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Assemblée Législative, 22 Février 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

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MERCREDI, 22 février 1865.

L'HON. M. HOLTON—Je désire, avant l'ouverture des débats, savoir si le gouvernement a l'intention de mettre devant la chambre la mesure qu'il a promise à l'égard de l'instruction publique en Bas-Canada, avant que celle-ci soit appelée à voter finalement le projet de confédération qui se discute en ce moment? Je crois n'avoir pas besoin d'ajouter que cette matière est d'un très grand intérêt pour une grande partie de la population du Bas-Canada; c'est pourquoi, il me semble qu'avant le discours de mon hon. ami le député de Montréal Centre, (M. ROSE), les vues du gouvernement sur cette question devaient être clairement exprimées.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Quoique l'interpellation ne soit pas faite régulièrement, je n'ai cependant aucune répugnance à répondre à l'hon. député,—d'ailleurs, ma réponse n'est pas autre que celle qu'a déjà faite mon hon. ami, le député de Sherbrooke (M. GALT).
L'HON. M. HOLTON—L'hon. député en question n'a pas fait connaître à la chambre ...
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—A l'ordre!
L'HON. M. HOLTON—Je ne crois pas m'en éloigner en fesant une question de ce genre au moment de l'appel de l'ordre du jour. Cependant, je me lève de nouveau pour donner avis aux hon. messieurs que je leur renouvellerai la question demain soir lorsque la chambre passera à l'ordre du jour. Mais qu'il me soit permis de dire que ce n'en est pas moins pour les hon. messieurs traiter la chambre et le pays avec mépris, que de refuser de faire connaître d'une manière explicite leurs vues sur une question de cette importance, et de nous apprendre s'ils sont ou non pour présenter leur mesure à ce sujet avant le vote final sur la confédération. Je renouvellerai donc la question demain.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER —Le gouvernement y a déjà répondu deux fois, et il y répondra encore une troisième fois si l'hon. monsieur le désire.
L'HON. M. ROSE—M. l'ORATEUR, avant d'aborder la question qui fait le sujet de la motion que vous avez à la main, je désire témoigner à la chambre ma sincère reconnaissance de l'égard qu'elle a eu pour mon absence, et en même temps remercier mes hon. amis, le député de Lambton (M. A. 401 MACKENZIE), le député de Chateauguay, (l'Hon. M. HOLTON), et le député de Brome (M. DUNKIN), de la courtoisie dont ils ont fait preuve en me conservant la priorité sur la demande qui leur en a été laits par l'hon. député de Montmorenei (M. CAUCHON.) Sensible à ces égards dont j'ai été l' objet, je compte en donner la preuve en n'entretenant la chambre que le moins dongtemps possible; mais, avant tout, je déclare que dans les observations que je vais faire, aucune des paroles que j'articulerai ne comportera l'intention de blesser aucun des adversaires de la proposition actuellement devant la chambre. Loin de moi l'idée de vouloir déprécier la discussion, car sur cet important sujet je désire qu'elle soit des plus amples et des mieux approfondies. Loin de moi l'idée de vouloir employer le moindre mot qui pourrait donner à entendre qu'ils manquent de patriotisme ceux des hon. membres qui croient de leur devoir de s'opposer à cette mesure. Comme moi-même je les crois mus par un ardent désir de faire le bien du pays. (Ecoutez! écoutez!) Il est juste que la question soit examinée dans tous ses détails, non seulement dans ses résultats possibles quant aux partis, mais aussi dans ceux qui influeront sur la destinée du pays en général. C'est à ces points de vue que je pense qu'elle doit être discutée, car, bien loin de vouloir déprécier le mérite d'une ample-discussion, j'entretiens l'espoir que tout hon. membre surs l'occasion de se prononcer selon ses vues et lorsque son tour viendra. (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M. l'ORATEUR, qu'il est peu de personnes qui, dans le fonds, ne partagent pas l'idée d'une union entre de petits états voisins, de préférence à celle qui voudrait leur isolement sous des gouvernements distincts. Je crois même que dans un sens abstrait, et dans le cas d'états ainsi située, cette idée ne compte pas d'adversaires. Mais le principal motif de l'opposition que fait à ce projet un parti important, c'est que le principe abstrait d'une union no s'applique pas pleinement aux colonies situées comme le sont le Canada, le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse, l'Ile du Prince-Edouard et Terreneuve--les cinq colonies qui doivent entrer dans la confédération. Beaucoup appréhendent que cette union sers le premier pas vers l'indépendance; qu'elle devra nécessairement relâcher nos liens avec la mère- patrie; qu'elle changers nos relations et formera une puissance que ne saurait voir d'un bon ceil la souveraineté impériale; en un mot, qu'elle pourrait non seulement nous faire séparer de la mère-patrie, mais nous contraindre même à une union avec la république voisine. Voilà les principales objections que j'ai entendu faire au début même des travaux de la convention de Québec. Je sais que beaucoup des adversaires du projet entretiennent l'appréhension—pent être la conviction — de ces résultats. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi donc, loin de vouloir m'opposer à. la discussion de ce projet à tous les points de vue, je pense que tous ceux d'entre nous qui désirent perpétuer notre alliance avec l'Angleterre écouteront avec calme et attention toutes les objections faites par ceux qui entretiennent sincèrement ces opinions qui, loin d'être blâmables, ont. droit au respect. (Ecoutez! écoutes!) Pour ma part, je ne nie pas que le mouvement actuel pourrait avoir l'effet de modifier les relations qui existent entre cette province et la mère- patrie.
L'HON. M. HOLTON—Ecoutez! écoutez!
L'HON. M. ROSE—Je ne nie pas que le résultat pourrait être de changer la nature de ces relations; mais je maintiens, et j'espère être capable de le démontrer à la chambre, que loin d'affaiblir ou de relâcher nos liens avec l'Angleterre, ce changement sera plutôt de nature à. les resserrier tout en les rendant moins lourds. (Ecoutez! écoutez!) Bien que je croie que ces relations seront en quelque sorte modifiées et que nous devions examiner sous quel nouvel aspect elles se présenteront, je pense aussi que cette mesure nous est inspirée par la force des circonstances. L'effet irrésistible des événements qui se passent ne nous permet pas de rester inactifs, et quand même ce changement inévitable ferait perdre graduellement au pays son caractère de dépendance, pourvu que celui qui le remplacera soit plus en rapport avec le nouvel état de choses qui fera de ces colonies une division territoriale de l'empire, je pense que le résultat aura pour effet de rendre ces relations plus stables tout en leur donnant un caractère plus élevé. Je pense aussi que nous reconnaîtrons le même souverain, auquel nous rendons foi et hommage, et que nous conserverons la même vénération pour la constitution et le nom anglais. (Ecoutez! écoutez!) On ne saurait nier qu'à l'heure qu'il est il existe en Angleterre une opinion qui prend tous les jours de la consistance,— car elle n'est plus, comme il y a quelques 402 années, partagée seulement par des théoriciens outrés—et c'est celle qui prétend que la connexion qui existe entre les colonies— surtout le Canada,—et la mère-patrie, est une source de dépenses et de dangers. Il est indubitable que depuis quelques années cette opinion a acquis plus de force que ne le désirent ceux d'entre nous qui veulent conserver la connexion entre ces colonies et l'Angleterre, et nous n'ignorons pas jusqu'à quel point cette opinion pourrait influer sur la législation de l'Angleterre. Il est encore une autre considération qui fait que l'attention du peuple d'Angleterre se porte sur ce sujet plus qu'à. l'ordinaire, c'est-à-dire la condition de ses relations avec la république qui nous avoisine, et la grande force militaire que cette dernière a déployée dans les deux ou trois dernières années. Sous ces circonstances, cette opinion, qui, en Angleterre, aurait pu autrement rester encore longtemps à. l'état de théorie, a pris le premier rang. Il ne s'agit donc pas maintenant de savoir si sous telles et telles circonstances il serait mieux pour cette colonie et les autres de prendre une attitude plus indépendante à l'égard de l'Angleterre. Le peuple anglais s'occupe maintenant de savoir quelles seraient, dans le cas d'une guerre avec les Etats-Unis, les relations de la Grande-Bretagne avec ces provinces; jusqu'à. quel point, dans cette éventualité, il serait possible de protéger cette possession éloignée de l'empire, d'éviter au pavillon britannique l'épreuve d'un désastre, et, à. 3,000 milles de distance, de maintenir la valeur du nom anglais. Voilà ce qui a contraint si fortement l'opinion publique en Angleterre à s'occuper e ses relations aetuelies avec ce pays, et c'est à. l'égard de tous ces faits que nous avons à prendre des mesures. Je le répète, il ne s'agit pas ici de discuter sur un point de doctrine, il s'agit simplement de faits accomplis. Il nous faut voir notre situation en face. Il nous faut parer aux éventuelités qui s'annoncent d'elles- mêmes, et voir si dans l'union de ces colonies nous ne trouverons pas la sûreté pour nous et un surcroît de force pour l'empire en général. (Ecoutez! écoutez!) Maintenant, pour ce qui est des objections faites par ceux qui croient que cette mesure va nous mener à grands pas vers notre indépendance, ou au moins faire que nos relations avec l'Angleterre seront plus indépendantes, qui disent que nous ne devons pas oublier que nous sommes placés dans des circonstances particuculières, j'admettrais l'exactitude de l'argu ment qui veut que par cette mesure nos liens avec l'Angleterre pourraient se relâcher, si nous nous trouviens dans la position de quelques uns des plus petits états de l'Europe, si, par exemple, nous avions d'un côté un état comme la Suisse, et de l'autre une des principautés allemandes. Si nous avions pour voisins des états comme la Belgique ou le Danemark, et, situés de la sorte, si nous étions un des petits états, je conviendrais que si une union de toutes ces Provinces devait s'opérer, elle pourrait possiblement donner lieu à cette indépendance que craignent les adversaires du projet, et que pour ma part je désire de tout mon cœur ne voir jamais arriver. (Ecoutez! écoutez!)Nul doute que situés ainsi, sans voisin puissant et plus qu'imposant, une combinaison politique comme celle ne nous projetons pourrait amener notre indépendance réelle de l'Angleterre. Si nous n'étions qu'une agrégation de petits états sans voisin puissant, il serait possible que le résultat que nous redoutons tant pourrait en découler. Il est probable qu'avec le temps nous aspirerions a former des relations étrangères, a avoir une armée et une marine et a acquérir cette complète émancipation que l'âge suggère aux peuples comme aux individus. Mais dans un état, l'indépendance est toujours relative, et nul d'entre nous ne peut compter qu'il vivra assez longtemps pour voir les possessions britanniques en cette partie du monde assez peuplées et assez puissantes pour pouvoir se déclarer indépendantes de l'Angleterre. Par notre position géographique, tant que les Etats- Unis seront aussi puissants qu'ils le sont, et quand même ils se diviseraient en trois républiques, nous trouverions toujours en eux une soure de danger qui nous forcera à maintenir notre dépendance vis-à-vis de l'Angleterre. Dans notre position par rapport aux Etats- Unis, et dans la supériorité de leur puissance, nous trouvons, je le répète, la certitude qu'il n'y aura pas lieu d'appréhender que les colonies de l'Amérique du Nord se déclareront un jour indépendantes de l'Angleterre, et cela, parce que notre position fera que toujours nous rechercherons son aide et sa protection. Je ne dis rien de la loyauté, de cet attachement à la couronne anglaise et de ce respect pour la personne du souverain que nous possédons à un si haut degré et que non cherchons à inculquer à nos enfants. Je ne parle pas non plus de l'orgueil que nous ressentons 403 tous de jouir de la constitution anglaise et de pouvoir nous associer par les sentiments er par le cœur à la gloire du nom anglais. Je mets de côté pour le moment l'attachement à la mère-patrie, et j'affirme que la nécessité seule de notre conservation, pendant des siècles, ou au moins pendant plusieurs générations, empêchera que ces colonies ne se déclarent inépendantes de l'Angleterre, à moins donc que ce ne soit pour faire partie de la république voisine, et sur ce dernier point, je pense qu'il n'est ni de l'intérêt ni de la volonté d'aucun membre de cette chambre que cette annexion se réalise. (Ecoutez! écoutez!) Quelque soit le sort que la Providence nous réserve, c'est là une destinée que personne n'envie. Dans ses instincts et dans ses vues, notre peuple est monarchiste et conservateur; celui des Etats voisins est au contraire niveleur et démocrate. M. l'ORATEUR, bien que j'aie dit que je voulais traiter cette question du danger de voir la fédération nous rendre indépendants de l'Angleterre sans mettre en ligne de compte nos sentiments de- loyauté, je n'en crois pas moins ne cette union fera que notre attachement à la mère-patrie sera dix fois plus vif qu'il n'est aujourd'hui. Par elle sera créé chez nous le sentiment de la nationalité, et je crois que le premier devoir d'un homme d' Etat est de travailler à incul quer ce sentiment national qui stimule le peuple à prendre un vif intérêt au bien-être de son pays. Nous savons que les libertés constitutionnelles dont nous jouissons ici sont dues à notre union avec l'Angleterre, et que nous avons de grands intérêts matériels que nous pouvons transmettre à notre postérité. Dans une confédération, la condition des colonies sera tout à fait différente de celle où elles se trouvent aujourd'hui, isolées comme le sont les unes des autres, et se jaloulousant aussi quelquefois. Avec un gouvernement stable et un pouvoir central assez puissant pour contrôler son immense territoire, nous serons en mesure d'établir un système efficace d'immigration. (Ecoutez! écoutez!) Avant peu, je l'espère, nous pourrons attirer à nous une immigration constante qui contribuera à perpétuer parmi nous les sentiments de loyauté et d'attachement à la couronne. Jusqu'ici nous n'avons pu établir ni faire fonctionner sur une grande échelle aucun système efficace d'immigration. Isolés comme nous le sommes, nous n'avons pu comme nous le pourrons, offrir aux immigrants l'avantage 'un grand pays ayant un nom et une nationalité à lui,—un pays dont eux et nous aurons lieu d'être fiers. (Ecoutez! écoutez!) Ils ne seront as, comme nous l'avons été, incertains sur la durée de notre gouvernement constitutionnel et sur la durée des bienfaits en résultant. Je suis donc convaincu que l'institution d'un gouvernement stable et d'un système d'immigration fait pour attirer chez nous les immigrants d'Angleterre, d'Irlande et d'Ecosse, contribueront beaucoup à entretenir l'attachement que nous désirons conserver avec la mère- patrie. (Ecoutez! écoutez!) Nous n'aurons pas alors à offrir à l'iinmigrant le seul avantage de faire de l'argent, nous pourrons lui offrir une patrie, et avant peu le sentiment de la nationalité aura pris racine parmi nous. Ainsi donc, M. l'ORATEUR, quant au danger que l'union conduira a l'indépendance, je pense que ceux qui veulent perpétuer l'union ne doivent guère le craindre. L'on pourra dire que par notre position, qui fera que nos intérêts matériels et commerciaux seront fortement liés aux Etats-Unis, et la confiance que nous aurons en notre force comme grande nation,—nous courrons cet autre danger de former avec cette république une alliance plus étroite qu'aucun de nous ne le voudrait, et que c'est ainsi que l'union projetée sera le premier pas vers l'annexion; mais, sur ce point encore, je pense que nos craintes ne sont point fondées. Je ne puis croire que nos intérêts nous conduiraient là. A l'heure qu'il est, au point de vue du commerce, s'entend, nous dépendons presque entièrement des Etats-Unis. Ne dépendons-nous pas d'eux pour un débouché vers l'océan durant ce mois d'hiver? S'ils jugeaient à propos de suspendre le système de transit (bonding system) ou de le rendre pratiquement inutile, ou exigeant la production de certificats de consul, s'ils abolissaient le traité de réciprocité, s'ils établissaient le système des passeports et le maintenaient dans toute la rigueur possible, c'est alors que bien plus qu'aujourd'hui nous sentirions jusqu'a quel point nous dépendons d'eux. Et peut-être, M. l'ORATEUR, vaudrait-il la peine que nous considèrions si ce n'est pas là le motif réel qui leur dicte la politi ne qu'ils suivent actuellement! (Ecoutez! écoutez!) Mais donnez-nous ce chemin de fer intercolonial, par lequel nous communiquerons avec Halifax et St. Jean en tout temps de l'année, et alors nous serons indépendants des Etats- Unis pour le commerce autant que nous le 404 sommes sous le rapport politique. Peut-être, durant l'hiver, ne trouverons-nous pas cette route menant à l'océan moins dispendieuse que la voie des Etats-Unis; mais si nous avons à nous une voie de communication que nous pourrons prendre dans le cas de nécessité, nos voisins verront qu'il est de leur intérêt de nous offrir l'usage des leurs à bon marché, (Ecoutez! écoutez!)