MARDI, 7 février 1865.
L'
HON. M. CAMPBELL—J'ai promis
hier de donner aujourd'hui à la chambre
une explication au sujet de la disposition
contenue dans la 14ème résolution relative au choix des membres du conseil législatif
dans la législature générale Voici
cette résolution:—
14. "Les premiers conseillers législatifs fédéraux seront pris dans les conseils législatifs
actuels des diverses provinces, excepté pour ce
qui regarde l'Île du Prince-Edouard. S'il ne s'en
trouvait pas assez parmi ces conseillers qui fussent
éligibles ou qui voulussent servir, le complément
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devrait nécessairement être pris ailleurs. Ces
conseillers seront nommés par la couronne à la
recommandation du gouvernement général, et sur
la présentation des gouvernements locaux respectifs. Dans ces nominations, on devra
avoir égard
aux droits des conseillers législatifs qui représentent l'opposition dans chaque province
afin que
tous les partis politiques soient, autant que possible, équitablement représentés."
D'après cette résolution, si le projet de
confédération est adopté, la nomination des
conseillers législatifs du Canada sera faite
par le gouvernement actuel de cette province. L'esprit de cette résolution donne
même la garantie que les membres à vie et
les membres électifs des deux côtés de la
chambre seront également considérés et
justement représentés dans le nouveau
parlement.
L'
HON. M. FLINT.—Les résolutions
aujourd'hui soumises à la chambre sont-elles
exactement les mêmes que celles qui ont été
envoyées aux membres?
L'
HON. M. CAMPBELL— Pas exactement sur un seul détail. Dans les résolutions actuellement soumises à
la chambre
il y a une clause autorisant le Nouveau- Brunswick à lever un droit sur les bois
carrés, et la Nouvelle-Écosse à mettre un
impôt sur le charbon. L'imposition de ces
droits avait d'abord été réservée à la législature générale. (M. CURRIE: Écoutez!
Écoutez!)
L'
HON. M. CAMPBELL—J'espère que
les honorables membres nous aideront sérieusement dans l'examen du projet, au lieu
de s'attacher à découvrir de futiles motifs
d'opposition. (Écoutez!)
L'
HON. M. CAMPBELL—Peut-être une
faute d'impression, peut-être une erreur dans
le manuscrit.
L'
HON. M. CURRIE—Les membres de
la conférence n'ont-ils pas signé le document
contenant ces résolutions?
L'
HON. M. CAMPBELL—Les résolu—
tions aujourd'hui soumises à la chambre
contiennent fidèlement les conclusions auxquelles est arrivée la conférence. (Écoutez!)
Ces conclusions n'ont pas été altérées.
L'
HON. M. CURRIE —La mesure aujourd'hui soumise à la chambre est une
des plus importantes qui se soient jamais
présentées devant une législature coloniale.
J'aborderai donc la question en laissant de
côté tout esprit de parti et sans même
songer à soulever des objections futiles.
J'exminerai cette mesure comme canadien
et comme sujet anglais Le projet qui nous
occupe aujourd'hui a dès l'abord grandement
surpris le pays. La première fois que j'ai
pris la parole devant cette chambre j'ai prononcé ces mots:—
"Une législation modérée, prudente et juste
donnera à la génération actuelle de voir le Canada
devenir le centre d'une confédération de l'Amérique Britannique du Nord, s'étendant
de l'Atlantique au Pacifique, confédération qui ne naîtra
point dans le sang mais sera formée par des liens
d'amitié, des relations commerciales, des intérêts
communs et cimentés par une commune allégeance
au trône de la Grande-Bretagne."
Cette citation preuve que j'étais bien
en faveur d'une confédération des provinces anglaises de l'Amérique du Nord.
Mais alors je ne pensais pas que, deux
ans plus tard, ce projet serait soumis au
parlement. Je suis encore en faveur de la
confédération, (Écoutez!) mais je veux une
confédération assise sur des bases justes et
équitables et où les intérêts de chacun
soient sauvegardés. Un projet qui ne
remplira pas ces conditions portera en lui
les germes d'une prompte dissolution et de
ruine. Le galant chevalier, aujourd'hui chef
du ministère, et son éminent collègue le
commissaire des terres de la couronne, ont
habilement exposé le projet devant cette
chambre, mais quelles raisons ont-ils fait
valoir en sa faveur? Quelques-uns des
arguments du premier ministre m'ont étrangement surpr, je l'avoue. Cet hon.
monsieur a dit que si le projet de confédération était rejeté nous serions immédiatement
lancés dans l'Union Américaine ou placés sur
un plan incliné qui nous y entraînerait vite.
Quand des hommes si haut placés émettent
des opinions aussi avancées ils doivent être
prêts à les soutenir pour de bonnes raisons.
L'
HON. M. CURRIE—On peut dire que
nous sommes sans défenses et qu'à moins
d'une union avec les provinces maritimes
nous restons à la merci des États-Unis.
Mais que veut dire l'hon. monsieur en parlant d'un plan incliné? Pour ma part, je
n'ai jamais surpris chez les habitants de
cette province le moindre désir d'abandonner
le noble drapeau sous lequel plusieurs d'entre
eux ont combattu et versé leur sang . Aurait- on dit. en Angleterre que si nous nous
n'adoptons
pas ce plan la mère-patrie va nous abandonner et nous faire glisser sur le plan incliné?
(Rires.) Telles sont les seules ou du moins
les principales raisons données par 'hon.
