JEUDI, 23 février 1865.
M. A. MACKENZIE reprend le débat:—
Monsieur l'ORATEUR:—Avant d'entrer dans
la discussion du projet de confédération, je
crois bien faire en disant un mot de la position que nous avons occupée dans les débats
sur les changements constitutionnels—cause
de tant de luttes et de tant de dissensions
entre les deux sections de la province. J 'ai
été accusé, comme d'autres hon. membres,
d'abandonner mes principes en soutenant la
coalition actuelle formée dans le but de
résoudre les dificultés que nous avons eu a
combattre et auxquelles on se propose du
mettre fin par un projet peu discuté encore
du moins dans la partie de la province à
laquelle j'appartiens. Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette chambre, je
n'ai
jamais considéré la représentation basée sur
la population comme la seule mesure susceptibe de mettre fin à nos dissensions.
Voici ce que je disais dans le premier discours que je fis dans cette chambre: "Je
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ne suis pas personnellement lié à la question
de la représentation d'après la population
comme seule mesure possible. Si les adversaires de ce projet peuvent proposer un
autre remède, je suis prêt à en faire l'examen. Et je suis sûr que le vaste district
que
je représente m'approuvera dans l'étude de
toute mesure qui enlèvera au gouvernement
du jour le pouvoir de commettre des injustices locales, mais, jusqu'à présentation
d'une
telle mesure, je défendrai la représentation
basée sur la population comme le seul
remède salutaire à mon avis." (Ecoutez!)
L'hon. membre pour Hochelaga (M. DORION)
a affirmé que nous défendions cette mesure
comme seul moyen de mettre fin aux injustices financières dont nous nous plaignons.
Cette assertion est erronée. Il est bien vrai que
nous avons énergiquement fait ressortir cette
injustice,—et je ne songe pas à rétracter
aucun de nos arguments,—nous avons énergiquement représenté, dis-je, que, contribuant
pour une large part au revenu public, le revenu
était dépensé sans donner l'équivalent à
la partie du pays dont la contribution est la
plus forte. Mais nous nous plaignions encore
d'une autre injustice qui donnait à quatre
membres du Bas-Canada autant d'influence
politique qu'à cinq membres du Haut Canada,
nous nous plaignions que nos lois étaient
souvent passées par une majorité Bas-Canadienne en dépit de nos protestations. Cela
nous affectait beaucoup plus que la perte
de certaines sommes d'argent. (Ecoutez!)
Jusqu'à 1862, tout le Haut-Canada s'agitait
à propos de cette question. Et je suis con
vaincu qu'à cette époque personne ne pouvait prendre part à la politique ou se faire
entendre dans une assemblée avant de s'être
déclaré en faveur de la représentation basée
sur la population.
M. A. MACKENZIE—L'hon. membre
pour Cornwall semble s'indigner; Eh bien!
je ferai exception pour lui.
M. A. MACKENZIE—Je n'ai peut
être pas droit de donner à l'hon. membre
le bénéfice de cette exception, car nul plus
que lui n'a fait ressortir l'injustice que
subissait le Haut-Canada.
M. A. MACKENZIE — Il a même
été plus loin que je n'oserais le faire en
affirmant les droits du Haut-Canada, et la
justice qu'on devait lui rendra. Il a affirmé
devant cette chambre qu'il n'accepterait
aucune mesure, bonne, mauvaise ou insignifiante de l'administration du jour, uniquement
parce qu'elle refusait de rendre justice au
Haut-Canada.
M. A. MACKENZIE—On ne pouvait
aller plus loin. Mais je parlerai tout à l'heure
de l'administration dont l'hon. monsieur
était le chef L'hon. membre pour Hochelaga
semble croire que parce que l'agitation du
Haut-Canada était bien organisée et, pour
ainsi dire, systématique, elle n'offrait aucun
symptôme dangereux. Mais l'hon. membre
devrait se souvenir que c'est un des traits caractéristiques du peuple anglais de
toujours diriger l'agitation avec un certain décorum et en
respectant les lois, et que ses mouvements
sont alors d'autant plus sérieux. Lorsqu'il
est bien convaincu qu'on lui fait une injustice
il ne cède jamais, toutefois il ne proteste et
ne s'agite qu'en ayant toujours égard aux
droits des autres partis. (Ecoutez!) J'avouerai franchement qu'a mon entrée au parlement
la position du Bas-Canada vis-à-vis des
Haut-Canadiens me donna quelques appréhensions. Une opinion bien répandue alors
dans le Bas-Canada était celle-ci: que le
Haut-Canada n'userait des droits que lui
conférerait la représentation basée sur la
population que pour nuire aux institutions
religieuses du Bas-Canada et peut-être les
anéantir entièrement: de là une lutte énergique des Bas-Canadiens contre cette mesure.
Mais je suis persuadé que ces doutes
n'existent plus aujourd'hui. En traitant
l'autre jour cette section, l'hon. membre
pour Hochelaga (M. DORION) a cité des
paragraphes d'un discours prononcé par moi
à Toronto peu de jours avant l'ouverture de
la session actuelle; et je n'ai pas reconnu
dans l'interprétation que l'hon. membre a
donnée à mes paroles sa franchise et sa justice
habituelles. Il a prétendu que j'avais renoncé
à la representation basée sur la population
comme à une chose inopportune, impraticable
ou pire encore. Mais voici mes propres
paroles: " Dans la pratique que j'ai aujourd'hui des affaires publiques, j'ai acquis
la
conviction qu'il est presque impossible d'obtenir au moyen de la représentation basée
sur la population, la pleine justice que le
Haut-Canada réclame, et, à cet égard, une
union législative serait à mon avis bien
préférable."
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M. A. MACKENZIE—" Telles sont mes
vues. A une certaine époque, les populations
du Haut-Canada se sont imaginées que les
Bas-Canadiens redoutaient de nous accorder
la représentation basée sur la population
parce que nous en ferions usage contre leurs
institutions religieuses. Je suis convaincu
que c'est un pur préjugé, et que la poputation française n'a jamais eu la moindre
crainte à cet égard parce qu'elle sait parfaitement que le parti au pouvoir qui commettrait
une telle injustice envers l'une ou l'autre
section se suiciderait politiquement. (Applaudissements!) Toutefois, dans toutes les
discussions, on a fait valoir ce point que
l'élément français diffère essentiellement de
nous autant que par son origine que par ses
opinions. La nature veut que l'homme soit
fier de sa patrie et des hauts faits de ses
ancêtres. Ce sentiment existe tout aussi
fort chez les Canadiens-Français que chez
nous et, dans la position que leur a faite la
cession du Canada à l'Angleterre, ils croient
nécessaire de maintenir fortement leur esprit
de nationalité, et de s'opposer à toutes les
tentatives du Haut-Canada, sans quoi, pensent-ils, leur nationalité périrait. Pour
ma
part, je crois que la représentation d'après
la population, pure et simple, ne serait,
dans les circonstances présentes, qu'un
remède très-imparfait, car s'il est vrai que
le Haut-Canada aurait dix-sept membres de
plus, rien n'empêcherait les cinquante ou
cinquante-cinq membres qui représentent
les districts français du Bas-Canada de
s'unir avec une minorité haut-canadienne et
de soumettre ainsi l'administration à leurs
vues." Voilà les opinions que j'exprimai
devant cette assemblée, et je suis prêt à les
maintenir ici. (Ecoutez!) Je crois que les
idées de nationalité ont été cause de toutes
nos difficultés dans le fonctionnement du
système actuel. Je ne veux pas dire qu'il
faut chercher à éteindre ce sentiment énergique, qui est la source du vrai patriotisme.
(Ecoutez!) Ce serait à mon avis une tentative injuste et peu honorable. Lorsque le
pays fut cédé à l'Angleterre, elle accepta la
responsabilité de gouverner une population
étrangère en respectant les opinions de cette
dernière en tant que la politique anglaise
y trouverait son compte. Ce sentiment
de nationalité est tellement fort dans tous
pays que les tentatives de l'annéantir n'ont,
comme en Autriche, rencontré que l'échec
le plus complet. Or, cet insuccès d'un
gouvernement despotique ayant à sa dispo
sition une puissante armée démontre à
l'évidence qu'une telle prétention est inadmissible dans un pays libre. Aujourd'hui,
en Autriche, dix-huit nationalités différentes
sont représentées dans le conseil de la nation,
et malgré toute sa puissance et son prestige
militaires, l'Autriche a été forcée d'accorder
des parlements locaux à ces dix-huit nationalités. (Ecoutez!) J'en arrivai donc à
conclure qu'il serait impossible d'obtenir la
représentation basée sur la population tant
que les populations françaises demeureraient
persuadées que cette concession de leur part
entraînerait la ruine de leur nationalité.
M. A. MACKENZIE —C'est ce dont je
doute fort. L'hon. procureur-général du
Bas-Canada (M. CARTIER,) dans son discours l'autre soir, a fait allusion à l'attitude
des populations françaises du Bas-Canada
pendant la guerre d'indépendance, lesquelles
sont restées loyales et fidèles tandis que toutes
les autres colonies de l'Amérique du Nord
s'affranchissaient de la domination anglaise.
L'hon. monsieur avait parfaitement raison
de faire valoir les titres acquis à ses compatriotes. Mais je crois qu'un autre sentiment
les animait à part de leur loyauté vis- à-vis de l'Angleterre: c'est que le salut
de
leur nationalité dépendait uniquement de
leur union avec la Grande-Bretagne. Pendant vingt ans leur existence comme colonie
de l'Angleterre ne vit pas se développer les
sentiments qu'ils éprouvent aujourd'hui à
l'égard de ce pays. Mais il a toujours été
clair pour eux, que s'ils s'unissaient à la
république américaine c'en était fait de la
nationalité française, qui eût péri comme à
la Louisiane. (Ecoutez!) On a accusé d'hon.
membres et moi-même d'avoir abandonné
notre parti en n'agissant plus de concert avec
les députés Bas-Canadiens, auxquels nous
étions précédemment unis. Mais sur quoi
est fondée cette accusation? Qu'est-ce, en
définitive, qu'un parti? C'est une association
d'individus qui ont des opinions communes
sur certains points de la politique générale,
ou sur certaines mesures qu'ils croient nécessaires au bon gouvernement de leur commune
patrie. A ce point de vue, il n'y a rien
dans notre politique de parti que nous ayions
si fortement maintenu que la représentation
basée sur le population.
M. A. MACKENZIE—Lorsque nos
anciens amis du Bas-Canada ont abandonné
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cette question, et que nos adversaires d'alors
se sont montrés prêts à l'aborder, nous avons
cru devoir nous unir à ceux qui avaient les
mêmes opinions que nous sur un point qui
nous intéresse au plus haut degré. (Ecoutez!)
A l'époque de la formation du ministère MACDONALD-SICOTTE, je fus fortement blâmé,
ainsi que plusieurs autres membres, pour
n'avoir pas empêché cette combinaison. Nous
nous trompions peut-être; mais, après tout,
je crois que c'est un bien que l'hon. membre
pour Cornwall (M. J. S. MACDONALD) ait eu
une belle occasion d'appliquer son remède,
souverain selon lui pour toutes nos difficultés
constitutionnelles, le principe de la double
majorité. Pendant dix ans on a prêché sur
tous les tons que ce principe était le seul qui
pût faire fonctionner avec harmonie le gouvernement du Canada. Mais, hélas! malgré
cette heureuse chance le gouvernement
MACDONALD-SICOTTE disparu à son aurore!
(Ecoutez! et rires.) L'éphémère existence
de ce gouvernement a eu un beau résultat,
celui de démontrer que le moyen proposé
par l'hon. monsieur pour atteindre le but
vers lequel il tendait depuis longtemps avec
nous, était totalement impraticable. (Ecoutez!) Mais supposons que le parti libéral
du
Haut-Canada eût rejeté les conditions que
lui faisait le gouvernement actuel; supposons
que nous eussions refusé notre appui à une
administration qui nous accorde presque
tout ce que nous avons demandé, n'aurait-on
pas eu droit jusqu'à un certain point de
nous considérer comme fauteurs d'anarchie?
Nous tournions ainsi contre nous nos
propres armes en refusant la concession
presqu'entière des principes pour lesquels
nous combattions depuis si longtemps, et
cela pour la triste raison que quelques
membres dont nous avons été précédemment
les adversaires déterminés sont aujourd'hui
à la tête de ce mouvement. Pour ma part,
j'ai senti qu'il me serait impossible de tenir
tête à l'opinion du Haut-Canada si j'agissais
ainsi. Quelques hon. membres ont affirmé que
cette mesure n'est pas aussi parfaite qu'on
aurait pu le désirer, et qu'à certains points
de vue elle est incomplète. A tout prendre,
elle n'a peut-être pas la forme que nous
aurions désiré. Mais quand deux grands
partis sont, comme chez nous, en présence,
il est clair que pour régler les difficultés
constitutionnelles ils doivent en venir plus
ou moins à des compromis. Cette discussion
et le vote qui la suivra établiront si le compromis actuel est fait en toute justice,
mais
ne démontreront rien de plus. Pour ma
part, j'ai foi dans le compromis et je suis prêt
à donner mon cordial appui à la mesure.
(Ecoutez!) Ce projet n'est, dans ses éléments principaux, autre chose que celui de
la convention de Toronto appliqué sur une
plus large échelle. Chaque époque a ses
exigences, et la convention ne pouvait faire
davantage dans les circonstances où elle
s'est réunie. Les discours prononcés et les
résolutions passées dans cette assemblée,
indiquent clairement de la part des délégués un vif désir de réaliser une confédération
de toutes les provinces de l'Amérique
Britannique du Nord, si cette union eût pu
se faire aussi rapidement que la fédération
des deux Canadas. Ceci est la seule raison
pour laquelle on ne généralisa pas le projet.
Mais les hon. membres pour Chateauguay et
Hochelaga (MM. HOLTON et DORION) nous
ont dit que la convention de Toronto n'avait
eu aucun effet sur l'esprit public. Or, j'ai
été plus que personne à même de connaître
l'opinion publique à cette époque, et je puis
affirmer sans crainte d'être contredit que
jamais projet n'a si vivement préoccupé
oupé l'opinion publique que le projet de
la convention de Toronto. (Ecoutez!) Et
c'est parce que le projet actuel n'est, en
quelque sorte, qu'une généralisation du
projet d'alors, qu'il a reçu l'approbation
presque universelle dans le Haut-Canada.
