MARDI, 21 février 1865.
               
               
               
               L'
HON. SOL-GÉN. LANGEVIN — M. le  
                  PRÉSIDENT:—Ce n'est pas sans hésitation  
                  que je me lève en cette occasion pour prendre la parole dans cette chambre, car j'y
                  vois  
                  les représentants de plus de deux millions  
                  et demi d'habitants, qui sont appelés à  
                  régler les plus grandes affaires du pays, et à  
                  s'occuper spécialement d'une question qui  
                  intéresse les destinées non seulement des  
                  deux Canadas, mais aussi de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord.
                  
                  Je dois avouer que j'éprouve une grande  
                  hésitation et une grande défiance de moi- même, quand je considère l'importance de
                  
                  la mesure soumise à nos délibérations et les  
                  conséquences qui peuvent en résulter pour  
                  nous-mêmes et pour nos descendants. Cette  
                  mesure est si grandiose, les intérêts qu'elle  
                  affectera sont si considérables, que l'on ne  
                  doit pas être étonné si je l'aborde avec  
                  défiance et hésitation. Cette question de la  
                  confédération se trouve liée aux intérêts  
                  
                  
                  
                  communs des empires et à la politique générale des peuples, car il n'est pas indifférent
                  
                  pour les grandes nations qui gouvernent le  
                  monde de savoir à qui appartiendront les  
                  provinces de l'Amérique Britannique du  
                  Nord. Il suffit de relire l'histoire pour savoir  
                  combien les nations s'intéressent à la création  
                  d'un nouveau peuple, et, dans cette circonstance, les mille voix de la presse nous
                  disent  
                  combien la question de la confédération  
                  intéresse l'Amérique et l'Europe même, et  
                  avec quel intérêt les gouvernements suivent  
                  ce que nous faisons ici. Et cet intérêt est  
                  légitime et naturel, puisque la mesure actuelle  
                  est destinée à nous faire prendre rang dans  
                  la grande famille des nations. Cette question  
                  intéresse de plus tout spécialement l'Angleterre et les Etats-Unis, autant que nous-
                  mêmes. L'Angleterre a intérêt à voir ces  
                  provinces bien gouvernées et bien administrées; elle est intéressée à ce qu'elles
                  soient  
                  prospères, libres, satisfaites et heureuses;  
                  elle a intérêt à ce qu'elles aient un bon gouvernement et qu'elles soient si bien
                  gouvernées qu'elles ne soient pas à charge à la  
                  métropole, mais, au contraire, qu'elles deviennent puissantes et en position de pouvoir
                  
                  aider l'Angleterre dans certaines circonstances. D'un autre côté, les Etats-Unis ne
                  
                  doivent pas voir sans satisfaction les provinces de l'Amérique Britannique du Nord
                  
                  former une puissante nation. Ils doivent voir  
                  cela sans jalousie; ils doivent désirer que  
                  nous ne soyons pas une nation faible,  
                  afin que nous puissions maintenir notre  
                  neutralité, entretenir avec eux de bons  
                  rapports, et maintenir les relations amicales  
                  qui doivent toujours exister entre voisins.  
                  Mais si cette question intéresse l'Angleterre et les Etats-Unis, elle nous intéresse
                  
                  encore davantage, nous dont les destinées  
                  sont en jeu, nous dont la position est  
                  plus belle que celle qui a jamais été faite  
                  à aucun peuple; car il n'est donné  
                  à tous les peuples de pouvoir décider de  
                  leurs destinées en temps de paix, sans qu'ils  
                  aient à répandre de sang, et de se donner  
                  une constitution qui les mette en état de  
                  marcher dans la voie du progrès et décider  
                  en toute liberté de leur position dans le  
                  monde. En 1840, quand il s'est agi de faire  
                  l'Union des deux Canada, nous n'étions  
                  pas dans une aussi belle position qu'aujourd'hui, puisque cette Union nous a été imposée
                  malgré nous, et que jamais nous n'avons  
                  été consultés à cet égard. On se rappelle qu'à  
                  cette époque notre langue a été proscrite  
                  
                  
                  370
                  
                  crite pendant un certain temps, et que notre  
                  position fut aussi mauvaise qu'on put la  
                  faire. Nous avions bien l'égalité dans la  
                  chambre, mais nous étions dans une position  
                  d'infériorité comme peuple. Il est vrai que  
                  l'on n'a pas réussi à nous tenir sous le joug,  
                  mais ce ne fut pas la faute de ceux qui nous  
                  avaient imposé l'Union; nous avons conquis  
                  la position que nous occupons aujourd'hui  
                  par notre énergie et notre constance, avec  
                  l'aide d'une partie des représentants du  
                  Haut-Canada. Aujourd'hui, les choses sont  
                  bien changées; nous sommes au milieu d'une  
                  grande révolution, mais une révolution pacifique, et nous sommes en mesure de délibérer
                  
                  pour savoir si nous changerons notre constitution et de dicter nos conditions. Nous
                  
                  sommes appelés à régler nous-mêmes notre  
                  avenir, notre sort futur, et nous manquerions  
                  à notre devoir et à ceux que nous réprésentons, si aujourd'hui nous refusions la position
                  qui nous est offerte par les résolutions  
                  adoptées à la conférence de Québec. L'hon.  
                  membre pour Hochelaga (M. DORION)—  
                  que je regrette de ne pas voir maintenant à  
                  son siége—  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—L'hon.  
                  membre pour Hochelaga nous a dit, l'autre  
                  soir, que le plan de confédération avait été  
                  adopté et proposé par le gouvernement  
                  actuel seulement pour faire taire le cri de la  
                  représentation basée sur la population. Eh  
                  bien! en supposant que cela soit réellement  
                  le cas, que mal l'hon. membre peut-il y  
                  trouver? N'est-il pas de la plus grande importance de faire cesser ce cri de la représentation
                  basée sur la population, dans l'état  
                  où nous sommes aujourd'hui? La représentation basée sur la population nous aurait
                  
                  donné, dans la chambre, à nous, Bas-Canadiens, une position inférieure vis-à-vis le
                  
                  Haut-Canada, et aurait permis à ce dernier de  
                  législater pour nous, non seulement dans les  
                  affaires générales, mais aussi dans les affaires  
                  locales. L'hon. membre pour Hochelaga  
                  aurait dû être le dernier à reprocher au  
                  gouvernement actuel d'avoir, au moyen de  
                  cette mesure de confédération, fait taire le  
                  cri de la représentation basée sur la population. En 1854, l'hon. membre a admis,
                  
                  d'après ses propres aveux, que la représentation basée sur la population était juste
                  en  
                  principe; et la conséquence de cette admission a été fatale. La conséquence a été
                  que  
                  l'hon. membre a été obligé de continuer à  
                  
                  
                  
                  marcher dans cette voie jusqu'à la formation  
                  de l'administration BROWN - DORION, en  
                  1858, —administration qui n'a pas duré  
                  longtemps. (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Ce gouvernement n'a pas duré longtemps, et je me  
                  réjouis d'avoir contribué, pour ma part, à le  
                  renverser; car il est probable que s'il se fût  
                  maintenu, la représentation basée sur la  
                  population nous aurait été imposée, et nous  
                  ne nous trouverions pas en ce moment dans  
                  la position que nous occupons, — dans la  
                  position de faire nos conditions comme le  
                  Haut-Canada, et de prendre part aux négociations d'un traité avec les provinces inférieures.
                  C'est pour cela que je me réjouis  
                  d'avoir contribué à renverser ce gouvernement. L'hon. membre pour Hochelaga  
                  disait l'autre soir qu'en 1856 il avait dit ce  
                  qui suit:  
  
               
               
               
               
                  
                  "En 1856, lorsque le parlement siégeait à  
                     Toronto, je suggérai pour la premiére fois que  
                     l'un des moyens de surmonter les difficultés serait  
                     de substituer à l'union législative actuelle une  
                     confédération des deux Canadas, au moyen de  
                     laquelle les questions locales seraient soumises  
                     aux délibérations des législatures locales, avec un  
                     gouvernement central ayant le contrôle sur les  
                     questions commerciales et autres questions d'intérêt commun en général. Je dis que,
                     considérant  
                     les différences de races, de religion, de langage et  
                     de lois qui existaient dans les deux sections du  
                     pays, c'était là le meilleur moyen de faire disparaître ces difficultés,—c'est-à-dire,
                     de laisser à un  
                     gouvernement central les questions de commerce,  
                     de banque, de cours monétaire, de travaux publics  
                     d'un caractère général, etc., et de laisser à la  
                     décision des législatures locales toutes les questions locales. En même temps, je
                     disais que si ces  
                     vues n'étaient pas acceptées, je serais certainement en faveur de la représentation
                     basée sur la  
                     population, avec des conditions et garanties qui  
                     assureraient les intérêts de chaque section du  
                     pays et conserveraient au Bas-Canada les institutions qui lui sont chères."  
  
               
               
               
               Eh bien! l'on voit, par ce passage, que  
                  l'hon. membre pour Hochelaga voulait, en  
                  1856, former une nouvelle constitution précisément pour faire taire le cri de la représentation
                  basée sur la population. En 1858,  
                  il a formé, avec l'hon. président du conseil  
                  (M. BROWN), le gouvernement BROWN- DORION, et encore là il a stipulé que la  
                  question de la représentation basée sur la  
                  population serait prise en considération et  
                  que le gouvernement aviserait aux moyens  
                  de régler les difficultés qu'elle soulevait.  
                  En 1859, il a signé un document qui portait  
                  
                  
                  371
                  
                  aussi les signatures de l'hon. M. DRUMMOND,  
                  de l'hon. M. DESSAULLES et de l'hon. M.  
                  MCGEE, dans lequel il disait, avec ses collègues, qu'il fallait un changement dans
                  la  
                  constitution du pays.  
 
               
               
               
               
                  
                  "Si le Bas-Canada," disait-il, " veut maintenir  
                     intacte l'Union actuelle des provinces, s'il ne veut  
                     ni consentir à une dissolution, ni à une confédération, il est difficile de concevoir
                     sur quelles  
                     raisons plausibles il pourrait se fonder pour refuser  
                     la représentation basée sur la population. Jusqu'à  
                     présent, il s'y est opposé en alléguant le danger  
                     qui pourrait en résulter pour quelques-unes de ses  
                     institutions qui lui sont les plus chères; mais  
                     cette raison ne serait plus soutenable, s'il repoussait une proposition dont l'effet
                     serait de laisser à  
                     ses habitants le contrôle absolu de ces mêmes  
                     institutions et de les entourer de la protection la  
                     plus efficace qu'il soit possible d'imaginer, celle  
                     que leur procureraient les dispositions formelles  
                     d'une constitution écrite, qui ne pourrait être  
                     changée sans leur concours.  
                  
                  
                  
                  "Il semble donc que la seule alternative qui  
                     s'offre maintenant aux habitants du Bas-Canada  
                     ont un choix entre la dissolution pure et simple de  
                     l'union ou une confédération d'un côté, et la  
                     représentation basée sur la population de l'autre. "  
                    
               
               
               
               Encore là il voulait faire taire le cri de la  
                  représentation basée sur la population, et il  
                  voulait le faire taire par la fondation d'une  
                  nouvelle constitution. En 1861, c'était encore  
                  la même chose; il nous a dit qu'il voulait  
                  régler cette question de la représentation,  
                  qu'elle ne devait pas rester ce qu'on appelle  
                  une open question, et que c'était une difficulté  
                  qu'il fallait faire disparaître d'une manière  
                  ou d'une autre. Aussi, en 1862, il entrait  
                  dans le gouvernement pour cet objet, mais  
                  de quelle manière s'y est-il pris? Il en fit  
                  une close question, et adopta, avec ses collègues, le plan de la double majorité. Mais  
                  l'hon. membre ne se rappelait pas, sans doute,  
                  qu'en 1859, lorsqu'il écrivait le manifeste  
                  que j'ai cité tout-à-l'heure, il s'était prononcé  
                  contre la double majorité! Voici, en effet,  
                  ce qu'il disait dans ce document:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Dans chaque province, quelle que fût sa représentation, il y aurait une majorité
                     et une minorité,  
                     et à moins de reconnaître le principe de la double  
                     majorité comme règle fondamentale de notre  
                     constitution, les mêmes plaintes qui se font entendre  
                     maintenant, qu'une section gouverne l'autre contrairement à l'opinion publique et
                     aux protestations  
                     de cette dernière, les mêmes passions, les mêmes  
                     intrigues, la même corruption et le même défaut  
                     de sincérité y domineraient encore. Personne, d'ailleurs ne songe à faire consacrer,
                     par une disposition législative, le système de la double majorité;  
                     l'hon sent l'impossibilité de définir les cas où il  
                     serait applicable, de ceux où il ne le serait pas;  
                     mais cela fût-il possible, ce système ne pourrait  
                     que nous conduire à des difficultés nouvelles, en  
                     
                     
                     
                     forçant les majorités professant des principes et  
                     des opinions diamétralement opposés, à s'allier  
                     ensemble, et en détruisant complètement l'influence de l'une et de l'autre minorité.
                     Il est difficile  
                     de concevoir une seule législature composée de  
                     deux majorités n'ayant aucune identité de principes,  
                     agissant néanmoins toujours d'accord, de manière  
                     à ne jamais s'imposer l'une à l'autre, en sorte que  
                     chaque section de la province fût toujours régie  
                     par la majorité de ses représentants. Il est une  
                     foule de questions où cela ne pourrait avoir lieu  
                     qu'en forçant alternativement la majorité des  
                     représentants de l'une et de l'autre section de la  
                     province à s'abstenir ou à se prononcer pour des  
                     mesures que désavoueraient également leur jugement et leur conscience. Les complications
                     d'un  
                     pareil système, qui ne serait, en définitive, que  
                     l'application du principe fédératif à une seule  
                     législature, le rendent impraticable."  
  
               
               
               
               L'hon. membre avait donc changé d'opinion sur ce point? Je ne lui en fais pas un 
                  
                  reproche; mais cela prouve qu'il agissait  
                  toujours pour le même motif—c'est-à-dire,  
                  celui de faire taire le cri de la représentation  
                  basée sur la population. Comment se fait-il  
                  donc qu'il trouve mal que le gouvernement  
                  actuel présente une mesure pour mettre fin  
                  à ces difficultés, et pour empêcher que nous ne  
                  soyons placés dans une position d'infériorité?  
                  Mais la confédération n'a pas seulement pour  
                  but de faire disparaître les difficultés actuelles; elle est devenue nécessaire, parce
                  
                  que nous avons suffisamment grandi, nous  
                  sommes devenus asser forts, assez riches et  
                  assez puissants,—parce que nos produits sont  
                  assez nombreux et assez considérables,—  
                  parce que notre population est assez forte,  
                  pour nous permettre d'aspirer à une autre  
                  position et chercher à obtenir, pour nos produits, un débouché aux ports de la mer.
                  
                  Aujourd'hui, nous sommes dans un état de  
                  vasselage vis-à-vis des Etats-Unis, pour l'exportation de nos produits en Europe;
                  nous  
                  sommes à leur merci. Si demain nous avions  
                  quelque difficulté avec nos voisins, ils nous  
                  fermeraient la route de Portland, et nous  
                  serions, pendant près de sept mois de l'année,  
                  sans autre communication avec la mer que  
                  la longue et difficile voie ordinaire de terre.  
                  Ce n'est pas une position tenable et digne  
                  d'un peuple comme celui des provinces de  
                  l'Amérique Britannique du Nord. Il faut  
                  en sortir, car c'est l'intérêt du Canada, des  
                  provinces inférieures et des Etats de l'Ouest.  
                  L'hon. membre pour Hochelaga nous a dit  
                  qu'il était en faveur d'un plan qui réglerait les  
                  difficultés actuelles et placerait le Bas-Canada  
                  dans une position convenable; mais i1 ne  
                  nous a jamais dit quel était ce plan. La  
                  seule chose qu'il ait jamais proposée est son  
                  
                  
                  372
                  
                  plan de 1859, pour la confédération des deux  
                  Canadas; mais ce plan n'aurait réglé qu'une  
                  seule difficulté et en laisserait substituer  
                  d'autres de la plus grande importance,— et  
                  entre autres celle de nos communications avec  
                  la mer. Ce plan ne nous aurait pas permis,  
                  par exemple, de construire le chemin de fer  
                  intercolonial; car il est presque impossible  
                  qu'une aussi grande entreprise réussisse si  
                  elle n'est pas entre les mains d'un grand  
                  pouvoir central, et s'il faut consulter cinq  
                  ou six gouvernements avant de la commencer. Mais la question de la confédération des
                  deux Canadas n'est pas la seule qui  
                  se présente pour sortir de nos difficultés; il  
                  y a différents plans que je vais enumérer.  
                  Les uns reposent, par exemple, que nous  
                  restions dans la position où nous sommes  
                  aujourd'hui; d'autres voudraient l'annexion  
                  aux Etats-Unis; quelques-uns favoriseraient  
                  peut-être une indépendance complète; d'autres la confédération des deux Canadas; puis
                  
                  enfin l'on propose la confédération de toutes  
                  les provinces de l'Amérique Britannique du  
                  Nord. Eh bien! examinons un peu ces différentes propositions. Il peut se faire qu'il
                  y  
                  ait des membres qui désirent que nous restions tels que nous sommes. Les hon. membres
                  
                  pour Hochelaga et Lotbinière (MM. DORION  
                  et JOLY) trouvent notre position excellente  
                  et nous l'ont dit dans leurs discours. Ils  
                  trouvent que nous sommes très prospères et  
                  que nous ne pouvons rien désirer de mieux.  
                  Pour moi, je crois que notre position actuelle  
                  offre un grand inconvénient: c'est que si  
                  nous restons seuls, isolés, nous ne pouvons  
                  communiquer avec la métropole que par les  
                  Etats-Unis; en restant seuls, nous ne pouvons  
                  aspirer à aucune position ni donner cours à  
                  notre ambition comme peuple. D'un autre  
                  côté, nous avons, aujourd'hui, autant de  
                  systèmes de judicature qu'il y a de provinces;  
                  avec la confédération, au contraire, ce défaut  
                  disparaîtra, et il n'aura plus que deux  
                  systèmes: l'un pour le Bas-Canada, —parce  
                  que nos lois sont différentes de celles des  
                  autres provinces, que nous formons un peuple  
                  à part, et que nous ne voulons pas des  
                  lois des autres populations,— et l'autre  
                  pour le reste de la confédération. Toutes  
                  les autres provinces ayant les mêmes lois, ou  
                  au moins leur système de lois découlant de  
                  la même source, elles pourront avoir un même  
                  système de judicature; et, en effet, une  
                  résolution de la conférence leur permet de  
                  décider qu'elles auront un même code  
                  et un même système judiciaire; —mais  
                  
                  
                  
                  il est fait une exception en faveur du  
                  Bas-Canada et de nos lois. Il y a aussi  
                  autant de tarifs différents que de provinces  
                  différentes, autant de règlements commerciaux et de douanes que de provinces. Il est
                  
                  vrai qu'un grand nombre d'articles passent  
                  en franchise aujourd'hui, mais il est aussi  
                  exact de dire qu'il y a autant de systèmes  
                  de douanes que de provinces. Et les grands  
                  travaux coloniaux: n'est-il pas impossible  
                  aujourd'hui de les entreprendre, parce que  
                  les intérêts qu'ils affectent sont très considérables, et qu il faut consulter trois
                  ou quatre  
                  législatures? On comprend par là qu'il est  
                  presque impossible de concilier tant d'intérêts divers, à moins de réunir en une seule
                  
                  législature les représentants de ces intérêts  
                  et des peuples qu'ils affectent,—et nous ne  
                  pouvons atteindre ce but en restant seuls.  
                  Il y a aussi le cours monétaire et l'intérêt  
                  de l'argent, qui sont régis par des systèmes  
                  différents dans chaque province. Il y a un  
                  cours monétaire ici, un autre à Terreneuve,  
                  un autre à l'Ile du Prince-Edouard, et ainsi  
                  de suite. Le chelin et le louis d'ici sont  
                  différents du chelin et du louis de Terreneuve ou de ceux des autres provinces maritimes.
                  Mais, avec la confédération, toutes  
                  ces affaires seraient remises sous le contrôle  
                  d'une seule législature centrale,—le cours  
                  monétaire deviendrait uniforme partout, et  
                  les capitaux pouraient être placés partout  
                  sans entraves. Il en serait de même des  
                  droits d'auteurs, des brevets pour les inventions mécaniques, etc.—En parlant du chemin
                  de fer intercolonial, je n'ai rien dit du  
                  chemin de fer du Pacifique, parce que je crois  
                  que nous devons d'abord nous attacher à  
                  accomplir les travaux dont nous avons besoin  
                  actuellement. Plus tard, lorsque nos ressources et notre population auront suffisamment
                  grandi, nous pourrons nous occuper du  
                  chemin de fer du Pacifique. Mais s'il devient  
                  nécessaire, nous pourrons espérer le faire en  
                  moins de 10 ans avec la confédération, au  
                  lieu qu'en restant seuls nous ne pourrions  
                  l'avoir peut-être en 100 ans. Je crois  
                  donc avoir fait voir les inconvénients du  
                  statu quo. La conséquence nécessaire de ce  
                  que je viens de démontrer est que nous ne  
                  pouvons pas rester dans la position où nous  
                  sommes, que nous le voulions ou non. Il  
                  faut faire face à la question de la représentation basée sur la population; il faut
                  régler  
                  cette question. Dire que nous l'accorderons,  
                  c'est vouloir nous mettre dans une position  
                  d'infériorité, et, pour ma part, je ne  
                  
                   
                  373
                  
                  consentirai jamais à placer ma section de la  
                  province dans cette position.—Il y a aussi  
                  l'autre alternative que l'on propose: celle de  
                  l'annexion aux Etats-Unis. Je ne crois pas  
                  qu'il y ait un seul membre en chambre ou  
                  en dehors de la chambre qui voudrait consentir à l'annexion du Canada aux Etats- Unis.
                  Mais c'est une question qu'il faut  
                  examiner en parlant de celle de la confédération, parce que c'est une des alternatives
                  
                  qui nous sont offertes, et qu'il nous faut  
                  faire un choix. Quelle serait donc notre  
                  position dans le cas où nous serions annexés  
                  aux Etats-Unis? Il est vrai que nous deviendrions l'un des Etats indépendants de 
                  
                  la confédération américaine; mais nous en  
                  aurions tous les désavantages en même temps  
                  que les avantages. Il faudrait contribuer  
                  à payer l'énorme dette que les Etats-Unis ont  
                  contractée pour la guerre qui en désole  
                  une des plus belles parties; il nous faudrait en payer l'intérêt et plus tard solder
                  
                  la dette elle-même, car je ne suppose pas que  
                  les Américains aient la moindre intention de  
                  répudier leur dette. Il faudrait que cette  
                  dette fût soldée, et pour cela il faudrait payer  
                  des impôts considérables pendant un grand  
                  nombre d'années pour l'intérêt et pour l'amortissement. Ceux qui parlent de la dette
                  que va  
                  créer la confédération, devraient faire attention qu'elle ne sera qu'une bagatelle
                  comparée  
                  à celle dont nous deviendrions débiteurs avec  
                  l'annexion. Pour $1 que nous paierons avec  
                  la confédération, nous en paierions six avec  
                  l'annexion. On dit que la dette sera énorme;  
                  mais elle ne sera que d'une piastre contre $4  
                  en Angleterre et $6 aux Etats-Unis. C'est  
                  là le côté financier de l'annexion. Mais quel  
                  serait le sort des Canadiens-Français avec  
                  l'annexion aux Etats-Unis? Il nous faut profiter de l'exemple des races françaises
                  aux Etats- Unis, et voir quel sort a été fait aux Français  
                  dans la Louisiane. Que sont-ils devenus?  
                  Que sont devenus leur langue, leurs usages,  
                  leurs mœurs, leurs institutions? Après la  
                  guerre, c'est à peine s'il en restera assez pour  
                  que l'on puisse dire que la race française a  
                  passé par là. Au point de vue religieux,  
                  nous pourrions peut-être nous trouver dans  
                  une moins mauvaise position; mais nous  
                  vivons aujourd'hui en paix et nous sommes  
                  parfaitement à l'aise: catholiques et protestants ont les mêmes droits, la liberté
                  religieuse,  
                  et ils vivent aussi en paix que s'il n'y avait  
                  qu'une seule religion dans le pays.  
 