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membre. Voyons donc si le projet pare aux
maux que nous redoutons. Est-ce que le
renfort qui nous viendra ainsi et par mer et
par terre nous mettra à l'abri de toute agression américaine? Le proverbe dit que
l'union fait la force, mais est-ce bien le cas
pour cette union? Je comprends qu'une
union avec des voisins nous donnerait de la
force, mais l'union avec des provinces dont
les extrêmes sont séparées par une distance
de 1,500 milles ne pourra qu'être une source
de faiblesse. À mon avis c'est attacher un
bout de fil a une forte corde et prétendre
que la longueur totale y gagne en force.
L'hon. membre nous a dit que les forces militaires des provinces maritimes viendraient
s'unir à l'armée du Canada, mais examinons
les faits. D'après le recensement de ces
provinces la population des hommes faits,
pouvant fournir des soldats, c'est-à-dire
entre les âges de 21 et 50 ans, est de 128,457,
dont 68,289 sont constamment employés au
cabotage ou aux pêcheries; il en reste donc
65,000 pour aider à la défense du Canada,
(Écoutez!...) Supposons maintenant qu'on
appelle aux armes un tiers de cette population (et cette proportion est forte), cela
donnerait une armée de 22,000 hommes, qui
ne suffirait même pas pour défendre les
frontières. Je ne rechercherai pas les
causes qui ont amené la formation du
gouvernement actuel, et ne parlerai point de
l'attitude extraordinaire prise soudainement
par quelques-uns des membres du cabinet...
mais je dois mentionner les vues qu'avaient
ces messieurs en se réunissant. Leur principal objet était une union fédérale, mais
non
pas celle qui est aujourd'hui soumise à la
chambre. Si j'ai bien compris, il s'agissait
d'une confédération du Haut et du Bas- Canada, à laquelle les provinces maritimes
pourraient ultérieurement se joindre si elles
le jugeaient opportun.
L'
HON. M. CURRIE—Je ne suis pas
surpris de la dénégation de l'hon. commissaire des terres, car les chefs de l'administration
ont parlé dès l'abord dans les deux
chambres d'une confédération générale mais
la base de l'organisation a été rédigée,
Scripta manent, et en voici le texte:—
"Le gouvernement s'engage à présenter, à la
prochaine session, une mesure tendant à faire
disparaître les difficultés actuelles en introduisant le système fédéral en Canada,
les provinces
maritimes et le nord-ouest pouvant ultérieurement s'unir dans cette fédération."
L'
HON. M. CAMPBELL—Cette promesse se trouve remplie par les résolutions
qui sont actuellement devant la chambre.
L'
HON. M. CURRIE— Cependant le
collègue de l'hon. membre le secrétaire provincial, à la grande assemblée d'Oxford-Sud
n'a mentionné qu'incidemment les provinces
maritimes et n'a nullement parlé du chemin
de fer intercolonial. Si je ne me trompe
pas, la confédération des Canadas seuls était
la base de la coalition, et, dans ce cas, le
projet actuel n'était que l'œuvre de quelques
délégués
volontaires agissant sans autorisation
et ne représentant en aucune façon l'opinion
du pays. J'ai été surpris de voir le Canada
si faiblement repreésenté (je parle du nombre)
dans la conférence; sans doute, nos délégués
étaient tous des hommes éminents, mais ils
étaient trop peu nombreux et ne représentaient pas justement la population et la
richesse de notre pays. L'hon. commissaire
des terres dela couronne dira sans doute que
ce point importait peu, car on n'a pas tenu
compte de la population mais seulement du
nombre des provinces, et qu'en d'autres
termes, l'Ile du Prince Edouard, avec ses
80,000 habitants, a eu voix au chapitre comme
le Canada qui compte 2,300,000 habitants.
L'
HON. M. CURRIE—Cela n'améliore
pas notre position car ainsi le Haut-Canada, qui
compte 1,600,000 âmes, s'est trouvé sur le
même pied que l'Ile du Prince-Edouard.
Mais laissant de côté ces détails. je dis que
le pays n'est pas prêt à décider cette question importante. C'est la plus importante
qui jamais ait été soumise au pays et il est
nécessaire qu'elle soit examinée à fond avant
d'être réglée. Nous cherchons à établir une
constitution qui devra durer des siècles. Si
aucune portion du pays se trouve lésée par
cette constitution, les maux qui en résulteront devront se perpétuer à jamais. Si
la
majorité du Bas-Canada ou celle du Haut- Canada est violentée en cette occasion les
conséquences pourront être terribles. Pour
prouver que le pays n'est pas préparé à ce
changement, je demanderai dans combien
d'assemblées publiques la question a été
discutée dans le Haut-Canada? Je n'ai connaissance que d'une assemblée importante
où les deux côtés de la question aient été
discutés. Nos populations attendaient toujours le programme qui se faisait toujours
attendre...du moins dans un grand nombre
de ses détails. J'espère qu'on ne pressera
pas la discussion d'une question aussi impor
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tante dont dépend le bien-être d'une population de plusieurs millions, mais qu'on
donnera tout le temps nécessaire à une discussion sérieuse. (Ecoutez!) On a dit que
tous les gouvernements intéressés étaient en
faveur du projet, et cependant il va y avoir
une dissolution dans une des provinces.
Pourquoi donc tant nous hâter au Canada?
serait-ce pour influencer la décision finale
des autres provinces? On ne s'est point
tant hâté lors de l'union des deux Canadas.
