MARDI, 28 février 1865.
M. DUNKIN, continuant son discours
d'hier: —M. l'ORATEUR: lorsqu'hier, grâce
à la bienveillance de la chambre, je reprenais
mon siège, j'étais à comparer le système constitutionnel de la confédération projetée
avec
la constitution des Etats-Unis en premier
lieu, et celle de la Grande-Bretagne en second
lieu. J 'avais disposé de plusieurs des principaux points de comparaison; et la chambre
se rappellera, sans doute, que j'avais établi
une comparaison entre la composition de la
chambre des communes que l'on propose de
nous donner et celle de la chambre des représentants des Etats-Unis. J'ai cherché
à démontrer, et je pense avoir réussi à le faire- que nous nous éloignions absolument
des
principes sur lesquels repose la chambre des
communes en Angleterre, et que nous nous
étions appropriés mal à propos 68 parties les
moins utiles de la constitution de la chambre
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des représentants aux Etats-Unis. L'on
propose en cette circonstance l'adoption
d'un projet qui aura pour effet direct de
réunir dans l'enceinte de notre chambre
des communes, un certain nombre de délégués provinciaux, et non pas un nombre
de membres indépendants du parlement.
Cette tendance de notre système est donc
incompatible avec les principes sur lesquels
repose la constitution anglaise.—Ici, la
législature fédérale étant composée de délégués provinciaux plutôt que de membres
du parlement, inutile pour nous de prétendre
arriver à cette longévité politique sans laquelle
la constitution anglaise peut bien diffcilement subsister. J'arrive maintenant au
conseil législatif, entre la constitution duquel et
celle du sénat des Etats-Unis je vais établir
une comparaison. Les principes sur lesquels
est basé le premier sont diamétralement oppposés à ceux du dernier. Le sénat des Etats-
Unis constitue en lui-même un contrôle fédéral effectif sur la chambre des représentants,
et ce résultat est dû en partie à sa constitution et en partie aux pouvoirs qui lui
sont conférés, et que l'on ne propose pas de
donner au conseil législatif. Tout ce que
l'on peut dire de ce dernier est que sa constitution repose presqu'entièrement sur
les
principes les plus vicieux que l'on ait pu
adopter. L'on dirait qu'on l'a fait tel dans
le but avoué de précipiter les crises politiques. Les membres de ce corps ne devront
aucunement représenter nos provinces,
mais seront nommés à vie par le gouvernement fédéral même et en nombre
suffisant pour constituer une assemblée considérable, mais sans aucune des fonctions
si
sagement assignées au sénat des Etats-Unis.
En fait, les difficultés fédérales qui se présenteront, devront être réglées plutôt
dans
la chambre des communes et le conseil
exécutif, que dans le conseil législatif.
Quant au conseil exécutif, je crois avoir
démontré que comme conséquence nécessaire
du système proposé, nous a lens avoir non- seulement une chambre des communes
morcelée en sections, mais aussi un conseil
exécutif également morcelé. Impossible,
avec un pareil système, de songer à l'existence d'un contrôle fédéral absolu. C'est
donc sur la table du conseil exécutif que
sera résolu le problème fédéral. Mais ce
principe qui doit faire partie intégrale de
la formation du conseil exécutif, est évidemment incompatible avec le principe de
la
constitution anglaise, qui tient le cabinet
entier solidairement responsable de tous les
actes du gouvernement. Dans l'union actuelle des deux Canadas, nous avons dû
depuis des années recourir à l'expédient
d'avoir, pour ainsi dire, deux administrations.
Le plan que l'on nous demande aujourd'hui
d'adopter, pourvoit à l'introduction de six
rouages ou plus dans la machine gouvernementale au lieu de deux que nous trouvons
aujourd'hui déjà trop compliqués. Parmi les
nombreuses difficultés qui surgiront de ce
projet, est celle-ci: la nécessité soit d'avoir
un conseil exécutif dont le personnel sera
trop nombreux, ou bien encore un conseil
qui représentera les différences provinces par
sections de trop peu d'étendue. Partant de
la comparaison de ces trois caractères distinctifs, j'en étais venu à considérer les
relations du gouvernement fédéral avec les
différentes provinces, les comparant aux
relations existant entre le gouvernement des
Etats-Unis et les gouvernements des différents états de l'union américaine. Ces
états de la république voisine débutèrent
dans leur existence avec des constitutions
rédigées sur le même plan général que celle
des Etats-Unis, et de fait les mêmes principes républicains forment la base de toutes
leurs institutions politiques, municipales et
fédérales. Mais dans le cas actuel, l'on nous
propose que tout en débutant avec un système
général, en partie anglais, en partie répulicain, et en partie indépendant de l'un
et
de l'autre, il est laissé à la décision de
chaque province séparée de déterminer la
nature de la constitution locale qu'elle doit
avoir. Chaque province devra, comme de
raison, posséder une chambre élective, mais
quant à la deuxième chambre, chaque législature locale y pourvoira selon qu'elle le
jugera à propos. Les unes la préfèreront
élective, tandis que d'autres croiront plus
avantageux de s'en passer entièrement.
Ensuite, si vous songez au mode de nomination des lieutenants-gouverneurs, il devient
clair comme le jour que vous ne pourrez
jamais faire fonctionner le gouvernement
responsable dans les provinces, et que vous
y verrez s'introduire un système qui ne sera
ni anglais ni républicain, en un mot une
machine dont les rouages seront constamment arrêtés. Quant aux pouvoirs assignés au
gouvernement fédéral, d'un côté, et
aux gouvernements locaux, de l'autre, nous
sommes encore ici témoins d'un grand contraste entre la sagesse qui se manifeste à
cet
égard dans la constitution des Etats—Unis et
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la lacune que l'on découvre dans le système
que l'on nous propose ici. Aux Etats-Unis,
il existe une ligne de démarcation parfaitement tirée entre les fonctions du gouvernement
général et des gouvernements particuliers. Il en est qui pourraient ne pas avoir
de prédilection pour la souveraineté des
états, tandis que d'autres aimeraient à voir
le gouvernement général revêtu de plus de
pouvoirs. Mais une chose est évidente, c'est
qu'avec notre système il est constant que
nous ne courons pas le risque d'avoir rien
d'approchant de la souveraineté des états.
Nous ne savons même pas quels seront les
pouvoirs exercés par le gouvernement général, d'une part, et les législatures locales,
de
l'autre. Différentes attributions sont spécialement conférées aux deux; grand nombre
d'autres sont, d'une manière très confuse,
laissées aux deux; et il existe une disposition bien étrange à l'effet que le gouvernement
général pourra non seulement désavouer
les actes des législatures provinciales, et
restreindre leur initiative en matières de
législation de plus d'une manière, mais encore
que les lois fédérales auront le pas sur les
lois provinciales chaque fois qu'il y aura
incompatibilité entre elles. Or, il est
évident qu'un pareil système ne pourrait
fonctionner bien longtemps sans en arriver à des difficultés très sérieuses. C'est
un des points sur lesquels insiste la dépêche du ministre des colonies et qui est
le sujet de commentaires de la part du
London Times et de l'
Edinburgh Review.
L'on dirait que nos hommes d'état se sont
évertués à multiplier les probabilités d'un
conflit à chaque phase de leur projet. Le
même défaut se présente encore dans l'absence de toute stipulation à l'égard du siège
permanent du gouvernement et de l'existence des tribunaux judiciaires. Quant aux
peines extrêmes que l'on s'est donné d'élever
une haute muraille afin de protéger les institutions du Bas-Canada qui, depuis des
années, n'ont certainement pas contribué à
troubler l'harmonie, je dis que ces précautions qui n'ont d'autre but que d'engager
le
peuple à accepter le projet, sont destinées, à
un jour qui n'est pas très éloigné de nous, à
réveiller les haines éteintes. (Ecoutez!)
J'en étais rendu à ce point de mon argumentation lorsque je me vis contraint d'implorer
l'indulgeuce de la chambre. Il y a
un sujet auquel j'ai déjà fait allusion que je
désire aborder de nouveau, parce que j'ai
presqu'omis d'en parler hier au soir. Une
différence bien marquée entre l'histoire des
Etats-Unis, avant l'époque à laquelle ce pays
rédigea sa constitution, et notre propre histoire, est celle-ci: que l'adoption de
la constitution des Etats-Unis suivit immédiatement
la guerre de l'indépendance. Les hommes
qui adoptaient cette constitution venaient,
côte à côte, de subir les plus pénibles
épreuves que la patience humaine peut
supporter. Ils s'étaient ralliés en faisceaux
serrés pour vaincre les obstacles qui s'étaient
présentés à eux, et leur espérance était commune quant aux heureux résultats devant
découler du nouveau système. Ils avaient
bien essayé la confédération, mais avaient
fini par convenir qu'elle n'était pas à la
hauteur de leurs besoins. Tous s'efforçaient
d'éloigner les maux qu'ils redoutaient de la
part de ce système et d'élever une forte
nationalité qui résisterait aux injures du
temps. Telle était donc leur situation.
Combien la nôtre est différente aujourd'hui!
Il s'en faut de beaucoup que nous ayions
subi les épreuves dont ils sont sortis avec
tant de gloire;—au contraire; nous avons, il
est vrai temporairement mis fin à des hostilités d'un genre bien différent— des hostilités
dans lesquelles nous avons vu nos hommes
publiques se ruer les uns sur les autres et
jusqu'à un certain point les races et les
croyances religieuses se livrer un combat
acharné. (Ecoutez!) Moi pour un, M.
l'ORATEUR, je pense que ces haines se
seraient bientôt éteintes, n'eût été ce malencontreux projet qui menace de les ressusciter.
Toujours est-il que nous avons eu des luttes
dont nous n'avons certainement pas raison
de nous vanter; l'état de choses qui s'est
produit depuis l'union devrait au moins
nous faire rougir! (Ecoutez!) Ce sont là
les seules luttes dont nous ayions été les
témoins malheureux; et lorsqu'on face d'un
passé et d'un présent aussi gros d'orages,
l'on vient nous proposer de former sans délai
une nationalité puissante, à l'ombre d'institutions qui nous assurent presque l'indépendance,
en même temps qu'une montagne de
troubles et de difficutés, je le déclare, M.
l'ORATEUR, il est de notre devoir de ne pas
nous aveugler sur le fait que nous nous
lançons dans une nouvelle carrière sous des
auspices peu favorables. (Ecoutez!) Je
vais maintenant aborder un autre point de
ma comparaison, je veux parler de la situation financière. Je dois, dès le début,
rassurer cette chambre, et j'espère qu'elle
m'en saura gré, sur le fait que je ne lui
520
présenterai que les chiffres qui seront nécessaires à l'élucidation de ma proposition,
et
que ceux que je lui offrirai, personne ne
pourra les récuser. Le contraste entre le
système financier en général que les auteurs
de la constitution des Etats-Unis adoptèrent dès l'origine, et celui que l'on nous
propose aujourd hui, est aussi évident que
possible aux yeux de tout homme intelligent; la même observation s'applique,
en outre, au contraste qui existe entre le
système que nous discutons en ce moment
et le système financier qui fonctionne en
Angleterre. Les auteurs de la constitution des Etats-Unis partirent de ce principe
qu'il ne devait pas y avoir de relations financières entre les Etats-Unis et
les états particuliers,—mais qu'il devait
exister des systèmes financiers, des trésors,
des dettes distinctee pour chacun. Et, à
compter du moment où échoue la tentative
malheureuse de la Grande-Bretagne de
vouloir taxer les colonies, il y a toujours eu
une ligne de démarcation bien prononcée
entre les finances impériales et les finances
coloniales. Nous avons eu nos finances et
nos caisses distinctes sur lesquelles le gouvernement impérial n'a aucun contrôle.
Ce
dernier a encouru et pourra bien encore
encourir des dépenses pour la protection des
colonies; mais le principe admis en Angleterre est que les finances impériales sont
aussi distinctes des finances provinciales que
le sont celles du gouvernement de l'union
américaine et des états qui la composent.
Or, le système que l'on nous propose aujourd'hui n'établit pas de ligne de démarcation
positive entre le trésor fédéral et le trésor
provincial; de fait, c'est un système propre
à jeter la plus grande confusion dans les
différentes administrations. Il faut y regarder
à deux fois avant de bien comprendre comment la confusion va se produire; mais nous
pouvons toujours bien la retracer dans tous
les détails du système, bien que je ne prétende pas que, dans les circonstances actuelles,
il était facile de parer à une difficulté de ce
genre. Dans le cours de la discussion, l'autre
jour, je me rappelle qu'une observation à ce
sujet fut faite dans cette chambre, et que
l'hon. ministre des finances déclara que les
messieurs qui sont hostiles au projet auraient
été très heureux si l'on eut pu forcer les
provinces à recourir à l'impôt direct. A la
vérité, pour rendre le projet acceptable, ce
n'était pas maladroit que de grever le trésor
provincial des dépenses locales; mais le
système, pour se recommander, devait être
assis non pas sur le plus ou moins d'adresse,
mais bien sur la sagesse. Le système que
l'on nous propose est-il aussi avantageux ne
celui qu'auraient dû et pû nous offrir des
hommes d'état? Je ne le pense pas; mais
ce qu'il y a de plus extraordinaire est qu'on
l'annonce à son de trompe et en s'efforçant
de nous faire croire que d'une manière
imperceptible il va produire une révolution
dans l'économie de nos finances! (Ecoutez!)
Or, pour juger de sa valeur intrinsèque,
envisageons-le sous trois points de vue différente,—d'abord, au point de vue de l'actif;
ensuite, au point de vue des dettes et obligations; et, en dernier lieu, au point
de vue
des revenus. Quant à la question de l'actif,
son histoire ne sera pas longue. L'actif de
ces provinces, parlant d'une manière générale, a peu de valeur commerciale. Il
ressemble beaucoup à l'actif d'un failli dont
les livres sont chargés de dettes véreuses; il
importe peu de savoir à qui ou comment il
est réparti. Le principe sur lequel repose
le projet est de porter à la charge du gouvernement fédéral la masse de cet actif.
Les
seules exceptions importantes—bien entendu
que je ne désire pas entrer dans les détails
du projet, mais cependant je dois présenter
à cette chambre certaines parties de ces
détails de manière à faire voir que je ne me
hasarde pas dans des assertions que ne justitient pas les faits —les seules exceptions
importantes, dis-je, à cette règle, sont celles
que je vais énumérer. Certaines propriétés,
telles que les pénitenciers, les prisons, asiles
d'aliénés et autres institutions de charité et
édifices du même genre qui, avec celles dont
je viens de parler, peuvent être désignées
sous le titre de propriétés exceptionnelles,
doivent être transférées par le gouvernement
général aux gouvernements provinciaux.
Et, sauf Terreneuve, les différentes provinces
devront posséder des terres publiques, mines,
minéraux et droits régaliens dans chacune,
et toutes les valeurs qui s'y rapportent,
c'est-à-dire ce qui constitue leurs revenus
territoriaux. Cependant, le gouvernement
général devra conserver les mines, minéraux
et terres publiques de Terreneuve, en en
payant l'équivalent bien entendu. (Ecoutez!)
Ensuite, le Haut et le Bas-Canada auront
respectivement l'actif des dettes qu'ils
doivent payer; mais comme cela ne constitue
pas une bien grande valeur je ne me donnerai pas le trouble d'en parler bien au long.
Qu'il sufise de dire que, pour une raison
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quelconque, l'on n'a pas encore fait connaître
la juste proportion des dettes portées à la
charge de ces deux provinces, et que l'actif
de ces dettes représente un bien faible
montant. Je ne sais pas si je me fais illusion, mais il me semble avoir entendu dire,
l'autre soir, au procureur-général du Bas- Canada, que la seigneurie de Sorel formerait
partie de l'actif du Bas-Canada. Si tel n'est
pas le cas, je vais continuer, mais si j'ai
raison, je serais heureux de l'apprendre des
lèvres mêmes de cet hon. monsieur.
M. DUNKIN—Dans ce cas, je suppose
que je dois rester convaincu que cette seigneurie ne formera pas partie de l'actif
de
cette province
M. DUNKIN—Eh bien! M. l'ORATEUR,
je dois avouer franchement que j'espérais
bien avoir une réponse décisive à la question
de savoir si cette seigneurie doit ou non
former partie de l'actif du Bas-Canada;
mais l'hon. monsieur ne me semble pas
disposé à me renseigner sur ce point. Il est
déclaré, dans ces résolutions, que toutes les
propriétés de l'artillerie appartiendront au
gouvernement général; or, je n'ai jamais
entendu lire que la seigneurie de Sorel
formât partie de ces propriétés. Mais d'après
ce qui a été dit dans cette chambre l'autre
jour, il semblerait que ce document ne nous
renseigne guère sur ce point, bien qu'il soit
l'expression même du projet. La rédaction
de la 55e résolution comporte que les
propriétés cédées par le parlement impérial et dénommées propriétés de l'artillerie,
devront appartenir au gouvernement
général; si partie de ces propriétés doit
réellement retomber dans l'actif provincial,
ce sera, je suppose, en vertu de certaines
explications que ne contient pas le projet,
et qui nous seront sans doute fournies un de
ces beaux jours. (Ecoutez!) Mais laissons
là le mystère qui semble envelopper ce sujet
et abordons un autre côté de la question
qui ne donne certainement de prise à
l'erreur. En effet, il est évidemment bien
reconnu que les terres, mines et minéraux
de Terreneuve doivent former partie de
l'actif fédéral; et il n'est pas douteux, non
plus, que le gouvernement fédéral aura à
payer $150,000 par année comme équivalent. Il est bien constant que ces terres
coûteront cette somme; et il est également
certain que leur administration entraînera
encore beaucoup de troubles et de ditiicultés.
Mais si la nature humaine est la même
partout, nous pouvons prévoir qu'elles ne
rapporteront pas au gouvernement général
les revenus que l'on en attend Dans la
chambre. des communes ainsi que dans
l'autre chambre, nous aurons des délégués
de Terreneuve; or, pour tenir ces messieurs
en belle humeur et pour permettre au lieutenant-gouverneur de Terreneuve de diriger
son gouvernement avec bonheur, il faudra
que ces terres, mines et minéraux soient
administrés non pas au plus grand bénéfice
du revenu fédéral—bien qu'ils coûteront
$l50,000 par année—mais de manière à
gagner l'affection des habitants de Terreneuve. De fait, je suis convaincu que l'on
verra que l'administration de ces propriétés
tournera plus au profit de Terreneuve qu'à
celui de la population de la Nouvelle-Ecosse,
du Nouveau-Brunswick et du Haut et du
Bas-Canada. Les hommes, femmes et enfants
de Terreneuve — à partir du lieutenant- gouverneur—finiront par croire que l'une
de leurs maximes politiques sera de veiller
à ce que l'administration de ces biens contribue avant tout à assurer l'avenir de
ce
grand pays! Et l'on ne tardera pas, comme
conséquence, à voir surgir de nombreuses
difficultés entre la province et le gouvernement fédéral —difficultés qui, tout en
diminuant l'influence de ce dernier, serviront à
démontrer une fois de plus l'embarras dans
lequel se trouvent placés les gouvernements
quand il s'agit de transiger une fois les
déboursés faits. Je passe maintenant au
passif qui, à coup sûr, a une beaucoup plus
grande importance que l'actif. (Ecoutez!)
Sur ce point, il ne saurait y avoir d'erreur,
bien qu'il semble en exister une dans les
résolutions à. ce sujet, si vous les prenez à
la lettre. La 60e résolution décrète que le
gouvernement général devra prendre comme
siennes toutes les dettes et obligations de
chaque province; tandis que la 6le dit que
partie de notre dette canadienne devra être
supportée par le Haut et le Bas-Canada
respectivement. Je pense que la 60e résolution contient à-peu-près la vérité, ou
plutôt qu'elle ne dit pas toute la vérité.