—chose qu'ils se garderont bien de faire tant qu'ils ne nous verront pas d'autre débouché; mais si, durant toute l'année, nous avons une issue pour l'écoulement de nos produits, ils ne commettront pas la folie de se priver eux-mêmes de l'occasion d'acheminer nos articles sur leur territoire. Si nous avions à présent cette voie ferrée, nous n'aurions pas lieu de craindre le retrait du système d'entreposage ni le maintien de celui des passeports, car, en ce faisant, ils se feraient à eux-mêmes plus de tort qu'à nous. Encore une fois, je puis dire que dans cette union je ne vois aucun élément de danger. Durant le temps de l'incubation du projet, si toutefois je puis m'exprimer ainsi, j'ai fait mon possible, dans ses diverses phases, pour le juger sans passion et sans prévention, car au début, je l'avoue, il ne m'inspirait aucune confiance; il me semblait que nous allions tenter l'inconnu, et qu'à un système qui avait comparativement bien fonctionné nous allions en substituer un autre qui, sous quelques rapports et selon l'esprit de la constitution anglaise, pouvait passer pour une innovation; mais maintenant que je l'ai étudié avec toute l'attention possible, je dis que sur aucun point je ne puis entrevoir que l'union de ces colonies nous conduira à notre indépendance de la Grande-Bretagne. S'il en était autrement, je me ferais un devoir de m'opposer à son adoption, en un mot, j'emploierais pour le faire rejeter tous les moyens en mon pouvoir. Mais tout au contraire, M. l'ORATEUR, je verrais dans son rejet la cause d'un grand danger. Je pense que si nous restons comme nous sommes, une simple agrégation de colonies isolées, hostiles jusqu'à un certain point les unes aux autres, le danger est imminent; il existe, et c'est des Etats-Unis qu'il nous viendra. Si nous ne nous unissons et ne formons un gouvernement central, auquel sera conféré le pouvoir de diriger la puissance du pays dans la voie la plus avantageuse, ma conviction est que nous courons le risque d'être absorbés par cette république. Or, dans ce danger se trouve le plus puissant argument qui puisse être apporté en faveur de la confédération des provinces, puisque cette dernière nous permettrait d'ériger les défenses nécessaires tout le long de la frontière de notre pays. En très peu de mots je pense pouvoir démontrer que si nous nous unissons, cela suffira pour que l'Angleterre entreprenne ces travaux de défense qui seront essentiels à notre sécurité et de nature à faire respecter son pavillon sur ce continent; et que si, comme je le crois, cette union s'accomplit, nous serons alors en mesure de nous défendre avec succès contre toute attaque. Et malheureusement, M. l'ORATEUR, nous ne pouvons pas espérer que le danger d'être attaqués ne se réalisera pas. Il n'est pas à l'état de possibilité vague ni très éloigné de nous. Tant que la guerre civile actuelle continuera, personne ne peut dire si un jour ou l'autre ces complications ne se transformeront pas en hostilités contre nous. Tout homme prudent ne peut s'empêcher de voir les nuages sombres qui planent au-dessus de notre pays et qui menacent à chaque instant de se déchirer pour laisser fondre l'orage sur nous. Ils sont là qui nous avertissent que nous n'avons pas de temps à perdre si nous croyons que l'union parera aux dangers dont nous somme menacés. Or, si l'on veut que le gouvernement général s'occupe immédiatement de nous mettre en mesure de nous défendre, il importe donc de hâter l'accomplissement de l'union projetée. Ainsi qu'on le sait, l'opinion publique en Angleterre est malheureusement peu portée aujourd'hui à engager le gouvernement impérial à faire de grandes dépenses pour les colonies. Pour que cette dépense se fasse, il lui faudra la certitude que les travaux de défense que l'on veut faire soient capables de protéger le pays sur la frontière duquel ils seront élevés. Nous ne pouvons espérer que l'Angleterre encourra la dépense d'élever des fortifications sur notre frontière sans que l'assurance lui soit donnée que nous pourrons, avec son concours, les utiliser contre toute attaque d'une puissance hostile. Je pense que si le plan d'union projetée est rejeté, que si les différentes provinces le repoussent et que nous restons dans la condition où nous sommes, nous allons tellement décourager les hommes d'Etat de l'Angleterre, tellement les embarrasser, qu'ils ne sauront plus que faire pour nous. (Ecoutez!)
L'HON. M. HOLTON —Allons donc!
M. DUNKIN—Qu'est-ce qui vous fait croire cela?
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L'HON. M. ROSE—Je crois que la formation d'un gouvernement auquel serait conféré le pouvoir de diriger toute la puissance des cinq colonies ajouterait beaucoup à notre sécurité. Qui peut douter qu'il n'y ait pas plus de sécurité dans une union que dans la position isolée où nous sommes, c'est-à-dire sans force commune? Je pense qu'au point de vue de nos défenses l'union n'est pas bien appréciée. (Ecoutez! écoutez!) Où serait la puissance de la Grande-Bretagne si l'Angleterre, le pays de Galles, l'Irlande et l'Ecosse avaient chacun un gouvernement ayant la direction de ses forces militaires et navales particulières? Sa flotte et ses armées auraient-elles acquis la valeur qu'elles ont à présent si un gouvernement national n'avait pas réuni ces éléments de force? Est-ce qu'il n'y a pas d'avantage à avoir un gouvernement qui pourrait concentrer sur un point voulu toutes la force militaire? S'il n'y en a pas, je consens volontiers à admettre que cet argument qui a servi à me convaincre n'est d'aucune valeur.
L'HON. M. HOLTON—Ne sommes-nous pas tous attachés à la mère-patrie?
L'HON. M. ROSE—Je le pense, assurément.
L'HON. M. HOLTON—Eh bien! alors, quelle force acquerrions-nous de plus par le seul fait d'avoir des relations politiques avec d'autres puissances? Cela nous donnerait-il plus de soldats?
L'HON. M. ROSE—Mon hon. ami pense- t-il que si chaque province avait le contrôle de ses forces militaires, que si la Nouvelle- Ecosse, Terreneuve et l'Ile du Prince-Edouard avaient le contrôle de leurs marins et le Canada celui de sa milice, toutes ces forces pourraient agir avec la même efficacité que sous le contrôle d'un pouvoir central? On ne pourrait pas les faire servir au dehors de leurs provinces contrairement aux lois de ces provinces. Ne serait-ce pas y gagner que d'arriver à un résultat qui ferait que le hardi marin de Terreneuve, ou le peuple de de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick considérerait son territoire envahi et son indépendance menacée en apprenant l'entrée d'une force hostile à Sarnia, dans le Haut-Canada? Dès qu'il s'agira de réunir nos forces pour faire face à l'ennemi les difficultés et la confusion se mettraient aussitôt de la partie. Si maintenant que la mère-patrie a approuvé cette union que l'on propose, nous restons dans l'isolement où nous sommes— car ses hommes d'Etat savent que cette union aurait pour résultat de lui éviter une guerre et de mettre en même temps le pays en état de défense—croyez-vous que ces hommes d'Etat verront d'un bon œil ce pas rétrograde? Mon hon. ami d'Hochelaga même a avoué que dans ce cas une dissolution de l'union actuelle serait inévitable. Dans son discours de l'autre soir, cet hon. monsieur a dit que dans le cas du rejet de cette mesure, il faudrait recourir à une fédération des deux Canadas, et que serait-ce, alors, autre chose que la dissolution de l'union actuelle? Ce serait certainement rompre cette union que d'adopter un nouveau système de fédération du Haut et du Bas-Canada; mais est-ce que l'hon. monsieur pense trouver un élément de force dans la séparation de ces provinces?
L'HON. M. HOLTON—C'est justement cette séparation là que vous proposez.
L'HON. M. ROSE —Non, M. l'ORATEUR, je ne propose rien de semblable, et mon hon. ami avouera que je dis vrai, s'il veut juger la question de bonne foi et avec calme. Je ne sais personne qui ne soit plus que lui capable de voir et d'apprécier les grands avantages que nous vaudra ce projet; mais ses idées sont prime-sautières et il se laisse parfois aller à des craintes et à une jalousie préconçues; ce qui n'empêche pas que s'il veut appliquer sa forte intelligence à l'examen de cette mesure, il reconnaîtra qu'elle ne recèle aucun des dangers qui, d'ordinaire, sont inhérents au système fédéral. Il me reste encore quelques mots à dire sur la question relative à nos moyens de pourvoir à la défense du pays. J'ai déjà dit—et je demande pardon à la chambre de la digression que j'ai été contraint de faire à ce sujet—que si nous restions dans l'isolement où nous sommes, je ne croyais pas que le gouvernement impérial serait autant disposé à nous aider dans l'édification des travaux nécessaires à notre défense que s'il savait qu'en face du danger nous serons unis pour repousser l'ennemi commun; or, je maintiens qu'en pareil cas le gouvernement impérial ne serait pas influencé par le seul fait de la dépense que nécessiteront ces travaux —à laquelle je suppose que les provinces d'en-bas devront contribuer pour une part— mais il serait empêché de le faire par cette autre considération, qu'une fois élevées, ces fortifications n'atteindraient pas le but désiré, c'est-à-dire que l'on craindrait qu'elles ne fussent pas utilisées de manière à défendre efficacement le pays. C'est une chose que d'avoir une population de quatre millions sous un seul gouvernement qui peut concentrer 406 toutes ses forces sur un point menacé, et c'en est une autre que d'avoir la même population divisée en cinq colonies, incapables, par conséquent, d'agir en commun, ayant chacune un gouvernement distinct, et ainsi isolées justement lorsqu'il faudrait qu'elles fussent unies. (Ecoutez! écoutez!) Le danger contre le quel il faut se tenir en garde, c'est une invasion ou conquête soudaine qui pourrait être tentée si nous n'étions pas en mesure de la repousser. Je crois que personne ne regardera à la dépense si l'on eut parvenir à ériger des fortifications a l'aide desquelles une attaque soudaine pourra être repoussée avec succès. Il est évident que leur prix de revient s'élèvera à une somme considérable, mais j'espère et crois en même temps que mon hon. ami, le le ministre des finances, bien qu'il puisse avoir mille autres exigences à satisfaire, n'hésitera pas à recommander le crédit nécessaire, ni ne reculera devant la nécessité d'augmenter l'impôt à cette fin. (Ecoutez! écoutez!) Si je parle ainsi, c'est que je suis convaincu que nul membre de cette chambre, que nul habitant de ce pays ne refusera, si besoin est, de donner la dixième partie de ce qu'il faut à sa subsistance pour la construction de travaux qui protégeront le pays contre les ravages de l'agresseur, et pour conserver les bienfaits inestimables dont nous jouissons sous l'égide de la couronne d'Angleterre. (Ecoutez! écoutez!) Si, sur ce point de la question je me suis prononcé avec vigueur, c'est que j'ai encore à la mémoire les observations de mon hon. ami le député d'Hochelaga, (M. A. A. DORION), observations qui, j'en suis sûr, comportent un sens différent de celui qu'il voulait leur donner, mais qui ne laissent pas que d'être d'un effet pernicieux. Cet hon. monsieur a dit que notre véritable politique était de fait la neutralité; qu'il était inutile pour nous de songer à se défendre contre la force écrasante que les Etats-Unis pourraient mettre en mouvement contre nous, car, avec notre petite population, nous nous trouverions à peu près dans la même position où s'est trouvé le Danemark, lorsqu'il a voulu lutter contre les armées réunies de l'Autriche et de la Prusse; de fait, il a été presque aussi loin qu'un ancien membre de cette chambre, qui n'a pas craint de dire que le mieux pour le Canada était de ne faire aucun armement. Malgré cela, je n'en suis pas moins sûr que si l'hon. monsieur eût cru produire dans l'esprit public une fausse impression, il se serait abstenu de faire des assertions comme celles-là, et qui, je dois le dire, ne tendaient rien moins qu'à faire perdre toute confiance dans notre énergie comme dans nos ressources,—qu'à faire croire notre position future désespérée, en un mot, qu'il serait inutile pour nous d'entreprendre l'érection de travaux de défense, inutile d'organiser, armer et former notre milice, attendu que tous nos efforts seraient perdus par l'impossibilité où l'on serait de pouvoir réunir une force capable de lutter avec celle que l'ennemi pourrait nous opposer. Or, M. l'ORATEUR, est-ce en tenant un tel langage que l'on peut entretenir le zèle du peuple pour la défense du pays? Est-ce en disant que quatre millions de sujets anglais, soutenus même par la puissance de l'Angleterre, ne seraient pas de force à lutter contre les Etats-Unis ou contre la plus grande puissance militaire du monde? Quand même serions-nous un jour dans la position désespérée du Danemark, je n'en affirme pas moins que 99 sur 100 de notre population seraient prêts à prendre les armes, et, même en désespoir de cause, à lutter jusqu'au dernier moment. (Ecoutez! écoutez!) Mais si, en cas de guerre, et pour la première fois, l'Angleterre refusait de venir au secours de ses colonies, les générations futures ne pourraient plus, comme autrefois, se glorifier de porter le nom anglais; cependant, malgré cette défection, je ne pourrais croire encore que notre position serait désespérée. Afin de pouvoir réfuter plus complètement les observations de mon hon. ami le député d'Hochelaga, je prie la chambre qu'elle me permette de l'entrenir encore pendant quelques minutes sur ce point. De nos jours, lorsqu'un peuple est en guerre, nous savons que s'il peut ériger des fortifications qui forcent l'ennemi à en faire le siége avant qu'il ne puisse aller plus loin, il peut ainsi défendre son pays pendant plusieurs mois. Remarquez que je ne connais pas le plan arrêté par les commissaires pour nos défenses; mais chacun sait qu'ils expriment la conviction qu'à l'aide de certains travaux érigés sur différents points et appropriés aux moyens que nous avons de les desservir, nous pourrons, pendant plusieurs mois, arrêter les progrès d'une invasion; que nous pourrons contraindre l'ennemi à épuiser ses forces devant ces fortifications et apporter d'autres entraves à sa marche qui demanderaient des mois avant de pouvoir étre surmontés. D'ailleurs, les 407 hon. membres savent qu'en ce pays une campagne ne pourrait durer plus de six mois. Et supposez le cas où nous érigerions des fortifications qui forceraient un ennemi à en faire le siége au mois de mai, il lui faudrait au moins trois mois pour apporter ses approvisionnements, ses engins de siége et protéger ses communications, et vers le temps où il serait prêt à tenter une attaque décisive, l'hiver viendrait le forcer à lever le siège et à gagner ses quartiers d'hiver. En réalité, l'hiver sera pour nous un moyen de défense et, à proprement parler, notre sauvegarde. C'est au moins l'opinion de militaires. Pendant six mois seulement les opérations militaires sont possibles en ce pays, et sous ce rapport, ce qui aurait été entrepris l'été, il faudrait l'abandonner à l'approche de l'hiver et le reprendre le printemps suivant. Ainsi donc, si nous pouvons seulement fortifier certains points saillants du pays d'où nous pourrions arrêter les progrès d'une invasion, nous sommes sauvés. Une conquête soudaine serait alors impossible, grâce aux obstacles qu'elle rencontrerait. Chacun connaît l'histoire des célèbres fortifications de Torres Vedras, qui embrassaient une étendue de 30 milles, et à l'aide desquelles l'invasion qui, sous NAPOLÉON, terrifiait l'Europe, fut pour la première fois repoussée. Ces fortifications n'étaient défendues que par un petit nombre d'hommes, et, cependant, NAPOLÉON dût se retirer devant elles. En Amérique, nous avons le récent exemple de Richmond, qui a forcé l'armée de GRANT à devenir un simple corps d'observation, et celui de Charleston, qui est tombée à la fin, mais après combien de mois de siége et à quel prix! En Crimée encore, nous avons Sébastopol qui a résisté pendant des mois et des mois aux efforts réunis de l'Angleterre et de la France. Si pendant un nombre de mois nous parvenons à empêcher l'invahisseur de franchir certaines limites, notre hiver canadien fera le reste, tandis que d'un autre côté les vaisseaux anglais dévasteront ses côtes et détruiront son commerce sur toutes les mers. Je supplie donc ceux qui veulent renoncer à tout espoir de salut de vouloir prendre en considération tous ces faits. Rappelons-nous qu'en ce pays l'agression et la défense ne seraient pas également faciles. (Ecoutez! écoutez!) Notre pays est bien adapté aux moyens de défense et il serait, par conséquent, très difficile à subjuguer. Nos mauvaises routes, les difficultés créées par nos hivers, nos rivières larges, profondes et en même temps difficiles à franchir, et les fortifications que nous pourrions ériger pour retarder la marche de l'ennemi sur certains points et pendant un certain temps, nous permettront de tenir tête aux Etats-Unis malgré leurs forces et leurs ressources. Personne plus que moi ne connait et n'apprécie les énormes ressources, le courage,—en un mot tout ce qui assure le succès dans une guerre,—que possède et dont est douée la nation américaine. J'ai vu sa puissance sur les champs de bataille et sur mer, et la transformation qu'elle a subie au point de vue militaire est certainement de nature à étonner le monde. Cela dit, M. l'ORATEUR, examinons d'un peu plus près dans quelles circonstances elle se trouve sous d'autres rapports. Sa flotte est considérable, personne ne le conteste, mais elle ne le serait pas trop pour défendre ses havres, dans le cas d'une guerre avec l'Angleterre. Je ne prétends pas donner à entendre que ses vaisseaux soient incapables de lutter côte à côte avec ceux de l'Angleterre; je ne crois pas non plus que ses hommes soient moins habiles ou aient moins de courage, ni qu'elle soit incapable de mettre assez de navires sur mer, mais ce qui fait son côté vulnérable,—et c'est là un fait que nous ne pouvons et que nous ne devons pas oublier,—c'est qu'elle n'a pas, excepté sur ses côtes, un seul havre sur les mers où ses vaisseaux pourraient faire escale. (Ecoutez! écoutez!) Supposons qu'elle envoie une flotte de 20 ou 30 vaisseaux en Angleterre.
