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Conseil Législatif, 20 Février 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

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CONSEIL LEGISLATIF.

LUNDI, 20 février 1865.

L'HON. M. AIKINS—Les hon. messieurs qui se trouvaient ici la dernière fois que j'eus l'honneur de prendre la parole dans cette chambre, doivent se rappeler que je me suis exprimé dans un langage très fort à propos des changements qu'on se propose de faire subir à cette branche de la législature en vertu des résolutions qui nous sont soumises. Bien que, depuis cette époque, j'aie prêté une attention soutenue aux hon. membres qui ont traité la question, je dois dire que je ne leur ai pas entendu donner une seule raison qui fût de nature à me convaincre que le principe électif quant à ce qui concerne cette hon. chambre, devrait être aboli. Les fervents apôtres de la confédération ont affirmé que si on admettait quelque amendement affectant les principes généraux des résolutions, cela serait regardé comme une défaite,—que le projet devrait être considéré de nouveau,—et que les négociations entamées avec les provinces maritimes devraient être recommencées afin de les faire cadrer avec les vues nouvelles sur le sujet. Si l'amendement de l'hon. député de Wellington (M. SANBORN) eût été adopté, cela aurait pu avoir lieu, mais comme la motion que je vais proposer ne s'applique qu'aux Canadas, il ne pourrait en être ainsi. On se rappellera que cet amendement n'affirmait pas simplement l'application du principe électif à toutes les provinces, mais de plus, que les membres nommés à vie qui siégent aujourd'hui dans cette chambre continueraient d'y siéger. Cet amendement allait même plus loin et déclarait qu'on devrait admettre dans cette chambre autant de députés des provinces maritimes qu'il y avait de membres nommés à vie. En consultant le vote qui fut pris sur cet amendement, je trouve que sur les 41 voix qui le rejetèrent, il se trouva 11 des membres nommés à vie, trois de ces derniers seulement lui étant favorables. Ainsi, la grande majorité de ces membres rejeta les principes qui y étaient affirmés. Je mentionne ce fait d'une manière toute particulière, parce que je considère que les membres à vie de cette chambre peuvent se dire que mon amendement est spécialement dirigé contre eux, et que s'il était adopté il leur serait appliqué. Hon. messieurs, le vote qu'il ont déjà donné sur la résolution en question est ma justification, et en affirmant les principes généraux des résolutions relatives à la confédération, ces messieurs voteront pour une mesure qui pourra les priver de leurs siéges.
L'HON. M. CAMPBELL—Ecoutez! écoutez!
L'HON. M. AIKINS—L'hon. commissaire des terres de la couronne crie " écoutez! écoutez!" mais je pense qu'après avoir affirmé par leur vote qu'ils ne désirent pas que le principe électif soit adopté, les membres de cette chambre nommés à vie ne peuvent pas trouver mal que moi, qui suis un des membres élus, j'affirme que ce principe devrait prévaloir. Et il me semble, hon. messieurs, que si cette chambre est constituée comme les résolutions le font prévoir, elle sera l'un des corps les moins responsables et les plus indépendants qu'il serait possible de créer, la couronne n'ayant aucun contrôle sur elle. Le pouvoir de la dissoudre ne se trouve nulle part; la couronne ne peut ajouter au nombre de ses membres; et quelque graves que puissent être les difficultés qui pourraient se produire sous le système électif, qui laisse au peuple le moyen de les faire disparaître, on verra que ces 321 difficultés s'augmenteront considérablement sous le système proposé. Il a été dit par quelques hon. membres qu'une impasse constitutionnelle pourrait en résulter. C'était là l'impression qui prédominait lors de l'introduction du principe électif, mais il en est peu qui, dans le cours du débat actuel, aient cru devoir se servir de cet argument, parce que les résultats n'en ont pas justifié la justesse. Mais s'il était possible qu'une impasse de ce genre pût se produire avec le système électif, la chose est infiniment plus susceptible de se produire sous le système proposé dans les résolutions. Si depuis l'introduction du principe électif cette chambre eût manifesté quelque tendance,—si nous avions tenté de quelque manière que ce soit d'usurper les principes exclusifs de l'assemblée législative, on pourrait dans ce cas affirmer avec raison que l'introduction du principe électif dans cette chambre était un principe dangereux. Mais il n'en a pas été ainsi. Je pense que le principe électif a bien fonctionné, et qu'en tant qu'il s'agit du danger d'un conflit, il est encore plus impos sible sous le système actuel que sous le système nominatif. Etant de cette opinion, j'ai cru devoir soumettre mon amendement à la chambre, et j'ai confiance que la question sera loyalement discutée d'après ses mérites. Je prends donc la liberté de faire motion, secondé par l'hon. M. BUREAU:
Qu'il soit résolu, en amendement aux résolutions de Sir E. P Taché: Que les conseillers législatifs devant représenter le Haut et le Bas- Canada au conseil législatif de la législature générale, seront élus comme ils le sont maintenant pour représenter les quarante-huit colléges électoraux mentionnés dans la cédule A du chapitre premier des statuts refondus du Canada, et devront avoir leur résidence ou posséder leur sens d'éligibilité dans le collége qui les élira.
Plusieurs des hon. membre qui sont entièrement favorables à ce projet, peuvent prétendre qu'il y a beaucoup plus de symétrie dans la mesure comprise dans les résolutions que n'en offrirait ma motion si elle était adoptée. Mais, à vrai dire, il y a bien peu d'harmonie dans ces résolutions. Elles portent que les conseillers nommés pour le Bas- Canada devront résider dans certaines divisions ou y avoir des propriétés; pour le Haut- Canada, la même condition est exigée, mais il n'est point fait de restriction quant à la résidence; tandis que pour l'une des provinces maritimes (l'Ile du Prince-Edouard) la propriété mobilière est la seule base du sens d'éligibilité. Ainsi donc, le système ne présente, en réalité, que très peu de symétrie. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. SIR N. F. BELLEAU—Soulève le point d'ordre et dit que l'amendement a déjà été en substance réglé par le vote donné sur l'amendement de l'hon. M. SANBORN.
L'HON. M. L'ORATEUR—La question d'ordre soulevée par l'hon. monsieur est celle-ci: l'amendement maintenant proposé n'est-il pas, en substance, le même que celui sur laquelle la chambre s'est prononcée et qui a été proposé par l'hon. M. SANBORN; et s'il l'est, est-il dans l'ordre? Avant de donner ma décision, je désire que l'auteur de l'amendement explique lui-même la différence qu'il y a entre sa motion et celle qui a déjà été décidée par la chambre, si toutefois il juge à propos de le faire.
L'HON. M. AIKINS—Je maintiens que son effet ne sera pas le même que celui de l'amendement proposé par l'hon. député de Wellington. Il est vrai que le principe électif est affirmé dans les deux; mais, d'un autre côté, la motion de l'hon M. SANBORN allait plus loin et appliquait le principe électif aux provinces maritimes, et proposait de conserver les membres nommés à vie; elle étendait aussi le principe nominatif aux provinces maritimes, et avait en vue d'ajouter à cette chambre dix membres nommés à vie et pris dans les provinces maritimes. Ma motion affirme simplement l'application du principe électif au Canada, et je crois qu'il y a une grande différence entre les deux.
L'HON. M. ROSS —Il n'y a pas de doute que la motion de l'hon. député de Wellington embrassait tout ce que celle-ci contient, et beaucoup plus encore. De sorte que si la motion qu'on a rejetée l'autre jour embrasse ce que celle-ci contient, la présente motion n'est pas dans l'ordre, puisqu'elle contient un principe sur lequel cette chambre s'est déjà prononcée.
L'HON. M. L'ORATEUR—Il peut y avoir quelque difficulté à décider une question comme celle-ci, parce que les deux motions, tout en n'étant pas identiques, le sont presque sur un point. L'argument que la motion de l'hon. M. SANBORN contenait plus que ne renferme la présente motion ne saurait s'appliquer du cas actuel. La question est celle-ci: contient-elle ce qui était renfermé dans la motion déjà soumise au vote? Le fait qu'en décidant sur cette matière particulière la chambre s'est prononcée sur d'autres choses qui s'y rattachaient, ne saurait affecter le cas 322 actuel. La raison pour laquelle il a été fait des réglements pour décider des questions de ce genre, a été de ne pas exposer le parlement à juger un jour d'une façon et le lendemian d'une autre, et aussi pour éviter les surprises qu'on pourrait tenter en introduisant une seconde fois des questions en l'absence de membres qui auraient déjà voté sur ces mêmes questions. Si cette motion est adoptée, on aura affirmé un principe qui a été négativé lorsque la motion de l'hon M. SANBORN était devant la chambre. Il n'est pas nécessaire que les deux motions soient exactement semblables: il suffit qu'au fond elles le soient. Je citerai à ce sujet quelques mots de MAY:—
"Il est de règle pour les deux chambres de ne pas admettre de question ou bill dont la substance est la même que celle d'aucun bill ou question sur lequel elles ont eu a prononcer leur jugement dans une même session. Cela est nécessaire pour empêcher que des décisions différentes ne soient données, et pour éviter des surprises de ce genre, qu'une question qui a d'abord été décidée dans l'affirmative le soit dans la négative."
Si nous adoptions la motion qui est maintenant devant la chambre, nous ferions ce que, d'après MAY, les règles du parlement ont eu pour but d'empêcher, car ce serait affirmer un jour un principe et le condamner le lendemain. MAY ajoute:
"Lorsqu'une question a été proposée et décidée dans l'affirmative ou la négative, elle ne peut être discutée de nouveau, mais doit être regardée comme le jugement de la chambre."
Je dois dire que, dans mon opinion, la résolution se trouve en substance renfermée dans la résolution déjà jugée, et qu'en conséquence elle n'est pas dans l'ordre. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. AIKINS—Je dois avouer que j'aurais aimé à voir la chambre se prononcer sur la motion; mais je suis prêt à me soumettre à la décision de l'ORATEUR. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. L'ORATEUR—Afin que la décision que je viens de rendre soit bien comprise, et pour mieux faire comprendre qu'une motion qui a été une fois négativée est finalement réglée,—matière sur laquelle on pourrait avoir des doutes,—je vais citer le paragraphe suivant que je trouve dans les règlements du parlement impérial:
"Une question qui a été une fois adoptée ou négativée, ne peut plus être proposée."
L'HON. M. FLINT—Hon. messieurs— Je regrette profondément que l'amendement de mon hon. ami n'ait pas pu être soumis à cette chambre; s'il eût été reçu, nous aurions eu un vote plus direct sur le principe qu'il contient: celui de l'application du principe électif à cette chambre. Il est vrai que l'hon. député de Wellington avait incorporé le même principe dans la résolution qu'il a soumis à la chambre et qui a été négativée. J'avoue que lorsque j'ai vu cet amendement sur les avis de motions, j'ai eu fort peu d'espoir qu'on permettrait qu'il fût considéré. Cependant, j'espérais que la chambre aurait des égards pour l'hon. monsieur, et permettrait que sa motion fut placée sur les journaux de la chambre. Ayant été délégué ici par un collége électoral renfermant en-   viron 75,000 habitants, grâce au principe électif, je sens que je remplirais mal mon devoir vis-à-vis de ce collége électoral,— n'ayant pas reçu d'autres instructions directes et positives à ce contraire,—si je me levait dans cette enceinte pour aider à lui enlever le privilége de la franchise électorale qui lui a été concédé par le parlement. Si ce principe n'avait été octroyé, la position serait tout à fait différente. Mais après avoir octroyé à un peuple le droit de décider qui le représentera dans cette chambre, on devrait aussi lui demander, avant qu'on nous fasse voter, s'il désire remettre ce privilége au gouvernement. Je ne voudrais pas, pour un seul instant, penser à le placer dans une aussi fausse position. Je ne puis, par conséquent, envisager favorablement cette partie des résolutions qui propose d'enlever au peuple le droit de nommer et d'élire les membres de cette hon. chambre. Cette question a été si longuement traitée qu'il est à peu près inutile pour moi d'occuper le temps de la chambre à faire un exposé que tant d'autres ont déjà fait avant moi.   Je dois dire, cependant, que pas un des discours prononcés en faveur de la confédération n'a eu l'effet d'ébranler un seul instant l'opinion que j'ai toujours eue, après avoir pris connaissance de cette partie des résolutions. Je puis dire que lors de mon élection, la question qui était devant le pays était celle d'une fédération pure et simple, mais la fédération qu'on proposait alors était bien différente de celle qu'on nous propose aujourd'hui. Après la défaite du ministère actuel à la derniere session, et après qu'on eût adopté des arrangements, l'on comprit, par ces arrangements, que nous étions pour avoir la fédération des deux Canadas. Ce fut là tout ce qui fut mis devant nous. En 323 publiant ma courte adresse, je déclarai que j'étais en faveur de la fédération. Je le suis encore; mais tout en étant en faveur de la confédération de toutes les provinces, je désire qu'elle soit faite de façon à promouvoir les plus chers intéréts de tous ceux qui y sont concernés. Je désire qu'aucune des provinces ne profite au détriment des autres. Lorsque je me présentai aux suffrages de mes commettants—comme les hon. membres peuvent le savoir—je ne rencontrai aucune opposition; je fus élus par acclamation Tout ce que je pus dire au peuple, sur la mesure, fut simplement ceci: que j'approuvais la mesure telle que définie par le gouvernement lors de la formation de la nouvelle administration, et que je ne savais rien de ce qui avait pu être ait fait subséquemment. Je dis a mes commettants que j étais en faveur d'un changement; que j'étais en faveur d'une fédération des provinces du Haut et du Bas-Canada, afin qu'on pût vivre ensemble en paix, parce que jétais convaincu, d'après ce que nous avions pu voir depuis plusieurs années, qu'il était impossible de vivre ensemble plus longtemps, qu'il valait mieux se séparer, et qu'en se séparant nous deviendrions probablement meilleurs amis. Je leur déclarai aussi que le temps viendrait où il faudrait que la confédération de toutes les provinces eût lieu, et que si cette confédération était appuyée sur une base équitable, elle produirait, sans aucun doute, un bien immense pour notre commune patrie. La première intimation que j'eus de la confédération m'arriva naturellement lors de la réunion des délégués, et lorsque les résolutions qui furent alors passées et qui sont maintenant devant nous, avec une ou deux légères corrections de nulle importance,— lorsque ces résolutions furent publiées par le gouvernement, j'en reçus une copie de l'hon. secrétaire provincial sur laquelle se trouvait le mot " privé," et je reçus aussi en même temps une note de cet hon. monsieur, dans laquelle il me disait que pour le moment ces résolutions ne devaient pas être livrées à la publicité. Nécessairement, je compris que je ne pouvais pas prendre connaissance de ces résolutions et aller ensuite devant mes commettants pour leur dire que je ne connaissais rien de la confédération. Me sentant ainsi lié, je plaçai les résolutions dans mon secrétaire et les y laissai dormir en paix; je ne les ai jamais exainées pour voir ce ne les hon. ministres avaient fait, à venir jusqu'au jour où je pris  mon siége dans cette chambre. Lié comme je l'étais par ces restrictions, si j'avais pris connaissance de ces résolutions, je ne me serais pas senti libre d'aller devant mes commettants pour leur expliquer ma position, ou de donner une réponse franche à ceux qui à maintes reprises venaient me demander ce que je pensais de la confédération et quels en étaient les détails. Je ne lus donc pas ces résolutions, afin de pouvoir répondre honnêtement que je n'en connaissais rien. Je sens, hon. messieurs, qu'il me serait impossible, sous les circonstances actuelles, d'enlever par mon vote un droit qui a été octroyé par la constitution de notre pays à ceux qui jouissent du privilége qu'on leur a conféré d'exercer la franchise électorale en ce qui a rapport à cette chambre. J'ai la conscience que je commettrais une grande injustice et ferais une grande injure aux électeurs qui m'ont envoyé ici si je votais pour cette partie du projet qui a pour but de leur enlever entièrement leur franchise. Je n'ai pas d'objection, naturellement, à ce que les membres à vie, s'ils le veulent, votent l'abdication de leurs droits, ou remettent leurs siéges aux mains du gouvernement qui en fera ce que bon lui semblera; et en autant que je suis personnellement concerné, je consentirais volontiers à faire le sacrifice de mon siége dans cette chambre s'il pouvait en résulter quelque bien pour mon pays et mes commetants Ils m'ont envoyé ici non pas parce que j'ambitionnais cette position, quelque honorable qu'elle puisse être, mais parce qu'ils m'ont distingué parmi les autres pour l'occuper. Et je puis dire que l'un des plus beaux jours de ma vie et l'un de ceux où j'ai ressenti le plus d'orgueil a été le jour où, après avoir fait la lutte politique pendant tant d'années dans les rangs des réformateurs, je pus aller me présenter dans un collége électoral renfermant 75,000 habitants de toutes couleurs et nuances politiques, et où je vis que je les avais si bien satisfaits, qu'il ne s'y rencontra pas un seul homme pour élever la voix contre ma réélection. (Ecoutez! écoutez!) J'ai acquis, je puis le dire, tout ce que je désire en fait d'honneurs terrestres; mais je sens, comme beaucoup d'autres hon. messieurs, que dans cette haute et honorable position, il est de mon devoir d'être fidèle à ceux qui m'ont envoyé ici. Et je sens que je commettrais une faute si, dans une occasion comme celle-ci, je votais pour placer cette portion du Haut-Canada que j'ai été envoyé ici pour représenter, dans 324 une position plus mauvaise que celle qu'elle occupait avant. Après ces quelques observations sur le principe électif, je désire maintenant faire allusion à une ou deux questions se rattachant à ces résolutions. Il est une chose, particulièrement, sur laquelle aucun hon. membre de cette chambre n'a appuyé. Je veux faire allusion à la 6e résolution, qui a trait à l'éducation. Eh bien! hon messieurs, il me semble qu'il était tout à fait injuste de la part des délégués d'insérer quoi que soit dans ce projet qui eût trait à l'éducation du peuple du Haut et du Bas- Canada. Je vais en donner mes raisons, et je pense qu'elles sont bonnes. Je pense que l'on devrait laisser pleinement et entièrement au peuple du Haut et du Bas-Canada le soin de décider ce qui leur convient le mieux sous ce rapport. Nous voyons déjà que dans le Haut et le Bas-Canada les deux partis sont activement occupés à attirer l'attention des deux chambres du parlement sur la nécessité de leur concéder de plus amples priviléges que ceux qu'ils possèdent déjà. Ils paraissent décidés à obtenir pour leur éducation catholique rien moins qu'un personnel complet d'officiers, des écoles normales et modèles et tout l'attirail que comporte le système actuel d'écoles communes. La question des écoles, que l'on considérait comme réglée pour le Haut-Canada, est maintenant remise sur le tapis, et les partisans des écoles séparées vont jusqu'à insister pour que l'on fonde un collége. Leur but est, sans aucun doute, de se placer de manière à être parfaitement indépendants du gouvernement local projeté du Haut-Canada. En autant que je suis personnellement concerné, relativement à la question des écoles, je dirai que je préférerais de beaucoup que le système d'instruction fût fondé pour les deux pays sur le principe des écoles communes. Je ne vois pas de raison pour qu'une partie des enfants d'une localité soit envoyée à une école de telle dénomination, et l'autre partie à une école de telle autre denomination. Je suis d'avis qu'en principe cela est très faux, et que les enfants de notre patrie commune devraient être élevés et instruits ensembles dans nos écoles publiques, où rien ne devrait être enseigné qui fût de nature à empêcher qui que ce soit d'y envoyer ses enfants. Telles sont mes vues relativement aux écoles. Je crois que la concession de droits exclusifs et de priviléges à une certaine classe de personnes est de nature à affecter les bons rapports qui devraient exister entre tous les classes de la société,—ce que démontrent les efforts qui sont faits aujourd'hui dans les deux sections de la province pour obtenir des systèmes d'éducation différents. (Ecoutez!) Le sujet sur lequel je désire maintenant