JEUDI, 9 mars 1865.
M. D. FORD JONES reprend en ces
termes les débats ajournés:— M. l'ORATEUR:
je me lève dans le but de me prononcer sur
les résolutions relatives à la confédération
des provinces de l'Amérique Britannique du
Nord. Ce n'est pas sans éprouver un bien
grand embarras que j'aborde cette question,
qui renferme de si grands intérêts, et qui
va être la source de conséquences ou désastreuses ou avantageuses pour le pays; mais,
pour moi-même et pour ceux que je représente ici, je me fais un devoir d'exprimer
mes opinions sur cette mesure avant de
donner ma voix. Je m'y trouve d'autant
plus obligé que que je ne puis donner mon
adhésion au projet dans son entier, et cela
par rapper à quelques uns de ses détails,
auxquels je refuse mon appui.
M. JONES—Que ce soient les hon. ministres actuels qui composent le cabinet, que
nous ayons un gouvernement de parti ou de
coalition, cela d'influe en rien sure ma
manière de juger la question. Il faut juger
le projet selon ses mérites, l'examiner et
le voter dans son ensemble. (Ecoutez!
écoutez!) Voilà pourquoi je trouve que le
gouvernement apris des mesures sages autant
qu'honnêtes pour le faire adopter. (Ecoutez!
écoutez!) A mon avis, il mérite qu'on
l'approuve d'avoir pris des mesures pour
faire se terminer ces débats, qui durent depuis
plusieurs semaines, et pendant lesquels, je
dois le dire, les hon. messieurs de l'autre côté
n'ont fait qu'une opposition très factieuse.
A tout instant ils se sont levés pour faire
des motions sur telle et telle chose, qui détournaient la chambre du véritable sujet
en
délibération, et qui l'ont ainsi inutilement
empêchée de rendre sa décision. Avant hier
soir encore, pendant qu'un membre se levait
pour prendre la parole, ils se sont écriés
qu'il était trop tard et ont demandé l'ajournement des débats; eh! bien, après que
cela
leur ont été accordé, ils perdirent deux ou
trois heures à proposer des amendements à
cette motion d'ajournement. Remarquez
aussi que cette conduite a été le fait d'hon.
députés qui connaissent parfaitement les
règles de cette chambre et qui savaient parfaitement un ces motions n'étaient pas
ans
l'ordre. (Ecoutez! écoutez!) Telle a été
la conduite des hon. messieurs qui siégent de
l'autre côté. Devant ces faits, quelle a été
la conduite du gouvernement? N'a-t-il as
donné avis d'une motion—que l'opposition
factieuse de l'autre côté a empêché de mettre
aux voix—à l'effet de prolonger le temps de
la discussion en la faisant commencer à trois
heures de l'après-midi au lieu de sept heures
du soir? Nous avons débattu la question
pendant des semaines, et bien que les hon.
messieurs de l'autre côté aient toujours été
présents, ils n'ont pas proposé un seul amendement; mais la question préalable n'a
pas
été aussitôt proposée qu'ils ont fait entendre
le cri qu'on voulait les bâillonner. Même
après que la chambre eut commencé à trois
heures à discuter cette question, l'un après
l'autre ces hon. messieurs se sont plu à y
mettre obstacle, à faire perdre le temps dans
l'espérance de voir sourdre quelque chose
qui put tourner contre la projet, et cette
espérance s'est enfin réalisée selon leur
désir sous forme de nouvelles reçues du
Nouveau-Brunswick; or, comme ils doivent
être maintenant satisfaits, j'espère qu'ils ne
retarderont plus le vote. (Ecoutez!) Dans la
discussion d'un sujet comme celui-ci, je ne
vois pas qu'il soit nécessaire d'exhumer les
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discours prononcés il y a dix ans par des
membres de cette chambre. Je ne vois pas
l'utilité de lire de longs extraits pour démontrer qu'en 1858, l'hon. député de Montmorency
était adverse à l'union des provinces,
ou qu'à la même époque, le député d'Hochelaga était en faveur de cette union. Je ne
vois pas ce que toutes ces citations ont à
faire avec la question qui nous occupe, et
qui est maintenant soumise à notre décision
dans une forme pratique. Ce qui nous reste
à faire, c'est de dire, par notre vote, si nous
sommes pour ou contre la confédération.
Depuis quelque temps, les circonstances ont
pour nous changé, mais ce n'est pas seulement pour ce motif que je consens aujourd'hui
à cette union. Partout, sur les hustings,
dans les assemblées publiques et ailleurs,
j'ai toujours travaillé en faveur d'une union
des provinces de l'Amérique Britannique.
Quand même nos relations avec les Etats- Unis seraient ce qu'elles étaient il y a
cinq
ou six ans, je n'en donnerais pas moins
mon appui à une union. Ce n'est donc
pas, M. l'ORATEUR, parce que je pense
qu'il y ait nécessité pressante d'adopter
le projet que je lui donne mon appui.
Cependant cette nécessité existe, et je ne
vois pas pourquoi il ne serait pas permis
à d'autres hon. messieurs, dans le cours
de cinq ou six ans, pendant lesquels les
temps ont changé, puisqu'une union est
devenue de nécessité urgente,—d'avoir
changé d'idée. Le sage change d'idée; le fou
seul n'en change pas. (Ecoutez! écoutez!)
Peu avant la réunion des chambres, j'annonçais des assemblées dans la division de
Leeds Sud, afin de faire connaitre à mes électeurs les opinions que j'avais sur cette
question, et aussi pour constater leurs vues. Les
électeurs de tous les partis furent invités à
ces assemblées, qui étaient bien composées et
assez nombreuses, mais où se trouvaient
aussi mes plus zélés adversaires à la dernière
élection; eh bien! à toutes ces réunions,
dont le nombre a été de six ou sept, pas une
voix ne s'est élevée contre l'union du Canada
avec les provinces maritimes. Tous les assistants parurent croire à la nécessité,
aux
avantages de cette union, non seulement au
point de vue commercial mais surtout parce
qu'elle aurait pour résultat de resserrer les
liens qui nous unissent à la mère-patrie.
On a dit que cette question n'avait jamais
été soumise au peuple, en un mot, qu'elle
n'avait pas subi l'épreuve d'une élection.
Pourtant, M. l'ORATEUR, dès 1826, Sir J.
BEVERLY ROBINSON, un des hommes les
plus éminents que le pays ait jamais produits,
s'est prononcé en faveur de cette union;
après lui et à différentes époques, cette
question a été remise sur le tapis par le
célèbre rapport de lord DURHAM, par la
ligue britannique américaine, qui avait
pour président l'hon. et regretté GEORGE
MOFFATT, de Montréal, et plus tard, par
cette dépêche au gouvernement impérial
portant la date du moins d'octobre 1858,
et la signature des bon. messieurs CARTIER,
GALT et ROSS. Pourquoi il n'a été rien fait
à l'occasion de cette dépêche, c'est ce que
je ne saurais dire; j'en laisse la responsabilité à ceux qui composaient alors le
gouvernement. A mon avis, M. l'ORATEUR, cette
union nous sera très avantageuse sous beaucoup de rapports. Elle resserrera au lieu
les faire se rompre, comme le prétendent ses
adversaires, nos liens avec la mère-patrie,
tout en nous mettant en relief au yeux du
monde. Ainsi que le déclare habilement le
discours du trône, au lieu d'être autant de
petites provinces isolées, nous formerons une
grande nationalité—dont la population, dès
le début, s'élèvera à près de 4,000,000
d'âmes — qui nous placera au rang des premiers pays du monde. (Ecoutez! écoutez!)
Cette union aura aussi l'effet de rehausser
notre crédit, tant ici qu'en Angleterre; au lieu
de voir nos fonds et nos effets cotés comme
par accident sur le marché de Londres, ils
seraient plus en évidence et plus recherchés
qu'aujourd'hui. Elle donnera un marché de
plus à nos produits agricoles et manufacturiers, et plus ne toute autre mesure elle
aura l'effet de diriger un courant d'immigration vers nos rives. (Ecoutez! écoutez!)
Aujourd'hui, celui qui émigre en Amérique
est en peine de savoir dans laquelle des
différentes provinces il ira, et lorsqu'il parle
d'aller en Amérique, le seul lieu auquel il
songe est New-York. Elle donnera lieu à
l'établissement d'une ligne quotidienne de
steamers faisant le service des différents
points de l'Europe à Halifax, qui est le port
de mer le plus rapproché de ce pays, et avec
le chemin de fer intercolonial, qui amènerait
l'immigrant en droite ligne au Canada, qui
voudra soutenir que nous ne pourrons pas
diriger vers nos bords un plus grand courant
d'immigration que nous n'en avons jamais eu?
A l'heure qu'il est, notre immigration est
bornée à ceux qui sont induits à venir ici
sur l'invitation d'amis qui ont fait de cette
contrée la leur, et qui y vivent dans un état
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prospère. Voilà les raisons, M. l'ORATEUR,
qui m'engagent, au point de vue politique, à
donner mon appui aux résolutions que vous
avez à la main. Je n'ai que faire de dire
qu'en en ma qualité de négociant et au point
de vue du commerce il leur est aussi cordialement assuré. (Ecoutez! écoutez!) Osera
t-on prétendre que par l'adjonction de près
d'un million d'habitants laborieux et intelligents, ce pays ne deviendra pas plus
prospère? Prétendra-t-on que nous ne profiterons
pas de la disparition des obstacles que rencontre actuellement le commerce avec ces
provinces si peu éloignées? Nos produits
manufacturiers ne trouveront-ils pas un
écoulement plus facile lorsque les tarifs
hostiles des provinces maritimes seront disparus? De nouveaux marchés ne seront-ils
pas ouverts à nos produits lorsque le chemin
de fir intercolonial nous reliera à elles et
que le libre échange existera entre elles et
nous? Pouvons-nous songer à rester comme
à présent sans avoir, à nous, de voie de communication à l'Atlantique pendant cinq
mois de l'année? (Ecoutez! écoutez!)
Quand nous sommes menacés d'hostilités
par la presse, le peuple et le gouvernement
des Etats—Unis, qui vient de mettre en
force le système nuisible des passeports et
donner avis de l'abrogation du traité de réciprocité et de l'abolition du système
d'entreposage; par l'avis qui a été donné au
gouvernement anglais que le traité concernant les navires armés en guerre sur nos
lacs devait être aboli; quand nous voyons
que nos fermiers seront privés pendant cinq
mois de l'année d'envoyer leurs produits à
un marché; quand nos marchands se trouveront dans la même position pour le renouvellement
de leurs fonds de commerce;
quand nous aurons à dépendre de la générosité d'un pays étranger même pour l'envoi
de nos malles en Angleterre; menacés,
comme nous le sommes, d'être ainsi paralysés,— dira-t-on encore que cette union avec
les provinces inférieures n'est pas à désirer,
et qu'aussitôt possible nous ne construirons
pas sur notre territoire une voie ferrée conduisant jusqu'à l'Atlantique, jusqu'à
Halifax,
l'un des meilleurs havres du monde? Continuerons-nous à dépendre d'un pays étranger
pour notre existence même? (Ecoutez!)
Resterons-nous dans cette dépendance au
lieu de nous mettre courageusement à l'ouvrage, de secouer notre nonchalance et notre
inertie, de construire le chemin de fer intercolonial et de nous créer un débouché
pour
nos produits? (Ecoutez!) Conjointement
avec cette grande entreprise, je crois que,
pour l'avantage du pays, nous devrions songer
à agrandir et creuser nos canaux. (Ecoutez!)
Voici une minute du conseil exécutif publiée
par le ministère SANDFIELD MACDONALD—
DORION à la date du 19 février 1864. Elle
est aussi conçue:
"Bien que rien n'indique un accroissement
d'influence dans le parti hostile au traité de réciprocité, des avis officiels relatifs
à l'opinion et
aux intentions des hommes les plus influents des
Etats-Unis, ont convaincu le comité que l'abrogation de ce traité est imminente, à
moins que les
conseillers de Sa Majesté ne prennent des mesures
promptes et énergiques pour empêcher une mesure
qui serait pour les populations du Canada une
grande calamité."
Je lis aussi dans cet ordre en conseil:
"Sous la bienfaisante opération du système du
gouvernement responsable que la mère-patrie a
accordé au Canada et aux autres colonies qui ont
des institutions représentatives, combinée avec les
avantages du traité de réciprocité et du libre
échange avec nos plus proches voisins des produits
des deux pays, toute agitation en faveur de changements organiques a cessé; et tout
mécoutement
dans les relations extérieures de la province a
disparu."
D'après cette minute, le gouvernement
SANDFIELD MACDONALD—DORION semblait
être d'avis que l'abrogation du traité de réciprocité serait une grande calamité pour
le
pays. Mais je ne crois pas que nous soyons
jamais obligés d'aller demander à genoux
au gouvernement de Washington la continuation de ce traité. (Ecoutez!) Depuis
un an ou deux, et par suite de la différence
du cours monétaire dans les deux pays, le
traité est, pour nous, comme déjà abrogé.
L'état du cours monétaire a gravement lésé
les intérêts du Canada. Nos intérêts miniers
et l'exploitation des bois, qui est une des
branches les plus importantes de notre commerce, sont paralysés et presque anéantis.
(Ecoutez!) L'abrogation du traité de réciprocité nous sera-t-elle plus préjudiciable
que
le bouleversement du cours monétaire? Au
lieu d'être une calamité, la révocation de ce
traité nous forcera à réaliser des changements organiques qui tourneront au plus
grand avantage et à la prospérité du pays.
Pour ma part, j'ai vu avec peine notre gouvernement d'alors publier un pareil document
qui, tombant entre les mains des Américains, peut leur faire croire que la révocation
du traité de réciprocité serait un malheur irréparable. (Ecoutez!) Je le répète
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encore, je ne crois point que la révocation de
ce traité doive être tellement préjudiciable à
nos intérêts. Il est vrai que nous pourrons
souffrir pendant quatre ou cinq ans, mais,
laissés à nos propres ressources, nous apprendrons alors à nous suffire à nous-mêmes.
Nos marchands n'auront plus à attendre de
l'indulgence des Américains le moyen de
communiquer avec l'océan pendant quatre
ou cinq mois de l'année. Mettons généreusement la main à la poche pour construire
le chemin de fer intercolonial, et nous ouvrirons à nos marchands une voie pour
transporter sur notre propre territoire leurs
produits jusqu'aux ports de l'océan. Et alors
nous pourrons dire aux habitants des Etats- Unis: "Vous ne partagerez plus les avantages
de nos pêcheries, nos canaux vous
seront fermés, et, à moins que vous ne payiez
des droits élevés, nous ne vous laisserons
plus importer en Canada vos grains communs pour l'approvisionnement de nos
brasseries et de nos distilleries." Or, M.
l'ORATEUR, l'importation de ces grains se
monte chaque année à près de deux millions
de minots; on voit par là que les avantages
du traité ne sont pas tous d'un côté. (Ecoutez!) Je pense que les Américains finiront
par reconnaître l'avantage de rester en bons
termes avec cette province lorsqu'ils verront
que le contrôle de la navigation sur le Canal
Welland et sur ceux du St. Laurent, qui
forme le débouché naturel pour les produits
des Etats de l'Ouest, représentant, en 1863,
l'énorme quantité de cinq cent vingt millions
de monts de grain, lorsqu'ils verront, dis-je,
que ce contrôle est entièrementle nôtre. Comparé au St. Laurent, le canal Erié n'est
qu'un ruisseau dont la navigation est arrêtée
par les glaces plus tôt que celles de nos lacs
et de nos cours-d'eau. En examinant bien
tous les avantages qui sont pour nous, les
Américains songeront à se maintenir dans de
bons termes avec le Canada au lieu d'abuser
de cette phrase vulgaire: "Donnees, sans
hésiter, un bon soufflet aux, Canadiens! "
(Ecoutez!) J'ai dit, en commençant, que
j'étais opposé à certains, détails des résolutions, je vais dire quelques mots, de
ces
détails. Je préférerais à l'union fédérale un
pouvoir unique concentré dans une union
législative. Je crains que notre système de
gouvernement soit trop compliqué et bien
plus coûteux que si nous avions un gouvernement général sans toutes ces petites législatures
locales. (Ecoutez!) Mais je dois dire
que l'union fédérale proposée ne ressemble
en rien à l'ancienne union fédérale des Etats- Unis. Quelques hon. messieurs ont fait
un
pompeux éloge du système américain, en
recommandant de l'imiter, mais je préfère
néanmoins le nôtre. Voici la différence des
deux systèmes: aux Etats-Unis, le système
fédéral a été formé d'un certain nombre
d'états indépendants dans leurs pouvoirs, qui
délèguent au gouvernement central une plus
ou moins grande partie de leurs attributs; la
doctrine des droits d'état y est ainsi admise,
et nous assistons depuis quatre ans à la sanglante lutte qu'elle a produit et qui
aménera
probablement la destruction de l'union fédérale. Chez nous, c'est tout le contraire:
le
gouvernement central ne reçoit pas ses pouvoirs des différentes provinces, mais il
règle,
à son gré, les pouvoirs de chacune d'elles.
Voici ce que dit la 45me résolution:
"Pour tout ce qui regarde les questions
soumises concurremment au contrôle du parlement
fédéral et des législatures locales, les lois du
parlement fédéral devront l'emporter sur celles
des législatures locales. Les lois de ces dernières
seront nulles partout où elles seront en conflit
avec celles du parlement général."
Ainsi, tout le contrôle est entre les mains
du gouvernement général, en sorte que
l'union possède le caractère législatif en tant
que les conditions d'être de chaque province
le permettent. C'est tellement vrai que l'hon.
membre pour Hochelaga redoute que nous
finissions par avoir une union législative;—
mais, à mon sens, c'est ce qu'il y aurait de
plus désirable. (Ecoutez!) Il y a encore,
dans les résolutions, deux ou trois points
auxquels j'objecte. Les terres publiques sont
placées sous le contrôle des législatures
locales; il en est de même de l'immigration
et des pêcheries sur nos côtes. Or, ce sont
là des questions d'intérêt général et qui
devraient, pour plus d'une raison, être sous
le contrôle du gouvernement fédéral. Toute- fois, d'après la 45me résolution, que
je viens
de lire, lorsque l'intérêt général l'exigera, le
gouvernement fédéral pourra retirer ce contrôle aux législatures locales. (Ecoutez!)
J'ai démontré aussi brièvement que possible
combien nos relations politiques et commerciales gagneront à notre union avec les
provinces du Golfe. J'ai également signalé en
quelques mots les objections qu'on trouve à
l'accomplissement de cette union. Je vais
maintenant essayer de faire voir qu'au point
de vue de la défense du pays cette union est
éminemment desirable. On doit surtout
désirer de voir toutes les forces du pays con
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centrées sous un pouvoir unique. Dans quelle
position nous trouverions-nous, en cas de
guerre, avec toutes les provinces séparées
comme elles le sont? On pourrait, dans
l'état actuel des choses, trouver mauvais
qu'une partie de la milice d'une province
lut envoyée pour défendre une des autres
sans le consentement de la première, et avant
de pouvoir mettre nos troupes en campagnes
les délais administratifs feraient perdre un
temps précieux et nous exposeraient peut- être à de graves dangers. (Ecoutez!) Une
fois unis nous pourrions, dans un instant,
diriger nos troupes sur un point donné.
D'hon. messieurs trouvent mauvais que
l'on affecte certaines sommes à construire des
fortifications; sous ce rapport, je suis sûr
que toutes sommes nécessaires seront généreusement accordées par les populations du
Canada; car, s'il est une chose pour laquelle le
Canada contribuera généreusement, c'est pour
sa propre défense et le maintien de son union
avec la mère-patrie. (Ecoutez!) On a dit
aussi que nous serions écrasés par les Etats- Unis. A une certaine époque, nous nous
sommes défendus vaillamment et avec succès; et si l'occasion se présentait, les provinces
du golfe s'uniraient généreusement au Canada
pour défendre ce que nous avons tous de
plus cher. (Ecoutez!) On a dit aussi que
nous devions garder une stricte neutralité,
que même notre neutralité devrait étre
garantie par l'Angleterre, la France et les
Etats-Unis au cas d'un conflit entre ces puissances. Or, n'est-ce pas là une idée
absurde?
Ose-t-on prétendre que nos populations se
soumettraient à une convention de ce genre
si on essayait de la conclure? Si l'Angleterre
en venait aux prises avec les Etats-Unis,
verrait-elle les Canadiens lui refuser leur
secours? Qui prétendre empêcher les Canadiens de faire leur devoir lors ne la mère-
patrie combattra ses ennemis? Si tel était le
cas je renierais immédiatement mon pays,
qui serait alors la risée du monde entier.
(Ecoutez!) Au sujet de nos défenses, je lirai
un extrait du rapport du colonel JERVOIS,
l'habile officier du génie envoyé par le gouvernement anglais pour étudier la possibilité
de défendre le Canada en cas d'attaque: voici
ce qu'il dit:
"La question est celle-ci:—la force anglaise
maintenant en Canada doit—elle être retirée pour
éviter les risques d'une défaite,—ou bien, des
mesures nécessaires doivent-elles être prises pour
mettre cette force en état de servir pour la défense
de la province? La somme requise pour la construction des travaux proposés et les
armements à
Montréal et à Quebec, ne serait que la dépense
d'environ une année de la force reguliére que nous
maintenons à présent en Canada. C'est une
erreur de supposer que cette force puisse être de
quelque secours au pays, sans des fortifications
pour compenser l'exiguité du nombre. Cette
force, lors même qu'elle sera appuyée par toute la
milice locale qui pourrait maintenant être de
service, serait obligée, dans un cas de guerre, de
retraiter devant les forces supérieures qui l'attaqueraient, et ce serait une chance
si elle pouvait
se rendre à Québec et prendre la mer sans une
sérieuse défaite. D'un autre côté, si les travaux
maintenant recommandés étaient exécutés, les
points vitaux du pays pourraient être défendus,
et l'armée régulière deviendrait un noyau et un
pivot autour duquel les populations du Canada
pourraient se rallier, pour résister à l'agression
et conserver leur connexion avec la mère-patrie:
avantage que leur loyauté, leurs intérêts et leur
amour de la vraie liberté leur fait désirer de
conserver."
Tel est le rapport du colonel JERVOIS, un
des hommes spéciaux les plus habiles de
l'Angleterre; il est bien permis, je suppose,
d'en croire son témoignage de préférence
aux assertions des honorables membres sur
un sujet dont ils n'ont jamais fait une étude
particulière, et que l'expérience ne leur a
point donné occasion d'approfondir. (Ecoutez!) Il y a quelques jours, Sir J. WALSH
s'exprimait comme suit en parlant sur une
adresse à Sa Majesté, demandant la correspondance relative au traité de réciprocité
et à
la limitation du nombre de vapeurs de guerre
sur nos lacs:
"Quelques hon. membres peuvent, sans honte
ni regret, envisager la séparation du Canada et
de l'Angleterre en disant que nous serons ainsi
délivrés d'une grande source d'embarras, de complications et de dépenses. Or, je prétends
que,
quand même l'Angleterre le voudrait, elle ne peut
abandonner le Canada. Tant que le Canada conservera le désir de rester uni avec la
Grande- Bretagne et d'être indépendant des Etats-Unis,
nous serons obligés pour notre honneur et dans
notre intérêt de le protéger, de défendre ses
droits et, soit que nous le considérions comme
un allié ou une colonie, de le mettre à l'abri d'une
agression venant des Etats-Unis: c'est pour
l'Angleterre une obligation imprescriptible. Un
jour peut-être le chancelier de l'échiquier viendra,
en termes flatteurs, féliciter cette chambre de
nous avoir débarrassés d'une source de lourdes
dépenses. Il pourra peut-être aussi féliciter la
chambre de ce que les ateliers de Birmingham
expédiant une foule de canons Armstrong et Whitworth pour armer la nouvelle flotte
canadienne,
ainsi qu'une quantité énorme de fers et de menottes
pour enchaîner les Américains insolents. Il se
pourrait aussi qu'en même temps le très-hon.
monsieur félicitât la chambre sur notre prospérité
commerciale en annonçant qu'il allait réduire l'impôt sur le revenu de deux ou quatre
sens par livre.
Mais si jamais arrive le jour où nous devons
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entendre une pareille déclaration, le monde entier
pourra dire avec raison que le chêne orgueilleux
qui représente la puissance anglaise, dépérit
branche par branche, et est gâté jusqu'au cœur.
Aucun faux-fuyant ne saurait soustraire l'Angleterre à l'obligation de défendre le
Canada. Non
seulement c'est une question entre le Canada et
nous, mais c'est aussi une question importante
dans nos rapports avec les Etats-Unis. L'avis
que vient de nous donner le gouvernement des
Etats-Unis me semble si manifestement hostile
que c'est presque une déclaration de guerre; nos
ancêtres, du moins, l'auraient ainsi considéré."
Si telles sont les vues qu'on exprime en
Angleterre au moment où le Canada manifeste si énergiquement son désir de rester
uni à l'Angleterre, sous le drapeau que nous
chérissons tous, peut-on prétendre que nous
n'aurons pas assez d'énergie pour nous
défendre? Je suis sûr, M. l'ORATEUR, que
les citoyens du Canada ne reculeront pas si
l'occasion se présente. Les fastes de 1812
sont présents à nos cœurs, et le sang des
loyalistes des Etats-Unis qui sont venus ici,
lors de la déclaration d'indépendance, pour
vivre sous la protection des lois anglaises, est
encore bouillant dans nos veines. (Ecoutez!)
M. l'ORATEUR, j'espère que cette union
s'accomplira, que la domination anglaise ne
fera que se consolider sur notre continent,
que notre union avec la mère-patrie sera
plus fortement cimentée, et que notre pays
offrira une heureuse patrie à des centaines
de mille d'émigrants anglais, ainsi qu'à tous
ceux qui y vivent aujourd'hui, et même
aux enfants de leurs enfants, dans les siècles
a venir. (Ecoutez! et applaudissements.)
M. CARTWRIGHT— M. l'ORATEUR:—
Le débat commence à prendre une tournure
singulière. Tout dernièrement encore les
hon. membres de l'opposition se plaignaient
de la précipitation extrême,—ils ont même
dit: indécente,—avec laquelle cette mesure
était discutée. Ils ont affirmé que ce projet
est le seul lien qui unisse les membres du
cabinet actuel, et de plus que, dans leur
aveugle mais audacieux empressement à
atteindre leurs fins, les ministres ont gravement compromis nos intérêts en faisant
des
concessions à Terreneuve et au Nouveau- Brunswick. Toutefois, la question est dernièrement
entrée dans une nouvelle phase.
On a découvert qu'au lieu d'être un lien
entre les ministres, ce projet n'était qu'un
subterfuge habile pour se maintenir quand
même au pouvoir. Laissant de côté la contradiction flagrante de toutes ces accusations,
et l'absurdité de cette prétention que le
projet est le seul lien qui maintienne les
ministres unis, j'expliquerai, en quelques
mots, les raisons qui m'ont porté, d'accord
avec la majorité de cette chambre et du
pays, à soutenir les hon. ministres non
seulement dans la mesure que nous discutons actuellement, mais dans le programme
politique qui les a conduits à la fusion
opérée l'été dernier. Ils ont agi en cette
circonstance avec le plein assentiment de
leurs partisans, et ce qu'ils ont fait engage
notre honneur autant que le leur. Mais, M.
l'ORATEUR, loin de moi l'idée de prétendre
qu'ils ont eu tort. Nous étions alors justifiés
par de bonnes raisons qui ont aujourd'hui
encore dix fois plus de poids. Pour les
comprendre ces raisons, M. l'ORATEUR, il
suffit de se reporter à notre histoire parlementaire des quelques dernières années,
et
de se demander si aucune expression est
assez forte, aucun sacrifice assez grand en
face de la nécessité de mettre fin au triste
état de choses que nous avons subi durant
cette période. Je parlerai d'abord de la précipitation dont on accuse les ministres.
Nul
doute que les négociations relatives à la
confédération ont marché avec une rapidité
étonante. On ne saurait citer un pareil
exemple de rapidité quand il s'est agi d'un
projet aussi vaste et aussi délicat. Mais,
loin de voir dans ce fait un inconvénient ou
une preuve que le pays a été surpris par ce
projet, j'y trouve un présage assuré de son
succès malgré les échecs momentanés qu'il
pourra éprouver, parce qu'ainsi est démontré
le zèle et l'honnêteté des ministres qui se
sont dévoués à ce projet, et de plus, parce
que c'est une preuve de l'influence des événements pendant les quelques dernières
années
sur le résultat final de cette mesure, qui n'est,
en définitive, qu'une conclusion inévitable
à laquelle le Canada, du moins, était arrivé,
et que les hon. ministres ne font que hâter
d'accord en cela avec les vœux de tout
Canadien qui désire rester sous la domination anglaise. De plus, ce projet est la
seule
alternative qui nous reste pour échapper à
l'absorption par les Etats-Unis. Cet argument a peut-être pour moi plus de poids que
pour certains hon. membres. Quelques-uns
ont peut-être en secret caressé ce rêve magnifique, si cher aux Américains, d'un empire
s'étendant d'une mer à l'autre et unissant,
sous une même domination, tous les états
et provinces répandus depuis le golfe du
Mexique jusqu'à la Baie d'Hudson. Je
comprends, M. l'ORATEUR, la fascination
que peut exercer une semblable idée, et
823
c'est précisément pour cela que je m'y oppose
de toutes mes forces. Je suis convaincu,
en effet, que l'établissement d'un pouvoir
aussi gigantesque serait la source des plus
grands malheurs non seulement pour les
parties composantes, mais peut-être pour le
monde entier. Mais je reviens à mon sujet
et je rappellerai d'abord les périls auxquels
nous avons dernièrement échappé. Je ne
parle que de ce dont j'ai été témoin moi-même
dans ma courte carrière politique, et j'en
appelle à chacun des membres de cette hon.
chambre en leur demandant si nous avons
lieu d'être fiers des scènes qui se sont passées
pendant les deux dernières sessions?—nous
avons tout au plus droit de nous réjouir de
la conclusion. Quelle était notre position,
M. l'ORATEUR, cette position que certains
hon. membres ont la hardiesse de regretter?
Deux dissolutions (bien ne dans la dernière la prérogative royale n'ait pas été
exercée); trois changements de ministère
dans un an; la destinée du ministère dépendant du vote de tel ou tel membre capricieux
ou sans principes parmi les 130 députés qui
composent cette chambre; notre revenu et
notre crédit marchant vers la ruine; toute
législation suspendue; tels étaient, M.l'ORATEUR, les pénibles symptômes qui auraient
bien pu nous alarmer quand même nous
eussions été dans la paix la plus profonde.
Mais, menacés par les dangers les plus sérieux pour un peuple libre, il aurait fallu
être sourds et aveugles en présence des
calamités qui pèsent sur nos voisins pour
ne pas saisir la première occasion de sortir
de cette pénible position; ce qui m'étonne
ce n'est pas que nos hommes d'état aient
courageusement mis de côté leurs animosités
particulières et leurs petits intérêts de parti,
mais c'est que nous ayons enduré un pareil
état de choses pendant deux grandes années.
Il ne m'appartient pas de dire qui a été le
plus à blâmer dans le passé. Je ne prétends juger ni défendre personne; je ne
parle ne de faits connus de tout le monde
et je is que l'attitude et l'animosité des
partis nous avaient fait descendre à un degré
de démoralisation qu'il est même pénible
de rappeler en ce moment. Bien loin de
regarder comme un malheur ou comme
enlevant toute sauvegarde au peuple, la
fusion des parties qui s'est opérée, je prétends qu'il était de la dernière importance
pour le pays de voir cesser ces luttes désespérées qui le divisaient depuis si longtemps,
d'avoir un instant de repos pour examiner
les graves dangers qui l'entouraient, une
chance enfin d'échapper à l'anarchie qui le
menaçait. Les différents partis et la presse
peuvent se féliciter que depuis que le projet
a été soumis au public le ton général de la
discussion s'est beaucoup relevé. (Ecoutez!
écoutez!) Pour la presse, en particulier,
du moment qu'elle n'a plus été dans la
nécessité de descendre aux manœuvres de
parti, du moment qu'elle a en à s'occuper
d'une question aussi grave, elle a abandonné
toutes ces rancuneuses personnalités qui
salissaient ses pages. M. l'ORATEUR, le
Canada a eu une leçon qu'il n'oubliera pas de
sitôt. Je suis persuadé que, dorénavant, il
ne sera plus aussi facile d'animer citoyen
contre citoyen, race contre race. Nos populations commencent à comprendre que les
hommes qui se mettent à la tête des grands
partis ne sont pas nécessairement des scélérats
que les deux partis peuvent avoir de grands
principes politiques à défendre, que les mots
réformiste et révolutionnaire, conservateur
et corrupteur, ne sont pas absolument
synonymes, et que les hommes qui ont consacré la plus belle partie de leur vie, et
quelquefois une grande portion de leur
fortune, au service de leur pays, ont des
vues plus hautes que les misérables intrigues
de l'agiotage. Ce respect des hommes
publics est pour moi d'une grande importance. Tout le monde reconnaît qu'une
grande partie des malheurs qui affligent
aujourd'hui les Etats-Unis, est due à la dégradation des hommes publics. Il est heureux
pour nous que notre sort soit encore entre nos
mains; il est heureux que nous puissions
encore décider si nous aurons pour chefs des
hommes d'état ou des orateurs de la rue, et
si cette chambre maintiendra sa dignité ou
deviendra un caucus de charlatans. Il est
encore en notre pouvoir de décider si nous
aurons à la tête des affaires les hommes les
plus habiles du pays ou si la capacité sera
une cause d'exclusion de cette assemblée. Il
devient évident, M. l'ORATEUR, que, sous
ce rapport et d'autres, les Canadiens sont
disposés à imiter leurs ancêtres d'Angleterre.
M. l'ORATEUR, certains hon. membres ne
pouvant produire aucun argument solide
contre la confédération, se sont montrés hautement scandalisés de la combinaison qui
va
probablement assurer le succès de ce projet.
En théorie, je l'admets, toute fusion politique peut-être considérée mauvaise. Cette
idée est surtout répandue chez le peuple
anglais; de hit, une coalition est une mesure
824
extrême à laquelle on ne doit avoir recours
qu'en cas d'urgence. Mais si de vils motifs
peuvent amener une coalition, elle peut
aussi, M. l'ORATEUR, être due à de nobles sentiments. Ce peut n'être qu'une conspiration
ourdie par des hommes qui se détestent mais
s'unissent dans un but commun de lucre et
de pillage; mais elle représente aussi parfois
de nobles sacrifices et de courageuses concessions. Je n'insulterai pas au bon sens
de
la chambre en lui demandant si la coalition
actuelle avait un motif suffisant pour s'amuser.
Ceux mêmes qui s'opposent le plus fortement
à la mesure sont obligés de reconnaître la
grandeur et l'importance d'un projet qui
d'une colonie sait faire une grande nation
et est bien digne, par conséquent, des aspirations de nos hommes d'état. Pour décider
maintenant si notre position était assez
critique pour exiger de nos hommes d'état la
plus grande énergie et justifier une union qui
nous fera sortirde nos difficultés, je dois encore
revenir sur les évènements des dernières
années, bien que ce soit un sujet pénible à
plus d'un titre. M. l'ORATEUR, était-ce un
état de choses bien enviable de voir tout-à- coup un jeune pays qui n'avait tout dernièrement
encore pas un seul son de dettes, si
j'en excepte les obligations contractées pour
cause d'utilité publique, entraîné dans des
dépenses excédant son revenu de 20, 30 et
même 40 p. cent par année? Etait-ce un
état de choses enviable de voir nos plus
vastes cités dépeuplées par suite de taxes
exorbitantes? Etait-ce un état de choses
enviable de voir l'émigration se diriger de
préférence vers un pays désolé par la guerre
au lieu de se porter vers nous qui avons un
territoire capable de faire vivre une population dix fois plus forte que notre population
actuelle? Etait-il agréable après avoir
versé notre sang pour rester unis à la mère- patrie, de nous voir par notre apathie
devenir
la risée de nos amis et de nos ennemis? Et
enfin, M. l'ORATEUR, au moment où une
administration forte et bien intentionnée
nous était si nécessaire, était-ce consolant
de voir qu'il suffisait qu'une mesure fut
mise en avant par un parti pour être
mal accueillie par une moitié du pays,
tandis qu'un jeu de bascule politique, aussi
ridicule que stérile, était le fond de toutes
nos délibérations? On ne dira pas, M. l'ORATEUR, qu'en rappelant ces faits je cherche
à
déprécier la gravité des difficultés qu'ont
rencontrées nos hommes publics. Loin delà, je suis porté à croire que, par le passé,
on les a trop peu appréciées. On a toujours
semblé croire que c'était la chose la plus
aisée du monde de maintenir unies deux
nations différentes par la race, la langue, les
lors, les coutumes et la religion, différentes
en un mot en tout ce qui peut causer des divisions parmi des hommes d'origine européenne,
et professant les mêmes sentiments
chrétiens. Or, M. l'ORATEUR, s'il est
une tâche ardue c'est bien celle-là. Les
hommes d'état les plus habiles de l'Europe y ont souvent succombé, et je ne sais
pas encore si on parviendra jamais à établir
une parfaite harmonie. Quoiqu'il advienne
à cet égard il est un fait certain, c'est que
depuis l'empire Romain jusqu'à la fondation
du grand empire Britannique, lorsque des
populations de races différentes se sont
trouvées en contact, il a fallu faire beaucoup
de concessions aux nationalités, il a fallu, en
un mot, introduire partout l'élément fédéral,
bien que, dans tous les empires, une autorité
centrale ait été jugée indispensable. Or,
M. l'ORATEUR, le projet actuel, s'il donne
au gouvernement général l'administration
des finances et de la guerre, accorde en même
temps d'amples moyens de défense aux législatures locales; il prévient même, en cas
de
conflit sur des questions secondaires, tout
abus des droits d'Etat qui pourrait perpétuer
la discorde parmi nos descendants. C'est
pour toutes ces raisons que je suis disposé
à appuyer chaleureusement la mesure sans
m'attaquer trop vivement à tous les détails
qui peuvent offrir quelques inconvénients.
J'espère qu'en réglant notre constitution
générale et les constitutions locales, nous
ne nous laissons pas influencer par des
dangers chimériques pour notre liberté. M.
l'ORATEUR, nous n'avons point à craindre
d'ici à longtemps dans ce pays le fléau des
tyrans héréditaires et la plaie d'une puissante
oligarchie. Non, certes, et s'il est vrai que
toujours des dangers assez nombreux arrêteront notre progrès, je pense que tous les
vrais amis de la liberté et des sages réformes
seront d'accord avec moi pour admettre que
nous devons plutôt songer à assurer la
liberté individuelle que celle des masses, et
habituer surtout la majorité à respecter les
droits de la minorité, au lieu de les laisser
fouler aux pieds par une poignée d'ambitieux
sans vergogne. Pour ma part, je préfère la
liberté anglaise à l'égalité américaine. Je
tiens plus à la majesté de la loi qu'à la
dignité du juge LYNCH. J'aimerais mieux
être sujet d'un monarque héréditaire, qui
825
n'osera pas entrer dans la cabane du charbonnier sans lui demander permission, que
le libre et indépendant electeur d'un président autocrate qui se vante de pouvoir,
d'un
coup de sonnette, faire emprisonner en même
temps un homme à New-York et un autre à
St. Louis. J'ai dit, M. l'ORATEUR, que
pour plusieurs raisons, nous devons tous
travailler au succès de cette mesure. Non
seulement les barrières qui s'opposent à
notre progrès matériel seront renversées, et
c'est un point que j'apprécie à sa juste
valeur; non-seulement un champ plus vaste
sera ouvert à l'ambition personnelle, et ceci
n'est pas à dédaigner, mais, et c'est le fait
le plus important, notre niveau politique
s'élevera et nos populations sauront se pénétrer de ces sentiments de dignité et d'amour-
propre qui caractérissent toutes les grandes
nations. M. l'ORATEUR, notre position
pendant les dernières années peut étre
justement mise en parallèle avec celle
d'un jeune prodigue, qui est mis en possession de sa fortune avant l'époque où il
peut sagement l'administrer. Cette position
n'est pas plus enviable pour une nation que
pour un individu, et je vois avec plaisir
qu'on va y mettre fin. J'aurais désiré m'étendre plus au long sur certains sujets,
mais
une fatigue bien naturelle m'empêche de
continuer. Je ne terminerai pas toutefois
sans signaler un haut enseignement que je
trouve dans la constitution anglaise et que
nos populations semblent commencer à comprendre. Cette constitution, M. l'ORATEUR,
(et nous n'avons pas toujours assez tenu
compte du fait) n'exige pas de ceux qui
l'adoptent de farouches et impraticables
vertus républicaines, mais elle nécessite
chez ceux qui en administrent les détails
un certain degré de discrétion. Cette constitution, M. l'ORATEUR, reconnait la décision
calme et juste de la majorité,—et cette décision est presque toujours la bonne.—Mais
cette décision même n'est pas en dernier
ressort, elle est soumise à des contrôles de
toutes sortes, admis aussi bien par la loi que
par l'usage, et il est
impossible à une majorité si puissante quelle soit, d'accomplir une
injustice criante, tant que la minorité aura
dans la chambre une couple seulement de
représentants bien résolus à protester. Il est
impossible de nier qu'à ce sens de sécurité
personnelle accordée par notre constitution
au faible contre le fort, et à la conviction
qu'aucun acte poussant un parti quelconque
au désespoir amène inévitablement un conflit,
l'Angleterre doit d'avoir pu, depuis deux
siècles, administrer ses affaires sans conflit
dangereux et sans attentat direct à la loi. Je
suis heureux de voir, M. l'ORATEUR, que
nous allons rester fidèles à un système qui a
porté de si bons fruits pour la mère-patrie.
J'espère aussi que la difficulté, je dirai
presque l'impossibilité, d'opprimer la minorité
bannira de l'esprit de certains membres les
craintes qu'ils ont manifestées au sujet des
droits et priviléges locaux. Sans vouloir,
M. l'ORATEUR, me donner des airs de prophète, et bien que nous devions nous attendre
à de nombreuses difficultés avant d'arriver
à un résultat complet, j'ose exprimer l'espoir
que la loyauté des premiers colons de ce pays,
et je parle ici sans distinction de nationalité, aura la récompense que nos aïeux
ont
toujours désirée, par l'établissement sur
les bords du St. Laurent d'un royaume qui,
sans adhérer trop strictement à toutes les
coutumes de l'ancien monde, saura du moins
respecter les anciennes institutions, que nos
voisins les Américains ont si dédaigneusement jetées de côté. M. l'ORATEUR, nos
ancêtres ont certainement commis des fautes,
mais, malgré tout, leur abnégation et leur
courage dans des luttes herculéennes, et enfin
la préférence qu'ils ont toujours donnée aux
réformes sur la révolution, lors même qu'ils
ont aboli l'ancien système féodal dans l'état et
dans l'église, sont pour nous de bons exemples
que nous devons suivre et dont nous devons
être fiers. Je crois aussi, M. l'ORATEUR, que
nous commençons seulement à soupçonner
les immenses ressources que nous offrent
nos campagnes, nos bois, nos mines et nos
pêcheries; que nous commençons seulement
à apprécier les énormes avantages de notre
navigation intérieure. Notre climat est rigoureux, c'est vrai, mais il est sain et
si, dans
notre pays, on ne voit pas, comme dans
d'autres, s'élever tout-à-coup des fortunes
immenses, au moins tout homme courageux
et travaillant peut s'y assurer une existence
honorable. Les anciens peuples travaillent
pour nous; ils accumulent un capital d'habileté et de science que nous pouvons facilement
diriger vers nous et exploiter avantageusement; nous pouvons beaucoup profiter
de leur exemple. Un peu de patience, un
peu de modération, et enfin plus de concessions mutuelles en nous mettant en garde
contre des dangers inévitables, et nous verrons s'établir ici un empire qui n'aura
pas
de rival sur le continent. Que les difficultés
du moment ne nous arrêtent pas, portons
826
nos regards vers les questions importantes,
le temps en est arrivé; nous n'aurons jamais
une plus belle occasion de faire disparaître
les préjugés qui séparent inévitablement
les différentes provinces; jamais nous n'aurons un aussi ferme appui de la part du
gouvernement impérial, jamais nous n'aurons
un ministère plus puissant, et à qui la
confiance universelle donne tous les moyens
de régler nos difficultés; j'espère donc que
cette chambre se montrera, en cette circonstance, digne de la confiance des trois
millions
d'habitants qui peuplent ce pays. Je
ne suis pas très-âgé, M. l'ORATEUR, et
je me rappelle néanmoins l'époque où le
Canada n'était qu'une petite colonie dont on
ne parlait de l'autre côté de l'Atlantique
que si par hasard elle se révoltait; nous étions
aussi ignorés qu'à l'époque où un ministre
français abandonnait le Canada en disant:
"Que nous importent quelques arpents de
neige!" Et, malgré cela, M. l'ORATEUR,
j'ai vu, depuis trente ans, le Canada
devenir l'égal de bien des états indépendants
en Europe, et prêt à passer aujourd'hui
de l'état de colonie à celui d'allié respectable d'un grand pays et à prendre rang
parmi les peuples qui ont su courageusement défendre leur liberté. Voilà,
M. l'ORATEUR, le but auquel le Canada
doit tendre et vers lequel il se dirige
rapidement. Ce projet de confédération
nous y mène et pour y arriver je suis bien
prêt à faire des concessions, comme, par
exemple, à pardonner à plusieurs de mes
honorables amis d'avoir, à certaines époques,
parlé un peu trop vivement les uns des
autres. Qu'ils continuent leur œuvre et le
mènent à bonne fin, et, par ce moyen, ils
gagneront entièrement et ils auront mérité
l'affection et l'estime de tous ceux qui porteront par la suite le nom de Canadiens.
(Applaudissements.)
M. HARWOOD—M. le PRÉSIDENT:
L'importance de la mesure proposée,—les
conséquences funestes pour le pays si le
projet de confédération était rejeté par
cette chambre,—les sources de prospérité
sociale, politique et commerciale que la
confédération porte dans ses flancs, si elle est
adoptée avec la ferme volonté par tous de la
faire fonctionner efficacement,—sont telles que,
malgré les éloquents discours qui ont été prononcés de part et d'autre sur cette question,
et
qui semblent l'avoir complètement épuisée, je
crois qu'il est de mon devoir de mettre
devant les yeux du pays les raisons qui me
portent à devoir en soutenir la passation...
Appelés, comme nous le sommes tous, à enregistrer notre vote pour ou contre ce grand
changement constitutionnel, il n'est que juste
que chacun puisse, à sa mode et à sa guise,
motiver la part qu'il aura prise dans un acte
qui fera nécessairement époque dans les
annales parlementaires du Canada. (Ecoutez!
écoutez!) J'ai attentivement écouté, j'ai
soigneusement lu et relu les discours des
adversaires de la mesure, et en vérité, ils
n'ont eu pour effet que de me convaincre de
plus eu plus que, vu les circonstances exceptionnelles dans lesquelles le pays était
placé,
une union fédérale de toutes les provinces de
l'Amérique Britannique du Nord était le
seul remède aux difficultés sans nombre qui
se dessinaient sur notre horizon politique.
(Applaudissements) Les adversaires de la
mesure ne pouvant nier, tout à fait, les avantages de la confédération pour les cinq
provinces de l'Amérique anglaise, s'évertuent
à crier que cette union entraînerait pour nous
Canadiens-Français, nous catholiques, la perte
de notre nationalité, de notre langue, de nos
lois et de nos institutions... Moi, je ne
saurais être
pessimiste à ce point là. L'histoire
en main, je ne puis arriver à cette conclusion. Je montrerai tout à l'heure qu'il
existe,
de par le monde, des "confédérations" dans
lesquelles il y a différentes nationalités, différentes sectes religieuses, et où
cependant
règne l'équilibre le plus parfait entre les
droits politiques, civils et religieux des différents individus qui en font partie...
Y a-t-il d'autres moyens de régler nos difficultés de toutes sortes, que celui d'une
confédération? Non, je n'en vois aucun,—
et aucun ne nous est proposé par les adversaires du projet maintenant devant la chambre!!