UN HON. MEMBRE—Ou en Irlande.— (On rit.)
L'HON. M. ROSE—Oui: ou en Irlande; et je crois qu'ils y auraient une chaude réception. (Ecoutez! écoutez!) Ces bâtiments pourraient s'y rendre, mais où pourraient-ils prendre le charbon pour opérer ou en revenir? Les bâtiments à voile aujourd'hui ne peuvent plus rien, et la guerre sur mer doit être faite à l'aide de la vapeur. Les bâtiments américains, en temps de guerre, ne pourraient recevoir d'assistance dans aucun port neutre du monde,—et l'on peut augurer que les Etats-Unis auraient fort peu d'alliés, s'ils entraient en guerre avec l'Angleterre. Ils ne pourraient donc avoir ni un morceau de charbon, ni faire la moindre réparation à leur armement. On conçoit que cela constituerait une garantie de sûreté pour nous. Ils sont sans havres dans les mers Indiennes sur l'Atlantique, sur la Méditerranée, de même que dans les eaux de la Chine, et c'est parce qu'ils n'auraient aucun moyen d'approvi 408 sionner ni de réparer leurs vaisseaux de guerre dans ces différentes parties du monde que leur position serait si désavantageuse. Ils ne pourraient non plus obtenir aucun secours des ports neutres, car c'est un principe de la loi internationale qu'aucun vaisseau de nation belligérante n'ait de secours dans un port neutre, excepté ce qui peut être réclamé au nom de l'humanité pour se préparer à lutter contre les éléments. Mais il leur serait défendu d'y faire du charbon, d'y enrôler un seul homme, d'y acheter une seule livre de plomb, de poudre ou de fer: or, j'aimerais à savoir de quelle manière les Etats-Unis pourraient maintenir une escadre sur la mer dans de telles circonstances? (Ecoutez! écoutez!) Il y a encore un autre point à considérer, car les Américains auraient beaucoup à faire chez eux, et les côtes de l'Atlantique fourmilleraient de bâtiments remplis de troupes envoyés d'Angleterre, et menaçant de débarquer sur une foule de points. La marine anglaise, les arsenaux anglais, l'argent anglais et tout le matériel nécessaire dans une guerre nous seraient fournis; et pardessus tout, le matériel ne nous manquerait pas, ce qui est le plus essentiel. Ainsi donc, à tous égards, notre position serait bien plus avantageuse que celle du Sud en ce moment. Nous n'aurions qu'à garder nos côtes tandis que les Etats-Unis seraient harassés sur les leurs, et l'hiver venu le danger se trouverait pour nous de beaucoup diminué. Songez un peu à l'épuisement des Etats-Unis dans une telle guerre!! Tout ce que je viens de dire a eu pour but de contrecarrer autant que possible les remarques faites l'autre soir par l'hon.député d'Hochelaga, parce que je crois que le point de vue auquel il s'est placé est des plus pernicieux, des moins dignes et des plus dépourvus de patriotisme, et qu'au contraire nous devons tout faire pour exciter et développer l'ardeur militaire de la jeunesse de ce pays. On a parlé de neutralité: comment, je le demande, nous serait-il possible de rester neutres dans une lutte entre les Etats-Unis et l'Angleterre? Un pays incapable de se défendre occupe un rang méprisable et perd à cause même de sa faiblesse le privilége misérable de sa neutralité. Comment, je le répète, nous serait-il possible de rester neutres dans une telle guerre? N'aurions-nous pas à faire cause avec l'un ou l'autre des belligérants? Croit-on que les Etats-Unis nous permettraient d'y rester étrangers?
L'HON. M. HOLTON—C'est la théorie de l'hon. ministre de l'agriculture.
L'HON. M. MCGEE—Pas le moins du monde.
L'HON. M. ROSE—J'ai entendu avec plaisir bien des discours de mon hon. ami le ministre de l'agriculture, mais je ne l'ai jamais entendu dire que, dans le cas d'une guerre entre les Etats-Unis et l'Angleterre, nous devrions être neutres. D'ailleurs, mon hon. ami est capable de se défendre; mais je dis que jamais je ne lui ai entendu exprimer une opinion aussi anti-patriotique.
L'HON. M. HOLTON—Ecoutez! écoutez!
L'HON. M. ROSE—L'hon. ministre de l'agriculture a dit probablement que, faisant partie de l'empire Britannique, nous devions suivre la politique de neutralité que l'Angleterre observe à l'égard des deux partis belligérants actuels des Etats-Unis.
L'HON. M. HOLTON—Non; il a dit que la neutralité du Canada devrait être garantie par des traités, comme dans le cas de la Belgique et de la Suisse.
L'HON. M. MCGEE— J'ai en effet partagé cette opinion autrefois; c'était lorsque l'hon. député était pour l'annexion. (Rires.)
L'HON. M. HOLTON—Vous partagiez cette même opinion, il y a deux ou trois ans.
L'HON. M. ROSE—Les temps sont bien changés depuis deux ou trois ans; ce n'est plus seulement aujourd'hui des questions de parti dont nous avons à nous occuper, mais bien d'évènements qui se préparent. Je n'ajouterai plus rien à ce que je viens de dire, attendu que mon hon. ami d'Hochelaga n'est pas à son siége, tout en reconnaissant la manière chevaleresque avec laquelle l'hon. député de Chateauguay le défend pendant son absence. Je maintiens donc, M. l'ORATEUR, que tout en me gardant bien d'exagérer le danger, je ne saurais y demeurer insensible. Ce danger est même si menaçant, si imminent, si grave qu'il suffirait à me décider non-seulement à voter le projet déposé devant cette chambre, mais à faire tous mes efforts pour en favoriser la mise à exécution. (Ecoutez! écoutez!) Si nous montrons notre zèle et notre diligence sur cette question de la défense du pays, l'Angleterre ne pourra que redoubler de soin à nous secourir en temps de danger, car elle sera convaincue que nous l'aiderons et dans la construction des ouvrages militaires et dans la défense de ces places fortes, lorsqu'elles 409 seront achevées. (Ecoutez! écoutez!) Si nous prouvons à l'Angleterre qu'elle peut compter sur une population centralisée de quatre millions, quel encouragement ne sera- ce pas lui donner pour nous aider d'hommes et de matériel, et pour nous assurer son secours aujourd'hui aussi bien que lus tard! Permettez-moi de répéter, M. l' ORATEUR, que n'y aurait-il que cette seule considération pour me déterminer. je voterais à, deux mains ces résolution, et serais disposé à fermer les eux sur toutes leurs imperfections et leurs défants. Je n'ai pas l'intention d'entrer dans l'examen des détails du projet, car je comprends que la question doit-être discutée dans son ensemble: c'est pourquoi je crois inutile de critiquer ce que je ne puis corriger, du moment que les défauts que j'aperçois ne sont pas assez importants pour me faire rejeter toute la mesure. Le projet proposé est de la nature d'un traité; nous devons l'accepter comme un tout, ou le rejeter de la même manière. (Ecoutez! écoutez'l) Je vois les difficultés et les imperfections du plan, mais ce n'est pas une raison de se plaindre parce qu'une colonie a quelques milliers de piastres de plus qu'une autre, ou parce qu'une colonie assume une plus grande partie dela dette qu'une autre. A moins de découvrir dans le projet des vices assez saillants pour me le faire rejeter, je crois que c'est perdre le temps que de se chicaner sur les détails. La raison en est qu'on ne peut rien y changer sans le concours des. colonies, que le projet comme ensemble est acceptable, et que les défauts qu'on y remarque disparaîtront d'eux-mêmes avant peu. (Ecoutez! écoutez!) Il est une chose que je prierai la chambre de considérer, à part la considération si importante de nos défenses, à part le raffermissement de nos relations avec l'Angleterre, à part 'es risques ne nous courons de devenir la proie des Etats-Unis, c'est de se demander si le Canada est disposé à retourner à l'ancien ordre de choses d'il y a 18 mois, et si nous devons demeurer dans la condition chronique de crises politiques où nous nous sommes constamment trouvés depuis plusieurs années. (Ecoutez! écoutez!) Cette chambre et le gouvernement tout entier avaient alors perdu la confiance du pays et l'on voyait exister les plus grandes difficultés au sein de cette chambre: cet état de choses en était arrivé à un point tel qu'il était de nature à faire prendre à quiconque avait quelque respect pour lui-même, la détermination de se retirer des affaires publiques. (Ecoutez!) fait suivant moi, devrait nous faire accepter le changement proposé, et je le crois suffisant pour nous faire adopter un système politique différent. La crainte de voir se renouveler le passé, l'appréhension de voir se raviver les anciennes querelles de parti et se perpétuer les causes de nos difficultés, tout me force à. voter les résolutions que nous discutons en ce moment. (Ecoutez! écoutez!) Je pourrais pousser plus loin mes considérations sur la question, si je ne devais pas me rappeler la convention entre mon hon. ami de Lambton et moi. Je me permettrai, cependant, de dire quelque chose des objections que l'on a soulevées contre la nature même du projet, à savoir qu'il possède tous les éléments de discorde que l'on trouve dans toute union fédérative Cette objection a été faite par plusieurs qui, tout en penchant pour une union législative pure et simple, ne veulent pas d'une union fédérale. Je ne nie pas que j'eusse préféré une union législative pure et simple si la chose eut été praticable; mais pour le moment c'est chose absolument impossible. Je ne puis donc qu'exprimer mon étonnement et ma joie de voir cinq colonies, possédant tant d'intérêts distincts et séparés, en venir à adopter un tel projet de confédération. J 'ai réellement lieu de m'étonncr de ce résultat lorsque je me rappelle les difficultés qu'il y a en à vaincre sous forme d'intérêts locaux, d'ambition personnelle et de gouvernements séparés, et je ne puis faire autrement que de louanger hautement les hommes qui ont entrepris les négociations préliminaires, de la manière avec laquelle ils ont su triompher des obstacles qui surgissaient, pour ainsi dire à chaque pas, et du patriotisme avec lequel ils ont fait taire leurs antipathies personnelles et leurs intérérêts particuliers dans l'élaboration de ce projet de confédération. (Ecoutez! écoutez!) N 'est-il pas remarquable, en effet, qu'une proposition aussi peu entachée des inconvénients du système fédéral ait reçu l'assentiment des délégués de cinq colonies distinctes qui jusqu'ici avaient vécu sé séparées, indépendantes les unes des autres et presque de l' Angleterre et étrangères entre elles sinon hostiles? (Ecoutez! écoutez l) Il a été fait beaucoup pour isoler ces provinces les unes des autres et très peu pour les rapprocher; c'est pourquoi le succès qui a couronné leurs efforts parle assez hautement de l'habileté des hommes d'Etat qui ont entrepris d'effectuer cette union. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Le cas étant urgent.