Mais il faut se creuser le cerveau et suivre
les calculs pas à pas pour arriver à découvrir que ces dettes retomberont toutes,
directement ou indirectement, sur le gouveruement fédéral. Cependant, avant que
522
d'arriver à cette partie de mon argument,
je prétends qu'en vertu de la soixante- unième résolution il y a un certain montant
de la dette réservé d'une manière certaine
comme devant retomber sur le Haut et le
Bas-Canada. De même que pour les propriétés de l'artillerie, il est impossible d'avoir
de renseignements intelligibles sur ce qui
doit constituer les dettes ainsi réservées,
quant à chaque province, ou quel est l'actif
que chacune doit recevoir comme compensation. Mais l'on nous dit que, dans le but
de fonder la dette de la future confédération,
le Haut et le Bas-Canada devront y verser
un montant de $62,500,000, en sus de la
dette qu'ils devront supporter après qu'ils
formeront partie de la confédération; d'un
autre côté, la Nouvelle-Ecosse aura la faculté
de pouvoir augmenter sa dette au chiffre de
$8,000,000, et Terreneuve et l'Ile du Prince- Edouard devront inscrire la leur au
chiffre
actuel. Mais, par un expédiant des plus
ingénieux, la totalité de la dette réelle du
pays devra atteindre effectivement un chiffre
beaucoup plus élevé que tous ces montants
réunis. Le Haut et le Bas-Canada, d'abord,
devront, comme nous l'avons vu, supporter
l'excédant de leur dette sur les $62,500,000,
ou $25 par tête, tel que prescrit par cet
arrangement. La Nouvelle-Ecosse et le
Nouveau-Brunswick, s'ils n'accroissent pas
leurs dettes à un chiffre représentant $25
par tête, devront toucher l'intérêt de cinq
pour cent sur tout montant moindre. Et
Terreneuve ainsi que l'Ile du Prince- Edouard auront droit au même taux d'intérêt
sur le montant de toute somme moindre
que celle de $25 par tête. Conséquemment,
dans un but pratique, les dettes des quatre
provinces maritimes sont ainsi fixées au
même niveau. Le gouvernement fédéral
devra payer l'intérêt de ces dettes jusqu'à ce montant, sinon aux créanciers
de ces provinces, alors aux provinces
elles-mêmes. Ainsi donc, il est constant
que nous allons entrer dans la confédération
avec une dette certaine de $25 par tête. Que
nous soyions ou non tenus de la payer, cela
importe peu. Il y a encore les dettes laissées
nominalement à la charge du Haut-Canada,
dont j'aurai bientôt un mot à dire. Dans
l'intervalle, j'abordc la troisième division.—
les revenus. Le fait le plus saillant qui se
présente ce prime-abord est que le gouvernement fédéral devra faire à chaque province
des subventions annuelles payables semestriellement et d'avance, calculées d'après
sa population établie par le recensement
de 1861, et au taux de 80 centins par
tête. Ce qui m'étonne c'est la manière
en laquelle on a pu arriver à cette répartition de 80 centins par tête. Selon les
explications données dans cette chambre
par les ministres, les ministres des finances
des différentes provinces furent invités à la
conférence de soumettre un budget de leur
situation. Naturellement ce budget devait
être préparé au point de vue de l'économie.
Ces choses doivent toujours se faire d'une
manière économique. C'est là le langage
diplomatique dont nous comprenons ici toute
la portée; je ne fus donc aucunement surpris
d'apprendre qu'avec toute l'économie qui a
présidé a la préparation de ces budgets, il a
fallu en retrancher certains items. Je ne me
rappelle pas si cette dernière opération a eu
lieu une ou deux fois, mais ce que je sais
c'est qu'après avoir été ainsi élagués, l'on
juges à propos d'accorder cette subvention
de 80 centins par tête sur toute la ligne, à
la condition toutefois d'opérer certaines réductions quant aux Canadas et certaines
additions quant aux provinces maritimes, et c'est
ce que nous verrons présentement. Avec
une somme moindre, les provinces n'auraient
pu se gouverner sans avoir recours aux taxes
si peu désirées. Or, indépendamment de
ces subventions, les provinces (sauf Terreneuve) doivent conserver les produits de
leurs terres, mines et minéraux; et Terreneuve doit recevoir, comme équivalent, $
150,000, par année, du trésor fédéral et à perpétuité. De plus, elles pourront toutes
retirer des
revenus indirects des licences de toute sorte;
et Terreneuve pourra, à ces avantages, ajouter
un droit exceptionnel d'exportation sur ces
charbons et autres minéraux, et le Nouveau- Brunswick un pareil droit sur ses bois.
En
outre de tout cela et sur le prétexte qu'il ne
peut s'en passer, le Nouveau-Brunswick doit
recevoir du gouvernement fédéral une autre
subvention de $63,000 pendant dix ans, à
moins qu'il n'augmente pas sa dette au
chiffre fixé, auquel cas tous intérêts qui lui
seront payés à cet égard seront déduits des
$63.000—moyen très ingénieux, soit dit en
passant, de lui faire voir qu'il ferait bien de
ne pas se montrer trop économe; enfin,
toutes les provinces auront l'avantage inappréciable de l'impôt direct, et le privilège
d'emprunter sans limites. Le gouvernement
fédéral aura naturellement le pouvoir d'imposer toute sorte de taxes, sauf sur les
droits
spéciaux d'exportation réservés au Nouveau-
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Brunswick et à la Nouvelle-Écosse. Or, M.
l'ORATEUR, en prenant en considération l'ensemble de cet arrangement, je dois déclarer
de nouveau que je ne puis y découvrir qu'un
seul principe. Les provinces pourront faire
fonctionner leurs gouvernements sans danger
de se voir exposées à recourir à l'impôt
direct, c'est-à-dire à des taxes écrasantes ou
nouvelles. Eh bien! M. l'ORATEUR, les
ingénieurs prétendent que ce qui constitue
la puissance d'une place forte se trouve dans
la puissance de ses parties faibles. Ce principe est dans le cas actuel appliqué à
nos
provinces au point de vue des finances. Les
besoins des plus nécessiteuses constituent la
mesure de la subvention accordée à toutes.
Les plus génées dans leurs finances recevront
assez pour leurs besoins, et les autres auront,
si non autant, du moins assez pour les satisfaire toutes; tandis que, d'un autre côté,
les
dettes de toutes les provinces devront être,
pour toutes les fins, élevées au niveau de
celles qui sont les plus obérées. Pour le
démontrer, M. l'ORATEUR, je dirai quelques
mots du montant des subventions promises
au Bas et au Haut-Canada. Ces subventions,
comme nous l'avons vu, ne doivent consister
que des 80 centins par tête, moins certaines
déductions, dont je n'ai que faire de tenir
compte dans le moment; mais il est indubitable qu'ils devront recevoir moins que
les 80 centins, parce que l'excédant de
leur dette sur les $62,500,000 devra être
garanti, et l'intérêt devra en être payé
par le gouvernement fédéral, et cet intérêt sera déduit par le gouvernement fédérale
des subventions qui leur sont respectivement accordées. Alors, les provinces
maritimes, comme nous l'avons également
vu, devront en réalité recevoir davantage.
Or, supposons pour un moment que l'arrangement eût été que la confédération aurait
assumé toute la dette du Canada et payé en
conséquence des intérêts plus élevés aux
autres provinces, dans ce cas les deux
Canadas n'auraient eu besoin que d'une
subvention moindre de même que les autres
provinces.—Pour le trésor fédéral, le coût
total aurait toujours été le même. Je dis
donc, qu'indirectement, pour toutes les
fins l'on a imposé au gouvernement général
le montant entier des dettes antérieures de
ces provinces, et plus encore le fardeau entier
du fonctionnement de la machine gouvernementale, tant fédérale que provinciale, à
moins que plus tard il arrive que certaines
provinces jugent à propos de faire des
dépenses extraordinaires et de les payer elles- mêmes. C'est ce que je ne pense pas,
car
cela entraînerait l'impôt direct, sans lequel
elles peuvent fort bien se tirer d'affaires.
Mais quant à cette partie du plan, c'est
précisément comme le reste; l'on a voulu
faire les choses de manière à plaire à tout le
monde, n'ayant en vue que l'idée politique
de s'assurer des partisans, mettant de côté
la question de savoir si le système fonctionnerait toujours bien et quels en seraient
les effets. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien!
M. l'ORATEUR, maintenant que nous voilà
familiarisés avec le système, j 'aimerais beaucoup à savoir où se trouve la perspective
de
pouvoir administrer avec économie les affaires
politiques? Quelle sera la mission qu'aura
à remplir le ministre des finances du gouvernement fédéral?—Celle de se présenter,
tenant à la main un budget couvrant non
seulement les dépenses du gouvernement
fédéral, mais un budget couvrant aussi tout
ce que j'appellerai dépenses normales, dépenses projetées et dépenses prévues de
toutes les provinces. (Ecoutez! écoutez!)
Le ministre des finances de la province,
—s'il y en a un,—n'aura que faire de
préparer un budget, à moins qu'il n'excède ses revenus; —à moins qu'avec son
lieutenant-gouverneur et son gouvernement
local, il ne préfère dépenser plus qu'il ne
peut recevoir du gouvernement fédéral,—sous
ce système, ou la modification ingénieuse
de ce système à laquelle l'on ne tardera pas
d'avoir recours et à laquelle je vais sous peu
faire allusion. Il saura fort bien qu'il doit
retirer tant pour les terres, mines et minéraux,
tant des licences et le reste, tant de mille ou
centaines de mille piastres en tou t; il en
tirera naturellement tout le parti qu'il
pourra. Un fait digne de remarque est que
d'un commun accord ceux qui ont entrepris
d'éclairer les différentes provinces sur la
question de la confédération, ont invariablement rehaussé aux yeux des habitants de
ces provinces les conséquences innappréciables du marché avantageux qu'elles
faisaient. (Ecoutez!) Mon hon. ami de
Hochelaga nous a donné lecture, l'autre soir,
d'un extrait d'un discours prononcé par
l'hon. M. TILLEY, du Nouveau-Brunswick,
dans lequel ce monsieur expliquait à sa satisfaction et à celle de ses auditeurs,
que le
Nouveau-Brunsvick avait la garantie de
toucher une somme de $34,000 par année
de plus qu'il n'en avait besoin. Si je
ne me trompe, l'hon. soliciteur-général
524
du Bas-Canada a cherché à démontrer à
cette chambre que la somme de près de
$200,000 ou plus par année serait de la
même manière garantie au Bas-Canada,
quand bien même il ne recevrait pas la
somme complète de 80 centins par tête. Il me
semble que je me rappelle avoir entendu dire
à l'hon. président du conseil,—bien que je
n'aie pas le compte-rendu de son discours
pour me rafraichir la mémoire,—que le Haut
et le Bas-Canada y gagneraient beaucoup
sous ce rapport. Je pense qu'à la Nouvelle
Ecosse, c'est également les mêmes raisons
que l'on apporte à l'appui du projet. Quant
à l'Ile du Prince-Edouard, les avocats de la
confédération ne se gênent pas de dire au
peuple: " vous aussi, vous avez fait un bon
marché, vous avez tout de plus à dépenser
que vous n'aviez auparavant." Etrange
commentaire sur le désir sincère d'opérer
des économies que l'on prétend avoir été la
base de tous ces arrangement! (Ecoutez!)
Si telle était l'intention, le but a certainement été manqué. (Ecoutez!) Et avant
de passer outre, il me vient à l'esprit un fait
surgissant de cet état de choses,—de cette
abondance, pour ne pas dire pléthore, qui
doit faire la prospérité de la caisse publique
des provinces, quelque soit le sort qui attende
celle du gouvernement fédéral sous ce
systeme—un fait, dis-je, que l'on ne doit pas
perdre de vue quand l'on parle d'imposer à
nos provinces une constitution ressemblant
bien peu au gourvernement responsable. Je
n'ai encore jamais entendu parler d'un corps
législatif électif qui exercât une grande
influence sur un gouvernement, à moins
d'avoir en ses mains les cordons de la bourse
publique. Autrefois, avant qu'on ne songeât
un gouvernement responsable, lorsque les
revenus casuels et territoriaux étaient plus
que suffisants pour le fonctionnement des
gouvernements provinciaux—les législatures
provinciales n'exerçaient qu'une bien faible
influence sur le gouvernement, et c'est à
peine si elles pouvaient se faire entendre
quand elles avaient des griefs à. formuler.
En Angleterre, la même chose se produisit
bien longtemps auparavnt. Lorsque la
couronne avait d'abondantes ressources, les
rois d'Angleterre se souciaient fort peu
de leurs parlements. Mais lorsque ces
ressources eurent fini par s'épuiser, que l'on
se vit forcé de recourir aux emprunts et
d'imposer des taxes, alors la chambre des
communes commença à. prendre de l'autorité,
et avec le temps devint ce qu'elle est ajour
d'hui. Je ne serais pas surpris, si la confédération a lieu, que pendant un certain
temps
nos législatures provinciales, qu'elles soient
composées de deux chambres ou d'une seule,
seront moins puissantes qu'on le voudrait et
qu'elles ne seront pas seules à conduire le
char de l'état. Mais il y a encore un autre
résultat que l'on ne saurait révoquer en
doute. D'un commun accord, non seulement à Terreneuve—dont je parlais il n'y a
qu'un instant ainsi que de ses terres, mines
et minéraux, — mais encore dans toutes
les provinces, les gouvernements provinciaux viendront à avoir besoin d'argent,
et les législateurs et le peuple encore plus;
subventions pour les chemins et ponts, pour
les écoles, pour les maisons de charité, salaires,
dépenses contingentes du corps législatif—
mais où le prendront-ils? Que l'exécutif provincial soit responsable au peuple ou
non, soyez
convaincu qu'il évitera soigneusement de se
placer davantage sous le contrôle de la législature, ou de se rendre impopulaire;
alors le
moyen le plus simple pour ce dernier de se procurer les sommes demandées, sera de
s'adresser
au gouvernement général. Je suis à peu
près certain que les membres des législatures
provinciales préfèreront aussi ce moyen.
(Ecoutez!) Dailleurs, se procurer des deniers par ce moyen est un mode qui n'expose
pas à perdre sa popularité. Tout au contraire, les députés se présenteront devant
leurs commettents avec la conscience à l'aise
et leur diront: " Il est vrai que nos travaux
parlementaires n'ont pas été bien considérables; Vous ne devez donc pas nous questionner
trop minutieusement sur ce que nous avons
fait; mais nous devons vous annoncer que nous
avons réussi à engager le gouvernement fédéral à augmentcr de 5 centins par tête la
subvention en faveur de nos provinces—et voyez ce
que cela vous donne—$500 pour ce chemin-ci
—$1,000 pour cette maison de charité—
tant ici—tant là—voilà ce que nous avons
fait. N'êtes-vous pas contents de nous?"
(Ecoutez!) M'est avis que, dans un grand
nombre de colléges électoraux, la réponse
serait: " oui, vous avec bien mérité de nous;
faites-le encore." Je crains bien que les
gouvernements locaux finiront ainsi par
épuiser les ressources du gouvernement
fédéral.
M. DUNKIN—Oui, c'est une des analogies, mais il y en a une plus frappante encore.
525
Il a plusieurs années de cela, nous avons
décrété en Canada que nous voterions à
perpétuité une somme fixe par année pour
subventionner le fonds de l'éducation qui
devait être partagé entre le Haut et le Bas- Canada, d'après une certaine proportion;
mais au bout d'une certaine époque, si le
recensement indiquait des variations dans
le chiffre de la population, le partage devait
être modifié. Ce changement de proportion
ne tarda pas à donner au Bas-Canada une
somme moins forte. " Oh! mais, s'écria
l'administration, nous ne pouvons consacrer
une pareille injustice envers le Bas-Canada.
Après lui avoir donné tant de milliers de
louis par année, il est impossible maintenant
de lui en allouer moins.! Non! non! nous
ne ferons pas cela. Mais alors que ferons- nous? Dans notre budget nous allons insérer
une certaine somme pour le Bas-Canada, juste
assez pour porter le chiffre au montant qu'il
recevait auparavant. Mais ensuite? Ah!
comme de raison, il faudra aussi voter pour le
Haut-Canada une somme pareille que nous
ajouterons à l'octroi qu'il recevait deja. "
(Ecoutez!) Je trouve, précisément au sujet
de cette subvention, une expression assez
caractéristique, si elle était prise à la lettre,
en parfait paiement. " Cette subvention sera
en parfait paiement de toutes demandes
futures au gouvernement général pour des
objets locaux et sera payée d'avance, semestriellement, à chaque province." Oui, M.
l'ORATEUR, c'est ce que disent les résolutions.
Mais supposons que nous soyions arrivés
au règne de notre premier, second ou
troisième cabinet fédéral, composé de six
sections ou plus, comme il le sera naturellement, et que chacune de ces sections exerce
un contrôle facile sur les délégués de sa province dans les deux chambres du parlement,
que la machine fonctionne admirablement,
qu'il n'existe pas de lieutenant-gouverneur
récalcitrant, d'administration rétive, et de
législature provinciale ne donnant d'autre
trouble que de se bien faire payer; supposons que cet heureux état de choses se
perpétue pendant quelque temps encore,
jusqu'à ce que deux ou un plus grand
nombre de provinces commencent à s'apercevoir qu'il leur faut absolument plus d'argent.
La pression sur la législature provinciale et
le lieutenant-gouverneur, ainsi que sur les
délégués à la législature générale et les
membres du conseil exécutif représentant
chaque province, sera telle qu'il deviendra
bientôt impossible de s'y soustraire; si l'on
résiste à ce désir si fortement exprimé, le
trouble va commencer et il est de l'intérêt
du gouvernement que les choses aillent au
mieux! (écoutez!) Un moyen—le plus prompt,
bien que le moins scientifique,—sera d'augmenter la subvention de 80 à 85 centins,
ou
même à. 81 ou 82 centins par tête. Un
centin additionnel par tête puisé au trésor
fédéral mérite considération; quelques centins de plus par tête est un bénéfice net.
Ou bien supposons que la demande se présente sous cette forme; que le peuple du
Haut ou du Bas-Canada dise, par exemple:
" Ces Terreneuviens reçoivent $150,000
par année pour leurs terres, leurs mines
et leurs minéraux; et il est avéré que
le gouvernement fédéral est chargé de
l'administration de ces terres, mines et
minéraux, non pas pour le bénéfice de la
confédération, mais plutôt pour celui de
cette province; conséquemment, que le gouvernement fédéral prenne nos terres, nos
mines et nos minéraux et nous donne aussi
un équivalent." Voilà une manière avantageuse de formuler une pareille demande, et
croyez-moi, le jour où elle sera faite, elle
paraîtra fort rationnelle aux provinces dont
les représentants seront chargés de la faire
valoir; si deux ou trois provinces l'appuient,
prenez-en ma parole, elle ne manquera pas
d'être écoutée. La même chose pourra se
présenter au sujet du droit d'exportation
sur les bois du Nouveau-Brunswick et du
droit d'exportation sur les mines de la Nouvelle-Ecosse. Voici comment ces prétentions
pourront se faire jour; l'on pourra dire:
" Vous conférez des privilèges exceptionnels
au Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle- Ecosse; nous tenons à les avoir nous aussi,
ou leur équivalent." Avec un peu d'ingénuité, de pareilles demandes pourront se produire
fréquemment. Mais tout ce qui sera
ainsi concédé à une province, il faudra aussi
le concéder aux autres, e les chiffres qui
représentront ces faveurs exceptionnelles ne
manqueront pas d'épouvanter l'esprit public.
