EN
🔍

Assemblée Législative, 24 Février 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

450

VENDREDI, 24 février 1865.

Les débats sur la confédération étant repris, la parole est à M. BURWELL, qui se lève et prononce le discours suivant:—
M. l'ORATEUR:— Avant que de laisser une mesure de cette importancc passer dans la chambre, je crois de mon devoir de faire connaître ce que j'en pense. La question de la confédération nest pas tout). à fait nouvelle pour mes électeurs, car depuis la convention réformiste de Toronto, en 1869, la chose leur est devenue familière. Dans les élections générales de 1861, je déclarai dans mon adresse aux électeurs qu'au cas où nous ne pourrions obtenir la représentation basée sur la population, je serais en faveur d'une fédération des deux provinces du Canada ». à chacune desquelles on donnerait un gouvernement local; le gouvernement central aurait la disposition de toutes les choses communes aux deux, et il serait libre aux provinces du golfe aussi bien qu'au territoire du Nord Ouest, lorsqu'ils le jugeraient à propos de se réunir à cette fédération, le tout bien entendu du consentement de la Grande-Bretagne. Je leur tins précisément le même langage aux dernières élections générales de 1863. (Ecoutez! écoutez!) La demande de changements constitutionnels a été si générale et si constante depuis quelque temps en Haut- Canada qu'il eût été, suivant toute apparence, impossible d'ajourner plus longtemps la décision à prendre au sujet de ces difficultés. On essaya à diverses reprises d'obtenir la représentation basée sur le chiffre de la population, mais en vain; et le plus près quon se soit approché, suivant moi, du remède demandé par le Haut-Canada, l'a été par les résolutions de la conférence de Québec maintenant soumises à cette chambre. Toute la question est de savoir maintenant si elles sont acceptables ou non à la population que nous représentons. Je crois que l'application du système fédéral a très-bien réussi sur ce continent, et si nous jetons les yeux sur l'histoire des Etats-Unis, nous ne pouvons manquer de nous convaincre, que comme principe de gouvernement libre, il a été couronné de succès. Je doute même que l'histoire nous donne, dans les circonstance ordinaires, un tel exemple de succès et de prospérité. Car les troubles qui ravagent ce malheureux pays aujourd'hui, ne âoivent doivent aucunement, suivant moi, être mis sur le compte de la forme de son gouvernement; non, j'attribue la guerre qui y règne ». à d'autres causes qui auraient pu également exister sous un régime différent. L'esclavage, telle est une des principales sources des malheurs actuels des Etats-Unis; c'était une institution contraire à l'esprit du siècle et elle dût disparaître. (Ecoutez! écoutez!) Parmi les autres causes, je mentionnerai le fait que le Nord avait besoin d'un tarif protecteur pour ses manufactures, tandis que le Sud, pays producteur, demandait le libre échange et voulait jouir du bénéfice des importations 451 à bon marché. Voilà, M. l'ORATEUR, les deux points de départ des difficultés intestines et des troubles des Etats-Unis. Au moment de fonder un gouvernement fédéral dans les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, je crois que nous aurions tout profit à consulter l'expérience d'un peuple avec qui nous avons de commun la situation, les habitudes et les mœurs: ce peuple, M. l'ORATEUR, est celui de la république voisine. (Ecoutez! écoutez!)—Mon hon. ami de Lambton a cité l'exemple d'un grand nombre d'autres pays; mais ils n'étaient pas habitués autant à la liberté des institutions politiques que les Etats-Unis qui en jouissaient longtemps avant de s'unir entr'elles; on sait en effet que les anciennes colonies de la nouvelle Angleterre possédaient comme telles beaucoup de liberté. (Ecoutez! écoutez!) Le plan élaboré à la conférence de Québec est, suivant moi, trop restrictif en ce qui regarde le pouvoir des législatures locales, et donne trop de prérogatives au gouvernement général. Je suis un de ceux qui croient que la nomination des lieutenants-gouverneurs ne devrait pas appartenir à ce dernier, mais bien au peuple. (Ecoutez! écoutez! Il en est de même des membres du conseil législatif qui devraient être le fruit de l'élection populaire. (Ecoutez! écoutez!) Ce pays ne renferme pas d'élément, on n'y trouve pas de classe sociale qui représente la chambre des lords en Angleterre, et d'ailleurs il serait impossible d'en créer une. Le gouvernement anglais est sans aucun doute le régime le mieux équilibré de l'Europe; mais nous ne pouvons le copier fidèlement par suite du manque de cet élément aristocratique dont je parle. L'imitation la plus rapprochée que nous puissions en faire est le conseil législatif composé de membres élus pour une période de temps assez considérable. Dans le cours de l'excellent discours qu'a prononcé hier mon hon. ami de Lambton, il a prétendu que si on rendait électives les deux chambres, leurs attributions se trouveraient tellement analogues qu'aucune n'aurait de contrôle sur l'autre: je diffère d'opinion et je crois qu'une chambre haute élective composée de députés représentant de grands colléges électoraux, élus pour plusieurs années, serait bien moins susceptible de se laisser entraîner par les différents courants de l'opinion publique et présenterait un élément conservateur assez fort pour exercer un contrôle efficace sur toute législation hâtive ou intempestive. (Ecoutez! écoutez!) Cependant, tout en ne renfermant par ces dispositions, le projet proposé contient un grand nombre de choses qui rencontrent toute mon approbation, et je suis d'avis que le gouvernement général doit jouir de la plupart des prérogatives qui lui sont conférées par les résolutions. Les douanes forment une branche d'administration qui s'étend par tout le pays, et doivent ainsi que les emplois qui s'y rapportent entrer tout naturellement dans les attributions du gouvernement général. Il en est de même de l'administration des postes, de la milice et de tout ce qui a trait à la défense du pays, et le projet serait très défectueux s'il n'en disposait pas ainsi. Il n'y a pas, dans mon esprit, de question plus importante que celle de la défense du pays, surtout depuis qu'un souffle militaire semble avoir passé sur toutes les populations de ce continent et menace de faire sentir long- temps ses effets. C'est pourquoi je crois sage de donner au gouvernement général le pouvoir de mettre le pays sur un pied de défense, afin d'être prêt à toute éventualité. J'approuve encore la disposition qui réserve à ce gouvernement la nomination des juges, car j'aime à voir l'indépendance régner dans l'administration de la justice, et je crois que cette indépendance se trouve consacrée par les résolutions. (Ecoutez! écoutez!) Quant à ce qui regarde les gouvernements locaux, je ne m'en occuperai pas;—les clauses qui s'y rapportent renferment tant de propositions diverses et on connait encore si peu ce que sera leur constitution qu'il est presque impossible d'en parler. Avant que de le faire, il me faudrait être instruit de leur nature et du rôle qu'il leur sera reservé. Je pense que leurs attributions devraient être parfaitement délimitées dans des constitutions écrites, afin qu'ils ne puissent légiférer que sur ce qui leur est réservé et que tout acte de leur part outrepassant ces attributions fût déclaré nul par les cours supérieures. Je crois que la constitution anglaise est d'une nature assez élastique pour que les institutions qui prennent naissance à son ombre soient populaires et fonctionnent bien; l'histoire l'a prouvé. C'est sous son régime, que nous avons maintenu dans toute sa pureté le principe du gouvernement responsable dont nous jouissons aujourd'hui, et en vertu duquel les ministres de la couronne ne conservent leurs portefeuilles qu'en autant qu'ils possèdent la confiance de la législature. Nous n'avons besoin d'aucun changement 452 à ce sujet, car ce principe est la meilleure garantie de la liberté, non seulement en Angleterre mais encore dans le monde entier. (Ecoutez!) Je crois que la nomination du chef de l'exécutif général par la couronne et telle qu'elle se fait aujourd'hui, est le mode le plus désirable: nous ne gagnerions aucunement à changer cette disposition de notre système actuel, car en cessant d'appartenir à l'Angleterre qui peut dire ce que nous deviendrons? Nous devrons être indépendants tôt ou tard, et lorsque ce moment arrivera, savons-nous ce qui en résultera? (Ecoutez! écoutez!) On peut se demander si la constitution projetée dans ces résolutions sera de nature à plaire au peuple de ce pays, et s'il est possible, dans le cas où elle serait défectueuse, de la modifier ou de l'amender? Dans un grand nombre de détails le projet est bon, et mon opinion est que s'il est impossible de changer ce qui devrait l'être le peuple n'en doit pas moins l'accepter. (Ecoutez! écoutez!) L'histoire démontre qu'on ne peut jamais rien considérer de final dans un gouvernement, et que dans tout régime politique il s'y opère des changements incessants. Notre propre histoire nous en offre des preuves que nous n'avons pas besoin d'aller chercher ailleurs. Lors de l'union des deux provinces, les membres du conseil législatif étaient nommés par la couronne; quelque temps après, ils durent être élus par le peuple; il en était de même des préfets de nos conseils de district qui relevaient de la couronne, et dont aujourd'hui l'élection se fait par les contribuables. Nous ne saurions, M. l'ORATEUR, entrer dans l'examen de cette question de la confédération sans parler du chemin de fer intercolonial. Je ne cache pas que je me suis opposé en diverses circonstances à la construction de ce chemin aux frais du Canada, parce que je n'ai jamais pu me convaincre qu'à part le point de vue militaire il dût nous être de quelque avantage. Même à ce point de vue, je croyais qu'il nous coûterait encore plus qu'il ne nous servirait: mais s'il m'était démontré que les avantages commerciaux que nous en retirerons seront équivalents à ses frais de construction, je ne cache pas non plus que l'entreprise serait digne d'être prise en considération. (Ecoutez! écoutez!) Les relations de toute espèce et le libre échange entre le Canada et la population de 800,000 âmes des provinces d'en-bas, ne sont pas des considérations d'une petite importance;—et elles valent bien, suivant moi, la dépense qui s'en suivra. (Ecoutez! écoutez!)—Je déclare donc que s'il n'y a en fait de difficultés que ce chemin de fer qui s'oppose à l'adoption du projet de la conférence de Québec, il sera très-facile d'en venir à bout. (Ecoutez! écoutez!) Il n'y a pas de doute que le chemin de fer intercolonial et la confédération n'entraînent de très grands frais, mais nous sommes arrivés à une phase de notre histoire ou il nous faut nécessairement encourir des dépenses. Il nous faut changer notre constitution, et quoiqu'il nous en coûte nous devons le faire afin de guérir le pays du mal dont il souffre depuis si longtemps. (Ecoutez! écoutez!)  
M. M. C. CAMERON—M. l'ORATEUR— Aucun sentiment de défiance ou de témérité ne m'anime en abordant cette discussion, car ni mon discours, ni celui d'aucun autre hon. membre ne réussiront à modifier, même légèrement, l'opinion de la chambre sur le projet de confédération. (Ecoutez!) Néanmoins, et malgré le peu de poids qu'auront mes paroles, je dois au district que je représente et au pays en général d'entrer mon protêt contre la passation de cette mesure dans sa forme actuelle. (Ecoutez!) Je suis en faveur d'une union des provinces, mais je voudrais une union qui protégeât les intérêts de chacune d'elles, et je suis convaincu que ces intérêts ne peuvent gagner aux extravagances qu'entraînera nécessairement le projet actuel. La question a été traitée au triple point de vue politique, commercial et militaire, et on n'a même pas oublié de parler longuement des interêts de chaque section: en sorte qu'il n'y a plus rien de nouveau à dire; c'est un désavantage qu'auront désormais tous les orateurs au point où en est la discussion. Ils pourront discuter sous une nouvelle forme des questions déjà débattues et proposer quelques petits changements, mais l'essence du projet a été étudiée, et avec une grande habileté, par les hon. messieurs qui ont précédé. Si je ne me trompe pas, la position prise par le gouvernement est celle-ci: il se hâte de faire passer cette mesure sans consulter le peuple autrement que par la voix de ses représentants, qui n'ont pas mission de faire un pareil changement, et il excuse cette conduite en disant que le pays en était arrivé à un point où tout gouvernement était impossible sans un changement radical dans la constitution. Or, je ne saurais, admettre cette assertion, et je prétends, au contraire, que le pays ne demandait pas ces 453 résolutions, mais qu'elles sont le fruit de l'agitation factieuse de certains hon. membres dans l'enceinte même de cette assemblée; que si cette agitation n'avait pas été continuée avec une persévérance obstinée nous ne serions pas dans la nécessité d'examiner les résolutions qui nous occupent. (Ecoutez!) Et, à l'appui de cette assertion, je puis rappeler des paroles prononcées par l'hon. président du conseil depuis que cette discussion est commencée (Ecoutez!) Il a dit que les affaires du pays en étaient rendues à une impasse. Il a dit que nous marchions vers notre ruine, que notre dette augmentait si rapidement qu'il n'était plus possible d'arrêter le torrent du gaspillage que les hon. membres aujourd'hui ses collègues ont, par leur mauvaise administration, laissé déborder. Qu'on me comprenne bien: je n'accuse pas ces hon. messieurs d'extravagances, je ne fais que citer les paroles de l'hon. président du conseil. Mais il a dernièrement parlé de cette union comme d'un grand évènement dont nous devions être fiers; il nous a dit que chacune des provinces entrerait dans l'union avec un excédant de revenu et que, par suite, ce n'était point la nécessité qui nous commandait cette mesure; que nous n'étions point des banqueroutiers unissant nos communes ruines mais des spéculateurs entreprenants entrant dans les affaires avec les meilleures garanties. Mais si tel est le cas, pourquoi ce changement? Pourquoi nous exposer à des extravagances nouvelles et inévitables même si nous devions toujours avoir pour guide l'hon. président du conseil? On a dit que les populations de la partie de la province à laquelle j'appartiens, étaient fatiguées des extravagances du gouvernement et de voir le Bas-Canada absorber une trop grosse portion du revenu payé par le Haut- Canada. On a affirmé que le Haut-Canada fournissait les sept-dixièmes du revenu total du pays; qu'il n'était pas suffisamment représenté au parlement; et que si nous étions menacés de ruine, c'est parce que notre voix ne pouvait se faire entendre dans la législature pour flétrir toutes les extravagances Bas-Canadiennes. On a dit encore que pour chaque subvention faite au Haut-Canada on en accordait toujours une pareille au Bas-Canada, et que, par conséquent, le Haut-Canada, payait plus  que sa juste part au trésor public. En me plaçant à ce point de vue, je demanderai à l'hon. président du du conseil, qui soutient si chaleureusement ces résolutions, combien le Haut-Canada paiera de plus que le Bas-Canada sous la nouvelle constitution? Le Bas-Canada devra recevoir $888,531 du gouvernement fédéral. Or, si jusqu'à présent le Haut-Canada a payé les deux tiers, que dis-je, les sept-dixièmes du revenu général actuel, combien accordons-nous au Bas-Canada, sur nos propres fonds, pour administrer ses affaires locales auxquelles nous n'aurions rien à voir? Dans l'arrangement qu'on veut conclure, supposons que les provinces du golfe constituent un cinquième du tout, ce qui sera, je présume, leur proportion, elles fourniraient ainsi $177,706; le Haut-Canada fournirait $473,884, et le Bas-Canada $236,941 seulement. Pour l'administration locale du Bas-Canada, le Haut-Canada paierait donc au trésor non moins de $473,884, c'est-à-dire le double, à peu-près, de ce que fournira le Bas-Canada pour le même objet. L'excédant que le Haut Canada aurait à payer pour le Bas-Canada seulement, sera donc de $175,859. (Ecoutez!) Voilà comment la question des finances a été réglée. On nous console en disant que nous serons un grand peuple, la troisième nation du globe, si j'ai bien compris. Et ce splendide résultat nous l'obtenons en nous unissant, nous, deux millions et demi, avec un peuple qui représente à peine un million d'habitants. Je ne vois pas très-bien comment notre union avec les provinces, au moyen du chemin de fer intercolonial, nous donnera cette position. Nous avons besoin d'un vaste territoire et d'une vaste population pour acquérir cette grandeur. On On nous dit aussi que cette union nous rendra plus forts et nous mettra à même de nous défendre en cas d'hostilités avec les Etats- Unis, mais est-ce vrai? (Cris de—oui! et non!!) Allons-nous devenir une nation indépendante qui traitera de gré à gré avec les autres puissances, ou continuerons-nous à dépendre de la couronne anglaise, comme je l'espère dans notre intérêt? (Ecoutez!) Je ne me laisse pas du tout séduire par ces idées de grandeur dont on veut bien nous bercer. Nous ne serons jamais si grands que sous la couronne anglaise. Chacune des provinces est loyale et fidèle dans son allégeance au trône d'Angleterre, et si cette puissance déclare la guerre, chacune de ces provinces fera tous ses efforts pour défendre son propre territoire et aider la mère-patrie. Mais comment la nouvelle constitution nous donne-t-elle de la force?
454
Nous aurons quelques centaines de milles ajoutés à notre frontière, sans nous adjoindre des habitants en proportion. (Ecoutez! écoutez!) Nous construirons un chemin de fer qui ne nous sera pas de grande utilité, mais que l'ennemi pourra détruire a tout moment et qu'il sera très difficile d'exploiter. Si les Etats-Unis dirigent contre nous des armées elles seront trop considérables pour que nous leur tenions téte tout le long de la frontière qui demanderait, pour être convenablement protégée, l'emploi d'une force énorme. Je dis donc que la confédéraration ne fera pas de nous un peuple plus fort ni plus grand. On prétend que, ans notre position actuelle, nous devons chercher de nouveaux marchés pour nos produits; que nous devons tendre à devenir un pays manufacturier, tirant des minéraux des provinces du golfe et leur envoyant nos produits. Tout cela est très-bien, mais ne peut se réaliser par. l'extravagante proposition qu'on nous fait aujourd'hui. Nous pourrions avoir une union législative, c'est-à-dire, une seule législature ou gouvernement central qui administrerait nos affaires aussi économiquement que celles du Canada sont administrées; mais et, en outre d'un gouvernement général, nous avons un gouvernement local dans chaque province, il est évident que nos dépenses seront bien plus considérables qu'avec une seule législature. l'hon. président du conseil, contrairement aux assertions de tous ses collègues, a déclaré qu'il ne voulait pas d'une union législative quand même elle pourrait être accomplie. Il aurait cru se compromettre en admettant cette alternative; aussi, dit-il: " Si même une union législative était possible, je n'en voudrais pas; je ne vers de praticable que l'union fédérale, parce que notre pays est si vaste qu'il serait im ossiblc de l'administrer avec une seule légisîature siégeant a Outaouais."—Est-ce possible?—Et la différence entre les deux systèmes n'est-elle qu'une question de quatre ou cinq cents milles de frontière en plus?
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur se trompe, je n'ai jamais usé d'un pareil langage.
M. M. C. CAMERON—Je suis très-faché d'avoir à insister. Mais de deux chosel'une: ou je suis complètement sourd ou l'hon. monsieur a affirmé devant cette chambre, en parlant de ces résolutions, qu'il préférait l'union fédérale, donnant comme raison de cette préférence la vaste étendue de notre pays.