attirer l'attention de cette chambre, est celui du chemin de fer intercolonial. Je suis opposé in toto à cette grande voie ferrée. J'y suis opposé pour la meilleure de toutes les raisons. En premier lieu, j'y suis opposé parce que je ne sais pas combien elle coûtera. Il n'y a rien dans les résolutions qui indique quel en sera le coût; et la discussion qui a eu lieu dans cette chambre ne m'a pas non plus fourni aucunes données sur cette matière. Par conséquent, je sens que je manquerais à mon devoir si je votais pour une mesure qui va faire encourir au Haut-Canada une dette considérable, sans auparavant savoir quel en sera le chiffre Bien loin de considérer ce chemin comme une entreprise commerciale, je ne puis voir en quoi ni comment il serait possible de l'exploiter comme entreprise commerciale. L'hon. député de Montréal (M. FERRIER), dans le discours qu'il a prononcé l'autre soir dans cette enceinte, n'a pas fait la plus légère allusion à ce sujet. Tout ce qu'il nous a dit de ce grand projet, ça été simplement ceci: qu'il y avait quelques 100 chars chargés de produits qui attendaient à Montréal, et qu'ils ne pouvaient   être expédiés parce que de l'autre côté des lignes on avait tant à faire, qu'on ne pouvait avoir l'usage de la voie. Mais ceci n'est pas du tout un argument en faveur du chemin de fer intercolonial. Ainsi en supposant que le chemin fût construit, les hon. messieurs pensent-ils, pour un instant, qu'il paierait ses dépenses d'entretien? Il n'existe pas l'ombre d'un doute dans mon esprit que pour le tenir en opération il faudrait le subventionner aussi considérablement que la ligne des steamers océaniques. L'autre jour, l'hon. député de Montréal a dit que deux centins par tonneau par mille était un très-faible taux pour le transport par chemin de fer. Mais si on adopte ce chiffre, à quel résultat en arrivons-nous? De Toronto aux côtes de l'Atlantique, par le chemin de fer intercolonial, la distance peut être portée à 939 milles, et pour expédier un baril de fleur à cette distance par chemin de fer, à raison de deux centins par mille par tonneau, cela reviendrait à pas moins de $2.08 centins. Mais en supposant que le tarif serait diminué de moitié,—c'est-à-dire. un centin par tonneau par mille,—et on nous 325 dit qu'à ce taux le chemin y perdrait—le coût reviendrait à $1.04 centins, et avant qu'une cargaison de fleur pût être débarquée à Liverpool, les frais de son transport reviendraient à 8 ou 10 centins pour chaque minot de blé en sus de ce qui aurait été payé antérieurement. Ces calculs sont basés sur les renseignements que nous ont donné les hon. messieurs de l'autre côté de la chambre. " Oh! mais—nous disent-ils— le cultivateur profitera de son argent pendant l'hiver." Je ne vois pas que cela soit du tout un argument au point de vue commercial. Nous avons, il est vrai, l'avantage d'avoir l'argent pendant l'hiver, mais comment l'avons-nous? En en perdant une forte proportion. Pour ma part, je ne tiens pas du tout à recevoir seulement 3s. 9d. pour ce qui vaut $1. Et je suis convaincu que lorsque nos cultivateurs comprendront la question, ils ne consentiront jamais à être taxés pour la construction d'un pareil chemin. Si l'on fixe à deux centins le coût du transport d'un tonneau sur une distance d'un mille, et à 831 milles la distance entre Halifax et Belleville, nous trouvons qu'un tonneau transporté sur cette distance coûtera $16.62 centins. Et à ces taux, est-il un hon. monsieur qui a quelques connaissances commerciales, qui puisse croire pour un instant qu'on pourrait expédier par ce chemin des marchandises quelconques? En supposant que vous réduisiez ces taux de moitié, à un centin, un tonneau coûterait encore $8.31 centins, ce qui rendrait impossible l'expédition de marchandises par ce chemin, en sorte qu'au point de vue commercial le chemin serait complétement inutile. Il est vrai qu'avec notre système actuel de banques, les banquiers s'efforcent de faire subir aux acheteurs de produits la nécessité d'expédier et de vendre immédiatement, et dans ce but elles leur font prendre de l'escompte à de courtes échéances; mais il est aussi vrai que grâce à cette pratique le cultivateur se trouve toujours à être le perdant. La raison de cette coutume est que les banques veulent que les rentrées se fassent plus vite. Mais je maintiens que les banques devraient prêter à échéances suffisamment longues pour permettre au producteur de vendre ses produits de façon à en obtenir en retour un prix suffisamment élevé pour rémunérer son travail. Mais ce n'est pas tout. Il semble que tout tend à faire affluer le fret vers les chemins de fer durant la saison de l'hiver, et c'est dans cette vue que les banques prêtent leurs fonds à courte échéance, le cultivateur se trouvant être celui qui y perd le plus par la transaction. On dit aussi que le chemin de fer intercolonial est nécessaire au point de vue militaire. On dit qu'il est essentiel à la défense du pays, et pour le transport des troupes et des approvisionnement de guerre. Je pense, hon. messieurs, qu'il suffit de jeter un coup-d'œil de l'autre côté des lignes et voir ce qui est arrivé durant la guerre dans l'Etat de la Virginie et les autres Etats, pour nous convaincre de suite que, pour effectuer le transport des troupes et approvisionnements de guerre d'un grands poids, comme de l'artillerie et des munitions, ces chemins ne sont que de très peu d'utilité. Vous verrez qu'ils ont été coupés dans presque toutes les directions, et que les facilités qu'on leur supposait pour les transports se sont trouvées réduites à si peu de chose qu'ils ont été considérés comme n'ayant à peu près aucune valeur au point de vue pratique. Et cela est arrivé dans un pays où l'on peut, en très peu de temps, reconstruire les parties de chemin qui ont été détruites. Mais qu'est-ce qui arriverait avec le chemin de fer intercolonial? L'on projette de faire passer cette voie ferrée le long de l'Etat du Maine, et l'ennemi pourrait distribuer des troupes à différents endroits de façon à ce que dans un cas de nécessité, elles pussent le couper en cent endroits, et empêcher ainsi le transport de troupes et de munitions durant l'hiver.
UN HON. MEMBRE—Ils ne pourraient pas arriver de façon à le couper.
L'HON. M. FLINT — En voilà une curieuse idée: " Ils ne pourraient pas y arriver! " Je regarde les Américains comme une classe d'hommes capables d'arriver partout où ils veulent. Rien ne leur serait plus facile que de couper le chemin de fer intercolonial. Mais si c'était véritablement le cas que le pays qui sera traversé par le chemin de fer intercolonial est d'une nature telle que personne ne pourrait l'approcher, je dis que le plus tôt nous cesserons d'en dire davantage sur le sujet le mieux ce sera. (Ecoutez!) Car si le pays y est d'une nature telle qu'il sera impossible de le traverser, je ne puis voir les bienfaits que nous retirerions d'un pareil chemin. (Ecoutez!) Voilà ce que je pense du chemin de fer intercolonial. (Ecoutez! écoutez!) En premier lieu, je ne me sens pas disposé à payer la somme considérable qu'il coûtera, sans savoir auparavant quel en sera le chiffre. 326 Personne ne sait quelle proportion le Haut- Canada aura à contribuer—si cette proportion sera de $12,000,000, $15,000,000, ou $20,000,000. Mais si l'on tient compte du chiffre de la dette qu'il nous faudra assumer, ainsi que de la proportion des $62,500,000 assignée au Haut et au Bas-Canada, et aussi cette portion de dépenses non encore établie par les résolutions, je pense que lorsque le chemin de fer intercolonial sera construit, le Haut-Canada sera chargé d'au moins $50,000,000, comme montant de sa part de la dette. Je ne vois pas qu'il soit possible que le peuple supporte un pareil fardeau, et je ne crois pas non plus que s'il comprenait cette question comme il devrait la comprendre, il consentirait à ce que nous votions en sa faveur. On pourra peut-être penser que je ne suis pas en faveur de la confédération; mais tel n'est pas le cas. Je désirerais beaucoup la fédération de toutes les provinces, mais tout en désirant cette fédération, je désire qu'elle soit basée sur des principes justes et équitables,—de façon à ce que chacune des différentes provinces du domaine de Sa Majesté partage également. Je ne veux pas qu'une partie des provinces soit placée dans une position d'infériorité par rapport aux autres. Je crois que le Haut-Canada devrait avoir ses justes droits. Je crois que le Bas-Canada devrait avoir ses justes droits, et je crois aussi que les autres provinces devraient avoir leurs justes droits. Nous devrions effectuer notre union non avec un sentiment de défiance, mais avec un sentiment de bon vouloir réciproque, prêts à nous prendre par la main et à marcher vers ce que j'espère être une honorable destinée. (Ecoutez! écoutez!) Je suis bien convaincu que plus cette question sera discutée,—quoi qu'en aient dit certains hon messieurs,—plus elle sera discutée et pesée, plus elle deviendra impopulaire. Je n'ai reçu qu'une seule lettre de mes commettants sur cette question, et la seule allusion qu'y fait celui qui m'écrit est celle-ci: " Ne votez pas pour le chemin de fer intercolonial.' Il ajoute:" J'aimerais la fédération, mais ne votez pas pour le chemin de fer intercolonial." Mais, hon. messieurs, que j'eusse ou non reçu une pareille injonction, je ne pouvais voir la possibilité pour moi de voter en faveur des résolutions telles quelles sont aujourd'hui. J'ai étudié avec le plus d'attention possible les différents discours qui ont été prononcés dans cette chambre. J'ai écouté avec une attention respectueuse l'hon. et vaillant chevalier qui est à la tête du gouvernement, et aussi son hon. collègue le commissaire des terres de la couronne, et je serais heureux, si je le pouvais, de me joindre à eux dans le vote qui va bientôt être donné; mais je ne vois pas comment je pourrais concilier une pareille conduite avec le devoir que j'ai à remplir vis-à-vis de mes commettants, de moi-même et de mon pays. Je ne pourrai jamais consentir à enlever par mon vote les droits qui appartiennent au peuple, sans auparavant lui demander son consentement. Si on lui donne le temps nécessaire pour qu'il puisse juger pleinement le sujet, et qu'il vienne ensuite dire à cette chambre: " Nous consentons à faire l'essai de ce projet —nons consentons à l'accepter avec tous ses défauts, dans l'espérance qu'il fonctionnera bien," je consentirai à voter pour la mesure telle que proposée. Mais cette opportunité ne nous étant pas offerte, je dois dire que si je suis dans cette chambre lorsque le vote sera pris sur cette mesure, je devrai enregistrer mon vote contre elle, et en le faisant j'obéirai aux dictées de ma conscience. J'agirai ainsi parce que je pense que c'est pour moi un devoir à remplir, quelque pénible qu'il puisse être pour moi de voter contrairement aux vues du gouvernement sur ce sujet, et contrairement à la grande majorité de cette chambre. Et tout en concédant à chacun des hon. messieurs qui peuvent différer d'opinion avec moi la même liberté de jugement que je réclame pour moi-même, tout en étant prêt à juger avec charité la conduite que mes confrères membres ont cru devoir suivre relativement à cette mesure, je suis persuadé qu'ils ne me contesteront pas le droit que j'ai de remplir mon devoir suivant les dictées de ma conscience et suivant ce que je crois être pour l'avantage de mes commettants. Et si mes commettants n'approuvent pas ce que je suis à la veille de faire, ils n'ont que cela à me dire: "M. FLINT, votre conduite n'est pas en accord avec nos vues; nous désirons que vous vous retiriez de la vie publique," et je serai excessivement heureux de me conformer à leurs désirs. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. DE BEAUJEU—Hon. messieurs:—Je crois faire acte de patriotisme en donnant mon appui aux résolutions qui nous sont soumises et qui ont pour objet de confédérer et grouper ensemble diverses provinces de manière à former une nationalité. Ce projet ne surprendra personne si l'on réfléchit que l'immense territoire dont il 327 s'agit ici est habité par les descendants des deux premières puissances du monde entier, et que la grande majorité d'entr'eux appartiennent à la race normande et bretonne, et si l'on se rappelle, en outre, que les Normands ont été les pionniers les plus aventureux, les colonisateurs les plus hardis et les navigateurs les plus audacieux. Après avoir établi leur domination sur les îles anglaises et sur une partie de France, de Naples, de la Sicile, s'être imposés à Jérusalem, Antioche et aux environs de Constantinople, ils traversèrent l'Océan et fondèrent un trône dans les Iles Canaries, et s'avancèrent jusque près du St. Laurent et du Mississipi,—voyage qu'avaient commencé leurs ancêtres dans le voisinage de Novgorod où se trouve encore un noyau de leurs descendants. Plus que d'autres encore, nos compatriotes canadiens- français devraient se réjouir de ce projet, car il devrait leur faire ressouvenir que la France eut un jour l'intention de faire du territoire de 1800 lieues qu'elle possédait alors de ce côté de l'Amérique, une seconde elle-même en l'appelant la Nouvelle-France. Elle eut pour l'aider dans ce noble projet les militaires et les gouverneurs les plus capables, entre lesquels on distingue au premier rang le comte de FRONTENAC, le marquis de DENONVILLE, le marquis de LA GALISSONIÈRE et le célèbre intendant TALON. C'était, en outre, le même besoin qu'éprouvait le gouvernement français de se ménager un port toujours libre en hiver, et d'éviter d'être bloqué pendant cinq mois d'hiver et de se trouver ainsi à la merci, de même que nous aujourd'hui, de voisins puissants et redoutables. On sait que le chevalier d'IBERVILLE, l'un des héroïques fils de Montréal et l'égal, au dire de tous les historiens, de l'illustre JEAN BART, après avoir fait en 1695 deux glorieuses expéditions à la Baie d'Hudson, à Terre- neuve et dans quelques-unes des provinces maritimes actuelles, écrivit six ans après, en 1701, un mémoire sur la situation de Boston et New-York, et autres côtes des colonies anglaises d'alors, et démontra la nécessité d'un port de mer durant l'hiver. Eh! bien, hon. messieurs, ce but nous pouvons aujourd'hui l'atteindre sans qu'il nous en coûte ni sang ni argent, en effectuant le projet de confédération élaboré dans une convention des hommes d'état les plus distingués des provinces anglaises, et en proprolongeant jusqu'aux colonies du golfe le chemin de fer actuel de la Rivière-du- Loup, de façon à assurer un débouché maritime non interrompu aux endroits les plus reculés du Haut-Canada. L'hon. premier et d'autres orateurs distingués ont, au début de la discussion, fait ressortir, dans des discours brillants et pleins de raisonnement, les bons effets de cette annexion des provinces maritimes au Canada; je me permettrai d'ajouter une autre considération et de dire que ce dernier y trouvera en outre l'immense avantage de pouvoir jeter les bases de notre existence militaire à venir, surtout si la métropole nous accorde le secours puissant auquel nous avons droit. Souvenons-nous bien que la France a inauguré son existence coloniale au Canada, en envoyant à tour de rôle dans les provinces actuelles du golfe aussi bien qu'à la Louisiane, divers détachements militaires. Ces corps de troupes étaient commandés par des officiers qui occupaient le rang de " capitaines des détachements de la marine," correspondant à celui de lieutenant-colonel de l'armée, et étaient d'ordinaire formés aux exercices militaires de la marine. Je n'ai aucun doute que ce but ne soit atteint par les relations fréquentes que nous allons avoir avec les provinces maritimes et par une école de marine que le gouvernement impérial a l'intention, si je suis bien informé, d'établir à Québec sur le modèle de celles qui existent déjà en France et en Angleterre. Mais la réalisation d'un tel projet ne saurait souffrir aucune difficulté si l'Angleterre jugeait à propos d'ouvrir en outre à notre jeunesse ses écoles de Woolwich et de Sandhurst, ainsi que la France le fesait pour ses colonies—en admettant comme cadets de marine à Brest et à Rochefort les fils des colons qui l'avaient servie avec éclat, soit dans l'administration, soit dans l'armée. C'est de cette manière qu'elle jeta les bases d'une bonne marine coloniale où se formèrent ces officiers si renommés par leurs travaux et leur capacité, et qui sont la gloire des premiers temps de la colonie, comme aussi de la France elle-même. Dans cette foule de héros dont le souvenir devrait se raviver dans la mémoire du peuple canadien et des provinces maritimes, aujourd'hui qu'il s'agit de donner naissance à une nouvelle nation, je citerai entr'autres les BONAVENTURE, les SÉRIGNY, les CHATEAUGUAY, les d'ALLIGNY, les TILLY, les GRANVILLE, les SOULANGES, les VAUDREUIL, les BEAUHARNOIS, les LONGUEUIL, les RÉPENTIGNY, les BOISHÉBERT et les ST. OURS. Combien 328 de ces officiers distingués de marine devinrent gouverneurs non seulement des colonies françaises d'Amérique et des Indes, mais eurent encore le commandement des ports de mer de France! Les BENOIT, les CHAUSSEGROS DE LÉRY, les deux VAUDREUIL et PIERRE BEDOUT s'élevèrent au rang de contre-amiral, et l'un deux, ROUER DE LA CORDONNIÈRE, fut complimenté par FOX dans le parlement anglais sur la conduite pleine de générosité et de bravoure qu'il avait tenue envers ses ennemis. Cependant, hon. messieurs, nous ne devons pas veiller seulement à la fondafondation d'une marine coloniale, mais encore à encourager l'organisation parmi nous d'une armée de terre et à susciter dans le peuple cet esprit martial qui est le compagnon naturel et la meilleure garantie de ses libertés, en prenant une partie du fardeau des défenses de cette colonie suivant nos revenus et le chiffre de notre population, et fortifiés de l'aide du gouvernement impérial. J'espère que l'Angleterre appellera à exercer les plus hautes fonctions politiques ceux de ses sujets dans les colonies qui se rendront propres à de telles situations. Pourquoi ne seraient ils pas employés dans la diplomatie, ou comme gouverneurs des autres colonies, ainsi que la France le fesait pour récompenser des services éminents? En dépit des intrigues qui se nouaient autour du soleil levant à Versailles, les exploits éclatants des colons qui se distinguèrent dans la glorieuse époque qui s'étend de 1608 à 1759 retentirent néanmoins jusqu'auprès du trône et forcèrent le monarque français à être juste C'est ainsi que la plupart des commandements militaires et des gouvernements des colonies françaises tombèrent entre les mains de sujets nés en Canada. Mon but, hon. messieurs, en appuyant sur ce sujet et de montrer que l'Angleterre aurait dû ouvrir à ses sujets des colonies les mêmes carrières militaires et administratives qu'à ceux nés sur le sol même de la Grande-Bretagne. (Ecoutez! écoutez!) Pour en revenir maintenant aux provinces maritimes, je dirai à mes compatriotes canadiens-français qu'il est dans le passé de leur histoire américaine trop de pages glorieuses pour ne pas ressentir envers ces colonies une sympathie d'autant plus vive qu'il s'y trouve encore une population acadienne très considérable qui serait fière de reprendre ses anciennes relations et de vivre heureuse avec nous sous la protection du drapeau anglais. N'est-ce pas là que se trouvent plusieurs des lieux qui furent le théâtre des exploits des valeureux officiers que j'ai rappelés plus haut, —entr'autres Louisbourg, Port-Royal, aujourd'hui Annapolis, Chebouctou, aujourd'hui Halifax; Port Lajoie, aujourd'hui Charlottetown; l'Ile Royale, aujourd'hui Cap Breton; l'Ile St. Jean, aujourd'hui Prince- Edouard? J'espère de même que la construction d'une bonne voie de communications avec la rivière Rouge, les Montagnes Rocheuses et la Colombie Anglaise, ouvrira ces régions au commerce, à l'industrie et à l'agriculture de nos populations, et les empêchera d'émigrer vers les Etats-Unis. Nous y retrouverons d'autres glorieux souvenirs et les lieux où nos frères ont déjà formé des établissements florissants et ouvert des mines de métaux précieux. J'ai confiance que mes compatriotes canadiens-français de cette chambre comprendront tous les avantages de l'adoption des résolutions qui nous sont soumises en ce moment, se reposant, comme ils doivent le faire, sur les bonnes dispositions de la métropole à leur égard, et voyant que la nouvelle constitution est des plus propres à développer les ressources de ce beau et immense pays. La preuve que nous sommes engagés dans la bonne voie est entr'autres celle que me fournit un journal d'ordinaire hostile à l'Angleterre, le Courrier des Etats-Unis, lequel, dans un article sur la question de confédération qui s'agitait ici en 1853, disait ce qui suit:—
"Malgré tout ce qui a été dit, écrit ou débité contre la tyrannie et la rapacité anglaises, on doit cependant reconnaître que la Grande-Bretagne a toujours su se tenir à la hauteur du siècle et accorder peu à peu, en temps propre, à ses colonies de précieux priviléges."
