VENDREDI, 24 février 1865.
Les débats sur la confédération étant
repris, la parole est à
M. BURWELL, qui se
lève et prononce le discours suivant:—
M. l'ORATEUR:— Avant que de laisser une
mesure de cette importancc passer dans la
chambre, je crois de mon devoir de faire
connaître ce que j'en pense. La question
de la confédération nest pas tout). à fait
nouvelle pour mes électeurs, car depuis la
convention réformiste de Toronto, en 1869,
la chose leur est devenue familière. Dans
les élections générales de 1861, je déclarai
dans mon adresse aux électeurs qu'au cas où
nous ne pourrions obtenir la représentation
basée sur la population, je serais en faveur
d'une fédération des deux provinces du
Canada ». à chacune desquelles on donnerait
un gouvernement local; le gouvernement
central aurait la disposition de toutes les
choses communes aux deux, et il serait
libre aux provinces du golfe aussi bien
qu'au territoire du Nord Ouest, lorsqu'ils
le jugeraient à propos de se réunir à
cette fédération, le tout bien entendu du
consentement de la Grande-Bretagne. Je
leur tins précisément le même langage
aux dernières élections générales de 1863.
(Ecoutez! écoutez!) La demande de changements constitutionnels a été si générale et
si constante depuis quelque temps en Haut- Canada qu'il eût été, suivant toute apparence,
impossible d'ajourner plus longtemps
la décision à prendre au sujet de ces difficultés. On essaya à diverses reprises d'obtenir
la représentation basée sur le chiffre de
la population, mais en vain; et le plus près
quon se soit approché, suivant moi, du
remède demandé par le Haut-Canada, l'a
été par les résolutions de la conférence de
Québec maintenant soumises à cette chambre.
Toute la question est de savoir maintenant
si elles sont acceptables ou non à la population que nous représentons. Je crois que
l'application du système fédéral a très-bien
réussi sur ce continent, et si nous jetons les
yeux sur l'histoire des Etats-Unis, nous ne
pouvons manquer de nous convaincre, que
comme principe de gouvernement libre, il
a été couronné de succès. Je doute même
que l'histoire nous donne, dans les circonstance ordinaires, un tel exemple de succès
et de prospérité. Car les troubles qui ravagent ce malheureux pays aujourd'hui, ne
âoivent doivent aucunement, suivant moi, être mis
sur le compte de la forme de son gouvernement; non, j'attribue la guerre qui y règne
». à d'autres causes qui auraient pu également
exister sous un régime différent. L'esclavage,
telle est une des principales sources des malheurs actuels des Etats-Unis; c'était
une institution contraire à l'esprit du siècle et elle
dût disparaître. (Ecoutez! écoutez!) Parmi
les autres causes, je mentionnerai le fait que
le Nord avait besoin d'un tarif protecteur
pour ses manufactures, tandis que le Sud,
pays producteur, demandait le libre échange
et voulait jouir du bénéfice des importations
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à bon marché. Voilà, M. l'ORATEUR, les
deux points de départ des difficultés intestines et des troubles des Etats-Unis. Au
moment de fonder un gouvernement fédéral
dans les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, je crois que nous aurions
tout profit à consulter l'expérience d'un
peuple avec qui nous avons de commun la
situation, les habitudes et les mœurs: ce
peuple, M. l'ORATEUR, est celui de la république voisine. (Ecoutez! écoutez!)—Mon
hon. ami de Lambton a cité l'exemple d'un
grand nombre d'autres pays; mais ils n'étaient pas habitués autant à la liberté des
institutions politiques que les Etats-Unis
qui en jouissaient longtemps avant de
s'unir entr'elles; on sait en effet que les
anciennes colonies de la nouvelle Angleterre possédaient comme telles beaucoup de
liberté. (Ecoutez! écoutez!) Le plan élaboré
à la conférence de Québec est, suivant moi,
trop restrictif en ce qui regarde le pouvoir
des législatures locales, et donne trop de
prérogatives au gouvernement général. Je
suis un de ceux qui croient que la nomination des lieutenants-gouverneurs ne devrait
pas appartenir à ce dernier, mais bien au
peuple. (Ecoutez! écoutez! Il en est de
même des membres du conseil législatif qui
devraient être le fruit de l'élection populaire. (Ecoutez! écoutez!) Ce pays ne renferme
pas d'élément, on n'y trouve pas de
classe sociale qui représente la chambre des
lords en Angleterre, et d'ailleurs il serait impossible d'en créer une. Le gouvernement
anglais est sans aucun doute le régime le
mieux équilibré de l'Europe; mais nous ne
pouvons le copier fidèlement par suite du
manque de cet élément aristocratique dont
je parle. L'imitation la plus rapprochée
que nous puissions en faire est le conseil
législatif composé de membres élus pour
une période de temps assez considérable.
Dans le cours de l'excellent discours qu'a
prononcé hier mon hon. ami de Lambton, il
a prétendu que si on rendait électives les
deux chambres, leurs attributions se trouveraient tellement analogues qu'aucune
n'aurait de contrôle sur l'autre: je diffère
d'opinion et je crois qu'une chambre haute
élective composée de députés représentant de
grands colléges électoraux, élus pour plusieurs
années, serait bien moins susceptible de se
laisser entraîner par les différents courants
de l'opinion publique et présenterait un
élément conservateur assez fort pour exercer
un contrôle efficace sur toute législation
hâtive ou intempestive. (Ecoutez! écoutez!)
Cependant, tout en ne renfermant par ces
dispositions, le projet proposé contient un
grand nombre de choses qui rencontrent
toute mon approbation, et je suis d'avis que le
gouvernement général doit jouir de la plupart
des prérogatives qui lui sont conférées par les
résolutions. Les douanes forment une branche
d'administration qui s'étend par tout le pays,
et doivent ainsi que les emplois qui s'y
rapportent entrer tout naturellement dans
les attributions du gouvernement général.
Il en est de même de l'administration des
postes, de la milice et de tout ce qui a trait
à la défense du pays, et le projet serait très
défectueux s'il n'en disposait pas ainsi. Il
n'y a pas, dans mon esprit, de question plus
importante que celle de la défense du pays,
surtout depuis qu'un souffle militaire semble
avoir passé sur toutes les populations de ce
continent et menace de faire sentir long- temps ses effets. C'est pourquoi je crois
sage de donner au gouvernement général le
pouvoir de mettre le pays sur un pied de
défense, afin d'être prêt à toute éventualité.
J'approuve encore la disposition qui réserve
à ce gouvernement la nomination des juges,
car j'aime à voir l'indépendance régner dans
l'administration de la justice, et je crois que
cette indépendance se trouve consacrée par les
résolutions. (Ecoutez! écoutez!) Quant à
ce qui regarde les gouvernements locaux, je
ne m'en occuperai pas;—les clauses qui
s'y rapportent renferment tant de propositions
diverses et on connait encore si peu ce que
sera leur constitution qu'il est presque impossible d'en parler. Avant que de le faire,
il
me faudrait être instruit de leur nature et
du rôle qu'il leur sera reservé. Je pense
que leurs attributions devraient être parfaitement délimitées dans des constitutions
écrites, afin qu'ils ne puissent légiférer que
sur ce qui leur est réservé et que tout acte
de leur part outrepassant ces attributions
fût déclaré nul par les cours supérieures. Je
crois que la constitution anglaise est d'une
nature assez élastique pour que les institutions qui prennent naissance à son ombre
soient populaires et fonctionnent bien; l'histoire l'a prouvé. C'est sous son régime,
que
nous avons maintenu dans toute sa pureté
le principe du gouvernement responsable
dont nous jouissons aujourd'hui, et en vertu
duquel les ministres de la couronne ne conservent leurs portefeuilles qu'en autant
qu'ils
possèdent la confiance de la législature.
Nous n'avons besoin d'aucun changement
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à ce sujet, car ce principe est la meilleure
garantie de la liberté, non seulement en
Angleterre mais encore dans le monde entier.
(Ecoutez!) Je crois que la nomination du
chef de l'exécutif général par la couronne
et telle qu'elle se fait aujourd'hui, est le
mode le plus désirable: nous ne gagnerions
aucunement à changer cette disposition
de notre système actuel, car en cessant
d'appartenir à l'Angleterre qui peut dire
ce que nous deviendrons? Nous devrons
être indépendants tôt ou tard, et lorsque ce
moment arrivera, savons-nous ce qui en résultera? (Ecoutez! écoutez!) On peut se
demander si la constitution projetée dans ces
résolutions sera de nature à plaire au peuple
de ce pays, et s'il est possible, dans le cas où
elle serait défectueuse, de la modifier ou de
l'amender? Dans un grand nombre de détails
le projet est bon, et mon opinion est que
s'il est impossible de changer ce qui devrait
l'être le peuple n'en doit pas moins l'accepter.
(Ecoutez! écoutez!) L'histoire démontre
qu'on ne peut jamais rien considérer de final
dans un gouvernement, et que dans tout
régime politique il s'y opère des changements
incessants. Notre propre histoire nous en
offre des preuves que nous n'avons pas besoin
d'aller chercher ailleurs. Lors de l'union
des deux provinces, les membres du conseil
législatif étaient nommés par la couronne;
quelque temps après, ils durent être élus par
le peuple; il en était de même des préfets
de nos conseils de district qui relevaient de
la couronne, et dont aujourd'hui l'élection se
fait par les contribuables. Nous ne saurions,
M. l'ORATEUR, entrer dans l'examen de
cette question de la confédération sans parler
du chemin de fer intercolonial. Je ne cache
pas que je me suis opposé en diverses circonstances à la construction de ce chemin
aux frais du Canada, parce que je n'ai jamais
pu me convaincre qu'à part le point de vue
militaire il dût nous être de quelque avantage. Même à ce point de vue, je croyais
qu'il nous coûterait encore plus qu'il ne nous
servirait: mais s'il m'était démontré que les
avantages commerciaux que nous en retirerons seront équivalents à ses frais de
construction, je ne cache pas non plus que
l'entreprise serait digne d'être prise en
considération. (Ecoutez! écoutez!) Les
relations de toute espèce et le libre échange
entre le Canada et la population de 800,000
âmes des provinces d'en-bas, ne sont pas des
considérations d'une petite importance;—et
elles valent bien, suivant moi, la dépense
qui s'en suivra. (Ecoutez! écoutez!)—Je
déclare donc que s'il n'y a en fait de difficultés que ce chemin de fer qui s'oppose
à
l'adoption du projet de la conférence de
Québec, il sera très-facile d'en venir à bout.
(Ecoutez! écoutez!) Il n'y a pas de doute
que le chemin de fer intercolonial et la confédération n'entraînent de très grands
frais,
mais nous sommes arrivés à une phase de
notre histoire ou il nous faut nécessairement
encourir des dépenses. Il nous faut changer
notre constitution, et quoiqu'il nous en coûte
nous devons le faire afin de guérir le pays
du mal dont il souffre depuis si longtemps.
(Ecoutez! écoutez!)
M. M. C. CAMERON—M. l'ORATEUR—
Aucun sentiment de défiance ou de témérité
ne m'anime en abordant cette discussion,
car ni mon discours, ni celui d'aucun autre
hon. membre ne réussiront à modifier, même
légèrement, l'opinion de la chambre sur le
projet de confédération. (Ecoutez!) Néanmoins, et malgré le peu de poids qu'auront
mes paroles, je dois au district que je représente et au pays en général d'entrer
mon
protêt contre la passation de cette mesure
dans sa forme actuelle. (Ecoutez!) Je
suis en faveur d'une union des provinces,
mais je voudrais une union qui protégeât
les intérêts de chacune d'elles, et je suis
convaincu que ces intérêts ne peuvent gagner
aux extravagances qu'entraînera nécessairement le projet actuel. La question a été
traitée au triple point de vue politique,
commercial et militaire, et on n'a même pas
oublié de parler longuement des interêts de
chaque section: en sorte qu'il n'y a plus
rien de nouveau à dire; c'est un désavantage
qu'auront désormais tous les orateurs au
point où en est la discussion. Ils pourront
discuter sous une nouvelle forme des questions déjà débattues et proposer quelques
petits changements, mais l'essence du projet
a été étudiée, et avec une grande habileté,
par les hon. messieurs qui ont précédé. Si
je ne me trompe pas, la position prise par le
gouvernement est celle-ci: il se hâte de
faire passer cette mesure sans consulter le
peuple autrement que par la voix de ses
représentants, qui n'ont pas mission de faire
un pareil changement, et il excuse cette
conduite en disant que le pays en était
arrivé à un point où tout gouvernement
était impossible sans un changement radical
dans la constitution. Or, je ne saurais,
admettre cette assertion, et je prétends, au
contraire, que le pays ne demandait pas ces
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résolutions, mais qu'elles sont le fruit de
l'agitation factieuse de certains hon. membres
dans l'enceinte même de cette assemblée;
que si cette agitation n'avait pas été continuée avec une persévérance obstinée nous
ne serions pas dans la nécessité d'examiner
les résolutions qui nous occupent. (Ecoutez!)
Et, à l'appui de cette assertion, je puis
rappeler des paroles prononcées par l'hon.
président du conseil depuis que cette discussion est commencée (Ecoutez!) Il a dit
que les affaires du pays en étaient rendues à
une impasse. Il a dit que nous marchions
vers notre ruine, que notre dette augmentait
si rapidement qu'il n'était plus possible
d'arrêter le torrent du gaspillage que les
hon. membres aujourd'hui ses collègues ont,
par leur mauvaise administration, laissé
déborder. Qu'on me comprenne bien: je
n'accuse pas ces hon. messieurs d'extravagances, je ne fais que citer les paroles
de l'hon. président du conseil. Mais il a
dernièrement parlé de cette union comme
d'un grand évènement dont nous devions
être fiers; il nous a dit que chacune des
provinces entrerait dans l'union avec un
excédant de revenu et que, par suite, ce
n'était point la nécessité qui nous commandait cette mesure; que nous n'étions point
des banqueroutiers unissant nos communes
ruines mais des spéculateurs entreprenants
entrant dans les affaires avec les meilleures
garanties. Mais si tel est le cas, pourquoi
ce changement? Pourquoi nous exposer à
des extravagances nouvelles et inévitables
même si nous devions toujours avoir
pour guide l'hon. président du conseil?
On a dit que les populations de la partie de
la province à laquelle j'appartiens, étaient
fatiguées des extravagances du gouvernement
et de voir le Bas-Canada absorber une trop
grosse portion du revenu payé par le Haut- Canada. On a affirmé que le Haut-Canada
fournissait les sept-dixièmes du revenu total
du pays; qu'il n'était pas suffisamment
représenté au parlement; et que si nous
étions menacés de ruine, c'est parce que
notre voix ne pouvait se faire entendre
dans la législature pour flétrir toutes les
extravagances Bas-Canadiennes. On a dit
encore que pour chaque subvention faite au
Haut-Canada on en accordait toujours une pareille au Bas-Canada, et que, par conséquent,
le
Haut-Canada, payait plus que sa juste part
au trésor public. En me plaçant à ce point
de vue, je demanderai à l'hon. président du
du conseil, qui soutient si chaleureusement
ces résolutions, combien le Haut-Canada
paiera de plus que le Bas-Canada sous la
nouvelle constitution? Le Bas-Canada devra
recevoir $888,531 du gouvernement fédéral.
Or, si jusqu'à présent le Haut-Canada a payé
les deux tiers, que dis-je, les sept-dixièmes
du revenu général actuel, combien accordons-nous au Bas-Canada, sur nos propres
fonds, pour administrer ses affaires locales
auxquelles nous n'aurions rien à voir?
Dans l'arrangement qu'on veut conclure,
supposons que les provinces du golfe constituent un cinquième du tout, ce qui
sera, je présume, leur proportion, elles
fourniraient ainsi $177,706; le Haut-Canada
fournirait $473,884, et le Bas-Canada $236,941 seulement. Pour l'administration locale
du Bas-Canada, le Haut-Canada paierait
donc au trésor non moins de $473,884,
c'est-à-dire le double, à peu-près, de ce que
fournira le Bas-Canada pour le même objet.
L'excédant que le Haut Canada aurait à payer
pour le Bas-Canada seulement, sera donc de
$175,859. (Ecoutez!) Voilà comment la
question des finances a été réglée. On
nous console en disant que nous serons
un grand peuple, la troisième nation du
globe, si j'ai bien compris. Et ce splendide résultat nous l'obtenons en nous unissant,
nous, deux millions et demi, avec un
peuple qui représente à peine un million
d'habitants. Je ne vois pas très-bien comment notre union avec les provinces, au
moyen du chemin de fer intercolonial, nous
donnera cette position. Nous avons besoin
d'un vaste territoire et d'une vaste population pour acquérir cette grandeur. On
On nous dit aussi que cette union nous rendra
plus forts et nous mettra à même de nous
défendre en cas d'hostilités avec les Etats- Unis, mais est-ce vrai? (Cris de—oui!
et
non!!) Allons-nous devenir une nation
indépendante qui traitera de gré à gré avec
les autres puissances, ou continuerons-nous à
dépendre de la couronne anglaise, comme je
l'espère dans notre intérêt? (Ecoutez!) Je
ne me laisse pas du tout séduire par ces idées
de grandeur dont on veut bien nous bercer.
Nous ne serons jamais si grands que sous
la couronne anglaise. Chacune des provinces est loyale et fidèle dans son
allégeance au trône d'Angleterre, et si cette
puissance déclare la guerre, chacune de
ces provinces fera tous ses efforts pour
défendre son propre territoire et aider
la mère-patrie. Mais comment la nouvelle
constitution nous donne-t-elle de la force?
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Nous aurons quelques centaines de milles
ajoutés à notre frontière, sans nous adjoindre
des habitants en proportion. (Ecoutez!
écoutez!) Nous construirons un chemin de
fer qui ne nous sera pas de grande utilité,
mais que l'ennemi pourra détruire a tout
moment et qu'il sera très difficile d'exploiter.
Si les Etats-Unis dirigent contre nous des
armées elles seront trop considérables pour
que nous leur tenions téte tout le long de la
frontière qui demanderait, pour être convenablement protégée, l'emploi d'une force
énorme. Je dis donc que la confédéraration ne fera pas de nous un peuple plus
fort ni plus grand. On prétend que, ans
notre position actuelle, nous devons chercher
de nouveaux marchés pour nos produits; que
nous devons tendre à devenir un pays
manufacturier, tirant des minéraux des provinces du golfe et leur envoyant nos produits.
Tout cela est très-bien, mais ne peut se
réaliser par. l'extravagante proposition qu'on
nous fait aujourd'hui. Nous pourrions avoir
une union législative, c'est-à-dire, une seule
législature ou gouvernement central qui
administrerait nos affaires aussi économiquement que celles du Canada sont administrées;
mais et, en outre d'un gouvernement général,
nous avons un gouvernement local dans
chaque province, il est évident que nos
dépenses seront bien plus considérables
qu'avec une seule législature. l'hon. président du conseil, contrairement aux assertions
de tous ses collègues, a déclaré qu'il
ne voulait pas d'une union législative quand
même elle pourrait être accomplie. Il aurait
cru se compromettre en admettant cette
alternative; aussi, dit-il: " Si même une
union législative était possible, je n'en voudrais pas; je ne vers de praticable que
l'union fédérale, parce que notre pays est si
vaste qu'il serait im ossiblc de l'administrer
avec une seule légisîature siégeant a Outaouais."—Est-ce possible?—Et la différence
entre les deux systèmes n'est-elle qu'une
question de quatre ou cinq cents milles de
frontière en plus?
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur se
trompe, je n'ai jamais usé d'un pareil langage.
M. M. C. CAMERON—Je suis très-faché
d'avoir à insister. Mais de deux chosel'une:
ou je suis complètement sourd ou l'hon.
monsieur a affirmé devant cette chambre, en
parlant de ces résolutions, qu'il préférait
l'union fédérale, donnant comme raison de
cette préférence la vaste étendue de notre
pays.
L'
HON. M. BROWN—Ceci vrai; mais
c'est bien différent de ce que l'hon. membre
avait d'abord affirmé. J'ai dit simplement
qu'il serait très-difficile d'administrer les
affairès locales d'un aussi vaste pays. Je n'ai
pas dit qu'il nous serait impossible d'exercer
un contrôle général sur le pays. J'ai dit
simplement qu'il serait impossible de s'occuper de toutes les questions de clocher
qui
pourront surgir à la fois à Terreneuve, à
l'Ile du Prince-Edouard, au Nouveau-Brunswick et dans le Nord-Ouest. Je n'ai pas dit
autre chose.,
M. M. C. CAMERON—Une des raisons
données par l'hon. monsieur en faveur de
l'union fédérale est que, sous une union
législative et avec le soin des affaires des provinces du golfe, nous siégerions à
Outaouais
pendant neuf mois de l'année. Or, on peut,
chaque année, régler dans trois ou quatre
mois les affaires des deux Canada; je trouve
donc étrange qu'en nous adjoignant une
population de sept ou huit cent mille âmes.
nous soyions par là obligés de siéger pendant
neuf mois. (Ecoutez!) Le proportion n'est
pas gardée—il suffit de citer les chiffres: trois
mois de session pour deux millions et demi
d'habitants, six mois de plus pour sept ou
huit cent mille habitants nouveaux,—cela
ne peut être. (Ecoutez!) L'hon. monsieur
a des prétentions impossibles à cet égard
comme en ce qui regarde l'union législative
comparée a l'union _ fédérale. Maintenant,
on nous fait espérer que notre commerce
gagnera beaucoup à cet arrangement. On
nous dit ne le traité de réciprocité va étre
abrogé. Sans doute que nous en avons reçu
l'avis. On dit aussi qu'il serait possible,—
l'hon. président ne l'a pas toutefois affirme—
que le système de transit fût aboli entre le
Canada et les Etats-Unis, de sorte que nous
ne pourrions nous rendre à l'Atlantique
que pendant l'été, et que, par suite, il
est fort à désirer que le chemin de fer
intercoloniai se construise et la confédération ait lieu. Je pense que c'est un
axiome d'économie politique qu'un peuple
trouvera toujours un débouché pour ses
produits, et matière à exercer son énergie.