(Ecoutez!) Il est vrai qu'après la convention de Toronto, il y eut peu d'agitation
en faveur du projet. Mais j'ai observé
que, dans toutes les élections qui ont eu lieu
depuis la convention de Toronto, les membres
de notre parti ont toujours déclaré que du
moment où les Bas Canadiens opposés à la
représentation basée sur la population voudraient accepter le projet de la convention
de
Toronto, ils seraient prêts à s'entendre avec
eux. Personnellement, j'ai toujours été en
faveur d'une union législative bien organisée,
et si elle pouvait suffire aux besoins actuels
des colonies, je l'appuierais encore. Telle est
aussi, je crois, l'opinion générale des populations de l'Ouest. Mais tout homme public
doit soumettre ses théories aux exigences du
moment. Or, il est évident que si une union
législative n'est pas pratiquement possible
entre le Haut et le Bas-Canada, elle le sert
encore bien moins si nous nous adjoignons
les autres provinces. Nous sommes donc dans
l'alternative d'accepter le principe fédéral
ou de rompre entièrement l'union du Haut et
du Bas-Canada; or, ce dernier moyen serait, à
430
mon avis, la source des plus grands malheurs
pour ces deux provinces. Quant même le
projet actuel offrirait plus d'inconvénients
qu'il n'en présente, je l'accepterais encore de
préférence au rappel de l'union. (Ecoutez!)
Dans le projet actuel, la représentation de la
chambre basse ne laisse rien à désirer. En
outre, nous avons la faculté d'augmenter la
représentation de l'Est et de l'Ouest suivant
les recensements qui se feront à la fin de
chaque décade. Et si la populution du Bas- Canada augmente plus rapidement que celle
du Haut-Canada, le Bas-Canada sera représenté en conséquence. Car bien que le nombre
de ses représentants ne puisse pas excéder
65, la proportion de ce nombre par rapport à
la représentation totale sera changée à mesure
que les diverses colonies se développeront.
D'un autre côté, si l'Ouest se colonise, comme
je n'en doute pas, nous verrons une vaste
population se joindre à la confédération.
C'est de ce côté que la population augmentera
le plus rapidement, et avant un grand nombre
d'années nos populations du centre s'étendront à l'Ouest beaucoup plus rapidement
que ne le pensent la plupart des gens.
L'accroissement de la représentation est donc
presque assuré à l'Ouest, et chaque année
ajoutera à l'influence du Haut-Canada à
mesure que notre commerce se développera.
Un des points les plus importants sous le
nouveau projet est la constitution de la
chambre haute. On prétend que sous ce
rapport le projet aura un effet rétrograde
parce qu'on abandonne le principe électif
pour revenir à celui des nominations par la
couronne. Le parti qui a longtemps combattu
pour l'introduction du principe électif dans
la chambre haute a certainement droit d'avoir
cette opinion; mais, dans d'autres régions,
cet argument ne peut avoir aucun poids,—je
parle des personnes qui, comme moi, ont
toujours cru qu'il était peu sage d'élire les
membres des deux chambres et de leur
donner les mêmes pouvoirs. J'ai toujours
cru qu'un changement dans ce sens était
inévitable, même avec notre organisation
politique actuelle. (Ecoutez!) L'institution
d'une chambre haute ou sénat semble
remonter aux temps féodaux. Ces assemblées d'abord uniques ou du moins les plus
puissantes dans chaque état, ont graduellement cédé le pas à la représentation populaire
à mesure que les nations se sont civilisées.
L'idée même d'une chambre haute implique,
pour les membres qui la composent, des
droits et des devoirs tout spéciaux. En
Angleterre, par exemple, il y a une nombreuse classe de propriétaires fonciers qui
sont maîtres presqu'absolus du sol et paient
un montant énorme de taxes. Depuis
plusieurs années la législation fiscale de
l'Angleterre tend à réduire les impôts et
les droits d'accise sur les articles de première nécessité, et à augmenter les taxes
sur
les propriétés foncières et les revenus.
D'immenses intérêts sont donc en jeu dans
ce mouvement; il s'en suit que la chambre
des lords, tribunal souverain du royaume, a
des droits particuliers à défendre et des
devoirs spéciaux à remplir, et voilà ce qui
explique son existence. Chez nous, ces
grands intérêts n'existent pas, et les énormes
taxes ne sont pas à craindre; la chambre
haute n'est donc qu'une cour de révision, ou
de haute juridiction; mais comme cette juridiction n'a pas lieu d'être exercée, cette
chambre n'est qu'une cour de révision, et,
par cela même, elle doit avoir une constitution
différente de celle de la chambre basse. Les
Etats-Unis, qui offrent, dans leur composition
comme peuple, une grande analogie avec
nous, ont établi une chambre haute. Partant
des principes que je viens d'énoncer, ils ont
non-seulement donné aux différents Etats le
pouvoir d'envoyer des délégués au sénat,
mais ce corps a des pouvoirs tout à fait différents de ceux des législatures locales.
Un fait
remarquable, c'est qu'en Europe un seul
gouvernement a une constitution analogue à
celle de l' Angleterre, et c'est la Suède. Dans
les Etats suivants de la confédération germanique, savoir: le Wurtemberg, la HesseDarmstadt,
la Prusse, la Saxe, le Hanovre,
Bade et la Bavière, représentant ensemble
une population d'environ 80,000,000, les
chambres hautes sont, en partie, héréditaires, nominatives et
ex-officio. Le principe
purement héréditaire, comme en Angleterre
et en Suède, n'est appliqué que sur une
population d'environ 82,000,000. Il y a
une autre classe de conseillers nommés
à vie par la couronne et choisis dans
le tiers-état. Les conseils présentent une
liste d'après laquelle la couronne fait son
choix. L'Espagne, le Brésil et la nouvelle
principauté de Romanie, formée de l'ancienne Moldavie et de la Valachie, nomment
ainsi leurs chambres hautes. L'Espagne
compte 16,301,850 habitants; le Brésil,
7,677,800; la Romanie, 3,578,000; total,
27,556,650. Dans d'autres pays, les membres
du sénat sont nommés à vie, sur nombre est
limité, et quelques membres de la famille
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royale y siégent de droit, tels sont: l'Italie,
population 21,777,834; le Portugal, 8,584,677; la Servie, 1,098,281, et l'Autriche,
84,000,000. Cette catégorie représente une
population de 61,460,292. Enfin, dans une
dernière catégorie les membres sont élus
pour un certain nombre d'années, etc'est un
fait remarquable qu'à l'exception de trois colonies anglaises et d'une monarchie,
tous les pays
où ce système est adopté sont des républiques.
Parmi les pays qui élisent les membres de
la chambre haute, la seule monarchie est la
Belgique; mais tout le monde sait que, malgré son titre de monarchie, la Belgique
est
le pays le plus républicain du monde. Voici
la liste des pays où est admis le principe
êlectif: la Suisse, 2,534,242 habitants; la
Plata, 1,171,800; le Chili, 1,558,319; le
Pérou, 2,865,000; les Etats-Unis, 30,000,000; la Libérie, 500,000; la Belgique,
4,529,000; l'Australie du Sud, 126,830; la
Tasmanie, 89,977; Victoria, 540,822; formant une population totale de 43,915,490.
Dans le royaume de Nassau, dont la population est de 457,571 habitants, la chambre
haute est partie élective et partie ex-officio.
Au Danemark, la chambre haute est partie
nominative et partie élective, et les élections
sont faites par les conseils provinciaux; la
population de ce pays est de 1,600,000.
Dans les Pays-Bas, dont la population est de
3,372,652, 1es membres sont tous élus par
les conseils provinciaux. Dans une des
colonies anglaises, la Nouvelle Galles du
Sud, les membres sont nommés pour un
certain nombre d'années; et, deux des plus
nouvelles et des plus entreprenantes colonies
de l'Angleterre,— la Nouvelle-Zélande et
Queensland (
Terre de la Reine)—ont adopté
un système qu'on nous propose, de nommer
un certain nombre de membres à vie. La
composition de la chambre haute est, après
tout, une affaire d'opinion, et je ne crois pas
qu'on puisse nous accuser d'avoir fait un
pas en arrière en substituant le principe
nominatif au principe électif. Il n'y a
pas de distinctions de classes parmi notre
population, et si les membres des deux
chambres sont élus par les mêmes électeurs,
il leur sera très-difficile de maintenir leur
individualité en ayant les mêmes pouvoirs, et
d'éviter les conflits. Il est évident que deux
chambres ayant la même origine, réclameront
les mêmes droits et les mêmes priviléges, et
voudront exercer les mêmes fonctions. Mais
si la chambre haute était nominative, la juridiction de cette chambre serait différente
et les
chances de conflit disparaîtraient. Plusieurs
états, dont quelques-uns sont très-considérables et très-peuplés, quoique de récente
fondation, ont entièrement supprimé la
chambre haute. J'avoue que la suite de
mes arguments conduit à l'adoption de ce
moyen comme celui qui nous conviendrait
le mieux. Les nations qui l'ont adopté sont:
la Hesse-Cassell, 726,000 habitants; le
Luxembourg, 413,000; la Saxe-Weimar,
273,000; la Saxe-Meiningen, 172,000; la
Saxe-Altenburg, 137,000; la Saxe-Cobourg,
159,000; le Brunswick, 273,000; le Mecklemburg-Schwerin, 518,000; la Norwége,
1,328,471; le Mecklemhurg—Streilitz, 99,060;
l'Oldenburg, 295,245; l'Anhalt, 181,284;
le Lippe-Detmolt, 108,518; le Waldeck,
58,000; le Schwarzburg, 71,918; et dans le
Royaume de Grèce, dont la population est
de 1,096,810 habitants, et où une nouvelle
constitution a été dernièrement promulguée,
on en est venu, après avoir essayé les systèmes
de deux chambres, à supprimer l'une d'elles.
Mais si je pense que nous serions mieux sans
chambre haute, cela ne m'empêche pas de
reconnaître qu'il ne s'agit de savoir en
ce moment quelle est la meilleure forme de
gouvernement à notre avis, mais quelle est
celle qui convient le mieux à des populations ayant des opinions différentes et, par
conséquent, j'accepte un juste compromis
en admettant la nomination d'une seconde
chambre par le cabinet confédéré.
M. A. MACKENZIE—Un hon. membre,
et je crois que c'est l'hon. député de Lotbinière (M. JOLY) a prétendu que le système
fédéral était frappé d'impuissance. Je ne
partage pas cette opinion, mais je crois que le
systéme fédéral exige beaucoup d'intelligence
et une grande connaissance de la politique
de la part des populations. Mais l'hon.
membre avait tort de comparer notre avenir
sous la confédération à l'histoire des républiques Espagnoles de l'Amérique du Sud.
Notre population est habituée au gouvernement responsable (
Self-Government) et ce seul
fait détruit la comparaison de l'hon. membre.
Pour ma part, je crois que l'hon. membre
pour Oxford-Sud, par exemple, ainsi que
quelques autres membres que nous connaissons bien, n'auraient jamais pu, malgré
toute leur énergie, remuer les républiques
de l'Amérique du Sud (rires) comme ils
ont fait du Haut-Canada, sans occasionner
une révolution complète; et mon hon. ami
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(M. BROWN) au lieu d'être aujourd'hui
rédacteur paisible d'un journal dont son
esprit anime les
colonnes, serait sans doute à
la tête d'une armée, et conduirait d'intrépides
colonnes à la victoire. (Rires).
L'
HON. M. GALT —Nous le verrions aussi
émettant un
Pronunciamento (Rires.)
M. A. MACKENZIE—Un
pronunciamento (proclamation) serait certainement de
mise dans un tel état de la société. Le fait
est qu'on ne saurait comparer ces populations à celles qui se sont formées sous notre
forme actuelle de gouvernement. Je me
suis souvent trouvé à des assemblées publiques avec mes hon. amis de la gauche, et,
après sept ou huit heures de discours à haute
pression et de répliques peu ménagées, la
foule se séparait paisiblement sans qu'aucune
animosité se manifestât de part ou d'autre.
Avant donc de prétendre que les populations de ce pays sont incapables de se gouverner
par elles-mêmes, ou que le principe
fédéral est impuissant, il faudrait démontrer
que nous ne sommes pas plus civilisés que les
populations de l'Amérique du Sud il y a 30
ans. (Ecoutez!) Je prétends donc qu'il est
nécessaire de démontrer que nos populations
sont moins civilisées que celles des républiques de l'Amérique du Sud, il y a trente
ans, ou qu'elles ont prouvé leur incapacité
à se gouverner par elles-mêmes, avant d'affirmer que le principe fédéral est impuissant
en ce qui nous concerne. Si l'hon. membre
base son argumentation contre le projet
actuel sur la faiblesse ou la force de tel ou
tel gouvernement, la Russie doit être pour
lui le modèle des gouvernements, car il n'y
en a pas de plus fort au monde. Mais le
despotisme n'est possible que chez les peuples
ignorants—ce serait tenter un effort impuissant que de vouloir leur donner une république.
Si aujourd'hui on voulait établir
une république en Russie, il n'en résulterait que la plus profonde anarchie, car les
populations sont trop ignorantes pour user
sagement des franchises qui leur seraient
ainsi accordées. C'est donc une erreur d'établir une comparaison entre les malheureuses
républiques de l'Amérique du Sud et
les populations de l'Amérique Britannique
du Nord. Je suis sûr que s'il se formait une
union fédérale de toutes les colonies de l'Amérique Britannique du Nord, jusqu'à notre
extreme frontière de l'Ouest, bien que cette
extension pût avoir de grands inconvénients,
nous trouverions, dans toutes les parties de
la confédération, des citoyens soumis aux
lois et capables de se gouverner par eux- mêmes. (Ecoutez!) On a cité l'exemple
des Etats-Unis, et il est vrai qu'au commencement de la guerre, alors qu'il devint
impossible d'appliquer la loi dans certains
états, les personnes qui ne comprennent
pas le génie du peuple Américain, comme,
par exemple, certains publicistes anglais
ont pu croire qu'une faiblesse existait inhérente au système fédéral. Nul doute qu'il
se manifesta des signes de cette faiblesse, et
que le conflit entre divers états et le gouvernement fédéral fut une source d'affaiblissement.
Mais je pense que l'attitude des
Américains du Nord établit pleinement que,
malgré les imperfections de leur système
—lesquelles n'existent pas dans le projet
qui nous est soumis,—le principe fédéral
a été la source d'une puissance et d'une
vigueur qui doivent imposer silence à la
critique la plus hostile. (Ecoutez!) Le
système fédéral n'échouera donc pas chez
nous, pas plus qu'il n'a échoué en Suisse.
L'hon. membre pour Lotbinière a admis cela
jusqu'à un certain point, mais il a donné pour
raison que la Suisse est entourée de nations
puissantes. Or, à mon avis, c'est une mauvaise raison, car si la constitution de la
Suisse
eût été si faible, ce pays serait démembré
depuis longtemps par les pouvoirs hostiles
qui l'environnent. Le fait que la Suisse a
maintenu son indépendance et a toujours su
administrer ses affaires avec économie et
habilité, me démontre que le principe fédéral
n'est pas impuissant là où le peuple est assez
instruit et suffisamment formé pour comprendre les avantages du gouvernement
responsable. (Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, on nous prédit toutes sortes de calamités
si nous adoptons la confédération, et
les hon. membres, auteurs de ces sombres
prophéties, n'épargneront rien, je suppose,
pour qu'elles se réalisent: ainsi ont agi les
les prophètes de tout temps. (Ecoutez!)