L'HON. M. BROWN—Ceci vrai; mais c'est bien différent de ce que l'hon. membre avait d'abord affirmé. J'ai dit simplement qu'il serait très-difficile d'administrer les affairès locales d'un aussi vaste pays. Je n'ai pas dit qu'il nous serait impossible d'exercer un contrôle général sur le pays. J'ai dit simplement qu'il serait impossible de s'occuper de toutes les questions de clocher qui pourront surgir à la fois à Terreneuve, à l'Ile du Prince-Edouard, au Nouveau-Brunswick et dans le Nord-Ouest. Je n'ai pas dit autre chose.,
M. M. C. CAMERON—Une des raisons données par l'hon. monsieur en faveur de l'union fédérale est que, sous une union législative et avec le soin des affaires des provinces du golfe, nous siégerions à Outaouais pendant neuf mois de l'année. Or, on peut, chaque année, régler dans trois ou quatre mois les affaires des deux Canada; je trouve donc étrange qu'en nous adjoignant une population de sept ou huit cent mille âmes. nous soyions par là obligés de siéger pendant neuf mois. (Ecoutez!) Le proportion n'est pas gardée—il suffit de citer les chiffres: trois mois de session pour deux millions et demi d'habitants, six mois de plus pour sept ou huit cent mille habitants nouveaux,—cela ne peut être. (Ecoutez!) L'hon. monsieur a des prétentions impossibles à cet égard comme en ce qui regarde l'union législative comparée a l'union _ fédérale. Maintenant, on nous fait espérer que notre commerce gagnera beaucoup à cet arrangement. On nous dit ne le traité de réciprocité va étre abrogé. Sans doute que nous en avons reçu l'avis. On dit aussi qu'il serait possible,— l'hon. président ne l'a pas toutefois affirme— que le système de transit fût aboli entre le Canada et les Etats-Unis, de sorte que nous ne pourrions nous rendre à l'Atlantique que pendant l'été, et que, par suite, il est fort à désirer que le chemin de fer intercoloniai se construise et la confédération ait lieu. Je pense que c'est un axiome d'économie politique qu'un peuple trouvera toujours un débouché pour ses produits, et matière à exercer son énergie. Or, si le traité de réciprocité doit être abrogé, il le sera longtemps avant que le chemin de fer intercolonial ne soit construit, et nous devrons nécessairement souffrir pendant plusieurs années jusqu'à ce que nous ayions découvert un moyen de communication avec les provinces du golfe autre que le St. Laurent qui n'est accessible que pendant l'été. Il 455 deviendrait alors absolument nécessaire pour nous d'employer de nouveaux moyens, d'élaborer un nouveau plan pour que les affaires des provinces ne languissent pas pendant tout cet intervalle; et quand un nouveau débouché sera ainsi établi, il ne sera pas facile d'en changer la direction. Or n'est-ce pas un fait que nous existons depuis plusieurs années comme colonie; que nous avons toujours été séparés de l'Atlantique; que le Haut-Canada a longtemps payé des droits au Bas- Canada, que nous n'avions alors de relations avec les Etats-Unis qu'en leur payant de forts droits probibitifs?—et cependant le Haut-Canada a progressé rapidement et est devenu un pays riche et prospère. Nous plaignions-nous alors des restrictions qu'on nous imposait? Pour ma part, au cas où le traité de réciprocité serait abrogé, je suis curieux de voir si les populations du Canada ne trouveront pas, dans leur énergie, un moyen de développer leurs ressources. Nous progresserions encore si, oubliant leurs factions politiques, certains hon. membres cessaient de mettre des barres dans les roues du char de l'Etat. (Ecoutez!) A un autre point de vue, si je savais quels appprouve le projet en général, je l'appuierais aussi moi, bien que sa forme actuelle ne me convienne nullement. Mais je ne puis comprendre comment les hon. députés qui, jusqu'à présent du moins, ont été les chauds avocats des droits et libertés du peuple, ont pu oublier ces droits et libertés au point de confier toutes les affaires du pays à douze messieurs qui ont conféré avec des délégués du golfe sans que ni les uns ni les autres ne s'inquiètent en aucune façon de l'opinion des populations qu'ils représentent. (Ecoutez!) On a dit que le pays connaissait parfaitement la mesure et l'approuverait dans tous ses détails. Mais où est la preuve de cette assertion? On a affirmé que cette question s'agitait en 1858 et que, depuis cette époque, on s'en est fréquemment occupé. Mais ce fait prouve au contraire, qu'on ne s'en est jamais occupé sérieusement. Un fait certain est qu'elle n'a jamais été agitée aux polls. (Ecoutez!) Il s'en suit que le pays ne s'est pas prononcé à ce égard. Et je suis sûr que si on savait que cette nouvelle forme de gouvernement nous coûtera tant de plus que l'administration actuelle, la mesure ne serait pas approuvés aussi généralement que les hon. messieurs veulent bien le prétendre. Je suis persuadé que si les hon. ministres étaient sincèrement convaincus des bienfaits qui doivent resulter de cette mesure, ils n'hésiteraient pas à en appeler au peuple. En 1841, nous avons obtenu le gouvernement responsable, et on nous a dit que nous aurions voix au chapitre dans l'administration de nos affaires, qu'aucun changement important n'aurait lieu sans que nous fussions consultés. Et voilà que ces hon. messieurs, rejetant a priori l'appel au peuple et, se posant en législateurs souverains, prétendent que nos populations ne sont point capables de comprendre la hauteur de cette nouvelle combinaison. Ils ne veulent pas permettre au peuple Canadien d'exprimer son opinion; mais, remarquez-le bien, c'est le Canada seul qu'on traite de cette façon. Il n'en est pas ainsi dans les provinces du golfe. Le Nouveau-Brunswick, par exemple, dissout ses chambres et en appelle au peuple. Pourquoi refuser au Canada ce qu'on accorde au Nouveau- Brunswick? (Ecoutez!) Il me semble pourtant que les Canadiens sont aussi capables que les habitants du Nouveau- Brunswick d'apprécier l'importance de la question, et qu'ils devraient pouvoir se prononcer. (Ecoutez!) L'hon. président du conseil a dit que l'animosité entre les deux sections de la province est devenue telle que les affaires du pays en sont réduites à une impasse. Mais ce sentiment existe-t-il entre les populations des diverses provinces? Les Canadiens-Français ont-ils, dans cette chambre, manifesté quelque sentiment d'hostilité contre les Anglais? Qu'on le dise. Notre attitude réciproque n'est-elle pas toute amicale? Les Canadiens-Français ont leurs droits et intérêts spéciaux à défendre. Nous leur avons fait observer que notre population étant plus considérable que la leur, nous voulions un réglement nouveau de la représentation. Le président du conseil est très- fier lui-même d'avoir obtenu ce point. Mais il se trompe; car, au lieu d'avoir assuré cet avantage au Haut-Canada, il a, par le nouveau projet, suscité trente voix de plus contre cette partie de la province. Il a donné au Haut-Canada cette infériorité. (Ecoutez!) Nous contribuerons, il est vrai, au revenu de la province dans la même proportion qu'auparavant. Mais ce n'est pas mon opinion personnelle; elle est partagée par les hommes politiques du golfe. Dans son discours du 17 novembre dernier, l'hon. M. TILLEY disait:—
"Les partis sont tellement balancés dans la législature canadienne, que même les cinq membres 456 de l'Ile du Prince-Edouard pourraient à un moment donné, faire pencher la balance en leur faveur et diriger les affaires du pays. Quand même le Haut-Canada, avec ses quatre-vingt- deux membres, voudrait emporter des mesures favorables à son agrandissement vers l'Ouest, pourrait-il faire une opposition sérieuse aux soixante- cinq membres du Bas-Canada, unis aux quarante- sept représentants des provinces du golfe, dont les intérêts seraient plus identiques? Certainement non, et il l'essaierait en vain!"
M. H. MACKENZIE—Mais en quoi cela se rapporte-t-il à la représentation basée sur la population?
M. M. C. CAMERON—" En quoi cela se rapporte-il à la représentation basée sur la population?" demande l'hon. monsieur. Le Haut-Canada a demandé cette mesure parce qu'il paie une portion trop forte du revenu de la province, et si les provinces du golfe ont l'influence qu'on leur assure, nous serons encore forcés de payer cette même portion par une majorité de trente voix; il y a loin de là à l'égalité. (Ecoutez!) Mais voyons si nous aurons d'autres avantages. L'hon. M. TILLEY dit encore que, par ce changement, les provinces du golfe seront débarrassées de leurs charges actuelles; elles paient aujourd'hui $3.20 par tête et, dans la confédération, elles ne paieront que $2.75,—soit, un bénéfice de 45 centins par tête. Voilà ce que l'hon. monsieur a affirmé; est ce vrai ou non? Si ce n'est pas exact, on nous joue en proposant ce projet, puisqu'on est obligé d'avoir recours à de si tristes arguments.—Si c'est vrai, les hon. messieurs qui font parade de leur dévouement aux intérêts du Canada nous trahissent audacieusement, et nous font dommage dans leur propre intérêt et pour rester au pouvoir.
L'HON.PROC.-GÉN. CARTIER —Permettez-moi une observation. L'hon. monsieur a cité un passage d'un discours de l'hon. M. TILLEY, dans lequel ce dernier supposait le cas où le Haut-Canada, poussé par motifs égoïstes, chercherait à faire passer quelque mesure favorable à son agrandissement. "En pareil cas," a dit l'hon. M. TILLEY, " vous aurez les soixante-cinq membres du Bas-Canada et vos quarante-sept représentants pour vous défendre. " C'est pour ce motif que l'hon. membre pour Ontario Nord est opposé à la confédération Mais, dans une union législative, il trouverait les mêmes inconvénients, et s'il est opposé à l'une il ne doit pas songer à l'autre.
M. M. C. CAMERON—Je vais vous donner un exemple pratique de la manière dont cela pourra affecter nos intérêts. Le projet comporte ou devrait comporter que l'ouverture du territoire du Nord-Ouest devait y être comprise; que des améliorations seraient faites dans cette direction de manière à ce que nous puissions profiter des immenses richesses minérales qui y existent, et de la grande étendue de territoire propre aux exploitations agricoles. Mais on ne nous donne là qu'une promesse. Le chemin de fer intercolonial fait partie intérante de ce projet; on en fait, pour ainsi dire, une partie de la constitution—une nécessité sans laquelle le projet ne peut être réalisé. Eh bien! supposons que nous demandions, dans la législature fédérale, l'amélioration du Nord-Ouest, parce que nous considèrerions qu'il serait de notre intérêt que ce territoire fût ouvert et amélioré, n'y rencontrerons-uous pas la justification du langage de ce monsieur? Les soixante-cinq députés du Bas-Canada et les quarante-sept des provinces maritimes, dont les intérêts sont identiques, seront unis contre nous, et nous ne pourrons pas accomplir une entreprise de cette espèce. (Ecoutez! écoutez!) En considérant une question de cette nature,—en considérant un changement de constitution,— je pense que chacun devrait avoir à cœur l'intérêt de tous, et non pas seulement l'intérêt individuel; que tout homme des provinces d'en-bas qui cherche à obtenir cette union devrait la désirer, non pas parce qu'elle doit avantager les provinces d'en-bas seulement, mais parce qu'elle doit profiter au Canada en même temps. L'argument devrait être qu'elle sera avantageuse à toutes les colonies. L'on ne devrait pas employer l'argument que $2.75 est la somme qui sera payée par les provinces maritimes en vertu de cet arrangement, tandis qu'elles paient aujourd'hui $3.20 par tête au revenu public. L'on ne devrait pas employer d'arguments de cette nature pour faire voir qu'une partie de la confédération projetée obtiendra des avantages aux dépens d'une autre; par exemple, que la subvention que paiera le gouvernement fédéral aux provinces d'en-bas sera si considérable qu'elle suffira pour défrayer toutes leurs dépenses, et qu'il leur restera encore un gain de $34,000. (Ecoutez!) Maintenant, je me demande, si nous contribuons à cette subvention dans la même proportion que nous contribuons à celle du Bas-Canada,—et l'hon. monsieur qui a mis les intérêts du Haut-Canada sous sa tutelle, ou s'en faisant particulièrement le champion, 457 a-t-il agi dans l'intérêt du Haut-Canada lorsqu'il a consenti à un arrangement de cette nature? (Ecoutez! écoutez!) Le président du conseil s'est servi du language suivant à ce sujet. Il dit:—" Ce n'est pas une question d'intérêt, ou de simple avantage commercial; non, c'est un effort fait pour établir un nouvel empire dans l'Amérique Britannique du Nord." C'est là. la proposition de l'hon. député. Mais, pour ma part, je pense qu'il vaudrait mieux sortir de la dette qui nous accable aujourd'hui,—reduire les dépenses dont souffre le peuple,—diminuer les impôts qui pèsent sur lui,—plutôt que de chercher à établir un empire comme celui dont parle mon hon. ami le président du conseil Il vaudrait beaucoup mieux pour nous de chercher à réduire nos dépenses, et vivre suivant nos moyens, plutôt que d'établir un nouvel empire; parce que, a à moins qu'il veuille dire par là que nous allons établir notre indépendance, nous sommes déjà, comme sujets de la couronne britannique, participants dans toutes les gloires dela nation anglaise. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. monsieur a dit aussi—et c'est là l'argument qu'il a adressé à la chambre comme étant une raison pourquoi ses amis du Haut-Canada devraient s'unir à lui pour appuyer ce projet:—" Nous nous plaignions que d'immenses sommes étaient prises du coffre public et affectées à des objets locaux, dans le Bas- Canada, dont nous, le Haut-Canada, ne retirions aucun avantage." Eh bien! je demande si nous avons jamais vu le Bas- Canada chercher à obtenir une subvention de $175,000 par année à perpétuité? Et, cependant, c'est là ce que l'hon. monsieur, par son projet, lui accorde en réalité, à part l'accroissement de dépenses que nous aurons à a payer à l'égard de l'administration des affaires générales de toute la confédération. Voyons un peu ce que nous coûteront les dix-sept représentants de surplus que le Haut-Canada doit obtenir. Je calcule que nous n'aurons " à payer que 816,397 par année pour chaque représentant J'arrive à ce chiffre comme ceci: la contribution des provinces inférieures au fonds du gouvernement général. sera de $l,9 9,272. La contribution du Bas-Canada sera de $2.208,035. Celle du Haut-Canada sera de $4 416,072. Je parle des contributions qui devront servir à défrayer et! les dépenses du gouvernement fédéral. La contribution du Haut Canada excèdera donc celle des provinces d'en-bas, de $2,486,000, " et celle du Bas-Canada, de $2,208,"87,—et les deux réunies, de $278.765,—ce qui qui. divisé par 17 donne $16,397 comme étant le coût de chaque membre de surplus que nous aurons.
L'HON. J. S. MACDONALD—Ecoutez! écoutez!
M. M. C. CAMERON—Eh bien! nous' ne devons pas, non plus, comme représentants du peuple, prononcer une opinion sur cette matière! Il nous faut accepter le projet dans son entier. On ne nous permet de l'amender en aucune manière. Mais le gouvernement vient nous affirmer qu'en conséquence de l'union des partis qui a eu lieu, il se sent tellement fort qu'il peut dire aux représentants du peuple le:— " Prenez ceci, ou vous n'aurez rien du tout, et vous allez retourner à. une ruine inévitable." C'est là la position dans laquelle ils nous placent. Cependant, si ce qu'a dit l'hon. ministre des finances est exact, notre revenu a augmenté, de manière que nous avons un surplus de $872,000, après avoir comblé le déficit de l'année précédente. Il nous dit que le revenu du Canada s'est accru d'un million et de'i de piastres; et que les revenus du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse ont augmenté de $100,000 chacun—ce qui fait. une augmentation de $1.700,000 pour motos toutes les provinces. Retournerons nous à, la ruine si ces assertions sont exactes? Si notre revenu a réellement augmenté autant qu'on l'a dit, retournerons-nous, si nous restons comme nous sommes, à. une ruine certaine? (Ecoutez! écoutez!) L'on a dit que les affaires du pays ont été enrayées pendant un temps considérable, mais je crois que la province ne s'en allait pas en ruine, si elle a eu un accroissement de revenu d'un million et demi, nonobstant ce temps d'arrêt. Je ne suis pas certain que la province ne serait pas plus prospère si cette chambre était fermée pendant dix ans et si les membres étaient renvoyés à leurs foyers. (Approbation ironique à la droite.) L'on a dit encore que nous sommes tenus d'accepter ce projet si nous ne pouvons indiquer quelque meilleur moyen de sortir de nos difficultés. A propos de cela, je dirai que si ces messieurs sont réellement aussi patriotes qu'ils le disent, qu'ils donnent l'exemple de la vertu de résignation,—qu'ils abandonnent leurs sièges sur les premiers rangs des banquettes ministérielles, et qu'ils laissent de nouveaux hommes prendre leur place,—et je n'hésite pas à dire que les partis en ce pays ne sont pas tellement hostiles que lon ne pourrait former un 458 gouvernement, ou n'importe quel nombre de gouvernements, pour administrer les affaires du pays. (Ecoutez! écoutez!) Les hon. messieurs qui ont été à la tête de ce pays depuis des années, se sont imaginée que toute la sagesse et tous les talents politiques du pays étaient concentrés en eux, et qu'il faut nécessairement que le pays s'en aille en ruine s'ils ne restent pas au timon des affaires. C'est là. je crois, une prétention un peu exagérée. Cependant, je ne veux pas dire que ce ne sont pas des hommes capables. Mais je dirai que l'hon. proc.-gén. du Bas-Canada, et son collègue, l'hon. proc.-gén. du Haut-Canada, qui ont été tellement combattus et vilipendés par les hon. messieurs qui sont aujourd'hui associés avec eux dans le gouvernement, ont dû être extrêmement flattés quand ils ont vu qu'après toutes les accusations de corruption qui avaient été portées contre eux, ces purs patriotes de notre section du pays consentaient a à se joindre à eux pour conduire les affaires du pays. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. secrétaire provincial a dit, dans une contestation politique, que nous avons eue ensemble,—et qui, je dois l'avouer, a été conduite très agréablement malgré qu'il y eût eu des passes d'armes assez vives entre nous sur le parquet de cette chambre,—en s'excusant devant ses électeurs de son changement d'opinion sur la question de la représentation basée sur la population, que la crise financière du pays, était devenue tellement plus imminente que la crise constitutionnelle, qu'il était devenu absolument nécessaire d'accepter le pouvoir,—de fait, de se joindre aux messieurs du Bas- Canada qui faisaient de la représentation basée sur la population une question arrêtée. Il faut veiller aux cordons de la bourse, disait-il, ou le pays va s'en aller en ruine. Il est extrêmement satisfaisant de voir cet bon. monsieur occuper une position dans laquelle il va créer une dette beaucoup plus considérable qu'auparavant. Il est très satisfaisant de le voir maintenant siéger sur les banquettes ministérielles prônant le nouveau fardeau de plusieurs millions de piastres qui nous sera imposé par cette union et par la construction du chemin de fer intercolonial. A une certaine époque, et elle n'est pas encore très éloignée, ce pays a été agité d'une extrémité à l'autre par l'assertion que la dette publique était tellement forte qu'elle équivalait à une hypothèque de $25 sur chaque acre de terre en culture dans la province,—et aujourd'hui, ceux qui faisaient cette assertion veulent ajouter d'autres millions à la dette par ce chemin de fer, et pour ainsi dire 86 $5 de plus à la dette par tête de la population du pays. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! si l'hon. secrétaire provincial était sincère quand il disait que le retranchemcnt était nécessaire pour nous sauver de la ruine, comment peut-il concilier cela avec son devoir, lorsqu'on le trouve à prôner aujourd'hui cette immense extravagance, lorsqu'aucun danger ne la nécessite, mais qu'au contraire nous jouissons d'un degré de prospérité qui devrait nous rendre excessivement attentifs a à voir comment nous adopterons des changements constitutionnels. Je vois des hon. messieurs se plaindre que nos chemins de fer ne suffisent pas pour répondre aux besoins du commerce, et pour desservir les intérêts du pays convenablement.—Il est vrai que nos récoltes ne sont pas aussi abondantes qu'elles l'étaient; nulle prévoyance humaine ne saurait nous assurer de bonnes récoltes; mais, cependant, d'après ces hon. messieurs, le commerce du pays s'accroît, et tout ce qu'ils disent à ce sujet ne prouve pas du tout que nous marchons à la ruine. Un peuple qui augmente en population comme nous augmentons, qui accroît ses richesses comme nous, et qui, en sus de toutes ses dépenses, a un million et demi de surplus de revenu, ne court pas à sa ruine comme l'ont dit certains hon. messieurs Je dis donc que nous ne devrions pas nous hâter de faire un change ment qui peut nous être nuisible, sans demander au peuple s'il l'approuve ou non. (Ecoutez! écoutez!) Les hon. messieurs qui siégent sur les banquettes ministérielles ont tellement hâte de faire adopter ce plan, qu'ils se querellent mên e entre eux à propos de savoir qui en est l'auteur; et la chambre a été amusée l'autre jour lorsque l'hon président du conseil à pris l'hon. procureur- général du Haut Canada a à partie, parce qu'il avait osé dire que c'était son gouvernement qui avait le premier parlé de cette question. (Rires.) Ils paraissent être très fiers de leur enfant mais notre patrie, qui est la mère de ce poupon, se débat dans l'agonie par la crainte des fardeaux que ces hon. messieurs cherchent à lui imposer. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. ministre de l'agriculture a attiré notre attention, l'autre soir, sur les affaires des Etats-Unis, et a parlé de l'armée des entrepreneurs et des percepteurs de taxes qui s'y 459 élevait. Il nous a dit que le cri de " Taxes! taxes! taxes!" sortait constamment de la bouche des percepteurs de taxes, et que le cri " Argent! argent! argent!" ne cessait de se faire entendre par la horde des entrepreneurs qui s'engraissaient des souffrances et des privations du peuple; et pendant qu'il nous parlait de l'avis qui nous était apporté par le son de chaque coup de canon tiré dans les Etats-Unis, il doit avoir pensé, peut-être, que dans la formation de cette union et la construction de ce chemin de fer intercolonial, nous aussi nous entendrons les cris de " Taxes! taxes! taxes! Argent! argent! argent!" de la même manière. (Ecoutez! écoutez!) L'on dit encore, à propos de ce projet, que chaque ligne prouve que c'est un compromis. L'hon. ministre de l'agriculture, si je me le rappelle bien, s'est servi d'une semblable expression. Mais je demanderai à l'hon. président du conseil et à ceux qui se sont faits avec lui les apôtres des intérêts du Haut-Canada, où sont les concessions qui ont été faites au Haut-Canada dans ce projet? S'ils peuvent indiquer une seule circonstance, à l'exception des dix-sept députés de surplus donnés au Haut-Canada, où quelque privilège a été concédé à cette section, je dirai alors que le projet mérite mon appui. Mais je maintiens qu'en donnant dix-sept représentants de plus au Haut-Canada on ne lui a fait aucun avantage ni une concession. Les différends qui existaient entre les deux provinces du Canada n'étaient pas seulement des différends de nationalité, mais ils étaient d'un caractère sectionnaire. C'était l'Ouest rangé en bataille contre l'Est, plutôt qu'une nationalité contre l'autre, car n'est-il pas de fait que les seize membres anglais du Bas- Canada se sont unis avec la majorité canadienne-française, et non pas avec la majorité de leur propre race dans le Haut-Canada? Les membres anglais du Canada Central ont fait la même chose; et je maintiens, en conséquence, que les différends que nous avions étaient entre les deux sections, et que nous n'avions aucun différend national qui rendait un changement nécessaire maintenant. Allons-nous nous débarrasser de ces difficultés de sections au moyen de ce projet? Les trente nouveaux membres représentant dans la législature les provinces d'en-bas ne s'uniront-ils pas à la majorité canadienne, et la même prépondérance d'influence ne pèsera-t-elle pas contre le Haut-Canada comme auparavant? (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! si l'on doit avoir une union de peuples libres, il faudrait que ce fût parce que le peuple la désire et la croit avantageuse en général; et je suis parfaitement sûr que si, dans ces provinces, nous devons avoir une union qui nous conférera quelque avantange, ce devrait-être une union législative et non pas une union fédérale. Nous devrions sentir que si nous devons être unis, ce devrait être de fait autant que de nom; que nous devrions ne former qu'un seul peuple, et non pas être séparés en sections; que si nous entrons dans une union, ce devrait être une union qui fera de nous un seul peuple; et que lorsqu'il surviendra un état de choses favorable à cette union, nous aurons l'occasion de former une union qui nous donnera de la force et protégera nos intérêts pour toujours. L'hon. président du conseil pense que nous devrions entrer dans l'union proposée afin de nous protéger et de nous défendre. J'aimerais à savoir de cet hon. monsieur s'il pense que nous, avec une population de deux millions et demi, pouvons créer un armement suffisant, et lever un nombre d'hommes suffisant pour repousser les millions de soldats des Etats-Unis, s'il voulaient nous attaquer? (Ecoutez! écoutez!) Je ne suppose pas, M. l'ORATEUR, que personne ne serait plus prêt à défendre l'honneur et l'intégrité de la Grande-Bretagne en ce pays que ceux qui pensent comme moi à ce sujet, et je suis convaincu que, même avec la certitude d'une destruction certaine devant nous, si nous étions attaqués par les Etats-Unis, nous aurions des défenseurs qui surgiraient à tout moment,—des défenseurs décidés à vendre leur vie aussi chèrement que possible, et à combattre à outrance avant que d'être forcés de rendre le drapeau de la couronne britannique. Mais cependant, monsieur, nous ne pouvons fermer les yeux sur la différence des forces entre nous et les Etats-Unis; nous ne pouvons nous cacher qu'il nous serait impossible de repousser l'ennemi de toutes les parties de notre territoire, et que dépenser des millions aujourd'hui à cet effet ne peut que paralyser nos ressources et nous affaiblir pour le temps de l'épreuve Si les sommes que nous voulons dépenser à cela aujourd'hui étaient soigneusement employées et économisées, nous les aurions dans un cas de nécessité, et nous pourrions les employer à un meilleur usage qu'à nous préparer à nous défendre! (Ecoutez! écoutez!) Quelques uns disent que le Canada peut être défendu, et d'autres disent qu'il est impossible de le 460 défendre; mais je pense qu'il y a certaines positions dans le pays qui pourraient être fortifiées de manière à pouvoir résister à tout ennemi. Tout en étant ainsi gardées, le reste du pays serait à la merci de l'ennemi, jusqu'à ce que la fortune de guerre décidât si nous devons rester comme nous sommes, ou si nous devons être absorbés par la république voisine. L'hon. ministre de l'agriculture a dit que nous devions avoir des fortifications à St. Jean, Nouveau-Brunswick; et si cette union doit avoir lieu afin que nous puissions être taxés dans le but de construire des fortifications dans le Nouveau- Brunswick, elle sera par conséquent de bien peu de valeur pour le Canada, pour empêcher que le pays ne soit envahi et occupé par un ennemi. Des fortifications à St. Jean, Nouveau-Bruswick ne nous protégeraient pas contre l'ennemi, si l'ennemi venait ici. Elles seraient certainement avantageuses au pays en général et aideraient à maintenir la domination anglaise dans cette partie du continent, et pour cela nous n'aurions aucune objection à contribuer jusqu'à un degré raisonnable à des défenses de cette sorte; mais je dis qu'il serait parfaitement impossible, au moyen de fortifications, de mettre le Canada dans un état de défense tel que nous pourrions résister à une agression de la part des Etats-Unis sur tous les points. Chercher à le faire serait simplement gaspiller notre argent.