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L'HON. M. ROSE—Je comprends l'ironie de l'observation de l'hon. député de Chateauguay: mais l'œuvre de la confédération n'en est pas moins d'une importance vitale pour le pavs. Je ne puis m'empêcher de déclarer que je désapprouve l'histoire retracée l'autre jour par l'hon. député d'Hochelaga (M. DORION) des difficultés qui existaient il n'y a pas encore longtemps dans notre situation politique. Il a rappelé qu'à telle époque tel député partageait telle opinion, qu'en tel autre temps il partageait telle autre;—puis il s'est étendu sur l'inconséquence d'un telle conduite et reclamé pour lui le mérite de n'avoir jamais varié dans son oppsition au projet actuel. Je ne m'occupe aucunement de ce qu'ont pu être jadis les manières de voir de tel ou tel homme, ni de la plus au moins grande consistance de leur politique, car il ne s'agit pas de cela aujourd'hui, mais bien du projet qui nous est soumis. Saehons comprendre que nous entrons dans une vie nouvelle, ou plutôt dans une phase nouvelle de notre existence nationale. (Ecoutez! écoutez!) Mettons de côté les récriminations du passé pour nous occuper des mérites dela mesure. D'ailleurs, un homme qui ne change pas d'opinion est, suivant moi, très impropre au gouvernement de son pays; il ressemble à ces vieux écriteaux restés debout sur les chemins abandonnés; il est vrai qu'ils ne changent pas de place mais ils ne sont plus bons qu'à égarer le voyageur qui les consulte. (Ecoutez! écoutez!) L'hon député d'Hochelaga en parlant des variations politiques des autres, m'a fait l'effet de ces écriteaux qui enseignent encore aujourd'hui la route qui a cessé d'exister depuis vingt ans. (Ecoutez! écoutez et rires). Je crois donc qu'au lieu de trouver matière à défaut, parce que le projet n'est pas législatif au lieu d'être fédéral, nous devrions plutôt reconnaître les sacrifices accomplis par ceux qui se sont réunis pour l'élaborer. (Ecoutez! écoutez!) Quelque chose que l'on puisse dire des difficultés constitutionnelles où nous nous trouvons, cette objection n'a pu avoir d'influence sur les hommes d'Etat des autres colonies. Par exemple, Terreneuve n'était pas comme nous au milieu d'une crise, et le Nouveau- Brunswick était assez fidèle à M. TILLEY depuis dix ans;—et il n'y a pas longtemps encore le premier de la Nouvelle-Ecosse suit une majorité de 3 voix dans une petite chambre; l'Ile du Prince-Edouard elle-même n'était pas non plus dans un état de crise.
UNE VOIX—Elle avait besoin d'un chemin de fer.
L'HON. M. ROSE—Ne cherchons pas à incriminer les motifs de personne, mais au contraire sachons reconnaître que tous ceux qui ont eu quelque chose à. faire avec cette mesure ont été animés du plus grand patriotisme et du plus noble but. Tel est, suivant moi, le sentiment des neuf-dixièmes, ou des quatre-vingt dix-neuf-centièmes de la population de ce pays. Quel motif autre que celui de l'intérêt public ont pu déterminer mon hon. ami le président du conseil ou l'hon. procureur-général du Haut- Canada à faire partie du même gouvernement, si ce n'eut été dans le but d'effectuer l'union des colonies? Et puis, quand bien même ils n'auraient eu en vue que de faire disparaître nos difficultés constitutionnelles d'autrefois, ne leur en devrions nous pas témoigner toute notre reconnaissance? (Ecoutez! écoutez!) J'ai déjà dit que je m'abstiendrais de critiquer les détails de la mesure; cependant, il est deux choses qui, suivant moi, se recommandent à l'attention de ceux qui ont des doutes sur la stabilité du système et qui l'exempteront du vice ordinaire des union fédérales, je veux parler de l'autorité centrale à laquelle ne pourront résister ni s'opposer les gouvernements locaux. On me semble avoir voulu éviter les erreurs dans lesquelles les auteurs de la constitution américaine étaient tout naturellement tombés, et avoir profité de l'expérience du passé et de celle que nous fournissent nos voisins des Etats-Unis. L'on a fait preuve de sagesse en établissant un pouvoir central capable d'empêcher les gouvernements locaux d'intervenir dans ce qui constitue les attributions du gouvernement général, et cela au détriment e la confédération entière. Le grand avantage de ce plan est que chaque province a des pouvoirs très bien définis et délimités, et que le pouvoir principal est dévolu au gouvernement central. Un autre caractère du projet, est que les lieutenants-gouverneurs sont nommés par le pouvoir central, en sorte qu'une chaîne de communication se trouve établie entre le pouvoir central et les ouveirs locaux Au pouvoir central appartiennent également les questions de douane, du cours monétaire, de commerce et de navigation, la nomination des juges, l'administration de la justice et tous ces grands intérêts publics qui reviennent de droit au gouvernement général. Il ne pourra donc surgir aucune difficulté 411 entre les diverses parties de la confédération, aucun conflit de pouvoir entre les gouvernements locaux et l'autorité centrale ainsi que la chose a eu lieu aux Etats-Unis. Les attributions des premiers étant très distinctement définies les empêcheront de réclamer des droits de souveraineté, de même que dans la république voisine, non plus que des privilèges qui nuiraient aux droits et à la sécurité de toute la société. (Ecoutez! écoutez!) Le second point que j'approuve avec non moins de force est le droit de veto que s'est réservé le gouvernement général sur toute la législation des parlements locaux. C'est là cette condition essentielle qu'entrevirent les plus sages d'entre les auteurs de la constitution américaine et dont le rejet mena tout droit à la ruine de la constitution. Ils s'aperçurent clairement, en effet, qu'à moins de réserver au gouvernement central le contrôle des actes des législatures d'état, le conflit serait inévitable tôt ou tard entre le premier et les secondes. Voyons ce que disait à ce sujet M. MADISON, et qui se trouve consigné dans les Débats secrets sur la constitution de 1787. Sur la proposition de M. PINKNEY: que la législature nationale ait le pouvoir de négativer toutes les lois des législatures d'état qu'elle jugera à propos,—il déclara comme étant la pierre angulaire du système, " le principe qui voulait que l'on contrôlât les pouvoirs locaux afin d'assurer le bon gouvernement de la législature suprême"; il ajoute, en outre, que—" ce contrôle était absolument nécessaire, que c'était le seul principe qui maintiendrait dans le système la force centrifuge, et que sans lui on verrait bientôt les planètes s'élancer hors de leurs orbites." —Oui, en effet, M. l'ORATEUR, ce pouvoir de négativer, ce droit de véto, ce contrôle de la part du gouvernement central est la meilleure protection et la sauvegarde la plus sûre du régime nouveau: sans lui, je ne sais s'il m'aurait été possible de voter les résolutions. C'est pourquoi, cette attribution suprême se trouvant réservée au gouvernement central, de même que le droit de nommer les gouverneurs locaux et les juges, je la déclare l'une des plus belles parties du projet, et je réitère que j'eusse éprouvé de graves objections à sanctionner une mesure qui n'aurait pas contenu une telle disposition. (Ecoutez! écoutez!) Je n'irai pas plus loin dans mon examen des autres principaux caractères des résolutions, attendu qu'ils touchent aux principes sur lesquels l'union même repose. Néanmoins, je dirai que la distribution des pouvoirs a été faite avec la plus grande sagesse et le plus grand sens politique, et que l'on a entouré de garanties les plus satisfaisantes les droits dont les minorités de chacune des provinces avaient tout à cœur de se réserver l'exercice Ainsi donc, l'objection que cette union n'est que fédérale et par conséquent sujette à toute les difficultés de ce régime, n'est pas fondée, et je crois que nous pouvons regarder la distribution si juste et si sage des divers pouvoirs comme devant obvier à ces défauts. (Ecoutez! écoutez!) Il est cependant une autre objection qui a été soulevée et à propos de laquelle je ferai quelques observations, c'est celle qui a trait à la manière dont les droits des diverses minorités des provinces ont été sauvegardés. C'est là un sujet digne de nos plus sérieuses et de nos plus graves considérations, pour nous surtout qui, dans cette chambre, représentons les intérêts de la minorité anglaise de cette section de la province. Je ne dissimulerai donc pas que j'ai entendu exprimer à ce sujet des craintes réelles à un grand nombre de personnes pour lesquelles je professe le plus grand respect et en qui j'ai toujours admiré l'absence de fanatisme et la largeur constante des idées. Ce ne sont pas tant des objections précises au projet qu'elles ont exprimées qu'une appréhension qu'il contenait quelque chose de dangereux; et cette appréhension elles ne peuvent l'exprimer ni même s'en rendre compte. Elles se défient et doutent des conséquences, elles expriment la crainte que le projet affectera leurs intérêts à venir, et, en face de toute cette incertitude, elles préféreraient rester dans l'état où nous sommes. A mon avis, M l'ORATEUR, les droits de la minorité française dans la législature générale et ceux de la minorité anglaise dans la législature du Bas-Canada, sont convenablement protégés. J'admets que s'il en était autrement le projet offrirait les plus graves inconvénients; qu'il contiendrait le germe de difficultés et de dissensions propres à en détruire tous les bons résultats. C'est donc une grave question, surtout pour nous— membres des minorités du Bas-Canada—de savoir jusqu'à quel point nos droits et intérêts respectifs sont protégés tant dans la législature générale que dans la législature locale. A ce sujet, je pense que les membres anglais du Bas-Canada, du nombre desquels je suis, peuvent se féliciter d'avoir établi entre les deux races des sympathies qui ont eu les 412 meilleurs effets. Depuis l'union, il y a eu entre les deux races dans le Bas-Canada une entente cordiale qui a produit les plus heureux résultats: tout le monde sait cela. Appartenant à des races différentes, professant des religions différentes aussi, nous avons été en rapports constants et nous avons appris à nous respecter les uns les autres. Nous ne cherchons point à empiéter sur nos droits réciproques; nous n'avons point de différends de religion et de race qu'on pourrait supposer fréquents parmi nous Nous pouvons nous féliciter de cet état de choses qui maintenant est bien établi parmi nous. (Ecoutez!) Mais si la minorité anglaise perdait confiance en la majorité française dans la législature locale, et si la minorité française ne voulait pas se fier à la majorité anglaise dans la législature générale, comment pourrait fonctionner la confédération? (Ecoutez!) On ne saurait nier que la plus parfaite confiance existe des deux côtés; et cette confiance ne sera point trompée ni dans le parlement fédéral ni dans la législature locale. (Ecoutez!) J'espère que cette confiance mutuelle nous permettra d 'agir sagement et à un point de vue élevé si d'un côté ou de l'autre nos droits sont mis en question—si jamais telle chose arrive,—dans les législatures locales. Dans l'histoire des deux races, l'adoption de ce projet sera le gage de leur confiance mutuelle et inaltérable. Cette réciprocité est remarquable, et la postérité se rappellera avec orgueil l'époque où l'une des races n'hésitait pas à confier sa sûreté et ses intérêts à l'honneur de l'autre. De plus, cette confiance réciproque n'est point l'effet d'une commotion extraordinaire, elle a été produite par la connaissance que l'une des races a faite de l'autre en apprenant à la respecter (Ecoutez!) C'est parce que nous avons appris à nous respecter les une les autres pour des raisons qui nous ont fait comprendre que l'attitude agressive d'un parti nuirait constamment à la sûreté générale. Je le demande à. l'hon. président du conseil: si, dans les appels qu'ils nous a faits pendant dix ans, alors qu'ils combattait pour la représentation d'après la population, au lieu de demeurer sourds à sa voix énergique, nous nous étions unis à ceux de notre race et de notre croyance, les populations du Haut-Canada qui exigeaient ce changement, où serait aujourd'hui notre union, je le lui demande? La défiance établie pour jamais entre les races française et anglaise aurait rendu parfaitement inutile l'examen même du projet de l'union. Ecoutez!) Les Canadiens-Français seraient- ils disposés aujourd'hui à s'en remette à la législature générale et les Anglais du Bas- Canada pourraient ils avoir confiance dans le parlement local? Non; et plaise à Dieu que cette confiance réciproque entre deux races, dont la mission est et noble sur ce continent et qui sont menacées des mêmes dangers, puisse durer toujours! Plaise à Dieu qu'elle ne soit désruite ou interrompue par aucun acte de l'un ou l'autre parti, et si ultérieurement l'idée d'une tentative de cette nature venait jamais à se manifester, qu'il suffise pour arrêter toute agression de dire: " nous avions une confiance réciproque lorsque nous avons formé cette union; nous considérions nos droits comme sacrés, et notre honneur, notre bonne foi et notre intégrité sont en jeu dans le maintien de nos engagements "! (Ecoutez!) Nous traversons une ère de notre histoire dont le souvenir sera cher à nos descendants et pourra suffire à empêcher les tentatives dont je viens de parler. Persuadés que nos concitoyens français ont pleine et entière confiance en nous, je crois que nous, anglais, ne devons pas rester en arrière sous ce rapport. La minorité n'a pas lieu de craindre une agression, le passé nous dit assez ce que seront les relations des deux races dans l'avenir. Mais si fort que soit, dans notre convention, ce sentiment de confiance réciproque, j'ai été heureux d'entendre mon hon. ami le procureur général du Bas-Canada qui représente la majorité française, et l'hon ministre des finances représentant la majorité anglaise du Bas-Canada, nous prouver qu'ils ont pris les précautions les plus minutieuses pour assurer aux deux races la sauvegarde de leurs droits. (Ecoutez!) Ce point a été consciencieusement étudié et, avec les mômes garanties dans l'avenir que par le passé, ni l'une ni l'autre race n'a rien à craindre de la législature locale ni du parlement fédéral. (Ecoutez!) Telle est la confiance mutuelle que nous avons tous comme membres de cette chambre: mais en rédigeant ces résolutions on a dû songer à maintenir ce sentiment chez le peuple. Je dirai au gouvernement que les pouvoirs doivent être distribués, et Iles réserves faites, de manière à se recommander au peuple du pays en général, car on ne peut imposer un nouvel ordre de choses, une nouvelle existence politique, au peuple, qu'avec son assentiment.
L'Hon. M. HOLTON —Ecoutez! écoutez
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L'HON. M. ROSE—Vous ne pouvez pas donner au peuple une constitution dont il ne veut pas. Mais je pense que la grande majorité désire ce changement. Il faut lui prouver que tous ses intérêts sont sauvegardés et que ceux de la minorité, entr'autres, sont protégés contre toute tentative dans l'avenir. Quelques observations démontreront à la chambre ce qui a été fait dans ce cas. (Ecoutez!) Examinant le projet au point de vue où doit se placer un protestant anglais du Bas-Canada je me demande si les intérêts de ma religion et de ma race sont suffisamment protégés. Quelques points intéressent particulièrement mes co-religionnaires et il n'est que convenable qu'ils aient l'assurance que ces intérêts si chers seront sauvegardés. Sur ces différents points, je ferai quelques questions au gouvernement. Le premier consiste à savoir si, à l'avenir. ils n'auront pas à souffrir d'un système d'exclusion du parlement général ou de la législature locale, mais s'ils seront justement représentés dans les deux; le second a trait aux garanties données aux protestants du Bas- Canada relativement au système d'éducation. Sur ces questions il existe, parmi les anglais du Bas—Canada, une certaine appréhension que je ne sartago pas, car le passé m'est un garant de l'avenir, mais pour la satisfaction de la_ minorité je désire adresser quelques questions à mes hon. amis du ministère. Je voudrais savoir quelle part de représentation les Anglais du Bas-Canada auront dans le parlement général, et s'ils seront représentés dans la même proportion que dans le parlement actuel? C'est un point qui intéresse hautement les Anglais du Bas-Canada. Je tiendrais aussi à savoir si, dans la législature locale. ils auront la même proportion qu'aujourd'hui, c'est-à-dire un quart, —proportion juste,—puisque les poletions anglaise et française sont de 260,000 et l,100,000 respectivement? Or, la résolution qui a trait à ce point dit, si j'ai bien compris, que pour les élections du premier parlement fédéral, les districts électoraux du Bas-Canada seront les mêmes que maintenant. Cette résolution est conçue dans des termes un peu ambigus, mais voilà. comme je la comprends
L'HON. M. HOLTON—Veuillez la lire.
L'HON. M. ROSE—La 23me résolution est, ainsi conçue:
"Les législatures des diverses provinces diviseront respectivement celles-ci on comtés et en définiront les limites."