M. le PRÉSIDENT, le pays est dans une
impasse politique; nous sommes arrivés à un
temps de crise. L'ambition, la soif du pouvoir, les passions politiques, exploitées
dans
tous les sens et de tous les côtés, ont tellement embarrassé les rouages de la machine
gouvernementale que force lui a été de
s'arrêter: et ceux qui la conduisaient ont été
obligés de se tenailler le cerveau pour tâcher
de trouver un moyen qui pût permettre la
continuation de la transaction des affaires
publiques de manière à arriver à une solution
de la difficulté capable de nous tirer de
l'ornière du "statu-quo" dans lequel le pays
était plongé, et nous remettre sur la grande
route de l'avancement et du progrès. En
vérité, M. le PRÉSIDENT, si l'ennemi le plus
827
acharné du Canada eût pu inventer un
moyen de nous placer sur un plan incliné,
nous conduisant directement à notre perte, il
aurait précisément choisi le moyen que les
différents adversaires politiques ont employé
depuis quelques années. Elections sur élections, ministère succèdent à ministère;
les
uns criant au gaspillage, les autres nommant
des commissions d'enquête pour essayer de
faire place à des amis. En effet, qu'est-il
arrivé depuis quelques années? N'avons- nous pas eu depuis le 21 mai 1862,
jusqu'à la fin de juin 1864, quatre ou cinq
gouvernements qui ont administré les affaires
du pays? Parmi ces différents gouvernements
nous en avons eu un qui semblait être le
"désiré des nations," le gouvernement par excellence de l'économie et du retranchement,
le
gouvernement MACDONALD-DORION! Qu'a-t- il fait pour le pays?...rien...absolument rien...;
il n'avait pas même le courage moral de ses
actes. Au commencement de la session
de février 1864, il a présenté une mesure
(celle des "Shérifs") eh! bien, sous les circonstances qu'a-t-il fait?—il a eu peur
de son
œuvre,—il a pâli devant les remontrances de
quelques uns de ses partisans, qui se montraient récalcitrants—le désespoir s'est
emparé de ses chefs—le désarroi s'est mis dans
le camp—puis, un beau jour ce ministère,
qui devait ramener l'âge d'or et avec lui
le bonheur et la prospérité, s'est tout doucement endormi dans le néant, sans laisser
aucune trace de son
avènement au pouvoir,—
en un mot, cette administration modèle
s'est éteinte "vierge de toute législation
sérieuse," le fameux projet de "retranchement" à la main et un budget "mort-né"
sur la conscience! (Rires prolongés et applaudissements!!) Je le demande à tout homme
sensé: combien faudrait-il de gouvernements
comme celui-là pour conduire la barque de
la patrie au port du salut,—pour nous tirer
de notre position, pour appaiser les luttes
de partis, pour régler les questions diverses,
et souvent diamétralement opposées les unes
aux autres, qui agitaient les différentes sections de la province depuis longtemps?
Ces luttes menaçaient de devenir éternelles,
si un hasard providentiel n'eût réuni ensemble
les hommes qui composent l'administration
actuelle! Tout le monde comprend que le
gouvernement de coalition, le seul possible
dans de semblables cas, est arrivé à point—et,
comme première preuve de sa capacité, il a
"saisi la fortune par les cheveux" comme
dit le proverbe, et a su habilement profiter
des circonstances! En effet, quelques mois
après la formation du ministère actuel, trois
des provinces d'en-bas, comprenant l'utilité
pour elles de se réunir ensemble, de cimenter une union d'où découlerait pour
elles la force et la prospérité,—convaincues
qu'elles étaient que rester désunies comme
elles l'avaient été jadis, avec un commerce
paralysé par des tarifs hostiles, était un véritable suicide politique,—envoyèrent
des délégués à Charlottetown pour s'entendre entr'eux
et préparer un plan dans le but d'arriver à
une solution avantageuse de la difficulté pour
ces trois provinces,—alors que fait notre ministère? Ses membres, trop sages pour
ne pas
comprendre l'importance de ce mouvement et
trop hommes d'état our ne pas chercher à en
profiter, trouvent le moyen d'assister aux
délibérations de Charlottetown,—puis, convaincus qu'une union fédérale de toutes les
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord serait la véritable planche de salut
pour le pays, soumettent aux délégués réunis
à Charlottetown un plan large, vaste, et habilement conçu, basé sur la justice et
l'égalité
pour les droits et privilèges de chacun,—un
plan par lequel chaque origine, chaque croyance aura pleine et entière protection,—un
plan d'union fédérale en un mot, ayant pour
sommet la puissante égide de l'Angleterre,
pour pierre fondamentale la prospérité sociale,
politique et commerciale de toutes les provinces, et pour pierre angulaire la liberté
constitutionnelle dans toute sa plénitude et
sa force. (Applaudissements.) Cette idée de
confédération des provinces n'est pas une
idée nouvelle. Tous ceux qui connaissent
tant soit peu l'histoire parlementaire du pays,
savent qu'un plan de confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord,
était une des bases du programme de l'administration CARTIER—MACDONALD en 1868.
Si l'on se demande: mais pourquoi la confédération?—Que ne restons-nous comme nous
sommes? Impossible, le passé nous le prouve.
Que ceux qui ne voient pas l'à-propos de la
confédération, regardent ce qui se passe de
l'autre côté des lignes,—qu'y verront-ils? Une
menace d'abrogation du traité de réciprocité.
On menace d'abolir le système de "transit."
On a inauguré un système de passeport qui
met toutes les entraves possibles à notre libre
circulation dans les Etats, et nuit considérablement au développement de notre commerce!
On ne peut communiquer, pendant
l'hiver, avec la mère—patrie qu'en passant sur
le sol américain: nous n'y passons que par"
828
tolérance; d'un moment à l'autre ce privilége
peut cons être été, et nous serions tout à
coup, pendant la longue saison de l'hiver,
sans communication possible avec l'Europe!!!
Voilà. pour nous des raisons plus que suffisantes pour chercher à améliorer notre
position, et le seul moyen possible est une
union commerciale, sociale et politique avec
nos sœurs-colonies les provinces maritimes.
J'entends d'hons. membres qui disent:
ourquoi plutôt ne pas avoir le rapel de
l'union? pourquoi ne pas laisser le Haut et
le Bas-Canada séparés comme avant 1840?
Cette mesure mettrait probablement fin aux
demandes réitérées du Haut-Canada pour la
représentation d'après le nombre, et aux
craintes du Bas-Canada de voir ses institutions cn danger, si la représentation basée
sur la population était accordée; mais cette
mesure serait un pas rétrograde, qui rejetterait le pays en arrière et le mettrait
dans
la position qu'il occupait avant l'union. Cette
mesure briserait une connexion qui existe depuis longtemps,— une union d'où est sortie
pour le pa 5 une source de progrès, de richesses et e prospérité. Une telle dissolution
ne ferait que nous affaiblir davantage, et nous
ne serions que deux provinces faibles et insignifiantes, tandis que l'union nous a
fait une
province comparativement forte. Que de travaux gigantesques se sont faits sous l'union,—
canaux, chemins de fer, etc.! Y a-t-il un seul
homme de bonne foi, un seul homme n'étant
pas en divorce complet avec le bon sens, qui
poserait dire que le Haut et le Bas-Canada
seraient aussi avancés, l'un et l'autre, qu'ils
le sont en ce moment, s'ils eussent continué à demeurer séparés, avec des tarifs
hostiles l'un à l'autre? Plutôt que d'avoir
la cônfédération donnons au Haut-Canada,
s'écriera un adversaire quand même du plan
proposé, la représentation basée sur le nombres puremsnt et simplement, comme semble
le désirer l'hon. membre pour Hochelaga
dans son célèbre manifeste de 1865;—mais
c'est positivement absurde il c'est une violation de l'esprit et de la lettre de l'acte
d'Union de 1840! c'est la principale source
de toutes les difficultés sectionnaires qui ont
troublé et cette enceinte et le pays depuis
nombre d'années. Ce serait demander la
ruine complète des intérêts civils et religieux
des Canadiens-Français!! Dans ces tristes
conjonctures, que nous restet-il M.l'ORATEUR?—il nous reste la confédération de
toutes les provinces du anglaises de l'Amérique
Britannique du Nord. Voilà le seul remède
possible aux circonstances actuelles! De
deux choses l'une: ou nous formerons partie
d'une confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord, ou nous tomberons
dans le gouffre profond de la confédération des Etats voisins, ci-devant les
Etats-Unis! (Ecoutez! écoutez.) Qu'ils sont
ridicules ceux qui croient que les Etats du
Nord n'ont pas besoin de nous ... avec
nos richesses minérales, nos pêcheries;—ces
dernières a elles seules sont pour un pays
une source intarissable de richesses!. . . Les
Etats-Unis, en 1776, n'étaient que de quatre
millions d'habitants; il n'y avaitalors que 13
états; maintenant, ils sont 31 états et sept
territoires, ou au moins il y avait ce nombre
avant la notre, et de plus une population
de près de 30 millions on sait que c'est
par achat, ar traités et par conquêtes que
les Etats-Unis ont fini ar s'accroître d'une
manière si prodigieuse. Ils ont besoin de nous,
et ils remueraicnt ciel et terre pour nous avoir.
(Ecoutez, écoutez.) Ainsi, gare à nous! Quel
malheur pour nous si nous tombions dans le
gouffre profond de la confédération américaine,
avec notre quote-part à payer d'une dette
nationale de trois mille millions de piastres et
une charge au nuelle de cinq cents millions de
piastros, partageant ses discordes et ses
guerres civiles,—en butte aux persécutions
du vainqueur, et ayant à supporter le lourd
fardeau de dettes énormes imposées pour
défrayer les dépenses d'une guerre cruelle et
fratricide,—d'une guerre dont tout le monde
connaît le commencement, mais dont ersonne ne peut dire la fin! ... C'est alora
que les adversaires quand même de la mesure
actuelle, regretteront leur entêtement et leur
peu de patriotisme;—c'ast alors qu'ils verront
le vrai côté de ces institutions démocratiques,
où de fait il n'existe aucune véritable
liberté,—de ces institutions tant vantées,
d'où les derniers vestiges de la liberté se sont
évanouis comme la lumière à la fin d'un
beau jour! Là, la liberté de la. presse n'existe
pas; lit, la liberté n'est qu'un mot, un songe,
une illusion, une moquene, souvent un piége.
Là, nul homme n'ose dire franchement sa
pensée, à moins qu'elle ne soit en harmonie
avec celle de la majorité pour le moment;—
quant aux droits de la " minorité," ils sont
méconnus, ignorés, ils sont comme s'ils n'existaient pas, et le voeu de la majorité
lait la
loi. Quant à moi, M. le PRÉSIDENT, les institutions démocratiques ne me souriant pas...
La liberté, la fraternité, l'égalité il que de
tristes et lugubres souvenirs ces trois mots
829
n'ont-ils pas laissés en France? C'est au nom
de la liberté, de la fraternité, de l'égalité,
qu'en France, en 1793, on guillotinait le meilleur des rois, qu'on dévastait les provinces,
qu'on faisait couler le sang à grands flots, qu'on
promenait partout en triomphe l'étendard de
l'insubordination et de la révolte, qu'on illait
les églises et les monastères, qu'on profanait
l'autel, qu'on égorgeeit les prêtres, les religieuses, les vieillards, les femmes
et les
enfants! C'est en vertu de ces trois mots
magiques qu'on faisait les " Noyades de
Nantes" qu'on décorait du beau titre de
" Mariages démocratiques, mariages républicains " Oui, M. le PRÉSIDENT, la guerre
civile règne parmi nos voisins, mais espérons
que la divine Providence éloignera de ces
pays encore nouveaux, les désastres, les horreurs qui, à la honte éternelle de la
civilisation, ont déshonoré à la fin du siècle dernier,
l'histoire de certaines portions de la vieille
Europe. C'est après une querre civile que
les terribles prescriptions de MARIUS et de
SYLLA commencèrent. Que la paix se fasse
entre les Etats fédéraux et les confédérés,
alors nous verrons les rancunes, les désirs de
vengeance se déchaîner, éclater, puis malheur
à ceux qui auront offensé des hommes de la
trempe et du caractère du fameux général
BUTLER! Que nous reste-t-il à faire, si nous
voulons échapper à ce triste sort? Nous
réunir ensemble, mettre ensemble tous nos
moyens, toutes nos ressources, toute notre
énergie, avoir confiance en nous-mêmes,
montrer à l'Angleterre ue nous voulons
sortir de l'isolement dans lequel chaque province est demeurée l'une vis-à-vis de
l'autre,
—que nous voulons organiser notre système
de défense, de manière a pouvoir faire notre
quote-part à l'heure du danger, et tout nous
dit que l'Angleterre dépensera son dernier
homme et son dernier sou pour nous défendre et nous protéger, Avec une union fédérale,
toutes les richesses qui abondent dans
les cinq provinces, atteindront un haut de ré
de developpement — richesses minérales,
exploitation des bois, pêcheries, traffic,
commerce, industries, manufactures, tout
prendra un nouvel essort, puis viendra l'argent, et avec lui les moyens de défense
de
tous genres. Je ne prétends pas dire que le
simple fait d'une " Confédération " nous
rendra invincible:; non, tant s'en faut, surtout
en face d'un ennemi aussi redoutable, aussi
aguerri, que l'est devenue la confédération
voisine,—mais je prétends que si nous fesons
notre possible, l'Angleterre ne nous aban
donnera pas, et que si l'armée de la confédération voisine s'empare de notre pays,
elle
ne le gardera pas longtemps. Du reste, M.
l'ORATEUR, il n'est pas de l'essence des
choses qu'une petite confédération ne puisse
exister à côté d'une grande, sans de suite
être engloutie et absorbée! Si les grandes
nations sont prêtes à assujétir les plus petites,
pour uoi tant de petits royaumes en Europe?
La jalousie des grandes puissances peut bien
en être la cause- c'est possible: alors ui
nous dit ne la France, (l'alliée de l'Angleterre en Crimée)—la France qui a un grand
intérêt sur ce continent, relativement au
Mexique, ne s'unirait pas à l'Angleterre,
dans une guerre entre cette puissance et les
Etats voisins, si ces derniers tentaient de
chasser les Anglais des rives du St. Laurent?
Quand un peuple, fort de son droit, est décidé
à le conserver, il est souvent invincible.
Quand XERXÈS, avec un million d'hommes, se
rua sur la Grèce, ne fut-il pas repoussé
avec la perte totale de son immense armée?
Quand la guerre s'est déclarée controle Sud,
le Nord avec sa population de 20,000,000
ne devait-il pas anéantir le Sud en trois mois?
—voilà plus de quatre ans que la guerre sévit
avec fureur, et cependant le Sud, seul, sans
amis, sans alliés, est-il subjugué, conquis?
L'histoire de la Prusse peut nous fournir une
preuve de ce que des hommes de cœur peuvent faire, même en présence d'ennemis infiniment
supérieurs en nombre...… En 1740
le jeune prince FRÉDÉRIC monta sur le trône
de Prusse. Ce pays n'avait que 48,000
milles carrés, avec une population de deux
millions et demi, population moins grande ue
la population actuelle du Canada seul. Ses
frontières au nord, l'hiver, offraient une
barrière de lacs, tous ses ports de mer étaient
fermés pendant cette saison. La seule alliée
qu'elle eût n'y allait que tièdement,—ce pays
était borné à l'est à l'ouest et au sud par
de puissants empires, dont la population de
chacun de ces empires, à elle seule, dépassait
de beaucou celle de son propre royaume.
Le pays était long et étroit-il était plat, et
propre sur tous ses points à la marche de
troupes; nul pays ne pouvait être plus exposé
à une invasion; cependant, ce prince se précipits, de son chef, dans une guerre se
acharnée
—il entra en querelle avec tous ses voisins.
Seul, et en même temps, il lutte contre l'Autriche, la France et la Russie, et laissa
à
son successeur un royaume de 74,000 milles
carrés avec une population de près de six
millions. La petite et héroïque Hollande
830
n'hésite pas à entrer en guerre avec le
puissant royaume d'Espagne, alors maîtresse des richesses des Indes. Maintenant ses
vaisseaux sont sur toutes les mers.
Java et Sumatra lui appartiennent. Cependant, sa population est moindre que celle
des
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord. Seul, en 1848, le Piémont osa lutter
contre l'Autriche. Le roi de Piémont avait
alors 4 millions de sujets, maintenant il
règne sur vingt-deux millions! Jusqu'à la
pauvre petite Grèce, avec son million d'habitants, qui se mêle d'avoir des révolutions,
de se choisir un roi, et de parler de ses droits,
de ses prétentions, de ses aspirations! Non
M. le PRÉSIDENT, le seul, l'unique moyen
pour nous, sous les circonstances, est d'avoir
une union fédérale de toutes nos provinces,—
une union sociale, politique, commerciale et
militaire. Advienne que pourra: quand nous
aurons fait tout ce que des hommes d'énergie
et de cœur doivent faire pour améliorer leur
position, notre avenir ne sera pas aussi sombre que se plaisent à le croire les amis
du
" statu quo " actuel. Est ce que, par hasard,
ces singuliers patriotes croient, qu'isolées les
unes des autres, sans entente cordiale
entr'elles, sans presqu'aucun rapport entre
elles, les provinces de l'Amérique Britannique du Nord seraient en plus fortes ou
moins exposées aux attaques des états du
Nord? Sont-ils singuliers ceux qui prétendent que si les provinces de l'Amérique
Britannique du Nord cherchent à se former
en confédération, ce sera une espèce de provocation et de défi jeté au Nord! Si les
Etats
du Nord le prétendaieut, ce ne serait tout
au plus qu'un vain prétexte, aussi futile
qu'absurde. Non moins ridicules et insensés
sont ceux qui prétendent que la confédération des provinces de l' Amérique Britannique
du Nord serait un acheminement vers
l'annexion aux Etats du Nord! en vérité, il
y a des esprits qui ont une étrange manière
de voir les choses. Si, encore, les adversaires
de la confédération nous indiquaient un
remède quelconque aux maux qui nous menacent, selon eux, avec la confédération, il
y
aurait peut-être pour nous l'embarras du
choix mais… non, rien ... on attaque, on
critique tout, mais rien n'est suggéré.
D'un autre coté, les principaux journaux
d'Europe et plusieurs journaux respectables
des Etats voisins n'ont pu qu'applaudir au
projet de la confédération suggéré par le gouvernement, et prédisent un brillant avenir
pour le nouvel empire qui devra s'élever sur
ce bord-ci des lignes. En ouvrant l'histoire,
on y verra que des confédérations ont eu lieu
dans presque tous les temps, et que la principale cause de leur formation a été, non
seulement un but de protection mutuelle
mais un but militaire: et, ces deux motifs,
avec un troisième, celui du commerce et du
libre échange, ont suggéré le projet qui nous
occupe en ce moment. Il y a eu, chez les
anciens Grecs, plusieurs unions fédérales;
les deux principales étaient la " Ligue
Etolienne,' et la "Ligue Achèenne; " la
première, datant de lon temps avant ALEXANDRE, fut rompue par la soumission de ces
Etats à Rome, environ 180 ans avant J.C.;
la seconde, prenant naissance environ 280
ans avant J.C., fut détruite par les Romains
environ 150 ans avant l'ère vulgaire. La
confédération Etolienne comprenait tout le
nord de la Grèce, sur les confins de la Thessalie et de l'Epire, une partie de la
Grèce
centrale, plusieurs îles et la mer Egée.
C'était plutôt une réunion de provinces que
de villes,—elle avait une " constitution,"
des Etats généraux, un premier magistrat,
un commandant-en-chef, et différents officiers
publics, avec différents attributs ou pouvoirs—
le droit de déclarer la guerre, de faire la paix,
d'imposer des taxes, frapper la monnaie
alors courante, était confié au gouvernement
central. La Ligue Achèenne, au contraire,
était non une union de provinces, mais une
union de cités ou villes,—on n'en comptait pas
moins de 70 dans cette confédération.………
Il y avait une capitale fédérale, une " constitution, " différents officiers publics,
chacun
avec ses priviléges, ses attributs et ses
devoirs, le tout trop long à énumérer en cette
enceinte. Du reste, qui n'a pas la la vie
d'ARATUS, et de PHILOPÉMEN, l'un le plus
grand homme d'état, l'autre le plus grand
capitaine de l'union Achèenne. En lisant
l'histoire de ces peuples on verra que c'est
l'union qui les a sauvés si longtemps de l'invasion ennemie, et qui, pendant des siècles,
leur a conservé " leur autonomie." Ensuite,
nous arrivons aux confédérations italiennes
du moyeu-âge. Comme celles de la Grèce,
elles ont eu pour raison d'être, une nécessité
militaire. La ligue des Lombards, celle des
Toscans, eurent pour but principal une mutuelle protection contre des empereurs avides
de conquêtes, entr'autres l'empereur FRÉDÉRIC BARBEROUSSE. Même dans la ligue des
Toscane, il y avait un élément ecclésiastique
très prononcé, inspiré par son auteur principal, le pape INNOCENT III. Le fameux
831
tribun romain, RIENZI, essaya de former une
confédération de toute l'Italie, mais il périt
sans pouvoir mener à fin ce rêve de sa vie.
Rome devait être la capitale fédérale:
RIENZI mourut en 1352. La confédération
Suisse ou Helvétique exists dès le douzième
siècle; en 1474, LOUIS XI de France,
chercha à conquérir cette confédération;
mais il en fut quitte our ses peines. En
1477, CHARLES LE TÉMÉRAIRE, de Bourgogne, perdit et son royaume et sa vie, en
cherchant follement à attaquer cette puissance. En 1498, l'empereur MAXIMILIEN
chercha en vain à subjuguer ce pays. L'Espagne essaya, inutilement, en maintes et
maintes circonstances, à en faire autant. En
1798, les cantons de la Suisse devinrent la
" République Helvétienne." En 1803, ils
tombérent sous le protectorat de NAPOLÉON
Ier, et en 1813, les Alliés en firent la conquète. Par l'acte fédéral signé à Zurich
en
1815, on fit des amendements importants à
la constitution. Le but de la confédération
Helvétique est de protéger le pays contre
l'étranger, d'assurer la paix et la tranquillité
à l'intérieur, de protéger les libertés de la
confédération, et d'augmenter la prospérité
générale. Cette " constitution " asurvécu à
deux révolutions européennes, sans parler de
ses épreuves à l'intérieur, et compte 50 ans
d'existence. Il ne faut pas oublier que le
peuple le plus différent, le plus mixte au
monde, vit à l'ombre de cette constitution.
La population est de deux millions et demi,
dont un million et deux tiers parlant
l'allemand, un demi million le français,
et le reste l'italien et d'autres langues:
une partie de la population est catholique,
l'autre protestante. Il y a différents intérêts
de localité, de race, et de foi, différence
de mœurs, de langue et de coutumes dans
ce pays, et cependant tous sont libres,
tous sont en sûreté, respectés, heureux,
prospères, et jouissent de la liberté la plus
grande et la plus pure. Il y a vingt- deux cantons, et, chose étonnante, le canton
de Neufchâtel a pour chef un roi, le roi de
Prusse! (Ecoutez! écoutez!) Je ne parlerai
pas de la confédération des Etats-Unis des
Pays-Bas, qui a eu son temps, sa gloire et
son utilité: mais je dirai un mot de la grande
confédération germanique. Cette confédération se compose de quarante états de fort
inégale grandeur et compte trente-quatre
millions d'habitants. Il y a dans cette confédération des royaumes, des grands-duchés,
des duchés, des principautés et des villes
libres; il y dans cette vaste association, des
catholiques, des protestants, des juifs, enfin
différentes religions et nationalités; et cependant les uns ne sont pas à la merci
des
autres, tous vivent heureux sous la même
union fédérale, sous le protectorat de l'empereur d'Autriche… Parmi ces états, l'Autriche
proprement dite, est le premier en
importance: son armée en temps de paix
est de 280,000 hommes, en temps de guerre,
elle peut s'élever à 800,000. La Prusse
est le second, avec une armée de 225,000
hommes, et une milice nationale de 400,000
hommes. Il y a, comme je viens de le
dire, dans ces états, des nationalités et des
religions différentes, et cependant les droits
de chacun sont préservés dans toute leur
intégrité! Alors, pourquoi nous, Canadiens- Français et catholiques, ne pourrions-
nous pas faire partie de la confédération
des provinces britanniques de l'Amérique
du Nord, sans craindre de voir notre la
ngue, nos lois, nos institutions et notre
religion, en danger? Il me semble que nous
ne pourrions trouver protection pleine et
entière que dans une "confédération" de
cette nature, puisqu'elle a pour raison d'être,
pour principe fondamental " une union basée
sur des principes équitables envers les habitants des cinq provinces." Quant à la
confédération des Etats-Unis de l'Amérique
du Nord, je ne ferai que la nommer. Tout
le monde sait qu'en 1775 lorsque les treize
colonies se révoltèrent contre l'Angleterre,
elles crurent que le seul moyen de prospérer
entr'elles et de se défendre contre l'ennemi
commun était de s'unir ensemble pour
leur mutuelle protection: comprenant bien
que, si elles fussent demeurées séparées
et sans liens entr'elles, comme les adversaires quand même du plan de confédération
actuel aimeraient que les provinces de
l'Amérique Britannique du Nord restassent,
c'en était fait d'elles, et au lieu de sortir vietorieuses de la lutte, elles auraient
été facilement vaincues. Maintenant, M. le PRÉSIDENT, je demanderai la permission
de parler
un peu des autres confédérations qui ont
existé sur le continent américain. D'abord,
parlons de la confédération de l'Amérique
centrale, ou de " Guatimala." Cette confédération était située sur les bords de la
mer
du Mexique et du Pacifique. Elle se divisait
en cinq états, Guatimala, Honduras, San Salvador, Nicaragua et Costa-Rica. Ces, états
se
composaient de Créoles, de Métis, d'Indiens
et de Nègres. Jusqu'ù 1821 cette confédé
832
ration était riche et prospère. A cette
époque, le Guatimala, suivant l'exemple mal
avisé des autres colonies espagnoles, se déclara indépendant et jugea à propos de
se
constituer en république fédérative; mais, en
1839, une insurrection sépare l'état d'Honduras de la confédération et, peu de temps
après, les autres états se sont également
déclarés indépendants (1847)—et que sont- ils maintenant? ils sont tombés dans l'insignifiance
la plus complète, en butte aux
desseins ambitieux de différents dictateurs;
sans liens entr'eux, sans union, et par
conséquent sans force, sans vie et sans puissance. (Ecoutez, écoutez.)—Passons maintenant
aux provinces unies de Rio de la
Plata, aujourd'hui République Argentine.
La confédération de la Plata comprenait 14
états. La plupart des revinces unies de Rio
de la Plata ont fait 'abord partie de l'immense vice-royauté du Pérou; en 1778, unies
à la Bolivie actuelle, au Paraguay et à
l'Uraguay, elles formèrent une vice-royauté
particulière, celle dite " Rio de la Plata."—
En 1810, elles suivirent le malheureux
mouvement insurrectionnel qui agita les
puissances espagnoles; depuis ce moment
tout y tendit à la république: des états
séparés, indépendants, républicains, s'y formèrent. Ces différents états sont en proie
à
l'anarchie, à la confusion. L'industrie est
nulle et le commerce borné. Si, M. le PRESIDENT, cette confédération eût été fidèle
à
sa raison d'être; si l'union eût prévalu au lieu
de la désunion, la force, la puissance, la prospérité et la richesse eussent été le
partage de
cette association, au lieu de la pauvreté, de la
misère, de la décadence, qui semblent lui étre
réservées pour partage. (Ecoutez! écoutez!)
Mais, quelques uns des hons. membres de
cette chambre ont prétendu que l'union des
provinces n'était favorable qu'aux provinces
maritimes, qu'elles seules en profiteraient
attendu qu'elles étaient comparativement pauvres, et que le Canada, lui, était riche
par son
commerce, riche par ses industries, ses manufactures, riche par son agriculture!...Je
prétends, moi, que nous avons autant besoin
d'elles, qu'elles peuvent avoir besoin de nous.
(Ecoutez! écoutez!)...et ce au point de vue
industriel, commercial et surtout militaire...
D'abord, voyons les ressources des différentes
provinces maritimes. Nouvelle-Ecosse: ce
pays n'est pas, il est vrai essentiellement
agricole, mais, il y a des vallées dans ce pays
où le sol est aussi profond, aussi riche, aussi
adapté à l'agriculture que celui des meil
leures terres de l'ouest... Une grande partie
de la population s'occupe de pêche et sait
tirer des profondeurs de la mer des trésors
inépuisables qui seront toujours une grande
source de prospérité et de richesse pour ce
pays; de plus, un tel genre de vie a pour
effet de former ces hommes aux dangers de
la mer, et, le cas échéant, ces hardis marins
seraient prêts et en état de coopérer pour leur
quote-part à la défense de la patrie. Ce n'est
pas tout, le pays exporte des quantités prodigieuses de bois de toutes sortes, et
il y en
a pour des siècles. On y construit un grand
nombre de navires chaque année, et, vu sa
population, ce pays à un plus grand " tonnage" qu'aucun autre pays dans l'univers
entier. (Ecoutez!) Ce pays a encore une
autre source de richesse, source intarissable
et inépuisable, et on dirait que la nature l'a
spécialement choisi pour lui faire le plus
généreux des dons...… Je veux parler
des mines abondantes de charbon de terre
qui semblent surabonder dans ces parages,
et qu'une main providentielle a placées,
comme exprès, non dans l'intérieur des terres,
mais sur tout le littoral. Chacun sait que le
charbon de terre est, en ce jour où la vapeur
remplace la main d'homme, un des principaux aliments de l'industrie dans l'univers
civilisé. Placées sur les bords de l'Atlantique,
ces mines peuvent être exploitées à bon marché, et sont d'un accès facile aux vaisseaux
de toutes les nations. Les frais de chargement
seraient très minimes, sans presqu'aucun
transport par terre, pour atteindre les rades
où se trouveraient les différents navires en
chargement. Des géologues célèbres par
leur savoir, ont exploré ces régions et prétendent qu'il y a des milliers de milles
carrés
de ce charbon, et, qu'en plusieurs endroits, il
y a jusqu'à 76 couches ou lits de charbon superposés les uns sur les autres. Quelle
source
féconde de revenus, de richesses? et, quand
on pense que la source première de la prospérité de l'Angleterre a été et est encore
ses
mines de charbon, (houille) mines qui étaient
en petite quantité, comparées à celles-là.!…
Aucuns changements de circonstances, aucunes relations politiques ne pourraient empêcher
cette province d'avoir dans ses
houilles, une source, un élément de richesses
incomparablement plus grandes que les fameuses mines d'or et d'argent du Pérou; des
milliers d'années, sans doute, s'écouleront
avant que ces mines ne soient épuisées—je
ne parle pas des mines d'or, d'argent et de
cuivre dont le pays semble rempli. Main
833
tenant, me dira-t-on qu'avec le libre échange
avec cette province, le Canada n'y trouvera
pas son compte?…. Ne sait-on pas que le
bois de chauffage commence à manquer dans
le district de Montréal et ailleurs dans le
Bas-Canada, et que sans charbon de terre
pour le remplacer, les habitants, avant 30
ans, seront obligés d'abandonner leurs terres,
faute de moyen de se préserver des rigueurs
de nos longs hivers? Nous en ferons venir
de loin, diront quelques-uns; mais ceux qui
pensent savent bien que le bois de chauffage
ne peut se transporter loin sans d'énormes
frais, ce qui devra le faire monter a un prix
impossible pour la grande majorité des consommateurs. Mais peut être finirons-nous
par
découvrir du charbon de terre en Canada?
Non, dit Sir WM. LOGAN, notre savant
géologue,—impossible, la science dit qu'il
n'y en a pas!! (Ecoutez! écoutez!) Maintenant tout homme qui a la moindre idée
d'ordre public, d'économie politique, doit
bien comprendre qu'une simple union commerciale, une simple union de douanes, un
" zolverein " en un mot, ne serait pas suffisant pour la prospérité générale des cinq
provinces!!! Les provinces maritimes sont
d'une immense importance pour nous, au
point de vue social, industriel, commercial,
politique et surtout militaire. Le Nouveau- Brunswick a, lui aussi, des ressources
considérables. En considérant l'opportunité, les avantages de l'union des provinces,
il ne faut pas oublier de l'envisager sous
le point de vue de notre défense. Sous
ce rapport, l'Ile de Terreneuve est d'une
importance majeure. En jetant un coup- d'œil sur la carte géographique, on la voit
qui traverse le golfe St. Laurent dominant
les deux passages par lesquels le commerce
des régions du golfe et du fleuve St. Laurent.
se rend à l'Océan. Que cette Ile tombe entre
les mains d'une puissance étrangère—alors,
en temps de guerre, le commerce du Canada
serait aussi complétement arrêté que si les
frimas et les glaces d'un hiver perpétuel
eussent élu domicile en plein milieu du golfe
St. Laurent! (Ecoutez! écoutez!) Voilà une
des raisons qui ont porté nos hommes d'Etat
à rechercher, par tous les moyens possibles,
l'alliance de cette province, comprenant bien
que sans elle la confédération perdrait tous
ses autres avantages, et serait dans un danger
continuel. Les côtes de Terreneuve ont 1200
milles de long, et ellespossèdent les plus belles
rades du monde, des rades suffisantes pour
abriter des flottes entières. Sa principale
source de richesse consiste dans ses pêcheries,
où elle emploie annuellement plus de trente
mille hommes; gens hahitiués à braver les
flots et les tempêtes. Dans son commerce
de poisson, elle a des relaitons avec presque
toutes les nations maritimes de l'Europe et
avec les Etats-Unis. Cependant, pour le
moment, elle n'a presqu'aucun rapport avec
nous. Quelle est sa position vis à vis de nous
en ce moment? Ses marchands sont obligés
d'aller aux Etats pour leurs affaires, car pour
venir à Montréal, il leur faut passer par
Halifax et Boston. L'établissement d'une
ligne de bateaux à vapeur entre cette Ile et
le Canada serait d'un grand avantage pour
ces deux provinces; car Terreneuve a ce dont
nous avons besoin, et elle requiert ce que
nous avons. Il parait que cette Ile achète
pour plusieurs millions de piastres chaque
année aux Etats, et qu'elle y achète précisément les espèces de denrées que nous
pouvons lui fournir; et si son commerce
prend cette route, c'est dû à certains empêchements fiscaux entre les provinces. Avec
le libre échange, elle achèterait au Canada
des laines, coutelleries, et enfin tout ce dont
elle aurait besoin. Sous la confédération, la
ville de St. Jean, dans l'ile de Terreneuve,
serait le port de mer le plus à l'orient de
l'union, et, en y établissant un arrêt pour
nos vapeurs transatlantiques, cette ville ne
serait qu'à six jours de la Métropole.
Quand à l'Ile du Prince-Edouard, elle a
aussi son importance. Ses revenus sont bien
administrés, elle est dans un état prospère,
et ne doit rien; au contraire, elle a une assez
jolie somme placée à son crédit. Ainsi, voici
le moment venu de faire un pas dans la
bonne voie. Cette union des provinces est
une nécessité politique, et retarder serait
courir le risque de voir s'échapper une occasion qui ne se représenterait peut-être
jamais.
Le Canada avec son immense commerce n'a
accès à la mer, pendant six mois de l'année,
qu'en passant, par tolérance, chez une nation
voisine: et si cette permission nous était
retirée, il faudrait que nos marchands importassent, pendant l'été, toutes les marchandises
requises pour l'année: ce qui, en
dernière analyse, serait au détriment de
tous les consommateurs, puisqu'il faudrait nécessairement tout payer plus cher.
Puis enfin, la considération la plus importante pour nous tous — considération
suffisante à elle seule pour nous faire
désirer l'union des provinces,—c'est que ce
serait le moyen le plus efficace de faire faire
834
le chemin intercolonial, chemin qui ouvrirait
une ligne de communication non interrompue
depuis Sarnia jusqu'à Halifax, reliant ainsi
tous les coins de la confédération!!… Trois
choses sont nécessaires, indispensables à la
prospérité d'un grand empire: l'élément
personnel, l'élément territorial et l'élément
maritime. Nous avons en Canada l'élément
personnel, nous avons l'élément territorial,
mais l'élément maritime nous manque, et
l'union des provinces nous le donnera.
(Ecoutez! écoutez!) Quant à nous Canaiens-Français, catholiques, qu'avons-nous à
craindre dans la confédération? notre langue,
nos droits et nos privilèges nous sont conservés! Regardez le royaume-uni de la Grande-
Bretagne et d'Irlande, n'y a-t-il pas dans
cet empire trois nations distinctes, et plusieurs religions? Ces trois nations ont
lutté l'une à côté de l'autre, et sur terre et
sur mer, pendant des siècles, contre les
ennemis de leurs pays? Que de glorieuses
victoires! que de hauts faits d'armes!
l'accord le plus parfait règne entr'elles. En
Angleterre, les Juifs sont-ils persécutés,
privés de leurs droits et privilèges? Les
catholiques-romains le sont-ils? N'y a-t-il
pas au sein de la capitale de l'Angleterre un
prince de l'église romaine, le cardinal WISEMAN? et, M. le PRESIDENT, qui le croirait,
le dernier recensement nous démontre
qu'il y a, à Londres, cent mille catholiques
romains de plus qu' a Rome même,—Rome le
siége du catholicisme, et plus de juifs qu'en
Judée ou en Palestine! (Ecoutez! écoutez!)
Et, cependant, tous ces gens jouissent de
leurs droits et privilèges et adorent leur
" Créateur " selon la tradition de leurs pères,
sans être inquiétés, ni molestés par qui que
ce soit. (Applaudissements.) Maintenant,
j'arrive au plan de confédération en lui- même. Je n entrerai pas dans tous les détails
du plan, quatre des membres du gouvernement nous en ont donné des explications si
claires et si lucides qu'il serait inutile d'en
reparler en ce moment. Il y a, indubitablement, certains détails qui auvent laisser
à
désirer: il y a certains dispositifs que je
serais tenté de repousser, si je ne savais pas
qu'il fallait envisager la question au point de
vue des cinq provinces, et non pas sous un
point de vue sectionnaire. Je comprends
que " la conférence" a regardé ce lan
comme un compromis, un traité dans lequel
les cinq provinces étaient parties contractantes —que beaucoup de concessions mutuelles
sont devenues nécessaires, pour faire
taire les intérêts individuels, les intérêts de
localité,—qu'il a fallu y introduire un grand
esprit de conciliation, un ferme désir de faire
de grandes concessions de part et d'autre,
sans quoi la négociation manquait complément, et tout l'édifice s'écroulait;—de plus,
je suis convaincu que les ministres du Canada ont fait tout en leur pouvoir pour promouvoir
et sauvegarder nos intérêts généraux et
locaux—que leur seul et unique désir était
de faire de nous tous, un peuple grand et
fort—que l'idée dont ils étaient imbus, étant
"qu'une union fédérale" sous la protection
de l'Angleterre serait pour le Canada une
planche de salut dans la crise actuelle, ainsi
que pour les meilleurs intérêts et la prospérité de toute les provinces—que cette
union
assurerait la continuation de nos lois et de
nos institutions, de notre liberté et de nos
rapports avec la mère-patrie, facilitant, en
même temps, le dévelopement de notre
prospérité nationale, sociae, commerciale et
politique. Si nous ne l'adoptons pas in toto:
si nous nous mêlons d'y faire des changements radicaux, les autres parties contractantes,
justement indignées, le rejetteront en
entier, prétendant que nous n'avions pas le
droit de nous départir, sans leur consentement,
à elles, des bases du traité,—ou bien si, voulaut faire comme nous, les provinces
maritimes y font des changements de leur côté,
tout le plan se trouvera tellement défiguré
qu'il ne rencontrera qu'une désapprobation
universelle: tous les travaux de la conférence seront inutiles et perdus.—Puis si,
dans l'intervalle, les provinces maritimes revenaient à leur ancien projet d'union
entr'elles, et ne voulaient plus entendre parler
de nous, nous aurions, comme des insensés,
laissé passer l'occasion. Il ne nous resterait
plus que l'annexion aux états voisins: idée
que j'abhorre... mais qui, au fond, est peut- être le désir des adversaires uand même
de
la mesure actuelle. (Ecoutez) Comme sujet
britannique ce qui me plaît dans le projet,
c'est que nous aurons pour chef de l'exécutif
le souverain de la Grande-Bretagne. L'élément monarchique dominera dans la constitution,
et, par ce moyen, nous éviterons une
faiblesse inhérente à celle des états voisins…
Car la, le Président, n'est que l'heureux
chef d'un parti politique—il ne peut jamais
être regardé comme le père de son peupler—
son règne n'est que temporaire—n'est un
espèce de despote pendant quatre ans, avec
un pouvoir sans bornes et un patronage immense—ses faveurs ne tombent que sur ceux
835
qui l'ont élu, et qui peuvent l'élire de nouveau, au bout de quatre ans—il n'y a qu'un
parti qui jouit de la rosée du pouvoir. Malheur à ceux qui ont voté contre l'élection
de ce président!…… pour eux, pas de sou rires, pas de grâces, pas de faveurs … D'après
notre constitution, au contraire, le souverain
étant permanent (le roi est mort, vive le roi!)
nous avons toujours en lui un père, dont l'intérêt autant que le goût le portent à
étendre sa
protection sur la chaumière du pauvre comme
sur le palais du riche, et à leur répartir justice
égale. (Applaudissements!) Nos ministres
continueront à être responsables au peuple;
aux Etats, le Président n'est pas obligé de
consulter son cabinet qui n'est composé que
de chefs de départements. Dans le projet qui
nous occupe, tous les sujets d'un intérêt général, non confiés aux législatures locales,
seront du ressort du gouvernement général
ou central, et les matières locales seront du
ressort des gouvernements locaux. Ainsi,
toute la force nécessaire a été donnée au gouvernement général et aux législaturee
locales,
et aussi on a évité avec soin cette source de
faiblesse qui a souvent causé tant de troubles
dans les Etats voisins: c'est-à-dire le conflit
de judisdiction et d'autorité entre les états
individuels et l'autorité fédérale en centrale.
Il est vraiment étonnant de voir les différents moyens qu'emploient les journaux de
l'opposition quand même au plan projeté.
Ils poussent des cris de détresse où le voile
de l'esprit de parti se laisse facilement
déchirer. Selon eux, il ne peut rien sortir
de bon, ni pour les une ni pour les autres de
ce système.—Pensez-y bien Anglais protestants du Bas-Canada! le gouvernement
local vous anéantira, s'écrie le Montreal
Witness. Gare à vous, Canadiens-français,
catholiques! vocifère le Montreal True
Witness, si le plan de la confédération est
sanctionné par la législature, vous disparaîtrez
comme l'ombre… . l'hydre du gouvernement
central souffiera sur vous et vous périrez... ..
(Ecoutez! écoutez!) Enfin les autres journaux du même parti, inspirés par le même
esprit, repètent à cors et à cris que le plan
de " confédération " n'est rien moins qu'un
" suicide politique"! Il y en a d'autres, même
des journaux amis du gouvernement actuel,
qui ont certaines craintes, certains doutes, touchant les clauses du projet qui se
rapportent
au mariage et au divorce. Quant aux dispositifs qui ont trait à ces deux graves questions,
ils semblent au premier abord, je l'avoue,
de nature à nous effrayer, nous catholiques,—
nous à qui l'église a enseigné l'indissolubilité des liens du mariage, nous qui considérons
le mariage non seulement comme
un contrat civil, mais comme un " sacrement. " Quant à cela, je réponds que le
système sur lequel se basera la "nouvelle
constitution " doit être envisagé au point de
vue des habitants de toutes les provinces,
que nous ne sommes pas tous catholiques, et
que la majorité est protestante. Que si le
contrôle des affaires du mariage et du divorce
eût été laissé aux gouvernements locaux,
que serait devenu nos co-religionnaires du
Haut-Canada qui sont en minorité dans cette
province? De plus, il faut remarquer que
nous n'avons pas en Canada, à l'heure qu'il
est, de loi de "divorce," et qu'il n'y a pas
lieu de craindre que le gouvernement fédéral
nous en donne une. Rien ne nous dit que
la proportion des membres catholiques dans
la " législature fédérale " ne sera pas à peu
près la même qu'elle l'est dans le parlement
du Canada-uni... . Du reste, tout le monde sait
que c'est par l'aide des protestants, qui pensent comme nous sur ce sujet, qu'on a
jusqu'ici
empêché la passation d'une loi de " divorce."
Le divorce n'est pas vu de bon œil par tous
les protestants, tant s'en faut, et il faut
espérer que le moment n'est pas loin où cette
source de désordres et de scandales de toutes
sortes disparaîtra des annales parlementaires de toute société chrétienne. (Ecoutez!
écoutez!) 11 ne faut pas oublier, non
plus, qu'il n'y a pas que dans le Bas et le
Haut-Canada où il y a des catholiques—il
s'en trouve dans toutes les provinces d'enbas, et quelle serait leur position si ces
questions étaient laissées aux législatures
locales? ... Ainsi, les catholiques et du Haut
et du Bas-Canada et des provinces d'en-bas
ont un intérêt direct à ce que ces questions
soient enlevées aux législatures locales…….
Il me semble que tout homme qui étudiera
cette question, au point de vue de l'intérêt
catholique dans les cinq provinces, trouvera
que la conférence a en pleinement raison de
ne pas laisser la question du divorce au contrôle des gouvernements locaux.………Je
n'entrerai pas dans tous les autres détails du
plan, attendu que lorsque plus tard, chacune
de ses clauses sera discutée, je me réserverai
le droit de dire quelques mots. Ainsi, M.
le PRÉSIDENT, je crois que tout homme
ayant à cœur les intérêts de son pays—tout
homme qui voudra approfondir l'histoire,
cette grande institutrice des peuples et des
rois, sera convaincu que,—situées comme le
836
sont les cinq provinces de l'Amérique Britannique du Nord, séparées, désunies, sans
liens sociaux, politiques ou commerciaux
entr'elles—ayant des tarifs hostiles les uns
aux autres, sans libre échange entre'elles,
sans chemins de fer pour communiquer
entr'elles pendant les longs hivers, où le
fleuve est bouché de glaces, et prenant en
considération la position toute exceptionnelle
dans laquelle se trouve le Canada, tout sous
le rapport de son voisinage avec les Etats
du Nord que des troubles politiques qui le
tourmentent et le déchirent depuis longtemps,—une union fédérale de toutes les
provinces est notre unique planche de salut
et le seul moyen d'assurer aux provinces de
l'Amérique Britannique du Nord une prospérité sûre et durable. (Ecoutez!… et
applaudissements.) Maintenant, M. le PRESIDENT, nous avons vu que, dans l'antiquité,
dans le moyen-âge, dans les temps
modernes, quand des états, des provinces,
des royaumes voulaient augmenter en force,
en richesses, en prospérité — quand ils
voulaient devenir puissants à l'intérieur,
formidables au dehors—quand ils voulaient repousser les tentatives de voisins
par trop ambitieux et entreprenants, ils se
liguaient entr'eux—ils formaient " des confédérations" dans un but de prospérité
générale, de défense et de protection mutuelles. Nous avons vu que c'était le moyen
le plus sûr, le plus rationnel, le plus univerellement suivi de tous les temps, et
pourquoi, nous fondant sur l'expérience des
autres, n'en farines-nous pas autant? Depuis
uand est-ce que l'union fait la faiblesse?…
Est ce que l'Angleterre réunie sous un même
sceptre n'est pas infiniment plus puissante que
du temps de " l'Heptarchie" ou de ses sept
royaumes? Est-ce que les quarante Etats qui
composent la Confédération Germanique ne
sont pas plus forts, plus puissants unis
ensemble que s'ils étaient isolés et séparés
les uns des autres? Est-ce que chacun de
ces états, s'il était seul, laissé à lui-même,
sans commerce libre avec ses voisins, sans
relations ou rapports sociaux, politiques, ou
commerciaux, serait plus riche plus prospère
que joint, uni et allié aux autres? Est-ce
que dans le royaume-um de la Grande Bretagne et d'Irlande, où il ya une espèce d'union
fédérale, chaque nationalité, chaque secte,
chaque religion n'est pas pleinement et entièrement protégée et à l'abri du bigotisme?
et ce l'intolérance politique et religieuse?
Est-ce qu'après 1775, lorsque les Etats se sont
séparés de l'Angleterre, ils auraient mieux
fait de rester treize colonies, séparées les
unes des autres, sans rapports sociaux, commerciaux ou politiques, comme le sont les
colonies de l'Amérique Britannique du Nord
à l'heure qu'il est, que de s'unir entr'elles
comme elles l'ont fait? N'est-ce pas cette
union qui a fait leur force, qui a rendu les
Etats si puissants, si riches, si indépendants
du monde entier, et l'admiration des temps
modernes? Ils continueraient encore à
marcher à pas de géant dans le chemin du
progrès et de l'avancement si le démon de
la guerre civile ne fût venu rompre une
union naguère si heureuse et prospère?
Profitons et de l'exemple des autres et des
circonstances favorables qui semblent s'offrir
d'elles-mêmes à nous, et tûchons de devenir
un grand empire. N'est-il pas avéré que
l'union des provinces arrivant, nous serions
pour le moins la quatrième puissance maritime du monde? Est-ce qu'il n'y a pas des
royaumes, même des confédérations en
Europe, qui nous seraient inférieurs en
nombre? La Belgique n'a que 4 1/2 millions
d'habitants—le Danemark avec les Duchés
2 1/2 millions—le royaume de Bavière 4 1/2
millions—le royaume de Grèce 1 million—
les Etats du Pape 3 millions—le Portugal
3 1/2 millions—la Suède 3 1/2 millions—la Norvège 1 1/2 million—la Confédération Helvétique
2 1/2 millions, et la confédération proposée atteindra bientôt 5 millions; et
cependant, ces provinces ne sont encore
que dans l'enfance, pour ainsi dire. Quel
est celui qui, connaissant tant soit peu
les richesses et les ressources des cinq provinces—l'énergie, l'amour du travail qui
caractérisent les différentes races qui les
habitat,—ne pourra pas rédire un avenir
brillant pour notre neuve le confédération?