M. MCKELLAR—Que feriez-vous, alors? Vous rendre à l'ennemi?
M. M. C. CAMERON—Non, je ne me rendrais pas.
M. MCKELLAR—Eh bien! que feriezvons, si vous ne vouliez ni dépenser d'argent ni vous rendre?
M. M. C. CAMERON—Nous ferions ce que beaucoup de peuples braves ont déjà fait lorsqu'ils ont été attaqués; et le pays d'où vient l'hon. député est un exemple frappant de ce que peut faire une petite nation contre des forces accablantes par le nombre, sans fortifications comme celles que l'on propose de construire ici. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. BROWN — C'est quelque chose de nouveau que l'on puisse défendre un pays sans fortifications. (Ecoutez! écoutez!)  
M. M. C. CAMERON—Je ne sais pas si les hon. messieurs veulent dire que ce pays est en état d'entreprendre les dépenses qui seraient nécessaires pour le mettre en état de repousser une agression de la part des Etats-Unis. Je voudrais savoir si, avec deux millions et demi d'habitants, nous pourrions lutter contre une armée composée de millions en effet, les Etats-Unis ont prouvé qu'ils pouvaient lever une armée semblable— ou faire des fortifications qui pourraient lui résister? (Ecoutez! écoutez!) L'hon. secrétaire provincial a dit sur le parquet de cette chambre, ainsi que devant les électeurs du pays, que nous avions plus besoin d'économie et de " retranchement" que de changements constitutionnels; et, cependant, il affirme aujourd'hui que le peuple ne doit pas avoir un mot à dire a propos de ce changement vital que l'on propose, et de l'énorme accroissement de dépenses qui doit avoir lieu. En s'adressant à la chambre en 1862, il a dit: " Les finances du pays empirent de jour en jour, et il faut y appliquer un remède. C'est surtout pour cette cause que le peuple du Haut-Canada désire un changement dans la représentation." Eh bien! j'aimerais à comprendre comment une union avec 800,000 habitants,—sans compter une dépense immense,—va améliorer nos finances qui, d'après l'hon. monsieur, " empirent de jour en jour. (Ecoutez! écoutez!) Je n'ai encore rien entendu, dans tout ce qui a été dit à propos de ces résolutions, qui pût me faire voir comment cet accroissement et cette amélioration vont résulter de notre union avec moins d'un million d'habitants; mais les arguments employés en faveur de l'union, au point de vue des intérêts matériels seulement ont dix fois plus de force si on les applique à une union avec les Etats-Unis. (Ecoutez! écoutez!) Les arguments des hon. messieurs tendent tous dans cette direction, parce qu'ils disent qu'il est de notre intérêt de nous joindre aux 800,000 habitants des provinces d'en-bas, qui nous ouvriront un marché pour nos produits,— lorsque nous avons de l'autre côté des lignes une population de trente millions prête à le faire. (Ecoutez!) Des arguments de cette espèce, prônant la mesure parce que nos intérêts matériels en profiteront, sont donc des arguments en faveur d'une union avec les Etats-Unis plutôt qu'avec les provinces inférieures; mais j'espère bien que l'union avec les Etats-Unis n'aura jamais lieu. (Ecoutez! écoutez!) Cependant, je ne puis m'empêcher de croire que c'est là la tendance de la mesure; car, lorsque nous aurons une législature dans chaque province, ayant des pouvoirs concurrents avec ceux de la législature fédérale,—ou si elles ne possèdent pas ces pouvoirs concurrants, ayant au moins 461 le même droit que la législature fédérale de légiférer sur certains sujets,—il est certain qu'il s'élèvera des difficultés et des désagréments entre les législatures locales et la législature fédérale, qui porteront le peuple à demander des changements qui détruiront notre connexion avec la mère- patrie. (Ecoutez! écoutez!) On a parlé du caractère fédéral du gouvernement des Etats-Unis pour prouver qu'il a contribué à la prospérité du peuple soumis à ce régime; mais la guerre formidable et inhumaine qui ravage ce malheureux pays, la lutte fratricide qui y arme les frères contre les frères, les remplit de haine les une contre les autres et plonge la population dans toutes les horreurs de la plus affreuse des guerres— n'est-ce pas là le commentaire le plus concluant contre les institutions fédérales, le plus fort des arguments contre l'application de ce système à. ce pays? (Ecoutez! écoutez!) L'élément français du Bas-Canada se trouvera séparé de nous dans sa législature locale, il deviendra de moins en moins uni avec nous et ne tardera pas, par conséquent et suivant toute probabilité, par ne plus s'entendre du tout avec notre population. Mais là où le désappointement sera grand, ce sera lorsque le peuple du Haut-Canada s'apercevra que le projet, loin de l'exonérer du fardeau qui lui a été imposé, le soumettra à une législature qui aura le pouvoir de lui faire subir la taxe directe en sus de toutes les autres charges décrétées par le gouvernement général; ce sera lorsqu'il verra ce pouvoir exercé et qu'il sera mis à contribution pour supporter également le gouvernement général et la législature locale: en face d'un tel état de choses, croit-on que le peuple ne dirigera pas plutôt ses regards de l'autre côté de la frontière pour opérer une union? Je sens que ce que nous fesons aura pour effet d'affaiblir les liens qui nous unissent a à la métropole, parce que si vous donnez aux législatures fédérale et locale le pouvoir de légiférer sur les mêmes sujets, et de taxer toutes deux le peuple, il surgira des difficultés qui auront nécessairement ce résultat (Ecoutez! écoutez!) D'un autre côté, le projet qui nous est soumis déclare qu'il est certaines questions sur lesquelles les deux législatures auront un égal pouvoir de légiférer, et néanmoins la législature locale doit être subordonnéee au parlement fédéral; parmi ces questions, se trouvent celles de l'immigration et de l'agriculture. Eh bien! supposons que la législature fédérale décide d'attirer l'immigration de tel pays de façon à favoriser une localité en particulier— (je ne veux pas dire par ces paroles que l'immigration ne profitera pas a à tout le pays mais que pour le moment elle pourra être plus avantageuse à telle localité plutôt qu'à telle autre): croit-on que si le parl ment fédéral adopte une pareille mesure et vote un crédit sur les fonds publics pour la mettre à exécution, croit-on, dis-je, qu'une telle conduite n'excitera pas des plaintes, attendu que le peuple qui contribue le plus au fisc restera sujet aux impôts comme auparavant? Supposons enco e qu'il soit pris des arrangements pour attirer l'immigration vers un endroit particulier du Bas-Canada ou du Nouveau- Brunswick, et qu un crédit soit ouvert à ce sujet, qui aura le droit de décider qu'une telle mesure est pour le profit local ou général? Ce droit appartiendra au parlement fédéral. Les dépenses et les bénéfices seront pour une partie de la province éloignée de celle qui contribue le plus au revenu public: est-ce ainsi qu'on prétend remédier aux difficultés entre le Bas et le Haut-Canada? S'il en est ainsi, le raisonnement sur lequel on a bâti tou l'échafaudage de la confédération se réduit donc a à rien et tout le reste s'écroule, (Ecoutez! écoutez!) Néanmoins, cette question nous a rendu un service, car elle nous a permis de savoir le montant de notre dette publique, chose qu'il nous avait été impossible de constater jusqu'à ce jour. On sait que nos autorités les plus compétentes étaient, en effet, loin de s'entendre sur l'addition à faire, et je me rappelle entr'autres que l'hon. président du conseil l'a un jour portée à quatre-vingt-cinq millions de piastres
L'HON. M. BROWN —Quand m'avezvous entendu dire pareille chose?
M. M. C. CAMERON—Dans l'un des discours que vous aves prononcés dans cette chambre. Vous disiez qu'étant allé ce matin là même trouver l'auditeur, vous aviez trouvé que le chiffre de notre dette publique se montait à quatre-vingt-cinq millions.
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur fait erreur, c'est soixante-quinze millions que j'ai dit.
M. M. C. CAMERON—Au contraire, et je vais vous prouver combien votre mémoire vous fait défaut en cette circonstance.
L'HON. M. BROWN —Très-bien!  
M. M. C. CAMERON—sz Vous avez dit que la dette s'élevait à $85,000,000, mais que la dette créée par le fonds d'amortissement et l'emprunt municipal, qui se montait à environ quatorze ou quinze millions de 462 piastres, devant se déduire de ce chiffre, notre dette directe restait fixée à $70,000,000.
L'HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez! —Que ne le disiez-vous de suite?
M. M. C. CAMERON—Parce que je ne voulais pas prendre l'hon. président du conseil dans le piège qu'il s'était tendu à lui-même. (Ecoutez! écoutez!) On a donc trouvé que notre dette n'est pas aussi considérable que l'hon. monsieur l'avait supposée, et qu'il y a quatorze ou quinze millions qui ne nous appartiennent pas. Car, l'hon. monsieur, depuis sa liaison avec les anciens corrupteurs, a découvert que notre dette n'était que de soixante-sept millions et demi. L'hon. président du conseil a aussi dit et reconnu avoir dit qu'il était très opposé au chemin de fer intercolonial; et on se rappelle que l'hon proc-général du Haut-Canada ayant remarqué qu'il apprenait, par un journal intitulé le Globe, que MM. SICOTTE et HOWLAND étaient sur le point de revenir après avoir accompli l'objet de leur mission qui était de se débarasser du chemin de fer intercolonial, l'hon. président du conseil ajouta que " c'était là une conduite sensée, la conduite la plus sensée qu'ils eussent encore tenue ". Mais voilà qu'aujourd'hui l'hon. monsieur a pris la chose tellement à cœur qu'il est prêt à construire ce chemin de fer dont il déclarait si sensé de se débarasser à une certaine époque, et je crois même qu'il a été jusqu'à dire qu'il faudrait construire cinq chemins de fer intercoloniaux plutôt que de laisser échouer le projet.
PLUSIEURS HON. DEPUTÉS—Non, non: six
M. M. C. CAMERON—Très-bien! nous allons lui en laisser un. Cependant, je n'ai pu lui entendre réduire en louis, chelins et deniers, le profit que le pays devait retirer de l'entreprise pour l'indemniser des frais de construction d'une chose dont il avait été jugé si sage de se débarrasser il y a deux ans. On avait même proclamé cette conduite pleine de bon sens, malgré les reproches de fausseté dont furent accablés, par les pxovinces du golfe, les députés canadiens qui étaient allés en Angleterre pour cet objet, et on doit se rappeler que le risque de voir le Canada se faire taxer de mauvaise foi n'empêche pas l'hon. président du conseil de leur recommander d'en agir ainsi (Ecoutez! écoutez!) Au point de vue politique, je ne vois pas non plus que nous ayions à gagner à la confédération;—je ne vois pas qu'il nous garantisse la tranquillité dans l'avenir;—je ne crois pas qu'il nous empêche de voir l'hon. président du conseil, sous son titre de député de South Oxford ou de tout autre comté, agiter de nouveau tout notre édifice par ses menées et ses violentes déclarations;—je ne crois pas qu'il éteigne à jamais dans ce pays les brandons de discorde d'autrefois;—je ne crois pas enfin qu'il rende impossible le retour dans le parlement fédéral des mêmes difficultés que nous avons eu à rencontrer dans cette enceinte. (Ecoutez! écoutez!) En sus des frais que nous nous serons imposés pour triompher de ces difficultés, nous les verrons se reproduire de nouveau. (Ecoutez! écoutez!) Au point de vue commercial, le projet ne nous donne pas l'équivalent des dépenses dans lesquelles il nous jette. Qu'est-ce qu'un marché de 800,000 âmes pour nos produits? Et, d'ailleurs, ne dit-on pas que les provinces du golfe sont très-fertiles et qu'une fois le chemin de fer construit elles pourront se suffire à elles- mêmes? Il nous faudra donc chercher un autre marché que ces provinces. On a prétendu qu'il était désirable d'ouvrir un commerce avec les Indes Occidentales; mais il me semble qu'on peut fort bien atteindre ce résultat sans être obligés, pour cela, de s'unir aux provinces du golfe, et s'imposer une machine politique aussi compliquée. Accomplissons une union dans laquelle toutes les parties aient l'intérêt public en vue et non chacune le leur propre. Ainsi donc, sous le rapport commercial, le projet n'offre pas une perspective si brillante que nous ayions besoin de nous presser de l'adopter sans donner le temps au peuple de faire connaître son avis. Au point de vue militaire, les promesses qu'il nous fait entrevoir d'une aide des provinces du golfe en hommes et en argent, ne sont pas telles qu'elles nous poussent à rechercher leur union. (Ecoutez! écoutez!) Au point de vue des questions particulières de localité, comment le peuple de cette province sera-t-il plus à l'abri en moyens dont s'est servi l'hon. président du conseil (M. BROWN) pour susciter toutes les difficultés qui existent depuis si long- temps entre le Bas et le Haut Canada, et qui sont la cause qu'aujourd'hui le pays se lance dans d'aussi grands frais pour y remédier? On prétend que le Haut-Canada sera en mesure de contrôler les dépenses parce qu'il aura dix sept représentants de plus que le Bas-Canada dans la législature fédérale: mais a-t-on réfléchi avec quelle facilité on 463 pouvait neutraliser cette influence au moyen des quarante-sept députés des provinces du golfe? (Ecoutez! écoutez!) De quelque côté que je retourne la question, je ne puis réellement pas voir de quel immense bienfait elle doit nous combler pour que nous ayions besoin de la voter si promptement L'hon. M. GREY a dit, dans les provinces d'en-bas, qu'il pourrait s'écouler des années avant que le le changement n'ait lieu et qu'il faudrait des années pour y réfléchir. Voici ses propres paroles:—
"Ce n'est l'intention de personne de précipiter l'exécution du projet, car il n'est pas pour s'accomplir aujourd'hui, et il pourrait bien s'écouler des années avant qu'il ne soit mis à effet. "
Je fais cet extrait d'un discours prononcé à St. Jean, Nouveau-Brunswick, le 17 novembre dernier par l'hon. M. GREY. Ce n'est pas tout: cet hon. monsieur envisage sous un tout autre aspect ce dont on fait parade ici, l'imposition de la taxe directe pour supporter les governements locaux, et il la désapprouve en termes des plus clairs. D'hon. orateurs ont prétendu, dans cette enceinte, qu'ils étaient favorables à l'imposition de la taxe directe pour maintenir les gouvernements locaux, parce que cette mesure aurait pour effet de forcer les contribuables à surveiller de plus près les affaires publiques et la façon dont les deniers seraient dépensés. (Ecoutez! écoutez!) Il parait s'être manifesté dans les provinces du golfe une certaine opinion en faveur d'une union législative, et l'hon. M. GREY semble avoir combattu cette idée: il va même jusqu'à dire qu'avec une union législative les institutions municipales et la taxe directe dans toutes les provinces serait les seuls moyens de faire fonctionner le gouvernement. Il s'est prononcé contre cette idée et en faveur d'une union fédérale, laquelle, suivant lui, produirait tous les avantages commerciaux que l'on pourrait retirer de l'union et laisserait à chaque province le contrôle de ses propres affaires locales. Les législatures de chaque province devaient, dit-il, garder les mêmes pouvoirs pour ce qui les regarde qu'elles avaient ci- devant. Mais, est-ce qu'en Canada on ne nous dit pas au contraire que les législatures locales ne seront que l'ombre du parlement fédéral, que le pouvoir qui leur sera abandonné ne sera qu'une illusion et que tous leurs actes seront sujets à la sanction du gouvernement fédéral? Car, enfin, tel est le point de vue sous lequel les défenseurs du projet ont développé la question dans cette enceinte. Ainsi donc, ces messieurs qu'on nous a représentés comme s'étant entendus parfaitement dans leur conférence, n'envisagent pas du tout de la même manière les questions sur lesquelles on suppose qu'ils sont tombés d'acord, et donnent des versions très opposées sur les vues des membres de la conférence à propos de diverses questions. (Ecoutez! écoutez!) Pendant que dans les provinces du golfe on les voit se déclarer énergiquement contre la taxe directe, on la présente ici comme un des avantages que devra produire la confédération. (Cris: non! non!) Eh bien! moi, M. l'ORATEUR, je dis oui! Ce que j'affirme en ce moment n'est que la répétition de ce qui a été dit dans cette chambre. Si la somme mise à part pour défrayer la législation locale,—80 centins par tête,— ne suffit pas, les parlements devront avoir recours à la taxe directe jusqu'à concurrence de la somme nécessaire, tandis que dans les provinces du golfe il n'est question de rien de cela. Tous ceux qui ont pris la parole du côté du gouvernement ont été unanimes à déclarer que ce projet était un grand projet: —mais ils ont tous reculé devant la tâche d'indiquer l'espèce de législature locale que nous sommes pour avoir; ils ne nous disent pas de quelle manière notre exécutif sera formé pas plus que nous savons si nous aurons dans les deux provinces des conseils législatifs, et si ces corps politiques seront électifs ou non. Ils ne nous disent pas quel sera le nombre de ministres qui composera le conseil exécutif de la confédération, ni quelle influence chaque province aura dans ce gouvernement. Ils ne nous font pas connaître leur projet de législatures locales, mais ils nous affirment qu'il vaut mieux ajourner ces détails, que nous avons à régler la question fédérale seule et que nous n'avons pas à nous occuper pour le moment des gouvernements locaux. Pourquoi ce vague, ces choses indéfinies? Convient-il, politiquement parlant, de nous avertir, nous, les députés d'un peuple libre, que nous ne saurons rien de cela mais que nous devons voter les yeux fermés? Je maintiens que nous devrions avoir connaissance de tout le plan et ils affirment que nous n'en saurons rien du tout, et ils continuent à dire que c'est un grand projet! Eh bien! si c'est un grand projet, s'ils persistent dans la conduite qu'ils n'ont cessé de tenir dans cette chambre, ne doit-on pas les proclamer, eux les architectes et les maçons de ce grand 464 édifice, de grands feseurs de plan? (On rit.) Ne se conduisent-ils pas à notre égard comme avec des écoliers? Pour prouver l'excellence et la popularité de leur projet, ils nous disent qu'avec cette question ils ont formé un ministère fort appuyé d'une majorité de soixante-dix voix dans cette chambre, tandis que les gouvernements qui ont précédé celui ci pouvaient à peine compter sur une majorité de deux. Mais est-ce pour la raison qu'ils sont forts qu'ils se croient en droit de refuser aux représentants du peuple le privilége d'avoir des renseignements sur des questions d'une telle importance, renseignements dont ils ne nous auraient pas privés s'ils eussent été plus faibles? (Ecoutez! écoutez!) On donne avis de motion pendant plusieurs jours dans les journaux de l'assemblée pour demander un état de ce que le Bas et le Haut-Canada auront à payer chacun sur la dette, et le ministère nous dit qu'il ne saurait donner à la chambre aucun renseignement de ce genre. Eh! quoi, serait-il possible que le gouvernement n'aurait encore rien fixé à ce sujet au point où nous en sommes de la discussion, et qu'il n'en serait encore venu à aucune détermination? Si tel était le cas, nous aurions raison de croire que les ministres ont pris leur position en badinage et qu'ils n'ont pas rempli les devoirs de leur charge. On a dit que la question était depuis très long- temps devant le public et que, par conséquent, il était oiseux de la soumettre au vote des électeurs Je demanderai sous quelle forme cette question a été mise devant le pays? Je demanderai pourquoi la presse a déclaré de prime abord qu on ne pouvait adopter une telle mesure sans la soumettre au peuple? Tout le monde sait que l'organe du ministère à Toronto,—qui est plus particulièrement encore l'organe du président du conseil,—a déclaré dès le premier jour et comme pour sonder l'opinion, qu'il ne serait pas nécessaire d'en appeler au peuple:—mais les autres journaux étaient en train d'exprimer une opinion tout-à-fait différente lorsqu'est arrivée cette fameuse circulaire du département du secrétaire provincial. (Ecoutez! écoutez!) Chacun se rappelle l'effet magique qu'elle a produit et chacun sait aussi qu'on commença dès lors à dire que la question n'avait pas besoin d'être soumise au peuple, bien que ce dernier n'eût jamais songé qu'elle pût être votée sans cela. Je ne vois pas comment un homme qui veut échapper à l'accusation d'avoir manqué au mandat dont il est chargé, pourrait se résoudre, sans prendre l'avis de ceux qu'il représente, à changer une constitution qui met en jeu les intérêts de plusieurs millions d'individus. (Ecoutez! écoutez!) On refuse donc ainsi au peuple qui, lui, aura à payer pour tout ce que nous ferons, et qui fournit le revenu nécessaire au fonctionnement des affaires publiques, on lui refuse, dis-je, d'exprimer dans le sens indiqué par la constitution son opinion sur une question qui l'intéresse à tant d'égards. On répond à cela en disant qu'il n'y a pas eu de requêtes de présentées contre la confédération; mais, je le demande, où a-t-on fait de l'agitation au sujet de la mesure? Dans quelles élections de députés l'a-ton discutée? Le siége que j'occupe dans cette enceinte je l'ai disputé et enlevé au secrétaire provincial qui après la formation du gouvernement actuel dut se représenter devant ses électeurs;—dans un certain sens et en autant que le comté de North Ontario a pu exprimer son opinion, n'est-ce pas là une défaite?
