles et nous ces
relations politiques, sociales et commerciales,
qui sont pour nos intérêts d'une importance si vitale, nous perdrons peu à peu
quelques-uns des principes que nous prisons
si fort aujourd'hui, et notre attachement à
la métropole ira s'effaçant peu-à-peu, de
même que ces souvenirs qui, pour plusieurs
d'entre nous, rendent cet attachement encore
plus fort. Nous deviendrons, soyez en sûrs,
hon. messieurs, de plus en plus démocratisés
et cela avant même que nous nous en apercevions. (Ecoutez! écoutez!) En vérité, si
je devais former mon opinion d'après les
discours que nous avons entendus dans cette
hon. chambre depuis l'ouverture des débats
sur la confédération, je pourrais supposer qu'il
y a plusieurs hon. messieurs qui, à les
entendre, sont déjà rendus à mi-chemin
du plan incliné dont je parle. (Ecoutez!
écoutez! et rires.) Je dis donc, hon. messieurs, que si nous voulons éviter ce danger
nous devons nous unir en confédération avec
les provinces d'en-bas et nous assurer ainsi
une communication toujours facile et toujours
constante avec la mer, afin qu'en cas de danger
le Canada et toutes les parties de l'union
puissent être secourus sur le champ, et
recevoir d'Angleterre une puissante armée
pour nous aider à nous défendre, ce que nous
espérons pouvoir être capables de faire nous- mêmes. (Ecoutez! écoutez!) Un hon.monsieur
a prétendu que j'avais donné à entendre
que si la confédération n'avait pas lieu il
serait impossible au Canada de devenir
prospère; je n'ai jamais rien dit de la sorte;
au contraire je me suis exprimé dans un sens
tout-à-fait opposé. Je pourrais peut-être me
tromper sur la signification du mot prospère;
mais j'ai dit que le Canada avait par lui-même
les moyens de devenir populeux et riche;
j'ai dit aussi que le Canada et les autres
provinces anglo-américaines, sans l'union,
ne pourraient jamais former une puissante
nation, ce qui n'est pas la même chose
qu'une nation prospère. J'ai avancé que
le Canada ne serait jamais puissant sans
l'élément maritime et sans avoir des ports
toujours ouverts aux communications avec
le monde entier. (Ecoutez! écoutez!) Voilà
ce que j'ai dit. On voit donc que je n'ai pas
affirmé que le Canada ne pourrait jamais
devenir prospère, faire de l'argent et ainsi
de suite: au contraire, le Canada peut lui- même être tout cela; mais, eût-il une
population de quarante millions, ce qui arrivera
probablement dans un siècle, il ne deviendra
pas une puissante nation à moins de faire
subir son influence sur le monde entier. Et
comment pourra-t-il atteindre jusque là s'il
est dépourvu de ports de mer ouverts
toute l'année? (Ecoutez! écoutez!) J'ai
dit encore: — " Montrez-moi une seule
nation au monde qui soit arrivée à être puissante sans les éléments maritimes, "—et
j'ai
soutenu qu'il n'y en avait pas. Toute nation
dont le pouvoir s'est fait sentir dans l'univers,
a toujours eu un débouché vers la mer.
Situé comme il l'est, le Canada a grandement
besoin d'un accès toujours libre à la mer; et
tant que nous serons séparés du reste du
monde pendant cinq mois de l'année, même
avec notre magnifique St. Laurent, nous ne
pourrons nous compter comme nation indépendante et en possession de l'élément maritime.
(Ecoutez! écoutez!) J'avais pris
quelques notes en français dans le but de
répondre aux hon. messieurs qui ont porté la
parole en cette langue, mais ayant commencé
mon discours en anglais je vais le continuer.
