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Assemblée Législative, 23 Février 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

JEUDI, 23 février 1865.

M. A. MACKENZIE reprend le débat:— Monsieur l'ORATEUR:—Avant d'entrer dans la discussion du projet de confédération, je crois bien faire en disant un mot de la position que nous avons occupée dans les débats sur les changements constitutionnels—cause de tant de luttes et de tant de dissensions entre les deux sections de la province. J 'ai été accusé, comme d'autres hon. membres, d'abandonner mes principes en soutenant la coalition actuelle formée dans le but de résoudre les dificultés que nous avons eu a combattre et auxquelles on se propose du mettre fin par un projet peu discuté encore du moins dans la partie de la province à laquelle j'appartiens. Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette chambre, je n'ai jamais considéré la représentation basée sur la population comme la seule mesure susceptibe de mettre fin à nos dissensions. Voici ce que je disais dans le premier discours que je fis dans cette chambre: "Je 427 ne suis pas personnellement lié à la question de la représentation d'après la population comme seule mesure possible. Si les adversaires de ce projet peuvent proposer un autre remède, je suis prêt à en faire l'examen. Et je suis sûr que le vaste district que je représente m'approuvera dans l'étude de toute mesure qui enlèvera au gouvernement du jour le pouvoir de commettre des injustices locales, mais, jusqu'à présentation d'une telle mesure, je défendrai la représentation basée sur la population comme le seul remède salutaire à mon avis." (Ecoutez!) L'hon. membre pour Hochelaga (M. DORION) a affirmé que nous défendions cette mesure comme seul moyen de mettre fin aux injustices financières dont nous nous plaignons. Cette assertion est erronée. Il est bien vrai que nous avons énergiquement fait ressortir cette injustice,—et je ne songe pas à rétracter aucun de nos arguments,—nous avons énergiquement représenté, dis-je, que, contribuant pour une large part au revenu public, le revenu était dépensé sans donner l'équivalent à la partie du pays dont la contribution est la plus forte. Mais nous nous plaignions encore d'une autre injustice qui donnait à quatre membres du Bas-Canada autant d'influence politique qu'à cinq membres du Haut Canada, nous nous plaignions que nos lois étaient souvent passées par une majorité Bas-Canadienne en dépit de nos protestations. Cela nous affectait beaucoup plus que la perte de certaines sommes d'argent. (Ecoutez!) Jusqu'à 1862, tout le Haut-Canada s'agitait à propos de cette question. Et je suis con vaincu qu'à cette époque personne ne pouvait prendre part à la politique ou se faire entendre dans une assemblée avant de s'être déclaré en faveur de la représentation basée sur la population.
L'HON. J. S. MACDONALD—Oh! oh!
M. A. MACKENZIE—L'hon. membre pour Cornwall semble s'indigner; Eh bien! je ferai exception pour lui.
L'HON. M. BROWN—Non! non!
M. A. MACKENZIE—Je n'ai peut être pas droit de donner à l'hon. membre le bénéfice de cette exception, car nul plus que lui n'a fait ressortir l'injustice que subissait le Haut-Canada.
L'HON. J. S. MACDONALD—Ecoutez! écoutez!
M. A. MACKENZIE — Il a même été plus loin que je n'oserais le faire en affirmant les droits du Haut-Canada, et la justice qu'on devait lui rendra. Il a affirmé devant cette chambre qu'il n'accepterait aucune mesure, bonne, mauvaise ou insignifiante de l'administration du jour, uniquement parce qu'elle refusait de rendre justice au Haut-Canada.
L'HON. J. S. MACDONALD—Je voulais parler des lois relatives au Haut-Canada.
M. A. MACKENZIE—On ne pouvait aller plus loin. Mais je parlerai tout à l'heure de l'administration dont l'hon. monsieur était le chef L'hon. membre pour Hochelaga semble croire que parce que l'agitation du Haut-Canada était bien organisée et, pour ainsi dire, systématique, elle n'offrait aucun symptôme dangereux. Mais l'hon. membre devrait se souvenir que c'est un des traits caractéristiques du peuple anglais de toujours diriger l'agitation avec un certain décorum et en respectant les lois, et que ses mouvements sont alors d'autant plus sérieux. Lorsqu'il est bien convaincu qu'on lui fait une injustice il ne cède jamais, toutefois il ne proteste et ne s'agite qu'en ayant toujours égard aux droits des autres partis. (Ecoutez!) J'avouerai franchement qu'a mon entrée au parlement la position du Bas-Canada vis-à-vis des Haut-Canadiens me donna quelques appréhensions. Une opinion bien répandue alors dans le Bas-Canada était celle-ci: que le Haut-Canada n'userait des droits que lui conférerait la représentation basée sur la population que pour nuire aux institutions religieuses du Bas-Canada et peut-être les anéantir entièrement: de là une lutte énergique des Bas-Canadiens contre cette mesure. Mais je suis persuadé que ces doutes n'existent plus aujourd'hui. En traitant l'autre jour cette section, l'hon. membre pour Hochelaga (M. DORION) a cité des paragraphes d'un discours prononcé par moi à Toronto peu de jours avant l'ouverture de la session actuelle; et je n'ai pas reconnu dans l'interprétation que l'hon. membre a donnée à mes paroles sa franchise et sa justice habituelles. Il a prétendu que j'avais renoncé à la representation basée sur la population comme à une chose inopportune, impraticable ou pire encore. Mais voici mes propres paroles: " Dans la pratique que j'ai aujourd'hui des affaires publiques, j'ai acquis la conviction qu'il est presque impossible d'obtenir au moyen de la représentation basée sur la population, la pleine justice que le Haut-Canada réclame, et, à cet égard, une union législative serait à mon avis bien préférable."
L'HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez!
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M. A. MACKENZIE—" Telles sont mes vues. A une certaine époque, les populations du Haut-Canada se sont imaginées que les Bas-Canadiens redoutaient de nous accorder la représentation basée sur la population parce que nous en ferions usage contre leurs institutions religieuses. Je suis convaincu que c'est un pur préjugé, et que la poputation française n'a jamais eu la moindre crainte à cet égard parce qu'elle sait parfaitement que le parti au pouvoir qui commettrait une telle injustice envers l'une ou l'autre section se suiciderait politiquement. (Applaudissements!) Toutefois, dans toutes les discussions, on a fait valoir ce point que l'élément français diffère essentiellement de nous autant que par son origine que par ses opinions. La nature veut que l'homme soit fier de sa patrie et des hauts faits de ses ancêtres. Ce sentiment existe tout aussi fort chez les Canadiens-Français que chez nous et, dans la position que leur a faite la cession du Canada à l'Angleterre, ils croient nécessaire de maintenir fortement leur esprit de nationalité, et de s'opposer à toutes les tentatives du Haut-Canada, sans quoi, pensent-ils, leur nationalité périrait. Pour ma part, je crois que la représentation d'après la population, pure et simple, ne serait, dans les circonstances présentes, qu'un remède très-imparfait, car s'il est vrai que le Haut-Canada aurait dix-sept membres de plus, rien n'empêcherait les cinquante ou cinquante-cinq membres qui représentent les districts français du Bas-Canada de s'unir avec une minorité haut-canadienne et de soumettre ainsi l'administration à leurs vues." Voilà les opinions que j'exprimai devant cette assemblée, et je suis prêt à les maintenir ici. (Ecoutez!) Je crois que les idées de nationalité ont été cause de toutes nos difficultés dans le fonctionnement du système actuel. Je ne veux pas dire qu'il faut chercher à éteindre ce sentiment énergique, qui est la source du vrai patriotisme. (Ecoutez!) Ce serait à mon avis une tentative injuste et peu honorable. Lorsque le pays fut cédé à l'Angleterre, elle accepta la responsabilité de gouverner une population étrangère en respectant les opinions de cette dernière en tant que la politique anglaise y trouverait son compte. Ce sentiment de nationalité est tellement fort dans tous pays que les tentatives de l'annéantir n'ont, comme en Autriche, rencontré que l'échec le plus complet. Or, cet insuccès d'un gouvernement despotique ayant à sa dispo sition une puissante armée démontre à l'évidence qu'une telle prétention est inadmissible dans un pays libre. Aujourd'hui, en Autriche, dix-huit nationalités différentes sont représentées dans le conseil de la nation, et malgré toute sa puissance et son prestige militaires, l'Autriche a été forcée d'accorder des parlements locaux à ces dix-huit nationalités. (Ecoutez!) J'en arrivai donc à conclure qu'il serait impossible d'obtenir la représentation basée sur la population tant que les populations françaises demeureraient persuadées que cette concession de leur part entraînerait la ruine de leur nationalité.
L'HON. M. HOLTON—C'est ce qu'elles redoutent du projet actuel.
M. A. MACKENZIE —C'est ce dont je doute fort. L'hon. procureur-général du Bas-Canada (M. CARTIER,) dans son discours l'autre soir, a fait allusion à l'attitude des populations françaises du Bas-Canada pendant la guerre d'indépendance, lesquelles sont restées loyales et fidèles tandis que toutes les autres colonies de l'Amérique du Nord s'affranchissaient de la domination anglaise. L'hon. monsieur avait parfaitement raison de faire valoir les titres acquis à ses compatriotes. Mais je crois qu'un autre sentiment les animait à part de leur loyauté vis- à-vis de l'Angleterre: c'est que le salut de leur nationalité dépendait uniquement de leur union avec la Grande-Bretagne. Pendant vingt ans leur existence comme colonie de l'Angleterre ne vit pas se développer les sentiments qu'ils éprouvent aujourd'hui à l'égard de ce pays. Mais il a toujours été clair pour eux, que s'ils s'unissaient à la république américaine c'en était fait de la nationalité française, qui eût péri comme à la Louisiane. (Ecoutez!) On a accusé d'hon. membres et moi-même d'avoir abandonné notre parti en n'agissant plus de concert avec les députés Bas-Canadiens, auxquels nous étions précédemment unis. Mais sur quoi est fondée cette accusation? Qu'est-ce, en définitive, qu'un parti? C'est une association d'individus qui ont des opinions communes sur certains points de la politique générale, ou sur certaines mesures qu'ils croient nécessaires au bon gouvernement de leur commune patrie. A ce point de vue, il n'y a rien dans notre politique de parti que nous ayions si fortement maintenu que la représentation basée sur le population.
L'HON. M. BROWN —Ecoutez! écoutez!