L'HON. M. BROWN—Écoutez! écoutez!
M. M. C. CAMERON—Je ne veux pas dire, M. l'ORATEUR, que le comté se soit prononcé définitivent contre le projet.
L'HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez!
M. M. C. CAMERON—Car, lorsqu'il en fut question, je déclarai que je n'étais aucunement prêt à me prononcer dans un sens contraire.
L'HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez!
M. M. C. CAMERON—J'ai dit que je devais connaître le projet auparavant que de pouvoir voter dans un sens ou dans l'autre.
L'HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez!
M. M. C. CAMERON—Ce qu'il y a de certain c'est que le président du conseil qui a pris la peine de se rendre dans le comté, d'y faire des discours et d'y tenir des assemblées, a déclaré que si le secrétaire provincial n'était pas réélu le projet en recevrait un rude choc, et cependant les électeurs n'en ont pas moins jugé à propos de m'élire. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. MCDOUGALL —L'hon. monsieur me permettra-t-il de l'interrompre et de lui demander s'il entend dire à la chambre qu'il ne s'est pas déclaré en faveur de la politique du gouvernement sur la question de la confédération?
M. M. C. CAMERON—Je veux dire et je le répète de nouveau que je ne me suis pas déclaré favorable à la politique du gouvernement. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. BROWN—Oh! oh!
465
M. M. C. CAMERON—J'ai déclaré là ce que je déclare ici, savoir: que je suis en faveur d'une union des provinces. Comment pouvais-je, d'ailleurs, dire que j'approuvais l'union projetée ou qu'elle serait avantageuse au pays puisque j'igno ais les détails de la mesure? Bien plus, l'hon. monsieur ne put même pas m'expliquer alors le projet ni me dire ce qu'il était.
UN HON. DEPUTÉ—Mais, les élections de la chambre haute?
M. M. C. CAMERON —Je crois qu'il n'y a eu pour ce corps que deux élections qui se soient faites sur la question.
UN HON. DEPUTÉ—Lesquelles?
M. M. C. CAMERON—Celle de Saugeen en est une.
M. T. R. FERGUSON—Oh! mais c'est là une élection dont le résultat était certain, confédération ou non. (On rit.) Tout le monde le sait.
M. M. C. CAMERON—Quoiqu'il en soit, ma conviction est que les électeurs et les candidats étaient sous l'impression que la chose ne recevrait jamais d'exécution, que la constitution actuelle ne serait jamais changée sans que le peuple fut appelé à en décider. Comment aurait-on pu supposer que des députés, envoyés par le peuple au parlement pour toute autre chose, prendraient sur eux de mettre de côté la constitution pour opérer une révolution complète dans les affaires du pays, de l'embarquer dans des frais beaucoup plus considérables, de modifier essentiellement la constitution de la chambre haute, d'accroître le chiffre de la représentation du Haut-Canada et d'ajouter un nouvel élément de quarante-sept membres à ceux déjà existants de la chambre basse. Je suis persuadé que le peuple n'a pas compris que cela devait se faire sans qu'il eût l'occasion de se prononcer pour ou contre. (Ecoutez! Écoutez!) Et j'ai peine à croire qu'à cette époque de l'histoire du monde, nous puissions trouver, dans un pays libre comme l'est le Canada, chez un peuple qui sait quels sont ses droits et libertés, un gouvernement qui veuille agir d'une manière aussi inconstitutionnelle, un gouvernement qui soit prêt à tyranniser et à jouer le rôle d'une oligarchie. (Ecoutez! écoutez!) C'est pourtant ce que le nôtre veut faire; car il dit à ses adhérents qu'il faut qu'ils acceptent le projet tel qu'il est, qu'ils ne peuvent en changer un seul mot sans le rejeter en entier. Ce n'est pourtant pas ainsi que les hon. messieurs des provmces inférieures agissent à l'égard de cette question. A la Nouvelle- Ecosse, il y a deux ou trois jours, l'hon. M. TILLEY a déclaré que si les représentants du peuple jugeaient à propos de changer les résolutions, ils étaient libres de le faire (écoutez! écoutez!), tandis qu'en Canada l'on nous dit avec gravité qu'il ne nous est pas permis d'exercer notre jugement ni de formuler une opinion à ce sujet. (Ecoutez! écoutez!) Quant au projet même, il a été élaboré en trop grande hâte; on voit que c'est une œuvre de compromis faite d'une manière précipitée. C'est un travail de rapiècetage, et comme nous le savons tous, nous ne sommes pas libres de changer aucune des pièces du plan pour qu'il ait meilleure mine ou qu'il soit plus facile à endurer par ceux qui auront à le subir. (Ecoutez! écoutez! et rires.) Au sujet du conseil législatif, il me semble que le texte ne comporte pas l'idée que des hon. membres de cette chambre ont dit qu'il devrait comporter. La l4me section est ainsi conçue:—
"Les premiers conseillers législatifs fédéraux seront pris dans les conseils législatifs actuels des diverses provinces, excepté pour ce qui regarde l'Ile du Prince-Edouard. "
Vous avez remarqué les mots: " dans les conseils législatifs des diverses provinces," c'est-à-dire dans les conseils législatifs actuellement existants. Plus loin, cette clause dit:—
"S'il ne s'en trouvait pas assez parmi ces conseillers qui fussent éligibles ou qui voulussent servir, le complément devrait nécessairement être pris ailleurs. Ces conseillers seront nommés par la couronne à la recommandation du gouvernement général et sur la présentation des gouvernements locaux respectifs."
Au dire d'hon. messieurs, cela signifie, en ce qui concerne le Canada, qu'ils seront nommés par le gouvernement actuel. Je présume que les ministres actuels s'attendent qu'ils seront, au moins pendant quelque temps, les contrôleurs de notre destinée dans le gouvernement fédéral. Ainsi, ils compteraient pouvoir se nommer eux-mêmes. Est-ce là le but de la clause? C'est là, en réalité, l'effet qu'elle pourrait avoir, car avant que ces nominations puissent se faire, je suppose qu'il faudra que le gouvernement exécutif existe, et dès que le gouvernement fedéral sera fermé il faudra que le cabinet cesse d'exister co-instanti. Je comprends que dès que l'acte impérial sera passé, on mettra fin aux arrangements actuels, et que de cet instant les législatures locales 466 et générale entreront en existence. Le gouvernement actuel du Canada uni cessera d'exister; comment, alors, se feront les nominations au conseil législatif, de ce gouvernement au gouvernement exécutif de la confédération? (Ecoutez! écoutez!) A vrai dire, ces résolutions ne peuvent être considérées que comme une ébauche de la constitution, bien qu'elles paraissent avoir embrassé jusqu'à de très petits détails. Elles stipulent, par exemple, qu'un conseiller qui s'absentera pendant deux sessions, rendra par ce fait son siége vacant. C'est là un très petit détail, dont je considère en même temps la teneur comme très injuste, vu que cette absence pourrait être due à la maladie, et qu'il se pourrait qu'un membre fut malade pendant deux sessions du parlement et en santé immédiatement après.
UN HON. MEMBRE — En pareil cas, son absence pourrait être excusée.
UN AUTRE HON. MEMBRE — Ou bien il pourrait être nommé de nouveau.
M. M. C. CAMERON — Aucun de ces cas n'est prévu, et je pense que lorsque l'on a fait tant que de s'occuper de détails comme celui-là, on aurait dû les rendre assez complets pour que l'on pût en comprendre l'intention; mais si ce ne sont pas là des détails, si ce n'est qu'une ébauche, pourquoi avoir mentionné cela? Pourquoi n'avoir pas dit tout simplement que le conseil législatif serait nommé à vie? On a dit aussi que les pêcheries sur nos côtes maritimes et à l'intérieur seraient sous le contrôle du gouvernement fédéral et des gouvernements locaux; or, je vous le demande, est-il possible que je puisse comprendre ce que l'on entend par cela?—mais ce n'en est pas moins une clause qui pourrait occasionner des difficultés. Pour montrer le peu de soin que l'en a apporté à la rédaction de ces résolutions, dans un endroit elles parlent du sceau du gouvernement général et dans l'autre du sceau des provinces fédérées! Je pense qu'un gouvernement général ne peut avoir de sceau à lui. C'est sans doute le sceau de la nation, du pays en général que l'on a voulu dire, de même qu'en parlant du nôtre l'on dit le grand sceau de la province. Il y a peu à redire là-dessus; mais cela n'en prouve pas moins que l'on a été peu soigneux en préparant ce document; cela démontre que chaque résolution n'a pas été étudiée avec le but arrêté de la rendre parfaite. Il est de plus dit que:—
"Les gouvernements et les parlements des diverses provinces seront constitués en la manière que leurs législatures actuelles jugeront respectivement à propos de les établir."
Par cela je ne puis comprendre si, avant qu'il ait une union fédérale, il sera ou non loisible à cette législature d'établir des dispositions pour le gouvernement et la législature locale, ou si pour cela nous devrons attendre l'intervention du gouvernement impérial au sujet de la fédération. Notre intervention, chacun le suppose, ne devrait venir qu'après que le gouvernement impérial se sera prononcé. C'est peut-être là l'intention; mais on nous refuse, M. l'ORATEUR, toute explication. Il se peut que dès que ces résolutions seront passées, on nous renverra à nos foyers; que la législature impériale sera invitée à passer une loi et que l'on nous convoquera de nouveau, des mesures étant prises à cet effet; mais après avoir adhéré au principe fédéral, il nous faudra naturellement accepter les législatures locales que l'on aura jugé à propos de nous donner (Ecoutez! écoutez!) En parlant de la formation des législatures locales, le ministre des finances a dit:
"On savait, dans la section du Bas-Canada, qu'il y aurait un conseil législatif et une assemblée législative."
Il est donc entendu que l'on veut établir un gouvernement dispendieux pour l'administration locale. Je ne crois pas que ce soit ce que veulent les Haut Canadiens. Si réellement nous devons avoir une législature locale, nous voulons qu'elle coûte le moins possible; nous voulons avant tout que sous ce rapport le fardeau soit pour le public le moins lourd possible (Ecoutez!) J'ai étudié cette question avec tout le soin dont je suis capable,— et désireux, comme je le suis de voir disparaître la cause de l'esprit de faction, j'aurais volontiers donné mon appui à ce projet si j'eusse vu qu'en le formant le cabinet avait en vue le véritable intérêt du pays; si j'eusse vu qu'il ne voulait pas créer trop de législatures ni entreprendre des travaux au-dessus de nos moyens,—travaux qui seront de peu de valeur aux points de vue commercial et militaire, mais qui sont de nécessité absolue pour nous mettre en contact avec le peuple des provinces intérieures. Il me semble qu'il serait beaucoup mieux de construire ce chemin de fer sans former cette union. (Applaudissements du côté de l'opposition.) Si sans l'union nous avions construit cette voie, elle nous eût coûtée beaucoup moins; nous 467 y aurions plus gagné et nous aurions en le contrôle de nos affaires sans nous sacrifier, c'est-à-dire, sans sacrifier le Haut-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Au point de vue du commerce, nous n'en retirerons pas plus de bénéfice que si elle eût été construite sans une union des provinces.
M. T. C. WALLBRIDGE—On aurait pu avoir le chemin de l'or fer sans nous unir à ceux qui pourront limiter notre agrandissement vers l'Ouest.
M. M. C. CAMERON—J'ignore ce que l'on fera sous le nouvel arrangement, mais sous l'ancien, nous devions fournir les cinq douzièmes du prix de revient, et maintenant, notre part sera le double au moins de cette somme; si bien que, de quelque côté que l'on se tourne, on voit que rien n'a été fait pour avantagcr le Haut-Canada, dont le peuple devra cependant subvenir à toutes ces dépenses extravagantes que l'on se propose de faire. On a admis que pour arriver à ce projet il avait fallu faire des concessions. Les provinces inférieures ont des lois qui ne s'accordent pas avec les nôtres dans le Haut- Canada, et on a pensé qu'il serait à désirer qu'elles fussent assimilées aux nôtres, et même refondues, si possible; eh bien! la refonte de ces lois a été prévue; mais voyez comme l'on a religieusement évité de prescrire la même chose à l'égard des lois du Bas-Canada. Le 33me paragraphe donne au gouvernement général le pouvoir de " rendre uniformes les lois relatives a à la propriété et aux droits civils dans le Haut- Canada, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau- Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard et l'Ile de Terreneuve, ainsi que la procédure de toutes les cours de justice dans ces provinces. Mais nul statut à cet effet n'aura force ou autorité dans aucune de ces provinces avant d'avoir reçu la sanction de sa législature locale." Ainsi donc, nulle loi de cette sorte ne sera d'aucun effet sans la sanction de la législature locale de la province qui sera particuièremcnt tenue de s'y soumettre. Cela étant, pourquoi cette disposition ne serait-elle pas appliquée au Bas-Canada aussi bien qu'aux autres provinces?? Rien ne pourrait être changé à ses lois parliculières sans la sanction de la législature locale; or, comme je pense que pour l'avantage de toutes les parties de la confédération, il est quelques lois qui devraient être assimilées, cette assimilation serait-elle possible, puisque ces résolutions déclarent que l'on ne pourra toucher aux lois du Bas-Canada? On veut assimiler les lois des autres provinces, mais laisser pour toujours à une grande étendue du pays des lois différentes du reste (Écoutez! écoutez!) Il y a beaucoup de différence entre ' une disposition qui laisse à l'option du peuple de rejeter ou d'adopter une loi, et une autre qui déclare qu'une loi sera, que le peuple le veuille ou non, obligatoire pour lui. (Ecoutez!) ll m'est facile de comprendre le sentiment du peuple Franco-Canadien, je puis même l'admirer s'il ne veut pas qu'on lui impose quoique ce soit contre sa volonté;— mais ce que je ne puis comprendre. c'est qu'il ne veuille pas, même avec son consentement et pour le bien général, qu'il nous soit permis de proposer quelques changements à ses lois. Avec un parti pris comme celui-là, manifesté avec autant de force qu'il l'est dans ce moment, il me semble que nous ne formerons pas une union composée de bons éléments; il me semble que nous y trouverons la lutte et des dissensions plutôt que l'union et la force. (Ecoutez!) Cela est à regretter, car s'il doit s'opérer certains changements qui influent sur les destinées du pays. il est déplorable de ne pouvoir trouver chez les représentants du peuple assez de patriotisme pour qu'ils sachent discerner quand il faut exiger ou céder, et cela afin que l'union soit avantageuse à tous, et non un fardeau pour tous parce qu'une partie du pays dira: " Nous avons des institutions particulieres auxquelles on ne vous permettra pas de toucher, à vous, messieurs, qui allez être unis:'t à nous." J 'ai étudié cette question de m n mieux, et avec le désir sincère d'en venir it à une impartiale conclusion, mais jusqu'ici je n'ai pu me convaincre que ce projet ne recèlait pas plutôt la ruine que des éléments de sûreté et de force: qu'il n'était pas un acheminement à notre séparation de l'empire auquel nous appartenons et auquel nous nous glorifions d'appartenir: qu'il ne serait pas la cause que malgré nous le pays serait entraîné à l'annexion aux Etats-Unis. Pour ma part, j'aimerais mieux voir périr tout ce que j'ai de plus cher plutôt que de devenir sujet de cette. puissance. Je ne hais pas ce pays, pas plus que je ne hais les autres peuples; mais je suis tellement attaché aux institutions anglaises, —à la couronne britannique—que je ne voudrais, dans aucune circonstance, renoncer à notre connexion avec la mère-patrie, ni accepter la rupture de cette alliance, nous fut-elle offerte par la Grande-Bretagne elle- même. Je sens que ce pays serait voué à la 468 malédiction si par la force nous étions absorbés par cette nation; si par la force nous nous trouvions de vivre sous son régime démoralisateur et d'adopter ses habitudes et ses mœurs qui, aujourd'hui, nous répugnent tant. Etre amenés à cette union serait, à mon sens, le plus grand malheur qui pourrait nous arriver. En adoptant le projet qui nous est soumis, je pense que nous sèmerons la discorde et la lutte qui détruiront notre union au lieu de la cimenter. Je suis donc adverse au projet, et cela parce qu'un point de vue de la politique, du commerce, des défenses et de l'économie, il ne sera d'aucune utilité pour le pays; parce qu'au contraire il sera la source de maux dont on ne verra peut-être jamais la fin. (Applaudissements.)
M. DUNKIN annonce qu'il désire prendre part aux débats, mais qu'il ne veut pas porter la parole à cette heure avancée, et que si quelque autre hon. membre ne se lève pas pour continuer la discussion, il proposera l'ajournement.  