D'hon. orateurs ont demandé quelles mesures nous prendrions pour protéger les
minorités respectives du Bas et du Haut- Canada, c'est-à-dire la minorité catholique
dans le Haut et la minorité protestante dans
le Bas-Canada. Ces minorités sont à l'heure
qu'il est en possession de certains droits qui,
suivant mon interprétation du projet actuel,
resteraient les mêmes et seraient respectés
sous les gouvernements locaux, quand
même nous ne passerions pas de loi à
cet effet; mais il a été résolu qu'en cas
de nécessité ou leur donnerait plus de protection. Et alors, j'affirme sans hésiter,
que
ce qui sera fait pour une partie du pays
sera également fait pour les autres parties,
et que la justice sera égale. (Ecoutez!
écoutez!) D'hon. messieurs ont prétendu
que nous n'avions fait qu'exposer le plan
général du gouvernement, et nous ont
350
demandé de leur donner des détails sur le bill
des écoles, sur les gouvernements locaux et
sur une foule d'autres questions embrassées
dans l'amendement proposé l'autre jour pas
mon hon. ami de Grandville (M. LETELLIER
DE ST. JUST), lequel amendement avait au
moins une brasse de long, et une très bonne
brasse encore. (Rires.) En supposant que
nous les aurions devant nous, pourrions-nous
en réalité tirer profit de la masse de renseignements demandés par l'hon. député?
Il
me semble que ce serait vouloir introduire
un liquide dans un vase dont le goulot serait
très étroit; en versant trop vite et en trop
grande quantité, vous repandrez le liquide
sur le vase au lieu de l'en emplir. Je crois
que nous en avons assez pour le moment
du principe même de la question sans
encore nous embarrasser de ses accessoires.
D'un autre côté, à quoi serviront ces accessoires si le principe est mis de côté?
(Ecoutez! écoutez!) Croyez-le, hon. messieurs,
aussitôt que ces résolutions seront votées,
alors on vous en communiquera les détails
les uns après les autres, et j'ai lieu d'espérer
qu'ils seront de nature à satisfaire la majorité de cette hon. chambre. (Ecoutez!
écoutez.) Quelques hon. messieurs ont dit que
cette union n'était pas fédérale, mais bien
réellement et de fait une union législative
qui vous était proposée, et l'un d'eux a
cité la 29e clause dans le but de prouver que
le gouvernement général pourra, quand il le
voudra, révoquer aucun des actes des diverses législatures locales;—que le gouvernement
général pourrait, par exemple, abolir
nos institutions religieuses et charitables ou
les dépouiller de leur biens. Je crois que
l'hon. monsieur n'a pas tout vu ce qu'il y
avait dans cette même 29e résolution, car il
en a passé sous silence une partie très-importante qui lui aurait prouvé, s'il ne
l'eût pas
omise, que le projet comportait une union
fédérale et non législative. Je n'ai pas le
moindre doute que mon hon. ami n'ait agi
avec bonne foi; mais étant quelque peu
myope, il a pu oublier quelque chose de cette
résolution et par conséquent arriver à une
conclusion toute différente de celle qui est
la seule vraie. Voici comment est conçue
la 29e clause:—
"Le parlement général aura le pouvoir de
faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon
gouvernement des provinces fédérées (sans toutefois pouvoir porter atteinte à la souveraineté
de
l'Angleterre), et en particulier sur les sujets
suivants, etc."
Puis vient la liste de tous les sujets laissés
au contrôle du gouvernement général. La
résolution ne finit pas encore là; il y a
quelque chose qui vient après, le voici:—
"Et généralement toutes matières d'un caractère général qui ne seront pas spécialement
et
exclusivement réservées au contrôle des législatures et des gouvernements locaux."
Je demanderai maintenant à mes hon.
auditeurs si un acte d'incorporation d'une
société religieuse ou de bienfaisance présenté
à la législature du Bas-Canada est d'un
caractère général ou local? (Ecoutez!
écoutez!) Prenons par exemple le couvent
des Sœurs de Charité:— pense-t-on que le
gouvernement général, d'après cette clause,
pourra toucher en quoique ce soit aux
droits de ces révérendes dames? J'affirme que non, il ne le peut pas. Je suppose
que l'hon. membre qui s'est servi de cet
argument l'a fait de bonne foi et avec
conscience:— mais il doit maintenant lui
paraître évident que, sous le régime fédéral
tel que proposé, le gouvernement général
n'aura aucune autorité quelconque de se
mêler de ces questions. (Ecoutez! écoutez!)