M. A. MACKENZIE—Lorsque nos anciens amis du Bas-Canada ont abandonné 429 cette question, et que nos adversaires d'alors se sont montrés prêts à l'aborder, nous avons cru devoir nous unir à ceux qui avaient les mêmes opinions que nous sur un point qui nous intéresse au plus haut degré. (Ecoutez!) A l'époque de la formation du ministère MACDONALD-SICOTTE, je fus fortement blâmé, ainsi que plusieurs autres membres, pour n'avoir pas empêché cette combinaison. Nous nous trompions peut-être; mais, après tout, je crois que c'est un bien que l'hon. membre pour Cornwall (M. J. S. MACDONALD) ait eu une belle occasion d'appliquer son remède, souverain selon lui pour toutes nos difficultés constitutionnelles, le principe de la double majorité. Pendant dix ans on a prêché sur tous les tons que ce principe était le seul qui pût faire fonctionner avec harmonie le gouvernement du Canada. Mais, hélas! malgré cette heureuse chance le gouvernement MACDONALD-SICOTTE disparu à son aurore! (Ecoutez! et rires.) L'éphémère existence de ce gouvernement a eu un beau résultat, celui de démontrer que le moyen proposé par l'hon. monsieur pour atteindre le but vers lequel il tendait depuis longtemps avec nous, était totalement impraticable. (Ecoutez!) Mais supposons que le parti libéral du Haut-Canada eût rejeté les conditions que lui faisait le gouvernement actuel; supposons que nous eussions refusé notre appui à une administration qui nous accorde presque tout ce que nous avons demandé, n'aurait-on pas eu droit jusqu'à un certain point de nous considérer comme fauteurs d'anarchie? Nous tournions ainsi contre nous nos propres armes en refusant la concession presqu'entière des principes pour lesquels nous combattions depuis si longtemps, et cela pour la triste raison que quelques membres dont nous avons été précédemment les adversaires déterminés sont aujourd'hui à la tête de ce mouvement. Pour ma part, j'ai senti qu'il me serait impossible de tenir tête à l'opinion du Haut-Canada si j'agissais ainsi. Quelques hon. membres ont affirmé que cette mesure n'est pas aussi parfaite qu'on aurait pu le désirer, et qu'à certains points de vue elle est incomplète. A tout prendre, elle n'a peut-être pas la forme que nous aurions désiré. Mais quand deux grands partis sont, comme chez nous, en présence, il est clair que pour régler les difficultés constitutionnelles ils doivent en venir plus ou moins à des compromis. Cette discussion et le vote qui la suivra établiront si le compromis actuel est fait en toute justice, mais ne démontreront rien de plus. Pour ma part, j'ai foi dans le compromis et je suis prêt à donner mon cordial appui à la mesure. (Ecoutez!) Ce projet n'est, dans ses éléments principaux, autre chose que celui de la convention de Toronto appliqué sur une plus large échelle. Chaque époque a ses exigences, et la convention ne pouvait faire davantage dans les circonstances où elle s'est réunie. Les discours prononcés et les résolutions passées dans cette assemblée, indiquent clairement de la part des délégués un vif désir de réaliser une confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, si cette union eût pu se faire aussi rapidement que la fédération des deux Canadas. Ceci est la seule raison pour laquelle on ne généralisa pas le projet. Mais les hon. membres pour Chateauguay et Hochelaga (MM. HOLTON et DORION) nous ont dit que la convention de Toronto n'avait eu aucun effet sur l'esprit public. Or, j'ai été plus que personne à même de connaître l'opinion publique à cette époque, et je puis affirmer sans crainte d'être contredit que jamais projet n'a si vivement préoccupé oupé l'opinion publique que le projet de la convention de Toronto. (Ecoutez!) Et c'est parce que le projet actuel n'est, en quelque sorte, qu'une généralisation du projet d'alors, qu'il a reçu l'approbation presque universelle dans le Haut-Canada. (Ecoutez!) Il est vrai qu'après la convention de Toronto, il y eut peu d'agitation en faveur du projet. Mais j'ai observé que, dans toutes les élections qui ont eu lieu depuis la convention de Toronto, les membres de notre parti ont toujours déclaré que du moment où les Bas Canadiens opposés à la représentation basée sur la population voudraient accepter le projet de la convention de Toronto, ils seraient prêts à s'entendre avec eux. Personnellement, j'ai toujours été en faveur d'une union législative bien organisée, et si elle pouvait suffire aux besoins actuels des colonies, je l'appuierais encore. Telle est aussi, je crois, l'opinion générale des populations de l'Ouest. Mais tout homme public doit soumettre ses théories aux exigences du moment. Or, il est évident que si une union législative n'est pas pratiquement possible entre le Haut et le Bas-Canada, elle le sert encore bien moins si nous nous adjoignons les autres provinces. Nous sommes donc dans l'alternative d'accepter le principe fédéral ou de rompre entièrement l'union du Haut et du Bas-Canada; or, ce dernier moyen serait, à 430 mon avis, la source des plus grands malheurs pour ces deux provinces. Quant même le projet actuel offrirait plus d'inconvénients qu'il n'en présente, je l'accepterais encore de préférence au rappel de l'union. (Ecoutez!) Dans le projet actuel, la représentation de la chambre basse ne laisse rien à désirer. En outre, nous avons la faculté d'augmenter la représentation de l'Est et de l'Ouest suivant les recensements qui se feront à la fin de chaque décade. Et si la populution du Bas- Canada augmente plus rapidement que celle du Haut-Canada, le Bas-Canada sera représenté en conséquence. Car bien que le nombre de ses représentants ne puisse pas excéder 65, la proportion de ce nombre par rapport à la représentation totale sera changée à mesure que les diverses colonies se développeront. D'un autre côté, si l'Ouest se colonise, comme je n'en doute pas, nous verrons une vaste population se joindre à la confédération. C'est de ce côté que la population augmentera le plus rapidement, et avant un grand nombre d'années nos populations du centre s'étendront à l'Ouest beaucoup plus rapidement que ne le pensent la plupart des gens. L'accroissement de la représentation est donc presque assuré à l'Ouest, et chaque année ajoutera à l'influence du Haut-Canada à mesure que notre commerce se développera. Un des points les plus importants sous le nouveau projet est la constitution de la chambre haute. On prétend que sous ce rapport le projet aura un effet rétrograde parce qu'on abandonne le principe électif pour revenir à celui des nominations par la couronne. Le parti qui a longtemps combattu pour l'introduction du principe électif dans la chambre haute a certainement droit d'avoir cette opinion; mais, dans d'autres régions, cet argument ne peut avoir aucun poids,—je parle des personnes qui, comme moi, ont toujours cru qu'il était peu sage d'élire les membres des deux chambres et de leur donner les mêmes pouvoirs. J'ai toujours cru qu'un changement dans ce sens était inévitable, même avec notre organisation politique actuelle. (Ecoutez!) L'institution d'une chambre haute ou sénat semble remonter aux temps féodaux. Ces assemblées d'abord uniques ou du moins les plus puissantes dans chaque état, ont graduellement cédé le pas à la représentation populaire à mesure que les nations se sont civilisées. L'idée même d'une chambre haute implique, pour les membres qui la composent, des droits et des devoirs tout spéciaux. En Angleterre, par exemple, il y a une nombreuse classe de propriétaires fonciers qui sont maîtres presqu'absolus du sol et paient un montant énorme de taxes. Depuis plusieurs années la législation fiscale de l'Angleterre tend à réduire les impôts et les droits d'accise sur les articles de première nécessité, et à augmenter les taxes sur les propriétés foncières et les revenus. D'immenses intérêts sont donc en jeu dans ce mouvement; il s'en suit que la chambre des lords, tribunal souverain du royaume, a des droits particuliers à défendre et des devoirs spéciaux à remplir, et voilà ce qui explique son existence. Chez nous, ces grands intérêts n'existent pas, et les énormes taxes ne sont pas à craindre; la chambre haute n'est donc qu'une cour de révision, ou de haute juridiction; mais comme cette juridiction n'a pas lieu d'être exercée, cette chambre n'est qu'une cour de révision, et, par cela même, elle doit avoir une constitution différente de celle de la chambre basse. Les Etats-Unis, qui offrent, dans leur composition comme peuple, une grande analogie avec nous, ont établi une chambre haute. Partant des principes que je viens d'énoncer, ils ont non-seulement donné aux différents Etats le pouvoir d'envoyer des délégués au sénat, mais ce corps a des pouvoirs tout à fait différents de ceux des législatures locales. Un fait remarquable, c'est qu'en Europe un seul gouvernement a une constitution analogue à celle de l' Angleterre, et c'est la Suède. Dans les Etats suivants de la confédération germanique, savoir: le Wurtemberg, la HesseDarmstadt, la Prusse, la Saxe, le Hanovre, Bade et la Bavière, représentant ensemble une population d'environ 80,000,000, les chambres hautes sont, en partie, héréditaires, nominatives et ex-officio. Le principe purement héréditaire, comme en Angleterre et en Suède, n'est appliqué que sur une population d'environ 82,000,000. Il y a une autre classe de conseillers nommés à vie par la couronne et choisis dans le tiers-état. Les conseils présentent une liste d'après laquelle la couronne fait son choix. L'Espagne, le Brésil et la nouvelle principauté de Romanie, formée de l'ancienne Moldavie et de la Valachie, nomment ainsi leurs chambres hautes. L'Espagne compte 16,301,850 habitants; le Brésil, 7,677,800; la Romanie, 3,578,000; total, 27,556,650. Dans d'autres pays, les membres du sénat sont nommés à vie, sur nombre est limité, et quelques membres de la famille 431 royale y siégent de droit, tels sont: l'Italie, population 21,777,834; le Portugal, 8,584,677; la Servie, 1,098,281, et l'Autriche, 84,000,000. Cette catégorie représente une population de 61,460,292. Enfin, dans une dernière catégorie les membres sont élus pour un certain nombre d'années, etc'est un fait remarquable qu'à l'exception de trois colonies anglaises et d'une monarchie, tous les pays où ce système est adopté sont des républiques. Parmi les pays qui élisent les membres de la chambre haute, la seule monarchie est la Belgique; mais tout le monde sait que, malgré son titre de monarchie, la Belgique est le pays le plus républicain du monde. Voici la liste des pays où est admis le principe êlectif: la Suisse, 2,534,242 habitants; la Plata, 1,171,800; le Chili, 1,558,319; le Pérou, 2,865,000; les Etats-Unis, 30,000,000; la Libérie, 500,000; la Belgique, 4,529,000; l'Australie du Sud, 126,830; la Tasmanie, 89,977; Victoria, 540,822; formant une population totale de 43,915,490. Dans le royaume de Nassau, dont la population est de 457,571 habitants, la chambre haute est partie élective et partie ex-officio. Au Danemark, la chambre haute est partie nominative et partie élective, et les élections sont faites par les conseils provinciaux; la population de ce pays est de 1,600,000. Dans les Pays-Bas, dont la population est de 3,372,652, 1es membres sont tous élus par les conseils provinciaux. Dans une des colonies anglaises, la Nouvelle Galles du Sud, les membres sont nommés pour un certain nombre d'années; et, deux des plus nouvelles et des plus entreprenantes colonies de l'Angleterre,— la Nouvelle-Zélande et Queensland (Terre de la Reine)—ont adopté un système qu'on nous propose, de nommer un certain nombre de membres à vie. La composition de la chambre haute est, après tout, une affaire d'opinion, et je ne crois pas qu'on puisse nous accuser d'avoir fait un pas en arrière en substituant le principe nominatif au principe électif. Il n'y a pas de distinctions de classes parmi notre population, et si les membres des deux chambres sont élus par les mêmes électeurs, il leur sera très-difficile de maintenir leur individualité en ayant les mêmes pouvoirs, et d'éviter les conflits. Il est évident que deux chambres ayant la même origine, réclameront les mêmes droits et les mêmes priviléges, et voudront exercer les mêmes fonctions. Mais si la chambre haute était nominative, la juridiction de cette chambre serait différente et les chances de conflit disparaîtraient. Plusieurs états, dont quelques-uns sont très-considérables et très-peuplés, quoique de récente fondation, ont entièrement supprimé la chambre haute. J'avoue que la suite de mes arguments conduit à l'adoption de ce moyen comme celui qui nous conviendrait le mieux. Les nations qui l'ont adopté sont: la Hesse-Cassell, 726,000 habitants; le Luxembourg, 413,000; la Saxe-Weimar, 273,000; la Saxe-Meiningen, 172,000; la Saxe-Altenburg, 137,000; la Saxe-Cobourg, 159,000; le Brunswick, 273,000; le Mecklemburg-Schwerin, 518,000; la Norwége, 1,328,471; le Mecklemhurg—Streilitz, 99,060; l'Oldenburg, 295,245; l'Anhalt, 181,284; le Lippe-Detmolt, 108,518; le Waldeck, 58,000; le Schwarzburg, 71,918; et dans le Royaume de Grèce, dont la population est de 1,096,810 habitants, et où une nouvelle constitution a été dernièrement promulguée, on en est venu, après avoir essayé les systèmes de deux chambres, à supprimer l'une d'elles. Mais si je pense que nous serions mieux sans chambre haute, cela ne m'empêche pas de reconnaître qu'il ne s'agit de savoir en ce moment quelle est la meilleure forme de gouvernement à notre avis, mais quelle est celle qui convient le mieux à des populations ayant des opinions différentes et, par conséquent, j'accepte un juste compromis en admettant la nomination d'une seconde chambre par le cabinet confédéré.
L'HON. M. BROWN—Ecoutez! écoutez!! C'est là la question.
M. A. MACKENZIE—Un hon. membre, et je crois que c'est l'hon. député de Lotbinière (M. JOLY) a prétendu que le système fédéral était frappé d'impuissance. Je ne partage pas cette opinion, mais je crois que le systéme fédéral exige beaucoup d'intelligence et une grande connaissance de la politique de la part des populations. Mais l'hon. membre avait tort de comparer notre avenir sous la confédération à l'histoire des républiques Espagnoles de l'Amérique du Sud. Notre population est habituée au gouvernement responsable (Self-Government) et ce seul fait détruit la comparaison de l'hon. membre. Pour ma part, je crois que l'hon. membre pour Oxford-Sud, par exemple, ainsi que quelques autres membres que nous connaissons bien, n'auraient jamais pu, malgré toute leur énergie, remuer les républiques de l'Amérique du Sud (rires) comme ils ont fait du Haut-Canada, sans occasionner une révolution complète; et mon hon. ami 432 (M. BROWN) au lieu d'être aujourd'hui rédacteur paisible d'un journal dont son esprit anime les colonnes, serait sans doute à la tête d'une armée, et conduirait d'intrépides colonnes à la victoire. (Rires).
L'HON. M. GALT —Nous le verrions aussi émettant un Pronunciamento (Rires.)
M. A. MACKENZIE—Un pronunciamento (proclamation) serait certainement de mise dans un tel état de la société. Le fait est qu'on ne saurait comparer ces populations à celles qui se sont formées sous notre forme actuelle de gouvernement. Je me suis souvent trouvé à des assemblées publiques avec mes hon. amis de la gauche, et, après sept ou huit heures de discours à haute pression et de répliques peu ménagées, la foule se séparait paisiblement sans qu'aucune animosité se manifestât de part ou d'autre. Avant donc de prétendre que les populations de ce pays sont incapables de se gouverner par elles-mêmes, ou que le principe fédéral est impuissant, il faudrait démontrer que nous ne sommes pas plus civilisés que les populations de l'Amérique du Sud il y a 30 ans. (Ecoutez!) Je prétends donc qu'il est nécessaire de démontrer que nos populations sont moins civilisées que celles des républiques de l'Amérique du Sud, il y a trente ans, ou qu'elles ont prouvé leur incapacité à se gouverner par elles-mêmes, avant d'affirmer que le principe fédéral est impuissant en ce qui nous concerne. Si l'hon. membre base son argumentation contre le projet actuel sur la faiblesse ou la force de tel ou tel gouvernement, la Russie doit être pour lui le modèle des gouvernements, car il n'y en a pas de plus fort au monde. Mais le despotisme n'est possible que chez les peuples ignorants—ce serait tenter un effort impuissant que de vouloir leur donner une république. Si aujourd'hui on voulait établir une république en Russie, il n'en résulterait que la plus profonde anarchie, car les populations sont trop ignorantes pour user sagement des franchises qui leur seraient ainsi accordées. C'est donc une erreur d'établir une comparaison entre les malheureuses républiques de l'Amérique du Sud et les populations de l'Amérique Britannique du Nord. Je suis sûr que s'il se formait une union fédérale de toutes les colonies de l'Amérique Britannique du Nord, jusqu'à notre extreme frontière de l'Ouest, bien que cette extension pût avoir de grands inconvénients, nous trouverions, dans toutes les parties de la confédération, des citoyens soumis aux lois et capables de se gouverner par eux- mêmes. (Ecoutez!) On a cité l'exemple des Etats-Unis, et il est vrai qu'au commencement de la guerre, alors qu'il devint impossible d'appliquer la loi dans certains états, les personnes qui ne comprennent pas le génie du peuple Américain, comme, par exemple, certains publicistes anglais ont pu croire qu'une faiblesse existait inhérente au système fédéral. Nul doute qu'il se manifesta des signes de cette faiblesse, et que le conflit entre divers états et le gouvernement fédéral fut une source d'affaiblissement. Mais je pense que l'attitude des Américains du Nord établit pleinement que, malgré les imperfections de leur système —lesquelles n'existent pas dans le projet qui nous est soumis,—le principe fédéral a été la source d'une puissance et d'une vigueur qui doivent imposer silence à la critique la plus hostile. (Ecoutez!) Le système fédéral n'échouera donc pas chez nous, pas plus qu'il n'a échoué en Suisse. L'hon. membre pour Lotbinière a admis cela jusqu'à un certain point, mais il a donné pour raison que la Suisse est entourée de nations puissantes. Or, à mon avis, c'est une mauvaise raison, car si la constitution de la Suisse eût été si faible, ce pays serait démembré depuis longtemps par les pouvoirs hostiles qui l'environnent. Le fait que la Suisse a maintenu son indépendance et a toujours su administrer ses affaires avec économie et habilité, me démontre que le principe fédéral n'est pas impuissant là où le peuple est assez instruit et suffisamment formé pour comprendre les avantages du gouvernement responsable. (Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, on nous prédit toutes sortes de calamités si nous adoptons la confédération, et les hon. membres, auteurs de ces sombres prophéties, n'épargneront rien, je suppose, pour qu'elles se réalisent: ainsi ont agi les les prophètes de tout temps. (Ecoutez!) Ce n'est pas la première fois, dans l'histoire du monde, que des prophètes ont surgi inattendus. L'autre soir, je lisais avec intérêt les discussions qui ont eu lieu dans le parlement d'Ecosse lors de l'union proposée avec l'Angleterre en 1707; un discours surtout me frappa, et je ne pus m'empêcher de comparer le ton qui l'animait à celui de l'opposition loyale canadienne de Sa Majesté. Lord BELHAVEN, auteur du discours en question, dépeignait ainsi les calamités qui, 433 selon lui, étaient réservées à l'Ecosse si elle unissait ses destinées à celles de l'Angleterre:—
"MILFORD CHANCELIER,—Je vois déjà nos savants juges abandonnant leur pratique et leurs décisions, étudier le droit commun d'Angleterre, s'embarrassant dans les certiorari, les nisi prius, les brefs d'erreur, les arrêts en douaire, les ejectiones firmæ, les injonctions, les exceptions péremptoires, etc., et pliant sous un amas d'appels, d'évocations, de nouveaux règlements et de rectifications. Je vois déjà nos vaillants soldats envoyés sur les plantations à l'étranger, ou demandant à leur patrie un morceau de pain en récompense de leurs nobles exploits; je vois les invalides épuisés par le besoin et nos jeunes guerriers se croisant les bras. Je vois nos industrieux traficants accablés par de nouvelles taxes et de nouveaux impôts, déçus dans les équivalents qu'on a prétendu leur donner, buvant de l'eau au lieu de la bière nourrissante, (rires!) mangeant leur potage sans sel (hilarité redoublée), faisant des pétitions pour l'enouragement des manufactures et n'essuyant que des refus. Enfin, je vois le laborieux cultivateur ne trouvant plus à vendre son grain qui se gâte dans ses greniers, maudissant le jour de sa naissance, se demandant s'il aura de quoi se faire enterrer (rires), et s'il doit se marier ou se jeter à l'eau. (Hilarité redoublée!) Je vois encore les propriétaires liés dans les chaînes dorées des équivalents, et leurs charmantes filles demandant en vain des maris (rires), tandis que leurs fils sollicitent vainement de l'emploi. Je vois, en dernier lieu, nos marins abandonnant leurs aavirs aux Hollandais, et, réduits à la derniére nécessité, s'engager comme matelots dans la marine royale anglaise."