               
               
               
               M. DUFRESNE (d'Iberville) — Nous  
                  sommes bien, tenons-nous-y.  
 
               
               
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN — Oui,  
                  mais nous ne pouvons pas rester dans la  
                  position où nous sommes; la chose est impossible; l'hon. membre pour Hochelaga le
                  
                  dit depuis dix ans, et il s'est engagé à la  
                  changer. Il a dit que la position n'était  
                  plus tenable en 1854,—et si elle n'était pas  
                  tenable alors, elle l'est encore moins en 1865.  
                  —J'en viens maintenant à une autre alternative que l'on nous propose: celle de l'indépendance.
                  Il peut se trouver des hommes,  
                  dans la chambre et en dehors de la chambre,  
                  qui seraient disposés à dire qu'il vaut mieux  
                  avoir l'indépendance que la confédération.  
                  Pour ma part, je crois que l'indépendance  
                  des provinces de l'Amérique Britannique du  
                  Nord serait le plus grand malheur qui pourrait leur arriver; ce serait les mettre
                  à la  
                  merci de leurs voisins et les jeter dans leurs  
                  bras. L'indépendance nous rendrait maîtres  
                  de notre position, mais en même temps nous  
                  serions privés de la protection de l'Angleterre,—et, sans cette protection, l'on peut
                  
                  facilement prévoir ce qui nous arriverait.  
                  L'hon. membre pour Hochelaga peut penser  
                  qu'il nous serait avantageux d'être faibles,  
                  mais je ne parts pas cette opinion: je  
                  pense qu'il vaut mieux être en état de faire  
                  face à l'ennemi, s'il nous attaque. Il faut  
                  bien comprendre que, sans la protection de  
                  l'Angleterre, nous ne pourrions rien. Et à  
                  part les frais que nous aurions à encourir  
                  pour pourvoir à notre défense, il y aurait  
                  encore d'énormes dépenses à faire pour  
                  entretenir convenablement nos relations avec  
                  l'étranger. Avec l'indépendance, et sans  
                  l'appui et l'aide de l'Angleterre, il nous  
                  faudrait entretenir une armée, avoir un gouvernement très dispendieux, entretenir
                  des  
                  rapports diplomatiques avec les autres pays,  
                  et subvenir à une foule d'autres dépenses  
                  que nous n'aurons pas à faire avec la confédération. L'indépendance est donc hors
                  de  
                  question pour le moment.—Enfin, comme  
                  quatrième alternative, il y a la confédération  
                  des deux Canadas, proposée par l'hon. membre  
                  pour Hochelaga. Il nous a dit, dans son  
                  manifeste de 1864, dans quelle position nous  
                  serions alors. Voici un passage de ce manifeste:  
  
               
               
               
               
                  
                  "Il eut été facile en tout temps de satisfaire le  
                     Haut-Canada en lui donnant quatre ou cinq membres de plus qu'au Bas-Canada, tout en
                     conservant l'égalité dans le conseil législatif. Pour  
                     éviter le danger que cette augmentation de  
                     membres pouvait faire attendre, l'on propose de  
                     donner au Haut-Canada dix-sept membres de plus  
                     qu'au Bas-Canada, et l'on ajoute encore quarante-  
                     
                     
                     374
                     
                     sept membres pour les provinces maritimes, en  
                     tout soixante-et-quatre membres ajoutés à l'élément britannique, outre les vingt-huit
                     membres  
                     de plus que l'on donne au conseil législatif; et  
                     c'est ainsi que l'on prétend protéger les institutions du Bas-Canada."  
  
               
               
               
               Ainsi, l'hon. membre pour Hochelaga,  
                  d'après son plan, aurait préféré...  
 
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Alors  
                  c'est un mauvais raisonnement—un raisonnement qui n'est pas à l'avantage du Bas- Canada.
                  L'hon membre dit dans ce manifeste qu'il serait facile de faire taire le  
                  Haut-Canada en lui donnant quatre ou cinq  
                  membres de plus que le Bas. Mais l'hon.  
                  membre sait bien que, si nous accordions la  
                  représentation basée sur la population, ce  
                  n'est pas quatre ou cinq membres de plus  
                  que nous aurions à donner au Haut-Canada,  
                  mais bien les 17 membres que l'on se propose  
                  aujourd'hui de lui donner par la confédération. L'augmentation ne serait pas basée
                  
                  sur un nombre imaginaire. Mais même  
                  avec quatre ou cinq membres de plus, dans  
                  l'union actuelle, le Haut-Canada pourrait  
                  nous imposer sa loi sur toutes les questions  
                  qui se présenteraient devant cette chambre.  
                  A cette occasion l'hon. membre pour Hochelaga nous a dit que, sous le système proposé,
                  
                  le Haut-Canada aura 17 membres de plus que  
                  le Bas, et que l'élément anglais se grossira  
                  de tous les députés des provinces d'en-bas,  
                  et qu'ils se ligueront contre nous, Bas- Canadiens. A mon avis, l'hon. membre ne 
                  
                  fait certainement pas un compliment à son  
                  ex-collègue (l'hon. M. HOLTON), en disant  
                  que parce que ces députés seront Anglais, ils  
                  seront contre nous, Canadiens-Français. Il  
                  avait tellement confiance dans l'hon. membre  
                  pour Chateauguay qu'il l'a pris dans son  
                  gouvernement et qu'il le prendrait encore  
                  aujourd'hui s'il en avait l'occasion; et pourtant l'hon. membre pour Hochelaga parle
                  des  
                  Anglais comme s'ils étaient nos adversaires,  
                  nos ennemis naturels! Pour ma part, je ne  
                  crois pas cela. D'ailleurs, il ne s'agit pas maintenant de former un gouvernement
                  local seulement; il s'agit de faire une confédération  
                  avec un parlement central et des parlements  
                  locaux. Le parlement central ou fédéral  
                  aura le contrôle des mesures générales,  
                  comme l'a établi la conférence de Québec;  
                  mais tout ce qui se rattachent aux intérêts  
                  locaux, tout ce qui aura rapport aux affaires  
                  et aux droits des différentes sections de la  
                  
                  
                  
                  confédération, sera réservé au contrôle des  
                  parlements locaux. La position que nous  
                  fera la confédération est donc bien différente  
                  de celle que nous aurions occupée sous le  
                  système que l'hon. membre proposait, puisque les 17 membres qu'aura le Haut-Canada
                  
                  de plus que le Bas n'auront pas à prendre  
                  connaissance de nos affaires locales, de nos  
                  questions religieuses, de nos institutions  
                  particulières, etc. L'hon. membre pour  
                  Hochelaga, d'après son raisonnement, aurait  
                  confié tout cela à la bonne volonté de la  
                  majorité du Haut-Canada; mais, pour ma  
                  part, j'aime mieux confier le soin de ces  
                  affaires aux miens qu'à eux. Quant aux 17  
                  membres de surplus du Haut-Canada dans  
                  le parlement fédéral, je n'y crains pas leur  
                  présence, pas plus que celle des membres  
                  des provinces d'en-bas, parce que dans ce  
                  parlement il n'y aura pas de questions de  
                  races, de nationalité, de religion ou de localité, et que cette législature sera seulement
                  
                  chargée de régler les grandes questions  
                  générales qui intéresseront toute la confédération, et non pas seulement une localité.
                  
                  Notre position est donc excellente, et tous  
                  ceux qui voudront dire franchement leur  
                  pensée devront avouer que les représentants  
                  du Bas-Canada, à la conférence de Québec,  
                  ont veillé à ses intérêts. Je puis dire que la  
                  base d'action des délégués, en préparant les  
                  résolutions, a été de rendre justice à tous,—  
                  justice pour toutes les races, pour toutes les  
                  religions, pour toutes les nationalités, pour tous  
                  les intérêts. C'est pourquoi la confédération  
                  sera acceptée par tout le monde dans les provinces d'en-bas comme ici. Avec la confédération,
                  il n'y aura pas de domination d'une race  
                  sur l'autre, et si une section voulait commettre  
                  une injustice envers une autre section, toutes  
                  les autres s'uniraient ensemble et l'en empêcheraient. Mais en supposant qu'une mesure
                  
                  injuste fût passée dans la chambre des communes du parlement fédéral, elle serait
                  arrêtée dans le conseil législatif; car là nous  
                  serons représentés également avec les autres  
                  sections, et c'est une garantie que nos intérêts seront amplement protégés. Nous aurons
                  
                  dans le conseil législatif 24 membres, comme  
                  le Haut-Canada et comme les provinces d'en- bas. Je dis donc qu'il y a une très grande
                  
                  différence entre le raisonnement de l'hon.  
                  membre pour Hochelaga et la mesure du  
                  gouvernement actuel. Nos intérêts seront  
                  protégés par le conseil législatif, et les seules  
                  mesures d'intérêt général seront du domaine  
                  du parlement fédéral. Quand il s'agira d'une  
                  
                  
                  375
                  
                  grande entreprise publique, comme d'un chemin de fer, des canaux, des lignes de télégraphe,
                  nos intérêts religieux et nationaux  
                  ne seront pas en danger. Le gouvernement  
                  central sera intéressé à ce que le pays prospère, mais il ne le sera pas à attaquer
                  notre  
                  religion, nos institutions ou notre nationalité,  
                  —qui, d'ailleurs, comme je viens de le démontrer, seront suffisamment protégés. A
                  ce  
                  propos, je ferai remarquer à l'hon. membre  
                  pour Hochelaga qu'en 1859 il disait ce qui  
                  suit:  
  
               
               
               
               
                  
                  "Quel que soit le nombre des provinces ou des  
                     subdivisions que l'on pourrait ultérieurement  
                     juger convenable d'adopter, il faudrait conserver  
                     la ligne de séparation qui existe entre le Haut et  
                     le Bas-Canada. En définissant les attributions  
                     des gouvernements locaux et du gouvernement  
                     fédéral, il faudrait ne déléguer à ce dernier que  
                     celles qui seraient essentielles aux fins de la confédération, et, par une conséquence
                     nécessaire,  
                     réserver aux subdivisions des pouvoirs aussi  
                     amples et variés que possible. Les douanes, les  
                     postes, les lois pour régler le cours monétaire, les  
                     patentes et droits d'auteur, les terres publiques,  
                     et ceux d'entre les travaux publics qui sont d'un  
                     intérêt commun pour toutes les parties du pays,  
                     devraient être les principaux, sinon les seuls  
                     objets dont le gouvernement fédéral aurait le  
                     contrôle; tandis que tout ce qui aurait rapport  
                     aux améliorations purement locales, à l'éducation,  
                     à l'administration de la justice, à la milice, aux  
                     lois de la propriété et de police intérieure, serait  
                     déféré aux gouvernements locaux, dont les pouvoirs, en un mot, s'étendraient à tous
                     les sujets  
                     qui ne seraient pas du ressort du gouvernement  
                     général."  
  
               
               
               
               Ainsi, l'hon. membre consentait à donner  
                  le contrôle des terres publiques au gouvernement fédéral! Il pensait alors qu'il 
                  
                  valait mieux laisser le contrôle de la colonisation et des terres publiques au gouvernement
                  fédéral, dans lequel il donnait cependant la prépondérance au Haut-Canada!  
                  Par le plan de confédération du gouvernement actuel, ce contrôle est laissé aux  
                  législatures locales; et j'espère que l'hon.  
                  membre ne proposera pas de le leur enlever  
                  pour le donner exclusivement à la législature  
                  fédérale. Si son plan ou son raisonnement  
                  avait été mis en pratique, il aurait donné le  
                  contrôle de nos terres publiques à l'élément  
                  britannique, dont il feint d'avoir tant de peur  
                  aujourd'hui!—Je me résume, et je dis qu'il  
                  nous est impossible de rester dans la position  
                  où nous sommes; que l'annexion aux Etats- Unis serait le plus grand malheur qui pourrait
                  nous arriver; qu'il est impossible et  
                  qu'il serait désastreux de songer à l'indépendance du pays; que le plan de confédéra
                  
                  
                  
                  
                  tion des deux Canadas, tel que proposé par  
                  l'hon. membre pour Hochelaga, n'est pas  
                  désirable, et n'offrirait aucune garantie pour  
                  les droits du Bas-Canada; mais que la confédération de toutes les provinces de l'Amérique
                  Britannique du Nord serait préférable  
                  et est notre seul remède. Cette confédération  
                  aurait l'effet de nous donner plus de force que  
                  celle que nous avons aujourd'hui; nous ne  
                  formerions qu'une seule nation, qu'un seul  
                  pays pour toutes les matières générales affectant nos intérêts comme peuple. Mais
                  quand  
                  je parle de nation grande et forte, je ne prétends pas dire que nous devions former
                  une  
                  nation à part, et abandonner la protection du  
                  drapeau britannique; au contraire, j'espère  
                  que nous resterons bien longtemps à l'ombre  
                  de ce drapeau; mais je veux dire qu'avec la  
                  confédération nous serons en meilleure position pour nous défendre et pour aider la
                  métropole, dans certaines circonstances, que  
                  nous ne le sommes à présent. Avec la confédération, le gouvernement central pourra
                  
                  faire exécuter sa volonté sur tout son territoire, et lorsqu'il s'agira, par exemple,
                  d'organiser la défense du pays, il n'aura pas à  
                  consulter quatre ou cinq législatures différentes: il pourra l'organiser immédiatement
                  
                  et sans entraves. De plus, nous acquerrons  
                  une position que nous n'avons pas aujourd'hui vis-à-vis des peuples avec lesquels
                  
                  nous sommes en rapport. C'est en effet quelque chose pour les citoyens d'un pays d'avoir
                  
                  une position dans les contrées étrangères, et  
                  de n'être pas traitée comme des hommes  
                  d'une position inférieure. Quand les Canadiens vont à Londres ou ailleurs en dehors
                  
                  de leur pays, ils n'ont pas de position, parce  
                  que nous ne sommes qu'une simple colonie;  
                  mais, sous la confédération, nous serons protégés par l'Angleterre, et de plus nous
                  aurons une position à l'étranger,—la position  
                  que possède tout homme qui forme partie  
                  d'une grande nation. A ce propos, un publiciste écrivait, il y a quelques années,
                  dans  
                  les journaux de Londres, un article dont je  
                  me permettrai de lire un extrait à la chambre; il s'agissait de la cession du droit
                  de  
                  pêche des bancs de Terreneuve par l'Angle  
                  terre à la France? Voici ce qu'il disait:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Voyez l'effet de ce manque d'association: la  
                     Grande-Bretagne et la France conviennent d'une  
                     base pour faire un traité, en vertu duquel la  
                     Grande-Bretagne consent à donner à la France le  
                     droit exclusif de faire la pêche sur une grande  
                     partie de la côte de Terreneuve,—droit qui ne se  
                     trouve justifié par aucun traité antérieur. Aussitôt que Terreneuve en eût connaissance,
                     elle  
                     
                     
                     376
                     
                     réclama et nia à la Grande-Bretagne le droit de  
                     donner ainsi par traité à une puissance étrangère  
                     la propriété du peuple de Terreneuve, et, de fait  
                     brava l'acte du gouvernement impérial. Eh bien!  
                     cela n'est pas seulement indigne de nous comme  
                     nation, mais c'est une preuve du danger qui peut  
                     survenir pour les colonies si le gouvernement  
                     impérial n'est pas convenablement renseigné sur  
                     de pareils sujets. Car, après un examen attentif  
                     de tous les traités faits à cet effet, nous ne pouvons nous empêcher de croire que
                     Terreneuve  
                     avait raison."  
                    
               
               
               
               Il est évident que si la confédération  
                  avait existé à cette époque, l'Angleterre  
                  n'aurait pas agi ainsi sans nous consulter;  
                  mais on se disait alors: " Ce sont des  
                  Canadiens, des gens de colonies," etc, et  
                  comme nous étions séparés, il fallait bien  
                  nous soumettre; nos droits n'étaient pas  
                  sauvegardés comme ils le seront lorsque  
                  nous serons unis. Sous la confédération,  
                  l'Angleterre nous consultera dans toutes les  
                  affaires qui nous intéresseront; et nous  
                  pourrons nous faire entendre à Londres  
                  d'une manière utile. Et pour preuve, écoutons le même publiciste:  
 
               
               
               
               "Voici une autre question, qui affecte spécialement le Canada. Dans le cours de l'année
                  dernière, le subside de £176,340 par année, payé aux  
                  steamers Cunard, voyageant entre Liverpool et  
                  les Etats-Unis, a été renouvelé pour une nouvelle  
                  période de six ans par le gouvernement impérial.  
                  Un autre subside postal de £78,000 vient d'être  
                  accordé par le gouvernement impérial à une nouvelle ligne de steamers entre Galway
                  et les Etats- Unis, cette fois encore sans consulter les intéréts  
                  de l'Amérique Britannique du Nord. C'est là  
                  une très grande injustice, surtout pour le Canada,  
                  car cette province a affecté une somme considérable pour l'ouverture de voies de communication
                  
                  par eau dans la vallée du Saint-Laurent, et ses  
                  canaux deviennent sans valeur parce qu'ils ont à  
                  lutter contre les routes des Etats-Unis encouragées  
                  par un subside du gouvernement impérial de près  
                  de £300,000 par année; tandis que, d'un autre  
                  côté, le Canada ne reçoit aucune aide du gouvernement imperial, mais est obligé de
                  subventionner une ligne à lui (pour amener une mince  
                  part du commerce) au montant de £50,000 par  
                  année. "  
 
               
               
               
               Si toutes les provinces de l'Amérique  
                  Britannique du Nord avaient alors été unies  
                  sous un même gouvernement, l'on nous aurait  
                  dit que le gouvernement avait l'intention de  
                  faire ce traité et nos droits auraient été  
                  respectés; mais comme nous n'étions qu'une  
                  simple colonie, et qu'il y avait beaucoup  
                  d'intérêts en jeu, nous n'avons pu rien faire  
                  pour nous protéger. Je ne veux pas fatiguer  
                  la chambre de citations, mais j'espère qu'elle  
                  me permettra de citer un autre auteur qui,  
                  
                  
                  
                  tout en montrant combien les objets d'ambition pour les habitants des colonies sont
                  
                  restreints, prouve que, bien que sujets  
                  anglais, nous sommes presque des étrangers  
                  en Angleterre:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Ici encore, dit-il, la contiguïté des colonies  
                     aux Etats-Unis suggère des comparaisons désagréables. Dans cette grande république,
                     le champ  
                     ouvert à l'entreprise et aux ambitions personnelles  
                     est immense; et bien que les récompenses promises aux succès dans les plus hautes
                     régions de  
                     la société ne soient pas, en règle générale, aussi  
                     grandes que sous les gouvernements monarchiques, quelques-unes (des récompenses mises
                     à  
                     la portées de tous,) dans ce pays, sont d'un ordre  
                     très élevé. Plus d'un Américain de l'Amérique  
                     Britannique du Nord a pu voir personnellement,  
                     sur le côté américain de notre frontière, des individus qu'il savait lui être inférieurs,
                     sous le  
                     rapport des talents naturels, de l'éducation, de la  
                     richesse et de la position sociale, élevés après  
                     une courte période à la présidence de cette république, position qui le rendait l'égal
                     des plus  
                     grands monarques de l'Europe. D'un autre côté,  
                     cet américain britannique ne pourrait raisonnablement élever ses aspirations même
                     au poste de  
                     gouverneur de sa province natale; et, s'il allait en  
                     Angleterre, toute l'influence qu'il pourrait exercer  
                     ne lui procurerait probablement pas une présentation à sa Souveraine."  
                    
               
               
               
               Cela ne trouve-t-il pas que la position  
                  d'un Canadien ou d'un autre habitant des  
                  colonies, en Angleterre, est une position  
                  d'infériorité? Cette infériorité, nous voulons  
                  la faire cesser en présentant le plan de la confédération soumis à la chambre. L'hon.
                  
                  membre pour Hochelaga a dit que la confédération n'avait pas été demandée par le 
                  
                  peuple, mais que c'était seulement le plan de  
                  politiqueurs aux abois. Il avait sans doute  
                  en vue, en parlant ainsi, le vote de censure  
                  qu'il proposait l'an dernier contre le minitère  
                  TACHÉ-MACDONALD. Après tous les efforts  
                  qu'il avait pu faire contre le gouvernement,  
                  il n'avait rien trouvé de mieux que de lui  
                  reprocher un acte commis ou supposé commis  
                  cinq ans auparavant par un autre gouvernement; et, par ce moyen, il avait réussi à
                  
                  renverser le ministère. Le résultat du vote  
                  provoqué par l'hon. membre a été bien  
                  différent de ce qu'il espérait: ça été la  
                  coalition et le plan de confédération qui est  
                  soumis aujourd'hui. L'hon. membre dit que  
                  le peuple ne l'a pas demandée. Mais quand  
                  le gouvernement est venu annoncer à la  
                  chambre que la base du nouveau gouvernement était la confédération des provinces,
                  
                  les hon. membres de l'opposition n'ont pas  
                  déclaré que la mesure était mauvaise. Au  
                  contraire, la grande majorité des membres  
                  
                  
                  377
                  
                  du Haut et du Bas-Canada s'est déclarée en  
                  faveur de cette organisation et a promis son  
                  appui au gouvernement. L'hon. membre  
                  demande aussi qui est-ce qui a donné aux  
                  délégués le pouvoir de se réunir et de préparer un plan de confédération et de le
                  
                  soumettre à la chambre. Je lui répondrai  
                  que ce pouvoir leur est venu de l'assentiment de la chambre, qui avait consenti à
                  
                  ce que le gouvernement fût formé sur cette  
                  base. Le gouvernement a senti qu'il avait  
                  parfaitement le droit, non seulement d'assister à la conférence de Québec, mais de
                  la  
                  provoquer. Et lors même qu'il n'y aurait  
                  pas eu d'autre raison que les difficultés qui  
                  avaient surgi en Canada, depuis quelques  
                  années; lors même qu'il n'y aurait pas eu  
                  d'autre raison que le soin des intérêts du  
                  pays, cela aurait été suffisant pour nous  
                  justifier d'assister à la conférence de Charlottetown et d'avoir convoqué celle de
                  
                  Québec, où la mesure a été adoptée par les  
                  38 conférendaires.— L'hon. membre, en  
                  passant, nous a accusés d'avoir consenti à ce  
                  que le Canada n'eût qu'une seule voix dans  
                  la conférence. Puisque, comme chef de  
                  l'opposition, il voulait porter une accusation  
                  contre le gouvernement actuel, il aurait du  
                  se mieux renseigner.  
 