Ce n'est pas la première fois, dans l'histoire
du monde, que des prophètes ont surgi
inattendus. L'autre soir, je lisais avec intérêt
les discussions qui ont eu lieu dans le parlement d'Ecosse lors de l'union proposée
avec
l'Angleterre en 1707; un discours surtout
me frappa, et je ne pus m'empêcher de
comparer le ton qui l'animait à celui de
l'opposition loyale canadienne de Sa Majesté.
Lord BELHAVEN, auteur du discours en
question, dépeignait ainsi les calamités qui,
433
selon lui, étaient réservées à l'Ecosse si elle
unissait ses destinées à celles de l'Angleterre:—
"MILFORD CHANCELIER,—Je vois déjà nos savants
juges abandonnant leur pratique et leurs décisions,
étudier le droit commun d'Angleterre, s'embarrassant dans les certiorari, les nisi prius, les brefs
d'erreur, les arrêts en douaire, les ejectiones firmæ,
les injonctions, les exceptions péremptoires, etc.,
et pliant sous un amas d'appels, d'évocations, de
nouveaux règlements et de rectifications. Je vois
déjà nos vaillants soldats envoyés sur les plantations à l'étranger, ou demandant
à leur patrie un
morceau de pain en récompense de leurs nobles
exploits; je vois les invalides épuisés par le besoin
et nos jeunes guerriers se croisant les bras. Je
vois nos industrieux traficants accablés par de
nouvelles taxes et de nouveaux impôts, déçus dans
les équivalents qu'on a prétendu leur donner,
buvant de l'eau au lieu de la bière nourrissante,
(rires!) mangeant leur potage sans sel (hilarité
redoublée), faisant des pétitions pour l'enouragement des manufactures et n'essuyant
que des
refus. Enfin, je vois le laborieux cultivateur ne
trouvant plus à vendre son grain qui se gâte dans
ses greniers, maudissant le jour de sa naissance,
se demandant s'il aura de quoi se faire enterrer
(rires), et s'il doit se marier ou se jeter à l'eau.
(Hilarité redoublée!) Je vois encore les propriétaires liés dans les chaînes dorées
des équivalents,
et leurs charmantes filles demandant en vain des
maris (rires), tandis que leurs fils sollicitent
vainement de l'emploi. Je vois, en dernier lieu,
nos marins abandonnant leurs aavirs aux Hollandais, et, réduits à la derniére nécessité,
s'engager
comme matelots dans la marine royale anglaise."
Si je voulais, M. l'ORATEUR, continuer
cette prosopopée et chercher dans le parlement canadien un des mes dramatis personnæ, mon choix tomberait immédiatement
sur l'hon. membre pour Chateauguay (M.
HOLTON), qui remplirait fort bien le rôle
de lord BELHAVEN, s'écriant: " Mais,
milord, au-dessous de cet amas de ruines, je
vois notre mère commune la Calédonie assise,
comme CÉSAR, au milieu du sénat, promenant sur l'assemblée un regard morne et,
drapée dans son manteau royal, attendant le
coup fatal en nous jetant de sa voix sombre
un funèbre "et tu quoque mi fili." (Rires!)
Les hommes d'Etat de l'Ecosse qui voyaient,
dans l'union projetée, tous les signes de leur
puissance et de leur grandeur futures, durent
être bien étonnés en entendant exprimer ces
sentiments de désespoir. (Ecoutez!) Nulle
doute que la majorité voyait dans cette union
les signes de force et de grandeur qui ne
tardèrent pas à se manifester. A l'époque
de l'union, le revenu de l'Ecosse étant de
£ 150,000 par année, et l'an dernier elle a
contribué pour £7,000,000 au trésor public.
Ecoutez!) Tel est un des mille avantages
de cette union qui a fonctionné à la satisfaction générale. Si cela était nécessaire,
je
pourrais citer l'exemple de différents peuples
dont la position géographique était favorable
à l'union et qui sont devenus, par ce moyen,
plus puissants qu'ils n'auraient jamais pu
l'être en restant isolés. (Ecoutez!) Je sais
parfaitement, M. l'ORATEUR, que, dans une
discussion de ce genre, il est très-facile de
soulever des objections. Rien n'est plus aisé
que d'exercer sa glose sur une série de résolutions comme celles qui nous occupent.
On
pourrait passer des heures à détailler des
arguments spécieux contre le projet en
question. Mais je demanderai aux hon.
membres dont la critique est si hostile ce
qu'ils nous proposeraient en échange.
L'an dernier, orsque l'administration actuelle proposa à la chambre le moyen de
régler nos difficultés et reçut son approbation,
il s'opèra dans le sein de cette assemblée
une révolution, pacifique il est vrai, mais
complète; telle fut du moins mon impression
à cette époque. Tous les hommes publics
semblèrent admettre que le système actuel
était arrivé à sa fin. Nous ne devons donc
pas rejeter cette mesure par la raison qu'elle
n'est pas en tout conforme aux vues de
chacun des membres de cette chambre.
(Ecoutez!) Tous les membres du Bas-Canada
auraient dû, ce me semble, s'unir à nous
pour étudier un nouveau système et s'adonnonner sérieusement à l'examen des changements
nécessaires. (Ecoutez!) J'espérais,
lorsque nous nous sommes réunis pour
discuter ce projet, que personne ne songerait à organiser une opposition régulière.
Je m'attendais surtout à voir prendre cette
calme attitude par les hon. membres pour
Hochelaga et Chateauguay, qui, dans
d'autres circonstances, ont reconnu les difficultés de notre système actuel ou du
moins
ont affirmé qu'ils les reconnaissaient. J'étais
disposé à croire qu'ils appuieraient même
la mesure comme le seul moyen réellement
praticable. (Ecoutez!) Je ne ne crois pas
le projet sans défauts, mais je l'appuierai de
toutes mes forces parce que, selon moi, toute
autre mesure est impraticable, et celle-ci
garantit de plus un bel avenir à notre pays.
Au point de vue de l'économie, nous serons
aussi bien sous la confédération que maintenant. Nous pourrons, avec les mêmes
dépenses, faire fonctionner notre gouvernenement Je pense que, dans la législature
locale, une seule chambre sera nécessaire.
Ce détail n'a pas encore été discuté, et nous
434
ne connaissons pas l'intention du gouvernement à cet égard; mais j'ose espérer qu'il
ne
songera pas à adopter le double système
dans les législatures locales, car ce serait
ajouter une grande dépense sans espoir de
compensation satisfaisante. (Ecoutez!) Hier
au soir, l'hon. membre pour Montréal-Centre
a consacré une grande partie de son discours
à la partie militaire de la question, et a
clairement démontré que notre position
vis-à-vis de la république voisine exigeait,
impérieusement que nous songions à notre
organisation stratégique. Je ne partage pas
du tout les opinions de cet hon. monsieur en
ce qui concerne les Etats-Unis, car je crois
que la majorité de leur population ne nous
est point hostile; leur langage a pu quelquefois être peu convenable, voire même
menaçant; mais, sans croire comme l'hon.
monsieur, qu'il soient disposés à adopter
des mesures hostiles à notre égard, je dois
admetre qu'avec une population de trois
millions et demi nous devons songer aux
moyens de nous rendre plus indépendants.
Est-il vraiment honorable et courageux, pour
une colonie si importante, de laisser entièrement à la mère-patrie le soin de la défendre?
(Ecoutez!) J'exprimai ces vues, l'an dernier
dans la discussion du budget, en disant que
j'espérais voir le gouvernement proposer
une mesure mettant à notre charge une
grande partie des dépenses faites aujourd'hui
par le gouvernement impérial pour lemaintien
de troupes en Canada. (Ecoutez!) Le Portugal, dont la population est presque égale
à
la nôtre, a une armée permanente de 17,000
hommes. La Hollande, dont la population
est à-peu-près égale à la nôtre chez elle,
mais qui a de nombreuses colonies, a une
armée permanente de 57,500 hommes. Le
Danemark, dont la population est à peine la
moitié de ce que sera celle de la confédération, a une armée de 22,900 hommes.
Mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour
nous d'entretenir une armée permanente
comme ces nations; nous ne sommes pas
dans la même position parce que notre
richesse n'est encore réalisée que pour une
faible partie. Il ne serait pas juste de taxer
nos nouveaux comtés à la valeur nominale
des terres, qui sont la seule richesse des
habitants, pour entretenir une forte armée
permanente, et en outre, nous n'avons ni
colonies ni sources de richesse extérieure.
Toutefois, proportions gardées, nous sommes
aussi bien à même que la population de la
Grande-Bretagne d'entretenir une armée
pour notre défense, et toute mesure raisonnable proposée à cet effet par le gouvernement
recevra, j'en suis sûr, l'approbation
de la majorité du pays. (Ecoutez! et applaudissements.) Ce n'est pas spéculer sur
un
avenir trop lointain que d'envisager le jour
où une nouvelle colonie se formant à l'ouest
du Haut-Canada viendra se joindre à la confédération. Je n'ai aucune idée des documents
que l'administration pourra produire
au sujet de l'ouverture du Nord-Ouest et du
territoire de la Baie d'Hudson, mais j'espère
qu'elle prendra des mesures énergiques pour
le développement de ce riche territoire.
J'espère qu'on étendra jusqu'à cette région
notre système de chemins et de télégraphes,
afin de l'ouvrir à la colonisation par nos
jeunes gens et par les immigrants venant
d'Europe. La question du Nord-Ouest est
intimement liée à notre prospérité future
comme peuple, et on a eu raison de trouver
à redire aux résolutions 68 et 69, qui sont
ainsi conçues:
68 "Le gouvernement général devra faire
compléter, sans délai, le chemin de fer intercolonial, de la Rivière-du-Loup à Truro,
dans
la Nouvelle-Ecosse, en le fesant passer par le
Nouveau-Brunswick.
69 "La convention considère les communications avec les territoires du Nord-Ouest
et les
améliorations nécessaires au développement du
commerce du Grand-Ouest avec la mer, comme
étant de la plus haute importance pour les provinces confédérées, et comme devant
mériter
l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que
le permettra l'état des finances."
M. A. MACKENZIE—Mon hon. ami
s'est fortement préoccupé de cette question,
mais cela ne l'empêche pas d'être autant en
faveur de la confédération que moi-même.
On déclare, dans ce paragraphe, qu'il est
indispensable de construire immédiatement
le chemin de fer intercolonial, mais on ajoute
qu'on s'occupera du Nord-Ouest sitôt que
l'état des finances du pays le permettra. Or,
je crois qu'il est indispensable à la prospérité
du pays que notre système de canaux communiquant avec lacs soit perfectionné aussitôt
que possible, et mis en état de satisfaire au
vaste trafic du Nord-Ouest. Sur la rive nord
du lac Supérieur nous possédons des sources
de richesse presque inépuisables. Nous
avons appris, l'autre jour encore qu'on avait
découvert près de la côte une montagne de
fer capable de fournir l'approvisionnement
de ce métal au monde entier pendant 500
435
ans. Les minéraux de toutes sortes abondent
dans ces localités, et si nos canaux ne peuvent suffire à ce trafic il prendra nécessairement
une autre direction. (Ecoutez!) On
s'occupe, dans certaines régions, de la construction d'un nouveau canal de Toronto
à la
Baie Georgienne. L'exécution de ce projet
serait fort à désirer mais je ne la crois pas
praticable; en tous cas elle est beaucoup
au-dessus de nos ressources actuelles. Je suis
convaincu que le tracé d'un nouveau canal
(si on veut l'entreprendre) allant à la Baie
Georgienne, et devrait passer par l'Outaouais,
car on ouvrirait ainsi un grand débouché au
pays. Un large canal pouvant donner passage aux navires de guerre serait un admirable
moyen de défense et un excellent
débouché pour les produits de l'Ouest.
Il ne faut pas y songer pour le moment,
je le sais, mais je crois que nous devons
insister, par tous les moyens, auprès du
gouvernement pour qu'il mette en pratique
la 69ème résolution; je n'en dirai pas
davantage à ce sujet. (Ecoutez!) L'importance de nos communications intérieures est,
pour moi, si manifeste que je ne doute pas
un instant que le gouvernement confédéré
s'en occupera le plustôt possible. La question
du chemin de fer intercolonial se relie
naturellement à ce que je viens de dire, et,
après avoir étudié le rapport et les cartes
dressées par le Major ROBINSON, je ne trouve
aucune difficulté à en déterminer le coût
comparatif. Le tracé le plus praticable est
celui qu'a indiqué l'hon. membre pour Richelieu, au nord ou à l'est de la Baie des
Chaleurs; par cette route, il y a 655 milles
d'Halifax à Québec. Le chemin est construit
d'Halifax à Truro, 55 milles, et de Québec
à la Rivière-du-Loup, environ 140 milles.
Il reste donc a construire environ 400 milles.
Le Major ROBINSON évalue le coût de la
construction à £7,000 par mille, ou environ
£2,800,000 en tout. En tenant compte des
nivellements à faire, des ponts à construire
et des matériaux qu'on trouvera, d'après son
rapport, sur le parcours du chemin, je crois
que le chiffre qu'il indique est un peu trop
élevé. La nature du terrain sur lequel passera
ce chemin de fer assimile parfaitement cette
construction à celle des chemins de fer du
Canada. Cette région ressemble beaucoup à
celle que traverse le Great-Western à l'ouest
de Hamilton. A £7,000 par mille la construction du chemin ne coûterait environ que
quinze millions de piastres. Sur ce montant,
le Canada aurait à payer neuf millions de
piastres. Il est probable que le rapport des
ingénieurs employés par le gouvernement à
l'exploration démontrera qu'une grande partie
du chemin peut être construite pour beaucoup moins de £7,000 par mille. Mais quel
que soit le coût de cette construction, il est
évident qu'il ne peut y avoir d'union des
provinces sans ce chemin de fer. (Ecoutez!)
Il est évident aussi qu'une grande portion
du pays est très-propre à la colonisation et
ne demande que des moyens de communication avec les grands marchés. Le major
ROBINSON affirme, dans son rapport, que le
long de la frontière du Nouveau-Brunswick,
il y a une étendue de terre, qui, pour le bois
et la qualité du sol, ne le cède à aucun des
pays qu'il a explorés; j'ignorais ce fait avant
d'avoir étudié son rapport. (Ecoutez!) Je
n'abuserai pas des moments de la chambre en
lisant des passages de ce précieux rapport
où est parfaitement indiqué le chiffre de
la population que ces districts pourront faire
vivre lorsqu'ils seront établis. Le rapport
démontre aussi qu'une fois le chemin construit le pays se colonisera rapidement. Je
ne crois pas toutefois que d'ici à longtemps le
chemin puisse être une entreprise commerciale lucrative, je ne me fais pas d'allusions
à cet égard et je ne désire abuser personne.