Si je voulais, M. l'ORATEUR, continuer cette prosopopée et chercher dans le parlement canadien un des mes dramatis personnæ, mon choix tomberait immédiatement sur l'hon. membre pour Chateauguay (M. HOLTON), qui remplirait fort bien le rôle de lord BELHAVEN, s'écriant: " Mais, milord, au-dessous de cet amas de ruines, je vois notre mère commune la Calédonie assise, comme CÉSAR, au milieu du sénat, promenant sur l'assemblée un regard morne et, drapée dans son manteau royal, attendant le coup fatal en nous jetant de sa voix sombre un funèbre "et tu quoque mi fili." (Rires!) Les hommes d'Etat de l'Ecosse qui voyaient, dans l'union projetée, tous les signes de leur puissance et de leur grandeur futures, durent être bien étonnés en entendant exprimer ces sentiments de désespoir. (Ecoutez!) Nulle doute que la majorité voyait dans cette union les signes de force et de grandeur qui ne tardèrent pas à se manifester. A l'époque de l'union, le revenu de l'Ecosse étant de £ 150,000 par année, et l'an dernier elle a contribué pour £7,000,000 au trésor public. Ecoutez!) Tel est un des mille avantages de cette union qui a fonctionné à la satisfaction générale. Si cela était nécessaire, je pourrais citer l'exemple de différents peuples dont la position géographique était favorable à l'union et qui sont devenus, par ce moyen, plus puissants qu'ils n'auraient jamais pu l'être en restant isolés. (Ecoutez!) Je sais parfaitement, M. l'ORATEUR, que, dans une discussion de ce genre, il est très-facile de soulever des objections. Rien n'est plus aisé que d'exercer sa glose sur une série de résolutions comme celles qui nous occupent. On pourrait passer des heures à détailler des arguments spécieux contre le projet en question. Mais je demanderai aux hon. membres dont la critique est si hostile ce qu'ils nous proposeraient en échange. L'an dernier, orsque l'administration actuelle proposa à la chambre le moyen de régler nos difficultés et reçut son approbation, il s'opèra dans le sein de cette assemblée une révolution, pacifique il est vrai, mais complète; telle fut du moins mon impression à cette époque. Tous les hommes publics semblèrent admettre que le système actuel était arrivé à sa fin. Nous ne devons donc pas rejeter cette mesure par la raison qu'elle n'est pas en tout conforme aux vues de chacun des membres de cette chambre. (Ecoutez!) Tous les membres du Bas-Canada auraient dû, ce me semble, s'unir à nous pour étudier un nouveau système et s'adonnonner sérieusement à l'examen des changements nécessaires. (Ecoutez!) J'espérais, lorsque nous nous sommes réunis pour discuter ce projet, que personne ne songerait à organiser une opposition régulière. Je m'attendais surtout à voir prendre cette calme attitude par les hon. membres pour Hochelaga et Chateauguay, qui, dans d'autres circonstances, ont reconnu les difficultés de notre système actuel ou du moins ont affirmé qu'ils les reconnaissaient. J'étais disposé à croire qu'ils appuieraient même la mesure comme le seul moyen réellement praticable. (Ecoutez!) Je ne ne crois pas le projet sans défauts, mais je l'appuierai de toutes mes forces parce que, selon moi, toute autre mesure est impraticable, et celle-ci garantit de plus un bel avenir à notre pays. Au point de vue de l'économie, nous serons aussi bien sous la confédération que maintenant. Nous pourrons, avec les mêmes dépenses, faire fonctionner notre gouvernenement Je pense que, dans la législature locale, une seule chambre sera nécessaire. Ce détail n'a pas encore été discuté, et nous 434 ne connaissons pas l'intention du gouvernement à cet égard; mais j'ose espérer qu'il ne songera pas à adopter le double système dans les législatures locales, car ce serait ajouter une grande dépense sans espoir de compensation satisfaisante. (Ecoutez!) Hier au soir, l'hon. membre pour Montréal-Centre a consacré une grande partie de son discours à la partie militaire de la question, et a clairement démontré que notre position vis-à-vis de la république voisine exigeait, impérieusement que nous songions à notre organisation stratégique. Je ne partage pas du tout les opinions de cet hon. monsieur en ce qui concerne les Etats-Unis, car je crois que la majorité de leur population ne nous est point hostile; leur langage a pu quelquefois être peu convenable, voire même menaçant; mais, sans croire comme l'hon. monsieur, qu'il soient disposés à adopter des mesures hostiles à notre égard, je dois admetre qu'avec une population de trois millions et demi nous devons songer aux moyens de nous rendre plus indépendants. Est-il vraiment honorable et courageux, pour une colonie si importante, de laisser entièrement à la mère-patrie le soin de la défendre? (Ecoutez!) J'exprimai ces vues, l'an dernier dans la discussion du budget, en disant que j'espérais voir le gouvernement proposer une mesure mettant à notre charge une grande partie des dépenses faites aujourd'hui par le gouvernement impérial pour lemaintien de troupes en Canada. (Ecoutez!) Le Portugal, dont la population est presque égale à la nôtre, a une armée permanente de 17,000 hommes. La Hollande, dont la population est à-peu-près égale à la nôtre chez elle, mais qui a de nombreuses colonies, a une armée permanente de 57,500 hommes. Le Danemark, dont la population est à peine la moitié de ce que sera celle de la confédération, a une armée de 22,900 hommes. Mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour nous d'entretenir une armée permanente comme ces nations; nous ne sommes pas dans la même position parce que notre richesse n'est encore réalisée que pour une faible partie. Il ne serait pas juste de taxer nos nouveaux comtés à la valeur nominale des terres, qui sont la seule richesse des habitants, pour entretenir une forte armée permanente, et en outre, nous n'avons ni colonies ni sources de richesse extérieure. Toutefois, proportions gardées, nous sommes aussi bien à même que la population de la Grande-Bretagne d'entretenir une armée pour notre défense, et toute mesure raisonnable proposée à cet effet par le gouvernement recevra, j'en suis sûr, l'approbation de la majorité du pays. (Ecoutez! et applaudissements.) Ce n'est pas spéculer sur un avenir trop lointain que d'envisager le jour où une nouvelle colonie se formant à l'ouest du Haut-Canada viendra se joindre à la confédération. Je n'ai aucune idée des documents que l'administration pourra produire au sujet de l'ouverture du Nord-Ouest et du territoire de la Baie d'Hudson, mais j'espère qu'elle prendra des mesures énergiques pour le développement de ce riche territoire. J'espère qu'on étendra jusqu'à cette région notre système de chemins et de télégraphes, afin de l'ouvrir à la colonisation par nos jeunes gens et par les immigrants venant d'Europe. La question du Nord-Ouest est intimement liée à notre prospérité future comme peuple, et on a eu raison de trouver à redire aux résolutions 68 et 69, qui sont ainsi conçues:
68 "Le gouvernement général devra faire compléter, sans délai, le chemin de fer intercolonial, de la Rivière-du-Loup à Truro, dans la Nouvelle-Ecosse, en le fesant passer par le Nouveau-Brunswick.
69 "La convention considère les communications avec les territoires du Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au développement du commerce du Grand-Ouest avec la mer, comme étant de la plus haute importance pour les provinces confédérées, et comme devant mériter l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra l'état des finances."
M. T. C. WALLBRIDGE—Oui, c'est la le grand point.
M. A. MACKENZIE—Mon hon. ami s'est fortement préoccupé de cette question, mais cela ne l'empêche pas d'être autant en faveur de la confédération que moi-même. On déclare, dans ce paragraphe, qu'il est indispensable de construire immédiatement le chemin de fer intercolonial, mais on ajoute qu'on s'occupera du Nord-Ouest sitôt que l'état des finances du pays le permettra. Or, je crois qu'il est indispensable à la prospérité du pays que notre système de canaux communiquant avec lacs soit perfectionné aussitôt que possible, et mis en état de satisfaire au vaste trafic du Nord-Ouest. Sur la rive nord du lac Supérieur nous possédons des sources de richesse presque inépuisables. Nous avons appris, l'autre jour encore qu'on avait découvert près de la côte une montagne de fer capable de fournir l'approvisionnement de ce métal au monde entier pendant 500 435 ans. Les minéraux de toutes sortes abondent dans ces localités, et si nos canaux ne peuvent suffire à ce trafic il prendra nécessairement une autre direction. (Ecoutez!) On s'occupe, dans certaines régions, de la construction d'un nouveau canal de Toronto à la Baie Georgienne. L'exécution de ce projet serait fort à désirer mais je ne la crois pas praticable; en tous cas elle est beaucoup au-dessus de nos ressources actuelles. Je suis convaincu que le tracé d'un nouveau canal (si on veut l'entreprendre) allant à la Baie Georgienne, et devrait passer par l'Outaouais, car on ouvrirait ainsi un grand débouché au pays. Un large canal pouvant donner passage aux navires de guerre serait un admirable moyen de défense et un excellent débouché pour les produits de l'Ouest. Il ne faut pas y songer pour le moment, je le sais, mais je crois que nous devons insister, par tous les moyens, auprès du gouvernement pour qu'il mette en pratique la 69ème résolution; je n'en dirai pas davantage à ce sujet. (Ecoutez!) L'importance de nos communications intérieures est, pour moi, si manifeste que je ne doute pas un instant que le gouvernement confédéré s'en occupera le plustôt possible. La question du chemin de fer intercolonial se relie naturellement à ce que je viens de dire, et, après avoir étudié le rapport et les cartes dressées par le Major ROBINSON, je ne trouve aucune difficulté à en déterminer le coût comparatif. Le tracé le plus praticable est celui qu'a indiqué l'hon. membre pour Richelieu, au nord ou à l'est de la Baie des Chaleurs; par cette route, il y a 655 milles d'Halifax à Québec. Le chemin est construit d'Halifax à Truro, 55 milles, et de Québec à la Rivière-du-Loup, environ 140 milles. Il reste donc a construire environ 400 milles. Le Major ROBINSON évalue le coût de la construction à £7,000 par mille, ou environ £2,800,000 en tout. En tenant compte des nivellements à faire, des ponts à construire et des matériaux qu'on trouvera, d'après son rapport, sur le parcours du chemin, je crois que le chiffre qu'il indique est un peu trop élevé. La nature du terrain sur lequel passera ce chemin de fer assimile parfaitement cette construction à celle des chemins de fer du Canada. Cette région ressemble beaucoup à celle que traverse le Great-Western à l'ouest de Hamilton. A £7,000 par mille la construction du chemin ne coûterait environ que quinze millions de piastres. Sur ce montant, le Canada aurait à payer neuf millions de piastres. Il est probable que le rapport des ingénieurs employés par le gouvernement à l'exploration démontrera qu'une grande partie du chemin peut être construite pour beaucoup moins de £7,000 par mille. Mais quel que soit le coût de cette construction, il est évident qu'il ne peut y avoir d'union des provinces sans ce chemin de fer. (Ecoutez!) Il est évident aussi qu'une grande portion du pays est très-propre à la colonisation et ne demande que des moyens de communication avec les grands marchés. Le major ROBINSON affirme, dans son rapport, que le long de la frontière du Nouveau-Brunswick, il y a une étendue de terre, qui, pour le bois et la qualité du sol, ne le cède à aucun des pays qu'il a explorés; j'ignorais ce fait avant d'avoir étudié son rapport. (Ecoutez!) Je n'abuserai pas des moments de la chambre en lisant des passages de ce précieux rapport où est parfaitement indiqué le chiffre de la population que ces districts pourront faire vivre lorsqu'ils seront établis. Le rapport démontre aussi qu'une fois le chemin construit le pays se colonisera rapidement. Je ne crois pas toutefois que d'ici à longtemps le chemin puisse être une entreprise commerciale lucrative, je ne me fais pas d'allusions à cet égard et je ne désire abuser personne. C'est comme route militaire que ce chemin sera surtout important, personne ne saurait le nier. En 1862, lorsque je m'opposais à la construction de ce chemin, j'admettais du moins qu'à ce point de vue son utilité était incontestable. Les autorités militaires admettent sa haute importance comme moyen de protection en cas d'hostilités. Mais le motif déterminant de sa construction est qu'il est nécessaire à l'union des provinces et que, sans cette union, nous ne pouvons espérer de voir s'aplanir nos difficultés actuelles. Les deux projets se complétent l'un l'autre et les populations du Canada admettront, j'en suis sûr, la nécessité de cette entreprise. (Ecoutez!) Je ne veux pas trop me lancer dans les chiffres, ni spéculer sur notre position financière dans la confédération; mais l'hon. membre pour Hochelaga a fait des assertions que je dois relever. Il a dit que le Bas-Canada était entré dans l'union sans dette, et se trouverait alors avec une dette de trente millions de piastres, tandis qu'on n'a dépensé que douze millions pour cette partie de la province. Or, monsieur l'ORATEUR, on a dépensé pour les canaux du Canada, $20,813,304.03; pour les ponts et chemins du Haut-Canada, 436 $562,866, et pour le même item dans le Bas- Canada, $1,163,829.34; pour les édifices d'Outaouais on a déjà payé plus de $1,513,412.56, et pour les chemins de fer, $29,910,823.16; total, $53,964,236.79, environ. La moitié des travaux publics qui ont entraîné ces