(Ecoutez! écoutez!) Existe-t il un seul Canadien qui ne sache que dans la confédération
le Canada aura toujours la première et
principale place? Le Bas-Canada surtout sera
le centre de l'industrie et du commune,—le
point vers le nel convergerent tous les riches
produits de l'Ouest, les huiles, poissons et
houilles de l'Est,—le Bas-Canada, surtout si
riche en mines, minerais et minéraux. Ne
sait-on pas que de grands capitalistes viennent de former des compagnies sur des plans
gigantesques pour exploiter les riches mines
d'or et d'argent du district de Beauce?... Les
géologues qui ont exploré ces régions ne
nous disent ils pas qu'il y a là du cuivre, de
l'argent et de l'or répamÏus en grande quan
837
tité sur des centaines de milles carrés? (Applaudissements.) Le Canada possède un
territoire d'environ 360,000 milles carrés;
il a cent soixante millions d'acres de terre,
dont 40 millions sont déjà concédée, et onze
millions que l'on cultive. Le Canada possède
su-delà de 2,000 milles de chemin de fer qui
traverse la province dans toutes les directions; il a quatre mille cinq cents milles
de
lignes télégraphiques; il possède 250 milles
de canaux qui ont transporté, en 1864, trois
millions de tonneaux de " fret " qui ont rapporté au gouvernement provincial près
de
quatre cent mille piastres. Ecoutez écoutez!) Un compte des coutumes de rivières
en Canada, trois de ces rivières, avec leurs tributaires, arrosent une étendue de
terre de
150 mille milles carrés; cinq ou six lacs du Canada couvrent une surface de 84 mille
milles
carrés; les malles du Canada parcourent un
espace de chemin de 15 mille milles; sur
cette étendue, il y a 2 mille bureaux de poste,
qui distribuent annuellement onae millions de
lettres sans compter les journaux. (Ecoutez!)
Les richesses minérales du Canada sont
presques fabuleuses, et n'attendent que l'introduction de capitaux anglais et américains
pour étonner le monde. (Ecoutez! écoutes!)
La mine de cuivre d'Acton, Bas-Canada, est,
peut-être, la plus riche de celles qui existent. Les mines de cuivre du lac Supérieur
sont déjù fameuses par l'étendue du
dépôt et la valeur du métal,—puis les mines
de fer du St. Maurice et du lac Supérieur
sont réputées inépuisables. Selon Sir WM.
LOGAN, notre savant géologue, il existe des
mines de fer d'une grande valeur dans la
seigneurie de Vaudreuil, et à l'entrée de la
paroisse de Ste. Marthe, comté de Vaudreuil ... Le creusement des rivières aurifères
de la Chaudière et Gilbert, dans les
townships de l'Est. a bien réussi les deux
dernières années. Une nouvelle compagnie
vient de se former à New-York, avec un
capital de cinq millions de piastres, pour
opérer sur la rivière Chaudière. On compte
par millions les capitaux des compagnies et
ce particuliers maintenant engagés... Les
rapports du commerce démontrent que le
produit des mines exporté du Canada, s'est
élevé a près de neuf cent mille piastres. Les
manufactures du Canada sont sur une grande
échelle; les manufactures de bois comprennent plus de deux mille moulins à scie qui
coupent chaque année près de huit millions
de pieds de bois. Il possède au-delà de deux
cents distilleries et brasseries, qui ont produit
l'année dernière plus de neuf millions de
gallons de liqueurs spirituenses ou fermentées, donnant un droit " d'accise " de
plus de sept cent mille piastres. (Ecoutez!
écoutez!) Ces distilleries et brasseries consomment plus d'un million cinq cent mille
minets de grain et de malt. Il y a dans ce
pays au moins mille moulins à moudre le blé
et l'avoine, 250 manufactures de voitures,
près de 200 fonderies, 200 moulins à cartier,
130 manufactures de laine, et 500 tanneries...… Les autres entreprises moins considérables
sont innombrables. Le Canada
produit annuellement entre vingt-cinq et
trente millions de minets de blé, douze millions de minets de pois, quarante millions
de
minots d'avoine, plus d'un million et demi
de tonneaux de foin, treize millions de
minots de sarrasin, vingt-huit millions de
minots de patates, dix millions de minets de
revois. Le Canada consomme trente millions de livres de bœuf, recueille cinq millions
et demi de livres de laine, et fait quarante- deux à quarante-cinq millions de livres
de
beurre. Les bestiaux, vaches à lait, les
chevaux, les moutons et les porcs, possédés
aujourd'hui, sont au-dessus de deux millions.
Les pêcheries produisent annuellement près
de deux millions de piastro. Il paraît que
le Bas-Canada seul a deux mille cinq cents
bâtiments pêcheurs. Les Iles de la Magdeleine, qui appartiennent au Canada, emploient
à la pêche deux cent soixante- et-dix bateaux. Les capitaux des banques du Canada,
qui ont reçu une charte,
sont de trente-trois millions de piastres ...
Voici de véritables richesses, et cependant,
notre pays n'est que dans l'enfance, si je
puis me servir de cette expression ... et le
tiers de ce beau pays n'est pas encore habité.
Que sera-ce lorsqu'il sera habité, défriché et
établi dans toutes les directions?—de tous les
côtés, les uns y viendront pour chercher un
coin de terre qui soit véritablement à eux,
les autres pour échapper aux horreurs de la
guerre civile et aux impôts ruineux qui les
accablent. Ici, nous avons la paix et la
tranquillité— nous avons de l'air—nous avons
de l'espace—des terres abondantes et des
forêts vierges n'attendant que la hache du
bûcheron pour devenir des vallées fertiles;—
ici, nous avons surtout le " droit d'ainease
de l'homme," la liberté dans toute sa pureté.
(Ecoutez!) Il est temps pour nous, Canadiens, de nous tirer de l'impasse politique
où nous sommes. Repousser le plan de
confédération serait nous rejeter dans une
838
espèce de statu quo; or, pour un pays nouveau comme le nôtre, rester stationnaire,
c'est rétrograder!! . N'oublions pas qu'il
y a encore d'autres provinces dans l'Amérique Britannique du Nord, savoir, la Colombie
Anglaise, Vancouver, etc., qui, plus
tard, pourront former partie de la confédération—que ces vastes contrées sont aussi
grandes en superficie que toute l'Europe,
que le sol, en plusieurs endroits, est d'une
fécondité merveilleuse, qu'un jour viendra où la plus grande partie de tous ces
pays et provinces sera habitée, qu'il y aura
un réseau de chemins de fer reliant les points
extrêmes de toutes ces possessions, puis des
lignes de bateaux-à-vapeur nous mettent
non seulement en rapport avec la mère- patrie, mais avec toute l'Europe, et ce en
toute saisons de l'année. Quand, tous tant
que nous sommes, animés par le même esprit,
celui de la lutte vers le bien, vers la prospérité de la patrie commune, nous verrons
se former au milieu de nous un vaste empire,
sous le protectorat de l'Angleterre. nous
comprendrons alors la sagacité politique de
ceux qui, étant aujourd'hui au timon des
affaires, nous ont soumis et fait adopter le
plan de confédération proposé. Qu'il y ait
certains défauts de détails dans le système
proposé—je l'admets! Mais, est-ce que tout
ce qui sort de la main des hommes, n'a pas un
cachet d'inperfection? Le célèbre " code
Napoléon " est-il parfait? Ce n'est pas
l'avis des plus célèbres jurisconsultes français,
et pourtant ce travail est un chef-d'œuvre
sous plusieurs rapports. La constitution des
Etats-Unis ne renferme-t-telle pas des vices
et cependant on dit que c'est un modèle
dans le genre. Je suis d'avis que le plan de
confédération, pris dans son ensemble, est
ce que nous pouvions désirer de mieux, dans
l'intérêt bien entendu des cinq provinces—
et l'envisager au point de vue purement sectionnaire serait ne pas comprendre la position
d'un homme d'état. Si, encore, M. l'ORATEUR, ceux qui font une opposition quand
même au plan proposé, pouvaient nous
suggérer un moyen quelconque de faire face
aux éventuelités, et nous indiquer le mode
par lequel nous pourrions, en rejetant le plan
proposé, arriver à un moyen pratique de
nous tirer de nos difficultés, alors je serais
prêt à les entendre, à comparer leur projet
avec celui qui nous occupe: Mais on se borne
à tout blâmer, à tout critiquer. Jusqu'au célèbre M. RAMEAU (l'auteur de la France
aux Colonies) qui, du fond de la France,
pousse son cri d'effroi contre les dangers
prétendus que la confédération perte ans
ses flancs, mais de conseils, de remèdes...
point. D'autres s'évertuent à crier sur les
texte que ce plan n'est pas une " union
fédérale " mais une union législative pure
et simple!! Si c'était une union législative,
mer le premier, M. le PRESIDENT, je le déclare ici en face du pays, je serais disposé
à
repousser ce projet, avec toute l'énergie dont
je serais capable; mais comme au contraire
c'est une union fédérale dans toute la force
du mot, avec un gouvernement central revêtu
de toute la puissance requise pour obvier et
remédier à la faiblesse qui caractérise le
gouvernement fédéral dans l'union américaine, laissant spécialement à chaque province
la gestion de ses affaires locales, et à
ses habitants leur "autonomie " pleine et
entière, je ne puis, dans l'intérêt de mes
constituants et de mon pays, qu'approuver
une mesure qui, tout en respectant es droits
et priviléges de chacun aura pour effet d'accroître la force individuelle et collective
des
cinq provinces, nous gagnera la confiance de
de la mère-patrie, et cru de cette partie de
l'Amérique Britannique du Nord, sous la
puissante égide de l'Angleterre, un autre
"imperium in imperio." (Applaudissements.)
Je reviens à ceux qui s'écrient: mais notre
nationalité, elle s'effacera! notre langue,
nos institutions civiles et religieuses, elles
disparaitront! O! vous, qui crie: si fort et qui
avec un attrait si irrésistible pour les charmes
de la " république voisine ", croyez-vous
que si nous tombions dans ce tourbillon de
nations diverses, de religions différentes, qui
forme la confédération américaine, sans traditions communes, sans passé commun avec
elles, la nationalité canadienne-française y
aurait son existence tout à fait à part et
distincte de celles des autres, et qu'elle ne
disparaitruit pas de suite, perdue, égarée, au
milieu de tant d'autres? Répondez-moi, si
vous le pouvez..……. puis je vous croirai
(Applaudissements.) Voyez le sort de la
Louisiane, habitée en majeure partie par des
Français l L'élément anglais n'est-il pas en
majorité dans le parlement du Canada-Uni?
et, cependant, n'ai-je pas l'honneur de vous
adresser la parole, dans le moment, en français?—cette belle langue de nos ancêtres,—
cette langue dans laquelle Jacques-Cartier,
en 1535, vents les splendeurs de notre majestueux St. Laurent! (Applaudissements.)
Voulea-vous savoir une des raisons données
contre la candidature du général FREMONT,
839
pour la présidence des Etats-Unis, il y a quel- ques années?—Ne votes pas pour FREMONT,
criait-on sur le " husting " et dans la presse:
FREMONT est un Français. . . . Frémont est
un catholique ... . et Frémont perdit son
élection!… . Cependant FREMONT n'était pas
catholique! on l'accusait de l'être et c'était
un crime suffisant pour ne pas mériter la
confiance de gens qui, pourtant, proclament
partout " la liberté de conscience." (Ecoutez!
écoutez!) En Angleterre, repousse-t-en un
hemme parce qu'il est catholique? Ce fait
l'exclut-il et de la confiance de sa souveraine
et de ses concitoyens? Non certes, les exemples ne manquent pas ... En Canada,
n'avons-nous pas vu souvent des catholiques
représenter des comtés essentiellement protestants? et le comté de Vaudreuil, comté
ou les catholiques sont en majorité, n'a-t-il
pas été dernièrement représenté par un
Anglais protestant? ...
Dans la confédération, ourqnoi les Anglais
chercheraient-ils à étouffer la nationalité canadienne-française? Quel serait leur
intérêt?
En 1775, en 1812, la nation canadienne- française, à l'instigation de son clergé,
ne
s'est-elle pas levée en masse comme un seul
homme, pour défendre la couronne d'Angleterre? (Ecoutez! écoutez!) Quel intérêt
auraient les Anglais à faire disparaître nos
institutions religieuses? ou est-ce qu'on
enseigne avec plus de talents et de succès,
ou est-ce qu'on reçoit une éducation classique
plus parfaite que dans nos colléges? où
est-ce que le jeune homme apprend mieux
ses devoirs, et envers son " créateur," et
envers lui-même, et envers son pays, et
envers sa souveraine, que dans nos colléges
catholiques? (Applaudissements.) Moi, M.
le PRESIDENT, j'ai passé dix ans de ma vie
dans un collège catholique, le collége de
Montréal, et, si je n'en ai pas profité, à moi
seul la faute …Dans cette maison, je n'ai
eu que de sages conseils, et les exemples de
toutes les vertur m'ont été donnés par les
Vénérables prêtres auxquels on avait confié
le soin de majeunesse! (Applaudissements.) Où est-ce qu'on enseigne mieux
l'agriculture, (l'agriculture, la source de la
prospérité d'un pays), que dans deux ou trois
colléges catholiques du Bas-Canada? Qui est- ce qui a mieux compris la profondeur
de cet
axiome " le sol c'est la patrie " que le clergé
catholique?… Que sont les fermes-modèles
fondées par le gouvernement à côté des
fermes-modèles de deux ou trois de nos
colléges? (Ecoutez!! écoutez!) Est-ce le
clergé catholique lui-même qui serait en
danger dans la confédération?... Mais il n'y
a pas un anglais bien pensant dans le pays
ni ne soit prêt à rendre justice aux vertus
de notre clergé et à son utilité dans la patrie!
Qu'il s'agisse de bâtir des asiles, des maisons
de refuge soit pour le pauvre, soit pour l'infirme, l'aliéné, le vieillard, l'orphelin,
de suite
vous voyez le clergé en tête, donnant l'exemple et fesant souvent tous les frais!
(Ecoutez! écoutez!) Si la reine d'Angleterre veut trouver, de ce côté-ci de l'Atlantique,
un sujet fidèle, elle le trouvera sans
s'y tremper, dans le clergé! Si la patrie veut
un citoyen sèlé et animé du plus noble patriotisme, elle le trouvera infailliblement
dans
le clergé ... parmi ces hommes qui ne cherchent ici bas d'autre récompense que l'approbation
de leur conscience ...parmi ces
hommes qui comprennent si bien que " la
poësie de la vie est l'accomplissement de son
devoir " ... parmi ces hommes aussi savants
que modestes, aussi humbles que pieux, sans
cesse au poste que la divine Providence leur
a marqué, enseignant à la jeunesse, encourageant les bons, cherchant à ramener le
pécheur dans le sentier de la vertu, obéissant
à la loi, cherchant à la faire respecter, priant
chaque jour pour le bonheur et la prospérité
de " notre Gracieuse Souveraine " et de la
mère-patrie,—visitant le pauvre dans sa mansarde, allégeant les souffrances morales
et
physiques du malade et du moriboud, enfin,
montrant à tous le chemin du ciel, eux mêmes battant la marche! (Applaudissements
prolongés!) Qu'ont de tels hommes à
craindre dans la confédération? rien ... Non,
M. l'ORATEUR, de tels hommes n'ont rien à
craindre l L'Angleterre aime et respecte
notre clergé, et sait voir en lui autant de
sujets loyaux et fidèles. (Applaudissements.)
Voulez-vous un exemple de ce que sait faire
le clergé catholique used la patrie a besoin
d'hommes de cœur? ont le monde sait que
le pays est dans une impasse politique; que
la machine gouvernementale est arrêtée;
qu'une grande tempête gronde sourdement
dans le lointain; que les destinées du aya
se dessinent incertaines et tremblantes ans
un futur sombre, menaçant, et flottant dans
le vague des conjectures,— que le moment est
venu pour les véritables amis du pays, pour
les hommes d'éducation, d'exposer leurs
vues sur les moyens à prendre pour tirer la
patrie du danger que lui fait entre"… et
craindre les circonstances actuelles... eh!
bien, ce sera encore un membre du clergé
840
catholique qui, hardiment, exprimera sa
pensée sur le sujet, et nous conseillera dans
ces tristes eonjonctures!—Je vais lire un
extrait de la lettre de l'archevêque catholique Connolly, de Halifax, sur la confédération……
"Au lieu de faire comme des enfants qui, en
murmurant, se laissent entraîner par le navire
jusque sur le bord de la cataracte, nous devons
sans délai prier et nous élancer vers la rive, avant
que nous ne nous soyons trop avancés dans le
courant. Nous devons, dans le moment le plus
critique, invoquer l'arbitre des nations pour en
obtenir la sagesse, et abandonner à temps notre
périlleuse position; nous élancer hardiment, et,
même malgré les dangers des écueils, nous diriger
vers la rive la plus rapprochée pour y trouver un
abri plus sûr. Une incursion de cavalerie ou une
visite de nos amis les " féniens," à travers les
plaines du Canada et les fertiles vallées du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse,
pourrait,
dans une seule semaine, nous coûter plus que nous
coûtera la confédération pendant 50 ans à venir.
Et, si nous devons vous en croire, quelle sécurité
avons-nous, même dans le moment actuel, contre
un tel désastre? Privés de la protection de la
mère-patrie, par terre et par mer, et de la concentration dans une seule main, de
toutes les forces de
l'Amérique Britannique, les dangers de notre position ne sont que trop visibles. Quand
les présentes
difficultés se termineront, et qui peut en préciser
le moment? nous serons à la merci de nos voisins;
et, victorieux ou non, ils sont un peuple éminemment militaire. Maigrè leur indifférence
apparente
au sujet de l'annexion de ce pays, et leurs sentiments d'amitié, ils auront le pouvoir
de frapper
quand il leur plaira, et c'est la le point culminant
de toute la question. A-t-on jamais vu une nation,
ayant le pouvoir de conquérir, ne pas l'exercer,
ou même ne pas en abuser, à la première occasion
favorable? Tout ce que l'on dit de la magnanimité
et de la clémence des nations puissantes, se réduit
au principe de pure convenance [expediency] que
que tout le monde connait. La face entière de
l'Europe a changé et les dynasties de plusieurs
siècles ont été broyées de notre temps méme, par
la seule raison de la force, qui est la plus ancienne,
la plus puissante, et, comme plusieurs le prétendent, le plus sacré de tous les titres.
Les treize
états d'Amérique, avec toutes leurs prétentions
d'abnégation, ont, au moyen de l'argent, de la
guerre et des négociations, reculé leurs frontières
jusqu'à ce qu'ils aient plus que quadruplé leurs
territoires, et ce, dans une période de moins de
soixante ans; et, le croira qui voudra, peut-on
supposer qu'ils sont disposés a s'en tenir la? Non;
tant qu'ils en auront le pouvoir, ils avanceront,
car il est de la nature même du pouvoir d'accuparer tout ce qui se trouve à sa ortée.
Ce ne sont
donc pas leurs sentiments hostiles, mais c'est leur
puissance et leur puissance seule que je crains,
et je dis que c'est ma solennelle conviction
qu'il est du devoir de tout sujet anglais, dans
ces provinces, de contrôler cette puissance, non
pas en adoptant la politique insensée de l'attaquer
ou de l'affaiblir mais en nous fortifiant, et en nous
élevant à son niveau, en ayant, la Grande-Bretagne
pour nous appuyer. C'est ainsi que nous serons
prêts à toute éventualité. Il n'est pas un seul
homme sensé et sans préjugé qui ne voit pas que
le seul moyen possible de nous éviter les horreurs
d'une guerre telle que le monde n'en a jamais vue,
est de s'y préparer vigoureusement et en temps
utile. Etre sudisamment prêt. est le seul argument
pratique qui peut avoir du poids auprès d'un ennemi puissant et qui peut l'engager
à réfléchir
avant de se lancer dans l'entreprise. Et comme
je désire pour nous cette condition que nous
sommes incapables d'atteindre sans l'union des
provinces, je sens qu'il est de mon devoir de me
déclarer nettement en faveur d'une confédération
au prix de tous les sacrifices raisonnables.
"Après la plus mûre considération du sujet, et
tous les arguments que j'ai entendus de part et- d'autre, dans le cours du dernier
mois, c'est ma
conviction la plus profonde que la confédération
est nécessaire, qu'elle est la mesure seule qui,
avec le secours de la Providence, peut nous assurer l'ordre social, la paix, la liberté
rationnelle et
tous les bienfaits dont nous jouissons maintenant
sous le gouvernement le plus doux et les institutions du pays le plus libre et le
plus heureux du
monde-"
Cette lettre est du mois de janvier 1865 ..
L'évêque catholique de l'Ile de Terreneuve,
Monseigneur MULLOCH, a, lui aussi, écrit une
magnifique lettre en faveur de la confédération...… Puis, M. l'ORATEUR, lorsque le
moment viendra, notre clergé catholique,
notre clergé canadien, fera entendre sa voix
éloquente en fureur du projet proposé, et
montrera de nouveau à l'univers entier
qu'aujourd'hui, comme autrefois, il sait être
à. la hauteur des circonstances,—qu'il sait
démêler le vrai du faux, et ne son œil paternel veille avec la plus tendre sollicitude
sur les destinées de ses enfants! (Vifs applaudissements.) Maintenant, M. le PRÉSIDENT,
portons les yeux sur les colonies
anglaises de l'Australie—elles, aussi, désirent
prendre des mesures pour se confédérer
entr'elles, cesser leur isolement l'une vis-à- vis de l'autre, se rendre les bras
comite
autant de sœurs chéries, et essayer de jeter
les bases d'un grand empire sur les rives
éloignées de l'0céanie...(Ecoutez! écoutez!)
Quant à nous, montrons à. l'Angleterre que
nous avons à cœur de maintenir notre connexion avec elle, et son dernier soldat et
son
dernier chelin seront dépensés par elle pour
nous conserver, pour nous défendre contre
qui que ce soit, et nous aider à devenir un peuple grand et fort... Arrière!…
arrière!... ceux qui croient que l'Angleterre
veut nous rejeter loin d'elle, et nous abandonner à notre triste sort... Arrière!..
ceux
qui comme les BRIGHT, les COBDEN, les
GOLDWIN Sama et toute cette école, crient
841
à satiété que l'Angleterre perd plus qu'elle
ne gagne par ses colonies! La logique des
faits est contre eux. L'Angleterre sans ses
colonies, serait une puissance de second ordre.
Eçoutons sur ce sujet M. LAING, ci-devant
ministre des " finances " aux Indes, en
réponse à GOLDWIN SMITH et autres:
"Je ferai remarquer, dit-il, que nos possessions
sont de beaucoup nos meilleures pratiques. Elles
forment, réunies ensemble, près d'un tiers de
notre commerce d'importation, et la moitié de
notre commerce d'exportation. Les Indes Anglaises occupent le premier rang sur la
liste et
nous donnent près de £50,000,000 sterling d'importation, et prennent en retour £20,000,000
d'exportation Pour l'année courante, ces chiffres
seront considérablement outrepassés, et le taux
de la progression est plus marqué, les importations ayant été, il y a 10 ans, de £10,672,000
seulement, et les exportations de £9,920,000. On
trouve, pour l'Australie, un résultat qui étonne,
si on considère l'époque récente de son établissement et sa population limitée. Elle
nous envoie,
outre l'or, environ £7,000,000 d'importations, et
emporte £13,000,000 d'exportation. Les colonies de l'Amérique du Nord, avec une population
également britannique, nous donne pour £8,000,000 d'importations, et emportent pour
près de
£5,000,000 d'exportations. La petite île Maurice,
qui jouit d'un gouvernement et d'une capitale
brîtanniques, nous envoie près de £2,000,000
par an, et prend en retour £5,000,000. Ces chiffres
démontrent d'une manière évidente de quels
avantages sont les colonies pour le commerce, et
réfutent les fausses théories de ceux qui veulent
nous persuader d'abandonner ces possessions lointaines comme des apanages inutiles."
Remarquez, M. le PRÉSIDENT, que ces
énormes chiffres ne sont pas des piastres
mais des louis sterling: chaque louis sterling
étant près de cinq piastres de notre argent...
Voici, pour ceux qui croient que les colonies
ne sont d'aucune importance pour l'Angleterre, qu'elles n'ajoutent rien à sa grandeur,
rien a sa puissance, rien à son commerce!
Ceux qui connaissent tant soit peu l'Angleterre savent parfaitement bien que c'est
une
nation essentiellement commerciale, et probablement la nation la plus commerciale
au
monde: que cette nation de " boutiquiers,"
comme l'appelait NAPOLEON IER, a toujours
trouvé, dans son commerce, le principal élément de sa force, car avec le commerce,
l'argent, et avec l'argent, des bras pour
faire ses guerres... . Les anciens Romains
savaient conquérir des provinces, des contrées, des royaumes, parce qu'ils avaient
essentiellement le génie de la guerre, mais
ils ne savaient pas les conserver, parce qu'il
leur manquait précisément ce qui distingue
les Anglais, le génie du commerce... Aussi,
les Anglais deviennent-ils maîtres d'un territoire quelconque, qu'aussitôt vous voyez
une nuée de commerçants s'y jeter—bâtir
des boutiques, développer les ressources du
pays—ensuite viennent des soldats pour y
maintenir l'ordre et faire respecter la loi—
puis bientôt, vous voyez ce pays, naguère
barbare et croupissant dans la stagnation et
l'inaction, secouer ses langes, pour ainsi dire,
prendre un autre aspect, devenir riche,
prospère, et coopérer à l'agrandissement de
la mère—patrie. (Ecoutez! écoutez!) Oui,
M. le PRÉSIDENT, l'Angleterre tient à nous
conserver—en nous perdant, elle perdrait
indubitablement plus tard ses possessions
des Indes Occidentales, puis elle entrerait
dans la première phase d'une décadence
qu'elle est trop clairvoyante pour ne pas
éviter. (Ecoutez! écoutez!) Elle voit avec
plaisir les efforts que fait notre gouvernement pour mener à bonne fin l'union de
toutes les provinces. Elle regarde cette
" union future " comme un pas fait dans
la bonne voie, et le seul moyen pratique
d'augmenter nes ressources et de cimenter notre puissance…… ... ...
Mais, M. l'ORATEUR, un mot sur l'appel au
peuple Il y a trois classes d'hommes dans
la société: les " trompeurs " les " trompés "
et ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre. Je me
range parmi ceux qui ne veulent être ni
trompeurs ni trompés; je ne veux être
trompeur, et, comme j'ai promis à mes constituants de leur soumettre et expliquer
tout
le plan de confédération, avec tous les détails, avant de le voter finalement, je serai
toujours prêt à le faire. Pour le moment, je
voterai purement et simplement pour les
" résolutions," parce que je suis en veut de
la confédération en principe, et que plus
tard, lorsque le ministère nous soumettra le
plan et les détails qui se rapportent aux gouvernements locaux, alors sera le temps
de
demander l'appel au peuple, si mon comté
l'exige de mon…... Le demander maintenant
sur le principe de la confédération en elle- même, puis le redemander lorsque nous
aurons le plan et les détails touchant les
gouvernements locaux, serait absurde; car
ce serait deux appels au peuple sur deux
parties du même plan de confédération, et
conséquemment deux élections l'une sur
l'autre,—surcroît de dépense et de troubles
et pour le pays et pour les membres. N'oublions pas qu'après les deux élections sur
l'appel au peuple, il faudra avoir dautres
élections générales pour commencer le nou
842
veau parlement, car la présente session est
la 3ème du parlement actuel. ...
Je ne veux être trompé... et je le serais
grandement si je me laissais prendre par les
caces minauderies de l'opposition, qui ne
fait semblant de désirer l'appel au peuple
que pour avoir l'occasion de faire échouer,
coûte que coûte, le plan de confédération...
Moi, M. l'ORATEUR, je prétends que l'opposition n'a pas le moindre désir d'aller au
peuple, et pourquoi? parce que si l'opposition eut désiré véritablement et sincèrement
un appel au peuple, elle aurait depuis quinze
jours, au moins, présenté une motion en
chambre, demandant au préalable un appel
au peuple!… Voici trois ou quatre semaines
que la chambre s'occupe de cette mesure;
l'opposien n'a rien présenté en fait de motion
pour l'appel au peuple, et lorsqu'il sera trop
tard, l'opposition viendra avec une motion
de cette nature; (écoutez! écoutez!) puis, ne
réussissant pas, elle ira crier partout dans
les villes et les campagnes que si le peuple
n'a pas été consulté, ce n'est pas de sa faute
à elle (l'opposition), qu'elle a remué ciel et
terre, mais que c'est dû à l'entêtement du
ministère si l'appel au peuple n'a pas eu
lieu;… puis le peuple la croira, et nous, les
meilleurs amis du peuple, nous passerons
pour les seuls coupables! ... Pauvre peuple,
pourquoi te laisses-tu tromper ainsi? ...
Si le ministère veut hâter la mesure, ce
n'est dû qu'à l'échec que le ministère du
Nouveau-Brunswick vient de subir, et qu'il
s'agit pour nous de nous empresser de prouver à 'Angleterre que nous ne voulons pas
rester en arrière, et que nous sommes prêts à
faire notre quote-part du traité ou compromis souscrit par les délégués à la conférence
de Québec ... Il est temps pour nous de
faire quelque chose pour améliorer notre position: car l'abrogation projetée du traité
de réciprocité—l'abolition probable du système de " transit " et d'autres indices
de
mauvais voisinage, dont le message présidentiel de LINCOLN est rempli cette année,
nous indiquent suffisumment qu'il est temps
pour nous de conjurer l'orage qui se dessine sur notre horizon politique, et qu'il
est
urgent pour nous de chercher à nous pourvoir ailleurs. (Ecoutez!) Si, plus tard,
l'appel au peuple (sur le plan et les détails
des "gouvernements locaux") devient nécessaire, je suis convaincu que la majorité
des comtés des deux Canadas comprendra
ses véritables intérêts, saura distinguer ses
vrais amis de ceux qui cherchent à le trom
per en exploitant ses préjugés, et que nous
serons renvoyés ici avec plein pouvoir de
voter l'entière passation du plan de confédération. (Applaudissements.) Puis, si moi pour
un, je suis poliment prié de rester chez moi,
j'aurai la satisfaction de dire que je suis
tombé en homme qui a préféré son devoir à
une popularité éphémère, et, bien qu'il soit
facile pour le beau et intelligent comté de
Vaudreuil d'envoyer en cette enceinte pour
le représenter, un membre plus compétent
que moi sens bien des ra iports, peut-être ce
qui lui sera difficile, j'ose i'affirmer, ce sera de
trouver un homme qui ait plus à cœur que
moi les intéxêts, le bonheur et la prospérité de
son pays! (Applaudissements prolongés!)
J'ai tout lieu de croire que le peuple comprendra la position du pays, comprendra
qu'une mesure de cette nature est nécessaire,
indispensable, et qu'une fois l'union des cinq
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord parfaitement effectuée, nous entrerons
dans une ère nouvelle, ère de progrès de
toutes sortes, progrès industriels, progrès
manufacturiers, progrès commerciaux, et
nous commencerons à prendre une des
premières places parmi les habitants de
ce vaste continent: le peuple comprendra,
enfin, que la barque de l'état est tombée
entre les mains d'habiles pilotes qui sauront
la conduire à bon port, malgré les tempêtes
et les écueils semés sur son passage!
(Applaudissements.) Moi. pour un, M. l'ORATEUR, j'ai foi dans l'avenir du pays au
sein
de la confédération! Je crois que le jour
n'est pas loin, où le " Bon Génie " qui présidera sur les destinées futures du nouvel
empire de l'Amérique Britannique du Nord,
pourra s'écrier avec orgueil, son pied droit
touchant l'Océan Pacifique, et son pied
gauche plongé dans l'Océan Atlantique:
" tout ceci est à nous! ...Ces richesses
innombrables nous appartiennent—voyez ses
belles campagnes—ces beaux hameaux, ces
villes immenses où des milliers d'habitants
jouissent en paix du fruit de leur labeur, et
vivent sans inquiétude à l'ombre du drapeau
britannique. Voyez ces usines, ces manufactures de toutes sortes—ces canaux, ces
chemins de fer se croisant dans tous les sens
et alimentant le commerce d'un bout à
l'autre de ces vastes domaines; maintenant
nous sommes un peuple nombreux, fort et
puissant—nos rangs se sont augmentés—
l'Europe nous a fourni son contingent
d'hommes de coeur et d'énergie qui soul
venus ici chercher un bonheur et une pros
843
périté que leur pays natal n'avait pas su
leur procurer: " puis, ce " Bon Génie " les
les yeux tournés vers la Grande-Bretagne,
pourra lui dire " mère contemple ton filsaîné, il est digne de toi!" (Applaudissements.)
Enfin, la postérité à son tour, fière à juste
titre de ses ancêtres, pourra répéter:—voici
le fruit des travaux consciencieux et patriotiques de ces trente-trois hommes d'élite,
qui ont fait partie de la célèbre conférence
de Québec en octobre 1864!... (Vifs applaudissements.)
L'
HON. M. le Proc.-Gén. CARTIER.—
M- l'ORATEUR: Après avoir entendu l'éloquent et habile discours que vient de prononcer
avec un rare talent l'hon. député
de Vaudreuil, il me reste un regret: c'est
que le vénérable aïeul de ce monsieur, (l'hon.
ALAIN CHARTIER DE LOTBINIÈRE) qui fut
un des premiers orateurs appelés à la présidence de l'assemblée législative du Bas-
Canada, et dont le portrait orne notre
chambre, n'ait pu de sa tombe, prêter l'oreille
aux paroles si bien senties, si loyales et si
chaleureuses de son petit-fils dont il eût
été fier à juste titre! (Applaudissements).
L'
HON. M. LAFRAMBOISE. — M.
l'ORATEUR:—L'hon. député de Vaudreuil a
demandé il y a un instant ce u'il y avait à
craindre pour nous, Bas-Canadiens, sous la
confédération. Eh bien! je vais le lui dire
de suite, ou plutôt lorsqu'il aura fini de
recevoir les félicitations de ses amis. Cet
hon. monsieur nous a lu une ou deux lettres
des évêques des provinces d'en-bas, pour
nous prouver que tout serait pour le mieux
sous la confédération pour les populatiom
catholiques. Avec la permission de cette
hon. chambre, je prendrai la liberté de lire
à mon tour une lettre d'un curé du Bas- Canada qui, voyant les choses d'un peu plus
près que ces évêques des provinces maritimes, peut plus sainement juger si nos
institutions particulières et notre nationalité
seront suffisamment garanties sous le régime
fédéral qu'on est à la veille de nous imposer.
(Ecoutez! écoutez!) Cette lettre a été
publiée dans le
Canadien.
A M. le rédacteur du Canadien:—
MONSIEUR,—Si on peut regarder la confédération
des provinces comme une affaire décidée, on
ne peut se dissimuler qu'il y a dans les esprits
une crainte, une inquiétude que rien ne peut dissiper. J'ai lu les discours de nos
membres; j'ai
entendu leurs explications; et, loin d'être rassuré,
Je me trouve plus inquiet qu'auparavant. On nous a
bien démontré la nécessité d'une confédération:
mais a-t-on cherché à nous expliquer certaines
clauses dangereuses au point de vue canadien- français et catholique? Des promesses,
des éloges,
des visions éblouissantes de notre avenir, des
chiffres plus ou moins bien groupés, nous avons
eu de tout cela à satiété; mais des explications
satisfaisantes sur notre future liberté d'action
sous la confédération, voilà ce que je cherche en
vain! Si vous voulez bien me le permettre, monsieur je vais expliquer, aussi brièvement
que
possible, mes objections au projet de confédération, et ce qui le rend si redoutable
à presque
tous ceux qui l'ont étudié. Je laisse de côté la
question du divorce. L'autorité ecclésiastique
ne se prononçant pas, je n'ai pas la prétention
" d'être plus catholique que le Pape." A chacun sa
responsabilité. Lorsque plus tard, notre Bas- Canada, tout catholique, sera déshonoré
par la
présence d'une cour de divorce, chacun s'empressera sans doute de s'en laver les mains
et d'en
rejeter la responsabilité sur. . . . . . . les circonstances où nous sommes placés.
Mes objections
il la confédération, telle que proposée, sont:
1° La centralisation dangereuse qu'elle consacre.
2° Les dépenses énormes qu'elle entraîne.
La centralisation, voilà le grand danger des gouvernements modernes! Au lieu de chercher
à nous
doter, dans chaque province, de la plus grande
somme de liberté compatible avec un pouvoir
central, on dirait que nos ministres se sont
étudié à ne nous en laisser que la plus légère
part possible. Pour éviter la trop grande liberté
d'action laissée aux Etats de la confédération
américaine, on nous a donné un projet assez bien
calqué sur la confédération Suisse. On a voulu
éviter cette indépendance dans chaque Etat, qui a
amené la guerre entre le Nord et le Sud, et on
nous expose à un nouveau Sonderbund avec ses
désastres. Voyons quels sont les pouvoirs du
gouvernement central, et les droits des provinces,
du Bas-Canada en particulier, sous notre confédération. Le gouvernement central sera
composé:
l° D'une chambre élective basée sur la population;
2° D'un sénat;
3° D'un conseil exécutif, ministres responsables
et gouverneur.
La chambre basse sera composée de 194 membres. De ces 194, 65 seront Bas-Canadiens,
et 50 Canadiens-Français. Dans la chambre
des représentants nous serons donc 1 sur 3, ou,
si l'on compte comme Canadiens-Français, 1
sur 4. Combien compterons-nous de Bas-Canadiens ou de Canadiens-Français dans le conseil
exécutif? 1 peut-être, 2 tout au plus.
Voilà la somme de notre influence dans le gouvernement central! Et c'est ce gouvernement
qui
nommera nos sénateurs, après la première élection
faite! Il nommera, ou plutôt nous imposera notre
gouverneur! Il aura droit de véto sur toutes nos
mesures locales! Il aura encore ce droit par le
gouverneur, sa créature! Y eut-il jamais centralisation plus dangereuse? Quelle liberté
d'action
est donc laissée à nos législatures? On nous
enverra pour gouverneur un orangiste, peut-être;
et qu'aurons-nous à dire? On choisira pour sénateurs nos ennemis, si l'on veut; à
qui recourrons- nous alors? On réservera, on frappera de véto
toutes les mesures locales qui nous seront
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chères, nos incorporations, et qui redresssra nos
griefs? Mais tout cela, ce sont des craintes chimériques! Des craintes chimériques!
Plaise à
Dieu qu'elle le soient! Mais ne connaissons-nous
pas les orangistes? N'avons-nous pas sous les
yeux l'exemple de l'iriande? Mais la guerre du
Sonderbund! Soyes tranquilles, nous dit-on; des
hommes aussi éprouvés, aussi honorables que
nos chefs, ne nous preposeraient pas cette mesure
si elle pouvait nous être aussi funeste. Je ne
veux nullement accuser nos hommes d'Etat, soupçonner leur motiû. Mais les contradictions,
les
mesures dangereuses, nos hommes d'Etat les ont- ils toujours évitées? Est-il prudent
de se fier
entièrement aux hommes sans regarder à leur
mesures? Et les exemples du passé! et la fameuse
maxime:" les principes et non les hommes!" N'ayez
pas peur, dit-on encore, rien de ce que vous
craignez ne peut arriver; c'est impossible! Impossible! Pourquoi alors en avoir laissé
la possibilité
dans la loi? Pourquoi tant de précipitation dans
une mesure aussi importante? Les auteurs de la
constitution des Etats-Unis ont travaillé pendant
des mois et des années au projet de leur confédération; et, aprés 80 ans, elle a été
trouvée défectueuse. Nos hommes d'Etat élaborent une constitution en quelques jours,
au milieu des réjouissances bruyantes de l'hospitalité, et cette constitution est
parfaite! Vous n'y toucherez pas! vous
ne l'amenderez pas! Mais elle contient des clauses
dangereuses! mais elle confére a nos ennemis le
pouvoir de nous anéantir! Talsez-vous! ce sont
nos ministres, nos chefs qui l'ont faite! Fier-vous
à leur honneur, a leur talent! Execllentes raisons!
Mais est-il surprenant qu'on ait encore des
craintes, des inquiétudes? Mais le clergé, le peuple,
n'est-il pas peur la confédération? Le clergé,
non, il n'est pas tout pour votre confédération
telle que proposée. Un grand nombre, il est vrai,
y vont de confiance, et se tient a nos hommes
d'Etat; mais un bon nombre aussi la redoutent et
voudraient y voir bien des amendements. Le
peuple, lui, ne connait rien de votre rejet; et,
jusqu'au moment qu'il subirai l'épreuve de la taille
et de l'impôt, je vous l'avouerai, il se montrera
fort indifférent. Mais laissons se faire la confédération, laissons commencer les
dépenses fabuleuees que vont entrainer la défense du pays, le
soutien d'une milice, la création d'une marine, le
onnatructiou du chemin de fer intercolonial et
autres travaux publics, et, suivant le proverbe,
" qui vivra verra." Oui, nous nous appercevrons
alors des effets désastreux de cette mesure, mais
il sera un peu trop tard. Me voilà rendu à ma
seconde objection au projet de confédération.
Avec votre permission, je la traitera! une autre
fois.
UN CITOYEN.
Québec, 6 mars 1885.
Eh bien! M. l'ORATEUR, si je ne me trompe,
est hon. membre de notre clergé parait meme
rassuré que nos ministres et l'hon. député de
Vaudreuil sur nos intérêts religieux et sur
notre nationalité. Trouve-t-on ses expressions assez énergiques et assez significatives?
Mais voyons, maintenant, si ce curé a raison
de s'alarmor comme il le fait, et s'il ne se
laisse pas un peu entrainer par son zèle et
son patriotisme pour ses concitoyens. Voyons
s'il n'apprécie pas mieux que ne le font nos
ministres canadiens la position qui noue
sera faite sous la confédération. Je crois que
nous allons pouvoir en juger par un extrait
que je trouve dans l'une des dernières éditions de l'organe de l'hon. président du
conseil (M. BROWN). Le Globe de Toronto,
qui est aujourd'hui l'un des principaux
organes du gouvernement actuel, publie,
dans son numéro du 6 mars courant, un
article. écrit peut être par l'hon. président
du conseil lui-même, où je trouve les aménités suivantes à l'adresse de notre clergé:—
"Nous avons confiance que ces amis bien peusants, mais fourvoyés, du système des écoles
communes du Haut-Oanada, qui ont censuré la
convention relative à l'éducation qui se trouve
dans les résolutions adoptées par la conférence de
Québec, verront aujourd'hui qu'elle est sa valeur.
La lettre hardie de l'évêque vaon devrait suffire
pour faire comprendre combien sont exposées nos
écoles sous la présente constitution. L'église de
Rome est toujours envahissante, un jour se déclarant entièrement satisfaite des concessions
qu'on
lui fait dans le moment, mais revenant le lendemain à la charge pour en demander de
nouvelles.
Sous notre système parlementaire actuel, on ne
peut jamais dire avec certitude que les évéques
papistes du Canada ne peuvent, s'ils y mettent un
lieu d'activité, obtenir tout ce qu'ils demandent
Sous la confédération, tout en leur disant joyeusement " nous sommes quittea, " et
leur laissant ce
qu'ils possèdent aujourd'hui, et ce qu'ils peuvent
d'ailleurs garder en dépit de nous, nous serons en
mesure de ne leur rien accorder de plus qu'ils
n'ont. Mais, si vous laissez notre constitution
actuelle fonctionner pendant cinq années, vous
pouves étre certains que toutes les nouvelles
demandes faites par la hiérarchie seront concedées
et accordées. "
Si maintenant cet hon. monsieur n'est
pas satisfait que les craintes du clergé sont
fondées, je ne sais vraiment trop ce qu'il
faudra lui dire pour le convaincre. (Ecoutez!
écoutez!) Cet hon. monsieur a fait un éloge
pompeux et parfaitement vrai des mérites et
du évenement admirables de notre clergé
bas-canadien,—éloge qui est dans la bouche
de tout homme ayant quelque sentiment de
reconnaissance pour le mérite partout où il
se produit, sans regarder aucunement à
que le nationalité ou à quelle religion il
appartient; éloge que j'approuve de toute
mon âme. (Ecoutez! écoutez!) Mais, M.
l'ORATEUR, je n'en demeure pas moins convaincu que tout ce qui est prophétisé dans
cet extrait du Globe se réalisera un jour,
845
si nous concédons la mesure qui nous est
aujourd'hui soumise. Eh! que signifient ces
requêtes qui tous les jours nous arrivent par
milliers? Pourquoi voit-on toutes ces croix
apposées à ces protestations énergiques et
patriotiques, croix faites par de rudes mains
guidées par de nobles cœurs? (Ecoutez!
écoutez!) Je vais vous le dire, M. l'ORATEUR,
c'est qu'avant l'union des Canadas le conseil
législatif était composé d'ennemis des Bas- Canadiens qui refusèrent pendant un grand
nombre d'années de donner des octrois,
quelque légers qu'ils fussent, pour nos
écoles du Bas-Canada qui, grâce à cette
prescription tyrannique, furent fermées par
centaines et les enfants de nos compatriotes
ne purent recevoir l'éducation dont ils
auraient certainement profité. Voilà pourquoi aujourd'hui les requêtes qui nous arrivent
de tous côtés pour protester contre
l'oppression qu'on nous prépare, sont en
grande partie signées par des crois,—croix
qui valent certainement les magnifiques
signatures de certains hon. députés de
cette chambre, qui ont voulu tourner en
ridicule les signataires de ces requêtes. A
cette époque, M. l'ORATEUR, le clergé canadien était, comme aujourd'hui, à la tête
de
l'éducation, et l'oligarchie britannique faisait
tout en son possible pour rétréeir le cercle de
sa noble mission; l'éducation des enfants du
sol. (Ecoutez! écoutez!) Mais, grâces à la
protestation constante et énergique d'hommes
patriotiquee, grâces aux luttes qu'ils ont soutenues pendant de longues années,—luttes
qui
dégénérèrent un jour en une rébellion ouverte
contre l'autorité de la Grande-Bretagne,—
nous avons conquis les libertés dont nous
jouissons aujourd'hui. Et, à propos de cette
rébellion, je crois bien que l'hon. procureur- général du Bas-Canada doit se rappeler
qu'il
a été l'un de ceux qui, dans ce temps, ont
élevé l'arbre de la liberté à St. Charles et
l'ont coiffé du bonnet de la liberté. A cette
époque, M. l'ORATEUR, le procureur-général
du Bas-Canada ne reculait pas devant une
rébellion ouverte contre Sa Majesté pour
obtenir ce qu'il croyait être les légitimes
libertés de ses concitoyens; aujourd'hui, il ne
recule pas devant un titre de baronnet en récompense de la trahison qu'il est prêt
à consommer vis-à-vis de ses compatriotes. (Ecoutez! écoutez!) J'ai dit, il y a un
instant, que
les Canadiens-Français avaient tout droit de
craindre pour leurs institutions sous la confédération, et je vais le prouver en citant
quelques extraits du fameux rapport de Lord
DURHAM,—rapport qui a servi de modèle au
gouvernement pour faire son projet de confédération, lequel se trouve calqué pour
ainsi
dire mot pour mot sur cet habile exposé des
meilleurs moyens à adopter pour anéantir la
nationalité française en ce pays. (Ecoutez!
écoutez!) Et à ceux qui seraient tentés de
traiter mes craintes de chimériques, je n'ai
que ceci à dire: Veuillez bien croire que les
Anglais qui siégèrent à la conférence ne se
laisseront pas mener par les quelques Bas- Canadiens qu'ils trouveront dans le gouvernement
fédéral, et qu'ils travailleront consciencieusement, et en quelque sorte naturellement,
à l'oeuvre rêvée par Lord DURHAM et
conduite jusqu'ici avec une habileté qui, pour
avoir été quelquefois déguisée, n'était pas
moins calculée à produire les résultats prévus
et désirés par la Grande-Bretagne. Je vais
lire à la chambre une extrait du rapport en
question, car il est bon qu'on rappelle ces
faits à l'esprit de nos représentants du Bas- Canada:—
"Jamais, à l'avenir comme dans le passé, la
population anglaise ne souffrira l'autorité d'une
chambre d'assemblée dans laquelle les Français
auront une majorité ou même quelque chose approchant d'une majorité."
Voilà, M. l'ORATEUR, les expressions dont
s'est servi lord DURHAM dans son rapport au
gouvernement anglais! Et vous allez voir
qu'on a bien suivi ce plan: on a commencé
par une union des deux Canadas, on continue avec une confédération de toutes les
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord, et ou terminera enfin par une union
législative, dans laquelle la race française se
trouvera noyée et anéantie à tout jamais.