Et ce n'est pas tout encore. Non seuleument
vous verrez surgir ces demandes directes,—
faites avec plus ou moins d'ingénuité, si vous
voulez, mais toujours irrésistibles,—mais il
se présentera aussi des demandes faites d'une
manière plus indirecte et qu'il sera encore
plus difficile de refuser, en conséquence du
fait que le but n'en percera pas aussi visiblement, et dont les effets seront encore
plus
désastreux.—Je veux parler de ce catalogue
sans fin de dépenses qui peuvent avoir lieu
526
sans qu'il paraisse que ce soit une subvention
au profit d'une province en particulier—de ces
faveurs dispendieuscs au bénéfice de certains
passages d'eau entre deux provinces, des
lignes de bateaux à vapeur, des lignes de
télégraphe, de l'agriculture, de l'immigration,
de la quarantaine, des pêcheries et le reste.
Il se produira des réclamations de toutes les
espèces dans ces différentes catégories; sans
compter qu'il y aura toujours la liste interminable des améliorations intérieures
de toute
nature, pour le bénéfice d'une ou de plusieurs
provinces. Pour des travaux locaux qu'on
réussira à représenter comme étant d'un
intérêt général, l'on pourra toujours exercer
une grande pression sur le gouvernement
général, et lorsqu'une province aura fini
par avoir une pareille subvention, toutes les
autres devront être traitées sur le même pied.
Le système des compensations devra régner
sur toute la ligne, et l'intelligence humaine ne
saurait jamais calculer à quel degré d'extravagance nous serons bientôt arrivés.
(Ecoutez!) Nous en avons en la preuve dans
le Haut et le Bas-Canada. Nous savons
fort bien que quand une section de la province a reçu quelque subvention, l'on n'a
pu
éviter d'en faire autant pour l'autre. Si
l'une de ces sections tenait à. se faire voter
certaines sommes d'argent, il fallait bien que
le ministre des finances exerçât toute son
ingénuité pour découvrir un moyen de
donner un équivalent à l'autre. En un
mot, à moins que je ne me trompe grossièrement, il me semble que ces gouvernements
opèreront précisément comme des
sangsues, et qu'ils ne cesseront de crier a
tour de rôle: Encore! encore! encore! Mais,
M, l'ORATEUR, il est inutile de s'attacher
davantage à des considérations de cette
nature portant sur un avenir plus ou moins
imaginaire. (les résolutions nous menacent
de quelque chose qui ne doit pas se faire
attendre, je veux parler de ce que nous
devrons dépenser pour notre armement, le
chemin de fer intercolonial, l'ouverture des
communications avec le Nord-Ouest et
l'élargissement de nos canaux. Personne
ne peut douter que l'on ne se propose de
commencer de suite tous ces travaux. On
ne sait encore ce qu'il nous en coûtera, et
on n'aurait pu nous le dire sans compromettre le projet. Non pas que je prétende
que quelques uns de ces travaux ne soient
nécessaires; au contaire, en ce qui regarde
l'organisation de nos défenses militaires, je
suit prêt à dire que toute province anglaise
est obligée de contribuer pour sa part à
se mettre sur un bon pied de défense.
(Ecoutez! écoutez!) Je n'ai jamais voté
ou dit quoique ce soit dans le sens contraire; cette question m'a toujours trouvé
prêt à l'appuyer de mon vote et de ma voix.
(Ecoutez! écoutez!) Mais je ne saurais, en
face de la dépense considérable, je dirai plus,
en face de l'énorme dépense dont on nous
fait entrevoir ici la perspective, je ne saurais
envisager la question sans une émotion de
frayeur. Je comprends que nous épuisions
jusqu'à. notre dernier son disponible pour
faire honneur au maintien efficace de notre
milice et à. notre organisation militaire, mais
lorsque j'entends des ingénieurs impériaux,
combiner avec leurs idées anglaises de
dépenses, tout un système de travaux et de
fortifications militaires, je ne puis m'empêcher de faire remarquer qu'il nous faudra
aborder cette question avec prudence et
économie. (Ecoutez! écoutez!) Pour ce qui
regarde le chemin de fer intercolonial, les
résolutions sont on ne peut plus obscures:—
" Le gouvernement général, y est-il dit,
devra faire compléter, sans délai, le chemin
de fer intercolonial, de la Rivière-du-Loup
à Truro, dans la Nouvelle- Ecosse, en le
fesant passer par le Nouveau-Brunnwick,"—
et cela sans s'occuper nullement des frais.
On en peut conclure que cet arrangement
assez indéfini oblige le gouvernement général
de faire compléter sur le champ cette grande
entreprise. Je n'ai pas une idée bien exagérée des avantages militaires ou commerciaux
que nous donnera ce chemin de fer
que l'on a prôné outre mesure à ces deux
points de vue, car je crois qu'à moins d'être
gardé par des corps de troupes nombreuses,
il ne nous sera, comme ouvrage militaire,
d'aucune valeur. (Ecoutez!) Pour ma part,
et je l'ai souvent répété, je désire rien tant
que de voir se construire ce chemin de fer,
mais je préférerais qu'on s'en passât encore
quelque temps et qu'on s'occupât d'améliorer les autres moyens de communication
que nous avons sous la main, plutôt que de
s'engager à le faire et dans des conditions hors
de proportion avec nos ressources De ce
que je désire l'entreprise, je ne saurais
néanmoins la désirer dans les termes de ces
résolutions qui déclarent que nous allons la
faire, coûte que coûte. J'ai même quelques
doutes sur la sagesse d'une telle conduite.
(Ecoutez! écoutez!) Envisagé au point de
vue politique, ce chemin de fer est un
ouvrage autant impérial que provincial, et
527
par conséquent pour lequel nous avons le
droit d'attendre de l'aide de la métropole.
Je sais bien qu'on a dit que celle-ci allait,
en effet, nous aider; mais il y a longtemps
que nous disons à la métropole et aux provinces du golfe: — " convenez ensemble de
faire le reste, et nous sommes prêts à mettre
dans l'entreprise nos terres et nos capitaux
suivant une certaine proportion et un chiffre
déterminé." En vérité, il est malheureux
que cette offre n'ait abouti à rien, car j'aurais
vu avec plaisir l'affaire se conclure dans de
telles conditions, quand même nous eussions
dû atteindre la dernière limite de contribution possible.
M. DUNKIN — Je le sais, mais celles qui
ont été proposées depuis l'ont fait totalement
perdre de vue. L'offre de l862 était de
contribuer pour les cinq-douzièmes des frais
de toute l'entreprise, à condition pour la
Grande-Bretagne de réduire le coût à un
chiffre déterminé, en se portant caution.
(Ecoutez!) Le Canada, en vertu du dernier
projet, aura à contribuer pour à peu près
les neuf-douzièmes,—on a même dit dix- douzièmes,—mais en tout cas les neuf- douzièmes;
c'est-à-dire, que tout le fardeau
doit nous retomber sur les épaules, et je ne
sais si je me trompe, mais il me semble qu'il
n'est plus question de la garantie impériale,
quoique je ne prétende pas que les auteurs
de cette résolution l'ait fait à dessein. Qu'on
veuille bien croire que ce que je dis ici
n'est pas simplement une critique de ma
part, car la chose ne m'a sauté aux yeux
qu'après qu'un article de l'
Edinburgh Review, cité hier soir par moi, eût signalé
le fait à mon attention. L'écrivain qui
occupe un rang éminent, soyons-en convaincus, remarque qu'en effet d'après la
teneur de la résolution, les hon. membres de
la conférence semblent se soucier nullement
de la garantie impériale. S'il en était ainsi,
le coût se trouverait porté à une somme
excessivement élevée, et l'on sait si nous
avons besoin d'un tel accroissement de fardeau. Les hon. messieurs qui veulent nous
engager dans cette entreprise ne se souviennent donc plus du passé? Qui ne se rappelle
que le chemin de fer Grand-Tronc devait
nous coûter presque rien du tout? La
garantie qu'on nous demandait était peu de
chose et se trouvait d'ailleurs parfaitement
assurée; on se proposait même de n'en
point faire usage, c'était une pure affaire de
forme. Qu'est-il arrivé? Non seulement on
se prévalut de la garantie, mais on l'étendit
et nous dûmes nous résoudre à en faire le
sacrifice; toutes les évaluations se trouvèrent
fausses, et on n'a cessé depuis de demander
de l'aide, toujours de l'aide! Malgré tout,
cependant, l'entreprise se trouve encore
aujourd'hui dans un tel état que nous
sommes menacés à chaque instant de nous
voir demander de l'aide pour en continuer
le fonctionnement. Mais je laisse de côté
ces lourds engagements que nous devons
contracter pour la construction d'ouvrages
militaires et du chemin de fer intercolonial,
pour m'occuper de la résolution suivante du
projet de confédération, laquelle déclare
que:—
"Les communications avec les territoires du
Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au
développement du commerce du Grand-Ouest avec
la mer, sont regardées comme etant de la plus
haute importance pour les provinces confédérees,
et comme devant mériter l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra
l'état des
finances."
Or, on nous dit que ces derniers mots
équivalent a ceux de "sans délai" dont on
se sert dans la résolution au sujet du chemin
de fer intercolonial. Ceci me rappelle un
mot que l'on attribue à lord SYDENHAM, qui
aimait que la besogne se fit quelque fois plus
vite qu'on ne le voulait, et qui demandait
d'une chose qu'elle eût à se faire sur le
champ sinon plus tôt. (Ecoutez! écoutez!
on rit.) Je crois que ce chemin de fer intercolonial doit se faire de même " sur le
champ
sinon plus tôt "— et que les autres travaux
doivent aussi être exécutés " sur le champ
sinon plus tard,"—aussitôt que le permettra
l'état es finances. Je sais que plusieurs
croient que cela se fera bientôt; s'il en
devait être ainsi, c'est qu'on aurait découvert
quelque moyen extraordinaire d'emprunter
ou d'emplir d'une autre manière les coffres
publics. (Ecoutez! écoutez!) Rien de plus
vague que les indices donnés sur la nature
de ces travaux. Ainsi, par exemple,
quant aux communications avec le Nord- Ouest, quel est le point de départ de ces
communications, où passeront-elles, quel sera
leur terminus? Quant aux autres travaux
qui se rattachent à nos débouchés vers la mer
et à l'élargissement de nos canaux, quelle
capacité doit-on donner à ceux-ci, et quels sont
les canaux qui seront améliorés? Un de mes
hon. voisins murmure que l'élargissement
des canaux est ou serait avantageux:—oui,
528
mais dans quelle proportion? Je me rappelle
avoir lu l'autre jour, dans un journal des provinces du golfe, un discours prononcé
par
l'hon. M. TILLEY, lequel disait " qu'ayant
cherché dans le cours de la conférence de
Québec, quelle était la valeur productive de
toutes les sommes dépensées par les provinces
en travaux donnant un revenu, en avait
trouvé que le revenu ne s'élevait qu'à une
moyenne de 1 1/8 par cent par année, ou à
peu près, sur leur coût total." J'avoue que
l'élargissement de ces canaux ne se fera pas
sans profit, mais il est absurde de prétendre
que ce profit devra être proportionné à la
dépense qu'il occasionnera. Je dis donc que
nous sommes pour encourir de suite les frais
de la construction du chemin de fer intercolonial et de cette autre entreprise aussi:—
néanmoins, il n'est permis à personne de ne
pas voir que ces canaux ainsi que ces communications avec le Nord-Ouest, que les députés
de cette partie du pays regardent
comme l'équivalent de ce qu'ils accordent
ailleurs, sont pour être retardés un tant soit
peu. Je regrette d'avoir oublié un extrait
que j'ai pris dans un des derniers discours
de l'hon. M. TILLEY, lequel donne à entendre, dans les termes les plus clairs, que
l'exécution immédiate de ces travaux de
l'Ouest n'entrait pas dans les calculs de la
conférence et que le chemin de fer devait être
fait de suite et avant toute autre entreprise,
mais que les délégués des provinces du golfe
ne s'étaient pas engagés en retour à en faire
autant des autres ouvrages mentionnés plus
haut. (Ecoutez! écoutez!)
M. DUNKIN KlN — Dans un des derniers
numéros du
Leader de Toronto, et je lirai le
texte avec plaisir si quelqu'un de mes hon.
auditeurs veut bien se donner la peine de
m'apporter le journal en question. Cependant, M. l'ORATEUR, je ne veux pas, en
disant ces choses, jeter le moindre doute sur
la sincérité de qui que ce soit, car je crois
les hommes publics des provinces d'en-bas
sincères dans leur demande de la construction
du chemin de fer intercolonial et dans la
disposition où ils sont de commencer les
autres travaux aussitôt que possible; mais
tout cela n'empêche pas les amis que le
projet compte dans l'ouest du pays de désirer
que les travaux qui doivent s'y faire commencent sur le champ. Peut-être les uns et
les autres se flattent-ils d'obtenir ce qu'ils
demandent, ce qui serait le comble de la
crédulité, car la chose me parait impossible.
Je crois donc qu'ils s'aveuglent eux-mêmes
ainsi que leurs amis sur le magnifique tableau
qu'ils se plaisent à charger de couleurs les
plus brillantes, et que mes amis de l'Ouest
au moins vont se trouver en butte au plus
amer des désappointements. Si jamais un
parlement fédéral vient à siéger, il me semble
que ce sera pour lui une grave question
à décider, savoir: si l'état des finances
publiques permet ou non d'entreprendre
tous ces travaux, et, s'il le permet, lequel
passera avant tous les autres. comment et
quand on le commencera? Comme je l'ai
démontré, il se fera bien peu de choses à
moins que les six majorités ne se trouvent
d'accord.
M. DUNKIN—Sans doute et trois fois
aussi défectueux au moins. Supposons,
néanmoins, que les financiers des provinces
du golfe, avec la crainte de la taxe directe
dans l'âme, conviennent qu'il importe peu
que ces ouvrages dans l'ouest du Canada se
fassent ou non dans quelques années, et
proposent auparavant d'en évaluer le coût.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Et qu'ils
insistent, par exemple, à ce qu'on fasse une
exploration comme première opération.
M. DUNKIN—En effet, c'est ce qu'ils
demanderaient probablement avant de vouloir
s'engager davantage dans l'entreprise. Supposons donc que le Bas-Canada se joigne
aux provinces d'en-bas pour ajourner le
commencement de ces travaux, comment
veut-on dès lors que la demande du Haut- Canada ait quelque chance de succès? Quelle
ne sera pas l'indignation du Haut-Canada de
se trouver lié et contrôlé par l'influence des
populations arriérées de l'Est? Supposons
encore que le Bas-Canada se trouve d'accord
avec le Haut-Canada, et que les autres
provinces aient des raisons de se plaindre de
l'extrême prudence de l'Est et de l'imprudence exagérée de l'Ouest, ne s'exposerait-on
pas, en les laissant ainsi de côté, à les voir
se livrer à des actes au moins désagréables?
Supposons encore que les intérêts de l'extrême Est et de l'Ouest se liguent pour l'exécution
des deux plans sans souci des frais, et que
le Bas-Canada se retire en arrière effrayé par
la perspective de la taxe directe, croit-on qu'il
ne s'en suivrait aucun trouble? Est-ce qu'aucune des suppositions que je viens de
faire
n'est pas plus probable ne la froide
prétention des députés de l'Ouest que lorsque
529
le temps sera arrivé tous les intérêts se
ligueront ensemble et que tout se fera à la
fois et comme par enchantement dans l'Est
et dans l'Ouest? Quoiqu'il en soit, M.
l'ORATEUR, nous sommes sûrs de dépenses
et de querelles autant et plus que nous n'en
désirerons sur ces trois chapitres des défenses,
du chemin de fer intercolonial et des
travaux de l'Ouest. Mais, il en est un
quatrième que je ne saurais passer sous
silence, et à propos duquel nous allons être
obligés, comme je vais le prouver, d'encourir
des dépenses très considérables parce qu'il
se trouve à faire partie du projet. Le
développement de notre puissance devra se
faire à l'occident et nous aurons à nous
confédérer à tout ce qui se trouvera sur notre
chemin, de Terreneuve à l'Ile de Vancouver
y compris. Cependant, nous ne devons pas
oublier qu'à mi-chemin se trouve le territoire
de la Baie d'Hudson, que nous aurons à en
faire l'acquisition, et qu'une fois acquis il
pourrait bien arriver que nous trouvions
coûteux de le garder, car il n'est pas difficile
de prouver que telle est l'intention des
rédacteurs du projet actuel. Mais avant que
de voir ce dernier recevoir tout son accomplissement en fait de chemins de fer, de
canaux
et d'extension occidentale, le trésor public
aura reçu des saignées, et le peuple aura vu des
choses dont on saurait à peine se douter.
(Ecoutez! écoutez!) Où est, en présence de
ces frais gigantesques qui vont nous être
imposés, où est, je le répète, la perspective
d'un revenu gigantesque?
M. DUNKIN—Sans doute il est des
députés que la chose intéresse peu que de
savoir où doivent se prendre les fonds, du
moment qu'ils seront dépensés suivant leur
désir; mais, avant que d'aller plus loin, on me
passe le
Leader de Toronto, et je lirai, avec
la permission de la chambre, les extraits du
discours de l'hon. M. TILLEY, dont j'ai parlé
il y a quelques minutes:—ce journal en dit
ce qui suit:—
"Il nous fait peine de voir M. TILLEY nous laisser
aussi peu d'espoir sur l'élargissement prochain de
nos canaux, et rire du soin que son adversaire
prend de citer M. BROWN, comme preuve que ces
travaux doivent se faire surle champ.
"La conférence, " ajoute M. TILLEY, " a convenu de construire le chemin de fer sans
délai,
et les canaux lorsque le permettra l'état des
finances," —et il ridiculise l'idée que les finances
pourront de suite permettre d'entreprendre ces
travaux.
"Le Canada," continue M. TILLEY, " ne peut
avoir été induit à faire partie de la confédération
par cette promesse d'amélioration de ses canaux,
car le chemin de fer coûtera $42,000,000, laquelle
somme ajoutée à celle de $22,000,000 pour les
canaux, formerait un montant beaucoup plus élevé
que celui que ces travaux lui auraient coûté sans
la confédération. "
Telles sont les réflexions de l'hon. M.