C'est comme route militaire que ce chemin
sera surtout important, personne ne saurait
le nier. En 1862, lorsque je m'opposais à
la construction de ce chemin, j'admettais du
moins qu'à ce point de vue son utilité était
incontestable. Les autorités militaires admettent sa haute importance comme moyen
de
protection en cas d'hostilités. Mais le motif
déterminant de sa construction est qu'il est
nécessaire à l'union des provinces et que,
sans cette union, nous ne pouvons espérer
de voir s'aplanir nos difficultés actuelles.
Les deux projets se complétent l'un l'autre
et les populations du Canada admettront,
j'en suis sûr, la nécessité de cette entreprise.
(Ecoutez!) Je ne veux pas trop me lancer
dans les chiffres, ni spéculer sur notre position financière dans la confédération;
mais
l'hon. membre pour Hochelaga a fait des
assertions que je dois relever. Il a dit
que le Bas-Canada était entré dans l'union
sans dette, et se trouverait alors avec une
dette de trente millions de piastres, tandis
qu'on n'a dépensé que douze millions pour
cette partie de la province. Or, monsieur l'ORATEUR, on a dépensé pour les
canaux du Canada, $20,813,304.03; pour
les ponts et chemins du Haut-Canada,
436
$562,866, et pour le même item dans le Bas- Canada, $1,163,829.34; pour les édifices
d'Outaouais on a déjà payé plus de $1,513,412.56, et pour les chemins de fer, $29,910,823.16;
total, $53,964,236.79, environ.
La moitié des travaux publics qui ont
entraîné ces dépenses est située dans le
Bas-Canada, et si en tient compte du pont
Victoria, les dépenses dans le Bas-Canada
excèdent de beaucoup la moitié du total. Il
y a en outre une foule d'autres items dont je
ne tiens pas compte. Tel est l'emprunt des
incendiés de Québec, et les déficits dans une
foule de fonds spéciaux. Si je me place à un
autre point de vue, voici ce que je constate:
d'après un rapport soumis au parlement, les
frais d'amélioration de la navigation du
Haut-Canada, y compris les phares, canaux,
etc., se montent à un total de $7,022,665.61;
or, le revenu des havres et canaux du
Haut-Canada est de $4,887,291.73; il
reste donc au débit du Haut-Canada,
$2,145,878.88. Durant la même période
on a dépensé pour le Bas-Canada, $4,484,566.52, et le revenu correspondant a
été de $708,086.80. Ce qui laisse au
débit du Bas-Canada une somme de $4,176,479.72. Je cite ces chiffres pour montrer
que l'assertion de l'hon. membre pour Hochelaga était entièrement erronée; je n'essaierai
même pas de réfuter l'argument qu'il a basé
sur le fait également inexact que, dans la
confédération, notre dette, par tête, s'approcherait de celle de la Grande-Bretagne.
Notre dette est de $25 par tête, et il
a gravement ajouté que la dette de l'Angleterre ne représentait que $37 par tête;
or, chacun sait que cette dernière se monte
à environ $140. Il ajoutait que les populations, comparativement pauvres du Canada,
auraient à payer cet item de $25, tandis que
les riches habitants de la Grande-Bretagne
ne paient que $37. J'ai remarqué que toute
cette partie du discours de l'hon. membre
était omise dans les journaux qui l'ont
rapporté le lendemain. Je ne discuterai pas
tous ces chiffres, mais je citerai quelques
faits qui réduiront à leur juste valeur les
assertions de l'hon. membre. Notre dette
est trés-considérable, je le reconnais, et il
serait fort à désirer qu'elle fut moindre,
mais nous devons nous soumettre aux
circonstances et payer. La confédération
n'augmentera ni ne diminuera notre dette;
elle l'augmentera tout ou plus de l'item du
chemin de fer intercolonial. Il est très- possible que nous entreprenions des travaux
publics énormes destinés à développer les
ressources du pays, et que nous augmentions encore de beaucoup notre dette, mais
ce sera au gouvernement confédéré de
décider s'il doit se lancer dans ces dépenses
avant d'avoir un excédant de revenu considérable à sa disposition. (Ecoutez!) Les
adversaires de la mesure prétendent qu'on la
presse trop, que dans une question dont
dépend l'avenir des générations futures on
devrait moins se hâter. Or, depuis des années,
nous discutons la confédération dans le Haut- Canada. Cette question n'a jamais été
perdue
de vue par le public depuis la convention de
Toronto en 1859. Il y a un an, elle était
soumise à cette chambre presque sous sa
forme actuelle, et, depuis cette époque, tous
les journaux n'ont cessé de s'en occuper.
Nous avons, dans le pays, environ 300 journaux qui ont traité cette question sous
tous
les points de vue, en sorte que maintenant
c'est un sujet usé. Si la question n'est pas bien
comprise aujourd'hui, je doute qu'elle le
soit mieux plus tard. (Ecoutez!) Une autre
objection est qu'une mesure aussi importante ne doit pas être passée sans en appeler
au peuple. Je connais assez bien nos populations et, dans mes rapports constants avec
elles, j'ai constaté qu'elles sont universellement en faveur de l'application immédiate
du nouveau système. Le pays comprend
bien que la violente agitation politique
des dernières années ne doit pas durer, et
désire vivement qu'on en arrive à un règlement pacifique de nos difficultés actuelles
et
à une administration calme et permanente
des affaires publiques. (Ecoutez! écoutez!)
Il est facile de répondre aux accusations
d'inconséquences lancées contre certains
membres de cette chambre. Dans un pays
comme le nôtre où tout change rapidement, où, d'un moment à l'autre, on peut
sentir le besoin de changements constitutionnels généraux et locaux, un homme
ne peut rester longtemps dans la vie publique
sans être bientôt accusé d'inconséquence;
mais si ces inconséquences apparentes sont
motivées par un désir de régler les difficultés
qui embarrassent le pays, il me semble que
le succès de la mesure fera disparaître comme
des ombres toutes ces accusations. Malgré
toutes les objections, je crois que même les
minorités protestante et catholique dans le
Bas et le Haut-Canada doivent désirer la
prompte adoption de cette mesure. Tant
que la question ne sera pas réglée, nous
aurons une agitation continuelle qui peut
437
nous être très préjudiciable et qui est
la conséquence inévitable des erreurs et
des fausses appréhension qui ne cesseront
d'avoir cours; mais si on peut convaincre
nos populations qu'elles n'ont aucune injustice à craindre elles adhéreront sans hésiter
au projet. J'ai toujours entendu dire que
les catholiques romains du Bas-Canada
appartenant à la race française n'avaient
cessé de témoigner la plus grande libéralité à leurs concitoyens protestants.
(Ecoutez!) Le Bas-Canada est, je crois, la
première colonie anglaise qui, même avant la
mère-patrie, ait donné la liberté politique
aux Juifs. Je crois qu'un adepte de cette
religion a siégé dans la chambre du Bas- Canada trente ans avant qu'un pareil privilège
fût accordé aux Juifs de la Grande- Bretagne. Les personnes qui accusent les
Canadiens-Français d'intolérance devraient
prendre note de ce fait. Quant aux populations
d'origine anglaise, dans toute la confédération
je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les
défendre d'une telle accusation. Elles ne songeront même pas à persécuter les Bas-Canadiens
quand même elles en auraient le pouvoir;
mais je crois qu'il est bon d'insérer dans la
constitution une clause préventive, qui enlève
à tous partis et nationalités indistinctement
le pouvoir de commettre des actes arbitraires
et injustes. Si le pouvoir qui doit être
conféré à l'autorité centrale—celui d'apposer
son véto aux notes de la législature locale- est exercé, il suffira, je pense, pour
empêcher toute chose de ce genre. Mais au véto
même en objects, pour la raison que la législature élective sera rendue impuissante
par
l'influence que la chambre haute fera peser
sur elle. Eh bien! M. l'ORATEUR, sous
la constitution anglaise, dans toutes les colonies britanniques et en Angleterre même,
l'initiative est permise dans une certaine
mesure. Toute chose n'est pas prévue parce
que beaucoup est laissé au bon sens du
peuple. Je pense que sans hésitation l'on
peut affirmer qu'il n'y a pas le moindre
danger que le parlement fédéral se rende
coupable d'injustice envers les législatures
locales, car si cela avait lieu, la réaction
serait assez forte pour détruire le pouvoir
ainsi exercé injustement. Le véto est nécessaire si l'on veut que, dans une certaine
mesure, le gouvernement général ait un
contrôle sur les actes des législatures locales.
L'absence de ce pouvoir aux Etats-Unis est
la grande cause de leur faiblesse, et il est à
présumer qu'avant peu il sera remédié à ce
défaut par un amendement à leur constitution. Tant que chaque état se considère
indépendant, que ses actes et lois ne peuvent
être contrôlés, il est clair que l'autorité
centrale est privée du pouvoir de contraindre
à l'obéissance des lois générales. Si chaque
province était libre d'édicter les lois qui lui
plaisent, chacun serait à la merci des législatures locales, et la législature générale
deviendrait de peu d'importance. Ce que
l'on a en vue, c'est que le pouvoir de la
législature générale puisse être contrôlé par
le véto conféré aux législatures locales
concernant l'application des lois générales
dans leur juridiction. Tout pouvoir, dit-on,
émane du peuple, mais l'exercice en est
laissé à ses représentants et à la couronne; mais il serait illogique de placer
le gouvernement général au-dessous du
gouvernement local. Le parlement et le
gouvernement central doivent nécessairement
exercer le pouvoir suprême, et les gouvernements locaux le pouvoir correspondent
aux attributions dont ils sont chargés. Le
système est nouveau; il n'a jamais subi
d'essai, et ne fonctionnera peut-être pas
aussi bien qu'on s'y attend; mais le parlement impérial et le nôtre auront toujours
le
pouvoir de remédier aux défectuosités que
l'on pourra découvrir une fois qu'il sera en
opération. Somme toute, le projet me parait
excellent. J'espère qu'il permettra à ce
pays de devenir une grande puissance, et
qu'avant de mourir j'aurai eu la satisfaction
d'être citoyen d'un immense empire élevé
sur cette partie du continent anglo-américain,
et dont le peuple, à l'ombre du drapeau
anglais, sera libre, heureux et prospère
autant qu'aucune autre nation de la terre.
S'il est quelque chose que j'aie toujours
désiré avec ardeur, c'est de voir les possessions anglaises devenir en mesure de se
défendre contre tout danger tout en restant
sans la protection de la mère-patrie et en
conservant ces institutions que nous tenons
d'elles, et qui nous valent cette grande
somme de liberté et de bonheur dont nous
jouissons. (Ecoutez! écoutez!) Et quand
nous considérons quel immense territoire
nous avons au Nord-Ouest; quand nous
savons que les grandes rivières qui sillonnent
ce territoire mettent à découvert d'immenses
couches de charbon, et que tout ce pays est
riche en minéraux de toute sorte; que le sol
renferme des richesses propres à l'établissement d'un très grand et tres productif
commerce; quand nous savons qu'il un possible
438
de mettre la main sur tout cela dès que
nous aurons pu en donner l'accès aux colons,
je puis dire avec certitude que notre population augmentera dans des proportions prodigieuses
en nombre, en richesses et en puissance. (Ecoutez! écoutez!) Jusqu'ici notre
peuple a eu à se soumettre aux difficultés
que toute population rencontre dans un pays
nouveau comme l'est le nôtre; mais le
Canada est maintenant à la veille de se faire
une position importante sous le rapport commercial, et à mesure que cette importance
augmentera, nous pourrons nous occuper
davantage de colonisation à l'intérieur et de
former une nouvelle nationalité—si toutefois
je puis me servir de ce terme qui a été si
fortement critiqué—dans ce vaste pays de
l'ouest où l'on voit à peine aujourd'hui
l'homme civilisé. (Ecoutez! écoutez!) Je
ne me propose pas, M. l'ORATEUR, de suivre
l'exemple qui a été donné, c'est-à-dire de
parler pendant 4 ou 6 heures sur ce sujet;
je ne veux que faire connaître mes vues à
l'égard de la confédération de ces provinces,
et laisser ensuite le champ libre à d'autres
hon. messieurs. Mon désir est que les
débats aient lieu avec toute la rapidité
possible; et croyant que pour arriver à
ce résultat nous devons renoncer aux longs
discours, je vais m'empresser d'en donner
l'exemple en terminant bientôt mes observations. (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M.
l'ORATEUR, que la confédération est à désirer, qu'elle peut se réaliser, et que c'est
ce
que nous pourrons avoir de mieux. C'est
surtout cette dernière raison qui doit nous
porter à l'accepter. Il faut absolument
que nos difficutés se règlent de quelque
manière, et je pense que le projet qui
nous est offert est de nature à y remédier.
Il excède, je le crois, les espérances que
quelques uns d'entre nous avaient lorsque le
gouvernement actuel fut formé pour opérer
une réforme, et je pense, M. l'ORATEUR,
qu'en votant contre, les membres du Haut- Canada commettraient la plus grande des
folies. (Ecoutez! écoutez!) Je sais, cependant, qu'ils se garderont bien de le rejeter.
Je crois que par lui nous aurons obtenu la
représentation d'après le nombre; que nous
aurons obtenu cette justice pour laquelle
nous luttons depuis si longtemps,—notre
juste part d'influence dans la politique
financière du pays,—et par-dessus tout, la
perspective de former une grande nation
anglaise sur ce continent. Devant de pareils
avantages, nous devons mettre de côté tout
esprit de parti, toute animosité dont l'origine
est antérieure au projet, et cela afin que tous
nous lui donnions un cordial appui Quant
au mien, il lui est assuré. Je crois mes
commettants en faveur de ce projet, et qu'il
en est de même de tout le peuple du Haut- Canada. (Applaudissements.)
M. MORRIS — Le député de Lambton,
M. l'ORATEUR, a donné, je pense, un bon
exemple, et je vais faire mon possible pour
le suivre. Ainsi que l'ont fait observer
plusieurs qui se sont fait entendre, je
dois d'abord dire que la question qui
nous occupe n'est plus nouvelle; car,
comme l'a dit l'hon. député de Montréal- Ouest, il y a déjà bien des années, et à
différentes reprises, qu'elle a été soumise
à l'opinion du peuple de ce pays. Il n'entre
pas dans mon intention de suivre cet hon.
monsieur dans la narration intéressante qu'il
a su faire de l'historique de cette question;
mais je désire attirer l'attention de la
chambre sur le fait que c'est la troisième
fois que cette question a été formellement
soumise à la législature par le gouvernement
de ce pays. C'est, je crois, en l858, qu'elle
le fut pour la première fois, ainsi qu'on peut
le voir par le discours du trône prononcé à
la fin de la session de cette année-là, et dans
lequel se trouvent les lignes que je vais lire:—
"Dans le cours de la vacance, je me propose
d'entrer en comunication avec le gouvernement
de Sa Majesté, et avec le gouvernement de nos
sœurs-colonies sur un autre sujet d'une très- grande importance. Je désire les inviter
à discuter avec nous les principes sur lesquels pourrait
plus tard s'effectuer une union d'un caractère
fédéral entre les provinces de l'Amérique Britannique du Nord."