Or, si le traité de réciprocité doit être abrogé,
il le sera longtemps avant que le chemin de fer
intercolonial ne soit construit, et nous devrons
nécessairement souffrir pendant plusieurs
années jusqu'à ce que nous ayions découvert un moyen de communication avec les
provinces du golfe autre que le St. Laurent
qui n'est accessible que pendant l'été. Il
455
deviendrait alors absolument nécessaire pour
nous d'employer de nouveaux moyens, d'élaborer un nouveau plan pour que les affaires
des provinces ne languissent pas pendant
tout cet intervalle; et quand un nouveau débouché sera ainsi établi, il ne sera pas
facile
d'en changer la direction. Or n'est-ce pas un fait
que nous existons depuis plusieurs années
comme colonie; que nous avons toujours été
séparés de l'Atlantique; que le Haut-Canada
a longtemps payé des droits au Bas- Canada, que nous n'avions alors de relations
avec les Etats-Unis qu'en leur payant
de forts droits probibitifs?—et cependant le
Haut-Canada a progressé rapidement et est
devenu un pays riche et prospère. Nous
plaignions-nous alors des restrictions qu'on
nous imposait? Pour ma part, au cas où le
traité de réciprocité serait abrogé, je suis
curieux de voir si les populations du Canada
ne trouveront pas, dans leur énergie, un
moyen de développer leurs ressources.
Nous progresserions encore si, oubliant leurs
factions politiques, certains hon. membres
cessaient de mettre des barres dans les roues
du char de l'Etat. (Ecoutez!) A un autre
point de vue, si je savais quels appprouve
le projet en général, je l'appuierais aussi moi,
bien que sa forme actuelle ne me convienne
nullement. Mais je ne puis comprendre comment les hon. députés qui, jusqu'à présent
du
moins, ont été les chauds avocats des droits
et libertés du peuple, ont pu oublier ces droits
et libertés au point de confier toutes les affaires
du pays à douze messieurs qui ont conféré
avec des délégués du golfe sans que ni les
uns ni les autres ne s'inquiètent en aucune
façon de l'opinion des populations qu'ils
représentent. (Ecoutez!) On a dit que le
pays connaissait parfaitement la mesure et
l'approuverait dans tous ses détails. Mais
où est la preuve de cette assertion? On a
affirmé que cette question s'agitait en 1858
et que, depuis cette époque, on s'en est
fréquemment occupé. Mais ce fait prouve
au contraire, qu'on ne s'en est jamais
occupé sérieusement. Un fait certain est
qu'elle n'a jamais été agitée aux
polls.
(Ecoutez!) Il s'en suit que le pays
ne s'est pas prononcé à ce égard. Et je
suis sûr que si on savait que cette nouvelle
forme de gouvernement nous coûtera tant
de plus que l'administration actuelle, la
mesure ne serait pas approuvés aussi généralement que les hon. messieurs veulent bien
le
prétendre. Je suis persuadé que si les
hon. ministres étaient sincèrement convaincus
des bienfaits qui doivent resulter de cette
mesure, ils n'hésiteraient pas à en appeler
au peuple. En 1841, nous avons obtenu le
gouvernement responsable, et on nous a dit
que nous aurions voix au chapitre dans
l'administration de nos affaires, qu'aucun
changement important n'aurait lieu sans
que nous fussions consultés. Et voilà que
ces hon. messieurs, rejetant
a priori l'appel
au peuple et, se posant en législateurs souverains, prétendent que nos populations
ne
sont point capables de comprendre la hauteur
de cette nouvelle combinaison. Ils ne
veulent pas permettre au peuple Canadien
d'exprimer son opinion; mais, remarquez-le
bien, c'est le Canada seul qu'on traite de
cette façon. Il n'en est pas ainsi dans les
provinces du golfe. Le Nouveau-Brunswick,
par exemple, dissout ses chambres et en
appelle au peuple. Pourquoi refuser au
Canada ce qu'on accorde au Nouveau- Brunswick? (Ecoutez!) Il me semble
pourtant que les Canadiens sont aussi
capables que les habitants du Nouveau- Brunswick d'apprécier l'importance de la
question, et qu'ils devraient pouvoir se prononcer. (Ecoutez!) L'hon. président du
conseil a dit que l'animosité entre les deux
sections de la province est devenue telle que
les affaires du pays en sont réduites à une
impasse. Mais ce sentiment existe-t-il entre
les populations des diverses provinces?
Les Canadiens-Français ont-ils, dans cette
chambre, manifesté quelque sentiment d'hostilité contre les Anglais? Qu'on le dise.
Notre attitude réciproque n'est-elle pas toute
amicale? Les Canadiens-Français ont leurs
droits et intérêts spéciaux à défendre. Nous
leur avons fait observer que notre population
étant plus considérable que la leur, nous
voulions un réglement nouveau de la représentation. Le président du conseil est très-
fier lui-même d'avoir obtenu ce point. Mais
il se trompe; car, au lieu d'avoir assuré cet
avantage au Haut-Canada, il a, par le nouveau projet, suscité trente voix de plus
contre cette partie de la province. Il a
donné au Haut-Canada cette infériorité.
(Ecoutez!) Nous contribuerons, il est vrai, au
revenu de la province dans la même proportion qu'auparavant. Mais ce n'est pas mon
opinion personnelle; elle est partagée par les
hommes politiques du golfe. Dans son discours du 17 novembre dernier, l'hon. M.
TILLEY disait:—
"Les partis sont tellement balancés dans la
législature canadienne, que même les cinq membres
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de l'Ile du Prince-Edouard pourraient à un moment donné, faire pencher la balance
en leur
faveur et diriger les affaires du pays. Quand
même le Haut-Canada, avec ses quatre-vingt- deux membres, voudrait emporter des mesures
favorables à son agrandissement vers l'Ouest, pourrait-il faire une opposition sérieuse
aux soixante- cinq membres du Bas-Canada, unis aux quarante- sept représentants des
provinces du golfe, dont les
intérêts seraient plus identiques? Certainement
non, et il l'essaierait en vain!"
M. H. MACKENZIE—Mais en quoi cela
se rapporte-t-il à la représentation basée sur
la population?
M. M. C. CAMERON—" En quoi cela
se rapporte-il à la représentation basée sur
la population?" demande l'hon. monsieur.
Le Haut-Canada a demandé cette mesure
parce qu'il paie une portion trop forte du
revenu de la province, et si les provinces du
golfe ont l'influence qu'on leur assure, nous
serons encore forcés de payer cette même
portion par une majorité de trente voix; il
y a loin de là à l'égalité. (Ecoutez!) Mais
voyons si nous aurons d'autres avantages.
L'hon. M. TILLEY dit encore que, par ce
changement, les provinces du golfe seront
débarrassées de leurs charges actuelles;
elles paient aujourd'hui $3.20 par tête et,
dans la confédération, elles ne paieront que
$2.75,—soit, un bénéfice de 45 centins par
tête. Voilà ce que l'hon. monsieur a affirmé;
est ce vrai ou non? Si ce n'est pas exact, on
nous joue en proposant ce projet, puisqu'on
est obligé d'avoir recours à de si tristes
arguments.—Si c'est vrai, les hon. messieurs
qui font parade de leur dévouement aux
intérêts du Canada nous trahissent audacieusement, et nous font dommage dans leur
propre intérêt et pour rester au pouvoir.
L'
HON.PROC.-GÉN. CARTIER —Permettez-moi une observation. L'hon. monsieur
a cité un passage d'un discours de l'hon. M.
TILLEY, dans lequel ce dernier supposait le
cas où le Haut-Canada, poussé par motifs
égoïstes, chercherait à faire passer quelque
mesure favorable à son agrandissement.
"En pareil cas," a dit l'hon. M. TILLEY,
" vous aurez les soixante-cinq membres du
Bas-Canada et vos quarante-sept représentants
pour vous défendre. " C'est pour ce motif
que l'hon. membre pour Ontario Nord est
opposé à la confédération Mais, dans une
union législative, il trouverait les mêmes
inconvénients, et s'il est opposé à l'une il ne
doit pas songer à l'autre.
M. M. C. CAMERON—Je vais vous
donner un exemple pratique de la manière
dont cela pourra affecter nos intérêts. Le
projet comporte ou devrait comporter que
l'ouverture du territoire du Nord-Ouest
devait y être comprise; que des améliorations seraient faites dans cette direction
de
manière à ce que nous puissions profiter
des immenses richesses minérales qui y
existent, et de la grande étendue de territoire
propre aux exploitations agricoles. Mais on
ne nous donne là qu'une promesse. Le
chemin de fer intercolonial fait partie intérante de ce projet; on en fait, pour ainsi
dire, une partie de la constitution—une
nécessité sans laquelle le projet ne peut être
réalisé. Eh bien! supposons que nous demandions, dans la législature fédérale,
l'amélioration du Nord-Ouest, parce que nous
considèrerions qu'il serait de notre intérêt
que ce territoire fût ouvert et amélioré, n'y
rencontrerons-uous pas la justification du
langage de ce monsieur? Les soixante-cinq
députés du Bas-Canada et les quarante-sept
des provinces maritimes, dont les intérêts
sont identiques, seront unis contre nous, et
nous ne pourrons pas accomplir une entreprise
de cette espèce. (Ecoutez! écoutez!) En considérant une question de cette nature,—en
considérant un changement de constitution,—
je pense que chacun devrait avoir à cœur
l'intérêt de tous, et non pas seulement
l'intérêt individuel; que tout homme des
provinces d'en-bas qui cherche à obtenir
cette union devrait la désirer, non pas
parce qu'elle doit avantager les provinces
d'en-bas seulement, mais parce qu'elle doit
profiter au Canada en même temps. L'argument devrait être qu'elle sera avantageuse
à toutes les colonies. L'on ne devrait pas
employer l'argument que $2.75 est la somme
qui sera payée par les provinces maritimes
en vertu de cet arrangement, tandis qu'elles
paient aujourd'hui $3.20 par tête au revenu
public. L'on ne devrait pas employer d'arguments de cette nature pour faire voir
qu'une partie de la confédération projetée
obtiendra des avantages aux dépens d'une
autre; par exemple, que la subvention que
paiera le gouvernement fédéral aux provinces
d'en-bas sera si considérable qu'elle suffira
pour défrayer toutes leurs dépenses, et qu'il
leur restera encore un gain de $34,000.
(Ecoutez!) Maintenant, je me demande, si
nous contribuons à cette subvention dans la
même proportion que nous contribuons à celle
du Bas-Canada,—et l'hon. monsieur qui a mis
les intérêts du Haut-Canada sous sa tutelle,
ou s'en faisant particulièrement le champion,
457
a-t-il agi dans l'intérêt du Haut-Canada lorsqu'il a consenti à un arrangement de
cette
nature? (Ecoutez! écoutez!) Le président
du conseil s'est servi du language suivant à
ce sujet. Il dit:—" Ce n'est pas une question d'intérêt, ou de simple avantage commercial;
non, c'est un effort fait pour établir
un nouvel empire dans l'Amérique Britannique du Nord." C'est là. la proposition de
l'hon. député. Mais, pour ma part, je pense
qu'il vaudrait mieux sortir de la dette qui
nous accable aujourd'hui,—reduire les dépenses dont souffre le peuple,—diminuer les
impôts qui pèsent sur lui,—plutôt que de
chercher à établir un empire comme celui
dont parle mon hon. ami le président du
conseil Il vaudrait beaucoup mieux pour
nous de chercher à réduire nos dépenses, et
vivre suivant nos moyens, plutôt que d'établir un nouvel empire; parce que, a à moins
qu'il veuille dire par là que nous allons
établir notre indépendance, nous sommes
déjà, comme sujets de la couronne britannique, participants dans toutes les gloires
dela
nation anglaise. (Ecoutez! écoutez!) L'hon.
monsieur a dit aussi—et c'est là l'argument
qu'il a adressé à la chambre comme étant
une raison pourquoi ses amis du Haut-Canada
devraient s'unir à lui pour appuyer ce projet:—" Nous nous plaignions que d'immenses
sommes étaient prises du coffre public et
affectées à des objets locaux, dans le Bas- Canada, dont nous, le Haut-Canada, ne
retirions aucun avantage." Eh bien! je
demande si nous avons jamais vu le Bas- Canada chercher à obtenir une subvention de
$175,000 par année à perpétuité? Et, cependant, c'est là ce que l'hon. monsieur, par
son
projet, lui accorde en réalité, à part l'accroissement de dépenses que nous aurons
à a payer
à l'égard de l'administration des affaires
générales de toute la confédération. Voyons
un peu ce que nous coûteront les dix-sept
représentants de surplus que le Haut-Canada
doit obtenir. Je calcule que nous n'aurons
" à payer que 816,397 par année pour chaque
représentant J'arrive à ce chiffre comme
ceci: la contribution des provinces inférieures au fonds du gouvernement général.
sera de $l,9 9,272. La contribution du
Bas-Canada sera de $2.208,035. Celle du
Haut-Canada sera de $4 416,072. Je parle
des contributions qui devront servir à défrayer
et! les dépenses du gouvernement fédéral. La
contribution du Haut Canada excèdera donc
celle des provinces d'en-bas, de $2,486,000,
" et celle du Bas-Canada, de $2,208,"87,—et
les deux réunies, de $278.765,—ce qui qui. divisé
par 17 donne $16,397 comme étant le coût
de chaque membre de surplus que nous
aurons.
M. M. C. CAMERON—Eh bien! nous'
ne devons pas, non plus, comme représentants
du peuple, prononcer une opinion sur cette
matière! Il nous faut accepter le projet dans
son entier. On ne nous permet de l'amender
en aucune manière. Mais le gouvernement vient nous affirmer qu'en conséquence
de l'union des partis qui a eu lieu, il se sent
tellement fort qu'il peut dire aux représentants du peuple le:— " Prenez ceci, ou
vous
n'aurez rien du tout, et vous allez retourner
à. une ruine inévitable." C'est là la position
dans laquelle ils nous placent. Cependant,
si ce qu'a dit l'hon. ministre des finances est
exact, notre revenu a augmenté, de manière
que nous avons un surplus de $872,000,
après avoir comblé le déficit de l'année précédente. Il nous dit que le revenu du
Canada s'est accru d'un million et de'i de
piastres; et que les revenus du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse ont augmenté
de $100,000 chacun—ce qui fait. une
augmentation de $1.700,000 pour motos toutes les
provinces. Retournerons nous à, la ruine si
ces assertions sont exactes? Si notre revenu a
réellement augmenté autant qu'on l'a dit, retournerons-nous, si nous restons comme
nous
sommes, à. une ruine certaine? (Ecoutez!
écoutez!) L'on a dit que les affaires du pays
ont été enrayées pendant un temps considérable, mais je crois que la province ne s'en
allait pas en ruine, si elle a eu un accroissement de revenu d'un million et demi,
nonobstant ce temps d'arrêt. Je ne suis pas
certain que la province ne serait pas plus
prospère si cette chambre était fermée pendant
dix ans et si les membres étaient renvoyés
à leurs foyers. (Approbation ironique à la
droite.) L'on a dit encore que nous sommes
tenus d'accepter ce projet si nous ne pouvons
indiquer quelque meilleur moyen de sortir
de nos difficultés. A propos de cela, je
dirai que si ces messieurs sont réellement
aussi patriotes qu'ils le disent, qu'ils donnent
l'exemple de la vertu de résignation,—qu'ils
abandonnent leurs sièges sur les premiers
rangs des banquettes ministérielles, et qu'ils
laissent de nouveaux hommes prendre leur
place,—et je n'hésite pas à dire que les
partis en ce pays ne sont pas tellement
hostiles que lon ne pourrait former un
458
gouvernement, ou n'importe quel nombre de
gouvernements, pour administrer les affaires
du pays. (Ecoutez! écoutez!) Les hon.
messieurs qui ont été à la tête de ce
pays depuis des années, se sont imaginée
que toute la sagesse et tous les talents politiques du pays étaient concentrés en
eux,
et qu'il faut nécessairement que le pays s'en
aille en ruine s'ils ne restent pas au timon
des affaires. C'est là. je crois, une prétention un peu exagérée. Cependant, je ne
veux pas dire que ce ne sont pas des
hommes capables. Mais je dirai que l'hon.
proc.-gén. du Bas-Canada, et son collègue,
l'hon. proc.-gén. du Haut-Canada, qui ont été
tellement combattus et vilipendés par les
hon. messieurs qui sont aujourd'hui associés
avec eux dans le gouvernement, ont dû être
extrêmement flattés quand ils ont vu qu'après
toutes les accusations de corruption qui
avaient été portées contre eux, ces purs
patriotes de notre section du pays consentaient a à se joindre à eux pour conduire
les affaires du pays. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. secrétaire provincial a dit, dans une
contestation politique, que nous avons
eue ensemble,—et qui, je dois l'avouer,
a été conduite très agréablement malgré
qu'il y eût eu des passes d'armes assez
vives entre nous sur le parquet de cette
chambre,—en s'excusant devant ses électeurs
de son changement d'opinion sur la question
de la représentation basée sur la population,
que la crise financière du pays, était devenue
tellement plus imminente que la crise
constitutionnelle, qu'il était devenu absolument nécessaire d'accepter le pouvoir,—de
fait, de se joindre aux messieurs du Bas- Canada qui faisaient de la représentation
basée sur la population une question arrêtée.
Il faut veiller aux cordons de la bourse,
disait-il, ou le pays va s'en aller en ruine.
Il est extrêmement satisfaisant de voir cet
bon. monsieur occuper une position dans
laquelle il va créer une dette beaucoup plus
considérable qu'auparavant. Il est très satisfaisant de le voir maintenant siéger
sur
les banquettes ministérielles prônant le
nouveau fardeau de plusieurs millions de
piastres qui nous sera imposé par cette
union et par la construction du chemin de
fer intercolonial. A une certaine époque,
et elle n'est pas encore très éloignée, ce pays
a été agité d'une extrémité à l'autre par
l'assertion que la dette publique était tellement forte qu'elle équivalait à une hypothèque
de $25 sur chaque acre de terre en
culture dans la province,—et aujourd'hui,
ceux qui faisaient cette assertion veulent
ajouter d'autres millions à la dette par ce
chemin de fer, et pour ainsi dire 86 $5 de
plus à la dette par tête de la population du pays. (Ecoutez! écoutez!) Eh
bien! si l'hon. secrétaire provincial était
sincère quand il disait que le retranchemcnt
était nécessaire pour nous sauver de la
ruine, comment peut-il concilier cela avec
son devoir, lorsqu'on le trouve à prôner
aujourd'hui cette immense extravagance,
lorsqu'aucun danger ne la nécessite, mais
qu'au contraire nous jouissons d'un degré
de prospérité qui devrait nous rendre
excessivement attentifs a à voir comment
nous adopterons des changements constitutionnels. Je vois des hon. messieurs se
plaindre que nos chemins de fer ne suffisent pas pour répondre aux besoins du commerce,
et pour desservir les intérêts du pays
convenablement.—Il est vrai que nos récoltes
ne sont pas aussi abondantes qu'elles l'étaient;
nulle prévoyance humaine ne saurait nous
assurer de bonnes récoltes; mais, cependant,
d'après ces hon. messieurs, le commerce
du pays s'accroît, et tout ce qu'ils disent
à ce sujet ne prouve pas du tout que
nous marchons à la ruine. Un peuple qui
augmente en population comme nous augmentons, qui accroît ses richesses comme nous,
et qui, en sus de toutes ses dépenses, a un
million et demi de surplus de revenu, ne
court pas à sa ruine comme l'ont dit certains
hon. messieurs Je dis donc que nous ne
devrions pas nous hâter de faire un change
ment qui peut nous être nuisible, sans
demander au peuple s'il l'approuve ou non.
(Ecoutez! écoutez!) Les hon. messieurs
qui siégent sur les banquettes ministérielles
ont tellement hâte de faire adopter ce plan,
qu'ils se querellent mên e entre eux à propos
de savoir qui en est l'auteur; et la chambre
a été amusée l'autre jour lorsque l'hon président du conseil à pris l'hon. procureur-
général du Haut Canada a à partie, parce qu'il
avait osé dire que c'était son gouvernement
qui avait le premier parlé de cette question.
(Rires.) Ils paraissent être très fiers de leur
enfant mais notre patrie, qui est la mère de
ce poupon, se débat dans l'agonie par la
crainte des fardeaux que ces hon. messieurs
cherchent à lui imposer. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. ministre de l'agriculture a attiré notre
attention, l'autre soir, sur les affaires des
Etats-Unis, et a parlé de l'armée des entrepreneurs et des percepteurs de taxes qui
s'y
459
élevait. Il nous a dit que le cri de " Taxes!
taxes! taxes!" sortait constamment de la
bouche des percepteurs de taxes, et que le cri
" Argent! argent! argent!" ne cessait de
se faire entendre par la horde des entrepreneurs qui s'engraissaient des souffrances
et des privations du peuple; et pendant qu'il
nous parlait de l'avis qui nous était apporté
par le son de chaque coup de canon tiré dans
les Etats-Unis, il doit avoir pensé, peut-être,
que dans la formation de cette union et la
construction de ce chemin de fer intercolonial, nous aussi nous entendrons les cris
de
" Taxes! taxes! taxes! Argent! argent!
argent!" de la même manière. (Ecoutez!
écoutez!) L'on dit encore, à propos de
ce projet, que chaque ligne prouve que
c'est un compromis. L'hon. ministre de
l'agriculture, si je me le rappelle bien, s'est
servi d'une semblable expression. Mais je
demanderai à l'hon. président du conseil et à
ceux qui se sont faits avec lui les apôtres des
intérêts du Haut-Canada, où sont les concessions qui ont été faites au Haut-Canada
dans
ce projet? S'ils peuvent indiquer une seule
circonstance, à l'exception des dix-sept députés de surplus donnés au Haut-Canada,
où
quelque privilège a été concédé à cette section,
je dirai alors que le projet mérite mon appui.
Mais je maintiens qu'en donnant dix-sept
représentants de plus au Haut-Canada on ne
lui a fait aucun avantage ni une concession.
Les différends qui existaient entre les deux
provinces du Canada n'étaient pas seulement
des différends de nationalité, mais ils étaient
d'un caractère sectionnaire. C'était l'Ouest
rangé en bataille contre l'Est, plutôt qu'une
nationalité contre l'autre, car n'est-il pas de
fait que les seize membres anglais du Bas- Canada se sont unis avec la majorité canadienne-française,
et non pas avec la majorité
de leur propre race dans le Haut-Canada?