Le gouvernement impérial fit préparer un
bill, dont copies furent soumises au parlement
du Haut-Canada. Le Bas-Canada n'avait pas
alors de parlement, et n'avait pas autant
besoin de délai qu'aujourd'hui. Le bill fut
renvoyé en Angleterre et sanctionné, et
malgré les assemblées qui eurent lieu en
Bas-Canada, il fut bel et bien imposé à sa
population (membres canadiens-français:
écoutez! écoutez!!! Si alors on nous a
donné le temps de réfléchir pourquoi nous
le refuserait-on aujourd'hui? (Ecoutez!)
Si, en 1889, on s'était conforme aux vues de
deux hommes éminents, Lord Ellenborough
et Lord Durham, le parlement actuel ne
serait pas appelé à dissoudre une union
qui n'a été d'aucun avantage à l'une des
sections de la province et qui n'a fait
que mécontenter l'autre. (Écoutez! et rires.)
Voici ce que pensait Lord Durham:
" Je suis entièrement opposé à tout plan qui
donnerait un nombre égal de membres aux deux
provinces, à l'effet de laisser les canadiens-français en minorité, car je crois qu'on
peut atteindre
le même but sans violer aucun des principes de la
représentation, et sans commettre une injustice
qui choquerait l'opinion publique en Angleterre
et aux Etats-Unis; une autre raison à l'appui de
mon opinion est celle-ci: lorsque l'immigration
aura augmenté la population du Haut-Canada, le
principe qu'on veut adopter aujourd'hui ne ferait
que nuire au but qu'on se propose en le recommandant. Il me semble que cette union
électorale basée sur les divisions actuelles dela Province au lieu d'effectuer l'union
ne servirait qu'à
perpétuer la désunion."
Cette citation prouve assez combien
il est dangereux d'avoir recours à des
expédients temporaires pour résoudre de
graves difficultés. Si les hon. membres
veulent établir une union dans laquelle se
développeront les ressources, la richesse et
l'importance des provinces, ils doivent tendre
à réaliser un plan aussi parfait qu'il est
possible à toute institution humaine de l'être.
J'ai déja dit que la question a été fort peu
discutée dans le Haut-Canada. Je représente
une division considérable et je croirais mal
agir en votant avant d'avoir consulté mes
électeurs. Dans les provinces maritimes la
presse et les populations semblent plu préoccupées du sujet. Les journaux publient
une foule d'articles pour et contre et donnent aussi à leurs lecteurs des renseignements
que nous n'avons pas. En parlant des
provinces maritimes, je dois dire que quelques-uns de leurs hommes publics semblent
s'exagérer les avantages d'une union avec le
Canada, de même que nous nous exagérons
aussi les ressources des provinces maritimes.
Si nous devons former une société, une
raison sociale, elle devra durer; ne cherchons donc pas à nous abuser les uns
les autres, car ce fait une fois constaté la
société serait dissoute (Ecoutez!) Pour
donner une idée de la manière dont la question a été présentée par quelques hommes
éminents de ces provinces, je vais lire à
cette honorable Chambre un extrait d'un
discours prononcé par un M. LYNCH, dans
une grande assemblée tenue à Halifax, et
reproduit par un des organes du gouvernement de la Nouvelle-Ecosse.
L'
HON. M. CURRIE—Le fait est qu'il
a tant d'organes qu'il ne parait pas les
connaître (rires.) Je vais maintenant citer le
discours en question:—
"Mais d'autres nous disent qu'il vaut mieux ne
rien avoir affaire avec le Canada, parce qu'il était
en banqueroute. Le Canada en banqueroute! Je
souhaiterais que nous fussions tous en banqueroute de la même manière. il regorge
de richesses.
Ces richesses se développent rapidement et le
placeront plus tard parmi les premières nations
du monde. J 'ai voyagé dans ce grand pays et
l'ai examiné, et il me faudrait beaucoup plus de
temps qu'il ne m'en est accordé pour vous raconter
ses richesses et ses ressources. Ses rivières sont
au rang des plus grandes du monde, et ses lacs
sont des océans intérieurs. Je ne m'en étais jamais
formé une idée jusqu'à ce que je me sois trouvé sur
les bords du lac Erié que j'aie vue devant moi un
navire à voiles carrées, et que l'on m'ait dit que
c'était là classe de navires qui sillonnaient ces
lacs. Eh quoi! monsieur, le commerce maritime de
ces immenses lacs est de 7,000,000 de tonneaux. Et
ensuite regardez l'accroissement de la population.
Il y a 80 ans, elle était de 60,000 âmes, et aujourd'hui elle est de trois millions.
Le Haut-Canada
a vu se doubler sa population en dix ans, et Toronto, qui était encore, au commencement
de ce
siècle, le domaine des peaux rouges, est aujour
d'hui l'une des plus belles villes de l'Amérique
Britannique, et possède une population de
40,000 âmes. Le roi est de la qualité la plus
riche,—et de fait il l'est trop. Dans certains
endroits, l'on trouve de riches dépôts d'alluvion
d'une profondeur de 50 pieds, et dans bien cas
les terres ont produit leurs récoltes depuis des
48
années sans le secours d'une seule pelleté d'engrais. Le Canada produit non-seulement
les plus
abondantes récoltes, mais encore le meilleur blé de
l'Amérique. C'est un fait bien connu que le peuple
des Etats-Unis, en exportant sa fleur, la mêle en
grande partie avec le blé canadien, et afin de
vous donner une idée de l'augmentation de sa
production, je vous dirai que tandis qu'en dix ans
la récolte de blé aux Etats-Unis a augmenté de
50 pour cent (ce qui est immense), l'augmentation
en Canada, dans le même temps, a été de 400
pour cent. Les récoltes moyennes sont égales à
celles des meilleurs pays à blé de l'Europe, tandis
que certains endroits ont produit la quantité
presque incroyable de cent boisseaux par acre.