(Ecoutez! écoutez!) Un hon. député, qui a
adressé la parole à cette hon. chambre à la
séance d'hier soir, nous a dit que la confédération serait le commencement de la fin,
et la
perte des Bas-Canadiens. Il était impossible
de décrire plus exactement la position dans
laquelle nous nous trouverons avec la confédération. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député
de Vaudreuil nous a dit qu'il y avait en
Angleterre autant de catholiques qu'il y en a
à Rome même, le siége de la catholicité. Eh
bien! que signifie cette assertion? Prouvet-elle quelque chose en faveur de sa thèse?
Combien y a-t-il de membres dans le parlement anglais pour représenter les catholiques
de la Grande-Bretagne? Si je ne une trompe,
je crois qu'il n'y en a que deux ou trois Eh
bien! je vous le demande, M. l'ORATEUR,
quelle influence ces populations catholiques
846
peuvent-elles exercer dans ce parlement et
quellcschan ces ont-elles de faire protéger leurs
institutions et leurs libertés? En vérité, si
l'hon. député de Vaudreuil a voulu nous donner par la un argument péremptoire, il
a eu la
main malheureuse, car cet argument tourne
entièrement contre lui. (Ecoutez! écoutez!)
l'hon. député de Vaudreuil a aussi donné
comme un argument en faveur de la confération, le suivant, qui est plus ou moins plausible
et sérieux. Il a dit que si nous adoptiens la confédération, le Bas-Canada jouirait
des riches mines de charbon que possède le
Nouveau-Brunswick. Est-ce que l'hon. député
s'attend à ce que le charbon nous arrivera
ici gratis et sans que nous ayons à donner
quoi que ce soit en échange? (Ecoutez!
écoutez!) Réellement, M. l'ORATEUR, il me
semble que quand on n'a pas d'autres arguments à fournir au soutien d'une cause,
il vaudrait infiniment mieux les garder
pour soi. Il peut se faire que les éloges
prodigués par l'hon. procureur-général à
l'hon. député de Vaudreuil soient mérités:
il peut se faire qu'il ait cette opinion-là;
mais, pour ma part, je l'avoue en toute sincérité, je trouve que l'éloquence qu'a
déployé l'hon. député peut être bonne pour
une assemblée public ne de paroisse, car
c'est une éloquenoe qui peut avoir de l'effet,
grâce à son clinquant sonore, mais je n'hésite pas à dire que ce n'est pas là le genre
de discours qu'il faut dans une chambre de
législateurs. Ce qu'il faut ici, ce sont des
discours capables de porter la conviction
dans l'esprit de ceux qui vous écoutent. Il
n'y a pas de doute que l'hon. député de
Vaudreuil a fait de jolies et élégantes
phrases; mais, malgré cela, je ne puis m'empêcher de dire que l'hon. procureur-général
a été exagéré dans les compliments qu'il lui
a prodigués, et qu'il n'a ainsi parlé que
pour faire oublier le mépris qu'il affecte
de témoigner pour ses concitoyens qui siègent
en cette enceinte et qui diffèrent d'opinion
avec lui, et pour tous les discours français
prononcés de ce côté de la chambre depuis
qu'il nous a apporté son projet de confédé
ration. Après tout, le procureur-général est
parfaitement libre de complimenter qui bon
lui semble et quand cela lui sourit, et si
je parle ainsi, ce n'est pas pour lui reprocher d'avoir ainsi pensé. L'hon. député
de
Vaudreuil nous a aussi dit que le gouvernement avait fait tout ce qu'il avait pu
et qu'il avait examiné la question de confédération au point de vue des cinq parties
contractantes Je pense comme lui, et je
n'hésite pas à dire que si nos ministres Bas- Canadiens présents à la conférence avaient
examiné la question au point de vue Bas- Canadiens, dont ils étaient chargés de sauvegarder
les intérêts, il est bien probable que
bien des choses qui leur sont désavantageuses dans ce projet ne s'y trouveraient
pas. Mais l'hon. député de Vaudreuil
devrait savoir que les ministres Bas-Canadiens à la conférence devaient être la pour
représenter les intérêts de leurs nationaux
et de les défendre au besoin, de même que
les délégués des autres nationalités étaient
pour représenter ceux des leurs, et Dieu sait
si ces derniers ont bien représenté et travaillé en faveur de leurs nationaux! Le
projet
de confédération prouve amplement que la
nationalité anglaise a, comme toujours, été
favorisée au détriment de l'élément français.
Ils ont obtenu tout, ou à peu près tout, ce
qu'ils ont voulu.
Six heures ayant sonné, la séance est
levée.
A la reprise de la séance,
L'
HON. M. LAFRAMBOISE continue:
—M. l'ORATEUR, comme prélude aux observations que j'entends faire contre le projet
de confédération, j'ai avant six heures ce
soir, répondu à quelques-uns des arguments
fournis par l'hon. député de Vaudreuil en
faveur du projet de confédération qui est
soumis à la considération de cette chambre.
Je vais maintenant passer à l'examen de
quelques-unes des parties de ce projet et
aire voir la futilité des arguments qu'on a
apporté au soutien de son adoption. On a
dit de l'autre côté de la chambre que la
confédération était un compremis. Eh bien!
M. l'ORATEUR, que signifie le mot compromis? Il signifie l'entente au moyen de
concessions mutuelles. et dans le cas qui
nous occupe aujourd'hui, je ne vois de concessions que d'un côté et aucunes de l'autre.
Je trouve que les concessions ont toutes été
faites par le Bas-Canada au Haut-Canada:
concession de la représentation basée sur la
population, concession à la chambre fédérale
du droit de législater sur le mariage et le
divorce; au Bas-Canada, as une concession. Tous les membres Bas-Canadiens de
l'administration nous ont dit les uns après
les autres que le Haut-(lanada avait fait des
concessions au Bas-Canada. Mais pas un
de ces ben. messsieurs n'en a indiqué une
seule. En feuilletant un pamphlet devenu
célèbre pour plusieurs raisons que je n'ai
847
pas besoin d'énumerer,—je veux parler du
dernier pamphlet de l'hon. député de Montmorency,—je vois que le Haut-Canada a fait
une concession au Bas-Canada. L'hon.
député écrit ainsi sur la concession de la
représentation basée sur la population:—
"Toute confédération est un compromis, et on
serait le compromis, si rien n'était cédé de part
et d'autre? Le compromis pour le Bas-Canada,
c'est la concession de la représentation basée sur
la population dans la chambre basse, et le compromis, pour le Haut-Canada, c'est la
concession
de l'égalité, dans la chambre haute, en échange
pour la représentation basée sur la population
dans la chambre. Le même compromis a eu lieu
entre les deux Canadas et les provinces Atlantiques, et c'est le même motif qui l'y
a provoqué. "
Ainsi, M. l'ORATEUR, la seule concession
qu'ait pu établir l'hon. député de Montmorency en faveur du Bas-Canada, malgré le
talent éminent qui le distingue et le zèle
qu'on lui connaît pour le plan ministériel,
est celle que je viens de citer, et, à mon
avis, ce n'en est pas une, puisque le Bas- Canada avait et a encore aujourd'hui le
pouvoir d'exiger le maintien de l'égalité
représentative dans les deux chambres de la
législature. Maintenant, voyons un peu
quelle est la nature des concessions faites
par le Bas-Canada au Haut-Canada? En
premier lieu, j'y trouve celle-ci, la plus
importante de toutes, et qui vaut à elle seule
toutes les autres: je veux parler de la représentation basée sur la population. L'on
sait
les discussions animées qui ont en lieu tant
dans cette chambre qu'en dehors sur cette
question; quels moyens employés et quels
efforts ont été faits par le parti conservateur
pour faire de cette question du capital politique en faveur de ce parti, et enfin
quels
succès ce même parti, qui concède aujourd'hui la représentation basée sur la population,
a obtenu, dans le Bas-Canada, en criant
bien haut que le parti libéral,—ou plutôt le
parti rouge comme on se plait à le désigner,—
aecorderait à l'hon. président du conseil la
représentation basée sur la population! Eh
bien M. l'ORATEUR, qu'est-ce qui arrive
aujourd'hui à ce parti libéral qu'on accusait
d'être prêt à accorder à l'hon. président du
conseil sa mesure chérie? Je laisse à cet
hon. monsieur le soin de le dire. On l'a
entendu, dans cette chambre, déclarer qu'il
avait offert à l'hon. député d'Hochelaga de
continuer à marcher avec lui s'il voulait lui
accorder le principe de la représentation
basée sur la population, et que ce monsieur
ayant refusé de complaire à sa demande, il
avait accepté l'alliance de l'hon. proc.-gén.
du Bas-Canada qui lui accordait ce qu'il
demandait. (Ecoutez! écoutez!) Mais il
y a plus que cela, M. l'ORATEUR Il y a
peu de jours, l'hon. président du conseil,
s'adressant aux hon. députés d'Hochelaga
et de Chateauguay, leur a dit: "J'avais
toujours cru que vous étiez les meilleurs
amis du Haut-Canada, mais je puis voir
aujourd'hui que vous ne l'êtes pas, et que
ce sont plutôt l'hon procureur-général du
Bas-Canada et ses collègues bas-canadiens."
(Ecoutez! écoutez!) Après avoir concédé
la mesure favorite du grand chef clear-grit,
les délégués bas-canadiens ont sans doute
cru que cela ne suffisait pas, puisqu'ils ont
aussi fait une autre concession importante
au Haut-Canada et aux protestants du Bas,
en donnant au gouvernement fédéral le droit
de législater sur le mariage et le divorce,
(écoutez! écoutez!) deux questions sur
lesquelles les Canadiens- Français étaient
unis dans une foi commune et sur lesquelles ils ne pouvaient pas souffrir de
discussion. Les ministres ne devaient
donc pas faire ces concessions, puisqu'elles
sont tellement opposées à la doctrine religieuse qu'ils professent. Je dis qu'on a
accordé au gouvernement fédéral e droit
de législater sur le divorce et de le décréter,
et, je ne me trompe pas en le disant, de fait,
on a apprové le principe en donnant à la
législature fédérale le droit de législater sur
cette question. On aurait dû accorder ce
droit aux législatures locales et non pas à la
législature fédérale, comme on l'a fait. Voici
pourquoi: l'autre jour, l'hon. solliciteur- général du Bas-Canada (M. LANGEVIN),
nous a dit que pour le Bas Canada il n'y
avait pas de nécessité d'accorder a la législature le droit de législater sur le divorce,
parce que, disait-il, l'autorité religieuse y est
reconnue; mais qu'il était nécessaire et bien
de concéder ce pouvoir au Haut-Canada!
(Ecoutez! écoutez!) Eh bien! je le demande: si le Bas-Canada n'avait pas besoin
de ce pouvoir de législation, pourquoi l'a-t-on
donné à la législature fédérale, qui sera
composée en grande majorité de protestants
qui n'ont pas les mêmes idées que nous sur
ces questions, et qui décrètera probablement
le divorce en faveur de tous ceux qui se
présenteront devant lui pour l'obtenir, sans
considérer si ce sont des catholiques ou des
protestants? Si le divorce est condamné
par la religion catholique, je dis qu'il est
mal de donner ce pouvoir à une législature
848
qui sera composée en grande partie de
députés protestants prêts à législater sur le
divorce, et à l'accorder à ceux qui justifieront de causes raisonnables à leur point
de vue, sans s'occuper si la foi religieuse des
parties leur permet ou non de divorce. Si
le divorce est condamné par l'église catholique,—et tout le monde sait qu'il l'est
de
la manière le plus formelle,—on aurait dû
restreindre le droit de législater sur cette
question, et non pas l'étendre comme l'on
se propose de le faire par le projet de confédération qui nous est soumis. (Ecoutez!
écoutez!) J'ai démontré, je pense, M.
l'ORATEUR, que le Bas-Canada n'a rien
obtenu et a tout cédé dans ce compromis.
Il est vrai que pour atténuer ces concessions coupables l'on nous dit: " mais la
protection de nos institutions et le maintien de nos lois nous sont parfaitement
et amplement garantis par la nouvelle
constitution." D'abord, sous le régime
de la confédération, nos institutions ne
seront pas entourées de cette protection
dont on a essayé en vain de nous démontrer
l'existence; mais, quand bien même ce serait
le cas, la constitution qui nous régit aujourd'hui ne nous garantit-elle pas infiniment
mieux toutes ces libertés précieuses? Examinons un peu quelle espèce de garanties
nous avons sous le régime actuel, et quelles
garanties nous allons avoir sous le système
fédéral. La garantie que possèdent les
Canadiens-Français avec le régime actuel,
consiste dans le fait que sur 130 membres ils
on comptent au moins 51 de leurs origine et
de leur croyance, et qu'ils possèdent dans
le pays et dans la législature une influence
telle que le maintien de tout gouvernement
dépend de leur bon vouloir, et qu'aucune
législation ne peut se faire sans leur assentiment; tandis que sous la nouvelle constitution,
la législature fédérale sera composée de
194 membres, le Bas-Canada en aura 65,
dont 14, au moins, seront Anglais et protestant, laissant ainsi l membres canadiens-
français ou catholiques. Eh bien! en
supposant que ces 65 membres soient unis
comme un seul homme, ils se trouveront à
lutter contre 143 membres d'une origine et
d'une croyance différentes des leurs. Ainsi,
M. l'ORATEUR, je crois que les garanties
que nous accorde aujourd'hui notre constitution,—garanties qui nous sont assurées
aussi
longtemps que nous ne changerons pas notre
système de gouvernement actuel,—valent
infiniment mieux que celles que nous offrira
la nouvelle constitution qu'on veut imposer
au peuple. Mais on nous dit: "Le gouvernement fédéral aura à compter avec la minorité
catholique, et son aide lui sera indispensable
s'il veut marcher." Eh bien! je vous le
demande, M. l'ORATEUR, que pourra faire
une minorité composée de 51 membres contre
une majorité de 143, et quelle protection
pourra-t-elle offrir pour nos lois, nes institutions et notre langue? Non; il est
évident
que toutes ces choses qui nous sont chères
pourront, sous le régime fédéral, disparaître
et être anéanties d'un moment à l'autre; elles
seront entièrement à la merci de nos ennemis naturels. Pour obtenir la confédération,
ou a donc concédé au Haut-Canada la
représentation basée sur la population,—
principe contre la concession duquel le Bas- Canada en masse a toujours protesté,
et l'on
a aussi accordé tout ce que les délégués
du Haut-Canada ont voulu obtenir pour
eux-mêmes et leur co-religionnaires. Il est
donc tout naturel, M. l'ORATEUR, que les
membres anglais du Bas-Canada seront à
peu près tous pour le projet, puisqu'ils ont
une garantie toute-puissante dans le véto
de la législature. (Ecoutez!) Ainsi, la
législature locale du Bas-Canada ne pourra
passer aucune loi sans qu'elle soit soumise
à la sanction de la législature fédérale, qui
pourra, par son véto, amender, changer, ou
annuler complètement, si elle le juge à propos,
telle loi ou telle mesure qui lui sera ainsi
soumise. Mais quelles garanties la législature
fédérale offrira-t-elle à la majorité canadienne- française du Bas-Canada et à la
minorité
catholique du Haut-Canada? Aucun. Ce
grand parti conservateur, qui se vante tant
de représenter les intérêts des catholiques du
Bas-Canada, qui se donne comme le protecteur-né de la religion et de la foi catholiques
—(écoutez! écoutez!)—bien à tort, il est vrai
—ce grand parti, dis-je, aurait-il dû oublier,
comme il l'a fait, qu'il y a dans le Haut- Canada des catholiques qui attendaient
sa
protection et qui y avaient droit? Comment
la minorité catholique du Haut-Canada sera- t-elle protégée par la législature locale
du
Haut-Canada, composée d'Anglais et de protestants? Voulez-vous le savoir, M. l'ORATEUR?
Eh bien! elle le sera par deux
membres seulement: les hon. députés de
Cornwall et de Glengarry (M M. J. S. MACDONALD et DONALD McDONALD.) Ce grand
parti conservateur, qui s'intitule le défenseur
du catholicisme, a tout simplement livré cette
minorité catholique du Haut-Canada au bon
849
ou mauvais vouloir de ses ennemis, et, pour
faire juger de l'espèce de protection dont elle
jouira sous le nouveau régime, il suffit de
dire que ces jours-ci l'évêque de Toronto,
Monseigueur LYNCH, a été obligé de s'adresser publiquement, dans les journaux, aux
citoyens de Toronto, pour réclamer contre les
insultes prodiguées en plein jour dans les
rues de cette cité et ailleurs à de vénérables
sœurs de la Charité, et demander protection
pour les révérendes dames de cette communauté. Et puis, quand on voit des écrits
aussi fanatiques et aussi intolérants que celui
que j'ai eu l'honneur de lire à cette hon.
chambre avant l'ajournement, article publié
dans le Globe du 6 mars, qui représente
les idées du gouvernement actuel et qui est
l'organe et la propriété de l'hon. président
du conseil exécutif (M. BROWN), peut- on dire que nous n'avons rien à craindre,
et que les institutions religieuses du Haut- Canada seront parfaitement sauvegardées
sous le régime qu'on veut introniser dans le
pays? L'hon. député de Montmorency n'admet-il pas, dans son fameux pamphlet de
1865, que plusieurs fois dans cette chambre
on avait insulté à nos institutions religieuses? et l'évêque de Toronto ne vient-il
pas de se plaindre qu'on avait insulté des
sœurs de Charité dans les rues de la capitale
du Haut-Canada et qu'on les avait tournées en
ridicule dans des mascarades et bals masqués,
fréquentés par la bonne société de cette
localité? Et afin que personne ne puisse
douter de ce fait, je prendrai la liberté de
lire cette lettre, qui est comme suit:
"AUX CITOYENS DE TORONTO.
"Les Sœurs de Charité ont été de temps en temps
insultées dans cette ville. Elles ont été rudement
saisies dans les rues publiques, lorsqu'elles allaient
à leurs œuvres de charité. On les a poursuivies
avec des pierres et des boules de neige. On les a
couvertes d'opprobres et on leur a donné des noms
insultants. Leur costume a été montré avec mépris dans des mascarades, dans une salle
à patiner.
Confiant en l'honneur et en la justice des gentilshommes de Toronto, nous leur demandons
respectueusement leur protection.
"Votre etc., etc..
" † JOHN JOSEPH LYNCH,
" Evêque de Toronto."
Mais en supposant que plusieurs des hon.
membres de cette chambre voudraient douter
de l'authenticité des faits relatés dans cette
lettre, n'ont-ils pas, pour se convaincre du
danger que nous courons comme catholiques
une fois que nous serons à la merci de nos
ennemis, n'ont-ils pas, dis-je, présentes à la
mémoire les injures et les insultes prodiguées
par un membre de cette chambre à tout ce
qui était catholique; ne se rappellent-ils pas
les infamies qu'un des amis et chauds partisans
de l'hon. président du conseil exécutif (M.
BROWN), débitait devant cette chambre sur
le compte de nos vénérables sœurs de charité?
Eh bien! je vous le demande, à vous, le
grand parti conservateur, le protecteur-né de
notre religion et de ses admirables institutions: qu'avez-vous fait pour assurer protection
aux catholiques du Haut-Canada dans
la nouvelle constitution? Rien du tout!
(Ecoutez! écoutez!) Enfin, si le Bas-Canada
n'a obtenu aucune concession, et si sa position n'est pas meilleure sous le nouveau
régime que sous le régime actuel, pourquoi
une confédération? Je vais vous le dire, et
d'ailleurs tout le monde le sait aussi bien
que moi. Nos ministres n'ont eu recours
à la confédération que parce qu'elle leur
offrait un moyen de conserver leurs portefeuilles et de jouir des douceurs du pouvoir
pendant quelques années encore. Voilà la
raison, et la seule raison de leur alliance
monstre avec un homme qui les méprise au
fond, et qui ne s'ést joint à eux que parce
qu'ils servaient ses projets et ses ambitions.
L'hon. solliciteur-général du Bas-Canada
nous a expliqué, l'autre soir, les intentions
du gouvernement. Très-bien! Mais tout le
monde sait parfaitement, d'un autre côté,
que les intentions d'un gouvernement ne
sont pas immuables et qu'il peut les changer
et qu'il les a même déjà changées. Lors de
la formation du gouvernement actuel, les
ministres Bas-Canadiens n'ont-ils pas dit à
leurs amis dans cette chambre,—et leurs
journaux ne l'ont-ils pas répété sur tous les
tous: —" Restez tranquilles, ne craignes rien,
la confédération ne se fera pas." L'hon.
commissaire des travaux publics (M. CHAPAIS) n'a pas nié avoir dit à un curé de ce
district qu'il fallait rester tranquille, qu'il
n'y avait rien à craindre; que a confédération ne se ferait pas; que tout ce manége
n'était fait que dans le but de jouer le grand
chef clear-grit et de se débarrasser à jamais
de lui— (écoutez! écoutez!) —et du parti
libéral du Bas-Canada. Il paraît que nos
ministres Bas-Canadiens avaient compté sans
la pression des membres du Haut-Canada et
aussi sans celle des délégués des provinces
maritimes, qui, ligués ensemble, ont obtenu
toutes les concessions qu'ils ont voulu de cette
infime minorité bas-canadienne qui siégeait à
la conférence de Québec. On leur a dit: il
850
nous faut la confédération de telle et telle
manière, et ces braves patriotes, pour ne pas
perdre leurs portefeuilles de ministre, n'ont
pas reculé devant le sacrifice de leurs compatriotes. Ils ont accepté toutes les conditions
de la délégation protestante, et aujourd'hui ils essaient de faire ratifier leurs
honteuses concessions par la chambre et surtout
parla députation bas-canadienne. Malheureusement pour le Bas-Canada, je crains
beaucoup que la chambre ne vote la déchéance de la nationalité française en ce
pays. Il est un fait certain et qu'il importe
de noter: c'est que la grande majorité de la
députation haut-canadienne est en faveur de
la confédération, parce que tout y sera à leur
avantage; mais ce qui est inconcevable, c'est
qu'une majorité de membres du Bas-Canada
favorise la mesure. Il est vrai que plusieurs
de ces membres sont désavoués par leurs
comtés, et ne représentent pas l'opinion de
la majorité de leurs constituants sur cette
question, et il est certain qu'un bon nombre
de ceux qui voteront pour cette mesure
n'auront jamais occasion de se prononcer en
faveur de la question dans cette enceinte,
s'il y a un appel au peuple. (Ecoutez!
écoutez!) Quant au divorce, je dis que si les
enseignements de la religion catholique nous
disent que c'est mal et criminel de l'accorder,
et que les catholiques romains ne peuvent
pas l'accepter, nos ministres à la conférence
auraient du prendre tous les moyens de le
rendre moins général. Il est vrai qu'on ne
pouvait l'empêcher dans le Haut-Canada ou
les provinces maritimes, mais on pouvait le
faire dans le Bas-Canada, et si l'on voulait
accorder le droit de législater sur cette
question, on aurait dû l'accorder aux gouvernements locaux. Mais on a ainsi accordé
le
divorce, parce que l'Angleterre, qui a établi
un tribunal spécial pour décréter sur cette
matière, voulait qu'il fût accordé dans le
Bas-Canada aussi bien que dans n'importe
quelle autre province anglaise de l'Amérique
Britannique du Nord. Nos ministres bas- canadiens ont tout simplement cédé à l'influence
britannique, qui a eu ses franches
coudées dans la convention. (Ecoutez!
écoutez!) On dit: Il est bien vrai que la
religion catholique défend le divorce; mais
votez en faveur de son établissement, car si
vous ne le faites le parti rouge reviendra au
pouvoir et il va détruire toutes nos institutions religieuses, si vous lui donnez
la haute
main sur le gouvernement du pays." Allons
donc, messieurs les défenseurs de la religion!
n'auriez-vous pas dû prendre tous les moyens
d'empêcher ces affreux rouges de se servir
de la loi que vous allez vous-mêmes établir
et qui va eur donner le droit de divorcer
quand bon leur semblera et d'insulter ainsi
aux dogmes et aux doctrines de la foi catholique? L'hon. solliciteur-genéral du Bas-
Canada (M. LANGEVIN) nous a donné,
l'autre soir, ce n'il a prétendu être des
explications satifaisantes, — pour lui peut- être, — sur la loi du mariage. Eh bien!
M.
l'ORATEUR, voyons un peu ces merveilleuses
explications. Cet hon. ministre nous a
dit que c'était tout simplement une loi
qui permettra de déclarer qu'un mariage
contracté dans aucune des provinces de
la confédération, suivant les lois de la
province où il aura été contracté, sera
reconnu comme valide dans le Bas-Canada,
au cas où les conjoints viendraient y résider.
Eh bien! je vous le demande, M. l'ORATEUR,
y avait-il encore nécessité de dire cela dans
la nouvelle constitution? Est-ce que sous la
constitution actuelle un mariage contracté
dans les conditions énoncées par l'hon.
solliciteur-général du Bas-Canada ne serait
pas tout aussi valide qu'il pourra l'être sous
la confédération? Certainement oui! Mais
quelle est donc l'intention du gouvernement?
Je sais bien que les membres catholiques du
Bas-Canada ne veulent pas l'avouer, et je sais
aussi qu'on n'a pas voulu me croire quand je
l'ai déclaré, mais je ne crains pas de le
répéter ici: l'intention de la conférence est
de légaliser le mariage civil. La section
Bas-Canadienne du ministère n'a pas voulu
l'admettre parce qu'elle savait tort bien
qu'elle s'attirerait la désapprobation du clergé
de ce pays et de tous ses compatriotes. Si
le droit donné à la législature fédérale sur
cette question veut dire quelque chose, c'est
cela et pas autre chose; et toutes les
explications donnés par l'hon solliciteur- général du Bas-Canada et ses collègues
ne
sont d'aucune valeur et ne sauraient être
acceptées par nous, représentants catholiques. En effet, pourquoi dire que l'on
permettra le divorce? Si la loi permet
aujourd'hui de divorcer, il n'était nullement
nécessaire de faire une nouvelle loi à ce
sujet et d'en faire un article de la nouvelle
constitution. Le gouvernement prend tous
les moyens pour cacher la véritable intention
de la conférence sur ce point important du
projet et pour donner le change à l'opinion;
mais j'ai l'extreme conviction qu'elle est
parfaitement comprise, et l'avenir dira si je
851
me suis trompé en disant qu'on veut légaliser
le mariage civil dans ce pays. Une des
raisons—et la seule que j'aie pu découvrir—
pour lesquelles le gouvernement actuel a
permis et accordé à la législature fédérale
de déoréter le divorce, c'est que les protestants du Bas-Canada n'auraient jamais,
sans
cela, donné leur appui à la mesure de confédération proposée par nos ministres Je
crois
bien qu'il y a certaines dénominations protestantes dont les dogmes défendent le divorce;
mais je ne crains pas de dire que la seule
raison de cette concession est celle que je
viens de mentionner. D'ailleurs, je trouve
dans le pamphlet de l'hon. député de Montmorency une bien forte admission dans ce
sens. Il dit:—
"C'est le sentiment catholique qui a présidé,
chez plusieurs, à l'opinion que l'on devait laisser
aux légeslatures locales cette question sociale si importante; mais que l'on n'oublie
pas, d'abord, qu'en
la laissant, en ce qui regarde le Bas-Canada, à une
majorité protestante, nous ne ferons que maintenir
l'état actuel. Ensuite, nous évitons bien des causes
de contention et bien des réclamations ardentes
qui finiraient par ètre écoutées par la mère-patrie,
chez qui le divorce est légalisé et qui fonctionne
comme institution sociale. Qui nous dit aussi ne
les protestants, qui sont en très forte majorité
dans notre propre parlement, et qui devront composer les deux tiers de la confédération,
eussent
consenti à localiser la legislation sur le divorce?
L'hon. député de Montmorency sait tout
aussi bien que moi que les protestants du
Bas-Canada ne l'auraient pas voulu, et pour
Obtenir leur appui, l'on s'est dit: " Ma foi!
abandonnons encore cela, on a bien accordé
la représentation basée sur la population,
concédons le divorce et tout ce qu'on voudra."
L'
HON. M. LAFRAMBOISE — L'hon.
député peut crier tant qu'il voudra: " écoutez! écoutez!" mais ceux qui lui ont entendu
prononcer le discours, je ne dirai pas éloquent.…
UNE VOIX —Parce que cela ne serait
pas vrai.
L'
HON. M. LAFRAMBOISE...que fit
l'hon. député pour s'opposer à la première
lecture du bill de divorce BENNING, et qui
le voient aujourd'hui imposer aux catholiques, qui n'en veulent pas, les conséquences
d'un principe qu'il refusait alors d'appliquer
à des protestants qui le demandaient, ceux- là, dis-je, sont justifiables de croire
et de
dire que l'hon. solliciteur-général du Bas- Canada a dû, ou renoncer à ses opinions
sur
le divorce,—puisqu'il permet à la législature
fédérale de législater sur cette matière, et
d'accorder le divorce soit aux catholiques, soit
aux protestants, soit dans le Haut, soit dans
le Bas-Canada.—ou qu'il n'était pas bien
sincère dans son opposition au bill BENNING.
(Ecoutez! écoutez!) Il est un fait certain,
c'est que les protestants du Bas-Canada ont
dit au gouvernement: passez une loi qui
nous garantisse la stabilité et la protection
de notre système d'éducation et de nos institutions religieuses, et nous appuierons
votre
projet de confédération! sans cela, nous ne
le ferons jamais, car nous ne voulons pas
nous mettre à la merci d'une législature
locale dont les trois quarts des membres
seront catholiques. En agissant ainsi, ils
ont eu parfaitement raison, malgré qu'il est
généralement admis un nous, catholiques.
avons plus de libéralité que les protestants,
—ce qui est prouvé en partie par le tait que
plusieurs de nos comtés bas-canadiens sont
représentés par des protestants. Néanmoins,
M. l'ORATEUR. je n'entends pas reprocher à
la minorité protestante du Bas-Canada d'avoir
veillé à ses intérêts; je convicns qu'elle n'a
fait en cela que son devoir; car qui peut dire,
après tout, ce qui arrivera d'ici à dix ans?
D'ici à dix années les idées peuvent changer
sur cette uestion, et s'il est vrai, comme l'a
dit le Globe de Toronto,—et le ministère ne
peut pas dire que ce journal ne dit pas la
vérité, puisqu'il est l'organe du gouvernement actuel,—s'il est vrai que le clergé
catholique est envahissant, qu'il n'est jamais
satisfait et qu'il cherche à s'accaparer de
tout ce qu'il voit, si tout cela est vrai, M.
l'ORATEUR. qui nous dit que dans quelques
années les Bas-Canadiens ne seront pas disposés à dire à la minorité protestante:
" Nous voulons que toutes les écoles soient
catholiques," de même que la majorité protestante du Haut-Canada a dit à la minorité
catholique de cette section maintes et maintes
fois, et comme elle le lui dira avant longtemps
si la confédération s'accomplit: " Nous voulons que toutes les écoles soient protestantes?
" Il va sans dire que je ne crois pas
que jamais les catholiques de cette section- ci poussent l'intolérance jusque-là;
mais,
d'un autre côté, je ne puis qu'approuver
minorité protestante de se mettre à l'abri de
toutes éventualités de ce genre, et, pour la
même raison, je dis que nous aussi nous
devons prendre toutes nos précautions, et
que nous ne devons pas souffrir que nos
intérêts les plus chers soient à. la merci d'une
852
majorité protestante de la chambre fédérale.
(Ecoutez! écoutez!) On n'a pas le droit de
nous demander une concession qu'on ne
ferait as soi-même. (Ecoutez! écoutez!)
Avant l'ajournement de six heures, j'ai dit,
M. l'ORATEUR, que le plan de confédération
était calqué, pour ainsi dire mot pour mot,
sur le fameux rapport de lord DURHAM. Avec
la permission de cette hon. chambre je prendrai la liberté de lire uniques extraits
de ce
rapport, dans lequel l'auteur établit—apres
avior énoncé une foule de faussetés dont je
vous ferai grâce, à l'endroit de notre race,—
que nous devons être perdus dans la nationalité anglaise. Voyez combien les idées
du noble lord sont celles que nous voyons
dans le projet de confédération. Je citerai
une seconde fois l'extrait suivant:—
"Jamais la population anglaise ne souffrira l'autorité d'une chambre d'assemblée dans
laquelle les
Français seront en majorité ou même approcheront d'une majorité."
Voilà, M. l'ORATEUR, un sentiment qui
nous fait voir que l'Angleterre a suivi, pas
à pas, les avis de lord DURHAM. L'hon.
député de Leeds Sud a dit, l'autre soir,
qu il espérait que nous en arriverious à une
union législative. Eh bien! l'union législative était aussi le rêve de lord DURHAM,
dont je continue à citer le rapport:—
"Tous ceux qui ont observé les progrès de la colonisation des Anglo-Saxon de l'Amérique,
admettront que tôt ou tard la race anglaise est certains de prédominer dans le Bas-Canada,
méme
sous le rapport numérique, comme elle a déjà prédominé par ses connaissances, son
énergie, son
esprit d'entreprise et ses richesses supérleures.
L'erreur, donc, à laquelle la présente lutte doit être
attribuée git dans les vains efforts de conserver
une nationalité canadienne-française au milieu de
colonies et d'Etats anglo-américains."
Un peu plus loin, M. l'ORATEUR, je lis
ces lignes:
"Ces principes généraux, cependant, ne s'appliquent qu'aux changements, dans le système
du
gouvernement, qui sont nécessaires pour remédier
aux maux communs à toutes les colonies de l'Amérique Septentrionaie; mais ils ne vont
aucunement
jusqu'd éloigner les maux de l'état actuel du Bas- Canada, qui requiert le remède
le plus immédiat.
Les funestes dissensions d'origine, qui sont la cause
des maux les plus étendus, sera ont aggravées
dans le moment actuel par tout changement qui
donnerait à la majorité plus de pouvoir qu'elle n'en
a jusqu'à présent possédé. Le plan par lequel on
se proposerait d'assurer un gouvernement tranquille au Bas-Canada, doit renfermer
les moyens
de mettre fin à l'agitation des disputes nationales
dans la législature, en établissant une bonne fois
et pour toujours le caractère national de la province. Je n'entretiens aucun doute
sur le caractère
national qui doit être donné au Bas-Canada: ce
doit étre celui de l'Empire Britannique, celui de
la grande race qui doit, a une époque nou reculée
prédominer sur tout le continent de l'Amériq"°
Septentrionaie. Sans effectuer le changement
assez rapidement ou assez rudement pour froisser
les sentiments et sacrifier le bien-être de la génération existante, la première et
ferme fin du gouvernement britannique, à l'avenir, doit être d'établir
dans cette province une population anglaise, avec
la langue et les lois anglaises, et de n'en confier
le gouvernement qu'à une législature décidémellt
anglaise."
Puis, plus loin encore, je trouve ce qui
suit:
"On pourra dire que c'est une mesure injuste,
dure pour un peuple conquis; que les Français
formaient, dans l'origine, la population entière
du Bas-Canada, et qu'ils en composent encore la
masse; que les Anglais sont encore des nouveaux
venus, qui n'ont aucun droit de demander l'extinction de la nationalité d'un peuple
au milieu duquel
les a attirés leur esprit d'enterprise commerciale.
On peut dire que si les Français ne sont pas une
race aussi civilisée, aussi énergique, aussi spéculatrice (money making) que celle qui les environne, ils sont un peuple aimable, vertueux et
content, possédant tout l'essentiel du bien-étre
matériel, et qui ne doit pas être méprisé ou maltraité, parce qu'ils cherchent il
jouir de ce qu'ils
ont, sans partager l'esprit d'accumulation qui
anime leurs voisins. Leur nationalité est, après
tout, un héritage, et il ne faut pas les punir trop
sévèrement parce qu'ils ont rêvé le maintien sur
les bords lointains du St. Laurent, et la transmission à leur postérité, de la langue,
des usages et
des institutions de cette grande nation qui, pondant deux siècles, donna le ton de
la pensée au
continent européen. Si les députés des deux races
sont irréconciliables, on pourra dire que la justice
demande que la minorité soit forcée d'acquirscer
à la suprématie des anciens et plus nombreux
occupants dela province et non qu'elle prétende
forcer la majorité à adopter ses propres institutions et coutumes.
" Mais, avant de décider d laquelle des deux
races il faut maintenant donner l'ascendance, il
n'est que prudent de chercher laquelle des deux
doit prévaloir il la fin; car il n'est pas d'usage
d'établir aujourdhui ce qui, après une lutte acharnée, doit être renversé demain.
Les prétentions
des Canadiens-Français à la possession exclusive
du Bas-Canada fermeraient à la population
anglaise, déjà plus forte, du Haut-Canada et des
townships, l'accès du grand canal naturel au
commerce que ces derniers seuls ont créé et qu'ils
font. La possession de l'embouchure du St. Laurent concerne non seulement ceux qui
se trouvent
avoir formé leurs établissements le long de
l'étroite ligne qui le borde, mais tous ceux qui
habitent et qui habiteront ci-après dans le grand
bassin de cette rivière. Car il ne faut pas regarder
qu'au présent. La question est: quelle race doit
vraisemblablement par la suite convertir en un
pays habité et florissant le désert qui couvre main
853
tenant les riches et vestes régions qui environnant
les districts comparativement petits et resserrés, où
les Canadiens-Français sont établis? Si cela doit
être fait dans les domaines britanniques comme
dans le reste de l'Amérique Septentrionale, par un
procédé plus prompt que l'accroissement ordinaire
de la population, ce doit être par l'immigration
des Iles Britanniques ou des Etats-Unis,—les seuls
pays qui fournissent tous les colons qui sont entrée
ou entreront en grand nombre dans les Canadas.
On ne peut ni empêcher cette immigration de
passer par le Bas-Canada, ni même de s'y établir.
Tant l'intérieur des possessions britanniques devra
être, avant longtemps, rempli d'une population
anglaise, augmentant annuellement avec rapidité
la supériorité numérique sur les Français. Est-il
juste que la prospérité de cette grande majorité
et de cette vaste étendue de pays, soit pour toujours, ou même pour un temps, arrêtée
par l'obstacle artificiel que les lois et la civilisation arriérées d'une partie,
et d'une partie seulement du
Bas-Canada, élèveraient entre eux et l'océan? Est- il à supposer qu'une telle population
anglaise se
soumettre jamais à un pareil sacrifice de ses intérêts?
"Les Canadiens-Français, d'un autre côté, ne sont
que le reste" d'une ancienne colonisation, et sont
et devront toujours être isolés au milieu d'un
peuple anglo-saxon.
"Et cette nationalité canadienne-française, de
vrions-nous, pour le simple avantage de ce peuple.
chercher à la perpétuer même si nous pouvions le
faire? Je ne connais pas de distinctions nationales
marquant et continuant une infériorité plus désespérée. La langue, les lois et le
caractère du
continent de l'Amérique Septentrionaie sont anglais; et toute autre race que l'anglaise
(j'applique
ce mot il tous ceux qui parlent l'anglais), parait y
être dans une sorte d'infériorité. C'est pour les
faire sortir de cette inférierité que je désire donner
aux Canadiens-Français notre caractère anglais.
"On ne peut guère concevoir de nationalité plus
dénuée de tout ce qui peut donner de la vigueur
et de l'élévation à un peuple, que celle ne présentent les descendants des Français
dans ce Bas-Ca
nada, par suite de ce qu'ils ont retenu leur langue
et leurs usages particuliers. Ils sont un peuple
sans histoire ni littérature. La littérature de
l'Angleterre est écrite dans une langue qui n'est
pas la leur, et la seule littérature que leur langue
leur rende familière est celle d'une nation dont ils
ont été séparés par quatre-vingts années de domination étrangère, et encore plus par
les changements que la révolution et ses conséquences ont
opéré dans tout l'état politique, moral et social de
la France."
(*)
Eh bien! M. l'ORATEUR, Sir EDMUND
HEAD, quand il nous traitait de race inférieure—sans que nos ministres Bas-Canadiens
protestassent aucunement contre cette
injure aussi grossière que sotte,—puisait
son inspiration dans le rapport dont je viens
de vous donner un extrait, et qui, de la première à la dernière page respire la haîne
la
plus profonde pour tout ce qui porte le
nom ou le cachet français. Plus loin, lord
DURHAM continue comme suit:
"Dans ces circonstances, je serais en vérité
surpris si les plus réfléchis d'entre les Canadiens- Français entretenaient à présent
aucun espoir de
continucr à conserver leur nationalité."
Probablement, M. l'ORATEUR, que lord
DURHAM voulait faire allusion aux membres
de l'administration actuelle qui, aujourd'hui,
se montrent disposés à sacrifier leur nationalité pour les honneurs et les titres
que
lord DURHAM conseillait au gouvernement
impérial de prodiguer à ceux de nos Canadiens—Français réfléchis qui ne refuseraient
pas de mordre à l'appât doré que la Grande- Bretagne ferait miroiter sous leur regard.
Je continue à citer, M l'ORATEUR:
"Le Bas-Canada doit être maintenant, comme
dans l'avenir, gouverné par une population
anglaise; et, ainsi, la politique que les exigences
du moment nous forcent à adopter est d'accord
avec celle que suggère une vue large de l'avancement futur et permanent de la province."
Un peu plus loin, lord DURHAM dit ceci:—
"On propose de placer l'autorité législative
dans un gouverneur avec un conseil composé des
chefs du parti britannique, ou d'imaginer quelque
plan de representation, par lequel une minorité,
avec les formes représentatives, puisse priver la
majorité de toute voix dans la régie de ses propres
affaires."
La confédération qu'on nous propose
aujourd'hui est bien celle rêvée par lord
DURHAM. Nos ministres l'ont copiée pour
ainsi dire mot pour mot; lord DURHAM on
indique tous les points essentiels, et si je cite
ce rapport, c'est pour prouver que le véritable
autour de la confédération qu'on veut nous
imposer est bien lord DURHAM lui-même.
(Ecoutez! écoutez!) Je continue de citer:—
"Le seul pouvoir qui puisse maintenant contenir
tout d'abord la présente désaffection et effacer
ci-après la nationalité canadienne-française, est
celui d'une majorité numérique d'une population
loyale et anglaise; et le seul gouvernement stable
sera un gouvernement plus populaire qu'aucun de
ceux qui ont existé jusqu'à présent dans les colonies
de l'Amérique Septentrionale. On trouve dans
l'histoire de l'Etat de la Louisiane, dont les lois
et la population étaient françaises lors de la cession
à l'Union américaine, un exemple mémorable de
l'influence d'institutions parfaitement égales et
populaires à effacer les distinctions de race sans
troubles ni oppression, et sans presque rien de
plus que les animosités ordinaires de parti dans
854
un pays libre. Et le succès éminent de la politique adoptée à l'égard de cet Etat
nous montre
les moyens d'effectuer un semblable résultat dans
le Bas-Canada."
Lord DURHAM avait parfaitement raison
de suggérer cette politique: il ne voulait pas
nous mettre le pied sur la gorge, mais-il
conseillait de nous faire disparaître petit à
petit sous l'influence anglaise, et quand nous
serions assez faibles pour ne plus être dangereux, on nous porterait le coup de grâce.
Comme en Louisiane, notre nationalité disparaîtra sous l'influence de l'élément étranger.
M. SCOBLE—L'hon. député me permettra de lui faire remarquer qu'il n'est que
juste, pour la mémoire de ce grand homme
d'Etat, de dire qu'il n'écrivait son rapport
qu'en vue d'une union législative, et que les
circonstances sont bien changées aujourd'hui.
Il n'est maintenant question que d'une confédération, et par conséquent les idées
émises
par lord DURHAM ne s'y appliquent pas.
L'
HON. M. LAFRAMBOISE—Je crois
que le plan rêvé par lord DURHAM était une
union législative et une confédération de
toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord. On commence aujourd'hui
avec la confédération, mais on finira avec
l'union législative. La confédération, comme
l'a dit ce grand politique, est le premier pas
vers l'union législative. " Soyez prudents,
disait-il dans son fameux rapport au gouvernement britannique, il ne faut pas écraser
brusquement la race française dans ces coloies, elle pourrait se redresser et vous
donner
du mal; prodiguez les honneurs et les titres à
ses principaux hommes, et vous réussirez
peut-être." Je suis persuadé que nous aurons
l'union législative avant peu d'années si le
projet de confédération est adopté. Je ne
suis pas seul à le dire, car, l'autre soir, l'hon.
député de Leeds Sud nous a dit dans cette
chambre qu'avant peu nous l'aurions et avec
toutes ses conséquences. Eh bien! M. l'ORATEUR, si nous sommes ainsi menacés, l'hon.
député de Leeds Sud ne doit pas être surpris
que, comme Bas-Canadien, je trouve à redire
aux sentiments exprimés par lord DURHAM
dans son rapport. Je comprends fort bien
que, lui, ne saurait avoir les sentiments d'un
Canadien-Français et, par conséquent, ne
saurait, comme nous, ressentir laffront et
l'injure que cet homme d'Etat prodiguait
ainsi à mes compatriotes. (Ecoutez! écoutez!)
Mais, d'un autre côté, il ne sent pas non
plus, comme moi, que le plan de confédération amènera tôt ou tar la race française
sur ce continent à l'état social rêvé et prédit
par le noble lord dont je viens de citer le
rapport. Cet hon. député, en sa qualité
d' Anglais et de protestant, est en faveur d'une
union législative de préférence à tout autre
système de gouvernement. Il verrait avec
plaisir une seule race—la race anglaise—
habiter les colonies de la Grande-Bretagne.
Je ne lui reproche pas ces sentiments, parfaitement justifiables chez un Anglais,
mais,
d'un autre côté, j'ai l'intime conviction qu'il
ne trouvera pas étrange si un Canadien-Français n'entretient pas les mêmes sentiments
que lui sûr ces questions. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi, M. l'ORATEUR, lord DURHAM,
ce grand politique et l'un des ennemis les
plus dangereux de la nationalité française,
tient ce langage dans son fameux rapport:—
"Voulez-vous gagner les hommes politiques
Bas-Canadiens, faites ceci: commencez par leur
donner des places, des titres et des honneurs
de toutes sortes; flattez leur vanité; donnez-leur
un champ vaste où ils puissent satisfaire leur
ambition."
Lord DURHAM vint dans ce pays ci après
la rébellion et s'aperçut que ceux qui
l'avaient précédé dans le gouvernement
avaient commis des fautes politiques qui
avaient aliéné les Canadiens-Français contre
l'Angleterre, et il crut devoir laisser derrière lui, pour servir de guide aux hommes
qui seraient appelés à lui succéder, son
fameux rapport, dans lequel il a accumulé
tous les moyens que la diplomatie pouvait
lui fournir pour écraser une nationalité qu'il
voyait avec chagrin vivre heureuse et contente sur le sol qui l'avait vu naître et
qui
l'avait nourri. Lord DURHAM, de même que
l'hon. député de Leeds Sud, aurait préféré
une union législative de toutes les provinces
anglaises à une union des deux Canadas,
mais le gouvernement britannique crut plus
prudent de commencer d'abord par cette
union artielle, sachant fort bien ne plus
tard elle trouverait bien le moyen d'accomplir l'union législative L'Angleterre s'est
fait ce raisonnement-ci: si nous laissons à
la race anglaise le temps de prendre du
développement, nous pourrons bien facilement plus tard imposer aux Canadiens- Français
l'union législative. Aujourd'hui,
le gouvernement canadien, acceptant les vues
de lord DURHAM, vient nous demander de
vouloir bien faire ce premier pas vers notre
anéantissement, en acceptant la confédération qu'il nous montre sous les dehors les
plus brillants et les plus attrayante (Ecoutez!
855
écoutez.) Faute d'arguments, on nous dit des
choses comme celle-ci, pour excuser le demarche coupable que l'on est prêt à faire:
A quoi bon résister? il faut que nous ayons
tôt ou tard la confédération qu'on nous propose aujourd'hui, et en définitive l'union'législative.
Eh bien! M. l'ORATEUR, je crois,
pour ma part, que nous pourrions facilement
éviter ce dernier écueil de notre nationalité,
si tous les catholiques et les Canadiens- Français de cette chambre se liguaient pour
rejeter la mesure qui nous est soumise, et
qui ne donne pas à ces derniers la légitime
part d'influence qu'ils devraient avoir dans
le gouvernement fédéral. Pourquoi ne pas
nous accorder les garanties et les concessions
que nous avons faites à nos concitoyens
d'autres origines? Les ministres Bas-Canadiens, en n'insistant pas pour nous obtenir
cette sauvegarde, se sont grandement rendus
coupables vis-à-vis de leurs compatriotes.
(Ecoutez! écoutez.) Dans l'union fédérale,
le Bas-Canada ne pourra jamais avoir plus
de 65 membres dans la législature générale,
malgré ce qu'en ait dit l'hon. solliciteur- général. Tous ceux qui ont traité la question
dans cette chambre n'ont pu faire
autrement ne de l'admettre. (Ecoutez!