Les membres anglais du Canada Central ont
fait la même chose; et je maintiens, en
conséquence, que les différends que nous
avions étaient entre les deux sections, et que
nous n'avions aucun différend national qui
rendait un changement nécessaire maintenant.
Allons-nous nous débarrasser de ces difficultés de sections au moyen de ce projet?
Les
trente nouveaux membres représentant dans
la législature les provinces d'en-bas ne
s'uniront-ils pas à la majorité canadienne,
et la même prépondérance d'influence ne
pèsera-t-elle pas contre le Haut-Canada
comme auparavant? (Ecoutez! écoutez!)
Eh bien! si l'on doit avoir une union de
peuples libres, il faudrait que ce fût parce
que le peuple la désire et la croit avantageuse en général; et je suis parfaitement
sûr que si, dans ces provinces, nous devons
avoir une union qui nous conférera quelque
avantange, ce devrait-être une union législative et non pas une union fédérale.
Nous devrions sentir que si nous devons
être unis, ce devrait être de fait autant
que de nom; que nous devrions ne
former qu'un seul peuple, et non pas être
séparés en sections; que si nous entrons dans
une union, ce devrait être une union qui
fera de nous un seul peuple; et que lorsqu'il
surviendra un état de choses favorable à cette
union, nous aurons l'occasion de former une
union qui nous donnera de la force et protégera nos intérêts pour toujours. L'hon.
président du conseil pense que nous devrions entrer dans l'union proposée afin de
nous protéger et de nous défendre. J'aimerais à savoir de cet hon. monsieur s'il pense
que nous, avec une population de deux
millions et demi, pouvons créer un armement
suffisant, et lever un nombre d'hommes suffisant pour repousser les millions de soldats
des
Etats-Unis, s'il voulaient nous attaquer?
(Ecoutez! écoutez!) Je ne suppose pas, M.
l'ORATEUR, que personne ne serait plus
prêt à défendre l'honneur et l'intégrité de
la Grande-Bretagne en ce pays que ceux qui
pensent comme moi à ce sujet, et je suis
convaincu que, même avec la certitude d'une
destruction certaine devant nous, si nous
étions attaqués par les Etats-Unis, nous
aurions des défenseurs qui surgiraient à tout
moment,—des défenseurs décidés à vendre
leur vie aussi chèrement que possible, et à
combattre à outrance avant que d'être
forcés de rendre le drapeau de la couronne
britannique. Mais cependant, monsieur,
nous ne pouvons fermer les yeux sur la différence des forces entre nous et les Etats-Unis;
nous ne pouvons nous cacher qu'il nous serait
impossible de repousser l'ennemi de toutes les
parties de notre territoire, et que dépenser
des millions aujourd'hui à cet effet ne peut
que paralyser nos ressources et nous affaiblir
pour le temps de l'épreuve Si les sommes
que nous voulons dépenser à cela aujourd'hui
étaient soigneusement employées et économisées, nous les aurions dans un cas de
nécessité, et nous pourrions les employer à
un meilleur usage qu'à nous préparer à nous
défendre! (Ecoutez! écoutez!) Quelques
uns disent que le Canada peut être défendu,
et d'autres disent qu'il est impossible de le
460
défendre; mais je pense qu'il y a certaines
positions dans le pays qui pourraient être
fortifiées de manière à pouvoir résister à tout
ennemi. Tout en étant ainsi gardées, le
reste du pays serait à la merci de l'ennemi,
jusqu'à ce que la fortune de guerre décidât
si nous devons rester comme nous sommes,
ou si nous devons être absorbés par la
république voisine. L'hon. ministre de
l'agriculture a dit que nous devions avoir
des fortifications à St. Jean, Nouveau-Brunswick; et si cette union doit avoir lieu
afin
que nous puissions être taxés dans le but de
construire des fortifications dans le Nouveau- Brunswick, elle sera par conséquent
de bien
peu de valeur pour le Canada, pour empêcher
que le pays ne soit envahi et occupé par un
ennemi. Des fortifications à St. Jean, Nouveau-Bruswick ne nous protégeraient pas
contre l'ennemi, si l'ennemi venait ici. Elles
seraient certainement avantageuses au pays
en général et aideraient à maintenir la domination anglaise dans cette partie du continent,
et pour cela nous n'aurions aucune objection
à contribuer jusqu'à un degré raisonnable à
des défenses de cette sorte; mais je dis qu'il
serait parfaitement impossible, au moyen de
fortifications, de mettre le Canada dans un
état de défense tel que nous pourrions résister
à une agression de la part des Etats-Unis
sur tous les points. Chercher à le faire
serait simplement gaspiller notre argent.
M. MCKELLAR—Que feriez-vous, alors?
Vous rendre à l'ennemi?
M. MCKELLAR—Eh bien! que feriezvons, si vous ne vouliez ni dépenser d'argent
ni vous rendre?
M. M. C. CAMERON—Nous ferions ce
que beaucoup de peuples braves ont déjà fait
lorsqu'ils ont été attaqués; et le pays d'où
vient l'hon. député est un exemple frappant
de ce que peut faire une petite nation contre
des forces accablantes par le nombre, sans
fortifications comme celles que l'on propose
de construire ici. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. BROWN — C'est quelque
chose de nouveau que l'on puisse défendre
un pays sans fortifications. (Ecoutez!
écoutez!)
M. M. C. CAMERON—Je ne sais pas si
les hon. messieurs veulent dire que ce pays
est en état d'entreprendre les dépenses qui
seraient nécessaires pour le mettre en état
de repousser une agression de la part des
Etats-Unis. Je voudrais savoir si, avec
deux millions et demi d'habitants, nous pourrions lutter contre une armée composée
de
millions en effet, les Etats-Unis ont prouvé
qu'ils pouvaient lever une armée semblable—
ou faire des fortifications qui pourraient lui
résister? (Ecoutez! écoutez!) L'hon. secrétaire provincial a dit sur le parquet de
cette chambre, ainsi que devant les électeurs du pays, que nous avions plus besoin
d'économie et de " retranchement" que de
changements constitutionnels; et, cependant,
il affirme aujourd'hui que le peuple ne doit
pas avoir un mot à dire a propos de ce changement vital que l'on propose, et de l'énorme
accroissement de dépenses qui doit avoir
lieu. En s'adressant à la chambre en 1862,
il a dit: " Les finances du pays empirent
de jour en jour, et il faut y appliquer un
remède. C'est surtout pour cette cause que
le peuple du Haut-Canada désire un changement dans la représentation." Eh bien!
j'aimerais à comprendre comment une union
avec 800,000 habitants,—sans compter une
dépense immense,—va améliorer nos finances
qui, d'après l'hon. monsieur, " empirent de
jour en jour. (Ecoutez! écoutez!) Je n'ai
encore rien entendu, dans tout ce qui a été
dit à propos de ces résolutions, qui pût me
faire voir comment cet accroissement et
cette amélioration vont résulter de notre
union avec moins d'un million d'habitants;
mais les arguments employés en faveur de
l'union, au point de vue des intérêts matériels
seulement ont dix fois plus de force si on
les applique à une union avec les Etats-Unis.
(Ecoutez! écoutez!) Les arguments des
hon. messieurs tendent tous dans cette direction, parce qu'ils disent qu'il est de
notre
intérêt de nous joindre aux 800,000 habitants des provinces d'en-bas, qui nous
ouvriront un marché pour nos produits,—
lorsque nous avons de l'autre côté des lignes
une population de trente millions prête à le
faire. (Ecoutez!) Des arguments de cette
espèce, prônant la mesure parce que nos
intérêts matériels en profiteront, sont donc
des arguments en faveur d'une union avec
les Etats-Unis plutôt qu'avec les provinces
inférieures; mais j'espère bien que l'union
avec les Etats-Unis n'aura jamais lieu.
(Ecoutez! écoutez!) Cependant, je ne puis
m'empêcher de croire que c'est là la tendance de la mesure; car, lorsque nous aurons
une législature dans chaque province, ayant
des pouvoirs concurrents avec ceux de la
législature fédérale,—ou si elles ne possèdent
pas ces pouvoirs concurrants, ayant au moins
461
le même droit que la législature fédérale de
légiférer sur certains sujets,—il est certain
qu'il s'élèvera des difficultés et des désagréments entre les législatures locales
et la
législature fédérale, qui porteront le peuple
à demander des changements qui détruiront notre connexion avec la mère- patrie. (Ecoutez!
écoutez!) On a parlé
du caractère fédéral du gouvernement
des Etats-Unis pour prouver qu'il a contribué à la prospérité du peuple soumis à
ce régime; mais la guerre formidable et
inhumaine qui ravage ce malheureux pays, la
lutte fratricide qui y arme les frères contre
les frères, les remplit de haine les une contre
les autres et plonge la population dans toutes
les horreurs de la plus affreuse des guerres—
n'est-ce pas là le commentaire le plus concluant contre les institutions fédérales,
le plus
fort des arguments contre l'application de
ce système à. ce pays? (Ecoutez! écoutez!)
L'élément français du Bas-Canada se trouvera
séparé de nous dans sa législature locale, il
deviendra de moins en moins uni avec nous
et ne tardera pas, par conséquent et suivant
toute probabilité, par ne plus s'entendre du
tout avec notre population. Mais là où le
désappointement sera grand, ce sera lorsque
le peuple du Haut-Canada s'apercevra que le
projet, loin de l'exonérer du fardeau qui lui
a été imposé, le soumettra à une législature
qui aura le pouvoir de lui faire subir la taxe
directe en sus de toutes les autres charges
décrétées par le gouvernement général; ce
sera lorsqu'il verra ce pouvoir exercé et qu'il
sera mis à contribution pour supporter également le gouvernement général et la législature
locale: en face d'un tel état de choses,
croit-on que le peuple ne dirigera pas plutôt
ses regards de l'autre côté de la frontière
pour opérer une union? Je sens que ce que
nous fesons aura pour effet d'affaiblir les liens
qui nous unissent a à la métropole, parce que
si vous donnez aux législatures fédérale et
locale le pouvoir de légiférer sur les mêmes
sujets, et de taxer toutes deux le peuple, il
surgira des difficultés qui auront nécessairement ce résultat (Ecoutez! écoutez!)
D'un
autre côté, le projet qui nous est soumis
déclare qu'il est certaines questions sur lesquelles les deux législatures auront
un égal
pouvoir de légiférer, et néanmoins la législature locale doit être subordonnéee au
parlement
fédéral; parmi ces questions, se trouvent
celles de l'immigration et de l'agriculture. Eh
bien! supposons que la législature fédérale
décide d'attirer l'immigration de tel pays de
façon à favoriser une localité en particulier—
(je ne veux pas dire par ces paroles que
l'immigration ne profitera pas a à tout le pays
mais que pour le moment elle pourra être plus
avantageuse à telle localité plutôt qu'à telle
autre): croit-on que si le parl ment fédéral
adopte une pareille mesure et vote un crédit
sur les fonds publics pour la mettre à exécution, croit-on, dis-je, qu'une telle conduite
n'excitera pas des plaintes, attendu que le
peuple qui contribue le plus au fisc restera
sujet aux impôts comme auparavant? Supposons enco e qu'il soit pris des arrangements
pour attirer l'immigration vers un endroit
particulier du Bas-Canada ou du Nouveau- Brunswick, et qu un crédit soit ouvert à
ce
sujet, qui aura le droit de décider qu'une telle
mesure est pour le profit local ou général?
Ce droit appartiendra au parlement fédéral.
Les dépenses et les bénéfices seront pour
une partie de la province éloignée de celle
qui contribue le plus au revenu public: est-ce
ainsi qu'on prétend remédier aux difficultés
entre le Bas et le Haut-Canada? S'il en est
ainsi, le raisonnement sur lequel on a bâti
tou l'échafaudage de la confédération se
réduit donc a à rien et tout le reste s'écroule,
(Ecoutez! écoutez!) Néanmoins, cette question nous a rendu un service, car elle nous
a
permis de savoir le montant de notre dette
publique, chose qu'il nous avait été impossible
de constater jusqu'à ce jour. On sait que
nos autorités les plus compétentes étaient,
en effet, loin de s'entendre sur l'addition à
faire, et je me rappelle entr'autres que l'hon.
président du conseil l'a un jour portée à
quatre-vingt-cinq millions de piastres
M. M. C. CAMERON—Dans l'un des
discours que vous aves prononcés dans cette
chambre. Vous disiez qu'étant allé ce matin
là même trouver l'auditeur, vous aviez trouvé
que le chiffre de notre dette publique se
montait à quatre-vingt-cinq millions.
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
fait erreur, c'est soixante-quinze millions
que j'ai dit.
M. M. C. CAMERON—Au contraire, et
je vais vous prouver combien votre mémoire
vous fait défaut en cette circonstance.
M. M. C. CAMERON—sz Vous avez dit
que la dette s'élevait à $85,000,000, mais
que la dette créée par le fonds d'amortissement et l'emprunt municipal, qui se montait
à environ quatorze ou quinze millions de
462
piastres, devant se déduire de ce chiffre, notre
dette directe restait fixée à $70,000,000.
L'
HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez!
—Que ne le disiez-vous de suite?
M. M. C. CAMERON—Parce que je ne
voulais pas prendre l'hon. président du
conseil dans le piège qu'il s'était tendu à
lui-même. (Ecoutez! écoutez!) On a donc
trouvé que notre dette n'est pas aussi considérable que l'hon. monsieur l'avait supposée,
et qu'il y a quatorze ou quinze millions qui
ne nous appartiennent pas. Car, l'hon.
monsieur, depuis sa liaison avec les anciens
corrupteurs, a découvert que notre dette
n'était que de soixante-sept millions et demi.
L'hon. président du conseil a aussi dit et
reconnu avoir dit qu'il était très opposé au
chemin de fer intercolonial; et on se rappelle
que l'hon proc-général du Haut-Canada ayant
remarqué qu'il apprenait, par un journal
intitulé le
Globe, que MM. SICOTTE et
HOWLAND étaient sur le point de revenir
après avoir accompli l'objet de leur mission
qui était de se débarasser du chemin de fer
intercolonial, l'hon. président du conseil
ajouta que " c'était là une conduite sensée, la
conduite la plus sensée qu'ils eussent encore
tenue ". Mais voilà qu'aujourd'hui l'hon.
monsieur a pris la chose tellement à cœur
qu'il est prêt à construire ce chemin de fer
dont il déclarait si sensé de se débarasser à
une certaine époque, et je crois même qu'il
a été jusqu'à dire qu'il faudrait construire
cinq chemins de fer intercoloniaux plutôt
que de laisser échouer le projet.
M. M. C. CAMERON—Très-bien! nous
allons lui en laisser un. Cependant, je n'ai
pu lui entendre réduire en louis, chelins
et deniers, le profit que le pays devait
retirer de l'entreprise pour l'indemniser des
frais de construction d'une chose dont il
avait été jugé si sage de se débarrasser il y
a deux ans. On avait même proclamé cette
conduite pleine de bon sens, malgré les
reproches de fausseté dont furent accablés,
par les pxovinces du golfe, les députés
canadiens qui étaient allés en Angleterre
pour cet objet, et on doit se rappeler que le
risque de voir le Canada se faire taxer de
mauvaise foi n'empêche pas l'hon. président
du conseil de leur recommander d'en agir
ainsi (Ecoutez! écoutez!) Au point de vue
politique, je ne vois pas non plus que nous
ayions à gagner à la confédération;—je ne
vois pas qu'il nous garantisse la tranquillité
dans l'avenir;—je ne crois pas qu'il nous
empêche de voir l'hon. président du conseil,
sous son titre de député de South Oxford
ou de tout autre comté, agiter de nouveau
tout notre édifice par ses menées et ses violentes déclarations;—je ne crois pas qu'il
éteigne à jamais dans ce pays les brandons
de discorde d'autrefois;—je ne crois pas
enfin qu'il rende impossible le retour dans
le parlement fédéral des mêmes difficultés
que nous avons eu à rencontrer dans
cette enceinte. (Ecoutez! écoutez!) En
sus des frais que nous nous serons imposés pour triompher de ces difficultés, nous
les verrons se reproduire de nouveau.
(Ecoutez! écoutez!) Au point de vue commercial, le projet ne nous donne pas l'équivalent
des dépenses dans lesquelles il nous
jette. Qu'est-ce qu'un marché de 800,000
âmes pour nos produits? Et, d'ailleurs, ne
dit-on pas que les provinces du golfe sont
très-fertiles et qu'une fois le chemin de fer
construit elles pourront se suffire à elles- mêmes? Il nous faudra donc chercher un
autre marché que ces provinces. On a prétendu qu'il était désirable d'ouvrir un commerce
avec les Indes Occidentales; mais il
me semble qu'on peut fort bien atteindre ce
résultat sans être obligés, pour cela, de s'unir
aux provinces du golfe, et s'imposer une
machine politique aussi compliquée. Accomplissons une union dans laquelle toutes les
parties aient l'intérêt public en vue et non
chacune le leur propre. Ainsi donc, sous
le rapport commercial, le projet n'offre pas
une perspective si brillante que nous ayions
besoin de nous presser de l'adopter sans
donner le temps au peuple de faire connaître
son avis. Au point de vue militaire, les
promesses qu'il nous fait entrevoir d'une
aide des provinces du golfe en hommes et en
argent, ne sont pas telles qu'elles nous poussent à rechercher leur union. (Ecoutez!
écoutez!) Au point de vue des questions
particulières de localité, comment le peuple
de cette province sera-t-il plus à l'abri en
moyens dont s'est servi l'hon. président du
conseil (M. BROWN) pour susciter toutes
les difficultés qui existent depuis si long- temps entre le Bas et le Haut Canada,
et
qui sont la cause qu'aujourd'hui le pays se
lance dans d'aussi grands frais pour y remédier? On prétend que le Haut-Canada sera
en mesure de contrôler les dépenses parce
qu'il aura dix sept représentants de plus que
le Bas-Canada dans la législature fédérale:
mais a-t-on réfléchi avec quelle facilité on
463
pouvait neutraliser cette influence au moyen
des quarante-sept députés des provinces du
golfe? (Ecoutez! écoutez!) De quelque
côté que je retourne la question, je ne puis
réellement pas voir de quel immense bienfait elle doit nous combler pour que nous
ayions besoin de la voter si promptement
L'hon. M. GREY a dit, dans les provinces
d'en-bas, qu'il pourrait s'écouler des années
avant que le le changement n'ait lieu et qu'il
faudrait des années pour y réfléchir. Voici
ses propres paroles:—
"Ce n'est l'intention de personne de précipiter
l'exécution du projet, car il n'est pas pour s'accomplir aujourd'hui, et il pourrait
bien s'écouler
des années avant qu'il ne soit mis à effet. "
Je fais cet extrait d'un discours prononcé à St. Jean, Nouveau-Brunswick, le 17
novembre dernier par l'hon. M. GREY. Ce
n'est pas tout: cet hon. monsieur envisage
sous un tout autre aspect ce dont on fait
parade ici, l'imposition de la taxe directe
pour supporter les governements locaux, et
il la désapprouve en termes des plus clairs.
D'hon. orateurs ont prétendu, dans cette
enceinte, qu'ils étaient favorables à l'imposition de la taxe directe pour maintenir
les
gouvernements locaux, parce que cette mesure
aurait pour effet de forcer les contribuables
à surveiller de plus près les affaires publiques
et la façon dont les deniers seraient dépensés.
(Ecoutez! écoutez!) Il parait s'être manifesté dans les provinces du golfe une certaine
opinion en faveur d'une union législative, et
l'hon. M. GREY semble avoir combattu cette
idée: il va même jusqu'à dire qu'avec une
union législative les institutions municipales
et la taxe directe dans toutes les provinces
serait les seuls moyens de faire fonctionner
le gouvernement. Il s'est prononcé contre
cette idée et en faveur d'une union fédérale,
laquelle, suivant lui, produirait tous les
avantages commerciaux que l'on pourrait
retirer de l'union et laisserait à chaque province le contrôle de ses propres affaires
locales. Les législatures de chaque province
devaient, dit-il, garder les mêmes pouvoirs
pour ce qui les regarde qu'elles avaient ci- devant. Mais, est-ce qu'en Canada on
ne
nous dit pas au contraire que les législatures
locales ne seront que l'ombre du parlement
fédéral, que le pouvoir qui leur sera abandonné ne sera qu'une illusion et que tous
leurs actes seront sujets à la sanction du
gouvernement fédéral? Car, enfin, tel est le
point de vue sous lequel les défenseurs du
projet ont développé la question dans cette
enceinte. Ainsi donc, ces messieurs qu'on
nous a représentés comme s'étant entendus
parfaitement dans leur conférence, n'envisagent pas du tout de la même manière les
questions sur lesquelles on suppose qu'ils
sont tombés d'acord, et donnent des versions
très opposées sur les vues des membres de
la conférence à propos de diverses questions.
(Ecoutez! écoutez!) Pendant que dans les
provinces du golfe on les voit se déclarer
énergiquement contre la taxe directe, on la présente ici comme un des avantages que
devra
produire la confédération. (Cris: non! non!)
Eh bien! moi, M. l'ORATEUR, je dis oui!
Ce que j'affirme en ce moment n'est que la
répétition de ce qui a été dit dans cette
chambre. Si la somme mise à part pour
défrayer la législation locale,—80 centins par
tête,— ne suffit pas, les parlements devront
avoir recours à la taxe directe jusqu'à concurrence de la somme nécessaire, tandis
que
dans les provinces du golfe il n'est question de
rien de cela. Tous ceux qui ont pris la parole
du côté du gouvernement ont été unanimes
à déclarer que ce projet était un grand
projet: —mais ils ont tous reculé devant la
tâche d'indiquer l'espèce de législature
locale que nous sommes pour avoir; ils ne
nous disent pas de quelle manière notre
exécutif sera formé pas plus que nous savons
si nous aurons dans les deux provinces des
conseils législatifs, et si ces corps politiques
seront électifs ou non. Ils ne nous disent
pas quel sera le nombre de ministres qui
composera le conseil exécutif de la confédération, ni quelle influence chaque province
aura dans ce gouvernement. Ils
ne nous font pas connaître leur projet de
législatures locales, mais ils nous affirment
qu'il vaut mieux ajourner ces détails, que
nous avons à régler la question fédérale
seule et que nous n'avons pas à nous occuper
pour le moment des gouvernements locaux.