dépenses est située dans le Bas-Canada, et si en tient compte du pont Victoria, les dépenses dans le Bas-Canada excèdent de beaucoup la moitié du total. Il y a en outre une foule d'autres items dont je ne tiens pas compte. Tel est l'emprunt des incendiés de Québec, et les déficits dans une foule de fonds spéciaux. Si je me place à un autre point de vue, voici ce que je constate: d'après un rapport soumis au parlement, les frais d'amélioration de la navigation du Haut-Canada, y compris les phares, canaux, etc., se montent à un total de $7,022,665.61; or, le revenu des havres et canaux du Haut-Canada est de $4,887,291.73; il reste donc au débit du Haut-Canada, $2,145,878.88. Durant la même période on a dépensé pour le Bas-Canada, $4,484,566.52, et le revenu correspondant a été de $708,086.80. Ce qui laisse au débit du Bas-Canada une somme de $4,176,479.72. Je cite ces chiffres pour montrer que l'assertion de l'hon. membre pour Hochelaga était entièrement erronée; je n'essaierai même pas de réfuter l'argument qu'il a basé sur le fait également inexact que, dans la confédération, notre dette, par tête, s'approcherait de celle de la Grande-Bretagne. Notre dette est de $25 par tête, et il a gravement ajouté que la dette de l'Angleterre ne représentait que $37 par tête; or, chacun sait que cette dernière se monte à environ $140. Il ajoutait que les populations, comparativement pauvres du Canada, auraient à payer cet item de $25, tandis que les riches habitants de la Grande-Bretagne ne paient que $37. J'ai remarqué que toute cette partie du discours de l'hon. membre était omise dans les journaux qui l'ont rapporté le lendemain. Je ne discuterai pas tous ces chiffres, mais je citerai quelques faits qui réduiront à leur juste valeur les assertions de l'hon. membre. Notre dette est trés-considérable, je le reconnais, et il serait fort à désirer qu'elle fut moindre, mais nous devons nous soumettre aux circonstances et payer. La confédération n'augmentera ni ne diminuera notre dette; elle l'augmentera tout ou plus de l'item du chemin de fer intercolonial. Il est très- possible que nous entreprenions des travaux publics énormes destinés à développer les ressources du pays, et que nous augmentions encore de beaucoup notre dette, mais ce sera au gouvernement confédéré de décider s'il doit se lancer dans ces dépenses avant d'avoir un excédant de revenu considérable à sa disposition. (Ecoutez!) Les adversaires de la mesure prétendent qu'on la presse trop, que dans une question dont dépend l'avenir des générations futures on devrait moins se hâter. Or, depuis des années, nous discutons la confédération dans le Haut- Canada. Cette question n'a jamais été perdue de vue par le public depuis la convention de Toronto en 1859. Il y a un an, elle était soumise à cette chambre presque sous sa forme actuelle, et, depuis cette époque, tous les journaux n'ont cessé de s'en occuper. Nous avons, dans le pays, environ 300 journaux qui ont traité cette question sous tous les points de vue, en sorte que maintenant c'est un sujet usé. Si la question n'est pas bien comprise aujourd'hui, je doute qu'elle le soit mieux plus tard. (Ecoutez!) Une autre objection est qu'une mesure aussi importante ne doit pas être passée sans en appeler au peuple. Je connais assez bien nos populations et, dans mes rapports constants avec elles, j'ai constaté qu'elles sont universellement en faveur de l'application immédiate du nouveau système. Le pays comprend bien que la violente agitation politique des dernières années ne doit pas durer, et désire vivement qu'on en arrive à un règlement pacifique de nos difficultés actuelles et à une administration calme et permanente des affaires publiques. (Ecoutez! écoutez!) Il est facile de répondre aux accusations d'inconséquences lancées contre certains membres de cette chambre. Dans un pays comme le nôtre où tout change rapidement, où, d'un moment à l'autre, on peut sentir le besoin de changements constitutionnels généraux et locaux, un homme ne peut rester longtemps dans la vie publique sans être bientôt accusé d'inconséquence; mais si ces inconséquences apparentes sont motivées par un désir de régler les difficultés qui embarrassent le pays, il me semble que le succès de la mesure fera disparaître comme des ombres toutes ces accusations. Malgré toutes les objections, je crois que même les minorités protestante et catholique dans le Bas et le Haut-Canada doivent désirer la prompte adoption de cette mesure. Tant que la question ne sera pas réglée, nous aurons une agitation continuelle qui peut 437 nous être très préjudiciable et qui est la conséquence inévitable des erreurs et des fausses appréhension qui ne cesseront d'avoir cours; mais si on peut convaincre nos populations qu'elles n'ont aucune injustice à craindre elles adhéreront sans hésiter au projet. J'ai toujours entendu dire que les catholiques romains du Bas-Canada appartenant à la race française n'avaient cessé de témoigner la plus grande libéralité à leurs concitoyens protestants. (Ecoutez!) Le Bas-Canada est, je crois, la première colonie anglaise qui, même avant la mère-patrie, ait donné la liberté politique aux Juifs. Je crois qu'un adepte de cette religion a siégé dans la chambre du Bas- Canada trente ans avant qu'un pareil privilège fût accordé aux Juifs de la Grande- Bretagne. Les personnes qui accusent les Canadiens-Français d'intolérance devraient prendre note de ce fait. Quant aux populations d'origine anglaise, dans toute la confédération je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les défendre d'une telle accusation. Elles ne songeront même pas à persécuter les Bas-Canadiens quand même elles en auraient le pouvoir; mais je crois qu'il est bon d'insérer dans la constitution une clause préventive, qui enlève à tous partis et nationalités indistinctement le pouvoir de commettre des actes arbitraires et injustes. Si le pouvoir qui doit être conféré à l'autorité centrale—celui d'apposer son véto aux notes de la législature locale- est exercé, il suffira, je pense, pour empêcher toute chose de ce genre. Mais au véto même en objects, pour la raison que la législature élective sera rendue impuissante par l'influence que la chambre haute fera peser sur elle. Eh bien! M. l'ORATEUR, sous la constitution anglaise, dans toutes les colonies britanniques et en Angleterre même, l'initiative est permise dans une certaine mesure. Toute chose n'est pas prévue parce que beaucoup est laissé au bon sens du peuple. Je pense que sans hésitation l'on peut affirmer qu'il n'y a pas le moindre danger que le parlement fédéral se rende coupable d'injustice envers les législatures locales, car si cela avait lieu, la réaction serait assez forte pour détruire le pouvoir ainsi exercé injustement. Le véto est nécessaire si l'on veut que, dans une certaine mesure, le gouvernement général ait un contrôle sur les actes des législatures locales. L'absence de ce pouvoir aux Etats-Unis est la grande cause de leur faiblesse, et il est à présumer qu'avant peu il sera remédié à ce défaut par un amendement à leur constitution. Tant que chaque état se considère indépendant, que ses actes et lois ne peuvent être contrôlés, il est clair que l'autorité centrale est privée du pouvoir de contraindre à l'obéissance des lois générales. Si chaque province était libre d'édicter les lois qui lui plaisent, chacun serait à la merci des législatures locales, et la législature générale deviendrait de peu d'importance. Ce que l'on a en vue, c'est que le pouvoir de la législature générale puisse être contrôlé par le véto conféré aux législatures locales concernant l'application des lois générales dans leur juridiction. Tout pouvoir, dit-on, émane du peuple, mais l'exercice en est laissé à ses représentants et à la couronne; mais il serait illogique de placer le gouvernement général au-dessous du gouvernement local. Le parlement et le gouvernement central doivent nécessairement exercer le pouvoir suprême, et les gouvernements locaux le pouvoir correspondent aux attributions dont ils sont chargés. Le système est nouveau; il n'a jamais subi d'essai, et ne fonctionnera peut-être pas aussi bien qu'on s'y attend; mais le parlement impérial et le nôtre auront toujours le pouvoir de remédier aux défectuosités que l'on pourra découvrir une fois qu'il sera en opération. Somme toute, le projet me parait excellent. J'espère qu'il permettra à ce pays de devenir une grande puissance, et qu'avant de mourir j'aurai eu la satisfaction d'être citoyen d'un immense empire élevé sur cette partie du continent anglo-américain, et dont le peuple, à l'ombre du drapeau anglais, sera libre, heureux et prospère autant qu'aucune autre nation de la terre. S'il est quelque chose que j'aie toujours désiré avec ardeur, c'est de voir les possessions anglaises devenir en mesure de se défendre contre tout danger tout en restant sans la protection de la mère-patrie et en conservant ces institutions que nous tenons d'elles, et qui nous valent cette grande somme de liberté et de bonheur dont nous jouissons. (Ecoutez! écoutez!) Et quand nous considérons quel immense territoire nous avons au Nord-Ouest; quand nous savons que les grandes rivières qui sillonnent ce territoire mettent à découvert d'immenses couches de charbon, et que tout ce pays est riche en minéraux de toute sorte; que le sol renferme des richesses propres à l'établissement d'un très grand et tres productif commerce; quand nous savons qu'il un possible 438 de mettre la main sur tout cela dès que nous aurons pu en donner l'accès aux colons, je puis dire avec certitude que notre population augmentera dans des proportions prodigieuses en nombre, en richesses et en puissance. (Ecoutez! écoutez!) Jusqu'ici notre peuple a eu à se soumettre aux difficultés que toute population rencontre dans un pays nouveau comme l'est le nôtre; mais le Canada est maintenant à la veille de se faire une position importante sous le rapport commercial, et à mesure que cette importance augmentera, nous pourrons nous occuper davantage de colonisation à l'intérieur et de former une nouvelle nationalité—si toutefois je puis me servir de ce terme qui a été si fortement critiqué—dans ce vaste pays de l'ouest où l'on voit à peine aujourd'hui l'homme civilisé. (Ecoutez! écoutez!) Je ne me propose pas, M. l'ORATEUR, de suivre l'exemple qui a été donné, c'est-à-dire de parler pendant 4 ou 6 heures sur ce sujet; je ne veux que faire connaître mes vues à l'égard de la confédération de ces provinces, et laisser ensuite le champ libre à d'autres hon. messieurs. Mon désir est que les débats aient lieu avec toute la rapidité possible; et croyant que pour arriver à ce résultat nous devons renoncer aux longs discours, je vais m'empresser d'en donner l'exemple en terminant bientôt mes observations. (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M. l'ORATEUR, que la confédération est à désirer, qu'elle peut se réaliser, et que c'est ce que nous pourrons avoir de mieux. C'est surtout cette dernière raison qui doit nous porter à l'accepter. Il faut absolument que nos difficutés se règlent de quelque manière, et je pense que le projet qui nous est offert est de nature à y remédier. Il excède, je le crois, les espérances que quelques uns d'entre nous avaient lorsque le gouvernement actuel fut formé pour opérer une réforme, et je pense, M. l'ORATEUR, qu'en votant contre, les membres du Haut- Canada commettraient la plus grande des folies. (Ecoutez! écoutez!) Je sais, cependant, qu'ils se garderont bien de le rejeter. Je crois que par lui nous aurons obtenu la représentation d'après le nombre; que nous aurons obtenu cette justice pour laquelle nous luttons depuis si longtemps,—notre juste part d'influence dans la politique financière du pays,—et par-dessus tout, la perspective de former une grande nation anglaise sur ce continent. Devant de pareils avantages, nous devons mettre de côté tout esprit de parti, toute animosité dont l'origine est antérieure au projet, et cela afin que tous nous lui donnions un cordial appui Quant au mien, il lui est assuré. Je crois mes commettants en faveur de ce projet, et qu'il en est de même de tout le peuple du Haut- Canada. (Applaudissements.)
M. MORRIS — Le député de Lambton, M. l'ORATEUR, a donné, je pense, un bon exemple, et je vais faire mon possible pour le suivre. Ainsi que l'ont fait observer plusieurs qui se sont fait entendre, je dois d'abord dire que la question qui nous occupe n'est plus nouvelle; car, comme l'a dit l'hon. député de Montréal- Ouest, il y a déjà bien des années, et à différentes reprises, qu'elle a été soumise à l'opinion du peuple de ce pays. Il n'entre pas dans mon intention de suivre cet hon. monsieur dans la narration intéressante qu'il a su faire de l'historique de cette question; mais je désire attirer l'attention de la chambre sur le fait que c'est la troisième fois que cette question a été formellement soumise à la législature par le gouvernement de ce pays. C'est, je crois, en l858, qu'elle le fut pour la première fois, ainsi qu'on peut le voir par le discours du trône prononcé à la fin de la session de cette année-là, et dans lequel se trouvent les lignes que je vais lire:—
"Dans le cours de la vacance, je me propose d'entrer en comunication avec le gouvernement de Sa Majesté, et avec le gouvernement de nos sœurs-colonies sur un autre sujet d'une très- grande importance. Je désire les inviter à discuter avec nous les principes sur lesquels pourrait plus tard s'effectuer une union d'un caractère fédéral entre les provinces de l'Amérique Britannique du Nord."