M. MCGIVERIN—Sachant l'hon. député de Brome (M. DUNKIN) indisposé, je consens volontiers à prendre la parole à sa place. Ce n'est pas, cependant, sans éprouver beaucoup de malaise que je me lève pour faire les observations que je vais soumettre, et cela se comprend, après l'habile et éloquent discours qui vient justement d'étre prononcé Bien que je sois peut-être incapable de traiter ce sujet sans répéter ce qui a déjà été dit par les hon. messieurs qui m'ont précédé, je ne m'en crois pas moins obligé, parce que je dois à mes commettants, de donner les raisons qui m'ont porté à prendre la décision que je me suis faite à l'égard de cette question, qui est certainement des plus importantes, et qui par l'immensité des intérêts que va mettre en jeu le changement projeté de notre constitution, mérite l'attention sincère de tout vrai Canadien. (Ecoutez! écoutez!) Je crois d'abord devoir donner les raisons qui me portent, de concert avec un grand nombre de députés libéraux du Haut-Canada, à agir comme nous avons décidé de le faire à l'égard du cabinet actuel et de la politique qu'il a inaugurée. Dans le Haut-Canada, et dans presque tous ses collèges électoraux, une agitation a longtemps existé qui avait pour cause des difficultés entre les deux sections du pays. Au lieu de diminuer, cette agitation a été toujours grandissant. Depuis l'union de 1841, le Canada-Ouest a ressenti qu'on ne lui rendait pas la justice à laquelle lui donnaient droit sa richesse et sa population. D'un autre côté, la population française du Bas-Canada croyait ou semblait croire qu'une augmentation de la représentation du Haut-Canada dans la législature finirait par détruire sa langue, ses lois et sa religion. La position difficile qui nous fût faite par cet antagonisme était telle que, dès que le gouvernement proposa à l'hon. président du conseil (M. BROWN) de s'unir à lui pour aviser au moyen de couper court à ses malheureuses difficultés, je crus de mon devoir, tout étrange que cela ait pu paraître que nous nous soyions séparés de la section libérale du Bas-Canada, je crus de mon devoir, dis-je, sur la conviction que j'avais de la nécessité d'un changement, et comme Haut-Canadien—je puis dire comme Canadien—de faire tout mon possible pour délivrer notre pays de sa malheureuse position. (Ecoutez! écoutez!) Je pense que le peuple du Haut-Canada —je pourrais dire de tout le Canada—est fatigué de la lutte que nous soutenons depuis bien des années et qui entravait si fortement toute législation nécessaire au développement des ressources du pays. Vu la position difficile où nous trouvions, je crois que le peuple désirait sincèrement voir l'état de choses actuel changer; mais il ne voulait pas que ce changement nous mènât à une union avec les Etats-Unis. (Ecoutez! écoutez!) Ce qu'il désirait, c'était une union avec les autres provinces anglaises, une union, qui, avant longtemps, je l'espère, embrassera les colonies du Pacifique ainsi que celles situées à l'est de nous sur les bords de l'Atlantique. (Ecoutez! écoutez!) Malgré toutes ses défectuosités, je crois que ce projet d'union qui est proposé nous mettra dans la bonne voie. Il est impossible que le peuple de ce pays veuille rester dans l'état d'agitation politique où il s'est jusqu'ici trouvé, et qui aurait pu être la cause de difficultés auxquelles on n'aurait pu malheureusement trouver de solution qu'en recourant au moyen auquel nos voisins se sont vus obligés. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député d'Hochelaga (M. DORION) a dit avec vérité il y a déjà longtemps—en 1858—que le pays était presque à la veille d'une révolution, et que pour l'éviter il fallait opérer quelque changement. Depuis, et au lieu de diminuer, la nécessité de ce changement n'a fait que grandir. (Ecoutez! écoutez!) Autant que j'ai pu le constater jusqu'ici, nul membre de cette chambre n'a encore dit qu'il fut réellement 469 opposé à une union avec les autres provinces. Même l'hon. monsieur qui m'a précédé s'est déclaré en faveur de cette union, qui, selon lui, serait on ne peut plus avantageuse au pays; ce qu'il n'aime pas, ce sont l'esprit et les détails de ce projet. Cependant, cet hon. député et d'autres qui rejettent ce projet tout en se déclarant pour le principe de l'union, n'ont jusqu'ici rien présenté qui pût le perfectionner. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOLTON —Nous avons le droit d'amender ce projet.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER —Vous auriez mieux fait de faire imprimer vos amendements.
M. MCGIVERIN—L'hon. député d'Ontario Nord (M. M. C. CAMERON) a dit que tout en étant pour l'union, il pensait qu'une union législative serait préférable à une union fédérale. Pour ceux qui veulent la faire, cette assertion est facile. De la population anglaise de ce pays, il est peu de personnes qui ne soient pas en faveur du principe d'une union législative; mais pouvons-nous l'obtenir? N'avons-nous pas, depuis bien des années, essayé d'obtenir la représentation d'après le nombre, afin de faire rendre justice à la section ouest de la province en la faisant partager dans la distribution des deniers publics en proportion de sa richesse et de sa contribution au revenu? Personne n'osera nier que la section Ouest—soit parce qu'elle est plus avantageusement située, ou qu'elle a un plus beau climat et un sol plus fertile—consomme et produit plus que le Bas-Canada. Et c'est justement parce que le Haut-Canada, qui se trouve avoir cette supériorité d'avantages, est placé sur le même pied que le Bas dans la législalure du pays et dans l'administration de ses affaires, qu'il a à se plaindre et que cette agitation a eu lieu. De là vient que le Haut-Canada s'est déclaré avec autant de force en faveur d'un changement. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député d'Ontario Nord veut une union qui, bien que désirable sous beaucoup de rapports, est reconnue comme impossible par la plupart. (Ecoutez!) La population française, qui réclame pour elle égalité de droits et de justice, y consentira- t-elle volontiers? Je ne le crois pas. Le parti libéral du Bas-Canada même nous refuse cette union législative. L'hon. député d'Hochelaga, pour qui je professe le plus grand respect, et qui, je crois, est celui de tous les membres de cette chambre dont l'esprit est le plus libéral et le plus élevé, même cet hon monsieur, lorsqu'il nous était aidé, lorsque nous lui avons demandé de se joindre à nous dans l'adoption d'une politique propre à faire disparaître ces malencontreuses difficultés, toujours il s'y est refusé, disant qu'il lui était impossible, ainsi qu'à ses amis, de s'accorder avec nous sur ce point. Ainsi, lorsqu'à la fin de la dernière session, l'autre parti politique du Bas-Canada vint dire au peuple du Haut-Canada:
"Tenez nous cédons volontiers à votre désir; seulement, au lieu de vous accorder la représentation d'après le nombre purement et simplement, nous pensons qu'une confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique qui reconnaîtrait ce principe serait préférable; et si dans ce projet nous ne pouvons réussir, nous recourrons à une fédération des deux provinces du Canada,"—
Lorsque cela nous fut offert, aurions-nous été justifiables de le rejeter simplement parce que pour un temps il fallait faire abnégation de nos sentiments de parti, ou parce que pour un temps nous allions travailler de concert avec ceux qui étaient avant des adversaires politiques que nous avions peut-être jadis fortement dénoncés? Devions-nous, lorsqu'on nous a offert la réforme pour laquelle on lutte depuis tant d'années, la refuser simplement parce qu'elle ne nous était pas offerte par nos alliés politiques? (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, quelque opinion que l'on puisse avoir de ma conduite, je me suis cru obligé, comme Haut- Canadien et par esprit de justice pour mon pays, de mettre de côté mes affections de parti et de faire ce qui servait le mieux les intérêts généraux. (Ecoutez! écoutez!) Relativement à cette confédération, l'hon. député d'Ontario Nord,—et l'hon. député d'Hochelaga qui a tenu le même langage—a dit qu'au point de vue de la politique, du commerce et des défenses, l'union des provinces, constituée selon le projet, serait une affaire manquée; il a dit qu'au lieu de nous préparer à faire des armements dans la prévision de difficultés avec nos voisins, nous devions plutôt rester tranquilles; ou, en d'autres termes, que nous devions attendre qu'ils nous eussent passé sur le corps et roulés dans la poussière! (Ecoutez! écoutez!) Nos vétérans de 18l2, M. l'ORATEUR, avaient de tout autres sentiments (écoutez! écoutez!); car, bien qu'ils fussent un petit nombre, que le pays ne fut colonisé que ça et là et que l'étendue de la frontière fut immense, en braves qu'ils étaient ils ont faut ce qu'ils ont pu pour résister a l'ennemi, qu'ils 470 ont même. repoussé. (Ecoutez! écoutez!) Bien que, comparativement, nous soyions encore peu nombreux, depuis cette époque nous n'en avons pas moins augmenté en population et en richesse, dans la même proportion que les Etats-Unis; quoique la guerre actuelle ait developpé chez eux de grandes ressources militaires, je crois pouvoir démontrer qu'avec les nôtres nous pourrons au besoin mettre en campagne six cent mille hommes, (écoutez! écoutez) et comme nous pourrons toujours, — si nous nous montrons prêts à faire notre devoir,— compter sur l'aide la Grande-Bretagne, je crois que nous serons en mesure de lutter tout comme ceux qui ont repoussé l'invasion de 1812. (Ecoutez! écoutez!) Sur ce point nous avons l'histoire pour nous encourager. Lorsque les colonies américaines, qui composent les Etats-Unis, se révoltèrent contre la Grande-Bretagne, leur population n'excédait pas de plus d'un ou de deux cent mille celle des cinq colonies qui doivent former notre future confédération. (Ecoutez! écoutez!) A cette époque, et sous tous les rapports, leurs ressources étaient certainement beaucoup plus restreintes que ne le sont actuellement celles du peuple de ce pays, et cependant elles résistèrent à l'une des plus grandes puissances du monde; elles luttèrent avec assez de succès pour conquérir leur indépendance. Dans l'éventualité d'une attaque, nous sommes ici placés dans une position exactement semblable. En ce pays, un homme vaudra trois soldats de l'armée d'invasion. (Ecoutez! écoutez!) La guerre qui se poursuit entre le Nord et le Sud a démontré que par les difficultés qu'offrait à l'ennemi le pays attaqué et les avantages qu'on en retire pour le défendre, un homme en vaut trois pour résister à une armée envahissante. Bien que bloqué du côté de la mer; bien qu'il ait une étendue immense de frontière à défendre; qu'il soit relativement faible par rapport a. à ses quatre millions d'esclaves, et que sa population blanche ne soit qu'un peu plus nombreuse que celle des provinces qui doivent entrer dans cette confédération, le Sud n'en a pas moins résisté, avec succès même, pendant quatre ans à toutes les forces que les immenses ressources des Etats-Unis ont permis de diriger contre lui. (Ecoutez! écoutez!) Comme doit le désirer tout vrai Canadien je désire et fais des voeux pour que nous continuions à rester en paix; mais admettre qu'il nous sera impossible de résister à toute force qui viendra pour nous attaquer, je n'y consentirai jamais. (Ecoutez! écoutez!) A tout cela, M. l'ORATEUR, j'ajoute qu'au point de vue du commerce, de 'agriculture et des défenses, l'union est, à. mon avis, beaucoup à désirer. Placés comme nous le sommes; menacés de voir abolir le traité de réciprocité, n'est-il pas, je vous le demande, de notre devoir de faire quelque effort pour changer et rendre meilleure notre condition? Ainsi que je l'ai dit, M. l'ORATEUR, cette question a été si bien traitée au point de vue commercial, financier et politique par les hon. messieurs qui m'ont précédé, et qui étaient beaucoup plus capables que moi de le faire, que je crois devoir m'abstenir de répéter leurs arguments; mais, à l'égard des ressources de l'Amérique Britannique du Nord, il est un ou deux points sur lesquels je veux attirer l'attention de la chambre. L'union est désirable pour le développement de nos richesses minérales. Dans la Colombie Anglaise et l'Ile de Vancouver, les régions aurifères égalent en valeur celles d'aucune autre partie du monde. Nous avons aussi du fer dans cette vaste étendue de pays située entre les Montagnes-Rocheuses et le lac Supérieur, pays qui, pour les fins de la colonisation et de la culture, vaut au moins, s'il ne le surpasse pas, ce que nous avons de mieux en Canada en fait de sol, et dont l'étendue est estimée de 80 à 101 millions d'aeres. Nous avons en Canada de superbes mines de fer et de cuivre, et les provinces inférieures possédent aussi de grandes richesses minérales, d'immenses champs houillers et de précieuses pêcheries. Nous possédons toutes les richesses qui peuvent faire de nous un grand peuple si nous savons les développer. (Ecoutez! écoutez!) A l'appui de cette assertion, je vais citer quelques chiffres qui feront connaître les ressources des contrées avoisinantes qui font partie de ce grand district et dont les intérêts sont identiquement les mêmes. En 1860, la population de Nevada était de 6,857, et en 1863, de 60,000. Onze millions de piastres, environ, ont été affectées a l'ouverture de routes et autres améliorations, et en 1863, ses ressources s'élevèrent au chiffre de $15,000,000. En 1861, Victoria (Australie) avait une population de 540,322, et elle a construit 350 milles de chemin de fer. Son revenu s'est élevé à. $15,000,000. Elle a des villes et des habitations magnifiques, et jouit, en un mot, de tout le comfort et de tout le luxe possible. Dans 471 l'Utah, où le progrès du pays rencontre peut être beaucoup d'obstacles, nous voyons qu'en 1860, sa population était de 41,000, et que dans le cours de dix ans elle a augmenté de 254 par cent. En 1850, la valeur de la propriété était de $986,000, et dix ans plus tard, elle atteignait le chiffre de cinq millions et demi; c'est-à-dire, que dans cette période elle avait augmenté de 468 pour cent. Sur ce territoire, et bien qu'il s'y trouve aussi de l'or, les mines de fer et de cuivre y sont exploitées de préférence. En 1864, la population était estimée à 75,000. Colorado a une population de 60,000 âmes, et en 1864, l'or qu'elle a produit a atteint le chiffre de $15,000,000. L'agriculture s'y développe aussi rapidement. Je mentionne ces faits simplement pour démontrer ce que nous vaudra cette union si elle est établie sur d'aussi bonnes bases que me le fait espérer la confiance que j'ai mise à cet égard dans le gouvernement, et augmentée plus tard de toutes les colonies anglaises de l'Amérique, depuis l' Atlantique jusqu'à la côte du Pacifique. (Ecoutez écoutez!) Si je savais que ce n'est pas cette union là que le gouvernement a l'intention de former; si je savais qu'il ne doit pas prendre de mesures pour faire ouvrir le grand territoire du Nord- Ouest, élargir nos canaux et améliorer nos voies de communication par eau a à l'intérieur, je n'hésiterais pas un seul instant à lui retirer mon appui et a à user de toute mon Influence pour le renverser. (Ecoutez! écoutez!) En mentionnant ces régions aurifères et minières, je ne veux que démontrer que nous sommes maîtres de toutes ces richesses si nous voulons seulement les développer. Durant les six dernières années, lor produit par l'Australie, la Colombie Anglaise et la Californie, a été évalué à près de deux mille millions de piastres. Les divisions politiques de l'Amérique Britannique du Nord sont comme suit:—le Haut-Canada, *'° le Bas-Canada, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard, °Terreneuve, l'Ile de Vancouver, la Colombie Anglaise, la Rivière-Rouge et le territoire de la Baie d'Hudson. Ces territoires réunis forment un quarré de 1,770 milles, ou plus de trois millions de milles carrés. Cette vaste étendue est peuplée par environ quatre millions d'habitants, et sur ce chiffre, près de trois millions habitent les Canadas. Ce sont, M. l'ORATEUR, toutes ces colonies que je compte voir entrer dans l'union projeté; j'ai compris que c'était cette union là que le gouvernement s'est engagé d'accomplir, et je répète que si ce n'était pas là son intention, je n'hésiterais nullement à me déclarer son adversaire. (Ecoutez! écoutez!) Cela dit, M. l'ORATEUR, je passe au dénombrement des ressources de la Colombie Anglaise, dont le territoire embrasse une étendue de 213,500 milles carrés. En 1862, ses exportations, qui se composaient de fourrures et d'or, se sont élevées à $9,257,875, et ses importations à $2,200,000 L'île de Vancouver embrasse une étendue de 16,000 milles carrés, et sa population est de 11,463 âmes. En 1862, ses importations ont atteint le chiffre de $3,555,000. Le territoire de la Baie-d'Hudson est de 1,800,000 milles carrés, et sa population de 200,000. Nous voici rendu à la région du lac Supérieur, que le peuple du Canada a presque entièrement négligée, tandis que sur le côté américain, nos voisins, qui, je le confesse, sont plus énergiques et plus entreprenants que nous, ont su se créer un commerce immense. En 1863, le montant des capitaux appliqués à l'exploitation des mines sur le côté américain s'est élevé it à $6,000.000. La quantité de cuivre produite cette même année a été de neuf mille tonneaux; la quantité de fer, de 185,000 tonn'x. Le total des exportations s'est élevé à $10,000,000, et celui des importations à 812,000,000.Mais tandis qu'un aussi vaste commerce se poursuivait sur le côté américain, le peuple canadien ne s'est peu occupé des régions minières de notre côté; je mentionne encore ces faits pour faire voir quelles richesses nous possédons là, et qui sont encore à exploiter. (Ecoutez! écoutez) Il me fait peine, M". l'ORATEUR, de ne pouvoir m'exprimer d'une manière aussi lucide que les autres hon. députés qui se sont fait entendre; et, comme je ne m'attendais pas de parler ce soir, je regrette de n'avoir pu intéresser la chambre davantage. (Cris de: " Parlez! ") Je pense que ce qui devrait occuper l'attention de cette chambre et du pays, c'est la considération de la question que nous discutons maintenant. (Ecoutez! écoutez!) Quant aux ressources du Canada, je crois, M. l'ORATEUR, qu'il est pour moi inutile d'en parler: elles sont bien connues de tous les membres de cette chambre; mais quant aux provinces inférieures, on a dit qu'elles n'apporteraient pas une part égale de richesse dans l'union. On dit, M. l'ORATEUR,, qu'elles n'ont rien autre chose à apporter que du poisson et_ de la houille, et, pourtant, leurs ressources peuvent être 472 avantageusement comparées à celles de cette province ou des Etats-Unis. (Ecoutez! écoutez!) En 1850, le revenu du Nouveau- Brunswick s'est élevé à. $416,348; en 1860, à $833,324; et en 1862, à $ 92,230. Je pense que ces chiffres indiquent que le revenu du Nouveau-Brunswick a augmenté dans une proportion égale sinon plus grande que celui de ce pays. Isolés de cette province, et n'ayant que peu ou point de relations avec nous. nous voyons que presque tout son commerce s'est fait à l'étranger. Ci-suit l'état de ce commerce avec le Canada en 1862:—lmportations, $191.522; exportations, $48,090. Avec la Nouvelle Ecosse:— Importa`ions $861,652; exportations, $341,027. Avec l'Ile du Prince-Edouard:—Importations, $82,240; exportations, $80,932. Avec Terreneuve:—Exportations, $11.855. Avec les Etats-Unis:—-1mportations, 82,960,703; exportations, $889,416. Avec l'union, le Canada pourrait avoir le commerce de toutes ces provinces. Leurs affaires avec le Canada sont presque toutes pour de la farine, qui leur est expédiée par la voie des Etats- Unis. Les produits agricoles du Nouveau- Brunswick, en 1851 et 1861, étaient les suivants:—Blé, 1851, 206,635; 1861, 279,778. Orge, 1851, 74,300; 1861, 94,679. Avoine, 1851,1,411,164; 1861, 2,656 883. Sarrasin, 1851, 689,004; 1861, 904,321. Mais, 1851, 62,225; 1861, 17,420. Pois, 1851, 42,663; 1861, 5,228. Foin, 1851, 225,083 tonneaux; 1861, 324,160 tonneaux. Navets, 1851, 539 803; 1861, 634,360. Pommes de terre, 1851, 2,792,394; 1861, 4.041,339. Beurre, 1851, 3,050, 939 1bs.; 1861, 4,591 477 lbs. Chevaux, 1851, 22,044; 1861, 35,830. Viande de boucherie, 1851, 157.218; 1861, 92,02 . Moutons, 1851, 16,038; 1861, 214,096. Porcs, 1851. 