Pourquoi ce vague, ces choses indéfinies?
Convient-il, politiquement parlant, de nous
avertir, nous, les députés d'un peuple libre,
que nous ne saurons rien de cela mais que
nous devons voter les yeux fermés? Je
maintiens que nous devrions avoir connaissance de tout le plan et ils affirment que
nous
n'en saurons rien du tout, et ils continuent à
dire que c'est un grand projet! Eh bien!
si c'est un grand projet, s'ils persistent dans
la conduite qu'ils n'ont cessé de tenir dans
cette chambre, ne doit-on pas les proclamer,
eux les architectes et les maçons de ce grand
464
édifice, de grands feseurs de plan? (On rit.)
Ne se conduisent-ils pas à notre égard comme
avec des écoliers? Pour prouver l'excellence et la popularité de leur projet, ils
nous
disent qu'avec cette question ils ont formé
un ministère fort appuyé d'une majorité
de soixante-dix voix dans cette chambre,
tandis que les gouvernements qui ont précédé
celui ci pouvaient à peine compter sur une
majorité de deux. Mais est-ce pour la raison
qu'ils sont forts qu'ils se croient en droit de refuser aux représentants du peuple
le privilége
d'avoir des renseignements sur des questions
d'une telle importance, renseignements dont
ils ne nous auraient pas privés s'ils eussent
été plus faibles? (Ecoutez! écoutez!) On
donne avis de motion pendant plusieurs
jours dans les journaux de l'assemblée pour
demander un état de ce que le Bas et le
Haut-Canada auront à payer chacun sur la
dette, et le ministère nous dit qu'il ne
saurait donner à la chambre aucun renseignement de ce genre. Eh! quoi, serait-il
possible que le gouvernement n'aurait encore
rien fixé à ce sujet au point où nous en sommes
de la discussion, et qu'il n'en serait encore venu
à aucune détermination? Si tel était le cas,
nous aurions raison de croire que les ministres
ont pris leur position en badinage et qu'ils
n'ont pas rempli les devoirs de leur charge.
On a dit que la question était depuis très long- temps devant le public et que, par
conséquent,
il était oiseux de la soumettre au vote des
électeurs Je demanderai sous quelle forme
cette question a été mise devant le pays? Je
demanderai pourquoi la presse a déclaré de
prime abord qu on ne pouvait adopter une
telle mesure sans la soumettre au peuple?
Tout le monde sait que l'organe du ministère
à Toronto,—qui est plus particulièrement
encore l'organe du président du conseil,—a
déclaré dès le premier jour et comme pour
sonder l'opinion, qu'il ne serait pas nécessaire
d'en appeler au peuple:—mais les autres
journaux étaient en train d'exprimer une
opinion tout-à-fait différente lorsqu'est arrivée
cette fameuse circulaire du département du
secrétaire provincial. (Ecoutez! écoutez!)
Chacun se rappelle l'effet magique qu'elle a
produit et chacun sait aussi qu'on commença
dès lors à dire que la question n'avait pas
besoin d'être soumise au peuple, bien que
ce dernier n'eût jamais songé qu'elle pût
être votée sans cela. Je ne vois pas comment un homme qui veut échapper à l'accusation
d'avoir manqué au mandat dont il est
chargé, pourrait se résoudre, sans prendre
l'avis de ceux qu'il représente, à changer une
constitution qui met en jeu les intérêts de
plusieurs millions d'individus. (Ecoutez!
écoutez!) On refuse donc ainsi au peuple
qui, lui, aura à payer pour tout ce que
nous ferons, et qui fournit le revenu
nécessaire au fonctionnement des affaires
publiques, on lui refuse, dis-je, d'exprimer
dans le sens indiqué par la constitution
son opinion sur une question qui l'intéresse à tant d'égards. On répond à cela en
disant qu'il n'y a pas eu de requêtes de
présentées contre la confédération; mais, je
le demande, où a-t-on fait de l'agitation au
sujet de la mesure? Dans quelles élections
de députés l'a-ton discutée? Le siége que
j'occupe dans cette enceinte je l'ai disputé
et enlevé au secrétaire provincial qui après
la formation du gouvernement actuel dut se
représenter devant ses électeurs;—dans un
certain sens et en autant que le comté de
North Ontario a pu exprimer son opinion,
n'est-ce pas là une défaite?
M. M. C. CAMERON—Je ne veux pas
dire, M. l'ORATEUR, que le comté se soit
prononcé définitivent contre le projet.
M. M. C. CAMERON—Car, lorsqu'il en
fut question, je déclarai que je n'étais aucunement prêt à me prononcer dans un sens
contraire.
M. M. C. CAMERON—J'ai dit que je
devais connaître le projet auparavant que de
pouvoir voter dans un sens ou dans l'autre.
M. M. C. CAMERON—Ce qu'il y a de
certain c'est que le président du conseil qui
a pris la peine de se rendre dans le comté,
d'y faire des discours et d'y tenir des assemblées, a déclaré que si le secrétaire
provincial
n'était pas réélu le projet en recevrait un
rude choc, et cependant les électeurs n'en
ont pas moins jugé à propos de m'élire.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. MCDOUGALL —L'hon. monsieur me permettra-t-il de l'interrompre et
de lui demander s'il entend dire à la chambre
qu'il ne s'est pas déclaré en faveur de la
politique du gouvernement sur la question
de la confédération?
M. M. C. CAMERON—Je veux dire et
je le répète de nouveau que je ne me suis
pas déclaré favorable à la politique du gouvernement. (Ecoutez! écoutez!)
465
M. M. C. CAMERON—J'ai déclaré là
ce que je déclare ici, savoir: que je suis en
faveur d'une union des provinces. Comment
pouvais-je, d'ailleurs, dire que j'approuvais
l'union projetée ou qu'elle serait avantageuse
au pays puisque j'igno ais les détails de la
mesure? Bien plus, l'hon. monsieur ne put
même pas m'expliquer alors le projet ni me
dire ce qu'il était.
M. M. C. CAMERON —Je crois qu'il n'y
a eu pour ce corps que deux élections qui
se soient faites sur la question.
M. T. R. FERGUSON—Oh! mais c'est
là une élection dont le résultat était certain,
confédération ou non. (On rit.) Tout le
monde le sait.
M. M. C. CAMERON—Quoiqu'il en
soit, ma conviction est que les électeurs et
les candidats étaient sous l'impression que
la chose ne recevrait jamais d'exécution, que
la constitution actuelle ne serait jamais
changée sans que le peuple fut appelé à en
décider. Comment aurait-on pu supposer
que des députés, envoyés par le peuple au
parlement pour toute autre chose, prendraient
sur eux de mettre de côté la constitution
pour opérer une révolution complète dans
les affaires du pays, de l'embarquer dans des
frais beaucoup plus considérables, de modifier
essentiellement la constitution de la chambre
haute, d'accroître le chiffre de la représentation du Haut-Canada et d'ajouter un
nouvel élément de quarante-sept membres à
ceux déjà existants de la chambre basse. Je
suis persuadé que le peuple n'a pas compris
que cela devait se faire sans qu'il eût
l'occasion de se prononcer pour ou contre.
(Ecoutez! Écoutez!) Et j'ai peine à croire
qu'à cette époque de l'histoire du monde,
nous puissions trouver, dans un pays libre
comme l'est le Canada, chez un peuple qui
sait quels sont ses droits et libertés, un gouvernement qui veuille agir d'une manière
aussi inconstitutionnelle, un gouvernement
qui soit prêt à tyranniser et à jouer le rôle
d'une oligarchie. (Ecoutez! écoutez!) C'est
pourtant ce que le nôtre veut faire; car il
dit à ses adhérents qu'il faut qu'ils acceptent
le projet tel qu'il est, qu'ils ne peuvent en
changer un seul mot sans le rejeter en entier.
Ce n'est pourtant pas ainsi que les hon.
messieurs des provmces inférieures agissent
à l'égard de cette question. A la Nouvelle- Ecosse, il y a deux ou trois jours, l'hon.
M.
TILLEY a déclaré que si les représentants du
peuple jugeaient à propos de changer les
résolutions, ils étaient libres de le faire
(écoutez! écoutez!), tandis qu'en Canada
l'on nous dit avec gravité qu'il ne nous est
pas permis d'exercer notre jugement ni de
formuler une opinion à ce sujet. (Ecoutez!
écoutez!) Quant au projet même, il a été
élaboré en trop grande hâte; on voit que
c'est une œuvre de compromis faite d'une manière précipitée. C'est un travail de rapiècetage,
et comme nous le savons tous, nous ne
sommes pas libres de changer aucune des
pièces du plan pour qu'il ait meilleure mine ou
qu'il soit plus facile à endurer par ceux qui
auront à le subir. (Ecoutez! écoutez! et rires.)
Au sujet du conseil législatif, il me semble
que le texte ne comporte pas l'idée que des
hon. membres de cette chambre ont dit
qu'il devrait comporter. La l4me section
est ainsi conçue:—
"Les premiers conseillers législatifs fédéraux
seront pris dans les conseils législatifs actuels des
diverses provinces, excepté pour ce qui regarde
l'Ile du Prince-Edouard. "
Vous avez remarqué les mots: " dans les
conseils législatifs des diverses provinces,"
c'est-à-dire dans les conseils législatifs actuellement existants. Plus loin, cette
clause
dit:—
"S'il ne s'en trouvait pas assez parmi ces
conseillers qui fussent éligibles ou qui voulussent
servir, le complément devrait nécessairement être
pris ailleurs. Ces conseillers seront nommés par
la couronne à la recommandation du gouvernement
général et sur la présentation des gouvernements
locaux respectifs."
Au dire d'hon. messieurs, cela signifie,
en ce qui concerne le Canada, qu'ils seront
nommés par le gouvernement actuel. Je
présume que les ministres actuels s'attendent
qu'ils seront, au moins pendant quelque
temps, les contrôleurs de notre destinée dans
le gouvernement fédéral. Ainsi, ils compteraient pouvoir se nommer eux-mêmes.
Est-ce là le but de la clause? C'est là, en
réalité, l'effet qu'elle pourrait avoir, car
avant que ces nominations puissent se
faire, je suppose qu'il faudra que le gouvernement exécutif existe, et dès que le
gouvernement fedéral sera fermé il faudra
que le cabinet cesse d'exister co-instanti. Je
comprends que dès que l'acte impérial sera
passé, on mettra fin aux arrangements actuels,
et que de cet instant les législatures locales
466
et générale entreront en existence. Le gouvernement actuel du Canada uni cessera
d'exister; comment, alors, se feront les
nominations au conseil législatif, de ce gouvernement au gouvernement exécutif de
la
confédération? (Ecoutez! écoutez!) A vrai
dire, ces résolutions ne peuvent être considérées que comme une ébauche de la constitution,
bien qu'elles paraissent avoir embrassé
jusqu'à de très petits détails. Elles stipulent,
par exemple, qu'un conseiller qui s'absentera pendant deux sessions, rendra par ce
fait son siége vacant. C'est là un très petit
détail, dont je considère en même temps la
teneur comme très injuste, vu que cette
absence pourrait être due à la maladie, et
qu'il se pourrait qu'un membre fut malade
pendant deux sessions du parlement et en
santé immédiatement après.
M. M. C. CAMERON — Aucun de ces
cas n'est prévu, et je pense que lorsque
l'on a fait tant que de s'occuper de détails
comme celui-là, on aurait dû les rendre assez
complets pour que l'on pût en comprendre
l'intention; mais si ce ne sont pas là des
détails, si ce n'est qu'une ébauche, pourquoi
avoir mentionné cela? Pourquoi n'avoir pas
dit tout simplement que le conseil législatif
serait nommé à vie? On a dit aussi que les
pêcheries sur nos côtes maritimes et à l'intérieur seraient sous le contrôle du gouvernement
fédéral et des gouvernements locaux;
or, je vous le demande, est-il possible que je
puisse comprendre ce que l'on entend par
cela?—mais ce n'en est pas moins une clause
qui pourrait occasionner des difficultés.
Pour montrer le peu de soin que l'en a
apporté à la rédaction de ces résolutions,
dans un endroit elles parlent du sceau du
gouvernement général et dans l'autre du
sceau des provinces fédérées! Je pense
qu'un gouvernement général ne peut avoir
de sceau à lui. C'est sans doute le sceau de
la nation, du pays en général que l'on a
voulu dire, de même qu'en parlant du nôtre
l'on dit le grand sceau de la province. Il y
a peu à redire là-dessus; mais cela n'en
prouve pas moins que l'on a été peu soigneux
en préparant ce document; cela démontre
que chaque résolution n'a pas été étudiée
avec le but arrêté de la rendre parfaite. Il
est de plus dit que:—
"Les gouvernements et les parlements des
diverses provinces seront constitués en la manière
que leurs législatures actuelles jugeront respectivement à propos de les établir."
Par cela je ne puis comprendre si, avant
qu'il ait une union fédérale, il sera ou non
loisible à cette législature d'établir des dispositions pour le gouvernement et la
législature locale, ou si pour cela nous devrons
attendre l'intervention du gouvernement
impérial au sujet de la fédération. Notre intervention, chacun le suppose, ne devrait
venir
qu'après que le gouvernement impérial se sera
prononcé. C'est peut-être là l'intention;
mais on nous refuse, M. l'ORATEUR, toute
explication. Il se peut que dès que ces
résolutions seront passées, on nous renverra
à nos foyers; que la législature impériale sera invitée à passer une loi et que
l'on nous convoquera de nouveau, des
mesures étant prises à cet effet; mais après
avoir adhéré au principe fédéral, il nous
faudra naturellement accepter les législatures locales que l'on aura jugé à propos
de nous donner (Ecoutez! écoutez!)
En parlant de la formation des législatures
locales, le ministre des finances a dit:
"On savait, dans la section du Bas-Canada,
qu'il y aurait un conseil législatif et une assemblée
législative."
Il est donc entendu que l'on veut établir un
gouvernement dispendieux pour l'administration locale. Je ne crois pas que ce soit
ce que
veulent les Haut Canadiens. Si réellement
nous devons avoir une législature locale, nous
voulons qu'elle coûte le moins possible; nous
voulons avant tout que sous ce rapport le
fardeau soit pour le public le moins lourd
possible (Ecoutez!) J'ai étudié cette question avec tout le soin dont je suis capable,—
et désireux, comme je le suis de voir disparaître la cause de l'esprit de faction,
j'aurais
volontiers donné mon appui à ce projet si
j'eusse vu qu'en le formant le cabinet avait
en vue le véritable intérêt du pays; si j'eusse
vu qu'il ne voulait pas créer trop de législatures ni entreprendre des travaux au-dessus
de nos moyens,—travaux qui seront de peu
de valeur aux points de vue commercial et
militaire, mais qui sont de nécessité absolue
pour nous mettre en contact avec le peuple
des provinces intérieures. Il me semble
qu'il serait beaucoup mieux de construire ce
chemin de fer sans former cette union. (Applaudissements du côté de l'opposition.)
Si
sans l'union nous avions construit cette voie,
elle nous eût coûtée beaucoup moins; nous
467
y aurions plus gagné et nous aurions en le
contrôle de nos affaires sans nous sacrifier,
c'est-à-dire, sans sacrifier le Haut-Canada.
(Ecoutez! écoutez!) Au point de vue du
commerce, nous n'en retirerons pas plus de
bénéfice que si elle eût été construite sans
une union des provinces.
M. T. C. WALLBRIDGE—On aurait pu
avoir le chemin de l'or fer sans nous unir à ceux
qui pourront limiter notre agrandissement
vers l'Ouest.
M. M. C. CAMERON—J'ignore ce que
l'on fera sous le nouvel arrangement, mais
sous l'ancien, nous devions fournir les cinq
douzièmes du prix de revient, et maintenant, notre part sera le double au moins de
cette somme; si bien que, de quelque côté
que l'on se tourne, on voit que rien n'a été
fait pour avantagcr le Haut-Canada, dont le
peuple devra cependant subvenir à toutes
ces dépenses extravagantes que l'on se propose de faire. On a admis que pour arriver
à ce projet il avait fallu faire des concessions.
Les provinces inférieures ont des lois qui ne
s'accordent pas avec les nôtres dans le Haut- Canada, et on a pensé qu'il serait à
désirer
qu'elles fussent assimilées aux nôtres, et
même refondues, si possible; eh bien! la
refonte de ces lois a été prévue; mais voyez
comme l'on a religieusement évité de prescrire la même chose à l'égard des lois du
Bas-Canada. Le 33me paragraphe donne
au gouvernement général le pouvoir de
" rendre uniformes les lois relatives a à la
propriété et aux droits civils dans le Haut- Canada, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-
Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard et l'Ile
de Terreneuve, ainsi que la procédure de
toutes les cours de justice dans ces provinces.
Mais nul statut à cet effet n'aura force ou autorité dans aucune de ces provinces
avant d'avoir
reçu la sanction de sa législature locale."
Ainsi donc, nulle loi de cette sorte ne sera
d'aucun effet sans la sanction de la législature locale de la province qui sera particuièremcnt
tenue de s'y soumettre. Cela
étant, pourquoi cette disposition ne serait-elle
pas appliquée au Bas-Canada aussi bien
qu'aux autres provinces?? Rien ne pourrait
être changé à ses lois parliculières sans la
sanction de la législature locale; or, comme
je pense que pour l'avantage de toutes les
parties de la confédération, il est quelques
lois qui devraient être assimilées, cette assimilation serait-elle possible, puisque
ces résolutions déclarent que l'on ne pourra toucher
aux lois du Bas-Canada? On veut assimiler
les lois des autres provinces, mais laisser
pour toujours à une grande étendue du pays
des lois différentes du reste (Écoutez! écoutez!) Il y a beaucoup de différence entre
' une disposition qui laisse à l'option du peuple
de rejeter ou d'adopter une loi, et une autre
qui déclare qu'une loi sera, que le peuple
le veuille ou non, obligatoire pour lui. (Ecoutez!) ll m'est facile de comprendre
le
sentiment du peuple Franco-Canadien, je
puis même l'admirer s'il ne veut pas qu'on lui
impose quoique ce soit contre sa volonté;—
mais ce que je ne puis comprendre. c'est
qu'il ne veuille pas, même avec son consentement et pour le bien général, qu'il nous
soit permis de proposer quelques changements à ses lois. Avec un parti pris comme
celui-là, manifesté avec autant de force qu'il
l'est dans ce moment, il me semble que nous
ne formerons pas une union composée de bons
éléments; il me semble que nous y trouverons la lutte et des dissensions plutôt que
l'union et la force. (Ecoutez!) Cela est
à regretter, car s'il doit s'opérer certains
changements qui influent sur les destinées
du pays. il est déplorable de ne pouvoir
trouver chez les représentants du peuple
assez de patriotisme pour qu'ils sachent discerner quand il faut exiger ou céder,
et cela
afin que l'union soit avantageuse à tous, et
non un fardeau pour tous parce qu'une
partie du pays dira: " Nous avons des institutions particulieres auxquelles on ne
vous
permettra pas de toucher, à vous, messieurs,
qui allez être unis:'t à nous." J 'ai étudié cette
question de m n mieux, et avec le désir
sincère d'en venir it à une impartiale conclusion, mais jusqu'ici je n'ai pu me convaincre
que ce projet ne recèlait pas plutôt la ruine
que des éléments de sûreté et de force: qu'il
n'était pas un acheminement à notre séparation de l'empire auquel nous appartenons
et
auquel nous nous glorifions d'appartenir:
qu'il ne serait pas la cause que malgré nous
le pays serait entraîné à l'annexion aux
Etats-Unis. Pour ma part, j'aimerais mieux
voir périr tout ce que j'ai de plus cher
plutôt que de devenir sujet de cette. puissance. Je ne hais pas ce pays, pas plus
que
je ne hais les autres peuples; mais je suis
tellement attaché aux institutions anglaises,
—à la couronne britannique—que je ne voudrais, dans aucune circonstance, renoncer
à
notre connexion avec la mère-patrie, ni
accepter la rupture de cette alliance, nous
fut-elle offerte par la Grande-Bretagne elle- même. Je sens que ce pays serait voué
à la
468
malédiction si par la force nous étions absorbés par cette nation; si par la force
nous nous
trouvions de vivre sous son régime démoralisateur et d'adopter ses habitudes et ses
mœurs
qui, aujourd'hui, nous répugnent tant. Etre
amenés à cette union serait, à mon sens, le
plus grand malheur qui pourrait nous arriver.
En adoptant le projet qui nous est soumis,
je pense que nous sèmerons la discorde et la
lutte qui détruiront notre union au lieu de
la cimenter. Je suis donc adverse au projet,
et cela parce qu'un point de vue de la politique, du commerce, des défenses et de
l'économie, il ne sera d'aucune utilité pour le
pays; parce qu'au contraire il sera la source
de maux dont on ne verra peut-être jamais la
fin. (Applaudissements.)
M. DUNKIN annonce qu'il désire prendre
part aux débats, mais qu'il ne veut pas
porter la parole à cette heure avancée, et
que si quelque autre hon. membre ne se
lève pas pour continuer la discussion, il proposera l'ajournement.