TILLEY; tout le monde conviendra avec moi
qu'elles ne sont pas de nature à fortifier
beaucoup les espérances conçues par mes
hon. collègues de l'Ouest. Il est probable
qu'il aura pour l'appuyer Terreneuve, l'Ile du
Prince-Edouard et la Nouvelle-Écosse et une
assez forte partie du Bas-Canada;—quant à
moi, je ferais tout en mon pouvoir pour leur
assurer justice égale si j'avais l'honneur de
siéger dans la chambre; mais, je le répète,
je ne m'attends pas à les voir se déclarer
en faveur du résultat. Quoiqu'il en soit, M.
l'ORATEUR, il devra se faire une dépense
énorme de deniers publics; mais où les
prendra-t-on? Nous ne pouvons nous dissimuler que notre législation douanière doit
être modifiée (Ecoutez.) Car il n'y a pas
à se le cacher, notre tarif se trouve
beaucoup plus élevé que celui des provinces
d'en-bas, et les avocats du projet ont dû
promettre à la population que le tarif ne
serait pas considérablement augmenté afin
de se faire écouter. En disant, au contraire,
aux populations du golfe que le tarif canadien
serait celui de la confédération, c'eût été
détruire toutes les chances de le leur faire
accepter. (Ecoutez! écoutez!) Nous marchons à grands pas et résolument vers le libre
échange. D'un côté, il nous faut complaire
aux provinces du golfe qui sont hostiles
aux tarifs élevés, de l'autre il nous fait
accéder à la demande que nous fait la
métropole de ne pas imposer aussi lourdement ses manufactures afin de ne pas,
suivant son expression, la priver de notre
marché. Il a été positivement et distinctement annoncé l'autre jour à Terreneuve,
que
le gouvernement de cette île avait reçu l'assurance que telles étaient les vues de
celui du
Canada, et je ne crois pas qu'on fasse erreur
ni d'un côté ni de l'autre. Pour prouver
combien le peuple anglais espère aussi de
son côté que nous allons abaisser nos droits
d'entrée sur ses manufactures, je renverrai
au discours de M. HAMBURY TRACY, qui a
secondé l'adresse en réponse au dernier
discours du trône dans la chambre des communes. Après avoir dit en général qu'il
regardait avec plaisir ce mouvement de confédération, il n'a pu s'empêcher d'ajouter
530
qu'il espérait que l'un des résultats de ce
mouvement serait de réduire le tarif si absurde
et si élevé du Canada. Ce ne sont peut-être
pas là les propres expressions dont ce monsieur s'est servi, mais tel a été du moins
le
sens de ce qu'il a dit. Mais, s'il est vrai
que notre tarif doive être réduit, nous devons
nous attendre à voir aussi notre revenu
décroître dans la même proportion. Je conviendrai sans peine que l'abaissement des
droits sur certains articles, ou même qu'une
réduction générale de l'échelle des droits
d'un tarif, puisse se faire sans pertes
considérables et quelquefois avec profit
pour le fisc dans les temps ordinaires de
prospérité;— mais du moment que la raison
de ce remaniement du tarif est de satisfaire
à d'autres exigences qu'à celles du trésor,
il est assez difficile de croire qu'une telle
ligne de conduite produira le revenu le
plus considérable possible. D'ailleurs, qui
peut se dissimuler que nous sommes à la
veille d'entrer dans une époque commerciale
assez critique? Depuis quelques années,
le chiffre de nos importations s'est élevé
assez haut; aussi nos hommes d'affaires les
plus entendus s'accordent-ils à dire que ce
chiffre sera peu de chose pendant quelque
temps. Nous ne devons donc pas nous attendre d'ici à quelques années à voir l'argent
affluer dans es coffres du fisc.
M. DUNKIN—Oui, ils sont arrivés, ils
nous pressent. et menacent même de durer
longtemps. Si donc, avec un tel état de
choses, nous sommes encore obligés, pour
plaire à la métropole et aux provinces du
golfe pour des raisons de nécessité, de réduire
notre tarif au-dessous de ce que j'appelerai
le chiffre du plus grand bénéfice, comment
espérer un accroissement de revenu, ou même
de conserver celui que nous avons aujourd'hui? N'est-il pas bien étrange que dans
le
même temps on nous demande de révolutionner tout notre système et de nous engager
dans les dépenses énormes que l'on propose
dans ce projet? Il n'y a pas d'impôts qui
puissent jamais faire honneur à de tels engagements; il nous faudra donc recourir
à
l'emprunt, à l'emprunt sans limite, à un emprunt dont l'intérêt et le fonds d'amortissement
constitueront seuls un fardeau écrasant
pour l'avenir. (Ecoutez! écoutez!) Mais,
j'oublie que nous ne pouvons emprunter
pour un chiffre assez élevé sans le faire sous
de faux prétextes, sans faire de notre con
dition, de nos ressources et de notre avenir,
une peinture des plus exagérées. Il nous
faudra éveiller dans l'esprit des prêteurs à
l'étranger des espérances qui ne se réaliseront
jamais et dont le souvenir tournera dans
l'avenir à. notre détriment. Puis, lorsque
l'époque des échéances viendra, nous verrons
le pays, chancelant sous le fardeau, sans
crédit chez lui ni a l'étranger et obligé de
choisir entre une lourde taxe directe,—car elle
ne pourra manquer de l'être alors,—ou une
répudiation plus ou moins complète, et peut- être même hors d'état de pouvoir échapper
ni
à l'un ni à l'autre de ces malheurs. Si donc, M.
l'ORATEUR, ce jour néfaste se lève jamais
sur le Canada, les hommes publics et les
populations d'alors sur lesquelles pèsera le
fardeau, seront loin de bénir la mémoire de
ceux qui, sur de fausses représentations.
essaient aujourd'hui de nous attirer dans de
folles dépenses et dans une dette écrasante.
Ecoutez! écoutez!) J'aborderai maintenant,
M. l'ORATEUR, une autre division de mon
sujet, car le contraste entre le système
américain et celui qui nous est proposé ne
s'arrête pas à ce que je viens de démontrer.
Lorsque le peuple des Etats-Unis vote sa
constitution, il comptait parmi les nations
indépendantes du globe, et combina le régime
qu'il adoptait suivant les conditions de son
existence nationale. Il sortait triomphant
des guerres de son indépendance, et ce fut
dans toute la chaleur de ses victoires qu'il
se mit à jeter les fondements d'un système
absolument national. Son gouvernement
allait se trouver en rapport avec celui des
autres nations et devait par conséquent être
certain d'avoir beaucoup à faire en entrant
dans la grande famille des nations;—mais,
nous, que faisons nous? Est-ce qu'en vérité,
nous jetons les bases d'une nouvelle nationalité, ainsi que le prétendent les pères
du
projet actuel, car je ne sais encore si nous
devons prendre cette phrase comme une mauvaise plaisanterie, ou non? Ou bien encore,
serait-ce pour nous faire ressouvenir qu
nous ne présentons aucun élément de nationalité, dévisés que nous sommes en plusieurs
petits peuples qui cherchent à se constituer
chacun de leur côté? Nous n'avons pas,
comme les Etats-Unis, de relations extérieures, ni de grandes questions nationales
qui nous préoccupent; par suite, la nouvelle
nationalité qu'on veut créer n'existera jamais
que de nom. A mon avis, l'idée de fédération!
exclut celle de nos rapports avec le gouvernement impérial. Quand nous changerons
nos
531
institutions, nous devrons nous attacher à
maintenir et à fortifier, d'après le système
fédéral, les liens qui nous unissent a la
mère-patrie. (Ecoutez!) C'est à l'empire
entier et non pas à un certain nombre de
colonies disséminées qu'on devrait appliquer
le système fédéral. Un gouvernement général
ou fédéral, comme on l'appelle, tel qu'on
nous le propose aujourd'hui, se trouvera
nécessairement dans une fausse position.
Comme je viens de le dire, le gouvernement
fédéral des Etats-Unis était appelé à prendre
rang dans la grande famille des nations, mais
quelle place nous est réservée?——aucune. Le
gouvernement impérial sera, comme aujourd'hui, chef de l'empire, dirigera toutes nos
relations avec l'étranger et décidera de toutes
les grandes questions nationales; nous ne
serons rien de plus que maintenant. Une
demi—douzaine de colonies réunies sous un
gouvernement fédéral ne forment, après tout,
qu'une colonie confédérée. Au lieu d'être
autant de provinces séparées, avec de bonnes
institutions parlementaires, nous ne formel'ons qu'une vaste province ayant une mauvaise
organisation, et voilà tout. Combien
de nuances de gouvernements nous offre ce
système? Le gouvernement impérial, souverain de l'empire; notre gouvernement
fédéral; les gouvernements locaux; puis,
au—dessous, nos municipalités de comté et
nos municipalités de canton et autres municipalités locales. (Ecoutez!) Nous aurons
cinq appareils de mécanisme gouvernemental
dont, un, à mon avis, est de trop. Pourquoi
ne pas en avoir six, tandis que nous y
sommes, et organiser un système d'administration dans les districts? Ce ne serait
pas
plus absurde que d'ériger ce nouveau gou—
vernement bâtard entre les gouvernements
impérial et provincial. Nous n'avons pas
besoin d'un troisième gouvernement municipal Car il n'aurait rien à faire; or, lorsqu'on
nous propose de créer un gouvernement
fédéral, qui sera un intermédiaire entre les
gouvernements impérial et provincial, nous
érigeons une corporation qui, n'ayant rien
à faire, devra empiéter tour a tour sur les
attributionss de l'un et de l'autre sans nous
donner de relations extérieures et par suite
aucun rang parmi les nations. Le gouvernement fédéral sera, vis—à—vis du gouvernement
impérial, dans la position qu'occupaient
à cet égard le Haut et le Bas— Canada avant
l'union. L'œuvre administrative qu'accomplissent aujourd'hui séparément les provinces
u Canada, du Nouveau—Brunswick, de la
Nouvelle—Ecosse, de l'Ile du Prince-Edouard
et de Terreneuve, sera faite en partie par le
gouvernement fédéral et en partie par les
provinces. C'est une simple subdivision de
a tâche actuelle et, selon moi, il n'existe
aucune raison d'opérer cette subdivision.
C'est mettre une cinquième roue à un
caresse, et cette cinquième roue qui ne fonctionnera pas par elle-même entravera encore
le mouvement des quatre autres. (Ecoutez!)
Votre gouvernement fédéral sera, vis—à-vis
du gouvernement impérial, dans la position
anormale qu'occuperont, comme je l'ai dit
hier soir, les lieutenants—gouverneurs entre
l'autorité fédérale et les provinces. Les uns
comme les autres, seront hors de place, et pour
se créer un emploi ils feront naître des
difficultés. Je ne vois pas à quoi ils peuvent
être bons, mais je comprends qu'ils peuvent
nous faire beaucoup de mal. (Ecoutez!)
La grande difficulté de notre position n'est
pas réglée par le projet actuel. Quelle est
cette difficulté? Les plus vastes dépendances
de l'empire jouissent du gouvernement
responsable qui leur est pleinement accordé
et qui fonctionne dans tous ses détails; la
difficulté actuelle qui devrait le plus préoccuper nos hommes d'état est que notre
union
avec l'empire n'est pas assez ressérée et
qu'elle n'est nullement fédérale. Les provinces, avec leur gouvernement local et
responsable, sont trop indépendantes les unes
des autres; il n'y a pas assez d'union entre
elles et la mère— patrie, pour que leurs relations
soient bien conduites; d'ailleurs, ces relations
n'annoncent pas devoir durer bien longtemps.
Dans notre organisation actuelle, il y a, si je
puis m'exprimer ainsi, un excédant de
force centrifuge. (Ecoutez!) Les grandes
provinces sont trop séparées et se préoccupent
trop de considérations purement locales, laissant de côté les considérations générales
et
celles qui intéressent tout l'empire. Cette
tendance fait qu'en Angleterre nos intérêts
cessent peu—ù-peu d'être représentés Ce
qu'il nous faut, dans l'intérêt de l'empire
et de ses parties constituantes, c'est une
fédéralisation de tout l'empire, non pas une
petite confédération çà là composée de
maigres parcelles du grand tout. Je n'ai
ce soir ni le temps ni la force d'expliquer
comment je comprends cette fédération; je
désire seulement ajouter quelques mots sur
ce point. Il n'y a longtemps que le
Canada et d'autres colonies n'avaient point
de ministres de la milice. Aujour 'hui
même, dans notre cabinet, nous n'avons pas
532
de ministre spécialement chargé de vieiller
aux intérêts impériaux. Dans aucune des
provinces un ministre, ou même un ministère,
n'a nullement mission de s'occuper du grand
point dans notre position actuelle, c'est-à- dire de régler nos relations avec la
mère- patrie. On me dira que c'est l'affaire du
gouverneur. Mais ce dernier consulte ses
ministres sur bien d'autres sujets. S'il ne
s'occupe pas de ce sujet important, cela veut
donc dire que personne n'y songe. Je citerai
ici un ou deux faits bien connus dans
l'histoire contemporaine du Canada. En
1862, lorsqu'on discutait dans cette chambre
le bill de milice, l'opposition demanda, à
diverses reprises, au gouvernement s'il
avait reçu à ce sujet quelques communications du gouvernement impérial et qu'on
fit connaître ces documents. A cette question
la réponse invariable a toujours été que
l'administration n'avait rien reçu. Or, si
nous avions eu un ministre,— secrétaire- provincial, ministre de la milice ou tout
autre
membre du cabinet—chargé spécialement de
ce détail important du service public, ayant
mission de s'occuper des relations de la
mère-patrie avec nous, pareille réponse
n'eût jamais été faite, et le bill n'aurait pas
été rejeté à la seconde lecture. L'autre jour,
lorsqu'on a soumis à la chambre un bill relatif aux maraudeurs et aux aubains, on
nous
a dit que la mère-patrie désirait nous voir
passer une loi à cet égard, et la loi a passé.
Mais c'est par exception qu'on nous a communiqué ce renseignement. Il y a une vaste
catégorie de questions qui surgissent continuellement et qui affectent les intérêts
impériaux et les nôtres, et nous devrions avoir,
—nous serons même forcés d'avoir, si nos
relations avec la mère-patrie continuent, —
un ministre de la couronne spécialement
chargé de s'occuper de ces questions, toujours prêt à répondre à une interpellation
dans ce sens et responsable, sous ce rapport,
vis-à-vis de la chambre. Personne ne nie
que le gouverneur-général est notre intermédiaire naturel avec le gouvernement impérial.
Il est l'humble sujet et le représentant de la
Reine, et ses communications doivent être confidentielles, tant qu'il ne juge pas
à propos de
les rendre publiques. Mais, en admettant ce
fait, en outre des communications de cette
nature qu'il pourra en tous temps librement
échanger avec le gouvernement impérial, si
nous devons rester unis à ce dernier nous
devrons avoir avec lui un autre genre de
communications, au sujet desquelles le gou
verneur devra recevoir l'avis d'un ministre
spécialement chargé de conduire nos relations
avec la mère-patrie et qui sera de fait un
conseiller local, pour ces questions, des conseillers impériaux de Sa Majesté en Angleterre.
En un mot, nous devons développer
la phase impériale de notre système provincial; nous devons chercher les moyens de
maintenir l'harmonie entre notre politique et
celle de la mère-patrie; et, si nous n'en venons
pas là c'en est fait de notre union avec l'empire.
Si nous avions, dans les diverses administrations provinciales, un membre chargé de
ce
département spécial du service public, comme
dernièrement nous en avons eu un chargé
d'étudier la double question de la milice et
de la défense du pays,—si ces ministres des
relations impériales visitaient périodiquement l'Angleterre pour conférer avec les
ministres anglais conformément à certaines
instructions, si nous organisions un conseil
colonial analogue, jusqu'à un certain point,
au conseil des affaires des Indes Orientales
récemment créé, si en un mot nous faisions
un pas dans cette direction, ce serait le
moyen de développer convenablement nos
relations avec l'empire et, en même temps,
le premier pas, qui coûte toujours le plus
vers la grande fédération impériale dont
nous avons si grandement besoin. Mais je ne
vois aucune disposition à cet effet dans le
système qu'on nous propose, rien qui tende
vers ce but dont nous semblons, au contraire,
nous éloigner. On nous propose de créer, dans
cette partie des possessions de Sa Majesté,
une sous-confédération, si je puis ainsi dire,
qui ne tend à rien moins qu'à exclure le
principe que j'ai mis en avant. Si nous
avions eu, il y a quelques années, une organisation de ce genre, elle nous eût été
extrêmement utile. Supposez, M. l'ORATEUR,
que cette organisation eût existé à l'époque
du " bill d'indemnité pour les pertes souffertes dans l'insurrection de 1837,"—bill
qui a tellement agité le pays; supposez que
lord ELGIN, pour répondre à l'indignation
concentrée sur lui par ce qu'on le supposait
favorable à ce bill, eût été à même de dire:
"c'est en vain que vous me demandez de
résister à l'avis de mes ministres et de faire
ce que vous demandez; vous savez qu'en
Angleterre il existe un tribunal auquel vous
pouver en appeler de cette décision, ce tribunal vous entendra et vous rendra justice
si tant est que vos droits ont été lésés." M.
l'ORATEUR, si le gouverneur-général avait pu
faire cette réponse aux violents adversaires de
533
cette mesure, l'hôtel du parlement n'eût pas
été incendié, et nous n'aurions pas à déplorer
la longue série de troubles qui ont suivi cette
catastrophe et qui ont tellement bouleversé
et discrédité le pays. Voici un autre exemple:
si nous avions en une organisation de ce
genre lorsque fut conclu le traité des pêche
cheries entre la France et l'Angleterre à la
condition que Terreueuve l'accepterait, nous
n'aurions pas été témoins de cette étrange
manière de procéder, car les représentants de
Terroneuve et des autres provinces auraient
fait comprendre au gouvernement impérial
que cette mesure ne serait pas approuvée par
cette colonie ni par aucune province de l'Amérique Britannique du Nord. L'Angleterre
n'aurait pas conclu un traité qu'elle a été
honteusement obligée de désspprouver—risquant, en outre, de compromettre ses relations
amicales avec une uissance étrangère.
M. SCOBLE— Est—ce que la chambre des
communes ne suffit pas pour remplacer l'or—
ganisation dont vous parlez?
M. DUNKIN ——La chambre des communes
ne connaît rien de nos affaires et s'en soucie
du reste fort peu. (Ecoutez!) Je répète que
si nous avions eu en Angleterre un conseil
colonial où les représentants des différentes
administrations provinciales auraient pu se
réunir et consulter les ministres de Sa
Majesté, nous n'aurions pas eu de diflicultés.
Nombre de questions eussent été réglées
d'une manière bien plus satisfaisante qu'elles
ne l'ont été. Par exemple, la question de la
frontière Nord-Est n'eût jamais été réglée
avec les États—Unis d'une façon si peu conforme a nos vues et à nos intérêts; sans
compter qu'elle eût été réglée plus tôt.
Lorsqu'une difficulté s'éleva entre ce pays
et l'Angleterre à propos de notre tarif, et
que les fabricants de Sheffield cherchèrcnt
à soulever l'animosité contre nous parce que,
dans le seul but d'augmenter notre revenu,
nous imposâmes sur les articles fabriqués
des droits, selon eux, beaucoup trop élevés,
si, à cette époque, nous eussions en l'organisation dont il s'agit, toutes ces rumeurs
et
ces appréhensions à nous défavorables n'auraient pas eu crédit en Angleterre, et ne
trouveraient pas un écho même dans la
chambre des communes. En un mot, sous
ce système, je ne vois pas comment nous
pouvons continuer d'avoir des relations satisfaisantes avec l'empire. C'est ce vide
dans
notre constitution qui fait qu'aux yeux de bien
des Anglais, nous sommes dans un état de
transition entre la séparation et l'indépen
dance, tandis que réellement nous demanderions un état de choses qui est l'antipode
de
l'indépendance. (Ecoutez!) M. l'Orateur,
je disais que, dans ce projet. il n'y a aucune
tendance conservatrice, aucune indication du
désir de développer, fortifier et perpétuer
notre union avec l'empire. Or, on atteindrait
parfaitement ce but sans le mécanisme
inutile de la fédération. Car, malgré tous les
détours qu'on essaie de prendre, l'idée
fondamentale de ce projet la voici: créer
ici quel ue chose,—royaume, vice-royauté
ou principauté, — qui bientôt se trouvera,
vis—à—vis de la couronne anglaise, dans la
position qu'occupaient l'lrlande et l'Ecosse
avant leur union législative avec l'Angleterre;
une combinaison qui ne se rattachera à la
couronne que par un vague droit d'allégeance
qui, pour l' Ecosse et plus tard pour l'Irlande,
a paru très-insuffisant au moment décisif;
qui n'a pas empêché l'Ecosse et l'Irlande
d'agir tellement à l'encontre de l'Angleterre,
que ces pays ont jugé nécessaire de changer
radicalement leurs relations et d'établir une
union législative au lieu d'une union purement nominale. Supposons qu'on crée ici
un royaume ou rincipauté unie à l'empire
par ce semblant e lieu, on ne tardera pas à
constater ne ce semblant d'allégeance est
aussi insuffisant pour nous qu'il l'a été pour
les pays dont je viens de parler; et alors il
s'agira, entre l'empire et nous, d'une séparation définitive ou d'une union législative.