47,932; 1861, 74,057. L'étendue du Nouveau-Brunswick est de 27,710 milles carrés, ou 17,600,000 acres, dont 14,000,000 acres sont propres à la culture. L'Ile du Prince-Edouard embrasse une étendue de 2,131 milles carrés, ou 1,365,400 acres. Sa population augmente assez rapidement. En 1798, elle était de 5,000; en 1833, de 32,292; en 1841, de 47,034; en 1851, de 55,000; en 1861. de 80,552. En 1860, ses importations se sont élevées it à $1.150,270; en 1861, à. $1,049.675; et en 1862, à $1,056,200. Les exportations en l860. se sent élevées à $1.272,220; en 1861, $1,085,750; en 1862, $1,162.215 Ses produits agricoles en 1860 étaient les suivants:—Blé, 346,125 minots; orge, 223,195; avoine, 2,218,578; sarrasin, 50,127; pommes de terre, 2,972,235; navets, 348,784; foin, 31,100 tonn'x; chevaux, 18,765; viande de boucherie, 60,015; moutons, 107,242; porcs, 71,535. L'étendue de Terreneuvc est de 40,200 milles carrés, ou 25,728,000 acres. En 1857, le nombre total de ses habitants était de 119,304. Etat de son commerce en 1862:—avec le Canada, importations, $50,448; exportations, $19,001; Nouvelle-Ecosse, importations, $90,596, exportations, $37,019; Nouveau-Brunswick, importations, $2,851; l'Ile du Prince- Edouard, importations $ 1 1,720; exportations, $909; Etats-Unis, importations, $345,797; exportations, $47,729. Le total des importations en 1857, était de £1,413,432; en 1858, £1,172,862; en 1859, £1,324,136; en 1860, £1,254,128; en 1861, £1,152,857; en 1862, £1,007,082. Le total des exportations en 1857, était de £1,651,171; en 1858, £1,318,836; en 1859, £1,357,113; en 1.860, £1,271,712; en 1861, £1,092.551; et en 1862, £1,171,723. Son principal article d'exportation est le poisson. La Nouvelle-Ecosse a 350 milles de long et 100 milles de large. Sa population, en 1838, était de 199,028; en 1851, de 276,.17; et en 1861, de 330,857. Son revenu en 1852, $483,522; ses dépenses, $483,895; importations, $5,970,877, exportations, $4,855,903. En 1862, le revenu était de $1,127,298; les dépenses de $1,009,701; importations, $6,198,553; exportations, $5,646,961. Les produits agricoles de 1851 et 1861 étaient les suivants:—Blé, 1851, 297,159; 1861, 312,081. Orge, 1851,196,007; 1861, 269,578. Avoine, 1851, 1,384,437; 1861, 1,978,137. Sarrasin, 1851, 170,301; 1861, 195,340. Maïs, l"51,37,475; 1861, 15,592. Pois, 1851, 21,638;1861, 21,335. Seigle, 1851, 61,438; 1861, 59,706. Foin, 1851, 287,837 tonn'x; 1861, 334,278. Navets, 1851, 467,125; 1861, 554,318. Pommes de terre, 1851, 1,986,789; 1861, 3,824,864. Beurre, 1851, 3,613,8901bs.; 1861, 4,532,711. Fromage, 1851, 652,069 lbs.; 1861, 901,296. Chevauxx, 1851, 8,789; 1861, 41,972. Viande de boucherie, 1851, 243.713; 1861, 151,793. Moutons, 1851. 282,180; 1861, 332,653. Porcs, 1851, 51533; 1861, 53,217. Charbon, 1851, 83,421 tonn'x; 1861, 826,429 Ainsi, ces chiffres montrent que ces colonies n'ont pas que du poisson et du charbon. (Écoutez!) L'hon. député d'Ontario (M. M. C. CAMERON) a affirmé que cette union augmenterait énormement 478 l'impôt du Canada, en un mot, qu'elle serait loin de nous être avantageuse; mais il parait avoir oublié d'appuyer de preuves cette assertion. Il a été démontré que nous entrerons dans cette union avec une dette de $25 piastres par tête, et que les provinces inférieures, au lieu d'augmenter cette charge en s'unissant a à nous, sont dans une bien meilleure position que ce pays sous le rapport de leurs dettes. (Ecoutez! écoutez!). L'hon. député d'Ontario Nord a dit de plus que l'union des provinces occasionnerait au Canada' une grande dette locale, et je crois encore cette assertion erronée. Il est en faveur d'une union, mais il référerait qu'elle fut législative. Pense-t-il que si nous avions une union législative, le Haut-Canada n'en serait pas moins, comme il le craint, sacrifié? Selon lui, notre dette et notre impôt augmenteraient, mais il s'est encore trompé, à moins donc que l'on ait un gouvernement trop dispenieux, et c'est sur ce point que la dépense augmentera. Cette augmentation ne sera pas due à l'union, mais bien à la manière dont elle sera établie. (Ecoutez!1 écoutez!) Vient ensuite la construction du chemin de fer intercolonial à laquelle l'hon. membre pour Ontario Nord est favorable, seulementil préférerait voir commencer cette entreprise en dehors de l'union qui, dit-il, augmentera de beaucoup les dépenses du pays. Sous ce rapport, tout dépend des hon. messieurs qui sont aujourd'hui à. la tête des affaires. S'ils sont extravagants et veulent avoir, pour chaque province, un gouvernement avec une suite nombreuse, en un mot tous les attributs de la royauté, certainement qu'ils augmenteront de beaucoup les dépenses du pays. Mais je ne crois pas que telles soient leurs intentions. Je pense qu'ils sont déterminés,—et en cela ils ne feront que répondre aux vœux du peuple,—à conduire les affaires avec économie, de manière à prévenir toute imposition de nouvelles taxes. (Ecoutez!) En ce qui concerne la vaste région que je mentionnais tout-à-l'heure, je désire qu'il soit bien compris que l'union des provinces, ' la construction du chemin de fer intercolonial et l'ouverture du Nord-Ouest, soient parties essentielles du projet, en vue du GVeloppement développement de notre pays et pour lui assurer, dans l'avenir, une position proéminente parmi les nations. (Ecoutez!) Les promesses relatives au Nord-Ouest et aux °'"ùux canaux devront être fidèlement remplies, et nous devons nous mettre en mesure d' éviter, une fois le chemin de fer interco lonial construit, qu'une combinaison d'intérêts à. l'Est n'empêche l'accomplissement de ces grands travaux et nous fasse négliger, peut- être même abandonner, le Nord-Ouest. S'il existait le moindre doute à cet égard, je serais le premier à m'opposer à toute mesure qui ne comprendrait pas ces éléments. (Ecoutez!) Je suis fortement opposé au chemin de fer intercolonial considéré comme entreprise commercial. Je crois que ce ne sera jamais une entreprise lucrative. Mais dans la position où nous sommes, à la veille de nous voir fermer le marché des Etats-Unis par le rappel du traité de réciprocité, ou de nous vou entravés dans nos relations commerciales avec l'étranger par l'abolition du système de transit, ou frappés d'impuissance pour toutes les mesures que les Américains pourront prendre pour nous forcer à resserrer nos relations politiques avec eux, il est de notre devoir, en vue de notre défense, et si nous voulons acquérir une position indépendante qui nous permette de développer nos ressources, d'accomplir ce projet dans tous ses détails et, surtout, de construire le chemin de fer intercolonial. J'ai recherché minutieusement quels avantages commerciaux pourra nous procurer ce chemin de fer et je n'en ai pas trouvé. Les cultivateurs du Haut-Canada peuvent actuellement, comme ceux des Etats-Unis, vendre leurs grains sur le marché anglais. Or, je crois qu'il est impossible de démontrer que les produits du Haut-Canada pourront être transportés, par ce chemin de fer, à l'Atlantique et de là à Liverpool, avec autant d'avantage que par les Etats-Unis à New- York et de là en Angleterre. (Ecoutez! écoutez!) Si cette dernière route est plus avantageuse, le cultivateur canadien sera dans une position inférieure à celle du cultivateur Américain. D'un autre côté si, une fois le chemin intercolonial construit, notre gouvernement se dit: " Nous allons faire concurrence aux Américains, et, en réduisant les prix, faire voir à nos cultivateurs qu'ils trouveront leur avantage à abandonner la voie des Etats-Unis," alors nous aurons à payer la compensation, et l'exploitation du chemin devenant ainsi très-coûteuse, le pays se trouvera grevé pour des années d'un surcroît de dépenses. Mais, comme moyen de défense et de communication, et pour maintenir notre union avec les provinces du golfe et la Grande-Bretagne, ce chemin est une nécessité. (Ecoutez!) Maintenant, M. l'ORATEUR, quels seront les résultats commerciaux 474 de cette union? Si le Nord-Ouest contient des terres aussi riches, comme je le crois, qu'aucunes de ce continent, il devrait occuper, plus tard, par raport au Canada une position analogue à celle des Etats de l'Est vis-à-vis de ceux de l'Ouest. Nous devrions nous attacher à y établir une vaste région agricole; car, quoiqu'on en dise, le gouvernement canadien n'a maintenant à sa disposition que bien peu de terres arables, si on tient compte des besoins toujours croissants de notre population qui augmente tous les jours. Il est pénible de voir, par suite du manque d'une semblable région, s'expatrier des jeunes gens qui pourraient ainsi rester sous l'empire britannique. (Ecoutez! Sans parler de l'immigration qu'attirerait cette nouvelle région, un grand nombre de nos jeunes gens qui vont aujourd'hui dans les Etats de l'Ouest, se dirigeraient de ce côté. Le trafic de cette région traversera ainsi notre pays et nous aurons tout le profit du transport à la mer des produits d'une contrée tout aussi riche qu'aucun des Etats de l'Ouest. (Ecoutez!) En considérant le progrès merveilleux de ces Etats, nous pouvons nous faire une idée de ce que deviendra notre territoire du Nord-Ouest si nous nous appliquons à le développer. En 1830, c'était un pays sauvage, aujourd'hui, en outre de ce qu'il consomme, il exporte annuellement 120,000,000 de minots de grain. Dans une période assez courte la population a augmenté de 1,500,000 à 9,000,000. Au fait, c'est aujourd'hui un empire qui possède tous les éléments de richesse qu'un pays peut désirer. Ne sont-ce pas là des garanties pour l'avenir? Si le Nord-Ouest était aujourd'hui ouvert, le Canada transporterait ses produits comme les Etats de l'Est transportent ceux des Etats de l'Ouest et, comme les Etats de l'Est fournissent à ceux de l'Ouest les produits de leurs manufactures, le Canada fournirait au Nord-Ouest les produits de son industrie. Ce serait la même position, les produits du Nord-Ouest trouveraient chez nous un marché avantageux, tandis que nos manufactures croîtraient et prospéreraient au point que nous serions bientôt indépendants des Etats-Unis dans nos relations commerciales. (Ecoutez!) Dans notre position actuelle, les Etats-Unis nous offrent un marché surtout pour nos grains les plus communs, pour lesquels une lointaine exportation ne saurait être profitable. Depuis la conclusion du traité de réciprocité, ils ont acheté chaque année pour vingt millions de nos produits. Ce trafic devra nécessairement chercher d'autres débouchés; l'agrandissement et l'amélioration de nos communications par eau à l'intérieur, la construction d'un grand nombre de navires appartenant aux différentes provinces de l'union et qui navigueront sur ses eaux, nous rendront un jour parfaitement indépendants des Etats-Unis; nous aurions ainsi en nous-mêmes les éléments de notre progrès, nous chargerions nos navires dans nos ports pour les expédier de là aux provinces du golfe, vers les Indes Occidentales ou en Europe. Les provinces du golfe pourraient faire avec nous un vaste commerce d'huile, de poisson et d'autres produits, de de sorte qu'une vraie flotte de navires serait employée à développer les ressources du pays. (Ecoutez!) Si l'union est basée sur des principes fidèlement appliqués, elle sera a l'avantage de tous; et si nos hommes d'état accomplissent dignement ce grand œuvre, leurs noms ne mériteront-ils pas de figurer avec honneur dans l'histoire de la confédération? (Ecoutez!) Mais s'ils ne nous donnent avec l'union que des dépenses nouvelles et énormes, s'ils se lancent dans des spéculations extravagantes, ils nuiront grandement au pays et arrêteront pour longtemps ses progrès. Il ne faut pas se le dissimuler, ce projet prête beaucoup aux extravagances et aux spéculations. L'histoire de nos chemins de fer fait voir qu'une vaste portion des sommes dépensées a été employée d'une manière fort peu satisfaisante; (Ecoutez!) qu'on aurait pu les construire sans élever autant la dette du pays: mais si l'expérience du passé peut guider nos hommes d'état, ils auront acquis un noble titre à notre reconnaissance. (Ecoutez!) En relisant la vie de Franklin, j'ai remarqué le passage suivant, où est assez bien dépeinte une position analogue à la nôtre:
Franklin n'eût pas plutôt constaté que les Français voulaient la guerre, qu'il se détermina à leur résister vigoureusement. La puissance française dans l'Amérique du Nord était entre les mains d'un seul gouvernement qui inspirait toutes les mesures. Au contraire, la puissance anglaise était morcelée entre plusieurs gouvernements tous indépendants les uns des autres, un peu jaloux, et jamais franchement unis. " Il faut nous unir ou succomber" disait Franklin au mois de mai 1756. Avant de se rendre au congrès, à Albany, il publia un article à ce sujet, l'accompagnant d'un dessin allégoriqne qui représentait un serpent coupé en autant de parties qu'il y avant de colonies, chaque tronçon étant marqué du nom d'une colonie, et, comme fond du tableau, en grosses lettres, on lisait ces mots: "S'unir ou mourir."
Je crois que notre situation d'aujourd'hui 475 est absolument semblable, car je pense que c'est réellement le désir, l'objet et le but final de nos voisins, de nous amener à eux par la force ou par les moyens qu'ils ont adoptés dernièrement. Ils espèrent, par l'affaiblissement de nos ressources, par la ruine de notre commerce et des menaces d'invasion, faire naître tôt ou tard le malaise dans la population du Canada et l'obliger à, rechercher l'union avec eux. Ce malaise, croyez-le bien, ne saurait tarder à éclater, si nous ne prenons les moyens propres à l'empêcher. Il est évident que par notre union avec les provinces du golfe nous augmenterons notre commerce de cinq ou six millions de plus, ce qui, on l'avouera, forme une assez jolie perspective, indépendamment de toutes les autres considérations dont j'ai déjà parlé. Je sais qu'il est un bon nombre de députés de cette chambre en faveur du projet, qui le regardent comme si extraordinaire qu'il faut, suivant eux, le soumettre au peuple. (Ecoutez! écoutez!) C'est ce qui a été dit par divers députés et par l'hon. monsieur qui vient de prendre la parole. " Allonsnous, s'écrient-ils, dépouiller le peuple de ses droits? Allons—nous entreprendre l'accomplissement d'une mesure aussi importante sans lui permettre de faire entendre sa voix? Où sont les requêtes demandant la confédération? " (Ecoutez! écoutez!) —Ce sont là. sans doute, des arguments qui paraissent assez concluants, mais qu'on prenne en considération l'effet de la discussion dans cette chambre d'aucune question propre à remuer les esprits, et n'aurons-nous pas le droit à. notre tour de demander pourquoi il n'a été présenté aucune requête contre la mesure? Nous venons d'avoir un exemple de ce que je dis ici au sujet d'un bill de chemin le fer de l'hon. député de West Brant. On sait que la population du Haut- Canada a de forts préjugés contre cette mesure et non pas, suivant-moi, sans raison: O, qu'a-t-on vu? à peine le titre du projet de lui était-il inscrit sur les journaux de cette chambre que les requêtes pleuvaient de tous les coins de l'ouest pour dénoncer le bill comme s'attaquant aux libertés populaires. C'est que l'on appréhende la somme de pouvoirs qui vont se trouver concentrés entre les mains de la compagnie du chemin de fer Grand Tronc. Or, si le pays est opposé à la confédération, maintenant qu'on lui a exposé la question sous toutes ses faces, que le projet a fait le tour de la presse, qu'il s'est écoulé plusieurs mois durant lesquels on a pu l'étudier, et que tous les détails en ont été commentés et publiés par les membres du gouvernement, où sont, je le demande, où sont les requêtes contre la mesure? Le fait qu'il n'y en a aucune, est la preuve que le peuple approuve presqu'à l'unanimité ce qui se fait en ce moment. Depuis que le gouvernement s'est engagé à. élaborer un projet de confédération, la question a été soumise à pas moins de cinquante comtés du Canada, soit à l'occasion d'élections, soit au moyen d'assemblées publiques c' invoquées expressément à. cet effet par les hon. députés de cette chambre, et le peuple, dans le Haut-Canada du moins, n'a pas une seule fois exprimé qu'il désapprouvait le projet. (Cris:—Non! non!)
M. A. MACKENZIE—Il ne s'est trouvé, dans une grande assemblée des électeurs de Toronto, tenue l un de ces derniers soirs, qu'un seul homme pour voter contre la mesure.
L'HON. M. BROWN —Depuis la formation du gouvernement actuel et la promulgation de son programme politique, il n'y a pas en une seule élection dans laquelle l' un ou l'autre des candidats n'ait pas attaché quelque importance à la question;—et on ne compte pas moins de cinquante un comtés, ou parties de comté, qui ont eu à se pro— noncer sur notre politique,—eh bien! je défie qui que ce soit de m'indiquer une seule occasion où nous ayions été désapprouvés. (Ecoutez! écoutez! et applaudissements.)
M. MCGIVERIN — Je me sens donc à l'aise dans le support que je donne à cette mesure, d'autant plus que je crois avoir été le premier à parler de la question dans l'Ouest et à la faire connaitre dans mon comté. J'ai dit au peuple que j'étais en faveur de la représentation basée sur le chiffre de la population et que c'était un principe de justice, mais que la question pouvait se régler ainsi que toutes nos difficultés par le moyen d'un projet plus étendu, par l'union de toutes les provinces. Plusieurs hon. messieurs qui s'opposent à ce projet, conviennent de la nécessité de que'que changement, mais qu'ont-ils proposé pour remplacer ou améliorer le projet? Je suis convaincu que si la question était mise devant le peuple, les choses incidentes, les considérations d'individualité et l'esprit de parti prendraient plus de place dans l'esprit des électeurs que la confédération elle-même, et que, par conséquent, il pourrait bien arriver qu'il fût impossible d'en obtenir un verdict 476 exact et sincère. J'ai recherché des précédents au sujet du renvoi de la question devant le peuple et je n'en ai trouvé aucun à l'appui; mais, au contraire, la conduite actuelle du gouvernement se trouve confirmée en plusieurs endroits par des exemples que je prendrai la liberté de citer. Le premier se trouve au tome 85e de HANSARD; je lis:—
"Lorsque Sir ROBERT PEEL proposa le changement dans le rappel de la loi des céréales à la chambre des communes qui avait été élue pour la maintenir telle qu'elle était, en prétendit qu'il aurait dû conseiller la dissolution du parlement avant que de faire cette proposition, et qu'il était dangereux et sans précédents pour la chambre de s'occuper de la question. Sir ROBERT PEEL traita de haut cette doctrine et déclara que, quelles qu'aient été les circonstances des élections qui avaient eu lieu, il n'approuverait jamais l'opinion que la chambre des communes ne peut pas régler toute question nécessaire au bien-être du pays, et il cite rl à l'appui de ses remarques les paroles de M. PITT sur des prétentions semblables émises à l'occasion de l'union de l'Angleterre et de l'Irlande, et avant cela il à l'occasion de l'union de l'Angleterre et de l'Ecosse. Cette opinion avait été soutenue en Irlande avec une grande véhémence, mais M. Fox ne la partagea pas. M. SHERIDAN la suggère en passant et c'est en lui répondant que M. PITT défendit le système constitutionel en soutenant que le parlement, sans en appeler au peuple auparavant, avait le droit de changer la succession au trône, et de modifier le cens électoral soit pour augmenter ou diminuer le nombre de ses membres.—" Il ne saurait avoir, ajouta Sir R. PEEL, d'exemple plus pernicreux, de précédent plus profondément démocratique, si je puis m'exprimer ainsi, que celui qui va à dire que le parlement doit être dissous à cause de son inhabilité ou incompétence à décider une question de cette nature."
Voilà, M. l'ORATEUR, un raisonnement dont personne ne niera la force irréfragable: Ce n'est pas tout, j'ouvre le tome 85e, à la page 857 de l'Histoire parlementaire d'Angleterre (Parliamentary history of England), et j'y lis ce qui suit:—
"Le parlement anglais qui avait voté l'union avec l'Irlande, s'adjoignit les députés de ce dernier pays et commença la première session du pariement du Royaume-Uni en se choisissant un nouvel orateur et en se conformant aux règles et formalités suivies à l'ouverture d'un nouveau parlement. quoiqu'il n'y eût pas eu de dissolution."
Je citerai maintenant, M. l'ORATEUR, l'un des auteurs les plus éminents du plus démocratique des pays du globe, du pays où le peuple se vante qu'il ne se fait rien sans son approbation. Tout le monde comprend que je veux parler des Etats-Unis; l'ouvrage dont il est ici question est Le droit constitu tionnel (Constitutional Law)—par SEDGWICK, lequel en parlant des " cas où la législature a cherché à se dépouiller de ses pouvoirs réels" dit:
"On a vu plusieurs fois les législatures d'état chercher à secouer la responsabilité de leurs fonctions par un appel au peuple sur certaines questions; mais une telle conduite a toujours été regardée, et à bon droit, comme tout à fait inconstitutlonnelle et invalide. Le gouvernement de l'état est démocratique, mais c'est la démocratie représentative dans la législature."
Je citerai encore l'Histoire constitutionnelle d'Angleterre (Constitutional history of England), à la page 816, sur le même sujet:
"C'est de ce mécontentement universel, des dangers en général que courait le gouvernement établi, que naquit la mesure dont il fut si souvent question plus tard, la substitution des parlements de sept ans à ceux de trois ans. Le ministère crut trop risqué pour son maitre et surtout pour ses membres, de courir les chances d'une élection générale en 1717; mais, comme le changement devait durer toujours, on tira de son utilité permanente les raisons qui portaient à le faire. Rien n'est plus faux que l'aplomb avec lequel l'ignorance allègue parfois que la législature outrepassa ses droits en décrétant cette mesure, ou, pour parler plus légalement, qu'elle viola son mandat et enfreignit l'ancienne constitution."