Cette déclaration formelle fut suivie de la dépêche dont il a fréquemment été question en cette chambre et durant ces débats, et qui a servi de base à la motion faite pendant la session dernière par l'hon. député d'Oxford-Sud, motion qui a déjà eu d'heureux résultats, mais qui est destinée à en produire de bien grands. (Ecoutez! écoutez!) Je crois que la nomination du comité proposé par cet hon. monsieur fera époque dans l'histoire de notre pays (Ecoutez! écoutez!) Parlons maintenant de la seconde fois que cette question fut soumise à l'attention du peuple et de la chambre. A ceux qui s'opposent au projet, vous avez entendu dire que le pays avait été pris à l'improviste, qu'ils ne comprennent pas ce projet et ne sont pas prêts à le discuter. Eh! bien, M. l'ORATEUR, je demanderai à cet égard si le gouvernement 439 actuel n'a pas été formé avec l'entente qu'il travaillerait au règlement de cette question, et si le peuple ignore ce fait? J'ai à la main le programme du gouvernement, dans lequel on trouve ce qui suit comme résultat d'une longue négociation qui a eu lieu entre ses principaux membres:—
"Le gouvernement s'engage à présenter à la prochaine session une mesure tendant à faire disparaître les difficultés actuelles, en introduisant le système fédéral en Canada; les provinces maritimes et le Nord-Ouest pouvant ultérieurement s'unir dans cette fédération."
L'HON. M. HOLTON—Ecoutez! écoutez!
M. MORRIS—J'espère que l'hon. monsieur applaudira encore sur le même ton lorsque j'aurai lu ce deuxième alinéa:—
"Et le gouvernement cherchera, en envoyant des représentants aux provinces inférieures et en Angleterre, à gagner l'assentiment des intérêts qui sont hors du contrôle de notre législation, à la mesure qui permettra à toute l'Amérique Britannique du Nord de s'unir sous une législature générale basée sur le principe fédéral."
Tel est, M. l'ORATEUR, l'engagement que l'administration actuelle à pris envers la chambre et le pays. Elle s'est engagée à introduire le système fédéral dans le gouvernement du Canada, à établir des dispositions spéciales pour incorporer les provinces maritimes dans cette fédération, et à envoyer des délégués dans ces provinces pour les inviter à se joindre à nous dans cette confédération. (Ecoutez! écoutez!) Et, cependant, l'on ose dire que ces délégués, qui furent nommés selon l'engagement pris par l'administration, formèrent " une junte constituée sous la seule autorité de ses membres;" l'on ose dire qu'ils n'étaient pas autorisés à faire ce qu'ils ont fait en vertu de l'obligation que s'était imposée le gouvernement d'envoyer des délégués à ces provinces et en Angleterre pour mener à bonne fin ce projet de confédération. Les délégués composant cette " junte " et qui ont rédigé ces résolutions, sont loin d'avoir agi sans autorité autre que la leur, car ils se sont réunis en conformité de l'engagement pris par l'administration et avec la sanction du parlement canadien, qui avait confiance dans le gouvernement formé pour effectuer la confédération. Ils se sont aussi réunis avec la sanction du gouvernement impérial, ainsi qu'on peut le voir par les documents et dépêches devant la chambre. (Ecoutez! écoutez!) Abordant maintenant la question au point où elle est arrivée, je dois dire que ce pays doit être satisfait d'un projet aussi praticable que l'est celui qui nous occupe en ce moment. Je crois que ce projet satisfersa à tous les besoins de notre position et qu'il aidera au développement de nos ressources tout en protégeant les intérêts locaux. Il assure de même ce contrôle général qui est essentiellement nécessaire au bon gouvernement d'un pays dépendant de la couronne d'Agleterre. (Ecoutez! écoutez!) Remarquez surtout qu'il ne consacre nul nouveau principe auquel la sanction du peuple ou des membres de cette chambre soit demandée. Sous une forme ou sous une autre, la question d'une union coloniale a occupé l'attention d'hommes d'état éminents de l'Angleterre, et je pense pouvoir être capable de démontrer à la chambre que le véritable principe que nous projetons d'introduire dans le gouvernement des provinces de l'Amérique Britannique du Nord a déjà reçu la sanction d'hommes éminents de l'Angleterre et, de plus, celle du parlement impérial. (Ecoutez! écoutez!) Il y a quelques années, lorsque les hommes d'état de la Grande-Bretagne eurent à chercher une solution aux difficultés que rencontrait le gouvernement des colonies Australiennes, quel a été le mode adopté en face des événements qui mirent ces colonies dans la nécessité d'adopter une nouvelle constitution? Eh! bien, le gouvernement impérial reconstitua un comité du conseil privé, qui avait nom de " comité du commerce et des possessions étrangères," et le chargea de cette question en lui adjoignant comme nouveaux membres lord CAMPBELL, alors chancelier du duché de LANCASTER, Sir JAMES STEPHEN et Sir EDWARD RYAN. Les travaux de ce comité eurent pour résultat un rapport dans lequel il recommandait la création d'une assemblée générale à laquelle serait confié le contrôle des affaires générales des colonies autraliennes, et de gouvernements locaux munis de certains pouvoirs définis. J'ai dans la main une collection de lettres sur la politique de l'Angleterre à l'égard des colonies, et adressées par le comte GREY à lord JOHN RUSSELL, lesquelles renferment le rapport du comité du conseil privé dont il est plus haut question, et j'ai constaté qu'il suggère un plan analogue à celui que l'on nous demande de mettre en pratique pour ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Le comité proposait qu'il y eut un gouverneur pour administrer les affaires de ces colonies, lequel serait tenu de convoquer un corps, qui serait appelé l'assemblée générale de l'Australie, à la demande de deux ou plus 440 des législatures Australiennes; et il était recommandé que cette assemblée générale, ainsi convoquée, eut le pouvoir d'édicter des lois concernant les droits d'importation et d'exportation, les postes, la confection de chemins, la construction de canaux et de voies ferrées et différents autres sujets. Les avantages de ce plan étaient si manifestes, en ce qu'il unissait ces colonies et leur donnait un meilleur gouvernement que celui qu'elles avaient eu jusque là, que le rapport fut immédiatement adopté par le conseil privé et incorporé dans un projet de loi soumis au parlement. Ce projet passa dans la chambre des communes et se rendit à celle des lords; mais pendant que cette dernière en était saisie, les deux clauses qui introduisaient dans le gouvernement des colonies Australiennes le système que l'on veut introduire ici, furent rejetées; mais pourquoi le furent-elles? Ce n'était parce que le gouvernement avait changé d'opinion sur la question, ni parce que la chambre des lords était opposée au principe, mais parce qu'après examen ou a trouvé qu'elles étaient susceptibles d'objections pratiques, et que, pour y obvier, il aurait fallu y faire des amendements qui devenaient impossibles par le fait qu'il eut fallu entrer de nouveau en communication avec les colonies. Le gouvernement impérial ne voulut pas faire ces changements à la mesure sans le consentement des colonies, mais le comte GREY changea d'opinion à l'égard des avantages devant résulter du plan proposé, ainsi que va le faire voir une de ses dépêches au gouverneur de la Nouvelle Galles du Sud:—
"Je n'en suis pas moins persuadé, " dit Sa Seigneurie dans cette dépêche, qu'il écrivit en l850, " que les colonies Australiennes ressentiront le besoin d'une autorité centrale pour régler les affaires de commune importance, et cela avant qu'il soit longtemps; mais dès que ce besoin se fera sentir, lui-même suggérera les moyens à l'aide desquels il pourra y être satisfait. Les différentes législatures, il est vrai, ne pourront immédiatement donner à l'assemblée générale l'autorité nécessaire, attendu que le pouvoir législatif de chacune d'elles est restreint à ses limites territoriales; mais si deux ou plus de ces législatures trouvaient qu'il est des objets d'un intérêt commun pour lesquels il serait expédient de créer cette autorité, elles auront la faculté, si elles peuvent s'entendre sur les conditions d'un arrangement à cet effet, de passer des lois dans ce but et entenant des clauses suspendant leurs mise en force jusqu'à ce que le parlement ait conféré l'autorité voulue. Ces lois pourraient définir avec précision l'étendue et la nature des pouvoirs qu'elles conféreront à ces corps, et on ne saurait douter sur la demande qui lui sera faite de donner effet à un arrangement ainsi arrêté, que le parlement s'empressera d'y consentir."
Quelqu'un pourra me dire, M. l'ORATEUR, que tout cela est bien vrai, mais que le gouvernement anglais a tout de même laissé tomber ce plan. Je crois, néanmoins, pouvoir répondre à cette objection et faire voir que ce plan était laissé à l'option des colonies; car vous voyez le même principe suivi dans le rapport du comité du commerce et des possessions étrangères à l'égard de la constitution subséquemment accordée aux provinces de la Nouvelle-Zélande. En 1852, le plan suggéré par ce comité pour l'Australie fut mis à effet dans la Nouvelle-Zélande, et nous ne devons pas oublier qu'a cette époque la population de la Nouvelle-Zélande était très petite, si petite vraiment, qu'il serait impossible de ne pas voir un grand contraste entre la position de ce pays et celle que l'Amérique Britannique du Nord occupe aujourd'hui; mais les hommes d'Etat de l'Angleterre regardèrent à l'avenir de cette colonie et décidèrent qu'il était à propos de lui conférer des pouvoirs analogues à ceux que nous demandons actuellement. L'acte constitutionnel de la Nouvelle-Zélande crée six provinces avec des surintendants, des conseils de neuf membres nommés par le gouverneur et un gouvernement général de trois Etats. Dans les débats sur ce bill, le comte GREY a dit que c'était là la seule forme de gouvernement qui pouvait être donnée à une colonie située dans la position où se trouvait celle-là. Voici, d'ailleurs, ses paroles:
"Il était impossible— et il en aurait longtemps été ainsi—à aucune législature générale de suffire à tous les besoins d'autant d'établissements distincts situés à une grande distance les uns des autres; il y avait, par conséquent, nécessité absolue de constituer des législatures provinciales chargées du pouvoir d'administrer une grande partie des affaires publiques."
La véritable difficulté qui fut surmontée là est celle que nous avons à surmonter ici. On reconnut la nécessité absolue de créer pour chaque province une législature locale, plus un pouvoir central, auquel devaient être déférées toutes les affaires d'un intérêt commun. Dans le cours de ces débats, voici les paroles que le comte GREY prononça sur l'importance de cet arrangement:
"Il est quelques objets qui auraient donné lieu à de grands inconvénients si on n'avait pas pourvu à l'uniformité de législation entre les diverses provinces, but auquel on ne pouvait parvenir que par l'établissement d'une législature générale."
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Et voilà, M. l'ORATEUR, ce que notre gouvernement nous demande d'adopter. Il veut que nous demandions au gouvernement impérial de créer pour nous des législatures provinciales auxquelles seront déférées toutes les affaires locales, et une législature générale dont les attributions seront de légiférer sur les sujets d'un intérêt commun, attributions dont les législatures provinciales ne pourraient pas s'acquitter aussi bien. Je dis donc, M. l'ORATEUR, sachant que cette question n'est pas nouvelle, que nous devons comprendre pourquoi cette mesure a été si vivement approuvée par les hommes d'Etat de la Grande-Bretagne, et pourquoi elle a reçu les suffrages des ministres de Sa Majesté. (Ecoutez! écoutez!) Ici se terminant l'historique que j'ai voulu faire de cette importante question, je vais essayer d'entrer dans son mérite; mais je vous assure, M. l'ORATEUR, que je sens toute la dificulté qu'il va y avoir pour moi de traiter ce sujet devant la chambre, vu sa gravité et les conséquences incalculables qu'il est destiné à produire. (Ecoutez! écoutez!) La chambre haute a déjà adopté le projet, et je ne pense pas que ses membres puissent, avec justice, être taxés de ne lui pas avoir donné toute la considération que son importance demande: je crois, au contraire, qu'ils ont discuté cette question avec calme et réflexion pendant les quatre dernières semaines, et ils ont donné là un exemple à suivre. Il ne s'ensuit pas, cependant, que les membres de la chambre haute doivent être taxés de s'être hâtés inconsidérément.   
L'HON. J. S. MACDONALD —Qui leur  fait ce reproche?  
M. MORRIS—L'hon. député de Cornwall est un de ceux qui le leur ont fait.
L'HON. J. S. MACDONALD— J'ai dit qu'ils s'étaient trop hâtés, et je prends la responsabilité de mon assertion.
M. MORRIS— J'ai la mémoire assez heureuse, et je crois que " hâtés inconsidérablement " sont les mots dont il a eu le malheur de faire usage. Je ne veux pas, toutefois, disputer avec mon hon. ami à l'égard des paroles qu'il a pu employer; je tiens plutôt à dire que le temps passé ici et ailleurs à discuter cette question n'a pas été perdu. Je pense qu'il est de notre devoir de considérer cette question à tous ses points de vue, et croyant que le projet sera adopté par cette chambre, je reconnais la necessité de le discuter longuement et librement afin que le pays puisse juger de son mérite. (Ecoutez! écoutez!) Cela dit, M. l'ORATEUR, je désire faire connaître que je donne mon appui à la proposition maintenant devant la chambre, parce que je crois sincèrement que cette union aura pour effet de resserrer nos liens avec la Grande-Bretagne bien plus que ne le pourrait aucun autre système (Ecoutez! écoutez!)
UNE VOIX—Elle aura plutôt l'effet de les relâcher.
M. MORRIS—Un hon. membre dit qu'elle nous mènera à l'indépendance. Eh! bien, je lui réponds et dis en même temps à cette chambre que seulement deux destinées nous sont réservées. Il faut ou que nous grandissions en force, en richesse et en puissance, par le moyen de cette union, sous l'égide de la Grande-Bretagne, ou que nous soyions absorbés par la république voisine. (Ecoutez! écoutez!) Dans la position où nous sommes, c'est, à mon avis, la seule conclusion à laquelle on peut arriver.
UNE VOIX—Le peuple ne veut pas de cette union.