La récolte de l'année dernière a été de 27,000."
Il serait à désirer que cet hon. monsieur
seul se fût mépris, mais l'hon. M. TILLEY
même, l'un des hommes d'état les plus distingués du Nouveau-Brunswick, a dit que
notre tarif n'était en réalité qu'un tarif de
11 pour cent. Mais toutes les erreurs ne
sont pas de ce côté, car nous n'avons qu'à
examiner le discours de l'un de nos principaux hommes politiques,—discours qui a
été regardé presque comme un papier d'état
important,—et l'on y verra qu'il est dit que
les provinces unies deviendront la troisième
puissance maritime du monde. (Ecoutez!
Ecoutez!) L'Angleterre, a-t-il dit, est la
première; les Etats-Unis, la seconde; et il
doutait que la France pût occuper le troisième rang avant nous. Le tonnage de nos
navires de mer serait de cinq millions, et
celui de nos navires des lacs de sept millions.
Ce sont là de vastes chiffres, et l'esprit
s'égare presque en cherchant à en embrasser
les magnifiques proportions. (Rires) Eh
bien! en supposant que tous ces navires
fussent de 500 tonneaux chacun, il en
faudrait 14,000 pour arriver à ces chiffres;
mais malheureusement le recensement démontre que nous n'avons que 808 matelots
pour les monter. Il faut admettre que ce
personnel est un peu léger pour 14,000
navires! (Rires bruyants.) La manière dont
cette erreur—pour me servir du terme le
plus doux—a eu lieu est très simple. Les
navires ont été inscrits a la douane chaque
fois qu'ils sont entrés et sortis du port, et
comme quelques uns d'entre eux venaient
au port 200 fois par année, comme à Toronto
par exemple, leur tonnage a été compté 200
fois. Il est facile de cette manière de porter
notre marine intérieure à sept millions de tonneaux. Mais si les produits du Canada
étaient
aussi considérables que le dit M. LYNCH,
nous aurions certainement besoin de tous ces
navires pour transporter tout ce blé...
(Rires) Je serais extrêmement heureux
de pouvoir raconter une pareille histoire et
en même temps dire la vérité, mais malheusement la chose est impossible. On a dit
ensuite dans les provinces d'en-bas que notre
tarif était en moyenne de 11 pour cent;
mais est-ce bien le cas? (L'Hon. M. CURRIE
cite ici le discours de M. TILLEY, dont il a
déjà parlé.
L'
HON. M. CURRIE—(Lisant, tombe
sur un paragraphe qui explique que les 11
pour cent forment la moyenne des droits sur
la valeur de toutes les marchandises importées, dont une grande partie sont libres
de
droits.)
L'
HON. M. CURRIE—Je vais tâcher
de faire voir quelle est la vérité à l'égard
des droits imposés sur les principaux articles
de consommation domestique en Canada.
Si mes honorables collègues veulent bien
consulter les tableaux du commerce et de la
navigation pour 1864, il y verront que durant
la première moitié de cette année, nous avons
importé et payé les droits suivants sur huit
espèces d'articles:—
|
Valeur. |
Droits. |
Cotonnades... |
$3,277,985 |
$644,381 |
Lainages... |
2,537,669 |
499,081 |
Thé... |
1,059,674 |
275,226 |
Fer et ferronnerie... |
776,225 |
151,422 |
Toiles... |
421,543 |
84,136 |
Chapeaux... |
281,197 |
55,546 |
Sucre... |
779,907 |
376,189 |
Sucre rafiné... |
9,980 |
6,260 |
Café, vert... |
89,016 |
20,449 |
|
|
$2,112,593 |
Ainsi, mes hons. collègues peuvent voir
que nous payons plus de 50 pour cent sur le
sucre, près de 23 p. c. sur le café, et environ 26 p. c. sur le thé. Je crains bien
que
si l'on examine avec calme l'état actuel du
Canada, l'on verra que nous entrons dans
l'union dans une position bien différente de
celle qui est présentée en termes si pompeux
par l' hon. M. LYNCH. Regardez au commerce du Canada pour les six premiers mois
de 1864, et vous verrez que la balance contre
nous est de $9,999,000 . Ensuite il y a
l'intérêt sur la dette publique; l'intérêt sur
les prêts aux particuliers; les dividendes de
banques payables à l'étranger (car une bonne
partie du capital de nos banques est possédé
en dehors de la province); l'intérêt aux
compagnies de prêts et autres; il faut ajouter
tout cela à la balance du débit, et ensuite
je crois que le tableau de richesse que l'on a
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présenté aurait un tout autre aspect. Le
fait est que je m'étonne de voir que le pays,
avec toutes ces charges et ces fardeaux, se
soit si bien porté.
En second lieu, je suis opposé à la manière
dont le projet a été soumis a la chambre. Si
le gouvernement désirait que la chambre
votât favorablement, pourquoi n'a-t-il pas
agi et n'a-t-il par parlé de manière à se faire
comprendre? Pourquoi n'amène-t-il pas
immédiatement les projets des gouvernements
locaux et l'estimation du coût du chemin de
fer intercolonial? Je ne suis pas opposé au
principe de la confédération (Ecoutez!