Si le projet actuel est adopté, notre importance sur le continent européen s'élèvera au même niveau au moins que celle de nos voisins, car nous formerons une confédération vaste et puissante; notre crédit lui- même ne manquera pas d'en éprouver une influence des plus favorables. Les Bas-Canadiens n'ont qu'à se rappeler de quelles angoisses fut agité le peuple lorsqu'après la suspension temporaire de l'acte de 1791, en 1840, l'Angleterre nous octroya une nouvelle constitution. Quoique nous n'ayions pas eu dans la mesure la part que nous avons aujourd'hui dans celle-ci, néanmoins les droits et avantages qui nous étaient assurés par la capitulation de Québec et de Montréal et le traité Versailles en 1763, ne furent pas 329 révoqués, et je suis d'avis qu'en adoptant la constitution actuelle nos droits sont aussi saufs qu'ils l'étaient jadis. (Ecoutez! écoutez!) Afin de terminer ces remarques, je repondrai à l'hon. député de Lanaudière qui, il y a quelques jours, à cause de la doctrine MONROE, prétendait que nous ne devions pas légiférer sur des matières aussi délicates, et citerai deux lettres que vient de découvrir et publier M. PIERRE MARGRY, gardien des archives du ministère des affaires étrangères, ainsi que les observations dont il les accompagne sur les deux grands navigateurs qui ont découvert le Mississipi et autres partie de l'Amérique. Voici des extraits de ce précieux document:—
"Nous ne pouvons pas nous dissimuler qu'il y a entre les intéréts de notre temps et ceux d'autrefois des affinités qui doivent nous rappeler la mémoire de LASALLE et de d'IBERVILLE. En 1699, d'IBERVILLE écrivait au sujet de la Louisiane: " Si la France ne se saisit pas de cette partie de l'Amérique qui est la plus belle, pour avoir une colonie assez forte pour résister à celles que l'Angleterre a dans l'Est, depuis Pescadoue jusqu'à la Caroline, ces colonies qui deviennent très-considérables s'augmenteront de manière que dans moins de cent années elles seront assez fortes pour se saisir de toute l'Amérique et en chasser toutes les autres nations." D'IBERVILLE écrivait encore en novembre 1702:
"Quelque chose que l'on puisse dire contre l'établissement que le Roi a fait à Mobile, c'est le seul qui puisse soutenir l'Amérique Centrale contre les entreprises que pourront faire les Anglais de ce continent; dans quelques années ils seront en état de transporter, par le moyen de leur grand nombre de bâtiments, en quinze jours plus de 20 à 30,000 hommes dans telle île française qu'ils voudraient attaquer, n'en étant éloignés que de 5 à 600 lieues, les vents les y portant du même bord; par terre ils pourront aller au Mexique."
"Cette vue, (dit M. MARGRY,) avec les paroles de d'IBERVILLE, nous explique les préoccupations des puissances européennes dans ce qui se passe au sud de l'Amérique Septentrionale."
En voilà assez, j'espère, pour convaincre l'hon. député de Lanaudière que les puissances de l'Europe n'étaient aucunement disposées, même à cette époque reculée, à favoriser la doctrine MONROE; la seule différence qu'il y ait entre ces temps-là et aujourd'hui, est que les colons anglais de jadis ont fait place à nos voisins républicains. Je finis en disant que je voterai pour les résolutions telles qu'elles sont soumises à cette hon. chambre. (Applaudissements.)
L'HON. M. HAMILTON (d'INKERMAN)— Hon. messieurs:—On a tant parlé dans le cours du débat actuel des membres élus de cette chambre, et du droit des électeurs qui nous ont envoyés ici, que je désire faire quelques observations pour expliquer comment il se fait que moi, qui représente une division bas-canadienne, dont la majorité des habitants se trouvera former partie de la minorité du futur Bas-Canada,—comment il se fait, dis-je, que j'en suis venu à la conclusion qu'il est de mon devoir de voter en faveur des résolutions de la conférence de Québec qui nous ont été soumises par le gouvernement, et conséquemment contre tous les amendements. J'avoue, hon. messieurs, qu'il est certaines de ces résolutions que jaurais vu amender avec plaisir; mais après avoir considéré la nature du projet en lui-même, et partageant en conséquence les vues que plusieurs d'entre nous ont entendu exprimer par un homme d'état éminent et distingué de l'autre chambre, qui a déclaré que le projet de confédération avait, jusqu'à un certain degré, la nature d'un traité dans lequel, tout naturellement, l'esprit de compromis avait dû avoir une large part,—et le gouvernement nous ayant informé, comme je suis d'opinion que c'était son devoir de le faire, que nous devions accepter le projet dans son entier ou le rejeter de même, je me suis dit qu'il était de mon devoir de ne pas faire d'opposition, toute humble qu'elle pût être, à l'adoption des résolutions J'en suis venu à cette conclusion d'autant plus facilement que j'ai avocassé pendant longtemps une union des provinces, et cela parce que je considère qu'il est incontestable que nous devons contribuer plus que nous l'avons fait jusqu'à présent à notre propre défense; et bien qu'en somme nos moyens de défense ne soient peut- être pas aussi considérables que nous pourrions le désirer, néanmoins il est parfaitement clair qu'ils seront plus considérables si nous les réunissons en un seul faisceau. Quelques hon. messieurs,—et particulièrement mon hon. voisin le député de St. Clair —ont tourné en ridicule l'idée que la confédération allait augmenter nos moyens de défense, d'autant plus que dans les meilleures circonstances possibles, il devra s'écouler beaucoup de temps avant que nos préparatifs soient complets; mais je prierai ces hon. messieurs de vouloir bien réfléchir à ce qu'on dira en Angleterre à propos de notre défense, si nous rejetons ce projet de confédération ou même si nous différons de l'adopter; surtout quand tout récemment nous avons rejeté un bill de milice. Dans le cours de la discussion, on nous a donné—si je puis me 330 servir de cette expression sans manquer au langage parlementaire — plusieurs exposés financiers de fantaisie. Eh bien! sans vouloir mettre en doute l'exactitude d'aucuns de ces exposés, je me permettrai de demander aux hon. messieurs qui les ont fait s'ils ont vraiment calculé ce que nous aurons à payer quand nous aurons été avalés par notre voisin qui demeure au sud de la ligne 45°,—ou, pour me servir de l'expression de l'hon. et vaillant chevalier, l'hon. Premier, après que nous aurons parcouru le plan incliné et serons enclavés dans la république voisine? Pour ma part, je dis que ce serait occuper une position tout à fait méprisable. Relativement au changement qui fait disparaître le conseil législatif électif,—changement qu'on a si longuement discuté,—je suis d'opinion que cette conclusion est la meilleure que les délégués pouvaient adopter; cette opinion n'implique pas chez moi un changement, et je puis en appeler à un hon. membre de cette chambre si, une demi-heure avant de rendre mon siége dans cette enceinte, je ne lui ai pas déclaré que, bien que je considérais qu'il soit injuste de parler en mal d'un pont sur lequel on a traversé en toute securité, j'étais cependant opposé à l'application du principe électif à cette chambre. Je ne partage pas non plus les sentiments que j'ai entendu exprimer par plusieurs hon. membres de cette chambre relativement à la position que nous occupons; car je n'ai jamais compris que je ne suis ici que le simple délégué des habitants d'Inkerman, obéissant, quand il s'agit de voter, aux ficelles que pourraient me tirer les plus actifs politiqueurs de tel ou tel village de mon collége électoral. Au contraire, messieurs, j'ai toujours pensé que, comme représentant de ma division, je devais employer mes humbles talents à législater pour l'avantage de tout le pays, et je n'aurais jamais accepté mon mandat à des conditions autres que celles-là. Hon. messieurs, je ne vous retiendrai pas pour vous répéter ce que d'autres vous ont dit beaucoup mieux que je ne pourrais le faire moi-même; je me contenterai de vous remercier pour les quelques minutes d'attention que vous m'avez accordé avec tant de bienveillance,et je termine en formulant ainsi mes explications: je vote pour la confédération parce que je considère qu'elle est essentielle à l'existence de notre connexion avec la Grande-Bretagne,— connexion pour laquelle, moi pour un, je suis prêt à faire beaucoup de sacrifices. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. BLAKE—Je sens qu'il est de mon devoir, hon. messieurs, à faire quelques remarques sur la question générale de fédération, avant que le vote ne soit pris On a beaucoup parlé de la manière dont le projet était né. On a dit que les hon. messieurs qui composent l'administration s'étaient constitués d'eux-mêmes. Eh bien! je maintiens qu'il est tout à fait déloyal d'accuser d'hon. messieurs qui, comme membres du gouvernement, ont étudié cette question à la demande de son excellence le gouverneur- général, avec le désir sincère de faire tout ce qu'il est possible de faire pour promouvoir les intérêts du Canada, de les accuser, dis-je, d'y apporter trop de précipitation, surtout quand la question est entourée de tant de difficultés. Bien que j'aie été partisan de l'union des provinces depuis un grand nombres d'années, cependant je suis bien prêt à admettre qu'il y a dans ces résolutions certains détails qui me répugnent beaucoup. Je fais particulièrement allusion à l'abandon du principe électif qui se trouve dans la constitution de cette branche de la législature. J'ai toujours été en faveur de l'application du principe électif au conseil législatif, et une très grande partie de mes commettants sont aussi en faveur de ce principe. Je suis opposé à la construction du chemin de fer intercolonial, parce qu'il entraînera une dépense énorme pour le pays, non seulement pour le présent, mais aussi pour les temps futurs. Je pense que cette dépense sera tellement considérable, qu'elle obérera fortement nos finances, qui sont aujourd'hui si peu en état de faire face à cette charge, et que le chemin ne sera que de peu d'utilité au pays. On a dit et répété sur tous les tons que ce sujet n'était pas compris par le peuple. Quant à cela, je ne puis parler que pour ma localité. Avant de venir ici, je visitai mon collége électoral et conversai avec un très grand nombre des principaux membres de tous les partis politiques, et tous, sans une seule exception, me pressèrent de voter en faveur de la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Je leur signalai les objections que j'avais au projet. Je leur dis que je désapprouvais la clause qui mettait de côté le principe électif; celle qui voulait la construction du chemin de fer intercolonial, et que j'étais opposé à l'augmentation de dépenses nécessitée par le maintien de deux gouvernements différents. Je leur fis part de toutes ces objections et de plusieurs autres encore, mais, malgré cela, ils me répondirent qu'il valait infiniment mieux accepter 331 la fédération, même sous la forme qu'on nous présentait dans les résolutions, que de rester comme nous étions. Ils me dirent ceci: " Le gouvernement du pays est devenu impossible; nous avons vu un fort parti en lutte suprême contre un autre fort parti; nous avons vu deux ou trois gouvernements se former et être dans l'impossibilité de passer une seule mesure importante, et un changement quelconque est par conséquent devenu absolument nécessaire." La question qu'il s'agit de résoudre est celle- ci: " Qu'allons-nous faire?" Eh bien! je voudrais demander aux messieurs qui opposent cette mesure s'ils ont un plan quelconque à proposer à sa place, qui pourra faire disparaître les difficultés dont le pays à eu à se plaindre jusqu'ici? (Ecoutez! écoutez!) D'un autre côté, de grandes autorités nous ont dit que nous côtoyions la banqueroute. L'hon. et vaillant chevalier, qui se trouve à la tête du gouvernement, nous a dit que nous nous trouvions sur " un plan incliné," et que nous glissions avec rapidité vers la république des Etats-Unis d'Amérique. Je crois donc qu'il est de mon devoir de voter pour les résolutions telles qu'elles se trouvent, et de ne voter en faveur d'aucun amendement quelconque. (Ecoutez! écoutez!) On nous dit que si nous adoptons le moindre amendment aux résolutions, le projet entier tombera. Devons- nous retourner au point où nous étions auparavant, ou ne vaut-il pas mieux pour nous accepter ces résolutions qui serviront de base à une nouvelle constitution? Si elle ne nous convient pas, nous pourrons plus tard l'amender. Elle ne sera pas, je suppose, comme les lois des Mèdes et des Perses, complètement immuable. La constitution de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et des différentes nations civilisées qui existent aujourd'hui, ont été amendées, et je ne vois pas pourquoi nous verrions dans ces résolutions un cachet d'immutabilité. Messieurs, la constitution de la confédération pourra être changée dans l'avenir aussi facilement qu'on a pu le faire pour la constitution actuelle. J'espère que ce projet sera mis en pratique à une époque très-rapprochée, et j'ai confiance qu'il produira en fruits abondants pour notre pays. (Ecoutez! écoutez!) Quelques hon. messieurs disent qu'il équivaut à une révolution. Ce peut être une révolution, mais bien certainement ce n'en est pas une aussi violente que celle que l'on proposait en 1837-38. (Ecoutez! écoutez!) On a fait jouer de très grosses pièces d'artillerie depuis que le débat s'est ouvert, mais j'espère que cette révolution s'accomplira sans effusion de sang. (Ecoutez! écoutez! et rires.) Je suis prêt à donner mon vote en faveur de la mesure. (Applaudissements.)
L'HON. M. READ—Hon. messieurs:—J'ai voté pour que l'adoption de ces résolutions fût retardée, croyant que c'était mon devoir de le faire, et si j'ai mal fait en agissant ainsi, je ne puis en accuser que mon jugement. Je n'ai pas eu d'autre intention en cela que de servir les meilleurs intérêts du pays. Cependant, comme je vois qu'une très grande majorité de cette chambre est d'une opinion différente, je n'essaierai pas plus longtemps de faire de l'opposition à la mesure, mais je l'appuierai lorsque le temps sera arrivé. (Ecoutez! écoutez! et applaudissements.) Je n'ai jamais eu l'intention de contrecarrer cette mesure, mais je désirais être bien convaincu que le pays la trouvait satisfaisante, et saurait l'apprécier lorsqu'elle lui serait donnée. (Ecoutez!) Je pense que la nature humaine est aujourd'hui ce qu'elle à toujours été et ce quelle sera toujours. L'hon. premier et l'hon. commissaire des terres de la couronne s'étant servis de comparaisons à propos de l'union projetée, je me permettrai aussi d'en faire une. Ils ont dit qu'une union ne pourrait être effectuée sans quelques sacrifices, sans de petites concessions de part et d'autre. Je suis aussi de cet avis, mais je crois qu'on doit envisager cette union projetée à un point de vue différent Je compare le Canada à un jeune homme à qui l'on a donné des tuteurs pour surveiller l'administration de ses biens, et qui, ayant atteint un âge ou ses tuteurs croient qu'il doit se marier, se voit arranger une alliance matrimoniale par ces derniers. Le jeune homme, naturellement, s'attend constamment à ce n'on lui demande si l'alliance lui sourit. Mais dans ce cas-ci, il paraît qu'on ne le consultera pas le moins du monde. (Ecoutez! écoutez!) Lorsqu'ils eurent mis la dernière main aux arrangements, il s'est dit à lui-même: " Vous pouvez me marier, mais vous ne pouvez pas faire que je vive heureux." Eh bien! il est tout probable que si on l'eût consulté il aurait fait le même choix et s'en serait tenu pleinement satisfait. Comme la nature humaine ne change pas, j'ai pensé que ces raisons étaient suffisamment fortes pour faire désirer d'obtenir quelque délai, afin que le peuple, ayant eu l'occasion 332 d'examiner amplement le projet, puisse entrer avec plaisir dans l'union projetée. J'ai une opinion très favorable de plusieurs des résolutions composant cette mesure. Je ne puis cependant partager l'opinion de mon hon. ami de Toronto (M. Ross), que le Haut-Canada, plutôt que de ne pas avoir le chemin de fer intercolonial, le construirait à ses propres frais. Le Haut- Canada ne produit rien qui puisse être expédié avantageusement par ce chemin; mais si la confédération doit avoir lieu, il n'y a pas d'autre alternative que de le construire. En 1862, on nous offrait un excellent marché; mais comme nous avons refusé dans le temps de l'accepter, nous ne pouvons aujourd'hui l'avoir sans le payer un plus haut prix. L'alliance matrimoniale que nous avons contractée va entraîner de nouvelles responsabilités, et sincèrement je ne crois pas que le pays soit tout-à-fait en état de s'en charger. (Ecoutez! écoutez!) Tout indique que cette alliance est à peu près certaine, et il est également certain que ces petites responsabilités se manifesteront aussitôt qu'elle aura lieu. (Hilarité.) Je pense, néanmoins, n'on peut les appeler de grandes responsabilités; et, je le répète, elles sont infiniment plus importantes que celles que nous pourrions supporter. Je serais prêt à faire de très grands sacrifices pour la défense du pays, mais si l'Angleterre vient nous dire que nous devons faire plus que le pays ne pourrait faire, je ne pense pas qu'il consentira à se soumettre à sa volonté. Nous somme prêts à nous défendre dans la mesure de nos forces; mais je ne suis pas prêt à encourir une dépense tellement énorme qu'elle écrasera notre pays sous une dette qui en rendra le séjour impossible Avec la confédération, il nous faudra non seulement encourir des dépenses considérables pour nos fortifications et notre milice, mais aussi pour créer une marine, parce que je crois que du moment que les Américains augmenteront le nombre de leurs canonnières sur les lacs, il nous faudra en mettre un nombre égal, et il me paraît très douteux que nos moyens nous le permettent. (Ecoutez! écoutez!) Où prendrons-nous l'argent?
L'HON. M. CURRIE—Oui, où prendronsnous l'argent?