Mais, aux yeux de bien des gens ici et
en Angleterre, une union législative de
l'Amérique Britannique du Nord avec l'Angleterre est une impossibilité complète; et
lorsqu'on posera cette question: " il faut nous
relier de cette façon au royaume—uni ou
nous en séparer complétement," l'on répondra: " séparons—nous et à tout prix."
Voilà, je crois, M. l'ORATEUR, a quoi nous
entraîne ce projet; si donc, sous d'autres
rapports, je le trouvais avantageux, je
devrais y être opposé en ma qualité de sujet
Anglais désirant rester uni à la mère-patrie.
Supposez, d'autre part, que ce projet ne soit
pas mis a exécution, je ne vois aucune difficulté à appliquer au Canada l'autre plan
que je viens de suggérer pour placer sur un
meilleur pied nos relations avec l'empire. Il
est probable aussi qu'il ne serait pas difficile
d'établir une union législative entre les
provinces du golfe et de créer bientôt entre
elles un système parfait de libre échange.
Car, sur ce dernier point, nous avons eu
depuis quelques années le libre échange, ou
534
a-peu-près, avec les Etats-Unis, pourquoi
donc ne pas l'avoir avec les provinces du
golfe? (Ecoutez!) Je répète aussi que nous
ferions bien mieux de songer à maintenir et
fortifier notre union avec la mère-patrie,
que d'adopter le plan qui nous conduit infailliblement à la séparation de la mère-patrie.
(Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, on doit
encore considérer ce projet à un autre point
de vue. Lorsque les Etats-Unis ont établi
leurs institutions actuelles ils naissaient
comme peuple, c'est vrai, mais ils n'avaient
pas, à côté d'eux, un dangereux voisin. Or,
nous ne sommes pas encore une nation et
nous avons ici-près un dangereux, un très-,
dangereux voisin. A ce sujet, voici la 30e
résolution:—
"Le gouvernement général et le parlement
auront tous les pouvoirs. dont ils auront besoin,
comme portion de l'empire britannique, pour
remplir, envers les pays étrangers, les obligations
naissant des traités qui existeront ou pourront
exister entre la Grande-Bretagne et ces pays."
Il est juste que le gouvernement général
ait ces pouvoirs; mais le fait même qu'on
est obligé de faire une pareille réserve indique
malheureusement trop bien que l'horizon est
sombre du côté de nos voisins C'est une
chose singulière que, d'un côté, nous ayions
recours à cette union par la juste crainte
que nous inspirent les Etats-Unis, tandis
qu'avec la plus grande assurance on étale
devant nous nos immenses ressources qui
font de nous la troisième ou quatrième puissance maritime du monde. Je ne discuterai
pas cette question de grandeur devant les
hon. ministres. Mais réellement ils m'ont
étonné; j'ignorais que nous fussions si grands.
(Ecoutez!) Mais on ajoute que, malgré
toute notre splendeur, nous devons par
crainte des Etats-Unis opérer promptement
cette union; comme si la puissance des
Etats-Unis ou leur hostilité à notre égard
allaient être modifiées par cette combinaison!
Ne seraient-ils pas, au contraire, portés
davantage à nous jalouser si, tout-à-coup,
nous nous posons en rivaux de leur puissance? (Ecoutez!) A ce sujet, je crois que
plusieurs questions doivent nous préoccuper.
Plusieurs hon. messieurs croient qu'ils ont
tout dit quand ils ont répondu à cette
question: " Quelles sont nos ressources? "
Prenant pour base de leurs calculs, la vaste
étendue de ce territoire, ils arrivent aux
résultats les plus étonnants en ce qui concerne notre commerce, ils multiplient à
l'infini le tonnage de nos navires et ajoutent les
importations aux exportations, y compris
même le trafic à l'intérieur entre les différentes provinces. Pourquoi, d'après le
même principe, ne pas tenir compte du
trafic de comté à comté, d'un canton à un
autre et de la ville avec la campagne, en
ajoutant chaque item à notre liste d'importations et d'exportations? Nous arriverions
bien vite ainsi à prouver que nous faisons un
commerce plus considérable que tout le reste
de l'univers ensemble. Malheureusement,
une fois ce beau calcul fini, on constaterait
que le reste du monde fait plus d'affaires et
est plus riche, plus populeux et plus fort que
nous. Il ne s'agit pas seulement de savoir
quelles sont nos ressources, il faut savoir ce
qu'elles sont comparativement à celles des
Etats-Unis en premier lieu. Est-ce à dire
que plus un pays est grand plus il est fort?
Nous serons, je suppose, quatre millions
d'habitants dans un pays aussi grand ou
plus grand que l'Europe. Pour ma part,
j'aimerais mieux que nous fussions quatre
millions dans un pays plus petit que l'Angleterre. La Nouvelle-Angleterre seule est
plus peuplée et a plus de ressources que les
provinces du golfe et le Bas-Canada réunis,
et sa position compacte et plus avantageuse
la mettrait à même de tenir tête aux unes et
à l'autre.
M. DUNKIN—Je n'ai pas dit cela: j'ai
dit plus forte que le Bas-Canada et les
provinces inférieures.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Elle a à
peu près la même population, deux millions
et demi, mais nous avons plus de navires.
M. DUNKIN — Ma crainte est que si
nous entrions en lutte, beaucoup de ces
navires changeraient de maîtres. Dans tous
les cas, nous la trouverions chaude, cette
lutte. (Ecoutez! écoutez!)
M. DUNKIN—Oui, oui; " Brag est un
bon chien, mais Holdfast en est un meilleur."
Vient ensuite l'état de New-York, auquel le
Haut-Canada ne pourrait tenir tête, et New- York n'est qu'un des états limitrophes
du
Haut-Canada. Où est l'homme de bon sens,
M. l'ORATEUR, qui croira que ces provinces
sont capables de lutter contre la Nouvelle- Angleterre, New-York et les autres états
situés le long de notre frontière? Et, cependant, l'on nous parle tout comme si la
con
535
fédération devait faire de nous une puissance
de troisième ou quatrième rang, ou une
puissance maritime! Mais ce que je voulais
dire particulièrement, c'est que trop de
territoire, et par-dessus tout une trop grande
étendue de frontière exposée, diminuent
notre force au lieu de l'augmenter. Notre
force serait une longue et étroite ligne de
braves à l'uniforme rouge, laquelle ne pourrait résister au choc aussi bien qu'un
carré
solide.
M. DUNKIN—Si l'hon. député de
Peterborough pense qu'au point de vue
militaire la longueur et l'étroitesse de notre
territoire ajoute à nos forces; s'il pense que la
longue étendue de notre frontière augmente
notre force, je lui conseille respectueusemcnt
d'aller à l'une de nos écoles militaires. (On
rit!) Mais, sérieusement, M. l'ORATEUR, si
nous comparons nos ressources à celles des
Etats-Unis, nous verrons, ainsi que je l'ai
dit, que les leurs sont immensément supérieures.
M. DUNKIN—Ce n'est pas là ma comparaison. On est continuellement à nous
dire ce que la confédération va faire de
nous, qu'elle va nous transformer en une
grande puissance, et pourtant il n'en sera
rien; mais ici se présente une troisième
question à laquelle nous avons à répondre.
Comment les Etats-Unis vont-ils envisager
la politique que l'on veut nous forcer à
adopter, et que je puis appeler un effort
d'indépendance hostile tenté dans le but
avoué de nous ériger en une grande
puissance pour les tenir en échec, dans le
but avoué de donner de l'extension à nos
institutions et de resserrer nos liens avec
l'empire britannique? Quel est est celui de
ces deux cas qui leur paraîtra le moins
agressif? Ici encore se présente une autre
question. Quelle sera l'attitude de l'Angleterre dans l'une ou l'autre de ces suppositions?
Comme je l'ai dit, la question à
d'abord trait à nos ressources; ensuite, à
leur comparaison avec celles des Etats-Unis;
en troisième lieu, à leur attitude vis-à-vis
de nous dans le cas de l'une ou l'autre de
ces deux suppositions; en quatrième lieu, à
l'attitude de la Grande-Bretagne à l'égard
de chacune de ces suppositions; et, enfin de
compte, au contre-coup que nous ressentirons
de l'attitude que les deux pays auront prise
dans les deux cas. Si nous pensons, M. l'ORATEUR, que nous pouvons inculquer au
peuple lidée que par une union des provinces nous serons en mesure de nous
protéger, nous ne faisons que nous jouer
nous-même tout en essayant d'en jouer
d'autres. Le peuple des Etats-Unis est plus
fort que nous et connu comme ayant cette
supériorité. Si nous pouvons lui tenir tête,
ce ne sera qu'en restant fortement et toujours attachés à la Grand-Bretagne. C'est
là la ferme conclusion à laquelle j'en suis
venu et à laquelle faudra que vienne, je
crois, tous ceux qui étudieront ce sujet avec
attention. Je proteste et je dois protester
contre cette idée qui semble prévaloir chez
les défenseurs de ce projet, que d'une façon
ou d'une autre, il est destiné à augmenter
notre puissance au point de faire de nous
un voisin que les Etats-Unis pourront
craindre. Dans ce fait, il y a un danger:
celui de rendre ce peuple jaloux de nous et
plus hostile qu'il ne l'a été jusqu'ici. Et si,
à part de cela, il avait pour résultat de faire
croire à ce peuple et à celui de l'Angleterre—
on à l'un ou à l'autre—que sous ce régime
nous tiendrions moins qu'auparavant à notre
alliance avec l'empire, qu'avant longtemps
nous aurons acquis notre indépendance, nous
aurions fait là l'erreur la plus fatale qu'il
serait possible à un peuple de commettre.
(Ecoutez! écoutez!) Il faut, M. l'ORATEUR,
que je demande pardon à la chambre de
l'avoir entretenue aussi longtemps. (Cris de
" parlez!") J'ai fait de mon mieux l'énoncé
des principaux points de mes arguments, et
fait voir les contrastes qui existent entre ce
système et celui des Etats-Unis. J'espère
n'avoir pas été prolixe en essayant de démontrer que la constitution qui nous est
offerte a des rouages tout à fait différents de
celle des Etats-Unis et de l'empire britannique, qu'elle est en contradiction avec
l'une
et l'autre, et que loin de nous offrir les
avantages des deux, elle en renferme plutôt
les désavantages; que loin de tendre à
resserrer nos liens avec la mère-patrie ou à
faciliter nos relations avec les Etats-Unis,
elle ne nous laisse pour l'avenir que bien peu
d'espoir sous l'un ou l'autre de ces rapports. (Ecoutez! écoutez!) Je n'essaierai
pas de faire la revue de mon argumentation sur ces points, car, pour tous
ceux qui voudront refléchir, ce que j'ai
avancé n'a que faire d'être mieux prouvé.
Si je ne fais complètement erreur, le
seul moyen de faire fonctionner cette consti
536
tution projetée serait une agrégation, dans
le premier cabinet fédéral, des premiers
hommes d'état des diflérentes administrations provinciales actuelles. Il faudra essayer
de combiner les six majorités de manière à
avoir une administration qui gouvernera
selon les vues bien comprises des six différentes provinces. Bien que cela soit possible
au début, je ne vois pas comment cette
harmonie pourrait durer pendant longtemps sans recourir à d'innombrables moyens
de corruption. Dès le moindre désaccord,
des zizanies et des divisions de la pire sorte
naîtront, et dès lors plus de gouvernement
possible. Malheureusemcnt, ce projet n'offre
aucune de ces facilités de bon fonctionnement, aucun de ces avantages par
lesquels le pouvoir du plus fort est tempéré
de manière à ne pas trop peser sur le plus
faible. Tant que les majorités des différentes provinces resteront d'accord, tout
ira
bel et bien; mais cette harmonie ne saurait
durer longtemps, et à la première rupture
viendra le trouble, et avec lui la chute de
l'échafaudage. (Ecoutezl écoutez!) Pour
ma part, je suis sincèrement d'opinion qu'il
est de notre véritable intérêt de laisser pour
un temps cette mesure à. l'état de projet, de
la juger avec soin et de chercher à trouver
quelque chose de mieux—(écoutez! écoutez!)—-—ce qui, j'en suis sûr, ne doit pas être
impossible; mais, au lieu de cela, on nous
demande de renoncer à toutes considérations
qui lui sont adverses et de l'adopter incoutinent, et cela, tout en nous disant que
nous
ne pourrons pas en changer un seul mot.
On cherche à motiver auprès de nous cette
hâte sans précédent par diverses considérations, entre autres, l'attitude des Etats-Unis
vis-à-vis de l'Angleterre, des provinces inférieures et de la nôtre. Avec la permission
de chambre, je vais aborder en le moins de
mots possible ces différentes considérations,
après quoi j'aurai fini. Je vais commencer
par celles qui concernent l'attitude des Etats—
Unis, apportée comme une des raisons pour
lesquelles nous devons nous empresser
d'adopter cette mesure. Jusqu'à un certain
degré, j'ai déjà effleuré ce sujet à un autre
point de vue, mais il exige qu'on le mette
plus en évidence, et, en ce faisant, je tâcherai
de ne pas me répéter. Si l'on en jugeait
par le langage de beaucoup de ceux qui se
sont fait entendre, on pourrait croire que
nous sommes à la veille d'une guerre avec
les Etats; mais, quant à. moi, je suis loin
de donner dans cette crédulité. Cependant,
si tel était le cas, ferions—nous bien de laisser
de côté les questions les plus pressantes de
nos défenses et de l'organisation de la milice
pour ne nous occuper que de ces plans
d'union fédérale, de constitutions provinciales, et Dieu sait quoi encore? Ces choses,
il est vrai, on nous demande de les discuter
en toute hâte, de les adopter de même,
bonnes ou mauvaises, chacun devant faire
semblant d'espérer ue tout sera bien à la
fin, peu importe qu'i le crois ou non; mais,
M. l'ORATEUR, je le dis encore, si une
guerre avec les Etats-Unis était imminente,
la question pressante pour nous devrait être
l'état de nos défenses, l'organisation de notre
milice, de savoir ce que l'Angleterre pourrait
faire pour nous, ce que nous ourrions faire
pour nous-mêmes et ce que 'Angleterre et
nous entreprendrions de faire ensemble.
Mais, non, i ne s'agit nullement de cela à
présent, et je considère que c'est dans le but
de nous faire prendre le change en faveur
de ce projet que l'on met en question nos
défenses et la milice. (Ecoutez! écoutez!)
Si les hon. messieurs de l'autre côté y
croyaient, je suis certain qu'il s'occuperaient
d'abord de la question la plus pressante. De
plus, si ce danger n'était pas même assez
éloigné, je serais porté à croire que l'introduction des questions actuelles vient
un peu
tard, car, s'il y avait danger réel de
guerre avec les États-Unis, il serait tout à
fait trop tard our nous de rester ici a discuter tranquilemcnt une union politique
qui, le plus tôt, ne pourrait se consommer
que dans quelques mois, et qui, à la fin,
n'aboutirait qu'à la construction de voies
ferrées et de fortifications, etc., qui demanderait des années. Si la guerre, dis—je,
est
imminente, quand même ces entreprises
seraient commencées maintenant, elles le
seraient trop tard. Quand un danger de
cette sorte se présentera, ce n'est pas par
des constitutions fédérales ou par des parchemins qu'on lui fera face, mais bien
par les bras et les cœurs de la population se
levant comme un seul homme à la voix de
l'Angleterre, et s'appuyant de toute la puissance que celle-ci peut mettre à son service.
En supposant que ce jour arrive, nous avons
assez dorganisation politique pour entreprendre une telle défense, et nous n'avons
aucun besoin pour la rendre plus complète
de vice-roi, ni de cour, ni de lieutenantsgouverneurs, ni de tout l'appareil compliqué
que promet le projet. Notre système actuel
peut nous suffire et est même préférable a
537
tout autre, car s'il était modifié dans le sens
que j'ai indiqué, et si nos relations avec
l'Angleterre s'amélioraient et prenaient plus
d'extension, non seulement il serait aussi
acceptable que celui qui nous est proposé
en ce moment, mais même il serait meilleur. Cependant, le danger réel, le danger
sérieux, n'est pas celui d'une guerre avec
les États-Unis, mais bien de leur hostilité pacifique contre nous, c'est-à-dire,
de troubles qu'ils pourraient faire naître
ici, de difficultés qu'ils sauraient engendrer par le refus de la réciprocité des
échanges, l'abolition du transit actuel, par
les embarras de douanes et de passeport; de
mécontentements qu'ils sauraient fomenter
au moyen de nos jalousies locales, et de mille
et une manières de nous faire sentir que les
choses ne vont pas aussi bien ici qu'elles le
pourraient. Que l'union se rétablisse ou non
chez nos voisins, ne nous flattons pas qu'il
n'en saurait être autrement que je viens de
dire, car le danger vient de ce que ou les
États-Unis ou la partie des États-Unis qui
nous avoisine,—qui est plus forte que nous le
sommes, qui est pleine d'initiative et d'ambition, ni ne raffole ni de nous ni de
la
métropole et qui ne serait pas fâchée de
l'affaiblir et de nous rendre les instruments de
son ambition et de ses intérêts,—que les États- Unis ou cette portion des États-Unis,
dis-je,
profite de toutes les occasions possibles pour
nous créer des embarras et nous attirer dans
le cercle de sa puissante attraction. C'est
pourquoi, prétendre que les États-Unis ou
ou les États du Nord, comme vous le voudrez,
vont avoir peur d'une mesure de cette espèce
et s'effrayer de nos airs de fierté et de notre
confédération, c'est vouloir dire que le
peuple américain ressemble aux Chinois qui
se pâment d'épouvante devant le bruit et
les grimaces. (On rit.) Je crois, au contraire, que nos voisins ne se laisseront
effrayer par aucune union que nous pourrions
faire Ils ont, parmi eux, des hommes
politiques au moins tout aussi cntreprenants,
capables et astucieux que ceux que nous
avons nous-mêmes, et le danger est que nous
nous trouvions au milieu de troubles domestiques dans le même temps que nos voisins
de l'autre côté de la frontière ne cesseront
de nous susciter desdifficultés, et que l'Angleterre s'apercevra que les liens qui
nous
attachent à elle sont plus ou moins relâchés,
et que le tort et les outrages dont nous
aurons à souffrir ne la touchent pas autant
que lorsque nos relations étaient plus intimes.
En 1840, et une fois que l'insurrection
canadienne eût été étouffée, il fut parfaitement entendu que le gouvernement impérial
était résolu de maintenir intactes ses relations avec ce pays, et cette déclaration
n'a
pas peu contribué à nous assurer une époque
assez longue de liberté et de tranquillité.