M. MORRIS—Un hon. monsieur dit que le pays ne veut pas d'une union fédérale; nous le savons, au contraire, en faveur de ce changement. Quand l'esprit public est adverse à une mesure, le peuple n'a-t-il pas à sa disposition les moyens de faire connaître qu'il s'y oppose; or, comment se fait-il que le bureau de cette chambre ne soit pas couvert de pétitions contre le projet s'il est aussi impopulaire que voudraient nous le faire croire quelques hon. membres?
UN HON. MEMBRE—Il n'y a pas non plus de pétitions demandant que ce projet soit adopté.
M. MORRIS—Pourquoi n'y en a-t-il pas? N'est-ce pas parce que le gouvernement a été constitué dans le but d'effectuer cette union? (Ecoutez! écoutez!) Est-ce qu'une forte majorité des représentants du peuple n'est pas en faveur ce cette mesure? Si ces députés n'en veulent pas, ils n'ont qu'à la rejeter; mais ils lui donnent au contraire leur appui, parce qu'ils savent qu'un changement quelconque est essentiellement nécessaire, et qu'ils ont confiance dans la sagesse de ceux qui se sont chargés de tirer le pays de la crise où il se trouve. Si les hommes publics de cette province ont pris autant à cœur ce projet, c'est qu'ils voient en lui un moyen de perpétuer notre alliance avec la mère-patrie.
L'HON. M. HOLTON—Ce moyen se changera en une déception.
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M. MORRIS—Je ne suis pas prophète ni fils de prophète, mais je suis prêt à maintenir que ma prédiction se réalisera plutôt que celle de l'hon. monsieur, qui vient de dire que ce projet n'amènera que déception. (Ecoutez! écoutez!) On a exprimé la crainte que la confédération amènera la rupture des liens qui nous unissent à l'Angleterre; mais il dépendra de nous que ce malheur arrive ou n'arrive pas. Avec une liberté entière, un gouvernement responsable, l'avantage d'une position plus marquante et la protection de l'Angleterre, pourquoi chercherions- nous à briser ces liens? qu'y gagnerions- nous? Qu'est-ce qui pourrait nous porter à former d'autres alliances? (Ecoutez! écoutez!) Qu'aurions-nous à envier au pays voisin, harcelé comme il l'est par les nombreux et lourds impôts créés par les nécessités de son affreuse guerre civile, pour désirer nous incorporer à lui? Expliquezmoi comment cette union pourra nous affaiblir ou diminuer notre affection pour la Grande-Bretagne. A ceux qui croient que la confédération de ces colonies isolées n'augmentera pas leur puissance, de prouver ce fait presque inouï que l'union ne fait pas la force. (Ecoutez! écoutez!) Je dois dire, moi, comment cette union perpétuera notre alliance avec la Grande-Bretagne. Chacun sait que depuis peu l'Angleterre à radicalement changé de politique à l'égard de ses colonies. Sa politique a maintenant pour but de nous laisser la plus grande liberté dans nos relations avec l'empire. A part de l'allégeance et de notre loyauté, quelle est, après tout, la nature du lien qui nous unit à la Grande-Bretagne? Qu'est-ce autre chose qu'un lien fédéral? Voilà tout ce qui nous lie à l'Angleterre, et la preuve de ce que j'avance se trouve dans ce que je vais citer d'un publiciste anglais assez renommé:—
"La nouvelle politique adoptée pour les colonies " dit-il, " est de nature à perpétuer l'alliance des colonies avec l'empire."
Je pense qu'elle grandira la position de ces provinces comme partie de l'empire britannique, et qu'elle assurera pour nous la permanence de la constitution de ce royaume, tout en resserrant les liens qui nous unissent à lui. (Ecoutez! écoutez!) Avec lord DURHAM, ce profond politique, je crois qu'elle " donnera au colon de l'Amérique Britannique du Nord une nationalité qui lui sera propre, en élevant ces petites sociétés peu importantes à un Etat qui aura quelque importance nationale, en donnant ainsi à leurs habitants un pays qu'ils ne désireront pas voir absorbé par leurs puissants voisins." Et c'est aussi, M. l'ORATEUR, ce que voient nos voisins. Peu de temps après le départ du duc de NEWCASTLE de ce pays, l'attention fut attirée sur la question d'une union des colonies, non-seulement en ce pays, mais en Angleterre et aux Etats-Unis. Dans un article qu'il publia alors, le Courrier and Inquirer de New-York en vint à la conclusion " que l'union serait un moyen de perpétuer les relations entre les deux pays, et que ce changement de gouvernement ne rencontrerait pas d'obstacles sérieux. " (Ecoutez! écoutez! Que l'hon. député de Chateauguay réfléchisse sur cette opinion. Mais, M. l'ORATEUR, en consultant l'histoire, on trouve singulier de voir combien cette question a occupé les différentes colonies. Avant la révolution américaine, BENJAMIN FRANKLIN suggéra un plan de fédération des anciennes colonies de l'Angleterre sur ce continent, lequel, a-t-il dit plus tard, eut empêché la rupture survenue entre elles et la mère-patrie. Je vais citer le passage qu'il écrivit après la révolution et dans lequel il parle de ce projet:—
"Je proposai et dressai un plan à l'effet d'unir toutes les colonies sous un même gouvernement, en ce qui concerne les défenses et les autres fins d'une importance générale. D'après ce plan, le gouvernement général devait être administré par un président-général nommé et maintenu par la couronne, et par un conseil général, dont les membres auraient été choisis par les représentants du peuple des diverses colonies réunis en leurs assemblées respectives. Le plan fut adopté dans le congrès, mais les assemblées des provinces le rejetèrent, pour la raison qu'il renfermait trop de prérogatives, et en Angleterre il fut jugé comme étant trop imbu de l'esprit démocratique. Ces différentes raisons qui firent rejeter mon plan me firent aussi croire qu'au point de vue politique il occupait réellement un juste milieu, et, à l'heure qu'il est, je suis encore d'opinion qu'il eut été heureux que les deux partis l'eussent adopté. Les colonies ainsi unies auraient acquis assez de force pour se défendre elles-mêmes; l'Angleterre, par conséquent, n'aurait eu que faire de nous envoyer ses troupes, et le prétexte que l'on prit ensuite de taxer l'Amérique et la lutte sanglante qui en résulta eussent été évités."
N'est-il pas singulier de voir qu'il y a près d'un siècle, BENJAMIN FRANKLIN, pour remédier aux difficultés qui existaient alors entre les colonies, ait suggéré un projet d'union semblable à celui qui est maintenant devant la chambre? Ne voit-on pas dans ce fait une preuve de la sagesse de ses auteurs, qui connaissaient par l'histoire les difficultés que rencontrait le gouvernement des autres 443 colonies,—lesquelles étaient dues à l'absence d'un pouvoir central,—et qui ont proposé une confédération à l'instar du plan sur lequel comptait FRANKLIN pour empêcher une séparation d'avec l'Angleterre?
L'HON. M. HOLTON— Ce projet est considéré comme équivalant à l'indépendance.
M. MORRIS —Est-ce là ce que pense l'hon. député? Je crois qu'en Angleterre l'opinion est tout autre. En 1858, lorsque la Colombie Anglaise fut érigée en colonie, on vit alors que les communes d'Angleterre ne songeaient pas à renoncer aux possessions de la Grande-Bretagne sur ce continent, car voici les paroles qui furent conseillées à la Reine en cette occasion:
"Sa Majesté entretient l'espoir que la création de la nouvelle colonie du Pacifique sera le premier pris dans la carrière du progrès sur lequel elle compte pour qu'un jour ses possessions de l'Amérique du Nord soient peuplées de loyaux et industrieux sujets depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique."
(Ecoutez! écoutez!) Je dis, M. l'ORATEUR, que rien ne prouve que les hommes d'état de l'Angleterre voient dans ce grand projet un acheminement à l'indépendance; les faits cités l'autre soir par l'hon. député de Montréal-Centre prouvent directement le contraire. S'il tendait à ce but, je serais un des premiers à lui refuser mon appui, et nul doute que les hon. membres qui s'en sont déclarés les défenseurs, en feraient autant. Je ne crains pas de dire que tout gouvernement qui oserait présenter une mesure de ce genre serait de suite renversé et battu. (Ecoutez! écoutez!) Mais je sens, M. lORATEUR, que j'ai été poussé à parler plus longtemps que je ne le voulais de la question de nos relations avec la métropole; je signalerai néanmoins à l'attention de cette chambre un passage d'un livre que j'ai déjà cité et dans lequel je trouve l'exposé des idées politiques qui inspirèrent l'administration de lord JOHN RUSSELL, et une argumentation très serrée pour prouver que la possession des colonies n'est pas moins avantageuse à la Grande-Bretagne que les relations de celle-ci ne le sont avec ses colonies. Car, à n'envisager que le côté purement matériel de la chose et en fesant abstraction des liens plus forts et plus intimes qui existent, je reste convaincu que ce pays n'est pas du tout disposé à entrer dans la voie qui doit le mener à l'indépendance complète de la métropole et à la perte de ce prestige et de ce pouvoir attachés au seul titre de sujet anglais qui lui font dire avec non moins de vérité qu'aux anciens Romains: " Je suis citoyen Anglais!"—Voici ce que dit le comte GREY:—
"On conviendra que la possesion d'un certain nombre de fidèles alli s dans toutes les parties du monde, ajoute à la puissance d'une nation, et qu'aucun pouvoir étranger ne saurait faire d'alliances avec l'Angleterre aussi étroites et aussi sûres que les liens qui l'unissent à ses colonies. Personne ne doit oublier non plus que la puissance d'une nation ne consiste pas uniquement dans la force physique, mais encore et non moins dans l'opinion et l'influence morale qu'elle commande. C'est à cet égard que la perte des colonies serait pour l'Angleterre une cause d'affaiblissement assez difficile à apprécier."
Plus loin, je lis ce qui suit:—
"Cependant, la conservation de ces liens est encore d'une plus grande importance pour ces dernières (les colonies) que pour la métropole, parce que toutes faibles et petites qu'elles soient, elles jouissent, en retour de leur allégeance à la couronne anglaise, de toute la sécurité et de la considération qui s'attachent à leur condition de membres de l'un des peuples les plus puissants de la terre. Nul pouvoir n'oserait attaquer ou molester même la plus petite de ces colonies, car tout colon porte avec lui dans les parties les plus reculées du globe cette protection que donne partout le titre de sujet anglais."
(Ecoutez! écoutez!)lb/>
Mais je passerai à un autre point de vue, en disant que je crois que toutes les conditions nécessaires à la formation permanente d'une union fédérale se trouvent réunies dans le projet que nous discutons en ce moment. Je tiens en ce moment dans mes mains un ouvrage assez remarquable sur le Gouvernement représentatif, par JOHN STUART MILL, dans lequel l'auteur énumère trois conditions nécessaires à l'union d'états indépendants, et que nous pouvons appliquer, en raisonnant a pari, aux provinces anglo-américaines qui cherchent à s'unir plus étroitement ensemble et par suite plus étroitement aussi avec la métropole. La première de ces conditions est celle-ci, savoir:
"Qu'il doit y avoir une sympathie mutuelle assez forte entre les populations."
C'est-à-dire, que—
"L'unité d'origine de langage, de religion et surtout d'institutions politiques, est la plus propre à produire la communauté des intérêts politiques."
L'HON. M. HOLTON—Ecoutez! écoutez!
M. MORRIS—Nous possédons à un haut degré ce lien si puissant de sympathie; le 444 système de gouvernement et les institutions politiques sont les mêmes; nous appartenons à la même grande puissance, et c'est là le lien réel qui dans l'avenir devra assurer notre union. La seconde condition indiquée par l'auteur ci-dessus se trouve dans les lignes suivantes:—
"Les états séparés ne devront pas être assez puissants pour pouvoir s'en remettre à eux seuls de leur défense contre les agressions étrangères."
Voilà une condition qu'on ne niera pas s'appliquer à nous d'une manière toute spéciale. (Ecoutez! écoutez!) L'auteur donne enfin comme troisième condition:
"Qu'il n'y aura pas une trop grande inégalité de forces entre les divers états contractants."
L'HON. A. A. DORION—Ecoutez! écoutez!
M. MORRIS—Permettez que je continue de citer:—
"Sans doute ces états ne peuvent exactement avoir des ressources égales, car dans toutes les fédérations il y a gradation de pouvoirs entre les membres, et on en trouvera qui seront plus riches, plus populeuses et plus civilisées que d'autres. C'est ainsi par exemple qu'il y a une très-grande différence entre New-York et Rhode-Island."
Exactement la même que celle entre le Canada et l'Ile du Prince-Edouard. J'espère avoir convaincu mon bon ami d'Hochelage (M. DORION) que les paroles de M.MILL sont tout à fait applicables à notre position actuelle. (Ecoutez! écoutez!) Je crois en outre que nous trouverons dans l'avenir de grands avantages à avoir un gouvernement central fortement constitué, ainsi que des parlements locaux ou municipaux tels qu'indiqués dans le projet. En fait et en pratique, nous retirerons les plus grands avantages de ce système qui greffe sur les principes de la constitution anglaise ce qu'il y a de meilleur dans le régime américain. Je prendrai la liberté de lire un extrait d'un article du Times de Londres, publié en 1858, sur le sujet qui nous occupe en ce moment, et qui fait très-bien la distinction entre le système qu'on nous propose aujourd'hui et celui qui a été adopté aux Etats- Unis. La grande faiblesse de ce dernier vient de ce que tous les Etats en entrant dans la confédération ont réclamé une juridiction indépendante, qu'ils ont délégué certains pouvoirs au gouvernement central et qu'ils ont gardé le contrôle souverain sur tout les suiets qu'ils n'avaient pas ainsi spécialement délégués au gouvernement central. Les auteurs du projet que nous discu tons en ce moment, ont évité cet inconvénient et l'ont rédigé de façon à organiser un pouvoir central muni de pouvoirs souverains bien délimités, et des parlements locaux avec une juridiction déléguée et définie mais subordonnée au premier. L'article dit:—
"Il est bien évident que la constitution fédérale des Etats-Unis d'Amérique forme un précédent qu'il est impossible à des colonies unies de suivre dans ses principes ou dans ses détails, tant qu'elles feront partie du royaume d'Angleterre. Le principe de la fédération américaine est que chaque état est souverain, qu'il délégue au pouvoir central une partie de ses attributions et qu'il garde le contrôle absolu de tout ce qui n'est pas ainsi délégué. Les colonies, au contraire, ne sont pas des états souverains, attendu qu'elles forment partie de l'Angleterre; elles ne peuvent par conséquent pas déléguer à un gouvernement central leur autorité souveraine puisqu'elles n'en ont aucune. La seule ligne de conduite qu'elles doivent adopter, suivant nous, est de faire le contraire des Etats-Unis et de prendre pour devise, au lieu de Et pluribus unum, celle-ci—In uno plura.