L'HON. M. READ—Aujourd'hui, nous sommes considérablement obérés par les taxes, et nous avons à payer une forte somme pour l'intérêt de notre énorme dette. Je voudrais que le gouvernement adoptât quelque méthode qui eût pour effet de retenir chez nous cette somme d'intérét. Je n'aime pas voir ces énormes emprunts qu'on fait à l'étranger. L'intérêt est une chose qui s'accumule très-rapidement, et il faut qu'il soit payé régulièrement. Si l'on pouvait trouver quelque moyen d'arrêter ces emprunts à l'étranger, le plan de confédération me sourirait davantage, surtout lorsque l'on considère que la capitation dans ce pays s'est accrue dans une proportion alarmante—de l à 8 piastres—depuis l'union de 1841. Il semble que la confédération va augmenter le chiffre de notre taxe; c'est là un fait généralement admis; sans compter la dépense que va entraîner la construction du chemin de fer intercolonial. Je ne puis voir où nous prendrons tout l'argent nécessaire, mais j'ose dire que le ministre des finances découvrira quelque moyen de se le procurer—l'augmentation de la taxe, par exemple. Lorsque viendra le temps de prendre le vote définitif, je serai prêt à appuyer la motion, plutôt que de la voir rejeter complétement, et ne pousserai pas plus loin mon opposition. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. REESOR—Je propose que les mots suivants soient ajoutés à la motion principale:
"Pourvu toujours que son excellence le gouverneur-général sera prié de ne pas transmettre la dite adrese jusqu'à ce que les dites résolutions aient été approuvées par les électeurs de cette province, habiles à voter en vertu des dispositions de l'acte 22e Vict. chap. 6, la dite approbation à être constatée par un vote direct sur les dites résolutions, qui devra être pris dans les diverses municipalités du Haut et du Bas-Canada."
L'HON. M. DICKSON—Je désire attirer l'attention de la chambre sur le fait que cet amendement semble comporter le même principe que l'amendement proposé par l'hon. membre en face (M. CURRIE) et secondé par moi, lequel a été rejeté à la suite d'une longue discussion. J'aimerais à savoir, par conséquent, si l'amendement est dans l'ordre. Je ne m'y oppose pas, mais s'il n'est pas dans l'ordre, on sauvera du temps en en disposant de suite, et je demande que M. l'ORATEUR décide à cet égard.
L'HON. M. ROSS—Je crois fondée l'observation que vient de faire l'hon. membre au sujet de l'amendement. Il me paraît contenir le même principe que celui proposé par l'hon. membre de Niagara, et par conséquent hors d'ordre.
L'HON. M. BUREAU—Je crois la motion dans l'ordre. Elle est à l'effet de soumettre 333 à la votation du peuple le projet avant son adoption définitive. Nul amendement semblable n'a encore été présenté à cette chambre.
L'HON. M. L'ORATEUR—L'amendement proposé par l'hon. M. CURRIE à la motion principale était ainsi conçu:
"Que sur une question d'une aussi grande importance que celle de la confédération projetée du Canada et de certaines autres colonies anglaises, cette chambre se refuse à assumer la responsabilité de consentir à une mesure qui renferme tant de graves intérêts, sans que l'opinion publique ait l'occasion de se manifester d'une manière plus solennelle."
La motion actuelle est à l'effet:
"Que son excellence le gouverneur-général sera prié de ne pas transmettre la dite adresse jusqu'à ce que les dites résolutions aient été approuvées par les électeurs de cette province, habiles à voter en vertu des dispositions de l'acte 22 VICTORIA, chapitre 6, la dite approbation devant être constatée par un vote direct sur les dites résolutions, qui devra être pris dans les diverses municipalités du Haut et du Bas-Canada."
Bien qu'il y aît quelque analogie, elle n'est pas, en substance, la même motion. (Ecoutez! écoutez!) " La manifestation de l'opinion publique d'une manière plus solennelle " diffère totalement de celle qui pourrait avoir lieu par un vote direct, ainsi que le prescrit cet amendement. Je crois, par conséquent, cette motion dans l'ordre; et comme je suis d'avis qu'en pareil cas les règles et la pratique de cette chambre soient interprétées dans un sens libéral, je ne puis déclarer que l'amendement comporte le même principe que la motion rejetée hier par la chambre. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. REESOR—On pourra dire, assurément, que ces débats ont pris une tournure des plus extraordinaires. Au début, des hon. membres ont adressé la chambre en faveur des résolutions, les ministres spécialement; mais depuis peu, nous avons entendu d'hon. messieurs s'exprimer fortement contre plusieurs des résolutions qui forment partie du projet de confédération, et qui tout en s'exprimant ainsi, ont fini par dire qu'ils se faisaient un devoir de donner leur appui à l'ensemble de la mesure. (Ecoutez! écoutez!) Si je ne me trompe, cependant— et je pense que d'autres hons. membres sont aussi sous cette impression—nous avons été députés à cette législature pour perfectionner autant que possible tout projet ou proposition qui peut lui être soumis. Si notre opinion sur une mesure nous porte à proposer des amendements à l'effet de lui faire subir des modifications, je maintiens qu'il est de notre devoir d'exprimer nos vues en ce sens, de ne pas accepter cette mesure sans l'étudier à fond et avec impartialité, et de repousser l'idée que nous n'avons pas le droit de la discuter ou d'en amender quelque partie. Pour ma part, je trouve que le projet dans son ensemble ne répond pas aux espérances que l'on s'en était faites et à ce que nous avions droit d'attendre des membres du gouvernement actuel. Il a été fortement appuyé par les deux chambres du parlement et par le pays, et je ne désire pas non plus qu'on lui suscite des difficultés dont l'effet serait de diminuer le nombre de ses adhérents dans la législature; mais je ne crains pas de dire que pour se mettre à la hauteur de l'appui qu il a reçu et de la confiance qu'il a inspirée, il aurait dû produire un meilleur projet que celui qu'il a soumis à la chambre et au pays. Que l'on prenne la question du chemin de fer intercolonial qui doit surgir de ces résolutions, et que trouvons-nous? Il y a plus de deux ans, les gouvernements des provinces du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse ont proposé à l'administration canadienne de construire cette voie à la condition pour le Canada de fournir les cinq douzièmes et ces provinces les sept douzièmes de son prix de revient; or, quel arrangement avons-nous aujourd'hui, quel avantage nous ont valu les deux années écoulées depuis? Nous y avons gagné le projet présenté par le gouvernement, et en vertu duquel le Canada va avoir à payer les neuf douzièmes de tous les frais de la construction de ce chemin, et les autres provinces la balance, de sorte que la dépense additionnelle pour le Canada va s'élever à plusieurs millions de piastres; car il en coûtera certainement au moins six millions de piastres pour la construction du chemin de fer intercolonial seul, c'est-à-dire plus qu'on ne nous demandait il y a deux ans, dépense additionnelle dont le total augmentera pour un temps indéfini notre impôt annuel de plus d'un million et demi de piastres. Cet énorme excédant de dépense sur celle que l'on nous offrait de faire il y a deux ans n'en a pas moins été accepté. Il est admis, même par les auteurs du projet, que les provinces de l'Est profiteront plus que le Canada de la construction de cette voie. Il est aussi reconnu par les hommes experts en matières commerciales, et qui se sont 334 prononcés sur ce sujet, que cette entreprise ne sera pas profitable au point de vue du commerce. Au point de vue de la défense, il est de même admis qu'elle n'aurait que peu ou point de valeur. Cela étant, pourquoi donc se lancer dans cette énorme dépense avec autant de précipitation; pourquoi ne pas au moins différer l'adoption du projets afin d'en faire une mesure plus parfaite et plus en harmonie avec les désirs du principal intéressé, le peuple? Les hon. messieurs qui veulent ainsi hâter l'adoption de ce projet, devraient se rappeler que ce n'est pas notre argent que nous votons, mais bien celui du peuple, et qu'on ne devrait pas pousser cette liberté si loin qu'on veut à présent le faire sans consulter ses volontés sur ce point. C'est ce que la loi exige d'un conseil municipal avant qu'il ne puisse affecter aucune somme d'argent. En pareils cas, il faut que les contribuables décident par leur vote si la dépense projetée sera ou non encourue; et cependant, nous sommes ici à la veille de passer une mesure d'une importance autrement grande pour le peuple, une mesure qui va occasionner une révolution dans notre régime politique et de vastes dépenses, sans même lui demander s'il y consent ou non. Je persiste à dire, hon. messieurs, qu'avant l'adoption définitive du projet, toute la question devrait être soumise au peuple, et que la loi qui veut qu'on le consulte dans des affaires d'une importance mineure devrait être également observée lorsqu'il s'agit de sa condition et prospérité futures. Le peuple des provinces de l'Est trouve peu à redire au plan de confédération projetée. Le fait est que s'il est adopté, il devra y gagner beaucoup. Les membres des gouvernements du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle- Ecosse, et d'autres hommes publics, voient le grand avantage que ces provinces auront sur le Canada, et ils s'empressent de le faire connaître au peuple. Ils désirent naturellement que ce projet soit adopté aussi promptement que possible et font toute sort d'efforts dans ce but; car, par là, des travaux improductifs de ces provinces vont être transférés au gouvernement général et payés par lui, comme par exemple, les chemins de fer du Nouveau- Brunswick, qui, avant que cinq années ne s'écoulent, ne pourront être exploités, j'en suis convaincu, qu'à l'aide de deboursés considérables en sus de ce qu'ils rapporteront au gouvernement général. Dans un discours qu'il fit aux électeurs de St. Jean, voici comment l'hon. M. TILLEY, leur fait connaître les avantages que le Nouveau- Brunswick trouvera dans l'union:
"On a permis au Nouveau-Brunswick d'entrer dans la confédération avec une dette de sept millions, et à la Nouvelle-Ecosse avec une dette de huit millions. Eh! bien, quelle est la nature de l'arrangement d'après lequel nous allons faire partie de l'union? On a constaté que par tête la dette du Canada n'etait guère plus considerable que celle du Nouveau-Brunswick, de sorte que nous sommes entrés dans l'union à des conditions plus avantageuses que cette province."
L'hon. M. TILLEY leur démontra ensuite comment le Nouveau-Brunswick avait fait un profit net de $610,000 par année, seulement à l'égard du chemin de fer intercolonial, de sorte que cette province se trouve avoir ainsi gagné beaucoup sur les conditions qu'elle nous offrait en nous invitant, il y a deux ans, à se joindre à elle pour construire ce chemin. Voici ce qu'a dit encore l'hon. M. TILLEY:
"Pour ce chemin de fer intercolonial, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse avaient engagé leur credit pour les sept douzièmes de son prix de revient et le Canada pour les cinq douzièmes; mais si la confédération veut construire cette voie, le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse seront exemptés de l'intérêt des sept millions—lequel s'é1ève à $420,000—ainsi que de celui des trois douzièmes et demi sur les trois millions sterling—lequel se monte à $190,000,—faisant en tout $610,000 que le gouvernement général aura à payer."
On pourrait croire que l'avantage libéral ainsi fait au Nouveau-Brunswick pour l'engager à entrer dans l'union devait satisfaire amplement cette petite province, mais M. TILLEY se charge encore ici de nous démontrer le contraire:
"En sus de tous ces avantages," dit-il, " nous aurons encore, pendant dix ans, une subvention annuelle de $63,000. Nos dépenses locales réunies s'élevèrent à $320,630, et sans augmenter notre impôt, nous allons recevoir du gouvernement général $90,000 en échange de notre droit d'importation et de notre revenu territorial, plus 80 centins par tête sur le chiffre de notre population, faisant $201,637, et une subvention spéciale de $63,000 par année pendant dix ans, en tout $354,637 c'est-à-dire que nous aurons un surplus de $84,000 une fois nos obligations actuelles satisfaites."
C'est là, ajoute l'hon. M. TILLEY, ce à quoi nous avons d'abord songé. Il est très sincère, ce monsieur, car il désigne tous ces avantages sous le nom de subventions. Voici en outre comment il rassure ses auditeurs:
335
"On nous demande: ' Quelle garantie avez-vous que ces subventions promises par le gouvernement générale vous seront continuées? La garantie la plus incontestable, car nous ne sommes pas à la merci des Canadiens...La force des partis est si près d'être égale dans la législature canadienne, que par leur vote les cinq membres de l'Ile du Prince-Edouard pourraient faire pencher la victoire du côté qu'il leur plaira et être maîtres de la position."
Tels sont les moyens de succès que M. TILLEY a employés auprès du peuple du Nouveau-Brunswick, et je pense que lorsque le commissaire des terres de la couronne réfléchira sur les avantages que les provinces de l'Est ont obtenus de plus que le Canada, il reconnaîtra que je ne me trompais guère, l'autre jour, en disant que nos hommes publics ont agi très-inconsidérément. On dirait qu'ils se sont mis à l'œuvre avec la ferme détermination d'obtenir la confédération, de l'obtenir à de justes conditions si possible, mais de l'obtenir, peu importent les concessions onéreuses que pourraient exiger les provinces inférieures. (Ecoutez! écouttez!) Un autre des délégués à la convention de Québec, l'hon. M. WHELAN, de l'Ile du Prince-Edouard, a fait l'énumération de tous les avantages qui seront assurés à cette colonie par la confédération, et il a terminé en disant que cette petite île aurait $40,000 par année de plus qu'il ne lui faudra pour subvenir à ses dépenses locales. (Ecoutez!) Tous ces faits pris en considération, je pense que le gouvernement aurait dû donner plus de temps pour délibérer sur cette mesure et pour la perfectionner, ou qu'il devrait au moins la remettre à une autre session.Mais puisqu'il refuse cela et s'oppose à tout changement à n'importe laquelle des  résolutions, quelles que soient les objections que l'on y trouve, je crois qu'il est de notre devoir d'exiger que l'on en réfère au peuple. Je crois que l'on va m'objecter que cela est contraire à la pratique anglaise; qu'un appel au peuple de la manière que je le propose est inconnu de la constitution britannique; cependant, on peut faire la même objection à l'égard de toute législation et affaires publiques qui diffèrent dans quelque rapport de la manière dont elles se font en Angleterre; mais nous devons tenir compte de ce que votre situation est différente de celle du peuple d'Angleterre, et que notre manière de voir et nos habitudes en fait d'affaires publiques sont aussi entièrement différentes. Et puisqu'à l'égard de nos affaires municipales nous avons adopté le principe d'en référer au peuple lorsqu'il s'agit de dépenses d'argent pour des fins spéciales, il ne pourrait résulter aucun mal de l'appliquer à cette mesure. Si le peuple l'adopte et que plus tard il ait à s'en repentir, il n'aura alors personne à blâmer que lui-même, et je suis convaincu que ce cas échéant, il en porterait la peine plus patiemment. Mais si nous prenons la voie contraire, si nous adoptons ce projet dont les conditions sont pour nous désavantageuses, il s'écoulera bien des années avant qu'il soit possible d'y remédier. Pensez-vous, qu'à la demande du Canada, l'île du Prince-Edouard abandonnera le privilége, le droit constitutionnel qu'elle aura acquis par ce projet au fonds qu'elle recevra en sus de ses besoins locaux? Pas du tout. Terre- neuve abandonnera-t-elle sa subvention perpétuelle de $160,000 par anneé, si elle sait ne pouvoir retirer autant du droit d'importation sur ses houilles? Je n'en crois rien. Est-ce que la Nouvelle-Ecosse renoncera à son pouvoir d'imposer un droit d'exportation sur le charbon et autres minéraux parce que le Canada trouvera que ce pouvoir lui donne des avantages auxquels elle n'a pas droit? Assurément non. Le Nouveau-Brunswick renoncera-t-il à son pouvoir de prélever un droit d'exportation sur les bois, ou, à la demande du Canada, consentira-t-il à donner une somme additionnelle pour aider à la construction du chemin de fer intercolonial, dont il profitera beaucoup plus qu'aucune autre province, pour la raison qu'il va ouvrir en cette province une grande étendue de pays, et mettre en valeur les terres et le bois qui s'y trouvent? Il va sans dire qu'il ne le voudra pas. Nous aurons à nous conformer à notre arrangement, quels que soient les avantages qu'il confère aux autres provinces, quelque désavantageux qu'il soit à nos intérêts. (Ecoutez! écoutez!) Sous l'union actuelle, on se plaint que, individu pour individu, le peuple du Bas-Canada ne contribue pas au revenu autant que celui du Haut. Si je ne fais pas erreur, je crois me rappeler que dans un discours qu'il fit il y a quelques années à Verchères, le procureur-général du Bas-Canada a dit à ses électeurs que la dépense occasionnée par le rachat des droits seigneuriaux ne pesait que très peu sur le Bas-Canada, attendu que le Haut contribuait pour les deux tiers au revenu du pays; et tous les représentants de la section ouest qui ont travaillé à revendiquer ses droits ont de même affirmé qu'elle contribuait dans cette 336 proportion au revenu public. Eh bien! s'il y a quelque vérité dans cette assertion, il doit s'ensuivre que sous cet arrangement le Canada devra contribuer, homme pour homme, plus que les provinces de l'Est au revenu général, parce qu'on ne saurait prétendre, je le suppose, que l'Ile du Prince-Edouard, Terreneuve, ou aucune des autres provinces maritimes, quelque prospère que puisse être leur condition, a une population aussi riche que celle du Haut-Canada ou qui pourra contribuer autant qu'elle au revenu du gouvernement général. Et parce que le Bas-Canada, jusqu'ici, a moins contribué que le Haut, tout en jouissant de l'avantage de dépenser autant, sinon plus, que propose-t-on de faire maintenant? Eh bien! pour obvier à cette difficulté qui mettait notre législation dans une impasse, pour faire disparaître les entraves que le gouvernement de ce pays a dû subir depuis bien des années, on nous demande d'adopter un projet qui va non-seulement perpétuer cette difficulté, ces entraves, mais encore les augmenter, et qui, seulement par la construction du chemin de fer intercolonial, va nous charger d'une dépense perpétuelle d'un million ou d'un million et demi par année! (Ecoutez! écoutez!) Il est absurde, par conséquent, de vouloir hâter l'adoption de ce projet sans au moins en partager la responsabilité avec le peuple. Pourquoi ne pas prendre le temps nécessaire pour bien mûrir cette mesure? Pourquoi ne la pas soumettre au verdict de celui qui devra en payer les frais et en subir les conséquences? (Ecoutez! écoutez!) Il a beaucoup été dit à l'égard de la constitution de la chambre haute de la confédération, mais je pense que l'on a perdu de vue le point principal. Durant les débats sur ces résolutions, il en est qui ont parlé tout comme s'ils eussent considéré la charge de membre de cette chambre une position que nous devrions occuper de droit, tout comme si nous tenions en quelque sorte de la constitution le droit de rester ici, et tout comme si les gouvernements et les institutions législatives avaient été instituée par le peuple non pas à l'avantage de la société, mais à l'avantage de ceux qui les composent. On a paru avoir oublié le principe fondamental de tous les gouvernements libres, qui veut que ces gouvernement n'existent que pour le bien de l'administré; on a paru avoir oublié le principe du gouvernement responsable, lequel veut que l'Etat soit régi selon les volontés bien comprises du peuple.
L'HON. M. MCCRAE—Telles qu'exprimées par ses représentants.