Si donc la doctrine contraire prendre le
dessus, si nous laissons l'étranger croire
qu'en voulant fonder une nouvelle nation
nous diminuons les liens qui nous attachaient ci—devant à la mère-patrie, je crains
bien qu'alors notre avenir ne s'assombrisse et
que nous ne nous trouvions exposés de toute
espèce de manière, soit par les embarras qui
nous viendront de nos voisins ou d'ailleurs,
aux dangers les plus sérieux. C'est pourquoi, loin de voir quoi que ce soit dans nos
relations envers les États-Unis qui puisse
nous pousser à prendre une position de
demi-indépendance, une attitude de défiance
envers eux, j'y découvre, au contraire, toute
espèce de raison de convaincre le monde
entier que nous recherchons à resserrer
davantage les liens qui nous unissent à la
métropole qui seule, et tant que dureront ces
liens, pourra nous protéger contre toute agression sérieuse. (Écoutez! écoutez!) On
nous dit cependant qu'il nous faut voter ce
projet et cela pour une foule de considérasions qui ont toutes pour objet l'opinion
publique en Angleterre et le respect et la
déférence que nous devons y attacher. Analysons un peu et voyons quelle est la portée
de cette prétention: et d'abord quelle est
cette opinion du peuple anglais dont on se
préoccupe? Quelle est sa valeur? Que veut- elle de nous? Car il y a ici des distinctions
à faire, comme il y a en Angleterre divers
courants d'opinion publique dont il faut
tenir compte. J'ai le plus grand respect pour
ce que l'on pense là-bas, car on y connaît
une multitude de choses beaucoup mieux
que nous, de même qu'il y en a que nous
connaissons mieux qu'eux; c'est ainsi qu'ils
ne peuvent se flatter de connaître nos besoins
aussi bien que nous, ni s'occuper autant
que nous des questions qui nous regardent:
—c'est pourquoi je ne suis pas certain que ce
soit agir sagement que d'obéir sur le champ
et sur toutes ces questions à la première expression de l'opinion publique sur la
mesure
en Angleterre. Mais que pense-t-on en Angleterre de la mesure qui nous occupe en ce
moment?
Je ne veux pas fatiguer la chambre en m'étendant davantage sur ce suiet; mais je dirai
ce
que personne un peu au fait des choses ne
538
pourra contredire, à savoir: qu'il existe en
Angleterre une école de politiques très nombreuse et encore plus bruyante que nombreuse,
qui n'hésite pas à dire qu'il est de l'intérêt
de la métropole de se débarrasser de ses
colonies.
M. DUNKIN—Je persiste à dire qu'elle
l'est et qu'elle jouit d'une assez grande
influence, et qu'elle ne néglige pas de se
produire. Quelques une même des partisans
de cette doctrine sont haut placés et il est à
craindre que leurs idées n'exercent une
influence assez considérable sur l'opinion
publique. D'ailleurs, il ne faut pas se cacher
qu'il y a en Angleterre certaines influences
à. l'œuvre pour faire triompher le principe
que plustôt les colonies se sépareront de
la métropole le mieux ce sera, ou encore
mieux, que plustôt celles-là se détacheront
de celle-ci le mieux ce sera. On s'y
exagère de beaucoup l'idée que la paix de
tout le royaume se trouve menacée par le
maintien de la suprématie anglaise dans cette
partie du nouveau monde. Voilà. le fait, et il
ne nous servirait de rien de ne pas vouloir y
faire attention. Quelque pénible qu'il soit,
il ne nous faut pas moins en reconnaître
l'existence, car vouloir la nier ce serait vouloir se tromper soi-même. En voilà assez
sur
l'opinion publique en Angleterre; examinons
maintenant ce qu'on y pense de ce projet en
particulier. Ce que nous disent à ce sujet
les auteurs des résolutions équivaut à ceci,
savoir: que leur projet est reçu par le peuple
anglais avec la plus grande faveur, qu'on s'y
attend à nous le voir adopter et que si nous
l'adoptons, une telle conduite ne pourra que
nous rehausser dans l'estime du public
anglais. Or, ce que nous devons nous demander d'abord c'est: qu'elle est l'opinion
en
Angleterre sur le projet? Que pense-t-on
dans les hauts cercles de son mérite ou de ses
défauts, et si l'opinion se déclare en faveur
de son adoption quels sont les motifs qui
donnent lieu jusqu'à un certain point à cette
opinion? Mon intention n'est pas d'entrer
maintenant dans les détails, mais de faire
quelques remarques sur l'opinion exprimée
par le gouvernement de Sa Majesté sur le
projet actuel. Quoique j'aie déjà parlé longuement de la dépêche du secrétaire colonial,
j'y reviendrai cependant de nouveau. (Écoutez! écoutez!) Il est clair que le secrétaire
en rédigeant cette dépêche, était sous l'impression d'abord que le projet était l'œuvre
des représentants de chacune des provinces,
choisis par les gouverneurs sans distinction
de partis; ce qui est une erreur, attendu
qu'il n'en était pas ainsi du Bas-Canada.
(Écoutez! écoutez!) Persuadé, ensuite,
que les délégués avaient déjà donné leur
plus sérieuse considération au sujet avant
d'en conférer ensemble, le ministre des
colonies ajoute:—" Ils ont conduit leurs
délibérations avec une grande sagacité, et
sont arrivés à des conclusions unanimes sur
des questions pleines de difficultés." Or, on
sait que cette grande sagacité n'a pu s'exercer
que pendant dix-sept ou dix neuf jours, et
que les conclusions unanimes ont en définitive
été loin d'être unanimes. Le secrétaire parlait
en ces termes:—
"Le gouvernement de Sa Majesté a donné à
votre dépêche et aux résolutions de la conférence,
sa plus sérieuse attention. Il les a considérées en
général comme devant, dans la pensée de ceux
qui les ont rédigées, établir une union dans toutes
les provinces en un seul gouvernement aussi complète et aussi parfaite que les circonstances
et
l'examen sérieux des intérêts peuvent le permettre. 11 les accepte, en conséquences,
comme
étant, dans le jugement réfléchi de ceux qui étaient
les plus compétents pour délibérer sur un tel
sujet, la meilleure charpente d'une mesure qui
doit être adoptée par le parlement impérial pour
atteindre ce résultat très-désiré."
C'est ainsi que le gouvernement de Sa
Majesté accepte comme l'œuvre du jugement
réfléchi un projet qui n'en porte pas la
moindre trace. Malgré son impression que
tous les partis politiques des diverses provinces ont concouru à son élaboration,
ce qui
est tout le contraire de la vérité, malgré la
sagacité qu'il vante avoir été déployée par
les auteurs du projet dans un acte qui en
est le plus dépourvu, malgré les conclusions
unanimes qu'il reconnait avoir été prises par
les pères des résolutions présentes, unanimité
qui n'a jamais existé, le gouvernement de
Sa Majesté n'accorde au plan qu'une approbation très générale et très motivée, ainsi
que
chacun peut s'en convaincre par la lecture
de la dépêche. Il soulève ensuite une objection sur le manque de délimitation précise
entre le pouvoir du gouvernement central et
des législatures locales; je m'absticndrai de
lire ce passage qui s'y rapporte, attendu que
je l'ai cité hier soir; mais tout le monde
peut se convaincre que sur ce point le langage du secrétaire colonial est une désapprobation
énoncée en termes diplomatiques.
(Écoutez! écoutez!) Tout en donnant son
approbation en général, il critique et fait
539
évidemment ses réserves. Il aperçoit une
intention, et aussitôt il fait remarquer qu'elle
n'est pas exprimée d'une façon ni claire, ni
précise. La seconde objection qu'il soulève
a trait aux finances, et se lit comme suit,
savoir:—
"Le gouvernement de Sa Majesté ne peut
qu'exprimer l'espoir le plus ardent que les arrangements qui seront adoptés sous ce
rapport, ne
soient pas de nature à accroître, au moins à un
degré considérable, la dépense totale, ou à augmenter matériellement les impôts, et
par là à
retarder l'industrie intérieure ou tendre à imposer
de nouvelles charges au commerce du pays."
L'espoir qu'il n'en soit pas ainsi n'est rien
autre chose qu'une façon diplomatique de
s'exprimer pour dire qu'on craint qu'il n'en
soit ainsi. Du moment que le gouvernement
de Sa Majesté est porté à croire que ces
arrangements ne seront pas de nature à
accroître au moins à un degré considérable
la dépense totale ou à augmenter considérablement les impôts, et par là à retarder
l'industrie locale ou tendre à imposer de nouvelles charges au commerce du pays, il
est
clair qu'il découvre dans le projet de quoi lui
faire croire qu'il en sera ainsi. La troisième
objection soulevée est celle-ci:
"Le gouvernement de Sa Majesté s'empresse de
vous communiquer son approbation générale des
délibérations de la conférence. Il y a, néanmoins,
deux dispositions d'une grande importance qu'il
semble nécessaire de reviser. La première est
contenue dans la 44e résolution, qui a trait à
l'exercise de la prérogative du pardon."
Cette partie se trouve signalée comme absolument défectueuse. La quatrième objection
qui a trait au second point que le gouvernement de Sa Majesté désire voir reconsidérer,
est exprimée de telle façon à ce qu'on puisse
la prendre comme un ordre du gouvernement
de Sa Majesté que cette partie soit reconsidérée:—
"Le second point que le gouvernement de Sa
Majesté désirerait voir considérer de nouveau se
trouve dans la constitution du conseil législatif.
Il apprécie les considérations qui ont influencé la
conférence quand elle a déterminé le mode d'après
lequel ce corps, si important à la constitution de
la législature, sera composé; mais il lui semble
qu'il est nécessaire de considérer davantage si,
dans le cas où les membres seront nommés à vie
et leur nombre fixé, il y aura des moyens suffisants de rétablir l'harmonie entre
le conseil législatif et l'assemblée populaire, s'il arrive jamais
malheureusement qu'il surgisse une grave divergence d'opinions entre eux. Ces deux
points,
concernant la prérogative de la couronne, et la
constitution de la chambre haute, ont paru exiger
une mention distincte et séparée."
Est-ce là une différence d'opinion assez
fortement tranchée?
"Des questions de moindre importance, et des
affaires de détail, pourront être convenablement
réservées à une époque future, quand les dispositions du projet de loi qui doit être
soumis au parlement impérial seront prises en considération.'
Ainsi donc, il est encore d'autres objections que le secrétaire colonial n'a pas jugé
à propos d'indiquer. Après avoir approuvé
le projet d'une manière générale, il fait ses
réserves sur quatre questions, dont deux,
dit-il, doivent-être changées, et dont les deux
autres rencontrent sa désapprobation; il
ajoute ensuite qu'il y a d'autres détails, trop
nombreux je suppose pour être énumérés,
qu'il se propose de signaler dans une circonstance ultérieure. A l'époque où cette
dépêche fut publiée, le Times de Londres
publia un article dont je vais lire un extrait,
quoiqu'il semble se rapporter à une autre
partie de la question que celle que je traite
en ce moment. Voici les termes dont se
sert le Times en parlant de cette dépêche, et
sur lesquels j'appellerai l'attention de cette
chambre parce qu'ils donnent à peu près le
ton de l'opinion publique sur le sujet:
"Il est bien vrai que nous n'abandonnons pas nos
colonies d'Amérique, et que la dépêche que nous
citons ne contient pas la plus légère expression
qui donne à croire que cette idée ait jamais traversé l'esprit du secrétaire des colonies;—mais
il
n'en est pas moins évident, et il nous sert de rien
de le cacher, que le mouvement de confédération
diminue de beaucoup les obstacles qu'auraient à
surmonter les colonies pour se séparer dela métropole. Aujourd'hui même, la confédération
des
provinces de l'Amérique du Nord représente un
pays formidable par le chiffre de sa population
pleine d'énergie et d'entreprise, capable en s'unissant de défendre avec vigueur les
territoires
qu'elle possède. Quelques années de plus ajouteront beaucoup à ce chiffre de population
et
mettront le Canada, Hochelaga ou Acadie, ou quelque titre que prenne la confédération,
parfaitement à l'abri d'un coup de main ou d'une conquête.
Non seulement un pays de cette importance offrirait une résistance suffisante à la
métropole dans
le cas où celle-ci chercherait à lui imposer ses
volontés de force, mais il pourrait se détacher de
nous sans nous exposer au désagrément d'abandonner à la merci de voisins puissants
et aguerris
un peuple faible et sans ressources."
Telles sont les idées un peu moins diplomatiques du Times à l'occasion de la publication de cette dépêche. Il est parfaitement
avéré que la prévision qu'un tel projet
aboutissait à l'indépendance n'a pas été
couchée en termes officiels, et que la réponse
à cette dépéche ne le donne pas non plus à
540
entendre: mais il n'en est pas moins bien
établi que le premier des journaux anglais y
découvre et y signale, quoi?—la très grande
facilité que le projet va donner à la métropole et à nous d'effectuer notre séparation.
Mais je reviendrai sur cette question tout à
l'heure lorsque j'aurai à faire connaître une
expression de l'opinion publique bien plus
importante qu'aucun article du Times. Je
m'occuperai, pour le moment, du discours
du trône que l'on a déjà cité dans le
cours de cette présente discussion comme
renfermant l'approbation la plus complète
du projet actuel, si complète même qu'entreprendre d'y revenir semble faire acte
de trahison. Je n'ai pas besoin d'ajouter
que ce discours est l'expression de l'opinion
des conseillers de Sa Majesté et qu'il doit
par conséquent se lire concurrement avec la
dépêche du gouvernement de Sa Majesté
déclarant que le projet actuel devra, avant
de devenir loi, subir des changements assez
considérables. On nous dira peut-être que
ces résolutions constituent un traité dont on
ne peut rien changer, pas même une ligne:
—mais le gouvernement impérial n'entend
pas du tout être lié par ce traité et se propose
même au contraire de le modifier autant
qu'il lui plaira. Il ne laissera pas, par
exemple, aux lieutenants-gouverneurs la prérogative du pardon ou droit de grâce; il
changera la constitution que le projet se
propose de donner au conseil législatif; il
prendra garde de ne pas augmenter la
dépense et de ne pas entraver le commerce,
toutes choses qui se trouvent décrétées
et comprises dans les résolutions actuelles.
Non, il pourra étudier les détails de ce
projet qui ne manquent pas de nouveauté et
de hardiesse, tandis que nos ministres nous
demandent de l'accepter dans son ensemble
tel qu'ils nous le présentent et sans le discuter. Voici le langage adressé par la
Reine
au parlement impérial: " Sa Majesté est
heureuse de donner sa sanction "... à quoi?
" à la réunion d'une conférence de délégués
des différentes provinces de l'Amérique du
Nord qui, sur l'invitation du gouverneur
général, se sont assemblés à Québec."—Certainement; nous savions déja cela; ils se
sont assemblés sans la sanction de Sa Majesté, mais ils ont eu cette sanction ultérieurement.
" Ces délégués ont adopté des
résolutions ayant pour objet de resserrer
l'union de ces provinces sous un gouvernement central. Si ces résolutions sont
approuvées par les législatures provinciales,
il vous sera soumis un bill pour mettre à
effet cette importante mesure." Et voilà tout;
comparez ces paroles à la dépêche du secrétaire des colonies, et si l'ensemble forme
une
déclaration nous informant que cette mesure
est un traité que nous ne pouvons modifier
sans porter atteinte à Sa Majesté, c'est que
je ne comprends plus le sens des mots.
(Écoutez!) En parlant du discours du trône,
quelqu'un a fait allusion l'autre soir, dans
cette chambre, au langage qu'on a employé
dans le parlement impérial en discutant cette adresse. Les lords CLAREMONT,
HOUGHTON, GRANVILLE et DERBY, ont
parlé de ce projet dans la chambre des lords,
et aussi M. HANBURY TRACY dans la
chambre des communes. Je n'attache pas
grande importance à. ce qui a été dit en
cette occasion, d'abord parce qu'on a fort
peu parlé et ensuite parce que ces discours
indiquent une bien faible connaissance de
l'état de la question. Je citerai néanmoins
ce qu'a dit le comte de CLAREMONT, qui a
proposé l'adresse. Après avoir parlé de la
guerre de la Nouvelle-Zélande, il a ajouté:
"Milords: bien que les opérations dans l'Inde,
la Nouvelle-Zélande et le Japon intéressent plus
ou moins la nation, et, à ce titre, méritent notre
attention, elles sont bien peu en comparaison du
changement probable de la constitution dans nos
colonies de l'Amérique du Nord.
"Depuis la déclaration d'indépendance par les
colonies maintenant connues sous le nom d'États- Unis de l'Amérique, il ne s'est jamais
présenté un
plan aussi vaste de gouvernement responsable
et une si vaste perspective de changements possibles."
Je n'ai pu lire cette phrase sans me
demander quelle analogie il y a entre le
projet actuel et la déclaration d'indépendance. Pourquoi ces résolutions semblent-
elles entraîner l'idée d' une déclaration d'indépendance? Les hon. messieurs qui ont
signé
et certifié ces résolutions ont-ils en le faisant,
risqué leur vie, leur fortune ou peut- être plus encore? En quoi ont-ils fait
preuve d'héroisme politique? Les hommes
qui signèrent la déclaration d'indépendance
se mirent tout simplement, vis-à-vis du
gouvernement impérial, dans le cas d'être
jugés et pendus. Mais ils agissaient en
parfaite connaissance de cause. Ils signaient
la déclaration de guerre d'un peuple en
révolte. Mais le projet actuel a pour but,
dit-on, de perpétuer notre union avec la
mère-patrie! D'où vient donc cette idée
que " ce vaste plan de gouvernement responsable offre une perspective jusqu'alors
inouïe
541
de changements possibles?" C'est parce
que la pensée secrète de l'orateur qui a
prononcé ce discours trahit cette idée de
l'école anti-coloniale en Angleterre que nous
allons échapper à la mère-patrie; et voilà
pourquoi cet hon. monsieur prouve que ce
projet a quelque analogie avec la déclaration
d'indépendance. La dernière phrase de ce
discours indique une singulière appréhension
en ce qui regarde cette question: " si les
délégués des diverses colonies approuvent
les résolutions rédigées par leur comité, et si
ces résolutions sont approuvées par les législatures de ces colonies, le parlement
devra
étudier et compléter la fédération de nos possessions de l'Amérique du Nord." Le noble
lord qui a proposé l'adresse semble prendre
ces résolutions pour le rapport d'un comité
qui devait être ultérieurement soumis à la
considération des délégués! Voici maintenant ce qu'a dit lord HOUGHTON, en secondant
l'adresse, et, lui aussi, a clairement
formulé l'idée de notre indépendance prochaine:
"Cette tendance qui pousse les petits états à
s'unir our leur protection mutuelle et pour la
dignité de l'empire, s'est manifestée en deux circonstances remarquables qu'on voudra
bien me
permettre de rappeler en quelques mots. En Europe,
cette tendance s'est manifestée chez les populations
de l'Italie; Sa Majesté n'y a pas fait allusion dans
son discours parce que c'est un fait accompli
dans l'histoire européenne. L'empereur des Français et le roi d'Italie ont dernièrement
passé une
convention à laquelle l'Angleterre ne peut prendre
d'autre intérêt qu'en souhaitant qu'elle tourne a
l'avantage de l'une et à l'honneur de l'autre des
parties contractantes. En tout cas, il en résulte
un grand avantage. Victor-Emmanuel ayant
aujourd'hui sa capitale au centre de l'Italie ne
pourra plus être désigné comme roi de Piémont.
Il est roi 'd'ltalie ou il n'est rien. De l'autre côté de
l'Atlantique, la même tendance, (celle que le noble
orateur croit favorable à la dignité de l'empire),
s'est manifestée dans l'union projetée des provinces
anglaises de l'Amérique du Nord. J'approuve
entièrement ce que vient de dire mon hon. ami,
(qui, comme nous venons de le voir, n'a pas dit
grand chose), qui a proposée l'adresse en faveur
de ce projet. Milords: l'inauguration de ce projet
approuvé par le gouvernement de Sa Maiesté est
un grand événement. Il semble certainement
contraires aux anciennes maximes d'économie
politique qui règlent les rapports des colonies
avec la mère-patrie de nous voir en cette circonstance exprimer notre satisfaction,
conjointement
avec la couronne, d'une mesure qui tend à réunir,
sous un pouvoir presqu'indépendant, nos colonies
de l'Amerique du Nord. Nous croyons toutefois
qu'ainsi réunies elles reconnaitront l'importance
de leur union avec l'Angleterre et que, tout
en étant plus fortes ar cette union, elles nous
resteront fidèles. Nul doute, milerds, que cette
mesure demandera un examen sérieux dans lequel
on devra avoir soin de ménager les susceptibilités provinciales."