L'HON. M. HOLTON—D'où tirez-vous cet extrait?
M. MORRIS—Du Times de Londres, et je l'ai cité à cause de la force des observations qui s'y trouvent, à part le caractère que leur donne encore la position du journal lui-méme. Je continue a lire:—
"La première mesure à prendre pour opérer une fédération des colonies américaines, serait donc d'en former un seul état, de donner à cet état un gouvernement complet et de déléguer à chacune des colonies les pouvoirs de gouvernement local qui seraient jugés nécessaires, en avant soin de réserver au gouvernement central tous les pouvoirs non expressément délégués. Le régime adopté par la Nouvelle Zélande donne à ce sujet un exemple digne de l'attention de ceux qui ont entrepris cette tâche difficile."
En effet, je n'ai pas le moindre doute que les auteurs de la constitution actuelle n'aient étudié la constitution projetée de l'Australie de même que celle de la Nouvelle-Zélande qui existe depuis dix ans.
L'HON. M. HOLTON— Eh bien! comment fonctionne-t-elle?
M. MORRIS—Je n'y ai jamais été (on rit), mais je sais que la population de toutes les provinces de la Nouvelle-Zélande, qui s'élevait a 26,000. lors de l'adoption de cette constitution, s'est élevée en dix ans au chiffre de 250,000, ce qui indique assurément un progrès.
L'HON. M. HOLTON—De même que nous avons grandi et progressé en dépit de cette union affreusement mauvaise dont vous désirez tant vous débarasser.
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M. MORRIS—C'est vrai, nous avons fait progrès sous le régime actuel:—mais l'hon. monsieur doit se rappeler les animosités du passé. Quoique moins ancien que lui dans cette chambre, je me souviens, lorsque j'y entrai, de l'état critique dans lequel étaient les esprits et des difficultés qui depuis n'ont cessé d'exister et de rendre impossible toute administration. N'avons- nous pas vu des gouvernements se maintenir, session après session, en moyen d'une majorité d'une ou de deux voix, et nous convaincre par là qu'il était impossible à aucun ministère de conduire les affaires publiques avec la dignité et la fermeté indispensables? Ainsi que je l'ai dit, je crois que la conférence a, on ne peut mieux, réussi dans la combinaison du plan qui nous est soumis aujourd'hui. Formant une société d'hommes libres et de sujets anglais, délibérant sur notre passé, notre présent et notre avenir, nous déclarons rester attachés à la couronne d'Angleterre;—nous disions à l'école de GOLDWIN SMITH, à ceux qui ne veulent plus de colonies, que nous ne voulons pas nous séparer de la métropole (écoutez! écoutez!);—que nous voulons conserver les liens existants; que nous n'avons aucun désir de nous soustraire à cette protection dont nous avons si longtemps joui, mais que, tout en continuant de garder cette protection, nous sommes résolus à faire tout en notre pouvoir pour notre défense et pour le développement des immenses ressources que la Providence a mises à notre disposition, et que nous demandons au parlement anglais le pouvoir d'accomplir ce grand œuvre avec toute l'Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez!) —Quel domaine, en effet, ne possédons-nous pas! Notre territoire embrasse trois millions de milles carrés, et est assez vaste par conséquent pour suffire à l'expansion de toutes les races qui habitent ce pays. Or, ce que nous voulons, c'est suivant les paroles d'un ancien ministre des colonies—lesquelles rendent parfaitement les vues et les sentiments du peuple de toutes ces provinces,—de pouvoir nous présenter devant le peuple anglais, devant le gouvernement anglais et devant notre Reine en tenant le langage suivant:—" Nous voulons, avec votre aide, avec votre sanction et avec votre permission, essayer d'ajouter un nouveau pays chrétien à ceux par qui l'Angleterre éternise sa mémoire, non par des pyramides ni par de obélisques mais par la formation de nouvelles nationalités dont l'histoire s'écrira dans sa propre langue. " Telles éaient les paroles dont le secrétaire colonial, Sir BULWER LYTTON, se servit lorsqu'il voulut fonder et qu'il fonda, en effet, une nouvelle colonie sur les rives du Pacifique,—paroles qui indiquent une confiance inébranlable dans le pouvoir et l'efficacité des institutions anglaises, et qui démontrent que ce régime peut s'adapter à toutes les circonstances d'un nouveau pays habité par des sujets anglais à qui le soin d'institutions de ce genre aurait été remis. (Ecoutez! écoutez!) Mais je m'aperçois que je suis tenté d'oublier l'excellent exemple que m'a donné mon hon. ami de Lambton. (Cris: non! non!—continuez.) Puisqu'il en est ainsi, je vais mentionner le plus brièvement possible deux ou trois avantages immédiats que nous retirerons suivant moi, de l'établissement d'une union des Canadas avec les provinces maritimes, sous le régime d'un pouvoir central et de parlements locaux. Et d'abord, voyons quelle est la position que ces colonies occupent vis-à-vis de la grande nation militaire qui se forme de l'autre côté des frontières; voyons ce qu'on y pense de nous. Un de ses hommes d'Etat les plus éminents, conseillait, il y a quelques années, à ses concitoyens de cultiver notre connaissance pendant que nous avions encore " les yeux fermés sur notre destinée." Or, nous n'en sommes plus là; nous avons ouvert les yeux sur notre destinée, et nous cherchons autant que cela se peut, de lui donner des bases sûres et certaines. (Ecoutez! écoutez!) Voici ce qu'écrit de nous un auteur américain:—
"Ils sont sans pouvoir énergique pour veiller aux intérêts de tous, pour assurer la prospérité de leurs côtes maritimes et de l'intérieur du pays, celle du commerce et de l'agriculture où ils semblent être nos rivaux, pour établir l'uniformité dans leur tarif et leurs impôts, et hâter l'exploitation des grandes ressources des pêcheries, des mines et autres!"
C'est la un point de vue de la position de ces provinces que je recommande à l'attention de mes hon. amis de Chateauguay et d'Hochelaga. Je leur demanderai si c'est là la vérité, et si cette situation n'est pas celle que nous occupons depuis longtemps? Or, le résultat de l'union projetée sera de faire disparaître cet état de choses. (Ecoutez! écoutez!) Je crois, en effet, que lorsque ces colonies seront unies ensemble, qu'elles agiront de concert et qu'elles seront seront animées par un sentiment de dépendance et d'intérêt mutuels, le résultat sera d'accroître 1eur richesse et leur industries et d'augmenter leurs 446 forces. D'un autre côté, je suis convaincu que l'un des grands avantages de l'union projetée sera de nous élever au-dessus de nos luttes de localités et de nous faire agir en citoyens d'un grand pays entre les mains desquels sont confiées des destinées propres à éveiller l'énergie d'un grand peuple. Mais il est un autre avantage pratique que je crois d'une grande importance en ce moment. Liés comme nous le sommes à l'Angleterre par les liens les plus étroits, et jouissant d'institutions représentatives, l'Angleterre se trouve forcée d'agir pour nous dans toutes questions d'une nature internationale; mais, lorsque toutes les provinces seront réunies sous un seul gouvernement général capable de voir à tout et de surveiller les divers intérêts, nous pourrons alors représenter à l'Angleterre ce que sont ces intérêts, au nom de tous et avec une force et une autorité que nous n'avions pas jusque là;—nous pourrons y attirer l'attention de la métropole de manière à lui faire apprécier et favoriser ces intéréts dans ses négociations avec l'étranger. Comme exemple de ce que je dis, je citerai le traité de réciprocité, au sujet duquel je me permettrai de lire un extrait remarquable du rapport présenté à la chambre des représentants des Etats-Unis, en 1862, par le comité du commerce, sur cette question. Je signale cet extrait à l'attention de cette chambre pour montrer jusqu'à quel point les Etats-Unis ont profité de notre position isolée, et de l'absence de pouvoir central parmi nous, pour se procurer par ce traité des avantages qu'ils n'auraient certainement pas demandés ni obtenus, si nous avions pu faire valoir, dans les négociations qui eurent lieu à ce sujet, les avantages qu'offraient le Canada et les provinces maritimes. Au lieu d'avoir à traiter avec chacune des provinces, les hommes d'état des Etats-Unis eussent eu à négocier avec les représentants des intérêts réunis de l'Amérique Britannique du Nord. Sous ce rapport, l'extrait que je vais lire est remarquabe autant que par la source d'où il émane. Voici comment le rapport s'exprime au sujet des résultats naturels du traité et de son abrogation:
"Le premier résultat et la conséquence natuturelle du traité fut d'opérer dans notre commerce avec le Canada une augmentation considérable et réciproquement avantageuse. Plusieurs causes de dispute disparurent et notre commerce s'accrut considérablement avec les provinces maritimes. Aussi, les arguments fondés sur les résultats du traité en général avec les diverses provinces ont-ils une valeur incontestable et évidente contre l'abrogation complète et sans restriction du traité, en autant que cette abrogation concerne les provinces dont on n'a pas eu à se plaindre. On ne comprend pas assez la condition isolée et presque sans relations des divers gouvernements de ces provinces entre eux, ainsi que leur manque de responsabilité envers un centre commun. Nous n'avons aucunement à nous plaindre de Terreneuve, de l'Ile du Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick. Ces diverses provinces de même que le Canada ont toutes un tarif et une législature distinctes, et aucune n'en doit de compte à l'autre. C'est pourquoi l'abrogation du traité en général serait un manque de foi envers les autres provinces, dans le cas où il serait à propos de la décréter à l'égard des Canadas; on ne saurait non plus faire valoir en faveur du Canada les avantages que donne le traité dans les provinces maritimes. Chacune de ces provinces a fait sa propre convention et en a donné et reçu l'équivalent qu'elle en attendait."
(Ecoutez! écoutez!)
C'est la un exemple de quelque importance, et je crois que les mêmes principes devront s'appliquer à toutes les questions que nous aurons à traiter par l'entremise de la métropole avec les gouvernements étrangers. Du moment que nous ne serons plus isolés les uns des autres nous pourrons présenter un front respectable et faire valoir les avantages à retirer des pêcheries inépuisables des provinces d'en-bas de même que du Canada. (Ecoutez! écoutez!) On a parlé très souvent durant ce débat de la question des défenses coloniales. Je crois qu'on ne peut mettre en question que ce serait pour le bien, non- seulement de l'Angleterre, mais encore de chacune des provinces qu'il y eut sur des sujets tels que la milice, les lois relatives aux aubains, à la neutralité et autres de même espèce, une législation générale et uniforme; —que l'acte d'une de ses colonies pouvant pousser l'Angleterre à la guerre, il y eut dans toutes les provinces anglaises uniformité et entente d'action sur tous les sujets de politique nationale et internationale. Il m'est difficile de ne pas prévoir qu'il résulterait d'un tel système les avantages les plus grands. Il n'entre pas dans mes attributions de traiter la question des défenses; je laisse cette tâche à de plus compétents; mais comment ne pas croire au rôle considérable qui serait réservé à l'Amérique Britannique du Nord dans l'histoire de ce continent en adoptant un système uniforme de milice et de marine?
L'HON. M. HOLTON — Sommes-nous pour avoir une marine?
M. MORRIS—L'hon. monsieur n'a pas 447 manqué, j'en suis sûr, d'écouter avec beaucoup d'intérêt le discours du président du conseil; par conséquent, il a pu apprendre que nous possédions une marine dont tout pays pourrait être fier, marine engagée toute entière dans une industrie honnête et qui nous permet d'être aujourd'hui la troisième puissance maritime du monde entier. Viennent les époques critiques,—plaise à Dieu que ce soit le plus tard possible!— et l'on verra le golfe St. Laurent et les lacs se couvrir de braves pour défendre le pays. (Ecoutez! écoutez!) Une autre observation que je ferai c'est que sous le régime projeté les intérêts locaux seront mieux sauvegardés, car c'est ma ferme conviction que tous les intérêts locaux recevraient une bien plus grande somme d'attention, du moment que les législatures provinciales n'auraient plus à s'occuper de ces grandes questions générales qui absorbent nécessairement aujourd'hui une partie si considérable de leur temps et de leurs études. (Ecoutez! écoutez!) Je me contenterai maintenant d'indiquer brièvement un ou deux avantages incidents qui ne feront que s'accroître avec le temps, de notre position de provinces unies de l'empire britannique. Je n'ai pas l'intention à cette heure de la nuit de fatiguer mon hon. auditoire (cris:— non! non!—continuez) en prouvant par des chiffres quelle sera l'impulsion donnée au commerce intercolonial entre les provinces d'en-bas et celles des Indes Occidentales. Ceux qui s'occupent de commerce se rappellent encore l'étendue des affaires qui se faisait, il y a quelques années, avec les Indes Occidentales et qui ont cessé depuis par suite de diverses circonstances. Eh bien! mon opinion est, qu'une fois l'union des colonies de l'Amérique Britannique du Nord consommée, il se fera, non seulement entr'elles un grand commerce en produits agricoles et autres dont les provinces d'en- bas tirent aujourd'hui leur approvisionnement des Etats-Unis, mais encore le commerce se rétablira avec les îles des Indes Occidentales. Ayant pris la peine, il y a déjà quelque temps, de compulser certaines statistiques, quelle ne fut pas ma surprise de voir l'importance des relations commerciales qui existaient, il y a vingt-cinq ans, entre nos provinces et ces îles; je n'ai aucun doute aujourd'hui qu'en effectuant l'union proposée, nous ne soyions en état d'établir notre commerce sur un tel pied que nous nous pourrons ouvrir de nouveau les sources précieuses de celui des Indes Occidentales.
L'HON. M. HOLTON —Alors que ne comprenez-vous aussi les Indes Occidentales dans votre projet de confédération?