Je crois, M. l'ORATEUR, que de tels précédents ne sont pas à dédnigner, vu surtout qu'on n'en trouve aucun pour appuyer l'opinion contraire. On doit, suivant moi, obéir en tout et partout à la volonté populaire, et si je croyais que la majorité des électeurs Haut-Canadiens, ou même de mes propres électeurs, veut que la question sont mise devant le pays, je n'hésiterais pas à remplir ce que je regarde comme un devoir, et à me soumettre à cette exigence. Mais je n'ai rien de tel à appréhender, car je n'ai pas censé avec un seul homme influent de mon comté sans le trouver favorable à l'union qu'on nous propose aujourd'hui. Je conviens que les liens politiques ont une grande force et se rapprochent beaucoup de ceux de l'amitié; personne peut être en fait autant de cas que moi; aussi, lorsque je concourus l'année dernière, comme membre de l'assemblée du parti libéral, à faire naitre le mouvement actuel, je le fis parce que je croyais servir ainsi les intérêts les plus chers du pays, et parce que j'étais d'opinion que, si le projet était bien mûri et bien exécuté, nous pourrions, avant de mourir, voir ce pays devenir l'un des plus riches, des plus libres et des plus heureux de la terre, car il possède toutes les ressources qui peuvent se trouver chez 477 aucune nation. La nature nous a comblés de tout ce qui peut contribuer à faire de nous un peuple grand et prospère. Les hon. députés ne peuvent manquer de convenir que l'époque est arrivée où un changement doit se produire d'une façon ou d'une autre, car ne fesait-il pas peine de voir les deux côtés de la chambre si également divisés qu'ils l'ont été durant les deux dernières sessions, et les députés passer tout leur temps, séance après séance, a s'injurier personnellement au lieu de s'occuper de la législation du pays? En vérité, M. l'Orateur, je crains que si un pareil état de choses se continuait, nous en verrions naître les plus déplorables conséquences, car, pour les individus comme pour les nations, il y a certaines limites qu'on ne franchit jamais sans danger. Monsieur l'Orateur, je crois que nous étions rendus à cette limite. Qui aurait cru, un mois avant l'attaque du fort Sumter, que la guerre civile aurait résulté des discussions envenimées qui eurent lieu dans le congrès? Jusqu'à ce moment, on avait cru que l'échange d'expressions violentes entre les représentants du Nord et du Sud n'était qu'une particularité du caractère américain. Et qui sait si le terrible fléau qui les accable ne se serait pas appesanti sur nous dans le cas où nos difficultés de section auraient continué aussi violentes et aussi acrimonieuses? Le projet actuel pare heureusement à ces funestes conséquences. (Ecoutez!) J'appartiens à cette catégorie de membres signalés par l'hon. membre pour Hochelaga (M. Dorion), c'est-à-dire les libéraux du Haut-Canada qui, en soutenant le ministère Macdonald-Sicotte, ont abandonné la question de la représentation débattue pendant tant d'années dans le Haut-Canada. Pour ma part, voici quelle était mon idée: Les ministères Macdonald-Cartier et Cartier-Macdonald qui, pendant plusieurs années, ont gouverné le pays avec différentes combinaisons, nous refusaient toujours la représentation basée sur la population. Nos alliés naturels composant le parti libéral du Bas-Canada, qui, j'en ai la conviction, tenaient à tout faire pour contenter nos désirs, nous déclaraient également ne pouvoir nous accorder cette mesure. D'un autre côté, le Haut- Canada voyait bien les embarras financiers du pays et demandait de prompts changements. Un changement était nécessaire, et nous pensâmes sagement que mieux valait une bouchée de pain qu'un jeûne indéfini. Mais je n'ai jamais eu connaissance que le parti libéral du Haut-Canada ait abandonné la question de la représentation. Tous les partis du Bas-Canada, les Français comme les Anglais, nous refusaient ce qui nous semblait juste et équitable; aussi, lorsque l'occasion se présenta de mettre fin aux difficultés du pays, nous avons cru devoir mettre de côté tous liens et toutes considérations de parti pour remplir un devoir sacré envers nos commettants et notre pays. (Ecoutez!) Malgré la haute estime que je professe pour les membres libéraux du Bas-Canada, je ne puis m'empêcher de dire qu'ils ont eu tort de nous refuser la concession du principe pour lequel nous avons si longtemps combattu; et, aujourd'hui, je ne me sens plus lié par les intérêts de parti, car nous avons à remplir vis-à-vis de nos commettants et du pays des devoirs d'une plus haute importance. L'hon. membre pour Ontario Nord (M. M. C. Cameron) a reproché au président du conseil d'avoir autrefois condamné l'entreprise du chemin de fer intercolonial. Nul doute, M. l'Orateur, que si les hon. membres veulent entretenir agréablement la chambre pendant quelques heures, il leur suffira de lire quelques-uns des discours de l'hon. monsieur et certains articles de son important journal, le Globe, non seulement sur cette question, mais sur plusieurs autres qui ont vivement préoccupé l'opinion publique. Mais cela ne m'empêche pas de croire que personne plus que l'hon. président du conseil n'a ressenti les diflicultés qui embarrassaient le pays, et je suis également persuadé qu'il était sincère lorsqu'il s'est levé pour déclarer que, dans l'intérêt du pays, il était prêt a s'unir à ses anciens adversaires. (Ecoutez!) Mais cette concession de sa part a-t-elle été gratuite? Non. Le principe défendu par lui et son parti pendant tant d'années a été accordé; et je suis persuadé, en dehors de toute autre considération, que nous sommes parvenus à notre but en adoptant le grand projet de confédération. Je me demande donc si on doit reprocher à l'hon. président du conseil l'attitude qu'il a cru devoir prendre, si surtout le parti libéral tant dans le Haut que le Bas- Canada a le droit de lui faire des reproches puisque, par sa nouvelle alliance, il a atteint un but pour lequel il a combattu avec le parti sus-nommé pendant de nombreuses années? (Ecoutez!) Je crois qu'un homme ne peut abandonner un parti politique auquel il a dévoué toutes ses sympathies sans avoir des 478 raisons majeures; et c'est la position dans laquelle s'est trouvé l'hon président du conseil. Je comprends parfaitement cette position et je m'y rattache. Si cette question avait pu être réglée par les partis libéraux du Haut et du Bas-Canada sans s'unir aux conservateurs, j'aurais sans doute été plus satisfait. Mais on ne saurait revenir aux anciennes luttes, aux récriminations, aux attaques violantes qui ont divisé cette chambre. Et le parti libéral a eu raison de signer un armistice et d'oublier le passé en attendant le réglement définitif de cette question. Le temps nous apportera les résultats de cette conduite. Mais comme Canadien, et pour rester fidèle aux opinions de toute ma vie je crois devoir donner à cette mesure mon chaleureux appui. (Applaudissements.) On nous a dit que nous aurions des détails sur la constitution des législatures locales. C'est peut-être l'opinion de cette chambre. J'aurais entendu avec plaisir l'explication de ces détails dans le cours de la discussion actuelle. Toutefois, si le gouvernement n'a pas encore réglé cette question, ou s'il croit de l'intérêt du pays de ne pas la soumettre actuellement, à lui seul en reste toute la responsabilité. En votant pour ces résolutions, j'affirme seulement le principe de la confédération des provinces, et si les propositions ultérieures relatives à la formation des gouvernements locaux, ne me satisfont pas, si j'y vois la moindre injustice, je me sens parfaitement libre de les condamner. (Ecoutez!) Il s'agit pour moi de deux choses parfaitement distinctes.
L'HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez!
M. MCGIVERIN—Je verrais avec plaisir éliminer certains détails de ces résolutions. Mais dans cette union, les parties contractantes sont si nombreuses, que chaque province ne peut espérer de voir combler entièrement ses désirs. Une preuve à l'appui de cette assertion m'est fournie par l'attitude des adversaires du projet dans les provinces du golfe. Ils prétentent que le Canada est en banqueroute, et qu'en s'unissant à lui ils marchent vers leur propre ruine. Et, il y a deux ou trois jours, on nous a même dit que le chemin de fer intercolonial était tout ce que demandait le Haut-Canada, mais serait préjudiciable aux intérêts du Bas- Canada. (Rires.) Une certaine portion du Bas-Canada voit dans cette entreprise, la ruine de sa langue et de sa nationalité; d'un autre côté, l'élément anglais du Bas-Canada se plaint de ce que, dans cette union, ses droits et priviléges vont être foulée aux pieds. (Ecoutez!) D'autre part, les Haut- Canadiens s'opposent au projet comme funeste à leurs intérêts et devant être la source de difficultés financières qui seront fortement préjudiciables aux progrès de l'Ouest. Cette diversité d'opinion démontre qu'il est impossible d'élaborer un projet satisfaisant pour tous—car "on ne peut contenter tout le monde et son père." Nul doute que le Haut-Canada a des raisons de se plaindre. Par exemple, la subvention de 80 centins par tête pour l'administration des gouvernements locaux paraît injuste au Haut-Canada, et avec raison. Cette somme est fixée d'après la population actuelle, et quelque soit l'accroissement de notre population, et serait-il le même dans les dix années prochaines que précédemment, nous ne recevrons qu'une somme représentant quatre-vingt centins par tête, sur le chiffre de notre population actuelle. Ce détail est certainement ouvert à l'objection.
L'HON. M. BROWN—Mon hon. ami me permettra de lui dire qu'il est légèrement dans l'erreur, et voici comment: si notre population augmente, celle des autres provinces augmentera aussi, et il ne pourra y avoir injustice que dans le cas où la population du Haut-Canada serait comparativement plus considérable que celles des autres provinces respectivement.
L'HON. M. HOLTON—C'est une affaire de proportion.
L'HON. M. BROWN—Certainement, et rien que cela. Voici comment sera appliqué ce principe: notre loi d'accroissement est aujourd'hui représentée par 2 1/2, 3 ou 4 pour cent; à ce taux, il faudrait de nombreuses années avant que le Haut-Canada se trouvât dans une position désavantageuse. Mon hon. ami sait que plus tard les subventions seront divisées proportionnellement aux populations; si donc nous y perdions un peu au commencement, ce serait pour gagner énormément par la suite.
M. MCGIVERIN—Je suis heureux d'entendre ces explications; comme je l'ai dit précédemment, je ne demande que la discussion la plus libre et la plus complète. Je puis ne pas connaître à fond certains détails du projet, mais une question de cette importance doit ê re discutée sous toutes ses faces. Toutefois, j'objectais spécialement à ce point. L'établissement d'un droit d'exportation sur certains produits de quelques provinces me semble également contraire 479 aux vrais principes d'économie politique. Mais on prétend que c'est un simple droit pur souche. (écoutez!) Nul doute qu'on peut soulever de nombreuses objections contre ces résolutions, et que les hon. membres de l'opposition ont matière à faire d'excellents discours. Je voudrais voir la chambre, pénétrée de l'importance de cette discussion, l'aborder avec calme et dans tous ses détails. La question est celle-ci: " Devons-nous voter pour ces résolutions malgré ses imperfections! " J'admets franchement qu'il y a des imperfections dans ce projet. Mais devons-nous, pour cette seule raison, prendre la responsabilité de le rejeter? Telle est, je crois. la question que nous avons à décider. D'hon. membres peuvent différer d'opinion avec moi, mais les avantages de l'union sont tels, que malgré les inconvénients dont je viens de parler, je croirais manquer à mes devoirs envers mes commettants et mon pays, si, par un vote contraire, je venais empêcher l'accomplissement de ce grand œuvre. (Ecoutez! écoutez!) Je remercie la chambre de l'indulgencc avec laquelle elle a bien voulu m'écouter, et, en terminant, je demanderai aux hon. membres de laisser de côté tout préjugé de parti pour examiner la question sous toutes ses faces; de prendre en considération le malheureux état du pays, l'aspect pénible que présentait cette chambre lorsque nous perdions soirée après soirée dans des discussions stériles, et de dire si nous pouvons descendre au-dessous de la position misérable que nous avait faite cet antagonisme. Que les hon. membres se pénétrent du sentiment de la situation et lgissent agissent dans l'intérêt du pays. Si le principe de cettte union est mauvais, qu'on le rejette; mais s'il est bon nous devons l'appuyer. Je n'ai encore entendu aucun hon. membre s'opposer au principe de l'union; les objecions ont eu pour but les détails. Or, les hon. ulelnbres membres qui font de l'opposition devraient, avant tout, proposer un projet élaboré par eux pour qu'il soit, à son tour, approuvé ou rejeté par chambre. (Applaudissements.)
M. DUNKIN propose l'ajournement du débat.
L'HON. M. HOLTON—En secondant cette motion, je dois dire que la chambre a écouté avec le plus grand plaisir le discours de mon hon. ami pour Lincoln (M. MCGIVERIN.) Telle a été mon impression. Vers la fin de son discours, il est vrai, il a graduellement dit adieu à la logique; mais, somme toute, il a fait un excellent discours. Mais, dans ce discours, il est un point sur lequel je désire attirer l'attention de la chambre, car je le considère comme très- important dans la suite de cette discussion. L'Hon. membre a dit qu'il serait opposé au projet s'il n'avait pas du gouvernement l'assurance explicite que l'agrandissement de nos canaux et l'ouverture du territoire du Nord-Ouest seraient poursuiv.s, paré passu, en même temps que la construction du chemin de fer intercolonial. Je demande si c'est bien là ce qu'a voulu dire l'hon. monsieur?
M. MCGIVERIN—Je m'explique...
L'HON. M. HOLTON—Je n'ai pas besoin d'explications. Je demande seulement si j'ai bien compris l'hon membre, si non ie suis prêt à le reconnaître. Je suis persuadé que je l'ai bien compris. Je l'ai fortement approuvé par des " Ecoutez! " répérés, et l'hon. prés dent du conseil (M. BROWN) en a fait autant. Il serait vivement à désirer que nous sachions si telle est l'intention du gouvernement, si l'hon. membre a abondé dans le sens du ministère et si tel est le sens des " Ecoutez! " de l'hon. président du conseil.
M. MCGIVERIN—Si mon hon. ami veut m'accorder une minute, je serai peut-être à même de prévenir une longue discussion. J'ai dit: que j'étais persuadé que le gouvernement mettrait pleinement à exécution ses promesses relatives à l'ouverture du territoire du Nord-Ouest, l'agrandissement de nos canaux, et l'amélioration générale de nos communications par eau; que si je croyais que le gouvernement ne fût pas sincère dans ces promesses je lui serais opposé
L'HON. M. HOLTON— " De pied ferme" a été l'expression employée. (Cris de: Oui! oui!! et de: Non! non!!
L'HON. M. BROWN— En définitive, mon hon. ami de Lincoln sait ce qu'il dit, et voici ce qu'il a affirmé: " qu'il a compris qu'une partie du programme du gouvernement était l'agrandissement de nos canaux l'ouverture du territoire du Nord-Ouest et la construction du chemin de fer intercolonial; qu'il croyait le gouvernement parfaitement sincè e dans sa détermination de commencer ces grands travaux le plus tôt possible " Il a eu parfaitement raison,—tel est l'engagement de l'administration. (Ecoutez! écoutez!) Si mon hon. ami a le moindre doute à cet égard il peut consulter la convention passée par la conférence. Peut-être que mon hon. ami ne désire pas plus vivement l'accomplissement de ces parties du projet 480 qu'aucun de mes collègues tant du Haut que du Bas-Canada. (Ecoutez!)
L'HON. M. HOLTON et M. BELLEROSE se lèvent presque en même temps.
L'HON. M. L'ORATEUR—La parole est à M. BELLEROSE.
M. BELLEROSE—M. le PRÉSIDENT:— Avant de donner mon vote sur la grande question qui occupe maintenant cette hon. chambre, je crois que je dois à mes commettants, et que je me dois à moi-même de dire quelques mots sur cette importante mesure, et de répondre à quelques-uns des arguments spécieux en apparence, mais au fond tout a fait futiles des hon. messieurs de la gauche. Signaler toutes les difficultés qui menacent depuis quelques années d'enrayer le char de l'Etat, faire l'histoire de toutes les crises qu'ont eu à traverserles diverses administrations qui se sont succédées dans ces derniers temps, rappeler l'état d'anarchie qui menace déjà depuis longtemps de rendre impossible toute législation, seraient peines inutiles et temps perdu, lorsque de tous côtés il n'y a qu'une voix pour reconnaître la triste position dans laquelle se trouve la province, et la pressante nécessité de trouver un remède aux maux qui menacent l'avenir de notre pays. Ça été, M. le PRÉSIDENT, pour répondre à l'appel que tout un peuple faisait au patriotisme de ses hommes d'Etat, en les conjurant de chercher le remède qui pourrait guérir notre société politique de la cruelle maladie qui menaçait son existence, que les membres de l'administration actuelle, oubliant le passé, mettant de côté leurs dissidences politiques, s'unirent pour chercher le grand remède dont nous sommes actuellement à discuter l'efficacité. Ces hon. messieurs ont bien mérité du pays, et je suis heureux de profiter encore de cette circonstance pour les remercier et les féliciter des beaux et nobles sentiments de patriotisme dont ils ont donné, dans cette circonstance, une preuve non équivoque au peuple, qui ne manquera pas de leur en tenir compte. J'ai déjà. en occasion, au commencement de cette session, d'exposer mes vues sur le plan général de la confédération que le gouvernement vient de soumettre à la considération de cette chambre. Je vous ai fait connaître, M. le PRÉSIDENT, que je n'hésitais pas du tout à me déclarer favorable à cette union, mais que je désirerais, s'il était possible, que certaines réso lutions fussent ' amendées. Il est donc inutile pour moi de revenir sur ce sujet, et je passe à l'examen des arguments des adver saires du plan. On a dit, et l'hon. député d'Hochelaga (M. A. A. DORION) l'a dit, je crois, " que le peuple n'avait pas eu occasion de faire connaître ses opinions sur cette mesure importante." Quand on jette un coup-d'œil sur tous les événements des derniers six mois, quand on examine les faits et gestes, et qu'on se rappelle les faussetés et les mensonges qui ont été débités par les ennemis de la confédération, on en vient à une toute autre conclusion que celle à laquelle sont arrivés l'hon. député d'Hochelaga et ses amis. A peine la dernière session était-elle terminée, que les adversaires du gouvernement actuel se mettaient en campagne, non pas pour discuter franchement et loyalement la promesse de l'administration de chercher, dans la fédération des Canadas ou de toutes les provinces britanniques de l'Amérique du Nord, un remède à nos difficultés sectionnaires, mais, au contraire, avec la résolution bien arrêtée de travailler vaillamment à écraser la coalition; et depuis qu'avons-nous vu? Des hommes qui, depuis nombre d'années, consacrent leurs plumes à miner le catholicisme et avilir ses ministres, qui depuis long- temps cherchent à détruire chez nos nationaux l'attachement à leurs institutions, sauvegarde de notre nationalité; des hommes qui, dernièrement encore, lançaient devant le public des écrits sur le rationalisme, que nos évêques ont condamné; oui, nous avons vu ces mêmes hommes, épris tout-à-coup d'un prétendu zèle sans borne pour nos institutions, notre religion, notre clergé, se mettre en chemin, parcourir, sans en être requis, nos campagnes, suppliant tous ceux qui tenaient à leur nationalité de les suivre dans leur croisade, leur faisant voir dans l'adoption du plan du gouvernement l'anéantissement de leur religion, le massacre de leurs bons pasteurs, et la ruine du peuple par les taxes écrasantes dont il était menacé; le conjurant de se hâter de protester contre cet affreux plan de confédération qui devait le ruiner et l'anéantir. Qu'avons-nous vu encore? Une presse échelevée, se proclamant la protectrice du peuple, jetant l'injure, l'insulte et la boue à la face des membres de l'administration actuelle, calomniant quelques-uns de ses membres, mais les méprisant tous, présentant les ministres Bas- Canadiens comme autant d'hommes prêts à vendre le Bas-Canada pour un vii intérêt, pour un portefeuille de ministre,—publiant contre le projet de la confédération des écrits dont ils attribuaient la paternité à des 481 membres du clergé, etc., employant enfin tous les moyens pour soulever les préjugés du peuple contre le plan du gouvernement. Et quel en a été le résultat? Le peuple les a écouté, mais a refusé de répondre a l'appel qu'ils lui faisaient, au point qu'à l'heure présente, c'est à peine si quelques requêtes ont été mises devant cette chambre contre le projet de confédération. Or, si l'opposition n'a pu réussir à convaincre le peuple que ces changements constitutionnels sont préjudiciables au Bas-Canada, lorsqu'ils discutaient seuls, réussirent-ils mieux lorsque les amis de la cause seront à leurs côtés pour réfuter leurs arguments et faire connaître quelle sorte de patriotisme les anime? Evidemment non. Je puis donc conclure de là que le peuple a été mis à même de se prononcer contre le projet, mais qu'il a refusé de le faire, et l'hon. député d'Hochelaga est dans l'erreur, quand il éclare qu'un appel au pays est nécessaire pour connaître l'opinion publique. Tous les ans, cet hon. monsieur se plaint que notre loi d'élection est défectueuse, que l'argent l'emporte sur le mérite dans nos luttes électorales. Comment peut-il donc demander qu'une question aussi importante que celle de l'union des provinces soit soumise à l'épreuve du vote populaire sans autres espérances que d'entraîner le pays dans le trouble et dans une dépense de quelques centaines de mille piastres. Pour ma part, M. le PRÉSIDENT, je suis opposé à un appel au peuple. Chaque membre a eu et a encore le temps de consulter, loin du trouble et de l'agitation inévitables en temps d'élection, l'opinion de ses commettants. De cette manière, lorsque le projet du gouvernement aura subi l'épreuve du vote de cette honorable chambre, on aura la satisfaction de pouvoir dire avec vérité: c'est ainsi que l'a voulu l'opinion publique. Il est vrai que l'hon. député d'Hochelaga nous a dit que, dans tous les comtés où avaient eu lieu des assemblées, le peuple s'était prononcé contre la confédération. Je n'ai pas besoin de répondre à cet avancé. Tous les hon. membres de cette chambre savent quels sont les moyens que les adversaires de la confédération ont mis en jeu pour parvenir à faire passer des résolutions dans leur sens, dans des assemblées représentant le plus souvent de petites et très-petites minorités des électeurs, et, pour ne citer qu'un exemple, je prendrai le comté d'Hochelaga, qui compte a peu près 2,400 votes. Les amis de l'hon député de ce comté, sans aucun avis préalable, se rendent un certain dimanche du mois de janvier dernier dans une des paroisses de ce comté, la paroisse du Sault-au-Récollet, qui compte moins de 300 votes, tonnent contre la confédération qui doit détruire la religion, écraser le clergé et ruiner le peuple, et terminent par un appel au patriotisme de leurs auditeurs, les suppliant de se prononcer contre un projet si inacceptable; le lendemain, on lisait dans les journaux de l'opposition:
"Dans le comté d'Hochelaga, la confédération a été condamnée unanimement par les deux partis, dimanche dernier, au Sault-au-Récollet."