Je répète, M. l'ORATEUR, que cette explication trahit la crainte de nous voir bientôt
indépendants. Un de ces nobles lords
suppose que nous faisons un pas dans le sens
des auteurs de la déclaration d'indépendance;
un autre croit que nous sommes mus par la
même idée qui a donné naissance au royaume
d'Italie.
M. SCOBLE—Les renseignements manquent à ces nobles lords.
M. DUNKIN—Je n'en doute pas, et ce
n'est pas la première fois que paroi le chose
se présente. Voici maintenant les observations de lord DERBY. Elles diffèrent un
peu et sont, à mon avis, plus satisfaisantes;
mais, malgré cela, elles manifestent un pressentiment désagréable. Après avoir fait
remarquer que l'attitude des Etats-Unis vis- à-vis de la Grande-Bretagne et de nous-
mêmes, n'est pas très-amicale, qu'ils nous ont
menacés d'abroger le traité de réciprocité,
d'armer une flotte sur les lacs, et le reste,
lord DERBY continue:
"En pareilles circonstances, je vois avec une
nouvelle satisfaction, (il a certainement voulu
dire "avec moins de mécontentement," mais
il se sert d'une phrase polie, car les autres
questions ne sont pas de nature à le satisfaire);
je vois avec satisfaction la nouvelle d'une
mesure importante, je veux parler de la confédération projetée des provinces de l'Amérique
Britannique. (Ecoutez!) Je crois pouvoir
considérer cette fédération comme tendant à
constituer un pouvoir assez fort, avec l'aide de ce
pays qui ne sera jamais retirée, je l'espère, à
ces colonies, pour leur donner une importance
qu'elles ne sauraient acquérir en restant isolées
(Ecoutez!) Si je voyais, dans cette fédération,
un désir de se séparer de ce pays, je n'en admettrais pas certainement les avantages,
mais j'ai
constaté avec plaisir que cette tendance n'existe pas. Il est peut être prématuré
de discuter des résolutions qui n'ont pas encore été
soumises aux différentes législatures provinciales,
mais je suis heureux de voir dans les conditions
de cette fédération un désir sincère de la part
des provinces de rester unies avec ce pays, et une
préférence déterminée pour les institutions monarchiques sur les institutions républicaines."
(Ecoutez!)
Personne ne peut trouver à redire aux
sentiments exprimés par ces paroles, mais,
si je ne me trompe pas, l'homme d'état qui
les a prononcées, trahit malgré lui un certain
degré d'appréhension. Lorsqu'un homme
dans la position de lord DERBY, un homme
qui connait toutes les finesses de sa langue,
542
a recours à tant d'hypothèses et de précautions, ne parlant que par des. " j'espère,"
" j'ai la confiance," je " crois distinguer," et
autres expressions semblables, on ne peut
manquer de sentir qu' il y a là, une "arrière- pensée que les expressions ne sauraient
cacher, et qui indique que l'espoir et la confiance du noble orateur pourraient bien
être
trahies dans un avenir prochain.
M. DUNKIN —Eh bien! l'hon. monsieur
a une toute autre idée que moi. Si nul doute
n'avait existé dans l'esprit de lord DERBY,
au sujet de notre faiblesse, du développement
du parti anti-colonial en Angleterre et de la
tendance du projet vers une séparation, il
n'eût pas exprimé son espoir et sa confiance
ou il l'eût fait d'un ton tout différent. Je
sais bien que lord DERBY ne partage en rien
les vues des réformistes-coloniaux d'Angleterre qui voudraient voir les colonies payer
pour tout ou abandonnées; mais il sait la
valeur que leurs opinions ont acquise en
Angleterre et il parle en conséquence. Et
nul doute, M. l'ORATEUR, que ce sentiment
a prévalu d'une façon regrettable en Angleterre. Sous ce rapport, je dois encore citer
certains passages que j'abrégerai autant que
possible; ils sont tirés d'un article de
l'
Edinburgh Review dont j'ai parlé hier
soir, et expriment ce sentiment de la façon
la plus énergique. Mais avant de faire ces
citations, je dois dire qu'elles n'expriment
nullement le sentiment général en Angleterre. Toutefois, elles représentent les sentiments
d'une classe nombreuse,—sentiments
propres à causer beaucoup de désordres. En
tout cas, ils sont hautement partagés, et lorsqu'on les voit développés dans un journal
aussi influent que l'
Edinburgh Review, la
chose devient sérieuse. Il y a dans l'article,
dont je parle, beaucoup de passages aussi
importants que ceux que je vais lire, mais je
dois limiter mes citations. Voici un passage
que je trouve au commencement de l'article:
"Il y a certains problèmes de politique coloniale dont on ne saurait indéfiniment
différer la
solution; et bien que l'Angleterre fasse de son
mieux pour administrer ses quarante-cinq colonies,
les liens qui réunissaient ces dernières entre elles
et à la mère-patrie sont évidemment usés. L'esprit
public est plongé dans des doutes relativement à
la stabilité d'un édifice qui ne semble reposer que
sur une réciprocité de déception, et ne s'appuie
que sur des traditions usées et sans valeur."
Lorsqu'on lit de pareilles déclarations dans
l'Edinburgh Review, le journal le plus
répandu parmi les hommes d'État les plus
éminents d'Angleterre, en a droit de se
demander quelle est la tendance finale de
ces articles? Jamais aucun article politique
ne m'a fait autant de peine que celui-ci, et
jamais je n'ai rempli un devoir plus pénible
que celui que j'accomplis en le commentant.
Mais il n'est pas permis de cacher certaines
vérités. Un peu plus loin, le même écrivain
continue:
"Il est naturel que le désir de maintenir l'union
avec la mère-patrie riche et puissante, soit plus
fort de la part des colonies que chez le public anglais, car en définitive les colonies
nous doivent
presque tout et ne nous fournissent que très peu.
De plus, le système actuel de gouvernement colonial les met à même de combiner les
avantages
d'une indépendance locale avec la force, la dignité
et le prestige d'un grand empire; mais aujourd'hui
le gouvernement impérial doit décider, non pas
comme anciennement, si l'Angleterre taxera les
colonies, mais jusqu'à quel point les colonies pourront taxer l'Angleterre;—et cette
question devient
tous les jours d'une solution plus difficile."
Plus loin, je lis encore:
"Nous défions aucun homme d'État de nous
indiquer un seul avantage matériel provenant de
nos colonies de l'Amérique du Nord, qui nous
coûtent en ce moment environ un million sterling
par année."
Cela est complètement inexact, mais peu
importe! Voici maintenant des phrases
encore plus remplies d'amertume:
"Des gens qui ne veulent nous abandonner
ni d'eux-mêmes ni sur notre invitation, doivent,
selon toutes apparences être gardés à notre service. Toutefois, il y a dans cette
vaste portion de
notre empire des difficultés exceptionnelles et
toutes spéciales qui viennent nous assiéger...''
Suit une page où sont décrites ces difficultés qui proviennent surtout du danger
que nous offre le voisinage des États-Unis;
puis vient, comme conclusion, l'observation
suivante:
"Il n'est pas étonnant qu'un projet qui offre
une issue dans une position politique si peu digne
et si peu satisfaisante, ne soit cordialement bienvenue par toutes parties concernées."
Mais une idée domine dans tout ceci.
D'après cet écrivain, l'Angleterre ne croit
pas que les provinces lui soient d'aucune
valeur, tandis que nous attachons le plus haut
prix à notre union avec elle; et elle accepterait avec la plus grande satisfaction
tout
moyen de se dégager des dangers et obligations que nous lui occasionnons. Plus loin,
je trouve qu'elles sont les opinions de l'auteur
au sujet des entreprises dans lesquelles nous
allons nous lancer à la suite de ce projet.
543
Ce que je vais citer se trouve dans une note
au bas de la page, mais une note est quelquefois, comme le postscriptum d'une dame,
plus importante que la lettre même:
"Une question très importante sur laquelle les
documents ne nous disent rien, est celle de l'avenir
de nos dépendances de L'Amérique Septentrionale
qui ne sont pas comprises dans les limites des cinq
provinces. Nous voulons parler spécialement de
territoire occupé par la compagnie de la Baie
d'Hudson en vertu d'une charte ou bail accordé par
la couronne. La couronne doit veiller aux intérêts
de ses concessionnaires. (L'auteur ne semble pas
soupçonner que nous sommes aussi concessionnaires.) Et, d'un autre côté, une compagnie
de
traiteurs anglais ne semble pas bien apte à gouverner et à défendre une vaste et inaccessible
étendue de territoire."
On est porté à croire cela, car le même
écrivain vient de nous dire que l'Angleterre
hésite à défendre le même territoire:
"La solution la plus équitable serait probablement de céder tout ce territoire à la
confédération
du nord comme indemnité; [ c'est probable, mais
pas d'après notre point de vue. (Ecoutez!)] Et cette
union aménerait la construction du grand chemin
de fer du Pacifique sous les auspices de la confération.
Vraiment? (Ecoutez! et rires.)
M. DUNKIN —Un peu plus loin, je trouve
dans cet article un développement de ce
vaste programme:
"Si ces propositions étaient mises à effet, il en
résulterait la création, dans l'Amérique du Nord,
d'un nouvel état qui conserverait le nom de
dépendance britannique, avec une superficie
égale à celle de l'Europe, une population d'environ
quatre millions, un revenu total d'environ deux
millions et demi sterling, et un commerce représentant (comprenant les importations,
les exportations et le commerce intercolonial) environ
vingt-huit millions sterling par année. Si nous
considérons la position relative du Canada et des
provinces du golfe—ces dernières ayant de bons
ports mais pas de territoire, le Canada produisant
une quantité énorme de céréales mais pas de minéraux; les provinces du golfe pouvant
fournir une
quantité illimitée de charbon et de fer, mais pas de
produits agricoles,—les avantages commerciaux
de l'union projetée sont évidents. L'achèvement
du chemin de fer intercolonial, et l'annexion probable, à la nouvelle confédération,
des fertiles régions du Nord-Ouest, sont les résultats de sa formation à laquelle
participeront éventuellement
l'Europe et le monde en général. Lorsque...
L'
HON. M. MCDOUGALL — L'hon.
monsieur devrait rendre justice à l'écrivain
et ne pas omettre un passage important.
L'
HON. M. MCDOUGALL— Après le
mot " formation " je lis: " dont les avantages ne seront pas limités aux colonies,
mais, etc." Pris avec le contexte ces mots
sont importants.
M. DUNKIN—Il est facile de soulever
des applaudissements ironiques; mais je ne
crois pas avoir jamais donné lieu de croire
que je pourrais falsifier une citation. J'ai
écrit ces extraits à la hâte et, pendant que je
copiais, on est venu me demander le numéro
de la Revue, de sorte que je n'ai pu collationner. Je serais très fâché, dans ma précipitation,
d'avoir oublié un seul mot.
[ Après avoir comparé le passage de la Revue
avec son manuscrit, l'hon. membre continue:]
J'ai, par pur accident, omis une ligne et si
quelqu'un suppose que cette omission a été
volontaire de ma part, il me prend certainement pour un fou. (Ecoutez!) Mais je
continue ma citation en répétant la dernière
phrase complète:
"L'achèvement du chemin de fer intercolonial,
et l'annexion probable, à la nouvelle confédération,
des fertiles régions du Nord-Ouest seront les résultats de sa formation dont les avantages
ne seront
pas limitée aux colonies, mais à laquelle participeront éventuellement l'Europe et
le monde en
général. Lorsque la vallée de la Saskatchewan
sera colonisée, les communications entre la colonie de la Rivière Rouge et le lac
Supérieur complétées, et le port d'Halifax relié, par une ligne
continue de chemin de fer, aux rives du lac Huron,
l'océan Atlantique se trouvera rattaché à l'océan
Pacifique par trois grands chainons qui manquent
aujourd'hui. "
En effet, ce sont trois chainons assez considérables, mais l'écrivain aurait mieux
fait
de dire " trois sur quatre ", et de ne pas
sauter aussi gaiment pardessus les Montagnes
Rocheuses. (Ecoutez!)
M. DUNKIN—Moi je pense que c'est
trop bien. J'ai lu ces passages pour faire
voir ce que l'auteur de cet article attend de
nous. Nous allons acheter le territoire de
la Baie d'Hudson et l'exploiter, de plus nous
allons traverser le continent par une grande
voie de communication que l'Angleterre
n'oserait entreprendre à son compte. Et
maintenant, je lirai deux passages qui
montrent combien, dans l'esprit de l'écrivain, ce projet sera peu avantageux à nos
544
intérêts et à la direction générale de nos
affaires. En voici un:
"Ce qu'il y a à craindre et ce que nous devons
prévenir autant ne possible, c'est le danger permanent d'un triple conflit d'autorité
inhérent à
l'existence d'une fédération de colonies qui auront,
d'après ce qu'on propose, une part considérable
d'indépendance intercoloniale."
La pointe est assez vive, mais l'écrivain
insiste et développe sa pensée:
"Si, comme on l'a prétendu, une union légistive n'est pas réalisable, parce qu'elle
ne garantirait pas assez les droits accordés aux Canadiens- Français par l'acte de
Québec, et si la fedération
est la seule alternative, les auteurs de cette constitution devront s'occuper d'une
question vitale,
savoir: par quels moyens ils pareront à la
faiblesse inhérente à toutes les fédérations, et
comment ils donneront au gouvernement central
une souveraineté digne de ce nom. L'essence de
tous les bons gouvernements est l'établissement
d'un pouvoir vraiment souverain. Une souveraineté qui échappe à tout moment, qui n'a
aucun
centre impérial ou colonial ne constitue pas un
gouvernement. Tôt ou tard le fantôme d'autorité qui n'a pour base qu'une fause idée
politique
devra perdre son influence. Ceux qui sont en
faveur de ce nouveau projet ont prétendu que ses
auteurs ont su éviter l'écueil sur lequel est venu
s'échouer le gouvernement de Washington. Mais si
cet écueil est la faiblesse du gouvernement central,
nous craignons beaucoup qu'à moins que l'horizon
ne soit toujours pur et la mer parfaitement calme,
le pilote qui devra conduire cette nouvelle barque
n'ait besoin d'une carte plus parfaite que la
constitution proposée dans les résolutions de
Québec pour échapper à tous les risques de la
navigation."
Jusque là trois points sont réglés selon
l'auteur de cet article. Il considère et
l'Edinburg Review, ainsi que ses lecteurs,
sont d'avis que: premièrement, la conservation de ces colonies est si manifestement
désavantageuse à la mère-patrie, qu'aucun
homme d'état ne saurait trouver une bonne
raison de nous garder; secondement, cette
mesure nous entraîne forcément dans des
entreprises si vastes que l'Angleterre n'ose
s'en charger; et, troisièment, comme système
administratif, la nouvelle constitution ne
saurait fonctionner à notre avantage. La mesure implique que nous nous engageons de
conserver notre allégeance à la couronne anglaise,
mais ni cette allégance ni la condition corrélative de protection ne sont garanties
pour
toujours par l'une ou l'autre partie. Que
pense à ce sujet notre écrivain? Voici ce
qu'il dit:
"Si le projet de Québec devait être regardé
comme un arrangement définitif, et si on mettait
en compte l'équivalent de pouvoir et d'honneur
résultant pour la couronne de l'acceptation d'une
autorité si périleuse avec les risques qui se présentent, on pourrait certainement
mettre en doute
la sûreté et la dignité de la nouvelle position. Mais
il est impossible de voir dans cette fédération
autre chose qu'un pas vers une indépendance
probable; et, à ce point de vue, la forme que
prendra la souveraineté impériale devient une
question d'importance secondaire.
Et, comme si cet avertissement ne suffisait
pas, l'écrivain termine ainsi son article:
"L'Angleterre ne désire nullement rompre
tout-à-coup les faibles liens qui l'unissent encore
à ses compatriotes au-delà de l'océan, ou y abréger
d'un instant la durée de nos rapports comme
concitoyens...Nous devons néanmoins
et forcément conclure que cette heure est arrivée
dans l'histoire de nos provinces transatlantiques.
De là vient que nous acceptons, non avec terreur
et crainte, mais avec une joie et une satisfaction
sans mélange, une déclaration spontanée, qui,
bien que cachée dans les termes de la loyauté et
promettant allégeance à la Reine, nous semble
l'avant-coureur de la future et complète indépendance de l'Amérique Britannique du
Nord.
(Ecoutez! écoutez!)
Eh bien! M. l'ORATEUR, si ce sont là les
opinions que les hon. membres de la droite
sont disposés à applaudir, je déclare que je
ne suis pas de leur avis. J'ai découvert une
preuve incontestable du fait qu'en Angleterre
un parti important accepte cette mesure et
espère la voir passer dans le seul but qu'elle
conduira à une rupture définitive entre les
colonies et la mère-patrie. (Ecoutez!) M.
l'ORATEUR, la rupture de ces liens est pour
moi un résultat certain de cette mesure, résultat qui sera promptement suivi de notre
absorption complète dans la république voisine,
qu'elle s'appelle alors les Etats-Unis ou les
états du Nord. (Ecoutez!) Il est impossible
que nous formions ici un état indépendant
dont l'avenir soit assuré et prospère. Je le
répète encore, je suis loin de croire que cette
idée de séparation domine en Angleterre,
mais je suis sûr qu'elle est adoptée par une
école importante d'économistes anglais. (Cris:
des noms! des noms!!) Il est facile de
demander " des noms ", mais il n'est pas aisé
de donner la liste de toute une école; je puis
néanmoins la désigner suffisamment en l'appelant l'école de GOLDWIN SMYTH. Elle
compte un grand nombre, un trop grand
nombre d'hommes influents. (Cris renouvelés:
des noms! des noms!!) MM. COBDEN et
BRIGHT, ainsi qu'une foule de membres du
parti libéral, appartiennent à cette école, qui
est généralement connue sous la dénomination d'école de Manchester. Mais, plaisaitterie
à part, si les hon. messieurs croient,
545
dans leur simplicité, que des déclarations
comme celles que je viens de lire dans
l'Edinburg Review n'ont aucune importance,
eh bien! ils sont plus heureux que moi sous
le rapport de la simplicité! J'ai lu ces déclarations et celles d'autres journaux
comme
le Times, parce qu'elles représentent les vues
d'une portion importante du public anglais,
vues qui ont une telle influence sur le gouvernement que cette influence suffit pour
expliquer l'acceptation de ce projet par le
gouvernement anglais. En Angleterre, on
recommande l'adoption de ce projet parce
qu'il indique un grand pas vers notre indépendance. Je ne désire pas moins du
monde que, si nous acceptons le projet, on
dise en Angleterre que nous l'avons accepté
dans le but de nous séparer de l'empire. Je
crois que cette séparation ne saurait nous être
avantageuse, car nous sommes parfaitement
sûrs d'être absorbés par nos voisins au premier
différend que nous aurons avec eux si la
mère-patrie ne nous prête pas son concours.