M. MORRIS—En vérité, mon hon. inter- rupteur montre on ne peut plus de désir d'étendre le cercle de la confédération! (on rit)—Je le connais comme fédéraliste depuis de longues années, et je suis convaincu qu'il ne veut rien tant que de nous voir aller plus vite: aussi, mon opinion est-elle qu'une fois le projet actuel accompli il n'en soit l'un des plus chauds défenseurs. (Ecoutez! écoutez!) Je me permettrai, M. l'ORATEUR, de citer quelques phrases d'une lecture faite, il y a quelques années, par M. le principal DAWSON, de Montréal, et qui, né à la Nouvelle-Ecosse, connaît à fond les provinces maritimes. Voici ses paroles:—
"Leurs progrès en population et en richesse sont lents comperés à ceux de l'Amérique Occidentale, quoiqu'égaux en moyenne à ceux de l'union américaine et plus rapides que ceux des anciens états. Leur agriculture marche à grands pas vers le progrès, leurs entreprises industrielles et l'exploitation des mines prennent tous les jours de l'accroissement, et il s'y construit nombre de voies ferrées pour les mettre en rapport avec les parties plus reculées de l'intérieur du continent. Ces provinces possèdent, comme la Grande-Bretagne, des mines importantes qui ne se trouvent pas chez leurs voisins, et les moyens les plus avantageux de se livrer au commerce et à l'industrie. (C'est pourquoi elles devront avoir avec les Etats-Unis, le Canada et les pays du Nord-Ouest, 1es mêmes relations d'affaires que l'Angleterre entretient avec l'Europe occidentale, centrale et septentrionale. La nature a fait d'elles le grand terminus océanique de l'immense vallée du St. Laurent, dont le commerce, attiré un moment à force d'énergie et d efforts à travers le barrière naturelle que la Providence a élevée entre lui et les ports de mers américains, devra finir par reprendre sa direction naturelle. On verra alors non seulement les villes du St. Laurent s'unir par la communauté des intérêts les plus forts, mais encore se rattacher à l'Acadie par des liens encore plus intimes que n'en peut produire seule une union politique. Les immenses produits des vastes et beaux pays de l'Ouest s'achemineront vers l'Atlantique et vers les marchés principaux de l'ancien monde, par le St. Laurent et les provinces du golfe. Le surplus des produits agricoles du Canada trouvera des consommateurs à sa porte, chez les mineurs, les charpentiers de navire, les marins et les pêcheurs de l'Acadie qui lui enverront en échange les trésors de ses mines et de ses pêcheries. La nature des choses semble rendre inévitable la fusion définitive de toutes les populations qui avoisinent le grand fleuve et ses tributaires, et l'établissement sur ses bords de l'une des principales artères commerciales du continent de l'Amérique,—et l'on voit aujourd'hui même un vaste champ s'ouvrir à l'industrie et aux capitaux en vue de ce magnifique résultat."
Tels seront aussi, je crois, les résultats de ce que nous entreprenons de faire en ce 448 moment. (Ecoutez! écoutez!) En terminant, je désire signaler à l'attention de tous, les avantages que nous procurera l'établissement de l'immense région située en arrière de nous, l'Amérique centrale du Nord, plus connue sous le nom de Nord-Ouest, avantages que la confédération pourra seule nous mettre en état de recueillir. Car, si les Canadiens ne font aucun effort de ce côté et continuent de laisser l'énergie et l'activité américaines poursuivre leur cours, il arrivera inévitablement que la colonisation et l'exploitation de ce grand territoire passeront aux mains des citoyens de la république voisine. La question est du plus grand intérêt pour le Canada. Il y a déjà bon nombre d'années, l'industrie canadienne avait atteint le Nord- Ouest par la vallée de l'Outaouais, et en 1798, la companie du Nord-Ouest comptait pas moins de 12,000 employés: pourquoi ce commerce ne se rétablirait-il pas comme autrefois entre cette région et le Canada? Car, enfin, quels sont les obstacles insurmontables que s'y opposent? Il existe déjà entre les deux pays une route par terre et par eau, et je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas les mesures nécessaires pour développer les ressources de cette immense région et la rendre tributaire du Canada. (Ecoutez! écoutez!)—Il a donc été sage de la part des auteurs du plan actuel d'indiquer, comme l'une des principales raisons de leur oeuvre, la nécessité du développement du Nord-Ouest, pour la sécurité et le progrès des intérêts, le plus chers de l'Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez! écoutez!) Si la chambre veut bien me le permettre, M. l'ORATEUR, je demanderai à mes hon. auditeurs de réfléchir un moment sur l'étendue du territoire de cette région Un auteur américain, qui l'estime à 2,500,000 milles carrés, en parle dans les termes suivants:—
"Quel est l'équivalent de cette étendue? C'est quinze fois et demi plus grand que l'Etat de la Californie, environ trente-huit fois aussi grand que l'Etat de New-York, près de deux fois aussi grand que trente-et-un états de l'Union, et en exceptant le territoire du Nébraska, aussi considérable que tous nos états et territoires combinés. "
On trouve, entre les parties établies du Canada et la région de la Rivière Rouge, des étendues de terres arables de 200,000 acres, offrant tous les moyens de communication possible par eau et par terre; aussi, je ne m'étonne pas que feu SIR GEORGE SIMPSON, dans la relation de son voyage autour du monde, et racontant qu'il était passé de Montréal à la Rivière Rouge et de là au Pacifique ait été frappé des avantages extraordinaires qu'offre ce pays et qu'il se soit écrié en présence de la magnifique navigation intérieure qu'il y aperçut:—
"Quel bonheur pour l'imagination du philantrope que de devancer le présent et d'apercevoir dans l'avenir ce cours d'eau superbe, trait d'union de deux lacs aux bords fertiles, couvert de bateaux à vapeur et baigner de ses eaux les cités populeuses et riches élevées sur ses rives!" —
(Applaudissements.)
SIR GEORGE SIMPSON n'était pas, on le sait, homme à se laisser emporter par l'impulsion du moment, mais à la vue du spectacle qui s'offrait à lui, il lui a été impossible de ne pas exprimer son admiration dans les termes pompeux que je viens de citer. Jetons les yeux un moment sur la région de la Saskatchewan, de l'Assiniboine et de la Rivière Rouge avec ses 10,000 colons et formant le noyau d'une province future, le noyau autour duquel pourrait venir se masser l'immigration qui y serait dirigée pour constituer une section puissante de la confédération. Ce pays embrasse 360,000 milles carrés, et la Rivière Rouge, le lac Winipeg et la Saskatchewan forment une ligne de communication par eau de 1,400 milles. Quelle est maintenant la nature du sol du pays? Je citerai sur ce sujet le professeur HIND qui appelle la vallée de la Rivière Rouge et une grande partie du pays baigné par l'Assiniboine, son tributaire—"un paradis de fertilité". Il n'en saurait parler qu'en termes d'étonnement et d'admiration, et ajoute que la nature du sol comme terre arable ne peut être surpassée:—et il le prouve par les paroles suivantes:—
"Tous les produits agricoles qui viennent en Canada réussissent très-bien dans le district de l'Assiniboine qui, comme pays arable, prendra un jour rang parmi les plus remarquables."
Le climat, de son côté, ne présente aucune difficulté; pour s'en convaincre, nous n'avons qu'à ouvrir l'excellent ouvrage qui se trouve dans notre bibliothèque, et intitulé: Blodgett's Climatology, dans lequel l'auteur démontre, que le climat de la côte nord-ouest et des pays de l'intérieur dans la direction du lac Winipeg, est le contraire de celui que l'on trouve sous la même latitude sur les bords de l'Atlantique, et est très- favorable à la colonisation. (Ecoutez! écoutez!) Je vais maintenant, M. l'ORATEUR, faire connaître à cette chambre 449 l'étendue de territoire que nous possédons dans les provinces de l'Atlantique et du Pacifique: les premières comprennent le Bas-Canada, qui contient une superficie de 201,989 milles carrés; le Haut-Canada, dont la superficie est de 148,882 milles carrés; le Nouveau-Brunswick, dont la superficie est de 27,700 milles carrés; la Nouvelle-Ecosse, dont la superficie est de 18,746 milles carrés; l'Ile du Prince-Edouard, dont la superficie est de 2,134 milles carrés; Terreneuve, dont la superficie est de 35,918 milles carrés; donnant un total de 435,814 milles carrés— qui, ajouté aux 5,000 milles du Labrador, forme un grand total de 440,314 milles carrés, renfermant une population d'environ 4,000,000 d'âmes. Les provinces du Pacifique sont la Colombie Anglaise, qui contient 200,000 milles carrés; l'Ile de Vancouver, qui en contient 12,000, et le territoire de la Baie d'Hudson (y compris l'Amérique Centrale) qui en contient 2,700,000. (Ecoutez! écoutez!) Il ne me reste plus maintenant qu'à remercier la chambre de la patience avec laquelle elle a bien voulu entendre mes observations. M'étant levé à une heure très-avancée et au moment où la chambre paraissait fatiguée, je n'ai pas cru devoir trop prolonger la discussion, et j'ai abrégé ce que j'avais à dire. C'est ainsi que je n'ai traité que superficiellement beaucoup de points sur lesquels je me serais étendu, n'eussent été les raisons que je viens de donner. Avant de finir, j'oserai exprimer l'espoir que ce grand projet ne sera pas accueilli avec esprit de parti; car, si jamais un plan soumis à une législature a mérité qu'on mit tout esprit de parti de côté, c'est celui-là. (Ecoutez! écoutez!) Il est évident que dans la chambre on compte une grande majorité en faveur du projet, et bien que cette dernière accorde à la minorité le droit qui lui appartient—celui de faire connaître ses objections—ce n'en est pas moins une très grande preuve que ceux qui composent cette majorité croient faire ce qui est le mieux pour le pays en appuyant cette mesure, que le peuple sanctionnera à la première occasion qui lui sera donnée de réélire ceux de ses représentants qui auront voté pour le projet. (Ecoutez! écoutez!) C'est le devoir de ceux qui sont en faveur du projet—et je crois qu'une grande majorité y voit de nombreux avantages pour nous—et je suis fermement persuadé qu'ils doivent à leurs commettants, au pays et au grand empire dont nous faisons partie, de le mettre le plutôt possible à exécution. Je suis heureux, M. l'ORATEUR, en passant en revue les trois années pleines d'événements qui se sont écoulées depuis que je suis député à cette chambre, de pouvoir dire que la première fois que j'eus l'honneur de prendre ici la parole (en 1861) ce fut en faveur d'un projet analogue à celui que nous discutons en ce moment, car alors je me prononçai pour un gouvernement général des provinces de l'Amérique Britannique du Nord avec des législatures locales. La question de la représentation d'après le nombre était alors sur le tapis, et voici en quels termes j'exprimai mon opinion à cet égard:
"J'ai la confiance que l'on trouvera des hommes capables de régler équitablement cette question et de présenter une mesure dont le pays sera satisfait. Il se pourrait que cette mesure serait à l'effet d'amener les différentes provinces de l'Amérique du Nord à une union établie sur des bases donnant au peuple de chaque province le droit de régir ses propres affaires intérieures, et au gouvernement général le contrôle et l'administration des affaires d'un commun intérêt, le tout de manière à assurer la consolidation de la puissance britannique sur ce continent."
J'ai toujours eu cette opinion depuis que je suis capable de réfléchir sur les destinées de  ce pays, et je demande qu'il me soit permis de citer encore une partie d'un discours que je prononçai en 1859. Passant alors en revue, comme je l'ai fait ce soir à la hâte, l'étendue de nos possessions et les grands avantages que nous pourrions retirer de l'union que l'on se propose de mettre à effet, voici quelle opinion j'exprimai dans un essai sur le territoire de la Baie d'Hudson et du Pacifique dont je fis la lectures Montréal: " Avec deux puissantes colonies sur le Pacifique, avec une autre ou plus des colonies dans la région située entre le Canada et les Montagnes Rocheuses, avec un chemin de fer et un télégraphe reliant l'Atlantique au Pacifique, et nos voies de communication intérieure et sur mer auxquelles le commerce donnera de l'extension, qui peut douter de la réalité de l'avenir brillant qui se prépare pour le grand empire britannique du nord! Des hommes à vues étroites, des égoïstes, enfin, pourront nous dire que tout cela n'est qu'un rêve de l'imagination; mais le temps opère des merveilles, et lorsque nous dirigerons notre regard vers l'est, l'ouest et le nord, quand nous faisons défiler devant nous les populations de l'Acadie et du Canada, du Nord-Ouest, de la Colombie et des possessions du Pacifique, qui sont les maitres d'un 450 territoire aussi vaste, d'un aussi riche héritage, et quand nous nous rappelons les progrès rapides qui ont transformé es anciennes colonies américaines en une des puissanccs de la terre, qui peut douter que l'avenir ne fera pas de ces provinces anglaises un grand Empire britannique du nord, une nouvelle nation anglaise qui, avant longtemps, peuplera tout le nord de ce continent, ou plutôt comme on l'a très bien dit, une Russie, mais une Russie anglaise, c'est-à-dire libre et civilisée, bornée en face par le sud, à l'arrière par le pôle, et ayant à sa droite et à sa gauche l'Atlantique et le Pacifique reliée par un télégraphe et une voie ferrée." (Applaudissements!) Tel est, M. l'ORATEUR, l'avenir que j'entrevois et que tous les enfants du sol entrevoient. Je sais que si le peuple de ces provinces anglaises reste fidèle à lui-même et que les hommes d'état de l'Angleterre font leur part pour remédier à cette grande crise qui figurera dans notre histoire nationale, ce que nous promet l'avenir se réalisera. Nous aurons la gloire d'appartenir à un grand pays encore lié à la couronne d'Angleterre, mais nous n'en serons pas moins libres, puisque nous jouirons des bienfaits d'un gouvernement responsable. Je suis convaincu que cette union produira les plus heureux résultats possibles. (Ecoutez! écoutez!) Tout en remerciant la chambre de la bienveillante attention qu'elle m'a prêtée, je termine en disant que le projet en vertu duquel nous demandons au parlement impérial de légiférer pour nous, est a à la fois sage et judicieux, et mérite l'appui zélé des représentants du peuple de cette province. Quant à moi, je lui assure mon vote et lui donne mon approbation la plus cordiale. (Bruyants applaudissements!)
M. M. C. CAMERON propose l'ajournement des débats, et cette proposition est adoptée.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

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