Et la vingt-quatrième prescrit que:—
"Les législatures locales pourront, de temps à autre, changer les districts électoraux pour les fins de la représentation dans la législature locale, et distribuer, de la manière qu'elles le jugeront convenable, les représentants auxquels elles auront respectivement droit."
D'après ces résolutions, il me semble que pouvoir est donné à la législature de chaque province de diviser cette province en un nombre convenable de collèges électoraux pour la représentation dans le parlement fédéral, et de changer les district électoraux pour le parlement local. Une appréhension que j'ai entendu exprimer dans mon propre collége, (je ne veux pas dire que je la partage, je ne fais que la mentionner en toute franchise), est que, d'après cela, les Canadiens-Français seront à même de faire une division des districts qui rendra impossible l'élection d'aucun membre anglais. Je serais très-obligé à mon hon. ami le procureur-général du Bas-Canada s'il veut bien me donner une explication à cet égard. Il est dit aussi dans les résolutions que si le gouvernement local exerçait son influence d'une manière aussi injuste, le gouvernement fédéral pourrait y apposer son véto, bien que tel pouvoir soit donné au gouvernement local par la constitution.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — Certainement; si la législature locale du Bas- Canada veut changer les divisions actuelles de manière à commettre une injustice vis-àvis des Anglais du Bas-Canada. le gouvernement. central aura son pouvoir de véto et il en fera usage pour annuler toute loi qui pourra être passée à cet effet.
L'HON. M. HOLTON—Recommanderies-vous ce mode d'action?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Certainement, dans le cas d'une injustice. (Ecoutez!)
L'HON. M. ROSE—Je suis sûr que mon hon. ami ne consentirait jamais à une pareille injustice. Mais j'ai une autre question à poser. et je demanderai a l'hon procureur-général du Bas- Canada une réponse explicite au nom du gouvernement. ll s'agit encore de la 23me résolution que je viens de lire. Je voudrais savoir si par législature on y entend la législature actuelle du Canada, ou si les limites des districts électoraux seront changées pour les fins de la représentation durant la première session du parlement fédéral?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — Pour ce qui regarde le Bas-Canada, il n y aura pas de changement, en autant que le 414 nombre de représentants au parlement général demeurera le même qu'à présent. Mais pour le Haut-Canada, comme il doit y avoir, une augmentation dans le nombre des représentants, il devra y avoir un nouvel arrangement.
L'HON. M. ROSE—Il est donc entendu que dans le Bas-Canada les districts électoraux seront, pour le premier parlement fédéral, ce qu'ils sont maintenant?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Oui, ce qu'ils sont maintenant.
L'HON. M. ROSE—Et qu'en ce qui concerne la représentation dans la législature locale, la division des districts électoraux sera sujette au véto du parlement général.?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Oui, si une injustice était commise à cet égard. (Ecoutez!)
L'HON. M. ROSE—Je remercie l'hon. monsieur des réponses et des assurances qu'il a bien voulu me donner, et j'espère qu'elles suffiront pour faire disparaître les appréhensions dont j'ai parlé. (Ecoutez!) Un hon. membre, (M. FRANCIS JONES), me prie de demander qui changera les districts électoraux du Haut-Canada?
L'HON. M. GALT—Le parlement du Canada. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. ROSE — L'hon. monsieur demande si ce sera le parlement actuel du Canada? Mais je laisse au Haut-Canada et à ses membres si capables le soin de leurs propres affaires; j'ai assez, pour le moment, d'une minorité. (Rires.) J'espère que le procureur-général du Bas-Canada ne pensera pas que je lui ai fait ces questions ans le doute que la minorité pourrait être maltraitée par la majorité du Bas-Canada. Mais il est ou d'avoir des réponses claires, précises et positives sur le sens de ces résolutions, afin que la minorité soit convaincue que ses droits sont sauvegardés. (Ecoutez!) L'histoire du Bas-Canada ne fournit aucune raison de douter de la libéralité de ses habitants français; et, en ce qui concerne particulièrement mon hon. ami, je dois reconnaître que sa vie publique n'a jamais été entachée d'intolérance, de bigoterie ou de manque de libéralité, dans l'exercice de ses pouvoirs exécutifs, administratif's ou législatifs. (Ecoutez!) Je veux dire par là que dans le contrôle qu'il aura à l'avenir, il sera fidèle à ses antécédents, et je crois que la confiance que j'ai en lui est partagée parla majorité de la chambre et du pays. (Ecoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Mon hon. ami me permettra-t-il de l'interrompre un instant? Pendant qu'il en est à. faire des questions peut-être serait-il bien qu'il demandât quelques informations sur le système d'éducation du Bas Canada, en autant qu'il se rapporte aux droits de la minorité? J'ai déjà. fait cette question une ou deux fois, et je ne sais pas encore si une mesure à ce sujet sera soumise avant la passation du projet de confédération.
L'HON. M. ROSE—Je me propose d'adresser toute-à-l'heure une question sur ce point a mon hon. ami le procureur-général du Bas-Canada. J'en viens actuellement à des objections que j'ai entendu faire même par certains de mes amis. Ces objections, comme je l'ai déjà. dit, ont un caractère vague et indéfini, et ne s'attaquent à rien de particulier dans le projet qui nous est soumis. Elles n'en sont que plus difficiles à combattre. Si j'interroge une certaine classe de la population voici a réponse que je reçois: " Oh! vous allez nous mettre à la merci des Canadiens-Français; l'influence anglaise sera entièrement annihilée; nous n'aurons plus aucune influence et les avantages que nous avons gagnés depuis vingt-cinq ans par notre union avec les populations de notre race dans le Haut-Canada, seront complètement perdus. "—Je réplique: "Mais que craignez-vous? Lequel de vos intérêts est en danger? Vous êtes unis à une majorité de votre race, avec pouvoir dans la législature générale, de nommer les gouverneurs locaux, d'administrer la justice et de nommer les juges; vous avez le contrôle de la milice et autres moyens de défense; vous pouvez faire des lois concernant les postes, le commerce, le trafic, la navigation; et les grands et importants intérêts, dont le centre est dans le district que je représente,—en un mot, tout ce qui intéresse la minorité Bas-Canadienne est sous le contrôle de la législature fédérale. Les Canadiens-Français ont cédé au gouvernement central le règlement des questions d'usure, de mariage et de divorce, tous points sur lesquels ils ont des opinions bien arrêtées; que craignez vous donc de l'action de la législature locale? " Mais on ajoute: " Tout cela peut-être vrai; mais nous n'aurons aucune nomination parmi nous L'administration des affaires du Bas—Canada sera entièrement aux mains de la majorité française qui donnera toutes les places"—Vous répondez: " Est-ce l'exercice du patronage qui fait votre crainte? La nomination des juges, des 415 employés des postes, le patronage des douanes, des travaux publics et de toutes les branches importantes de l'administration sont laissés au gouvernement fédéral. Les législatures locales ne pourront nommer que quelques offciers municipaux, et pour quelques petites charges vous allez compromettre le succès d'un projet dont les conséquences sont si importantes pour toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord!—Est-ce pour de si pauvres raisons que vous êtes opposés à une mesure dont les mérites sont si nombreux, qui, en définitive, a tant de bon, et devra procurer à ces provinces des avantages permanents si elle ne réalise as la formation d'une nouvelle et vaste dépendance de l'Amérique Britannique? " Malgré toutes ces explications, grand nombre de gens n'ont cessé de nourrir des appréhensions dont ils ne se rendent pas bien compte et qui semblent être partagées par mon hon. ami de la gauche (M. DORION) en ce qui regarde la législature générale. Or, si nous consultons l'histoire de nos relations intérieures depuis vingt-cinq ans, il me semble que ni l'un ni l'autre parti n'a lieu d'avoir de telles appréhensions. Mon hon. ami le procureur- général du Bas-Canada a-t-il dirigé une seule attaque contre la minorité anglaise, et sommes-nous coupables de notre côté d'un seul acte d'agression contre la race à laquelle il appartient? (Ecoutez!) Le respect et la confiance mutuels n'ont ils pas toujours existé, et a-t on fait quelque chose de part ou d'autre pour les détruire? (Ecoutez!) Il me semble que le passé nous est une garantie qu'à l'avenir des dificultés de ce genre ne surgiront point et que nous vivrons unis dans un respect et une estime réciproques. (Ecoutez!) Mais on dit,—et c'est une des objections qu'on fait au projet, —que les travaux d'amélioration seront entravés par le gouvernement local du Bas- Canada. Je crois que le temps est passé où certains actes étaient possibles, par exemple ou les travaux des commissaires du havre de Montréal étaient suspendus parce que M. PAPINEAU s'y opposait. Nous sommes entrés dans une ère d'avancement et de progrès, et l'esprit même de notre temps s'oppose à un tel état de choses. Il est impossible a l'une ou l'autre race de faire ce injustices à l'autre. Leurs intérêts sont trop liés et toute tentative d'une part retomberait sur ses auteurs. Nous entrerous dans cette union avec une confiance mutuelle qui nous portera à agir harmonieusement pour le plus grand bien général. (Ecoutez!) Je ne me dissimule pas que la minorité Bas- Canadienne s'cst toujours tenue sur la défensive. C'est une condition inhérente à la position dans laquelle nous sommes; les minorités se tiennent toujours sur la défensive. Mais je pense que dans la confédération, la minorité française dans la législature générale et la minorité anglaise du Bas-Canada seront amplement protégées. (Ecoutez) J'en viens actuellement, M. l'ORATEUR, à la question soulevée par l'hon. membre pour Chateauguay, au sujet de la loi d'éducation que le gouvernement a promise à cette chambre. Je crois que c'est la première fois dans l'histoire du Bas-Canada,—et j 'appelle sur ce point l'attention de mes amis du Haut- Canada,—qu'il y a eu quelqu'agitation parmi les protestants du Bas-Canada au sujet de la loi des écoles communes. (Ecoutez!) C'est la première fois dans l'histoire du pays, qu'ils ont manifesté quelque appréhension au sujet de l'éducation élémentaire. Je ne sache pas qu'on ait jamais fait aucune tentative dans le Bas-Canada pour priver la minorité de ses justes droits à l'égard de l'éducation de la jeunesse. Et ce n' est pas seulement mon opinion personnelle et le résultat des observations que j'ai pu faire. J'ai reçu des lettres de personnes bien au courant depuis plusieurs années du système d'éducation du Bas-Canada, et qui viennent corroborer cette opinion. Une observation à ce sujet est consignée dans le rapport des trois commissaires du gouvernement anglais qui vinrent ici en 1837, et ils avaient surtout été frappés de voir deux populations parlant des langues différentes et vivant paisiblement ensembles sans se quereller au sujet de l'instruction de leurs enfants. Nous, Anglais protestants, nous ne saurions oublier que, même avant l'union des provinces, alors que la majorité française avait tout le pouvoir, on nous a accordé sans restriction tous nos droits à l'éducation séparée. Nous ne saurions oublier que jamais on n'a essayé de nous empêcher d'élever et d'instruire nos enfants à notre guise, et que nous avons toujours eu notre juste part des subventions sous le contrôle de la majorité française et toute facilité d'établir des écoles séparées là où nous l'avons jugé convenable. Un simple particulier peut établir une école séparés et obtenir une part raisonnable des subventions s'il peut prouver qu'il peut réunir quinze élèves. Nous ne saurions donc oublier la libéralité que nous a témoignée de bonne grâce la 416 majorité française en ce qui regarde l'éducation. (Ecoutez!) N'est-ce pas une garantie qu'à l avenir on agira pareillement et que la législature locale protégera nos intérêts et nos droits en ce qui regarde l'éducation tout aussi bien qu'avant l'union? (Ecoutez!) Mais où donc est la difficulté pratique dans cette question? N'oublions point qu'elle ne vient pas de nos frères Canadiens-Français, et je parle en connaissance de cause, mais bien de ce que la majorité protestante du Haut-Canada ne veut pas modifier l'arrangement fait il y a une couple d'années au sujet des écoles séparées, et espère que la majorité française du Bas-Canada n'accordera à la minorité protestante rien de plus que ce qu'on accorde à la minorité dans l'autre section de la province. Il faut reconnaître toutefois que notre système actuel d'éducation demande certaines modifications qui sont attendues par la minorité protostante du Bas- Canada. Je demanderai à mon hon. ami le procureur-général du Bas-Canada si le système actuel d'éducation dans le Bas-Canada continuera d'être toujours appliqué a l'avenir, et si les différentes dénominations religieuses conserveront les droits dont elles jouissent aujourd'hui? Nous sommes obligés de voter pour cette mesure sans connaître exactement les garanties que nous fera la législation future, et par suite, mon hon. ami ne trouvera pas étrange que je lui indique les changements que nous désirons, et que je tienne à m'assurer jusqu'à quel point le gouvernement tiendra compte de ces changements dans la mesure projetée. le premier point qui a causé de fréquentes difficultés, est de savoir si les propriétaires non résidents auront le même droit de désigner l'école au profit de laquelle leur part des taxes devra être affectée,—en d'autres termes, si une personne ne résidant pas dans un canton n'aura pas le droit d'indiquer à quelle école séparée elle désire que sa part de taxes profite. Un autre point a trait aux taxes sur les propriétés des compagnies incorporées. Dans l'état actuel des choses, la minorité du Bas-Canada n'est pas satisfaite de l'emploi de ces taxes. Je désirerais savoir si on adoptera un moyen équitable et satisfaisant de répartir ces taxes, par exemple, en les traitant comme deniers publics. Quelques personnes ont prétendu qu'on devait laisser aux directeurs des compagnies de régler l'emploi de ces taxes, d'autres voudraient que chaque actionnaire eût le droit de fixer lui-même l'emploi de sa propre part. Je pense que ce dernier modo serait tout-à-fait impraticable. C'est une anomalie que nous ne devons pas désirer voir se produire. Mais je pense qu'on devrait songer à un apportionnement plus équitable de ces taxes. Il y a un troisième détail plus important que ces deux derniers, savoir: si la minorité protestante du Bas- Canada aura un contrôle plus étendu sur la direction et l'administration des écoles séparées. Je sais que cette question intéresse autant les catholiques que les protestants, car je crois qu'un tiers des écoles dissidentes appartiennent aux catholiques.
L'HON. M. HOLTON — Ces écoles sont dissidentes sous le rapport de la langue.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — Pas le moins du monde!
L'HON. M. HOLTON—Mais alors, pourquoi?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — Il n'y a aucune difficulté en ce qui concerne la langue.
L'HON. M. ROSE—Il s'agit de toutes les écoles séparées pour une cause ou une autre. Le remède peut s'appliquer a toutes. Je ne demande pas quelle mesure on prendra, j'indique seulement qu'il faudra élargir le contrôle des différentes dénominations religieuses. La dernière question a trait aux finances et est plus du domaine de l'hon. ministre des finances.
L'HON. M. GALT — Je suis prêt à répondre.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—M. l'ORATEUR, j'ai assez l'habitude de donner des réponses eatégoriquos et je vais répondre de façon a satisfaire la chambre aussi bien que mon hon. ami. En ce qui regarde le premier point relatif aux propriétaires non-résidents dans les cantons, je puis dire que c'est l'intention du gouvernement de proposer une mesure qui donnera à la minorité le pouvoir de désigner à quelles écoles séparées ses taxes devront être affectées.