Cette déclaration formelle fut suivie de la
dépêche dont il a fréquemment été question
en cette chambre et durant ces débats, et
qui a servi de base à la motion faite pendant
la session dernière par l'hon. député d'Oxford-Sud, motion qui a déjà eu d'heureux
résultats, mais qui est destinée à en produire
de bien grands. (Ecoutez! écoutez!) Je
crois que la nomination du comité proposé
par cet hon. monsieur fera époque dans
l'histoire de notre pays (Ecoutez! écoutez!)
Parlons maintenant de la seconde fois que
cette question fut soumise à l'attention du
peuple et de la chambre. A ceux qui s'opposent au projet, vous avez entendu dire que
le pays avait été pris à l'improviste, qu'ils
ne comprennent pas ce projet et ne sont pas
prêts à le discuter. Eh! bien, M. l'ORATEUR,
je demanderai à cet égard si le gouvernement
439
actuel n'a pas été formé avec l'entente qu'il
travaillerait au règlement de cette question,
et si le peuple ignore ce fait? J'ai à la main
le programme du gouvernement, dans lequel
on trouve ce qui suit comme résultat d'une
longue négociation qui a eu lieu entre ses
principaux membres:—
"Le gouvernement s'engage à présenter à la
prochaine session une mesure tendant à faire
disparaître les difficultés actuelles, en introduisant
le système fédéral en Canada; les provinces maritimes et le Nord-Ouest pouvant ultérieurement
s'unir dans cette fédération."
M. MORRIS—J'espère que l'hon. monsieur applaudira encore sur le même ton
lorsque j'aurai lu ce deuxième alinéa:—
"Et le gouvernement cherchera, en envoyant
des représentants aux provinces inférieures et en
Angleterre, à gagner l'assentiment des intérêts
qui sont hors du contrôle de notre législation, à
la mesure qui permettra à toute l'Amérique Britannique du Nord de s'unir sous une
législature
générale basée sur le principe fédéral."
Tel est, M. l'ORATEUR, l'engagement que
l'administration actuelle à pris envers la
chambre et le pays. Elle s'est engagée à
introduire le système fédéral dans le gouvernement du Canada, à établir des dispositions
spéciales pour incorporer les provinces maritimes dans cette fédération, et à envoyer
des délégués dans ces provinces pour les
inviter à se joindre à nous dans cette confédération. (Ecoutez! écoutez!) Et, cependant,
l'on ose dire que ces délégués, qui furent
nommés selon l'engagement pris par l'administration, formèrent " une junte constituée
sous la seule autorité de ses membres;" l'on
ose dire qu'ils n'étaient pas autorisés à faire
ce qu'ils ont fait en vertu de l'obligation que
s'était imposée le gouvernement d'envoyer
des délégués à ces provinces et en Angleterre
pour mener à bonne fin ce projet de confédération. Les délégués composant cette
" junte " et qui ont rédigé ces résolutions,
sont loin d'avoir agi sans autorité autre
que la leur, car ils se sont réunis en conformité de l'engagement pris par l'administration
et avec la sanction du parlement canadien,
qui avait confiance dans le gouvernement
formé pour effectuer la confédération. Ils
se sont aussi réunis avec la sanction du gouvernement impérial, ainsi qu'on peut le
voir
par les documents et dépêches devant la
chambre. (Ecoutez! écoutez!) Abordant
maintenant la question au point où elle est
arrivée, je dois dire que ce pays doit être
satisfait d'un projet aussi praticable que l'est
celui qui nous occupe en ce moment. Je crois
que ce projet satisfersa à tous les besoins de
notre position et qu'il aidera au développement de nos ressources tout en protégeant
les intérêts locaux. Il assure de même ce
contrôle général qui est essentiellement
nécessaire au bon gouvernement d'un pays
dépendant de la couronne d'Agleterre.
(Ecoutez! écoutez!) Remarquez surtout
qu'il ne consacre nul nouveau principe auquel
la sanction du peuple ou des membres de
cette chambre soit demandée. Sous une
forme ou sous une autre, la question d'une
union coloniale a occupé l'attention d'hommes
d'état éminents de l'Angleterre, et je pense
pouvoir être capable de démontrer à la
chambre que le véritable principe que nous
projetons d'introduire dans le gouvernement
des provinces de l'Amérique Britannique du
Nord a déjà reçu la sanction d'hommes
éminents de l'Angleterre et, de plus, celle du
parlement impérial. (Ecoutez! écoutez!) Il y
a quelques années, lorsque les hommes d'état
de la Grande-Bretagne eurent à chercher
une solution aux difficultés que rencontrait
le gouvernement des colonies Australiennes,
quel a été le mode adopté en face des événements qui mirent ces colonies dans la nécessité
d'adopter une nouvelle constitution?
Eh! bien, le gouvernement impérial reconstitua un comité du conseil privé, qui avait
nom de " comité du commerce et des possessions étrangères," et le chargea de cette
question en lui adjoignant comme nouveaux
membres lord CAMPBELL, alors chancelier du
duché de LANCASTER, Sir JAMES STEPHEN
et Sir EDWARD RYAN. Les travaux de ce
comité eurent pour résultat un rapport dans
lequel il recommandait la création d'une
assemblée générale à laquelle serait confié le
contrôle des affaires générales des colonies
autraliennes, et de gouvernements locaux
munis de certains pouvoirs définis. J'ai
dans la main une collection de lettres sur
la politique de l'Angleterre à l'égard des
colonies, et adressées par le comte GREY à
lord JOHN RUSSELL, lesquelles renferment
le rapport du comité du conseil privé dont
il est plus haut question, et j'ai constaté
qu'il suggère un plan analogue à celui
que l'on nous demande de mettre en pratique
pour ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Le
comité proposait qu'il y eut un gouverneur
pour administrer les affaires de ces colonies,
lequel serait tenu de convoquer un corps,
qui serait appelé l'assemblée générale de
l'Australie, à la demande de deux ou plus
440
des législatures Australiennes; et il était
recommandé que cette assemblée générale,
ainsi convoquée, eut le pouvoir d'édicter des
lois concernant les droits d'importation et
d'exportation, les postes, la confection de
chemins, la construction de canaux et de
voies ferrées et différents autres sujets. Les
avantages de ce plan étaient si manifestes,
en ce qu'il unissait ces colonies et leur
donnait un meilleur gouvernement que celui
qu'elles avaient eu jusque là, que le rapport
fut immédiatement adopté par le conseil
privé et incorporé dans un projet de loi
soumis au parlement. Ce projet passa dans
la chambre des communes et se rendit à
celle des lords; mais pendant que cette
dernière en était saisie, les deux clauses
qui introduisaient dans le gouvernement des
colonies Australiennes le système que l'on
veut introduire ici, furent rejetées; mais
pourquoi le furent-elles? Ce n'était parce
que le gouvernement avait changé d'opinion
sur la question, ni parce que la chambre des
lords était opposée au principe, mais parce
qu'après examen ou a trouvé qu'elles étaient
susceptibles d'objections pratiques, et que,
pour y obvier, il aurait fallu y faire des
amendements qui devenaient impossibles par
le fait qu'il eut fallu entrer de nouveau en
communication avec les colonies. Le gouvernement impérial ne voulut pas faire ces
changements à la mesure sans le consentement des colonies, mais le comte GREY
changea d'opinion à l'égard des avantages
devant résulter du plan proposé, ainsi que
va le faire voir une de ses dépêches au
gouverneur de la Nouvelle Galles du Sud:—
"Je n'en suis pas moins persuadé, " dit Sa
Seigneurie dans cette dépêche, qu'il écrivit en l850,
" que les colonies Australiennes ressentiront le
besoin d'une autorité centrale pour régler les
affaires de commune importance, et cela avant
qu'il soit longtemps; mais dès que ce besoin se
fera sentir, lui-même suggérera les moyens à l'aide
desquels il pourra y être satisfait. Les différentes
législatures, il est vrai, ne pourront immédiatement donner à l'assemblée générale
l'autorité
nécessaire, attendu que le pouvoir législatif de
chacune d'elles est restreint à ses limites territoriales; mais si deux ou plus de
ces législatures
trouvaient qu'il est des objets d'un intérêt commun
pour lesquels il serait expédient de créer cette
autorité, elles auront la faculté, si elles peuvent
s'entendre sur les conditions d'un arrangement à
cet effet, de passer des lois dans ce but et entenant des clauses suspendant leurs
mise en force
jusqu'à ce que le parlement ait conféré l'autorité
voulue. Ces lois pourraient définir avec précision l'étendue et la nature des pouvoirs
qu'elles
conféreront à ces corps, et on ne saurait douter
sur la demande qui lui sera faite de donner effet à
un arrangement ainsi arrêté, que le parlement
s'empressera d'y consentir."
Quelqu'un pourra me dire, M. l'ORATEUR,
que tout cela est bien vrai, mais que le gouvernement anglais a tout de même laissé
tomber ce plan. Je crois, néanmoins, pouvoir répondre à cette objection et faire voir
que ce plan était laissé à l'option des colonies;
car vous voyez le même principe suivi dans
le rapport du comité du commerce et des
possessions étrangères à l'égard de la constitution subséquemment accordée aux provinces
de la Nouvelle-Zélande. En 1852, le plan
suggéré par ce comité pour l'Australie fut
mis à effet dans la Nouvelle-Zélande, et nous
ne devons pas oublier qu'a cette époque la
population de la Nouvelle-Zélande était très
petite, si petite vraiment, qu'il serait impossible de ne pas voir un grand contraste
entre
la position de ce pays et celle que l'Amérique
Britannique du Nord occupe aujourd'hui;
mais les hommes d'Etat de l'Angleterre
regardèrent à l'avenir de cette colonie et
décidèrent qu'il était à propos de lui conférer
des pouvoirs analogues à ceux que nous
demandons actuellement. L'acte constitutionnel de la Nouvelle-Zélande crée six provinces
avec des surintendants, des conseils de neuf
membres nommés par le gouverneur et un
gouvernement général de trois Etats. Dans
les débats sur ce bill, le comte GREY a dit que
c'était là la seule forme de gouvernement
qui pouvait être donnée à une colonie située
dans la position où se trouvait celle-là. Voici,
d'ailleurs, ses paroles:
"Il était impossible— et il en aurait longtemps
été ainsi—à aucune législature générale de suffire
à tous les besoins d'autant d'établissements
distincts situés à une grande distance les uns
des autres; il y avait, par conséquent, nécessité
absolue de constituer des législatures provinciales
chargées du pouvoir d'administrer une grande
partie des affaires publiques."
La véritable difficulté qui fut surmontée là
est celle que nous avons à surmonter ici. On
reconnut la nécessité absolue de créer pour
chaque province une législature locale, plus
un pouvoir central, auquel devaient être
déférées toutes les affaires d'un intérêt
commun. Dans le cours de ces débats, voici
les paroles que le comte GREY prononça sur
l'importance de cet arrangement:
"Il est quelques objets qui auraient donné lieu
à de grands inconvénients si on n'avait pas pourvu
à l'uniformité de législation entre les diverses
provinces, but auquel on ne pouvait parvenir que
par l'établissement d'une législature générale."
441
Et voilà, M. l'ORATEUR, ce que notre gouvernement nous demande d'adopter. Il veut
que nous demandions au gouvernement
impérial de créer pour nous des législatures
provinciales auxquelles seront déférées toutes
les affaires locales, et une législature générale
dont les attributions seront de légiférer sur les
sujets d'un intérêt commun, attributions dont
les législatures provinciales ne pourraient pas
s'acquitter aussi bien. Je dis donc, M. l'ORATEUR, sachant que cette question n'est
pas
nouvelle, que nous devons comprendre pourquoi cette mesure a été si vivement approuvée
par les hommes d'Etat de la Grande-Bretagne,
et pourquoi elle a reçu les suffrages des
ministres de Sa Majesté. (Ecoutez! écoutez!)
Ici se terminant l'historique que j'ai voulu
faire de cette importante question, je vais
essayer d'entrer dans son mérite; mais je
vous assure, M. l'ORATEUR, que je sens
toute la dificulté qu'il va y avoir pour moi
de traiter ce sujet devant la chambre, vu sa
gravité et les conséquences incalculables
qu'il est destiné à produire. (Ecoutez! écoutez!) La chambre haute a déjà adopté le
projet, et je ne pense pas que ses membres
puissent, avec justice, être taxés de ne lui
pas avoir donné toute la considération que
son importance demande: je crois, au contraire, qu'ils ont discuté cette question
avec
calme et réflexion pendant les quatre dernières semaines, et ils ont donné là un
exemple à suivre. Il ne s'ensuit pas, cependant, que les membres de la chambre haute
doivent être taxés de s'être hâtés inconsidérément.
M. MORRIS—L'hon. député de Cornwall
est un de ceux qui le leur ont fait.
L'
HON. J. S. MACDONALD— J'ai dit
qu'ils s'étaient trop hâtés, et je prends la
responsabilité de mon assertion.
M. MORRIS— J'ai la mémoire assez
heureuse, et je crois que " hâtés inconsidérablement " sont les mots dont il a eu
le
malheur de faire usage. Je ne veux pas,
toutefois, disputer avec mon hon. ami à
l'égard des paroles qu'il a pu employer; je
tiens plutôt à dire que le temps passé ici et
ailleurs à discuter cette question n'a pas été
perdu. Je pense qu'il est de notre devoir
de considérer cette question à tous ses points
de vue, et croyant que le projet sera adopté
par cette chambre, je reconnais la necessité
de le discuter longuement et librement afin
que le pays puisse juger de son mérite.
(Ecoutez! écoutez!) Cela dit, M. l'ORATEUR, je désire faire connaître que je donne
mon appui à la proposition maintenant
devant la chambre, parce que je crois sincèrement que cette union aura pour effet
de
resserrer nos liens avec la Grande-Bretagne
bien plus que ne le pourrait aucun autre
système (Ecoutez! écoutez!)
UNE VOIX—Elle aura plutôt l'effet de
les relâcher.
M. MORRIS—Un hon. membre dit qu'elle
nous mènera à l'indépendance. Eh! bien, je
lui réponds et dis en même temps à cette
chambre que seulement deux destinées nous
sont réservées. Il faut ou que nous grandissions en force, en richesse et en puissance,
par le moyen de cette union, sous l'égide de
la Grande-Bretagne, ou que nous soyions
absorbés par la république voisine. (Ecoutez!
écoutez!) Dans la position où nous sommes,
c'est, à mon avis, la seule conclusion à
laquelle on peut arriver.
UNE VOIX—Le peuple ne veut pas de
cette union.