M. MCGIVERIN—Sachant l'hon. député
de Brome (M. DUNKIN) indisposé, je consens volontiers à prendre la parole à sa
place. Ce n'est pas, cependant, sans
éprouver beaucoup de malaise que je me
lève pour faire les observations que je vais
soumettre, et cela se comprend, après l'habile
et éloquent discours qui vient justement
d'étre prononcé Bien que je sois peut-être
incapable de traiter ce sujet sans répéter ce
qui a déjà été dit par les hon. messieurs qui
m'ont précédé, je ne m'en crois pas moins
obligé, parce que je dois à mes commettants,
de donner les raisons qui m'ont porté à
prendre la décision que je me suis faite à
l'égard de cette question, qui est certainement des plus importantes, et qui par l'immensité
des intérêts que va mettre en jeu
le changement projeté de notre constitution,
mérite l'attention sincère de tout vrai Canadien. (Ecoutez! écoutez!) Je crois d'abord
devoir donner les raisons qui me portent, de
concert avec un grand nombre de députés
libéraux du Haut-Canada, à agir comme
nous avons décidé de le faire à l'égard du
cabinet actuel et de la politique qu'il a
inaugurée. Dans le Haut-Canada, et dans
presque tous ses collèges électoraux, une
agitation a longtemps existé qui avait pour
cause des difficultés entre les deux sections du pays. Au lieu de diminuer, cette
agitation a été toujours grandissant. Depuis l'union de 1841, le Canada-Ouest a
ressenti qu'on ne lui rendait pas la justice à
laquelle lui donnaient droit sa richesse et sa
population. D'un autre côté, la population
française du Bas-Canada croyait ou semblait
croire qu'une augmentation de la représentation du Haut-Canada dans la législature
finirait par détruire sa langue, ses lois et sa
religion. La position difficile qui nous fût
faite par cet antagonisme était telle que,
dès que le gouvernement proposa à l'hon.
président du conseil (M. BROWN) de s'unir
à lui pour aviser au moyen de couper
court à ses malheureuses difficultés, je crus
de mon devoir, tout étrange que cela ait pu
paraître que nous nous soyions séparés de
la section libérale du Bas-Canada, je crus de
mon devoir, dis-je, sur la conviction que
j'avais de la nécessité d'un changement, et
comme Haut-Canadien—je puis dire comme
Canadien—de faire tout mon possible pour
délivrer notre pays de sa malheureuse
position. (Ecoutez! écoutez!) Je pense
que le peuple du Haut-Canada —je pourrais dire de tout le Canada—est fatigué
de la lutte que nous soutenons depuis
bien des années et qui entravait si fortement
toute législation nécessaire au développement
des ressources du pays. Vu la position
difficile où nous trouvions, je crois que le
peuple désirait sincèrement voir l'état de
choses actuel changer; mais il ne voulait pas
que ce changement nous mènât à une union
avec les Etats-Unis. (Ecoutez! écoutez!) Ce
qu'il désirait, c'était une union avec les autres
provinces anglaises, une union, qui, avant
longtemps, je l'espère, embrassera les colonies
du Pacifique ainsi que celles situées à
l'est de nous sur les bords de l'Atlantique.
(Ecoutez! écoutez!) Malgré toutes ses défectuosités, je crois que ce projet d'union
qui
est proposé nous mettra dans la bonne voie.
Il est impossible que le peuple de ce pays
veuille rester dans l'état d'agitation politique
où il s'est jusqu'ici trouvé, et qui aurait pu
être la cause de difficultés auxquelles on
n'aurait pu malheureusement trouver de
solution qu'en recourant au moyen auquel
nos voisins se sont vus obligés. (Ecoutez!
écoutez!) L'hon. député d'Hochelaga (M.
DORION) a dit avec vérité il y a déjà longtemps—en 1858—que le pays était presque
à la veille d'une révolution, et que pour
l'éviter il fallait opérer quelque changement.
Depuis, et au lieu de diminuer, la nécessité
de ce changement n'a fait que grandir.
(Ecoutez! écoutez!) Autant que j'ai pu le
constater jusqu'ici, nul membre de cette
chambre n'a encore dit qu'il fut réellement
469
opposé à une union avec les autres provinces.
Même l'hon. monsieur qui m'a précédé s'est
déclaré en faveur de cette union, qui, selon
lui, serait on ne peut plus avantageuse au
pays; ce qu'il n'aime pas, ce sont l'esprit
et les détails de ce projet. Cependant, cet
hon. député et d'autres qui rejettent ce
projet tout en se déclarant pour le principe
de l'union, n'ont jusqu'ici rien présenté qui
pût le perfectionner. (Ecoutez! écoutez!)
M. MCGIVERIN—L'hon. député d'Ontario Nord (M. M. C. CAMERON) a dit que
tout en étant pour l'union, il pensait qu'une
union législative serait préférable à une
union fédérale. Pour ceux qui veulent la
faire, cette assertion est facile. De la population anglaise de ce pays, il est peu
de
personnes qui ne soient pas en faveur du
principe d'une union législative; mais
pouvons-nous l'obtenir? N'avons-nous pas,
depuis bien des années, essayé d'obtenir la
représentation d'après le nombre, afin de
faire rendre justice à la section ouest de la
province en la faisant partager dans la distribution des deniers publics en proportion
de sa richesse et de sa contribution au
revenu? Personne n'osera nier que la section
Ouest—soit parce qu'elle est plus avantageusement située, ou qu'elle a un plus beau
climat
et un sol plus fertile—consomme et produit
plus que le Bas-Canada. Et c'est justement
parce que le Haut-Canada, qui se trouve
avoir cette supériorité d'avantages, est placé
sur le même pied que le Bas dans la législalure du pays et dans l'administration de
ses
affaires, qu'il a à se plaindre et que cette
agitation a eu lieu. De là vient que le
Haut-Canada s'est déclaré avec autant de
force en faveur d'un changement. (Ecoutez!
écoutez!) L'hon. député d'Ontario Nord
veut une union qui, bien que désirable sous
beaucoup de rapports, est reconnue comme
impossible par la plupart. (Ecoutez!) La
population française, qui réclame pour elle
égalité de droits et de justice, y consentira- t-elle volontiers? Je ne le crois pas.
Le
parti libéral du Bas-Canada même nous
refuse cette union législative. L'hon. député
d'Hochelaga, pour qui je professe le plus
grand respect, et qui, je crois, est celui de
tous les membres de cette chambre dont
l'esprit est le plus libéral et le plus élevé,
même cet hon monsieur, lorsqu'il nous était
aidé, lorsque nous lui avons demandé de se
joindre à nous dans l'adoption d'une politique
propre à faire disparaître ces malencontreuses
difficultés, toujours il s'y est refusé, disant
qu'il lui était impossible, ainsi qu'à ses amis,
de s'accorder avec nous sur ce point. Ainsi,
lorsqu'à la fin de la dernière session, l'autre
parti politique du Bas-Canada vint dire au
peuple du Haut-Canada:
"Tenez nous cédons volontiers à votre désir;
seulement, au lieu de vous accorder la représentation d'après le nombre purement et
simplement,
nous pensons qu'une confédération de toutes les
provinces de l'Amérique Britannique qui reconnaîtrait ce principe serait préférable;
et si dans ce
projet nous ne pouvons réussir, nous recourrons à
une fédération des deux provinces du Canada,"—
Lorsque cela nous fut offert, aurions-nous
été justifiables de le rejeter simplement parce
que pour un temps il fallait faire abnégation
de nos sentiments de parti, ou parce que
pour un temps nous allions travailler de
concert avec ceux qui étaient avant des
adversaires politiques que nous avions
peut-être jadis fortement dénoncés? Devions-nous, lorsqu'on nous a offert la réforme
pour laquelle on lutte depuis tant
d'années, la refuser simplement parce qu'elle
ne nous était pas offerte par nos alliés politiques? (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part,
quelque opinion que l'on puisse avoir de ma
conduite, je me suis cru obligé, comme Haut- Canadien et par esprit de justice pour
mon
pays, de mettre de côté mes affections de
parti et de faire ce qui servait le mieux les
intérêts généraux. (Ecoutez! écoutez!)
Relativement à cette confédération, l'hon.
député d'Ontario Nord,—et l'hon. député
d'Hochelaga qui a tenu le même langage—a
dit qu'au point de vue de la politique, du commerce et des défenses, l'union des provinces,
constituée selon le projet, serait une affaire
manquée; il a dit qu'au lieu de nous préparer à faire des armements dans la prévision
de difficultés avec nos voisins, nous
devions plutôt rester tranquilles; ou, en
d'autres termes, que nous devions attendre
qu'ils nous eussent passé sur le corps et roulés
dans la poussière! (Ecoutez! écoutez!) Nos
vétérans de 18l2, M. l'ORATEUR, avaient de
tout autres sentiments (écoutez! écoutez!);
car, bien qu'ils fussent un petit nombre, que
le pays ne fut colonisé que ça et là et que
l'étendue de la frontière fut immense, en
braves qu'ils étaient ils ont faut ce qu'ils
ont pu pour résister a l'ennemi, qu'ils
470
ont même. repoussé. (Ecoutez! écoutez!)
Bien que, comparativement, nous soyions
encore peu nombreux, depuis cette époque
nous n'en avons pas moins augmenté en
population et en richesse, dans la même
proportion que les Etats-Unis; quoique la
guerre actuelle ait developpé chez eux de
grandes ressources militaires, je crois pouvoir
démontrer qu'avec les nôtres nous pourrons
au besoin mettre en campagne six cent
mille hommes, (écoutez! écoutez) et
comme nous pourrons toujours, — si nous
nous montrons prêts à faire notre devoir,—
compter sur l'aide la Grande-Bretagne, je
crois que nous serons en mesure de lutter
tout comme ceux qui ont repoussé l'invasion
de 1812. (Ecoutez! écoutez!) Sur ce point
nous avons l'histoire pour nous encourager. Lorsque les colonies américaines, qui
composent les Etats-Unis, se révoltèrent
contre la Grande-Bretagne, leur population
n'excédait pas de plus d'un ou de deux cent
mille celle des cinq colonies qui doivent
former notre future confédération. (Ecoutez!
écoutez!) A cette époque, et sous tous les
rapports, leurs ressources étaient certainement beaucoup plus restreintes que ne le
sont actuellement celles du peuple de ce
pays, et cependant elles résistèrent à l'une
des plus grandes puissances du monde; elles
luttèrent avec assez de succès pour conquérir
leur indépendance. Dans l'éventualité d'une
attaque, nous sommes ici placés dans une
position exactement semblable. En ce pays,
un homme vaudra trois soldats de l'armée
d'invasion. (Ecoutez! écoutez!) La guerre
qui se poursuit entre le Nord et le Sud a
démontré que par les difficultés qu'offrait à
l'ennemi le pays attaqué et les avantages
qu'on en retire pour le défendre, un
homme en vaut trois pour résister à une
armée envahissante. Bien que bloqué du
côté de la mer; bien qu'il ait une étendue
immense de frontière à défendre; qu'il soit
relativement faible par rapport a. à ses quatre
millions d'esclaves, et que sa population
blanche ne soit qu'un peu plus nombreuse
que celle des provinces qui doivent entrer
dans cette confédération, le Sud n'en a pas
moins résisté, avec succès même, pendant
quatre ans à toutes les forces que les immenses ressources des Etats-Unis ont permis
de diriger contre lui. (Ecoutez! écoutez!)
Comme doit le désirer tout vrai Canadien
je désire et fais des voeux pour que nous
continuions à rester en paix; mais admettre
qu'il nous sera impossible de résister à toute
force qui viendra pour nous attaquer, je n'y
consentirai jamais. (Ecoutez! écoutez!) A
tout cela, M. l'ORATEUR, j'ajoute qu'au
point de vue du commerce, de 'agriculture
et des défenses, l'union est, à. mon avis,
beaucoup à désirer. Placés comme nous le
sommes; menacés de voir abolir le traité de
réciprocité, n'est-il pas, je vous le demande,
de notre devoir de faire quelque effort pour
changer et rendre meilleure notre condition?
Ainsi que je l'ai dit, M. l'ORATEUR, cette
question a été si bien traitée au point de vue
commercial, financier et politique par les
hon. messieurs qui m'ont précédé, et qui
étaient beaucoup plus capables que moi de le
faire, que je crois devoir m'abstenir de
répéter leurs arguments; mais, à l'égard des
ressources de l'Amérique Britannique du
Nord, il est un ou deux points sur lesquels
je veux attirer l'attention de la chambre.
L'union est désirable pour le développement
de nos richesses minérales. Dans la Colombie
Anglaise et l'Ile de Vancouver, les régions
aurifères égalent en valeur celles d'aucune
autre partie du monde. Nous avons aussi
du fer dans cette vaste étendue de pays
située entre les Montagnes-Rocheuses et le
lac Supérieur, pays qui, pour les fins de la
colonisation et de la culture, vaut au moins,
s'il ne le surpasse pas, ce que nous avons de
mieux en Canada en fait de sol, et dont
l'étendue est estimée de 80 à 101 millions
d'aeres. Nous avons en Canada de superbes mines de fer et de cuivre, et les
provinces inférieures possédent aussi de
grandes richesses minérales, d'immenses
champs houillers et de précieuses pêcheries.
Nous possédons toutes les richesses qui peuvent faire de nous un grand peuple si nous
savons les développer. (Ecoutez! écoutez!)
A l'appui de cette assertion, je vais citer
quelques chiffres qui feront connaître les
ressources des contrées avoisinantes qui font
partie de ce grand district et dont les
intérêts sont identiquement les mêmes.
En 1860, la population de Nevada était de
6,857, et en 1863, de 60,000. Onze millions
de piastres, environ, ont été affectées a l'ouverture de routes et autres améliorations,
et
en 1863, ses ressources s'élevèrent au
chiffre de $15,000,000. En 1861, Victoria
(Australie) avait une population de 540,322,
et elle a construit 350 milles de chemin de
fer. Son revenu s'est élevé à. $15,000,000.
Elle a des villes et des habitations magnifiques, et jouit, en un mot, de tout le
comfort et de tout le luxe possible. Dans
471
l'Utah, où le progrès du pays rencontre
peut être beaucoup d'obstacles, nous voyons
qu'en 1860, sa population était de 41,000, et
que dans le cours de dix ans elle a augmenté
de 254 par cent. En 1850, la valeur de la
propriété était de $986,000, et dix ans plus
tard, elle atteignait le chiffre de cinq millions
et demi; c'est-à-dire, que dans cette période
elle avait augmenté de 468 pour cent. Sur
ce territoire, et bien qu'il s'y trouve aussi
de l'or, les mines de fer et de cuivre y sont
exploitées de préférence. En 1864, la population était estimée à 75,000. Colorado
a
une population de 60,000 âmes, et en 1864,
l'or qu'elle a produit a atteint le chiffre de
$15,000,000. L'agriculture s'y développe
aussi rapidement. Je mentionne ces faits
simplement pour démontrer ce que nous
vaudra cette union si elle est établie sur
d'aussi bonnes bases que me le fait espérer la
confiance que j'ai mise à cet égard dans le
gouvernement, et augmentée plus tard de
toutes les colonies anglaises de l'Amérique,
depuis l' Atlantique jusqu'à la côte du Pacifique. (Ecoutez écoutez!) Si je savais
que
ce n'est pas cette union là que le gouvernement a l'intention de former; si je savais
qu'il ne doit pas prendre de mesures pour
faire ouvrir le grand territoire du Nord- Ouest, élargir nos canaux et améliorer nos
voies de communication par eau a à l'intérieur,
je n'hésiterais pas un seul instant à lui
retirer mon appui et a à user de toute mon
Influence pour le renverser. (Ecoutez!
écoutez!) En mentionnant ces régions
aurifères et minières, je ne veux que démontrer que nous sommes maîtres de toutes
ces richesses si nous voulons seulement les
développer. Durant les six dernières années,
lor produit par l'Australie, la Colombie Anglaise et la Californie, a été évalué à
près de
deux mille millions de piastres. Les divisions politiques de l'Amérique Britannique
du Nord sont comme suit:—le Haut-Canada,
*'° le Bas-Canada, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard,
°Terreneuve, l'Ile de Vancouver, la Colombie
Anglaise, la Rivière-Rouge et le territoire
de la Baie d'Hudson. Ces territoires réunis
forment un quarré de 1,770 milles, ou plus
de trois millions de milles carrés. Cette
vaste étendue est peuplée par environ quatre
millions d'habitants, et sur ce chiffre, près
de trois millions habitent les Canadas.
Ce sont, M. l'ORATEUR, toutes ces colonies
que je compte voir entrer dans l'union projeté; j'ai compris que c'était cette union
là que le gouvernement s'est engagé d'accomplir, et je répète que si ce n'était pas
là
son intention, je n'hésiterais nullement à me
déclarer son adversaire. (Ecoutez! écoutez!)
Cela dit, M. l'ORATEUR, je passe au dénombrement des ressources de la Colombie
Anglaise, dont le territoire embrasse une
étendue de 213,500 milles carrés. En 1862,
ses exportations, qui se composaient de
fourrures et d'or, se sont élevées à $9,257,875, et ses importations à $2,200,000
L'île
de Vancouver embrasse une étendue de 16,000
milles carrés, et sa population est de 11,463
âmes. En 1862, ses importations ont atteint
le chiffre de $3,555,000. Le territoire de la
Baie-d'Hudson est de 1,800,000 milles carrés,
et sa population de 200,000. Nous voici
rendu à la région du lac Supérieur, que le
peuple du Canada a presque entièrement
négligée, tandis que sur le côté américain,
nos voisins, qui, je le confesse, sont plus
énergiques et plus entreprenants que nous,
ont su se créer un commerce immense. En
1863, le montant des capitaux appliqués à
l'exploitation des mines sur le côté américain
s'est élevé it à $6,000.000. La quantité de
cuivre produite cette même année a été de
neuf mille tonneaux; la quantité de fer, de
185,000 tonn'x. Le total des exportations
s'est élevé à $10,000,000, et celui des importations à 812,000,000.Mais tandis qu'un
aussi
vaste commerce se poursuivait sur le côté
américain, le peuple canadien ne s'est peu
occupé des régions minières de notre côté;
je mentionne encore ces faits pour faire voir
quelles richesses nous possédons là, et qui
sont encore à exploiter. (Ecoutez! écoutez)
Il me fait peine, M". l'ORATEUR, de ne pouvoir
m'exprimer d'une manière aussi lucide que
les autres hon. députés qui se sont fait
entendre; et, comme je ne m'attendais pas
de parler ce soir, je regrette de n'avoir pu
intéresser la chambre davantage. (Cris de:
" Parlez! ") Je pense que ce qui devrait
occuper l'attention de cette chambre et du
pays, c'est la considération de la question
que nous discutons maintenant. (Ecoutez!
écoutez!) Quant aux ressources du Canada,
je crois, M. l'ORATEUR, qu'il est pour moi
inutile d'en parler: elles sont bien connues
de tous les membres de cette chambre;
mais quant aux provinces inférieures, on a
dit qu'elles n'apporteraient pas une part
égale de richesse dans l'union. On dit, M.
l'ORATEUR,, qu'elles n'ont rien autre chose à
apporter que du poisson et_ de la houille,
et, pourtant, leurs ressources peuvent être
472
avantageusement comparées à celles de cette
province ou des Etats-Unis. (Ecoutez!
écoutez!) En 1850, le revenu du Nouveau- Brunswick s'est élevé à. $416,348; en 1860,
à $833,324; et en 1862, à $ 92,230. Je
pense que ces chiffres indiquent que le
revenu du Nouveau-Brunswick a augmenté
dans une proportion égale sinon plus grande
que celui de ce pays. Isolés de cette province, et n'ayant que peu ou point de relations
avec nous. nous voyons que presque tout
son commerce s'est fait à l'étranger. Ci-suit
l'état de ce commerce avec le Canada en
1862:—lmportations, $191.522; exportations, $48,090. Avec la Nouvelle Ecosse:—
Importa`ions $861,652; exportations, $341,027. Avec l'Ile du Prince-Edouard:—Importations,
$82,240; exportations, $80,932.
Avec Terreneuve:—Exportations, $11.855.
Avec les Etats-Unis:—-1mportations, 82,960,703; exportations, $889,416. Avec l'union,
le Canada pourrait avoir le commerce de
toutes ces provinces. Leurs affaires avec le
Canada sont presque toutes pour de la farine,
qui leur est expédiée par la voie des Etats- Unis. Les produits agricoles du Nouveau-
Brunswick, en 1851 et 1861, étaient les
suivants:—Blé, 1851, 206,635; 1861, 279,778. Orge, 1851, 74,300; 1861, 94,679.
Avoine, 1851,1,411,164; 1861, 2,656 883.
Sarrasin, 1851, 689,004; 1861, 904,321.
Mais, 1851, 62,225; 1861, 17,420. Pois,
1851, 42,663; 1861, 5,228. Foin, 1851,
225,083 tonneaux; 1861, 324,160 tonneaux.
Navets, 1851, 539 803; 1861, 634,360.
Pommes de terre, 1851, 2,792,394; 1861,
4.041,339. Beurre, 1851, 3,050, 939 1bs.;
1861, 4,591 477 lbs. Chevaux, 1851, 22,044; 1861, 35,830. Viande de boucherie,
1851, 157.218; 1861, 92,02 . Moutons,
1851, 16,038; 1861, 214,096. Porcs, 1851.
47,932; 1861, 74,057. L'étendue du Nouveau-Brunswick est de 27,710 milles
carrés, ou 17,600,000 acres, dont 14,000,000
acres sont propres à la culture. L'Ile du
Prince-Edouard embrasse une étendue de
2,131 milles carrés, ou 1,365,400 acres. Sa
population augmente assez rapidement. En
1798, elle était de 5,000; en 1833, de 32,292; en 1841, de 47,034; en 1851, de 55,000;
en 1861. de 80,552. En 1860, ses
importations se sont élevées it à $1.150,270;
en 1861, à. $1,049.675; et en 1862, à $1,056,200. Les exportations en l860. se sent
élevées à $1.272,220; en 1861, $1,085,750;
en 1862, $1,162.215 Ses produits agricoles
en 1860 étaient les suivants:—Blé, 346,125
minots; orge, 223,195; avoine, 2,218,578;
sarrasin, 50,127; pommes de terre, 2,972,235;
navets, 348,784; foin, 31,100 tonn'x; chevaux, 18,765; viande de boucherie, 60,015;
moutons, 107,242; porcs, 71,535. L'étendue
de Terreneuvc est de 40,200 milles carrés,
ou 25,728,000 acres. En 1857, le nombre
total de ses habitants était de 119,304. Etat
de son commerce en 1862:—avec le Canada,
importations, $50,448; exportations, $19,001;
Nouvelle-Ecosse, importations, $90,596, exportations, $37,019; Nouveau-Brunswick,
importations, $2,851; l'Ile du Prince- Edouard, importations $ 1 1,720; exportations,
$909; Etats-Unis, importations, $345,797;
exportations, $47,729. Le total des importations en 1857, était de £1,413,432;
en 1858, £1,172,862; en 1859, £1,324,136;
en 1860, £1,254,128; en 1861, £1,152,857;
en 1862, £1,007,082. Le total des exportations en 1857, était de £1,651,171;
en 1858, £1,318,836; en 1859, £1,357,113;
en 1.860, £1,271,712; en 1861, £1,092.551;
et en 1862, £1,171,723. Son principal
article d'exportation est le poisson. La
Nouvelle-Ecosse a 350 milles de long et
100 milles de large. Sa population, en
1838, était de 199,028; en 1851, de 276,.17; et en 1861, de 330,857. Son revenu
en 1852, $483,522; ses dépenses, $483,895;
importations, $5,970,877, exportations, $4,855,903. En 1862, le revenu était de
$1,127,298; les dépenses de $1,009,701;
importations, $6,198,553; exportations,
$5,646,961. Les produits agricoles de 1851
et 1861 étaient les suivants:—Blé, 1851,
297,159; 1861, 312,081. Orge, 1851,196,007; 1861, 269,578. Avoine, 1851, 1,384,437;
1861, 1,978,137. Sarrasin, 1851, 170,301; 1861, 195,340. Maïs, l"51,37,475;
1861, 15,592. Pois, 1851, 21,638;1861,
21,335. Seigle, 1851, 61,438; 1861, 59,706.