écoutez!) Non, et je crois que la plus parfaite unanimité existerait sur ce sujet,
comme
elle existait parmi les délégués sur principe de la confédération; mais je voudrais
connaître, en même temps que le projet, le
coût du chemin de fer, puisqu'il semble
en faire partie intégrale. Nous savons
bien peu de choses de ce projet, nous
ne savons ni où il doit commencer ni
où il doit finir, ni combien il aura de bouts.
Nous avons entendu dire qu'il devait y avoir
un embranchement de Truro à Pictou, et
ensuite on a dit qu'il fallait que le chemin
de fer traversât la vallée du St. Jean, et se
terminât dans cette ville. Devons-nous accepter le projet sans informations? Devons-
nous avoir un chemin jusqu'à Halifax?
acheter le Grand Tronc jusqu'à la Rivière- du-Loup et l'embranchement do Truro à
Halifax, afin que tous ces bouts de chemins
fassent partie du chemin de fer national?
Malgré les talents reconnus des délégués,
je maintiens qu'une injustice évidente a été
faits au Canada, et surtout au Haut-Canada,
dans la distribution des subventions à accorder aux gouvernements locaux; car il
faut se rappeler que ces subventions ne
changent pas avec la population, mais qu'ils
sont fixes. Ils sont comme suit:
Haut-Canada... |
... |
$1,116,873 00 |
Bas-Canada... |
... |
889,248 00 |
Nouvelle-Ecosse... |
... |
264,000 00 |
Nouveau-Brunswick... |
$201,000 |
|
|
63,000 |
|
|
|
264,000 00 |
Ile du Prince-Edouard. |
64,635 |
|
|
89,043 |
|
|
|
153,728 00 |
Terreneuve... |
98,110 |
|
|
270,890 |
|
|
|
369,000 00 |
|
|
$3,056,849 00 |
Si quelqu'un proposait de former une
société avec d'autres, il s'informerait natu
rellement de l'actif des autres membres de
la société projetée. Nous savons quel est
notre actif. Nous avons les plus beaux
canaux du monde qui ont coûté plusieurs
millions.
L'
HON. M. CURRIE—Imposez des
péages sur les canaux du St. Laurent, et
vous verrez ce qu'ils paient. Il y a un
canal qui paie: c'est celui de Welland. En
1861, ce canal seul produisait un revenu net
de $184,289.50, en sus de tous les frais de
réparations et d'administration, et si vous
ajoutez à cette somme les péages inconsidérément remboursés, $56,474.63, vous arrivez
à
un chiffre égal à 5 pour cent de la dépense
totale sur le canal Welland, tel que le constate
le rapport du ministre des travaux publics,
jusqu'au ler janvier 1862, et un chiffre de
87,436 à porter au crédit de l'entreprise.
Ensuite nous avons les canaux du St. Laurent, et s'ils ne paient pas, c'est à cause
de l'extravagance de l'administration et du système
de péages qui y sont imposés. (Ecoutez!)
L'on dit que certaines personnes croient que
si seulement nous avons la confédération,
nous aurions assez pour payer pour le gouvernement fédéral et les gouvernements
locaux, et tant d'argent de reste que nous
ne saurions qu'en faire. Quels seront les
revenus de la confédération? En prenant
l'année 1863 comme base, nous trouvons que
les revenus de la confédération rejetée, provenant des droits de douane et d'excise,
sont
comme suit:
Canada... |
... |
$5,999,320 98 |
Terreneuve... |
$496,890 |
|
Ile du Prince- |
|
|
Edouard... |
153,520 |
|
Nouvelle-Ecosse |
861,989 |
|
Nouveau-Brunswick. |
768,353 |
|
|
|
2,280,752 00 |
|
|
$8,280,072 98 |
Passons maintenant à l'examen des charges
que devra assumer la confédération. L'intérêt sur la dette du Canada est de $3,812,514.01;
l'intérêt sur les dettes du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse se montant
a $15,000,000, est d'environ $750,000;
l'intérêt sur la dette de Terreneuve se montant a $946,000, et sur celle de l'Isle
du
Prince-Edouard se montant à $240,673, est
de $59,888. Ajoutez à cela l'intérêt sur
les frais de construction du chemin de fer
intercolonial, atteignant un chiffre de pas
moins de $1,000,000 annuellement, en supposant qu'il ne nous coûterait que $20,000,
et que la somme affectée par année
50
aux dépenses militaires serait de $1,000,000.
Et en supposant que le gouvernement civil
et les frais de législation ne seraient pas
plus élevés pour la confédération que pour
le Canada, ce qui est certainement envisager
la question à un point de vue rationnel,
nous trouvons pour le gouvernement civil
$430, 572.47; pour la législation, $627,377.92; salaires des juges, Bas-Canada,
$115,755.55; salaires des juges, Haut Canada, $157,690.33; émigration et quarantaine,
$57,406.32; service par l'océan et
l'intérieur, $511,356.40; phares et service
côtier, $102,724.75; pêcheries, $22,758.41;
perception du revenu et de l'accise en Canada, $401,561.41; subventions locales aux
provinces, $3,056,849. Ces chiffres nous
présentent donc une balance de $3,825,781.89 contre le revenu, et si les canaux
doivent être élargis, comme on a bien voulu
le promettre, et que pour cet objet nous
ajoutions une nouvelle dette de $12,000, 000,
nous aurons une autre charge annuelle de
$600,000, ou une balance totale de $4,125,781.89 contre le revenu. Ces messieurs de
l'Est voulaient nous donner le chemin de fer
intercolonial et élargir nos canaux, mais
puisque l'on voulait les élargir pourquoi
n'a-t-on pas parlé des canaux dans la constitution?