L'HON. M. REESOR—Telles qu'exprimées, comme le dit mon hon. ami, par ses représentants. Eh bien! nous ne devons pas oublier que ceux qui composent le gouvernement de ce pays nous ont apporté ici un très curieux projet, tout en nous donnant à entendre que si nous lui donnions notre appui nous aurions l'avantage d'être nommés conseillers à vie, mais pour cela il faudrait oublier ce que nous devons au peuple, à nos commettants et notre devoir envers le pays; or, relativement au principe électif appliqué à cette chambre, ce sont de pareils faits qui me portent à maintenir que le plus souvent un homme peut légitimement venir en contact avec le peuple pour en connaître les volontés, le plus il devient en mesure, dans l'administration des affaires publiques, de faire servir son influence et ses talents de manière à assurer le bonheur et la prospérité du pays. (Ecoutez! écoutez!) On dit que puisque nous avons un gouvernement responsable, le cabinet actuel sera solidaire envers le peuple, par l'intermédiaire de ses représentants à la chambre basse, des nominations qu'il pourra faire à cette chambre. En admettant que cela soit, on connait quelles sont les tendances de ce principe en Angleterre et celles qui existaient en ce pays lorsque le gouvernement nommait à cette chambre; le but sera de trouver en cette chambre une place aux hommes distingués qui, aux élections auront aidé à certains hommes ou à certains partis, et non de récompenser le vrai mérite ou les capacités. De plus, si cette chambre est de quelque utilité, ce n'est que parce qu'elle peut apporter un empêchement salutaire à une législation inconsidérée ou hâtive, mais si vous mettez toute la législation du pays entre les mains d'un seul homme ou d'un seul corps délibérant,—peu importe que ses tendances soient démocratiques ou aristocratiques,—vous lui conférer un pouvoir dangereux, et il en sera de même si vous donnez à l'exécutif celui de nommer à la chambre haute. Un simple corps électif du caractère le plus démocratique est de même sujet à errer s'il n'est contrôlé par un autre. Voilà pourtant ce que l'on veut faire à l'aide de ce projet. Croyez-moi, faites plutôt que cette chambre soit élue comme auparavant par le peuple, que ses membres soient, comme à présent, élus pour huit ans, ou pour une plus longue période si on le désire, 337 et alors si le peuple demande quelque mesure injuste,—une de ces mesures qui, fondée sur l'ignorance ou la passion, finit par prendre de la consistance après un laps de quelques années,—les membres de cette chambre sauront prendre la responsabilité de la rejeter, et l'opinion publique finirait par reconnaître qu'ils ont rendu quelque service au pays. Mais en nommant ces membres à vie, vous perdez tout contrôle sur eux, et il est aussi à présumer qu'ils ne s'empresseront pas non plus d'opposer un frein à toute législation hâtive ou inconsidérée dont ils pourraient être saisis. Tant que resteront au pouvoir les ministres qui les auront nommés, il est à supposer qu'ils seront appuyés par eux, mais que ces ministres tombent et que le parti adverse ait à son tour le gouvernement, il se présentera certainement une difficulté; il y aura désaccord entre les deux branches de la législature, et nous verrons se répéter ces scènes dont le pays a été témoin il y à quelques années et qui ont été la cause principale de la révolte de 1837. D'hon. messieurs disent que nous aurons le pouvoir de remédier à ces défauts du projet si on trouve que nous en ressentons les effets, et pourtant, chacun sait par expérience que ce n'est qu'après bien des efforts, et que lorsqu'une agitation est parvenue à se faire que l'on réussit à obtenir les changements voulus. Combien de temps a duré le mouvement relatif à la représentation des deux sections du pays en parlement? Il a duré pendant dix ou douze ans, et cependant, à la veille de réussir; ceux qui en étaient les promoteurs n'ont pas effectué le changement désiré, ils se sont rabattus sur un tout autre projet, lequel me parait avoir vu le jour plutôt pour satisfaire leur ambition personnelle que le peuple. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. et preux chevalier qui est à la tête du gouvernement a dit que nous étions sur un plan incliné, et dans le danger d'être absorbés par la république des Etats-Unis; or, cette phrase a été citée si souvent par les hon. membres qui ont parlé sur la question, et il en a été tiré tant de déductions différentes, que je crois pouvoir me permettre d'en dire aussi quelques mots. Je pense que nous devons tous voir que le projet devant la chambre aura l'effet, dans très peu d'années, de faire imposer une taxe directe pour le sou tien des gouvernements locaux; supposons cet impôt direct établi, quelles seront ses conséquences au point de vue politique? Si en sus de l'impôt direct le gouvernement se lance dans de grandes dépenses des agitateurs politiques, qui ne se feront guère attendre, croiront que le fardeau des dépenses publiques n'est pas également partagé (écoutez!); que les deux tiers du revenu sont fournis par la population qui habite à l'ouest de Québec, et demanderont si, homme pour homme, cette population doit apporter à la caisse publique deux fois autant que celle des autres parties de la confédération. Sous un pareil état de choses, il n'y a aucun doute que la même tendance que l'on a reprochée aux Bas-Canadiens depuis l'union existera encore, c'est-à dire que ceux qui contribueront le moins au revenu ne voudront pas pour cela se priver de dépenser largement. Lorsqu'il s'agira de voter un crédit pour leur section, ils diront naturellement: " Nous consentons à cette dépense, car elle va nous profiter, et nous consentirons de même à une dépense correspondante pour une autre section, et cela d'autant plus volontiers que nous n'aurons pas à payer autant pour elle qu'elle aura à payer pour nous; nous n'aurons à contribuer que pour cinq centins, tandis que sa contribution à notre égard sera d'une piastre." Tel sera l'argument apporté à l'appui de toutes les dépenses extravagantes qu'il s'agira de faire, et vous pouver être certains que ces gaspillages ne se feront pas longtemps attendre. Vous aurez ensuite les agitateurs politiques qui tiendront constamment le peuple au courant de ces faits, qui sèmeront le mécontentement et qui, pour conclure, demanderont la dissolution de l'union des provinces comme remède à ces maux. On trouvera encore une autre difficulté dans le fait que les farines, auxquelles le marché américain sera probablement fermé, ne pourront être acheminés des provinces supérieures à celles d'en-bas qu'à la condition d'être protégées par un droit d'importation élevé. Est-ce que les représentants des provinces maritimes permettront l'imposition de ce droit? Il va sans dire que non Que dans l'intérêt du Haut-Canada on essaye de l'établir, et vous verrez aussitôt ses représentants se transformer en autant d'avocats du rappel de l'union. Vous créerez ainsi une cause d'agitation dans toutes les sections, et avant qu'il ne s'écoule bien des années, vous verrez le désaccord dans tout le camp. Vous verrez encore trois gouvernements et trois élections générales se succéder dans le cours de deux ans, et alors vous aurez encore sujet de demander un nouveau changement de constitution. Vous 338 pouvez être certains qu'avant que l'agitation créée par ces causes n'ait duré seulement cinq ans, nous nous trouverons encore sur un plan incliné, mais plus près de le descendre cette fois que si nous étions restés comme nous étions auparavant. (Ecoutez! écoutez!) Je ne puis m'empêcher de conclure, hon. messieurs, que ces résolutions renferment le germe de notre anéantissement comme colonies. A moins d'assumer les droits et la responsabilité d'un pays indépendant, on ne saurait trouver aucun avantage politique dans l'union projetée; nous n'y gagnerions pas non plus au point de vue du commerce. Pourquoi donc nous l'imposer alors? Donnez au projet le temps d'être mieux jugé; mais si au lieu de cela vous l'imposez prématurément au pays, et que les conséquences fâcheuses que je prévois en découlent, tenezvous pour avertis que les hommes publics qui auront hâté son adoption seront censurés aussi sérieusement qu'ils sont aujourd'hui louangés. Rigoureusement parlant, le peuple ne comprend pas ce projet. Et comment voulezvous qu'il le comprenne dans toute sa portée? Eh! mon Dieu! l'hon. membre de la division de Rideau a dit qu'il lui avait fallu se l'entendre expliquer pendant deux semaines avant de le comprendre, après quoi il nous appris qu'il avait envoyé 1000 circulaires à ses commettants pour qu'ils passent en juger. Comment peut-il espérer qu'à l'aide de ces documents imprimés ils vont le comprendre, puisque lui-même, qui a eu l'avantage de l'entendre expliquer, a mis deux semaines à le comprendre. Hon. messieurs, je suis en réalité pour l'union de ces colonies, (Ecoutez! écoutez!) mais je n'entends pas que l'on impose ce projet d'une manière injuste autant qu'arbitraire, et qui, à l'avenir, donnera lieu à des difficultés d'un caractère plus grave que celles que nous subissons actuellement, et qui pourrait être la cause que l'on créera une agitation en faveur d'un changement que la grande majorité du pays serait loin de désirer voir s'accomplir. (Ecoutez! écoutez!)
La chambre se divise ensuite sur l'amendement, qui est rejeté:
Pour:—Les hon. MM. Aikins, Archambault, Armstrong, Bennett, Bureau, Chaffers, Currie, A. J. Duchesnay, Flint, Leslie, Leonard, Malhiot, Moore, Olivier, Proulx, Reesor, Seymour, Simpson, et Vidal.—19.
Contre:—Les hon. MM. Alexander, Allan, Armand, Sir N. F. Belleau, Blake, Boulton, Bossé, Bull, Campbell, Christie, Crawford, DeBeaujeu, Dickson, E. H. J. Duchesnay, Dumouchel, Foster, Gingras, Guévremont, Hamilton (Inkerman), Hamilton (Kingston), Lacoste, McCrea, McDonald, McMaster, Macpherson, Matheson, Mills, Panet, Price, Read, Ross, Ryan, Shaw, Skead, Sir E. P. Taché, et Wilson.—36.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Je désire, hon. messieurs, que cette chambre ait toute la latitude possible pour faire connaître son opinion sur la mesure dont elle est actuellement saisie, et comme j'ai eu l'honneur de proposer ces résolutions, je crois qu'il n'est que juste et raisonnable que je ferme les débats. (Ecoutez!) Si aucun autre monsieur ne s'offre pour continuer la discussion, j'espère qu'avant d'enregistrer le vote, l'on voudra bien me permettre de répondre aux arguments mis de l'avant contre le projet, et d'expliquer certaines expressions dont j'ai fait usage. Je veux bien croire que la chambre ne me refusera pas le privilége qu'elle accorde toujours en pareilles circonstances (écoutez); je me propose donc—si personne ne désire prendre la parole—de clore le débat ce soir.
L'HON. M. CURRIE — J'aimerais à savoir si le gouvernement a l'intention de donner, sur ces résolutions, de plus amples renseignements que ceux qui nous ont été communiqués?
L'HON. M. CAMPBELL—Les membres du gouvernement seront heureux de fournir tous les renseignements que cette chambre pourra désirer.
La chambre s'ajourne alors à huit heures du soir, et à la reprise de la séance la parole est à—
L'HON. M. RYAN—Hon. messieurs,— L'importance du vote que nous sommes à la veille de donner sur ces résolutions est très grande, puisque l'avenir du pays s'y rattache si intimement; et, comme représentant de la division Victoria, qui est l'une des plus importantes divisions du pays, renfermant une population où les différentes races qui composent le peuple du Canada sont considérablement représentées, je crois que je dois à mes commettants de faire quelques observations sur le sujet qui est maintenant devant nous. (Ecoutez!) Si la division que je représente n'est peut-être pas la plus populeuse du pays, elle renferme une forte partie de la richesse, de l'énergie mercantile et manufacturière, et de l'esprit d'entreprise commerciale de cette province. Elle renferme aussi, en proportions assez égales, des habitants des différentes nationalités, 339 religions et langues qui forment la grande majorité de notre population. Nous y avons l'élément français, avec sa religion catholique et sa langue française; nous avons l'elément protestant anglais, écossais et irlandais, et nous avons l'élément irlandais catholique romain, —élément spécialement représenté par moi, je puis le dire, et qui est loin d'être sans importance. Parcourez le Canada et vous verrez que cet élément, avec quelques étrangers européens, tels que les Allemands et les Norvégiens, forment à peu près la masse de la population. De fait, ma division se trouve être un épitome du Canada. (Ecoutez! écoutez!) Ce n'est peut-être pas trop dire que de prétendre que l'opinion et la pensée de Montréal reflète fidèlement l'opinion du pays en général, et que si Montréal en est venu presqu'à l'unanimité à une conclusion, les différentes sections du pays en viendront à une conclusion exactement semblable. Relativement à la question de confédération, je suis heureux de pouvoir dire que je me suis donné le trouble de m'assurer quelle était l'opinion de chacune des différentes sections auxquelles j'ai fait allusion, et que les votes que j'ai donnés dans cette chambre concordent avec ces différentes opinions. (Ecoutez! écoutez!) J'ai parlé de l'énergie de mes commettants, de leur grand esprit d'entreprise commerciale. Je crois que l'énergie est un des traits principaux de leur caractère, et je puis dire que si, dans quelques rares occasions, cette énergie a pu leur faire faire des choses qui étaient contraires à leurs propres intérêts et à ceux de leur pays, néanmoins, dans ces occasions, ils n'étaient mus que par des motifs honnêtes et généreux, ou par la conviction intime qu'on voulait leur infliger quelque injustice. J'ai entendu avec bonheur les observations que l'hon. et vaillant Premier a faites au commencement du débat, lorsque, faisant allusion à des évènements qui ont eu lieu à Montréal il y a déjà longtemps, il décerna le blâme à qui l'avait réellement mérité: à la législature du jour qui pressait le peuple d'accepter une mesure qui lui répugnait, et contre laquelle les habitants de plusieurs parties du pays avaient en vain réclamé. La même nature bouillante qui les porta alors à adopter une ligne de conduite qu'on a certainement droit de regretter, leur fit plus tard seconder un mouvement auquel, je puis le dire, j'étais opposé dans le temps, et cela de toute mon âme,—je veux parler du mouvement annexionniste. Ils favorisèrent ce mouvement parce qu'ils pensaient qu'on avait commis une injustice à leur égard et qu'on les avait maltraités. Mais je puis vous dire maintenant que ce sentiment s'est complètement évanoui, et que leur désir aujourd'hui est de rendre le Canada, grâce à son union avec les provinces d'en-bas et sa connexion intime avec la Grande-Bretagne, complètement indépendant de son voisin et en position de n'avoir plus besoin de regarder de nouveau du côté de Washington. (Ecoutez! écoutez!) Pendant le cours du débat sur le projet de confédération, l'un des principaux points auxquels on a touché dans cette chambre a été la constitution de ce conseil, et la question la plus saillante qui s'y rattache a été la question du principe électif versus le principe nominatif. Bien que je sois un des membres élus, j'ai voté sans la moindre hésitation contre le principe électif, et je crois qu'en agissant ainsi, je l'ai fait en accord avec les vues de mes commettants aussi bien qu'avec mes propres vues—je veux dire la grande majorité de mes commettants, car il peut y en avoir quelques-uns qui pensent différemment sur cette matière, de même que, sans aucun doute, il en est aussi qui pensent différemment sur la question générale de la confédération. J'ai basé mon vote sur ce que je crois être en politique un principe vrai, et qui est que, si vous désirez établir le contrepoids qu'on a eu en vue d'établir en créant ce conseil, contrepoids qui a pour objet de contrebalancer la législation de l'autre branche, vous ne devez pas avoir deux chambres élues par les mêmes commettants. Si les commettants représentés dans les deux chambres sont à peu près les mêmes, il n'y a plus contrepoids, ou, dans tous les cas, ce contrepoids n'est pas efficace, parce que vous vous trouverez avoir les mêmes sentiments et les mêmes tendances représentés dans cette chambre aussi bien que l'autre. Je ne suis pas seul de cette opinion; mais si je devais citer l'opinion d'hommes qui ont des tendances conservatrices, et qui ont toujours soutenu les priviléges de l'aristocratie et les prérogatives de la couronne, je vous donnerais peut-être des opinions qui auraient moins de poids auprès des adversaires de cette mesure que n'en aurait l'opinion d'un monsieur dont je vais vous exposer les vues, et qui a écrit beaucoup, et avec talent, et qui marche dans les rangs du parti libéral avancé de la Grande-Bretagne,—je veux parler de 340 M. JOHN STUART MILL. Dans son chapitre sur la seconde chambre (Considérations sur le gouvernement représentatif, page 242), il dit:—
"Que dans tout système politique il devrait y avoir un centre de résistance au pouvoir prédominant de la constitution, et en conséquence, dans un gouvernement démocratique, un noyau de résistance à la démocratie, c'est ce que j'ai déjà dit et ce que je considère comme une maxime fondamentale du gouvernement. Si un peuple possédant une représentation démocratique se trouve, en conséquence de ses antécédents historiques, plus disposé à tolérer un pareil centre de résistance sous forme d'une seconde chambre ou chambre des lords plutôt que sous toute autre forme, c'est une très forte raison pour qu'on lui donne cette forme."