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION—C'est ce que  
                  j'ai compris d'après ce qu'a dit le président  
                  du conseil.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN —Le  
                  Canada avait plus d'une voix, et le président  
                  du conseil n'a jamais dit le contraire.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Oui, il  
                  en avait deux: une pour le Haut et une  
                  pour le Bas-Canada. Nous aurions pu en  
                  avoir davantage; mais il ne s'agissait pas de  
                  cela. Nous n'allions pas à cette conférence  
                  pour discuter de simples questions de forme,  
                  nous n'y allions pas pour imposer de vive  
                  force nos opinions aux autres; nous voulions  
                  nous entendre avec les provinces d'en-bas.  
                  Il ne s'agissait pas de former une constitution faible et injuste, et qui par-là même
                  
                  se serait écroulée le lendemain. Nous n'avons  
                  donc pas dû ni voulu profiter de notre  
                  position, mais nous avons traité les autres  
                  provinces sur un pied d'égalité, n'ayant pas  
                  en vue de leur imposer notre loi, mais voulant nous entendre avec elles et rendre
                  
                  justice à toutes.  
  
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION — Le fait que  
                  j'ai avancé n'est pas nié, que les votes ont  
                  été donnés par province.  
 
               
               
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN — C'est  
                  vrai; les provinces d'en-bas ont eu chacune  
                  une voix, comme le Haut et le Bas-Canada,  
                  et c'est pour nous un sujet de félicitations.  
                  La chambre me permettra de lui rappeler à  
                  ce sujet que NAPOLÉON I disait un jour  
                  à l'un de ses ambassadeurs qu'il envoyait  
                  auprès d'un prince faible, pauvre et sans  
                  armée, — auprès du Pape: " Traiter avec  
                  lui, disait-il, comme s'il avait une armée de  
                  200,000 hommes derrière lui." Eh bien!  
                  c'est ce que nous avons fait: nous avons  
                  traité la Nouvelle-Ecosse et le Nouveau- Brunswick et les autres provinces comme 
                  
                  nous voulions être traités nous-mêmes, c'est- à-dire, avec justice et considération,
                  et le  
                  résultat prouve que nous avons eu raison.  
                  —L'hon. membre aurait dû se borner à faire  
                  connaître à sa manière les secrets de la conférence, et ne pas exposer ceux du comité
                  
                  nommé l'année dernière à propos des difficultés constitutionnelles. J'avais compris
                  que  
                  tout devait être secret dans ce comité,  
                  excepté le rapport qui a été fait à la chambre.  
  
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION—L'hon. membre  
                  m'accuserait il d'avoir dévoilé les secrets de  
                  ce comité?  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—L'hon.  
                  membre a dit que l'hon. procureur-général  
                  (J. A. MACDONALD) avait constamment agi  
                  et voté dans ce comité, contre tout projet  
                  de confédération, et qu'aujourd'hui il vient  
                  en présenter un lui-même; et je maintiens  
                  qu'il n'aurait pas du dire cela, car l'action  
                  des membres du comité devait rester secrète.  
                  Si les délibérations de ce comité devaient  
                  être secrètes, l'hon. membre doit voir qu'il  
                  est dans une mauvaise position. Le but du  
                  secret est évident: c'est celui que nous  
                  avions en maintenant secrètes les délibérations de la conférence de Québec, savoir:
                  de  
                  donner une plus grande liberté d'opinion à  
                  chaque membre, et non pas de priver le  
                  peuple des renseignements auxquels il avait  
                  droit, comme on l'a dit. Nous savions que  
                  si nos délibérations étaient livrées jour par  
                  jour au public, par la voie de la presse, nous  
                  n'aurions pas eu cette liberté d'action et de  
                  discussion dont nous avions besoin. L'on  
                  comprend, en effet, que pendant ces délibérations, un membre pouvait un jour se prononcer
                  contre une résolution en quelque  
                  point important, et que les arguments d'un  
                  autre membre dans le sens contraire pouvaient lui faire changer ou modifier son  
                  opinion; mais pour cela il fallait être libre  
                  de toute influence extérieure,—et c'est pourquoi la conférence a siégé à huis-clos.
                  
 
               
               
               378
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION—L'hon. membre  
                  me permettra-t-il un mot. Il a dit que j'avais  
                  dévoilé les délibérations du comité sur les  
                  difficultés sectionnaires. Mais je dois déclarer  
                  que je n'ai jamais assisté aux délibérations  
                  de ce comité, — que je n'y suis allé le premier jour que pour dire que je ne voulais
                  
                  pas prendre part à ses délibérations, et que  
                  je me suis ensuite retiré pour n'y plus  
                  retourner. J'étais opposé aux délibérations  
                  du comité, et je n'y suis pas allé; mais j'ai  
                  su que l'hon. procureur-général avait voté,  
                  le dernier jour qu'il a siégé, contre la confédération, et c'est tout ce que j'ai
                  dit. Ainsi,  
                  si les secrets du comité ont été dévoilés, ce  
                  n'est pas par moi.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. CAUCHON —L'hon. membre  
                  pour Hochelaga a tout à fait perdu la mémoire de ce qui a été fait dans le comité.
                  
                  Il était présent, avec l'hon. membre pour  
                  Chateauguay (M. HOULTON), au commencement des délibérations du comité, lorsqu'il 
                  
                  a été dit et entendu que tout ce qui se  
                  passerait dans le comité devait être secret.  
                  J'admets que l'hon. membre a refusé de  
                  prendre part aux délibérations du comité,  
                  mais en même temps il savait très-bien  
                  qu'elles devaient être secrètes, et il était tenu  
                  de garder le secret. Il savait que l'on avait  
                  fait sortir les membres de la presse.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN— L'hon.  
                  membre pour Hochelaga devra comprendre  
                  que, moi qui n'étais pas membre de ce  
                  comité, et sachant qu'il en faisait partie, et  
                  qu'il avait été dit en chambre que les délibérations devaient en être secrètes, j'ai
                  pu  
                  de bonne foi lui reprocher d'en avoir parlé.  
  
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION—Je n'ai jamais  
                  su que les délibérations du comité devaient  
                  être secrètes.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Moi, je  
                  l'ai su, et je crois que j'étais justifiable de  
                  dire ce que j'ai dit; mais, après les explications que vient de donner l'hon. membre,
                  je  
                  ne puis l'accuser de l'avoir fait de propos  
                  délibéré. L'hon. membre pour Hochelaga a  
                  dit que le mémoire soumis par le gouvernement, lors de sa formation, parlait d'une
                  
                  autre confédération que celle qu'il propose  
                  maintenant. Il est bon de référer à ce  
                  document afin de savoir ce qui en est. Ce  
                  mémoire a deux parties, dont voici la première:  
  
               
               
               
               
                  
                  "Le gouvernement est prêt à déclarer qu'immédiatement après la prorogation, il s'occupera
                     
                     
                     
                     
                     de la manière la plus sérieuse de la négociation  
                     pour une confédération de toutes les provinces  
                     britanniques de l'Amérique du Nord.  
 
                  
                  
                  
                  "Que, avenant l'insuccès de ces négociations,  
                     il est prêt à s'engager à proposer une mesure  
                     législative, à la prochaine session du parlement,  
                     en vue de remédier aux difficultés existantes,  
                     en recourant au principe fédéral pour le Canada  
                     seul, accompagné de dispositions qui permettront  
                     aux provinces maritimes et au territoire du Nord- Ouest de s'incorporer ci-après dans
                     le système  
                     canadien."  
  
               
               
               
               C'est-à-dire que le gouvernement promet,  
                  dans la première partie de ce mémoire,  
                  qu'il s'occupera d'une confédération de  
                  toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, et que, dans le cas où il
                  ne  
                  réussirait pas à l'effectuer, il s'occuperait  
                  d'une confédération des deux Canada. Voici  
                  maintenant ce que contient la seconde  
                  partie:—    
 
               
               
               
               
                  
                  "Le gouvernement est prêt à s'engager à présenter une mesure, à la prochaine session,
                     pour  
                     faire disparaître les difficultés existantes en introduisant le principe fédéral en
                     Canada, accompagné d'une disposition qui permettra aux provinces maritimes et au territoire
                     du Nord-Ouest de  
                     s'incorporer dans le même système de gouvernement.  
 
                  
                  
                  
                  "Et le gouvernement cherchera, en envoyant  
                     des représentants aux provinces inférieures et en  
                     Angleterre, à gagner l'assentiment des intérêts,  
                     qui sont hors du contrôle de notre législature, à  
                     la mesure qui permettra à toute l'Amérique  
                     Britannique du Nord de s'unir sous une législature générale basée sur le principe
                     fédéral."  
                    
               
               
               
               Eh bien! quelle contradiction y a-t-il dans  
                  ces promesses et dans l'action actuelle du  
                  gouvernement? Nous commençons d'abord  
                  avec un plan de confédération pour les deux  
                  Canadas, et trouvant les provinces maritimes  
                  prêtes à entrer de suite dans l'étude d'une  
                  union plus considérable, nous avons fait des  
                  arrangements pour les faire entrer immédiatement dans la confédération. Il n'y a pas
                  de  
                  contradiction la-dedans; mais c'est la même  
                  mesure, c'est le même plan: la seule différence, c'est qu'au lieu de les admettre
                  dans  
                  l'union dans six ou neuf mois, nous les  
                  avons admises de suite. Lorsque nous avons  
                  abordé la question, nous avons trouvé les  
                  provinces maritimes en voie de délibérer  
                  sur une union entre elles; mais les délégués  
                  à Charlottetown ont compris que la confédération que nous leur proposions serait 
                  
                  beaucoup plus avantageuse à toutes les  
                  provinces que celle à laquelle ils travailaient, et ils ont consenti de suite à accepter
                  
                  notre proposition. En conséquence, ils sont  
                  venus à Québec, et le résultat de leur visite  
                  
                  
                  379
                  
                  a été le plan qui est soumis à cette chambre.  
                  L'hon. membre pour Hochelaga n'a donc  
                  pas le droit de nous reprocher d'avoir changé  
                  le plan promis à la chambre, puisque c'est  
                  mot pour mot ce que nous avons promis  
                  Cette mesure, comme je le disais il y a un  
                  instant, ne saurait durer que si elle protége  
                  les intérêts de tous. Or, nous avons des  
                  intérêts différents dans le Bas-Canada, ou  
                  vivent deux populations de races différentes,  
                  de religions différentes et parlant des langues  
                  différentes. D'un autre côté, le Haut-Canada  
                  a une population homogène, mais professant  
                  différentes religions, et il en est ainsi pour  
                  les diverses provinces maritimes. Nous avons,  
                  aussi, dans ces dernières provinces, plus de  
                  cent mille compatriotes d'origine française.  
                  Eh bien! M. l'ORATEUR, ces intérêts différents, nous avons en soin de les protéger,
                  et de  
                  sauvegarder les droits de cette population  
                  en l'unissant dans la confédération à un  
                  peuple comptant un million d'habitants  
                  de la même race qu'elle. Mais on nous  
                  a dit: " Vous voulez former une nationalité nouvelle!" Il faut s'entendre sur ce 
                  
                  mot, M. l'ORATEUR. Ce que nous désirons et voulons, c'est défendre les intérêts  
                  généraux d'un grand pays et d'une puissante nation, par le moyen d'un pouvoir  
                  central et fort. D'un autre côté, nous ne  
                  voulons pas faire disparaître nos différentes  
                  coutumes, nos mœurs, nos lois: au contraire,  
                  c'est là précisément ce que nous désirons le  
                  plus protéger par la confédération. Sous le  
                  nouveau système, il n'y aura pas plus raison  
                  aujourd'hui de perdre notre qualité de  
                  Français ou d'Anglais, sous le prétexte que  
                  nous aurons tous les mêmes intérêts généraux, et nos intérêts de race, de religion
                  et  
                  de nationalité resteront ce qu'ils sont aujourd'hui. Mais ils seront mieux protégés
                  sous  
                  le système proposé, et c'est là encore une  
                  des plus fortes raisons en faveur de la confédération. Non seulement en effet nous
                  nous  
                  sommes assurés de cette protection, mais les  
                  provinces parties à la confédération l'ont  
                  ainsi voulu. Tous les intérêts locaux seront  
                  soumis et laissés à la décision des législatures locales. Il y aura, pour le Bas-Canada,
                  
                  d'autres exceptions, et, de fait, toutes les  
                  exceptions dans le plan de confédération sont  
                  en faveur du Bas-Canada. Ce sont les délégués Bas-Canadiens qui ont obtenu ces restrictions
                  en faveur de cette province; mais  
                  ils ne sollicitent pas de remerciments pour  
                  cette conduite, car ils considèrent qu'ils  
                  n'ont fait en cela que remplir un devoir: le  
                  
                  
                  
                  devoir de vrais patriotes et de bons citoyens.  
                  Tout ce qu'ils viennent demander aujourd'hui  
                  à cette chambre, c'est de sanctionner la  
                  mesure qui assure ces priviléges aux populations qu'ils représentent. J'ajouterai
                  que,  
                  sous la confédération, toutes les questions  
                  qui concernent la colonisation de nos terres  
                  incultes, la disposition et la vente de ces  
                  mêmes terres, nos lois civiles, toutes les  
                  mesures d'une nature locale, enfin tout ce  
                  qui intéresse et affecte nos intérêts les plus  
                  chers comme peuple, seront réservés à  
                  l'action de nos législatures locales; toutes  
                  nos institutions de charité et autres seront  
                  protégées par la même autorité. Il y a aussi  
                  la question de l'éducation: sur cette question,  
                  comme sur toutes les autres, les délégués  
                  Bas-Canadiens ont veillé au maintien de  
                  certains priviléges, et cette question a été  
                  laissée à notre législature locale, en sorte  
                  que la législature fédérale ne pourra pas y  
                  porter atteinte. On a dit que, relativement  
                  à l'agriculture, le pouvoir de législation serait  
                  exercé concurremment par la législature  
                  fédérale et les législatures locales. Mais la  
                  chambre sait parfaitement pour quelle raison  
                  cette concurrence a été admise. Tout le  
                  monde comprend, en effet, qu'il peut se présenter certains intérêts généraux sur lesquels
                  
                  l'intervention de la législature centrale soit  
                  nécessaire; mais, M. le PRÉSIDENT, tous  
                  les intérêts de l'agriculture locale, tout ce  
                  qui a rapport à nos terres, seront laissés à  
                  notre législature bas-canadienne, et c'est un  
                  point sur lequel nous avons toujours insisté  
                  et qui ne nous a jamais été refusé dans la  
                  conférence. Il est donc évident que, sous  
                  la confédération telle que proposée, les populations des parties éloignées de la confédération,
                  ayant le privilége de porter leurs  
                  réclamations devant leurs législatures locales  
                  respectives, n'auront pas le trouble onéreux  
                  d'aller jusqu'au siége du parlement central  
                  pour obtenir, par exemple, la construction  
                  d'un pont ou l'ouverture d'un chemin.—  
                  J'en viens maintenant, M. le PRÉSIDENT, à  
                  la question des détails de la mesure, et je vais  
                  répondre aux observations de l'hon. membre  
                  pour Hochelaga à ce sujet. Cet hon. membre  
                  objecte à ce que les conseillers législatifs  
                  soient nommés par le gouvernement central,  
                  et il ajoute que ces conseillers seront nommés  
                  par un gouvernement tory et seront nécessairement choisis parmi les torys. En faisant
                  
                  cette déclaration, cet hon. membre n'a pas agi  
                  avec la franchise qu'on avait droit d'attendre  
                  de lui. (Ecoutez! écoutez!) C'est à peine  
                  
                  
                  380
                  
                  s'il a fait allusion à la clause des résolutions par laquelle l'opposition, dans les
                  
                  différentes sections de la confédération, se  
                  trouvera protégée. Dans cette clause, il est  
                  dit que le parlement central, en faisant ces  
                  nominations, aura le soin de veiller aux intérêts de l'opposition aussi bien qu'à
                  ceux du  
                  parti ministériel. Eh bien! M. le PRÉSIDENT,  
                  quand un gouvernement s'engage ainsi, est-il  
                  raisonnable et juste de croire ou de supposer  
                  qu'il manquera à sa parole aussi solennellement engagée? Pour ma part, je suis convaincu
                  que les membres du gouvernement  
                  actuel, s'ils se trouvaient dans le gouvernement central, feraient ce qui a été promis,
                  et  
                  veilleraient aux droits de l'opposition comme  
                  à ceux de l'autre parti. L'hon. membre pour  
                  Hochelaga a aussi prétendu que les provinces  
                  maritimes nous avaient imposé la clause qui  
                  décrète que les conseillers législatifs dans le  
                  parlement général seront nommés par la conronne. Pourtant, l'hon. député sait fort
                  bien  
                  que le principe électif dans notre conseil  
                  législatif actuel n'a été qu'un essai; et que,  
                  dans le Bas-Canada, on est devenu fatigué du  
                  système. . Ce n'est pas à dire pour cela  
                  que les conseillers qui ont été élus par  
                  le peuple ne soient pas dignes du poste  
                  qu'ils occupent, ou que leur choix ait été  
                  un choix malheureux, mais la nature même  
                  du système empêche un grand nombre  
                  d'hommes de talents, d'hommes qualifiés  
                  sur tous les rapports, et dignes de siéger  
                  au conseil législatif, de se présenter aux  
                  suffrages des électeurs, par suite du trouble,  
                  de la fatigue et des dépenses énormes, résultat  
                  de contestations électorales dans d'immenses  
                  divisions. Nous savons que ce système a  
                  fatigué le Bas-Canada et qu'il nous approuvera d'avoir inséré cette clause dans les
                  
                  résolutions. Le vote qui a eu lieu ailleurs,  
                  hier soir, démontre que je ne me trompe pas  
                  dans mon affirmation à ce sujet. L'une des  
                  grandes objections de l'hon. député d'Hochelaga à la nomination des conseillers législatifs
                  par la couronne, c'est que le nombre  
                  en sera fixe et que, par suite, il offrira un  
                  obstacle aux décisions et à la législation de  
                  la chambre des communes du parlement  
                  fédéral. En un mot, l'hon. député déclare  
                  que le conseil législatif ainsi constitué sera,  
                  pour me servir de l'expression anglaise, une  
                  nuisance. L'hon. député aurait dû faire un  
                  retour sur le passé pour voir quel nombre de  
                  conseillers nommés à vie se trouvait dans le  
                  conseil législatif, lors de la concession du  
                  principe électif, et combien il reste aujour
                  
                  
                  
                  d'hui de ces mêmes conseillers. Il aurait pu  
                  voir qu'en huit ans le nombre en a diminué  
                  de moitié. De 42 ou 43 qu'ils étaient à cette  
                  époque, ils ne sont plus maintenant que 21  
                  ou 22! (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député  
                  d'Hochelaga aurait dû aussi admettre qu'il  
                  y avait eu parmi les conseillers élus des  
                  changements tellement considérables dans  
                  ces huit années qu'il n'y avait pas de danger  
                  que le conseil législatif ne fût pas au moins  
                  accessible au peuple. Cette diminution donne  
                  une moyenne de trois membres par année,  
                  et si l'on établit une proportion entre cette  
                  diminution et celle qui aura nécessairement  
                  lieu pour un plus grand nombre de conseillers,  
                  on trouvera qu'il y aura au moins cinq déplacements par année. L'hon. député devra
                  
                  donc comprendre que s'il arrive que le conseil  
                  législatif soit tellement opposé aux vues de  
                  la chambre basse qu'il rejette systématiquement les mesures de la chambre populaire,
                  
                  il s'y produira de tels changements, au bout  
                  d'un an ou peut-être moins, soit par la  
                  mort ou d'autres causes, que nous aurons  
                  immédiatement une infusion de sang nouveau, et toute tentative de ce genre ne  
                  pourrait se reproduire de longtemps. D'ail  
                  leurs, le conseil législatif ne formera pas,  
                  comme la chambre des lords en Angleterre,  
                  une classe à part. Ces conseillers sortiront  
                  du peuple avec lequel ils auront des intérêts  
                  communs, et il est absurde de supposer  
                  qu'ils seront portés à s'opposer systématiquement et constamment à des mesures que
                  la  
                  chambre basse décrèterait en faveur du peuple  
                  et à sa demande. L'hon. député d'Hochelaga  
                  a, sur ce sujet, reproché à l'hon procureur- général du Haut-Canada, d'avoir dit,
                  dans  
                  son discours d'ouverture, que s'il avait à  
                  présider au choix des conseillers législatifs,  
                  il verrait à ce que les hommes les plus qualifiés fussent nommés à ce poste. Eh bien!
                  
                  M. le PRÉSIDENT, je ne vois rien dans cette  
                  déclaration qui ne soit parfaitement d'accord  
                  avec les intérêts du pays, et il importe que  
                  les meilleurs hommes de chaque section de  
                  la confédération soient appelés à siéger dans  
                  ce corps important de notre législature  
                  générale.— L'hon. député a trouvé à redire à  
                  cette clause des résolutions qui porte que les  
                  lieutenants-gouverneurs seront nommés par  
                  le gouvernement central, et il y voit un grand  
                  danger surtout pour le Bas-Canada. M. le  
                  PRÉSIDENT, j'aimerais beaucoup à savoir  
                  quelle protection il y a aujourd'hui pour les  
                  populations des différentes provinces dans le  
                  fait que les gouverneurs des provinces de  
                  
                  
                  381
                  
                  l'Amérique Britannique du Nord nous sont  
                  envoyés d'Angleterre. Notre gouverneur,  
                  sous le régime actuel, n'est responsable ni au  
                  peuple ni à la chambre; il dépend entièrement du gouvernement anglais auquel il est
                  
                  responsable. Sous le système proposé, les  
                  lieutenants-gouverneurs seront nommés par  
                  le gouvernement central auquel ils seront  
                  nécessairement responsables de leurs actes.  
                  Or, dans ce gouvernement, nous aurons plus  
                  d'une voix, nous y serons représentés par nos  
                  ministres, qui seront là pour faire condamner  
                  toute empiétation ou tout acte arbitraire  
                  que pourrait se permettre un lieutenant- gouverneur. Si le gouvernement central  
                  refusait de nous rendre cette justice et persistait à ne pas rappeler tel lieutenant-gouverneur
                  qui aurait ainsi forfait à ses devoirs  
                  vis-à-vis de la population qu'il gouvernerait, nous aurions nos 65 représentants 
                  
                  pour protester et voter au besoin contre  
                  un gouvernement qui oserait agir ainsi.  
                  Nous aurons, sous ce rapport, de bien plus  
                  grandes garanties qu'aujourd'hui; c'est là  
                  véritablement un privilége nouveau que  
                  nous avons obtenu, puisque le peuple se  
                  trouve avoir une voix dans ces nominations  
                  par le fait que nous aurons nos ministres  
                  responsables dans le gouvernement central,  
                  lesquels seront soutenus et appuyés par les  
                  députés de notre section. A propos de la nomination des lieutenants-gouverneurs, l'hon.
                  
                  député d'Hochelaga a cru devoir faire une  
                  charge à fond contre le parti conservateur.  
                  Il a dit que ce parti cherchait constamment  
                  à diminuer les priviléges et les libertés du  
                  peuple, tandis que le parti libéral s'efforçait  
                  d'étendre et d'assurer ces mêmes libertés!  
                  Eh bien! M. le PRÉSIDENT, je crois que le  
                  peuple comprend ses intérêts aussi bien que  
                  l'hon. député d'Hochelaga, et qu'il ne nous  
                  fera pas de reproches de ce que nous lui  
                  donnons une constitution qui a pour but de  
                  sauvegarder ses droits locaux et généraux  
                  beaucoup mieux que le système actuel. En  
                  attaquant ainsi le parti conservateur, l'hon.  
                  député d'Hochelaga n'a pas manqué aussi  
                  de faire une légère insinuation contre les  
                  délégués à la conférence. Il dit en effet:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "L'orateur du conseil législatif doit aussi être  
                     nommé par la couronne: c'est un autre pas rétrograde et un peu de patronage de plus
                     pour le  
                     gouvernement. Nous avons tous entendu parler  
                     d'un discours prononcé dernièrement dans l'Ile  
                     du Prince-Edouard ou le Nouveau-Brunswick,—  
                     j'ai oublié lequel,—où l'on énumérait les avantages que l'on avait fait miroiter aux
                     yeux des  
                     délégués, pendant qu'ils étaient ici, sous forme  
                     
                     
                     
                     de nominations en perspective, comme celles de  
                     juges de la cour d'appel, d'orateur du conseil  
                     législatif, et de gouverneurs locaux, comme étant  
                     l'une des raisons de l'unanimité qui a régné parmi  
                     les membres de la conférence."    
                    