écoutez!) Eh bien! malgré cette injustice
et malgré l'augmentation que pourra subir
notre population sous le régime fédéral,
notre représentation restera toujours au
même chiffre, et nous paierons notre part de
la dette publique en proportion de notre
population. Eh bien! M. l'ORATEUR, est-ce
qu'il y a quelque justice dans une pareille
disposition? On nous a aussi dit que nous
aurions l'administration de nos terres. Je
reconnais que ce serait un grand avantage
pour nous s'il nous était donné d'assurer à
ceux qui viendraient s'établir au milieu de
nous, qu'ils auront une voix dans les conseils
de la nation. Mais non, M. l'ORATEUR,
l'immigration dans ce pays sera toujours
impossible sous la confédération qu'on nous
prépare, et elle se dirigera vers les sentiers
du Haut-Canada, où les colons pourront être
représentés dans la législature de cette province, et où le climat est beaucoup plus
favorable et la fertilité du sol plus grande.
Mais, à un autre point de vue, pout-on dire
que c'est un très grand avantage pour le
Bas-Canada que celui de la possession et de
l'administration de son domaine public, sous
les circonstances ou nous nous trouverons
avec la confédération? Assurément non; et
voici pourquoi. Chaque province prend ses
terres publiques avec les créances qui sont
dues sur ces terres. Les terres publiques
situées dans le Haut-Canada, et qui vont lui
revenir, doivent six millions de piastres à la
province, et celles du Bas-Canada ne lui
doivent qu'un million; par conséquent, le
Haut obtient du Bas-Canada une créance de
cinq millions de piastres de plus que celle
que l'on cède au Bas-Canada. Voilà un des
seuls grands avantages qu'on nous a si
souvent indiqués depuis le commencement
de cette discussion, et je vous demande,
M. l'ORATEUR, si c'en est un pour le Bas- Canada? C'en est un pour le Haut-Canada,
mais c'est une injustice pour le Bas-Canada.
N 'est-il pas évident que la confédération est
toute au profit du Haut-Canada? Et le fait
qu'on ne rencontre, dans cette chambre, que
deux ou trois députés de cette partie de la
province qui soient opposés au projet, ne le
prouve-t-il pas suffisamment? Si tous les
députés du Haut-Canada s'unissent aujourd'hui, à quelque parti qu'ils appartiennent,
pour appuyer le projet du gouvernement,
c'est parce qu'ils comprennent parfaitement
que tout leur a été concédé, qu'ils ont
obtenu tout ce qu'ils voulaient, toutes les
concessions qu'ils désiraient et pour lesquelles ils ont tant et si longtemps travaillé
et combattu. (Ecoutez! écoutez!) Cela se
comprend parfaitement. Mais si l'influence
hostile au Bas-Canada et qui a agi contre
nous lois de la préparation en Angleterre de
la loi relative au changement de constitution
du conseil législatif, n'avait pas fait enlever
de l'acte d'Union la clause qui exigeait le
concours des deux tiers des membres de la
législature pour opérer un changement dans
la base de notre représentation, si cette
influence n'avait pas agi pour faire disparaître cette sauvegarde de nos intérêts,
jamais le Haut-Canada n'aurait tant insisté
pour obtenir la représentation basée sur la
population. Il aurait vu qu'il aurait été
impossible de l'obtenir, qu'il aurait été
inutile de la demander, et en conséquence il
l'aurait abandonnée. Mais du moment que
cette clause a été enlevée de l'acte d'Union,
la législature pouvait décréter un changement dans la constitution par une simple
majorité, et l'on peut dire en conséquence que
c'est grâce à cette influence qui a agi contre
nous que le Haut-Canada obtient aujourd'hui
la représentation basée sur la population.
(Ecoutez! écoutez!) Les députés du Haut- Canada remarqueront que je ne prétends
pas que le principe de la representation
856
basée sur la population soit un principe
injuste en lui-même; mais je prétends que
puisqu'ils nous en ont refusé l'application
lorsque la population du Bas-Canada était en
majorité, il est injuste qu'il la demandent
aujourd'hui parce qu'ils sont en majorité; je
ne vois pas de quel droit ils veulent l'obtenir
aujourd'hui. Je dis que si l'application de
ce principe était injuste il y a vingt ans,
elle est encore injuste aujourd'hui; et que
si elle est juste aujourd'hui, elle était également juste il y a vingt ans. (Ecoutez!
écoutez!) Un député a trouvé bien extraordinaire que le parti rouge—appelons-le de
ce nom, puisque c'est le nom sous lequel le
parti libéral est désigné en ce pays, et nous
n'avons pas a nous en formaliser, parce que
le parti rouge en Canada a lavé ce nom de
toutes les souillures dont le parti rouge de
France l'avait couvert, et qu'il n'existe ici
aucune tache sur le drapeau de ce parti,—
(écoutez! écoutez!)—un député, dis-je, a
trouvé extraordinaire et a ridiculisé l'idée
que le parti rouge se fût fait le protecteur
et le défenseur de la religion, de le nationalité et des institutions du Bas-Canada,
pendant cette discussion sur le projet de confédération. Mais quand on voit à la tête
du
mouvement hostile à cette confédération un
homme comme M. CHERRIER, de Montréal,
qui peut certainement soutenir très favorablement une comparaison avec tous les
membres du parti conservateur du Bas- Canada sous le rapport de la dévotion, de
l'honneur, du sentiment national et des
capacités,—quand je vois, dis-je, un homme
comme M. CHERRIER à la tête du mouvement hostile à la confédération, je dis que
l'on a tort de ridiculiser ce mouvement et de
feindre de croire que les membres du parti
libéral, ou du parti rouge, n'ont aucun sentiment religieux, national ou patriotique.
Je dis que le parti conservateur a eu grand
tort de chercher a ridiculiser M. CHERRIER,
parce que cet homme est trop bien connu
pour son honnêteté et ses sentiments religieux,—ce que l'on ne peut pas dire de
plusieurs de ceux qui l'ont attaque,—et je
suis convmnou que ce monsieur croit sincèrement que les institutions, la nationalité
et
la religion du Bas-Canada sont en danger.
(Ecoutez! écoutez!) D'ailleurs, en admettant, comme le parti ministériel le prétend,
que le parti rouge ne sait pas autorisé à parler
pour le clergé et à défendre nos institutions
religieuses et nationales, il ne s'en suit pas
que ce que les membres de ce côté de la
chambre ont dit à ce sujet. ne soit strictement vrai; et si l'on avait pu y répondre,
il aurait mieux valu le faire par des arguments sérieux plutôt que par des attaques
personnelles—ce dernier moyen n'étant employé
que pour jeter de la poudre aux yeux. Et
ceux qui crient tant aujourd'hui contre le
parti libéral, et qui ne prétendent voir chez
lui que déloyauté et trahison, n'ont pas
toujours eu les idées monarchiques et loyales
qu'ils professent aujourd'hui; ils n'ont pas
toujours été aussi ardente partisans du gouvernement monarchique qu'ils le sont aujourd'hui.
(Ecoutez! écoutez!) Ainsi, tout le
monde sait parfaitement que l'hon. procureur-général du Bas-Canada (M. CARTIER)
était à la tête du parti qui a fait les troubles
de 1837-38.
L'
HON. M. LAFRAMBOISE—Je ne
sais pas s'il était à la tête ou à la queue,
mais enfin il y était.—Il était à St. Denis
quelques moments avant la bataille (rires);
je ne sais pas s'il y est resté, mais je sais
que l'on a dit qu'il avait été député par le
camp des rebelles pour aller chercher des
provisions—bien qu'ils ne dussent pas avoir
alors grand besoin de provisions dans ce
moment—(rires)—dans tous les cas, il faisait
partie du camp des rebelles. Mais aujourd'hui il est bien revenu de toutes ses erreurs
démocratiques! Il a renoncé à toutes ces
idées-là, et il les a remplacées par des idées
monarchiques; il est aujourd'hui en faveur
d'une grande puissance monarchique sur ce
continent, et il sera prêt à accepter la position de prince royal si on voulait la
lui
offrir. (Ecoutez! écoutez! et rires.) L'hon.
solliciteur-général du Bas-Canada (M. LANGEVIN) nous a expliqué pourquoi le proc.-
gén. du Bas-Canada avait ainsi endossé les
idées monarchiques, lorsqu'il nous a dit qu'il
doit recevoir sa récompense. Après avoir
endossé les idées monarchiques il voudrait
en endosser la livrée. (Ecoutez!) Mais
pourquoi serait-il récompensé comme l'a
dit le solliciteur-général? C'est, dit-il, parce
que l'hon. procureur-général a fait asser
la mesure d'abolition de la tenure seigneuriale,—que les censitaires et les seigneurs
sont venus lui apporter leur titres, et qu'il
leur a rendu une mesure qui a satisfait et
les seigneurs et les censitaires.—Eh bien!
je suis réellement surpris que l'hon. solliciteur-général, qui, parle position qu'il
occupe,
doit connaitre l'histoire des lou du pays,
857
ne sache pas que c'est l'hon. juge DRUMMOND qui a préparé et fait passer la loi
pour l'abolition de la tenure seigneuriale,
et que ce n'est pas du tout le procureur- général du Bas-Canada. (Ecoutez!) Ce
n'est donc pas pour cela qu'il mérite une
récompense. L'hon. solliciteur-général a
encore dit que l'hon. procureur-général méritait la reconnaissance de son pays parce
qu'il avait fait passer la loi de la décentralisation judiciaire, et qu'il avait par
là servi
les intérêts des plaideurs, des avocats, des
juges et de tout le monde. Il est libre au
solliciteur-général d'admirer les lois de son
chef le procureur-général; mais je puis
dire que si jamais procureur-général a fait
des lois indigestes, incompréhensibles et
impraticables, c'est certainement le procureur-général actuel du Bas-Canada. Il n'a
jamais pu faire une seule loi qu'il n'ait pas
été obligé de faire amender et raccommoder
à chaque session, et sa loi de judicature est
la pire de toutes sous ce rapport Mais dit
l'hon. solliciteur-général, il a fait passer une
loi d'enregistrement. Eh bien! sa loi d'enregistrement contient les mêmes défectuosités
et prouve sa complète incapacité de
faire une loi passable. Et c'est tellement
le cas qu'il a été impossible de la mettre en
pratique et qu'il a été obligé de l'amender
pendant cinq sessions consécutives, sans
que pour cela elle soit beaucoup meilleure.
(Ecoutez! écoutez!) Ce n'est donc pas
pour ces deux lois qu'il mérite une récompense. L'hon. solliciteur-général dit encore
que le procureur-général mérite une récompense pour avoir introduit les lois françaises
du Bas-Canada dans les townships. Mais
encore ici il lui décerne un éloge et une
récompense qui ne lui appartiennent pas, car
c'est M. le juge LORANGER qui a fait
cette loi et qui l'a fait adopter et décréter
par la chambre. Ce n'est donc pas encore
pour cette loi qu'il mérite récompense.
(Ecoutez!) Voilà les trois raisons pour
lesquelles le solliciteur-général dit que le
procureur-général mérite récompense, mais
je crois qu'il n'en mérite guère, puisque ce
n'est pas lui qui a fait passer la première et
la dernière de ces lois, et que les deux autres
sont tellement mal faites qu'il mériterait
toute autre chose qu'une récompense pour
les avoir données au pays. (Ecoutez!)
Cependant, je dois le dire, il mérite une
récompense pour quelque chose; mais de
qui et pourquoi? Ah! il mérite une récompense de l'Angleterre pour avoir fait exacte
ment ce que lord DURHAM disait de faire
aux Canadiens, dans son fameux rapport sur
les moyens à prendre pour nous faire disparaître; il mérite une récompense pour avoir
fait mettre de côté les lois françaises pour les
remplacer par les lois anglaises; il mérite
une récompense pour avoir fait toutes les
volontés de l'Angleterre; et enfin il mérite
une récompense pour avoir trouvé et fait
accepter par la majorité de cette chambre le
projet actuel de confédération. (Ecoutez!
écoutez!) A ce sujet, et pour faire voir
comment il a mérité et reçu des récompenses,
il est bon de lire un passage du rapport de
lord DURHAM, dans lequel il indique les
moyens à prendre pour corrompre les chefs
et dominer le peuple du Bas-Canada. Voici
ce passage:—
"Tout en voyant que la formation d'un système
étendu de gouvernement et d'une union puissante
des différentes provinces produiraient ce résultat
important sur leurs habitants en général, je suis
euclin à attacher une bien grande importance à
l'influence que cela aurait, en donnant une plus
grande carrière et plus de contentement à la forte
ambition des personnes les plus actives et les
plus éminentes dans les colonies. Tant que l'ambition personnelle fera partie de la
nature humaine,
et tant que la morale de tout pays libre et civilisé
encouragera les aspirants, il doit être de tout
gouvernement sage d'en favoriser le développement légitime. Si, comme on le dit généralement,
les maux de ces colonies ont, en grande partie,
été fomentés par l'influence de personnes rusées
et ambitieuses, on remédiera plus facilement à ce
mal en ouvrant aux désirs de ces personnes un
but qui dirigera leur ambition dans la voie
légitime d'avancer leur gouvernement plutôt que
de l'embarrasser. En créant de hautes situations
dans un gouvernement général et responsable,
nous aurons les moyens de pacifier l'ambition
turbulente et d'occuper dignement et noblement
des talents qui ne s'exercent maintenant qu'a
fomenter le désordre."
Lord DURHAM savait bien ce qu'il faisait
quand il recommandait de donner des places
et des honneurs aux ambitieux qui faisait du
bruit,—et le procureur-général du Bas-Canada faisait beaucoup de bruit et de tapage
en 1836 et 1837; il était à l'assemblée des
cinq comtés, où il coifla le bonnet de la
liberté. (Ecoutez! écoutez!) Lord DURHAM
dit: donnez des places aux principaux, et
vous verrez comme ils sacrifieront leurs compatriotes et se soumettront à l'Angleterre.
Et, en effet, c'est là ce qui a les mieux réussi,
et l'on a vu que tous ceux qui avaient empêché le mouvement qui s'était fait dans
le
Bas-Canada contre l'union, tous ceux qui
crisien t: "Taisez—vous! l'Union nous a
858
sauvés!" tous ceux-là. ont été recempensés.
Les uns ont été sirés, les autres ont eu des
honneurs, des places et du pouvoir; et le
procureur-général du Bas-Canada sera récompensé et comme eux fait baronnet s'il peut
faire asser son plan de confédération, qui
est ésiré par l'Angleterre. (Ecoutez!
écoutez!) Pour ma part, je ne lui envie
pas ces récompenses; mais je ne puis voir
de cœur-joie qu'il cherche à les obtenir au
moyen dun pan de confédération que je
crois funeste aux intérêts du Bas-Canada.
Je ferai donc tout en mon pouvoir pour
empêcher qu'il ne se réalise. (Applaudissements.)
M. J. B. E. DORION—Avant d'entrer
dans l'examen de la uestion qui nous occupe,
j'éprouve le besoin de dire qu'en exprimant,
devant cette chambre, les sentiments que
j'entretiens, je n'entends parler au nom d'aucun parti politique. En discutant une
proposition qui tient de si près aux destinées, à
l'avenir de notre pays et de tout ce qui lui
est cher, je veux me placer au-dessus des
considérations personne les et de parti, afin
de l'envisager 'un point de vue plus élevé.
Pourquoi, ce soir, sommes-nous à nous occuper de la confédération des provinces de
l'Amérique Britannique? Parce que l'an
dernier nous eûmes une crise ministérielle et
ne de cette crise sortit une proposition
d'union entre les deux partis politiques qui
se partageaient l'opinion publique. Le ministère MACDONALD-TACHE, qui représentait
le parti conservateur dans le pays, venait
d'être défait ar la majorité dans l'assemblée
législative; il fut obligé de réaigner. On
se rappelle que le gouvernement avait été
battu sur une question de mal-administration
dans nos affaires publique. Je veux faire
allusion à l'avance de $100,000 faite à la
compagnie du Grand Tronc sans autorisation
parlementaire, et dont plusieurs membres du
cabinet d'alors étaient responsables. Pourriez- vous me dire, M. l'ORATEUR, où est
allée la
question des $100,000? Hélas! elle a disparu dans la crise ministérielle en nous léguant
la coalition extraordinaire qui nous gouverne
et dans laquelle sont entrée des hommes
qui, pendant dix ans, s'étaient traités comme
des hommes sans principes politiques. (Ecoutez! écoutez!) Le parti conservateur tenait
tant à conserver le pouvoir qu'il n'a pas
reculé devant la position dans laquelle il a
placé le pays. Toute union ou coalition entre
deux partis politiques, opposés l'un à l'autre,
indique un abandon de principe quelque
part; toutes les coalitions pécbent par leur
base même; elles ont toujours été considérées
comme des immoralités olitiques, en Angleterre comme partout ailleurs, et elles sont
d'autant plus dangereuses qu'elles sont fortes
C'est à la coalition actuelle que nous devons
le projet de la confédération des provinecs
anglaises sous une forme tangible. Sans
elle, il n'aurait pas été question de la conférence de Québec, ni des résolutions
qu'elle
adopta en octobre dernier et qui sont soumises
à notre considération. Maintenant, qui avait
autorisé la convention de Québec? De quel
droit s'est-elle arrogé le pouvoir de proposer
un changement aussi radical dans notre
condition politique? Comment le Canada
s'y trouvait-il représenté? Les trois quarts
des délégués du Canada n'étaient-ils pas des
hommes sous le coup d'une condamnation
parlementaire? Comment votait-on dans la
convention. N 'était-ce pas par province? Les
quatre petites provinces d'en-bas n'avaient- elles pas deux fois autant de votes sur
chaque
question que les deux grandes provinces du
Canada? (Ecoutez! écoutez!) Toutes ces
questions se présentent à l'esprit tout naturellement. Si l'on répondait catégoriquement
à chacune d'elles, nous aurions de quoi
éclairer l'opinion publique du pays sur la
manière dont ses intérêts ont été méconnus,
maltraités. Quand en songe à la dernière
question, à laquelle on ne pourrait répondre
autrement que par un oui, il n'est pas étonnant que les provinces inférieures aient
eu
tout l'avantage dans les arrangements conclus par la conférence. Malgré que le compromis
ait été en leur faveur, la majorité des
provinces intéressées la repousse aujourd'hui
d'après les renseignements qui nous arrivent
tous les jours. On semble avoir pour de nous,
et, en dépit des offres d'argent qui leur ont
été faites, elles ne veulent pas d'union. Il
fallait que notre réputation pour l'extravagance fût bien mauvaise pour les effrayer
ainsi, et nul doute que lorsqu'on nous a vu dépenser, en un mois ou deux, pour des
réceptions, des voyages, des festins, des sommes
aussi fortes que tout le revenu annuel de l'Ile
du Prince Edouard, on ne s'en soit retourné
avec une triste idée de notre manière de
conduire les affaires publiques. (Ecoutez!
écoutes!) Je n'entends pas répéter ce qui
a été dit durant la discussion, mais, avant
d'aller plus loin, permettez-moi d'établir un
contraste entre notre manière d'agir et celle
de nos voisins des Etats-Unis, quand il s'agit
de changements constitutionnels. Aux Etats-
859
Unis, dans ce pays que l'on a toujours le soin
de nous représenter comme le berceau de
toutes les horreurs politiques, sociales, morales et physiques, on ne joue pas avec
les
constitutions écrites de chaque Etat, pas
plus qu'avec celle de l'Union Américaine.
Chaque un fois qu'il s'agit d'amender une constitution, en général, il faut un vote
des deux
tiers dans les deux chambres. Si l'amendement a trait à la constitution des Etats-
Unis, il faut en outre qu'il soit approuvé par
la majorité des législatures de chaque Etat.
Si l'amendement a trait à une constitution
locale, il faut, en outre des deux tiers des
deux chambres, que l'amendement soit ratifié
par une convention des délégués des différentes parties de l'Etat, élus spécialement
pour
cet objet. Les Etats-Unis sont maintenant
occupés à considérer un amendement à leur
constitution tendant à abolir l'esclavage.
L'amendement a été adopté par le congrès
et le sénat de l'Union Américaine, et il faut
qu'il soit ratifié par la majorité des législatures locales, avant de faire partie
de la
constitution. Même, il faut compter les
Etats qui sont en pleine rébellion aujourd'hui. On voit de suite quelle garantie il
y a qu'aucun changement radical ne soit
adopté sans que le peuple y ait donné son
consentement, après avoir eu le temps de
bien peser toutes les considérations qui
peuvent militer en faveur de tout changement proposé. Voilà comment nos sages
voisins procèdent dans ces affaires importantes! Aussi, ont-ils institué un état politique
qui relègue bien loin derrière lui tout
ce que la sagesse humaine avait inventé
jusque-là, pour assurer la paix et la prospérité des populations du Nouveau-Monde.
Mais pour notre cher Canada, avec tous les
précédents anglais que l'on nous vante tant, il
n'est pas besoin de toutes ces précautions.
Il suffit que des hommes politiques soient condamnés pour mal-appropriation des deniers
publics, que l'on se soit traité comme des
brigands politiques pendant dix ans, pour
qu'une coalition des combattants soit possible, et que l'on s'embrasse avec étreinte
au
point d'étouffer tout sentiment de dignité
personnelle et toute question de principe.
Il suffit, dis-je, d'une union scandaleuse,—
véritable immoralité politique, comme celle
qui s'est accomplie en 1864, pour que l'on se
croit tout permis. (Ecoutez! écoutez!) Avec
une majorité de trente à quarante voix, ou
n'hésite plus. La constitution qui gêne un
peu les allures cavalières des principaux
chefs, qui bride un peu leur ambition personnelle, qui limite enfin le champ de leurs
opérations spéculatives, ne convient plus.
On la sape à grand coup de hache; on veut
la faire disparaître sans consulter les intéressés, pour la remplacer par un tout
autre
ordre de choses, dans lequel on ne respecte
pas plus les principes politiques que les
droits et les besoins des populations. Une
simple majorité parlementaire d'une voix
suffira, ici, pour tout bouleverser dans l'ordre
politique, et il n'y a aucun appel d'une décision aussi importante, si ce n'est l'appel
à un
pouvoir situé à 3000 milles de nous, qui
peut ajouter au projet des choses qui le
rendrait encore moins acceptable. (Ecoutez! écoutez!) Le peuple pourra plus tard
condamner ses représentants, mais le mal
sera accompli. Voilà toute la consolation
qu'il en aura! N'est-ce pas que le contraste
entre notre manière stupide de faire les
choses et le procédé prudent, rationel, de
nos voisins est bien grand? Aussi, sont-ils
nos supérieurs sous tous les rapports politiques? Maintenant, permettez que je fasse
valoir mon opposition au changement proposé.—Je m'oppose au projet de confédération,
parce que la première résolution est un non- sens qui pêche contre la vérité. Ce n'est
pas
une union fédérale que l'on nous propose,
mais bien une union législative déguisée. Le
fédéralisme est passé bien loin de ce projet,
qui concentre tout dans le pouvoir général.
Fédéralisme veut dire union de certains
Etats qui conservent leur pleine souveraineté
en tout ce qui les concerne immédiatement,
mais qui soumettent a un gouvernement
général les questions de la paix, de la guerre,
des relations étrangères, du commerce extérieur, des douanes et des postes. Est-ce
la
ce que l'on nous propose? Pas le moins du
monde. Dans le projet que nous examinons,
tout est force, puissance, dans le gouvernement général; tout est faiblesse, insignifiance,
anéantissement dans les gouvernements locaux!—Je m'oppose au projet de
confédération parce que, loin de faire disparaître les difficultés dont on se plaint
entre le Haut et le Bas-Canada, il ne fera
que les multiplier s'il est accepté. On verra
fréquemment s'élever des conflits d'autorité,
surtout sur les questions qui sont soumises
à la double action des législatures locales et
générale.—Je m'oppose au projet de confédération parce que la constitution qui devra
lui donner suite pêchera par sa base même.
La représentation sera basée sur la popula
860
tion dans une chambre, et l'égalité devra
exister dans l'autre, nous dit-on, tout en
brisant ce principe, aujourd'hui, en faveur
de Terreneuve, et demain, sans doute, en
faveur de la Colombie et de Vancouver, si
ces colonies jugent à propos d'entrer dans
notre union projetée. Les petites provinces
lignées entre elles pourraient maitriser les
grandes, moins nombreuses, sur des questions purement locales. C'est là un des
grands vices du projet ministériel, à mon
avis. Mais il y a encore l'autonomie du Bas- Canada qui est menacée et mise à la merci
d'un parlement de 191 membres, dont 47 ou
48 seulement représenteraient les vues de
la grande majorité de sa population.—Je
m'oppose au projet de confédération, parce
qu'il enlève au peuple de ce pays des droits
politiques qu'il n'a acquis qu'après bien des
années de lutte; entre autres, celui d'élire
ses représentants au conseil législatif comme
dans la chambre d'assemblée. Depuis 1866
nous jouissona d'un conseil électif. Pendant
plus d'un demi-siècle, on avait demandé
qu'il le devint. Ces demandes avaient été
faires dans la presse, dans les assemblées
publiques, au moyen de requêtes adressées
au parlement et a la métropole, et par des
propositions directes en chambre. Le conseil
législatif, tel ne constitué avant la réforme
de l856, était evenu des plus impopulaires;
il était aussi tombé dans un état. d'insignifiance complet. En y faisant entrer l'élément
populaire au moyen d'élections périodiques,
on le galvanias et il devint un tout autre
corps dans l'esprit public Le système électif
l'a rétabli complètement, lui a attiré le respect des populations et donné une importance
qu'il n'avait point auparavant. Depuis
que le conseil est électif, pas une seule
plainte ne s'est fait entendre dans la presse
contre sa nouvelle constitution, ni dans les
assemblées publiques, ni par des requêtes
en des propositions en chambre. En est-il
résulté quelque mal pour la bonne administration des affaires du pays? Le gouvernement
en a-t-il souffert? La métropole en
a-t-elle subi de mauvaises consquences? Le
pays en a-t-il été plus mal? Et en quoi?
Répondez! vous qui voulez enlever au
peuple le droit d'élire cette chambre sans
qu'il vous l'ait denandé et qui tenez,
vous aussi, vos mandats de sa volonté! Le
conseil législatif électif représente mieux le
caractère, les besoins et les aspirations de
notre société canadienne, que ne l'a jamais
fait le conseil nommé à vie. Quant au talent
du pays, il l'a représenté autant que sous
l'ancien régime. Quant à sa modération et à
son esprit conservateur, l'expérience nous a
prouvé qu'il possédait ces deux qualités au- delà de l'attente de tous les partis.
Je
n'hésite donc pas à dire que le changement
a été pour le mieux, sous tous les rapports:
qu'il a satisfait et tranquillisé l'opinion publique, et qu'il a assuré au pays un
contrôle
plus direct sur la chose publique. Le Bas- Canada a goûté aux deux systèmes de nomination,
par la couronne et par le peuple, et
il ne demande pas à retourner au premier
des deux. Nous avons en le conseil nommé
à vie pendant un demi-siècle, en Canada.
Tout le monde sait que ce sont en grande
partie des actes de ce même conseil qui ont
poussé le peuple du Bas-Canada à la résistance en 1837! L'une des grandes raisons
que l'on fait valoir pour accomplir le projet
que l'on a en vue, c'est que les divisions
électorales sont très grandes et qu'il n'y a
que l'homme riche qui puisse arriver au
conseil au moyen de son argent. Il faut
tant d'argent, dit-on, pour se faire élire
maintenant. Si cet argument avait quelque
chose de bon pour la chambre haute, il
devrait l'avoir également pour la chambre
d'assemblée. Pour être conséquent, on aurait
dû demander aussi la nomination de la
chambre d'assemblée au lieu de la laisser
élire par le peuple. Mais ce n'est pas là
une raison; et d'ailleurs, que ceux qui ne
veulent pas dépenser leur argent restent à
la maison, si le peuple ne veut pas les élire
sans se faire payer; que l'on adopte le vote
au scrutin secret, qui détruire la corruption,
et l'on n'aura pas la peine d'inventer des
griefs imaginaires pour rétrécir les libertés
publi nes. On veut faire rétrograder le
pays de cinquante ans par cette proposition
entachée de torysme! Ce n'est rien moins
qu'un complot contre les droits populaires.
(Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au projet
de confédération parce que l'on nous offre
des parlements locaux qui seront nuls,
n'ayant qu'un simulacre de pouvoir sur des
questions d'une minime importance. Quand
on aura vu le parlement local à l'œuvre avec
ses droits restreints, (excepté quant à la
dépense, à l'extravagunee et au pouvoir de
taxer la propriété foncière), on le désignera
bientôt pour ce qu'il devra être: une machine
à taxer. Rien de plus, rien de moins! Les
dépenses actuelles du Bas-Canada pour la
justice, l'éducation, les hospices, hôpitaux,
cours, prisons, intérêts sur la de …, etc.,
861
ajoutées aux dépenses d'un gouvernement
et d'un parlement locaux, dépassemnt $2,000,000 par année. Le revenu sera loin
d'atteindre ce chiffre. La taxe directe sera
une conséquence nécessaire de l'établisement
du nouveau régime, sans aucune compensation pour le nouveau fardeau que le peuple
aura à supporter. Il n'est pas nécessaire
d'en dire bien long pour faire comprendre
toute la différence qui existe entre le système
fédéral américain et celui que nous examinons. Aux Etats-Unis, chaque Etat est souverain
sur tout ce qui le concerne immédiatetement. Ici, tout serait soumis au parlement
général. Le Bas-Canada, qui ne veut
pas du commerce libre de l'argent, qui voudrait limiter le taux de l'intérêt, ne pourrait
pas le faire, parce que cette question
bien ordinaire serait du ressort du parlement général. Que le principe soit bon
ou mauvais, il est reconnu que les neuf
dixièmes de notre population désirent que
le taux de l'intérêt soit fixé. Chaque Etat
de l'Union américaine règle les questions de
ce genre comme il l'entend, sans intervention de la part des Etats voisins ou du gouvernement
de Washington. Aussi, le taux
d'intérêt varie dans un grand nombre d'Etats,
et dans d'autres il n'est pas fixé. Dans le
Vermont, on paie 6 p. ct; dans New-York,
7 p. ct.; dans l'Ohio, 10 p. ct.; dans les
Illinois, 80 p. ct.; et dans d'autres Etats le
commerce de l'argent est libre. Voilà des
faits qui établissent que le véritable système
fédéral ne ressemble en rien à ce que l'on
nous demande d'accepter! (Ecoutez! écoutez!) Je pourrais multiplier les exemples
de ce genre pour appuyer ce que j'avance,
mais un autre me suffira. On sait que le
Bas-Canada est presque unanime à repousser
l'idée du divorce. Cependant, dans la confédération, le parlement du Bas-Canada
n'aura pas le droit de régler cette question
suivant ses idées, mais le parlement général,
siégeant à Ottawa, pourra lui imposer des
idées entièrement opposées aux siennes; il
pourra même établir une cour de divorce à
Québec. Sous un système vraiment fédéral,
on ne verrait rien d'aussi injuste, d'aussi
révoltant pour les opinions de la population.
Dans les Etats-Unis, il y a des Etats où le
divorce est permis, d'autres où il ne l'est pas,
ce qui prouve encore en faveur de la souveraineté de chaque population, sans que l'Union
ait à en souffrir. (Ecoutez! écoutez!) —Je
m'oppose au projet de confédération, parce
que les tribunaux du Bas-Canada seraient
sous le contrôle du gouvernement général.
Nous aurions des cours de justice dans le
Bas-Canada, mais les juges qui les présideraient seraient nommés par le gouvernement
de la confédération. Il en serait ainsi
des autres provinces; mais le Bas-Canada,
avec ses lois qui lui sont particulières, plus
que tout autre doit redouter cette intervention du gouvernement general dans l'administration
de la justice. On dirait que la
conférence s'est étudiée à faire soupçouner
ses intentions, et l'on entend déjà dire que
cet arrangement est un coup de MM. les
avocats, qui préféreraient voir la nomination
des juges dépendre du gouvernement général,
parce que leurs salaires seraient plus élevés,
plutôt que de les voir dépendre des gouvernements locaux, qui seraient obligés de
prélever une taxe directe pour les payer. Mais
mettant cette idée de côté, je déclare que la
nomination des juges de chaque province
par le gouvernement général me parait une
intervention indue, une anomalie contre
laquelle on ne saurait trop s'élever (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au projet de
confédératiou, parce que les gouverneurs
locaux ne seraient que des créatures dans
les mains du gouvernement général, intervenant dans les affaires locales par la pression
continuelle que l'on exercera sur eux
chaque fois que l'on désirera donner le change
à l'opinion des parlements locaux, élus par
le peuple de chaque province, sur toute
question qu'ils auraient à débattre. Pour
des gouvernements locaux sans plus de pouvoirs que ceux que l'on propose de donner
à chaque province, pourquoi ne pas leur
donner le droit d'élire leurs gouverneurs
respectifs? Est—ce qu'il y aurait plus de
ma qu'il n'en résulte de l'élection des maires
de nos grandes villes? Il y eut un temps
où les préfets mêmes étaient nommés par le
gouvernement. Est-ce que lélection des
maires et des préfets a causé du mécontentement ou du mal dans le pays?—Je m'oppose
au projet de confédération, parce qu'au
moyen du droit de véto accordé au gouverneur
par la cinquante-et-unième résolution, on
rendra la législation locale parfaitement
dérisoire. On aura beau nous dire que ce
droit ne serait exercé que très rarement et
qu'il ne serait autre que celui qu'exerce
ordinairement le gouverneur actuel, lorsqu'il
réserve des actes pour la sanction royale,
tout le pays comprendra qu'il n'en serait
pas ainsi. Du moment que vous rapprochez
des intéressés l'exercice du droit de véto,
862
vous multipliéz les occasions qui prêteront
à sa mise en pratique. Vous ouvrez la porte
aux intrigues. Tel, qui s'opposera à la
passation d'une loi, ne pouvant réussir à
l' opposer en parlement, se rendra auprès des
ministres, du gouverneur général, pour
intriguer et obtenir par faveur que cette loi
soit désavouée. Voyons un exemple. Je
suppose que votre confédération soit organisée, qu'elle adopte un projet de loi pour
protéger les colons, comme il en a été passé
dans cette chambre six fois depuis dix ans
sans devenir loi par l'opposition qui lui est
faite dans le conseil législatif par les conseillers du Haut-Canada, qu'arrivera-t-il?
Les quelques intéressés qui s'opposent à ce
projet courront auprès du gouverneur-général
pour l'engager à désavouer cette loi. Au
nom de la propriété, des droits acquis, de
plusieurs autres sophismes et lieux-communs,
on matera encore la volonté populaire sur
une question juste en elle-même, demandée
et admise par tous les hommes de droit du
Bas-Canada dans la chambre actuelle. On
empêchera le peuple du Bas-Canada d'obtenir
une loi comme il en existe déjà de semblables
dans treize différents Etats de l'Union américaine, et qui ne changerait rien aux
principes
du droit actuel dans le Bas-Canada. (Ecoutez!) C'est un exemple entre mille qui fera
voir quel effet produirait ce droit de véto.—
Je m'oppose au projet de confédération, parce
que je ne vois pas comment, d'un côté, l'on a
consenti à donner les terres publiques aux
gouvernements de chaque province, tandis
que de l'autre, le gouvernement général fait
l'acquisition des terres de l'Ile de Terreneuve. Le gouvernement général renonce aux
bonnes terres du Haut et du Bas-Canada, mais
il achète les mauvaises terres de Terreneuve
au prix énorme de $150,000 par année, ce
qui représente un capital de $2,500,000.
N'est-ce pas la une magnifique spéculation
pour le pays? Le gouvernement d'Ottawa
ne possèdera pas un pouce ce terre en
Canada, au Nouveau-Brunswick, ni à la
Nouvelle-Ecosse, mais il aura un département des terres, pour administrer sa belle
acquisition dans l'Ile de Terreneuve!
Pense-t-on que si les terres publiques de
cette Ile eussent été de quelque valeur, on
les aurait ainsi abandonnées au gouvernement général pour n'importe quelle somme?
Non! Le fait est que ces terres ne valent
rien pour la culture, que toute l'Ile ne
produit pas assez de foin pour le besoin des
chevaux de la ville de St. Jean, et que l'on
en importe tous les ans de grandes quantités.
Je connais un cultivateur de Trois-Rivières
qui envoie des cargaisons de foin à Terreneuve et qui n'attend que la débâcle du
printemps pour en expédier de nouveau. Et
ce sont ces terres que l'on veut faire acquérir
à un prix fabuleux pour engager cette province à entrer dans la confédération. (Ecoutez!
écoutez!) Mais il y a aussi une autre
question à considérer dans cet arrangement
au sujet des terres publiques. Je prétends
qu'il est plus avantageux pour le progrès de
la colonisation des terres incultes, qu'elles
restent entre les mains du gouvernement
actuel que de tomber dans les mains d'un
gouvernement local obligé de se maintenir
par une taxe directe, car alors il faudra
collecter jusqu'au dernier sou qui sera dû
sur ces terres. Dans un pays comme le
Bas-Canada, avec son climat rigoureux, il
faut que la colonisation soit aidée, encouragée
si on veut qu'elle progresse raisonnablement.
Dans ce but, le gouvernement a fait des dons
gratuits et remise de beaucoup de créances
en intérêt sur les terres publiques. Autrement, la population n'aurait pu tenir dans
certaines parties du pays. Remises et octrois
gratuits devront disparaître avec l'apparition
de la taxe directe.—Je m'oppose au projet
de confédération, parce que l'on veut doter
injustement les provincs d'en—bas d'annuités
et de dons gratuits, pour les engager et les
séduire à entrer dans une union qui serait
malheureuse pour toutes les parties contractantes—Je m'oppose au projet de confédération,
parce que la répartition des dettes
publiques de chaque province se fait d'une
manière injuste, et que nulle portion de ces
dettes n'aurait dû être laissée à la charge
des gouvernements locaux, qui, une telle
union avenant, auraient dû commencer leurs
nouvelles affaires sans être embarrassés par
des dettes.—Je m'oppose à la confédération,
parce que j'entrevois des difficultés sans
nombre au sujet des pouvoirs conjoints
accordés aux gouvernements locaux et
général, sur plusieurs questions. Ces conflits
tourneront toujours au profit de la force,
au profit du gouvernement général et au
détriment des prétentions quelquefois bien
légitimes des provinces. (Ecoutez!)—Je
m'oppose à la confédération, parce que la
prime offerte au Nouveau-Brunswick est des
plus extraordinaires. On s'engage à lui
payer $63,000 par année pendant dix ans.
On empruntera cette somme tous les ans
pour la payer. Il faudra payer l'intérêt, de
863
sorte que, au bout de dix ans, la confédération aura payé au Nouveau-Brunswick:
Pour capital... |
$630,000.00 |
Intérêt sur ce capital... |
$105,000.00 |
Qu'aura-t-elle reçu en échange? Rien!
Par rapport à la somme promise à Terreneuve, il y a au moins un semblant de compensation
directe par la cession qu'elle fait
de ses mauvaises terres. Mais dans cette
affaire du Nouveau-Brunswick, il n'y a rien
à recevoir d'elle pour cette somme de
$735,000, sur laquelle on continuera à payer
l'intérêt après les dix années expirées. (Ecoutez! écoutes!) Et ce n'est pas tout.
Il faudra
payer en sus au Nouveau-Brunswick l'intérêt, à 5 pour cent, sur $1,250,000 pour la
différence qui existe entre sa dette et celle
du Canada, en propértion de leur population
respective. (Ecoutez! écoutez!) Je m'oppose
au projet de confédération, parce que l'on
s'engage à faire construire le chemin de
fer d'Halifax, sans savoir ce qu'il coûtera
et dans un temps où nous avons assez à
payer pour nos moyens actuels, sans nous
lancer dans des entreprises improductives,
ruineuses. On n'exegère rien en disant
qu'il faudra au moins $20,000,000 pour
l'exécution de cette entreprise. De quelle
utilité sera-t-elle? Doublement inutile
sous le rapport militaire comme sous le
rapport commercial, nous ne sommes pas
en état de l'entreprendre pour le simple
plaisir d'avoir un chemin qui nous mettra
en communication directe avec la mer, sur
le territoire anglais Que vaudra le chemin
de fer intercolonial sous le rapport commercial? En été, nous avons le St. Laurent,
qui
offre un moyen de communication beaucoup
plus économique qu'aucun chemin de fer.
En hiver, sans compter les embarras causés
par la grande quantité de neige qui tombe
entre Québec et Halifax, pense-t-on qu'il y
aura beaucoup de voyageurs qui prendront
cette route de 600 milles pour arriver à la
mer, à Halifax, pendant qu'ils pourront se
rendre à Portland par un chemin de fer qui
n'a pas beaucoup plus que le tiers de la longueur du chemin projeté? Pense-t-on que
celui qui aura de la fleur à exporter l'enverra
à Halifax, quand il pourra l'expédier par
Portland? Le commerce ne fait pas de sentiment: Il passe par le chemin le plus court,
le
plus profitable, et toute votre confédération
ne changera pas cette règle immuable du
commerce de tous les pays. (Ecoutez! écoutes!) Mais on-dit: Ce chemin sera d'une
grande utilité en temps de guerre, comme
route militaire! Ceux qui parlent ainsi ont- ils jamais songé à la petite distance
qui
séparera ce chemin du territoire américain
en certains endroits? Ont-ils jamais songé
combien il serait facile de venir dans une
seule nuit et en détruire assez pour le rendre
impraticable pendant des mois entiers?
Ont-ils jamais songé combien il faudrait de
soldats pour le protéger et le tenir en opération? L'expérience de la guerre américaine
actuelle nous apprend que, pour tenir un
chemin de fer en opération, il faut presque
autant de soldats qu'il y a de pieds de parcours à protéger! (Ecoutez! écoutez!)—Je
m'oppose au projet de confédération, parce
que l'on propose d'assurer, de garantir l'accomplissément de tous les engagements
qui
auront été pris envers le gouvernement impérial par toutes les provinces jusqu'au
moment
de l'union au sujet de la délense du pays,
sans connaître la nature et l'étendue de ces engagements. Il n'y a peut-être pas de
question
plus importante que celle-là dans toutes les
résolutions de la convention. Cependant, on
veut nous faire ratifier tous ces engagements
les yeux fermés. Que connaissons-nous, des
engagements que les gouvernements de la
Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick,
de Terreneuve et du Prime Edouard peuvent
avoir pris au sujet de leur défense respective? Que connaissons-nous, même, des
engagements pris par notre propre gouvernement envers le gouvernement anglais sur
la même question? Rien; nous nen pouvons rien savoir. (Ecoutez!) On nous
dit que les correspondances au sujet de la
défense ne peuvent pas être soumises au
arlcment dans les circonstances actuelles.
£'ourquoi alors voter en aveugles sur des
questions d'une aussi grande gravité?—
Je m'oppose au projet de confédération,
parce que l'on veut nous faire entrer dans
un arrangement financier affreux à envisager,
des plus contraires aux intérêts du Canada
Voyez donc ce que l'on propose sous ce
rapport. il faudra que la confédération paie:
Pour les terres de l'Ile de Terre- |
|
neuve,... |
$2,500,000 |
Indemnité au Nouveau-Brunswick, |
735,840 |
Pour le chemin de fer d'Halifax... |
20,000,000 |
Différence sur les dettes des provinces, |
|
Nouvelle-Ecosse... |
3,000,000 |
Terreneuve... |
3,000,000 |
Nouveau-Brunswick... |
1,250,000 |
864
Ile du Prince-Edouard... |
1,840,000 |
Pour des fortifications dans les six |
|
provinces... |
25,000,000 |
Pour le chemin du Nord—Ouest... |
5,000,000 |
Pour dépense militaire... |
5,000,000 |
|
$66,625,840 |
Ajoutez: dette publique |
|
|
du Canada... |
$73,000,000 |
|
Autres engagements |
|
|
non payés du Canada... |
5,000,000 |
|
Dette de la Nouvelle- |
|
|
Ecosse... |
8,000,000 |
|
Dette du Nouveau Bruns- |
|
|
wick... |
7,000,000 |
|
Dette de l'Ile du Prince- |
|
|
Edouard... |
244,673 |
|
Dette de Terreneuve... |
946,000 |
94,190,673 |
|
|
$160,816,513 |
Voilà un joli bilan, qui n'est exagéré
dans aucun détail, et que nous offre la conté
dératien! Tout cela sans compter l'énorme
dépense des gouvernements général et locaux.
Quelques-unes des sommes ci-dessus ne
seraient pas payables de suite, mais elles le
seraient pres ne toutes avant cinq ans. Des
sommes aussi considérables le seraient de
suite, on peut dire, si l'on fait entrer en
état de compte les dépenses de la confédération et ses entreprises imprévues. Toutes
les provinces ne contenaient que 3,294,056
âmes au dernier recensement. En supposant qu'elles en contiendraient 3,500,000
au moment de l'union, avec les engagements
ci-dessus, cela ferait une dette de $45 par
tête, homme, femme et enfant, sur laquelle
il nous faudrait payer l'intérêt. (Ecoutez!
écoutez!)—Je m'oppose à la confédération,
parce que je ne puis en comprendre l'utilité,
ni la nécessité sous le rapport commercial.
Des pays qui produisent des productions
différentes peuvent gagner considérablement
en s'ùnissant. Que produisent les colonies
d'en-bas? Ne sont-elles pas sous un climat
semblable au nôtre? Ne produisent-elles pas
ce des menus grains comme le Bas-Canada?
Quel commerce peuvent faire ensemble deux
cultivateurs qui ne produiraient que de
l'avoine? Ni l'un ni l'autre n'en auraient
besoin. Ils pourraient s'entreregarder avec
leur avoine sans pouvoir jamais commercer
ensemble; il leur faudrait un acheteur, une
troisième personne. Nous sommes dans cette
position avec les colonies voisines. Irons- nous chercher de la glace dans les colonies
inférieures? Je pense qu'il y en a assez en
Canada, à Québec surtout, quand l'on n'a
pas même assez d'esprit d'entreprise pour
en exporter dans les pays chauds. On parle
du poisson—mais nous en avons dans nos
propres eaux—ct du charbon comme d'une
grande affaire.
M. T. C. WALLBRIDGE—Les provinces
d'en-bas se sont réservé le droit d'imposer
un droit d'exportation sur le charbon.
M. J. B. E. DORION—Mon hon. ami
me fait rappeler que nous ne pourrons pas
aller chercher de charbon dans ce provinces
qui feront partie de la confédération sans
leur payer une taxe. N'est-ce pas admirable? Nous allons former un seul peuple,
un seul pays, mais il y aura des taxes à payer
pour commercer ensemble sur certains objets.
(Ecoutez! écoutez!) Je comprendrais les
avantages cemmerciaux que nous aurions à
gagner si les provinces anglaises étaient
situées sous des climats différents, fournissant toute espèce de productions qui seraient
échangées librement. Ce qui a fait la prospérité commerciale des Etats-Unis, c'est
leur position géographique, leur immense
territoire où l'on trouve tous les climats
imaginables, depuis le Nord qui produit la
glace jusqu'au Sud qui produit les fruits les
plus délicats. Un habitant du Maine peut
charger un navire de glace, se rendre à la
Nouvelle-Orléans et échanger cette glace
contre du riz, du sucre, du tabac, etc., qu'il
rapportera chez lui sans avoir à payer un
son son de droit de douane. C'est cet
échange libre continuel de leurs divers produits, depuis le Maine jusqu'à la Californie.
qui a placé les Etats-Unis au premier rang
des nations commerciales en si peu de temps.
(Ecoutez! écoutez!) Que l'on ne nous berce
donc pas de chimères à propos des grands
avantages commerciaux que nous retirerions
d'une confédération des provinces. Nous
avons du bois, elles en produisent; nous produisons de la potasse, elles en produisent.
Tout ce dont elles auraient besoin consisterait en un peu de farine, et le Haut-Canada
peut la leur fournir aujourd'hui sans payer
de taxe. Encore une fois, notre commerce
avec elles ne peut pas être considérable,
parce que la nature s'y oppose. Situées au
même degré que nous quant au climat, elles
produisent ce que nous produisons, et ce
qu'il leur faut, comme ce qu'il nous faut, c'est
un marché extérieur pour le surplus des productions. D'ailleurs, les avantages commerciaux
peuvent tous s'obtenir par une union
commerciale simplement sans union politique. L'Angleterre a bien conclu un traité
865
commercial avec les Etats-Unis au moyen
duquel nous commerçons librement avec
eux sur tous les produits de la terre et des
pêcheries. Quelle objection y aurait-il à ce
qu'un commerce libre fût établi entre des
colonies qui sont toutes soumises à la même
autorité? Elles jouiraient alors de tous les
avantages qui pourraient en résulter sans
entrer dans une union politique dont on ne
peut sonder toute la profondeur. (Ecoutez!