Eh bien! hon. messieurs, je pense qu'une seconde chambre, ayant à peu près la même constitution que la chambre basse, serait complètement insuffisante pour arrêter le flot de législation venant de cette chambre; à dire vrai, ce point admet difficilement la contradiction. (Ecoutez! écoutez!) Les objections que l'on a soulevées à propos de la nomination par la couronne ou le gouvernement exécutif, ont très peu d'effet aujourd'hui. Pour ma part, j'aurais préféré que la nomination des conseillers législatifs fût laissée à la couronne, sujet à la recommandation des gouvernements locaux, et que la prérogative eût été laissée parfaitement libre. Il n'y a pas le moindre doute qu'autrefois il s'est commis des abus en Canada, lorsque le système nominatif était en force, avant que le gouvernement responsable ne fût établi, et lorsque le bureau colonial se mêlait beaucoup des affaires de la province; mais aujourd'hui tout hon. monsieur qui a quelques notions des événements historiques qui se sont déroulés dans ce pays, conviendra de suite que notre position n'est plus du tout la même. Bien loin d'intervenir dans nos affaires intérieures, le bureau colonial nous laisse aujourd'hui beaucoup à nous-mêmes et maîtres de faire ce que bon nous semble. Il n'y a jamais eu de constitution plus libre que la nôtre. Sous ces circonstances différentes, j'aurais préféré, dis-je, afin d'empêcher complètement qu'on pût soupçonner que certaines nominations étaient faites dans des vues de parti, que les conseillers législatifs fussent nommés par la couronne ou par son représentant dans la confédération. (Ecoutez!) L'hon. député de Wellington, parlant de la lettre de M. CARDWELL, a fait une remarque qui, je pense, est erronée. Il a inféré de cette dépêche que M. CARDWELL était opposé au système nominatif. Voici le passage auquel il a fait allusion:
"Le second point que le gouvernement de Sa Majesté désirerait voir considérer de nouveau se trouve dans la constitution du conseil législatif. Il apprécie les considérations qui ont influencé la conférence quand elle a déterminé le mode d'après lequel ce corps, si important à la constitution de la législature, sera composé; mais il lui semble qu'il est nécessaire de considérer davantage si, dans le cas où les membres seront nommés à vie et leur nombre fixé, il y aura des moyens suffisants de rétablir l'harmonie entre le conseil législatif et l'assemblée populaire, s'il arrive jamais malheureusement, qu'il surgisse une grave divergence d'opinions entre eux "
Eh bien! il est clair que l'objection de M. CARDWELL s'attaque à la fixation du nombre, et non au principe nominatif, ou à la nomination à vie des membres. (Ecoutez! écoutez!) Comme plusieurs autres hon. membres de cette chambre, je pense qu'il est certaines clauses de ces résolutions qui auraient pu être amendées. Ainsi, j'aurais préféré que le siége du gouvernement fédéral fût fixé ailleurs qu'à Ottawa, et, à propos de cette question, je dois dire que j'ai été très frappé d'une remarque faite par un écrivain contemporain et que je vais citer. Il dit:
"Tout pays qui se trouve forcé de renoncer à l'usage d'une cité que la nature a faite la plus importante, et de faire de quelque ville inférieure et mal située le siége de son gouvernement, se trouve à subir des désavantages incalculables. "
Mais il n'est personne qui n'ait son plan et ne le trouve le meilleur du monde, et après tout, je doute fort que nous eussions rendu le plan de confédération meilleur, si chacun de nous avait été consulté et appelé à la conférence de Charlottetown ou de Québec, pour faire valoir ses vues particulières. (Ecoutez! écoutez!) Je suis plutôt disposé à inférer, après avoir entendu les opinions diverses exprimées dans le cours de ce débat, que le système de compromis n'aurait pas été aussi facilement accepté par nous qu'il l'a été par les hon. messieurs qui formaient partie de ces conférences. J'espère, cependant, que nous adopterons maintenant ce système, et poursuivrons le débat avec la confiance qu'ils ont fait ce qui était dans les meilleurs intérêts du pays, et qu'en somme la mesure est d'une importance telle qu'il serait imprudent de l'entraver par des objections d'une importance secondaire. (Ecoutez!) J'ai noté plusieurs clauses des résolutions que je considérais être sujettes à objection ou susceptibles d'être amendées, et 341 J'espère que l'hon. chevalier à la tête de l'administration nous donnera des explications sur les vues des conférendaires relativement à ces clauses. L'une d'elles a trait à une question dans laquelle le Bas-Canada est jusqu'à un certain point particulièrement intéressé: c'est la question du mariage et du divorce, qui, comme je le vois, doit être laissé à l'action du gouvernement fédéral. J'espère qu'il ne sera rien fait par le gouvernement général relativement à cette question qui soit de nature à blesser les sentiments du Bas-Canada, ou à conduire au relâchement que l'on remarque du côté sud de la ligne 45° dans la législation sur le lien matrimonial. (Ecoutez!) Il y a aussi l'immi gration, qui est laissée en même temps à l'action des gouvernements locaux et du gouvernement général. Je pense que cette question devrait être entièrement laissée au gouvernement général. Maintenant, quant à ce qui concerne l'éducation, j'espère que le gouvernement assurera aux catholiques romains du Haut-Canada les mêmes droits que l'on octroie aux protestants du Bas- Canada. Leur donner les mêmes priviléges n'est que justice, et j'ai confiance et crois qu'elle leur sera donnée. Ayant eu occasion de venir en contact avec plusieurs des membres du clergé catholique romain, je dois dire qu'ils désirent que la plus ample justice soit faite à leurs concitoyens protestants, mais ils s'attendent en retour à ce que les priviléges qui sont octroyés à la minorité protestante du Bas-Canada soient également octroyés aux catholiques romains du Haut-Canada qui y forment la minorité. (Ecoutez!) Je dois aussi mentionner la clause qui donne aux gouvernements locaux le droit de diviser leur section de la confédération en comtés et colléges électoraux. Ce pouvoir peut devenir très dangereux et dans la pratique donner lieu à de grandes injustices; on devrait, je pense, le donner au gouvernement général. J'aborde maintenant la question du prolongement de notre principale voie ferrée. Cette question parait être un sérieux empêchement pour grand nombre de ceux qui sont réellement favorables à la mesure de la confédération. Eh bien! je ne pense pas que le chemin de fer intercolonial soit une entreprise qui paie de suite, mais je pense pouvoir réfuter quelques unes des objections qu'on a soulevées contre cette partie du projet. En premier lieu, je pense qu'on fait erreur relativement au coût du transport des marchandises sur ce chemin. J'ai ici le rapport contenant le mouvement annuel du commerce et de la navigation du Nouveau-Brunswick pour l863. Dans ce rapport, je trouve l'état suivant:
"Si le Nouveau-Brunswick était relié à Montréal et à Québec par une voie ferrée traversant le territoire britannique, nos importations des Etats-Unis diminueraient immédiatement, toutes nos farines et autres approvisionnements viendraient directement du Canada; et au cas où le traité de réciprocité et le système de transit des Etats-Unis, qui permet que les marchandises anglaises à destination du Canada traversent leur territoire sans payer de droits, serait aboli, St. Jean deviendrait probablement, pendant la saison d'hiver, le port d'expédition du Canada sur les côtes de l'Atlantique."
On peut supposer que les taux de fret seront si extravagants que cela ne pourrait pas arriver, mais dans le même rapport,—qui nous est arrivé en temps tout à fait opportun, puisqu'il corrobore les observations que j'ai faites dans le cours du débat sur l'adresse à propos du fait que nous aurons, dans la confédération, quelque compensation fournie par notre commerce avec les provinces d'enbas pour la perte du traité de réciprocité, si jamais il était annulé,—je trouve l'état ci-dessous:
"Le coût du transport de la fleur de Montréal à Portland, Maine, par chemin de fer, a été réduit au faible chiffre de 35 centins par baril, et de Portland, Maine, à ce port, on peut le transporter par bateau à vapeur à raison de 25 centins, ou par voilier, à raison de 15 centins, faisant en tout 60 centins pour le transport d'un baril de fleur pesant 200 lbs., par chemin de fer et bateau à vapeur, à une distance de 585 milles, et il pourrait être débarqué à ce port (St. Jean du Nouveau-Brunswick) cinq ou six jours après avoir été expédié de Montréal. Il va sans dire que ces taux réduits de fret par chemin de fer ne s'appliquent qu'à des quantités considérables."
Maintenant, messieurs, la distance de Montréal à St. Jean, par chemin de fer, est, en chiffres ronds, d'environ 600 milles.
L'HON. M. CURRIE— Pas aussi considérable; environ 500 seulement.
L'HON. M. RYAN—Cela donne encore plus de force à mon argument, mais je vais donner à mon hon. ami le bénéfice des 600 milles. Eh bien! plus grande est la distance que franchit un quart de fleur, moindre est le coût de son transport, parce que vous n'avez pas à encourir la dépense de le déplacer à différents endroits. Si vous pouvez le transporter de Montréal à Portland, disons 300 milles, pour 35 centins, vous pouvez certainement le transporter à 342 600 milles pour moins du double de cette somme, ou, disons, 60 centins,—pas plus que cela ne coûte aujourd'hui par la route combinée de chemin de fer et bateau à vapeur via Portland, tandis que la fleur transportée toute la distance par une voie ferrée s'en trouvera d'autant mieux qu'elle ne sera pas exposée à des transbordements divers. J'ai en effet raison de croire, d'après ce que m'a dit un homme qui s'y connait très bien en fait de chemins de fer, qu'une compagnie de chemin de fer trouverait un bon profit à transporter de la fleur de Montréal à St. Jean, à raison de 60 a 70 centins par quart, et que, s'il était nécessaire, ce transport pourrait être effectué à raison de 50 centins par baril. (Ecoutez!) Je veux faire voir par cela que le transport des farines par le chemin de fer intercolonial ne sera pas aussi difficile que certaines personnes, qui n'ont jamais fait de calculs sérieux à ce sujet, pourraient être disposées à se l'imaginer. (Ecoutez! écoutez!). J'ai de plus ici un état des importations de farines faites par le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et Terreneuve. Cet état est comme suit:
IMPORTATIONS DE FARINES.
Nouveau-Brunswick... 243,000 barils.
Nouvelle-Ecosse... 328,000 "
Terreneuve... 226,000 "
Total... 797,000 barils.
Si nous regardons maintenant à nos importations et exportations pour 1863, nous verrons que nous avons importé en Canada, 4,210,492 minots de blé; tandis que nous en avons exporté seulement 3,030,407 minots. Eh bien! cela peut paraître étrange, si l'on considère que nous sommes un pays agricole et qui exporte, mais nous passons ensuite à l'article " fleur " et trouvons que pour une importation de 229,793 barils seulemant, nous avons exporté 1,095,691 barils.
L'HON. M. CURRIE—Nous avons importé du blé pour le transformer en farine.
L'HON. M. RYAN—C'est exactement cela. L'excédant de fleur exporté a été de 865,898 barils qui, computés à 4 1/2 minots par baril, égalent 3,896,451 minots de blé. Si l'on déduit de ce blé l'excédant de nos importations sur nos exportations, savoir: 1,180,535 minots, cela nous laisse 2,716,006 pour exportation, qui, d'après le même calcul, savoir: 4 1/2 minots par quart, nous donnent un surplus de 603,557 barils de fleur manufacturés du blé en Canada, pour faire face à la demande des trois provinces maritimes,— demande qui est de 797,000 barils. Ainsi, si le traité de réciprocité était abrogé, nous pourrions à peu près leur fournir la fleur dont elles auraient besoin. (Ecoutez! écoutez!) Ces importations sont, de plus, très permanentes, car le rapport ajoute:
"Nos importations de farine de blé pour 1863 se sont élevées à 243,391 barils, contre 232,237 barils pour 1862; 210,676 barils our 1861; 198,323 barils pour 1860; 295,356 barils pour 1859; 226,649 barils pour 1858, et 153,515 barils pour 1857."
Voilà pour ce qui concerne le blé, ou le blé manufacturé en farine. Elles consomment aussi une quantité considérable de lard, une grande quantité de bœuf et autres produits, —mais je ne désire pas occuper davantage le temps de la chambre.
PLUSIEURS V0IX —Continuez!
L'HON. M. RYAN—Je vais maintenant citer le rapport du Nouveau-Brunswick. Il dit:
"Les produits agricoles de toute espèce importés dans la province, en 1863, formaient une valeur de $2,060,702. Voici la description de ces produits: Farine et moutures de toutes sortes, pain, fêves, pois et orge perlé, $1,333,786; grain de toutes sortes, son, nourriture pour chevaux et cochons, $148,413; légumes, y compris les patates, $76,769; viandes, savoir: salées, fumées et fraiches, y compris les volailles, $242,933; beurre, fromage, saindoux et œufs, $75,235; animaux, y compris les chevaux, les boeufs, les vaches, les moutons et les cochons, $58,715; pommes, poires, prunes, canneberges, etc., $60,257; suif et matières pour savon, $29,973; houblon, $5,226; foin, $3,142; drèche, $4,719; arbrisseaux, arbres, etc., $2,188; graines, $10,816; laine, $8,531, fermant en tout, en monnaie courante, £515,175. La valeur des produits agricoles importés en 1862 a été de £476,581 courant; en 1861, elle a été de £447,083 courant, et en 1860 elle a été de £447,841 courant."
Les rapports de la Nouvelle-Ecosse et de Terreneuve démontrent aussi que des quantités considérables de produits agricoles de toute espèce sont importées dans ces colonies, de même que des quantités considérables de lard et autres viandes, que nous pourrions aisément et avantageusement fournir. Eh bien! le Canada pourra fournir tous ces articles, et il y a un autre item dans ces rapports qui est digne d'être signalé. Les provinces d'en-bas importent des quantités considérables de bottes et chaussures. Le rapport du Nouveau-Brunswick établit que:
"La valeur des bottes et chaussures importées en 1863 a été de $59,361, droits $7, 521, contre $57,957, droits, $9,105 en 1862; $101,967, droits, $16,385 en 1861, et $131,424, droits, $20,832 en 1860."
343
Eh bien! sous la confédération, nous exporterions franc de droit du Canada, où ces articles se manufacturent sur une grande échelle, et nous pourrions approvisionner les marchés des provinces d'en-bas de ces articles et de quelques autres. (Ecoutez!) S'il est une chose, dans une connexion avec les provinces d'en-bas, qu'il ne nous faut pas perdre de vue, c'est le fait qu'elles possèdent des mines de charbon considérables. Ces mines devront, éventuellement, créer autour d'elles des centres manufacturiers, augmenter le chiffre de la population, et rendre plus considérable qu'aujourd'hui la demande intérieure de produits agricoles du Haut-Canada. (Ecoutez!) Je puis maintenant faire allusion au chemin de fer intercolonial et exprimer l'espoir que le gouvernement apportera la plus grande économie possible dans sa construction. On peut toutefois dire que, quel que soit le chiffre de la somme qu'il coûtera, cet argent sera dépensé dans le pays, c'est-à-dire dans notre propre pays, sera dépensé au milieu de nous, et aura l'effet d'attirer un grand concours de travailleurs; et j'espère et j'ai confiance que l'administration réglera sa construction de telle façon que les travailleurs seront induits à s'établir sur les terres traversées par la ligne, lesquelles, me dit-on, sont très propres à faire des établissements, créant ainsi un autre marché pour nos manufactures et nos produits, afin que si le traité de réciprocité nous est enlevé,—éventualité que je regretterais autant que qui que ce soit,—nous ayions une compensation quelconque, compensation que nous aurons, messieurs, si nous envisageons notre position hardiment et énergiquement, et si nous profitons des avantages qui se présentent. (Ecoutez! écoutez!) Relativement à l'assertion que le chemin ne sera d'aucune valeur pour notre défense, comme je ne suis point un homme de guerre, c'est-à-dire rien de plus qu'un officier de la milice, je n'ai pas la prétention de donner une opinion d'une haute portée, mais il me semble que, placé comme il le sera à une certaine distance de la frontière, une attaque en hiver contre le chemin de fer sera à peu près impossible; en outre, il sera de notre devoir de protéger notre frontière de telle façon qu'on ne puisse faire chez nous des incursions qui réussissent, et j'espère que nous serons en état de le faire. (Ecoutez!) On a dit que le gouvernement anglais ne songerait pas à envoyer des troupes d'Halifax au Canada par chemin de fer, mais j'avoue que je ne partage pas cette opinion. Si, dans la guerre qui se poursuit aujourd'hui aux Etats-Unis, on a pu voir qu'il était facile de couper les voies ferrées, il a aussi été prouvé qu'on pouvait facilement les rétablir, et leur appréciation par les hommes de guerre est clairement démontrée par les luttes qu'ils font, soit pour s'en rendre maîtres, soit pour en conserver la possession. Si une voie ferrée est coupée à un certain endroit, ils ont sous la main tout ce qu'il leur faut pour la réparer promptement. Dans l'art moderne de faire la guerre se trouve compris l'établissement de chemins de fer et de lignes télégraphiques, et les armées ont des corps spéciaux pour faire ces travaux. (Ecoutez!) Il est un autre fait, important au point de vue militaire, et qu'on a perdu de vue, c'est que, bien que les soldats peuvent marcher sur la neige, il est impossible de mettre des raquettes et de faire voyager sur la neige les munitions de guerre, les articles pesants dont on se sert pour faire la guerre, tels que les canons et les mortiers. (Ecoutez! et rires.) Je pense que le chemin de fer serait d'une valeur incalculable pour transporter des articles de cette nature si l'occasion s'en présentait, ce qui, je l'espère, n'arrivera jamais. Il est cependant bon d'être préparés à une éventualité comme celle de la guerre, car c'est le meilleur moyen de l'éviter. (Ecoutez!) Je puis maintenant dire un mot de certaines observations faites dans le cours du débat par quelques hon. membres, qui ont déclaré que le fait que certaines portions de la population des provinces d'en-bas étaient adonnées à l'industrie de la pêche, ferait qu'elles seraient d'autant moins capables d'aider le Canada en cas de guerre. Je ne saurais concourir dans cette opinion, car s'il est une chose plus qu'une autre avec laquelle elles peuvent nous aider, c'est avec leur population de hardis et rudes marins qui pourraient monter les vaisseaux de la confédération et de l'empire et harceler avec beaucoup d'effet le commerce et les villes du littoral appartenant à tout ennemi étranger. On a dit, hon. messieurs, que cette mesure va être passée avec précipitation, et on s'est plaint de ce qu'elle n'a pas été soumis au verdict du peuple. Mars voyez donc les conséquences, si on l'avait ainsi référée au pays. Envisagez les conséquences d'un délai! Vous avez lu aujourd'hui le télégramme qui annonce la réunion du parlement britannique, et je suis content de voir dans le discours de Sa Majesté l'observation qu'elle a approuvé la mesure 344 qui est maintenant soumise à notre considération. Eh bien! hon. messieurs, le parlement britannique ne siégera pas pendant une période indéfinie. Sa session, cette année, peut être plus courte que de coutume, car la dissolution naturelle de ce parlement et la réunion d'un nouveau se suivent ordinairement de près, et les partis opposés, en règle générale, s'efforcent, lorsque la fin d'un parlement approche, d'effectuer un changement d'administration. Quiconque lit les journaux anglais et les documents politiques verra qu'un changement de ministère est attendu avec confiance par quelques uns, et si le ministère actuel est défait et le parlement est dissout, l'esprit des hommes d'Etat anglais sera entièrement occupé de leurs propres affaires, de sorte que lorsqu'ils se réuniront de nouveau cet été pour une courte session, ce sera simplement pour législater sur leurs affaires locales, et notre projet de confédération se trouvera peut-être alors indéfiniment ajourné.
L'HON. M. CURRIE—Tant mieux.
L'HON. M. RYAN—Je pense que tout homme qui veut ouvrir les yeux peut voir que les évènements marchent sur ce continent avec une grande rapidité. Les évènements succèdent aux évènements avec une telle rapidité qu'il nous est à peine possible de dire de que côté nous viendra le prochain. Déjà on nous parle des grands succès anticipés du Nord. S'il est vrai que Charleston a été évacuée, cela portera un coup sérieux à la cause du Sud, et si le Sud est conquis, nous connaissons les sentiments que, depuis trois ans, les Etats-Unis entretiennent pour le Canada. Il se tourneront peut-être vers le Nord pour faire de nouvelles conquêtes et essayer d'humilier une puissance qui n'a pas toujours exactement agi comme ils l'auraient désiré. Arrive que pourra, nous devrons être préparés à faire face à une pareille éventualité, préparés à repousser une attaque, préparés à défendre nos foyers et la libre constitution sous laquelle nous vivons. Je terminerai en disant que si, dans les temps passés, les citoyens de Montréal ont été accusés d'avoir employé leur énergie à des fins mauvaises, ils sont prêts aujourd'hui, et je le dis de bonne part et spécialement pour la nationalité à laquelle j'appartiens, ils sont prêts, dis-je, à consacrer cette énergie à la défense de la province. Ils sont venus chercher une patrie dans ce pays et ils en ont trouvé une où ils ne sont point opprimés par aucune injustice, où il n'existe aucune distinction blessante entre les races et les croyances; et ils apprécient les bienfaits et affectionnent les institutions sous lesquelles ils vivent; ils sont prêts à les défendre, et ils regardent l'union des provinces de l'Amérique Britannique du Nord comme le plus sûr moyen de préserver et de perfectionner ces institutions. (Applaudissements.)