               
               
               
               Il faut que l'hon. député ait une bien pauvre  
                  idée de la nature humaine pour s'imaginer  
                  que des hommes publics, ayant d'aussi grands  
                  intérêts entre leurs mains et ayant leur  
                  honneur et celui de leur pays à sauvegarder  
                  et à maintenir intacts et purs aux yeux du  
                  monde entier, auraient consenti à trahir et  
                  à livrer leur pays pour l'amour d'une pauvre  
                  place, quand bien même cette place serait  
                  celle de lieutenant-gouverneur ou de jugeen-chef. J'aime à croire que cette insinuation
                  lui est échappée et qu'il regrette déjà  
                  de l'avoir laissée tomber de ses lèvres.—Un  
                  autre point sur lequel l'hon. député d'Hochelaga s'est étendu, est la question de
                  la  
                  milice et de la défense du pays. L'hon.  
                  député a déclaré à ce sujet qu'il ne comprenait pas comment l'union des provinces
                  nous  
                  rendrait plus forts. L'expérience de l'hon.  
                  député d'Hochelaga et les enseignements de  
                  l'histoire auraient, cependant, dû lui apprendre qu'un peuple désuni et placé sur
                  
                  un vaste territoire est plus facile à subjuguer  
                  que quand il est uni sous un même gouvernement fort et respecté. Ceci m'amène à  
                  parler de cette observation de l'hon. député  
                  qui a déclaré que ce ne nous aurions de  
                  mieux à faire pour éviter toutes difficultés  
                  avec nos voisins et empêcher les malheurs  
                  d'une guerre avec eux, serait de rester tranquilles, de nous croiser les bras. La
                  chambre  
                  me permettra de citer à ce sujet les expressions mêmes de l'hon. député:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Ce serait rien moins qu'une folie pour nous  
                     d'épuiser nos ressources par une dépense de quinze  
                     à vingt millions par année pour lever une armée  
                     de 30,000 à 50,000 hommes dans le but de résister  
                     à une invasion. Ce que le Canada a de mieux à  
                     faire, c'est d'être pisible, et de ne donner aucun  
                     prétexte de guerre à nos voisins. [ Ecoutez!]  
                     Que l'opinion publique de ce pays force la presse  
                     à cesser ses attaques contre le gouvernement des  
                     Etats-Unis, et ensuite si la guerre surgit entre l'Angleterre et les Etats, elle aura
                     lieu sans qu'il y ait  
                     de notre faute,—et si nous avons à y prendre part,  
                     nous le ferons courageusement en aidant l'Angleterre dans la mesure de nos forces
                     et de nos  
                     ressources; mais, en attendant, il est parfaitement inutile pour nous de lever ou
                     d'entretenir  
                     aucune espèce d'année permanente."  
  
               
               
               
               Je pense avec l'hon. député qu'on ne doit  
                  donner aucun juste sujet de mécontentement à nos voisins et encore moins attaquer
                  
                  leurs frontières, et le gouvernement actuel a  
                  
                  
                  382
                  
                  montré en toute occasion qu'il était disposé  
                  à respecter les droits et les sentiments du  
                  peuple américain; mais, d'un autre côté,  
                  l'hon. député a été le premier à nous apprendre que le meilleur moyen de se défendre
                  
                  n'est pas de se préparer et de s'aguerrir,  
                  mais de rester désarmés et les bras pacifiquement croisés; en d'autres termes, de
                  se  
                  livrer pieds et poings liés. Eh bien! je  
                  lui ferai une simple question: s'il craignait  
                  d'être attaqué par un voisin, irait-il le trouver  
                  pour se mettre à sa disposition, ou bien se  
                  mettrait-il en garde contre ses attaques? Je  
                  pense bien que l'hon. député n'hésiterait  
                  pas un seul instant entre ces deux alternatives. Or, ce qui est prudence et bonne
                  
                  politique pour l'individu l'est également  
                  pour une nation. Nous ne désirons pas  
                  prendre une attitude menaçante vis-à-vis  
                  de nos voisins; au contraire, ce que nous  
                  voulons c'est de vivre en paix avec eux.  
                  Nous ne désirons pas faire la moindre chose  
                  qui puisse être interprétée comme une menace, mais nous serions déplorablement  
                  aveugles si, témoins de l'énorme puissance  
                  militaire de nos voisins, nous regardions ce  
                  déploiement formidable les bras croisés  
                  et l'indifférence au cœur. Une pareille attitude ne serait ni patriotique ni digne
                  d'un  
                  peuple d'hommes libres. Le plus sûr moyen  
                  de n'être pas attaqués et subjugués par nos  
                  voisins, de faire respecter notre indépendance et nos priviléges, c'est de leur montrer
                  
                  que nous sommes prêts à les défendre à tout  
                  prix. L'hon. député d'Hochelaga a déclaré  
                  qu'il était prêt à faire quelques sacrifices  
                  pour l'entretien de la milice et pour la  
                  défense du pays, mais il ne nous a pas dit  
                  jusqu'où il était prêt à aller dans ce sens.  
                  Il nous l'apprendra probablement plus tard,  
                  si nous sommes appelés à faire des dépenses  
                  à cet effet. Quoi qu'il en soit, je tiens à  
                  relever les observations qu'il a faites relativement aux volontaires. En parlant de
                  la  
                  dépense que le gouvernement encourait pour  
                  protéger les frontières, il a dit que 30,000  
                  miliciens coûteraient trente millions de  
                  piastres! L'hon. député a une singulière  
                  manière de calculer. En effet, si nous étions  
                  appelés à lever une armée de 30,000 hommes,  
                  nous ne leur paierions pas une piastre ou  
                  même trois trente sous par tête. L'hon.  
                  député d'Hochelaga sait tout aussi bien que  
                  moi que la force actuelle de milice de service  
                  à la frontière ou en garnison à l'intérieur a  
                  été appelée dans des circonstances tout  
                  exceptionnelles, et que le gouvernement a  
                  
                  
                  
                  été dans l'impossibilité de contrôler, autant  
                  qu'il aurait peut-êre aimé à le faire, le  
                  montant de la solde de ces volontaires.  
                  L'hon. député doit aussi savoir que ces  
                  braves miliciens ont fait preuve du plus  
                  grand patriotisme et que, dans bien des cas, ils  
                  ont fait des sacrifices énormes au détriment  
                  d'eux-mêmes et de leurs familles. Un grand  
                  nombre d'entre eux étaient employés dans  
                  des maisons de commerce ou dans des  
                  comptoirs ou des chantiers qui leur donnaient beaucoup plus que ce qu'ils reçoivent
                  aujourd'hui du gouvernement, et je  
                  trouve très-mauvais qu'on vienne aujourd'hui leur disputer ce minime salaire sous
                  
                  prétexte que c'est une charge trop lourde  
                  pour notre budget. (Ecoutez! écoutez!) Ils  
                  n'ont pas hésité, quand la patrie a réclamé  
                  leurs services, à risquer leur santé et à  
                  renoncer à toutes les joies et les douceurs  
                  de la famille, et je suis bien certain que le  
                  peuple ne leur disputera pas le malheureux  
                  écu qui leur est donné en échange, et ne  
                  fera qu'approuver le gouvernement d'avoir  
                  fait, en cette occasion, ce qu'il devait faire.  
                  —L'hon. député d'Hochelaga fait aussi un  
                  autre reproche au gouvernement. Le fait  
                  est qu'il trouve mauvais et défectueux tout  
                  ce qui est proposé par le gouvernement  
                  actuel. Ainsi, relativement au droit de  
                  véto laissé au gouvernement général, l'hon.  
                  membre s'exprime comme suit:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Ne voit-on pas qu'il est très-possible qu'une  
                     majorité dans un gouvernement local soit opposée  
                     au gouvernement général, et que dans ce cas la  
                     minorité demandera au gouvernement général de  
                     désavouer les lois décrétées par la majorité? Les  
                     hommes qui composeront le gouvernement général  
                     dépendront de l'appui de leurs partisans politiques  
                     dans les législatures locales, qui exerceront  
                     toujours une grande influence dans les élections,    
                     et pour conserver leur appui, ou dans le but de  
                     servir leurs amis, ils opposeront leur véto à des  
                     lois que la majorité de la législature locale trouvera  
                     bonnes et nécessaires "  
  
               
               
               
               Je crois, M. le PRÉSIDENT, avant de répondre  
                  à l'hon. membre, qu'il sera bon de référer  
                  aux deux clauses qui ont rapport à cette  
                  matière. Dans ces deux clauses il est dit:  
 
               
               
               
               
                  
                  "10. Tout bill de la législature générale pourra  
                     être réservé en la manière ordinaire pour la sanction de la majorité, et les bills
                     des législatures  
                     locales pourront aussi, de la même manière, être  
                     réservés pour la considération du gouverneur- général.  
 
                  
                  
                  
                  "20. Tout bill passé par le parlement général  
                     sera sujet à être désavoué par Sa Majesté pendant  
                     deux ans, comme c'est le cas pour les bills passés  
                     par les législatures des dites provinces; et de  
                     
                     
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                     même tout bill passé par une législature locale  
                     sera sujet il être désavoué par le gouverneur- général dans l'année qui suivra sa
                     passation."  
  
               
               
               
               Eh bien! je le demande à la chambre, quel  
                  mal y a-t-il dans ces deux clauses? Aujourd'hui, dans quelle position sommes-nous,
                  
                  quand un bill a été adopté par les deux  
                  chambres de notre législature? La voici:  
                  ce bill est soumis à la sanction du gouverneur-général et presque dans tous les cas
                  
                  est sanctionné sans le référer au gouvernement impérial. Mais si, par exemple, ce
                  
                  bill a trait au divorce, à une question qui  
                  intéresse le gouvernement impérial, ou encore,  
                  si c'est une mesure qui peut affecter nos  
                  relations avec nos voisins ou toute autre  
                  nation, on le réserve pour la sanction de Sa  
                  Majesté. Lorsqu'une mesure quelconque  
                  est ainsi réservée, l'hon. député d'Hochelaga  
                  pense-t-il que les membres du gouvernement  
                  anglais se réunissent pour la prendre en  
                  considération? Pas le moins du monde; il  
                  y a, dans le bureau colonial, un commis de  
                  second ou de troisième ordre qui est chargé  
                  de cette besogne et qui fait ensuite son raport au ministre, et ce rapport détermine
                  la  
                  sanction ou le désaveu de la mesure en  
                  question. Si la mesure est d'un grand  
                  intérêt pour le pays et n'est pas sanctionnée,  
                  nous ne pouvons nous en prendre à personne  
                  et il nous faut nous soumettre, les ministres  
                  anglais n'étant pas responsables à nous.  
                  Sous la confédération, ce danger et cet inconvénient disparaîtront. Dans le cas où
                  le  
                  parlement local du Bas-Canada passerait une  
                  loi que le lieutenant-gouverneur jugerait à  
                  propos de réserver à la sanction du gouvernement central, si ce dernier gouvernement
                  
                  refusait de la sanctionner, bien qu'elle fût  
                  demandée par le peuple de cette section, et  
                  qu'il n'y eût aucune raison de la refuser,  
                  nous aurions, pour protester contre ce refus,  
                  nos 65 membres dans le parlement central,  
                  qui se ligueraient pour renverser le ministère qui aurait agi ainsi. Et ne dites pas
                  
                  que ces 65 membres ne pourraient rien  
                  contre le reste de la chambre; unis en un  
                  seul corps, ils trouveraient incontestablement appui et aide chez les membres des
                  
                  autres provinces, qui auraient tout intérêt à  
                  ne pas laisser toucher à nos droits et priviléges, par crainte de voir un jour la
                  même  
                  chose pratiquée contre les leurs. D'un autre  
                  côté, M. le PRÉSIDENT, le désaveu qui  
                  pourra être donné à une mesure sanctionnée par les gouvernements locaux, ne pourra
                  
                  être exercé que durant douze mois, tandis  
                  
                  
                  
                  que, sous le système actuel, il peut être donné  
                  pendant deux ans. C'est une restriction  
                  qui a été accordée dans les intérêts du Bas- Canada et de toutes les autres sections
                  de la  
                  confédération; c'est une restriction dans le  
                  sens populaire. Mais l'hon. député d'Hochelaga refusera, sans doute, de reconnaître
                  que  
                  cette concession populaire vient de nous. Et  
                  d'ailleurs, pourquoi redouterait-on ce véto?  
                  Dans notre législature locale, nous n'avons  
                  certainement pas l'intention d'être injuste  
                  envers une partie de la population, mais  
                  nous nous proposons de la traiter comme  
                  par le passé, sur un pied d'égalité; nous  
                  voulons enfin être aussi justes envers cette  
                  population, que nous l'étions alors qu'elle  
                  ne formait qu'une faible minorité. Cela  
                  n'empêche pas, cependant, l'hon. député  
                  d'Hochelaga de dire aux membres anglais  
                  du Bas-Canada qu'ils devraient être sur  
                  leurs gardes. Eh bien! M. le PRESIDENT, je  
                  ne ferai pas cette injure à la race à laquelle  
                  j'appartiens. Les Canadiens-Français ont  
                  toujours agi honorablement vis-à-vis des  
                  autres races qui habitent au milieu d'eux,  
                  et ils ne profiteront certainement jamais,  
                  pas plus que par le passé, de la majorité  
                  qu'ils pourraient avoir dans la législature  
                  locale pour molester ou persécuter la minorité. Voilà la raison pour laquelle nous
                  ne  
                  craignons et ne redoutons pas ce droit de  
                  véto. Il ne faut pas, d'ailleurs, croire que  
                  l'intention des deux clauses, que j'ai déjà  
                  citées, soit que tout bill passé dans les législatures locales sera réservé à la sanction
                  du  
                  gouvernement central. Cette réserve ne se  
                  fera que pour les mesures de la nature de  
                  celle que l'on soumet aujourd'hui à la sanction de Sa Majesté. En sorte que l'hon.
                  
                  député d'Hochelaga a grandement tort de  
                  venir reprocher au gouvernement actuel  
                  d'avoir consenti à ces deux clauses.—Une  
                  autre question sur laquelle cet hon. député  
                  nous a aussi pris à partie, est celle des droits  
                  d'exportation sur le bois et le charbon. Dans  
                  la clause 29, qui a rapport aux pouvoirs du  
                  parlement fédéral, la troisième sous-section  
                  se lit comme suit:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "L'imposition ou le règlement des droits de  
                     douanes sur les importations ou sur les exportations, excepté sur les exportations
                     du bois carré,  
                     des billots, des mâts, des espars, des madriers,  
                     du bois scié du Nouveau-Brunswick, et du charbon  
                     et des autres minéraux de la Nouvelle-Ecosse."  
  
               
               
               
               Le fait que ce pouvoir a été laissé au gouvernement n'implique qu'il l'exercera; 
                  
                  ce pouvoir lui a été donné simplement parce  
                  
                  
                  384
                  
                  qu'il pourrait en avoir besoin dans certains  
                  cas donnés. Voici maintenant la raison de  
                  la seconde partie de la clause que je viens de  
                  lire à la chambre, et que je ne saurais  
                  mieux exposer qu'en citant quelques phrases  
                  d'un discours de l'hon. ministre des finances  
                  à ce sujet. Toutefois, comme il y a plusieurs  
                  hon. membres dans cette chambre qui ne  
                  comprennent pas l'anglais, je pense qu'il  
                  vaut peut-être mieux les expliquer en français. On a donc pensé que comme, dans  
                  le Nouveau-Brunswick, le gouvernement  
                  trouvait très désavantageux de percevoir les  
                  droits sur le bois d'après le système dont  
                  on s'était servi précédemment, et y avait  
                  substitué un droit d'exportation qui remplaçait tous les autres impôts sur ce produit,
                  
                  il n'était que juste de conserver ce revenu  
                  au Nouveau-Brunswick, auquel il était d'absolue nécessité pour le paiement de ces
                  dépenses locales. En Canada, nous retenons,  
                  sous la nouvelle constitution, notre mode de  
                  prélever des droits analogues. Quant au  
                  Nouveau-Brunswick, c'est là sa principale  
                  ressource, de même que le charbon est presque la seule ressource de la Nouvelle-Ecosse,
                  
                  et si on les leur avait enlevées, ils auraient  
                  péremptoirement refusé de nous joindre dans  
                  la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Leur  
                  demande était parfaitement juste, et nous ne  
                  pouvions, par conséquent, la leur refuser.  
                  D'ailleurs, nous n'avons pas à nous plaindre,  
                  car toutes nos terres et nos mines nous sont  
                  laissées, et nous continuerons, comme par le  
                  passé, à en percevoir les revenus pour notre  
                  propre usage et à notre profit. L'hon.  
                  membre pour Hochelaga a dit que l'on ne  
                  pourra pas administrer les affaires des gouvernements locaux sans que l'on soit obligé
                  
                  d'avoir recours à la taxe directe; mais un  
                  homme de son expérience n'aurait pas dû  
                  dire cela. Il n'aurait pas dû essayer d'exploiter les préjugés populaires, mais admettre
                  
                  de suite que le droit accordé par la constitution nouvelle d'imposer la taxe directe,
                  
                  est le même que celui qui existe dans la  
                  constitution actuelle; c'est le même droit  
                  qu'ont toutes nos municipalités. Ce n'est  
                  pas à dire pour cela que ce droit sera exercé.  
                  Mais l'hon. membre sait que le peuple  
                  n'aime pas la taxe directe, et qu'il ne voudrait pas l'adopter comme système au lieu
                  
                  de la taxe indirecte; c'est pourquoi il a  
                  cherché à en effrayer la population du Bas- Canada. Pour nous, n'oublions pas que
                  le  
                  produit des revenus locaux du Bas-Canada  
                  sera employé à défrayer les dépenses locales.  
                  
                  
                  
                  L' hon. ministre des finances a dit que  
                  dans le Bas-Canada ce revenu local sera de  
                  $557,000, outre les quatre chelins par tête  
                  de sa population que lui paiera tous les ans,  
                  par paiements semestriels et d'avance, le  
                  gouvernement fédéral. Ce subside s'élèvera  
                  donc à $888,000, ce qui fera un total de  
                  $1,446,000 pour les besoins locaux du Bas- Canada. Je sais que l'hon. membre a  
                  révoqué en doute l'exactitude des chiffres de  
                  l'hon. ministre des finances, et a donné  
                  à entendre que les revenus locaux ne seraient  
                  pas aussi considérables; mais, comme je tire  
                  les chiffres que je donne des comptes publics,  
                  je crois que nous devons les considérer comme  
                  exacts. Dans tous les cas, voici les chiffres  
                  que je trouve par le dépouillement des documents officiels:  
 
               
               
               
               
                  
                  
                     
                     
                        
                        
                        
                           
                           | Dépenses autres que celles de légis | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | lature et de la dette locale du Bas- | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Canada... | 
                           
                           $997,000 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Frais de législation | 
                           
                           150,000 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Intérêt sur la dette locale | 
                           
                           90,000 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Total... | 
                           
                           $1,237,100 | 
                           
                        
                      
                   
               
               
               
               Maintenant, les revenus du Bas-Canada  
                  seront comme suit, en prenant les chiffres  
                  actuels et sans ajouter les augmentations  
                  probables:  
 
               
               
               
               
                  
                  
                     
                     
                        
                        
                        
                           
                           | Droits de glissoire... | 
                           
                           $49,040 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Casuel... | 
                           
                           4,000 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Prêt aux incendiés de Québec... | 
                           
                           294 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Amendes, etc... | 
                           
                           341 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Taxes sur les procédures... | 
                           
                           91,731 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Honoraires des mesureurs de bois... | 
                           
                           79,960 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Intérêt sur le fonds d'emprunt muni- | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | cipal... | 
                           
                           114,889 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Palais de justice du Bas-Canada... | 
                           
                           25,392 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Fonds des jurés et de bâtisse, Bas- | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Canada... | 
                           
                           29,710 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Fonds des municipalités du Bas- | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Canada... | 
                           
                           38,752 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Terres des écoles communes... | 
                           
                           128,240 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Licences d'auberge affectées au fonds | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | des municipalités du Bas-Canada. | 
                           
                           3,962 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Terres de la couronne... | 
                           
                           205,512 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Total des revenus... | 
                           
                           $771,823 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | 4 chelins par tête de la population... | 
                           
                           888,888 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                            | 
                           
                           $1,660,711 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Moins,-Intérêt sur le fonds d'emprunt | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | municipal, et produit des terres | 
                           
                            | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | des écoles... | 
                           
                           $243,129 | 
                           
                        
                        
                        
                           
                           | Laissant un revenu net de... | 
                           
                           $1,417,582 | 
                           
                        
                      
                   
               
               
               
               L'on voit donc que ces chiffres s'accordent  
                  avec les calculs de l'hon. ministre des  
                  finances, moins une différence de $20,000 à  
                  $25,000. Le Bas-Canada aura un revenu  
                  de près de $1,500,000, et le surplus de son  
                  
                  
                  385
                  
                  revenu sur ses dépenses, d'après les calculs  
                  du ministre des finances sera de $209,000.  
 