M. MORRIS—Un hon. monsieur dit que
le pays ne veut pas d'une union fédérale;
nous le savons, au contraire, en faveur de ce
changement. Quand l'esprit public est
adverse à une mesure, le peuple n'a-t-il pas
à sa disposition les moyens de faire connaître
qu'il s'y oppose; or, comment se fait-il que
le bureau de cette chambre ne soit pas
couvert de pétitions contre le projet s'il est
aussi impopulaire que voudraient nous le
faire croire quelques hon. membres?
UN HON. MEMBRE—Il n'y a pas non
plus de pétitions demandant que ce projet
soit adopté.
M. MORRIS—Pourquoi n'y en a-t-il pas?
N'est-ce pas parce que le gouvernement a été
constitué dans le but d'effectuer cette union?
(Ecoutez! écoutez!) Est-ce qu'une forte
majorité des représentants du peuple n'est
pas en faveur ce cette mesure? Si ces
députés n'en veulent pas, ils n'ont qu'à la
rejeter; mais ils lui donnent au contraire
leur appui, parce qu'ils savent qu'un changement quelconque est essentiellement nécessaire,
et qu'ils ont confiance dans la sagesse
de ceux qui se sont chargés de tirer le pays
de la crise où il se trouve. Si les hommes
publics de cette province ont pris autant à
cœur ce projet, c'est qu'ils voient en lui un
moyen de perpétuer notre alliance avec la
mère-patrie.
442
M. MORRIS—Je ne suis pas prophète
ni fils de prophète, mais je suis prêt à maintenir que ma prédiction se réalisera
plutôt
que celle de l'hon. monsieur, qui vient de
dire que ce projet n'amènera que déception.
(Ecoutez! écoutez!) On a exprimé la crainte
que la confédération amènera la rupture des
liens qui nous unissent à l'Angleterre; mais
il dépendra de nous que ce malheur arrive
ou n'arrive pas. Avec une liberté entière,
un gouvernement responsable, l'avantage
d'une position plus marquante et la protection de l'Angleterre, pourquoi chercherions-
nous à briser ces liens? qu'y gagnerions- nous? Qu'est-ce qui pourrait nous porter
à
former d'autres alliances? (Ecoutez! écoutez!) Qu'aurions-nous à envier au pays
voisin, harcelé comme il l'est par les nombreux et lourds impôts créés par les nécessités
de son affreuse guerre civile, pour
désirer nous incorporer à lui? Expliquezmoi comment cette union pourra nous
affaiblir ou diminuer notre affection pour la
Grande-Bretagne. A ceux qui croient que
la confédération de ces colonies isolées n'augmentera pas leur puissance, de prouver
ce fait
presque inouï que l'union ne fait pas la
force. (Ecoutez! écoutez!) Je dois dire,
moi, comment cette union perpétuera notre
alliance avec la Grande-Bretagne. Chacun
sait que depuis peu l'Angleterre à radicalement changé de politique à l'égard de ses
colonies. Sa politique a maintenant pour but
de nous laisser la plus grande liberté dans
nos relations avec l'empire. A part de
l'allégeance et de notre loyauté, quelle est,
après tout, la nature du lien qui nous unit à
la Grande-Bretagne? Qu'est-ce autre chose
qu'un lien fédéral? Voilà tout ce qui nous
lie à l'Angleterre, et la preuve de ce que
j'avance se trouve dans ce que je vais citer
d'un publiciste anglais assez renommé:—
"La nouvelle politique adoptée pour les colonies " dit-il, " est de nature à perpétuer
l'alliance
des colonies avec l'empire."
Je pense qu'elle grandira la position de
ces provinces comme partie de l'empire britannique, et qu'elle assurera pour nous
la
permanence de la constitution de ce royaume,
tout en resserrant les liens qui nous unissent
à lui. (Ecoutez! écoutez!) Avec lord
DURHAM, ce profond politique, je crois
qu'elle " donnera au colon de l'Amérique
Britannique du Nord une nationalité qui lui
sera propre, en élevant ces petites sociétés
peu importantes à un Etat qui aura quelque
importance nationale, en donnant ainsi à
leurs habitants un pays qu'ils ne désireront
pas voir absorbé par leurs puissants voisins."
Et c'est aussi, M. l'ORATEUR, ce que voient
nos voisins. Peu de temps après le départ
du duc de NEWCASTLE de ce pays, l'attention fut attirée sur la question d'une union
des colonies, non-seulement en ce pays, mais
en Angleterre et aux Etats-Unis. Dans un
article qu'il publia alors, le Courrier and
Inquirer de New-York en vint à la conclusion " que l'union serait un moyen de perpétuer les
relations entre les deux pays,
et que ce changement de gouvernement
ne rencontrerait pas d'obstacles sérieux. "
(Ecoutez! écoutez! Que l'hon. député de
Chateauguay réfléchisse sur cette opinion.
Mais, M. l'ORATEUR, en consultant l'histoire,
on trouve singulier de voir combien cette
question a occupé les différentes colonies.
Avant la révolution américaine, BENJAMIN
FRANKLIN suggéra un plan de fédération
des anciennes colonies de l'Angleterre sur
ce continent, lequel, a-t-il dit plus tard, eut
empêché la rupture survenue entre elles et
la mère-patrie. Je vais citer le passage
qu'il écrivit après la révolution et dans
lequel il parle de ce projet:—
"Je proposai et dressai un plan à l'effet d'unir
toutes les colonies sous un même gouvernement,
en ce qui concerne les défenses et les autres fins
d'une importance générale. D'après ce plan, le
gouvernement général devait être administré par
un président-général nommé et maintenu par la
couronne, et par un conseil général, dont les
membres auraient été choisis par les représentants
du peuple des diverses colonies réunis en leurs
assemblées respectives. Le plan fut adopté dans
le congrès, mais les assemblées des provinces le
rejetèrent, pour la raison qu'il renfermait trop de
prérogatives, et en Angleterre il fut jugé comme
étant trop imbu de l'esprit démocratique. Ces
différentes raisons qui firent rejeter mon plan me
firent aussi croire qu'au point de vue politique il
occupait réellement un juste milieu, et, à l'heure
qu'il est, je suis encore d'opinion qu'il eut été
heureux que les deux partis l'eussent adopté. Les
colonies ainsi unies auraient acquis assez de force
pour se défendre elles-mêmes; l'Angleterre, par
conséquent, n'aurait eu que faire de nous envoyer
ses troupes, et le prétexte que l'on prit ensuite
de taxer l'Amérique et la lutte sanglante qui en
résulta eussent été évités."
N'est-il pas singulier de voir qu'il y a près
d'un siècle, BENJAMIN FRANKLIN, pour
remédier aux difficultés qui existaient alors
entre les colonies, ait suggéré un projet
d'union semblable à celui qui est maintenant
devant la chambre? Ne voit-on pas dans ce fait
une preuve de la sagesse de ses auteurs, qui
connaissaient par l'histoire les difficultés que
rencontrait le gouvernement des autres
443
colonies,—lesquelles étaient dues à l'absence
d'un pouvoir central,—et qui ont proposé
une confédération à l'instar du plan sur
lequel comptait FRANKLIN pour empêcher
une séparation d'avec l'Angleterre?
L'
HON. M. HOLTON— Ce projet est considéré comme équivalant à l'indépendance.
M. MORRIS —Est-ce là ce que pense
l'hon. député? Je crois qu'en Angleterre
l'opinion est tout autre. En 1858, lorsque
la Colombie Anglaise fut érigée en colonie,
on vit alors que les communes d'Angleterre
ne songeaient pas à renoncer aux possessions
de la Grande-Bretagne sur ce continent, car
voici les paroles qui furent conseillées à la
Reine en cette occasion:
"Sa Majesté entretient l'espoir que la création
de la nouvelle colonie du Pacifique sera le premier
pris dans la carrière du progrès sur lequel elle
compte pour qu'un jour ses possessions de l'Amérique du Nord soient peuplées de loyaux
et
industrieux sujets depuis l'Atlantique jusqu'au
Pacifique."
(Ecoutez! écoutez!) Je dis, M. l'ORATEUR, que rien ne prouve que les hommes
d'état de l'Angleterre voient dans ce grand
projet un acheminement à l'indépendance;
les faits cités l'autre soir par l'hon. député
de Montréal-Centre prouvent directement
le contraire. S'il tendait à ce but, je serais
un des premiers à lui refuser mon appui, et
nul doute que les hon. membres qui s'en
sont déclarés les défenseurs, en feraient
autant. Je ne crains pas de dire que tout
gouvernement qui oserait présenter une
mesure de ce genre serait de suite renversé
et battu. (Ecoutez! écoutez!) Mais je
sens, M. lORATEUR, que j'ai été poussé à
parler plus longtemps que je ne le voulais
de la question de nos relations avec la métropole; je signalerai néanmoins à l'attention
de cette chambre un passage d'un livre
que j'ai déjà cité et dans lequel je trouve
l'exposé des idées politiques qui inspirèrent
l'administration de lord JOHN RUSSELL, et
une argumentation très serrée pour prouver
que la possession des colonies n'est pas moins
avantageuse à la Grande-Bretagne que les
relations de celle-ci ne le sont avec ses colonies. Car, à n'envisager que le côté
purement matériel de la chose et en fesant
abstraction des liens plus forts et plus intimes
qui existent, je reste convaincu que ce pays
n'est pas du tout disposé à entrer dans la
voie qui doit le mener à l'indépendance complète de la métropole et à la perte de
ce
prestige et de ce pouvoir attachés au seul
titre de sujet anglais qui lui font dire avec
non moins de vérité qu'aux anciens Romains:
" Je suis citoyen Anglais!"—Voici ce que
dit le comte GREY:—
"On conviendra que la possesion d'un certain
nombre de fidèles alli s dans toutes les parties du
monde, ajoute à la puissance d'une nation, et qu'aucun pouvoir étranger ne saurait
faire d'alliances
avec l'Angleterre aussi étroites et aussi sûres
que les liens qui l'unissent à ses colonies. Personne
ne doit oublier non plus que la puissance d'une
nation ne consiste pas uniquement dans la force
physique, mais encore et non moins dans l'opinion
et l'influence morale qu'elle commande. C'est à
cet égard que la perte des colonies serait pour
l'Angleterre une cause d'affaiblissement assez difficile à apprécier."
Plus loin, je lis ce qui suit:—
"Cependant, la conservation de ces liens est
encore d'une plus grande importance pour ces
dernières (les colonies) que pour la métropole,
parce que toutes faibles et petites qu'elles soient,
elles jouissent, en retour de leur allégeance à la
couronne anglaise, de toute la sécurité et de la
considération qui s'attachent à leur condition de
membres de l'un des peuples les plus puissants de
la terre. Nul pouvoir n'oserait attaquer ou molester
même la plus petite de ces colonies, car tout colon
porte avec lui dans les parties les plus reculées du
globe cette protection que donne partout le titre
de sujet anglais."
(Ecoutez! écoutez!)lb/>
Mais je passerai à un autre point de vue, en
disant que je crois que toutes les conditions
nécessaires à la formation permanente d'une
union fédérale se trouvent réunies dans le projet que nous discutons en ce moment.
Je tiens
en ce moment dans mes mains un ouvrage
assez remarquable sur le Gouvernement représentatif, par JOHN STUART MILL, dans lequel
l'auteur énumère trois conditions nécessaires
à l'union d'états indépendants, et que nous
pouvons appliquer, en raisonnant a pari, aux
provinces anglo-américaines qui cherchent à
s'unir plus étroitement ensemble et par suite
plus étroitement aussi avec la métropole. La
première de ces conditions est celle-ci,
savoir:
"Qu'il doit y avoir une sympathie mutuelle
assez forte entre les populations."
C'est-à-dire, que—
"L'unité d'origine de langage, de religion et
surtout d'institutions politiques, est la plus propre
à produire la communauté des intérêts politiques."
M. MORRIS—Nous possédons à un haut
degré ce lien si puissant de sympathie; le
444
système de gouvernement et les institutions
politiques sont les mêmes; nous appartenons
à la même grande puissance, et c'est là le
lien réel qui dans l'avenir devra assurer
notre union. La seconde condition indiquée
par l'auteur ci-dessus se trouve dans les
lignes suivantes:—
"Les états séparés ne devront pas être assez
puissants pour pouvoir s'en remettre à eux seuls
de leur défense contre les agressions étrangères."
Voilà une condition qu'on ne niera pas
s'appliquer à nous d'une manière toute
spéciale. (Ecoutez! écoutez!) L'auteur
donne enfin comme troisième condition:
"Qu'il n'y aura pas une trop grande inégalité
de forces entre les divers états contractants."
M. MORRIS—Permettez que je continue
de citer:—
"Sans doute ces états ne peuvent exactement
avoir des ressources égales, car dans toutes les
fédérations il y a gradation de pouvoirs entre les
membres, et on en trouvera qui seront plus riches,
plus populeuses et plus civilisées que d'autres.
C'est ainsi par exemple qu'il y a une très-grande
différence entre New-York et Rhode-Island."
Exactement la même que celle entre le
Canada et l'Ile du Prince-Edouard. J'espère
avoir convaincu mon bon ami d'Hochelage
(M. DORION) que les paroles de M.MILL
sont tout à fait applicables à notre position
actuelle. (Ecoutez! écoutez!) Je crois
en outre que nous trouverons dans l'avenir
de grands avantages à avoir un gouvernement central fortement constitué, ainsi que
des parlements locaux ou municipaux tels
qu'indiqués dans le projet. En fait et en
pratique, nous retirerons les plus grands
avantages de ce système qui greffe sur les
principes de la constitution anglaise ce qu'il
y a de meilleur dans le régime américain.
Je prendrai la liberté de lire un extrait
d'un article du Times de Londres, publié
en 1858, sur le sujet qui nous occupe en ce
moment, et qui fait très-bien la distinction
entre le système qu'on nous propose aujourd'hui et celui qui a été adopté aux Etats-
Unis. La grande faiblesse de ce dernier
vient de ce que tous les Etats en entrant
dans la confédération ont réclamé une juridiction indépendante, qu'ils ont délégué
certains pouvoirs au gouvernement central et
qu'ils ont gardé le contrôle souverain sur
tout les suiets qu'ils n'avaient pas ainsi
spécialement délégués au gouvernement central. Les auteurs du projet que nous discu
tons en ce moment, ont évité cet inconvénient et l'ont rédigé de façon à organiser
un pouvoir central muni de pouvoirs souverains bien délimités, et des parlements locaux
avec une juridiction déléguée et définie
mais subordonnée au premier. L'article
dit:—
"Il est bien évident que la constitution fédérale des Etats-Unis d'Amérique forme
un précédent qu'il est impossible à des colonies unies de
suivre dans ses principes ou dans ses détails, tant
qu'elles feront partie du royaume d'Angleterre. Le
principe de la fédération américaine est que chaque
état est souverain, qu'il délégue au pouvoir central
une partie de ses attributions et qu'il garde le
contrôle absolu de tout ce qui n'est pas ainsi
délégué. Les colonies, au contraire, ne sont pas
des états souverains, attendu qu'elles forment
partie de l'Angleterre; elles ne peuvent par conséquent pas déléguer à un gouvernement
central
leur autorité souveraine puisqu'elles n'en ont
aucune. La seule ligne de conduite qu'elles doivent
adopter, suivant nous, est de faire le contraire des
Etats-Unis et de prendre pour devise, au lieu de
Et pluribus unum, celle-ci—In uno plura.