L'
HON. M. DICKSON.—L'on ne voulait
pas jeter de l'eau froide sur le sujet (Rires.)
L'
HON. M. CURRIE—Pourquoi ne pas
avoir garanti qu'ils seraient élargis? Je suis
en mesure d'affirmer que cette amélioration
désirable entraînerait une dépense de $12,000,000. Quant à la subvention locale, je
ne
la considère que comme une farce; elle me
fait l'effet de miel pour attraper les mouches. Quant à l'argument que le rejet de
la mesure ferait tort à notre crédit, je
désire savoir si les porteurs de bons ne
préféreraient pas de beaucoup notre situation financière actuelle à celle que nous
feraient les quinze millions de dettes nouvelles sans la moindre valeur à y opposer.
Si
le peuple anglais savait que la confédération
et le chemin de fer signifient une augmentation de 50 pour cent sur notre tarif, il
hésiterait avant que de se prononcer. Quant
à la représentation dans le conseil législatif confédéré, l'on proposait de donner
au
Bas et au Haut-Canada 24 membres chacun,
et aux provinces maritimes 28; cela équivaut à dire que les 780,000 âmes des provinces
d'en bas auraient quatre députés de
plus que le Haut-Canada avec son million
et demi. Ce fait tend à prouver que bien
que le Canada fut représenté par des hommes
de talent à la conférence, ces derniers ont
oublié nos intérêts ou qu'ils étaient impuissants. Quand le conseil législatif fut
déclaré
électif, mon hon. ami assis près de moi.
l'hon. M. CHRISTIE, avait vaillamment défendu les droits du Haut-Canada, exemple
qu'auraient dû suivre les délégués à la conférence. Lors de la seconde lecture du
bill pour modifier la constitution du conseil
législatif, le 14 mars 1856,—
M. BROWN proposa, secondé par M. FOLEY, que
le comité ait instruction d'amender le bill en décrétant que les membres du Conseil
Législatif
seront élus pour quatre ans, moitié devant se
retirer à chaque seconde année.
M. GOULD proposa, secondé par M. WRIGTH, que
le comité ait instruction d'amender le bill, en décrétant que les colléges électoraux
seront répartis
selon la population sans tenir compte de la ligne
de division entre le Haut et le Bas-Canada.
Cet amendement fut appuyé ar MM.
AIKINS, BROWN, CAMERON, CHRISTIE,
FOLEY, FREEMAN, WILSON et plusieurs
des principaux réformistes du Haut-Canada.
Et lors de la troisième lecture du bill, le
27 mars,—
M. HARTMAN proposa, secondé par M. CHRISTIE,
que le bill soit de nouveau renvoyé en comité
général, dans le but de décréter que les colléges
électoraux seront répartis de manière à contenir
chacun, autant que possible, une égale population,
sans tenir compte de la ligne de division entre le
Haut et le Bas-Canada.
Cet amendement ne fut pas emporté,
bien qu'appuyé par MM. BROWN, CHRISTIE
et vingt autres députés du Haut-Canada.
Si le principe de la représentation d'après la
population était juste en 1856, pourquoi
ne le serait-il pas également en 1865? Mais
l'on pourra peut-être me répondre que l'union
sera fédérale; mais tel n'est pas le cas. Elle
n'est ni fédérale ni législative; c'est un
mélange des deux. Si la représentation eut
été bien répartie, les députés ne se seraient
pas vus dans la nécessité de résigner leurs
mandats. Dans ce cas, le Haut-Canada aurait
eu 80 représentants, le Bas-Canada 24, et
les provinces maritimes 18. Hier, l'hon.
commissaire des terres de la couronne a cherché à expliquer l'abolition du principe
électif
tel qu'appliqué à cette chambre; mais il n'y
a pas encore un an de cela qu'il fesait un
éloge pompeux du système, et je suis prêt à
dire que je n'ai pas encore une seule fois entendu les membres à vie se prononcer
contre
ce principe. Le système avait subi l'épreuve
51
de huit années et avait été trouvé satisfaisant; serait-il donc aujourd'hui permis
à
quelques délégués de biffer d'un trait de
plume un principe admis et sanctionné par
le peuple du pays? Je n'ai pas été envoyé
dans cette chambre pour en détruire la contitution (Ecoutez! écoutez!) et, avant d'accepter
cette proposition, je désire me présenter devant mes mandataires et s'ils disent
oui, je cesserai de m'opposer au projet
(Ecoutez! écoutez!) mais sans cette permission, je ne m'engagerai jamais à donner
un vote qui aura peut être pour effet de me
conférer un siège à vie dans cette chambre
(Ecoutez écoutez!) J'ai beaucoup entendu
parler de la domination du Bas-Canada,
mais si ce projet est un avant-goût de la
domination de l'Est, je suis prêt à déclarer
que cela me suffit. (Ecoutez! écoutez et
rires!)
L'
HON. M. CAMPBELL— Ce n'est
rien d'absolument particulier au Canada,
mais plutôt le jugement de toute la conférence (Ecoutez!)