Je dis donc et j'affirme, en me basant sur ce
que je viens de lire, que le gouvernement
général ne pourra, en vertu d'aucun droit,
intervenir dans ce qui regarde les corps
religieux et de bienfaisance. (Ecoutez!
écoutez!) On a fait d'autres remarques sur
les lois de divorce et du mariage, et l'hon.
député de Lanaudière (M. OLIVIER) nous
a dit que la conférence avait bien fait de
laisser la question du divorce au gouvernement général. Cette observation est très-
juste de sa part et je suis heureux de le
reconnaître: mais, d'un autre côté, il a paru
s'inquiéter beaucoup de la portée du mot
mariage mentionné dans les résolutions. Je
vais essayer de le mettre à l'aise sur ce point,
en lui donnant une réponse que je trouve
écrite, de façon à ce que tout malentendu soit
impossible. Si l'hon. monsieur veut s'en
donner la peine, il pourra même écrire cette
réponse que voici:
"Le mot mariage a été inséré, dans les résolutions afin de donner à la législature générale le
droit de décider quelle forme de mariage sera
légale dans toute la confédération, sans cependant
changer en rien les règles et prescriptions de
l'église à laquelle appartiennent les parties contractantes."
Un autre hon. monsieur, l'hon. député de
de Lorimier, je crois, (M. BUREAU), m'a
demandé si le gouvernement général serait
351
responsable des dettes contractées par le
Canada avant l'union fédérale? J'ai répondu:
" Oui,—le gouvernement général sera responsable de toutes les dettes contractées avant
cette date."
"Mais, reprend-il, il se trouve certaines sommes,
à part les soixante-deux millions et demi de
piastres, qui resteront à régler entre le Bas et le
Haut-Canada; que deviendra, par exemple, la
dette due aux seigneurs? ne pourrait-il pas arriver
que le Bas-Ganada répudiât cette partie de la
dette qui lui écherrait?"
Je réponds que le Bas-Canada ne pourrait
en agir ainsi,—quand même il le voudrait;
d'ailleurs, je ne crois pas que le Bas-Canada
fût disposé à répudier une dette qu'il aurait
lui-même contractée et une dette d'honneur
comme celle-là. Cependant, s'il arrivait
que, malgré tout, la répudiation eût lieu,
le gouvernement général n'en resterait pas
moins responsable de cette dette comme
de toutes les autres; et comme il est tenu
de donner au Bas-Canada une subvention
de 80 centins par tête de la population,
il aurait à déduire de cette subvention un
montant égal a celui que le Bas-Canada
aurait à payer pour l'indemnité due aux
seigneurs. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi donc,
l'hon. monsieur, qu'il soit seigneur lui-même
ou non, peut avoir l'esprit très tranquille
sur cette question qui paraît l'intéresser si
vivement.
L'
HON. M. BUREAU—J'ai dit qu'il
avait été établi par un acte public un fonds
destiné à racheter la dette due aux seigneurs,
et que l'abrogation de cette loi équivalait à
un acte de répudiation.—Et alors j'ai simplement ajouté que ce serait faire acte de
répudiation, mais que si vous alliez payer au
Bas-Canada la somme que vous mentionner
pour son gouvernement local, dans le cas où
il refuserait de payer l'indemnité aux
seigneurs, probablement que le gouverne
ment retiendrait sur les 80 centins une somme
suffisante pour cet objet.—Je ne désire pas
pousser cet argument plus loin; et je dois
déclarer que ce n'était que pour argumenter
que j'ai émis cette proposition.