écoutez!)—Je m'oppose au projet de confédération, parce qu'au lieu de nous donner
de la force pour nous défendre, elle sera une
source de faiblesse incalculable. Comment
peut-on croire qu'en ajoutant 700 milles à
notre grande frontière, cela nous rendra plus
fort contre l'ennemi, quand le territoire
à ajouter ne contient pas déjà assez d'habitants pour le défendre? Pense-t-on que
si
nous avions une guerre avec les Américains,
ils n'attaqueraient pas les provinces anglaises sur tous les points? Ils attaqueraient
Terreneuve, l'Isle du Prince-Edouard, la
Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick
aussi bien que les deux Canadas. Un pays
sans profondeur comme celui que l'on propose de former ici, n'a pas son pareil sous
le
soleil. Il serait vulnérable sur tous les
points, avec sa frontière de 1600 à 1800
milles. Sa forme géographique ressemblerait
à celle d'une anguille. Il serait tout sur la
longueur, rien sur la largeur. Rien ne serait
plus facile que de le couper en petits bouts,
et aucune des parties ainsi tranchées ne
pourrait porter secours à l'autre. Plus nous
aurons de pays comme les provinces que l'on
veut nous adjoindre, plus nous serons faible,
plus ils seront une source d'embarras pour
nous sous le rapport de la défense militaire. (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au
projet de confédération, parce que je considère que c'est le produit d'une conspiration
contre les droits populaires en Canada, et que
l'on espère réussir à lancer le peuple dans
une voie funeste à ses véritables intérêts, en
faisant briller à ses yeux toutes sortes de
prodiges, qui s'accompliraient dans la suite
pour la prospérité du pays, s'il voulait seulement accepter la nouvelle forme de gouvernement
qu'on veut lui imposer—Je m'oppose au projet de confédération, parce que
l'on veut perpétuer, sur une plus grande
échelle, un état de choses qui ne convient
pas aux populations d'Amérique, quand elles
ont atteint l'age de majorité,—état de choses
qui n'est évidemment pas fait pour un pays
où il n'y a pas de castes, pas de privilégiés,
pas d'aristocratic héréditaire, où tous les
hommes sont égaux, socialement et politiquement, par la force des circonstances.—Je
m'oppose au projet de confédération, parce
que je désire que nous soyons aussi libres
que possible dans le choix que nous aurons
à faire pour le gouvernement futur du
Canada, lorsque nous sortirons de l'état colonial. Je dois dire que je ne partage
pas les
illusions de certaines personnes sur la grandeur des destinées d'un royaume que nous
pourrions fonder dès à présent dans l'Amérique du Nord, et que je suis loin de croire
que ce serait avantageux pour nous.—Je
m'oppose au projet de confédération, parce
que je nie à cette chambre le droit de
changer la constitution politique du pays,
comme on propose de le faire, sans en appeler
au peuple, pour le consulter sur un point
aussi important. Voilà les principales raisons
qui me portent à opposer le projet du gouvernement! Mais ce n'est pas tout: il y a
encore beaucoup d'autres considérations à
faire. On a ouvert la porte de l'avenir du
pays en nous soumettant ce projet, et je veux,
moi aussi, essayer d'y pénétrer. J'ai dit que
la nouvelle organisation que l'on veut implanter ici ne convient pas à nos ressources,
ni à nos besoins. Il semblerait que nous ne
pouvons atteindre une limite raisonable en
Canada, pour l'administration des affaires
publiques. On trouve que notre système
n'est pas assez extravagant: on veut lui en
substituer un autre qui le sera encore
plus. Nos voisins ont établi une politique
économique, qui leur est beaucoup plus
avantageuse que la nôtre ne le serait aucun
pays. Nous payons ici beaucoup plus qu'aux
Etats-Unis, quoiqu'ils soient infiniment plus
riches que nous ne le sommes. En faisant
une liste des salaires des gouverneurs des
Etats de l'Union, pour la comparer avec la
liste des salaires que nous payons ici, à nos
principaux employés publics, en serait surpris de la différence qui existe contre
nous.
Voici un tableau des salaires des gouverneurs avec la population de chaque Etat:
Etats. |
Population. |
Salaires. |
1. Maine... |
628,276 |
...$1500 |
2. New Hampshire |
226,073 |
...1000 |
3. Vermont... |
315,098 |
...1000 |
4. Massachusetts... |
1,231,066 |
...3500 |
5. Rhode-Island... |
174,620 |
...1000 |
6. Connecticut... |
460,147 |
...1100 |
7. New-York... |
3,880,735 |
...4000 |
8. New-Jersey... |
672,035 |
...3000 |
9. Pennsylvanie... |
2,906,115 |
...4000 |
866
Etats. |
Population. |
Salaires. |
10. Delaware... |
112,216 |
...1333.5 |
11. Maryland... |
687,049 |
...3600 |
12. Virginie Ouest... |
393,234 |
...2000 |
13. Virginie Est... |
1,261,397 |
...3000 |
14. Kentucky... |
1,155,684 |
...2500 |
15. Ohio... |
2,339,502 |
...1800 |
16. Michigan... |
749,113 |
...1000 |
17. Indiana... |
1,350,428 |
...3000 |
18. Illinois... |
1,711,951 |
...1500 |
19. Missouri... |
1,182,012 |
...3000 |
20. Iowa... |
674,942 |
...2000 |
21. Wisconsin... |
775,881 |
...2000 |
22. Minnesota... |
173,855 |
...1500 |
23. Kansas... |
107,206 |
...2000 |
24. California... |
379,994 |
...7000 |
25. Oregon... |
52,465 |
...1500 |
Il y a encore dix autres Etats qui étaient
en rébellion au commencement de l'année
1864, date du tableau que je soumets. On
verra que le Vermont ne paie que $1,000
par année pour un gouverneur électif. C'est
moins que ce que l'on paie ici aux maires
de nos grandes villes. L'Etat de New-York,
qui est à lui seul plus riche et plus populeux
que tout le Canada, ne paie que $4,000 par
année à son gouverneur. Je ne comparerai
pas ce salaire à celui de notre gouverneur,
qui est de $32,000; mais, en le comparant
avec celui des juges de seconde classe, l'on
verra que ceux-ci reçoivent des salaires plus
élevés que le gouverneur de l'Etat de New- York (Ecoutez! écoutez!) L'Etat de l'Ohio,
plus riche et plus populeux que le Canada,
ne paie que $1800 à son gouverneur. Si les
salaires sont comparativement faibles aux
Etats-Unis, c'est que l'on y a compris que
l'on ouvait obtenir une bonne administration des affaires du pays en pratiquant une
sage économie, sans faire un étalage de luxe
qui nous ruine ici. L'on pourrait encore
faire une petite comparaison entre l'Etat de
New-York et le Canada, sous un autre rapport, et c'est celle-ci: l'Etat de New-York
possède de magnifiques canaux qui lui ont
coûté énormément cher; mais ils se sont
payés par leur propres revenus, tandis
qu'ici nos canaux, qui nous ont coûté très
cher aussi, ne paient pas même l'intérêt de
la dette que l'on a contractée pour les construire,—ce qui fait une assez grande différence,
L'Etat de New—York; contracté
une nouvelle dette pour agrandir ses canaux,
après que leurs revenus eurent éteint celle
qui avait été contractée pour leur construction; et leurs revenus suffisent non seulement
pour payer l'intérêt de cette dette,
mais encore pour créer un fonds d' amor
tissement qui leurs permettra de la liquider
dans cinq ans d'ici. L'année derrière, l'Etat
de New-York a reçu de ses canaux la
somme de $5,118,501.35, et les dépenses
d'administration ont été de $111,503.78;
celles des réparations ont été de $659,378.
74, formant en tout, $770,882.52, ce qui
laissait un revenu net de $4,347,618.83,
toutes les dépenses d'administration et frais
d'entretien payés. (Ecoutez! écoutez!) Savez-vous ce qui l'on a fait de ce surplus?
On a payé comme suit:
Fonds d'amortissment sous le |
|
1er art. 7,... |
$1,700,000 |
Fonds d'amortissment sous le |
|
2 art. 7,... |
350,000 |
Fonds d'amortissment sous le |
|
3 art. 2,... |
1,116,242 |
Au trésor, pour défrayer les dé- |
|
penses de l'Etat,... |
200,000 |
|
$3,366,242 |
Laissant une balance de $981,376.17,
après avoir fait face à tous les engagements
envers le fonds d'amortissement et payé
$200,000 au contingent des dépenses du
gouvernement de l'Etat. Ici, quand il y a
un fonds d'école ou d'amortissement de
créé, on le dépense, ou il faut emprunter
pour lui faire face. Que l'on compare donc
l'administration de nos canaux avec celle
des canaux de New-York? Ici, on a aboli
les droits sur certains de nos canaux, dans
le but de favoriser le commerce, au lieu de
percevoir un revenu raisonnable de ces grands
travaux! (Ecoutez! écoutez!) La dette
totale de l' Etat de New-York, au 30 septembre l863, était comme suit:—
Dette fondée,... |
$6,595,654.37 |
Dette du canal,... |
23,268,310.25 |
Total enregistré,... |
$29,773,964.62 |
Durant la même année, il a été payé
$3,116,242 au fonds d'amortissement, et il
restait encore cinq millions et demi en caisse
provenant des canaux, de sorte qu'en moins
de dix années la dette du canal et la dette
particulière de l'Etat seront entièrement
éteintes. Pourrons-nous en dire autant de
nos propres dettes dans dix ans? (Ecoutez!
écoutez!) Je répète donc que le système
financier, ches nos voisins, est de beaucoup
supérieur au nôtre, et que l'on paie des
salaires raisonnables aux employés publics;
tandis qu'ici, nous en sommes rendus à l'extravagance. Si je parle de tout cela, c'est
parce que je suis opposé au projet et parce
867
que l'on veut créer une monarchie, un nouveau royaume, sur ce continent, et que l'on
désire avoir une cour, de la noblesse, un
vice-roi et du clinquant, etc. Je suis alarmé
de la position que l'on veut nous faire, car
de l'extravagance on veut asser à la folie,
avec tous ces projets ridicules et absurdes!
(Ecoutez! écoutez!) En 1846, lorsque
l'Angleterre a abrogé les droits d'importation des grains étrangers sur ses marchés,
ou se rappelle quelle crise commerciale nous
avons éprouvée. Avant cette époque, nos
grains et autres produits étaient protégés
sur les marchés anglais, en ce qu'ils y
étaient admis sans payer de droits, tandis
que ceux de la Mer Noire et des Etats-Unis
payaient un droit assez élevé pour constituer une grande protection en faveur des
nôtres. Cette politique nouvelle, vis-à-vis
des colonies, eut des résultats désastreux
pour le commerce du Canada. L'exportation des grains vers l'Angleterre fut complètement
arrêtée. Il n'existait plus de
ébouché pour ces produits. Pour arriver
au marché des Etats-Unis, il fallait payer
20 pour cent. Eh bien! on se rappelle la
longue et terrible crise qui a suivi l'abolition de cette protection pour nos reduits,
et qui a sévi durant les années 1847, 48 et
49. Dès 1847, il y a en une crise commerciale désastreuse en Canada. Les faillites
se succédérent les unes aux autres; la gêne
se fit sentir partout. Les choses n'allèrent
pas beaucoup mieux en 1848. Il était
évident qu'il fallait chercher un nouveau
débouché aux produits agricoles du Canada,
pour lui assurer une aisance satisfaisante.
Le mécontentement se fit jour et les esprits
s'agitèrent. On discute, on négocia avec
les hommes politiques de l'Angleterre, mais
sans obtenir de résultat satisfaisant. On
crut donc trouver la solution aux difficultés
commerciales du pays, dans un changement
politique. De là le mouvement annexioniste
de 1849. L'obtention d'un changement
politique de ce genre ouvrait de suite au
Canada tous les marchés des Etats-Unis, et
aurait sans nul doute assuré la prospérité
matérielle du pays. Le mouvement annexioniste rencontra des sympathies considérables
dans les Etats du Nord de l'Union américaine;
mais dans le Sud, en s'en alarma. On redoutait l'influence qu'aurait donné au Nord
l'accession d'un territoire aussi considérable
que celui des deux Canada d'abord, puis
de toutes les provinces anglaises par la suite.
Le gouvernement des Etats-Unis se trouvait
entre les mains des hommes politiques du
Sud. Pour parer au danger qui menaçait
son influence, ce gouvernement se montra
favorable à une entente commerciale avec
celui de l'Angleterre. Tous deux étaient
intéressés à un rapprochement commercial,
qui ne nous laisserait rien à envier à nos
voisins. Dans le parlement canadien, on
s'occupa de la question de réciprocité commerciale avec les Etats-Unis. Le gouvernement
impérial approuva les démarches du
gouvernement canadien, qui tendaient à
mettre ses agriculteurs sur un pied d'égalité
avec les Américains sur leurs marchés. Le
16 mars 1855, le traité de réciprocité conclu
entre les Etats-Unis et l'Angleterre devint
en force après avoir été ratifié par le parlement canadien. De longs débats avaient
en
lieu dans le congrès américain sur cette question, mais l'influence du Sud fit triompher
la mesure. Le traité de réciprocité devait
exister pendant dix ans, à compter du 16
mars 1855, sans pouvoir être abrogé, mais
si l'une ou l'autre des parties contractantes
le jugeait à propos après les dix années
expirées, elle pouvait exiger l'abrogation
du traité en en donnant avis à l'autre un
an d'avance. La question du rappel de ce
traité a donc été agitée dans le congrès
américain, depuis deux ou trois ans, avec
assez de chaleur, par ceux qui trouvaient
que leurs intérêts étaient lésés. Les adversaires du traité de réciprocité ont réussi
dans le congrès pour deux raisons: d'abord,
par l'esprit d'indignation soulevé contre le
Canada, par une partie de notre presse dans
son hostilité envers les Etats du Nord; puis,
parce que les Etats rebelles du Sud n'étaient
pas représentés dans le gouvernement américain. Le 16 mars prochain, le président
devra donc donner cet avis; et le 16 mars
1866, les marchés des Etats-Unis nous seront
fermés. (Ecoutez! écoutez) Nous avons
vu dans le temps, que le gouvernement
américain, qui était alors entre les mains
des politiques des Etats du Sud, n'était pas
favorable à l'annexion du Canada aux Etats- Unis, parce que ceux-ci craignaient l'influence
qu'apporterait deux nouveaux Etats
libres dans l'Union, relativement à l'esclavage. Les dix années du traité vont par
conséquent finir cette année, le 16 de mars,
et grâce à la conduite tenue par une forte
partie de la presse du Canada à l'égard du
gouvernement des Etats-Unis depuis le
commencement de la guerre, qui désole
aujourd'hui la république américaine, l'avis
868
de l'abrogation finale de ce traité dans un
an va nous être donné. Il aura existé
pendant onze ans, et son abrogation sera
certainement un grand malheur pour notre
pays. On pourra dire que ce traité est
aussi avantageux aux Etats-Unis qu'à nous- mêmes, et que son abrogation leur fera
autant de tort qu'à nous; mais le tort qu'ils
en éprouveront ne guérira pas notre mal et
n'empêchera pas que les marchés des Etats- Unis nous seront fermés, et que nous serons
ensuite obligés de payer un droit considérable pour y porter nos produits, comme
notre avoine, nos chevaux, nes bêtes à
cornes, nos moutons, notre laine, notre
beurre, etc. Le 16 de mars 1865 sera un
jour de deuil pour le Canada; mais le 16
de mars 1866 sera un jour de deuil encore
bien plus grand, car il marquera le commencement d'une crise commerciale comme
nous n'en aurons peut-être jamais éprouvée
et dont les résultats désastreux sont incalculables pour l'avenir du pays. (Ecoutez!
écoutez!) Il faut savoir ce qui se passe
dans les campagnes, comme je suis à même
de le savoir moi-même, par mes relations
constantes avec elles, pour comprendre toute
l'importance de ce traité pour la prospérité
du pays. Toute l'avoine que produit le
pays, depuis Trois-Pistoles jusqu'à l'extrémité supérieure de la province, est exportée
aux Etats-Unis, où elle trouve un écoulement facile, parce qu'ils en ont besoin. Cette
année, on est allé la chercher jusqu'à Trois- Rivières, par le chemin de fer d'Arthabaska.
Ce commerce est très considérable aujourd'hui; mais du moment que nous aurons a
payer un droit de 25 pour cent sur l'exportation de nos produits aux Etats-Unis, nous
aurons une crise commerciale qui bouleversera
toutes les affaires du pays. Quand le traité
de réciprocité sera abrogé, notre avoine ne
se vendra plus que 30 sous ou un chelin,
comme autrefois, au lieu de se vendre 40 sous
ou deux chelins comme aujourd'hui; et il
est parfaitement évident que le cultivateur
ne pourra tirer aucun profit de la culture de
ce produit, à ce prix. Autrefois, avant le
traité de réciprocité, le cultivateur pouvait
trouver encore quelque profit en vendant son
avoine à ce prix, parce que la vie était moins
chère et les impôts moins élevés qu'aujourd'hui; les impôts ne s'élevaieut qu'à 2
1/2 pour
cent, et 5 pour cent, au lieu qu'ils sont aujourd'hui de 20 pour cent, et la confédération
les
augmentera encore plutôt que de les diminuer, comme certains membres de cette
chambre l'ont prétendu. (Ecoutez! écoutez!)
Je sais parfaitement ce qui se passe dans les
campagnes; et quand je pense aux conséquence de l'abrogation du traité de réciprocité,
je le répète, M. l'ORATEUR, j'en suis
alarmé. Que s'y passe-t-il aujourd'hui? On
sait qu'il y a eu de mauvaises récoltes depuis
quelques années; l'on sait que celle de
l année dernière n'a pas été bonne, non seulement dans le Bas-Canada, mais même dans
le Haut-Canada; et depuis le jour de l'an de
cette année, la moitié des habitants de la
campagne, dans le Bas-Canada, achètent la
farine dont ils ont besoin pour vivre. Tout
ce qui se dépensera pour la fleur, d'ici à la
récolte prochaine, sera autant de capital qui
n'aequittera aucune des dettes nombreuses
de la population rurale. Ce sera autant de
capital qui ne sera pas employé au progrès
de l'agriculture, à des améliorations. La
commerce s'en ressent déja. Les importations
sont restreintes; il est resté beaucoup de
marchandises de l'an dernier dans nos villes.
Le revenu public en sera considérablement
affecté, et le surplus de 1864 va se transformer en un déficit en 1865. Il ne faut
pas
être prophète pour prévoir cela. (Ecoutez!
écoutez!) Je dis donc que nous touchons à
une crise commerciale, et ce n'est pas en
venant avec un pareil projet, quand il nous
faudrait pratiquer la plus stricte économie
dans nos dépenses publiques, que l'on pourra
éviter cette crise. Il se fait aujourd'hui un
grand mouvement de population, dans le Bas- Canada, vers les Etats-Unis, malgré la
guerre;
c'est-à-dire, que les gens sont obligés de partir
pour les Etats-Unis, afin d'y gagner de l'argent pour payer les dettes qu'ils ont
été
forcés de contracter pour vivre. Les gens
ferment leurs maisons dans un grand nombre
de nos campagnes et passent aux Etats-Unis;
et si l'on veut la preuve de ce fait, que l'on
visite Acton,—Acton, dont on a fait une
petite ville depuis la découverte des mines
de cuivre que l'on y exploite. Eh bien!
M. l'ORATEUR, la moitié des maisons d'Acton
sont aujourd'hui formées, quand l'année dernière encore ce village présentait tous
les
signes de la plus grande prospérité. Les
gens sont obligés de s'expatrier pour subvenir aux besoins de leurs familles, cette
année. (Ecoutez! écoutez!) Je dis donc qu'un
mouvement d'expatriation comme celui qui
se fait aujourd'hui, dans l'hiver, est alarmant,
car lorsque la moitié des habitants des campagnes sont obligés d'acheter leur farine,
dès
à présent, c'est une preuve qu'ils seront
869
obligés d'en acheter jusqu'à l'automne, après
la prochaine récolte; et comme un grand
nombre n'ont pas les moyens d'attendre
jusque là, ils sont obligés de s'expatrier pour
tâcher de subvenir aux besoins de leurs
familles, en allant demander de l'ouvrage à
nos voisins. (Ecoutez! écoutez!) Ce mouvement se fait sentir chez la population agricole
comme chez la population ouvrière,
dans les nouveaux cantons comme dans les
anciens. Depuis le commencement de la
guerre, il est en nombre de Canadiens qui,
étant revenus des Etats-Unis pour s'en éloigner, avaient rapporté un petit capital;
voyant l'état des affaires du pays, et ayant
épuisé ce capital, ils s'en retournent aux
Etats-Unis, parce qu'ils préfèrent courir tous
les risques du tirage au sort et de la guerre,
plutôt que celui de vivre misérablement ici.
Je répète done, M. l'ORATEUR, qu'un grand
nombre de maisons sont fermées dans les
campagnes, dans les nouveaux établissements.
Je puis en indiquer par rang et par lot dans
les comtés que je représente. Il se fait un
travail sourd, mais considérable, des esprits,
dans toutes les campagnes situées au sud
du St. Laurent, au-dessus de Nicolet et
jusqu'à la frontière; et je vais vous expliquer
comment. Dans toute cette partie du pays,
il y a un grand nombre de jeunes gens qui
vont aux Etats-Unis pour chercher de l'emploi. Ces enfants du peuple trouvent un champ
plus vaste pour leur esprit d'entreprise. De
fait, ils sont obligés de s'éloigner du Bas- Canada pour gagner de l'argent. Une fois
fixés aux Etats-Unis, ils correspondent avec
leurs parents, qu'ils ont laissés dernière eux.
Dans toutes ces correspondances, ils disent
comment ils sont bien traités; ils vantent
leur position, la condition qu'on leur fait
dans les relations sociales qui existent entre
eux et les Américains; les bons salaires
qu'ils obtiennent et l'état de prospérité qu'ils
acquièrent sous peu. Non seulement ils correspondent, mais ils viennent en Canada,
dans leurs familles, de temps à autre. Là,
M. l'ORATEUR, les communications sont
encore plus étendues. On raconte tout ce
que l'on a vu, tout ce que l'on a entendu,
tout ce que l'on a appris. Sachez-le, M.
l'ORATEUR, ces communications, ces relations entre les Canadiens fixés aux Etats
et ceux d'ici, font plus, our établir des
sympathies favorables aux Américains dans
notre pays, que toutes les gazettes du monde
ne le pourraient faire. C'est une partie du
cœur du peuple transporté à l'étranger, par
la force des circonstances. Ces relations leur
prouvent que les Américains ne sont pas
d'aussi horribles monstres qu'on le leur dit
dans certains quartiers, et qu'ils ont des
institutions politiques bien supérieures aux
nôtres; que chaque homme est l'égal de son
voisin, et qu'il possède des droits politiques qu'on ne peut pas lui enlever. Ce
travail dont je parle est considérable, et ce
ne sont certainement pas des changements
comme ceux que l'on propose de faire aujourd'hui, qui peuvent l'arrêter, ni effacer
les sentiments de sympathie pour les institutions et le peuple des Etats-Unis, dans
l'esprit de ceux qui entretiennent ces relations. (Ecoutez! écoutez!) Je dis que le
peuple du Bas-Canada s'alarme du projet de
confédération et des changements inconnus
que l'on projette. Je ne veux pas dire que
ce sentiment existe dans le district de
Québec, car l'on me parait dormir sur les
deux oreilles dans cet endroit, mais il existe
certainement, et à un très haut degré, dans
le district de Montréal et jusqu'à Trois- Rivières, des deux côtés du fleuve. Et rien
n'est plus de nature à désaffectionner la
population envers son gouvernement et
l'Angleterre, que cette tentative que l'on
fait aujourd'hui de lui imposer une nouvelle
constitution sans la consulter; car, il faut
bien se le rappeler, nous ne sommes plus
dans l'état de société où nous étions en 1812,
nous n'avons plus le même ordre d'idées, et
l'on se tromperait fort si l'on croyait que le
peuple entretient encore les mêmes sentiments qu'alors. (Ecoutez! écoutez!) Je ne
veut pas dire que la population soit déloyale.
Loin de moi une pareille idée! Elle est aussi
loyale que ceux qui l'accusent de déloyauté;
mais elle veut juger librement des actes de
son gouvernement et de ses intérêts; et il y a
une grande différence entre être loyal envers la
Grande-Bretagne, et se battre pour un système de gouvernement et un principe qui
nous seraient imposés et que l'on n'accepterait qu'à regret. Je dis donc que le peuple
est effrayé de la dépense que l'on se propose
de faire pour organiser ce qu'on appelle la
défense du pays; et il se demande s'il est
juste de vouloir le charger du fardeau de
cette défense, dans le cas où il surviendrait
une guerre entre nos voisins et l'Angleterre—
guerre dans laquelle il n'aurait rien à dire
pour l'éviter, et dans laquelle aussi tout son
rôle se bornerait à contribuer de son sang
et de son argent. Il se demande encore s'il
ne vaudrait pas mieux rester dans l'état où
870
nous sommes actuellement, s'il ne vaudrait
pas mieux rester lus petits, plutôt que de
chercher à nous aire grands et à rivaliser
avec nos voisins pour nous faire mieux écraser.
Il se dit encore qu'une lutte entre nous et
les Etats-Unis serait la lutte d'un nain
contre un géant; car il n'y a pas un homme,
ayant son bon sens, ni dira ne nous pourrions tenir téte aux Etats-Unis. L'on prétendre
que, dans le cas d'une guerre avec
eux, l'Angleterre nous aiderait. C'est bien;
mais pour ceux qui se rappellent la guerre
de la Crimée, il est évident que lorsqu'elle
nous aura envoyé 30,000 soldats pour nous
aider, elle aura fait ce qu'elle aura pu, et
qu'il lui faudra encore aller en Espagne, en
France, en Allemagne, sur tout le continent
d'Europe pour trouver des soldats. Quand
nous aurons 1600 milles de frontières à
défendre, où en serons-nous avec les 30,000
hommes de troupes anglaises? Cela ne
donnerait pas dix-neuf soldats par mille.
(Ecoutez! écoutez!) Non; il ne faut pas
s'imaginer qu'une guerre avec les Etats- Unis, aujourd'hui, serait une guerre de
1812, et qu'une compagnie de 60 hommes
mettrait l'armée américaine en fuite comme
au beau temps de Châteauguay. (Ecoutez!
écoutez!) Aujourd'hui, l'armée et la marine
des Etats Unis sont les plus fortes du monde;
et les ressources de ce pays sont inépuisables.
En quatre ans, ils ont construit 600 vaisseaux de guerre; et le chiffre de leurs
soldats se compte par centaines de milliers
d'hommes. Or, la paix viendra à se faire
entre le Nord et le Sud, malgré que cela
puisse ne pas plaire a ceux de nos hommes
politiques qui sont partisans de l'esclavege
et qui ont toujours méprisé et ravalé le
gouvernement des Etats du Nord, car le
Sud ne pourra pas résister longtemps, maintenant qu'il a perdu toutes les villes par
lesquelles les secours de l'étranger pouvaient
lui arriver. La constitution américaine
sortira triomphante de l'épreuve qu'elle subit
actuellement; elle sortira épurée et plus
forte que jamais dans le cœur des populations qui lui sont soumises. Ce n'est pas
contre la forme du gouvernement républicain que l'on s'est rebellé aux Etats-Unis,
puisque les Etats en rébellion ont adopté
absolument le même système en déclarant
leur indépendance. Ils ont un président,
un sénat, des représentants, un gouvernement et une législature locale pour chaque
Etat, tout comme dans la république américaine. (Ecoutez! écoutez!) Quand la paix
sera faite entre le Nord et le Sud, pourons- nous résister aux forces réunies des
deux
sections des Etats Américains? Pourrions- nous résister à leurs vaisseaux de guerre,
qui couvriraient la mer et les lacs; et à
leurs canons qui lancent des boulets de plusieurs centaines de livres a huit et dix
milles de distance, d'un bout d'une paroisse
à l'autre? L'Etat de New-York, avec ses
4,000,000 d'âmes, peut fournir plus de
soldats que toutes les colonies anglaises réunies ensemble; et il resterait encore
trente- quatre Etats, riches et populeux, pour lui
aider dans le cas d'une guerre. (Ecoutez!
écoutez!) Non, il ne faut pas s'imaginer
qu'une guerre aujourd'hui serait une guerre
de 1812; et le peuple le comprend parfaitement. Si l'on impose au peuple une confédération
comme celle que l'on propose actuellement, sans le consulter et même malgré
lui; s'il est obligé de supporter un fardeau
beaucoup plus lourd que celui qu'il porte à
présent; et si le trait de réciprocité n'est
pas continué, qu'il s'en suive une crise commerciale, et que la guerre éclate entre
l'Angleterre et les Etats-Unis, il ne faut pas
s'imaginer que le peuple se battra comme il
s'est battu en 1812, quand vous l'aurez
mécontenté et que vous aurez rendu sa position plus difficile qu'elle ne l'est. Vous
enrégimenterez la population, elle ne se rébellera pas, car elle est loyale et soumise,
mais son cœur ne sera sa dans la bataille;
elle ne se battra certainement pas avec le
courage qu'elle déploierait si elle défendait
un état de choses et une constitution de son
choix. Elle ne se battra pas avec le courage qu'ont montré les rebelles du Sud, car
eux se battaient our défendre des institutions, mauvaises est vrai, mais auxquelles
ils sont attachés et qu'ils veulent conserver.
(Ecoutez! écoutez!) Dans le cas d'une
guerre avec les Etats-Unis, et sous la confédération, le peuple serait appelé à se
battre
pour défendre un état de choses qu'il trouverait mauvais, une constitution qui lui
aurait
été imposée et à laquelle il ne serait as
attaché, une constitution a laquelle aussi il ne
porterait aucun intérêt! Peut-être le ferait-il
pour une querelle qui aurait pris son origine
en Chine! Il serait appelé à se battre contre
des gens qu'il considèrerait, non pas comme
des ennemis, mais comme des amis, avec
lesquels il entretient des relations de tous
les jours; et, je le répète, il ne saurait se
battre comme il l'a fait dans la dernière
guerre. (Ecoutez! écoutez!) Mais j'en
871
reviens au traité de réciprocité, et je dis que
nous en sentirens toute l'importance lorsqu'il
aura été abrogé. Il est comme un pont jeté
sur une rivière, entre deux paroisses: tant
que le pont existe, chacun s'en sert sans trop
se rendre compte de son utilité; mais s'il
vient a être détruit, alors on s'aperçoit de
tous ses avantages et on le regrette quand
on est obligé de recourir à l'ancien mode
des bacs ou des canots pour traverser la
rivière. (Ecoutez! écoutez!) Et si le traité
de réciprocité est abrogé; on le devra it
plusieurs des hon. ministres de l'autre côté
de la chambre, aux journaux qui les supportent et qu'ils supportent en retour; en
le devra aux hommes politiques et aux
journaux tories du Canada, qui n'ont cessé,
depuis le commencement de a guerre américaine, de faire tout en leur pouvoir pour
irriter nos voisins et nous brouiller avec eux,
par des sympathies mal placées. (Ecoutez!
écoutez!) Pour ma part, M. l'ORATEUR,
je sais que le peuple ne demande pas l'annexion du Canada aux Etats-Unis, parce
qu'il est satisfait et en paix dans l'état de
choses actuel; le peuple ne demande aucun
changement; mais si l'on veut établir un
nouvel ordre de choses, si l'on veut créer
une nouvelle nationalité, je pense que
nous devons avoir le droit de dire ce qui
nous convient; et si l'on veut établir un
nouveau royaume sur ce continent, nous
devons avoir le droit d'examiner ce qu'il
sera et sur quelles bases il sera assis. Je
dis que ce serait un malheur pour nous, si
nous cherchions à établir un état de choses
fondé sur un principe politique contraire à
celui des Etats-Unis,—sur un principe monarchique. Si nous voulons inaugurer une
politique, que ce n'en soit pas une d'ombrage,
de défiance et de provocation! Que se soit
plutôt une politique de conciliation et de
paix; que ce ne soit pas une politique
d'armée, de murailles et de fortifications
inutiles, une politique de ruine et de désolation! Que nous serviraient toutes ces
fortifications, toutes ces murailles, si elles devaient
avoir pour effet de nous imposer des charges
insupportables, de rétrécir notre commerce,
de paralyser notre industrie, de nous enfermer ans nos limites étroites, avec des
produits considérables, sans avoir de marchés
profitables pour en disposer avantageusement? (Ecoutez!) Pensez-vous que le
peuple s'occuperait beaucoup alors de savoir
si le drapeau qui flotterait sur sa tête serait
barré en croix ou sur le long? Le peuple
est content de rester tel qu'il est; il ne
désire rien de mieux actuellement, mais si
vous voulez changer ses relations politiques,
il a le droit d'examiner votre proposition sur
toutes ses faces. Il a le droit de se demander
si ce qu'on lui propose ne serait pas la guerre
en permanence pour lui et ses enfants.
(Ecoutez! écoutez!) La constitution des
Etats-Unis est certainement bien supérieure
à celle que l'on nous propose, et convient
bien mieux à nos habitudes et à notre état
de société. Ce projet de confédération, ce
projet de monarchie indépendante ne peut
nous conduire qu'à l'extravaganee, à la ruine
et à l'anarchie? On aura beau dire, on aura
beau crier contre le système démocratique
et vanter le système monarchique, le peuple
saura toujours apprécier leur valeur et saura
toujours reconnaitre celui qui lui conviendra
le mieux. Et quand les habitants du Haut- Canada seront obligés de vendre leur blé,
une fois rendu à Montréal, dix sens par
minet moins cher qu'ils ne le vendent
aujourd'hui chez eux, par suite de l'abrogation du traité de réciprocité, on entendra
un cri général s'élever de toutes les parties
du Haut-Canada, aussi bien que du Bas- Canada, pour demander un changement de
position autre que la confédération. Et à
ce sujet, voici ce que disait un homme qui,
il n'y a que quelques mors encore, étant sur
les banquettes ministénelles— je veux parler
de l'hon. M. BUCHANAN. Il dit que:
"La continuation du traité de réciprocité avec
les Etats-Unis est non seulement favorable aux
cultivateurs du Canada et a toutes les autres
classes, par leur entremise, mais aussi au gouvernement anglais; car, sans l'existence
de ce traité,
les Canadiens se trouvent placés dans une position à être grandement avantagés, sous
le rapport
industriel et commercial, par l'annexion du
Canada aux Etats-Unis, a moins que d'autres
arrangements industriels ou intercoloniaux n'aient
lieu.
"L'annexion est de beaucoup préférable, industriellement parlant, à notre 'commerce
libre dans
les produits bruts' qui n'est pas accompagné de
la protection à l'industrie indigène."
Ce sont ceux qui disent la vérité au
peuple et au gouvernement dans une crise
comme celle-ci, qui sont réellement les
hommes les plus loyaux, ajoute M. BUCHANAN, et il a raison; c'est pourquoi je me
permets de parler aussi franchement que je
le fais et de dire la vérité sur le peuple.
(Ecoutez! écoutez!) Mais, dira-t-on, l'annexion serait un suicide national, et e
peuple n'on voudra jamais: regardes donc
872
la Louisiane, qui s'est perdue dans l'Union
Américaine! A cela le peuple du Bas- Canada répondra que la Louisiane ne contenait
que 30,000 blancs quand elle a été
vendue aux Etats-Unis pour $14,000,000, et
que le Bas-Canada compte plus de 1,000,000
d'habitants; que, par conséquent, on ne peut
comparer la position que la Louisiane occupait alors avec celle que nous occupons
aujourd'hui. Et ces 30,000 blancs de la
Louisiane n'étaient pas tous Français, car
pendant trente-huit ans, avant 1800, la
Louisiane avait appartenu aux Espagnols.
Personne ne peut nier cela. C'est en 1803
qu'elle a été cédée par la France aux Etats- Unis; cependant, sa population française
n'a
pas été engloutie et elle n'est pas disparue.
Ecoutez! écoutez!) Depuis sa cession aux
Etats-Unis, la Louisiane s'est toujours gouvernée elle-même, comme elle l'a voulu
et
comme elle l'a entendu. Il est vrai que
l'usage officiel de la langue française a été
aboli dans sa législature; mais pourquoi et
par qui? Il a été aboli par les Louisianais
eux-mêmes, pour marquer leur mécontentement de ce que la France les avait ainsi
vendus. Mais malgré cela, et malgré la
grande accession de la population étrangère,
l'ancienne population est restée française;
les lois sont publiées en français, les juges
parlent français, les plaidoyers se font en
français devant les tribunaux, des journaux
nombreux sont publiés en français; en un
mot, elle est restée aussi française que sous
la domination française. (Ecoutez! écoutez!) A ceux qui diront au peuple que l'annexion
le ferait disparaître comme peuple.
annéantirait sa nationalité et sa religion, il
répondra qu'il ne sera pas transporté comme
les Acadiens l'ont été de l'ancienne Acadie,
et que le Bas-Canada serait aussi indépendant que tous les autres Etats de l'Union;
que, par conséquent, il règlerait ses affaires
et protégerait ses intérêts comme il l'entendrait, sans crainte d'intervention de
la part
du gouvernement général ou des autres
Etats; car il posséderait, comme tous les
Etats, la souveraineté pleine et entière
pour toutes les affaires qu le concerneraient
spécialement. Il n'aurait à se soumettre aux
décrets du gouvernement fédéral que dans
les mesures d'intérêt général, comme les
postes, le tarif, les relations étrangères, la
défense contre les ennemis, etc., etc. Quant
aux matières d'intérêt local, il serait parfaitement souverain chez lui, et il pourrait
faire toutes les lois qui lui conviendraient,
pourvu qu'elles ne fussent pas hostiles aux
autres Etats. Ainsi, relativement à la question du divorce, il pourrait législater
pour
empêcher que le divorce n'ait lieu dans ses
limites. Aujourd'hui, il y a des Etats qui
eut des lois de divorce, tandis que d'autres
n'en ont pas; le divorce n'est pas permis
partout. (Ecoutez! écoutez!) De même
pour la milice, le peuple vous dira qu'il
pourrait faire comme le Vermont, qui fait
partie de l'Union Américaine depuis sa fondation, et qui n'a jamais adopté de loi
de
milice avant janvier 1864, area que l'organisation politique des Etats-Unis n'a
jamais mis le peuple américain dans la
nécessité de maintenir des armées dans
chaque Etat, en temps de paix, et que
chaque Etat est parfaitemement libre sous
le rapport de l'organisation de sa milice,
pourvu qu'il fournisse le nombre de soldats
assigné à sa population en temps de guerre.
(Ecoutez! écoutez!) On ne se ruine pas
en temps de paix pour organiser de la
milice. Un grand obstacle au progrès politique de notre pays, se trouve dans le grand
nombre de ceux qui nous arrivent chaque
année des Iles Britanniques. Ils sont ici
en personne, mais leurs esprits voyagent sur
la mer, entre les deux hémisphères, et ils
agissent comme s'ils étaient en Angleterre,
en Ecosse ou en Irlande, sans considérer
notre position, nos relations sociales et politiques; et ils croient qu'il suffit
de crier
" loyauté! loyauté!" pour que le peuple
courre aux armes. Mais je dis encore une
fois que si l'on impose au pays un changement comme celui que l'on propose, le
peuple des campagnes sera hostile à ceux
qui le lui auront imposé, et ne se battra pas
pour défendre une constitution de cette
nature, comme il se battrait pour la défense
d'un principe qu'il approuverait et d'un état
politique dont il serait satisfait. (Ecoutez!)
Je ne veux plus ajouter qu'un mot sur ce
sujet, et c'est celui-ci: On aura beau crier
que la dette des Etats-Unis est énorme,
cela n'effraiera pas le peuple, parce que,
malgré la guerre entre le Nord et le Sud,
cette dette, si l'on considère les richesses et
les ressources des Etats-Unis, ne sera pas
aussi horrible à envisager qu'on voudrait le
faire croire. En janvier dernier, il est entré
$31,000,000 au trésor des Etats-Unis, un
million par jour; et malgré cela, malgré les
impôts considérables que paie le peuple
Américain, et qu'il paie volontiers, la prospérité commerciale est beaucoup plus grande
873
qu'ici, ainsi que ceux qui y vont maintenant
peuvent le remarquer. Au premier décembre
dernier, à la fin de l'année fiscale, la dette
des Etats-Unis était de $1,740,690,480.
Avec une population de 32,000,000, cela ne
leur fait pas $56.00 par tête. J 'ai déjà fait
voir qu'avec la confédération nous devrions
$40.00 par tête en Canada. En comparant
nos ressources avec celles de l'Union Américaine, nous nous trouverions beaucoup plus
endettés qu'elle ne l'était lors du dernier
l'apport annuel de la trésorerie. Il leur est
plus facile de percevoir deux piastres qu'à
nous d'en percevoir une seule. Mais avec
leurs immenses ressources, leur commerce
illimité, leur industrie toujours progressante,
si la guerre se terminait demain, les Etats- Unis effaceraient leur dette en quelques
années, si le gouvernement continuait à faire
payer les mêmes impôts qu'il perçoit aujourd'hui. Un million de revenu par jour,
$365,000,000 par année, $3,650,000,000
dans dix ans! Deux fois plus que la dette
nationale au commencement de l'année,
malgré la terrible guerre de quatre ans!
Si le gouvernement diminuait les impôts
actuels de moitié, la dette se trouverait
éteinte en dix ans, tandis que dans dix ans,
la nôtre, qui est déjà proportionnellement
considérable, aura doublé, si même elle n'a
pas augmenté dans une proportion encore
plus considérable, ce qui pourrait fort bien
arriver au train dont on y va. (Ecoutez!
écoutez!) Encore une fois, je ne demande
pas l'annexion du Canada aux Etats-Unis,
et le peu le ne la demande pas; mais je dis
que des changements comme ceux que l'on
propose de faire dans notre condition sociale
et politique, sont le plus sûr moyen de
l'amener, parce qu'ils sont de nature à
susciter des mécontentements considérables,
des conflits continuels entre nous et nos
voisins; et le peuple, loin d'être satisfait de
cela, ne sera pas beaucoup disposé à défendre
un pareil état de choses. J'attire, en terminant, l'attention des membres sur le fait
que la proposition de changer notre constitution est faite sans ne le gouvernement
veuille donner de détails ni aucune explication sur les changements projetés; et qu'il
est de leur devoir de ne pas les voter ainsi à
l'aveugle. Quant à ce que j'ai dit, je ne
l'ai dit qu'après avoir bien pesé la portée de
mes paroles; et je suis prêt à un subir toutes
les conséquences. Je puis me permettre de
parler avec la franchise que j'ai apportée
dans mon discours, parce que je ne repré
sente pas ici mes intérêts personnels ni
aucun intérêt individuel. J 'ai parlé comme
on le ferait dans toutes les campagnes de la
rive sud du St. Laurent, si l'on y exposait
franchement les choses telles qu elles sont
et les conséquences des changements violents
que l'on veut apporter dans notre existence
politique. (Applaudissements.)
M. DENIS— M. l'ORATEUR:—Depuis
quelques jours nous entendons prononcer des
discours très extraordinaires par les hon.
députés de l'opposition qui siégent de l'autre
côté de la chambre. Ces hon. messieurs
ont pris en mains les intérêts du pays, et ils
veulent les sauver par des discours comme
vient d'en prononcer l'hon. député de
Drummond et Arthabaska (M. J. B. E.
DORION.)
M. DENIS—Je ne veux écraser personne,
mais je dois dire en toute conscience ce que
je pense du discours extraordinaire qu'il
vient de prononcer. Les hon. membres de
l'opposition, depuis que cette discussion est
commencée, ne font qu'une chose,—et c'est
un appel constant aux préjugés d'une classe
quis a l'habitude de s'en rapporter, pour la
protection de ses intérêts, à ceux qui la
représentent en chambre; et, afin de leur
enlever sa confiance, ils travaillent en secret
et dans l'ombre pour surprendre les signatures des gens confiants, et pour prendre
aussi les membres de cette chambre par
surprise, au moyen de pétitions qu'ils font
circuler dans le pays. (Ecoutez! écoutez!)
Heureusement que jusqu'à présent ils n'ont
guère réussi dans leurs tentatives, et qu'ils
n'ont rien fait qui pût nous nuire. Ces
messieurs crient bien fortement contre les
résolutions proposées par le gouvernement;
mais si elles sont aussi mauvaises qu'ils le
disent, pourquoi ne viennent-ils pas offrir
un remède aux maux et aux difficultés dont
souffre le pays, au lieu de se contenter de
crier et de faire du tapage? Mais non l ils
suivent toujours le même système: beaucoup
de bruit, mais peu de besogne. (Ecoutez!
écoutez!) L'opposition n'a toujours eu qu'un
seul but, et ce but n'était pas d'opérer le
bien du pays, mais celui d'arriver au pouvoir.
Elle a toujours agi dans ce sens, et quand
elle y est arrivé une fois par accident, elle a
fait pis que ses devanciers n'avaient fait, et
contre lesquels elle avait tant crié. On veut,
à l'aide de préjugés de toutes sortes que l'on
cherche à soulever contre cette mesure,
874
effrayer le peuple comme on l'a fait sur la
question de la milice; et à l'aide de petites
machines et de petits projets, on veut travailler à faire remonter au pouvoir l'hon.
député d'Hochelaga (M. A. A. DORION);
mais toutes ces petites ruses ne réussiront
pas. Certes, on ne refusera pas à l'hon.
député de Drummond et Arthabaska en particulier de savoir travailler le peuple, ou
plutôt de savoir le troubler, lorsqu'il se repose
sur l'intégrité des hommes qui le représentant
en cette chambre. Ainsi, il disait à propos
du bill de milice proposé par le gouvernement CARTIER—MACDONALD, que c'était une
mesure qui devait imposer à chaque habitant
une taxe de $20 par tête, et aujourd'hui il
dit que la confédération lui en imposera une
de $40 par tête. Mais ces deux assertions
se valent—et ne valent pas grand'chose.
Comment l'hon. député peut-il parler de cette
manière, puisqu'il ne connait pas les détails
de la mesure, c'est-à-dire les mesures qui
devront suivre celle-ci? Il ne peut donc
parler que par hypothèse et par supposition,
et ses en positions sont fausses et n'ont
aucun fondement. Il dit, par exemple, que
le gouvernement, en proposant la confédération, veut établir une monarchie en
Amérique, et créer des princes, des vice-rois,
une aristocratie, et faire l'hon. procureur- général (M. CARTIER) gouverneur du Bas-
Canada. Mais ce sont là des idées qui ne
peuvent entrer ue dans la tête des hommes
qui sont incapables de gouverner eux-mêmes,
et qui ne peuvent faire que de l'agitation.
En effet, ils ne cherchent qu'a faire de
l'agitation, à créer du trouble et du mécontentement dans le pays, au sujet de la
grande
question sur laque le l'on discute depuis des
mois. C'est pour cela que l'on fait signer
des petites requêtes dans les concessions, en
disant aux femmes: " Signez, si vous ne
voulez pas perdre votre mari, qui sera enrôlé
pour la confédération; signez, si vous ne
voulez pas que vos enfants perdent leur
religion!" (Ecoutez! et rires.) C'est par
de semblables moyens qu'ils obtiennent de
petits avantages. Je viens d'apprendre que
ces hon. membres, qui disent depuis si
longtemps que le clergé ne doit pas se mêler
de politique, cherchent maintenant à enrôler
le clergé dans leur camp contre la confédération, en criant bien haut que la religion
est en danger. Mais le clergé saura les
apprécier et les laissera dire. Quand je vois
ces messieurs de l'opposition prétendre que
le clergé est avec eux, parce que deux
prêtres ont écrit dans les journaux contre la
confédération, réellement cela me fait rire.
Aujourd'hui, ils prétendent être les sauveurs
de la religion et du clergé; ils l'aiment et
le respectent; mais ils ne parlaient pas ainsi
quand ils insultaient la religion et le clergé
dans leurs journaux, quand ils disaient, dans
leur Institut-Canadien, qu'il devrait être
défendu aux prêtres de parler politique et
de voter aux élections. Qu'ils se rappellent
cette fameuse parodie d'excommunication
publiée par le
Pays, qui n'avait jamais existé
que dans l'esprit étroit et diabolique qui
inspire le
Siècle. Mais aujourd'hui, tout
cela est passé, et ils viennent nous dire:
" Abandonnez vos chefs—ces traitres qui
veut vendre le pays, trahir la religion et
traîner la nationalité dans la boue—et suivez
nous! " (Rires à gauche.) Vous souriez,
parce que vous savez bien que toutes ces
belles protestations que vous faites en faveur
de la religion, du clergé et de la nationalité, ne sont qu'une comédie de votre part.
(Ecoutez! écoutez!) Aussi, le peuple ne
vous croire pas et restera fidèle à ses chefs
et à ceux qui l'ont toujours si bien servi.