L'
HON. M. CURRIE—Je dois donc
supposer qu'il n'est pas du goût de l'hon.
membre que le siége que le peuple lui a
donné soit remis entre les mains de la couronne; mais l'on dirait qu'il a passé sous
la
domination des provinces maritimes. (Rires.) En 1849, la législature avait établi
des dispositions pour le soutien des écoles
communes en Canada, et réservé un million
d'acres des meilleures terres pour cette noble
cause. Ces terres, toutes situées dans le
Haut-Canada, avaient été vendues, et un
fonds d'un million et un quart s'était accumulé, mais d'un autre trait de plume, le
tout
fut encore biffé. En 1862, le gouvernement
du jour soumit un projet de loi pour amender
l'acte des écoles séparées du Haut-Canada,
et sans affirmer d'opinion sur le mérite de la
question, je puis dire qu'il eut l'effet de créer
un sentiment indescriptible d'indignation.
Une assemblée monstre eut lieu à Toronto
pour condamner le projet, et le peuple se
montra si exaspéré qu'il alla jusqu'à demander à certains membres du gouvernement
de
résigner; d'autres assemblées eurent lieu,
savoir:
Assemblée à Harrington, Oxford Nord,
25 mars 1863.
Résolu, Que l'hon. W. McDOUGALL a trahi les
intérêts de ses mandataires pour l'appât d'un
porte-feuille.
Assemblée à Nissouri Est, 6 avril 1863.
Résolu Que cette assemblée vu la manière en
laquelle l'hon. McDOUGALL a trahi les intérêts
de ses mandataires en appuyant l'acte des écoles
séparées de M. SCOTT, croit qu'il est de son devoir
de résigner son siège dans le parlement provincial
comme député de la division nord d'Oxford.
Si j'ai donné lecture de ces résolutions,
c'est à fin de faire voir quels sentiments prévalaient alors; je pourrais citer des
articles
de journaux pour démontrer que la mesure
était considérée comme monstrueuse; Je
citerai un ou deux extraits du Globe;
"Nous ne saurions croire qu'un gouvernement
basé sur la double majorité tolère des modifications à notre système scolaire en dépit
du vote de
la majorité haut-canadienne."
20 mars.
"Le projet de loi de M. SCOTT va probablement
succomber dans la chambre haute. Quand il fut
apporté de l'assemblée, personne ne s'est levé
pour en proposer la première lecture et Sir
ETIENNE TACHÉ qui, comme, on se le rappelle,
introduisit lui-même la dernière loi concernant
les écoles séparées du Haut-Canada, était sur le
point d'assumer cette responsabilité, lorsque M.
McCRAN, le conseiller nouvellement élu pour la
division Western, vint à son secours.
" L'orateur eut le malheureuse idée de désigner
M. AIKINS pour seconder la motion, mais le membre pour la division Home refusa sans
hésiter.
Personne ne se présentant M. LETELLIER, canadien- français, seconda la motion. C'était
la domination française qui prenait sa revanche. Nous ne
sommes pas surpris de rencontrer une opposition
forte et obstinée à ce bill.
"11 avril.—Le bill a subi sa seconde lecture au
conseil législatif à une division de 11 contre 13
pour le Haut-Canada.
"En dépit de tous les efforts, le Haut-Canada
reste fidèle à son système d'écoles. Ce bill peut
passer comme d'autres infamies ont déjà passé
devant cette législature, mais ce ne sera pas grâce
aux votes du Haut-Canada. Si notre système
scolaire est détruit, au Bas-Canada en restera la
honte.
"21 avril.—Bien que le bill ait passé aux deux
chambres et que des assemblées publiques ne
suffisent plus pour en arrêter le progès, les citoyens du Haut-Canada font bien de
se prononcer
à cet égard. Ils ont été cruellement mortifés de la
conduite des bas-canadiens et de quelques traîtres
hauts-canadiens. Jamais nous n'avons eu à constater une irritation si vive et en même
temps si
justement sentie. Le joug de fer du Bas-Canada
nous a fait une blessure profonde et aujourd'hui
envenimée. Nous éprouvons plus que du mépris,
il y a en outre de l'amertume."
Mais malgré tous les signes de mécontentement, le projet est devenu loi et le plan
du gouvernement actuel aura pour effet de
la perpétuer. Je suis surpris que certains
membres de l'administration se prêtent à une
pareille tentative. La question des écoles n'est
pas encore réglée. La minorité protestante du
Bas-Canada demande protection, et une pétition à cet effet est déposée devant cette
52
Chambre. Il est évident que la population
n'est pas satisfaite et elle demande justice,
qu'on ait la confédération ou qu'on ne l'ait
pas. Les catholiques romains du Haut- Canada demandent à être mis sur le même
pied que les protestants du Bas-Canada. Si
ces deux minorités souffrent pourquoi ne pas
leur donner justice avant d'établir une confédération? Ces mesures devraient précéder
la confédération, car on ne peut demander au
parlement d'agir les yeux fermés. Si on
retranchait du projet la question du chemin
de fer intercolonial, je crois qu'il se réduirait
à fort peu de chose. Quelques hommes
marquants d'Halifax ont dit: " Le chemin
de fer d'abord, la confédération ensuite."