M. MORRIS—Du
Times de Londres, et
je l'ai cité à cause de la force des observations qui s'y trouvent, à part le caractère
que leur donne encore la position du journal
lui-méme. Je continue a lire:—
"La première mesure à prendre pour opérer
une fédération des colonies américaines, serait
donc d'en former un seul état, de donner à cet
état un gouvernement complet et de déléguer à
chacune des colonies les pouvoirs de gouvernement local qui seraient jugés nécessaires,
en avant
soin de réserver au gouvernement central tous
les pouvoirs non expressément délégués. Le régime
adopté par la Nouvelle Zélande donne à ce sujet
un exemple digne de l'attention de ceux qui ont
entrepris cette tâche difficile."
En effet, je n'ai pas le moindre doute que
les auteurs de la constitution actuelle n'aient
étudié la constitution projetée de l'Australie
de même que celle de la Nouvelle-Zélande qui
existe depuis dix ans.
M. MORRIS—Je n'y ai jamais été (on
rit), mais je sais que la population de toutes
les provinces de la Nouvelle-Zélande, qui
s'élevait a 26,000. lors de l'adoption de cette
constitution, s'est élevée en dix ans au chiffre
de 250,000, ce qui indique assurément un
progrès.
L'
HON. M. HOLTON—De même que
nous avons grandi et progressé en dépit de
cette union affreusement mauvaise dont vous
désirez tant vous débarasser.
445
M. MORRIS—C'est vrai, nous avons fait
progrès sous le régime actuel:—mais
l'hon. monsieur doit se rappeler les animosités du passé. Quoique moins ancien que
lui dans cette chambre, je me souviens,
lorsque j'y entrai, de l'état critique dans
lequel étaient les esprits et des difficultés qui
depuis n'ont cessé d'exister et de rendre
impossible toute administration. N'avons- nous pas vu des gouvernements se maintenir,
session après session, en moyen d'une majorité d'une ou de deux voix, et nous convaincre
par là qu'il était impossible à aucun ministère
de conduire les affaires publiques avec la
dignité et la fermeté indispensables? Ainsi
que je l'ai dit, je crois que la conférence a,
on ne peut mieux, réussi dans la combinaison
du plan qui nous est soumis aujourd'hui.
Formant une société d'hommes libres et de
sujets anglais, délibérant sur notre passé,
notre présent et notre avenir, nous déclarons
rester attachés à la couronne d'Angleterre;—nous disions à l'école de GOLDWIN
SMITH, à ceux qui ne veulent plus de
colonies, que nous ne voulons pas nous
séparer de la métropole (écoutez! écoutez!);—que nous voulons conserver les liens
existants; que nous n'avons aucun désir de
nous soustraire à cette protection dont nous
avons si longtemps joui, mais que, tout en
continuant de garder cette protection, nous
sommes résolus à faire tout en notre pouvoir
pour notre défense et pour le développement
des immenses ressources que la Providence
a mises à notre disposition, et que nous demandons au parlement anglais le pouvoir
d'accomplir ce grand œuvre avec toute l'Amérique
Britannique du Nord. (Ecoutez!) —Quel
domaine, en effet, ne possédons-nous pas!
Notre territoire embrasse trois millions de
milles carrés, et est assez vaste par conséquent
pour suffire à l'expansion de toutes les races
qui habitent ce pays. Or, ce que nous voulons,
c'est suivant les paroles d'un ancien ministre
des colonies—lesquelles rendent parfaitement
les vues et les sentiments du peuple de toutes
ces provinces,—de pouvoir nous présenter
devant le peuple anglais, devant le gouvernement anglais et devant notre Reine en
tenant le langage suivant:—" Nous voulons,
avec votre aide, avec votre sanction et avec
votre permission, essayer d'ajouter un nouveau
pays chrétien à ceux par qui l'Angleterre éternise sa mémoire, non par des pyramides
ni par
de obélisques mais par la formation de nouvelles nationalités dont l'histoire s'écrira
dans
sa propre langue. " Telles éaient les paroles
dont le secrétaire colonial, Sir BULWER
LYTTON, se servit lorsqu'il voulut fonder et
qu'il fonda, en effet, une nouvelle colonie
sur les rives du Pacifique,—paroles qui indiquent une confiance inébranlable dans
le
pouvoir et l'efficacité des institutions anglaises, et qui démontrent que ce régime
peut
s'adapter à toutes les circonstances d'un nouveau pays habité par des sujets anglais
à qui
le soin d'institutions de ce genre aurait été
remis. (Ecoutez! écoutez!) Mais je m'aperçois que je suis tenté d'oublier l'excellent
exemple que m'a donné mon hon. ami de
Lambton. (Cris: non! non!—continuez.)
Puisqu'il en est ainsi, je vais mentionner le
plus brièvement possible deux ou trois avantages immédiats que nous retirerons suivant
moi, de l'établissement d'une union des
Canadas avec les provinces maritimes, sous le
régime d'un pouvoir central et de parlements
locaux. Et d'abord, voyons quelle est la
position que ces colonies occupent vis-à-vis
de la grande nation militaire qui se forme
de l'autre côté des frontières; voyons ce
qu'on y pense de nous. Un de ses hommes
d'Etat les plus éminents, conseillait, il y a
quelques années, à ses concitoyens de cultiver
notre connaissance pendant que nous avions
encore " les yeux fermés sur notre destinée."
Or, nous n'en sommes plus là; nous avons
ouvert les yeux sur notre destinée, et nous
cherchons autant que cela se peut, de lui
donner des bases sûres et certaines. (Ecoutez!
écoutez!) Voici ce qu'écrit de nous un
auteur américain:—
"Ils sont sans pouvoir énergique pour veiller
aux intérêts de tous, pour assurer la prospérité de
leurs côtes maritimes et de l'intérieur du pays, celle
du commerce et de l'agriculture où ils semblent
être nos rivaux, pour établir l'uniformité dans leur
tarif et leurs impôts, et hâter l'exploitation des
grandes ressources des pêcheries, des mines et
autres!"
C'est la un point de vue de la position de
ces provinces que je recommande à l'attention
de mes hon. amis de Chateauguay et d'Hochelaga. Je leur demanderai si c'est là
la vérité, et si cette situation n'est pas celle
que nous occupons depuis longtemps? Or,
le résultat de l'union projetée sera de faire
disparaître cet état de choses. (Ecoutez!
écoutez!) Je crois, en effet, que lorsque ces
colonies seront unies ensemble, qu'elles agiront de concert et qu'elles seront seront
animées
par un sentiment de dépendance et d'intérêt
mutuels, le résultat sera d'accroître 1eur
richesse et leur industries et d'augmenter leurs
446
forces. D'un autre côté, je suis convaincu
que l'un des grands avantages de l'union
projetée sera de nous élever au-dessus de
nos luttes de localités et de nous faire agir
en citoyens d'un grand pays entre les mains
desquels sont confiées des destinées propres
à éveiller l'énergie d'un grand peuple. Mais
il est un autre avantage pratique que je crois
d'une grande importance en ce moment.
Liés comme nous le sommes à l'Angleterre par
les liens les plus étroits, et jouissant d'institutions représentatives, l'Angleterre
se trouve
forcée d'agir pour nous dans toutes questions
d'une nature internationale; mais, lorsque
toutes les provinces seront réunies sous un
seul gouvernement général capable de voir
à tout et de surveiller les divers intérêts,
nous pourrons alors représenter à l'Angleterre ce que sont ces intérêts, au nom de
tous et avec une force et une autorité que
nous n'avions pas jusque là;—nous pourrons y attirer l'attention de la métropole de
manière à lui faire apprécier et favoriser
ces intéréts dans ses négociations avec l'étranger. Comme exemple de ce que je dis,
je
citerai le traité de réciprocité, au sujet
duquel je me permettrai de lire un extrait
remarquable du rapport présenté à la
chambre des représentants des Etats-Unis,
en 1862, par le comité du commerce, sur
cette question. Je signale cet extrait à
l'attention de cette chambre pour montrer
jusqu'à quel point les Etats-Unis ont profité
de notre position isolée, et de l'absence de
pouvoir central parmi nous, pour se procurer
par ce traité des avantages qu'ils n'auraient
certainement pas demandés ni obtenus, si
nous avions pu faire valoir, dans les
négociations qui eurent lieu à ce sujet,
les avantages qu'offraient le Canada et les
provinces maritimes. Au lieu d'avoir à
traiter avec chacune des provinces, les
hommes d'état des Etats-Unis eussent eu à
négocier avec les représentants des intérêts
réunis de l'Amérique Britannique du Nord.
Sous ce rapport, l'extrait que je vais lire est
remarquabe autant que par la source d'où
il émane. Voici comment le rapport s'exprime
au sujet des résultats naturels du traité et de
son abrogation:
"Le premier résultat et la conséquence natuturelle du traité fut d'opérer dans notre
commerce
avec le Canada une augmentation considérable et réciproquement avantageuse. Plusieurs
causes de dispute disparurent et notre commerce
s'accrut considérablement avec les provinces maritimes. Aussi, les arguments fondés
sur les résultats du traité en général avec les diverses provinces
ont-ils une valeur incontestable et évidente contre
l'abrogation complète et sans restriction du traité,
en autant que cette abrogation concerne les provinces dont on n'a pas eu à se plaindre.
On ne
comprend pas assez la condition isolée et presque
sans relations des divers gouvernements de ces
provinces entre eux, ainsi que leur manque de responsabilité envers un centre commun.
Nous n'avons
aucunement à nous plaindre de Terreneuve, de
l'Ile du Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et
du Nouveau-Brunswick. Ces diverses provinces
de même que le Canada ont toutes un tarif et une
législature distinctes, et aucune n'en doit de
compte à l'autre. C'est pourquoi l'abrogation du
traité en général serait un manque de foi envers
les autres provinces, dans le cas où il serait à propos
de la décréter à l'égard des Canadas; on ne saurait
non plus faire valoir en faveur du Canada les avantages que donne le traité dans les
provinces maritimes. Chacune de ces provinces a fait sa propre
convention et en a donné et reçu l'équivalent
qu'elle en attendait."
(Ecoutez! écoutez!)
C'est la un exemple de quelque importance,
et je crois que les mêmes principes devront
s'appliquer à toutes les questions que nous
aurons à traiter par l'entremise de la métropole avec les gouvernements étrangers.
Du
moment que nous ne serons plus isolés les
uns des autres nous pourrons présenter un
front respectable et faire valoir les avantages
à retirer des pêcheries inépuisables des
provinces d'en-bas de même que du Canada.
(Ecoutez! écoutez!) On a parlé très souvent
durant ce débat de la question des défenses
coloniales. Je crois qu'on ne peut mettre
en question que ce serait pour le bien, non- seulement de l'Angleterre, mais encore
de
chacune des provinces qu'il y eut sur des
sujets tels que la milice, les lois relatives
aux aubains, à la neutralité et autres de
même espèce, une législation générale et
uniforme; —que l'acte d'une de ses colonies
pouvant pousser l'Angleterre à la guerre, il
y eut dans toutes les provinces anglaises
uniformité et entente d'action sur tous les
sujets de politique nationale et internationale.
Il m'est difficile de ne pas prévoir qu'il
résulterait d'un tel système les avantages les
plus grands. Il n'entre pas dans mes attributions de traiter la question des défenses;
je laisse cette tâche à de plus compétents;
mais comment ne pas croire au rôle considérable qui serait réservé à l'Amérique
Britannique du Nord dans l'histoire de ce
continent en adoptant un système uniforme
de milice et de marine?
M. MORRIS—L'hon. monsieur n'a pas
447
manqué, j'en suis sûr, d'écouter avec beaucoup d'intérêt le discours du président
du
conseil; par conséquent, il a pu apprendre
que nous possédions une marine dont tout
pays pourrait être fier, marine engagée
toute entière dans une industrie honnête
et qui nous permet d'être aujourd'hui la
troisième puissance maritime du monde
entier. Viennent les époques critiques,—plaise
à Dieu que ce soit le plus tard possible!—
et l'on verra le golfe St. Laurent et les
lacs se couvrir de braves pour défendre
le pays. (Ecoutez! écoutez!) Une autre
observation que je ferai c'est que sous le
régime projeté les intérêts locaux seront
mieux sauvegardés, car c'est ma ferme conviction que tous les intérêts locaux recevraient
une bien plus grande somme d'attention, du
moment que les législatures provinciales
n'auraient plus à s'occuper de ces grandes
questions générales qui absorbent nécessairement aujourd'hui une partie si considérable
de leur temps et de leurs études.
(Ecoutez! écoutez!) Je me contenterai
maintenant d'indiquer brièvement un ou
deux avantages incidents qui ne feront que
s'accroître avec le temps, de notre position
de provinces unies de l'empire britannique.
Je n'ai pas l'intention à cette heure de la
nuit de fatiguer mon hon. auditoire (cris:—
non! non!—continuez) en prouvant par
des chiffres quelle sera l'impulsion donnée
au commerce intercolonial entre les provinces d'en-bas et celles des Indes Occidentales.
Ceux qui s'occupent de commerce se
rappellent encore l'étendue des affaires qui
se faisait, il y a quelques années, avec les
Indes Occidentales et qui ont cessé depuis
par suite de diverses circonstances. Eh
bien! mon opinion est, qu'une fois l'union
des colonies de l'Amérique Britannique du
Nord consommée, il se fera, non seulement
entr'elles un grand commerce en produits
agricoles et autres dont les provinces d'en- bas tirent aujourd'hui leur approvisionnement
des Etats-Unis, mais encore le commerce se rétablira avec les îles des Indes
Occidentales. Ayant pris la peine, il y a
déjà quelque temps, de compulser certaines
statistiques, quelle ne fut pas ma surprise
de voir l'importance des relations commerciales qui existaient, il y a vingt-cinq
ans,
entre nos provinces et ces îles; je n'ai aucun
doute aujourd'hui qu'en effectuant l'union
proposée, nous ne soyions en état d'établir
notre commerce sur un tel pied que nous
nous pourrons ouvrir de nouveau les sources
précieuses de celui des Indes Occidentales.
L'
HON. M. HOLTON —Alors que ne
comprenez-vous aussi les Indes Occidentales
dans votre projet de confédération?
M. MORRIS—En vérité, mon hon. inter- rupteur montre on ne peut plus de désir
d'étendre le cercle de la confédération! (on
rit)—Je le connais comme fédéraliste depuis
de longues années, et je suis convaincu qu'il
ne veut rien tant que de nous voir aller plus
vite: aussi, mon opinion est-elle qu'une fois
le projet actuel accompli il n'en soit l'un des
plus chauds défenseurs. (Ecoutez! écoutez!)