L'HON. J. S. MACDONALD—Dans les cantons seulement?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Partout et pas seulement aux catholiques. En ce qui regarde la seconde question,—la distribution des deniers prélevés sur les compagnies commerciales,—je sais qu'il y a eu des plaintes au sujet de la distribution de ces deniers. Le gouvernement a l'intention de proposer une mesure réglant la distribution de ces deniers d'une façon équitable et satisfaisante pour tous. (Ecoutez! et rires.) Enfin, à la troisième question de mon hon. ami pour Montréal 417 Centre, je dois dire que cette loi pourvoira à ce que la minorité protestante du Bas-Canada ait sur ses écoles un contrôle satisfaisant. (Ecoutez! et rires.) J'en viens maintenant à la question de mon hon. ami pour Chateauguay qui a parlé des écoles dissidentes sous le rapport de la langue.
L'Hon. M. HOLTON—L'hon. monsieur ne m'a pas bien compris. L'hon. membre pour Montréal Centre disait qu'il y avait des écoles dissidentes sous le rapport de la religion. J'ai voulu indiquer seulement qu'il pourrait aussi bien y en avoir sous le rapport   de la langue, et que rien, dans la loi, ne s'y opposerait. Par exemple, il pourrait y avoir des écoles dissidentes catholiques dans les municipalités où la majorité est protestante.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—L'hon. membre pour Chateauguay a les lois du Canada à sa disposition. Il peut y voir qu'on n'y mentionne ni écoles catholiques ni écoles protestantes. Ce qu'on appelle dans le Haut-Canada les écoles séparées y est fort à propos désigné sous le nom d'écoles dissidentes dans le Bas-Canada. Il y est dit aussie que là où il y a une minorité dissidente—soit catholique soit protestante—elle a le droit d'établir ses écoles. Dans les villes, la majorité étant catholique, les écoles dissidentes sont généralement protestantes, mais, dans les cantons, la majorité est quelquefois protestante et les écoles dissidentes sont catholiques.  
M. POPE—Quelle  sera la disposition de la loi pour les comtés où la population est disséminée comme dans le mien?—Sera-t-il permis à la minorité d'un canton de s'unir avec le canton voisin pour établir une école dissidente?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER— Certainement. Une disposition de la loi permettra à la minorité de s'unir à une municipalité contigue pour former le nombre requis.
L'HON. J. S. MACDONALD—Tandis que le gouvernement est en voie de nous faire des confidences (rires), je désirerais savoir si c'est son intention d'accorder à la minorité catholique du Haut-Canada les mêmes priviléges qu'a la minorité protestante; du Bas- Canada?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—J'aiassez de ma besogne sans faire celle des autres. L'hon.   procureur-général du Haut-Canada n'est pas a son siége, mais je ne doute pas qu'à l'occasion il ne réponde d'une manière sati-faisante a mon hon. ami de Cornwall.
L'HON. J. S. MACDONALD—En l'ab sence de l'hon. procureur-général du Haut Canada peut être l'hon. président du conseil sera-t-il assez bon pour me donner le renseignement?  
L'HON. M. BROWN—Si mon hon. ami désire une réponse de moi, je puis seulement lui dire que les dispositions du bill des écoles relatives au Haut-Canada n'ont pas encore été considérées par le gouvernement. Sitôt que le bill sera rédigé il sera soumis, sans délai, à la chambre.
L'HON. M. ALLEYN—J'espére que le gouvernement est disposé à accorder aux catholiques du Haut-Canada les mêmes priviléges qu'il a promis aux protestants du Bas- Canada.
L'HON. M. ROSE—Les explications que le gouvernement vient de donner devront satisfaire les protestants du Bas-Canada. Sa libéralité passée nous est une garantie que nous aurons justice dans l'avenir. (Ecoutez!) Je n'hésite pas à dire que j'ai le plus ferme espoir que la partie Bas-Canadienne du gouvernement nous traitera libémlement J'ai confiance dans mon hon. ami le ministre des finances et dans mon hon. ami le procureur-général Est, et je suis heureux d'apprendre qu'il donnera son attention a la question financière concernant la distribution satisfaisante des cotisations des sociétés commerciales. J 'espère que le ministre des finances sera disposé à traiter de la même manière la question de la dotation des collèges.
L'Hon. M. HOLTON — Usez de votre influence et vous aurez satisfaction. Il est temps avant que la confédération ne passe
L'HON. M. ROSE—Mon hon. ami de Chateauguay a des vues toutes différentes des miennes au sujet de la confédération. Si je voulais suivre cette tactique, son bcn avis pourrait m'être utile, mais je suis disposé à faire bien des concessions qui répugneraient a mon hon. ami pour voir passer ce grand projet. J 'ai pleine confiance dans le gouvernement actuel, et je crois que le parlement local du Bas-Canada nous rendra aussi bien justice que tous les gouvernements que nous avons eus depuis l'union. Nous n'avons jamais été obligés d'appeler à notre secours la majorité protestante u Haut-Canada et, si jamais nous nous décidions à cela, je ne crois pas que nous aurions plus de satisfaction qu'avec la majorité catholique du Bas-Canada. (Ecoutez!) Maintenant, M. l'ORATEUR, en ce qui concerne les trois questions que j'ai faites et l'appréhension d'être maltraités dans le gouvernement général, d'être à la merci 418 des Canadiens-Français dans le parlement local du Bas-Canada, de voir nos droits à l'éducation méconnus, j'ai maintenant l'assurance que le gouvernement agira conformément aux réponses qu'il vient de me faire. J'en viens maintenant a l'objection faite par mon hon. ami d'Hochelaga (M. DORION); dans son discours, l'autre soir, cet hon. monsieur a dit que la confédération, avec le chemin de fer intercolonial et les travaux de défense, ferait peser sur le Canada un fardeau énorme et injuste dont les populations ne tarderaient pas à se débarrasser par la violence. Je ne puis, pour ma part, voir comment nos dépenses seront augmentées. Je ne vois d'autre augmentation que celle qu'a indiquée l'hon. ministre des finances et qui consiste dans les dépenses du gouvernement général. Les gouvernements locaux ne seront pas plus coûteux que le gouvernement actuel; il reste donc a pourvoir seulement aux frais du gouvernement général, et rien de plus; toutefois, j'appellerai l'attention de la chambre sur une déclaration de l'hon. membre pour Hochelaga. Il a dit que nous nous trompions grandement en croyant que nous discutions une question d'union des colonies. La confédération, nous a-t-il dit, est entièrement basée sur la question du chemin de fer intercolonial, conformémnet aux recommandations de M. WATKIN, et tout ce mouvement n'a pour but qu'une belle et profitable opératien au profit de la compagnie du chemin de fer Grand Tronc.
M. T. C. WALLBRIDGE—C'est cela!
L'HON. M. ROSE—Peut-on supposer un instant que mon hon. ami le président du conseil se laisserait duper de la sorte? Mon hon. ami d'Hochelaga lui suppose-t-il assez peu de perspicacité pour ne pas pressentir une pareille tentative? C'est un arrangement destiné a obtenir contre la confédération les votes des membres opposés aux chemins de fer. Eh bien! M. l'ORATEUR, il parait que nous ne sommes que des dupes, qu' on nous prépare une nouvelle spéculation frauduleuse, et que l'hon. président du couseil, l'hon secrétaire provincial et d'autres du gouvernement hostiles. aux chemins de fer, sont des dupes comme nous. Ce projet imaginaire les a tous trom és et M. WATKIN qui, semblerait-il, possède l'astuce de MÉPHISTOPHÉLÈS, a complétement abusé le gouverneur-général et le secrétaire des colonies et les a pris à son piége. Bien plus, ses artifices ont atteint jusqu'au trône, car Sa Majesté a parlé du projet dans son discours au parlement. (Ecoutez!)
L'HON. M. HOLTON — A l'ordre! à l'ordre!
L'HON. M. ROSE — Peut-on supposer que le gouvernement impérial se serait tellement préoccupé d'une spéculation du Grand Tronc? De sa voix sonore mon hon. ami me rappelle à l'ordre quand je réponds aux arguments de ses amis. C'est sa seule manière de répliquer. Pense-t-il que je ne relèverai pas une accusation aussi grave?
L'HON. M. HOLTON—Si j'ai rappelé " à l'ordre! " c'est que je trouve singulier qu'on accouple le nom de Sa Majesté avec les termes de fraudes et d'abus. Les conseillers de Sa Majesté sont les seuls responsables. (Ecoutez!)
L'HON. M. ROSE—Je répète que le discours du trône que nous avons reçu aujourd'hui et auquel je suis bien libre de faire allusion, ne traite nullement cette mesure comme une spéculation du Grand-Tronc. C'est réellement bien présomptueux de la part de l'hon. membre pour Hochelaga de se lever pour dire aux membres de cette chambre. " Vous ne connaissez rien du projet; vous ignorez complétement où on vous mène; mais, dans ma perspicacité, j'ai découvert que c'est tout simplement une spéculation frauduleuse du Grand Tronc." (Rires.) L'hon. monsieur croit-il réellement ce qu'il a ainsi affirmé? Croit-il que tout le projet n'est qu'une spéculation montée en faveur de la compagnie du Grand-Tronc? Je trouve qu'il a eu tort de réveiller les animosités contre cette companie en répétant des fables bonnes aujourd' hui à amuser des enfants. Mais il est impossible que des faux-fuyants de cette nature aient quelque effet sur l'opinion des hon. membres. Voici ce que dit a Reine dans le discours du trône:
"Sa Majesté a été vraiment heureuse de donner sa sanction à la réunion des délégués de ses provinces de l'Amérique du Nord, qui, sur l'invitation du gouverneur général de Sa Majesté, se sont assemblés à Québec. Ces délégués ont adopté des résolutions ayant pour objet une union plus intime de ces provinces sous un gouvernement central. Si ces résolutions sont approuvées par les chambres législatives des provinces, un projet de loi vous sera présenté afin de mettre cette importante mesure à exécution."
(Applaudissements redoublés!)
Tel est le langage que Notre Souveraine adresse au parlement impérial et nous irions céder à un appel aux préjugés contre le monopole de la compagnie du Grand-Tronc! Mais il y a plus: l'opinion de Sa Majesté 419 est partagée par les hommes d'Etat les plus éminents d'Angleterre, par des hommes dont les noms sont historiques. Que pense lord DERBY de la confédération? La considère-t-il comme l'oeuvre d'une clique de spéculateurs? En parlant des relations du Canada et des Etats-Unis,—et ses observations s'accordent parfaitement avec celles que j'ai faites au début,—voici ce qu'il dit eu parlant de la défense des lacs au moyen de navires de guerre:
"Je ne demande pas quelles mesures va prendre le gouvernement de Sa Majesté, mais je prétends qu'il assume une grande responsabilité, s'il ne surveille pas activement les résultats qui peuvent naitre de ces deux actes des Etats-Unis. Si cette république a force prépondérante sur les lacs ce ne peut être que dans un but d'agression. (Ecoutez!) Une attaque du Canada contre les Etats-Unis est une impossibilité physique. La longue frontière du Canada est toujours ouverte à l'agression. Attaquable par terre, si le Canada n'a pas une force prépondérante sur les lacs, il est à la merci des Etats-Unis."
Je préfère cette appréciation de lord DERBY aux applaudissements ironiques de mon hon. ami de Chateauguay Ce que le noble Lord a dit du projet de confédération dans ses relations avec la défense des provinces et les forces additionnelles que doit nous envoyer le gouvernement anglais, passe pour moi avant tout ce que l'hon. membre et les autres adversaires du projet pourraient dire. En parlant du projet même, le noble Lord s'ecprime ainsi:
"Dans les circonstances actuelles je vois avec satisfaction l'annonce du projet de confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord. Cette confédération devra donner un pouvoir assez fort, avec l'aide de l'Angleterre qui, je l'espère, lui est assurée, pour acquérir une importance que les provinces n' auront jamais séparément. Si je pouvais voir dans ce projet une tendance des provinces à se séparer de nous je n'hésiterais pas à en contester les avantages. Mais j'ai vu avec satisfaction qu' il n'existe aucun symptôme de ce désir. Il est peut-ètre prématuré de discuter en ce moment   les résolutions soumises aux différentes législatures. Mais je vois dans les termes du projet sincère désir de la part des provinces de s'assurer les avantages de l'union avec la mère- patrie, et une préférence marquée pour les institutions monarchiques, sur les institutions républicaines."
Eh bien! pouvait-il être dit quelque chose de plus à propos que ces paroles de l'un des hommes d'Etat les plus distingués de;'Angleterre? Soyez unis, nous dit-il, afin d' être plus forts, et soyez assurés que la Grande-Bretagne entière viendra à votre secours. Peut-il y avoir quelque chose de plus agréable et de plus encourageant pour ceux qui ont pris de l'intérêt dans la question que le langage que je viens de citer et dont on s'est servi dans la chambre des lords il n'y a pas trois semaines? (Ecoutez! écoutez!) Néanmoins, mon hon. ami d'Hochelaga, en dépit de tout cela, ne craint pas de se lever et de nous dire que nous sommes des enfants et que nous nous laisons éblouir par l'idée que nous allons former une grande nation ou confédération de provinces, mais que cette idée est fausse; et il essaie de réveiller les réjugés des membres de la droite afin de leur faire abandonner le gouvernement sur la mesure importante que celui-ci a introduite et que les plus grands hommes d'Etat en Angleterre ont favorisée de leur approbation. (Ecoutez! écoutez!) La chambre me permettra, j'espère, de citer quelques paroles de plus de la discussion sur l'adresse ans la chambre des lords:—voici ce qu'a dit entr'autres le comte GRANVILLE, le président du conseil:
"Une autre considération bien propre à nous enorgueillir de la manière habile dont notre pays est gouverné, est de voir nos colonies de l'Amérique du Nord, tout en exprimant leur désir de rester unies à la métropole en prenant après des délibérations calmes, prudentes et pleines de sens politique, les moyens de créer de nouvelles institutions, vouloir conserver dans la plus grande mesure possible la constitution et les institutions sous lesquelles nous avons le bonheur de vivre." (Vifs applaudissements.)
Cet orateur distingué n'essaie pas de rapetisser la taille des auteurs du projet actuel, comme le font les hon. membres de de la gauche, et ne raille pas du tout ceux qui ont tout mis de côté pour s'occuper de la mesure et la mener à bonne fin; au contraire, il exalte " le calme et la prudence de leurs vues politiques," et ajoute que c'est pour eux un digne sujet de fierté et d'orgueuil. Je répète, pour ma part, que ceux qui ont pris fait et cause dans l'élaboration et la mise en voie d'exécution de ce grand projet, doivent être fiers de leur œuvre en voyant les plus habiles politiques du monde entier le citer comme chose d'une perfection étonnante, attendu les difficultés dont les auteurs étaient environnés. Qu'on ne crois pas qu'il n'y ait ou qu'un seul parti en Angleterre qui lait reconnu; non, libé raux: et conservateurs n'ont eu qu'une voix à ce sujet: et voici ce qu'a dit lord HOUGHTON:
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"Le même courant d'idées s'est manifesté de l'autre côté de l'Atlantique sur l'union projetée des provinces anglaises de l'Amérique du Nord: c'est pourquoi, je concours pleinement dans l'éloge qu'a fait mon noble ami l'auteur de la présente adresse de ce projet. C'est un spectacle digne de toute notre considération que de voir, milords, cette mesure prendre naissance dans le gouvernement de Sa Majesté, et c'est assurément déroger de la vieille politique anglaise au sujet des colonies, que d'être appelés à nous prononcer sur un projet destiné a relier ensemble, sous un régime presque indépendant, nos colonies de l'Amérique du Nord, régime approuvé par la couronne elle-même. Cependant, nous croyons que quoique en possession de leurs nouvelles institutions elles sauront reconnaitre la valeur de l'union avec la métropole, et que sielles sont plus a l'abri du danger ainsi unies ensemble nous ne serons pas plus inquiets de leur loyauté. Le projet devra exiger de nous, milords, beaucoup de considération et d'attention pour ne pas blesser les susceptibilités provinciales, car nous aurons à nous ocuuptr de provinces anglaises habitées par une population tonte différente par les coutumes et l'origine. J'espère que le succès couronnera nos efforts et que les Canadiens-Français qui font partie de ce grand empire de l'Amérique du Nord en retireront autant de garanties et de bonheur que possible."