Foin, 1851, 287,837 tonn'x; 1861, 334,278.
Navets, 1851, 467,125; 1861, 554,318.
Pommes de terre, 1851, 1,986,789; 1861,
3,824,864. Beurre, 1851, 3,613,8901bs.;
1861, 4,532,711. Fromage, 1851, 652,069
lbs.; 1861, 901,296. Chevauxx, 1851, 8,789;
1861, 41,972. Viande de boucherie, 1851,
243.713; 1861, 151,793. Moutons, 1851.
282,180; 1861, 332,653. Porcs, 1851, 51533; 1861, 53,217. Charbon, 1851, 83,421
tonn'x; 1861, 826,429 Ainsi, ces chiffres
montrent que ces colonies n'ont pas que du
poisson et du charbon. (Écoutez!) L'hon. député d'Ontario (M. M. C. CAMERON) a affirmé
que cette union augmenterait énormement
478
l'impôt du Canada, en un mot, qu'elle serait
loin de nous être avantageuse; mais il parait
avoir oublié d'appuyer de preuves cette assertion. Il a été démontré que nous entrerons
dans
cette union avec une dette de $25 piastres
par tête, et que les provinces inférieures, au
lieu d'augmenter cette charge en s'unissant
a à nous, sont dans une bien meilleure position que ce pays sous le rapport de leurs
dettes. (Ecoutez! écoutez!). L'hon. député
d'Ontario Nord a dit de plus que l'union des
provinces occasionnerait au Canada' une
grande dette locale, et je crois encore cette
assertion erronée. Il est en faveur d'une
union, mais il référerait qu'elle fut législative. Pense-t-il que si nous avions une
union
législative, le Haut-Canada n'en serait pas
moins, comme il le craint, sacrifié? Selon lui,
notre dette et notre impôt augmenteraient,
mais il s'est encore trompé, à moins donc
que l'on ait un gouvernement trop dispenieux, et c'est sur ce point que la dépense
augmentera. Cette augmentation ne sera pas
due à l'union, mais bien à la manière dont
elle sera établie. (Ecoutez!1 écoutez!) Vient
ensuite la construction du chemin de fer
intercolonial à laquelle l'hon. membre pour
Ontario Nord est favorable, seulementil préférerait voir commencer cette entreprise
en dehors de l'union qui, dit-il, augmentera
de beaucoup les dépenses du pays. Sous ce
rapport, tout dépend des hon. messieurs qui
sont aujourd'hui à. la tête des affaires. S'ils
sont extravagants et veulent avoir, pour
chaque province, un gouvernement avec
une suite nombreuse, en un mot tous les
attributs de la royauté, certainement qu'ils
augmenteront de beaucoup les dépenses du
pays. Mais je ne crois pas que telles soient
leurs intentions. Je pense qu'ils sont déterminés,—et en cela ils ne feront que répondre
aux vœux du peuple,—à conduire les affaires
avec économie, de manière à prévenir toute
imposition de nouvelles taxes. (Ecoutez!)
En ce qui concerne la vaste région que je
mentionnais tout-à-l'heure, je désire qu'il
soit bien compris que l'union des provinces,
' la construction du chemin de fer intercolonial et l'ouverture du Nord-Ouest, soient
parties essentielles du projet, en vue du
GVeloppement développement de notre pays et pour lui
assurer, dans l'avenir, une position proéminente parmi les nations. (Ecoutez!) Les
promesses relatives au Nord-Ouest et aux
°'"ùux canaux devront être fidèlement remplies,
et nous devons nous mettre en mesure
d' éviter, une fois le chemin de fer interco
lonial construit, qu'une combinaison d'intérêts
à. l'Est n'empêche l'accomplissement de ces
grands travaux et nous fasse négliger, peut- être même abandonner, le Nord-Ouest.
S'il
existait le moindre doute à cet égard, je serais
le premier à m'opposer à toute mesure qui ne
comprendrait pas ces éléments. (Ecoutez!)
Je suis fortement opposé au chemin de fer
intercolonial considéré comme entreprise
commercial. Je crois que ce ne sera jamais
une entreprise lucrative. Mais dans la
position où nous sommes, à la veille de nous
voir fermer le marché des Etats-Unis par le
rappel du traité de réciprocité, ou de nous
vou entravés dans nos relations commerciales avec l'étranger par l'abolition
du système de transit, ou frappés d'impuissance pour toutes les mesures que
les Américains pourront prendre pour nous
forcer à resserrer nos relations politiques
avec eux, il est de notre devoir, en vue de
notre défense, et si nous voulons acquérir
une position indépendante qui nous permette
de développer nos ressources, d'accomplir ce
projet dans tous ses détails et, surtout, de
construire le chemin de fer intercolonial.
J'ai recherché minutieusement quels avantages commerciaux pourra nous procurer ce
chemin de fer et je n'en ai pas trouvé. Les
cultivateurs du Haut-Canada peuvent actuellement, comme ceux des Etats-Unis, vendre
leurs grains sur le marché anglais. Or, je
crois qu'il est impossible de démontrer que
les produits du Haut-Canada pourront être
transportés, par ce chemin de fer, à l'Atlantique et de là à Liverpool, avec autant
d'avantage que par les Etats-Unis à New- York et de là en Angleterre. (Ecoutez!
écoutez!) Si cette dernière route est plus
avantageuse, le cultivateur canadien sera dans
une position inférieure à celle du cultivateur
Américain. D'un autre côté si, une fois le
chemin intercolonial construit, notre gouvernement se dit: " Nous allons faire concurrence
aux Américains, et, en réduisant les
prix, faire voir à nos cultivateurs qu'ils
trouveront leur avantage à abandonner la
voie des Etats-Unis," alors nous aurons à
payer la compensation, et l'exploitation du
chemin devenant ainsi très-coûteuse, le pays
se trouvera grevé pour des années d'un surcroît de dépenses. Mais, comme moyen de
défense et de communication, et pour maintenir notre union avec les provinces du golfe
et la Grande-Bretagne, ce chemin est une
nécessité. (Ecoutez!) Maintenant, M. l'ORATEUR, quels seront les résultats commerciaux
474
de cette union? Si le Nord-Ouest contient
des terres aussi riches, comme je le crois,
qu'aucunes de ce continent, il devrait occuper, plus tard, par raport au Canada une
position analogue à celle des Etats de l'Est
vis-à-vis de ceux de l'Ouest. Nous devrions
nous attacher à y établir une vaste région
agricole; car, quoiqu'on en dise, le gouvernement canadien n'a maintenant à sa disposition
que bien peu de terres arables, si on
tient compte des besoins toujours croissants
de notre population qui augmente tous les
jours. Il est pénible de voir, par suite du
manque d'une semblable région, s'expatrier
des jeunes gens qui pourraient ainsi rester
sous l'empire britannique. (Ecoutez! Sans
parler de l'immigration qu'attirerait cette
nouvelle région, un grand nombre de nos
jeunes gens qui vont aujourd'hui dans les
Etats de l'Ouest, se dirigeraient de ce côté.
Le trafic de cette région traversera ainsi
notre pays et nous aurons tout le profit du
transport à la mer des produits d'une contrée
tout aussi riche qu'aucun des Etats de
l'Ouest. (Ecoutez!) En considérant le
progrès merveilleux de ces Etats, nous
pouvons nous faire une idée de ce que
deviendra notre territoire du Nord-Ouest si
nous nous appliquons à le développer. En
1830, c'était un pays sauvage, aujourd'hui,
en outre de ce qu'il consomme, il exporte
annuellement 120,000,000 de minots de
grain. Dans une période assez courte la
population a augmenté de 1,500,000 à
9,000,000. Au fait, c'est aujourd'hui un
empire qui possède tous les éléments de
richesse qu'un pays peut désirer. Ne sont-ce
pas là des garanties pour l'avenir? Si le
Nord-Ouest était aujourd'hui ouvert, le
Canada transporterait ses produits comme
les Etats de l'Est transportent ceux des
Etats de l'Ouest et, comme les Etats de
l'Est fournissent à ceux de l'Ouest les
produits de leurs manufactures, le Canada
fournirait au Nord-Ouest les produits de son
industrie. Ce serait la même position, les
produits du Nord-Ouest trouveraient chez
nous un marché avantageux, tandis que nos
manufactures croîtraient et prospéreraient au
point que nous serions bientôt indépendants
des Etats-Unis dans nos relations commerciales. (Ecoutez!) Dans notre position
actuelle, les Etats-Unis nous offrent un
marché surtout pour nos grains les plus
communs, pour lesquels une lointaine exportation ne saurait être profitable. Depuis
la
conclusion du traité de réciprocité, ils ont
acheté chaque année pour vingt millions de
nos produits. Ce trafic devra nécessairement
chercher d'autres débouchés; l'agrandissement et l'amélioration de nos communications
par eau à l'intérieur, la construction d'un
grand nombre de navires appartenant aux
différentes provinces de l'union et qui navigueront sur ses eaux, nous rendront un
jour
parfaitement indépendants des Etats-Unis;
nous aurions ainsi en nous-mêmes les éléments
de notre progrès, nous chargerions nos navires
dans nos ports pour les expédier de là aux
provinces du golfe, vers les Indes Occidentales ou en Europe. Les provinces du golfe
pourraient faire avec nous un vaste commerce
d'huile, de poisson et d'autres produits, de
de sorte qu'une vraie flotte de navires serait
employée à développer les ressources du
pays. (Ecoutez!) Si l'union est basée sur
des principes fidèlement appliqués, elle sera
a l'avantage de tous; et si nos hommes
d'état accomplissent dignement ce grand
œuvre, leurs noms ne mériteront-ils pas de
figurer avec honneur dans l'histoire de la confédération? (Ecoutez!) Mais s'ils ne
nous
donnent avec l'union que des dépenses nouvelles et énormes, s'ils se lancent dans
des
spéculations extravagantes, ils nuiront grandement au pays et arrêteront pour longtemps
ses progrès. Il ne faut pas se le dissimuler,
ce projet prête beaucoup aux extravagances
et aux spéculations. L'histoire de nos
chemins de fer fait voir qu'une vaste portion
des sommes dépensées a été employée d'une
manière fort peu satisfaisante; (Ecoutez!)
qu'on aurait pu les construire sans élever
autant la dette du pays: mais si l'expérience
du passé peut guider nos hommes d'état, ils
auront acquis un noble titre à notre reconnaissance. (Ecoutez!) En relisant la vie
de Franklin, j'ai remarqué le passage
suivant, où est assez bien dépeinte une
position analogue à la nôtre:
Franklin n'eût pas plutôt constaté que les
Français voulaient la guerre, qu'il se détermina à
leur résister vigoureusement. La puissance française dans l'Amérique du Nord était
entre les mains
d'un seul gouvernement qui inspirait toutes les
mesures. Au contraire, la puissance anglaise était
morcelée entre plusieurs gouvernements tous indépendants les uns des autres, un peu
jaloux, et
jamais franchement unis. " Il faut nous unir ou
succomber" disait Franklin au mois de mai 1756.
Avant de se rendre au congrès, à Albany, il publia
un article à ce sujet, l'accompagnant d'un dessin
allégoriqne qui représentait un serpent coupé en
autant de parties qu'il y avant de colonies, chaque
tronçon étant marqué du nom d'une colonie, et,
comme fond du tableau, en grosses lettres, on
lisait ces mots: "S'unir ou mourir."
Je crois que notre situation d'aujourd'hui
475
est absolument semblable, car je pense que
c'est réellement le désir, l'objet et le but
final de nos voisins, de nous amener à eux
par la force ou par les moyens qu'ils ont
adoptés dernièrement. Ils espèrent, par
l'affaiblissement de nos ressources, par la
ruine de notre commerce et des menaces
d'invasion, faire naître tôt ou tard le malaise
dans la population du Canada et l'obliger à,
rechercher l'union avec eux. Ce malaise,
croyez-le bien, ne saurait tarder à éclater,
si nous ne prenons les moyens propres à
l'empêcher. Il est évident que par notre union
avec les provinces du golfe nous augmenterons notre commerce de cinq ou six millions
de plus, ce qui, on l'avouera, forme une assez
jolie perspective, indépendamment de toutes
les autres considérations dont j'ai déjà parlé.
Je sais qu'il est un bon nombre de députés
de cette chambre en faveur du projet, qui le
regardent comme si extraordinaire qu'il
faut, suivant eux, le soumettre au peuple.
(Ecoutez! écoutez!) C'est ce qui a été dit
par divers députés et par l'hon. monsieur
qui vient de prendre la parole. " Allonsnous, s'écrient-ils, dépouiller le peuple
de
ses droits? Allons—nous entreprendre l'accomplissement d'une mesure aussi importante
sans lui permettre de faire entendre
sa voix? Où sont les requêtes demandant la
confédération? " (Ecoutez! écoutez!) —Ce
sont là. sans doute, des arguments qui paraissent assez concluants, mais qu'on prenne
en considération l'effet de la discussion dans
cette chambre d'aucune question propre à
remuer les esprits, et n'aurons-nous pas le
droit à. notre tour de demander pourquoi il
n'a été présenté aucune requête contre la
mesure? Nous venons d'avoir un exemple
de ce que je dis ici au sujet d'un bill de
chemin le fer de l'hon. député de West
Brant. On sait que la population du Haut- Canada a de forts préjugés contre cette
mesure et non pas, suivant-moi, sans raison:
O, qu'a-t-on vu? à peine le titre du projet
de lui était-il inscrit sur les journaux de
cette chambre que les requêtes pleuvaient
de tous les coins de l'ouest pour dénoncer le
bill comme s'attaquant aux libertés populaires. C'est que l'on appréhende la somme
de pouvoirs qui vont se trouver concentrés
entre les mains de la compagnie du chemin
de fer Grand Tronc. Or, si le pays est
opposé à la confédération, maintenant qu'on
lui a exposé la question sous toutes ses faces,
que le projet a fait le tour de la presse, qu'il
s'est écoulé plusieurs mois durant lesquels
on a pu l'étudier, et que tous les détails en
ont été commentés et publiés par les membres
du gouvernement, où sont, je le demande,
où sont les requêtes contre la mesure? Le
fait qu'il n'y en a aucune, est la preuve que le
peuple approuve presqu'à l'unanimité ce qui
se fait en ce moment. Depuis que le gouvernement s'est engagé à. élaborer un projet
de confédération, la question a été soumise
à pas moins de cinquante comtés du Canada,
soit à l'occasion d'élections, soit au moyen
d'assemblées publiques c' invoquées expressément à. cet effet par les hon. députés
de cette
chambre, et le peuple, dans le Haut-Canada
du moins, n'a pas une seule fois exprimé
qu'il désapprouvait le projet. (Cris:—Non!
non!)
M. A. MACKENZIE—Il ne s'est trouvé,
dans une grande assemblée des électeurs de
Toronto, tenue l un de ces derniers soirs,
qu'un seul homme pour voter contre la
mesure.
L'
HON. M. BROWN —Depuis la formation du gouvernement actuel et la promulgation de son programme politique,
il n'y a
pas en une seule élection dans laquelle l' un
ou l'autre des candidats n'ait pas attaché
quelque importance à la question;—et on ne
compte pas moins de cinquante un comtés,
ou parties de comté, qui ont eu à se pro—
noncer sur notre politique,—eh bien! je
défie qui que ce soit de m'indiquer une seule
occasion où nous ayions été désapprouvés.
(Ecoutez! écoutez! et applaudissements.)
M. MCGIVERIN — Je me sens donc à
l'aise dans le support que je donne à cette
mesure, d'autant plus que je crois avoir été le
premier à parler de la question dans l'Ouest
et à la faire connaitre dans mon comté. J'ai
dit au peuple que j'étais en faveur de la
représentation basée sur le chiffre de la
population et que c'était un principe de
justice, mais que la question pouvait se
régler ainsi que toutes nos difficultés par le
moyen d'un projet plus étendu, par l'union
de toutes les provinces. Plusieurs hon.
messieurs qui s'opposent à ce projet, conviennent de la nécessité de que'que changement,
mais qu'ont-ils proposé pour remplacer
ou améliorer le projet? Je suis convaincu
que si la question était mise devant le
peuple, les choses incidentes, les considérations d'individualité et l'esprit de parti
prendraient plus de place dans l'esprit des
électeurs que la confédération elle-même, et
que, par conséquent, il pourrait bien arriver
qu'il fût impossible d'en obtenir un verdict
476
exact et sincère. J'ai recherché des précédents au sujet du renvoi de la question
devant le peuple et je n'en ai trouvé aucun à
l'appui; mais, au contraire, la conduite
actuelle du gouvernement se trouve confirmée en plusieurs endroits par des exemples
que je prendrai la liberté de citer. Le premier se trouve au tome 85e de HANSARD;
je lis:—
"Lorsque Sir ROBERT PEEL proposa le changement dans le rappel de la loi des céréales
à la
chambre des communes qui avait été élue pour
la maintenir telle qu'elle était, en prétendit qu'il
aurait dû conseiller la dissolution du parlement
avant que de faire cette proposition, et qu'il était
dangereux et sans précédents pour la chambre de
s'occuper de la question. Sir ROBERT PEEL traita de
haut cette doctrine et déclara que, quelles qu'aient
été les circonstances des élections qui avaient
eu lieu, il n'approuverait jamais l'opinion que la
chambre des communes ne peut pas régler toute
question nécessaire au bien-être du pays, et il
cite rl à l'appui de ses remarques les paroles de M.
PITT sur des prétentions semblables émises à
l'occasion de l'union de l'Angleterre et de l'Irlande,
et avant cela il à l'occasion de l'union de l'Angleterre et de l'Ecosse. Cette opinion
avait été soutenue en Irlande avec une grande véhémence,
mais M. Fox ne la partagea pas. M. SHERIDAN la
suggère en passant et c'est en lui répondant que
M. PITT défendit le système constitutionel en
soutenant que le parlement, sans en appeler au
peuple auparavant, avait le droit de changer la
succession au trône, et de modifier le cens électoral
soit pour augmenter ou diminuer le nombre de ses
membres.—" Il ne saurait avoir, ajouta Sir R.
PEEL, d'exemple plus pernicreux, de précédent plus
profondément démocratique, si je puis m'exprimer
ainsi, que celui qui va à dire que le parlement
doit être dissous à cause de son inhabilité ou
incompétence à décider une question de cette
nature."
Voilà, M. l'ORATEUR, un raisonnement
dont personne ne niera la force irréfragable:
Ce n'est pas tout, j'ouvre le tome 85e, à la
page 857 de l'Histoire parlementaire d'Angleterre (Parliamentary history of England),
et j'y lis ce qui suit:—
"Le parlement anglais qui avait voté l'union
avec l'Irlande, s'adjoignit les députés de ce dernier
pays et commença la première session du pariement du Royaume-Uni en se choisissant
un nouvel
orateur et en se conformant aux règles et formalités
suivies à l'ouverture d'un nouveau parlement. quoiqu'il n'y eût pas eu de dissolution."
Je citerai maintenant, M. l'ORATEUR,
l'un des auteurs les plus éminents du plus
démocratique des pays du globe, du pays où
le peuple se vante qu'il ne se fait rien sans
son approbation. Tout le monde comprend
que je veux parler des Etats-Unis; l'ouvrage
dont il est ici question est Le droit constitu
tionnel (Constitutional Law)—par SEDGWICK,
lequel en parlant des " cas où la législature
a cherché à se dépouiller de ses pouvoirs
réels" dit:
"On a vu plusieurs fois les législatures d'état
chercher à secouer la responsabilité de leurs fonctions par un appel au peuple sur
certaines questions;
mais une telle conduite a toujours été regardée, et
à bon droit, comme tout à fait inconstitutlonnelle
et invalide. Le gouvernement de l'état est démocratique, mais c'est la démocratie
représentative
dans la législature."
Je citerai encore l'Histoire constitutionnelle d'Angleterre (Constitutional history of
England), à la page 816, sur le même sujet:
"C'est de ce mécontentement universel, des
dangers en général que courait le gouvernement
établi, que naquit la mesure dont il fut si souvent
question plus tard, la substitution des parlements
de sept ans à ceux de trois ans. Le ministère
crut trop risqué pour son maitre et surtout pour
ses membres, de courir les chances d'une élection
générale en 1717; mais, comme le changement
devait durer toujours, on tira de son utilité permanente les raisons qui portaient
à le faire. Rien
n'est plus faux que l'aplomb avec lequel l'ignorance allègue parfois que la législature
outrepassa
ses droits en décrétant cette mesure, ou, pour
parler plus légalement, qu'elle viola son mandat
et enfreignit l'ancienne constitution."