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION —Pourquoi retranchez-vous les revenus du fonds d'emprunt  
                  municipal? Est-ce parce que le Bas-Canada  
                  sera chargé de payer la dette du fonds d'emprunt municipal?  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Je  
                  retranche l'item du revenu des écoles communes, parce qu'avec le temps les terres
                  
                  s'épuiseront, et que par conséquent ce revenu  
                  ne peut être regardé comme permanent.  
                  D'ailleurs, ce montant doit être ajouté au  
                  fonds des écoles communes et ne peut réellement être considéré comme un revenu ordinaire.
                  Il en est de même du revenu du  
                  fonds d'emprunt municipal, qui ne peut être  
                  regardé comme un revenu permanent, et qui  
                  disparaîtra lorsque la dette s'éteindra. Je  
                  ne voulais pas tromper la chambre en lui faisant croire que ce revenu serait permanent,
                  
                  et je n'ai voulu compter que les revenus  
                  ordinaires. Mais, d'un autre côté, l'on doit  
                  comprendre qu'il y a une foule de ces revenus  
                  qui augmenteront avec le temps, en sorte que  
                  le surplus du revenu du Canada sur les  
                  dépenses sera toujours considérable.  
  
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION—L'hon. membre  
                  n'a pas bien compris ma question. Je lui  
                  demandais si le Bas-Canada sera tenu de  
                  payer la dette municipale, et il n'a pas répondu.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—J'ai  
                  très-bien compris l'hon. membre; mais je  
                  me suis fait une loi de ne pas me laisser  
                  entraîner à droite ou à gauche par les  
                  interruptions, et je ne m'en départirai  
                  pas maintenant. (Ecoutez!) Les chiffres  
                  que j'ai donnés sont très importants,  
                  parce qu'il montrent que le Bas-Canada  
                  aura un revenu réel, sous la nouvelle constitution,—un revenu qui n'est pas calculé
                  sur  
                  l'augmentation probable et les progrès futurs  
                  du pays, mais sur le revenu actuel—de près  
                  de $1,500,000 pour faire face aux dépenses  
                  locales. Et, cependant, en face de ces chiffres,  
                  qui sont basés sur les faits les plus évidents,  
                  les hon. membres viennent parler de taxes  
                  directes! Ils veulent seulement effrayer le  
                  pays; mais celui-ci comprendra que cette  
                  taxe directe ne peut pas arriver, avec le  
                  surplus de revenu que nous aurons. Elle  
                  arrivera si le Bas-Canada fait des extravagances et dépense plus que ses moyens, mais
                  
                  pas autrement. Le Bas-Canada aura un  
                  revenu suffisant pour faire face à toutes ses  
                  dépenses, pourvu qu'il ne fasse pas comme  
                  celui qui, ayant £400 de revenu, dépenserait  
                  
                  
                  
                  £1,000 par année. Les dépenses totales du  
                  Bas-Canada pour tous les objets, moins les  
                  frais de législation et le paiement de l'intérêt  
                  sur la dette locale, seront de $997,000, en  
                  calculant la dépense sur la base d'aujourd'hui. Mais l'on comprend que le Bas-Canada
                  
                  réduira ses dépenses,—comme, par exemple,  
                  celles qui se rattachent au département des  
                  terres de la couronne,—et qu'il fera des  
                  économies afin de pouvoir plus tard faire face  
                  aux dépenses de travaux locaux, sans avoir à  
                  différer d'autres dépenses urgentes. L'on  
                  peut porter à $150,000 les dépenses de la  
                  législature locale du Bas-Canada, et c'est là  
                  une estimation très raisonnable, lorsque l'on  
                  se rappelle que toutes les questions d'intérêt  
                  général seront discutées et réglées par le  
                  parlement fédéral, et que la législature locale  
                  n'aura à s'occuper que de questions d'intérêt  
                  local. L'on comprendra facilement que les  
                  sessions seront beaucoup plus courtes qu'elles  
                  ne le sont aujourd'hui, et par conséquent  
                  elles seront moins dispendieuses. Nous savons  
                  tous qu'avec le système actuel les longues  
                  discussions n'ont pas lieu en chambre sur les  
                  bills privés ou les mesures d'intérêt local,—  
                  qui sont discutés dans les comités,—mais  
                  qu'elles s'élèvent sur les questions d'intérêt  
                  général, comme celles des chemins de fer,  
                  de l'impôt, du tarif,—comme celle de la  
                  confédération,—et que ce sont ces discussions  
                  qui prolongent les sessions. Je dis de plus  
                  que l'intérêt de la portion de la dette publique qui nous sera assignée sera d'environ
                  
                  $90,000, et que toutes nos dépenses annuelles  
                  s'élèveront à $1,237,000,— ce qui nous  
                  laissera un surplus de revenu de $209,000.  
                  J'espère que le Bas-Canada sera assez prudent  
                  pour mettre une bonne partie de ces $209,  
                  000 de côté, afin de pouvoir s'en servir plus  
                  tard pour effectuer des améliorations et des  
                  travaux locaux sans avoir à toucher à son  
                  revenu annuel. (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
               M. DUFRESNE (d'Iberville)— Il pourra  
                  les prêter! (Rires.)  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN.—L'hon.  
                  membre pour Hochelaga a feint de s'effrayer  
                  de la position du Bas-Canada dans la confédération comme de la taxe directe. Il nous
                  
                  a parlé longuement de l'heureuse position  
                  financière du Bas-Canada lorsqu'il est entré  
                  dans l'Union en 1841; mais il faut se rappeler  
                  qu'avant l'Union les revenus du Bas-Canada  
                  n'étaient que de $580,000, et que, cependant,  
                  il lui fallait pourvoir à toutes les dépenses  
                  locales et à beaucoup de dépenses générales  
                  qui, sous la confédération, tomberont dans  
                  
                  
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                  e domaine du gouvernement fédéral, comme,  
                  par exemple, le paiement des salaires des  
                  juges, etc. Sous la confédération, le Bas- Canada aura un surplus de plus de $200,000
                  
                  sur ses dépenses locales, même si les  
                  dépenses actuelles ne sont pas réduites.  
                  L'hon. membre pour Hochelaga a dit aussi  
                  que la partie de la dette afférente au Bas- Canada, à part de la dette générale, serait
                  de  
                  $4,500,000. Il faut qu'il ait fait de grandes  
                  erreurs de calcul pour arriver à ces chiffres,  
                  car la dette des deux Canadas aujourd'hui,  
                  déduction faite du fonds d'amortissement, est  
                  de $67,263,000.—Si je compare ce calcul  
                  avec celui que l'hon. membre a publié dans  
                  son manifeste à ses électeurs, en 1863, je  
                  prouverai qu'il a changé du tout au tout, et  
                  qu'il ne doit pas accuser les autres d'erreur.  
                  Ainsi, dans son manifeste, il a dit qu'à part  
                  la dette d'alors, il faudrait $16,000,000 pour  
                  le chemin de fer intercolonial, et cependant  
                  aujourd'hui il dit qu'il en faudrait vingt!  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—L'hon.  
                  membre ne devait pas se fier aux calculs du  
                  président du conseil, puisqu'il prétend que  
                  rien de bon ne peut venir de ce côté de la  
                  chambre. Mais l'hon. membre ne voulait  
                  pas trop effrayer la population alors, c'est  
                  pourquoi il a dit seize millions, tandis qu'il  
                  dit vingt aujourd'hui. Quant au montant de  
                  la dette publique, l'hon. ministre des finances  
                  nous a donné des chiffres tirés des meilleures  
                  sources, et je préfère prendre ses chiffres plutôt  
                  que ceux de l'hon. membre pour Hochelaga.  
                  Le ministre des finances nous a dit que la  
                  dette totale des deux Canadas, sans compter  
                  le fonds d'amortissement, était de $67,263,000, et que le gouvernement fédéral se
                  chargerait de $62,500,000. Il restera donc  
                  environ $4,763,000 à répartir entre le Haut  
                  et le Bas-Canada, et si le Bas-Canada, comme  
                  l'a dit l'hon. membre, en prend pour sa  
                  part $4,500,000, il ne restera qu'environ  
                  $262,000 pour le Haut-Canada! Je ne vois  
                  pas du tout comment l'hon. membre a pu  
                  faire un pareil calcul, car il est évidemment  
                  erroné. 
  
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION—Que l'hon.  
                  solliciteur-général s'adresse au ministre des  
                  finances, et il en aura l'explication.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL-GÉN. LANGEVIN —Il est  
                  évident que l'hon. membre pour Hochelaga,  
                  dans ses calculs de la répartition du résidu  
                  de la dette entre le Haut et le Bas-Canada,  
                  a mis un 4 au lieu d'un 1 ou d'un 2, comme  
                  
                  
                  
                  il a mis 20 au lieu de 16 pour le chemin de  
                  fer intercolonial. Dans son désir de trouver  
                  le plan fautif, il voit double, et au lieu de  
                  cinq millions à partager, il en voit neuf. La  
                  dette afférente au Bas-Canada ne sera pas de  
                  $4,500,000, mais il n'aura que sa juste part  
                  des cinq millions à partager.  
  
               
               
               
               L'
HON. A. A. DORION—L'hon. membre  
                  a oublié les explications du ministre des  
                  finances, qui a dit que la dette contractée  
                  pour le rachat de la tenure seigneuriale,  
                  qui est, de trois millions, n'était pas comprise  
                  dans la dette générale.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN— Le  
                  ministre des finances a porté toute la dette,  
                  dans son discours de Sherbrooke, à $67,263,994. Le montant de la dette est de $75,578,000;
                  mais il faut en retrancher le fonds  
                  d'amortissement et les fonds en banque,  
                  $7,132,068, qui la réduisent à $68,445,953;  
                  le ministre des finances en a aussi retranché  
                  le fonds des écoles communes, qui est de  
                  $1,181,958—et il en est arrivé au résultat que  
                  je viens de donner, c'est-à-dire que la dette  
                  réelle du Canada est de $67,263,994. Je ne  
                  donne pas tous les items de la dette publique,  
                  parce que je crois que ce n'est pas à moi à  
                  prouver que les calculs du ministre des  
                  finances ne sont pas exacts: mais c'est à  
                  ceux qui l'accusent d'erreur; et les comptes  
                  publics sont là pour prouver que le ministre  
                  des finances n'a dit que la vérité.—L'hon.  
                  membre pour Hochelaga a manifesté de  
                  grandes craintes par rapport à la position  
                  financière de la confédération; mais nous  
                  avons là aussi les mêmes garanties que pour  
                  celle des gouvernements locaux. Il a prétendu que Terreneuve, par exemple, était 
                  
                  trop pauvre pour contribuer aux revenus de  
                  la confédération, et qu'au lieu d'en recevoir,  
                  il nous faudra lui envoyer de l'argent pour y  
                  empêcher les gens de geler. Cependant,  
                  l'hon. membre sait bien que Terreneuve a un  
                  revenu considérable, un revenu de $480,000.  
                  et que ses dépenses sont moins fortes que ses  
                  revenus. Terreneuve aura sa part du trésor  
                  fédéral, mais il contribuera aux revenus généraux. Et pendant que j'en suis à considérer
                  cette partie du discours de l'hon.  
                  membre, je dois avouer que c'est le meilleur  
                  plaidoyer en faveur de la confédération, au  
                  point de vue des provinces d'en-bas, qui pût  
                  être fait, et je désirerais pour ma part qu'il  
                  en fût envoyé des milliers d'exemplaires  
                  dans ces provinces, car il a voulu prouver  
                  qu'elle serait tout à leur avantage. Il a  
                  essayé de prouver qu'elles auraient un revenu  
                  
                  
                  387
                  
                  plus considérable que celui qu'elles ont  
                  aujourd'hui; mais il n'a pas dit que le Bas- Canada aurait $200,000 de plus que les
                  
                  dépenses. Il sait très bien que tous les  
                  revenus des provinces forment un montant  
                  de $14,223,320—pour 1864—et que des  
                  dépenses totales ne s'élèvent qu'à $18,350,832,—en sorte qu'il y a un surplus de $872,488,
                  à part l'augmentation des impôts en  
                  1864. C'est là une belle position financière  
                  pour former une confédération.—L'hon.  
                  membre pour Hochelaga a dit que le Nouveau-Brunswick aurait $34,000 de surplus  
                  sur ses dépenses, et il se plaint à cause de  
                  cela du subside de $63,000 que l'on propose  
                  de lui payer pendant dix ans. Mais l'on sait  
                  bien que ce subside lui est payé parce qu'il  
                  livre tous ses revenus au gouvernement  
                  fédéral, excepté celui de l'impôt sur l'exportation des bois; c'est pour cela que
                  ses délégués ont insisté à ce que ce subside lui soit  
                  payé pendant dix ans, et ils ont en raison.  
                  L'hon. député a aussi dit que l'Ile du Prince- Edouard allait avoir $48,000 de plus
                  que ses  
                  dépenses. Mais, dans ce cas, comment se fait-il  
                  qu'elle ait tiré de l'arrière jusqu'ici; il faut  
                  qu'elle ne voie pas les choses du même œil  
                  que l'hon. député. La vérité, néanmoins,  
                  est que l'Ile du Prince-Edouard a été traitée,  
                  comme les autres provinces, avec justice et  
                  équité par la conférence de Québec, que ses  
                  besoins locaux ont été consultés, et qu'on  
                  lui a formé un revenu suffisant pour y pourvoir.—L'hon. député pour Hochelaga, qui
                  a  
                  parlé en anglais, a fait à cette occasion un  
                  appel chaleureux aux députés du Haut- Canada, et leur a dit qu'il allait y avoir des
                  
                  impôts énormes, et qu'ils paieraient les deux  
                  tiers du revenu et des taxes. Il a bien fait  
                  de parler en anglais, car je suis sûr qu'il ne  
                  dirait pas la même chose en français, en  
                  présence des membres du Bas-Canada; il ne  
                  ferait pas un appel de cette nature, et je le  
                  regrette, parce qu'il aurait donné là la  
                  meilleure raison pour nous d'entrer dans la  
                  confédération: mais je dois avouer que cet  
                  avancé de l'hon. député n'est pas exact, car  
                  la base de la confédération est justice pour  
                  tous.—L'hon. député pour Hochelaga a aussi  
                  dit, pour faire impression sur les députés du  
                  Haut-Canada, que l'extension de la confédération dans l'ouest était une " farce, "
                  " une  
                  affaire pour rire," parce que les provinces de  
                  l'Ouest n'y pensent même pas et que nous n'avons aucun communication avec ce territoire
                  
  
               
               
               
               
               
               
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN —Depuis  
                  qu'il est question de confédération, les journaux de Victoria (Vancouver) et de la
                  
                  Colombie Britannique sont arrivés, et ils  
                  s'accordent tous à dire qu'il est de leur  
                  intérêt de s'unir avec les provinces pour  
                  toutes les affaires générales, en conservant  
                  le contrôle de leurs affaires locales. Voici,  
                  en effet, ce que je trouve dans l'un de ces  
                  journaux:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Quel que soit le résultat des tentatives actuelles de former une confédération des
                     colonies  
                     de l'Amérique du Nord, nous pouvons être certains d'une chose, c'est que peu d'années
                     s'écouleront avant l'accomplissement d'un projet de  
                     cette nature. Une demi-douzaine de provinces,  
                     voisines les unes des autres, et soumises à une  
                     même puissance, avec des tarifs différents, est un  
                     état de choses qui, par sa nature même, ne peut  
                     longtemps exister. Cependant, indépendamment  
                     de cette anomalie, on rencontre des colonies de  
                     l'Amérique du Nord, auxquelles il faut ouvrir une  
                     carrière politique plus vaste. Le peuple a été  
                     trop longtemps sous le poids d'incapacités qui, en  
                     blessant son amour-propre, rendaient sa position  
                     humiliante aux yeux du monde entier. Avec  
                     tous les avantages d'un gouvernement responsable  
                     que lui ont accordé les autorités impériales, après  
                     des années de luttes et d'épreuves, le colon  
                     possède à peine la moitié des privilèges nationaux  
                     que possède un Anglais. Il est privé de sa part  
                     de patronage, même dans le cas où il a droit à  
                     cette protection et en est éminemment digne. La  
                     position de gouverneur des colonies ne lui a été  
                     que rarement ou jamais accordée, et, dans plusieurs parties de l'empire de Sa Majesté,
                     on lui  
                     interdit la pratique de sa profession dans les cours  
                     de justice. Nous saluons donc cette initiative du  
                     gouvernement canadien comme le commencement  
                     de la régénération des colons, qui étaient restés  
                     jusqu'ici en tutelle. Avec une confédération de colonies s'étendant d'un océan à l'autre,
                     quelles limites  
                     peut-on assigner à notre grandeur, à notre progrès  
                     matériel et à nos aspirations politiques. Au lieu  
                     de voir le talent de nos hommes d'Etat contenu,  
                     harcelé et restreint dans les bornes étroites d'une  
                     politique locale, il embrassera pour horizon un  
                     continent tout entier, tandis qu'un champ plus  
                     vaste, plus naturel, sera ouvert à l'esprit actif et  
                     entreprenant des provinces de l'Amérique du  
                     Nord. Le manque d'espace ne nous permet pas  
                     de discuter cette question plus au long aujourd'hui;  
                     mais nous espérons que le mouvement réussira et  
                     nous permettra, à une époque peu éloignée, de  
                     sortir de la position d'isolement et de faiblesse  
                     dans laquelle nous sommes aujourd'hui pour faire  
                     partie de la grande confédération de l'Amérique  
                     Britannique du Nord."  
                    
               
               
               
               C'est là le langage de l'un des journaux  
                  de ces colonies. Qu'en dit l'hon. député?  
                  J'espère que l'on me pardonnera de lire  
                  encore quelques extraits de ces journaux que  
                  nous ne lisons pas assez ici, quoiqu'ils  
                  puissent nous renseigner sur cette partie  
                  
                   
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                  de l'Amérique Britannique du Nord. Un  
                  autre journal dit donc:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Il n'y a donc qu'un chemin d'ouvert aux colonies anglaises, et surtout aux colonies
                     de l'Amérique du Nord et de l'Australie. Avant que dix  
                     ans se soient écoulés, la population des colonies  
                     comprises entre l'Ile de Vancouver et Terreneuve  
                     ne sera guère moins de six millions d'âmes, occupant un territoire aussi vaste que
                     celui des Etats- Unis avant la guerre civile et plus considérable  
                     que les trois quarts de l'étendue de l'Europe. Avec  
                     des communications télégraphiques et des chemins  
                     de fer d'un océan à l'autre, avec une union fédérale qui réunira et concentrera les
                     talents, qui aura  
                     pour mission de représenter les divers intérêts des  
                     colonies, quel pays a devant lui un plus bel avenir  
                     que cette immense confédération avec ses ressources inépuisables et multiples?"  
                    
               
               
               
               Je ne continuerai pas plus longtemps à  
                  citer ces journaux, mais j'ai voulu faire voir  
                  que le plan de confédération, non seulement  
                  n'est pas un plan de politiques aux abois,  
                  comme l'a dit l'hon. membre pour Hochelaga, mais que les provinces y tiennent parce
                  
                  qu'elles y voient leur avantage. Quant aux  
                  facilités de communications, je puis citer  
                  une excellente autorité—celle du professeur  
                  HIND— pour démontrer qu'elles ne sont pas  
                  aussi difficiles que l'a dit l'hon. membre.  
                  Voici ce que contient un essai lu par le  
                  professeur HIND sur le territoire du Nord- Ouest:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Le parti immigrant canadien s'assembla au  
                     Fort Garry, en juin 1862, pour se rendre à sa destination, voyageant par chemin de
                     fer, diligence et  
                     bateau à vapeur, en passant par Détroit, La Crosse,  
                     Saint-Paul et Fort Abercrombie. Au Fort Garry,  
                     il se sépara en deux bandes: la première division  
                     contenait environ cent émigrants; la seconde  
                     soixante-cinq personnes en tout.  
 
                  
                  
                  
                  "La première division prit la route nord par  
                     Carlton à Edmonton; la seconde, la voie du sud A  
                     Edmonton, les émigrants changèrent toutes leurs  
                     charrettes pour prendre des chevaux et des bœufs,  
                     et allèrent de là, en droite ligne, au Passage Leather,  
                     (lat. 54e,) dans lequel ils prirent 130 bœufs et  
                     et environ 70 chevaux. Ils se trouvèrent soudainement à la tête des eaux de la rivière
                     Fraser, et la  
                     montée avait été si douce que le seul moyen qu'ils  
                     eurent de connaître qu'ils avaient passé le sommet  
                     qui divise les Montagnes-Rocheuses fût d'observer  
                     subitement que les eaux des rivières coulaient à  
                     l'ouest. Ils tuèrent sur les montagnes quelques  
                     bœufs pour servir à lents approvisionnements: ils  
                     en vendirent d'autres aux Indiens à Tête Jaune  
                     Cachée, sur la rivière Fraser, et d'autres furent  
                     envoyés, par radeau, sur la rivière Fraser, aux  
                     fourches de la Quesnelle. A Tête Jaune Cachée  
                     une portion de la bande se détacha du reste et,  
                     avec quatorze chevaux, traversa par un vieux  
                     sentier battu la rivière Thompson et réussit ainsi  
                     à transporter les chevaux du Fort Garry, à travers  
                     les Montagnes-Rocheuses, dans une partie de la  
                     Colombie Anglaise, considérée comme impéné
                     
                     
                     
                     trable, à la station d'hiver de la rivière Thompson,  
                     où l'on garde les bêtes de somme qui appartiennent aux chercheurs d'or. Une femme
                     et trois  
                     petits enfants accompagnaient ce parti. On eut  
                     grand soin des petits enfants, car les émigrants  
                     avaient amenés avec eux une vache, et ces jeunes  
                     voyageurs furent fournis de lait pendant tout le  
                     temps que dura le voyage au Passage Leather,  
                     dans les Montagnes-Rocheuses. Je regarde comme  
                     un évènement d'une importance sans exemple  
                     dans l'histoire de l'Amérique Britannique centrale  
                     l'heureux voyage des émigrants canadiens à travers  
                     le continent, en 1862. Il ne peut manquer de faire  
                     ouvrir les yeux à tout homme pensant sur l'aspect  
                     singulier du pays qui forme la scène de ce voyage  
                     remarquable. Probablement qu'il n'existe nulle  
                     part ailleurs sur le globe une même étendue de  
                     pays, de 1000 milles de longueur, entièrement à  
                     l'état de nature, qu'il fût possible à 100 personnes,  
                     y inclus une femme et trois enfants, de traverser  
                     dans une seule saison, avec succès et même en  
                     surmontant facilement les obstacles formidables  
                     que l'on suppose se présenter sur les Montagnes- Rocheuses. Par l'examen de ce que
                     l'on connaît  
                     maintenant de l'Amérique Britannique centrale,  
                     les faits suivants ne peuvent manquer de réveiller  
                     l'attention et occuper la pensée de ceux qui croient  
                     qu'elle mérite bien que l'on considère son avenir  
                     et les relations possibles que nous pouvons avoir  
                     avec elle, ainsi que les générations qui nous succèderont. Dans le grand bassin du
                     lac Winnipeg,  
                     nous avons trouvé une étendue de terre cultivable  
                     égale à trois fois la surperficie de cette province,  
                     et égale à toutes les terres propres aux établissements agricoles du Canada. Ces terres
                     sont arrosées par de grands lacs, aussi grands que l'Ontario,  
                     et par de vastes rivières qui, pendant la saison  
                     d'été, sont navigables jusqu'à la vue des Montagnes Rocheuses. Elles renferment d'inépuisables
                     
                     réservoirs de fer, de lignite, de houille, de sel et  
                     beaucoup d'or. Cette contrée possède un port de  
                     mer à 350 milles en dedans de la Baie d'Hudson,  
                     en passant par la rivière Fraser, et qui est accessible aux bateaux à vapeur pendant
                     trois mois de  
                     l'année. Ce bassin est la seule place du continent américain qui soit laissée où une
                     nouvelle  
                     nation puisse se former et trouver existence."  
                    