Les hommes du pouvoir ont le peuple de
leur côté, et ils ont aussi pour eux l'autorité
ecclésiastique, dont vous vous servez comme
d'un masque contre la confédération. Tous
vos efforts, tout votre travail, ne réussiront
pas à ébranler la confiance du peuple dans
ses représentants. Vous parlez d'assemblées
publiques, d'opinion du peuple, de pétitions, etc. Mais pourquoi n'avez-vous pas
fait ces assemblées lorsque les membres
étaient chez eux, dans leurs comtés, lors- qu'ils pouvaient vous rencontrer? Vous
avez
attendu lâchement qu'ils fussent rendus
ici, et vous vous serves d'agents politiques
pour faire ces assemblées, comptant sur
un triomphe facile. Nous savons parfaitement—nous en avons la preuve—qu'il y a des
agents bien payés par un comité politique
de Montréal, et qui sont envoyés dans toutes
les paroisses pour faire des assemblées contre
la confédération, où ils donnent les raisons
les plus opposées et les plus contradictoires,
suivant les besoins du moment, pour parvenir
à leur but, qui est de faire prononcer le peuple
contre le projet, et de faire signer des requêtes,
On a vu des enfants signer ces requêtes, et
même des enfants à la mamelle, comme l'a
prouvé l'autre jour l'hon. député de Boucherville. (Ecoutez! et rires.) Et si l'on
a vu
cela, ces agents ont en faire quelque chose de
pis que nous ne connaissons pas, pour préjuger
875
le peuple contre le projet du gouvernement.
Eh bien! je dis que quand on voit tout cela,
quand on voit toutes ces menées et toutes
ces hypocrisies de l'opposition, tous les Canadiens doivent s'entendre pour appuyer
une
mesure juste, franche et sincère, comme celle
qui nous est aujourd'hui proposée. N'a-t-il
pas été dit, longtemps avant la réunion de
la chambre, que la question devait recevoir
une considération juste et froide? Et cependant, depuis que la discussion est commencée,
nous n'avons entendu que des appels aux
préjugés faits par les adversaires de la mesure,
au lieu de l'entendre discuter sur ses mérites,
comme ils devaient le faire. L'hon. député
de Richelieu (M. PERRAULT) est un de ceux
qui ont le plus fait de ces appels aux réjugés nationaux et religieux, et dans ce
but
il a cité des faits passés depuis longtemps,
des faits de l'histoire ancienne. Ces site, je
les connais, mais je n'aime pas qu'on vienne
les rapporter, comme il l'a fait, dans une
assemblée comme celle-ci: cela n'est ni politique ni juste. Notre devoir ici est de
faire
des lois pour le bien et la prospérité du pays
et de toutes les classes de la population, et
non pas de chercher à exciter les préjugés et
les haines d'une partie dela population contre
l'autre. (Ecoutez! écoutez!) Ensuite, quel
est le résumé du discours que vient de
prononcer l'hon. député de Drummond et
Arthabaska (M. J. . E. DORION),—à qui
l'on ne peut certes pas refuser des talents
oratoires et autres? Il se résume en une
comparaison faite entre notre gouvernement
et celui des Etats-Unis,—et nécessairement
il donne la préférence à ce dernier. L'hon.
député à toujours un œil tourné vers Washington: (Ecoutez! écoutez!) Il devrait nous
dire franchement de suite qu'il désire l'annexion du Canada aux Etats-Unis, parce
que le gouvernement américain est un gouvernement extraordinaire, un gouvernement
modèle, un gouvernement qui n'a pas d'égal
dans le monde, si l'on en croit l'hon. député.
Mais non! Au lieu de nous dire franchement
toute sa pensée, il fait des insinuations et
des comparaisons entre les dépenses occasionnées par les deux formes de gouvernement,
afin de laisser quelque chose dans
l'esprit du peuple. (Ecoutez! écoutez!)
Un autre membre de cette chambre, qui n'a
pourtant pas l'habitude de faire appel aux
préjugés religieux ou nationaux du peuple,
l'hon. député de Bagée (M. LAFRAMBOISE,)
a cru de son devoir, ce soir, de mêler sa voix
au concert de l'opposition à ce sujet. Il
nous a cité un fait qui vient d'avoir lieu à
Toronto, et que tout le monde regrette, pour
s'en faire un argument contre le projet de
confédération soumis par le gouvernement.
Pourquoi venir jeter ce fait dans la discussion d'une grande question et dans un
moment aussi solennel? Je dois dire que
cela n'est guère honorable pour un ex- ministre de la couronne, de venir nous
dire: " Voici deux sœurs de Charité qui
ont été insultées dans les rues de Toronto:
ergo, il n'y aura plus de sœurs sous la
confédération, et le clergé va être persécuté
et la religion anéantie." Mais ce langage est
trop tardif; ces protestations de dévouement
à la religion et au clergé viennent trop tard,
pour être crues par le peuple du Bas-Canada
et faire impression sur lui. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu (M. PERRAULT)
a aussi lancé des insinuations contre
l'hon. président du conseil (M. BROWN), et
a dit qu'il était toujours aussi fanatique
qu'autrefois contre notre clergé et notre religion. Certainement, le président du
conseil
a eu tort de parler comme il l'a fait autrefois, lorsqu'il était dans les rangs de
l'opposition; mais combien les rouges n'avaient-ils
pas lus tort de le supporter alors? Les
membres de l'opposition nous reprochent
aujourd'hui de supporter le président du
conseil et nous blâment pour des choses que
nous n'avons faites. Nous, nous blâmions
le président il conseil parce qu'il attaquait
notre clergé et qu'il insultait aux choses que
nous respectons le plus; nous le combattious
de toutes nos forces; mais, pendant ce terme,
l'opposition le supportait et approuvait tout
ce qu'il disait. Le peuple sait cela parfaitement,—il connait et apprécie la différence
qui existe entre nos motifs et les vôtres dans
l'appui que nous donnons au député de
South Oxford, et vous ne le tromperes pas.
Le peuple vous dira: " Faites vos preuves,
et si vous valu mieux que ceux que vous
attaques et combattu, nous vous accepterons." Quel crime l'opposition nous reproche-
t-elle aujourd'hui? Après des luttes nombreuses et acharnées, et deux élections générales,
il était devenu impossible à aucun
parti de gouverner le pays. Le peuple était
fatigué de tout cela et voulait que ça change.
C'est alors qu'une coalition eut lieu entre les "
deux partis qui formaient la majorité dans
chaque section de la province. L'opposition
ne devrait pas blâmer cette alliance, mais au
contraire elle devrait continuer à donner son
appui t l'hon. député de South Oxford (M.
876
BROWN), puisqu'il s'allie à l'hon. procureur- général du Bas-Canada pour trouver les
moyens de faire fonctionner le gouvernement
et de faire disparaître les difficultés dans
lesquelles nous sommes placés. On a dit que
les délégués à la conférence de Québec
n'étaient pas autorisés à préparer un plan
comme celui qui nous est soumis; mais
peut-on nier le droit du gouvernement de le
faire? Les ministres ont préparé un plan
qu'ils nous soumettent, et la question n'est
pas de savoir s'ils étaient ou non autorisés à
le préparer, mais si ce plan est bon, s'il
mérite l'approbation du peuple, et s'il est
dans l'intérêt des provinces. C'est à nous
de le dire, et c'est tout ce que nous avons à
dire; mais il n'est pas juste de reprocher
aux membres du gouvernement, qui ont pris
sur eux de faire leur devoir dans le but de
tirer le pays de ses difficultés,—il n'est pas
juste de leur reprocher d'avoir travaillé jour
et nuit à cela, et de leur dire qu'ils n'avaient
pas le droit de faire ce qu'ils ont fait.—Nous
avions le droit de nous attendre à une discussion sérieuse du plan du gouvernement;
mais non, nous n'avons eu rien de cela, nous
n'avons eu que des attaques personnelles, des
appels aux préjugés, et un travail extérieur
et sourd contre le projet. Ainsi, l'on fait
des suppositions et des insinuations contre
celui-ci et contre celui-là. On suppose à
l'hon. procureur-général du Bas-Canada le
désir de devenir gouverneur, à un autre
l'on attribue le désir de devenir juge
d'une cour fédérale, et à chaque membre
de cette chambre favorable au plan du
gouvernement le désir de gagner de l'argent, ou des places, ou des encours, pour
trahir et vendre la cause du peuple. Cela
n'est certainement pas juste, et toutes ces
suppositions ne sont fondées sur rien du
tout. Ceux qui les font ne peuvent appuyer
leurs assertions d'aucune preuve, et, par conséquent, ils feraient bien mieux de s'en
tenir
à la discussion calme et raisonnée de la
mesure. (Ecoutez! écoutez!) D'autres
membres se sont servis pour combattre le
plan du gouvernement et le discréditer aux
yeux du peuple, du nom d'un homme honorable qui vit aujourd'hui retiré dans la vie
privée. L'hon. député de Bagot (M. LAFRAMBOISE) nous a dit que M. C. S.
CHERRIER, de Montréal, était fortement
contre le projet de confédération, et que
son opinion devait avoir un grand poids
parce que c'est un homme dévot. Mais, je
vous le demande un peu, M. l'ORATEUR,
qu'est-ce que la dévotion a à faire dans une
discussion comme celle-ci? Je dois dire que
j'ai été peiné d'entendre un pareil langage
de la part de l'hon. député de Bagot, car il
n'a pas l'habitude de se servir d'arguments
comme celui-là. Il est vraiment étonnant de
voir le parti qui voulait reléguer les prêtres
dans la sacristie et leur défendre toute
opinion politique, se servir de la dévotion
de M. CHERRIER comme d'une arme pour
combattre la confédération. (Ecoutez!
écoutez!) Mais d'où vient donc la grande
agitation que fait l'hon. député d'Hochelaga
(M. A. A. DORION) dans la chambre et dans
le pays, depuis que le parti conservateur
est allié au président du conseil? Ne se
souvient-il pas qu'il a toujours vécu du
souffle de cet hon. membre tant qu'ils ont
marché ensemble, et quel crime voit-il à ce
que d'autres marchent avec lui? Ne se
souvient-il pas que son gouvernement, que
le gouvernement de l'hon. député de Cornwall (M. J. S. MACDONALD), ne vivait que
de sa volonté, — que le président du conseil
le flagellait au moindre écart, et que quand il
menaçait tout rentrait dans l'ordre? Aujourd'hui vous parlez des grandes dépenses
de la
province; mais ce ministère dont vous faisiez
partie, et qui promettait monts et merveilles
au pays, qu'a-t-il fait? On le sait, et ce
n'est pas à vous à parler de dépenses extravagantes. On crie: " $40 par tête! " On
ne dit pas, il est vrai, que si la melasse est
si chère, c'est la faute à CARTIER et à J. A.
MACDONALD, (rires), mais on crie partout
qu'ils veulent ruiner le peuple, augmenter
les taxes et contracter de nouvelles dettes à
n'en jamais sortir. Pourtant, les hon. messieurs de l'autre côté ont été au pouvoir,
et malgré toutes les déclamations qu'ils
faisaient contre l'énormité des impôts et
l'extravagance des dépenses, ils ont bien été
obligés de respecter les droits de douane et
de mettre le gouvernement responsable en
opération; ils ont bien été obligés de rengaîner leurs discours d'autrefois en entrant
dans le giron du gouvernement! Mais ils
n'y ont pas été asser longtemps pour se corriger tout-à-fait, et aujourd'hui qu'ils
ont
perdu le pouvoir, en les voit recommencer
leurs criailleries. L'on voit les hon. députés
de Chateauguay et d'Hochelaga, qui autrefois avaient aussi leur plan de confédération,
combattre le plan du gouvernement parce
qu'il n'est pas proposé par eux, et s'opposer
à toute mesure de défense du pays. Ces
messieurs disaient par la voie de leur organe,
877
le
Pays, que si l'Angleterre veut garder
le Canada, qu'elle paie pour sa défense.
Aujourd'hui, on ne le dit pas aussi ouvertement, mais on vante les richesses des
Etats-Unis; on fait valoir le nombre de
leurs canons, de leurs flottes et de leurs
armées, pour faire voir qu'il est inutile
pour nous de chercher a nous défendre
en cas d'attaque, et pour porter le peuple à
tirer la censé uence qu'il vaut mieux pour
nous ne rien de dépenser pour organiser notre
défense. Quand le gouvernement CARTIER- MACDONALD a été renversé sur une question
de loyauté envers le gouvernement impérial,
toute l'opposition a voté contre le principe
de l'organisation de la milice pour notre
défense. Alors, les chefs de l'opposition
ont voté sans scrupule contre la milice;
mais deux ou trois jours après, lorsqu'ils
eurent remplacé ceux qu'ils venaient de
renverser, ils votaient aussi sans scrupule
et sans hésitation $300,000 pour organiser
la milice. Ils nommèrent des instructeurs
par tout le pays, parce qu'ils avaient appris
qu'il fallait faire uelque chose pour le gouvernement impérial, comme sujets britanniques.
Aujourd'hui, ils agissent encore
çomme ils agisssaient alors, et veulent encore
jouer double. Ils ne veulent pas de confédération, mais ils admettent qu'il faut un
remèdc aux difficultés sectionnelles, dont
personne ne peut nier l'existence. Cependant,
ils ne veulent pas nous dire quel remède ils
proposent a ces difficultés; ils veulent le
garder pour eux-mêmes etlo tenir au fond
de leur esprit, comme ils l'ont fait pour ce
fameux budget de l'hon. député de Chateauguay, qui evait nous faire sortir de nos
difficultés financières, lorsqu'il était ministre
des finances, mais qui n'a jamais vu le jour.
Dix-huit mois n'ont pas suffi pour faire sortir
l'enfant! (Ecoutez! et rires.) Si le gouvernement ne réussit pas à faire accepter
son
plan par toutes les provinces, au moins il
aura tenu en parole et gardé la foi due à un
traité solennellement conclu entre les différentes provinces de l'Amérique Britannique
du Nord. L'hon. député de Chateauguay
(M. HOLTON) nous a dit qu'il avait reçu
une dépêche télégraphique dans laquelle on
l'informait positivement que le peuple des
provinces d'en-bas ne veut pas de la confédération, et qu'il s'est prononcé contre
dans
le Nouveau-Brunswick. Mais qu'est-ce que
cela veut dire? Devons-nous pour cela rejeter aussi le projet du gouvernement? Est-ce
que nous ne sommes pas liés à ce projet par
la parole de nos ministres? Non! nous
tenons à ce grand projet de confédération,
et nous n'avons pas besoin de petits plans
comme les hon. messieurs de l'autre côté
voudraient en proposer—de même qu'ils
voulaient faire nommer de petits juges et
diviser le Canada en petites parties. L'opposition a appris au peuple, il est vrai,
à se
défier de cette grande mesure, en touchant
à la corde des taxes directes et en disant
que le Canada sera obligé de se taxer pour
acheter les terres des provinces d'en-bas et
les défendre. Elle espère par ce moyen
gagner la confiance du peuple et revenir au
pouvoir; mais si elle y parvenait, elle serait
obligé de faire plus tard, comme elle l'a déjà
fait, ce u'elle condamne aujourd'hui et ce
ne les hommes du pouvoir actuel veulent
aire dans les intérêts du peu le; elle serait
obligée d'organiser la défense du pays comme
le gouvernement le propose et comme les
autorités impériales le désirent. Aujourd'hui, nous n'avons à choisir qu'entre deux
alternatives: ou il faut nous annexer aux
Etats-Unis, ou il faut respecter les volontés
de l'Angleterre et accepter la confédération avec toutes les provinces. Si nous
ne voulons pas de la confédération ni de
l'annexion, il faut rester tels que nous
sommes et continuer it nous battre avec le
Haut-Canada, et pendant ce temps le peuple
restera derrière sa charrue, les affaires ne
mareheront pas et la dette augmentera par
millions. (Ecoutez! écoutez!) Depuis quelques jours, M. l'ORATEUR, nous entendons
faire des discours sentencienx aux bon. messieurs de l'opposition, qui font constamment
appel aux préjugés religieux et nationaux de
la population du Bas-Canada, pour combattre
le pan du gouvernement. Ils nous font
des tableaux qui t'ont vraiment peine au
cœur. On dit aux rotestants qu'ils vont
perdre leurs droits dans le Bas-Canada, à
repos de l'éducation de leurs enfants, avec
à confédération; et, d'un autre côté, on
dit aux catholiques que leur religion est en
danger parce que le gouvernement fédéral
aura le droit de véto sur toutes les mesures
du gouvernement local. Mais il faut nécessairement que ce droit de véto existe quelque
part, afin que la minorité puisse étre protégée contre les injustices que pourrait
tenter de commettre la majorité à son égard
Nous ne pouvons pas espérer avoir la majorité dans le parlement fédéral, quand
nous, Bas-Canadiens-Français et catholiques,
ne l'avons jamais eue dans l'union actuelle
878
des deux provinces, et, cependant, nous n'avons qu'à nous féliciter de nos relations
avec les habitants des autres origines et des
autres religions. La question du divorce
de M. BENNING est une preuve que nous
sommes en minorité dans la législature actuelle, car les protestants ont tous voté
pour
ce divorce, et les catholiques contre, et les premiers l'ont emporté. Les catholiques
ont donc
tort de crier qu'il faut se réunir pour faire
triompher nos idées religieuses et la nationalité canadienne-française. C'est vouloir
exciter les protestants et les Anglo-Canadiens
à faire la même chose, et alors nous tomberions dans un état d'anarchie pire que
jamais. Un soir de la semaine dernière,
vers minuit, un hon. membre de cette
chambre, un ex-ministre-l'hon. député de
Cornwall (M. J. S. MACDONALD)—s'est
oublié et a cherché à allumer les passions
et les haines religieuses; mais je suis heureux de dire qu'il n'a pas réussi dans
sa
tentative, et que catholiques et protestants
ont méprisé ses appels fanatiques et n'y ont
pas répondu. Après avoir entendu cela,
peut-on croire à la réalité de toutes ces
alarmes lancées dans les journaux, dans la
chambre et dans le pays? Non! il est impossible d'y croire et de ne pas voir que
tout cela n'est que de l'hypocrisie faite pour
soulever les préjugés du peuple. (Ecoutez!
écoutez!) On a dit encore que l'usage de
notre langue était en danger et que les lois
françaises allaient disparaître avec la confédération. Mais ne sait-on pas que nous
devons la protection de nos lois françaises à
l'hon. procureur- général du Bas-Canada, et
le code civil, qu'il vient de nous soumettre,
n'est-il pas une réponse suffisante à tout ce
qu'on dit à ce propos? Les lois françaises
seront maintenues et respectées dans le Bas- Canada, et nous le devrons à l'hon. procureur-général
(M. CARTIER.) Nous aurons
un statut pour assimiler la loi de la preuve
en matière commerciale, dans le Bas-Canada,
mais les lois françaises ne seront pas abolies.
S'il y a un homme dans le pays qui ait véritablement le sens légal, et qui connaisse
parfaitement les lois et les statuts du Bas- Canada, cet homme est certainement l'hon.
procureur-général du Bas-Canada, GEORGE
ETIENNE CARTIER. Personne ne peut lui
refuser cela, et il n'y a pas un homme qui
puisse lui faire compétition sous ce rapport.
(Ecoutez! écoutez!) Pourquoi venir dire
que notre langue va disparaître et que son
usage va être aboli dans la législature fédé
rale? Est-ce parce que l'on est obligé de
mentir pour combattre le projet du gouvernement, et que l'on n'a pas de raisons véritables
à lui opposer? Quand on se noie, on
se rattache à toute espèce de planche—et
c'est ce que fait aujourd'hui 'opposition.
Mais elle devrait être juste et reconnaître
que nous aurons notre code, qui nous garantira le maintien de nos lois dans le Bas-
Canada, comme l'acte impérial nous garantira l'usage de notre langue. —Pourquoi
aussi toujours amener des questions personnelles dans cette discussion? On dit:
"CARTIER fait ceci parce qu'il veut être
gouverneur."
M. GEOFFRION—Ecoutez! écoutez!
M. DENIS—L'hon. député de Verchères,
qui crie " écoutez! " est un homme de trop
de talent et de trop de bon sens pour approuver
un pareil langage, et surtout pour employer
de pareils moyens. Il devrait laisser cela à
l'hon. député de Richelieu (M. PERRAULT),
qui nous dit en pleine chambre que la
majorité est vénale et servile. Un pareil
langage ne devrait pas être employé ici, par
respect pour nous-mêmes, et par respect pour
les Canadiens-Français de cette chambre.
Il est très inconvenant de la part d'un jeune
imberbe qui n'a pas plus d'expérience que
n'en possède l'hon. député de Richelieu, surtout lorsqu'il s'adresse à des hommes
de la
position, de la capacité et de la valeur de
l'hon. procureur-général du Bas-Canada.
Tous les partis s'accordent à dire que le
procureur-général est capable, honnête et
intègre; mais tous n'approuvcnt pas sa politique, et cela est parfaitement légitime.
Mais
cela n'est pas une raison pour laquelle on
doit l'attaquer dans son caractère privé et
lui prêter des idées qu'il n'a pas. On le dit
honnête et intègre, et cependant on lit sur
les journaux qu'il veut vendre son pays, sa
religion et sa nationalité pour un titre ou
une charge de gouverneur. Vraiment, cela
est indigne! (Ecoutez! écoutez!) Les membres de l'opposition demandent un appel au
peuple au sujet de la question de la confédération. Mais, si vous l'aviez, vous verriez
jusqu'où vous iriez! Ces demandes d'appel
au peuple ne sont faites que dans le but de
servir une coterie qui dirait à ceux qui
voudraient discuter franchement la question
devant le peuple: "Taisez-vous et votez
contre le gouvernement!" C'est ce que
lon a déjà essayé de faire au moyen des
assemblées qu'ils ont faites dans différents
comtés; mais je dois dire que dans le mien
879
ils n'ont pas réussi dans leurs menées. Ils
y ont envoyé trois agents, sous différents prétextes, qui ent cherché par tous les
moyens
possibles à faire prononcer le euple contre
le projet du ministère, mais ils n'y ont pas
réussi. Et pourtant, je suis le plus humble
de tous les membres de cette hon. chambre.
Mais comme je me trouvais à cette époque
occupé à plaider à la cour de Beauharnois,'
je me suis aperçu que ces agents avaient été
envoyés par le comté de Montréal, et j'ai pu
déjouer leurs petites ruses et leurs petits
plans. Ils ont essayé de faire de petits
discours et de petites assemblées, mais
comme j'étais n, ils n'ont pas pris.
Mais cela fait voir quels moyens ont été
émployés par les partisans de l'opposition
pour monter le peuple contre le projet de
confédération. Je ne les en blâme pas trop,
parce qu'ils veulent naturellement faire
triompher leur parti, et ils emploient ces
moyens comme ils en emploieraient d'autres
—bien qu'en réalité ils se soucient de la
sainte cause de la nationalité et de la religion
comme de l'an 40. (Ecoutez! et rires.) Je
me rappelle ce qui se faisait et ce qui se
disait autrefois dans l'Institut-Canadien de
Montréal,—et je constate avec plaisir que la
conduite actuelle des membres de l'autre
côté de la chambre, qui appartiennent à cet
Institut, est une protestation contre ce qu'ils
ont fait dans l'Institut,—où nous avons vu
des Suisses venir prêcher la tolérance religieuse. On disait alors: " Il faut marcher
avec son siècle!" et on lisait la
Pucelle!
(Ecoutez! écoutez!) Aujourd'hui, le gouvernement ne s'occupe pas d'établir des
parlements annuels, comme le demandait
autrefois l'hon. député d'Hochelaga,—mais
il s'occupe de régler les difficultés du pays.
Il demande à chaque homme de talent de
l'aider dans cette tâche, en de faire un
meilleur plan pour nous faire sortir de ces
difficultés, et de le soumettre au pays. Mais
si ceux qui combattent le projet du gouvernement se contentent de faire de l'opposition
sans rien proposer de mieux pour le remplacer, que leur dira le peu le s'ils se présentent
à lui pour lui demander de prononcer
un jugement entre eux et le gouvernement?
Il leur dira: " Qu'avez-vous fait, qu'avez- vous donné en comparaison de ce ne les
ministres ont fait et donné?" Il leur demandera leur plan, mais ils le tiendront caché
avec le célèbre budget de l'hon. député de
Châteaugay, qui n'a pu éclore en dix-huit
mois. (Ecoutez! écoutez l) Nous savons
parfaitement que le plan du gouvernement
n'est pas parfait et qu'il a des défauts,
comme tous les plans faits par les hommes
ont des défauts. Par ma part, je l'admets
volontiers; mais il faut se rappeler que
c'est un compromis— et les messieurs de
l'opposition se donnent bien garde d'en
tenir compte et de le dire. Publiqnement,
ils disent que les Canadiens-Français vont
être noyés par l'élément anglais dans la
confédération, et qu'ils vont perdre leur
langue. Mais ne savent-ils pas que dans le
Haut-Canada la langue française s'est conservée aussi pure et aussi intacte que dans
le
Bas, partout où il y a un noyau de population
française un peu considérable? Ce sont les
membres de l'autre côté qui veulent nous
donner des leçons de protection pour notre
langue et notre nationalité!—eux, des annexionistes de cœur et d'action, qui vivent
toujours à Washington! Je ne veux pas
dire que ce soit un crime d'être annexioniste, mais qu'ils disent franchement qu'ils
le sont. Ainsi, l'hon. député de Châteauguay
(M. HOLTON) est plus
yankee que personne.
Il nous dit aujourd'hui qu'il n aime pas les
grandes entreprises; mais il me semble
pourtant que certaines grandes entreprises
n'ont pas fait de mal à sa bourse. (Ecoutez!
écoutez!) Pourquoi aujourd'hui vouloir empêcher le pays de marcher dans la voie du
progrès? Pourquoi vouloir empêcher l'étalissement de voies de communication qui
doivent nous permettre de garder les Canadiens-Français dans le pays? Vous oubliez
vos paroles et vos actes de la veille? Quand
il était assis sur les banquettes ministérielles,
l'hon. député de Châteauguay se levait à
tout propos et disait que nous étions une
opposition factieuse, une opposition épouvantable, parce que nous ne laissions pas
faire au gouvernement tout ce qu'il voulait.
Mais aujourd'hui il ne trouve pas qu'il fait
une opposition facticuse,—lui qui s'est levé
cinquante-cinq fois dans le cours de cette
discussion, et qui tranche toutes les questions comme on tranche du beurre frais.
Il
dit aujourd'hui que le gouvernement veut- étouffer la discussion, veut empêcher les
membres de l'opposition de parler,—et il a
parlé cinquante-cinq fois! L'hon. député de
Lotbinière (M. JOLY) nous disait, l'autre
jour, ne le peuple est dans la torpeur, et
qu'il allait le réveiller. S'il est dans la
torpeur quelque part, ce n'est toujours pas
dans le Bas-Canada; mars, s'il l'était, il
s'éveillerait certainement en voyant tous les
880
beaux discours des hon. membres de l'autre
côté de la chambre, et en voyant avec quelle
force ils s'élèvent contre le divorce, avec
quelles ferveur ils veulent conserver les liens
dee la famille! Ces messieurs nous disent
bien haut que nous ne devons pas voter
pour le divorce; mais ils n'ont pas besoin
de nous le dire: tous les catholiques savent
parfaitement que leur devoir est de voter
contre le divorce. Nous savons ne les lois
du parlement ne peuvent prévaloir contre
celles de l'Eglise. Aussi, nous ne votons pas
pour le divorce parce que nous votons pour
le projet de confédération; et les déclarantions des députés de l'autre côté de la
chambre à ce sujet ne peuvent être crues
par personne. Personne ne demande non
plus que l'on décrète une loi our permettre
aux magistrats civils de célébrer les mariages, et tout ce que dit l'opposition à
ce
propos n'est qu'une tempête dans un verre
d'eau. Dans tous les cas, nous pouvons nous
féliciter de la conversion des hon. membres,
et maintenant ils n'ont plus qu'à toujours
dire la vérité, et leurs fautes passées leur
seront pardonnécs. Cependant, quoiqu'ils
se fassent les protecteurs de la religion et
de la nationalité, il est évident que le peuple
ne croit pas encore bien fermement à leur
conversion et qu'ils n'ont pas encore la confiance du pays, car, autrement, le projet
du
gouvernement est assez nouveau et assez
peu compris qu'ils auraient une chance de
revenir au pouvoir. Le peuple, en voyant
toutes leurs belles déclarations, va probablement penser qu'ils vont se rallier à
nos amis;
mais s'ils ne le font pas, il verra qu'ils ne
sont pas sincères, et alors tant pis pour eux.
En attendant, le peuple examinera le projet
qui nous est soumis et le jugera suivant ses
mérites, sans se laisser entrainer par les
appels aux préjugés et les insinuations des
hon. membres de l'autre côté de la chambre.
Je parlerai plus tard sur la question elle- même, mais je ne ferai pas comme l'hon.
député de Richelieu, qui nous a fait un long
discours au moyen de l'
Histoire du Canada
de GARNEAU, qu'il nous a lue presque d'un
bout à l'autre. Je ne ferai pas de menaces.
non plus, et personne de nous ne dira: " Si
les choses ne vont pas comme ceci ou cela,
on verra!" Dans un pays comme le nôtre,
on ne dit pas: " On verra!" C'est vouloir
créer inutilement de l'excitation parmi le
peuple, et tous les honnêtes gens, doivent
réprouver une pareille conduite. D'ailleurs,
quel est celui qui aurait la force de soulever
le peuple dans le moment actuel? Ce
n'est certes pas notre digne concitoyen, M.
CHERRIER, parce qu'il est trop paisible,
trop dévût et trop bon catholique pour dire
aux Canadiens de se lever et de combattre
le projet du gouvernement par les armes.
Non, il leur dira plutot de respecter l'autorité et de réclamer s'ils se croient lésée.
parce qu'il sait qu'il vaut mieux respecter
son père que de le battre. Quant à M.
PAPINEAU, cet homme distingué a eu assez
de déboires dans sa vie pu lique, et il
regrette assez ses amis et compatriotes qui
sont tombés à St. Denis et ailleurs, pour ne
pas vouloir recommencer ce jeu-là. L'hon.
député de Bagot a reproché au procureur- général du Bas-Canada de s'être trouvé à
St. Denis et d'en être revenu. Aurait-il
préféré le voir couché parmi les morts et
mêler ses cendres à celles des victimes qui
y sont tombées?
M. DENIS—Vous lui reprocher d'avoir
fait cela quand il était jeune, et cependant
vous dites que vous feriez la même chose si
vous étiez assez forts pour l'entreprendre.
Cela n'est pas un raisonnement, et ce n'est
pas la ce que nous devons faire. Nous
devons dire a l'Angleterre ne nous tenons
à rester à l'ombre de son noble drapeau;—
que nous craignons nos voisins et que nous
désirons savoir ce qu'elle peut faire pour
nous. C'est à cet effet que nos ministres
doivent se rendre auprès du gouvernement
impérial; et si les négociations ne se terminent pas d'une manière favorable, alors
il
sera tema de se séparer et de chercher un
autre mode d'existence. La discussion a
pris une tournure trop personnelle, et nous
avons entendu des accusations et des insinuations contre celui-ci ou celui-là; mais,
comme l'opposition n'a rien à proposer de
mieux que ce que nous propose le gouvernement actuel, elle ne doit pas espérer que
les membres de ce côté l'appuient, dans le
seul but de renverser l'administration. Ces
messieurs de l'opposition demandent des
détails; mais on peut demander à leurs
chefs ce qu'ils suggèrent pour faire sortir le
pays des difficultés où il se trouve plongé.
Ils veulent le statu quo. Mais qu'ils nous
proposent donc quelque chose de pratique!
Qu'ils disent donc ce qu'ils veulent et ce
qu'ils peuvent faire! Au lieu de cela, nous
ne leur entendons faire que des récriminations et des blâmes continuais. Ils demandent
881
pourquoi le gouvernement ne dit pas maintenant comment seront organisés les gouvernements
locaux; mais la réponse faite à
cette demande par le procureur général du
Bas-Canada est très juste, lorsqu'il leur a
dit que le gouvernement voulait savoir
d'abord si nous voulions de la confédération,
et qu'ensuite il proposerait les détails. Cela
est parfaitement juste, et il ne faut pas
embrouiller les cartes. Ecoutez! écoutez!)
Je ne veux pas parler plus longtemps maintenant; mais je dois dire, cependant, que
l'hon. député d'Hochelaga (M. A.A. DORION)
vient toujours à parler de l'énorme dette
nationale que créera la confédération. Pourquoi ne tient-il pas compte des raisons
qui
portent les provinces d'en-ben à refuser la
confédération? Est-ce parce que ces raisons
détruisent son argumentation? En effet, les
provinces d'en-bas disent que nos ministres
ont voulu trop obtenir pour le Canada, que
les charges qui leur seront imposées seront
trop fortes, et que leur alliance avec nous
les ruinera,—tandis que les hon. membres
de l'autre côté de la chambre disent qu'ils
ne veulent pas de cette alliance parce que
nous donnons trop aux provinces d'en-bas.
Ces provinces disent que la confédération
ne leur sera pas profitable parce qu'elles
seront obligées de payer pour les canaux, les
chemins de fer, et toutes les améliorations
du Canada, et qu'elles ne retirenient aucun
avantage d'une alliance avec nous. D'ailleurs,
ces provinces se trouvent aujourd'hui entre
les mains des agents des Etats-Unis, qui ont
à coeur de faire manquer la confédération,
parce qu'elle anéantirart leur commerce avec
ces provinces. C'est pour cela qu'ils ont
travaillé et réussi à faire perdre les élections
des partisans de la confédération dans le
Nouveau-Brunswick, comme ils feraient tout
on leur pouvoir pour faire manquer nos
élections ici, s'il y avait un appel au peuple
sur la question, parce qu'ils travailleraient
dans l' intérêt des Etats-Unis. (Rires à
gauche.) Je vois rire l'hon. député de Drummond et Arthabaska ...
M. DENIS—S'il y a un homme dans
cette chambre qui a débité des niaiseries et
qui a des idées étroites, c'est bien l'hon.
député de Drummond et Arthabaska,—lui
qui n'a jamais fait autre chose que travailler
à soulever et à nourir les préjugés de races,
—lui qui écrit de petites lettres pour faire
signer les requêtes contre la confédération
par les femmes et les enfants de son comté.
Quoique je n'aie pas a ma disposition, comme
l'hon. député, une petite gazette comme le
Défricheur,—qui n'a jamais rien défriché,
excepté lorsque l'hon. député d'Hochelaga
était procureur-général pour le Bas-Canada,
alors que l'hon. député savait parfaitement
défricher les annonces et les
jobs du gouvernement,—je puis parfaitement répondre
à l'hon. député. Il est vraiment risible
d'entendre un homme comme lui parler des
"niaiseries" des autres, quand on se rappelle
ses articles de journaux où il disait: " Paie!
pauvre peuple!—la melasse et le blé sont
chers!' et quand on se rappelle ce qu'il
disait du bill seigneurial et du bill municipal,
—ces deux mesures qui ont fait l'admiration
de tout le monde,—et du traité de réciprocité, qui devait, à l'entendre, faire tant
de
mal au pays, mais qui a fait tant de bien.
Ah! c'est bien toujours la même école!
Du moment qu'on ne pense pas commence
messieurs, on ne vaut rien, et tout ce que
l'on dit n'est que niaiserie. Ce sont de
véritables vierges folles qui n'ont plus
d'huile dans leur lampe.
M. DENIS—L'hon. député nous a dit
tout à l'heure que nous allions de l'extravagance à la folie. D'un trait de plume
il efface
toutes les sommités du pays pour dire que
ce ne sont qu'un tas de niais et de fous;—
mais je lui pardonne, parce que je crois
qu'il n'est pas compos mentis. Quant à ceux
qui se posent ainsi en défenseurs de la religion, nous attendrons, avant de les croire,
la
voix de ceux qui sont chargés de parler sur
le sujet; et pour la protection de notre
nationalité, nous écouterons les hommes qui
sont chargés par le peuple d'y veiller et de
la protéger, et nous ne suivrons pas des
hommes comme ceux qui opposent le projet
de confédération. (Applaudissements à
droite, et rires ironiques à gauche.)
M. POULIOT—M. le PRÉSIDENT:—Je
m'était proposé, avant d'enregistrer mon
vote sur les résolutions qui sont devant
cette chambre, de faire quelques observations
d'une manière plus étendue que je ne le ferai
maintenant. Car voici que la nouvelle créature qui devait naître pour sauver la patrie,
est morte lorsqu'elle n'était encore qu'en
embryon, par le choc violent qu'elle a reçu
au Nouveau-Brunswick, et si nous nous en
occupons encore, ce n'est certainement que
882
pour en débarrasser le sein de sa mère
qu'elle incommode beaucoup et qu'elle finirait par fair périr. Il ne nous reste donc
plus,
M. le PRÉSIDENT, qu'à. assister au
libera
et chanter
requiescat in pace (Rires.) Ce
que, je pense, tout le Bas-Canada chantera
avec bien du plaisir en remerciant la Providence qui, comme nous aimons à le reconnaitre,
veille d'une manière toute spéciale
sur notre cher Canada, de nous avoir préservé
de tomber dans l'abîme sur le bor duquel
nous étions,—et à charger les hou. messieurs
qui siégent de l'autre côté de cette chambre
à aller en Angleterre prononcer son oraison
funèbre. (Ecoutez! écoutez!) Mais, malgré
cela, M. le PRÉSIDENT, la position exceptionnelle où se trouve placé le comté que
j'ai l'honneur de représenter ici, comme
celle que l'on a voulu faire croire que
j'occupe moi-méme en cette chambre, en
disant que je ne représente pas l'opinion de
mes constituants sur cette grande question,
m'oblige, avant de voter, de faire voir
la situation particulière de mon comté,
et à démontrer qu'en votant comme je me
propose de le faire, je ne ferai que suivre
et exécuter les désirs des électeurs que je
représente. Je souhaiterais un plusieurs
des messieurs qui voteront ans un sens
contraire pussent en démontrer autant pour
appuyer leurs votes. (Ecoutez! écoutez!) Il
est bien vrai qu'il y a en dans mon comté
une assemblée convoquée par moi, en ma
double qualité de préfet et de représentant
du comté, et qu'à cette assemblée, il y a
ou un peu de bruit qui l'a empêché de se
prononcer sur la confédération; mais, M.
le PRÉSIDENT, il faut savoir que cette
assemblée avait lieu deux jours seulement
avant le tirage au sort, et qu'à cause de cela
on avait créé beaucoup d'agitation parmi les
jeunes gens qui ne sont pas même électeurs,
pour détourner l'attention de l'assemblée du
but pour lequel elle était convoquée; et l'on
sait, M. le PRÉSIDENT, que dans un comté
quelconque, il est toujours facile de trouver
un certain nombre de gens qui sont toujours
prêts à faire du bruit, pourvu qu'on leur
fournisse ce qui est nécessaire,—et c'est ce
qui a eu lieu. Mais, de uis, plusieurs des
paroisses se sont prononc es sur la confédération, comme on le verra par les résolutions
que je prendrai la liberté de lire à la
chambre:—
"A une session spéciale du conseil municipal de
la paroisse de St Arsène, dans le comté de Témiscoustadûmont convoquée par avis spécial
et public,
et tenue, en la dite paroisse de St. Arsène, en la
salle publique, lundi, le treizième jour du mois de
février, en l'année de Notre-Seigneur mil huit
cent soixante-et-cinq, conformément aux dispositions de l'acte municipal du Bas-Canada
de l860,
à laquelle sont présents: J. PRIME ROY, écuier,
maire, et messieurs François Dubé, J. BTE. Pelletier, Hector Roy, Germain Terriault,
Joseph
Roy et Olovie Bérubé, membres du dit conseil, et
formant un quorum; le dit J. Prime Roy, écuier,
présidant comme maire; et à laquelle sont aussi
présents un grand nombre des principaux citoyens
et électeurs de la dite paroisse;
"M. le conseiller François Dubé propose,
secondé par M. le conseiller Hector Roy:—
"Qu'il soit résolu, que ce conseil, considérant que le projet de confédération des
provinces britanniques de l'Amérique du Nord,
maintenant soumis à la législature, serait désavantagenx au Bas-Canada, croit de son
devoir de
prier J. BTE. Pouliot, écuier, membre du comté,
de faire tout ce qu'il pourra pour empêcher que le
projet en question soit adopté, ou du moins qu'il ne
le soit pas sans un appel au peuple de la manière
que lalégislature le trouvera le plus convenable.
Adopté unanimement.
"M. Clovis Bérubé propose, secondé par M.
Joseph Roy:—
"Que copie de la présente résolution soit de
suite transmise au dit J. BTE. Pouliot, écuier.—
Adopté unanimement.
"(Signé,) J. PRIME Roy, maire.
" " Elie Mailloux St. T."
J 'ai encore d'autres résolutions identiques, adoptées dans plusieurs autres paroisses
du comté, mais je me dis enserai de
les lire. (Ecoutez! écoutez!) Maintenant
M. le PRÉSIDENT, pour faire bien comprendre aux hon membres la position
particulière où se trouve placé le comté
que j'ai l'honneur de représenter, je leur
irai que, par quelque ligne que passe le
chemin de fer intercolonial,—s il est construit,—et j'espère qu'il se fera sans la
confédération,—il devra, dans tous les cas passer
dans toute l'étendue du comté sur plus de
cinquante milles; et ensuite encore être fait
pour une grande distance a travers uno forêt
Vierge, dont les habitants de mon comté se
trouvent les plus rapprochés. L'on sait, M.
le PRÉSIDENT, quels avantages retirent les
localités où des travaux aussi considérables
se font, d'abord pour la confection et ensuite
l'entretien, et l'on connait aussi tous les
autres avantages d'un chemin de fer pour
les établissements. Les habitants de mon
comté ont très bien compris tout cela, c'est- à-dire que, sous le rapport des intérêts
matériels, la confédération pourrait nous être
avantageuse, comme je le pense aussi moi- même; mais, néanmoins, ils ont aussi compris
qu'il en est des peuples comme des indivius,
883
que ce ne sont pas les plus riches qui sont
les plus heureux, et croyant la nationalité
canadienne-française en danger, si la confédération avait lieu, ils n'ont pas hésité
un
instant à se prononcer contre ce projet ' et
ils m'ont chargé de m'y opposer ici en Leur
nom comme leur représentant, de sorte qu'en
agissant comme je le fais, M. le PRÉSIDENT,
je ne fais que me rendre à leurs désirs.
EcouteZ! écoutez!) Je regrette, M. le
PRÉSIDENT, je dois le dire, que plusieurs des
messieurs avec qui j'ai marché et avec qui
je marche encore, aient autant appuyé qu'ils
l'ont fait leurs objections à la confédération
sur la confection du chemin de fer intercolonial. A entendre ces messieurs, on
croirait véritablement que le Canada se
termine ici à Québec, ou que la partie qui
se trouve au-dessous ne vaut pas la peine
qu'on s'en occupe. J 'invite ces messieurs à
regarder un peu plus attentivement la carte de
la province jusqu'à son extrémité inférieure.
— la Baie des Chaleurs et Gaspé,—et ils
verront qu'il s'y trouve encore un assez vaste
territoire et de bons terrains propres à la
colonisation, comme ils pourront aussi s'en
convaincre en jetant un coup-d'œil dans les
rapports de la colonisation. Ils verront, dis-je,
que si le chemin de fer était fait par la ligne
dite du major ROBINSON, mais non par le
Nouveau-Brunswick, comme le recommandent les résolutions qui nous sont soumises, nous
verrions avant en d'années
une immense population s'établir sur ce territoire, qui peut contenir plus de 100,000
lines; et lusieurs des messieurs qui s'oposent à la confection de ce chemin, qui
habitent des comtés où il n'y a plus de place
pour le surplus de la opulation, pourraient
l'engager à aller s'établir là, et ils n'auraient
pas lieu de le regretter. (Ecoutez! écoutez!)
Et, M. le PRÉSIDENT, outre les avantages
que ce chemin procurerait au commerce du
anada en général, il aurait pour effet immédiat, s'il était fait pour communiquer
au golfe
St. Laurent par Ristigouche, de donner une
grande impulsion à l'exploitation de nos
pêcheries, qui pourraient employer plusieurs
milliers de personnes de plus que celles qui
y sont employées aujourd hui. Cela aurait
l'effet de retenir et de ramener même nos
jeunes gens qui sont aux Etats-Unis. J'invite
les messieurs qui s'opposent à ce chemin de
se joindre à nous pour hâter sa confection,
qui sera l'un des meilleurs moyens de ramener
l'égalité de la population entre les deux provinces et de faire cesser ce cri si étourdissant
pour nous, Bas-Canadiens de la Rep. by
Pop. (Ecoutez! écoutez! et rires.) J'admettrai volontiers, M. le PRÉSIDENT, que
l'opinion paraissait d'abord favorable à la
confédération en bas de Québec, ou du moins
que l'on était disposé à la subir, parce qu'on
avait fait croire qu'il n'y avait plus de gouvernement possible, et que la confédération
était le seul moyen de régler nos difficultés;
mais je crois qu'elle est bien changée depuis
que les explications ministérielles sont connues. Car tout le monde s'attendait, comme
on le disait partout, qu'il y aurait des amendements,—que l'on connaîtrait comment
les
gouvernements locaux seraient composés, et
quelle serait la dette du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Avec ces quelques observations,
M. le PRÉSIDENT, je terminerai en
disant que je voterai contre les résolutions
pour me rendre et me conformer aux désirs
de mes constituants. (Applaudissements.)
M. J. J. ROSS—Je proposerai. M. l'ORATEUR, que le discours de l'hon. député soit
imprimé dans une brochure séparée des
débats officiels, et qu'il soit tiré à plusieurs
milliers d'exemplaires pour être répandu
dans le pays. (Ecoutez! écoutez! et rires.)
M. BIGGAR—Comme les résolutions au
sujet de la confédération excitent l'intérét
du pays à un haut dégré, je crois devoir
faire précéder de quelques remarques le vote
que je vais donner. Avant d'entrer en
matière, il me paraît nécessaire de définir
aussi brièvement que possible ma osition à
l'égard du ministère actuel et des deux gouvernements qui l'ont précédé. Lors de mon
élection en 1861, je déclarai à mes électeurs
que je n'avais pas la moindre confiance dans
le gouvernement CARTIER—MACDONALD
alors existant, parce que je croyais que ce
gouvernement avait ma administré les
finances et que c'était a ses extravagances
que le pays devait d'étre à la veille de la
banqueroute; j'ajoutai que si j'étais élu
député, je considérais de mon devoir de
voter non-confiance si ce vote était proposé.
Le bill de milice fût présenté aux chamreas
en 1862 par cette administration, et je le
votai dans la persuasion qu'il fallait ligiférer
sur ce sujet et parce que j'en approuvais le
principe. Quelques-uns de mes amis politiques, avec qui je marchais alors, m'en blâmèrent;
mais je les ai vus plus tard suivre
mes traces, et je les crois même aujourd'hui
disposés à aller un peu plus loin que je le
voudrais moi-même avec notre énorme dette.
Quoiqu'il en soit, je suis heureux de les
884
voir m'a prouver aujourd'hui de cet acte
passé. Le gouvernement fut battu sur ce
bill, et je n'accordai as non lus mon appui
à celui qui lui succèda, sous le nom d'a ministration MACDONALD-SICOTTE. J'avais
promis à mes électeurs que je défendrais la
question de la représentation d'après le
chiffre de la pepu ation et voterais contre
les écoles séparées; or, cette administration
ayant résolu de mettre de côté la première
de ces deux questions et d'introduire un bill
des écoles séparées je compris que j'aurais
à voter contre elle ors n'on {preposerait la
représentation basée sur le chiffre de la poplation en amendement à l'adresse. C'est
ce que
je fis: plus tard, lorsque M. SCOTT présenta son
bill des écoles séparées, je crus de mon devoir
de m'y opposer, suivant-ce que j'avais promis
à mes électeurs. Oe endant, ce ministère
fut renversé, et il lui en succéda un autre
dans lequel je vous conseillai d'entrer, M.
l'ORATEUR, ainsi que l'ex-maître des postes.
Je vous dis alors, M. l'ORATEUR, ainsi qu'à
l'hon. M. MOWATT, que je ne vous avisais
pas comme mes amis d'entrer dans le ministère sans croire de mon devoir de vous supporter,
et que si la question de la représentation était de nouveau proposée en amendement
au discours du trône, je voterais
contre cet amendement, me réservant d'expliquer mon vote à mes électeurs aux prochaines
élections générales et bien décidé à
rester chez moi si je n'étais pas approuvé.
Je crois-que le gouvernement fit bien de
résigner lorsqu'il vit qu'il ne pouvait faire
fonctionner avec avantage la chose publique,
et je résolus, lors de la formation du ministère
TACHE—MACDONALD, de lui laisser le champ
libre et de ne pas lui faire une opposition
déclarée s'il se trouvait appuyé de a majorité de la chambre. Cependant, lorsque la
reconstruction eût lien, je sentis que je ne
pouvais pas soutenir un gouvernement de
cette espèce, que l'influence démoralisatrice
d'une coalition de cette sorte détruirait tout
le bien qu'elle pourrait jamais faire et que
l'alliance était malheureuse. (Ecoutez!