L'HON. M. PRICE —Hon. messieurs:— Etant un des membres nouvellement élus de cette chambre, je tiens à dire quelques mots afin de bien définir ma position avant qu'on ne prenne le vote. On a dit que j'étais en faveur de la confédération parce que j'y voyais le seul moyen de pourvoir à notre défense. Toutefois avant d'avoir eu connaissance des détails autrement que par la lecture des résolutions, je ne pouvais me résoudre à voter pour cette mesure. Antérieurement à la nomination lors de l'élection dans ma division, la presse avait fait connaître au public les vues de la conférence; j'en expliquai tous les détails que je connaissais et, aux hustings, les électeurs se déclarèrent unanimement en faveur du projet. (Ecoutez!) Je voudrais pouvoir discuter tous les détails, clause par clause, mais il est impossible de procéder ainsi en ce moment. Il n'est point surprenant que presque chaque membre de la chambre soit opposé à une ou plusieurs des résolutions, car dans toutes les questions, même lorsque nous siégeons en comité, nous ne sommes pas toujours unanimes. Mais avant d'aller plus loin, je dois remercier mon hon. ami le premier ministre pour les observations flatteuses qu'il a faites en parlant de mon père et de moi-même au commencement de ce débat. Depuis vingt ans je réside dans le collége électoral qui m'a député ici et, si j'ai été élu presque sans opposition, je le dois à l'amitié que professent pour moi la plus grande partie de mes commettants. Bien que je représente une population d'opinions religieuses différentes des miennes, je ne crois cependant pas avoir eu plus de vingt-six votes protestants. J'ai de nombreuses relations et des amis parmi les membres du clergé catholique romain. Je les ai toujours trouvés loyaux et libéraux dans leurs vues et, comme corps, presqu'unanimement en faveur du projet de confédération qu'ils considèrent comme le seul moyen de sortir de nos difficultés politiques et de maintenir nos rapports avec l'Angleterre qui a toujours assuré la plus grande liberté à ceux qui vivent sous ses lois; et je suis certain que les Canadiens 345 défendraient le drapeau national jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Etant membre électif de cette chambre, le projet de confédération m'offre la chance d'avoir un siége à vie. Je m'en soucie peu, à vrai dire; mais tous mes commettants ont été unanimes à me féliciter de la perspective qui s'ouvre devant moi et, en votant pour le projet, je suis sûr de leur donner satisfaction. En 1856, j'ai voté pour l'adoption du principe électif dans cette chambre, mais, je l'avoue, c'était contre mes convictions et uniquement pour maintenir le gouvernement, car j'ai toujours cru que le conseil législatif devait être un corps essentiellement conservateur. Je crois qu'il doit y avoir une branche de la législature où l'on puisse examiner les questions sans trop se préoccuper des préjugés du peuple, si cela est possible; que nous devons nous mettre en dehors de cet esprit de parti politique qui domine la plupart des membres de l'autre chambre dont quelques- uns ne doivent leurs siéges qu'à la majorité d'une voix. Des membres élus de la sorte ne représentent certainement pas l'opinion publique. Quant à moi, j'ai l'intention de voter pour ces résolutions, car il s'agit pour nous de devenir une forte confédération ou de nous en aller, chiquet à chiquet, dans l'union américaine. (Ecoutez!) Je crois qu'il existe parmi nous une forte tendance à l'annexion, tendance que nous ne pouvons combattre qu'en formant une confédération puissante. Et si nous ne prenons pas immédiatement ce parti, nous perdons une occasion qui ne se présentera jamais. Quelques hon. membres ont dit que notre dette s'augmenterait rapidement dans la confédération. Il est pénible d'avoir à le reconnaître, mais c'est malheureusement probable. Mais quelle serait notre dette si nous étions annexés aux Etats-Unis? quelles seraient nos taxes si, en outre de notre dette actuelle, nous avions à payer une part de la dette énorme de ce pays? Pour moi, persuadé que c'est l'unique occasion que nous aurons de réaliser ce projet, je croirais manquer à mon devoir en ne votant pas pour la mesure. C'est le seul moyen pratique de régler les difficultés qui affligent le pays. Depuis dix ans, pendant lesquels j'ai eu l'honneur d'être représentant du peuple, la lutte a été incessante entre le parti au pouvoir et le parti qui venait de le perdre. A cela le pays n'a rien gagné. Si les hon. membres veulent bien juger impartialement la question et se convaincre que nous ne pouvons en changer aucun détail sans tout compromettre, ils l'appuieront, sans hésiter, de leur vote. Si je comprends bien, les détails relatifs à la formation de nos gouvernements locaux nous seront bientôt soumis, et alors nous pourrons les examiner à loisir et les modifier si nous le jugeons convenable. (Ecoutez!)
L'HON. M. REESOR —Je n'ai pas l'intention de parler longuement, mais avant qu'on ne prenne le vote, je désire attirer l'attention de la chambre sur deux ou trois points en particulier. (Cris de: question! question!)— Si je ne suis pas dans l'ordre je vais m'asseoir.
L'HON. M. L'ORATEUR—L'hon. monsieur est parfaitement à l'ordre.
L'HON. M. REESOR—Je désire rappeler à la chambre l'opinion d'un auteur célèbre cité par mon hon. ami pour la division de Victoria (M. RYAN). Mon hon. ami a lu des passages d'un ouvrage de JOHN STUART MILLS, auteur d'ouvrages hautement appréciés sur le gouvernement représentatif. Mon hon. ami aurait dû, à mon sens, prolonger un peu sa citation; voici ce que dit MILLS:
"Selon moi, la considération la plus puissante en faveur des deux chambres (et ceci est important) est le mauvais effet produit sur tout chargé de pouvoirs, soit individu soit assemblée, par l'idée qu'il n'a besoin de consulter que lui-même."
Cela est parlaitement vrai. Mais que demande mon hon. ami? Il veut que tout le pouvoir soit concentré dans le gouvernement général; que le gouvernement ait la faculté de nommer cette chambre, en sorte que toute l'autorité sera réunie dans un seul corps. L'écrivain qu'il a cité condamne ce principe dans les termes suivants:
"Si les ouvrages qui ont fait la réputation d'un écrivain ne traitent pas de la politique, ils ne prouvent en rien ses aptitudes à la représentation, mais si on base les choix sur le mérite d'écrits politiques les ministères successifs pourront inonder la chambre de partisans aveugles."
Voilà où nous entraînerait mon hon. ami; " il donnerait un ministère le pouvoir d'inonder la chambre de partisans aveugles."— Il a aussi été trop loin en parlant du commerce des provinces. Il a dit que le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse nous enleveraient nos manufactures, par exemple, nos grandes fabriques de chaussures. Il a ajouté que la Nouvelle-Ecosse avait du charbon et que là où il y a du charbon l'avenir des manufactures est assuré.
L'HON. M. RYAN—Le charbon n'est pas employé dans la fabrique des chaussures 
346
L'HON. M. REESOR—Mais le charbon assure l'avenir d'un pays manufacturier, et je ne vois pas pourquoi, en cette qualité, la Nouvelle-Ecosse ne pourrait pas fabriquer des chaussures à aussi bon marché que Montréal. J'ai appris dernièrement que ces articles sont fabriqués sur une grande échelle dans la ville de St. Jean. La maind'œuvre est au même prix dans le Nouveau- Brunswick qu'en Canada, et je ne vois pas pourquoi on n'y fabriquerait pas ces articles au lieu de venir les chercher en Canada.
L'HON. M. RYAN—En ce qui concerne les opinions de M. MILLS, voici le passage que j'ai cité:
"Dans tout système politique il devrait y avoir un centre de résistance au pouvoir prédominant de la constitution, et, en conséquence, dans un gouvernement démocratique, un noyau de résistance à la démocratie. Je l'ai déjà dit et je considère ce principe comme une maxime fondamentale du gouvernement. Si un peuple possédant une représentation démocratique se trouve, en conséquence de ses antécédents historiques, plus disposé à tolérer un pareil centre de résistance sous forme de seconde chambre ou chambre des Lords, plutôt que sous toute autre forme, c'est une très forte raison pour qu'on lui donne cette forme."
Il admet qu'un contrôle peut être convenablement exercé par une chambre des lords ou conseil législatif, mais il ne croit pas que ce soit le meilleur contrôle possible, et il en indique un autre dans les détails duquel je ne saurais entrer ici.
L'HON. M. CURRIE—Je désire faire une question à l'hon. commissaire des terres de la couronne, au sujet du 5e paragraphe de la 29e clause qui confie au parlement fédéral: " le prélèvement des deniers par tous autres modes ou systèmes de taxation." Cela veut-il dire que le gouvernement général aura le pouvoir d'imposer des taxes locales sur les terres des provinces?
L'HON. M. CAMPBELL—Le gouvernement général aura le pouvoir général de taxer.
L'HON. M. CURRIE—Le 34e paragraphe de la même clause confie au gouvernement général " l'établissement d'une cour générale d'appel pour les provinces fédérées." Cette cour remplacera-t-elle les cours d'appel que nous avons aujourd'hui; abolira-t-on ces dernières pour en avoir de nouvelles?
L'HON. M. CAMPBELL—Je crois que mon hon. ami n'a pas compris le sens de ce paragraphe. Il n'est pas dit qu'on établira une cour générale d'appel, mais seulement que le gouvernement général aura ce droit.
L'HON. M. CURRIE—D'établir de nouvelles cours d'appel?
L'HON. M. CAMPBELL—Si le parlement passe une loi pour établir une nouvelle cour d'appel, cette même loi indiquera si cette cour devra remplacer les anciennes ou si elle leur sera ajoutée.
L'HON. M. CURRIE — Il me semble qu'avant de prendre le vote ce point devrait être bien compris. Et je ne crois pas que, sur ce point, l'hon. commissaire des terres ait rempli sa promesse de donner des réponses explicites aux questions qui pourraient lui être faites relativement au projet. Une autre chose: la 43me résolution donne à la législature de la Nouvelle-Ecosse le pouvoir de légiférer au sujet des droits d'exportation sur le charbon. Que veut dire cela?
L'HON. M. CAMPBELL—J'ai toujours cru que le droit d'exportation était presque l'équivalent de notre droit régalien. Il remplace ce dernier pour les mines. Et voilà pourquoi nous donnons à la Nouvelle-Ecosse le droit de l'exiger sur les charbons exportés en Canada.
L'HON. M. CURRIE —L'hon. monsieur doit comprendre que cela ne peut être un droit régalien, parce que ce droit s'applique à tout le charbon consommé dans le pays, tandis que le droit d'exportation ne s'applique, d'après le sens même du mot, qu'au charbon exporté. Le 9me paragraphe de cette résolution laisse aux gouvernements locaux " l'établissement, l'entretien et l'administration des pénitenciers, maisons de réforme publiques et des prisons." En Canada il n'y qu'un pénitencier, qui est celui du Haut- Canada. Cette résolution impose-t-elle à la législature locale du Bas-Canada l'établissement et l'entretien d'un nouveau pénitencier tout en perpétuant celui du Haut- Canada?
L'HON. M. CAMPBELL — Sans doute; mais le Bas-Canada peut s'arranger avec le Haut-Canada pour l'usage temporaire ou permanent de ce pénitencier comme il le voudra.
L'HON. M. CURRIE — D'après le 6me paragraphe, les législatures locales ont le contrôle de " l'éducation, sauf les droits et priviléges que les minorités catholique ou protestante dans les deux Canadas posséderont par rapport à leurs écoles séparées au moment de l'union." Je ne sais pas si l'interprétation qui a été faite de ce paragraphe dans certaines parties du pays est exacte, 347 savoir: que les catholiques romains n'auront pas droit à un plus grand nombre d'écoles qu'il n'en auront lors de la passation de l'acte d'union. L'hon. commissaire des terres voudrait-il m'expliquer ce point?
L'HON. M. CAMPBELL—Cette section veut dire que le principe d'action, en ce qui concerne les écoles déjà établies à l'époque de la nouvelle union, continuera d'être appliqué. Si le parlement actuel et les parlements des autres provinces adoptent le projet et si le gouvernement impérial y donne sa sanction, les principes existants qui protégent les diverses minorités seront maintenus dans leur application.
L'HON. M. CURRIE — Mais supposez, par exemple, qu'aucun changement ne soit fait à la loi des écoles communes du Haut- Canada, les catholiques romains auront-ils le droit d'établir un plus grand nombre d'écoles séparées?
L'HON. M. CAMPBELL—Le présent acte demeurera loi et l'hon. monsieur sait quels sont les droits des écoles catholiques romaines en vertu de cet acte.
L'HON. M. CURRIE—C'est ainsi que je comprends ce point. Maintenant, au sujet de la 61ème clause, je demanderai si on se propose, pendant cette session de la législature, de régler, entre le Haut et le Bas- Canada, la portion de la dette qui ne sera pas assumée par la confédération?
L'HON. M. CAMPBELL—On se propose, avant d'appliquer le projet de confédération, de régler la dette entre le Haut et le Bas- Canada.
L'HON. M. CURRIE.—La 64ème clause est ainsi conçue:
"En considération de la transmission générale faite à la législature du pouvoir de taxer, les provinces auront droit respectivement à un octroi annuel de 80 centins par tête de la population, d'après le recensement de 1861. La population de Terreneuve est évaluée, pour cet objet, à 130,000. Les provinces ne pourront rien réclamer de plus à l'avenir du gouvernement général, pour les objets locaux, et cette aide sera payée à chacune d'elles semi-annuellement, à l'avance."
L'hon. commissaires des terres voudrait-il bien me dire pourquoi la population de Terreneuve est évaluée à 130,000 âmes, tandis que celle des autres provinces est fixée d'après le recensement de 1861? On donne à Terreneuve 8,000 habitants de plus qu'elle n'en a d'après le recensement, elle entre, par cette considération pour $200, 000 de trop dans la dette générale, et reçoit aussi une subvention trop considérable; car si on admet que la population de Terre- neuve a augmenté de 8,000 âmes de 1861 à 1864 ou 1865, pourquoi ne pas tenir compte d'un accroissement proportionnel en Canada? En supposant que la population du du Canada suive exactement la même loi d'accroissement elle aura augmenté, dans les cinq années, de 160,000 âmes, ce qui nous donnerait droit à une part dans la dette, excédant de plus de $4,000,000 la part qu'on nous fait aujourd'hui, et nous donnerait une augmentation de $130,000, pour notre subvention locale. Ce chiffre de 130,000 habitants pour Terreneuve, m'offusque à un autre titre, c'est que les populations de la plupart des autres provinces augmentent plus rapidement que celle de Terreneuve, et cependant on adopte pour elles les chiffres du recensement de 1861.
L'HON. M. CAMPBELL—Voici la raison de cette anomalie qui n'est qu'apparente: A Terreneuve on n'a pas fait de recensement en 1861. Le dernier recensement a eu lieu, je crois, en 1857. Si je ne me trompe pas, on a évalué l'accroissement depuis 1861, d'après celui de 1857 à 1861. Et, en partant de là, on a calculé qu'à l'époque de l'union la population de Terre- neuve serait d'environ 130,000 âmes. Voilà pourquoi nous avons adopté ce chiffre.
L'HON. M. CURRIE—L'hon. monsieur a raison en disant que le dernier recensement de Terreneuve a été fait en 1857. Mais on aurait dû calculer sur l'augmentation de quatre années seulement, et j'ai peine à croire que la population de Terreneuve augmente de 8,000 âmes en quatre ans; on donne donc à cette province le bénéfice de quatre ans d'augmentation de plus qu'au Canada, car notre dernier recensement a eu lieu en 1861.
L'HON. M. CAMPBELL—L'hon. monsieur se trompe; nous entrons tous dans la confédération avec les populations évaluées à la même date; or, 130,000 est dans ce cas le chiffre de la population de Terre- neuve. Nous ne faisons aucun avantage à cette province, elle avait 130,000 habitants à l'époque du recensement dans les autres provinces.
L'HON. M. CURRIE—L'hon. commissaire voudra bien nous dire sans doute si en évaluant les revenus des diverses provinces, ou a tenu compte du revenu des douanes provenant des importations d'une province à 348 la utre? En 1861, l'Ile du Prince-Edouard a payé, pour droits de douane, une somme de £l7,769 sterling. Sur ce chiffre, seulement £11,096 ont été payés pour des marchandises importées de pays étrangers, c'est-à- dire des pays qui n'entreront pas dans l'union projetée. De sorte que les habitants de cette île n'ont payé que 70 centins par tête pour les marchandises importées des pays étrangers.
L'HON. M. CAMPBELL—A quel chiffre fixez-vous le revenu total des douanes de l'Ile du Prince-Edouard, pour cette année- là?
L'HON. M. CURRIE—A £l7,769 sterling. La Grande-Bretagne a fourni la plus grande partie des importations; après elle viennent la Nouvelle-Ecosse et les Etats- Unis, puis le Nouveau-Brunswick. Le montant des droits sur les marchandises venant d'autres pays que les provinces anglaises s'est élevé, comme je l'ai dit, à £11,096, en environ les deux-tiers du montant total.
L'HON. M. CAMPBELL—La personne la mieux informée sur le montant des revenus de l'Ile du Prince-Edouard est, je suppose, l'hon. M. POPE,— secrétaire des finances de cette île. Or, notre évaluation est basée sur un rapport imprimé que ce monsieur a soumis à chacun des membres de la conférence et dans lequel était indiqué le revenu de l'île en 1863, et pour une série d'années avant l863 De même, MM. TILLEY, TUPPER et GALT nous ont fourni des états des revenus du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse et du Canada; et c'est sur ces états dressés par les ministres des finances que nos évaluations ont été basées. J'ai remarqué que, dans un de ses discours, l'hon M. GALT fixe le revenu total de l'Ile du Prince-Edouard à $197,000, provenant des douanes et de l'accise, sauf une somme de $32,000.
L'HON. M. ALEXANDER—Mon hon. ami pour la division de Niagara (M. CURRIE a, dans son propre discours, évalué a $153,000 le revenu de l'Ile du Prince-Edouard.
L'HON SIR E. P. TACHÉ fait alors un résumé général du débat dans les termes suivants:— Hon. messieurs: —Je désirais vivement que tous les membres de cette chambre fussent mis à même d'exprimer leurs opinions sur la question qui nous occupe depuis deux ou trois semaines; ne voyant aucun membre disposé à parler, je crois que le débat doit se terminer si tel est le bon plaisir de cette chambre. J'avais commencé à prendre des notes,—et des notes assez détaillées,—avec l'intention de répondre aux divers arguments des hon. messieurs qui ont parlé contre le projet. Mais d'après l'avis de quelques amis, d'un trait de plume j'ai biffé toutes mes observations. (Ecoutez!) Comme compensation on m'accordera peut- être de placer un mot à mon tour (rires); et, pour éviter une nouvelle discussion, j'espère que ce sacrifice de ma part,—car c'est un sacrifice (rires)—sera pris en bonne part. De plus, les quelques observations que j'ai à faire ne sont pas de nature à provoquer la réplique. D'abord, je dois répondre à une question qui m'a été adressée, je crois, par mon hon. ami pour la division de St. Clair (M. VIDAL). Il ne comprend pas bien ce que j'ai voulu dire en parlant d'un plan incliné au haut duquel je voyais les provinces dangereusement placées. Il est vrai que, dans la chaleur de la discussion, je n'ai pas expliqué en détail cette figure de rhétorique. J'ai dit qu'un double danger menaçait la province: en premier lieu, celui de nous voir lancés violemment dans l'union américaine; et secondement, dans la position périlleuse où nous nous trouvions, de glisser vers l'abîme presque à notre insu; cela me semble assez clair. Néanmoins, comme je suis Français et que je ne parle pas la langue anglaise aussi bien que je le voudrais, je crois qu'on devrait m'accorder un privilége qu'on ne refuse pas à certaines nations étrangères; par exemple, on dit qu'un anglais a le droit de parler une fois, un Irlandais deux.......
UNE VOIX—Trois. (Rires.)