               
               
               
               C'est là une réfutation complète de ce qu'a  
                  dit l'hon. membre pour Hochelaga, que les  
                  communications avec ces colonies étaient  
                  impossibles. Dans une partie de cette lecture, le professeur HIND dit qu'entre le
                  lac  
                  Supérieur et le lac des Bois, i1 n'y a qu'une  
                  distance de 200 milles environ, et qu'une  
                  fois cette distance franchie, l'on se trouve  
                  dans une immense vallée de plus de 1,000  
                  milles de longueur,—vallée magnifique qui  
                  pourra former partie de la confédération et  
                  fournir un débouché à notre population.  
                  L'hon. membre pour Hochelaga nous a encore dit que si nous acceptions la confédération,
                  nous tomberions plus tard dans une  
                  union législative; mais il sait bien que, par  
                  la constitution qui est soumise à cette  
                  chambre, il ne s'agit que d'une union fédé
                  
                  
                  389
                  
                  rale. Si plus tard nos descendants veulent  
                  avoir une union législative, ce sera leur  
                  affaire et non la nôtre; et s'ils la veulent,  
                  c'est qu'ils seront assez forts alors pour n'en  
                  avoir rien à craindre. D'ailleurs, sans entrer  
                  dans tous les détails relatifs à la position  
                  religieuse du Bas-Canada, dans la confédération, je ferai remarquer que la population
                  
                  totale de toutes les provinces était, en 1861,  
                  de 3,300,000 habitants, et que sur ce nombre  
                  les catholiques forment un total de 1,494,000. Ils seront donc assez nombreux pour
                  
                  protéger leurs intérêts religieux et autres,  
                  et ces intérêts seront en sûreté dans les  
                  législatures locales. Nous ne cherchons pas à  
                  avoir des priviléges que les autres n'ont pas;  
                  nous voulons seulement que nos droits soient  
                  respectés comme nous respectons ceux des  
                  autres. Les Canadiens-Français ne sont pas,  
                  n'ont jamais été, et ne deviendront pas persécuteurs, ni en politique, ni en religion,
                  sous  
                  la confédération. J'en appelle aux hommes  
                  qui appartiennent à d'autres religions pour  
                  savoir si nous avons jamais été injustes ou  
                  persécuteurs à leur égard. Les populations  
                  d'origine étrangère dans le Bas-Canada  
                  n'auront rien à craindre sous le gouvernement fédéral. Mais, après ce que les hon.
                  
                  membres pour Hochelaga et Lotbinière ont  
                  dit, et la défiance qu'ils ont cherché à faire  
                  naître dans l'esprit de la population canadienne-française et catholique dans le Bas-
                  Canada, je pense que la chambre me permettra de lire un extrait d'une lettre de Sa
                  
                  Grâce Mgr. l'Archevêque d'Halifax, qui  
                  doit comprendre les intérêts des catholiques  
                  tout autant que ces deux hon. membres.  
                  Voici ce qu'il dit en réponse à ceux qui  
                  prétendaient que nous avions à craindre une  
                  invasion du pays par les Féniens:  
 
               
               
               
               "S'il y a 50,000 hommes déjà prêts à envahir  
                  ce pays, comme vous l'admettez, au lieu de travailler à nous maintenir dans notre
                  condition  
                  anormale et faible, vous devriez plutôt prêcher  
                  l'union de tous afin de pouvoir faire face à l'ennemi. Si le gouvernement responsable,
                  que les  
                  grands hommes de ce pays nous ont conquis, est  
                  un héritage précieux dans notre présente position,  
                  tout limité qu'il soit actuellement, au lieu de le  
                  troquer pour rien pour la confédération, comme  
                  vous dites, nous devrions plutôt, dans mon opinion,  
                  lui donner plus de lustre et de valeur, l'augmenter  
                  et l'enrichir, l'agrandir sans limite et le rendre  
                  plus sûr pour nous-mêmes et pour ceux qui vienront après nous. Nous avons obtenu le
                  gouvernement responsable de la mère-patrie, dans la  
                  législature de laquelle nous n'avions pas un seul  
                  pour nous représenter. Aujourd'hui, nous  
                  demandons, au contraire, à tranférer ce riche et  
                  précieux dépôt à un endroit qui ne sera qu'une  
                  
                  
                  
                  portion de notre pays commun, où notre voix  
                  pourra se faire entendre, et où nous aurons une  
                  représentation plus complète et plus équitable  
                  que la ville de Londres, ou Liverpool, ou Bristol,  
                  peuvent se vanter d'avoir dans la chambre des  
                  communes en Angleterre. Il y a une grande  
                  différence entre obtenir de l'Angleterre ce que  
                  nous n'avions pas, et de transférer ce que nous  
                  possédons aujourd'hui, afin de le rendre plus  
                  important et plus propre à favoriser nos destinées  
                  futures. C'est pourquoi la conféderation, au lieu  
                  de nous priver des priviléges du self-government,  
                  est la seule garantie pratique et inébranlable pour  
                  le maintien de ces priviléges. Nous sommes trop  
                  petits pour pouvoir toujours compter sur nos  
                  propres ressources, et l'Angleterre, si elle n'est  
                  pas trop faible, est certainement trop prudente  
                  et trop circonspecte pour risquer son dernier  
                  chelin et son dernier homme dans un pays où,  
                  au lieu d'une population de quatre millions, elle  
                  trouvera à peine un dixième de ce nombre pour  
                  l'aider contre la puissance unie de tout un continent. Pour nier, conséquemment, les
                  avantages  
                  de la confédération, vous devez d'abord prouver  
                  que l'union n'est pas la force; que l'Angleterre  
                  sous l'heptarchie, et la France, sous la féodalité  
                  et les barons, étaient plus grandes, plus fortes et  
                  plus heureuses qu'elles le sont aujourd'hui, comme  
                  les deux plus grandes nations du monde."  
 
               
               
               
               Voici ensuite ce qu'il dit en réponse à  
                  ceux qui ne veulent pas de défense, sous  
                  prétexte que nous n'avons rien à craindre  
                  de nos voisins:  
 
               
               
               
               "A-t-on jamais vu une nation, ayant le pouvoir  
                  de conquérir, ne pas l'exercer, ou même ne pas  
                  en abuser, à la première occasion favorable? Tout  
                  ce que l'on dit de la magnanimité et de la clémence des nations puissantes, se réduit
                  au principe de convenance (expediency) que tout le  
                  monde connaît. La face entière de l'Europe a  
                  changé et les dynasties de plusieurs siècles se sont  
                  écroulées, de notre temps même, par la seule  
                  raison de la force, qui est le plus ancien, le plus  
                  puissant, et, comme plusieurs le prétendent, le  
                  plus sacré de tous les titres. Les treize Etats  
                  d'Amérique, avec toutes leurs protestations d'abnégation, ont, au moyen de l'argent,
                  de la guerre  
                  et des négociations, reculé leurs frontières jusqu'à  
                  ce qu'ils aient plus que quadruplé leurs territoires,  
                  et ce, dans une période de moins de soixante ans,  
                  et, le croira qui voudra, peut-on supposer qu'ils  
                  sont disposés à s'en tenir là? Non; tant qu'ils  
                  en auront le pouvoir, ils s'avanceront, car c'est  
                  dans la nature même du pouvoir d'accaparer tout  
                  ce qui se trouve il sa portée. Ce ne sont donc pas  
                  leurs sentiments hostiles, mais c'est leur puissance  
                  et leur puissance seule que je crains."  
 
               
               
               
               En réponse à ceux qui disent que la meilleure défense est de n'en pas avoir, il dit:
                  
 
               
               
               
               
                  
                  "Etre suffisamment prêt, est le seul argument  
                     pratique qui peut avoir du poids auprès d'un  
                     ennemi puissant et qui peut lui faire faire quelques  
                     réflexions avant de se lancer dans l'entreprise. Et,  
                     comme je désire pour nous cette condition que  
                     nous sommes incapables d'atteindre sans l'union  
                     
                     
                     390
                     
                     des provinces, je sens qu'il est de mon devoir de  
                     me déclarer en faveur d'une confédération au prix  
                     de tous les sacrifices raisonnables. Après la plus  
                     mûre considération du sujet, et tous les arguments  
                     que j'ai entendus de tous côtés, dans le cours du  
                     dernier mois, c'est ma conviction la plus profonde  
                     que la confédération est nécessaire, qu'elle est la  
                     mesure seule qui, avec le secours de la Providence,  
                     peut nous assurer l'ordre social, la liberté rationnelle et tous les bienfaits dont
                     nous jouissons  
                     maintenant sous le gouvernement le plus doux et  
                     les institutions du pays le plus libre et le plus  
                     heureux du monde."  
  
               
               
               
               Maintenant, voici une courte lettre de  
                  l'évêque catholique de Terreneuve qui n'a  
                  pas encore été lue dans la chambre, mais qui  
                  vient d'être publiée dans les journaux.  
 
               
               
               
               
                  
                  "Saint-Jean, 5 janvier 1865.  
 
                  
                  
                  
                  "Mon cher monsieur,—En réponse à votre lettre  
                     de cette date, je prends la liberté de vous faire  
                     savoir que je n'ai pas pris note des observations  
                     que j'ai faites, lors du dernier examen des élèves  
                     du collége de Saint-Bonaventure. Je me rappelle  
                     très bien, cependant qu'au nombre des arguments  
                     dont je me suis servi pour faire comprendre tant  
                     aux parents qu'aux élèves la nécessité de l'éducation, se trouvait celui-ci: que,
                     si l'on en jugeait  
                     par la tendance du siècle, il y aurait une union  
                     de toutes les provinces de l'Amérique Britannique  
                     du Nord, si non immédiatement, du moins dans  
                     quelques années, et cela par la seule force des circonstances. Je dis aussi que cette
                     union aurait une  
                     influence extraordinaire sur la génération nouvelle  
                     dans l'Ile de Terreneuve. On avait pour habitude  
                     de dire qu'une éducation de première classe était  
                     tout à fait inutile dans ce pays. Je repoussai entièrement cette idée. Les habitants
                     de Terreneuve n'étaient point prisonniers sur cette île,—l'Empire Britannique et les
                     Etats leur étaient ouverts. Partout  
                     où la langue anglaise était parlée, il y avait une  
                     carrière pour un habitant de Terreneuve ayant de  
                     l'éducation. Mais indépendamment de cela, la  
                     confédération des provinces créerait chez nous  
                     un champ ouvert à l'éducation et au talent,—un  
                     champ reculant ses limites tous les ans, et dont  
                     nous ne pouvons pas aujourd'hui nous former une  
                     idée. Le barreau, par exemple, serait ouvert à  
                     tous; la législature centrale créerait une immense  
                     arène où pourraient venir s'exercer les aptitudes  
                     de nos politiques,—les plus hautes dignités de la  
                     magistrature et de l'administration seraient ouvertes aux habitants de Terreneuve
                     comme aux  
                     Canadiens ou aux habitants de la Nouvelle- Ecosse,—et j'espère qu'on les trouverait
                     parfaitement qualifiés, sous le rapport de l'éducation, à  
                     figurer à côté de ceux-ci, leurs concitoyens confédérés, et placés, pour mériter les
                     récompenses que  
                     la confédération leur offriraient, sur un pied de  
                     parfaite égalité. Je crois sincèrement qu'ils pourraient prétendre à tout cela, car
                     mon expérience  
                     me dit que la jeunesse de ce pays est douée de  
                     talents aussi distigués et d'aptitudes aussi grandes;  
                     et je n'ai vu dans aucune contrée européenne des  
                     élèves s'acquitter mieux de leur tâche (et dans  
                     bien des cas, ils s'en acquittaient bien moins bien)  
                     
                     
                     
                     qu'ils ne l'ont fait aux examens préparatoires et  
                     au présent examen. Voilà, autant que je puis me  
                     le rappeler, les remarques que je fis relativement  
                     au fait, immédiat ou futur, de la confédération  
                     des provinces."  
                    
               
               
               
               Ainsi, pendant que les hon. députés veulent effrayer le Bas-Canada en disant que 
                  
                  notre religion et notre nationalité sont en  
                  danger, voici un archevêque et un évêque  
                  qui se déclarent fortement en faveur de la  
                  confédération, et qui n'y voient aucun danger  
                  pour leurs ouailles. Et l'on sait que de même  
                  qu'ici tout le corps respectable et respecté du  
                  clergé, depuis les chefs jusqu'au dernier de  
                  ceux qui les suivent, sont en faveur de la  
                  confédération. Mais l'hon. député pour  
                  Hochelaga, afin d'effrayer le Bas-Canada, a  
                  dit que nous aurions bientôt une union  
                  législative, et que dans ce cas les 50 députés  
                  Canadiens-Français du Bas-Canada s'uniraient à la majorité du parlement fédéral  
                  afin d'entraver le fonctionnement du gouvernement fédéral. Eh bien! c'est là la  
                  meilleure preuve que nous n'avons rien  
                  à craindre et qu'il n'y a aucun danger  
                  pour nous sous la confédération. L'histoire  
                  est là pour prouver qu'il y aura toujours une  
                  opposition, et que si l'on veut opprimer une  
                  section de la confédération, ses représentants  
                  s'allieront en masse à la minorité, et, devenant  
                  par là la majorité, empêcheront toute injustice de la part du gouvernement central.
                  Je  
                  remercie l'hon. député d'avoir fourni malgré  
                  lui cet argument eu faveur de la confédération.  
                  L'hon. député a ensuite fait un appel aux  
                  passions nationales et aux jalousies de races.  
                  Il a dit que la minorité protestante du Bas- Canada devait chercher à se protéger
                  contre  
                  la majorité de cette section. Je le répète,  
                  il a dit cela en anglais et ne le répéterait pas  
                  en français. Mais, comment la minorité a-t- elle été traitée dans le Bas-Canada, quand
                  il  
                  avait son parlement distinct? La majorité  
                  canadienne-française ne s'est-elle pas toujours montrée libérale envers nos compatriotes
                  d'origine et de religion différentes des  
                  nôtres? Dieu merci! notre race n'est pas  
                  persécutrice, et elle a toujours été libérale et  
                  tolérante. L'hon. député pour Lotbinière,  
                  (M. JOLY), a aussi fait appel aux passions  
                  religieuses et nationales de la minorité  
                  anglaise du Bas-Canada, mais il aurait dû  
                  se rappeler qu'il n'y a pas plus de danger  
                  pour la race Anglaise dans le Bas-Canada  
                  que pour les autres, et qu'il était le dernier  
                  membre de la chambre qui aurait dû faire  
                  appel aux préjugés religieux et nationaux...  
               
               
               391
               
               
               
               M. JOLY.—M. le PRÉSIDENT, je demande la permission de rectifier l'hon.  
                  membre.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. JOLY.— Mais chaque membre a le  
                  droit de rectifier un autre, lorsqu'on lui fait  
                  dire le contraire de ce qu'il a dit.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—M. le  
                  PRÉSIDENT, je rappelle l'hon. membre à  
                  l'ordre. Je ne lui ai pas reproché d'avoir fait  
                  un discours de trois heures; je ne l'ai pas interrompu pendant qu'il parlait, et par
                  conséquent je ne veux pas être interrompu. Je  
                  ne veux pas lui faire dire des choses qu'il  
                  n'a pas dites, mais je veux faire voir qu'il a  
                  fait un appel aux Anglais du Bas-Canada  
                  pour les engager à refléchir sur le sort de  
                  leur race et de leur religion lorsqu'il a lu un  
                  extrait du rapport de lord DURHAM; l'hon.  
                  membre a eu le soin de ne le lire qu'en  
                  anglais.  
  
               
               
               
               M. JOLY. — Je proteste contre les paroles  
                  de l'hon. député, et je demande à m'expliquer.  
  
               
               
               
               M. J. B. E. DORION—Ce n'est pas  
                  exact; l'hon. député pour Lotbinière n'a  
                  pas fait d'appel aux passions religieuses.  
  
               
               
               
               M. JOLY —Je demande, M. le PRÉSIDENT,  
                  si l'hon. député a le droit de me faire dire  
                  ce que je n'ai pas dit.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. L'ORATEUR—L'hon. député  
                  pour Lotbinière aura le droit d'expliquer  
                  ses paroles ou de rectifier le soliciteur-général  
                  quand il aura fini de parler.  
  
               
               
               
                
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—L'hon.  
                  député trouve mauvais que l'on attaque un  
                  de ses amis, et pourtant il ne trouvait pas  
                  mauvais ce que l'hon. député pour Lotbinière a dit hier soir contre l'un de mes collègues,
                  l'hon. procureur-général du Bas- Canada. D'ailleurs, je ne veux pas être  
                  interrompu.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. PROC.-GÉN. CARTIER—Vous  
                  pourrez parler quand vous voudrez; vous  
                  parlerez quand votre petit tour viendra, mais  
                  nous ne vous écouterons pas!  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Je dis  
                  
                  
                  
                  donc que l'hon. député pour Lotbinière a  
                  fait un appel aux passions, en cherchant à  
                  faire croire d'un côté que la nationalité  
                  canadienne-française et la religion catholique seraient en danger dans la confédération,
                  et de l'autre côté que la nationalité  
                  anglaise et la religion protestante seraient  
                  en danger dans le Bas-Canada sous un gouvernement local. Il a cité en anglais le 
                  
                  rapport de lord DURHAM pour faire croire  
                  que jamais les Anglais du Bas-Canada ne  
                  consentiraient à se soumettre à une législature dont la majorité serait canadienne-
                  française; mais, pour ma part, je ne crois  
                  pas cela, et je crois qu'ils s'y soumettront,  
                  parce qu'ils seront certains d'être traités  
                  avec justice. Encore une fois, ce n'était pas  
                  à lui de dire cela, parce qu'il est lui-même  
                  élu par un comté tout à fait catholique, qui  
                  n'a pas craint de lui confier ses intérêts. Il  
                  n'aurait donc pas dû faire cet appel, puisqu'il est lui-même la preuve vivante de
                  la  
                  tolérance religieuse et de la libéralité de nos  
                  compatriotes. L'hon. député pour Hochelaga n'aurait pas dû parler non plus comme 
                  
                  il l'a fait dans le même sens, quand on a  
                  vu une grande et importante division électorale—la division des Laurentides—rejeter
                  
                  un vénérable vieillard qui se présentait  
                  pour sa réélection pour le conseil législatif  
                  —un homme qui était dans la vie politique  
                  depuis plus de vingt-cinq ans, pour lui préférer un Anglais protestant (l'hon. M .PRICE),
                  
                  bien qu'il n'y eût pas 1,500 protestants  
                  dans toute la division sur une population  
                  de 50,000 âmes. L'élection du représentant du comté de Mégantic (M. IRVINE)  
                  est encore une nouvelle preuve de la libéralité de nos compatriotes, puisque ce comté
                  
                  est composé en majorité de Canadiens-Français et de catholiques.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Pardon;  
                  sans leurs votes il ne serait pas entré dans  
                  cette enceinte pour ce comté. J'ajouterai,  
                  M. le PRÉSIDENT, que la présence ici de  
                  l'hon. membre pour Shefford (M. HUNTINGTON); celle de l'hon. membre pour  
                  Châteauguay (M. HOLTON), et celle de  
                  plusieurs autres députés, sont la preuve de  
                  la libéralité de nos compatriotes, puisque  
                  ces hon. députés. bien qu'Anglais et protestants, représentent des comtés dont la
                  
                  grande majorité de la population est canadienne-française et catholique. Les Anglais
                  
                  ont toujours été traités avec plus de libéralité  
                  
                  
                  392
                  
                  que l'hon. député pour Hochelaga nous  
                  traiterait peut-être nous-mêmes s'il était au  
                  pouvoir. Nous n'avons pas eu besoin des  
                  hon. députés pour Hochelaga et Lotbinière  
                  pour protéger les minorités dans la conférence; nous avons été les premiers à réclamer
                  
                  justice pour les catholiques du Haut-Canada  
                  et les protestants du Bas-Canada, parce que  
                  nous avons voulu faire une œuvre solide et  
                  non pas bâtir sur le sable un édifice qui  
                  s'écroulerait dès le lendemain. Les Anglais  
                  du Bas-Canada ne s'émeuvront pas aux  
                  appels des hon. députés, car ils savent que  
                  lorsqu'ils auront droit à quelque chose, ils  
                  l'obtiendront sans difficulté et de bon cœur.  
                  Bien que je regrette, M. le PRÉSIDENT, de  
                  retenir cette hon. chambre à une heure  
                  aussi avancée de la nuit, néanmoins, la  
                  question est d'une si haute importance que  
                  je ne pense pas que cette chambre me reprochera de lui avoir fait connaître mes vues
                  à  
                  ce sujet. On me permettra donc de réfuter  
                  une nouvelle assertion de l'hon. député  
                  d'Hochelaga. Cet hon. membre, qui a  
                  trouvé à redire à tout dans le plan de confédération qui nous est soumis, a cru apporter
                  dans le débat un argument irrésistible  
                  en disant que la répartition de la dette était  
                  onéreuse pour le Bas-Canada. Il a ajouté,  
                  pour donner plus de force à cet argument,  
                  que le Bas-Canada était entré dans l'union  
                  avec une dette de quatre cent mille piastres,  
                  et qu'il en sortait avec trente millions à sa  
                  charge, n'ayant dépensé dans l'intervalle que  
                  douze millions de piastres pour les travaux  
                  publics exécutés dans ses limites. Cet  
                  argument est très spécieux. Si notre dette  
                  était de quatre cent mille piastres et qu'aujourd'hui elle soit de trente millions,
                  l'hon.  
                  député devrait admettre que les circonstances aussi ont bien changé. Au temps de 
                  
                  l'Union, notre population ne comptait que  
                  630,000 habitants, et aujourd'hui elle est de  
                  1,250,000. L'hon. membre ne devrait pas  
                  non plus oublier que lors de l'Union notre  
                  territoire ne produisait que vingt-et-un millions de minots de grains, tandis qu'aujourd'hui
                  il en produit plus de cinquante millions;  
                  lors de l'Union, nous n'avions que 1,298  
                  écoles et aujourd'hui nous en comptons 3,600;  
                  à l'Union, ces écoles n'étaient fréquentées  
                  que par 39,000 enfants, tandis qu'aujourd'hui  
                  elles le sont par 200,000 élèves; à l'Union,  
                  les exportations aux ports de Québec et de  
                  Montréal s'élevaient à neuf millions de piastres, aujourd'hui elles s'élèvent à plus
                  de dix- huit millions; à l'Union, le nombre des vais
                  
                  
 
                  
                  seaux construits par année dans nos chantiers  
                  s'élevait à 48 seulement, aujourd'hui il est de  
                  88 et le tonnage en a quadruplé. A l'Union,  
                  nous importions pour dix millions de piastres,  
                  aujourd'hui nous importons pour quarante- cinq millions; à l'Union, nos importations
                  et  
                  exportations s'élevaient à seize millions, tandis  
                  qu'aujourd'hui elles s'élèvent à l'énorme  
                  somme de quatre-vingt-sept millions! Et  
                  c'est en présence de pareils chiffres que l'on  
                  vient nous dire que nous sortons de l'Union  
                  avec une dette de trente millions de piastres!  
                  A l'Union, le revenu de l'impôt sur les billets  
                  de banque, qui indique l'étendue des affaires,  
                  était de deux mille deux cents piastres;  
                  aujourd'hui il est de quinze mille quatre  
                  cent; à l'Union, le nombre des vaisseaux  
                  marchands arrivant à Québec chaque année  
                  était de mille, aujourd'hui il est de seize  
                  cent soixante, et le nombre des vaisseaux  
                  qui visitent tous les ports Bas-Canadiens  
                  est de mille quatre cent soixante-et-trois;  
                  à l'Union, le tonnage de ces vaisseaux  
                  était de deux cent quatre-vingt-quinze mille  
                  tonneaux aujourd'hui pour le port de Québec  
                  il est de huit cent sept mille, et un million  
                  quarante-un mille pour tout le Bas-Canada; à  
                  l'Union, il nous arrivait vingt-cinq mille  
                  matelots par saison, aujourd'hui il nous en  
                  arrive trente-cinq mille. En 1839, le revenu  
                  du Bas-Canada était de cinq cent quatre- vingt-huit mille piastres; en entrant dans
                  la  
                  confédération, quoique nous n'ayons à payer  
                  aucune des dépenses pour affaires générales,  
                  il sera d'un million quatre cent quarante- six mille piastres, c'est-à-dire, qu'il
                  aura sous  
                  la confédération un revenu trois fois aussi  
                  considérable qu'à l'époque de l'Union;  
                  et au lieu d'avoir, comme à cette époque- là, un excédant de dépenses d'environ  
                  quatre-vingt mille piastres sur le revenu,  
                  les dépenses totales du Bas-Canada seront,  
                  sous la confédération, d'environ douze cent  
                  mille piastres, laissant un surplus de plus de  
                  deux cent mille piastres! Si donc notre dette  
                  s'est accrue, nous avons par centre progressé  
                  d'une manière prodigieuse, et nous avons  
                  reçu valeur pour notre argent. Il ne faut pas  
                  oublier non plus que, lors de l'Union du  
                  Haut et du Bas-Canada, ce pays était sans  
                  chemins de fer aucuns; aujourd'hui, il est  
                  sillonné d'une de ses extrémités à l'autre par  
                  l'une des plus belles voies ferrées qu'il y ait  
                  sur ce continent, et avant peu, espérons-le  
                  dans l'intérêt de notre commerce et de notre  
                  sécurité, ce lien de fer reliera l'extrême 0uest  
                  à l'océan Atlantique. (Ecoutez! écoutez!)  
                  