Cet hon. monsieur (A. A. DORION) nous a encore dit que l'assemblée du comté de Laval, qui a eu lieu avant la session, avait à peine été annoncée et que je n'avais pas osé y faire décider la question de confédération. M. le PRÉSIDENT, ou l'hon. membre est de mauvaise foi, ou il ne connaît pas ce qui s'est passé. L'assemblée du comté de Laval a été annoncée aux portes des églises de ce comté; une personne influente de chaque paroisse a insisté ensuite auprès des électeurs, à la suite de la messe du jour des Rois, la veille de l'assemblée, pour qu'ils se rendissent tous a cette importante réunion où devait se traiter la question de la confédération. Des adversaires de la mesure ont été invités à m'y rencontrer, ainsi que je pourrai le prouver en temps et lieu, mais n'ont pas osé s'y rendre. J'ai, à cette assemblée, composée de la majorité de mes constituants, longuement exposé les raisons qu'apportaient les adversaires de ce projet et celles qu'alléguaient ceux qui le soutenaient, après quoi j'ai demandé quelles étaient les vues des électeurs. On me prie alors de dire mon opinion. Je déclarai qu'à moins que le comté se prononçât contre le projet, j'étais disposé a l'appuyer. C'est à la suite de cet exposé qu'une résolution fut votée à l'unanimité approuvant ma conduite parlementaire et déclarant que, reposant toute confiance en moi, ils me laissaient parfaitement libre de voter suivant ma conscience sur cette grande mesure. Que l'hon. membre nie cela, s'il le peut. L'hon. membre (M. A. A. DORION) a dit " qu'il ne convenait pas de changer la constitution sans consulter le peuple et sans en appeler à sa décision." Pour toute réponse, je citerai les paroles de l'hon. monsieur, prononcées le 2 février 1859:—
« S'il (l'hon. M. A. A.DORION) était resté au 482 pouvoir, il aurait proposé une mesure pour régler la question de la représentation et l'aurait soumise à la décision de la chambre, etc., etc."
L'HON. membre n'a-t-il pas bien modifié ses opinions, M. le Président? Membre du gouvernement en 1858, il ne reconnaissait pas au peuple le droit d'exiger qu'il le consultât sur les changements constitutionnels qu'il voulait proposer; chef de l'opposition en 1865, il refuse à la législature le droit d'opérer ces changements sans le consulter: tempora mutantur et nos in illis. Quelle contradiction! Voilà ce que peut faire l'esprit de parti. L'hon. député d'Hochelaga nous a dit qu'on l'avait accusé d'avoir été en faveur d'une confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, mais qu'il niait péremptoirement cette accusation; qu'au contraire, il avait toujours opposé cette union comme mesure propre à nous mettre dans le trouble et à nous créer des embarras. M. le Président, ou l'hon. membre manque de logique ou il est de mauvaise foi. Examinons!—En parcourant les discours qu'il cite lui-même, pour appuyer sa dénégation, qu'y trouve-t-on? Je lis:
"Il viendra un temps peut-être où la confédération de toutes les provinces sera nécessaire, mais je ne suis pas en faveur pour le moment."
Ailleurs:
"J'espère que le jour viendra où il sera désirable pour les Canadas de s'unir fédérativement avec les provinces inférieures, mais le temps n'est pas venu pour un pareil projet."—Discours du 8 mai 1860.
Or, quelle est la conclusion et la seule conclusion logique que l'hon. membre puisse tirer de ses paroles? Aucune autre que celle-ci: Que dans toutes ces circonstances il s'est montré favorable à. une confédération de toutes les provinces dans un temps plus ou moins éloigné.—L'hon. membre a donc trompé ses électeurs lorsqu'il leur a dit dans son manifeste du 7 novembre dernier:
"Chaque fois que j'en ai eu l'occasion, je me suis toujours prononcé contre toute union, soit législative, soit fédérale, avec les provinces maritimes."
Il a donc voulu induire en erreur cette hon. chambre, lorsque dans son discours prononcé au commencement de ce débat, il s'efforçait de démontrer qu'on l'avait accusé à tort sur ce point et qu'on avait torturé ses expressions pour établir ces accusations? En parcourant la lettre politique de l'hon. membre à ses électeurs, celle à laquelle je faisais allu sion il y a un instant, j'y lis ces mots: "l'union que l'on propose me parait prématurée." Si ces paroles ont une signification, ne prouvent-elles pas que l'hon. membre reconnaissait la nécessité d'une semblable union dans un temps plus ou moins éloigné. L'hon. membre n'était pas sincère lorsqu'il écrivait à ses électeurs qu'il avait toujours été opposé à la confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord (Ecoutez!) L'hon. monsieur nous a dit: " qu'il ne pouvait pas comprendre que la confédération pût augmenter nos moyens de défense...que si cette union apportait quelque avantage sous ce rapport, les provinces maritimes et non le Canada en auraient le bénéfice." Si l'hon. député s'était donné la peine d'examiner la question, je crois qu'il aurait pu en arriver à une autre conclusion. Supposons que la paix soit rétablie chez nos voisins, que le gouvernement des Etats-Unis se décide à faire la conquête des colonies anglaises, l'hon. membre croit-il qu'il serait difficile aux armées de la grande république de se jeter dans la province du Nouveau-Brunswiek et d'en faire la conquête, puis de continuer leur marche triomphale à travers celle de la Nouvelle- Ecosse, de l'Ile du Prince-Edouard et de celle de Terreneuve? Je demanderai ensuite à l'hon. député ce qu'il pense de notre position, lorsque pour sortir de la province il nous faudra la permission de nos puissants voisins. Je lui demanderai de plus s'il ne croit pas qu'après toutes ces conquêtes, le Canada ne se trouvera pas dans une position plus critique qu'aujourd'hui? Notre position ne sera plus tenable et, malgré notre répugnance pour l'union avec la confédération voisine, nous nous trouverons tellement placés qu'il ne nous restera d'autre alternative que de demander cette malheureuse union avec les Etats-Unis. Défendre les provinces maritimes, c'est donc défendre le Canada; les protéger contre l'invasion, c'est donc protéger le Canada, c'est augmenter nos moyens de défense. Après cela qu'importe que, en considération de notre population, la plus grande partie des dépenses que devra faire le gouvernement fédéral pour la défense générale soit à la charge du Canada, puisque toute cette dépense nous profitera et qu'elle est indispensable à notre défense? (Ecoutez!) L'hon. député me répondra peut-être que toutes ces provinces pourraient s'entendre et s'obliger les unes envers les autres pour ces jours malheureux, sans qu'il fût besoin d'avoir recours à l'union projetée. M. le 483 PRÉSIDENT, l'hon. deputé sait et tous ceux qui connaissent, je ne dirai pas l'art de la défense d'une place, mais je dirai les éléments de cet art, ce que le gros bon sens nous enseigne, savent que le premier principe, le principe fondamental de cet art est l'unité d'action, et si quelques hon. députés doutent de cette nécessité, qu'ils parcourent les annales de l'histoire de la république voisine, ils y trouveront la triste conséquence de ce manque d'unité. " Les changements projetés " ne sont nullement nécessaires," ajoute l'hon. député d'Hochelaga J'avoue, M. le PRÉSIDENT, que j'ai été grandement surpris d'entendre l'hon. monsieur s'exprimer ainsi, me rappelant que dans toutes circonstances il avait exprimé l'opinion contraire. Voyons. En 1858, le 7 juillet, il disait:
"Avant longtemps il deviendra impossible de résister à la demande du Haut-Canada. Si la représentation d'après la population ne lui est pas accordée maintenant, il l'obtiendra infailliblement plus tard, mais alors sans garanties pour la protection des Canadiens-Français. Le rappel de l'union l'union fédérale, la représentation d'après la population ou quelque autre grand changement doit de toute nécessité avoir lieu, et, pour ma part je suis prêt à examiner la question de la représentation d'après la population, etc. Je suis prêt pareillement à prendre en considération le projet d'une confédération des provinces, lequel laisserait à chaque section l'administration de ses affaires locales etc., et au gouvernement général l'administration des terres publiques."
Le 10 août 1858, s'adressant aux citoyens de Montréal:  
"Nous avons trouvé (le gouvernement BROWN- DORION) que ces difficultés pouvaient s'aplanir soit en adoptant une union fédérale ou telle autre modification à notre constitution présentée sur la base de la représentation d'après la population."
Dans son adresse électorale du 18 août de la même année, il ajoute:
"Il n'y avait pas à hésiter, et la discussion suggéra bientôt qu'au moyen de changements constitutionnels, accompagnés de restrictions et de garanties suffisantes, etc., ou par l'application du principe fédéral, il était possible de préparer une mesure qui rencontrerait l'approbation de la majorité du Haut et du Bas-Canada tout en adoptant la population comme base de la représentation."
Le 2 février 1859, dans son discours sur l'adresse, l'hon. monsieur disait:
"Que s'il était resté au pouvoir, il aurait proposé une mesure pour régler la question de la représentation, etc., admettant le principe de la représentation d'aprés le nombre,"
Le 3 mai 1860, l'hon. membre déclarait en chambre:
"Il y a un an, tout le cabinet admettait que des changements constitutionnels sont absolument nécessaires, etc. Mais si le Haut-Canada désire la représentation basée sur la population, je suis prêt à la lui accorder, car je suis convaincu qu'un nombre toujours croissant de représentants du peuple viendra la demander après chaque élection comme mesure de justice. Je suis convaincu qu'il y aura collision entre le Haut et le Bas-Canada."
Ces citations prouvent jusqu'à l'évidence la proposition que je posais il y a un moment. Comment expliquer alors la conduite de l'hon. monsieur, comment croire à la sincérité de l'opposition qu'il fait au projet sous considération? Evidemment, M. le PRÉSIDENT, l'esprit de parti est le mobile de son opposition au pouvoir. Comme ministre, l'hon. membre (M. A. A. DORION) reconnaissait la difficulté de la position, il avouait qu'il fallait se hâter d'y remédier si on voulait prévenir une collision entre le Haut et le Bas-Canada, il était prêt à se mettre à la recherche des moyens propres à remédier à ces maux; dans l'opposition, il ne voit plus les difficultés—la position est bonne—les changements projetés ne sont plus nécessaires—et, pour les opposer, que ne fera-t-il pas?—L'hon. monsieur se servira de son influence sur un respectable vieillard, qui jusque là s'est tenu éloigné des luttes politiques; il lui montrera le pays sur le bord de l'abîme; il lui dira la nécessité et l'impérieux devoir pour tous les bons citoyens de s'unir pour sauver nos institutions, notre langue, nos usages,—enfin la patrie menacée; —et le bon vieillard quittera sa solitude pour devenir l'instrument complaisant de cette opposition factieuse. J'aurais pu croire à la sincérité de l'honorable député si je l'avais entendu avouer qu'il avait changé ses opinions, dire qu'autrefois il avait entretenu certaines opinions sur la difficulté de notre position et la nécessité d'y remédier; mais non, il vient avec assurance déclarer qu'il n'a pas changé ses opinions, et les journaux et les débats de cette hon. chambre sont devant lui, lui montrant le contraire. Quelle position! (Ecoutez.) L'hon. membre ajoutait: " Le peuple est satisfait de sa position actuelle." Depuis la dernière session, plus de vingt comtés ont été appelés à faire le choix de mandataires, et tous, à l'exception peut-être d'un, ont élu des amis du gouvernement, des soutiens de la cause qui fait l'objet de nos délibérations. Et l'hon. monsieur nous dit avec une apparance de 484 bonne foi, que je ne voudrais pas qualifier ici, que le peuple est satisfait de sa position! L'hon député d'Hochelaga a dit enfin: " La confédération, c'est la taxe directe." L'hon. monsieur est le dernier qui aurait dû faire cette objection. A-t-il oublié qu'en 1863 un des membres de son gouvernement, l'hon. ministre des finances (M. HOLTON) en faisant l'exposé de son budget, déclarait à cette hon. chambre que le temps était arrivé où il fallait accoutumer le peuple à la taxe directe? Quel autre effet cette objection aura-t-elle donc dans la bouche de l'hon. monsieur, si ce n'est de donner une preuve de plus du peu de bonne foi qu'il apporte dans la discussion de cette importante mesure de l'union fédérale des provinces. D'ailleurs, l'hon. ministre actuel des finances, (M. GALT), dans son savant discours sur cette question, a fait un exposé lucide de la question des finances; il nous a fait voir les gouvernement locaux, recevant au-delà de ce qui sera nécessaire pour faire face à leurs dépenses. Le Bas-Canada, dont la dépense, y compris l'intérêt de sa part de la dette restant à la charge du Canada, s'élèvera à $1,237,000, recevra du gouvernement central 80 centins par tête, faisant $900,000 qui, ajoutées à ses autres revenus, lui donnera une recette de $1,440,000, laissant un excédant des revenus sur les dépenses de chaque année, de $200,000. L'objection de l'hon. monsieur n'est donc qu'un prétexte, qui ne saurait ébranler le plus timide. L'hon. membre nie la justesse des calculs de l'hon. député de Sherbrooke, il est vrai; mais dans une matière si importante, la chambre et le pays ont droit à plus qu'une dénégation. Que les hon. messieurs de l'autre côté de cette chambre prouvent l'erreur du ministre des finances, et alors, mais alors seulement, ils pourront espérer avoir produit la conviction chez les amis du projet. J'arrive maintenant aux arguments de l'hon. député de Lotbinière. J'avais appris à estimer cet hon. monsieur depuis mon entrée en parlement; sa conduite toujours digne, la bonne foi qui me paraissait dicter tous ses actes législatifs, me l'avaient fait apprécier hautement. Mais quelle n'a pas été ma surprise de le voir descendre au rôle que nous lui avons vu jouer lors de son discours sur la grande question qui occupe cette chambre. Jouer la comédie, se faire bouffon lorsqu'on doit discuter un projet de constitution qu'on croit de nature à anéantir tout un peuple, lorsqu'on doit faire l'histoire de tous les maux que les idées démocratiques ont attiré sur le genre humain! Quel contraste!... Quel courage!… Et la montagne applaudissant au récit que l'hon. monsieur faisait des scènes d'horreurs, des discordes, des révolutions et des guerres civiles que les principes démocratiques avaient occasionnés dans toutes les parties du monde où ces idées avaient prévalues! Quelle impudence! Puisse, M. le PRÉSIDENT, puisse le peuple profiter de la leçon, puisse-t-elle lui être utile! L'hon. député de Lotbinière nous a dit: " que le système fédéral portait en lui-même un principe fatal à son existence et que toutes les confédérations mouraient de consomption. " Ouvrant ensuite l'histoire, l'hon. monsieur nous a fait voir toutes les républiques des temps anciens et modernes succombant prématurément sous le coup des discordes, des guerres civiles et des révolutions auxquelles cette forme de gouvernement avait donné naissance: l'argument était spécieux, c'est simplement dommage pour l'hon. monsieur, que les hon. membres de la conférence de Québec, convaincus que pour assurer l'avenir il était bon de consulter et d'étudier le passé, aient adopté les principes monarchiques pour base de la nouvelle confédération, au lieu de l'asseoir sur les idées démocratiques qui furent si funestes à toutes les confédérations que l'hon. membre nous a citées. La confédération, c'est l'anéantissement du Bas-Canada, nous a encore dit l'hon. député de Lotbinière. Je suis loin d'entretenir cette opinion. Sous l'union, le Bas-Canada a vu, depuis vingt-quatre ans, ses institutions à la merci d'une majorité différant par l'origine, la religion et la langue. Sous la confédération, au contraire, le Bas-Canada aura l'administration de tout ce qui fait l'objet de ses affections; sa nationalité, et je suis heureux de trouver dans le discours de l'hon. député d'Hochelaga quelques paroles qui prouvent abondamment mon avancé. " Il sera impossible, dit l'hon. monsieur, que le gouvernement fédéral réussisse jamais à s'immiscer dans aucune législation ayant rapport aux institutions ou aux lois du Bas-Canada; s'il le tentait, les cinquante ou soixante membres d'origine française, s'unissent comme un seul homme, arrêteraient bientôt toute législation, forçant ainsi la majorité à lui rendre justice." (Ecoutez! écoutez!) Le Bas-Canada, il est vrai, sera en minorité dans la législature centrale, mais il ne faut pas perdre de vue le fait que les intérêts des provinces maritimes sont 485 moins identiques avec les intérêts du Haut- Canada qu'ils ne le sont avec ceux du Bas- Canada, outre que notre position, au centre de l'Etat, ajoute encore à notre influence. D'un autre côté, le gouvernement responsable est essentiellement un gouvernement de partis; la représentation nationale canadienne-française aura donc toute l'influence que peuvent avoir cinquante à soixante votes jetés d'un côté ou de l'autre; l'un ou l'autre parti devra compter avec cette représentation comme en Angleterre la majorité protestante du parlement ne compte pas sans les votes de la minorité catholique. La position du Bas-Canada sera donc excellente et bien préférable à celle que l'union actuelle lui a faite. D'autres hon. membres donnaient pour raison de leur opposition, " l'augmentation des dépenses qu'occasionnera l'union projetée." A cette objection, M. le PRÉSIDENT, je ne puis répondre que ce que j'ai déjà répondu dans une autre circonstance. La confédération, tout en réglant nos difficultés sectionnelles, contribuera-t-elle au progrès, à l'agrandissement et à l'avancement de ces colonies? Augmentera-t-elle nos moyens de défenses tout en assurant au Bas-Canada le contrôle exclusif sur ses institutions, ses lois et sa nationalité? Si, à cette proposition mûrement examinée, nous sommes forcés de répondre dans la négative, certainement nous devons rejeter le projet; si, au contraire, notre réponse est dans l'affirmative, nous devons l'accepter, nos dépenses dussent-elles augmenter, car c'est alors la planche de salut: salus populi suprema lex. Enfin, certains autres députés objectent que le conseil législatif va devenir sujet à la nomination de la couronne. Pour ma part, je suis loin de voir en cela une objection; au contraire, j'y trouve une raison en faveur du projet. J'ai toujours été opposé au système électif dans cette branche de notre législature. Nous n'avons qu'une classe dans notre société, nous n'avons pas d'aristocratie, pourquoi deux chambres populaires? Dans mon opinion, il eût été plus sensé d'abolir le conseil que de le rendre électif. Dans l'esprit de la constitution anglaise, le conseil est un tribunal destiné à épurer la législation des communes, à peser dans la balance de l'expérience les conséquences probables de la législation de cette dernière. Ces avantages, M. le PRÉSIDENT, disparaîtront bientôt sous le système électif, qui ferait perdre aux hon. membres de ce corps, la parfaite indépendance requise pour bien remplir la haute mission que leur confie la constitution. Ajoutons à cela que le trouble des élections, les dépenses qu'elles occasionnent, les autres difficultés inséparables de ces grandes luttes, éloignera très souvent de cet hon. corps les hommes les plus compétents que le dégoût occasionné par toutes les difficultés que je viens de signaler, éloignera dela vie publique et portera à rester dans la vie privée. Pour ces raisons et dans l'intérêt public, je suis heureux de voir le retour au principe nominatif. (Ecoutez! écoutez!) J'aurais désiré répondre à quelques autres arguments des hon. messieurs de l'opposition, mais je m'aperçois, M. le PRÉSIDENT, que j'ai été long et qu'à l'heure avancée de la nuit où nous sommes arrivés il est de mon devoir de m'arrêter. En terminant, je me permettrai d'ajouter que je suis plus favorable au projet de confédération que nous sommes maintenant à considérer que je ne l'étais lors du débat sur les résolutions en réponse au discours du trône. J'ai eu quelques doutes alors, mais la position prise par les adversaires de la mesure ont suffi pour les dissiper. Une cause est bien mauvaise, M. le PRÉSIDENT, quand des hommes, comme j'en vois quelques-uns de l'autre côté, ne peuvent pas trouver d'arguments pour l'appuyer qui puissent soutenir la discussion, et que pour maintenir sa position, il faut avoir recours aux moyens que les hon. messieurs de l'autre côté aussi bien que leurs amis ont mis en jeu depuis qu'il est question d'unir fédérativement toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord. (Applaudissements.)
Sur motion de M. DUNKIN, les débats sont ajournés.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

Credits:

.

Selection of input documents and completion of metadata: Dave Lang.

Personnes participantes: