Jeudi, 16 février 1865.
L'HON. M. MOORE—Hons. messieurs :
—Ce n'est pas sans une grande défiance de
moi-même que je me lève pour vous adresser
la parole après les discours remarquables que
vous avez entendus faire des deux côtés sur
cette question : je tâcherai néanmoins, vu
mon incapacité d'en dire long , d'être aussi
court que possible et de prendre le ton modéré avec lequel, suivant moi, doit-être
traitée
la question dont il s'agit en ce moment.
Nous devrions, dans l'étude d'une matière
aussi importante que celle du changement
de la constitution du pays et l'adoption d'un
régime nouveau et très-différent, de trouver
des bases communes d'une entente mutuelle,
c'est pourquoi il est de la plus haute importance de ne laisser, dans la discussion,
percer
aucun esprit de parti, ou au moins aucun sentiment d'intérêt de localité. Je vais
maintenant passer brièvement en revue le projet de
confédération qui nous est soumis, et m'efforcer d'exposer l'opinion que j'ai du sujet.
Et
d'abord, il me semble que l'origine en est
vicieuse. Au lieu de prendre naissance
parmi le peuple, le projet a été le fruit de
difficultés politiques amenées par la division
égale des partis et de l'impossibilité de faire
fonctionner le gouvernement de cette province. Il a été apporté par le gouvernement
du pays pour obvier à ces embarras
et non par le peuple. On se rappelle
en effet, qu'aux dernières élections générales, en 1863, cette question ne se trouvait
aucunement au nombre de celles
sur lesquelles le pays était appelé à se
prononcer et à députer en chambre ceux qui
auraient partagé ses vues. Je ne prétends
pas nier que depuis 25 ans cette question a
été agitée par tous les hommes publics éminents, et entr'autres par les membres de
la
convention tenue à Kingston et qui donnèrent naissance à la ligue anglo-américaine.
Cette convention avait été formée par le parti
conservateur du Haut-Canada. Quelque
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temps après, la grande assemblée qui eut
lieu à Toronto s'occupa également de la question. Mais je reviens au fait qu'aux dernières
élections générales le peuple ne fut
pas du tout appelé à se prononcer sur l'opportunité de la confédération. Aucun des
hons. membres ne saurait différer avec moi
sur ce sujet. Je veux maintenant, hons.
messieurs, parler dans un langage modéré du
projet. C'est mon avis que les membres du
gouvernement actuel du Canada, ainsi que
ceux des différents gouvernements des provinces d'en-bas sont tous des hommes capables,
et je crois aussi qu'ils sont tous honnêtes et
expérimentés ; c'est par eux que la question
fut soulevée, sinon pour la première fois, du
moins dans la forme des résolutions qui constituent aujourd'hui le fonds du débat.
C'est
pourquoi j'en viens à la conclusion que c'est
une mesure qui doit le jour aux hommes les
plus éminents du Canada et peut-être de tout
le continent américain. Quoiqu'il en soit,
c'est une mesure qui n'émane pas du peuple,
et je vous demande, hons. messieurs, si
l'histoire n'est pas d'accord avec moi lorsque
j'affirme que de tels changements sont précédés par un mouvement en ce sens de
1'opinion publique. Le peuple se sentant
opprimé par l'ordre de choses existant se
lève dans sa majesté, met fin à ses souffrances
et demande une nouvelle constitution. C'est
pourquoi je maintiens qu'en face du changement à effectuer en la manière proposée
par la sagesse réunie des divers gouvernements et sans commotion politique aucune,
le
peuple dont il s'agit de modifier la constitution devrait avoir la faculté de se prononcer
sur une aussi importante question. Il ne
suffit pas, suivant moi, que quelques-uns des
esprits supérieurs du pays soient capables de
concevoir et exécuter un si grand changement, si le peuple ne fait connaître d'abord
son opinion. J'en viendrai maintenant, hons.
messieurs, à la représentation de la première
conférence, durant laquelle se firent les premières démarches, à Charlottetown. Nous
savons tous que les gouvernements des
diverses provinces maritimes avaient décidé
chacun, en vertu de résolutions votées dans
les sessions précédentes de leurs divers parlements, d'envoyer des délégués à Charlottetown
pour s'entendre sur la possibilité de ne
former qu'une seule et même province au
moyen d'une union législative. Il nous est
facile de comprendre, d'après la position de
ces divers gouvernements, combien il leur
importait de s'unir sous un seul et d'obvier
ainsi à la diversité d'impôts qui existait
entr'eux ; par le fait, leurs intérêts étaient
tellement confondus et communs qu'une telle
union devait être pour eux de la dernière
importance. Le gouvernement canadien se
rendit à Charlottetown pour s'aboucher avec
ces délégués, et telle fut la force de ses considérations sur l'esprit des représentants
des
provinces d'en-bas qu'ils laissèrent de côté
leur premier projet pour s'occuper de celui
d'une union fédérale de toutes les provinces.
Je crois, hons. messieurs, que si les motifs
qui ont fait abandonner aux délégués de
Charlottetown leur premier projet étaient
connus, ou découvrirait que l'un des principaux est la construction du chemin de fer
Intercolonial. D'après tout ce que j'ai entendu
dire dans le cours d'un voyage récent que
j'ai fait dans les provinces d'en-bas, j'en suis
venu à la conclusion que si quelque chose a
surtout influé sur la décision du peuple de ces
localités ç'a été le chemin de fer Intercolonial. On se souvient que, d'après l'ancien
plan à ce sujet, le Canada devait fournir les
cinq-douzièmes des frais et les provinces
maritimes les sept-douzièmes ; or, par les
résolutions qui sont déposées en ce moment
devant la chambre, il paraît que si le
projet de confédération est adopté, le
chemin de fer devra être construit. Et,
en effet, il sera dans ce cas une matière
de nécessité ; mais, alors, le Canada, au
lieu d'y contribuer pour les cinq-douzièmes,
devra y contribuer pour environ les dix-
douzièmes. ( Ecoutez ! écoutez !) Je ne
m'attache à ce fait que pour montrer que
l'on a dû mettre sous les yeux des délégués
des provinces d'en-bas de fortes considérations pour les engager à coopérer à ce grand
projet de confédération ; car on sait très-
bien que le chemin de fer Intercolonial a été
le premier et l'un des objets des plus constantes préoccupations de presque toutes
les
provinces maritimes. Ce chemin de fer leur
ouvrira de vastes étendues de terrain, et leur
rapportera, si on en juge par l'importance
qu'elles y attachent, des bénéfices qui seront
supérieurs à tous ceux que le Canada pourrait en espérer. Aussi, me paraît-il évident
que c'est cet argument dont on s'est servi
pour les amener à l'union projetée. En ce
qui regarde maintenant la représentation de
la seconde conférence, celle de Québec, je
pense que le Canada n'a pas eu la proportion
d'influence numérique à laquelle il avait
droit. Il y avait, si je ne me trompe, vingt-
et-un délégués des provinces maritimes.
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L'HON. M. MOORE—Le Canada n'était
représenté que par douze délégués : il est
vrai que l'hon. commissaire des terres de la
couronne nous a dit que cette disproportion
ne signifiait rien puisque l'on avait voté non
par individus mais par provinces, mais je ne
vois réellement pas en quoi certains intérêts
du Canada y ont gagné. En effet, en votant
par provinces, la petite Ile du Prince
Edouard et Terreneuve exerçaient alors un
droit égal à celui du Canada. C'est pourquoi, eu égard à la position du Canada, à
ses ressources et à la contribution qu'il
fournira au trésor public, il me parait évident que le Canada n'a pas été représenté
à cette convention d'une manière équitable.
Mon intention n'est pas de supposer un moment que les délégués canadiens ont négligé
aucun de leurs devoirs ; mais supposons qu'il
se soit présenté la nécessité de certains
arrangements à prendre avec les provinces
maritimes, n'est-il pas clair que s'ils eussent
été plus favorables à celles-ci qu'au Canada, le
vote eût fait pencher la balance en faveur des
premières ? Il est un autre point sur lequel,
hons. messieurs, je désire appeler votre attention, c'est celui de l'accroissement
des dépenses
sous la nouvelle constitution. Je crois que
l'adoption du projet augmentera nécessairement le fardeau des taxes, et que pour soutenir
les gouvernements locaux on sera obligé
de recourir aux taxes directes. Il me paraît
impossible que l'entretien d'un gouvernement fédéral et de tant de gouvernements
locaux n'entraîne par un accroissement considérable de dépenses. Cependant, la considération
à laquelle j'attache le plus d'importance, est celle de la fausse position qui
sera faite au Bas-Canada. La population
d'origine saxonne de cette partie de la province, formant tout près du quart de la
population totale, se trouve par suite du projet
placée dans le gouvernement local sous la
dépendance complète de l'autre partie de la
population. On voudra bien remarquer que
je suis loin de croire que ces derniers agiront
injustement à l'égard des premiers, mais il
n'en est pas moins vrai que ceux-ci auront
à subir les désavantages d'une telle situation. Les Canadiens-Français occuperont
dans
le gouvernement fédéral une position aussi
fausse que les anglais du Bas-Canada dans la
législature locale. L'hon. monsieur qui a
porté si éloquemment la parole hier soir
( mercredi )— l'hon. député de Peel—a dit
qu'il préférait le projet tel qu'il était à
aucun changement qu'on pourrait y apporter,
et les ministres ont déclaré qu'ils n'accepteraient aucun amendement ou modification
quelconque aux résolutions déposées devant
la chambre : mais il me semble que quand
même l'une des cinq législatures appelées à
se prononcer sur ces résolutions proposeraient
quelques modifications et les adopterait avant
de voter le projet, il ne s'ensuivrait pas que
la mesure se trouverait pas là même toute
mise de côté. Ce ne serait rien autre chose
que l'expression de l'opinion des représentants du peuple sur des détails de la mesure,
et les modifications proposées seraient envoyées au gouvernement impérial pour le
guider dans la rédaction de l'acte d'union.
Est-ce qu'une telle conduite, au lieu d'empêcher l'exécution du projet, n'apprendrait
pas
au parlement de la métropole à mieux connaître les sentiments du peuple ? C'est pourquoi
je suis d'avis qu'aucun changement que
cette législature ou aucune autre pourrait pro
poser aux résolutions serait regardé par les
autorités impériales comme des modifications
auxquelles elles ne manqueraient de donner
toute l'attention requise dans la discussion
de cette importante mesure. Admettant,
comme je le fais, que les délégués du
Canada étaient des hommes éminents ;
qu'ils étaient animés de sentiments patriotiques, et du désir de ne rien faire qui
pût nuire aux meilleurs intérêts du pays,je ne puis néanmoins croire à leur infaillibilité.
Ils peuvent s'être trompés et avoir
omis certaines choses qu'àprès six mois ils
ne manqueraient pas peut-être d'incorporer
dans leurs résolutions, en cas d'une nouvelle
conférence, et par là de les rendre beaucoup
plus acceptables. Mon hon. ami de Peel a
ajouté de plus que tout en approuvant la
plupart des résolutions, il aurait désiré y
voir faire certains changements, mais qu'attendu que ces changements devaient faire
échouer tout le projet il le préférait encore
tel qu'il était. Je diffère de vues avec cet
hon. monsieur et ne puis approuver la position prise par les hons. messieurs qui représentent
le gouvernement dans cette chambre.
Je crois qu'ils ont commis une erreur et fait
insulte au pays et à la chambre en supposant
que du moment où un certain nombre se
sont réunis et ont délibéré pendant quinze
ou dix-huit jours, il n'y a eu plus rien à dire
ni à ajouter à ce qu'ils ont fait et décidé.
Je suis l'un de ceux qui, étant convaincu du
résultat heureux pour le Canada d'une union
231
fédérale, me rallierait le plus entièrement à
ce projet, mais je pense qu'il est nécessaire
d'empêcher que le cas actuel ne soit ex-parte,
parce que les résolutions adoptées par les
délégués , bien que mises devant le pays,
devraient être accompagnées de l'autre côté
de la question et dont il a été encore dit peu
de choses. Il est un autre sujet dont je veux
parler, et en le faisant j'observerai que je
m'attache aux parties les plus sombres du tableau. Je crois que la greffe du régime
projeté
du gouvernement sur la constitution anglaise
ne peut que produire un système républicain,
et c'est parce qu'il porte déjà ce caractère
que je ne l'approuve pas. Ayant commencé
une fois à appliquer les principes républicains,
il pourrait se faire que l'idée nous prenne
d'allerplus loin et trop loin peut-être. On a
dit que nous devions former une nouvelle
nationalité ; c'est là une expression dont le
sens m'échappe. Je la comprendrais si nous
devions former une souveraineté indépendante, mais chacun conviendra qu'après le
vote de la présente constitution nous n'en
resterons pas moins colonies.
L'HON. M. MOORE—Puisque tel est le
cas, je crois que notre gouvernement local
occupera une position encore plus inférieure
que celle du gouvernement d'aujourd'hui.
Toute mesure passée par les gouvernements
locaux seront soumis au veto du gouvernement fédéral ; en d'autres termes, toute loi
votée par une législature pourra être désavouée dans le cours de l'année par le gouvernement
fédéral.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Ce n'est rien
autre chose que ce qui existe actuellement
entre le Canada et le parlement impérial.
L'HON. M. MOORE —Je prendrai la
liberté de différer légèrement d'opinion avec
l'hon. monsieur, car toute mesure passée par
cette province peut être désavouée dans les
deux années qu suivront sa passation par le
gouvernement impérial. Les gouvernements
locaux, au contraire, seront sujets à voir leurs
lois annulées dans le cours de l'année suivante par le gouvernement fédéral qui, à
son
tour pourra voir ses mesures désavouées dans
les deux années de leur passation. Ce droit
de veto ainsi remis au gouvernement fédéral
ne pourrait qu'amener de graves difficultés
entre les gouvernements locaux et le gouvernement fédéral pour peu qu'il fut exercé
souvent. Je remarque que mon hon. ami SIR
E. P. TACHÉ n'approuve pas cette observation
de ma part.
L HON. M. MOORE—Tout le monde sait
que la question du veto a été discutée à
fond à une certaine époque dans le congrès
des Etats-Unis, et que la discussion fut cause
que ce pouvoir fût limité par la constitution
américaine, de telle sorte qu'aujourd'hui le
président ne peut annuler une loi votée par
les deux chambres que dans les dix jours qui
suivent, et cela en donnant ses raisons d'en
agir ainsi. Les deux chambres peuvent
cependant reprendre la mesure de nouveau, et la voter définitivement sans s'occuper
de la volonté du président pourvu
que la majorité soit des deux tiers. Voilà
dans quelles conditions je voudrais voir le
veto appliqué dans la nouvelle constitution,
car je suis d'opinion que le gouvernement
fedéral projeté le possède d'une manière
trop absolue, et que l'exercice d'un tel
pouvoir ne pourra certainement manquer de
créer entre les deux gouvernements du mécontentement et des difficultés. On a dit,
hons. messieurs, que l'union proposée nous
permettrait de nous défendre plus efficacement ; mais, en vérité, je ne vois pas comment
cela pourrait se faire, à moins de rapprocher
plus près de nous qu'elles le sont les population du golfe. Si je voyais la nature
transporter leur territoire le long du nôtre et ne
faire des deux peuples qu'un seul groupe de
population, alors je n'hésiterais aucunement
à me ranger de cet avis. Jusque-là je resterai
convaincu que l'union ne nous donnera un
territoire beaucoup plus vaste en proportion
de la population que celui que nous avons
maintenant. C'est pourquoi je prétends
que l'union nous affaiblira au lieu de nous
rendre plus puissants. ( Ecoutez ! écoutez !)
Supposez qu'une guerre éclate malheureusement entre la Grande-Bretagne et les Etats-
Unis, nous avons dans les provinces du
golfe une côte de 1,000 milles à défendre,
sans compter la répugnance avec laquelle
leurs milices viendraient nous aider à repousser les armées d'invasion. Car il serait
tout aussi naturel pour les provinces d'aimer
à garder leurs milices pour les défendre
qu'il le serait pour le Canada de retenir les
siennes, et ce ne serait sans causer un
mécontentement général qu'on enverrait une
partie considérable de nos forces dans les
provinces d'en-bas, et sans nous affaiblir
grandement. Mais, laissant cette considération de côté, je demande si l'union augmentera
le chiffre de nos forces et nos moyens
232
de défense ? N'aurons-nous pas toujours le
même territoire exposé aux attaques et aux
invasions ? L'union n'ajoutera pas un seul
homme de plus à la défense du Canada. Il
pourrait se faire que l'émigration, après
l'union, se dirigeât de notre côté, mais je suis
encore à apprendre quels avantages le pays
offrirait alors de plus que ceux qu'il présente
aujourd'hui. Je crois donc que la question
resterait la même avant comme après l'union.
En terminant, je dirai que je me suis efforcé
d'indiquer quelques unes des objections que
soulève le projet soumis à notre considération
et telles que je les ai ressenties. Nous avons
tous un intérêt égal dans cette question,
( Ecoutez ! écoutez !) et je crois qu'il est du
devoir de tous de mettre à ce sujet tout
esprit de parti de côté. Si après une discussion pleine et entière du mérité et du
démérite du projet, et si le peuple et le
parlement viennent à s'entendre sur la
question, on trouve qu'elle est avantageuse
au pays, je lui donnerai certainement tout
mon appui. Je désirerais néanmois que
certaines choses qui s'y rapportent fussent
éclaircies davantage, et c'est pour cela que
je me suis permis d'adresser la parole à cette
hon. chambre. ( Applaudissements ).
L'HON. M. MCMASTER.—Hons. messieurs, les résolutions soumises à la chambre
ont été si habilement discutées sous toutes
les faces, qu'il me semble que l'on ne peut
guère dire rien de plus que ce qui a déjà été
dit d'un côté ou de l'autre. Je n'emploierai
donc le temps de la chambre que pendant
quelques instants, afin d'expliquer les raisons
du vote que je me propose de donner sur
l'amendement de l'hon. représentant de
Wellington. Lorsque la confédération des
pronvinces a été proposée en premier lieu,
j'avais, bien que favorable au principe du
projet, des doutes sérieux sur les résultats
qu'elle pourrait avoir, dans le cas où elle
aurait lieu, et si elle serait réellement avantageuse à la partie du pays dans laquelle
je
suis plus immédiatement intéressé. Mais
cela dépendait beaucoup des détails du projet,
et après les avoir étudiés attentivement, je
n'ai pu en venir à la conclusion que le projet, dans son ensemble, sera un remède
aux
maux dont se plaint le peuple du Haut-
Canada. ( Ecoutez !) Les octrois qui doivent
être faits chaque année aux législatures
locales, à même les revenus généraux, sont,
à mon avis, susceptibles de très grandes
objections. ( Ecoutez !) Cela neutralisera
considérablement, je crois, les avantages qui
auraient résulté du plan de confédération, si
les gouvernements des différentes provinces
avaient été obligés de pourvoir aux dépenses
d'une nature strictement locale. La contruction du chemin de fer intercolonial doit
être
regardée comme une partie très contestable
du projet ; et de fait, suivant moi, c'est la
partie la plus inacceptable de tout. ( Ecoutez !)
Ces hons. messieurs nous disent que l'abrogation du traité de réciprocité fait de
ce
chemin une nécessité indispensable afin de
nous assurer un débouché indépendant sur
la mer ; mais, si cela est exact, pourquoi nos
marchands et producteurs n'expédient-ils pas
leurs produits, durant l'hiver, à New-York,
Boston ou Portland, par notre chemin de fer
ou par aucune des différentes autres lignes
de chemins de fer qui sont ouvertes depuis
si longtemps jusqu'à ces villes ? La raison en
est évidente. Le fret par chemin de fer est
si coûteux qu'ils trouvent qu'il y a plus
d'avantage pour eux à payer l'intérêt, l'emmagasinage et l'assurance sur leur blé
et leur
farine, et de les garder jusqu'à l'ouverture
de la navigation. Et s'ils ne profitent pas
aujourd'hui des ports d'expédition qui leur
sont ouverts aujourd'hui, dont aucun n'est
éloigné de plus de 600 milles de Toronto,
enverront-ils leurs produits au double de
cette distance, sur le chemin de fer intercolonial, à Halifax ? Certainement non.
( Ecoutez !) Même si le traité de réciprocité était abrogé, la grande masse
de nos produits de l'ouest continueront
alors, comme aujourd'hui, à être emmagasinés aux différents endroits d'expédition,
sur
nos canaux et nos lacs, jusqu'à l'ouverture
de la navigation, en sorte que, quoique l'on
puisse dire en faveur du chemin de fer intercolonial, au point de vue militaire, ou
de
quelque nécessité que l'on prétende qu'il
soit afin de permettre aux provinces d'avoir
des relations faciles et commodes entre elles,
dans le cas où elles seraient unies, je maintiens que, comme spéculation commerciale,
il ne peut avoir aucun succès quelconque, et
que son insuccès devra considérablement
accroître nos placements improductifs déjà
élevés. ( Ecoutez !) Et je ne puis comprendre comment mon hon. ami de Toronto
( M. Ross ) pouvait dire, comme il l'a dit
l'autre jour, qu'il vaudrait mieux pour le
Haut-Canada de construire seul le chemin
de fer intercolonial plutôt que de s'en passer.
L'HON. M. MCMASTER .—Eh ! bien, si
l'hon. membre voulait résigner son siége et
233
se présenter dans n'importe quelle division
à l'ouest de Kingston, en donnant aux opinions qu'il a émises à propos de ce chemin
de
fer une place saillante dans sa profession de
foi aux électeurs, je crains que cette chambre
serait privée de ses éminents services.
( Rires.) Le changement projeté dans la
constitution du conseil législatif, par lequel
on veut substituer le principe de la nomination au principe électif, ne peut-être
regardé
que comme un mouvement rétrograde ; et si les
résolutions qui pourvoient à ce changement,
et qui autorisent la construction du chemin
de fer intercolonial, et le subside annuel aux
différentes législatures locales, étaient soumises séparément, et dans les circonstances
ordinaires, je croirais de mon devoir, même
si j'étais seul à le faire dans cette chambre,
d'enregistrer mon vote contre ces propositions ; mais quand on les envisage comme
partie du plan général, qui embrasse d'autres
dispositions, qui peuvent avoir une importante influence sur les intérêts, la paix
et la
prospérité future de la province, je me crois
obligé d'aborder ces résolutions dans un
esprit de conciliation et de compromis qui
est absolument nécessaire pour l'élaboration
d'une mesure ou d'une constitution qui doit
apporter un remède à nos difficultés. ( Ecoutez ! écoutez !) Je n'ai pas besoin de
rappeler
aux hons. messieurs que rien ne pouvait
être moins satisfaisant que l'état de nos
affaires publiques depuis longtemps déjà.
La législature a été convoquée d'année
en année, et les dépenses ordinaires des
sessions ont été encourues—et elles sont
toujours considérables,—mais les majorités
de chaque section rangées l'une contre l'autre
dans l'autre chambre rendaient toute législation utile presque, sinon tout-à-fait
impossible. Quel que fût le gouvernement
qui était au pouvoir, il ne vivait, pour ainsi
dire qu'au jour le jour, et comme il était
engagé dans une lutte incessante pour sauver son existence, le désire bien naturel
d'acquérir plus de force l'engageait souvent
à distribuer le patronage et à dépenser les
deniers publics d'une manière qui n'était pas
toujours justifiable. Tous admettent que
nous ne pouvons pas continuer à marcher
comme nous l'avons fait jusqu'à présent, et
qu'un changement est devenu nécessaire ;
et comme rien de mieux nous est proposé,
je me sens porté à faire l'essai du plan proposé, croyant qu'il y a de justes raisons
d'espérer que la constitution qui sera basée
sur les résolutions soumises à la chambre
remédieront, au moins jusqu'à un certain
point à ces difficultés qui ont déjà tant fait
de tort au pays. ( Ecoutez ! écoutez ! )
Ce remède assurera au peuple du Haut-
Canada le parfait contrôle de ses affaires
locales, que je regarde comme étant de la
plus haute importance. Il mettra fin au
système de doubler, dans une section de la
province, de fortes sommes d'argent accordées à l'autre pour la colonisation ; les
chemins et autres objets locaux, sur lesquels on
a gaspillé des sommes énormes. Il assurera
au peuple du Haut-Canada la représentation
basée sur la population dans la branche de
la législature fédérale qui contrôlera les cordons de la bourse. Il lui donnera aussi
toutes les terres de la couronne non aliénées
dans la section ouest de la province. Et
j'espère que la promesse faite à propos de
l'approfondissement et de l'élargissement de
nos canaux, et à l'ouverture du territoire
du Nord-Ouest, seront exécutées de bonne
foi. ( Ecoutez !) Le fait est qu'aucun gouvernement ne pourra tout à fait négliger
des
travaux d'une aussi grande importance pour
le Haut-Canada, et en même temps encourir
la forte dépense qu'il faudra faire pour le
chemin de fer intercolonial. ( Ecoutez !)
Quand j'envisage ces avantages, et que je
réfléchis à la position critique dans laquelle
se trouve aujourd'hui la province, et les sérieuses conséquences qui pourraient résulter
du rejet du plan de confédération, je recule
devant la responsabilité de devenir partie à
un amendement qui pourra avoir l'effet de
détruire la mesure. ( Ecoutez !) Avec ces
opinions, et regardant les résolutions de la
conférence de Québec comme un traité conclu entre les cinq provinces, qui doit être
ou approuvé ou rejeté dans son ensemble, je
sens qu'en les supportant, j'agis, toutes choses
considérées, dans les intérêts de la province
en général, et que je fais ce qui convient
le mieux à mes commettants. ( Applaudissements. )
L'HON. M. SIMPSON—Je crois qu'un
sage a dit qu'il n'y avait rien de nouveau sous
le soleil ; mais si on eût présenté à SOLOMON la mesure qui est maintenant devant
cette chambre, il aurait probablement changé
d'opinion là-dessus. Il est possible qu'on
ne puisse rien dire de neuf sur la question
de la représentation basée sur la population,
de même sur le projet maintenant devant la
chambre, mais comme de l'un des
comtés les plus considérables et les plus
riches du Haut-Canada, je crois nécessaire
234
de donner les raisons qui m'ont porté à
prendre la position que j'ai cru de mon
devoir de prendre relativement à cette question. On a dit que les élections qui avaient
eu lieu dernièrement avaient été favorables
au gouvernement ; mais quand bien même
cela serait vrai, comment pouvait-il en être
autrement depuis que des hommes de toutes
les couleurs politiques se sont unis pour
former une famille heureuse ? Nous avons
vu des hommes qui s'étaient combattu
presque toute leur vie, se tendre les bras,- spectacle que l'hon. député de Montréal,
( M.
FERRIER ), a si éloquemment et si bien décrit
l'autre soir,—et s'embrasser ; et cela nous a
fait penser que l'âge d'or, prédit depuis si
longtemps et attendu avec tant d'anxiété,
au Canada, est enfin arrivé. ( On rit.)
Nous n'aurons plus ni discordes, ni luttes,
mais nous allons vivre ensemble, à l'avenir,
dans la plus complète harmonie. On a
affirmé, relativement à moi, que je devais
d'avoir été élu sans opposition au fait que
je m'étais prononcé en faveur de la confédération des provinces sur les bases proposées.
Cela est incorrect. Je n'ai pas convoqué
d'assemblée ; je n'ai pas prononcé de discours, et je n'ai été appelé, en aucune
circonstance, à énoncer mes vues sur le
projet ; et, si l'on veut me le permettre,
je lirai un paragraphe de la courte adresse
que j'écrivis pour mes électeurs. Il se lit
comme suit :
" Vous vous attendez avec raison à ce que je
vous fasse connaître mes vues sur les changements
constitutionnels importants qu'on a aujourd'hui
en vue. Quiconque connaît les effets qu'ont produit sur notre législation et sur la
propriété générale du pays, les malheureuses difficultés entre les
deux sections de la province, doit avoir senti
qu'il était nécessaire de trouver un remède à ces
maux. Le temps seul nous fera connaître si les
hommes très habiles qui se sont unis d'une aussi
étrange façon pour résoudre et faire disparaître
ces difficultés, seront capables d'accomplir cette
œuvre louable. Nous avons besoin de connaître
les détails avant de nous prononcer ; mais je prie
( et j'espère que tout ami du pays en fait autant )
et souhaite de tout mon cœur qu'ils réussissent. "
On voit que je dis tout simplement que les
hommes qui s'étaient unis d'une façon aussi
étrange, auraient droit à la reconnaissance du
pays s'ils réussissait à s'entendre sur un
projet capable de résoudre les difficultés qu'on
reconnaissait exister entre le Haut et le
Bas-Canada. Mais je maintiens aujourd'hui,
comme je le faisais dans le temps, qu'avant
de pouvoir prononcer une opinion intelligente
il faut nous soumettre, non pas simplement
la moitié du projet, mais tous les détails du
plan. Si nous prenons l'élection d'Ontario
Nord, dont le secrétaire provincial avait été
le représentant et qui se présenta de nouveau
devant ses commettants, après avoir accepté
un siége dans le gouvernement actuel, nous
trouvons qu'il fut défait par un monsieur
( M. C. CAMERON ) qui est connu pour
être opposé au projet. Et si nous prenons
l'élection plus récente, qui eut lieu dans
Ontario Sud, nous y voyons en opposition
deux hommes, tous deux mes amis personnels, et tous deux favorables au principe,
mais qui promirent qu'avant qu'elle ne
devînt un fait accompli, ils travailleraient,
dans la meure de leurs forces, à ce quelle
fut auparavant soumise à l'approbation du
peuple. Et je serais grandement surpris,
si l'hon. membre qui a maintenant l'honneur
de représenter cette division ( M. GIBBS )
supportait le projet dans le cas où on n'adopterait pas cette méthode. Nous avons
besoin de connaître les détails avant de
pouvoir nous prononcer sur le projet et de
le considérer d'aprèsses mérites.
L'HON. M. SIMPSON —Malheureusement ce sont précisément les détails qui nous
manquent— ils forment la moëlle du projet.
( Ecoutez ! écoutez !) Lorsque la question
de la représentation d'après le nombre
fut d'abord agitée dans le Haut-Canada, je
déclarai que je n'avais pas foi dans cette
mesure comme remède aux maux dont on se
plaignait, et depuis lors j'ai toujours pensé
qu'il vaudrait infiniment mieux pour les deux
provinces de se séparer que de créer des
jalousies de section et des luttes en demandant une augmentation de représentation-
demande qui entraînait avec elle le soulèvement des préjugés de religion. Quant à
moi, contrairement à certains hons. membres,
je n'ai jamais assisté ou présidé à cette espèce
d'organisations politiques connue sous le
nom de conventions, ne les croyant pas de
nature à redresser les griefs dont le pays souffre
déjà. L'effet de ces conventions a été
d'alimenter l'agitation dont le pays souffre
déjà. Je regrette profondément que tel ait
été le résultat, d'autant plus que quelques-
uns des plus chers amis que j'aie au monde,
sont non-seulement bas canadiens, mais pro
fessent une religion différente de la mienne.
Nous voyons aujourd'hui les fruits de cette
hostilité et de cette discorde entre les sections, dans la demande qui vient de se
faire
entendre en faveur d'une confédération
235
accompagnée de toutes les charges qu'elle
entraîne. Je n'ai pas à me reprocher d'avoir
concouru à amener un état de choses aussi
peu naturel et, quelles que soient les conséquences de la nouvelle condition de l'existence
politique vers laquelle nous marchons
en apparence, je suis heureux de pouvoir
m'en laver les mains, n'y ayant aucunement
contribué. On nous dit que si ce projet est
exécuté le Haut-Canada aura le grand avantage d'avoir dans la chambre des communes
du gouvernement fédéral dix-sept membres
additionnels. Mais quel avantage réel cela
constituera-t-il pour le pays ? Désirons-nous
avoir ces dix-sept membres pour le plaisir
d'écraser le Bas-Canada, est-ce là l'intention ?
Je réponds : non. Mais même en supposant
que nous ayons ces dix-sept membres additionnels—en supposant aussi que la représentation
basée sur la population soit aussi
concédée sous le nouvel ordre de choses, qu'y
gagnera le Haut-Canada ? Ces dix-sept nouveaux membres feront-ils disparaître les
maux dont on se plaint ? Seront-ils capables
de réduire les dépenses excessives que nous
payons aujourd'hui et qui ont été l'une
des causes de l'agitation en faveur de changements constitutionnels. Je n'en crois
pas
le premier mot. En supposant que ces dix-
sept membres donnent au Haut-Canada une
plus forte représentation que le Bas-Canada,
vous devez vous rappeler que le Bas-Canada
et les provinces d'en-bas auront droit à 112
membres, de sorte que le Haut-Canada se
trouverait encore dans une grande minorité de toute la chambre. Mon hon. ami le
député de Niagara ( M. CURRIE ) a soumis à
la chambre plusieurs statistiques précieuses
se rapportant à la question, et je dois dire
que je regrette infiniment que les membres
du gouvernement qui siégent dans cette
enceinte n'aient fait aucune tentative pour
les réfuter. Si ces chiffres étaient incorrects,
il était facile de le prouver surtout pour un
homme aussi habile que l'est l'hon. commissaire des terres de la couronne. Mais il
n'a pas
essayé de le faire, d'autant plus que cela était
impossible. J'ai devant moi un état fourni par
l'auditeur général au ministre des finances,
dans lequel je vois que notre dette s'élève à
$75,578,000 ; si je déduis le fonds d'amortissement et la balance aux banques, $7,132,000,
il reste une balance de $68,446,000,
qui forme la dette actuelle du Canada, et qui
devra être assumée par le peuple de cette
province sous n'importe quel système qui
pourra être proposé. Si nous portons à
$20,000,000 le coût du chemin de fer intercolonial,—et l'expérience fournie par l'histoire
du Grand Tronc donne trop lieu de
craindre qu'il coûtera deux fois cette somme
—la proportion que le Haut et le Bas-Canada
aurait à payer serait de $15,000,000, ce qui,
ajouté à la dette déjà existante, porterait
notre dette directe à $83,446,000. Cette
augmentation de notre dette sera l'un des
fruits de la confédération. Mais on peut
nous dire que le chemin produira un revenu,
bien qu'aucun membre de la chambre qui connait quelque chose des statistiques des
chemins de fer et du caractère du pays qui sera
traversé par le chemin de fer intercolonial,
doit savoir que cela est impossible. Mon
hon. ami de Toronto ( M. Ross ) au temps
où il adressait son prospectus flamboyant
aux capitalistes anglais, espérait avec ferveur
que le Grand Grand paierait 11 1/4 pour cent
sur son capital. Mais nous savons combien
le résultat actuel à failli à ces espérances,
et loin qu'il eut raison d'espérer que le
chemin de fer intercolonial occupera une
meilleure position, il y a au contraire raison
de craindre qu'elle sera pire. Mais le coût
seul de son maintien ne pourra guère s'élever
à moins de $500,000 par année en sus de
toutes ses recettes. Eh ! bien, comment peut-
on alors penser que ce chemin sera un bienfait pour le pays ?
L'HON. M. ROSS—De la même manière
que les canaux, en diminuant les frais de
transport ?
L' HON. M. SIMPSON—Cela est impossible. Un tonneau de fret par chemin de fer
coûte deux centins par mille, et, comme la
distance entre Halifax et Toronto est de 1168
milles, le transport d'un baril de farine de
Toronto à ce port de mer coûterait $2.23,
tandis qu'on peut expédier le même article
par la voie du St. Laurent pour 50 centins ou
moins, et par voie de New-York pour 53
centins. Si l'on examine le projet sur un
autre point de vue, celui des finances,
on voit que le Canada donnera en tout
plus de $10,000,000 par année à l'administration du gouvernement général. Personne
ne soutiendra que sous la confédération on
sera appelé à contribuer moins que cela, et
si nous ajoutons à cette somme l'intérêt à 5
pour cent sur la dette additionnelle de
$15,000,000 créée par le chemin de fer
projeté, et les dépenses des deux gouvernements locaux, disons $1,000,000 chacun,
estimé trop faible, plus un million par année
pour la milice, ainsi que notre part pour
236
maintenir et faire fonctionner le chemin de
fer, nous verrons que le peuple des deux Canadas sera appelé à contribuer pour $14,200,000
par année, au lieu de $10,000,000 comme
aujourd'hui. Et je demanderai aux hons.
membres de cette chambre si le pays est en
état de supporter cette nouvelle charge ?
( Ecoutez ! écoutez !) En vérité, si je m'arrête à la question de la dépense, je ne
sais
vraiment pas si je ne serais pas en faveur
de retourner au système primitif pour l'administration des affaires du pays,—de préférence
au système proposé,—c'est-à-dire à
l'administration par le gouverneur en conseil.
Car il n'y a pas le moindre doute que notre
dépense annuelle sous la confédération s'élèvera au moins de plusieurs millions de
plus
qu'aujourd'hui, plus le coût de maintenir et
d'entretenir le chemin de fer intercolonialentreprise qui ne sera jamais productive.
L'HON. M. FERRIER — On prédisait,
lorsqu'il fut question de construire l'embranchement de la Rivière du Loup que cette
ligne ne serait pas productive, mais le fait
est que, durant les deux dernières années,
il a non-seulement payé ses dépenses, mais
de plus il a donné des profits.
L'HON. M. SIMPSON —Je ne devrais
pas contredire l'hon. membre, parce qu'il est
mieux renseigné que moi et que le plus
grand nombre sur les affaires du Grand
Tronc ; mais mon respectable ami, M.
FREER, qui fut le fermier de cet embranchement pendant deux ou trois ans, m'a dit
que tout en recevant un subside de $18,000
par année pour faire marcher le chemin,
avec le plein usage de quatre locomotives, et
un roulant convenable et suffisant, il se serait
ruiné s'il avait persisté à garder la ligne,
même avec ces conditions avantageuses en
apparence
L'HON. M. FERRIER—Je ne devrais
peut-être pas ajouter à ce que je viens de
dire, car l'hon. monsieur ne voudrait pas
me croire ; ( l'hon. M. SIMPSON : écoutez !
écoutez !) mais je puis dire qu'une prime
fut offerte pour la location de la ligne ; la
compagnie résolut néanmoins de l'administrer elle-même.
L'HON. M. SIMPSON—Mais le véritable
point est de savoir quel a été le coût originaire de sa construction, l'intérêt sur
cette
somme et le coût de son entretien. Prenez
ces montants en considération, et vous verrez
qu'il faudrait une rente passablement élevée
pour les couvrir—beaucoup plus considérable, je pense, que n'aimerait à offrir aucune
personne responsable pour la location de la
ligne. Quant au chemin de fer intercolonial,
le gouvernement ne nous a encore donné
aucun renseignement sur la route qu'il
devra suivre, ou sur la longueur et le coût
de la ligne ; mais, d'après des calculs que
j'ai pu me procurer, on peut considérer
comme à peu près correct l'estimé ci-dessous :
|
Construit. |
A construire. |
De Halifax à Truro ..... . |
65 milles. |
|
De Truro à Shédiac . . . . . |
|
90 milles. |
De Shediac à St. Jean . . . |
108" |
|
De St. Jean à St. André
(sous contrat ........ |
|
75 " |
De St. André à Woodstock.... |
50 " |
|
De Woodstock à la Rivière du Loup . ......... |
|
160 " |
|
223 milles. |
325 milles. |
La longueur totale du chemin, à partir de la
Rivière du Loup, est de 548 milles ; ajoutez
la distance de la Rivière du Loup à Québec,
l20 milles ; de Québec à Montréal, 190
milles ; de Montréal à Toronto, environ 330
milles, et vous avez un total de 1,168 milles,
distance qu'on propose gravement de faire
franchir pendant l'hiver à notre farine et
autres produits lourds. ( Ecoutez !) Comme on
l'a déjà dit, le transport d'un baril de farine
de Toronto à Halifax égalerait presque la valeur de la marchandise elle-même. ( Un
hon.
membre : Il n'en resterait plus que les
cercles. —On rit.) On a prétendu que sous
la confédération le commerce entre le Canada et les provinces d'en-bas prendrait un
développement considérable. Mais quel
serait donc ce commerce ? Qu'avons-nous à
leur envoyer, en dehors de nos farines et de
nos grains ? Les farines, comme je l'ai demontré, ne sauraient être expédiées chez
eux,
et quant aux grains ils n'en ont pas besoin.
Les principaux articles d'exportation des provinces maritimes sont le poisson, le
bois de service et les vaisseaux. Nous pouvons leur acheter une certaine quantité
de poisson, mais nos
forêts nous fournissent tout le bois dont nous
pourrons avoir besoin, et les chantiers de
construction de Québec nous donnent des
navires capables d'être comparés aux plus
beaux échantillons de n'importe quel pays.
Les véritables marchés pour les provinces
maritimes pour l'exportation de ces produits sont New-York et Boston. De petits
navires ( de 30 à 50 tonneaux ) chargés de
poisson voyagent entre ces provinces et
les ports en question, où ils vendent leurs
cargaisons, achètent en retour de la farine
de maïs, de la fleur de farine, du lard, de la
237
mélasse et autres approvisionnements. Mais
il appartenait à nos hommes d'état canadiens de proposer de nouvelles alliances politiques
dans le but de détourner le commerce
de ses routes naturelles. On allègue encore
en faveur de la confédération, qu'elle
augmentera nos moyens de défense. Dans
l'acception ordinaire du mot, l'union c'est la
force, mais il est certains cas où l'union, au
lieu d'être une source de force, se trouve
être en réalité un élément de faiblesse. Si
nous pouvions aggréger à ces provinces les
territoires dépendant de la lune, et nous procurer pour notre défense commune l'aide
de
l'individu que la superstition populaire suppose habiter cette planéte, la confédération
nous donnerait peut-être quelque force.
( On rit ). Mais bien qu'on mette sur les
épaules de JOHN BULL une foule de folies,
je suis persuadé que la mère-patrie est beaucoup trop sage pour risquer la vie de
ses valeureux soldats, lorsqu'ils seront envoyés pour
nous protéger,—protection qui ne nous serait
point refusée, j'en ai la ferme conviction, si
jamais nous en avions besoin—sur un chemin si
exposé à être attaqué et si facile à être détruit
par nos voisins de l'autre côté des lignes au
cas où nous aurions le malheur d'être
entraînés dans une guerre avec eux—éventualité que je prie le ciel d'éloigner de nous.
( Ecoutez ! écoutez !) En terminant, je dirai
tout simplement qu'il m'est impossible de
donner un vote en faveur de la mesure, car
par ce vote j'enlèverais aux riches et intelligents électeurs qui m'ont élu par deux
fois à
l'unanimité une constitution qui nous a coûté
de longues années de luttes, sans savoir ce
que nous avons à leur offrir en échange.
( Applaudissements. )
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Avant que la
question ne soit mise aux voix, j'ai quelques
remarques à faire sur la question générale,
et particulièrement sur la motion sous forme
d'amendement qui est à cette heure devant
la chambre. J'ai de nombreuses notes que
je ne consulterai pas maintenant, mais dont
je ferai usage dans une autre phase des
débats. Plusieurs membres m'ont posé des
questions auxquelles je répondrai en temps
et lieu, et quant aux explications demandées,
j'espère de même être en mesure de les
donner. Pour le moment, je ne veux faire
que quelques observations au sujet de
l'amendement présenté par mon hon. ami de
Wellington ( M. Sanborn ). Lorsque les
messieurs qui composèrent la convention
se réunirent, ils s'occupèrent d'abord de
donner une base solide à leurs travaux, et il
s'est trouvé que la pierre angulaire était le
sujet de la représentation des deux chambres.
On convint d'abord que dans la chambre des
communes du gouvernement confédéré, la
représentation y serait d'après le nombre, et
que dans l'autre branche de la législature
elle serait fixe, ou égale pour toutes les
provinces, c'est-à-dire que le Haut et le Bas-
Canada, et les provinces maritimes groupées
en une seule, auraient droit au même nombre
de représentants, afin de garantir à chaque
province ses droits, priviléges et libertés.
Nous avons agi selon ce principe, parce que
nous avons pensé que si la représentation
aux Communes était d'après le nombre,
l'égalité devait être assurée à l'autre branche
de la législature. Mon hon. ami de Wellington est entré dans presque tous les détails
du projet de fédération, et il a voulu aussi
essayer un peu ce qu'il pourrait faire s'il se
mettait à l'œuvre d'une constitution, en démontrant ce qu'il faudrait pour rendre
plus
parfaite cette partie qui a particulièrement
trait au conseil législatif. Eh! bien, hons.
messieurs, je crois maintenant que ce proverbe :
La critique est aisée, et l'art est difficile
ne manque pas d'exactitude. ( Ecoutez !
écoutez !) L'hon. monsieur, je n'en doute
nullement, s'est figuré qu'il allait rendre
plus parfait le projet de la convention, mais
je pense qu'il est parvenu à en faire un si
mauvais que je crois pouvoir, dans le cours
de mes observations, démontrer que quand
bien même il aurait le pouvoir d'y faire des
amendements, nul membre du Haut et du
Bas-Canada ne voudrait voter pour un seul
d'entre eux. Je viens de dire que l'on était
convenu qu'il y aurait égalité pour la représentation au conseil législatif ; mais
l'hon.
membre a proposé que les membres électifs
actuels fissent partie du conseil législatif du
gouvernement fédéral, et que les membres
à vie conservassent aussi leur siége, et,
comme pour faire contre-poids à ces derniers,
qu'il fut permis aux autres provinces de
nommer un certain nombre de membres à la
chambre haute du gouvernement fédéral ;
or, à quoi veut-il arriver avec cette proposition ? Conservera-t-il la proportion
comme
l'a fait la conférence ? Pas du tout. La
proportion adoptée par la conférence est
un tiers pour les provinces maritimes. Cependant, l'hon. monsieur, que je suppose
agir de son propre mouvement—car je suis
sûr que ce ne sont pas les délégués des
238
provinces maritimes qui lui ont suggéré cette
proposition—s'en vient dire : " je vous donnerai dix membres comme contre-poids aux
vingt-et-un membres à vie du conseil législatif du Canada. " Si je sais bien compter,
dix ne sont pas le tiers de vingt-et-un. Si
l'hon. monsieur eut donné aux provinces
d'en-bas sept membres comme contre-poids
aux membres à vie de cette chambre, il se
fut conformé à la stricte justice, mais il est
assez généreux pour leur en donner trois de
plus, dix, ou la moitié moins un.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Je crois
que l'hon. monsieur se trompe dans son calcul Cette chambre compte 21 membres à
vie, et si les autres provinces ont droit à un
tiers de ce nombre, il est clair, selon moi,
qu'elles ne peuvent prétendre à plus de sept.
( Cris de " non, non " et " oui, oui !")
L'HON. M. CURRIE—Elles ont droit à
un tiers de la totalité. Comptez-vous les
membres électifs ?
L'HON. SIR E. P. TACHÉ— Les membres électifs sont au nombre des faits accomplis. Sur le principe électif,
on propose de
donner un tiers des membres du conseil
législatif du gouvernement fédéral aux provinces maritimes ; mais il y a 2l membres
à
vie dans cette chan bre, et vous voulez donner aux provinces maritimes l'équivalent
de
ce nombre ......
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Nous allons
faire venir un maître d'école. ( On rit. ) Si
sept ne sont pas le tiers de vingt-et-un,
j'ignore ce que c'est qu'un tiers. ( Rires. )
Je ne parle pas très-facilement l'anglais, et
quand je suis interrompu de tous les côtés,
comme à présent, je vous assure que je me
sens embarrassé, et si les hons. messieurs
ont des remarques à faire, je les prie de
vouloir bien attendre que j'aie fait les
miennes. ( Ecoutez! écoutez !) Eh! bien,
hons. messieurs, admettons que sept ne
soient pas le tiers de vingt-et-un ( Rires ), ou
plutôt, supposons que dix soient le tiers de
21 ( Nouveaux rires ), j'ai une autre objection
très-sérieuse à faire, et qui, je le pense,
n'avancera guère l'hon. monsieur qui a proposé cet amendement. Beaucoup d'entre
nous ont été nommés membres à vie de cette
chambre, et il en est quelques-uns dont la
nomination date de bien des années ; par
exemple, il y a mon hon. ami assis à ma
gauche, ( M. HAMILTON ), qui est membre
depuis environ 24 ans, et qui s'est trouvé
au nombre des premiers nommés par lord
SYDENHAM, et devant moi il y a des hons.
membres aussi très-avancés en âge, et qui,
d'après la durée ordinaire de la vie, ne peuvent espérer rester encore longtemps parmi
nous. Seraient-ce des vieillards, pour faire
contre-poids à ceux-ci, que l'hon. membre
propose de donner aux provinces inférieures?
Ces provinces, au contraire, enverraient ici
des jeunes gens, des jeunes gens dans la
fleur de l'âge, et lorsque nous ne serions
plus, ces jeunes gens des provinces maritimes se trouveraient occuper vos places et
la mienne. Où serait alors l'équilibre ?
Cet équilibre serait perdu, perdu pour
jamais, ( Ecoutez ! écoutez !) et c'est quand
il a une pareille perspective devant lui que
l'hon. membre ose croire que son amendement perfectionnerait le projet de la convention
! Eh ! bien, hons. messieurs, je crois,
pour ma part, que ce serait complétement
manquer ce but. L'hon. monsieur a parlé
plusieurs fois, et très-souvent il a décoché
des traits à mon adresse. Il a essayé de me
mettre en contradiction avec moi-même. Il
a dit qu'en 1856 j'étais un des ministres
conduisant les affaires de cette chambre ; que
j'étais celui qui alors avait présenté la mesure à l'effet d'appliquer le principe
électif
à cet hon. conseil, et qu'après un laps de
neuf ans, j'étais encore ici, mais essayant,
cette fois, de détruire ce que j'avais contribué à ériger ; mais, hons. messieurs,
je
pense que lorsque j'aurai fait connaître les
circonstances qui contraignirent le gouvernement à apporter la mesure qui rend cette
chambre élective, vous conviendrez avec moi
que ce n'était pas par prédilection ni par le
fait de son opinion que le système électif
fût proposé, mais que cette mesure lui fut
imposée par les circonstances où se trouvait
le pays. Ce fait ne saurait être pris pour
une inconséquence de la part des membres
du gouvernement ni de la mienne, et cette
imputation ne peut par conséquent n'être
faite dans ma conduite actuelle ; mais je vais
avoir occasion de revenir sur ce point dans
quelques instants. L'hon. monsieur a dit,
l'autre jour, que nous devions parler librement sur ce sujet, vu la grande importance
de la mesure, et il ne s'est pas privé de cette
liberté en exprimant la crainte que les
239
protestants anglais du Bas-Canada seraient
exposés à des dangers si cette mesure devenait loi. Il a été jusqu'à dire que la
législature du Bas-Canada pourrait passer
des lois ayant pour but de priver les maisons
d'éducation religieuse de cette section de
leurs droits et même de leurs propriétés.
Un autre hon. monsieur, qui a parlé hier,
à aussi exprimé la crainte que la population
du Bas-Canada, parlant la langue anglaise,
pourrait être frustrés de ses droits et priviléges, attendu que dans la nouvelle constitution
rien ne les lui garantissait. Les
hons. messieurs qui peuvent entrevoir pour
l'avenir que d'aussi dangereuses conséquences
découleront de cette union et qui font
d'aussi sinistres prédictions, doivent au
moins s'appuyer sur quelque fait pour cela ;
or, je leur demanderai si depuis 1791,
époque où la constitution fut donnée au
Bas-Canada, l'on peut trouver, dans les
annales de la législature bas-canadienne,
un seul fait qui démontre que les bas-
canadiens—les papistes du Bas-Canada—
aient seulement tenté de commettre une
seule injustice à leurs concitoyens d'origine
anglaise professant la religion protestante ?
Je l'affirme hautement, ce fait est introuvable, mais en revanche, on trouvera partout
des actes de générosité, de libéralité et de
tolérance de leur part. ( Ecoutez ! écoutez !)
Quand vous prédisez pour l'avenir des faits
de cette nature, vous devriez au moins
appuyer votre prédiction sur quelque chose.
Vous devriez pouvoir affirmer qu'a telle et
telle époque nous avons commis tels et tels
actes illégitimes ; mais je défie les hons.
messieurs d'en citer un seul. ( Ecoutez !
écoutez ! Ainsi que mon hon. ami, ( Sir
N. F. BELLEAU ) a su le faire remarquer,
qui a émancipé les Juifs ( en 1808 ) avant
qu'ils le fussent en Angleterre ? La chambre
d'assemblée du Bas-Canada. Qui a donné
aux protestants dissidents le droit de tenir
des registres de mariages et sépultures ?
Une chambre d'assemblée franco-canadienne, composée de papistes. Cette chambre
a eu à lutter contre de grandes difficultés,
et pourquoi ? Parce que la
minorité protestante anglaise lui faisait opposition dans la
législature du Bas-Canada.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Peut-être
est-il bien que nous ayons aujourd'hui le
gouvernement responsable : il est le remède
à bien des maux. La loi accordant aux
protestants dissidents du Bas-Canada certains
droits fut rejetée maintes et maintes fois
par le conseil législatif et par les protestants
anglais, mais les Franco-canadiens n'en
avaient pas moins donné une preuve de
leur libéralité. ( Ecoutez ! écoutez !) L'hon.
monsieur qui siége derrière moi n'est pas
du tout content des divisions électorales
du Bas-Canada. Il dit qu'elles n'offrent aucune
sûreté à la société protestante. Or, ici encore,
j'aimerais que l'hon. membre eut pris la peine
de bien examiner les faits sur lesquels ils
s'appuie pour tirer ses conclusions à l'égard
de ces divisions électorales. Je ne vous le
cache pas, hons. messieurs, je sens que
ce sujet m'exalte. Et pourquoi ? Parce
que j'ai pris part à la division des comtés
du Bas-Canada. Avec qui ? Avec un des
hommes les plus honnêtes, les plus intelligents et les plus libéraux que j'aie jamais
connus. S'il est un homme en Canada
aussi parfait que l'humanité peut le faire
chez notre race, c'est cet homme-là, le
juge MORIN. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Avant de
soumettre son projet au conseil législatif, ce
monsieur me fit l'honneur de me consulter,
et deux fois je me rendis à son ministère
pour discuter avec lui les détails de son projet.
Les divisions de l'autre branche de la législature ont été faites de manière à donner
à
nos compatriotes protestants et anglais tout
ce qui peut être considéré juste dans la véritable acception de ce mot. J'affirme
également
que c'est avec le même esprit de justice que
nous avons tracé les divisions électorales de
la chambre haute. J'ai aidé à les établir de
concert avec l'hon. M. CAUCHON, et j'affirme
ici solennellementque nos travaux et études
ont eu pour but principal de donner à la
partie anglaise du peuple bas-canadien pleine
et entière justice, et quand je suis convaincu
d'avoir fait ces choses, je trouve dur d'entendre d'hons. messieurs affirmer qu'il
n'y aura
plus de sûreté pour eux désormais, puisque
les Franco-canadiens, ces papistes, pourront
faire tout ce qu'il leur plaira dans la chambre
basse. Cependant, hons. messieurs, si la
branche inférieure de la législature était
assez insensée, assez dépravée pour commettre
quelque acte de flagrante injustice envers la
partie anglaise et protestante de la société,
le gouvernement général saurait s'y opposer ;
mais l'hon. monsieur répond que ce fait
amènerait des difficultés entre le gouvernement général et l'administration locale.
A
cet égard, il ne faut pas oublier que le gouvernement sera composé de représentants
de
240
toutes les parties du pays, de députés qui ne
seront probablement pas portés à commettre
un acte injuste, ou qui, s'ils le commettaient,
rencontreraient une opposition assez puissante pour les forcer en peu de temps à
remettre leur mandat. Cela dit, revenons
aux divisions électorales. Je désire les examiner de plus près, afin de démontrer
les
résultats qu'elles ont déjà produits. Pour
cela, je vais être obligé de faire une comparaison, et croyez-moi, hons. messieurs,
je
désire n'en pas faire d'insidieuses ; mais
puisque d'hons. membres se plaignent que la
conservation de leurs droits et libertés n'est
pas garantie, je suis leur exemple, j'exprime
mon opinion librement. Or, dans quelle
position se trouvent les deux Canadas au
point de vue des croyances religieuses ?
D'après le dernier recensement, la population
du Haut-Canada est de 1,396,090 âmes, et
sur ce nombre il y a 258,141 catholiques
romains. Je serais curieux de savoir combien
ces 258,000 envoient de députés catholiques
à cette chambre ? Je n'en connais pas un.
Je dis qu'il y a 258,000 catholiques dans le
Haut-Canada, et qu'ils n'ont pas un seul
représentant de leur foi dans ce conseil, à
moins donc qu'il ne s'en trouve quelqu'un
qui appartienne à cette religion et que je ne
le sache pas. ( On rit. )
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Je ne
puis le croire, je vous sais orangiste. Nous
nous sommes déjà serré la main ; j'espère
qu'on se la tendra encore, mais lorsque 1'hon.
monsieur se dit catholique je suppose qu'il
badine. ( Nouveaux rires. ) Je vous demande,
hons. messieurs, de prêter un peu d'attention à ce que je dis, car ce sont des faits
d'une haute portée que je cite. On connaît
l'arbre à ses fruits, et ce sont ces derniers
que je veux mettre devant la chambre et le
pays. Lors du dernier dénombrement, la
population du Bas-Canada était de 1,110,000,
et de ce nombre, 492,724 sont catholiques
romains, laissant aux autres dénominations
religieuses, aux
know-nothings, s'il s'en trouve, aux payens et autres incroyants, ce
chiffre de 167,940, c'est-à-dire, hons. messieurs, que les protestants du Bas-Canada
sont moins nombreux de 91,201 que les
catholiques du Haut. Ainsi donc, dans le
Bas-Canada, nous avons 167,000 protestants,
et la question est de savoir comment ils sont
représentés en cette chambre ? Eh! bien,
ils y sont représentés par trois membres,
sans compter deux autres hons. messieurs
du Bas-Canada qui portent des noms anglais,
mais de qui je ne puis dire, réellement, s'ils
sont protestants ou catholiques. Je sais,
toutefois, comme je viens de le dire, qu'il y
a trois hons. membres de la religion protestante qui représentent les 167,000 protestants
du Bas-Canada ; l'hon. monsieur près de
moi, qui a proposé ces amendements, est le
premier, l'hon. monsieur qui siége vis-à-vis
de moi est le second, et l'hon. monsieur
dont le siége est derrière le mien est le
troisième. Il y a encore deux autres hons.
membres dont les noms sont anglais et que
j'ignore être protestants ou catholiques. Je
dis donc qu'en comparant la représentation
des deux sections de la province, l'hon.
monsieur n'a pas sujet de se plaindre. J'ai
toujours travaillé à assurer à mes compatriotes d'origine anglaise et protestants
du
Bas-Canada leurs droits et libertés, et d'après
le résultat des travaux que j'ai cités, on a pu
juger qu'ils n'avaient pas été inutiles. Mais
ce n'est pas tout…....
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Je ne parle
que des membres électifs, parce qu'il s'agit
des divisions électorales. Reportons-nous
maintenant à l'autre branche de la législature, et l'on verra que ce principe y a
été
également observé. Le Haut-Canada compte
258,000 catholiques romains, représentés
dans l'autre chambre seulement par deux de
cette religion, et l'un d'eux, m'a-t-on dit, fait
comme mon hon. ami en face de moi qui a
avoué être catholique romain : il ne va
jamais à la messe. ( On rit.) Il est cependant bon catholique, car il a une femme
charmante, accomplie, et de très belles filles,
qui sont toutes zélées chrétiennes et ferventes catholiques, lesquelles vont à l'église
et
à confesse régulièrement, de sorte que je
suis obligé de prendre le chef de la famille
aussi comme bon catholique. ( Hilarité.)
Eh ! bien, comment trouvez-vous que ces
protestants sont traités dans le Bas-Canada ?
Nous venons de voir que les 258,000 catholiques du Haut ne sont representés que par
deux membres de leur croyance dans les
Communes ; je demande, à cette heure,
comment sont représentés les 160,000 protestants du Bas-Canada ? Eh! bien, hons.
messieurs, ils sont représenté par ni plus ni
moins que 14 des leurs, ( Ecoutez ! écoutez !)
241
c'est-à-dire par 50 p. cent de plus qu'ils y
ont droit d'après la stricte règle de trois.
( Ecoutez ! écoutez !) Je vous le demande,
tous ces faits ne sont-ils dus qu'au hasard ?
Je ne le crois pas. Les causes produisent
invariablement des effets, et ces résultats, je
ne dirai pas tous, sont principalement dus
au soin que nous avons pris de donner à nos
compatriotes d'origine anglaise les droits et
la justice auxquels ils peuvent prétendre ; le
reste est dû à la liberalité franco-canadienne.
Après avoir fait connaître ces faits, je ne
pense pas, en réalité, que l'hon. représentant
de la division de Wellington ait beaucoup
lieu de se plaindre. Nous jugeons de l'arbre
à ses fruits, et ce sont ces fruits-là que j'ai
essayé de mettre devant vous. Si quelques-
uns des faits cités par moi sont erronés, je
suis prêt à les rectifier ; mais, à part de ces
14 messieurs qui représentent l'élément protestant du Bas-Canada dans l'autre branche
de la législature, je trouve trois autres noms
anglais, et comme je ne sais si ceux qui les
portent sont catholiques ou protestants, je
les ai classés comme douteux ; mais ajoutés
aux 14, ils porteront leur nombre à 17. Je
crois que tout cela témoigne beaucoup de la
liberalité et de l'esprit de justice des Bas-
Canadiens, et s'ils ont agi de cette manière
pendant trois quarts de siècle, comment
supposer, maintenant qu'ils s'ont à la veille
d'avoir encore une majorité dans la législature du Bas-Canada, qu'ils seront portés
à la
tyrannie et à des actes d'injustice envers
leurs concitoyens d'origine britannique ?
Cela me paraît impossible. L'esprit de vendalisme leur est inconnu, et comme toujours
je les crois encore prêts à rendre égale et
impartiale justice à leurs compatriotes d'une
autre race. ( Ecoutez ! écoutez !) Passons
maintenant à une autre partie de mes observations. On a dit que j'étais inconséquent
;
qu'un jour j'avais contribué à élever une
statue et que depuis ce temps je travaillais
à la démolir ; eh ! bien, hon. messieurs,
pour connaître la position qui nous était
faite en 1856, il est nécessaire de remonter
un peu le cours de l'histoire du conseil
législatif, de se reporter au temps de sa
formation après l'Union. Nous n'avions pas
le gouvernement responsable lors de l'Union,
mais c'est à cette époque que tout le système
fut mis en pratique. Les premiers conseillers,
au nombre de vingt-cinq, furent nommés en
1841, mais deux n'assitèrent jamais. De
ces vingt-cinq, dix-huit étaient conservateurs et cinq réformistes. En 1842, sept
nouveaux conseillers furent nommés,—cinq
conservateurs et deux réformistes. En 1848,
le gouvernement fut remplacé, et ce changement modifia un peu les nominations au
point de vue politique, car cinq réformistes et
un conservateur furent nommés cette année-
là. En 1844-45, on nomma deux réformistes ; en 1846, un conservateur ; en 1847,
quatre conservateurs, de sorte qu'en 1848,
lorsque le parti LAFONTAINE-BALDWIN
monta au pouvoir, ses partisans étaient dans
une minorité de quinze dans le conseil législatif. ( Ecoutez ! écoutez !) Dans cette
conjoncture, que devait faire le gouvernement
réformiste ? Il fut contraint cette fois de
nommer une grande fournée,—rien moins
que douze membres,—mais le parti conservateur n'en resta pas moins avec une majorité
de trois. Et si encore les conservateurs
eussent été conséquents avec eux-mêmes,—
j'aurais remercié le ciel qu'ils le fussent, je
vous dirai tout à l'heure pourquoi—ils auraient pu éviter au pays beaucoup de troubles
et d'agitation. Supposé que le bill des indemnités de la rébellion n'eut pas passé
en l849,
pensez-vous que le pays en eut beaucoup
souffert ? Or, si les conservateurs eussent
été conséquents avec eux-mêmes, ils eussent
retardé la passation de ce projet. La presse
eut pu le discuter. Les Montréalais ne se
seraient peut-être pas réconciliés tout à fait
avec la mesure, mais, comme fidèles sujets
de Sa Majesté, ils eussent fait abnégation de
leurs opinions, et nous n'aurions pas été
témoins du scandale que nous avons eu à
Montréal,—l'incendie des édifices du parlement, et l'insulte faite au représentant
de la
Reine, qui fut poursuivi à coups de pierre et
presque assassiné—et que suivit le mouvement annexioniste. Je le répète, si les
conservateurs eussent résisté et remis le
projet seulement à une autre année, tous ces
troubles n'eussent pas eu lieu. Je vous
demande maintenant, hons. messieurs, quel
est l'esprit qui a présidé aux nominations du
conseil de 1841 à 1848 ? L'esprit de parti,
et partout où cet esprit domine, la justice
ne peut exister, ( Ecoutez! écoutez !) la
stabilité est impossible, on ne peut compter
sur rien. ( Ecoutez ! écoutez !) Ce n'est que
lorsque la justice existe pour tous que
nous pouvons compter sur la stabilité des
gouvernements. ( Ecoutez ! écoutez !) Si
l'on veut connaître la différence entre
l'esprit qui a présidé à ces nominations
de 1841 à 1847 et celui qui existe aujourd'hui, on n'a qu'a consulter les résolutions
242
de la conférence, la 14me qui est ainsi
conçue :
" Les premiers conseillers législatifs fédéraux
seront pris dans les conseils législatifs actuels des
diverses provinces, excepté pour ce qui regarde
l'Ile du Prince-Edouard. S'il ne s'en trouvait pas
assez parmi ces conseillers qui fussent éligibles ou
qui voulussent servir, le complément devrait nécessairement être pris ailleurs. Ces
conseillers
seront nommés par la couronne à la recommandation du gouvernement général, et sur
la présentation des gouvernements locaux respectifs.
Dans ces nominations, on devra avoir égard aux
droits des conseillers législatifs qui représentent
l'opposition dans chaque province, afin que tous
les partis politiques soient, autant que possible,
équitablement représentés. "
On peut voir, par cette résolution, l'esprit
qui a présidé à la rédaction de toutes les
autres. Il est certain que les messieurs qui
composèrent la convention étaient, comme
nous, susceptibles d'errer, mais je n'ai aucun
doute qu'ils ont agi avec conscience du commencement à la fin. Eh ! bien, hons.
messieurs, après l'incendie du parlement à
Montréal, la plus grande excitation possible
régna par toute la province. Ceux que la
passation du bill des indemnités de la
rébellion avait le plus contrariés, condamnèrent dans les termes les plus violents
les
nouvelles nominations du conseil législatif,
quoique, après tout, il n'y avait pas là matière
à condamnation, puisque, dans une certaine
mesure, elles ne faisaient que rétablir l'équilibre ; mais, dans la fureur du moment,
cet acte fut appelé honteux ; une grande
agitation se répandit par tout le pays, et à
l'aide de la presse, qui frappait à coups
redoublés sur le gouvernement et représentait comme des êtres serviles les conseillers
nommés par lui, bien qu'ils fussent tous
hommes très respectables autant qu'intelligents,—mais vous le savez, les passions
de
parti ne raisonnent pas—le peuple finit par
croire que le conseil législatif avait été avili
par la nomination de ces douze nouveaux
conseillers. Or, pendant que d'un côté les
conservateurs entretenaient le feu roulant de
leurs batteries dirigées sur le conseil législatif, qu avions-nous de l'autre ? L'ancien
parti réformiste du Bas Canada, qui travailait à réveiller les anciennes haines contre
la chambre haute ! Le peuple n'avait aucune
raison de se plaindre de l'introduction du
gouvernement responsable, mais alors il
écouta ses préjugés plutôt que sa raison, de
sorte que le conseil législatif se trouva placé
entre deux feux. Ainsi voué à la haine des
deux partis, que pouvait-il faire, si ce n'est
de baisser de plus en plus dans l'estime
publique ? Bien qu'intérieurement ses membres n'eussent rien à se reprocher ; bien
qu'ils pussent marcher la tête haute, il était
tombé si bas dans l'opinion publique, qu'ils
éprouvaient, non pas de la honte, mais de la
répugnance à assister à ses séances, et pourtant ils ne recevaient ni indemnité ni
rémunération. A compter de leur nomination
en 1841, ils ont sacrifié leur temps et
leur argent au service du public, et ont
reçu pour récompense les insultes suscitées
par cette haine à laquelle on les avait
voués. ( Ecoutez ! écoutez !) Il va de soi
qu'ils ne devaient guère être portés à
remplir leurs fonctions de conseillers. Mais
qu'avons-nous vu ensuite ? D'une session
à l'autre, nous avons vu l'orateur venir
en grande pompe au conseil,— car c'est
toujours ainsi que l'orateur se rend à cette
chambre. ( Ecoutez ! écoutez ! et rires !)
précédé de la masse, et après avoir fait son
salut respectueux au trône, il prenait son
siége, sur lequel il restait tranquillement
assis pendant une heure. Cette heure écoulée,
il regardait à sa montre, et voyant qu'il n'y
avait pas quorum—c'est-à-dire un très petit
quorum : dix membres—il déclarait la
chambre ajournée au lendemain. ( Ecoutez !
écoutez !)
[ A six heures, l'ORATEUR quitte le fauteuil, et à la reprise de la séance, l'hon.
Sir
E. P. TACHÉ continue ses observations.]
Hons. messieurs, quand la pendule marqua
six heures, j'en étais à dire que l'orateur
de cette hon. chambre venait chaque jour
déclarer qu'il n'y avait pas quorum, et le
gouvernement dût recourir à toute sorte de
moyens pour engager les hons. messieurs à
remplir leurs fonctions. Le conseil législatif
avait perdu son prestige, et malgré l'offre
faite à ses membres de payer leurs dépenses,
etc., ils persistèrent à ne pas se déranger,
de sorte que les affaires du pays souffrirent
beaucoup. Vers la fin de la session, on parvenait à en réunir quelques uns, mais ils
ne
prenaient guère d'intérêt aux affaires,—en
un mot, ils étaient dégoûtés et expédiaient
les mesures avec une rapidité qui pourrait
être comparée à la vitesse d'un chemin de
fer. Dans ces conjonctures, que pouvait le
gouvernement ? Il lui fallait trouver quelques moyens de faire recouvrer à cette
chambre son prestige, et l'opinion unanime
d'un bout à l'autre du Bas-Canada, des conservateurs et des réformistes, voulait que
pour remédier à cet état de choses, on
243
recourut au principe électif ; ce que voyant,
le cabinet consulta les autorités anglaises,
afin de pouvoir appliquer ce principe à la
chambre haute. Ainsi que je l'ai déjà dit,
cette démarche n'était pas motivée par le
fait que nous adhérions au principe électif.
Nous ne pensions pas que ce système valait
mieux que le principe nominatif, au moins
avant l'introduction du gouvernement responsable Avant cela, les messieurs qui nommaient
à cette chambre n'étaient responsables auprès de personne. On ne nommait
alors que des conseillers du même parti.
Même après l'Union, mais avant que le gouvernement responsable fut établi, ou plutôt
avant qu'il fut complétement mis en pratique, la partialité présidait aux nominations.
( Ecoutez ! écoutez !) Les difficultés que nous
avons éprouvées jusqu'à cette période n'ont
donc pas lieu d'étonner. Une fois le gouvernement responsable établi,—c'est-à-dire
après d'adoption des résolutions du 3 septembre 1841, qui déclaraient que nul gouvernement
ne pourrait se maintenir, si ses
chefs n'avaient la confiance des députés à
la chambre basse,—la position devint toute
autre. Si dès ce moment on eut nommé des
conseillers, le gouvernement eut été responsable de ces nominations. Et lorsque le
peuple demanda que le conseil devint électif,
sa demande n'était pas appuyée sur des
principes constitutionnels ; elle lui était au
contraire suggérée par ses passions réveillées
par le souvenir du passé. I1 ne consulta pas
sa raison, et d'ailleurs il était incapable,
comme l'est la majorité de tout autre peuple,
de raisonner sur des matières constitutionnelles. Il suit, dans ces cas, l'opinion
de
ses chefs de parti. En tenant ce langage, il
n'entre pas dans ma pensée d'être injuste
envers mes compatriotes, car, dans les pays
même comme les Etats-Unis, où l'on se
targue beaucoup de l'instruction du peuple,
l'immense majorité est guidée par des
hommes marquants. Elle ne pense pas, elle
ne réfléchit pas par elle-même, et il en fut
ainsi alors de notre peuple. C'est donc par
la force des circonstances que le gouvernement fut contraint de présenter la mesure
qui modifie la constitution du conseil législatif, laquelle passa à une assez forte
majorité, et je crois qu'à venir jusqu'ici le
système électif a remarquablement fonctionné, puisque les électeurs ont député à
cette chambre des hommes qui feraient honneur aux principaux corps délibérants du
monde, soit en Angleterre, soit sur le
continent d'Europe ou en Amérique ; mais
depuis la passation de l'acte de 1856, des
difficultés ont surgi, et notre gouvernement
est devenu presque une impossibilité. Il
fallait trouver un remède à cet état de
choses, et des hommes de politique différente
prirent le sage parti de s'entendre sur un
projet qui devait non seulement couper court
à nos difficultés intérieures, mais donner
aussi plus de puissance aux colonies de
l'Amérique Britannique du Nord. Pour
en venir à cette fin, il fut décidé que
l'on travaillerait à obtenir l'union fédérale
de toutes les provinces britanniques américaines, et c'est dans cette intention que
se
réunirent les délégués des provinces inférieures et les messieurs composant le gouvernement
du Canada. Quelques-uns de nous
eussent préféré conserver le principe électif ;
mais nous n'étions pas seuls, nous avions à
compter avec les messieurs des provinces
maritimes ; c'est-à-dire que tout ne pouvait
se faire à notre gré. ( Ecoutez ! écoutez !)
Ces messieurs ne voulaient pas du principe
électif ; ils se prononcèrent fortement pour
le système nominatif, et comme en même
temps quelques-uns d'entre nous n'étaient
pas très entichés du système actuel, ( écoutez ! écoutez !) ceux qui étaient pour
son
maintien durent se soumettre. Ainsi, hons.
messieurs, ce qui vous est maintenant proposé
ne l'est pas comme œuvre du gouvernement
canadien ( écoutez! écoutez !), mais comme
travail collectif des délégués de toutes les
provinces fait dans la forme d'un traité.
Après les explications que je viens de donner,
je ne crois pas que l'on puisse m'accuser d'inconséquence ni de cette inconstance
qui porte
l'homme à détruire le lendemain ce qu'il a
édifié la veille ; non, hons. messieurs, je ne
le crois pas. Ce sont les circonstances qui,
en 1856, ont forcé le gouvernement à présenter la loi qui rend cette chambre élective
;
et ce sont encore les circonstances qui, en
1864, nous ont forcé de recourir à quelque
mesure qui put tirer la province de l'impasse
où elle se trouve. ( Ecoutez ! écoutez !) Je
regrette de ne pas voir l'hon. député de
Grandville (M. LETELLIER) à sa place.
L'hon. Sir N. F. BELLEAU a fait l'autre
soir quelques remarques sur la difficulté de
trouver des candidats pour le conseil législatif ; eh! bien, pour ma part, je serais
très
chagrin de dire quoi que ce soit qui put
blesser les sentiments d'un autre. De quelque
côté que je me tourne, je ne vois personne à
qui je puisse adresser le moindre reproche.
244
Je le répète encore : ceux que le principe
électif a envoyés ici sont des hommes qui
peuvent être avantageusement comparés aux
membres de tout corps législatif que l'on
pourrait mentionner ; mais il est des difficultés inhérentes à ce système, entre autres
surtout celle résultant de la trop grande
étendue des divisions électorales. J'ignore
si cette difficulté s'est fait sentir dans le
Haut-Canada, mais je sais qu'elle existe dans
le Bas. Beaucoup d'entre vous, hons. messieurs, lorsqu'il s'est agi de briguer les
suffrages qui vous ont valu votre mandat, ont
passé plusieurs jours et plusieurs nuits à
parcourir ces immenses divisions, où les voies
de communication sont parfois très difficiles.
Vous connaissez toutes les fatigues et les peines
qui vous ont été imposées en ces occasions,
et vous savez qu'après avoir parcouru ces
grandes divisions, il en est qui en sont morts
à la peine. ( Ecoutez ! écoutez !) Mais, hons.
messieurs, ce ne sont pas que ces peines et
ces fatigues que vous avez eu à éprouver.
Ce pays, je n'ai que faire de le dire, n'est
pas très riche. Sous ce rapport, il ne ressemble pas à la mère-patrie. Il y a là des
hommes dont le revenu est de £200,000 ou
£300,000 par an, et qui ne font aucun cas
d'en dépenser plusieurs mille, pourvu que
ces frais mettent leur position en évidence ;
mais ici nos fortunes sont limitées. C'est le
cas pour le Bas-Canada ; j'espère qu'il n'en
est pas de même pour le Haut.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Il se peut
que dans le Haut-Canada les fortunes soient
plus considérables que chez nous ( cris de
" non! non !") ; mais je puis assurer que
parmi nous—je ne parle pas tant du district
de Montréal que de la partie du pays que
j'habite, le district de Québec, à 48 ou 50
milles de la ville de Québec—elles ne sont
pas très élevées. Le cultivateur qui par son
industrie a pu y amuser £8,000 ou £10,000
est un homme très riche. Mon hon. ami à
côté de moi ( M. CAMPBELL ) me dit que ce
sont les messieurs d'Outaouais qui peuvent
entrer en lutte sous ce rapport. ( Hilarité. )
Si c'est le cas, j'informe ces hons. messieurs
que nous sommes incapables de la soutenir.
Dans une grande paroisse, même, on en
compte qu'un bien petit nombre—peut-être
cinq ou six—dont la fortune atteint le chiffre
de £6,000 ou £8,000. Il est vrai que par
leur industrie et leur aptitude, quelques uns
de nos marchands du Bas-Canada se sont fait
de très jolies fortunes, mais ils font exception. Or, un homme qui, après 15 ou 20
ans de durs travaux, est parvenu à amasser
£6,000 ou £8,000 pour sa famille on pour
ses vieux jours, n'est guère disposé, sachant
combien un candidat est exposé à se
faire soutirer d'argent, à sacrifier la moitié
de son avoir dans une élection. ( Rires. )
Vous ne pouvez parvenir à faire que cet
homme se mette sur les rangs ; mais en
revanche, vous en trouverez d'autres qui y
consentiront, mais qui n'ont pas autant à
perdre Ces hommes sont prêts à promettre
beaucoup plus peut-être qu'ils ne peuvent
tenir, et voilà comment il se fait qu'ils
peuvent plutôt se faire élire que ceux qui
ont de la fortune. Mon hon. ami de Grandville
n'a pas compris, je pense, l'hon. chevalier
assis à sa gauche ( Sir N. F. BELLEAU ),
puisqu'il lui a imputé d'avoir parlé à la
légère du talent des hons. membres de cette
chambre. Nous n'avons pas ici d'aristocratie
proprement dite, mais nous en avons une
également influente : celle de l'intelligence.
( Ecoutez ! écoutez !) Peu importe s'il n'est
pas riche, à mon sens, l'homme intelligent et
instruit est digne de respect sous tout rapport,
et s'il devient membre de cette chambre,
c'est une acquisition précieuse pour elle.
Mais supposé le cas d'un membre très
respectable,— instruit et intelligent, bien
estimé de ses voisins, et de plus, possédant
une petite fortune, cette dernière qualité ne
doit pas chez lui amoindrir les autres.
( Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. SIR E. P. TACHÉ— Mais,
comme j'allais le faire remarquer, ce que je
crains, c'est que des hommes tout à fait
propres à la position, qui ont déjà passé par
une ou deux élections, dans lesquelles ils
ont englouti la moitié ou les deux tiers de
leur fortune, seront probablement incapables
de soutenir une autre lutte, et que par conséquent nous n'aurons plus le bonheur de
les
rencontrer ici. Ce que je crains encore, c'est
que le plus longtemps durera le système
électif, plus sera grande la difficulté sous ce
rapport. Que l'histoire et ce qui se passe
autour de nous nous servent de leçon. Je
me souviens qu'en 1855 , me rendant en
Europe, je fis sur le
Canada la connaissance
de familles américaines des plus respectables,
et particulièrement d'une femme très distinguée. ( Ecoutez ! écoutez ! et rires.)
Honni soit
245
qui mal y pense ! ( Hilarité prolongée.) Je
fis la connaissance d'une Américaine très
distinguée, et comme dans une de nos conversations elle me parlait d'une loi absurde
passée par la législature de son Etat, je lui dis :
" Madame, est-ce que chez vous le peuple
respectable ne peut s'opposer à une pareille
législation ?" " Monsieur" me répondit-elle,
" je suis Américaine, mais à ma honte, je dois
avouer que le peuple respectable de mon Etat,
les personnes de condition, enfin, n'ont pas
voix délibérante dans le gouvernement de
leur pays." ( Ecoutez ! écoutez !) Beaucoup
d'entre vous, hons. messieurs, savent quel a
été aux Etats-Unis, le résultat d'une trop
grande extension du principe électif ; ils
savent tout le mal qu'il peut produire si on
lui donne une trop grande application, et, le
sachant, nous devons nous tenir sur nos
gardes. ( Ecoutez! écoutez!) Il y a quelques
années, il n'était question que du principe
électif en Canada ; on alla même jusqu'à
créer une agitation à l'effet de rendre la
judicature élective. Eh ! bien, un homme
d'état de l'union américaine que je connais
parfaitement, et qui occupe aujourd'hui une
haute position, me tint un jour ce langage :
" Vous avez déjà assez d'élément démocratique dans votre constitution ; mais gardez-
vous bien surtout de rendre votre judicature
élective, car ce serait vouer votre pays aux
plus grandes malédictions." ( Ecoutez ! écoutez !) Maintenu dans de justes bornes,
ce
principe est bon réellement, et jusqu'ici son
application à cette chambre a eu un bon
effet, on ne saurait le nier ; mais qu'à la
longue ce conseil conserverait le prestige
dont il jouit à présent si ce principe devait
être perpétué, c'est ce dont je doute. Il va
sans dire qu'en cela je ne donne ici que mon
opinion, qui peut bien n'être pas partagée
par d'autres hons. messieurs, ainsi qu'ils en
ont le juste droit. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Je
pense, hons. messieurs, qu'après avoir fait
ainsi connaître les motifs qui engagèrent le
gouvernement de 1856 à proposer que le
système électif fut appliqué à cette chambre,
ainsi que les circonstances qui ont porté le
cabinet actuel à chercher à nous faire, si je
puis m'exprimer ainsi, une nouvelle existence
politique au moyen d'une confédération avec
les provinces maritimes, je pense, dis-je,
que l'on m'exonérera de tonte imputation
d'inconséquence ou d'inconstance. Avant de
reprendre mon siége, je dois offrir à
cette chambre certaines explications d'une
nature personnelle. Quand je parle, hons.
messieurs, c'est avec sincérité, mais comme
tout autre, je puis errer ; cependant, dès
que je m'en aperçois, je suis le premier
à l'admettre comme tout homme honnête doit
le faire. ( Ecoutez ! écoutez !) Je reconnais m'être trompé à l'égard du nombre de
membres qui seraient nommés pour chaque
province dans le cas où l'amendement de
mon hon. ami de Wellington serait adopté.
J'ai été depuis convaincu de mon erreur ;
cet amendement consacre en réalité le principe de répartition adopté dans le projet
et
qui accorde dix autres membres aux provinces inférieures. Je suis heureux de pouvoir
admettre que mon hon. ami avait raison en
cherchant à me rectifier, mais je n'en soutiens pas moins qu'il a tort, grandement
tort,
de vouloir troquer des vieillards contre des
jeunes gens, attendu que les premiers
devront bientôt disparaître, tandis que les
autres, longtemps après, conserveront encore
leurs siéges, ce qui serait détruire entièrements l'équilibre sur lequel est basée
la nouvelle constitution. Je dis que l'hon. monsieur se trompe sur ce point, et si
sa proposition est adoptée, elle ne rendra certaine
ment pas meilleur le projet que nous a laissé
la convention. ( Applaudissements. )
L'HON. M. SKEAD —Hons. messieurs,
je demande à la chambre d'accorder son indulgence à l'un des députés du Canada
central pendant les quelques moments qu'il
va prendre pour exprimer ses vues sur la
mesure actuellement en délibération. Je
suis partisan de l'union des provinces de
l'Amérique Britannique du Nord. ( Ecoutez !
écoutez !) A mon arrivée ici, il y a quelques
semaines, j'étais à peine décidé sur le parti
que j'allais prendre, tout désireux que je
fusse de suivre celui qu'approuverait la
majorité de mes commettants. En novembre
dernier, j'ai reçu le document expédié aux
membres des deux chambres ; mais, comme
il portait la suscription " personnel," je
crus accomplir un devoir en ne le rendant
pas public Comme j'étais alors réélu, je
n'ai pas eu non plus l'occasion de me prononcer sur ce projet lorsque je travaillai
à
assurer ma ré-élection ; mais je dois faire
remarquer qu'alors bon nombre de mes
mandataires ont voulu m'engager à faire de
l'opposition à ce projet ; or, trouvant que
ce serait agir inconsidérément que de consentir à faire leur volonté, vu surtout que
j'ignorait quelle mesure on allait soumettre
au pays, je crus devoir refuser. Si j'ai
montré cette indépendance, il est probable
246
que c'est parce que je n'avais pas d'opposant
à ma candidature. ( On rit.) Que cela soit
ou non, j'ai aujourd'hui le désir de faire
selon les volontés de mes commettants, de
même que si j'eusse consulté chaque électeur
de ma division. J'ai promis sur les hustings,
le jour de mon élection, qu'aussitôt que le
projet serait publié, je l'étudierais soigneusement afin d'en juger selon mes capacités.
Après que le document fut mis sur le bureau
de la chambre, j'ai attendu qu'il fut entre
les mains de l'imprimeur pour en faire tirer
deux mille exemplaires que j'ai envoyés à
mes électeurs, il y a environ quinze jours,
accompagné d'une circulaire, leur demandant
de me faire part des objections qu'ils
pourraient avoir au projet, tout en m'indiquant quelle position ils voudraient que
je
prisse à son égard. A une ou deux exception près, que je me borne à mentionner,
cette circulaire est restée jusqu'ici sans
réponse, et maintenant que j'ai donné à mes
mandataires cette occasion si facile de se
prononcer, je me considère parfaitement
libre de suivre la conduite qui me paraît la
plus avantageuse aux intérêts du pays.
( Ecoutez ! écoutez !) Au premier abord, il
m'a paru que l'on voulait trop hâter la
décision de la chambre, que l'on ferait bien
de laisser l'autre chambre adopter la première
les résolutions avant de nous prononcer définitivement ; mais depuis que j'ai entendu
les
habiles discours prononcés pour et contre
l'amendement dont la chambre est saisie,
j'ai en quelque sorte changé d'idée en me
décidant à voter selon le jugement que je
me suis fait, puisque mes commettants n'ont
pas répondu à ma requête. Je parle ici
comme un des représentants du Canada
Central et particulièrement du pays de
l'Outaouais. Le peuple de cette localité
n'a presqu'une seule industrie, celle créée
par le commerce de bois, et à l'égard de ce
commerce, la promulgation du projet a donné
lieu a quelques sentiments de crainte, sinon
à une crainte véritable A venir jusqu'à
ces derniers moments, et pas plus tard
qu'hier encore, j'étais dans les ténèbres
quant à la portée du projet sous ce rapport ;
mais j'ai maintenant l'assurance du gouvernement—et particulièrement d'un ou deux
de ses membres—qu'il ne nuira pas à notre
commerce, ainsi qu'on se l'était imaginé ; en
un mot la clause relative à ce sujet m'a été
si bien expliquée que je suis à l'heure qu'il
est on ne peut plus satisfait. ( Ecoutez !
écoutez !) Ma première impression était que
notre commerce n'était compté que sur
très peu, bien qu'il occupe plusieurs milliers
de bras, et que l'exportation des bois
excède de deux millions de piastres celle des
produits agricoles. Sachant que ce commerce
avait droit à une protection proportionnée à
son importance, nous avons naturellement
éprouvé quelque crainte lorsqu'on a cru
qu'il avait été oublié ; mais après l'assurance
qui m'a été donnée par les hons. messieurs
qui font partie du gouvernement et en qui
j'ai la plus grande confiance, je suis maintenant prêt à donner mon adhésion à la
mesure. Dans le cours de ces débats, on a
dit beaucoup de choses sur cette question de
la confédération des provinces ; quant à moi,
je ne saurais en faire autant. Je répéterai
ce que j'ai déjà dit : je suis en faveur de
cette union. J'ajouterai même que le projet
de la convention me paraît ne pas aller assez
loin, car je pensais que dans cette confédération seraient compris la Colombie Anglaise
et tout le territoire de l'ouest. L'hon.
membre à côté de moi dit que cela viendra
avec le temps, mais je crains bien que
quelque influence venant de Downing Street
ou d'ailleurs ne s'y oppose. ( Cris de " Oh!
Oh !") Je voudrais que le Pacifique fut la
limite ouest de cette confédération comme
l'Atlantique sera sa limite est, afin que
notre pays s'étende d'un Océan à l'autre.
(Ecoutez ! écoutez !) Le sujet des chemins de fer est aussi venu dans ces
débats Des hons. messieurs ont parlé du
coût de nos voies ferrées, du tort que
nous a fait le Grand Tronc et des bénéfices
que certains messieurs ont faits dans ces
entreprises ; mais je me mettrais l'esprit à la
torture que je ne parviendrais pas à comprendre la logique de leur augmentation. Il
est bien vrai que le Grand Tronc a coûté
beaucoup d'argent, mais comment nous trouverions-nous s'il fallait retourner au temps
où nous n'avions pas de voies ferrées ? Que
ferions-nous si le Grand Tronc nous était
enlevé ? Je crois que nous ne pouvons nous
en passer. Il est devenu une nécessité. Par
lui, la propriété a augmenté de valeur, et bien
que notre dette ( de 15 ou 16 millions ) soit
considérable, elle n'est rien, cependant, puisque les provinces sont en mesure d'y
subvenir Tant que durera mon mandat, je serai
toujours prêt à voter pour le chemin de fer
intercolonial, comme ligne nécessaire pour
faciliter nos communications sur les bords
de la mer. Cette entreprise sera dispendieuse,
on n'en saurait douter, mais il en résultera
247
des avantages proportionnés à la dépense.
Il y a à l'est d'immenses forêts dont on n'a
pu encore exploiter la richesse, et personne
ne peut dire ce que nous vaudra cette contrée quand on aura pu développer ses ressources.
La subvention que nous faisons
actuellement aux paquebots-poste aidera
beaucoup à payer l'intérêt de notre part du
coût de ce chemin de fer. Nous dépensons
en outre beaucoup d'argent pour l'immigration en ces provinces, laquelle serait grandement
facilitée par la construction de cette
voie. A la construire, on mettra quatre ou
cinq ans, et personne ne peut se faire une
idée combien cette section du pays se sera
colonisée pendant ce temps. Cette voie sera
pour nous d'un immense avantage. Après
elle, nous pourrons commencer le chemin de
fer qui mènera à la Colombie Anglaise et les
améliorations de la Rivière-des-Outaouais jusqu'aux lacs d'en haut, ( Ecoutez! écoutez
!)
et les ouvriers et autres qui auront été employés à ces travaux pourront l'être sur
le
chemin conduisant au Pacifique et devenir
ensuite colons de la grande contrée de la
Rivière Rouge. ( Ecoutez ! écoutez !) Telles
sont mes opinions sur le sujet qui occupe
maintenant la chambre. Je puis avoir moins
d'expérience que certains hons. membres,
mais j'ai pour habitude d'observer ce qui se
passe autour de moi, et j'en suis venu à la
conclusion que l'union de ces provinces est
nécessaire et à désirer. ( Ecoutez ! écoutez !)
On a dit que les messieurs composant le
cabinet actuel professaient autrefois des opinions si opposées, qu'il était impossible
que
rien de bon résultât de cette coalition. Quant
à moi je n'ai pas une assez mauvaise opinion des hommes pour douter de la sincérité
et du patriotisme de ces hons. messieurs.
Voulant le bien du pays, ils ont vu la nécessité d'un changement. Peu importe la différence
qui a pu exister entre leurs opinions,
ils occupent aujourd'hui le même wigwam,
la même couverture les abrite ( rires ), et
tant que le pays s'en trouvera bien, je suis
prêt à leur donner mon appui, quelle que
soit la politique qu'ils aient pu professer
pendant les vingt dernières années. ( Ecoutez !
écoutez !) Il est évident que le pays souffre,
qu'il faut trouver un remède à ses difficultés,
et ce remède, je crois que nous sommes
entrés dans la voie qui nous l'apportera.
( Ecoutez! écoutez !) Les hons. messieurs
composant le cabinet me permettront de
répéter que notre commerce de bois a droit à
leur sérieuse attention, d'abord, à cause de
l'emploi qu'il donne à un si grand nombre
de bras, ensuite parce qu'il augmente les
exportations du pays et crée un marché pour
les produits agricoles d'une partie du pays,
tout en favorisant la colonisation des terres
incultes Pour le district de l'Outaouais, ce
commerce est d'une importance spéciale,
mais toute la province y est intéressée en ce
qu'il agandit les limites découvertes du
pays. Un pays qui est tout frontière doit
toujours rester une petite contrée. ( Ecoutez !
écoutez !) Si par le fait d'être soumis au
contrôle des gouvernements locaux, il est
apporté quelque entrave à ce commerce, les
résultats en seront regrettables. Il est par
conséquent à espérer que le gouvernement
y portera toute l'attention qu'il mérite et
fera ce qu'il croira être à l'avantage de tous
les intéressés. Dans notre section, il a été
dit que le Canada Central allait devenir le
marchepied du Haut et du Bas-Canada.
Pour ma part, je ne puis comprendre la
possibilité d'une pareille chose. ( Ecoutez !
écoutez !) C'était là l'idée d'une lettre que
j'ai reçue l'autre jour, par laquelle on me
pressait de faire au projet toute l'opposition
en mon pouvoir. Il se peut que la partie
ouest de la province convoite, ambitionne un
peu le contrôle de toute chose ; cependant,
j'ai assez de foi dans les sentiments de cette
partie du peuple et dans les moyens que
nous avons de nous protéger nous-mêmes,
que je suis loin de croire que notre commerce de bois pourra être détruit tout à
coup, quand même le gouvernement local du
Haut-Canada aurait son siège à Toronto.
Quels que soient ceux qui composeront le
gouvernement local, je pense qu'ils ne pourront s'empêcher de reconnaître l'importance
de ce commerce, et qu'ils s'efforceront de
favoriser tout ce qui sera essentiel au bienêtre du pays. Je ne puis croire qu'ils
seront
assez impolitiques pour tuer la poule au
œufs d'or. ( Ecoutez ! écoutez !) Croyant
voir que la chambre désire voter, je me fais
un devoir de ne la pas retenir plus longtemps. ( Cris de " parlez, parlez !") Il ne
me reste plus qu'à dire que lorsque ces
provinces séparées seront unies comme le
veut le projet, et lorsque ce nouveau lien
aura été scellé par le parlement impérial,
je serai un de ceux qui n'aura aucune
appréhension des résultats. ( Applaudissements. )
L'HON. M. SANBORN—Avant que le
vote soit pris, je désire donner une simple
explication. L'hon. premier ministre ( Sir
248
E. P. TACHÉ ) m'a attribué certaines observations qui ont servi de texte à la première
partie de son discours. Il a dit ne je m'étais
plaint de la manière dont les divisions électorales étaient faites. Je ne me suis
jamais
plaint de cela ; je n'y ai pas non plus fait
allusion. Ce que j'ai dit avait trait à la
nomination de conseillers législatifs pour les
divisions et à l'obligation où ils sont d'avoir
dans ces divisions les biens qui les rendent
éligibles. Je suis certain, cependant, que
l'hon. premier ministre n'a pas eu l'intention
de m'attribuer aucune chose que je n'ai pas
dite.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Si mon
hon. ami n'a pas fait ce reproche, il va de
soi que mes observations ne comptent pour
rien.
L'HON. M. SANBORN—il est un autre
point sur lequel je veux aussi attirer l'attention. L'hon. premier ministre a paru
vouloir
m'imputer d'avoir fait une distinction entre
" papistes " et protestants," et cela quand il
ne m'est pas arrivé de me servir des termes
de" papistes,"de "catholiques," ni de " protestants." La distinction et les remarques
que j'ai faites n'avait trait qu'aux Anglais et
Français du Bas-Canada. Les hons. messieurs
se rappelleront que j'ai distinctement admis
ce que l'hon. premier ministre a revendiqué
pour ses compatriotes, c'est-à-dire leur libéralité bien connue. J'ai toujours admis
cela
et n'ai jamais été disposé à le nier. Mais
mon argumentation était à l'effet qu'en établissant une constitution, nos droits et
intérêts
auraient dû être assurés par des dispositions
spéciales, que c'était là la seule assurance
satisfaisante que nous pouvions avoir ; que
nous ne pouvions pas dépendre de la libéralité
d'aucune classe d'hommes, mais que nous
devions avoir l'assurance de garanties distinctes. Voilà quelle a été mon argumentation.
( Ecoutez ! écoutez !) Je crois que l'hon.
premier ministre n'aurait pas dû être aussi
sévère à mon égard pour le seul fait de
n'avoir pas préciser que les dix hommes
qui doivent être choisis dans les provinces
maritimes seraient des vieillards, afin qu'ils
n'eussent pas l'avantage de mettre des jeunes
gens comme compensation pour nos anciens
conseillers. Quand je vois, malgré son grand
âge, briller encore les feux de la jeunesse
chez le premier ministre, quand je vois la
vigueur qu'il peut encore déployer, je pense
qu'il doit m'excuser de n'avoir pas fait une
distinction insidieuse entre jeunes et vieux.
( Ecoutez! écoutez! et rires.)
L'HON. M. WILSON informe la chambre
qu'il est opposé à l'amendement, mais qu'il
est empêché de voter par un arrangement à
cet effet pris avec l'hon. M. MOORE, qui est
absent.
La chambre se divise ensuite sur l'amendement de l'hon. M. SANBORN, qui est
rejeté par 42 contre 18.
Pour: —Les hons. messieurs Aikins, Archambault, Armstrong, Bureau, Chaffers, Cormier,
Currie, Flint, Leonard, Leslie, Letellier de St.
Just, Malhiot, Olivier, Perry, Proulx, Reesor,
Sanborn, Simpson.—18.
Contre:—Les hons. messieurs Alexander,
Allan, Armand, Belleau, Sir N. F., Bennett, Blair,
Fergusson, Blake, Boulton, Bossé, Bull, Burnham,
Campbell, Christie, Crawford, DeBeaujeu, Dickson,
Duchesnay, A.J., Duchesnay, E. H.J., Dumouchel,
Ferrier, Foster, Gingras, Guévremont, Hamilton
(lnkerman,) Hamilton (Kingston,) Lacoste, McCrea, McDonald, McMaster, Macpherson,
Matheson,
Mills, Panet, Price Prud'homme, Read, Ross, Ryan,
Shaw, Skead, Taché, Sir E. P., Vidal.-42.