M. DUNKIN—C'cst aussi mon avis si
nous cherchons à resserrer les liens qui nous
unissent à elle. Mais ce n'est pas ce que
nous ferons en adoptant ce projet qui, au
contraire, les relâchera; nous devrions plutôt
dire à l'Angleterre toute la vérité: nous ne
sommes pas des mendiants et nous n'hésitons
pas à faire notre devoir; nous ne désirons
pas nous séparer d'elle et, de nous-mêmes,
nous ne nous séparerons pas; nos sentiments
et nos intérêts nous rattachent à elle; qu'à
part même les sentiments, notre faiblesse est
trop grande et nos voisins sont trop puissants; enfin, le seul moyen d'éviter l'absorption
par les États-Unis est de maintenir
fortement, par le présent et dans l'avenir,
notre union avec la mère-patrie. (Ecoutez!)
On nous dit que certaines considérations
relatives aux provinces du golfe nous obligent
d'accepter cette mesure, que c'est un traité
conclu avec elles et que nous devons le ratifier. Or, un traité suppose une autorisation
accordée à. ceux qui prétendent le conclure.
L'
HON. M. McGEE—Dans le discours
du trône, Sa Majesté approuve la conférence
qui a rédigé les termes de ce trarté. La
sanction royale ne suffit-elle pas?
M. DUNKIN—De ce que Sa Majesté a
approuvé la réunion de ces messieurs, il ne
s'en suit pas qu'elle approuve ce qu'ils ont
fait ainsi réunis, et la province l'approuve
encore beaucoup moins. Les résolutions ne
forment pas un traité, mais une simple convention passée entre les délégués.
M. DUNKIN—C'cst un projet de traité,
si vous voulez, mais ce n'est pas un traité.
Les plénipotentiaires qui concluent des
traités ont pleins pouvoirs d'agir au nom de
leurs pays.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Ce traité
est analogue à tous ceux qui ont été conclus
sens le régime anglais. Le gouvernement
en est responsable devant le parlement, et si
vous ne l'approuvez pas, vous pouvez nous
condamner par un vote de non-confiance.
M. DUNKIN—L'hon. monsieur pourrait
bientôt se trouver plus embarrassé qu'il ne
le croit avant que cette affaire soit conclue.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Il n'y a
pas si longtemps que l'hon. monsieur a été
chassé par le vote de cette chambre, et cela
pourrait bien encore lui arriver. (Ecoutez!
et rires!)
M. DUNKIN—Je disais que ce traité ne
lie ni le Canada ni les provinces du golfe;
il reste même à savoir si les provinces du
golfe ne le rejetioront pas. il n'est pas
prouvé que le Canada l'acceptera, et, peut- être avant la fin de cette comédie, il
le
rejettera surtout le Bas-Canada, et s'il est
accepté ce sera par une bien petite majorité.
(Ecoutez!) L'Hon. monsieur (l'hon. M.
CARTIER) s'est enfin rangé de mon avis,
quand je dis que ce n'est pas un traité mais le
projet d'un traité sujet à la désapprobation
de la chambre et du pays. Mais, en admettant que ce soit un traité entre ceux qui
l'ont
passé, je dois reconnaître qu'il offre un caractère particulier à tous les traités,
c'est
qu'il s'y trouve beaucoup d'articles secrets.
(Ecoutez!)
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER — Les
messieurs qui l'ont conclu représentaient
leurs gouvernements, et les gouvernements
de toutes les provinces étaient représentés
dans la conférence. C'est donc un traité
entre les provinces, et ce traité sera valable à
moins que le gouvernement ne soit renversé
par un vote de la chambre.
M. DUNKIN—L'hon. monsieur n'a pas
oublié, je suppose, que lorsque ce gouverne
546
ment fut formé, il déclara formellement que
jusqu'à ce que le plan fût complètement
élaboré et soumis au parlement, le parlement
n'était engagé a rien. (Ecoutez!) Mais j'allais
aborder un autre point et je continue. Je
disais, en assimilant ce traité à d'autres, qu'il
contient un grand nombre d'articles secrets.
Je trouve qu'un monsieur qui a pris part
aux négociations, l'hon. M. HATHAWAY, du
Nouveau-Brunswick...
L'
HON. M. McGEE—M. Hathaway
n'était point délégué à la conférence.
M. DUNKIN—Je croyais qu'il en faisait
partie, bien que, je l'avoue, je n'aie pas
appris par cœur la liste des trente trois
illustres délégués. En tout cas, ce monsieur
était membre du gouvernement du Nouveau- Brunswick et son parti était représenté à
la
conférence. Or, dernièrement, à une assemblée publique, M. HATHAWAY a dit:
"Ma position est loin d'être enviable. Je suis
plus embarrassé qu'aucun des messieurs qui pourront vous adresser la parole. Vous
savez tous
que j'ai été assermenté il y atrois ans, comme
l'un des conseillers de Sa Majesté. En cette qualité, je ne puis révêler les secrets
du conseil. Il
est vrai que son excellence m'a autorisé à faire
connaître la correspondance relative à ma résignation, mais quelque puissent en être
pour moi
les conséquences, il y a, dans ce projet, des secrets
q e je ne puis trahir."
"Il y a dans le projet des secrets qu'il ne
peut trahir!" Ici nous rencontrons également
des secrets, et quand nous faisons certaines
questions on nous refuse de répondre. Mais
j'en viens au point principal. Donnez à
cette comnbinaison le nom qu'i vous plaira,—
traité ou autre,—on ne l'envisage pas du tout
dans les provinces du golfe comme on fait
ici. Cependant ces provinces sont, politiquement parlant, moins considérables que
le
Canada. Leurs conseils législatifs et leurs
chambres législatives ne sont pas aussi importantes que les nôtres. Nous sommes habitués
à croire que nous tenons le second rang
parmi les corps législatifs de l'empire britannique; nous sommes certainement beaucoup
au-dessous de la chambre des communes, mais
nous venons immédiatement après elle.
(Ecoutez!) Sous ces différents rapports, les
provinces du golfe sont après nous, et cependant leurs petits parlements sont mieux
traités que le nôtre. Pour excuse, on nous dit
qu'un traité a été conclu, sinon entre les
provinces du golfe, du moins entre leurs
gouvernements et celui du Canada. Mais en
quels termes le lieutenant-gouverneur de la
Nouvelle-Ecosse s'adresse-t-il à son parle
ment? "Ce n'est pas mon affaire, dit-il, et je
n'ai d'autre mission que de vous accorder la
plus grande liberté dans l'examen de cette
proposition." Il ne dit pas traité, mais " une
proposition qui peut gravement affecter nos
intérêts." C'est parfaitement juste; mais
loin de parler de traité, il n'ose pas même
employer le mot " convention."
M. DUNKIN—Vraiment? Je vais lire
tout le passage:
"Ce n'est pas mon affaire et je n'ai d'autre
mission que de vous accorder la plus grande liberté
dans l'examen d'une proposition qui affecte gravement vos intérêts, et vous devez
être à même de
l'interpréter conformément aux vœux et aux intérêts du pays. J'ai confiance, quelque
soit le
résultat de vos délibérations, que vous ne traiterez
pas la question à un point de vue étroit, et que
vous agirez avec précaution et prudence, de
même que sans passion, dans une question qui
intéresse tous les partis, et qui ne saurait être la
mesure du gouvernement ou celle d'un parti
spécial."
En un mot, il donne carte blanche à son
parlement.
M. DUNKIN -— Il est à regretter qu'on
ne nous ait pas tenu le même langage. Si
on eût agi ainsi, M. l'ORATEUR, la motion
remise entre vos mains eût porté que vous
deviez quitter le fauteuil, et la chambre
se serait réunie en comité général pour
examiner la question sous toutes ses faces et
d'une manière calme. A la Nouvelle-Ecosse,
on ne presse pas inconsidérément la mesure
comme ici. Dans le paragraphe suivant de
son discours, le lieutenant-gouverneur dit:
"Je me permettrai de vous faire observer, sans
vouloir, en aucune façon, influencer votre décision
finale, qu'il est a propos, si non nécessaire, que
les législatures des diverses provinces observent
l'uniformité dans le mode d'arriver a leurs décisions
respectives dans une question qui nous intéresse
en commun. J'ai donc fait mettre devant vous la
correspondance échangée entre le gouverneurgénéral et moi à ce sujet."
Cette correspondance soumise au parlement
de la Nouvelle-Ecosse ne nous a pas été
communiquée. (Ecoutez!) J 'ai cité les
paroles du lieutenant-gouverneur à la légisature au sujet de cette " proposition."
Or,
comment répondent les communes de la
Nouvelle-Ecosse? Comment traitent-elles
la dite " proposition "?
"Le rapport des délégués nommés pour conférer au sujet d'une union des provinces maritimes,
547
et les résolutions de la conférence de Québec
proposant une union des différentes provinces de
l'Amérique Britannique du Nord, ainsi que la
correspondance relative à cette question, seront
examinés par nous avec le soin et l'attention que
demande une question d'une si haute importance
et qui entraîne de si vastes conséquences pour
notre postérité."
Voilà, monsieur l'ORATEUR, tout ce que
le gouvernement de la Nouvelle-Ecosse
demande à la législature de cette province.
Je ne vois pas que cette attitude indique
qu'il ait conclu un traité pour lequel il doit
vaincre ou mourir, et qu'il croie devoir
obliger la législature à sanctionner chaque
ligne et chaque mot de ce traité. Si telle
était son opinion, la parole lui a certainement
été donnée pour déguiser sa pensée. Mais
on ne procède pas ainsi à la Nouvelle-Écosse
seulement; tout le monde sait que le gouvernement de l'Ile du Prince-Edouard ne
considère point le projet comme un traité;
au Nouveau-Brunswick, tout le monde sait
aussi que le gouvernement a plus ou moins
changé depuis la conférence, qu'une élection
générale est prochaine et que beaucoup
dépend du résultat de cette élection. Tout
le monde sait que la question a été posée
tout autrement qu'ici dans chacune des
provinces du golfe; que personne ne parle
de la conclusion d'un traité, si ce n'est ici.
Je désire, toutefois, appeler l'attention de la
chambre sur un cas une lequel il y a eu
certainement traité. Je veux parler des
délibérations qui ont amené l'union de l'Angleterre et de l'Ecosse. Sous le règne
de la
reine ANNE, et à la demande des deux législatures alors parfaitement indépendantes
l'une de l'autre,—celle de l'Angleterre d'une
part, et celle de l'Ecosse de l'autre,—Sa
Majesté nomma des commissaires pour représenter ces deux états et pour rédiger les
articles de ce traité. Ils consacrèrent plusieurs mois à la rédaction de ces articles,
et
deux fois Sa Majesté vint en personne les
aider dans leurs délibérations; leur réunion
était autorisée par actes du parlement; ils
étaient nommés par Sa Majesté; ils ont
délibéré pendant des mois; et la Reine fut
deux fois présente à leurs délibérations. Et
quand ce traité fut conclu—car on l'appelle
un traité—le parlement d'Ecosse ne l'approuva pas en entier et demanda des changements
qui furent ratifiés par le parlement
anglais, et c'est après ces changements, que le
traité fut mis en opération. Dans les deux
parlements, les bills donnant force de loi à ce
traité eurent à subir toutes les phases de la
discussion; ils furent rédigés en comité
général, et eurent la premiére, seconde et
troisième lectures. La plus stricte formalité
fut observée, et cependant il existait un
traité antérieurement conclu. Mais voici
une affaire montée par trente-trois messieurs
qui ont été réunis pendant dix-sept jours
sans la sanction de la couronne qu'ils n'ont
eu qu'ensuite. Le document qu'ils ont tous
signé est plein de bévues comme l'a reconnu
le secrétaire des colonies et tous ceux qui
l'ont lu avec attention. Malgré cela, notre
gouvernement regarde ce précieux factum
comme un traité inviolable, et veut lui
donner une consécration qui ne fut pas
réclamée pour le traité entre l'Angleterre et
l'Ecosse. (Ecoutez!) J'arrive à la fin des
observations que je désirais soumettre à la
chambre. Mais je dois dire un mot des considérations locales qu'on invoque en faveur
de ce projet. On nous dit: " qu'allez-vous
faire? Il faut prendre une détermination.
Voulez-vous revenir à nos anciens conflits? "
Au risque de manquer à l'étiquette parlementaire, je ne puis m'empêcher de dire que
ces apostrophes qu'on nous adresse me rappellent un paragraphe que je lisais, l'autre
jour, dans un journal des provinces maritimes,
où paraît-il on crie hautement,—à la Nouvelle- Ecosse du moins,—qu'il faut prendre
une
détermination, faire quelque chose et que
nous ne pouvons rester dans l'état où nous
sommes. Je ne me rappelle pas les expressions
du rédacteur, mais voici le sens de son article:
" Toutes les fois, dit-il, que j'entends crier
bien fort: Il faut agir! Il faut prendre une
détermination! Je soupçonne qu'on complote en dessous l'exécution d'un acte détestable.
Les affaires sont alors dans un très- mauvais état, voire même dans un état
désespéré. En pareil cas, le remède qu'on
propose est toujours désespéré. Je songe
alors aux deux écoliers dont l'embarcation
avait chaviré et qui ne savaient pas nager.
Par bonheur, ils étaient parvenus à monter
sur la quille. Le plus grand dit à l'autre:
Tom, sais-tu tes prières? Tom s'avoue à lui- même qu'il ne se souvient d'aucune prière
adaptée à la circonstance et il répond: non,
Bill, je ne les sais pas. La réplique de Bill
fut sérieuse quoique peu parlementaire, elle
contenait même un adverbe que je ne répéterai pas ici: " Pourtant, il faut prendre
un
parti et cela vite." (Rires!) Sérieusement
parlant, où veulent en venir les hon. MM.
en criant si fort: " il faut prendre un parti? "
Prétendent-ils que notre passé soit si mauvais
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que, sous peine d'annihilation politique et de
ruine complète, nous devions immédiatement
adopter le projet tel qu'ils nous le présentent
et sans y rien changer? Si tel est le cas, si
réellement les institutions politiques dont
nous avions l'habitude de prôner les bienfaits,
et sous lesquelles nous avons vecu et vivons
encore, ont fonctionné si mal qu'on veut bien
le dire, ou plutôt si nous les avons si mal
comprises et appliquées, nous offrons une
triste perspective à ceux que nous voulons
nous adjoindre dans cette nouvelle expérience.
Nous, Canadiens, avons l'union législative
depuis vingt-cinq ans, et, avec cette union,
nous sommes arrivés, dit-on, a de si grands
embarras intérieurs, à un si mauvais fonctionnement de nos institutions politiques,
nous sommes en un mot dans une si terrible
perplexité, que nous devons prendre ce parti
sans en envisager les conséquences. Nous ne
pouvons rester stationnaires, nous ne pouvons
ni avancer ni reculer, si ce n'est dans ce sens.
(Ecoutez!) Si ce projet est un remède
désespéré qu'on apporte à nos longues
souffrances, je redoute beaucoup, M. l'ORATEUR, qu'il ne réussisse pas. La précipitation
avec laquelle agissent ces hon. MM.
est du plus mauvais présage pour la mère- patrie, pour les autres provinces et pour
nous-mêmes, et nous serons tous abominablement déçus à la fois. Mais heureusement
notre position véritable n'est pas aussi désespérée qu'on veut le faire croire. Nous
ne
saurions revenir à ce passé dont on nous fait
un épouvantail, quand même ce serait notre
désir. Ce qui est fait est fait, et nous ne
saurions revenir sur le passé. Il est vrai que
quelques-uns des hon. ministres nous disent
que leur entente actuelle n'est pas la paix
mais une trève armée, que les anciennes
divisions de partis ne sont pas effacées
et ne le seront jamais. Eh bien! monsieur l'ORATEUR, supposons que ce projet
soit un jour parfaitement enterré, et qu'un
beau matin la colombe s'aperçoive qu'elle
s'est abritée paisiblement dans le nid ministériel côte à côte avec le hibou, supposons
que l'ancien cri de discorde retentisse
de nouveau;—qu'arrivera-t-il? Serons-nous
encore témoins des anciennes luttes ou d'une
lutte analogue? Heureusement il se passera
un certain temps avant qu'on puisse raviver
toutes les anciennes discordes. Même la
représentation basée sur la population ne
sera plus, comme par le passé, un terrible
brandon de discorde. Elle a été adoptée
par des membres qui étaient le plus disposés
à la rejeter pour toujours. Bien des gens
trouveront qu'on pourrait avoir quelque
chose de pire. Qu'on lui donne un nouveau
nom, qu'on prenne des garanties pour que
la législation locale ne soit pas imposée à la
majorité locale malgré son vœu formel,—
comme cela se fait et se fait bien en Ecosse,
et on verra que la réforme parlementaire
n'est point l'épouvantail dont on fait étalage;
quant aux épouvantails dont on a voulu effrayer
notre imagination, le chapitre des concessions
s'est trop augmenté dernièrement pour qu'on
refuse de croire aux concessions dans l'avenir.
Bon gré mal gré, hon. messieurs, vous allez
traverser une nouvelle époque de luttes
différentes des anciennes. Les partisans de
ce projet, M. l'ORATEUR, ne cessent de nous
dorer la pilule pour nous la faire avaler. A
toutes les objections on répond invariablement qu'il faut tenir un plus grand compte
du bon sens, de l'indulgence et de mille
autres bonnes qualités des hommes. Mais,
M. l'ORATEUR, si l'adoption de ce projet doit
nous ramener à l'âge d'or, et rendre nos
hommes publics si sages, si prudents et si
consciencieux, pourquoi désespérer d'une
amélioration dans ce sens lors même que le
projet serait rejeté? Si nous sommes capables
de faire fonctionner cette constitution nouvelle et presque impraticable, pourquoi
ne
serions-nous pas en état de nous en passer?
Je sais que des gens qui ne refléchissent pas
sont, de tout temps, plus portés à croire aux
grandes entreprises impraticables qu'aux
projets aussi humbles que réalisables. " Si
le prophète t'avait ordonné de faire une
grande action, refuserais-tu de lui obéir?"
Or, M. l'ORATEUR, pour dire la vérité, ce
qu'il nous faudrait en ce moment, c'est un
projet beaucoup plus humble—difficile peut- être dans son exécution, mais possible
du
moins, j'en suis convaincu;—il consisterait
en un peu plus de discrétion, de patience,
d'indulgence chez nos hommes publics et
et chez nos populations qui alors viseraient à
d'autre chose plus élevée que des luttes sans
fin entre les partis; un peu plus de cette
sagacité ou habileté politique qui leur fera
trouver assez bonnes leurs institutions poliques et s'appliquer à s'en servir sagement
en les modifiant légèment de temps à autre,
et leur fera comprendre que le nouvel état
de choses qu'on veut leur faire adopter est
plein de dissensions et de luttes qui ne
peuvent que nous mener à mal. M. l'ORA
TEUR, j'ai retenu la chambre trop longtemps
peut-être, et cependant je n'ai qu'imparfaite
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ment exprimé mes vues sur cette grande
question. Je suis au bout de mes forces,
sans cela et malgré la crainte de fatiguer à
la fin cette hon. chambre, j'aurais désiré
m'étendre plus longuement sur certains
points, surtout sur cette politique d'alternative que j'ai indiquée et que je voudrais
voir
mise en pratique. Quoiqu'il en soit, je veux
remercier la chambre de l'attention qu'elle a
bien voulu me prêter pendant si longtemps
et lui donner l'assurance que je n'ai rien
dit dont je ne suis parfaitement convaincu.
J'espère enfin qu'après mûre réflexion, le
bon sens des populations de nos provinces
leur fera prendre une décision sage sur la
mesure la plus considérable qui jamais leur
ait été soumise. (Applaudisscments.)
Sur motion de l'hon. M. Cauchon, le
débat est ajourné.