L'
HON. SIR E. P. TACHÉ—Il n'y a
aucune loi de révoquée, pas plus qu'il n'y a
en répudiation. Les seigneurs, suivant ce
qu'il m'en semble, car je puis ne pas comprendre la loi n'étant pas homme de loi,—les
seigneurs, dis-je, auront par la nouvelle constitution une garantie de plus: voilà
ce qui
me parait très-évident. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député de Lorimier a critiqué très
au long les observations si judicieuses,
suivant moi, de l'hon. chevalier (SIR N. F.
BELLEAU)—sur le fonctionnement et les
résultats du gouvernement responsable en ce
pays. L'hon. chevalier avait démontré de
quelle manière le gouvernement responsable
protégerait les catholiques français du Bas- Canada sous la confédération, en disant
que, si jamais le gouvernement général
tentait de commettre un acte d'injustice flagrante, toute la population Bas-Canadienne
se lèverait en masse pour se réunir à la
minorité contre le gouvernement—car on sait
qu'il y aura toujours des minorités—et, ainsi
fortifiée, elle ferait une opposition devant
laquelle aucun ministère ne tiendrait pas
vingt-quatre heures. Voilà ce ne mon hon.
ami a prétendu avec beaucoup de justesse et
de vérité.
"Mais, dit l'hon. député de Lorimier —ne vous
rappelez-vous pas qu'à une certaine époque les
Haut-Canadiens s'unirent à la minorité Bas-Canadienne pour imposer leur volonté au
Bas-Canada?"
Eh! bien, moi je réponds qu'ils n'ont
jamais fait de torts au Bas-Canada, et que
quand même ils l'auraient voulu ils n'auraient
pu venir à bout de leur dessein; pourquoi?
Ne sait-on pas que de 1844 à 1848 le gouvernement avait concédé aux Canadiens-Français
l'usage public de leur langue, afin de s'assurer
de leur appui, et qu'il leur aurait encore
beaucoup plus donné pour obtenir ce résultat?
Le gouvernement d'alors nous aurait donné
tout ce qui a été accordé plus tard,—
même une loi pour décréter une indemnité
à ceux qui avaient souffert des pertes
lors de l'insurrection de 1837-38. Il
vous aurait accordé tout cela, même quelque
chose de plus, pour vous décider à le
soutenir. Il est à regretter, en vérité, que
l'hon. député n'ait pas cité des faits et
qu'il n'ait pas suivi fidèlement l'histoire parlementaire de son pays depuis 1841,
car il aurait
vu que ce que l'on appelait gouvernement
responsable n'était pas encore bien défini, ni
appliqué à cette époque. Il est bien vrai que
SIR CHARLES BAGOT était entré dans les vues
de ses ministres et que le régime nouveau fonctionna très-bien sous son administration:—
mais il mourut, et mes hon. auditeurs doivent
savoir que lord METCALF était opposé au
système de la responsabilité du gouvernement
L'
HON. SIR E. P. TACHÉ— Oui, de
nom seulement, mais pas en pratique; car
autrement MM. LAFONTAINE et BALDWIN
352
ne fussent jamais sortis du cabinet. Ils ne
résignèrent que parce qu'ils se croyaient
responsables au parlement de nominations
que lord METCALF avait faites sans consulter
ses conseillers constitutionnels. Ainsi donc,
le fait cité par l'hon. monsieur (M. BUREAU)
pour détruire la thèse de mon hon. ami
(Sir N. F. BELLEAU) n'a aucune portée,
parce qu'il n'a pas d'application aux circonstances actuelles, et parce que, je le
répète,
le gouvernement responsable n'existait pas
encore alors.
L'
HON. M. BUREAU—L'hon. monsieur
a lui-même prétendu que depuis la mort de
lord BAGOT nous n'avions pas eu le gouvernement responsable.
L'
HON. SIR E. P. TACHÉ—Assurément, l'hon. monsieur m'a mal compris, car
je crois avoir dit que sous lord METCALF
le gouvernement responsable n'avait eu
d'existence que de nom, et c'est ce dont se
convaincra l'hon. monsieur en étudiant un
peu plus l'histoire parlementaire de ce pays.