L'HON SIR E. P. TACHÉ—Soit, trois, on n'en est que mieux; quant aux Hollandais on les laisse parler jusqu'à ce qu'on les ait compris. Eh bien! je réclame le même privilége que les Hollandais. (Rires.) Quant à être lancés violemment dans l'union Américaine, si ce projet de confédération ne passe pas, il me semble que c'est un résultat très- probable. Supposez que la guerre éclate sur nos frontières vers la fin de l'automne, à l'époque où ferme la navigation. Avec le peu de moyens de défense que nous avons, nous serions alors dans une position très- fâcheuse, car il nous faudrait attendre cinq mois avant de pouvoir espérer du secours de la mère-patrie. (Ecoutez!) Cela est si clair que je n'ai pas besoin de l'expliquer davantage. Je dois cependant commenter et expliquer un peu ce que j'affirme lorsque je prétends que la province se trouve placée sur un plan incliné   349 c'est pourquoi je déclare que si nous ne cultivons pas avec les provinces maritimes ces relations intimes de commerce, de politique et d'entente mutuelle qui doivent être si naturelles entre des sujets anglais, tous monarchistes et partageant la même allégeance, si nous négligeons de nouer et entretenir ces liens, nous courons à notre perte. Tels que nous sommes aujourd'hui, nous formons des populations faibles et isolées, sujettes, probablement, à cette loi de l'ordre physique qui veut que les corps plus puissants attirent ou absorbent les plus petits. Si nous ne fesons pas d'alliance avec les provinces-sœurs, si nous n'établissons pas entr'elles et nous ces relations politiques, sociales et commerciales, qui sont pour nos intérêts d'une importance si vitale, nous perdrons peu à peu quelques-uns des principes que nous prisons si fort aujourd'hui, et notre attachement à la métropole ira s'effaçant peu-à-peu, de même que ces souvenirs qui, pour plusieurs d'entre nous, rendent cet attachement encore plus fort. Nous deviendrons, soyez en sûrs, hon. messieurs, de plus en plus démocratisés et cela avant même que nous nous en apercevions. (Ecoutez! écoutez!) En vérité, si je devais former mon opinion d'après les discours que nous avons entendus dans cette hon. chambre depuis l'ouverture des débats sur la confédération, je pourrais supposer qu'il y a plusieurs hon. messieurs qui, à les entendre, sont déjà rendus à mi-chemin du plan incliné dont je parle. (Ecoutez! écoutez! et rires.) Je dis donc, hon. messieurs, que si nous voulons éviter ce danger nous devons nous unir en confédération avec les provinces d'en-bas et nous assurer ainsi une communication toujours facile et toujours constante avec la mer, afin qu'en cas de danger le Canada et toutes les parties de l'union puissent être secourus sur le champ, et recevoir d'Angleterre une puissante armée pour nous aider à nous défendre, ce que nous espérons pouvoir être capables de faire nous- mêmes. (Ecoutez! écoutez!) Un hon.monsieur a prétendu que j'avais donné à entendre que si la confédération n'avait pas lieu il serait impossible au Canada de devenir prospère; je n'ai jamais rien dit de la sorte; au contraire je me suis exprimé dans un sens tout-à-fait opposé. Je pourrais peut-être me tromper sur la signification du mot prospère; mais j'ai dit que le Canada avait par lui-même les moyens de devenir populeux et riche; j'ai dit aussi que le Canada et les autres provinces anglo-américaines, sans l'union, ne pourraient jamais former une puissante nation, ce qui n'est pas la même chose qu'une nation prospère. J'ai avancé que le Canada ne serait jamais puissant sans l'élément maritime et sans avoir des ports toujours ouverts aux communications avec le monde entier. (Ecoutez! écoutez!) Voilà ce que j'ai dit. On voit donc que je n'ai pas affirmé que le Canada ne pourrait jamais devenir prospère, faire de l'argent et ainsi de suite: au contraire, le Canada peut lui- même être tout cela; mais, eût-il une population de quarante millions, ce qui arrivera probablement dans un siècle, il ne deviendra pas une puissante nation à moins de faire subir son influence sur le monde entier. Et comment pourra-t-il atteindre jusque là s'il est dépourvu de ports de mer ouverts toute l'année? (Ecoutez! écoutez!) J'ai dit encore: — " Montrez-moi une seule nation au monde qui soit arrivée à être puissante sans les éléments maritimes, "—et j'ai soutenu qu'il n'y en avait pas. Toute nation dont le pouvoir s'est fait sentir dans l'univers, a toujours eu un débouché vers la mer. Situé comme il l'est, le Canada a grandement besoin d'un accès toujours libre à la mer; et tant que nous serons séparés du reste du monde pendant cinq mois de l'année, même avec notre magnifique St. Laurent, nous ne pourrons nous compter comme nation indépendante et en possession de l'élément maritime. (Ecoutez! écoutez!) J'avais pris quelques notes en français dans le but de répondre aux hon. messieurs qui ont porté la parole en cette langue, mais ayant commencé mon discours en anglais je vais le continuer. D'hon. orateurs ont demandé quelles mesures nous prendrions pour protéger les minorités respectives du Bas et du Haut- Canada, c'est-à-dire la minorité catholique dans le Haut et la minorité protestante dans le Bas-Canada. Ces minorités sont à l'heure qu'il est en possession de certains droits qui, suivant mon interprétation du projet actuel, resteraient les mêmes et seraient respectés sous les gouvernements locaux, quand même nous ne passerions pas de loi à cet effet; mais il a été résolu qu'en cas de nécessité ou leur donnerait plus de protection. Et alors, j'affirme sans hésiter, que ce qui sera fait pour une partie du pays sera également fait pour les autres parties, et que la justice sera égale. (Ecoutez! écoutez!) D'hon. messieurs ont prétendu que nous n'avions fait qu'exposer le plan général du gouvernement, et nous ont 350 demandé de leur donner des détails sur le bill des écoles, sur les gouvernements locaux et sur une foule d'autres questions embrassées dans l'amendement proposé l'autre jour pas mon hon. ami de Grandville (M. LETELLIER DE ST. JUST), lequel amendement avait au moins une brasse de long, et une très bonne brasse encore. (Rires.) En supposant que nous les aurions devant nous, pourrions-nous en réalité tirer profit de la masse de renseignements demandés par l'hon. député? Il me semble que ce serait vouloir introduire un liquide dans un vase dont le goulot serait très étroit; en versant trop vite et en trop grande quantité, vous repandrez le liquide sur le vase au lieu de l'en emplir. Je crois que nous en avons assez pour le moment du principe même de la question sans encore nous embarrasser de ses accessoires. D'un autre côté, à quoi serviront ces accessoires si le principe est mis de côté? (Ecoutez! écoutez!) Croyez-le, hon. messieurs, aussitôt que ces résolutions seront votées, alors on vous en communiquera les détails les uns après les autres, et j'ai lieu d'espérer qu'ils seront de nature à satisfaire la majorité de cette hon. chambre. (Ecoutez! écoutez.) Quelques hon. messieurs ont dit que cette union n'était pas fédérale, mais bien réellement et de fait une union législative qui vous était proposée, et l'un d'eux a cité la 29e clause dans le but de prouver que le gouvernement général pourra, quand il le voudra, révoquer aucun des actes des diverses législatures locales;—que le gouvernement général pourrait, par exemple, abolir nos institutions religieuses et charitables ou les dépouiller de leur biens. Je crois que l'hon. monsieur n'a pas tout vu ce qu'il y avait dans cette même 29e résolution, car il en a passé sous silence une partie très-importante qui lui aurait prouvé, s'il ne l'eût pas omise, que le projet comportait une union fédérale et non législative. Je n'ai pas le moindre doute que mon hon. ami n'ait agi avec bonne foi; mais étant quelque peu myope, il a pu oublier quelque chose de cette résolution et par conséquent arriver à une conclusion toute différente de celle qui est la seule vraie. Voici comment est conçue la 29e clause:—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées (sans toutefois pouvoir porter atteinte à la souveraineté de l'Angleterre), et en particulier sur les sujets suivants, etc."
Puis vient la liste de tous les sujets laissés au contrôle du gouvernement général. La résolution ne finit pas encore là; il y a quelque chose qui vient après, le voici:—
"Et généralement toutes matières d'un caractère général qui ne seront pas spécialement et exclusivement réservées au contrôle des législatures et des gouvernements locaux."
Je demanderai maintenant à mes hon. auditeurs si un acte d'incorporation d'une société religieuse ou de bienfaisance présenté à la législature du Bas-Canada est d'un caractère général ou local? (Ecoutez! écoutez!) Prenons par exemple le couvent des Sœurs de Charité:— pense-t-on que le gouvernement général, d'après cette clause, pourra toucher en quoique ce soit aux droits de ces révérendes dames? J'affirme que non, il ne le peut pas. Je suppose que l'hon. membre qui s'est servi de cet argument l'a fait de bonne foi et avec conscience:— mais il doit maintenant lui paraître évident que, sous le régime fédéral tel que proposé, le gouvernement général n'aura aucune autorité quelconque de se mêler de ces questions. (Ecoutez! écoutez!) Je dis donc et j'affirme, en me basant sur ce que je viens de lire, que le gouvernement général ne pourra, en vertu d'aucun droit, intervenir dans ce qui regarde les corps religieux et de bienfaisance. (Ecoutez! écoutez!) On a fait d'autres remarques sur les lois de divorce et du mariage, et l'hon. député de Lanaudière (M. OLIVIER) nous a dit que la conférence avait bien fait de laisser la question du divorce au gouvernement général. Cette observation est très- juste de sa part et je suis heureux de le reconnaître: mais, d'un autre côté, il a paru s'inquiéter beaucoup de la portée du mot mariage mentionné dans les résolutions. Je vais essayer de le mettre à l'aise sur ce point, en lui donnant une réponse que je trouve écrite, de façon à ce que tout malentendu soit impossible. Si l'hon. monsieur veut s'en donner la peine, il pourra même écrire cette réponse que voici:
"Le mot mariage a été inséré, dans les résolutions afin de donner à la législature générale le droit de décider quelle forme de mariage sera légale dans toute la confédération, sans cependant changer en rien les règles et prescriptions de l'église à laquelle appartiennent les parties contractantes."
Un autre hon. monsieur, l'hon. député de de Lorimier, je crois, (M. BUREAU), m'a demandé si le gouvernement général serait 351 responsable des dettes contractées par le Canada avant l'union fédérale? J'ai répondu: " Oui,—le gouvernement général sera responsable de toutes les dettes contractées avant cette date."
"Mais, reprend-il, il se trouve certaines sommes, à part les soixante-deux millions et demi de piastres, qui resteront à régler entre le Bas et le Haut-Canada; que deviendra, par exemple, la dette due aux seigneurs? ne pourrait-il pas arriver que le Bas-Ganada répudiât cette partie de la dette qui lui écherrait?"
Je réponds que le Bas-Canada ne pourrait en agir ainsi,—quand même il le voudrait; d'ailleurs, je ne crois pas que le Bas-Canada fût disposé à répudier une dette qu'il aurait lui-même contractée et une dette d'honneur comme celle-là. Cependant, s'il arrivait que, malgré tout, la répudiation eût lieu, le gouvernement général n'en resterait pas moins responsable de cette dette comme de toutes les autres; et comme il est tenu de donner au Bas-Canada une subvention de 80 centins par tête de la population, il aurait à déduire de cette subvention un montant égal a celui que le Bas-Canada aurait à payer pour l'indemnité due aux seigneurs. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi donc, l'hon. monsieur, qu'il soit seigneur lui-même ou non, peut avoir l'esprit très tranquille sur cette question qui paraît l'intéresser si vivement.
L'HON. M. BUREAU—J'ai dit qu'il avait été établi par un acte public un fonds destiné à racheter la dette due aux seigneurs, et que l'abrogation de cette loi équivalait à un acte de répudiation.—Et alors j'ai simplement ajouté que ce serait faire acte de répudiation, mais que si vous alliez payer au Bas-Canada la somme que vous mentionner pour son gouvernement local, dans le cas où il refuserait de payer l'indemnité aux seigneurs, probablement que le gouverne ment retiendrait sur les 80 centins une somme suffisante pour cet objet.—Je ne désire pas pousser cet argument plus loin; et je dois déclarer que ce n'était que pour argumenter que j'ai émis cette proposition.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Il n'y a aucune loi de révoquée, pas plus qu'il n'y a en répudiation. Les seigneurs, suivant ce qu'il m'en semble, car je puis ne pas comprendre la loi n'étant pas homme de loi,—les seigneurs, dis-je, auront par la nouvelle constitution une garantie de plus: voilà ce qui me parait très-évident. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Lorimier a critiqué très au long les observations si judicieuses, suivant moi, de l'hon. chevalier (SIR N. F. BELLEAU)—sur le fonctionnement et les résultats du gouvernement responsable en ce pays. L'hon. chevalier avait démontré de quelle manière le gouvernement responsable protégerait les catholiques français du Bas- Canada sous la confédération, en disant que, si jamais le gouvernement général tentait de commettre un acte d'injustice flagrante, toute la population Bas-Canadienne se lèverait en masse pour se réunir à la minorité contre le gouvernement—car on sait qu'il y aura toujours des minorités—et, ainsi fortifiée, elle ferait une opposition devant laquelle aucun ministère ne tiendrait pas vingt-quatre heures. Voilà ce ne mon hon. ami a prétendu avec beaucoup de justesse et de vérité.
"Mais, dit l'hon. député de Lorimier —ne vous rappelez-vous pas qu'à une certaine époque les Haut-Canadiens s'unirent à la minorité Bas-Canadienne pour imposer leur volonté au Bas-Canada?"
Eh! bien, moi je réponds qu'ils n'ont jamais fait de torts au Bas-Canada, et que quand même ils l'auraient voulu ils n'auraient pu venir à bout de leur dessein; pourquoi? Ne sait-on pas que de 1844 à 1848 le gouvernement avait concédé aux Canadiens-Français l'usage public de leur langue, afin de s'assurer de leur appui, et qu'il leur aurait encore beaucoup plus donné pour obtenir ce résultat? Le gouvernement d'alors nous aurait donné tout ce qui a été accordé plus tard,— même une loi pour décréter une indemnité à ceux qui avaient souffert des pertes lors de l'insurrection de 1837-38. Il vous aurait accordé tout cela, même quelque chose de plus, pour vous décider à le soutenir. Il est à regretter, en vérité, que l'hon. député n'ait pas cité des faits et qu'il n'ait pas suivi fidèlement l'histoire parlementaire de son pays depuis 1841, car il aurait vu que ce que l'on appelait gouvernement responsable n'était pas encore bien défini, ni appliqué à cette époque. Il est bien vrai que SIR CHARLES BAGOT était entré dans les vues de ses ministres et que le régime nouveau fonctionna très-bien sous son administration:— mais il mourut, et mes hon. auditeurs doivent savoir que lord METCALF était opposé au système de la responsabilité du gouvernement
L'HON. M. BUREAU —Nous avons cependant fini par l'avoir.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ— Oui, de nom seulement, mais pas en pratique; car autrement MM. LAFONTAINE et BALDWIN 352 ne fussent jamais sortis du cabinet. Ils ne résignèrent que parce qu'ils se croyaient responsables au parlement de nominations que lord METCALF avait faites sans consulter ses conseillers constitutionnels. Ainsi donc, le fait cité par l'hon. monsieur (M. BUREAU) pour détruire la thèse de mon hon. ami (Sir N. F. BELLEAU) n'a aucune portée, parce qu'il n'a pas d'application aux circonstances actuelles, et parce que, je le répète, le gouvernement responsable n'existait pas encore alors.
L'HON. M. BUREAU—Alors, il n'existe pas plus aujourd'hui.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Qu'entend dire par là l'hon. monsieur?
L'HON. M. BUREAU—L'hon. monsieur a lui-même prétendu que depuis la mort de lord BAGOT nous n'avions pas eu le gouvernement responsable.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Assurément, l'hon. monsieur m'a mal compris, car je crois avoir dit que sous lord METCALF le gouvernement responsable n'avait eu d'existence que de nom, et c'est ce dont se convaincra l'hon. monsieur en étudiant un peu plus l'histoire parlementaire de ce pays. La conséquence du différend entre lord METCALF et ses ministres fut la résignation de messieurs LAFONTAINE et BALDWIN, et l'on vit le parti du Bas-Canada se ranger de l'avis de ces derniers sans se briser aucunement. Les ministres qui vinrent ensuite essayèrent sans doute de faire quelques brèches à cette majorité et de s'en détacher des partisans:—mais ce fut en vain. La représentation du Bas-Canada resta inébranlable jusqu'à ce que les élections de 1848 ramenèrent les partis politiques à peu près dans le même état. J'ai déjà dit que j'avais détruit mes notes; je suis donc prêt à attendre le jugement de cette hon. chambre. (Applaudissements.)
L'HON. M. VIDAL—Comme je regarde de mon devoir de voter la proposition qui se trouve devant la chambre, je crois important de repousser d'avance le reproche d'inconséquence que l'on pourrait me faire d'avoir également voté pour les amendements qui ont été proposés et rejetés. Je dois déclarer que mes vues sur l'utilité de soumettre la question au peuple sont les mêmes, car on ne m'a pas convaincu que cela fut mal en principe et dût tendre à détruire la mesure. Mais on se rappellera que j'ai dit aussi que j'approuvais le projet de confédération et que c'était afin de l'asseoir sur la volonté des masses que je voulais l'appel au peuple. Comme l'amendement proposé dans ce but a été rejeté, il ne me reste plus qu'à décider si je dois accepter ou refuser le projet tel qu'il est aujourd'hui: et c'est pourquoi je déclare que, vu les circonstances, je voterai les résolutions. (Ecoutez! écoutez!)
La question fut alors proposée sur la motion principale qui fut emportée sur la division suivante:
POUR:—Les hon. messieurs Alexander, Allan, Armand, Sir N. F. Belleau, Bennett, Fergusson Blair, Blake, Boulton, Bossé, Bull, Burnham, Campbell, Christie, Crawford, DeBeaujeu, Dickson, A. J. Duchesnay, E. H. J. Duchesnay, Dumouchel, Ferrier, Foster, Gingras, Guévremont, Hamilton (Inkerman), Hamilton (Kingston), Lacoste, Leonard, Leslie, McCrea, McDonald, McMaster, Macpherson, Matheson Mills, Panet, Price, Read Renaud, Ross, Ryan, Shaw, Skead, Sir E. P. Taché, Vidal, Wilson.—45.
CONTRE:—Les hon. messieurs Aikins, Archambault, Armstrong, Bureau, Chaffers, Currie, Flint, Letellier de St. Just, Malhiot, Moore, Olivier, Proulx, Ressor, Seymour, Simpson.—15.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ propose alors, secondé par l'hon. M. FERGUSSON BLAIR, qu'il soit nommé un comité spécial pour rédiger une adresse basée sur la résolution, et que le comité soit composé des hon. MM. CAMPBELL, FERGUSSON BLAIR, ROSS, CHRISTIE, SIR N. F. BELLEAU et de l'auteur de la présente motion. Emporté.
La chambre s'ajourne alors à loisir.
Quelque temps après la séance est reprise, et l'hon. SIR E. P. TACHÉ, de la part du dit comité, fait rapport d'une adresse, et propose, secondé par l'hon. M. FERGUSSON BLAIR, que la dite adresse soit agréée,—ce ce qui est adopté. Il est alors ordonné que la dite adresse soit grossoyée et, signée par l'hon. ORATEUR de cette chambre, présentée à Son Excellence le Gouverneur-Général, par toute la chambre. Il est, en outre, ordonné que les membres du conseil exécutif, qui sont membres de cette chambre, se rendent auprès de Son Excellence le Gouverneur-Général, pour savoir en quel temps il plaira à Son Excellence recevoir la dite adresse.
Et la chambre s'ajourne.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

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