L'
HON. M. CURRIE—Alors essayons la
confédération sans le chemin de fer. Il
serait plus facile pour les membres des provinces maritines de se rendre à Ottawa
qu'il ne l'était pour les membres de
Sandwich de se rendre à Montréal lors
de l'union. Le chemin de fer Grand-Tronc
a coûté des sommes considérables à la province, mais au moins il sert à quelque
chose. Mais je demande où est la compagnie qui voudrait exploiter le chemin de
fer intecolonial quand même on commencerait par lui faire cadeau de la voie
et du matériel roulant? Les marchands de
Montréal qui veulent passer en Angleterre
pendant l'hiver, prennent toujours la route
de Portland. Autre question: quels produits seraient transportés par l'intercolonial?
Le Grand-Tronc même transporte-t-il beaucoup de grain pendant l'hiver?
L'
HON. M. CURRIE—Mais de Montréal! Est-ce que Huron et Bruce ne se
plaignent pas?
PLUSIEURS VOIX—Mais il n'y a pas
de chemins de fer dans ces comtés. (Rires.)
L'
HON. M. CURRIE—N'y a-t-il pas le
chemin de fer de Buffalo et du lac Huron
qui traverse le comté de Huron? Ne nous
hâtons pas trop, agissons avec prudence.
Nous sommes ici pour modérer toute législation hâtive. Or, s'est-on jamais tant hâté
qu'en cette circonstance? Le gouvernement
est fort, il peut vouloir presser la mesure
sans demander le consentement du peuple.
Mais dans une pareille tentative, il sera
peut-être arrêté par les législatures de la
Nouvelle-Ecosse ou du Nouveau-Brunswick,
car, dans ces deux provinces, on se propose
de discuter à fond la question.
L'
HON. M. ROSS—Mais si la mesure
leur est aussi favorable que le prétend
l'hon. député, elles ne peuvent faire autrement que de l'accepter.
L'
HON. M. McCREA—Si le projet est
contraire aux intérêts du Canada, il s'en suit
qu' il doit être très avantageux aux provinces
d'en bas.
L'
HON. M. CURRIE—La conséquence
ne me paraît nullement logique. La population de ces provinces étant frugale, industrieuse
et intelligente, il pourrait bien lui
paraître peu sage de s'unir à un pays qui,
dans le court espace de dix ans, s' est montré
si extravagant et si prodigue que les dépenses
du gouvernement se sont accrues d'environ
quatre cent pour cent, à part l'augmentation
de la dette publique. L'on n'y a sans doute
pas oublié les escroqueries du Grand-Tronc.
L'
HON. M. ROSS—Lorsque l'hon. député parle des escroqueries du Grand-Tronc,
il avance une chose inexacte.
L'
HON. M. CURRIE—Il se peut que le
terme soit en effet un peu fort; j'ai voulu
parler des fraudes du Grand Tronc. Je disais
donc que les populations des provinces maritimes pourraient hésiter à vouloir s'unir
à un
autre peuple sur le bord de la banqueroute, et
à se charger d'un tarif aussi élevé; elles pourraient également se rappeler la réputation
tarée de nos hommes publics, de ces hommes
qui se sont tellement noircis les uns les autres
qu'il leur faut un plus vaste théâtre et un
autre auditoire pour jouer leur rôle; et elles
ne verront pas, j'en suis sûr, sans le remarquer,
l'unanimité sur cette question de tous ceux
qui de prés ou de loin ont eu affaire au
Grand- Tronc. J'accuse maintenant le gouvernement de faire preuve de mauvaise foi
en introduisant des résolutions qui ont pour
objet l'union de toutes les provinces au lieu
de celle des Canadas seulement. Est ce que
le parti réformiste ne s'est pas prononcé sur
cette dernière question que lors de l'entrée
de M. Brown dans le cabinet, et ne se
trouve-t-elle pas aujourd'hui reléguée au
second plan? La preuve, la voici dans la
résolution adoptée alors par ce parti:—
Proposé par M. HOPE MACKENZIE, secondé
par M. McGIVERIN: "Que nous la
conduite de M. Brown dans ses négociations avec
le gouvernement, ainsi que le projet d'une union
fédérale des Canadas, devant s'étendre, dans l'avenir, aux provinces maritimes et
au territoire du
nord-ouest, parce que nous sommes convaincus
que c'est le seul moyen de régler les difficultés
constitutionnelles du jour."
Je ne suis pas personnellement opposé à la
confédération en elle-même, mais je regarde
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le projet tel qu'il est comme si défectueux
que je ne puis lui donner mon appui. Mes
vues à ce sujet sont exactement celles qu'exprimait dernièrement à Halifax un ministre
du Haut-Canada, l'hon. M. BROWN:—
"En résumé, je suis convaincu qu'il n'existe
aucun doute sur les avantages qui résulteraient
d'une union de toutes les provinces, pourvu que
les termes satisfaissent les besoins légitimes de
chacune et garantissent l'harmonie future de l'administration des affaires,—mais on
se tromperait
étrangement en pensant que les détails du projet
ne pourraient pas le rendre tout à fait inacceptable "
Qui oserait dire que les détails de la mesure
ne l'ont pas en effet rendue impossible? Si
la confédération est nécessaire, établissons-la
sur des bases sages, équitables et permanentes, propres à satisfaire les aspirations
d'une province jeune et vigoureuse; et espérons qu'en ce cas seulement, le parlement
accordera sa sanction nécessaire et suprême.
(Ecoutez! Ecoutez!— Applaudissements.)
Six heures sonnant, l'hon. M. Ross pro- pose d'ajourner les débats à demain,—ce qui
est agréé.
Sur quoi la chambre s'ajourne.