La conséquence du différend entre lord
METCALF et ses ministres fut la résignation
de messieurs LAFONTAINE et BALDWIN, et
l'on vit le parti du Bas-Canada se ranger de
l'avis de ces derniers sans se briser aucunement. Les ministres qui vinrent ensuite
essayèrent sans doute de faire quelques
brèches à cette majorité et de s'en détacher
des partisans:—mais ce fut en vain. La
représentation du Bas-Canada resta inébranlable jusqu'à ce que les élections de 1848
ramenèrent les partis politiques à peu près
dans le même état. J'ai déjà dit que j'avais
détruit mes notes; je suis donc prêt à
attendre le jugement de cette hon. chambre.
(Applaudissements.)
L'
HON. M. VIDAL—Comme je regarde
de mon devoir de voter la proposition qui se
trouve devant la chambre, je crois important
de repousser d'avance le reproche d'inconséquence que l'on pourrait me faire d'avoir
également voté pour les amendements qui
ont été proposés et rejetés. Je dois déclarer
que mes vues sur l'utilité de soumettre la
question au peuple sont les mêmes, car on
ne m'a pas convaincu que cela fut mal en
principe et dût tendre à détruire la mesure.
Mais on se rappellera que j'ai dit aussi que
j'approuvais le projet de confédération et que
c'était afin de l'asseoir sur la volonté des
masses que je voulais l'appel au peuple.
Comme l'amendement proposé dans ce but
a été rejeté, il ne me reste plus qu'à
décider si je dois accepter ou refuser le
projet tel qu'il est aujourd'hui: et c'est
pourquoi je déclare que, vu les circonstances, je voterai les résolutions. (Ecoutez!
écoutez!)
La question fut alors proposée sur la
motion principale qui fut emportée sur la
division suivante:
POUR:—Les hon. messieurs Alexander, Allan,
Armand, Sir N. F. Belleau, Bennett, Fergusson
Blair, Blake, Boulton, Bossé, Bull, Burnham,
Campbell, Christie, Crawford, DeBeaujeu, Dickson, A. J. Duchesnay, E. H. J. Duchesnay,
Dumouchel, Ferrier, Foster, Gingras, Guévremont,
Hamilton (Inkerman), Hamilton (Kingston),
Lacoste, Leonard, Leslie, McCrea, McDonald,
McMaster, Macpherson, Matheson Mills, Panet,
Price, Read Renaud, Ross, Ryan, Shaw, Skead, Sir
E. P. Taché, Vidal, Wilson.—45.
CONTRE:—Les hon. messieurs Aikins, Archambault, Armstrong, Bureau, Chaffers, Currie,
Flint,
Letellier de St. Just, Malhiot, Moore, Olivier,
Proulx, Ressor, Seymour, Simpson.—15.
L'
HON. SIR E. P. TACHÉ propose alors,
secondé par l'hon. M. FERGUSSON BLAIR,
qu'il soit nommé un comité spécial pour
rédiger une adresse basée sur la résolution, et que le comité soit composé des hon.
MM. CAMPBELL, FERGUSSON BLAIR, ROSS,
CHRISTIE, SIR N. F. BELLEAU et de l'auteur de la présente motion. Emporté.
La chambre s'ajourne alors à loisir.
Quelque temps après la séance est reprise,
et l'hon. SIR E. P. TACHÉ, de la part du dit
comité, fait rapport d'une adresse, et propose,
secondé par l'hon. M. FERGUSSON BLAIR, que
la dite adresse soit agréée,—ce ce qui est
adopté. Il est alors ordonné que la dite
adresse soit grossoyée et, signée par l'hon.
ORATEUR de cette chambre, présentée à Son
Excellence le Gouverneur-Général, par toute
la chambre. Il est, en outre, ordonné que
les membres du conseil exécutif, qui sont
membres de cette chambre, se rendent auprès
de Son Excellence le Gouverneur-Général,
pour savoir en quel temps il plaira à Son
Excellence recevoir la dite adresse.
Et la chambre s'ajourne.