Je crois, M. l'ORATEUR, que de tels précédents ne sont pas à dédnigner, vu surtout
qu'on n'en trouve aucun pour appuyer
l'opinion contraire. On doit, suivant moi,
obéir en tout et partout à la volonté populaire,
et si je croyais que la majorité des électeurs
Haut-Canadiens, ou même de mes propres
électeurs, veut que la question sont mise
devant le pays, je n'hésiterais pas à remplir
ce que je regarde comme un devoir, et à me
soumettre à cette exigence. Mais je n'ai
rien de tel à appréhender, car je n'ai pas
censé avec un seul homme influent de mon
comté sans le trouver favorable à l'union
qu'on nous propose aujourd'hui. Je conviens
que les liens politiques ont une grande force
et se rapprochent beaucoup de ceux de
l'amitié; personne peut être en fait autant
de cas que moi; aussi, lorsque je concourus
l'année dernière, comme membre de l'assemblée du parti libéral, à faire naitre le
mouvement actuel, je le fis parce que je croyais
servir ainsi les intérêts les plus chers du pays,
et parce que j'étais d'opinion que, si le projet
était bien mûri et bien exécuté, nous pourrions, avant de mourir, voir ce pays devenir
l'un des plus riches, des plus libres et des plus
heureux de la terre, car il possède toutes les
ressources qui peuvent se trouver chez
477
aucune nation. La nature nous a comblés
de tout ce qui peut contribuer à faire de
nous un peuple grand et prospère. Les hon.
députés ne peuvent manquer de convenir
que l'époque est arrivée où un changement
doit se produire d'une façon ou d'une autre,
car ne fesait-il pas peine de voir les deux
côtés de la chambre si également divisés
qu'ils l'ont été durant les deux dernières
sessions, et les députés passer tout leur
temps, séance après séance, a s'injurier personnellement au lieu de s'occuper de la
législation du pays? En vérité, M. l'Orateur,
je crains que si un pareil état de choses se
continuait, nous en verrions naître les plus
déplorables conséquences, car, pour les individus comme pour les nations, il y a certaines
limites qu'on ne franchit jamais sans
danger. Monsieur l'Orateur, je crois que
nous étions rendus à cette limite. Qui aurait
cru, un mois avant l'attaque du fort Sumter,
que la guerre civile aurait résulté des discussions envenimées qui eurent lieu dans
le
congrès? Jusqu'à ce moment, on avait cru
que l'échange d'expressions violentes entre
les représentants du Nord et du Sud n'était
qu'une particularité du caractère américain.
Et qui sait si le terrible fléau qui les accable
ne se serait pas appesanti sur nous dans le
cas où nos difficultés de section auraient
continué aussi violentes et aussi acrimonieuses? Le projet actuel pare heureusement
à ces funestes conséquences. (Ecoutez!)
J'appartiens à cette catégorie de membres
signalés par l'hon. membre pour Hochelaga
(M. Dorion), c'est-à-dire les libéraux du
Haut-Canada qui, en soutenant le ministère
Macdonald-Sicotte, ont abandonné la
question de la représentation débattue pendant tant d'années dans le Haut-Canada.
Pour ma part, voici quelle était mon idée:
Les ministères Macdonald-Cartier et
Cartier-Macdonald qui, pendant plusieurs années, ont gouverné le pays avec
différentes combinaisons, nous refusaient
toujours la représentation basée sur la
population. Nos alliés naturels composant
le parti libéral du Bas-Canada, qui, j'en
ai la conviction, tenaient à tout faire
pour contenter nos désirs, nous déclaraient également ne pouvoir nous accorder
cette mesure. D'un autre côté, le Haut- Canada voyait bien les embarras financiers
du pays et demandait de prompts changements. Un changement était nécessaire,
et nous pensâmes sagement que mieux valait
une bouchée de pain qu'un jeûne indéfini.
Mais je n'ai jamais eu connaissance que le
parti libéral du Haut-Canada ait abandonné
la question de la représentation. Tous les
partis du Bas-Canada, les Français comme
les Anglais, nous refusaient ce qui nous
semblait juste et équitable; aussi, lorsque
l'occasion se présenta de mettre fin aux difficultés du pays, nous avons cru devoir
mettre
de côté tous liens et toutes considérations
de parti pour remplir un devoir sacré envers
nos commettants et notre pays. (Ecoutez!)
Malgré la haute estime que je professe pour
les membres libéraux du Bas-Canada, je ne
puis m'empêcher de dire qu'ils ont eu tort
de nous refuser la concession du principe
pour lequel nous avons si longtemps combattu; et, aujourd'hui, je ne me sens plus
lié
par les intérêts de parti, car nous avons à
remplir vis-à-vis de nos commettants et du
pays des devoirs d'une plus haute importance. L'hon. membre pour Ontario Nord
(M. M. C. Cameron) a reproché au président
du conseil d'avoir autrefois condamné l'entreprise du chemin de fer intercolonial.
Nul
doute, M. l'Orateur, que si les hon.
membres veulent entretenir agréablement la
chambre pendant quelques heures, il leur
suffira de lire quelques-uns des discours
de l'hon. monsieur et certains articles
de son important journal, le Globe, non
seulement sur cette question, mais sur plusieurs autres qui ont vivement préoccupé
l'opinion publique. Mais cela ne m'empêche
pas de croire que personne plus que l'hon.
président du conseil n'a ressenti les diflicultés
qui embarrassaient le pays, et je suis également persuadé qu'il était sincère lorsqu'il
s'est levé pour déclarer que, dans l'intérêt
du pays, il était prêt a s'unir à ses anciens
adversaires. (Ecoutez!) Mais cette concession de sa part a-t-elle été gratuite? Non.
Le principe défendu par lui et son parti
pendant tant d'années a été accordé; et je
suis persuadé, en dehors de toute autre considération, que nous sommes parvenus à
notre
but en adoptant le grand projet de confédération. Je me demande donc si on doit
reprocher à l'hon. président du conseil l'attitude qu'il a cru devoir prendre, si
surtout
le parti libéral tant dans le Haut que le Bas- Canada a le droit de lui faire des
reproches
puisque, par sa nouvelle alliance, il a atteint
un but pour lequel il a combattu avec le parti
sus-nommé pendant de nombreuses années?
(Ecoutez!) Je crois qu'un homme ne peut
abandonner un parti politique auquel il a
dévoué toutes ses sympathies sans avoir des
478
raisons majeures; et c'est la position dans
laquelle s'est trouvé l'hon président du conseil. Je comprends parfaitement cette
position et je m'y rattache. Si cette question
avait pu être réglée par les partis libéraux
du Haut et du Bas-Canada sans s'unir aux
conservateurs, j'aurais sans doute été plus
satisfait. Mais on ne saurait revenir aux
anciennes luttes, aux récriminations, aux
attaques violantes qui ont divisé cette
chambre. Et le parti libéral a eu raison de
signer un armistice et d'oublier le passé en
attendant le réglement définitif de cette
question. Le temps nous apportera les résultats de cette conduite. Mais comme Canadien,
et pour rester fidèle aux opinions de toute
ma vie je crois devoir donner à cette mesure
mon chaleureux appui. (Applaudissements.)
On nous a dit que nous aurions des détails
sur la constitution des législatures locales.
C'est peut-être l'opinion de cette chambre.
J'aurais entendu avec plaisir l'explication de
ces détails dans le cours de la discussion
actuelle. Toutefois, si le gouvernement n'a
pas encore réglé cette question, ou s'il croit
de l'intérêt du pays de ne pas la soumettre
actuellement, à lui seul en reste toute la
responsabilité. En votant pour ces résolutions, j'affirme seulement le principe de
la
confédération des provinces, et si les propositions ultérieures relatives à la formation
des gouvernements locaux, ne me satisfont
pas, si j'y vois la moindre injustice, je me
sens parfaitement libre de les condamner.
(Ecoutez!) Il s'agit pour moi de deux choses
parfaitement distinctes.
M. MCGIVERIN—Je verrais avec plaisir
éliminer certains détails de ces résolutions.
Mais dans cette union, les parties contractantes sont si nombreuses, que chaque province
ne peut espérer de voir combler entièrement ses désirs. Une preuve à l'appui de
cette assertion m'est fournie par l'attitude
des adversaires du projet dans les provinces
du golfe. Ils prétentent que le Canada est
en banqueroute, et qu'en s'unissant à lui ils
marchent vers leur propre ruine. Et, il y
a deux ou trois jours, on nous a même dit
que le chemin de fer intercolonial était tout
ce que demandait le Haut-Canada, mais
serait préjudiciable aux intérêts du Bas- Canada. (Rires.) Une certaine portion du
Bas-Canada voit dans cette entreprise, la
ruine de sa langue et de sa nationalité; d'un
autre côté, l'élément anglais du Bas-Canada
se plaint de ce que, dans cette union, ses
droits et priviléges vont être foulée aux
pieds. (Ecoutez!) D'autre part, les Haut- Canadiens s'opposent au projet comme funeste
à leurs intérêts et devant être la source
de difficultés financières qui seront fortement
préjudiciables aux progrès de l'Ouest. Cette
diversité d'opinion démontre qu'il est impossible d'élaborer un projet satisfaisant
pour
tous—car "on ne peut contenter tout le monde
et son père." Nul doute que le Haut-Canada
a des raisons de se plaindre. Par exemple,
la subvention de 80 centins par tête pour
l'administration des gouvernements locaux
paraît injuste au Haut-Canada, et avec
raison. Cette somme est fixée d'après la
population actuelle, et quelque soit l'accroissement de notre population, et serait-il
le
même dans les dix années prochaines que
précédemment, nous ne recevrons qu'une
somme représentant quatre-vingt centins
par tête, sur le chiffre de notre population
actuelle. Ce détail est certainement ouvert
à l'objection.
L'
HON. M. BROWN—Mon hon. ami me
permettra de lui dire qu'il est légèrement
dans l'erreur, et voici comment: si notre
population augmente, celle des autres provinces augmentera aussi, et il ne pourra
y
avoir injustice que dans le cas où la population du Haut-Canada serait comparativement
plus considérable que celles des autres provinces respectivement.
L'
HON. M. BROWN—Certainement, et
rien que cela. Voici comment sera appliqué
ce principe: notre loi d'accroissement est
aujourd'hui représentée par 2 1/2, 3 ou 4 pour
cent; à ce taux, il faudrait de nombreuses
années avant que le Haut-Canada se trouvât
dans une position désavantageuse. Mon hon.
ami sait que plus tard les subventions seront
divisées proportionnellement aux populations;
si donc nous y perdions un peu au commencement, ce serait pour gagner énormément
par la suite.
M. MCGIVERIN—Je suis heureux d'entendre ces explications; comme je l'ai dit
précédemment, je ne demande que la discussion la plus libre et la plus complète. Je
puis ne pas connaître à fond certains
détails du projet, mais une question de cette
importance doit ê re discutée sous toutes ses
faces. Toutefois, j'objectais spécialement à
ce point. L'établissement d'un droit d'exportation sur certains produits de quelques
provinces me semble également contraire
479
aux vrais principes d'économie politique.
Mais on prétend que c'est un simple droit
pur souche. (écoutez!) Nul doute qu'on peut
soulever de nombreuses objections contre
ces résolutions, et que les hon. membres de
l'opposition ont matière à faire d'excellents
discours. Je voudrais voir la chambre, pénétrée de l'importance de cette discussion,
l'aborder avec calme et dans tous ses détails.
La question est celle-ci: " Devons-nous
voter pour ces résolutions malgré ses imperfections! " J'admets franchement qu'il
y a
des imperfections dans ce projet. Mais
devons-nous, pour cette seule raison, prendre
la responsabilité de le rejeter? Telle est, je
crois. la question que nous avons à décider.
D'hon. membres peuvent différer d'opinion
avec moi, mais les avantages de l'union sont
tels, que malgré les inconvénients dont je
viens de parler, je croirais manquer à mes
devoirs envers mes commettants et mon
pays, si, par un vote contraire, je venais
empêcher l'accomplissement de ce grand
œuvre. (Ecoutez! écoutez!) Je remercie
la chambre de l'indulgencc avec laquelle
elle a bien voulu m'écouter, et, en terminant,
je demanderai aux hon. membres de laisser
de côté tout préjugé de parti pour examiner
la question sous toutes ses faces; de prendre
en considération le malheureux état du pays,
l'aspect pénible que présentait cette chambre
lorsque nous perdions soirée après soirée
dans des discussions stériles, et de dire si
nous pouvons descendre au-dessous de la
position misérable que nous avait faite cet
antagonisme. Que les hon. membres se
pénétrent du sentiment de la situation et
lgissent agissent dans l'intérêt du pays. Si le principe
de cettte union est mauvais, qu'on le rejette;
mais s'il est bon nous devons l'appuyer. Je
n'ai encore entendu aucun hon. membre
s'opposer au principe de l'union; les objecions ont eu pour but les détails. Or, les
hon.
ulelnbres membres qui font de l'opposition devraient,
avant tout, proposer un projet élaboré par
eux pour qu'il soit, à son tour, approuvé ou
rejeté par chambre. (Applaudissements.)
L'
HON. M. HOLTON—En secondant
cette motion, je dois dire que la chambre a
écouté avec le plus grand plaisir le discours
de mon hon. ami pour Lincoln (M. MCGIVERIN.) Telle a été mon impression. Vers la
fin de son discours, il est vrai, il a graduellement dit adieu à la logique; mais,
somme
toute, il a fait un excellent discours.
Mais, dans ce discours, il est un point
sur lequel je désire attirer l'attention de la
chambre, car je le considère comme très- important dans la suite de cette discussion.
L'Hon. membre a dit qu'il serait opposé au
projet s'il n'avait pas du gouvernement
l'assurance explicite que l'agrandissement
de nos canaux et l'ouverture du territoire
du Nord-Ouest seraient poursuiv.s, paré
passu, en même temps que la construction
du chemin de fer intercolonial. Je demande
si c'est bien là ce qu'a voulu dire l'hon.
monsieur?
L'
HON. M. HOLTON—Je n'ai pas besoin
d'explications. Je demande seulement si j'ai
bien compris l'hon membre, si non ie suis
prêt à le reconnaître. Je suis persuadé que je
l'ai bien compris. Je l'ai fortement approuvé
par des " Ecoutez! " répérés, et l'hon. prés dent du conseil (M. BROWN) en a fait
autant. Il serait vivement à désirer que
nous sachions si telle est l'intention du gouvernement, si l'hon. membre a abondé
dans
le sens du ministère et si tel est le sens des
" Ecoutez! " de l'hon. président du conseil.
M. MCGIVERIN—Si mon hon. ami veut
m'accorder une minute, je serai peut-être à
même de prévenir une longue discussion.
J'ai dit: que j'étais persuadé que le gouvernement mettrait pleinement à exécution
ses
promesses relatives à l'ouverture du territoire
du Nord-Ouest, l'agrandissement de nos
canaux, et l'amélioration générale de nos
communications par eau; que si je croyais
que le gouvernement ne fût pas sincère dans
ces promesses je lui serais opposé
L'
HON. M. HOLTON— " De pied ferme"
a été l'expression employée. (Cris de: Oui!
oui!! et de: Non! non!!
L'
HON. M. BROWN— En définitive, mon
hon. ami de Lincoln sait ce qu'il dit, et voici
ce qu'il a affirmé: " qu'il a compris qu'une
partie du programme du gouvernement était
l'agrandissement de nos canaux l'ouverture
du territoire du Nord-Ouest et la construction du chemin de fer intercolonial; qu'il
croyait le gouvernement parfaitement sincè e
dans sa détermination de commencer ces
grands travaux le plus tôt possible " Il a
eu parfaitement raison,—tel est l'engagement
de l'administration. (Ecoutez! écoutez!)
Si mon hon. ami a le moindre doute à
cet égard il peut consulter la convention
passée par la conférence. Peut-être que mon
hon. ami ne désire pas plus vivement l'accomplissement de ces parties du projet
480
qu'aucun de mes collègues tant du Haut
que du Bas-Canada. (Ecoutez!)
M. BELLEROSE—M. le PRÉSIDENT:—
Avant de donner mon vote sur la grande
question qui occupe maintenant cette hon.
chambre, je crois que je dois à mes commettants, et que je me dois à moi-même de dire
quelques mots sur cette importante mesure,
et de répondre à quelques-uns des arguments
spécieux en apparence, mais au fond tout a
fait futiles des hon. messieurs de la gauche.
Signaler toutes les difficultés qui menacent
depuis quelques années d'enrayer le char de
l'Etat, faire l'histoire de toutes les crises
qu'ont eu à traverserles diverses administrations qui se sont succédées dans ces derniers
temps, rappeler l'état d'anarchie qui menace
déjà depuis longtemps de rendre impossible
toute législation, seraient peines inutiles et
temps perdu, lorsque de tous côtés il n'y a
qu'une voix pour reconnaître la triste position dans laquelle se trouve la province,
et
la pressante nécessité de trouver un remède
aux maux qui menacent l'avenir de notre
pays. Ça été, M. le PRÉSIDENT, pour
répondre à l'appel que tout un peuple faisait
au patriotisme de ses hommes d'Etat, en les
conjurant de chercher le remède qui pourrait
guérir notre société politique de la cruelle
maladie qui menaçait son existence, que les
membres de l'administration actuelle, oubliant
le passé, mettant de côté leurs dissidences
politiques, s'unirent pour chercher le grand
remède dont nous sommes actuellement à
discuter l'efficacité. Ces hon. messieurs ont
bien mérité du pays, et je suis heureux de profiter encore de cette circonstance pour
les
remercier et les féliciter des beaux et nobles
sentiments de patriotisme dont ils ont donné,
dans cette circonstance, une preuve non
équivoque au peuple, qui ne manquera pas
de leur en tenir compte. J'ai déjà. en occasion, au commencement de cette session,
d'exposer mes vues sur le plan général de la
confédération que le gouvernement vient de
soumettre à la considération de cette chambre.
Je vous ai fait connaître, M. le PRÉSIDENT,
que je n'hésitais pas du tout à me déclarer
favorable à cette union, mais que je désirerais, s'il était possible, que certaines
réso
lutions fussent ' amendées. Il est donc
inutile pour moi de revenir sur ce sujet, et
je passe à l'examen des arguments des adver
saires du plan. On a dit, et l'hon. député
d'Hochelaga (M. A. A. DORION) l'a dit, je
crois, " que le peuple n'avait pas eu occasion de faire connaître ses opinions sur
cette
mesure importante." Quand on jette un
coup-d'œil sur tous les événements des
derniers six mois, quand on examine les faits
et gestes, et qu'on se rappelle les faussetés et les
mensonges qui ont été débités par les ennemis
de la confédération, on en vient à une toute
autre conclusion que celle à laquelle sont
arrivés l'hon. député d'Hochelaga et ses
amis. A peine la dernière session était-elle
terminée, que les adversaires du gouvernement actuel se mettaient en campagne, non
pas pour discuter franchement et loyalement
la promesse de l'administration de chercher,
dans la fédération des Canadas ou de toutes
les provinces britanniques de l'Amérique du
Nord, un remède à nos difficultés sectionnaires, mais, au contraire, avec la résolution
bien arrêtée de travailler vaillamment à
écraser la coalition; et depuis qu'avons-nous
vu? Des hommes qui, depuis nombre d'années,
consacrent leurs plumes à miner le catholicisme et avilir ses ministres, qui depuis
long- temps cherchent à détruire chez nos nationaux
l'attachement à leurs institutions, sauvegarde
de notre nationalité; des hommes qui, dernièrement encore, lançaient devant le public
des écrits sur le rationalisme, que nos évêques
ont condamné; oui, nous avons vu ces mêmes
hommes, épris tout-à-coup d'un prétendu
zèle sans borne pour nos institutions, notre
religion, notre clergé, se mettre en chemin,
parcourir, sans en être requis, nos campagnes, suppliant tous ceux qui tenaient
à leur nationalité de les suivre dans
leur croisade, leur faisant voir dans l'adoption du plan du gouvernement l'anéantissement
de leur religion, le massacre de leurs
bons pasteurs, et la ruine du peuple par les
taxes écrasantes dont il était menacé; le conjurant de se hâter de protester contre
cet
affreux plan de confédération qui devait
le ruiner et l'anéantir. Qu'avons-nous vu
encore? Une presse échelevée, se proclamant
la protectrice du peuple, jetant l'injure,
l'insulte et la boue à la face des membres
de l'administration actuelle, calomniant
quelques-uns de ses membres, mais les méprisant tous, présentant les ministres Bas-
Canadiens comme autant d'hommes prêts à
vendre le Bas-Canada pour un vii intérêt,
pour un portefeuille de ministre,—publiant
contre le projet de la confédération des écrits
dont ils attribuaient la paternité à des
481
membres du clergé, etc., employant enfin
tous les moyens pour soulever les préjugés
du peuple contre le plan du gouvernement.
Et quel en a été le résultat? Le peuple les
a écouté, mais a refusé de répondre a l'appel
qu'ils lui faisaient, au point qu'à l'heure
présente, c'est à peine si quelques requêtes
ont été mises devant cette chambre contre
le projet de confédération. Or, si l'opposition n'a pu réussir à convaincre le peuple
que ces changements constitutionnels sont
préjudiciables au Bas-Canada, lorsqu'ils discutaient seuls, réussirent-ils mieux lorsque
les amis de la cause seront à leurs côtés pour
réfuter leurs arguments et faire connaître
quelle sorte de patriotisme les anime? Evidemment non. Je puis donc conclure de là
que le peuple a été mis à même de se prononcer contre le projet, mais qu'il a refusé
de le faire, et l'hon. député d'Hochelaga est
dans l'erreur, quand il éclare qu'un appel
au pays est nécessaire pour connaître l'opinion publique. Tous les ans, cet hon. monsieur
se plaint que notre loi d'élection est défectueuse, que l'argent l'emporte sur le
mérite
dans nos luttes électorales. Comment peut-il
donc demander qu'une question aussi importante que celle de l'union des provinces
soit
soumise à l'épreuve du vote populaire sans
autres espérances que d'entraîner le pays
dans le trouble et dans une dépense de
quelques centaines de mille piastres. Pour
ma part, M. le PRÉSIDENT, je suis opposé à
un appel au peuple. Chaque membre a eu
et a encore le temps de consulter, loin du
trouble et de l'agitation inévitables en temps
d'élection, l'opinion de ses commettants. De
cette manière, lorsque le projet du gouvernement aura subi l'épreuve du vote de cette
honorable chambre, on aura la satisfaction
de pouvoir dire avec vérité: c'est ainsi que
l'a voulu l'opinion publique. Il est vrai que
l'hon. député d'Hochelaga nous a dit que,
dans tous les comtés où avaient eu lieu des
assemblées, le peuple s'était prononcé contre
la confédération. Je n'ai pas besoin de répondre à cet avancé. Tous les hon. membres
de cette chambre savent quels sont les moyens
que les adversaires de la confédération ont mis
en jeu pour parvenir à faire passer des résolutions dans leur sens, dans des assemblées
représentant le plus souvent de petites et
très-petites minorités des électeurs, et, pour
ne citer qu'un exemple, je prendrai le comté
d'Hochelaga, qui compte a peu près 2,400
votes. Les amis de l'hon député de ce
comté, sans aucun avis préalable, se rendent
un certain dimanche du mois de janvier
dernier dans une des paroisses de ce comté,
la paroisse du Sault-au-Récollet, qui compte
moins de 300 votes, tonnent contre la confédération qui doit détruire la religion,
écraser le clergé et ruiner le peuple, et terminent par un appel au patriotisme de
leurs
auditeurs, les suppliant de se prononcer
contre un projet si inacceptable; le lendemain, on lisait dans les journaux de l'opposition:
"Dans le comté d'Hochelaga, la confédération
a été condamnée unanimement par les deux partis,
dimanche dernier, au Sault-au-Récollet."