Ceux qui prétendent que le peuple entier est opposé à cette mesure sont très peu au fait, j'en suis convaincu, de l'opinion du pays. Je crois, au contraire, ne ce qui a été fait jusqu'ici a reçu l'approbation la plus complète, et je sais que ceux qui ont en a parence le plus à craindre de la mesure et ont les intérêts sont peut-être les plus menacés,— la minorité anglaise du Bas-Canada,—l'ont examinée avec soin et en dépit de l'opposition qu'ils avaient d'abord manifestée, la supportent aujourd'hui avec chaleur. Je fais en ce moment plus particulièrement allusion aux électeurs que je représente et qui ont en jeu ces grands intérêts de commerce, de navigation, de banque, d'industrie et de progrès matériel dont Montréal est regardé comme le centre. Eh bien! cette partie de la population du pays, la plus capable de juger d'une question de cette importance, a étudié le projet avec calme et au point de vue pratique et en est arrivée à. la conclusion qu'il est des plus propres a favoriser les intérêts les plus chers et la prospérité de la province. (Ecoutez! écoutez!) Quoique sachant bien qu'elle serait en minorité dans la législature locale et qu'elle se trouverait séparée de ceux de sa race et de sa foi en Haut-Canada, cependant après avoir considéré combien étaient importants les intérêts mis en jeu, elle n'a pas hésité à courir les risques de la mesure et à travailler de concert à la mettre à exécution. (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M. l'ORATEUR, que d'un autre côté, nous n'avons pas un moment à perdre pour en arriver là, car la question de l'armement du pays est des plus imminentes. (Ecoutez! écoutes!) Je le répète, il n'y a pas un jour, pas une heure à perdre, et je pense que du moment où ce pays sera mis sur un bon pied de défense, l'union deviendra la meilleure sauvegarde que nous pourrons avoir. Si nos voisins s'aperçoivent que nous avons les moyens de les tenir en échee au seuil de nos frontières pendant tout un été, nous pourrons alors nous défendre d'une manière efficace. J'espère que nous continuerons longtemps encore à. jouir des bienfaits de la paix, que les bons rapports qui doivent exister entre le Canada et les Etats-Unis ne cesseront jamais, que deux peuples qui ont en commun tant de liens de sang et d'affaires, ne deviendront jamais ennemis; et je suis d'opinion que nous fassions toutes les concessions compatibles avec notre dignité nationale afin d'éviter la guerre. Car, il n'est personne qui apprécie comme je le fais les fruits heureux de la paix et qui n'appréhende comme moi les horreurs de la guerre. Mais, d'un autre côté, il ne faut pas nous cacher que depuis trois ou quatre ans nous avons été sérieusement menacés. Personne ne peut dire à quelle époque éclatera sur nos têtes le nuage qui obscurcit notre horizon, c'est pourquoi ceux aux mains de qui sont confiées les destinées dela patrie doivent être prêts à tout faire en leur pouvoir pour parer à de telles éventualités. Nous ne pouvons abandonner la position que nous avons prise; nous ne pouvons reculer; il nous faut avancer et il est évident pour moi que si nous ne terminons pas ce qui est déjà. commencé nous aurons lieu de nous en répentir plus tard. Je me permettrai maintenant d'ajouter encore un mot, car je m'aperçois que j'ai déjà été trop long et j'en demande pardon à la chambre. (Cris de:—continuez! continuez!) Je crains en vérité d'avoir dépassé les limites que je m'étais fixées: c'est pourquoi une considération encore et j'ai fini. Mon hon. ami (M. DORION), a prétendu que ce projet allait nous ruiner et qu'il comportait des conditions financières injustes pour cette province: il est dommage qu'il n'ait pas réussi à nous prouver la justesse de cette assertion à l'égard d'aucune des colonies. Il n'y a rien, suivant moi, de plus juste dans ce contrat de société, fermé entre les cinq 421 provinces, que le montant de la dette soit égalisé au moment de l'union et qu'on indemnise par une somme fixe celles dont la proportion est moindre. Un tel principe n'a certainement rien d'injuste. L'intérêt de la dette, quel qu'il soit, devra se payer par des taxes et je n'en disconviens pas:
"Mais, ajoute mon hon. ami, les provinces d'en bas étant bien moins capables que nous de supporter ces taxes, le plus lourd du fardeau retombera donc sur le Bas et le Haut-Canada, et surtout sur le commerce de Montréal."
Eh bien! qu'y a-t-il d'injuste en cela? N'est-ce pas juste que la partie la plus riche d'un pays paie le plus d'impôts? Mon hon. ami prétend-il dire par hasard que le plus fort consommateur ne doit pas payer le plus d'impôts? Si la population des Canadas consomme plus que celle des autres provinces ne doit-elle pas contribuer au revenu public suivant sa consommation?—" Mais, dit encore mon hon. ami, les provinces du golfe auront leur 80 centins par tête, pendant que nous n'aurons rien, quoique étant les plus forts consommateurs "— et il ajoute— " la quote-part des provinces d'en-bas au revenu sera infinitésimale,"—Supposons que tel soit le cas, est-ce que nous devons dans une discussion comme celle-ci déprécier les avantages que le contrôle des pêcheries donnera un gouvernement général? Qu'on se rappelle que ces pêcheries formeront une des considérations les plus importantes à faire valoir dans les négociations qui devront avoir lieu au sujet du traité de réciprocité avec les Etats-Unis, auquel le Haut-Canada attache une si grande importance: d'où il suit que le Canada, sous le régime fédéral, accordera ce qu'il jugera à propos en fait de droits de pêche aux Américains. Sous ce rapport, la position commerciale de l'agriculteur du Haut-Canada et du négociant du Bas-Canada sera de beaucoup améliorée par le fait que la concession de droits de pêcheries leur procurera des avantages dans d'autres branches de commerce; car, je le répète, la direction de la politique future des provinces confédérées appartiendra en grande partie au Canada. (Ecoutez! écoutez!)—" Mais, dit mon hon. ami, vous allez vous charger d'une dette énorme! Voyez, — le Bas-Canada, lors de l'union actuelle, devait $300,000 ou $400,000, et aujourd'hui la dette des deux provinces s'élève à $67,000,000."—C'est vrai: mais on voudra bien remarquer que la population, du Bas-Canada n'était alors que 600,000 et celle du Haut-Canada de 400,000: —on était sans chemins de fer, et aujourd'hui nous comptons plus de 2,000 milles de voie ferrée. (Ecoutez! écoutez!) Nous avions alors à peine un phare et nous en avons parsemé le St. Laurent et les lacs depuis le lac Supérieur jusqu'à Belle-Ile. (Ecoutez! écoutez!) Nous étions sans système d'éducation, et voyez quel est aujourd'hui l'état de l'instruction parmi nous. (Ecoutez! écoutez!) Nous n'avions pas un seul canal lors de l'union, et notre système actuel est le plus beau du monde entier. (Ecoutez! écoutez!) Nous étions sans régime municipal et jetez aujourd'hui les yeux sur celui du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!) La tenure seigneuriale existait alors, opprimant le peuple et arrêtant l'insdustrie et les entreprises: n'a-t-elle pas été abolie? (Ecoutez! écoutez!) Mon hon. ami serait-il le seul a former les yeux au progrès et aux réformes qui se sont accomplis depuis? Mon hon. ami ne sait-il pas que sur les $62,000,000 qui constituent la quote- part de la dette du Canada, il a été depensé plus de $49,000,000 pour les travaux publics, qui représentent encore cette valeur?
L'HON. A. A. DORION—Pas en Bas- Canada.
L'HON. M. ROSE—Mon hon. ami répond —" pas en Bas-Canada ": —mais prétendrait- il que la chaîne de canaux qui a été construite pour diriger le trafic de l'Ouest vers Montréal et Québec, n'a pas produit d'avantages au Bas-Canada? (Ecoutez! écoutez.) Eh! quoi,—mais ce sont précisément ces travaux qui dans les dernières années ont accru les affaires maritimes de Montréal de cinq cent pour cent? Est-ce que mon hon. ami soutiendrait que la mise en rapport du Grand-Tronc avec les voies ferrées de l'Ouest des Etats-Unis n'a pas profité au Bas-Canada? que la construction des glissoires d'Ottawa pour faire descendre le bois à Québec, n'a pas donné d'avantages au Bas-Canada? Il ne mesurera pas, assurément, tout ce qui a été fait sous forme d'améliorations et de travaux publics, d'après un point de vue aussi étroit, aussi local et qui irait à dire que tous deniers dépensés dans un endroit et qui ne profitent pas à ce même endroit, est de l'argent perdu. Est-ce là la politique qu'il voudrait voir inaugurer sous le nouveau régime?
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — NOUS avons également le pont Victoria.
L'HON. M. ROSE—Oui, nous avons 422 aussi le pont Victoria.—Mon hon. ami croit-il que-nous aurions une construction de cette importance si la politique dont il fait profession avait été adoptée?
L'HON. J. S. MACDONALD—Nous ne demandons qu'à être laissée ce que nous sommes.
L'HON. M. ROSE—C'est impossible de rester ce que nous sommes aujourd'hui. Je voudrais, M. l'ORATEUR, vivre encore 25 ans, après que l'union projetée aura été consommée, pour me réjouir d'y avoir coutribué quelque peu, si la prospérité des 25 années à venir devait être aussi grande que celle des 25 années passées. (Ecoutez! écoutez!) Mon hon. ami semble croire que le chemin de fer intercolonial est une entreprise d'un mérite douteux, si elle n'est pas absolument inutile. Mais croit-il que nous pouvions en toute sûreté continuer, comme nous le fesons, à dépendre, commercialement parlant, des Etats-Unis? Ne nous sera-t-il jamais permis d'avoir un port de mer par lequel nous pourrons expédier nos marchandises et nos lettres? Devons-nous rester à jamais dans la dépendance de la législation fiscale des Etats-Unis? En devrons-nous venir au point que le fermier du Haut-Canada ne pourra expédier à l'étranger un baril de farine, ni le négociant du Bas-Canada un colis de marchandises, sans en avoir obtenu la permission des Etats-Unis? Mon hon. ami est-il disposé à nous laisser à jamais dans cette dépendance commerciale? Je ne puis réellement croire que telle est sa pensée, et qu'aucune considération ne peut justifier la construction du chemin de fer intercolonial. Je crois avec lui que l'entreprise est considérable et importante et entraînera beaucoup de sacrifices de la part du pays: mais je prétends qu'on ne peut s'y soustraire. C'est une nécessité et il nous faut y obéir. Des raisons de sûreté publique et d'affaires nous y poussent, et nous ne saurions tarder d'en entreprendre la construction. N'avons-nous pas vu, il y a pas encore si longtemps, les Etats-Unis entraver notre transit chez eux par l'ordonnance des certificats consulaires, à tel point qu'on ne pouvait expédier un colis sur leurs chemins de fer sans l'accompagner d'un de ces certificats qu'il fallait payer, me dit-on, jusqu'à $2.00, c'est-à-dire quelque fois plus que la valeur du colis lui-même ou le fret? (Ecoutez! écoutez!) N'avons-nous pas vu le sénat des Etats-Unis s'occuper d'une proposition tendant à déterminer les règlements auxquels il faudrait soumettre le transit étranger dans le but évident d'abroger le système en vertu duquel le Canada pouvait faire venir en entrepôt ses importations de l'Angleterre par les Etats-Unis? Je ne crains pas de dire que si le système américain de transit était aboli la moitié des négociants canadiens se trouveraient gravement compromis dans leurs affaires, si non ruinés du coup, (écoutez! écoutez!)—car, en hiver, il serait impossible d'envoyer en Angleterre un seul baril de farine, ni d'en recevoir un seul ballot de marchandises. Nos négociants auraient à se pourvoir de marchandises pour douze mois, et le fermier deviendrait à la merci du marché du printemps et se trouverait forcé de vendre sur le champ à bonne composition ou non, car il n'aurait plus, comme aujourd'hui, un débouché toujours ouvert et en Angleterre et aux Etats-Unis. On voit donc qu'à tout prix la construction du chemin de fer intercolonial devra se faire, car il est impossible que nous continnuions de rester isolés et dépendants comme nous le sommes aujourd'hui. C'est là un de ces désavantages de notre situation qu'il nous faut subir. Sans doute, il nous en coûtera beaucoup, mais nous devons nous y résoudre et le plustôt sera le mieux.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—D'ailleurs, nous devons toujours nous attendre à payer pour ce qui est bon.  
M. T. C. WALLBRIDGE—Mais, quand la chose est mauvaise, que faire?
L'HON. M. ROSE—Je termine. Je n'ai pas l'espoir de convertir mon hon. ami; j'ai voulu lui prouver combien cette voie de communication est indispensable et combien il est nécessaire qu'elle se fasse. Personne ne peut prédire quel sera l'avenir de la république voisine, si elle restera une ou si elle se morcellera en deux ou plusieurs confédérations. Son avenir est sombre et incertain, car on ne saurait douter que, de quelque façon ne les choses s'y règlent, elle sortira de ses dettes actuelles avec une dette énorme, et éprouvera des difficultés presque insurmontables à ramener dans son sein la paix et le bien-être d'autrefois. En comprenant bien les avantages naturels de notre position, —à moins que nous ne voulions les déprécier de propos délibéré, — nous pouvons nous assurer des relations avantageuses avec elle; tant que le St. Laurent et l'Ottawa continueront de couler, tant que les lacs ne s'assècheront pas, ils seront les routes naturelles des pays de l'Ouest vers l'océan, et 423 nous pourrons toujours nous les rendre profitables. Nous n'ignorons pas la fertilité des Etats de l'Ouest; nous savons qu'elle est inépuisable et c'est pour moi une chose évidente que la nécessité où ils sont d'avoir un autre débouché vers la mer que ceux de New York et de Boston. Cette nécessité à laquelle se trouvent réduits les intérêts tout puissants de l'Ouest devra avoir une influence décisive sur la politique commerciale des Etats-Unis, et pour peu que nous sachions attirer vers le St. Laurent les produits de cette partie de la république voisine en lui donnant encore plus d'avantages, on ne saurait douter que nous nous assurerons ainsi des garanties pour la paix future des deux pays. Cette chambre se rappelle les résolutions qui furent adoptées sur cette question par les états du Wisconsin et d'Illinois, il y a une couple d'années, et qui contenaient un ou deux faits de la plus haute valeur comme preuve de la nécessité pour les Etats de l'Ouest d'avoir un débouché vers la mer par le St. Laurent. Le mémorial basé sur ces résolutions citait les faits suivants:
"Quoiqu'il n'y ait eu de cultivé que la dixième partie de la surface arable des Etats du N. O., le rendement n'en a pas moins été pour 1862 de 150,000,000 minots de blé, et, dans le seul Etat de l'Illinois, la quantité de céréales exportée chaque année, pendant les deux années qui viennent de finir, aurait pu suffire amplement à nourrir une population de dix millions. Depuis quelques années, il se perd malheureusement sur champ une partie des moissons, par suite de l'impossibilité où les chemins de fer et les canaux se trouvent de ne pouvoir tout écouler vers la mer; et le Nord-Ouest semble avoir atteint une production telle que les moyens de transport artificiels ne suffisent plus, et qu'il lui faut de toute nécessité recourir aux débouchés que la nature elle-même a créés. Depuis deux ans il n'a cessé d'encombrer les convois de chemins de fer et les canaux de plus de 100,000,000 de minots de grain, à part les quantités immenses d'autres produits, et un chiffre énorme de bêtes à cornes et de troupeaux de porcs. La prospérité future des Etats qui bordent les grands lacs dépend donc en grande mesure des moyens faciles de transport qu'ils auront vers les marchés étrangers; aussi ont-ils un intérêt vital dans la question de l'ouverture du St. Laurent, qui est le débouché naturel des lacs vers la mer et qui est aussi la voie par laquelle l'Angleterre pourrait augmenter de beaucoup ses importations de céréales et de produits des Etats-Unis, et cela à un quart de moins qu'auparavant. L'expérience certaine a démontré, dans les chargements de blé d'Inde de Chicago pour Liverpool, que le fret s'élève souvent jusqu'à 7/8 de la valeur du minot rendu à Liverpool, et plus que la moitié du prix du blé se trouve perdu aujourd'hui par suite de l'insuffisance des moyens de transport. La consommation européenne de nos ceréales en déter mine le prix sur tous nos marchés. L'excédant de céréales du Nord-Ouest est de 50 à 60,000,000 de minots sur la demande des Etat de l'Est, et lorsque ce surplus est exporté sur leurs marchés, ce sont les cotes étrangères qui fixent la valeur de la récolte toute entière. L'intérieur de l'Amérique du Nord est arrosé par le St. Laurent, qui assure ainsi aux pays qui bordent les lacs un débouché naturel vers la mer, et c'est par ce magnifique chenal que doivent s'acheminer les produits agricoles de la vaste région des lacs. L'esprit commercial de notre époque empêche les jalousies internationales de s'étendre jusqu'aux grandes voies naturelles de communication, et les gouvernements anglais et américain sauront apprécier la valeur de cet esprit et se soumettre à son influence. Une fois le débouché ouvert dans toute sa plénitude jusqu'à la mer par le St.Laurent, les lois naturelles du commerce que la politique des Etats-Unis a toujours entravées, reprendront le dessus et y achemineront les produits du Nord- Ouest."
C'est pourquoi, je vous le dis:—Donnez- nous le chemin de fer intercolonial; donnez- nous le contrôle du St. Laurent; donnez- nous un gouvernement au moyen duquel nous puissions inaugurer une politique nationale; donnez-nous la haute-main sur les pêcheries, et nous pourrons nous assurer avec les Etats-Unis une réciprocité d'échanges telle que le Haut-Canada le veut. Si, au contraire, nous restons désunis, si les provinces du golfe gardent le contrôle des pêcheries, et si le Canada n'a rien à offrir pour ce qu'il demande des Etats-Unis en fait de relations commerciales, de céréales, etc., j'affirme que notre position devient des plus critiques. Mais j'ai parlé plus longtemps que je ne le voulais, et je sens que la chambre est fatiguée—(cris de: Non! non! " Continuez! "): je suis tombé dans le même faute que mes devanciers. Cependant, je veux encore faire une dernière observation; ce sera ma conclusion. On a dit qu'il fallait une dissolution des chambres avant de décider finalement de la question.— eh! bien, M. l'ORATEUR, le temps presse trop pour cela. Je le répète de nouveau, nous n'avons ni un jour, ni même une heure à perdre avant d'entreprendre ces grands travaux de défense qui pourront peut-être seuls sauver notre autonomie.
L'HON. J. S. MACDONALD — Quels travaux de défense?
L'HON. M. ROSE — Les travaux dont j'ai parlé.  
M. T. C. WALLBRIDGE—Quels sont ils?
L'HON. M. ROSE —Est-ce que quelqu'un sait, et au cas où il le saurait, devrait-il dire où ces ouvrages doivent être faits? Tout 424 ce que nous savons c'est qu'il devra être fait pour l'armement du pays de grandes dépenses dont les provinces d'en-bas et le gouvernement impérial paieront leur part. Comment veut-on que je sache ou comment veut-on que j'apprenne à ceux qui me le demandent, dans le cas où je le saurais, si ces travaux seront exécutés à la Pointe-Lévis, à Montréal, à Kingston, à Toronto ou ailleurs? Le fait qu'il y aura des travaux, et de très considérables, d'exécutés pour mettre le pays à l'abri d'un coup-de-main et d'une invasion, ne souffre pas de doute; car, ne savons-nous pas tous qu'il a été envoyé ici, à diverses reprises, des ingénieurs éminents par les autorités anglaises afin d'examiner les points les plus propres à être convertis en places fortes?
L'HON. J. S. MACDONALD —Dans quelle proportion devrons-nous contribuer à la construction de ces travaux militaires?
L'HON. M. ROSE—Autant, j'espère, qu'il sera juste et nécessaire. (Applaudissements.) Quant à moi—et je sais que mes sentiments sont partagés par chacun de mes hon. auditeurs—je suis prêt non-seulement à dépenser l'argent des autres, mais encore, s'il est nécessaire, à donner mon dernier chelin pour la construction de ces travaux du moment qu'ils seront jugés essentiels à la défense du pays! (Ecoutez! écoutez! et applaudissements.) Je regarde ces précautions comme aussi nécessaires que d'assurer sa propre maison contre l'incendie. Si l'hon. monsieur prétend que, du moment où il s'agira de notre existence nationale, le peuple chicanera sur une question d'argent, je dois l'assurer qu'il se méprend et qu'il connaît très peu l'opinion publique. Le peuple est prêt à se taxer jusqu'au dernier sou pour se préserver de l'agression étrangère. (Ecoutez! écoutez!) Je ne me donne pas pour savant en fait d'opérations militaires; mais tout homme qui a la tête sur les épaules doit être convaincu qu'il nous faut des travaux de quelque espèce pour nous garantir de l'agression.
M. T. C. WALLBRIDGE—Je prétends avoir tout aussi bien la tête sur les épaules que l'hon. monsieur; mais je lui demanderai si le chemin de fer intercolonial, qui fait partie de la constitution, est considéré comme fesant partie des travaux dont il parle?
L'HON. M. ROSE—Je ne crois pas que le chemin de fer intercolonial fasse partie de la constitution; sa construction seule y est décrétée, et un chemin de fer de ce genre, aussi nécessaire au point de vue militaire qu'au point de vue commercial, est indispensable; bien plus, j'ose dire que le pays s'engagera de bon cœur dans les frais de sa construction. (Ecoutez! écoutez!) Quant à la question d'un appel au peuple sur la question qui nous occupe en ce moment, je demanderai s'il est un seul député qui ne sache pas l'opinion de ses électeurs et qui ne sache pas s'ils sont favorables ou non à l'union projetée? Est-il un député qui ne connaisse pas la volonté de ses mandataires à ce sujet, et qui ne soit pas prêt à prendre la responsabilité de son vote? Je ne crois pas qu'il y en ait un seul. Qu'on me montre un seul député de cette chambre qui croit sincèrement qu'en cas de dissolution et d'un appel au peuple sur la confédération, les élections tourneraient sur cette seule question, et qu'il ne viendrait pas s'y mêler ni prédilections individuelles, ni questions personnelles ni questions de localité? Ne serait- ce pas d'ailleurs une anomalie que d'élire un parlement dont le premier acte serait de se détruire lui-même? Car il ne faut pas se dissimuler qu'il ne lui resterait qu'à choisir le genre de constitution qui doit remplacer la sienne. Il y a dans un tel acte quelque chose de si anormal, de si inconstitutionnel et de si absurde, que je pense que le pays le verrait d'un œil défavorable. Je crois que nous sommes suffisamment instruits de l'opinion, de l'opinion calme et réfléchie du pays, et cela après une appréciation intelligente de la question sous toutes ses faces: c'est pourquoi, je ne pense pas qu'il y ait rien à gagner dans les frais et les délais d'une élection; au contraire, je sais que dans la partie importante de la province que je représente, en en est venu à cette conclusion, non d'après un amour inconsidéré du changement, non d'après aucun désir ardent, temporaire, ou vague de faire partie d'une grande nation, au risque de compromettre ses relations avec l'Angleterre ou ses intérêts, mais après que sa raison et le jugement de ses habitants l'eurent convaincue que cette mesure était nécessaire à notre existence. (Ecoutez! écoutez!) Je dois m'excuser de nouveau d'avoir si longtemps occupé l'attention de la chambre, et exprimer mes remerciments de ce que l'on ait daigné m'écouter avec tant de bienveillance. (Vifs applaudissements).
M. A. MACKENZIE propose l'ajournement de la discussion.
L'HON. M. HOLTON—Je désirerais dire 425 un mot avant que la question d'ajournement ne soit mise aux voix. J'ai écouté avec une très grande attention le discours de mon hon. ami de Montréal—Centre (M. ROSE) qui a surtout parlé des défenses du pays. Je reconnais avec lui la grande importance du sujet; mais je prétends que nous ne sommes pas encore en mesure d'apprécier les arguments de mon hon. ami, non plus que des hon. messieurs qui ont parlé sur cette question, et que c'est à peine si nous pouvons prendre la chose en considération. J'affirme qu'il ne convient pas d'introduire dans la discussion un élément de cette gravité, du moment que le gouvernement nous prive de renseignements officiels dont il est permis de le croire en possession sur le sujet; et je me lève pour exprimer l'espoir que les hon. ministres comprendront la convenance de communiquer à cette chambre les renseignements les plus complets sur cette question. (Ecoutez! écoutez!) Je suis certain, d'ailleurs, que mon hon. ami qui vient de s'asseoir conviendra avec moi de la justesse de ma demande, et que nous ne saurions apprécier comme il faut cette partie de la question de confédération tant que nous n'aurons pas devant nous tous les renseignements que le gouvernement possède à cet égard. Je désire donc, et cela en commun, je suis sûr, avec tous les hon. députés qui m'entourent, qu'avant de prolonger davantage les débats, ces renseignements importants soient communiqués à la chambre sous une forme distincte. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. J. S. MACDONALD—Mon hon. ami de Chateauguay (M. HOLTON) vient d'appeler, avec à propos, l'attention du gouvernement sur la nécessité de mettre devant cette chambre toutes les informations désirables sur la somme qu'il nous faudra voter pour la défense du pays. Tout le monde sait que l'Angleterre a envoyé ici des officiers chargés d'examiner l'état de défense du pays, les sites les plus propres à être convertis en forteresses et les points d'appui sur lesquels nous serions obligés de nous replier dans le cas où l'ennemi s'avancerait jusque sous nos murs; ces officiers ont rédigé leur rapport pendant que j'étais au ministère il y a déjà plus d'un an, et il me répugne de croire qu'on aurait caché aux hommes si remplis de loyauté qui composent l'administration actuelle la somme que nous aurons à voter pour ce sujet. (Ecoutez! écoutez!) C'est là, ce me semble, une partie de la question qui nous occupe en ce moment, sur laquelle nous devrions être renseignés avant de pouvoir traiter comme il convient le projet entier. La constitution anglaise veut que tout crédit voté sur les deniers publics soit laissé à la discrétion du parlement. C'est pourquoi nous avons droit de savoir le plus tôt possible, et pour voir clair dans le projet de confédération, quelle somme on va exiger de nous sur ce sujet (Ecoutez! écoutez!) Il y a encore un autre point sur lequel nous n'avons pas ou d'autres informations que celles que m'a données ce soir l'hon. député de South Oxford; le gouvernement, c'est-à-dire la partie du gouvernement qui représente le Haut-Canada et qui est responsable plus particulièrement de ses actes à cette partie de la province; le gouvernement, dis-je, ne devrait-il pas en même temps s'occuper de déterminer jusqu'à quel point les catholiques du Haut-Canada pourront se trouver en mesure de conserver leurs écoles, d'avoir leur part des deniers publics et de jouir en général des mêmes priviléges qui, suivant la déclaration du procureur-général du Bas-Canada, doivent être accordés aux protestants du Bas-Canada? Je n'ai aucune opinion à exprimer en ce moment sur la justice des demandes faites par les protestants du Bas-Canada; je ne suis pas prêt non plus à dire ce que je ferai lorsque la question viendra sur le tapis, et lorsqu'il s'agira aussi de donner aux catholiques du Haut-Canada plus de droits qu'ils en ont; mais je prétends que le gouvernement devrait aborder de suite la question de savoir si l'on doit mettre les catholiques du Haut-Canada sur le même pied que les protestants du Bas Cette question intéresse au plus haut point les catholiques du Haut-Canada, et à l'heure qu'il est ils sont représentés ici par une députation chargée de faire connaître leur demande. Il n'y a pas de doute que pour faire valoir ce qu'ils considérent leurs droits ils ne se serviront pas de la proposition d'accorder aux protestants du Bas-Canada les priviléges qu'ils réclament pour eux-mêmes. Tenez-vous donc pour certains que le jour où les protestants du Bas-Canada viendront réclamer leurs droits ils devront faire valoir également ceux des catholiques du Haut- Canada et se déclarer prêts à exercer envers eux la même justice qu'ils réclameront des catholiques du Bas-Canada.  
L'HON. M. BROWN—Mon hon. ami de Cornwall (M. J. S. MACDONALD) n'est certainement pas d'accord avec lui-même en 426 exprimant une telle opinion, et il me semble qu' il devrait attendre pour le faire ne ceux pour qui il parle l'en aient chargé, lui ou un autre qui partage leurs vues. Pourquoi voudrait-il nous forcer d'adopter une ligne de conduite et des opinions qu'il désupprouve lui-méme?
L'HON. J. S. MACDONALD—Mon hon. ami ignorerait-il par hasard les résolutions qui ont été passées par les catholiques du Haut- Canada? Ne sait-il pas que le grand-vicaire MCDONNELL, de Kingston, est en ce moment à Québec pour tâcher de les faire prévaloir? Croit-il que je ne demanderai pas au gouvernement de faire connaître ses vues sur la question parce que je partage telle ou telle opinion? J 'afirme donc que sa réponse ne saurait étre remise pour les raisons données ce soir par le président du conseil (l'hon. M. BROWN), c'est-à-dire, que la question devra étre prise en considération. C est en effet un sujet digne d'attention et j'insiste à provoquer celle du gouvernement afin qu'il soit prêt lorsque la uestion se présentera.
M. A. MACKENZIE—Quelle question se présentera?
L'HON. J. S. MACDONALD—La question devra être soumise à cette chambre.
L'HON. M. BROWN—Eh bien! que ne la soulevez-vous cous-méme?
L'HON. J. S. MACDONALD — Je veux que les hon. députés qui occupent les fauteuils du ministère soient prêts, lorsque la question leur sera faite, à dire ce qu'ils sont pour faire à l'égard de la minorité catholique du Haut-Canada, ainsi que le procureurgénéral du Bas-Canada l'a déclaré sans hésiter pour ce qui regarde la minorité protestante du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez! Je n'occupe pas un siége dans cette chambre à titre e champion d'aucune croyance religieuse, mais je suis ici pour veiller à ce que justice soit faite à tous, et comme tel je dis que nous avons droit de savoir si les distinctions privilégiées que l'on se prepose de faire en faveur d'une minorité d'une partie de la province seront suivies de semblables distinctions privilégiées accordées à la minorité de l'autre partie de la province (Ecoutez! écoutes!)
La proposition pour l'ajournement des débats est alors adoptée.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

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