Je me permettrai, M. l'ORATEUR, de citer
quelques phrases d'une lecture faite, il y
a quelques années, par M. le principal
DAWSON, de Montréal, et qui, né à la
Nouvelle-Ecosse, connaît à fond les provinces maritimes. Voici ses paroles:—
"Leurs progrès en population et en richesse
sont lents comperés à ceux de l'Amérique Occidentale, quoiqu'égaux en moyenne à ceux
de l'union
américaine et plus rapides que ceux des anciens
états. Leur agriculture marche à grands pas vers
le progrès, leurs entreprises industrielles et l'exploitation des mines prennent tous
les jours de
l'accroissement, et il s'y construit nombre de voies
ferrées pour les mettre en rapport avec les parties
plus reculées de l'intérieur du continent. Ces
provinces possèdent, comme la Grande-Bretagne,
des mines importantes qui ne se trouvent pas chez
leurs voisins, et les moyens les plus avantageux de
se livrer au commerce et à l'industrie. (C'est pourquoi elles devront avoir avec les
Etats-Unis, le
Canada et les pays du Nord-Ouest, 1es mêmes relations d'affaires que l'Angleterre
entretient avec
l'Europe occidentale, centrale et septentrionale. La
nature a fait d'elles le grand terminus océanique de
l'immense vallée du St. Laurent, dont le commerce,
attiré un moment à force d'énergie et d efforts à
travers le barrière naturelle que la Providence a
élevée entre lui et les ports de mers américains,
devra finir par reprendre sa direction naturelle. On
verra alors non seulement les villes du St. Laurent
s'unir par la communauté des intérêts les plus
forts, mais encore se rattacher à l'Acadie par des
liens encore plus intimes que n'en peut produire
seule une union politique. Les immenses produits
des vastes et beaux pays de l'Ouest s'achemineront
vers l'Atlantique et vers les marchés principaux
de l'ancien monde, par le St. Laurent et les provinces du golfe. Le surplus des produits
agricoles
du Canada trouvera des consommateurs à sa porte,
chez les mineurs, les charpentiers de navire, les
marins et les pêcheurs de l'Acadie qui lui enverront en échange les trésors de ses
mines et de ses
pêcheries. La nature des choses semble rendre
inévitable la fusion définitive de toutes les populations qui avoisinent le grand
fleuve et ses tributaires, et l'établissement sur ses bords de l'une des
principales artères commerciales du continent de
l'Amérique,—et l'on voit aujourd'hui même un
vaste champ s'ouvrir à l'industrie et aux capitaux
en vue de ce magnifique résultat."
Tels seront aussi, je crois, les résultats
de ce que nous entreprenons de faire en ce
448
moment. (Ecoutez! écoutez!) En terminant,
je désire signaler à l'attention de tous, les
avantages que nous procurera l'établissement
de l'immense région située en arrière de nous,
l'Amérique centrale du Nord, plus connue
sous le nom de Nord-Ouest, avantages que
la confédération pourra seule nous mettre en
état de recueillir. Car, si les Canadiens ne
font aucun effort de ce côté et continuent de
laisser l'énergie et l'activité américaines
poursuivre leur cours, il arrivera inévitablement que la colonisation et l'exploitation
de
ce grand territoire passeront aux mains des
citoyens de la république voisine. La question est du plus grand intérêt pour le
Canada. Il y a déjà bon nombre d'années,
l'industrie canadienne avait atteint le Nord- Ouest par la vallée de l'Outaouais,
et en
1798, la companie du Nord-Ouest comptait
pas moins de 12,000 employés: pourquoi ce
commerce ne se rétablirait-il pas comme
autrefois entre cette région et le Canada?
Car, enfin, quels sont les obstacles insurmontables que s'y opposent? Il existe déjà
entre
les deux pays une route par terre et par eau,
et je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas les mesures nécessaires pour
développer les ressources de cette immense
région et la rendre tributaire du Canada.
(Ecoutez! écoutez!)—Il a donc été sage
de la part des auteurs du plan actuel
d'indiquer, comme l'une des principales
raisons de leur oeuvre, la nécessité du développement du Nord-Ouest, pour la sécurité
et le progrès des intérêts, le plus
chers de l'Amérique Britannique du Nord.
(Ecoutez! écoutez!) Si la chambre veut
bien me le permettre, M. l'ORATEUR, je
demanderai à mes hon. auditeurs de réfléchir
un moment sur l'étendue du territoire de
cette région Un auteur américain, qui l'estime
à 2,500,000 milles carrés, en parle dans les
termes suivants:—
"Quel est l'équivalent de cette étendue? C'est
quinze fois et demi plus grand que l'Etat de la
Californie, environ trente-huit fois aussi grand
que l'Etat de New-York, près de deux fois aussi
grand que trente-et-un états de l'Union, et en
exceptant le territoire du Nébraska, aussi considérable que tous nos états et territoires
combinés. "
On trouve, entre les parties établies du
Canada et la région de la Rivière Rouge, des
étendues de terres arables de 200,000 acres,
offrant tous les moyens de communication
possible par eau et par terre; aussi, je ne
m'étonne pas que feu SIR GEORGE SIMPSON,
dans la relation de son voyage autour du
monde, et racontant qu'il était passé de
Montréal à la Rivière Rouge et de là au Pacifique ait été frappé des avantages extraordinaires
qu'offre ce pays et qu'il se soit écrié
en présence de la magnifique navigation
intérieure qu'il y aperçut:—
"Quel bonheur pour l'imagination du philantrope que de devancer le présent et d'apercevoir
dans l'avenir ce cours d'eau superbe, trait d'union
de deux lacs aux bords fertiles, couvert de bateaux
à vapeur et baigner de ses eaux les cités populeuses
et riches élevées sur ses rives!" —
(Applaudissements.)
SIR GEORGE SIMPSON n'était pas, on le sait,
homme à se laisser emporter par l'impulsion
du moment, mais à la vue du spectacle qui
s'offrait à lui, il lui a été impossible de ne pas
exprimer son admiration dans les termes
pompeux que je viens de citer. Jetons les
yeux un moment sur la région de la Saskatchewan, de l'Assiniboine et de la Rivière
Rouge avec ses 10,000 colons et formant le
noyau d'une province future, le noyau autour
duquel pourrait venir se masser l'immigration qui y serait dirigée pour constituer
une
section puissante de la confédération. Ce
pays embrasse 360,000 milles carrés, et la
Rivière Rouge, le lac Winipeg et la Saskatchewan forment une ligne de communication
par eau de 1,400 milles. Quelle est
maintenant la nature du sol du pays? Je
citerai sur ce sujet le professeur HIND qui
appelle la vallée de la Rivière Rouge et une
grande partie du pays baigné par l'Assiniboine, son tributaire—"un paradis de fertilité". Il n'en saurait parler qu'en termes
d'étonnement et d'admiration, et ajoute que
la nature du sol comme terre arable ne peut
être surpassée:—et il le prouve par les paroles
suivantes:—
"Tous les produits agricoles qui viennent en
Canada réussissent très-bien dans le district de
l'Assiniboine qui, comme pays arable, prendra un
jour rang parmi les plus remarquables."
Le climat, de son côté, ne présente aucune
difficulté; pour s'en convaincre, nous n'avons qu'à ouvrir l'excellent ouvrage qui
se
trouve dans notre bibliothèque, et intitulé:
Blodgett's Climatology, dans lequel l'auteur démontre, que le climat de la côte
nord-ouest et des pays de l'intérieur dans
la direction du lac Winipeg, est le contraire
de celui que l'on trouve sous la même latitude sur les bords de l'Atlantique, et est
très- favorable à la colonisation. (Ecoutez!
écoutez!) Je vais maintenant, M. l'ORATEUR, faire connaître à cette chambre
449
l'étendue de territoire que nous possédons
dans les provinces de l'Atlantique et du
Pacifique: les premières comprennent le
Bas-Canada, qui contient une superficie de
201,989 milles carrés; le Haut-Canada, dont
la superficie est de 148,882 milles carrés;
le Nouveau-Brunswick, dont la superficie est
de 27,700 milles carrés; la Nouvelle-Ecosse,
dont la superficie est de 18,746 milles carrés;
l'Ile du Prince-Edouard, dont la superficie
est de 2,134 milles carrés; Terreneuve, dont
la superficie est de 35,918 milles carrés;
donnant un total de 435,814 milles carrés—
qui, ajouté aux 5,000 milles du Labrador,
forme un grand total de 440,314 milles
carrés, renfermant une population d'environ
4,000,000 d'âmes. Les provinces du Pacifique sont la Colombie Anglaise, qui contient
200,000 milles carrés; l'Ile de Vancouver,
qui en contient 12,000, et le territoire de la
Baie d'Hudson (y compris l'Amérique
Centrale) qui en contient 2,700,000. (Ecoutez! écoutez!) Il ne me reste plus maintenant
qu'à remercier la chambre de la patience
avec laquelle elle a bien voulu entendre mes
observations. M'étant levé à une heure
très-avancée et au moment où la chambre
paraissait fatiguée, je n'ai pas cru devoir
trop prolonger la discussion, et j'ai abrégé
ce que j'avais à dire. C'est ainsi que je
n'ai traité que superficiellement beaucoup
de points sur lesquels je me serais étendu,
n'eussent été les raisons que je viens de
donner. Avant de finir, j'oserai exprimer
l'espoir que ce grand projet ne sera pas
accueilli avec esprit de parti; car, si jamais
un plan soumis à une législature a mérité qu'on mit tout esprit de parti de
côté, c'est celui-là. (Ecoutez! écoutez!)
Il est évident que dans la chambre on compte
une grande majorité en faveur du projet, et
bien que cette dernière accorde à la minorité
le droit qui lui appartient—celui de faire
connaître ses objections—ce n'en est pas
moins une très grande preuve que ceux qui
composent cette majorité croient faire ce
qui est le mieux pour le pays en appuyant
cette mesure, que le peuple sanctionnera à
la première occasion qui lui sera donnée de
réélire ceux de ses représentants qui auront
voté pour le projet. (Ecoutez! écoutez!)
C'est le devoir de ceux qui sont en faveur
du projet—et je crois qu'une grande
majorité y voit de nombreux avantages
pour nous—et je suis fermement persuadé
qu'ils doivent à leurs commettants, au pays
et au grand empire dont nous faisons partie,
de le mettre le plutôt possible à exécution.
Je suis heureux, M. l'ORATEUR, en passant
en revue les trois années pleines d'événements qui se sont écoulées depuis que je
suis député à cette chambre, de pouvoir dire
que la première fois que j'eus l'honneur de
prendre ici la parole (en 1861) ce fut en faveur
d'un projet analogue à celui que nous discutons en ce moment, car alors je me prononçai
pour un gouvernement général des provinces
de l'Amérique Britannique du Nord avec
des législatures locales. La question de la
représentation d'après le nombre était alors
sur le tapis, et voici en quels termes j'exprimai mon opinion à cet égard:
"J'ai la confiance que l'on trouvera des hommes
capables de régler équitablement cette question
et de présenter une mesure dont le pays sera satisfait. Il se pourrait que cette mesure
serait à l'effet
d'amener les différentes provinces de l'Amérique
du Nord à une union établie sur des bases donnant
au peuple de chaque province le droit de régir ses
propres affaires intérieures, et au gouvernement
général le contrôle et l'administration des affaires
d'un commun intérêt, le tout de manière à assurer
la consolidation de la puissance britannique sur ce
continent."
J'ai toujours eu cette opinion depuis que je
suis capable de réfléchir sur les destinées de
ce pays, et je demande qu'il me soit permis
de citer encore une partie d'un discours que
je prononçai en 1859. Passant alors en revue,
comme je l'ai fait ce soir à la hâte, l'étendue
de nos possessions et les grands avantages
que nous pourrions retirer de l'union que
l'on se propose de mettre à effet, voici
quelle opinion j'exprimai dans un essai
sur le territoire de la Baie d'Hudson et du
Pacifique dont je fis la lectures Montréal:
" Avec deux puissantes colonies sur le
Pacifique, avec une autre ou plus des
colonies dans la région située entre le
Canada et les Montagnes Rocheuses, avec un
chemin de fer et un télégraphe reliant l'Atlantique au Pacifique, et nos voies de
communication intérieure et sur mer auxquelles le
commerce donnera de l'extension, qui peut
douter de la réalité de l'avenir brillant qui
se prépare pour le grand empire britannique
du nord! Des hommes à vues étroites, des
égoïstes, enfin, pourront nous dire que tout
cela n'est qu'un rêve de l'imagination; mais
le temps opère des merveilles, et lorsque
nous dirigerons notre regard vers l'est, l'ouest
et le nord, quand nous faisons défiler devant
nous les populations de l'Acadie et du Canada,
du Nord-Ouest, de la Colombie et des possessions du Pacifique, qui sont les maitres
d'un
450
territoire aussi vaste, d'un aussi riche héritage, et quand nous nous rappelons les
progrès
rapides qui ont transformé es anciennes colonies américaines en une des puissanccs
de
la terre, qui peut douter que l'avenir ne fera
pas de ces provinces anglaises un grand
Empire britannique du nord, une nouvelle
nation anglaise qui, avant longtemps, peuplera
tout le nord de ce continent, ou plutôt
comme on l'a très bien dit, une Russie, mais
une Russie anglaise, c'est-à-dire libre et
civilisée, bornée en face par le sud, à l'arrière
par le pôle, et ayant à sa droite et à sa gauche
l'Atlantique et le Pacifique reliée par un
télégraphe et une voie ferrée." (Applaudissements!) Tel est, M. l'ORATEUR, l'avenir
que j'entrevois et que tous les enfants du
sol entrevoient. Je sais que si le peuple de
ces provinces anglaises reste fidèle à lui-même
et que les hommes d'état de l'Angleterre
font leur part pour remédier à cette grande
crise qui figurera dans notre histoire nationale, ce que nous promet l'avenir se réalisera.
Nous aurons la gloire d'appartenir à un
grand pays encore lié à la couronne d'Angleterre, mais nous n'en serons pas moins
libres,
puisque nous jouirons des bienfaits d'un
gouvernement responsable. Je suis convaincu
que cette union produira les plus heureux
résultats possibles. (Ecoutez! écoutez!)
Tout en remerciant la chambre de la bienveillante attention qu'elle m'a prêtée, je
termine en disant que le projet en vertu
duquel nous demandons au parlement impérial de légiférer pour nous, est a à la fois
sage
et judicieux, et mérite l'appui zélé des
représentants du peuple de cette province.
Quant à moi, je lui assure mon vote et lui
donne mon approbation la plus cordiale.
(Bruyants applaudissements!)
M. M. C. CAMERON propose l'ajournement des débats, et cette proposition est
adoptée.