écoutez!) D'ailleurs, je sentais que je ne
avais, après avoir voté non-confiance dans
les mêmes hommes le 14 juin dernier, pour
avoir mal à propos dépensé cent mille piastres
du trésor public, me présenter en chambre huit
jours après et déclarer qu'ils avaient mon
adhésion parce qu'ils avaient promis de
donner à l'hon. M. BROWN, pour lui et deux
autres membres du parti libéral, trois sièges
dans le cabinet, et cela lorsqu'ils n'avaient
rien fait autre chose, pour mériter ma confiance, que de déclarer qu'ils accorderaient
des changements constitutionnels,—lesquels
changements peuvent aussi bien qu'ils ne
peuvent pas avoir lieu. Je ne voulus pas,
cependant, leur faire d'opposition factieuse;
au contraire, j'étais disposé à appuyer toutes
les bonnes mesures qu'ils pourraient nous
offrir. Ce gouvernement s'abouoha en cette
ville avec des délégués des provinces du golfe
et combinèrent tous ensemb e les propositions
que nous discutons en ce moment. Ces propositions renferment à mon sens des principes
qui ne s'accordent pas avec les engagements que j'ai pris avec mes électeurs;
par conséquent, je ne saurais les voter sans
les voir soumettre au préalable au pays.
(Ecoutez! écoutez!) Je ne veux rien dire
ici du mérite de la mesure; je déclare simplement qu'elle contient des principes contraires
à ceux que je me suis engagé à
soutenir. Le
Globe a enseigné à mes électeurs que le chemin de fer intercoloniai, loin
d'offrir aucun avantage au pays, serait une
source de maux et qu'il ne serait utile ni
comme entreprise militaire ni comme entreprise commerciale. Au point de vue militaire,
en sait ne le chemin doit passer à vingt-six
milles des frontières des Etats-Unis, qui
peuvent l'intercepter quand ils le voudront;
au point de vue commercial, jamais il ne
pourra soutenir la concurrence avec les
communications par eau, sans compter ne
les neiges d'hiver viendraient en suspendre
complètement l'opération. Le même journal
nous a dit que le revenu de ce chemin de
fer ne suffirait même pas à payer la graisse
des essieux. (Ecoutez! écoutez!) Lorsque
je me présentait mes électeurs et que je
sur annonçai mon intention d'appuyer le
gouvernement MACDONALD-DORION, ils me
dirent que je ne devais le faire qu'avec
réserve, attendu que le ministère avant déjà
octroyé dix mille piastres pour l'exploration
du chemin de fer intercolonial. Je répondis
à cela que la meilleure garantie que je
pouvais eur donner du contraire était la
présence de M. A. A. DORION dans le cabinet,
qui-avait déjà résigné le portefeuille de secrétaire provincial dans le gouvernement
MACDONALD—SICOTTE parce qu'il refusait de
consentir à la construction du même chemin
de fer. Une autre question qui ne laissait
pas que de m'embarasser un peu, était celle
des écoles séparées. Mais l'hon. solliciteur- général actuel du Haut—Canada vint dans
mon arrondissement électoral, et dit aux
885
électeurs que j'étais responsable de la passation du bill des écoles séparées, attendu
que
j'avais appuyé la politique générale du gouvernement qui était l'auteur du bill, et
cela
bien que j'aie voté avec cet hon. monsieur
contre le bill du commencement à la fin. Je
pus néanmoins les satisfaire en leur déclarant
que je voterais pour rescinder les amendements faits au bill des écoles séparées présenté
par M. SCOTT. Or, comme les résolutions actuelles tendent à perpétuer les
écoles séparées en Haut-Canada, je sens
qu'elles sont contraires aux engagements
que j'ai contractés et ne je ne puis leur
donner mon appui. (Ecoutez! écoutez!)
Aussi, quelle n'a pas été ma surprise de
voir l'hon. président du conseil se lever pour
déclarer qu'il ne redoutait rien de la loi
actuelle des écoles séparées! Est-là le même
langage que tenait l'hon. monsieur en 1862?
Est-ce dans ce sens ne le bill a été discuté
par le
Globe en 1862, et en 1863? Qui ne
se rappelle la façon dont furent traités, dans
le
Globe de 1862, les treize députés qui
eurent le courage de voter contre la dernière
lecture du bill de M. SCOTT, alors que 95
députés votaient dans le sens contraire, et
quels avertissements furent donnés aux
députés d'être avant tout fidèles à leurs promesses, lorsqu'en 1863 le ministère MACDONALD—SICOTTE
fit passer la loi? Le Dr.
RYERSON, lui même, malgré les vingt années
de sa vie qu'il avait passées à compléter le
système d'éducation actuel, fut dénoncé par
le
Globe comme ayant déserté la cause des
intérêts du Haut-Canada, parce qu'il avait
consenti aux amendements proposés par le
bill de M. SCOTT. A ce sujet, je ne saurais
mieux faire que de rappeler d'autres paroles
de l'hon. président du conseil: —"Qu'il y
en ait un qui vote contre ces résolutions et
qui ose ensuite se présenter devant ses électeurs! " Eh! quoi, n'accordera-t-il pas
la
même liberté de penser au autres que celle
dont il jouit lui-même? (Ecoutez! écoutez!)
Pour ma part, je ne saurais me laisser influencer par aucune menace de cette espèce.
(Ecoutez! écoutez!) Ce n'est past à l'hon.
président du conseil que je suis responsable
de mes votes, mais au peuple qui m'a envoyé
ici, et je ne saurais être forcé à donner un voie
que je désapprouve. (Ecoutez! écoutez!)
Je ne sais si j'aurai jamais l'honneur de
représenter le comté que je représente aujourd'hui: cela importe peu; mais ce que
j'affirme, c'est que je ne saurais souffrir
aucune menace de la part de l'hon. monsieur.
Il me semble aussi qu'il devrait use souvenir
que son influence, dans Northumberland,
n'est pas ce qu'il croyait, et qu'en avril
dernier, lorsqu'il partit de Toronto pour
venir dans le Riding Ouest faire de l'opposition à l'hon. solliciteur-général, lequel
luttait contre un respectable habitant de la
campagne, il ne put l'empêcher, avec tous
ses discours, d'être élu à une très grande
majorité. M'est avis que si l'hon. président
du conseil avait su que deux mois plus tard
il siégerait dans le même cabinet que l'hon.
solliciteur-généra1, il aurait agi quelque peu
différemment. Quant à moi, malgré les
invitations pressantes qui me furent faites
d'aller faire de l'opposition à l'hon. solliciteur-général dans son élection, je voulus
lui
rendre le bien pour le mal et restai chez
moi. Je voulais permettre aux électeurs de
Northumberland Ouest de choisir qui bon
leur semblait pour député. D'ailleurs, autant que je puis en savoir, l'hon. solliciteur-
général a rempli les devoirs de sa charge à
la satisfaction du gouvernement et du comté
qu'il représente et, avec honneur pour lui.
Mon intention n'est pas de faire au ministère une opposition factieuse; j'appuierai
toute bonne mesure venant de lui; mais je
veux aussi qu'il comprenne, afin de bien
définir ma position, que je ne suis pas de
ses amis et que, si on venait à proposer une
motion de non confiance, je n'hésiterais pas
à la voter. (Ecoutez! écoutez!)
M. JACKSON—Je crois, M. l'ORATEUR,
devoir dire quelques mots sur la question
actuelle avant le vote, et je me propose
d'être bref, vu l'heure avancée. On a discuté la mesure sous plusieurs points de
vue; c'est d'abord l'hon. député d'Hochelaga qui s'y oppose, sous prétexte qu'elle
est trop voisine d'une union législative et
qu'elle nuirait aux priviléges que les diverses
populations de l'union exercersient dans
leurs localités respectives, et, si je me
rappelle bien, parce qu'elle mettrait en
danger la langue et la foi du Bas-Canada.
Une telle argumentation me parut insoutenable dans le temps, et je me réjouis alors,
comme aujourd'hui, que l'hon. monsieur
n'ait pas plus d'influence en ce moment
qu'un simple député. J 'admire ses capacités,
mais je regrette que dans des circonstances
comme celles-ci il ne se soit pas mis audessus des préjugés de localité et n'ait pas
eu des vues plus larges. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député de North Ontario (M. M. C.
CAMERON) s'est aussi eppesé au projet de
886
confédération, mais pour une autre raison
et avec des arguments tout-à-fait différents.
Chose assez singulière, il approuverait une
union législative et il désapprouve celle qui
est proposée. Il prétend que les provinces
du golfe, en se liguant avec le Bas-Canada,
commanderaient au Haut-Canada et placeraient celui-ci dans une position pire que
celle d'aujourd'hui. Je crus devoir l'interrompre alors pour lui demander si la même
coalition ne pourrait pas tout aussi bien avoir
lieu avec l'union législative qu'il admire,
attendu que celle-ei aurait également le
contrôle de tous les intérêts généraux importants. Sa réponse ma convaincu que
ses arguments ne reposaient sur rien, et il
me parut qu'il considérait comme trop certaine la coalition du Bas-Canada avec les
provinces du golfe contre le Haut-Canada.
Comment concevoir, en effet, que des hommes
réunis ensemble pour atteindre un grand
but pourraient être injustes envers une
partie du pays? (Ecoutez! écoutez!) En
supposant qu'une telle coalition fut possible,
il est bien plus rationnel de supposer qu'elle
se ferait avec le Haut-Canada, qui offre
plus d'avantages qu'aucune des parties de
la confédération. Mais, je passe à d'autre
chose de plus sérieux. La principale raison
pour laquelle il me semble devoir être opposé
à la mesure, est que les membres du gouvernement ne possèdent pas sa confiance. En
effet, il a rappelé les antécédents des ministres, de leur opposition d'hier, et a
conclu
qu'il était impossible qu'une telle union pût
produire quelque bien. Je crois, M. l'ORAteur, que personne ne niera qu'en jetant
les
yeux sur nos hommes publics de quelque
distinction, on ne trouve pas, qu'à un certain
moment de la vie, ils partageaient des opinions
qu'ils crurent nécessaire de modifier plus tard,
et qu'on n'a pas d'exemple qu'un gouvernement ait réussi sans avoir été formé au moyen
de concessions mutuelles. Il est nécessaire
dans les grandes circonstances qu'il y ait
union entre les deux partis pour le bien
public. Nous savons que ceux dont l'esprit
est ouvert à la conviction changent fréquemment, et qu'on ne doit pas rougir de conformer
sa conduite aux lumières qu'on
reçoit de jour en jour. L'hon. monsieur
n'ignore pas qu'on doit juger les actions
des individus non par leurs motifs qui
nous restent cachés, mais par le caractère
et le résultat de ces mêmes actions. C'est
ainsi que nous devons considérer la mesure
qui nous est présentée; nous devons l'exa
miner par nous-mêmes et, jusqu'à preuve du
contraire, reconnaître l'honnêteté et la sincérité de ses auteurs. Je me sens peu
de
sympathie pour ceux qui attribuent sciemment les actes des hommes publics à des
motifs dégradants, lorsqu'on cut très-bien
en faire remonter l'origine à de nobles sentiments et à des pensées élevées. C'est,
suivant moi, le devoir de tout esprit droit
d'attribuer à ces dernières causes la conduite
actuelle du gouvernement. Supposons, néanmoins, que les ministres se soient coalisés
pour
jouir de leurs charges actuelles et des
émoluments qui y sont attachés; il est
rare que les germes du mal atteignent leur
compet développement, et les professions
de foi patriotiques n'accusent pas toujours
l'absence de l'égoïsme, et celui-là connait
peu l'histoire qui n'a pas découvert que la
malhonnêteté politique non seulement n'a
pas toujours des conséquences fatales, mais
qu'elle a souvent été la cause du bien
public. L'hon. député de North Ontario
(M. M. C. CAMERON) a dit l'autre jour que,
sous la confédération, le Haut—Canada contribuerait pour plus ne sa part aux dépenses
du gouvernement fédéral, et là dessus il nous
a cité des colonnes de chiffres; comme je
n'en ai pas pris note, je ne saurais mettre en
en doute leur exactitude; mais il a oublié
un point important, c'est que sous la confédération il y aura uniformité de tarifs
pour
les diverses provinces, et que si l'on baisse
celui du Canada de façon à l'harmoniser avec
ceux des provinces du golfe, cette disproportion disparaîtra. Un hon. monsieur qui
a ensuite porté la parole et qui se trouve
absent aujourd'hui pour cause d'indisposition
l'hon. député de Brome (M. DUNKIN), a dit,
je crois, que les nations, les constitutions et
les gouvernements devaient leur origine au
pouvoir créateur à qui tout doit l'existence,
pensée qui se trouve si bien résumée par
ces paroles d'un écrivain célèbre:
there
is a divinity that shapes our ends, rough hew
them as we may. Il a ensuite mis en doute
la sincérité des hon. MM. CARTIER, GALT
et ROSS qui signèrent la dépêche de
1868, première engine de la conférence de
septembre dernier,—qualifié d'accidents les
phases intermédiaires par lesquelles a passé
la question, et fini par trouver mauvaise et
défectueuse chacune des clauses de la mesure.
Mais il semble que l'hon. monsieur ne
devrait pas, d'après ses propres principes,
critiquer trop sévèrement e gouvernement,
car ce dernier peut bien n'être qu'un ins
887
trument entre les mains de l'architecte
suprême. Il serait bien plus raisonnable
d'examiner d'abord la combinaison de la
conférence, et voir ensuite si elle repose
sur des principes justes et équitables, car
alors elle se recommande toute seule à
l'esprit et on ne peut manquer de l'adopter.
J'avoue que j'admire ce plan qui n'a pu être
mûri qu'au sein de délibérations attentives
et prolongées. La partie commerciale et
financière m'en parait aussi juste et équitable que possible, vu les circonstances.
D'ailleurs, tout le monde peut trouver des
défauts à n'importe quoi et il est bien plus
facile de détruire que d'édifier;—et tout
homme animé de ces dispositions peut tirer
les conclusions les plus baroques des inventions les plus célèbres du génie humain.
Et
puis, il n y a pas au monde de forme de gouvernement qui, tombant en mauvaises mains,
ne puisse produire de mal. D'un autre côté,
confiez à des esprits bien intentionnés et
patriotiques un gouvernement quelque peu
défectueux en lui-même, et vous le verrez
produire le bien de tout un pays: tant il est
vrai de dire que " celui—là est le meilleur
qui est le mieux administré." (Ecoutez!
écoutez!) Nul projet ne saurait être parfait; la chose est impossible. Il faut laisser
quelque carrière aux vertus politiques de
même qu'à l'exercice de la responsabilité
exécutive qui fait partie de notre forme de
gouvernement, car nos hommes publics ont
beaucoup de discrétion à exercer et il faut
s'attendre qu'ils en fassent usage pour le
plus grand bien de la société. J 'ai confiance
au ministère et je suis persuadé qu'il mènera
le projet à bon terme suivant les capacités
dont il dispose: je fais des vœux pour qu'il
en soit ainsi. L'hon. député de Lennox et
Addington (M. CARTWRIGHT) a fait dans
son discours d'aujourd'hui, lequel est aussi
remarquable que ceux qu'il a déjà prononcés,
quelques observations pleines de profondeur:
—on a senti qu'il avait étudié sérieusement la
question. Il a dit que le gouvernement
n'avait fait que mettre en pratique des conclusions deja tirées, car, a-t-il ajouté,
le
sentiment et l'opinion publics en étaient
arrivés au point de forcer le gouvernement
à suivre le courant et à tâcher de consommer
ce que le peuple lui-même arait commencé.
C'est la, je crois, M. l'ORATEUR, le vrai
point de vue philosophique auquel on doit
envisager la question. C'est pour moi une
vérité, de même que pour tous ceux qui ont
étudié l'histoire et surtout celle de l' Angle
terre, que les gouvernements qui agissent
avec le plus de sagesse sont ceux qui
profitent es circonstances du moment et
mesurent la législation sur les besoins réels
et les nécessités d'une société. Il ne s'agit
pas toujours de savoir ce qui est le mieux,
mais ce qui est le plus avantageux pour un
peuple, et mon idéal de l'homme public est
celui qui dirige en grande partie sa conduite
d'après les besoins du moment. Il est rarement possible de réduire en pratique les
propositions purement abstraites, et ce serait
folie de la part des membres du gouvernement que de vouloir aller contre le courant
populaire: la meilleure preuve de prudence,
d'habilité et de vues politiques qu'ils peuvent
donner d'eux, c'est de profiter des évènements qui se présentent pour conduire la
barque de l'état dans un havre sûr. L'hon.
député de Missisquoi (M. O'HALLORAN) a
prétendu l'autre soir que le pays étouffait
sous le poids de la législation; cela est vrai
jusqu'à un certain point, mais sans s'appliquer cependant à la question actuelle.
M'est
avis que nous ne sommes pas ici pour discuter
les actes passés du gouvernement, mais bien
pour examiner le projet mis devant nous, et
ce ne sera que bon sens, sagesse et gravité,
de notre part, que de l'étudier avec calme et
impartialité sans nous occuper d'autre chose.
(Ecoutez! écoutez!) M. 'ORATEUR, nous
franchissons en ce moment l'époque de l'enfance et nous entrons dans celle de la
jeunesse, dont nous devons accepter tous les
devoirs et la responsabilité. Nous devons
nous mettre à la hauteur de devoirs importants qui demandent de la discrétion et de
la confiance en soi-même. Il en est de la
société comme de la nature, nous devons
traverser diverses phases avant d'atteindre
l'époque de l'âge mûr. Il n'y a que deux
espèces d'êtres animés qui atteignent les
lieux élevés, les uns qui volent et les
autres qui rampent: en d'autres termes, les
oiseaux et les reptiles. Les premiers ne sont
jamais certains d'arriver et s'abattent souvent; les seconds, qui s'avancent à pas
sûrs
mais lents, atteignent invariablement l'éminence où ils veulent arriver. Il en est
de
même d'un peuple qui franchit d'un seul
bond la période de l'enfance à celle de
l'âge mûr, car il viole l'ordre et l'arrangement prescrits par les lois de la nature.
Les exemples des peuples qui ont ainsi dédaigné de traverser les diverses phases
d'existence ne manquent pas; mais cette
conduite les a empêchés d'acquérir cette
888
expérience si nécessaire à l'âge mûr, et que
le temps seul peut donner. J'espère donc
que nous ne commettrons pas cette faute,
mais que nous nous conformerons à la loi
de la nature qui procède par gradations, et
que nous traverserons les diverses phases
de notre existence politique de manière à
ce que nous apprenions à remplir les devoirs
de notre position avec confiance en nos
propres forces, à profiter des circonstances
et à montrer au monde que l'éducation que
nous avons reçue, durant la première époque
de notre existence, a été propre à faire de
nous un peuple vigoureux et prospère.
(Ecoutez! écoutez!) Cette façon d'envisager le sujet qui nous occupe en ce moment
est très importante, car on a dit que
la conclusion logique qui devait s'ensuivre
était notre indépendance. Pour ma part,
je ne pense qu'il n'y a rien de déloyal, ni
d'inconvenant à supposer qu'un jour le territoire de l'Amérique Britannique du Nord
sera le siège d'un peuple puissant et indépendant; je ne désire pas vivre assez vieux
pour le voir, mais je suis certain que
lorsque ce moment arrivera, l'Angleterre
ne mettra aucun obstacle à ce qu'elle sait
être la condition inévitable des choses, et
que le pays avec lequel nous sommes liés
par la politique, l'estime et l'affection, verra
sans jalousie la population de notre territoire
devenir aasez prospère et assez nombreuse
pour aspirer à l'indépendance. (Ecoutez!
écoutez!) Les circonstances, M. l'ORATEUR,
qui ont fait éclore la mesure actuelle, qui
réussira j'espère, sont telles que le gouvernement n'a pu ne pas les prendre en considération.
J'ai déjà parlé d'une de ces
circonstances en disant que nous franchissions en ce moment la période qui nous
sépare d'une position plus digne et plus
importante; mais qui peut ignorer que le
gouvernement de ce pays est, depuis quelque
temps, dans un état de transition, et que
c'est là le seul soulagement qu'il peut donner au pays la seule amélioration qu'il
ait
à proposer? Depuis longtemps déjà, et surtout depuis que je prends une part active
à
la politique, j'ai toujours, dans le cours de
mes diverses élections, déclaré que tout en
croyant que la représentation d'après le
chiffre de la population était un remède à
l'inégalité qui règnait entre les deux provinces, il me semblait néanmoins que l'union
fédérale de toutes les colonies anglaises de
l'Amérique du Nord me paraissait être la
seule conclusion légitime et convenable à
laquelle on finirait par arriver. C'est pourquoi, en votant la mesure actuelle, je
ne
ferai donc que mettre en pratique ce que
je désire depuis tant d'années et ce que je
crois nécessaire au pays. (Ecoutez! écoutez!) Cependant, il y a encore d'autres circonstances
qui me disposent favorablement
à l'égard du projet actuel du gouvernement.
C'est ainsi que la guerre des Etats-Unis, et
pendant un certain temps l'imminence du
démembrement de la république voisine, nous
firent songer sérieusement à la nécessité de
nous unir avec nos voisins des provinces du
Golfe. Qu'on veuille bien noter que je ne
dis pas que c'est la guerre américaine qui
est la cause du projet actuel, pas plus que je
ne prétends donner mon opinion sur cette
guerre elle-même: je crois que tous nous la
regrettons, et que nous nous réjouirons de la
voir se terminer et de voir de nouveau les
bienfaits de la paix visiter notre continent.
Je fais des vœux pour que nos relations
commerciales avec les Etats-Unis se continuent, qu'elles ne soient entravées par rien,
et que, le système des passeports étant aboli,
nous voyions encore nos rapports avec eux se
rétablir dans les mêmes conditions d'amitié
et de bonne entente que ci-devant. (Ecoutez!
écoutez!) La menace de l'abrogation du
traité de réciprocité n'entre pas pour au
dans le fort courant d'opinion qui s est
déclaré en faveur du projet de confédération,
car on espère par cette union ouvrir à nos
produits un nouveau marché qui échappera
à toutes les vicissitudes et les interruptions
qui caractérisent le commerce avec l'étranger.
Notre gouvernement embrassera un grand
territoire au sein duquel le commerce procurera des avantages à tous. Je ferai maintenant
observer le désir qu'ont exprimé les
principaux chefs du gouvernement et de
l'opposition dans toutes les provinces de
resserrer les liens qui déjà unissent celles-ci,
comme une autre raison pour nous de prendre
de suite les moyens de mettre cette union a
exécution. N'est-il pas, en effet, bien remarquable de voir que les hommes publics
les
plus capables, les plus sages, les plus expérimentés, les plus doués de patriotisme
dans
toutes les provinces,—des hommes que l'intégrité et les capacités avaient porté aux
plus
hautes fonctions dans lesquelles les avaient
maintenus pendant longtemps leur sagesse
et les qualités de leur administration,—n'est-il
pas étonnant, dis je, que tous ces hommes
ament tombés d'accord sur un projet comme
celui-ci sans qu'une seule voix discordante
889
se fit entendre? Aussi, ne puis-je m'empêcher de regarder comme un présage favorable
cette unanimité des auteurs d'une
constitution destinée à former un grand
peuple. Je regarde cette unité de sentiment
connue une autre raison qui doive nous faire
prendre les moyens de consommer une union
commencée sous des auspices aussi favorables,
et comme une preuve convaincante de la
sagesse qui a caractérisé les actes des différents délégués. Les personnages envoyés
pour représenter les provinces du golfe donnèrent entr'autres de grandes preuves de
capacité et d'idées politiques d'un ordre
supérieur; aussi, suis-je sûr que le pays
regrettera que ces hommes qui ont fait si
bonne figure dans la conférence, et qui occupaient des positions élevées, les aient
perdues
par suite de leur attachement au projet
actuel. Pour ma part, je portais un vif
intérêt à ces hommes et attendais d'eux
beaucoup pour l'avenir. (Ecoutez! écoutez!)
Ce sont des hommes d'une telle distinction,
qu'ils feraient honneur à n'importe quelle
législature, et j'espère qu'ils seront réintégrés
avant peu dans les charges élevées d'où on
les a si malheureusement fait descendre.
(Ecoutez! écoutez!) Il y a encore beaucoup
d'autres raisons que je pourrais faire valoir
comme recommandant le sujet à notre attention, mais je ne m'attacherai qu'a une seule
doutent parlé tous les orateurs défavorables à
la mesure qui m'ont récédé, et à laquelle on
ne manquera pas de faire jouer un rôle
considérable parmi les électeurs du Haut- Canada. Je veux parler de la question d'en
appeler au peuple sur la mesure par des élections générales ou par tout autre moyen,
afin
de connaître ses vues avant de voter définitivement le projet. Ayant visité, avant
la
Session, plusieurs cantons du comté que j'ai
l'honneur de représenter, j'exposai la chose
aux électeurs aussi bien que je le pus, et je
n'ai pas rencontré un seul d'entr'eux qui ne
soit convenu qu'il était du devoir du parlement de passer la mesure aussitôt que possible.
Il y eut même plus, car, en diverses
assemblées, il y eut des résolutions de proposées spontanément par des auditeurs,
me
donnant instruction d'appuyer le projet, et
regardant comme un malheur qu'on eût recours à des élections générales pour prendre
l'avis du peuple sur une question que les
neuf-dixièmes acceptent déjà. Mes électeurs
furent même si satisfaits du projet en général,
si convaincus de l'importance de le voir
mettre à exécution le plus tôt possible, que
je ne crains s de dire n'en votant comme
je vais le faire, je ne ais qu'exprimer le
sentiment de ceux que je représente dans
cette enceinte. Je suis donc disposé à voter
l'union projetée des provinces anglaises de
l'Amérique du Nord telle que combinée
dans les résolutions mises devant cette
chambre. (Ecoutez! écoutez!) Je prie la
chambre de ne pas croire que je vise à faire
le moins du monde le censeur; cependant,
je ne saurais m'empêcher de dire que plusieurs des discours qui ont été faits sur
la
question sont remplis de choses tout-à-fait
étrangères au sujet. Il peut y avoir sans doute
dans la mesure des détails que certains députés ne peuvent accepter, mais ou doit
savoir
qu'il est tout-à-fait impossible de combiner
un plan qui plaise à tout le monde ou qu'on
ne pourra pas critiquer et blâmer comme
plus défavorable à telle partie du pays qu'à
telle autre. Aussi, est-ce différemment qu'il
faut en juger;—il faut en examiner l'ensemble et voir s'il est calculé de façon a
produire le bien de tout le pays qui sera
compris dans la confédération. Il serait
absurde de supposer qu'on pût combiner un
plan également agréable à toutes les parties
d'un grand pays: ce n'est donc pas à ce
point de vue étroit et rétréci qu'on doit
juger d'une mesure. Certains parties du
pays pourront avoir à faire des concessions
et des sacrifices pour le bien de tous; or, il
importe qu'ils soient faits avec plaisir du
moment qu'ils ne sont pas trop lourds. Si
le Haut-Canada jouit de plus de richesse que
les autres provinces, qu'il n'oublie pas qu'il
n'en a que plus de responsabilité, et que s'il
est appelé a faire quelques sacrifices pour le
bien de tous qu'il prise très haut, il ne faut
pas qu'il croie, et personne ne croira non
plus, qu'il n'en recevra pas d'importants
avantages en échange, à d'autres égards. La
conciliation et les compromis sont essentiels
entre les intérêts contradictoires d'un territoire si vaste et ce n'est qu'à ce prix
seul
que nous pouvons rendre une union possible.
(Ecoutez! écoutez!) Une autre question
importante est celle des défenses du pays;
n'ayant aucune idée de la science militaire,
je n'en parlerai pas. Cependant, je ne
puis comprendre comment d'honorables
orateurs peuvent avancer de bonne foi et avec
conviction que l'union projetée n'accroîtra
pas nos moyens de défense. En vérité, de
telles propositions me paraissent des plus
étranges. Néanmoins, comme cette partie
de la question a déjù été amplement dis
890
cutée, et comme d'ailleurs je ne suis pas
versé dans l'art militaire, je ne crois pas
que mes paroles pourraient jeter beaucoup
de lumière sur le sujet. J'affirme donc, M.
l'ORATEUR, que j'entrevois dans cette union
les plus grands avantages our l'avenir du
pays. En premier lieu, elle aura l'effet de
rehausser notre idée de la grandeur et de la
destinée future de ces provinces et d'élargir
le cercle de nos aspirations. Elle ouvrira
ensuite une nouvelle carrière à la jeunesse
de ce pays en lui offront l'avantage de parvenir plus facilement à des postes distingués.
Le même avantage est réservé à la jeunesse
des provinces maritimes, et, en justice pour
ces dernières, je n'hésite pas à déclarer que
sous le rapport de l'esprit d'entreprise, de
l'industrie et de l'intelligence, elles ne sont
inférieures à aucune de celles qui doivent
former partie de l'union. Leur coopération
nous sera d'un grand prix, au point de vue
de la prospérité de ce pays, et, en nous
alliant à elles, nous ne tarderéns pas à voir
se développer et mûrir ces idées qui constituent la base des succès et du bonheur
d'une grande nation. (Ecoutez!) Et maintenant, M. l'ORATEUR, que j'ai parlé des
détails les plus importants qui, à mon avis,
doivent nous porter à accepter cette mesure,
je vais re rendre mon siège, ne désirant
pas voir ce ébat se prolonger plus longtemps;
ainsi donc, pour les raisons que j'ai énoncées
et comme conséquence de mon argumentation, je déclare que j'appuierai de mon vote
la motion présentée par l'hon. procureur- général du Haut-Canada, au sujet de l'adoption
des résolutions relatives à la confédération des provinces. (Applaudissements.)
M. McCONKEY—M. l'ORATEUR:— 'est
avec une grande hésitation que je me lève a
cette heure avancée de la nuit, mais je
croirais manquer à mon devoir et aux
obligations que j'ai contractées envers mes
commettants, si je laissais passer ces résolutions sans faire connaitre, au moins
en
quel ues mots, l'opinion que j'entretiens à
ce sujet. Or, pour atteindre le but que je
me propose, je n'irai pas, M. l'ORATEUR,
évoquer de souvenirs historiques, ou troubler les liasses poudreuses des journaux,
pour
constater les vues partaées par d'autres
hommes politiques; non, loin de là.; je me
bornerai à énoncer les idées que l'étude de
ce sujet a fait aurgir dans mon spirit. Mais
la tâche que j'entreprends est difficile, d'autant plus difficile que les arguments
pour et
centre la mesure ont été habilement et lon
guement développés par les membres de cette
chambre. Nous avons été, M. l'ORATEUR,
les témoins de grands évènements en Canada.
L'union en est un; et bien que, dans le cours
de ces dernières années, elle n'ait pas fonctionné à la satisfaction de tous, il n'en
est
pas moins avéré que sous cette union nous
avons grandement prespéré, surtout si l'on
songe que nous avons aujourd'hui une population de deux millions et demi. Nous avons
également grandi en richesse, en intelligence
et en tout ce qui constitue les éléments de la
puissance nationale. Mais des difficultés ont
surgi entre les provinces en conséquence de ce
que le Haut-Canada avait atteint un chiffre
de population et de prospérité bien supérieur
à celui du Bas-Canada; de là le cri de représentation d'après la population qui se
fait
entendre depuis dix à douze ans dans l'enceinte de cette chambre. Le Haut-Canada
prétendait, et avec justice, qu'on lui faisait
une position inférieure; qu'ayant une population excédant celle du Bas de prèsde 400,000
âmes, et contribuant environ les trois quarts
des revenus de la province, il avait droit de
se voir placé sur un pied d'égalité avec sa
sœur-province, et qu'il ne se déclarerait
satisfait que lorsque cette concession si équitable lui aurait été faite. Or, M .
l'ORATEUR,
malgré la justice de cette prétention, le Bas- Canada, avec autant de sincérité, j'ose
le dire,
et avec non moins de détermination, n'a pas
cessé de s'opposer à cette demande. De la
les luttes terribles qui se sont produites; de
là les trois crises ministérielles dont nous
avons été les témoins pendant les trois
dernières années. Les partis étant à peu-près
d'égale force dans cette chambre, le gouvernement du pays devint impossible; les
rouages en étaient arrêtés et les crises
rendues à l'état chronique. Mais, M,
l'ORATEUR, tout homme bien pensant n'avait
pas manqué de voir qu'il fallait absolument
chercher une solution à ce difficile problême.
Cet état de choses ne savait se perpétuer.
Aussi, après la défaite de son administration,
l'hon. procureur-général du Haut-Canada,
je me le rappelle encore, n'hésite pas à
avouer, en juin dernier, que le pays était
placé dans une situation très difficile, ajoutant
en même temps que le gouverneur-général
avait donné carte blanche au gouvernement,
et la faculté de dissoudre les chambres, s'il
le jugeait à propos, mais qu'il lui répugnait
de recourir à cette mrsure, parce qu'il était
évident que le résultat des élections ne
modlfierart aucunement l'attitude des partis;
891
mais il annonça qu'il avait eu une entrevue
avec l'hon. député de South Oxford
(M. BROWN) à la suite de laquelle il avait
cru à la possibilité de voir se terminer nos
luttes, et finit par proposer l'ajournement de
la chambre. Subséquemment, les membres
du gouvernement et le député de South Oxford convinrent de former le gouvernement
coalieé que nous possédons aujourd'hui.
Après aroir donné au sujet toute l'attention
dontj'étais capable, je me décidai à appuyer
ce gouvernement, persuadé que j'étais qu'il
pourrait régler les affaires du pays d'une
manière plus satisfaisante. Mais que l'on
veuille bien croire que de ce que je suis
favorable à ce gouvernement—, il ne suit pas
de là que j'approuve les coalitions en général.
Je prétends que dans un pays jouissant du
gouvernement responsable et du système
représentatif, il importe peu de savoir quelle
est l'opinion politique qui règne, tant qu'il
existe un parti puissant pour contrôler et
surveiller les actes de l'administration. Il
arrive donc, si les deux grands partis se
eoalisent, que la chambre perd son contrôle,
et que surgit le danger de voir naître les
abus et la corruption. Je ne désire cependant
pas que les ministres actuels croient que cette
observation s'applique à eux. Je prétends,
quant à eux, M. l'ORATEUR, que non seulement leurs intentions sont pures, mais qu'ils
sont, comme la femme de César, au-dessus
du soupçon. Mais si jamais un pays s'est
senti dans une nécessité de recourir à la
coalition, c'est bien le Canada. Je me réjouis
donc de voir que nous avions parmi nous des
hommes d'état, suffisamment désintéressés,
pour s'élever au-dessus des luttes et des
querelles de parti, dans lesquelles ils étaient
malheureusement engagés depuis si longtemps, et jurer de mettre un terme à toutes
nos difficultés nationales. (Ecoutez!) Je
suis aussi d'avis que nous devons remercier
la Providence d'avoir en un gouvernement
solide et en état de faire face aux complications survenues l'an dernier entre nous
et
les Etats-Unis. C'est à lui que nous devons
d'avoir pu décontenancer promptement les
démarches des maraudeurs, dont le but avoué
était de créer une difficulté entre l'Angleterre
et l'Amérique. (Ecoutez!) M. l'ORATEUR,
j'ai soigneusement et minutieusement étudié
les résolutions qui forment aujourd'hui le
tend de ce débat, et je déclare que bien que
certains des détails qu'elles contiennent me
répugnent, à un point de vue Haut-Canadien,
je n'en ai pas moins l'intime conviction
qu'elles ont été rédigées dans le but de
rendre justice à toutes les provinces. Personne ne peut les lire sans arriver à la
conclusion qu'elles sont le fruit de concessions
mutuelles. Nul doute, M. l'ORATEUR, que
les messieurs qui composaient la conférence
ont dû éprouver de grands embarras pour
faire un tout homogène de parties si multiples et si indéfinies. J'ai écouté avec
attention les discours des députés de la
gauche, et, jusqu'à ce jour, ils m'ont convaincu du fait qu'il leur était impossible
de présenter une mesure plus acceptable
que celle-ci; d'ailleurs, il n'eût pas été facile
de préparer un projet supérieur, si l'on
songe qu'il est le produit des intelligences
les plus fortes de l'Amérique Britannique.
(Ecoutez!) J'ai dit, M. l'ORATEUR, que
certains détails du projet me répugnaient,
et je répète que si le gouvernement eut
permis de proposer des amendements aux
résolutions, je les aurais certainement appuyés de mon vote; mais, d'un autre côté,
en face de la position critique dans laquelle
se trouve le pays, je déclare que je ne suis
pas prêt à rejeter le projet dans son ensemble. (Ecoutez!) Bien que je considère
que le chemin defer intercolonial soit
aussi nécessaire a la confédération projetée
que l'épine dorsale l'est à la charpente
humaine, néanmoins, quand je songe aux
extrangances et aux spéculations qui
ont marqué l'histoire du Grand Tronc, je
redoute pour mon pays les frais énormes
qu'occasionnemnt son fonctionnement et son
exploitation. Je n'entretiens pas, au sujet
de ce chemin, les espérances partagées par
certains membres de cette chambre, surtout
quand je l'envisage au point de vue commercial. Ce n'est onc que comme entreprise
militaire et que comme gage d'union entre
les provinces confédérées, qu'il saurait se
recommander à notre attention. L'on nous
a dit, M. l'ORATEUR, que le gouvernement
impérial a recu avis de l'intention du gouvernement des Etats-Unis d'abroger le traité
de réciprocité. A mon avis, ce sera un évènement déplorable pour le Canada, et j'ai
l'espoir que les membres du gouvernement
qui vont sous peu se rendre en Angleterre,
ne manqueront pas d'insister auprès du
gouvernement impérial sur l'importance
qu'il y a de le renouveler à des conditions
honorables. Tout en espérant que ce traité
sera continué, je ne partage cependant pas
l'opinion que son abrogation aurait l'efl'et
de nous lancer dans l'Union Américaine.
892
Je regrette beaucoup, M. l'ORATEUR,
d'entendre si fréquemment d'hon. députés
parler de l'annexion aux Etats-Unis. Les
ans nous disent que si la confédération
ne s'accomplit pas, il ne nous reste pas
d'autre alternative que l'annexion; d'autres,
que nous sommes sur un plan incliné et que
nous allons glisser dans l'abîme, et que l'abrogation du traité de réciprocité et
le rejet
des résolutions actuelles auront ce résultat.
Je n'en crois rien, M. l'ORATEUR, et je le
déclare, cette assertion constitue un libelle
à l'adresse du peuple canadien, qui est sincèrement loyal et profondément attaché
à la
mère-patrie, et ne désire pas le moins du
monde changer son existence politique.
(Ecoutez!) Mais je regrette que ces résolutions qui décrètent la construction du chemin
de fer intercolonial, ne soient pas aussi
explicites au sujet du développement des
régions de l'Ouest. Je n'hésiterais pas à
rejeter ces résolutions, si le gouvernement
n'avait pas donné les garanties les plus positives que ces deux entreprises marcheront
de pair, car je suis d'avis qu'il est de la plus
haute importante que l'on se hâte d'ouvrir
le Nord-Ouest a la colonisation et d'agrandir
nos canaux. (Ecoutez!) Je profiterai de la
présente occasion pour exprimer l'espoir que,
tout en améliorant nos canaux, le gouvernement ne perdra pas de vue la nécessité qui
existe de construire le grand canal de la
Baie Georgienne. (Ecoutez!) Résidant sur
les rives de cette baie, j'ai en l'avantage de
me convaincre que c'est la route la plus
avantageuse que nous puissions choisir pour
diriger vers ce pays le trafic de l'Ouest.
(Ecoutez!) J'ai donc l'espoir que le gouvernement prendra ce sujet en considération
quand il s'agira de l'amélioration de nos
canaux. C'est avec plaisir que je vois l'hon.
procureur-général du Haut-Canada prêter
une oreille attentive à mes paroles; j'en
augure qu'il ne manquera pas de donner à
ce sujet toute la considération qu'il mérite.
M. McCONKEY—Je n'hésite pas à
exprimer l'espoir que ces résolutions seront
mises à effet dans leur ensemble, et que
toutes les autres provinces viendront se
ranger sous la nouvelle constitution. Je
verrais avec peine le gouvernement anglais
chercher à les y contraindre, mais j'ai raison
de croire qu'avant que plusieurs mois ne
s'écoulent, elles comprendront l'avantage de
s'unir à nous, et qu'à un au de cette date,
nous formerons ensemble une vaste confédération de l'Amérique Britannique du Nord.
(Ecoutez!) Je suis persuadé que cette
union amènera la paix et le bonheur par
tout le pays, et que le Haut et le Bas-Canada
n'auront plus lieu de se jalouser du moment
qu'ils pourront administrer leurs affaires
locales à leur guise. Cette mesure assurera
toujours au Haut-Canada la justice qu'il
réclame depuis si longtemps,—la représentation basée sur la population,—car je suis
heureux de voir qu'elle nous est pleinement
concédée au moins dans la branche élective
de la législature. (Ecoutez!) J'approuve
cordialement la démarche prise l'autre jour
par le gouvernement en apprenant le résultat
des élections dans l'une des provinces maritimes. Lorsque je fus informé que les élections
du Nouveau-Brunswick étaient défavorables au projet, je ne savais réellement pas
ce qui allait advenir de la mesure, s'il fallait
l'abandonner ou songer it en adopter une
autre. Après avoir bien envisagé la question, j'en suis venu à la conclusion que le
gouvernement a fait preuve de sagesse, et
qu'il mérite des louanges pour n'avoir pas
tardé a prendre les démarches nécessaires
pour hûter la décision de cette affaire.—Il
est évident que nous ne pouvons par ajonrner
la question de nos défenses, non plus que
celle de nos relations commerciales avec les
Etats-Unis. Il faut de toute nécessité
placer le pays sur un bon pied de defense,
car nous ne saurions, tels que nous sommes
aujourd'hui, offrir une grande résistance à
l'agression étrangère; le gouvernement doit
donc veiller attentivement à ce que nous
soyions prêts à repousser toute tentative
d'envahissement, quand sonnera l'heure du
danger. (Ecoutez!) Dans le cours de ce
débat, l'on a beaucoup agité la question de
l'appel au peuple. Or, je maintiens que du
grandes révolutions dans les institutions
politiques d'un pays ne devraient pas s'opèrer
avant que de consulter le peuple. Mais si
l'on considère que dans le Haut-Canada au
moins, quatre-vingt-dix électeurs sur cent
sont favorables au projet, je déclare que l'on
n'a pas eu tort de ne as en appeler directement au vote popu aire. Quant à moi,
effrayé de la grande responsabilité que j'allais
prendre en votant ces résolutions, je dois
éclarer que je crus de mon devoir de convoquer des rassemblées dans mon comté et
de consulter mes eommettauts. Or, partout
ils se sont proncés en faveur du projet.
(Ecoutez!) L'on a bien objceté a certains
893
détails, mais dans son ensemble la mesure a
été jugée bonne et avantageuse. Ces assemblées étaient composées d'électeurs de tous
les partis, et les résolutions y furent proposées et secondées en plusieurs cas par
mes
adversaires politiques. Je ne pense pas
qu'il y eût plus de trois personnes, à toutes
ces assemblées, qui aient élevé la voix contre
la mesure. Bien plus, je puis dire que lors- qu'il fut fait mention d'un appel au
peuple,
l'opinion publique fut unanime à déclarer
que c'était la une précaution inutile, vu que
la mesure était généralement approuvée
d'avance. Le résutat fut que mes commettants m'engagèrent à appuyer les résolutions,
m'autorisant en même temps à y proposer
les amendements que je jugerais à propos,
si le gouvernement voulait y consentir.
(Ecoutez! écoutez!) Après en avoir conféré avec plusieurs membres du Haut- Canada,
j'ai constaté que nous n'étions pas
d'accord sur la composition du conseil
législatif. Je n'ai jamais approuvé l'innovation tentée par le gouvernement en 1855,
lorsque fut modifiée la constitution du couseil législatif. J'ai toujours cru que
c'était
un acte imprudent; aussi, n'ai-je pas hésité
à applaudir à l'opposition faite alors à cette
mesure par l'hon. président du conseil (M.
BROWN) et le député de Peel (l'hon. J. H.
CAMERON). Si ma position m'eût permis
de me joindre à ces messieurs, j'aurais contribué dans toute la mesure de mes forces
à empêcher un tel empiètement sur la constitution. J'approuve donc entièrement la
proposition énoncée à cet effet dans les
résolutions que nous discutons en ce moment, car il est constant que si la chambre
haute est appelée à prévenir la passation de
lois incompatibles et mal digérées par la
chambre basse, son droit de contrôle et son
autorité ne doivent pas émaner de la même
source. (Ecoutez! écoutez!) Néanmoins, je
suis d'avis depuis assez longtemps que l'on
pourrait fort bien abolir le conseil législatif
entiérement, ce qui opérerait une très
grande économie. Le succès de la mesure
actuelle dépendra beaucoup de la constitution des gouvernements locaux; car si l'on
peut arriver à un système qui rendra le
fonctionnement des gouvernements locaux
moins compliqué et moins dispendieux, la
prospérité de la confédération entière s'en
ressentira inévitablement. Je dois déclarer,
M. l'ORATEUR, que si je suis appelé à
prendre part dans la rédaction d'une constitution pour le Haut-Canada, je ferai tous
mes efforts pour y établir la plus grande
économie possible, et en éliminer tous les
accessoires inutiles que nous offre notre constitution actuelle. (Ecoutez!) Les gouvernements
des diverses provinces, quand il
s'agira de faire fonctionner le nouveau système et de poser les bases de la nouvelle
nationalité de l'Amérique Britannique du
Nord, assumeront une bien grande responsabilité; il est donc à espérer que l'économie
la plus stricte présidera à tous les arrangements qu'ils pourront adopter. (Ecoutez!)
Je ne suis pas un alarmistc, M. l'ORATEUR,
mais j'affirme qu'il est impossible de se
cacher que le pays se trouve actuellement
dans une crise commerciale bien grave. Je
diffère entièrement des sentiments énoncés
par d'hon. députés au sujet de la prospérité
générale du Canada, car l'état actuel des
choses est loin d'être ce qu'ils prétendent.
Les mauvaises récoltes des dernières années
ont plongé la population agricole et commerciale du Haut-Canada, dans une grande
gène; les cultivateurs et d'autres encore ne
peuvent s'acquitter des obligations qu'ils ont
contractées envers les marchands, lesquels
sont en conséquence incapables de faire honneur à leurs affaires, et le résultat en
est que
des centaines d'individus se voient forcés de
faire faillite; les succursales des banques
disparaissent graduellement des districts, et
leurs opérations diminuent de jour en jour.
Voilà, M. l'ORATEUR, des faits qu'il est
impossible de contredire. Toutes les branches
de l'industrie sont pour ainsi dire paralysées
et l'avenir du pays semble menaçant. Sous
ces circonstances, il devient du devoir du
gouvernement de s'appliquer à encourager
et développer les ressources industrielles de
notre province. Je ne dis pas que le gouvernement actuel se rend coupable de cette
faute, mais il est incontestable que les gouvernements de ce pays ont trop fréquemment
emprunté des banques les capitaux qui devraient rester dans la circulation générale
pour le bénéfice de notre commerce. Je
prétends que l'une des premières obligations
d'un gouvernement est de voir à ce que
l'industrie du peuple soit strictement protégée; j'implore donc nos gouvernants de
songer à la situation dans laquelle se trouve
actuellement le pays, et de faire tout en leur
pouvoir pour l'améliorer. Tout en déclarant,
M. l'ORATEUR, que la mesure actuelle contient des propositions que je n'hésiterais
pas à repousser si elles se présentaient raclement, cependant je ne les considère
pas
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assez importantes pour m'autoriser à rejeter
le projet qui, dans son ensemble, est destiné
à nous élever de la simple position de colons
à celle de citoyens d'une puissante nation
répandue, comme elle le sera, sur la moitié
d'un continent, s'étendant, à l'est, de l'Atlantique aux rives aurifères du Pacifique,
à l'ouest, borné au sud par la grande république américaine, et au nord par,—j'allais
dire le pôle nord,—et sillonné non seulement
par un chemin de fer intercolonial, mais encore relié d'une mer a l'autre par une
ligne de
communication non interrompue. J'éprouve,
M. l'ORATEUR, une bien grave responsabilité quand je songe au vote que je suis
appelé à donner en cette circonstance, mais
j'ai scrupuleusement médité sur ce projet,
et, après avoir pesé toutes les raisons pour
et contre, j'en suis venu à la conclusion que
je suis tenu d'appuyer ces résolutions de
mon vote, persuadé qu'en le faisant j'acquiesce aux vœux de la grande majorité de
mes commettents. (Applaudissements.)
Sur motion de M. TASCHEREAU, le débat
est ajourné.