Cet hon. monsieur (A. A. DORION) nous
a encore dit que l'assemblée du comté de
Laval, qui a eu lieu avant la session, avait à
peine été annoncée et que je n'avais pas
osé y faire décider la question de confédération. M. le PRÉSIDENT, ou l'hon. membre
est de mauvaise foi, ou il ne connaît pas
ce qui s'est passé. L'assemblée du comté
de Laval a été annoncée aux portes des
églises de ce comté; une personne influente
de chaque paroisse a insisté ensuite
auprès des électeurs, à la suite de la
messe du jour des Rois, la veille de l'assemblée, pour qu'ils se rendissent tous a
cette
importante réunion où devait se traiter la
question de la confédération. Des adversaires de la mesure ont été invités à m'y
rencontrer, ainsi que je pourrai le prouver
en temps et lieu, mais n'ont pas osé s'y
rendre. J'ai, à cette assemblée, composée de
la majorité de mes constituants, longuement
exposé les raisons qu'apportaient les adversaires de ce projet et celles qu'alléguaient
ceux qui le soutenaient, après quoi j'ai
demandé quelles étaient les vues des électeurs. On me prie alors de dire mon opinion.
Je déclarai qu'à moins que le comté se
prononçât contre le projet, j'étais disposé a
l'appuyer. C'est à la suite de cet exposé
qu'une résolution fut votée à l'unanimité
approuvant ma conduite parlementaire et
déclarant que, reposant toute confiance en
moi, ils me laissaient parfaitement libre de
voter suivant ma conscience sur cette grande
mesure. Que l'hon. membre nie cela, s'il le
peut. L'hon. membre (M. A. A. DORION)
a dit " qu'il ne convenait pas de changer
la constitution sans consulter le peuple et sans
en appeler à sa décision." Pour toute réponse,
je citerai les paroles de l'hon. monsieur,
prononcées le 2 février 1859:—
« S'il (l'hon. M. A. A.DORION) était resté au
482
pouvoir, il aurait proposé une mesure pour régler
la question de la représentation et l'aurait soumise
à la décision de la chambre, etc., etc."
L'HON. membre n'a-t-il pas bien modifié
ses opinions, M. le Président? Membre du
gouvernement en 1858, il ne reconnaissait
pas au peuple le droit d'exiger qu'il le consultât sur les changements constitutionnels
qu'il voulait proposer; chef de l'opposition
en 1865, il refuse à la législature le droit
d'opérer ces changements sans le consulter:
tempora mutantur et nos in illis. Quelle contradiction! Voilà ce que peut faire l'esprit
de parti. L'hon. député d'Hochelaga nous
a dit qu'on l'avait accusé d'avoir été en
faveur d'une confédération de toutes les
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord, mais qu'il niait péremptoirement cette
accusation; qu'au contraire, il avait toujours
opposé cette union comme mesure propre à
nous mettre dans le trouble et à nous créer
des embarras. M. le Président, ou l'hon.
membre manque de logique ou il est de
mauvaise foi. Examinons!—En parcourant
les discours qu'il cite lui-même, pour appuyer
sa dénégation, qu'y trouve-t-on? Je lis:
"Il viendra un temps peut-être où la confédération de toutes les provinces sera nécessaire,
mais je ne suis pas en faveur pour le moment."
Ailleurs:
"J'espère que le jour viendra où il sera désirable pour les Canadas de s'unir fédérativement
avec les provinces inférieures, mais le temps n'est
pas venu pour un pareil projet."—Discours du 8
mai 1860.
Or, quelle est la conclusion et la seule
conclusion logique que l'hon. membre puisse
tirer de ses paroles? Aucune autre que
celle-ci: Que dans toutes ces circonstances
il s'est montré favorable à. une confédération
de toutes les provinces dans un temps plus
ou moins éloigné.—L'hon. membre a donc
trompé ses électeurs lorsqu'il leur a dit dans
son manifeste du 7 novembre dernier:
"Chaque fois que j'en ai eu l'occasion, je me
suis toujours prononcé contre toute union, soit
législative, soit fédérale, avec les provinces maritimes."
Il a donc voulu induire en erreur cette hon.
chambre, lorsque dans son discours prononcé
au commencement de ce débat, il s'efforçait
de démontrer qu'on l'avait accusé à tort sur
ce point et qu'on avait torturé ses expressions pour établir ces accusations? En parcourant
la lettre politique de l'hon. membre
à ses électeurs, celle à laquelle je faisais allu
sion il y a un instant, j'y lis ces mots: "l'union que l'on propose me parait prématurée."
Si ces paroles ont une signification, ne
prouvent-elles pas que l'hon. membre reconnaissait la nécessité d'une semblable union
dans un temps plus ou moins éloigné. L'hon.
membre n'était pas sincère lorsqu'il écrivait
à ses électeurs qu'il avait toujours été opposé
à la confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord (Ecoutez!)
L'hon. monsieur nous a dit: " qu'il ne pouvait
pas comprendre que la confédération pût
augmenter nos moyens de défense...que
si cette union apportait quelque avantage
sous ce rapport, les provinces maritimes
et non le Canada en auraient le bénéfice."
Si l'hon. député s'était donné la peine d'examiner la question, je crois qu'il aurait
pu en
arriver à une autre conclusion. Supposons que
la paix soit rétablie chez nos voisins, que le
gouvernement des Etats-Unis se décide à faire
la conquête des colonies anglaises, l'hon. membre croit-il qu'il serait difficile
aux armées de
la grande république de se jeter dans la province du Nouveau-Brunswiek et d'en faire
la
conquête, puis de continuer leur marche
triomphale à travers celle de la Nouvelle- Ecosse, de l'Ile du Prince-Edouard et de
celle
de Terreneuve? Je demanderai ensuite à
l'hon. député ce qu'il pense de notre position,
lorsque pour sortir de la province il nous
faudra la permission de nos puissants voisins.
Je lui demanderai de plus s'il ne croit pas
qu'après toutes ces conquêtes, le Canada ne
se trouvera pas dans une position plus critique qu'aujourd'hui? Notre position ne
sera
plus tenable et, malgré notre répugnance pour
l'union avec la confédération voisine, nous
nous trouverons tellement placés qu'il ne
nous restera d'autre alternative que de
demander cette malheureuse union avec les
Etats-Unis. Défendre les provinces maritimes, c'est donc défendre le Canada; les
protéger contre l'invasion, c'est donc protéger le Canada, c'est augmenter nos moyens
de défense. Après cela qu'importe que, en
considération de notre population, la plus
grande partie des dépenses que devra faire
le gouvernement fédéral pour la défense
générale soit à la charge du Canada, puisque
toute cette dépense nous profitera et qu'elle
est indispensable à notre défense? (Ecoutez!)
L'hon. député me répondra peut-être que
toutes ces provinces pourraient s'entendre et
s'obliger les unes envers les autres pour ces
jours malheureux, sans qu'il fût besoin
d'avoir recours à l'union projetée. M. le
483
PRÉSIDENT, l'hon. deputé sait et tous ceux
qui connaissent, je ne dirai pas l'art de la
défense d'une place, mais je dirai les éléments
de cet art, ce que le gros bon sens nous
enseigne, savent que le premier principe, le
principe fondamental de cet art est l'unité
d'action, et si quelques hon. députés doutent
de cette nécessité, qu'ils parcourent les
annales de l'histoire de la république voisine,
ils y trouveront la triste conséquence de ce
manque d'unité. " Les changements projetés
" ne sont nullement nécessaires," ajoute
l'hon. député d'Hochelaga J'avoue, M. le
PRÉSIDENT, que j'ai été grandement surpris
d'entendre l'hon. monsieur s'exprimer ainsi,
me rappelant que dans toutes circonstances
il avait exprimé l'opinion contraire. Voyons.
En 1858, le 7 juillet, il disait:
"Avant longtemps il deviendra impossible de
résister à la demande du Haut-Canada. Si la représentation d'après la population ne
lui est pas
accordée maintenant, il l'obtiendra infailliblement
plus tard, mais alors sans garanties pour la protection des Canadiens-Français. Le
rappel de l'union
l'union fédérale, la représentation d'après la population ou quelque autre grand changement
doit de
toute nécessité avoir lieu, et, pour ma part je suis
prêt à examiner la question de la représentation
d'après la population, etc. Je suis prêt pareillement à prendre en considération le
projet d'une
confédération des provinces, lequel laisserait à
chaque section l'administration de ses affaires
locales etc., et au gouvernement général l'administration des terres publiques."
Le 10 août 1858, s'adressant aux citoyens
de Montréal:
"Nous avons trouvé (le gouvernement BROWN- DORION) que ces difficultés pouvaient s'aplanir
soit
en adoptant une union fédérale ou telle autre
modification à notre constitution présentée sur la
base de la représentation d'après la population."
Dans son adresse électorale du 18 août de
la même année, il ajoute:
"Il n'y avait pas à hésiter, et la discussion suggéra bientôt qu'au moyen de changements
constitutionnels, accompagnés de restrictions et de
garanties suffisantes, etc., ou par l'application du
principe fédéral, il était possible de préparer une
mesure qui rencontrerait l'approbation de la
majorité du Haut et du Bas-Canada tout en adoptant la population comme base de la
représentation."
Le 2 février 1859, dans son discours sur
l'adresse, l'hon. monsieur disait:
"Que s'il était resté au pouvoir, il aurait proposé une mesure pour régler la question
de la
représentation, etc., admettant le principe de la
représentation d'aprés le nombre,"
Le 3 mai 1860, l'hon. membre déclarait en
chambre:
"Il y a un an, tout le cabinet admettait que des
changements constitutionnels sont absolument
nécessaires, etc. Mais si le Haut-Canada désire la
représentation basée sur la population, je suis prêt
à la lui accorder, car je suis convaincu qu'un
nombre toujours croissant de représentants du
peuple viendra la demander après chaque élection
comme mesure de justice. Je suis convaincu qu'il
y aura collision entre le Haut et le Bas-Canada."
Ces citations prouvent jusqu'à l'évidence
la proposition que je posais il y a un moment.
Comment expliquer alors la conduite de l'hon.
monsieur, comment croire à la sincérité
de l'opposition qu'il fait au projet sous
considération? Evidemment, M. le PRÉSIDENT, l'esprit de parti est le mobile de son
opposition au pouvoir. Comme ministre,
l'hon. membre (M. A. A. DORION) reconnaissait la difficulté de la position, il avouait
qu'il fallait se hâter d'y remédier si on
voulait prévenir une collision entre le Haut
et le Bas-Canada, il était prêt à se mettre
à la recherche des moyens propres à remédier à ces maux; dans l'opposition, il
ne voit plus les difficultés—la position est
bonne—les changements projetés ne sont
plus nécessaires—et, pour les opposer, que
ne fera-t-il pas?—L'hon. monsieur se servira
de son influence sur un respectable vieillard,
qui jusque là s'est tenu éloigné des luttes
politiques; il lui montrera le pays sur le bord
de l'abîme; il lui dira la nécessité et l'impérieux devoir pour tous les bons citoyens
de
s'unir pour sauver nos institutions, notre
langue, nos usages,—enfin la patrie menacée;
—et le bon vieillard quittera sa solitude
pour devenir l'instrument complaisant de
cette opposition factieuse. J'aurais pu croire
à la sincérité de l'honorable député si je
l'avais entendu avouer qu'il avait changé
ses opinions, dire qu'autrefois il avait entretenu certaines opinions sur la difficulté
de
notre position et la nécessité d'y remédier;
mais non, il vient avec assurance déclarer
qu'il n'a pas changé ses opinions, et les journaux et les débats de cette hon. chambre
sont devant lui, lui montrant le contraire.
Quelle position! (Ecoutez.) L'hon. membre
ajoutait: " Le peuple est satisfait de sa position actuelle." Depuis la dernière session,
plus de vingt comtés ont été appelés à faire
le choix de mandataires, et tous, à l'exception
peut-être d'un, ont élu des amis du gouvernement, des soutiens de la cause qui
fait l'objet de nos délibérations. Et l'hon.
monsieur nous dit avec une apparance de
484
bonne foi, que je ne voudrais pas qualifier
ici, que le peuple est satisfait de sa position!
L'hon député d'Hochelaga a dit enfin: " La
confédération, c'est la taxe directe." L'hon.
monsieur est le dernier qui aurait dû faire
cette objection. A-t-il oublié qu'en 1863 un
des membres de son gouvernement, l'hon.
ministre des finances (M. HOLTON) en faisant
l'exposé de son budget, déclarait à cette hon.
chambre que le temps était arrivé où il
fallait accoutumer le peuple à la taxe directe?
Quel autre effet cette objection aura-t-elle
donc dans la bouche de l'hon. monsieur, si
ce n'est de donner une preuve de plus du
peu de bonne foi qu'il apporte dans la discussion de cette importante mesure de
l'union fédérale des provinces. D'ailleurs,
l'hon. ministre actuel des finances, (M.
GALT), dans son savant discours sur cette
question, a fait un exposé lucide de la question
des finances; il nous a fait voir les gouvernement locaux, recevant au-delà de ce
qui sera
nécessaire pour faire face à leurs dépenses.
Le Bas-Canada, dont la dépense, y compris
l'intérêt de sa part de la dette restant à la
charge du Canada, s'élèvera à $1,237,000,
recevra du gouvernement central 80 centins
par tête, faisant $900,000 qui, ajoutées à ses
autres revenus, lui donnera une recette de
$1,440,000, laissant un excédant des revenus
sur les dépenses de chaque année, de $200,000. L'objection de l'hon. monsieur n'est
donc qu'un prétexte, qui ne saurait ébranler
le plus timide. L'hon. membre nie la justesse des calculs de l'hon. député de Sherbrooke,
il est vrai; mais dans une matière si
importante, la chambre et le pays ont
droit à plus qu'une dénégation. Que les
hon. messieurs de l'autre côté de cette
chambre prouvent l'erreur du ministre
des finances, et alors, mais alors seulement,
ils pourront espérer avoir produit la conviction chez les amis du projet. J'arrive
maintenant aux arguments de l'hon. député de
Lotbinière. J'avais appris à estimer cet hon.
monsieur depuis mon entrée en parlement;
sa conduite toujours digne, la bonne foi qui
me paraissait dicter tous ses actes législatifs,
me l'avaient fait apprécier hautement. Mais
quelle n'a pas été ma surprise de le voir
descendre au rôle que nous lui avons vu jouer
lors de son discours sur la grande question
qui occupe cette chambre. Jouer la comédie,
se faire bouffon lorsqu'on doit discuter un
projet de constitution qu'on croit de nature
à anéantir tout un peuple, lorsqu'on doit
faire l'histoire de tous les maux que les
idées démocratiques ont attiré sur le genre
humain! Quel contraste!... Quel courage!… Et la montagne applaudissant au
récit que l'hon. monsieur faisait des scènes
d'horreurs, des discordes, des révolutions et
des guerres civiles que les principes démocratiques avaient occasionnés dans toutes
les
parties du monde où ces idées avaient prévalues! Quelle impudence! Puisse, M. le
PRÉSIDENT, puisse le peuple profiter de la
leçon, puisse-t-elle lui être utile! L'hon.
député de Lotbinière nous a dit: " que le
système fédéral portait en lui-même un
principe fatal à son existence et que toutes les
confédérations mouraient de consomption. "
Ouvrant ensuite l'histoire, l'hon. monsieur
nous a fait voir toutes les républiques des
temps anciens et modernes succombant prématurément sous le coup des discordes, des
guerres civiles et des révolutions auxquelles
cette forme de gouvernement avait donné
naissance: l'argument était spécieux, c'est
simplement dommage pour l'hon. monsieur,
que les hon. membres de la conférence
de Québec, convaincus que pour assurer
l'avenir il était bon de consulter et d'étudier
le passé, aient adopté les principes monarchiques pour base de la nouvelle confédération,
au lieu de l'asseoir sur les idées démocratiques qui furent si funestes à toutes les
confédérations que l'hon. membre nous a
citées. La confédération, c'est l'anéantissement du Bas-Canada, nous a encore dit
l'hon. député de Lotbinière. Je suis loin
d'entretenir cette opinion. Sous l'union, le
Bas-Canada a vu, depuis vingt-quatre ans,
ses institutions à la merci d'une majorité
différant par l'origine, la religion et la
langue. Sous la confédération, au contraire,
le Bas-Canada aura l'administration de tout
ce qui fait l'objet de ses affections; sa nationalité, et je suis heureux de trouver
dans
le discours de l'hon. député d'Hochelaga
quelques paroles qui prouvent abondamment
mon avancé. " Il sera impossible, dit l'hon.
monsieur, que le gouvernement fédéral réussisse jamais à s'immiscer dans aucune législation
ayant rapport aux institutions ou aux
lois du Bas-Canada; s'il le tentait, les cinquante ou soixante membres d'origine française,
s'unissent comme un seul homme, arrêteraient bientôt toute législation, forçant
ainsi la majorité à lui rendre justice." (Ecoutez! écoutez!) Le Bas-Canada, il est
vrai,
sera en minorité dans la législature centrale,
mais il ne faut pas perdre de vue le fait que
les intérêts des provinces maritimes sont
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moins identiques avec les intérêts du Haut- Canada qu'ils ne le sont avec ceux du
Bas- Canada, outre que notre position, au centre
de l'Etat, ajoute encore à notre influence.
D'un autre côté, le gouvernement responsable
est essentiellement un gouvernement de
partis; la représentation nationale canadienne-française aura donc toute l'influence
que peuvent avoir cinquante à soixante votes
jetés d'un côté ou de l'autre; l'un ou
l'autre parti devra compter avec cette représentation comme en Angleterre la majorité
protestante du parlement ne compte pas sans
les votes de la minorité catholique. La
position du Bas-Canada sera donc excellente
et bien préférable à celle que l'union actuelle
lui a faite. D'autres hon. membres donnaient
pour raison de leur opposition, " l'augmentation des dépenses qu'occasionnera l'union
projetée." A cette objection, M. le PRÉSIDENT, je ne puis répondre que ce que j'ai
déjà répondu dans une autre circonstance. La
confédération, tout en réglant nos difficultés
sectionnelles, contribuera-t-elle au progrès,
à l'agrandissement et à l'avancement de ces
colonies? Augmentera-t-elle nos moyens de
défenses tout en assurant au Bas-Canada le
contrôle exclusif sur ses institutions, ses lois
et sa nationalité? Si, à cette proposition
mûrement examinée, nous sommes forcés de
répondre dans la négative, certainement nous
devons rejeter le projet; si, au contraire,
notre réponse est dans l'affirmative, nous
devons l'accepter, nos dépenses dussent-elles
augmenter, car c'est alors la planche de salut:
salus populi suprema lex. Enfin, certains autres
députés objectent que le conseil législatif va
devenir sujet à la nomination de la couronne.
Pour ma part, je suis loin de voir en cela une
objection; au contraire, j'y trouve une raison
en faveur du projet. J'ai toujours été opposé
au système électif dans cette branche de
notre législature. Nous n'avons qu'une
classe dans notre société, nous n'avons pas
d'aristocratie, pourquoi deux chambres populaires? Dans mon opinion, il eût été plus
sensé d'abolir le conseil que de le rendre
électif. Dans l'esprit de la constitution
anglaise, le conseil est un tribunal destiné à
épurer la législation des communes, à peser
dans la balance de l'expérience les conséquences probables de la législation de cette
dernière. Ces avantages, M. le PRÉSIDENT,
disparaîtront bientôt sous le système électif,
qui ferait perdre aux hon. membres de ce
corps, la parfaite indépendance requise
pour bien remplir la haute mission que
leur confie la constitution. Ajoutons à
cela que le trouble des élections, les
dépenses qu'elles occasionnent, les autres
difficultés inséparables de ces grandes luttes,
éloignera très souvent de cet hon. corps les
hommes les plus compétents que le dégoût
occasionné par toutes les difficultés que je
viens de signaler, éloignera dela vie publique
et portera à rester dans la vie privée. Pour
ces raisons et dans l'intérêt public, je suis
heureux de voir le retour au principe nominatif. (Ecoutez! écoutez!) J'aurais désiré
répondre à quelques autres arguments des
hon. messieurs de l'opposition, mais je
m'aperçois, M. le PRÉSIDENT, que j'ai été
long et qu'à l'heure avancée de la nuit où
nous sommes arrivés il est de mon devoir de
m'arrêter. En terminant, je me permettrai
d'ajouter que je suis plus favorable au projet
de confédération que nous sommes maintenant à considérer que je ne l'étais lors du
débat sur les résolutions en réponse au discours du trône. J'ai eu quelques doutes
alors, mais la position prise par les adversaires de la mesure ont suffi pour les
dissiper.
Une cause est bien mauvaise, M. le PRÉSIDENT, quand des hommes, comme j'en vois
quelques-uns de l'autre côté, ne peuvent pas
trouver d'arguments pour l'appuyer qui
puissent soutenir la discussion, et que pour
maintenir sa position, il faut avoir recours
aux moyens que les hon. messieurs de l'autre
côté aussi bien que leurs amis ont mis en
jeu depuis qu'il est question d'unir fédérativement toutes les provinces de l'Amérique
Britannique du Nord. (Applaudissements.)
Sur motion de M. DUNKIN, les débats
sont ajournés.