                  
                  393
                  
                  Nous sommes entrés dans l'Union à une  
                  époque où le canal Welland était à peine  
                  commencé; nous en sortons aujourd'hui avec  
                  l'un des plus magnifiques systèmes de canaux  
                  qui soit au monde. Et les lignes télégraphiques donc! Lors de l'Union, la seule  
                  ligne que nous eûssions, était le télégraphe  
                  à boules que chacun de nous a dû voir et  
                  qui reliait la citadelle à l'Ile d'Orléans, et  
                  qui de là communiquait à la Grosse-Ile par  
                  un télégraphe du même genre. Aujourd'hui,  
                  un immense réseau de fils télégraphiques met  
                  en communications quotidiennes et instantanées les districts les plus éloignés des
                  
                  différentes provinces. Nous sortons de l'Union  
                  avec une dette plus élevée que lorsque nous  
                  y sommes entrés; mais nous en sortons avec  
                  un système complet et perfectionné de phares,  
                  de quais, de jetées, de piliers, de glissoires,  
                  enfin, d'une foule d'autres travaux publics  
                  qui ont puissamment contribué a l'établissement et à la prospérité du pays, et qui
                  ont  
                  plus que doublé sa richesse depuis l'Union.  
                  Le Grand Tronc seul, pour les l6 millions  
                  de piastres qu'il a coûté, a contribué  
                  à augmenter la valeur de nos terres pour  
                  des millions et des millions de piastres,  
                  à donner plus de prix à nos produits agricoles qui sont ainsi plus facilement transportés
                  sur nos marchés, et a fait dépenser  
                  au milieu de nous plus de soixante-dix  
                  millions de piastres pour sa construction  
                  seule. Oui, M. le PRÉSIDENT, si nous sommes  
                  entrés dans l'Union avec une dette de quatre  
                  cent mille piastres et qu'aujourd'hui nous  
                  en sortions avec une dette de trente millions de piastres, nous pouvons encore  
                  montrer ce que nous avons fait de cet  
                  argent, par les immenses territoires de terres  
                  incultes qui sont couverts de riches moissons,  
                  et qui ont retenu au pays, non pas tous les  
                  fils des cultivateurs de nos campagnes, mais  
                  du moins un très grand nombre d'entre eux  
                  qui, sans ces améliorations, auraient émigré  
                  en foule chez nos voisins. Sous la confédération, nous aurons le contrôle de nos terres
                  
                  et nous pourrons les établir et les développer  
                  de manière à conserver au milieu de nous  
                  tous ces jeunes gens appartenant à l'une ou  
                  l'autre origine, qui vont trop souvent porter  
                  à l'étranger leurs bras, leur énergie et leur  
                  dévouement. Nos terrains miniers, si riches  
                  et si productifs, et dont l'exploitation vient à  
                  peine d'être commencée, seront aussi une  
                  source de revenus énormes pour le pays et  
                  contribueront beaucoup à augmenter le  
                  chiffre de notre population en fixant au  
                  
                  
                  
                  Canada bien des hommes qui auraient été  
                  chercher fortune ailleurs; et je suis d'autant  
                  plus confiant qu'il en sera ainsi que la Providence a voulu joindre à ses autres bienfaits
                  
                  à notre égard la possession des mines les  
                  plus riches et peut-être les plus abondantes  
                  du monde. Quant à nos pêcheries, elles  
                  étaient à peine exploitées lors de l'Union, et  
                  aujourd'hui, bien qu'elles pussent l'être  
                  davantage, il est de fait cependant que tous  
                  les ans elles prennent un développement  
                  prodigieux, et sont destinées dans un avenir  
                  très rapproché à être une source de revenu  
                  immense pour le pays. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Il y aurait encore, M. le PRÉSIDENT, bien  
                  d'autres points de vue sous lesquels nous  
                  pourrions envisager les avantages que nous  
                  avons retirés de l'Union des Canadas, en  
                  compensation des sacrifices que nous nous  
                  sommes imposés. Ainsi, nous pourrions  
                  examiner dans quelle position politique nous  
                  nous trouvions à cette époque-là. Nous  
                  verrions que nous venions de sortir d'une  
                  crise terrible, durant laquelle le sang avait  
                  coulé sur les champs de bataille et ailleurs;  
                  notre constitution avait été suspendue, et le  
                  pays entier avait été témoin de scènes telles  
                  que ce pays, jusque-là si paisible et comparativement si heureux, n'en avait jamais
                  
                  vu de semblables. Aujourd'hui, nous avons  
                  le gouvernement responsable, qui est une des  
                  plus belles institutions de l'Angleterre, où il  
                  a en sa faveur l'épreuve des siècles. Cette  
                  grande garantie constitutionnelle, nous l'emportons avec nous dans la confédération
                  dans  
                  laquelle nous entrons avec la paix, la prospérité et le bonheur au milieu de nous,
                  et  
                  avec la conviction de rendre cette paix, cette  
                  prospérité et ce bonheur plus grands et plus  
                  durables encore; nous y entrons avec l'ambition légitime et patriotique de placer
                  notre  
                  pays dans une position plus digne de notre  
                  population, et plus importante et plus respectable aux yeux des étrangers.—L'hon.
                  
                  député d'Hochelaga ne s'est pas contenté  
                  de faire un retour sur le passé, mais il a  
                  aussi fait allusion à la constitution des cours  
                  dans le Bas-Canada sous la confédération. Il  
                  a dit qu'il ne comprenait pas la signification  
                  de l'article des résolutions qui laisse au gouvernement central la nomination des
                  juges,  
                  tandis qu'un autre article veut que la  
                  formation et le maintien des cours soient  
                  confiés au parlement local. L'hon. membre  
                  aurait dû remarquer que, par les pouvoirs  
                  conférés aux gouvernements locaux, le Bas- Canada conservera tous ses droits civils,
                  
                  
                  
                  394
                  
                  comme l'indique le 17e paragraphe de la  
                  clause 43e, qui se lit comme suit:  
  
               
               
               
               
                  
                  "17.—L'administration de la justice, y compris  
                     la constitution, le soutien et l'organisation des  
                     cours de jurisdiction civile et criminelle, ainsi que  
                     la procédure en matière civile, sera sous le contrôle  
                     des législatures locales."  
  
               
               
               
               C'est un privilége qui nous a été accordé,  
                  et ne nous conservons, parce que nos lois  
                  civiles sont différentes de celles des autres  
                  provinces de la confédération. Cette exception, comme bien d'autres, a été expressément
                  faite pour nous protéger, nous, Bas- Canadiens. Nous avons voulu ainsi, nous,  
                  représentants du Bas-Canada dans la conférence, garder et maintenir sous le contrôle
                  
                  de notre législature locale la constitution et  
                  l'organisation de nos cours de justice tant  
                  civiles que criminelles, afin que cette législature eût le contrôle absolu sur ces
                  cours et  
                  le pouvoir de les établir ou de changer le  
                  système si elle le jugeait nécessaire. Mais,  
                  d'un autre côté, la nomination des juges de  
                  ces cours devait être donnée, comme elle  
                  l'est, au gouvernement central, et la raison  
                  de cette disposition est toute simple, toute  
                  naturelle et très juste. Dans la confédération, il y aura, en effet, le parlement
                  
                  central et les législatures locales. Eh  
                  bien! je le demande à tout homme raisonnable, à tout homme d'expérience, pense-t-il
                  
                  qu'avoir l'ambition que devront avoir tout  
                  naturellement les hommes les plus marquants  
                  et les plus capables, de se produire sur un  
                  théâtre plus grand et plus digne de leurs  
                  talents, ces hommes consentiront à faire plutôt  
                  partie des législatures locales que du parlement fédéral? N'est-il pas plus probable,
                  
                  n'est-il pas plus raisonnable de penser  
                  qu'ils voudront paraître et briller sur le plus  
                  grand théâtre, sur celui où ils pourront rendre  
                  le plus de services à leur pays et où les  
                  récompenses de ces services seront plus  
                  grandes? Oui, ces hommes iront de préférence dans la législature centrale, et parmi
                  
                  eux les avocats les plus distingués ne seront  
                  pas les derniers. On reproche souvent aux  
                  hommes de cette profession d'entrer dans  
                  notre parlement pour s'y emparer de la représentation. S'il en est ainsi a présent,
                  peut- on supposer qu'ils n'en feront pas autant,  
                  sous la confédération? Laisser aux législatures locales la nomination nos juges, c'est
                  
                  donc exposer les gouvernements locaux à  
                  une pression funeste exercée par le premier  
                  avocat venu ayant quelque influence dans la  
                  chambre locale. Pour se débarrasser d'un  
                  
                  
                  
                  membre incommode, qui aurait à sa suite  
                  trois ou quatre partisans, on verrait un gouvernement local prendre cet incommode
                  
                  avocat de deuxième, troisième ou quatrième  
                  ordre pour le placer sur le banc judiciaire;  
                  tandis qu'en laissant ces nominations au  
                  parlement central, nous sommes assurés que  
                  les choix se feront parmi les hommes les  
                  mieux qualifiés, que la pression extérieure  
                  et locale sera moindre, et que le gouvernement pourra agir plus librement. Il est
                  bon  
                  de remarquer, en passant, que, dans la constitution proposée, il y a un article qui
                  porte  
                  que les juges des cours du Bas-Canada seront  
                  choisis parmi les membres du barreau de cette  
                  section. Cette exception n'a été faite que  
                  pour le Bas-Canada, et elle est une magnifique garantie pour ceux qui craindraient
                  le  
                  système projeté. D'ailleurs, l'hon. député  
                  d'Hochelaga, qui croit voir un danger dans  
                  les pouvoirs donnés au gouvernement central,  
                  sait par expérience, comme ancien ministre, que dans toute nomination de juge le 
                  
                  cabinet consulte toujours les ministres de  
                  la section pour laquelle cette nomination  
                  doit avoir lieu, et accepte leur choix. La  
                  même pratique sera nécessairement suivie  
                  par le gouvernement central, qui se trouvera  
                  forcé de la respecter, car derrière les ministres de chaque section se trouveront
                  les  
                  députés de cette section, et derrière nos  
                  ministres Bas-Canadiens il y aura les 65  
                  membres que nous aurons envoyés pour  
                  représenter et sauvegarder nos intérêts dans  
                  le parlement fédéral. Il était donc bon, et il  
                  n'y avait pas de danger pour nous, que les  
                  juges fûssent nommés par le gouvernement  
                  central; c'était même notre intérêt et l'intérêt  
                  de tous qu'il en fût ainsi. Et, bien que cela  
                  soit une considération secondaire, il est  
                  cependant utile de mentionner qu'en laissant  
                  la nomination de nos juges au gouvernement  
                  fédéral, nous gagnons cent mille piastres qui  
                  devront être payées pour ce service par le  
                  pouvoir central. Cette considération peut  
                  avoir son importance auprès de l'hon. député  
                  d'Hochelaga qui crie si fort, pour effrayer la  
                  population, que nous serons obligés de recourir à la taxe directe pour défrayer les
                  dépenses  
                  de notre législature locale.—Malgré l'heure  
                  très avancée de la soirée, je ne puis passer  
                  sous silence une autre remarque de l'hon.  
                  député, que je prie de vouloir bien me prêter  
                  son intention plus particulière dans ce moment. L'hon. membre a demandé au gouvernement
                  ce que voulait dire le mot " mariage," placé dans la constitution. Il a voulu  
                  
                  
                  395
                  
                  savoir si le gouvernement entendait laisser  
                  au gouvernement central le soin de décider  
                  à quel âge, par exemple, le mariage pourrait  
                  être contracté. Je vais répondre à l'hon.  
                  membre aussi catégoriquement que possible;  
                  car je tiens à être compris non seulement  
                  de cette Chambre, mais de tous ceux qui au  
                  dehors pourront lire le compte-rendu de cette  
                  séance. D'abord, je dois établir que les droits  
                  civils se trouvent former partie de ceux  
                  qui, par l'article 43 (paragraphe 15) des  
                  résolutions, sont garantis au Bas-Canada.  
                  Ce paragraphe se lit comme suit:—" 15. La  
                  propriétéet les droits civils, moins ce qui est  
                  attribué à la législature fédérale." Eh bien!  
                  parmi ces droits se trouvent toutes les lois  
                  civiles du Bas-Canada, parmi lesquelles il y  
                  a la question du mariage. Et il était important qu'il en fût ainsi sous le système
                  proposé.  
                  Aussi, les membres du Bas-Canada dans la  
                  conférence ont-ils pris grand soin de faire  
                  réserver à la législature locale ce droit  
                  important, et, en consentant à mettre le mot  
                  " mariage " après le mot " divorce," les  
                  conférendaires n'ont pas entendu ôter d'une  
                  main à la législature locale ce qu'ils lui  
                  avaient donné de l'autre. Aussi ce mot  
                  " mariage," placé où il l'est dans les pouvoirs  
                  du parlement central, n'a pas la signification  
                  étendue que voudrait lui donner l'hon. membre. Et afin d'être plus explicite, je vais
                  lire  
                  comment ce mot " mariage" doit être entendu  
                  ici:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Le mot mariage a été placé dans la rédaction  
                     du projet de constitution, pour attribuer à la  
                     législature fédérale le droit de déclarer quels seront  
                     les mariages que devront être considérés comme  
                     valides dans toute l'étendue de la confédération,  
                     sans toucher pour cela, le moins du monde, aux  
                     dogmes ni aux rites des religions auxquelles appartiennent les parties contractantes."
                     
  
               
               
               
               C'est là un point important, et les députés  
                  Canadiens-Français doivent être heureux de  
                  voir que leurs compatriotes dans le gouvernement n'ont point failli à leur devoir
                  sur  
                  une question aussi majeure. Il va sans dire  
                  que, sur bien d'autres points, plusieurs  
                  d'entre eux n'admettront pas que nous ayons  
                  aussi bien rempli notre devoir; mais sur le  
                  point en question, nous ne pouvons différer,  
                  car nous avons tous une règle commune, et,  
                  je le répète, ils doivent être heureux que  
                  leurs co-religionnaires dans la conférence ne  
                  se soient pas oubliés en cette occasion. Le  
                  fait est que le tout consiste en ceci: que le  
                  parlement central pourra décider que tout  
                  mariage contracté dans le Haut-Canada, ou  
                  
                  
                  
                  dans toute autre province confédérée, d'après  
                  la loi du pays où il aura été contracté, quand  
                  bien même cette loi serait différente de la  
                  nôtre, sera considéré comme valide dans  
                  le Bas-Canada, au cas où les conjoints viendraient y demeurer, et vice versâ.  
 
               
               
               
                
               
               
               
                
               
               
               
               M. ARCHAMBAULT—Je demanderai  
                  à l'hon. solliciteur-général si un mariage contracté aux Etats-Unis devant un magistrat,
                  
                  et non suivant les lois canoniques, serait  
                  considéré comme valide dans le Bas-Canada?  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Il le  
                  serait au point de vue civil, s'il était contracté d'après les lois de l'Etat dans
                  lequel  
                  il aurait été célébré.  
  
               
               
               
               M. GEOFFRION—Si un mariage contracté aux Etats-Unis, suivant la loi du  
                  pays, est bon ici, à plus forte raison un  
                  mariage contracté dans une province britannique, suivant la loi du pays, doit être
                  
                  bon; par conséquent, l'explication de l'hon.  
                  solliciteur-général ne doit pas être reçue, en  
                  la résolution est inutile.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—L'hon.  
                  député de Verchères ne veut pas être convaincu; aussi je ne me donnerai pas la  
                  tâche de le convaincre. La résolution en  
                  question signifie ce que je viens de dire.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Je vous  
                  demande pardon; elle signifie qu'un mariage  
                  contracté dans n'importe quelle partie de  
                  la confédération sera valide dans le Bas- Canada, s'il est contracté suivant les lois
                  
                  du pays où il aura au lieu; mais aussi qu'un  
                  mariage contracté dans une province contrairement à ses lois, quoique conforme aux
                  
                  lois d'une autre province, ne sera pas considéré comme valide.—Passons maintenant
                  
                  au divorce. Nous n'entendons pas établir  
                  ni reconnaître un droit nouveau; nous n'entendons pas admettre une chose que nous
                  
                  avons toujours refusé de reconnaître; mais,  
                  dans la conférence, il s'est agi de déterminer  
                  à quelle législature appartiendraient les  
                  les différents pouvoirs qui se trouvent dans les  
                  constitutions des différentes provinces. Or,  
                  parmi ces pouvoirs qui ont été exercée de  
                  fait et à bien des reprises, se trouvait celui  
                  du divorce. Comme membre de la conférence, sans admettre ou créer un droit nouveau,
                  et tout en déclarant comme je le fais  
                  
                  
                  396
                  
                  en ce moment que, comme catholiques, nous  
                  ne reconnaissons pas le divorce, nous avons  
                  dû déterminer le corps législatif auquel serait  
                  laissé ce pouvoir que nous trouvions dans  
                  nos constitutions. Après mûre délibération  
                  nous résolûmes de le laisser à la législature  
                  centrale, croyant par là rendre moins facile  
                  une procédure qu'il est si aisé aujourd'hui  
                  d'exécuter. Nous avons cru, comme nous  
                  le croyons encore, avoir agi sagement en  
                  cela. La comparaison suivante le prouve  
                  encore mieux. Toute la chambre sait combien l'hon. député de Brome (M. DUNKIN) est
                  
                  un zélé partisan de la cause de la tempérance. Eh bien! supposons le cas où cet hon.
                  
                  monsieur se trouverait faire partie d'un  
                  conseil municipal, et qu'il s'agirait de décider que toutes les auberges, qui se trouveraient
                  dans une partie très populeuse de la  
                  paroisse et qu'il ne pourrait supprimer,  
                  fussent reléguées dans un autre endroit reculé  
                  de la paroisse, là où ces auberges ne seraient pas une cause de tentation immédiate,
                  
                  ne voterai-t-il pas pour qu'elles le fussent?  
                  Ne les enverrait-il pas à l'endroit où elles  
                  seraient le moins accessibles à la population,  
                  et ne croirait-il pas avoir fait là un acte  
                  méritoire et digne d'un bon ami de la tempérance? Eh bien! pour la question du  
                  divorce, le cas est exactement le même. Nous  
                  l'avons trouvé, ce pouvoir, dans la constitution  
                  des différentes provinces, et ne pouvant le  
                  supprimer, nous avons décidé qu'il serait  
                  relégué aussi loin de nous que possible. D'un  
                  autre côté, il n'y a pas à se cacher que, bien  
                  que nous, comme catholiques, nous n'admettions pas le divorce, bien que nous croyions
                  
                  que le lien du mariage est indissoluble,  
                  néanmoins il y a des cas où nous admettons  
                  et demandons la nullité du mariage,—par  
                  exemple, la nullité du mariage contracté à  
                  des degrés prohibés sans les dispenses nécessaires. Nous en avons eu un exemple dernièrement.
                  ll y a à peine quelques mois, un  
                  individu de mon comté qui s'était marié avec  
                  une jeune fille d'une paroisse voisine, et ne  
                  connaissait pas, lorsqu'il s'était marié, la  
                  parenté qui existait entre lui et sa conjointe,  
                  découvrit après plusieurs mois de mariage  
                  qu'il existait entre eux un degré de parenté  
                  qui exigeait une dispense de l'évêque,  
                  dispense qui n'avait pas été obtenue. Il en  
                  parla à sa conjointe, qui refusa de demander  
                  dispense, et par-là même de faire célébrer  
                  le mariage légalement. Il fallut donc songer  
                  à annuler le mariage. L'affaire fut portée  
                  devant la cour ecclésiastique, et, après une  
                  
                  
                  
                  minutieuse enquête, l'évêque diocésain porta  
                  son jugement par lequel il déclarait le  
                  mariage nul, canoniquement parlant. Mais  
                  au point de vue civil, le mariage était valide  
                  jusqu'à ce qu'il fût déclaré nul par un tribunal civil. Il fallut porter la cause
                  devant la  
                  cour supérieure, et mon hon. ami le député  
                  de Beauce, qui prit la cause en mains avec  
                  son zèle et sa capacité ordinaires, obtint de  
                  la cour, après enquête convenable, un jugement déclarant le mariage nul au point de
                  
                  vue civil, et ordonnant qu'il fût enregistré  
                  partout où besoin serait. Si cette affaire se  
                  fût présentée dans le Haut-Canada, quel  
                  aurait été le mode à suivre? Les conjoints  
                  étant catholiques, la cause aurait été portée  
                  devant l'évêque qui aurait aussi déclaré le  
                  mariage nul, après enquête convenable;  
                  mais il n'en aurait pas été ainsi des cours  
                  civiles, surtout s'il se fût agi de certains  
                  empêchements reconnus dans le Bas-Canada,  
                  mais qui ne le sont pas dans le Haut-Canada.  
                  Il aurait fallu aller demander au parlement  
                  un acte qui, au point de vue catholique,  
                  n'aurait été qu'une séparation, mais qui,  
                  pour le parlement, aurait été appelé un acte  
                  de divorce. Ce pouvoir d'accorder une sépation est donc nécessaire au parlement, qu'on
                  
                  l'appelle d'un nom ou d'un autre, et l'on ne  
                  doit pas nous reprocher l'interprétation que  
                  d'autres peuvent donner à ce mot différente  
                  de celle que nous lui donnons.—J'ai tenu à  
                  expliquer ce point, parce que je ne veux  
                  pas que l'on puisse dire que nous n'osons pas  
                  expliquer notre position à l'égard de la  
                  question du divorce et du mariage, et je crois  
                  avoir fait voir que cette position s'accorde  
                  avec nos lois religieuses et nos principes  
                  comme catholiques.—Je regrette beaucoup  
                  d'avoir parlé si longtemps de ce qu'a dit  
                  l'hon. député d'Hochelaga: mais après son  
                  discours et dans sa position, il devait s'attendre à une réponse. Et maintenant que
                  
                  j'en ai fini avec lui, j'en viens à l'hon.  
                  député de Lotbinière (M. JOLY). Cet hon.  
                  député a cherché à prouver que toutes les  
                  confédérations mouraient de consomption,  
                  et il a cité à l'appui de son argument l'état  
                  politique des républiques espagnoles de  
                  l'Amérique Centrale. Pourquoi n'a-t-il rien  
                  dit de la confédération germanique? S'il en  
                  eût parlé, il aurait été obligé d'avouer qu'elle  
                  avait réussi. Il aurait dit aussi que c'est  
                  une confédération monarchique, composée de  
                  31 Etats, dont les chefs sont presque tous des  
                  rois, des princes ou des électeurs. Il n'y a  
                  que quatre ou cinq Etats qui ne soient pas  
                  
                  
                  397
                  
                  monarchiques, et cependant cette confédération fonctionne bien.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Oui;  
                  mais ils ont fait ce que nous allons faire ici.  
                  Pour faire face aux grandes puissances, pour  
                  n'être pas à la merci du premier venu, ils se  
                  sont unis, parce qu'ils ont compris que l'union  
                  fait la force. L'hon. député de Lotbinière,  
                  lorsqu'il a parlé de la faiblesse des confédérations, aurait dû aussi se rappeler
                  ce qui est  
                  arrivé en Italie, il n'y a que quelques  
                  années. Il aurait dû se rappeler les conquêtes de GARIBALDI, et refléchir que s'il
                  
                  avait réussi à conquérir un nombre de petits  
                  Etats et même le royaume de Naples au  
                  profit du roi de Sardaigne, c'était parce que  
                  les Etats italiens, divisés comme ils l'étaient,  
                  étaient trop faibles pour résister à une invasion, mais que s'ils eûssent été confédérés,
                  
                  jamais GARIBALDI ni VICTOR-EMMANUEL  
                  n'auraient réussi à s'en emparer. Et lorsque  
                  les petits Etats italiens ont été réunis au  
                  Piémont, qu'est-il arrivé? Il est arrivé que  
                  GARIBALDI, du moment où il a cherché à  
                  faire des conquêtes pour son propre compte,  
                  s'est aperçu que les petits Etats étaient  
                  disparus, qu'un grand Etat s'était formé de  
                  leurs débris,—et la conséquence a été qu'il  
                  s'est fait battre à Aspromonte.—L'hon. député de Lotbinière a dit que les liens qui
                  
                  nous uniraient à la métropole sous la confédération seraient des liens de papier,
                  et que  
                  les Haut-Canadiens détesteraient les Bas- Canadiens.  
  
               
               
               
               M. GEOFFRION—Il n'a pas dit que cela  
                  aurait lieu, mais que ce pourrait être une  
                  conséquence de la confédération.  
  
               
               
               
               L'
HON. SOL.-GÉN. LANGEVIN—Pourquoi  
                  serait-ce une conséquence de la confédération? Il ne se décidera, dans le parlement
                  
                  fédéral, que des affaires générales; il n'y  
                  aura pas d'affaires locales ni de questions de  
                  race, de religion ou d'institutions particulières aux différentes provinces, et, par
                  conséquent, il n'y a pas à craindre de conflit à  
                  propos de ces questions. Cette crainte est  
                  donc futile.—L'hon. membre a encore dit  
                  que cette confédération devait nous désunir  
                  plutôt que nous unir, que la guerre civile  
                  s'en suivra, et que les Haut-Canadiens aimeront mieux s'annexer aux Etats-Unis que
                  se  
                  soumettre aux Bas-Canadiens. Pour ma  
                  part, je ne crois pas cela, et je crois les  
                  Haut-Canadiens trop loyaux pour jamais  
                  désirer l'annexion aux Etats-Unis; ils sont  
                  bien prêts à commercer avec leurs voisins,  
                  
                  
                  
                  et à entretenir de bons rapports avec eux,  
                  mais ils ne désirent pas s'annexer à eux.  
                  L'hon. député de Lotbinière, laissant là ses  
                  craintes et ses prédictions, a posé, à propos  
                  des 65 membres du Bas-Canada, cette question-ci: " Supposons, a-t-il dit, que la population
                  du Bas-Canada augmente de 34 pour  
                  cent en dix ans, et que celle des autres provinces augmente de 30 pour cent, ne serait-
                  il pas injuste pour le Bas-Canada que le  
                  nombre de ses représentants reste stationnaire, reste au nombre de 65, pendant que
                  
                  celui des autres provinces augmentera, et  
                  que, dans tous les cas, le nombre des  
                  représentants des autres provinces ne sera  
                  pas diminué, à moins que sa population ne  
                  diminue de cinq pour cent?" Ce point est trés  
                  important, mais il faut remarquer que, quelle  
                  que soit l'augmentation de population des  
                  autres provinces, la part du Bas-Canada est  
                  certaine et connue. Ainsi, par exemple, si  
                  la population du Haut-Canada augmente  
                  en plus grande proportion que celle du Bas,  
                  celui-ci aura toujours 65 membres, les autres  
                  provinces recevant à leur représentation  
                  l'addition à laquelle leur donnera droit leur  
                  augmentation. Mais les résolutions n'empéchent pas que le Bas-Canada ait plus de 
                  
                  65 représentants, si l'augmentation de sa  
                  population est plus rapide que celle des  
                  autres provinces. La traduction française  
                  de ces résolutions est fautive, car elle dit  
                  que pour les fins de la répartition de la  
                  représentation de chaque province, après  
                  chaque recensement décennal, " le Bas- Canada n'aura jamais ni plus ni moins que 
                  
                  65 représentants," tandis que la version  
                  anglaise des résolutions, qui est la version  
                  officielle, dit: 
"Lower Canada shall always  
                     be assigned sixty-five members." C'est-à- dire que " le Bas-Canada aura toujours 65  
                  membres." Cela ne veut pas dire que le  
                  Bas-Canada ne pourra pas avoir plus de 65  
                  députés, mais qu'il ne pourra pas en avoir  
                  moins de 65. Et c'est la une réponse catégorique à l'objection de l'hon. membre. Si
                  
                  l'hon. membre pour Lotbinière était ici, je  
                  lui répondrais sur d'autres points; mais je  
                  ne veux pas l'attaquer comme il a attaqué  
                  hier soir l'hon. procureur-général Est. L'hon.  
                  membre a comparé la conduite du procureur- général, en proposant la confédération,
                  à  
                  celui qui, ayant une banque d'épargne où  
                  chacun viendrait déposer ses épargnes, parce  
                  que chacun croirait à sa probité, leur ferait  
                  un bon jour défaut et trahirait leur confiance  
                  en les ruinant. Il a dit que la probité du  
                  
                  
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                  procureur-général du Bas-Canada avait cédé  
                  à la tentation des honneurs, des titres et des  
                  places, et qu'il avait oublié tous ses devoirs  
                  et vendu ses concitoyens. Je ne veux pas  
                  rétorquer contre l'hon. membre; mais il me  
                  sera permis de donner suite à la comparaison  
                  de l'hon. membre, et de dire qu'en effet  
                  l'hon. procureur-général a ouvert une banque  
                  d'épargnes et a invité chacun à y déposer  
                  ses titres et ses épargnes. Aussi, un jour,  
                  vit-on les seigneurs et les censitaires venir  
                  lui apporter leurs titres, leurs terres et tous  
                  leurs intérêts. L'hon. procureur-général les  
                  a reçus et déposés à sa banque, et quand il  
                  lui a fallu les rendre, quand on lui en a  
                  demandé compte, il a payé comme jamais  
                  homme n'avait payé avant lui: au lieu de  
                  remettre aux censitaires des titres de propriétés gravées de charges, de lods et ventes
                  
                  et de corvées, il leur a rendu des propriétés  
                  libres de toutes ces charges; et, en même  
                  temps, il a présenté aux seigneurs la valeur  
                  pleine et entière de leurs droits seigneuriaux;  
                  et si aujourd'hui il y a des seigneurs qui  
                  ont des cent mille acres de terre en pleine  
                  propriété, et s'ils peuvent évaluer ces terres  
                  à huit piastres par acre, ils doivent en rendre  
                  grâce à l'hon. procureur-général du Bas- Canada. Les plaideurs sont venus à leur 
                  
                  tour; les frais énormes les accablaient, ils ne  
                  pouvaient obtenir justice; ils sont allés  
                  déposer leurs dossiers à la banque du procureur-général, et il les leur a rendus en
                  leur  
                  donnant la décentralisation judiciaire et  
                  diminuant les frais de justice. Voilà comment  
                  il a mérité le respect et la reconnaissance de  
                  ses concitoyens. Il a fait la même chose à  
                  l'égard des habitants des townships, et, en  
                  échange de leur droit civil douteux, il leur  
                  a donné une loi civile qui régit tout le Bas- Canada, les townships comme les seigneuries;
                  et tous ont rendu justice au procureurgénéral de les avoir fait sortir du chaos judiciaire
                  dans lequel ils étaient. Enfin, les  
                  plaideurs, les avocats, le public tout entier  
                  sont allés déposer leurs plaintes à la banque  
                  du procureur-général, et après cinq ans il  
                  leur a donné un code civil qui fera honneur au Bas-Canada, et honneur aux trois  
                  codificateurs distingués choisis par l'hon.  
                  procureur-général, dont il transmettra le  
                  nom à la postérité. Oui, son nom est attaché  
                  à cette œuvre, et ce ne seront pas les  
                  attaques de l'hon. député de Lotbinière qui  
                  empêcheront ce nom d'aller à nos descendants, entouré du respect de tous ceux qui
                  
                  reconnaissent les services rendus à leur  
                  
                  
                  
                  pays. Mais ce n'était pas pour l'hon.  
                  procureur-général du Bas-Canada assez de  
                  services rendus. Il a vu son pays, au milieu  
                  d'une crise terrible, venir lui confier tous ses  
                  intérêts, tous ses droits, toutes ses institutions, sa nationalité, sa religion, en
                  un  
                  mot tout ce qui lui était le plus cher. L'hon.  
                  procureur-général a tout reçu à sa banque  
                  si sûre et si fidèle, et quand il lui a fallu  
                  rendre ses comptes, il s'est présenté avec  
                  tous ces intérêts, ces droits, ces institutions,  
                  cette nationalité, cette religion, tout ce qui  
                  était cher à ce peuple, et il les a rendus  
                  garantis, protégés et sauvegardés par la confédération de toutes les provinces de
                  l'Amérique Britannique du Nord.—Ainsi, le  
                  banquier a été fidèle, il n'a pas fait défaut à  
                  la confiance que l'on a eue en lui, il a payé  
                  honnêtement ce qu'il devait; riches et  
                  pauvres, seigneurs et censitaires, avocats et  
                  plaideurs, tout le monde a été satisfait, et le  
                  banquier est béni d'une extrémité à l'autre  
                  du pays. L'hon. membre a dit que l'hon.  
                  procureur-général " aurait son jour." Il a  
                  raison; mon hon. collègue aura son jour,  
                  il aura son heure comme feu SIR LOUIS  
                  HYPOLITE LAFONTAINE a trouvé la sienne.  
                  Quand ce citoyen éminent occupait la position qu'occupe aujourd'hui l'hon. procureur-
                  général du Bas-Canada, l'opposition lui prodiguait les mêmes insultes et les mêmes
                  
                  reproches qu'elle adresse aujourd'hui à mon  
                  hon. ami. On l'accusait d'être traître à son  
                  pays; on criait bien haut qu'il vendait ses  
                  concitoyens, qu'il était l'ennemi de sa race.  
                  Cependant, ce défenseur des droits et des institutions du Bas-Canada n'avait d'autre
                  ambition que d'assurer à ses compatriotes la belle  
                  position qu'ils ont occupée depuis. Il a donc  
                  laissé dire les mécontents, et avant de descendre dans la tombe, il a eu le bonheur
                  de  
                  voir reconnaître ses efforts patriotiques et la  
                  noblesse de ses intentions; et quand sa  
                  dépouille mortelle a été conduite au champ  
                  du repos, tous ses concitoyens se sont  
                  empressés d'aller rendre hommage à ce  
                  grand citoyen, bénissant la mémoire de celui  
                  que personne ne considérait plus comme un  
                  traître, mais que tous acclamaient comme un  
                  des grands noms de notre histoire parlementaire. Il en sera de même de l'hon. procureur-général
                  actuel du Bas-Canada. Il aura  
                  son heure, non pas comme l'entend l'hon.  
                  député de Lotbinière, qui se sert de cette  
                  expression comme d'une menace, mais en  
                  conservant cette confiance de ses concitoyens,  
                  qui est pour l'hon. député de Lotbinière une  
                  
                  
                  399
                  
                  chose si incompréhensible. Pour nous, cette  
                  confiance de la part de ses concitoyens est  
                  une chose toute naturelle et que nous  
                  comprenons parfaitement. Toute sa vie,  
                  comme SIR LOUIS HYPOLITE LAFONTAINE,  
                  l'hon. procureur-général actuel du Bas- Canada s'est appliqué à sauvegarder et à 
                  
                  promouvoir les intérêts matériels et religieux  
                  de ses concitoyens, et il vient de couronner  
                  cette œuvre gigantesque par la part si  
                  importante qu'il a prise à la nouvelle  
                  constitution destinée à régir un des plus  
                  grands empires du monde, à cette constitution sous laquelle toutes les races et toutes
                  
                  les croyances trouveront protection et  
                  respect. Il aura son heure, et, comme  
                  son devancier, son nom passera à la postérité comme celui d'un des plus grands  
                  bienfaiteurs de son pays.— Je regrette, M.  
                  le PRÉSIDENT, d'avoir été aussi long, mais  
                  l'importance de la question doit m'excuser  
                  d'avoir peut-être fatigué cette hon. chambre.  
                  Après les longs discours prononcés par l'hon.  
                  député d'Hochelaga et l'hon. député de  
                  Lotbinière, je ne pouvais parler moins longuement, pour réfuter et détruire toutes
                  les  
                  assertions hasardeuses des deux hon.  
                  députés. Avant de reprendre mon siége,  
                  je me permettrai de croire que j'ai démontré  
                  que l'hon. député d'Hochelaga faisait une  
                  fausse prédiction, quand il disait que le jour  
                  où la confédération s'accomplirait, serait un  
                  jour néfaste pour le Bas-Canada. Non, M. le  
                  PRÉSIDENT, la confédération, j'en ai l'intime  
                  conviction, offrira une immuable garantie  
                  pour nos institutions, notre langue et tout ce  
                  que nous avons de plus cher au monde;  
                  sous son égide, nous serons forts contre  
                  l'ennemi commun, notre prospérité marchera à pas de géant, et quand nous disparaîtrons
                  de la scène, nous aurons la consolation de pouvoir transmettre à nos descendants un
                  héritage digne d'un peuple libre.  
                  (Applaudissements.)  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. JOLY —J'ai demandé deux fois, pendant que l'hon. solliciteur-général parlait, la  
                  permission d'expliquer ce que j'avais dit,  
                  parce que je croyais qu'il ne m'avait pas  
                  compris; mais après la manière dont il s'est  
                  conduit à mon égard, en me refusant, à deux  
                  reprises, l'occasion de m'expliquer, je suis  
                  maintenant convaincu qu'il avait parfaitement compris ce que je voulais dire, mais
                  
                  qu'il faisait semblant de ne pas le comprendre.  
                  Je ne veux pas rester sous le coup de l'accu
                  
                  
                  
                  sation qu'il a portée contre moi; je prendrai  
                  la liberté de le rectifier et d'expliquer ce que  
                  j'ai dit hier. Je veux bien que l'on m'accuse  
                  d'imprudence et d'ignorance, mais je ne  
                  veux pas que l'on m'accuse de lâcheté,—et  
                  c'est cette accusation que je trouve dans le  
                  
Journal de Québec de ce matin. L'hon.  
                  député m'a accusé d'avoir fait appel aux préjugés religieux des Canadiens-Français.
                  Je  
                  n'ai pas fait appel à leurs préjugés religieux;—j'ai fait appel à leurs préjugés 
                  
                  nationaux. Je regarde cette question de la  
                  confédération comme fatale aux intérêts du  
                  Bas-Canada, et je considère que c'était là le  
                  seul moyen de briser les liens qui enchaînent  
                  les Canadiens-Français et de les réveiller,  
                  avant qu'il ne soit trop tard. C'est ce que  
                  j'ai fait et je le ferai toujours. Mais je suis  
                  incapable de commettre la lâcheté de faire  
                  appel aux préjugés nationaux des Anglais  
                  après mon appel aux Canadiens-Français,  
                  comme l'hon. député m'en a accusé. Voici  
                  comment j'ai expliqué le passage du rapport  
                  de lord DURHAM: j'ai dit qu'il était impossible que les deux races pussent longtemps
                  
                  vivre en paix; qu'un jour ou l'autre les deux  
                  nationalités se choqueraient; que le juge  
                  serait le parlement fédéral où les Anglais  
                  auraient la majorité et où les Canadiens- Français ne pourraient pas espérer obtenir
                  justice. Je n'ai pas dit que les  
                  Canadiens-Français commettraient des injustices contre les Anglais; mais j'ai dit
                  que  
                  ceux-ci pourraient se plaindre, et que le parlement fédéral serait appelé à décider
                  s'il y  
                  aurait injustice on non, et qu'il fallait se  
                  méfier de ses sympathies. J'ai ajouté que le  
                  parlement fédéral étant composé en majorité  
                  de députés anglais, serait porté à écouter les  
                  Anglais du Bas-Canada plutôt que les Canadiens-Français. Je me suis ensuite basé sur
                  
                  le rapport de lord DURHAM pour prouver  
                  que jamais les Canadiens-Anglais ne se soumettraient volontiers à la majorité du Bas-
                  Canada. Et en citant les deux extraits du  
                  rapport de lord DURHAM, j'ai d'abord lu en  
                  anglais, et ensuite je les ai traduits en français.  
                  Comment peut-on dire, après cela, que je me  
                  suis servi de la langue anglaise pour faire  
                  un appel aux préjugés nationaux des Anglo- Canadiens? C'est ce que je ne puis comprendre.
                  Loin de m'en servir auprès d'eux,  
                  je ne lisais ces passages qu'avec timidité,  
                  parce que je croyais que les Anglais devaient  
                  en rougir. Je n'avais pas besoin de citer  
                  ces passages pour apprendre aux Anglais du  
                  Bas-Canada quels sont leurs sentiments,  
                  
                  
                  400
                  
                  mais je les citais pour les faire connaître  
                  aux Canadiens-Français. Quant au second  
                  passage, je ne pouvais pas le citer pour m'attirer les sympathies des Anglais, puisqu'il
                  était  
                  contre eux! Comment veut-on que j'aie cité  
                  ce passage dans l'intention d'exerter les préjugés nationaux des Anglais? Je n'ai
                  fait  
                  appel ni aux préjugés religieux des Canadiens,  
                  ni aux préjugés nationaux des Anglais.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. CAUCHON—Je n'ai pas dit,  
                  dans le 
Journal, que l'hon. député pour  
                  Lotbinière était lâche; j'ai trouvé qu'il  
                  avait traité la question d'une manière incomplète et sous un faux point du vue.  
                  Quant aux citations du rapport de lord  
                  DURHAM, l'hon. membre n'a pas traduit en  
                  français la partie dans laquelleil disait que  
                  les Anglais ne se soumettraient jamais à une  
                  majorité canadienne-française.  
  
               
               
               
               M. JOLY —J'ai traduit mot pour mot.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. CAUCHON—Je ne l'ai pas  
                  entendu, mais je veux bien le croire. L'hon.  
                  membre dit qu'il avait voulu exciter les  
                  préjugés nationaux des Canadiens-Français;  
                  mais cela ne vaut pas mieux que d'exciter les préjugés religieux. Tout ce  
                  que j'ai dit, c'est que je trouve mal qu'il ait  
                  cherché à soulever les préjugés des uns et  
                  des autres.  
  
               
               
               
               L'
HON. Sol.-Gén. LANGEVIN—Après  
                  les explications données par l'hon. député  
                  de Lotbinière,—et quoiqu'il ait cru devoir  
                  dire, dans un moment d'humeur, qu'il était  
                  convaincu que je savais le contraire de ce  
                  que j'ai prétendu qu'il avait fait,—je dois  
                  croire que j'ai fait erreur à son égard, et qu'il  
                  a traduit ses citations du rapport de lord  
                  DURHAM sans que j'y ai fait attention.  
                  J'accepte sa parole, mais s'il n'eût pas été  
                  de mauvaise humeur, je sais bien qu'il ne  
                  m'aurait pas reproché de l'avoir sciemment  
                  mal représenté.  
  
               
               
               
               M. JOLY—Je me rappelle d'autant  
                  mieux que j'ai traduit ce passage du rapport  
                  de lord DURHAM, que j'ai eu beaucoup de  
                  difficulté à le traduire, ainsi que la chambre  
                  peut s'en rappeler.  
  
               
               
               
               M. DUNKIN —Et même vous ne l'avez  
                  pas traduit très bien, surtout le mot British.  
  
               
               
               
               M. JOLY—Mais puisque l'hon. solliciteur- général a donné des explications et a retiré  
                  ce qu'il avait dit contre moi, je crois de mon  
                  devoir de dire que je regrette de m'être  
                  servi envers lui d'expressions aussi sévères.  
                  (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
               Et la chambre s'ajourne.