JEUDI, 23 février 1865.
               
               
               
               M. A. MACKENZIE reprend le débat:—  
                  Monsieur l'ORATEUR:—Avant d'entrer dans  
                  la discussion du projet de confédération, je  
                  crois bien faire en disant un mot de la position que nous avons occupée dans les débats
                  
                  sur les changements constitutionnels—cause  
                  de tant de luttes et de tant de dissensions  
                  entre les deux sections de la province. J 'ai  
                  été accusé, comme d'autres hon. membres,  
                  d'abandonner mes principes en soutenant la  
                  coalition actuelle formée dans le but de  
                  résoudre les dificultés que nous avons eu a  
                  combattre et auxquelles on se propose du  
                  mettre fin par un projet peu discuté encore  
                  du moins dans la partie de la province à  
                  laquelle j'appartiens. Depuis que j'ai l'honneur de siéger dans cette chambre, je
                  n'ai  
                  jamais considéré la représentation basée sur  
                  la population comme la seule mesure susceptibe de mettre fin à nos dissensions.  
                  Voici ce que je disais dans le premier discours que je fis dans cette chambre: "Je
                  
                  
                  
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                  ne suis pas personnellement lié à la question  
                  de la représentation d'après la population  
                  comme seule mesure possible. Si les adversaires de ce projet peuvent proposer un 
                  
                  autre remède, je suis prêt à en faire l'examen. Et je suis sûr que le vaste district
                  que  
                  je représente m'approuvera dans l'étude de  
                  toute mesure qui enlèvera au gouvernement  
                  du jour le pouvoir de commettre des injustices locales, mais, jusqu'à présentation
                  d'une  
                  telle mesure, je défendrai la représentation  
                  basée sur la population comme le seul  
                  remède salutaire à mon avis." (Ecoutez!)  
                  L'hon. membre pour Hochelaga (M. DORION)  
                  a affirmé que nous défendions cette mesure  
                  comme seul moyen de mettre fin aux injustices financières dont nous nous plaignons.
                  
                  Cette assertion est erronée. Il est bien vrai que  
                  nous avons énergiquement fait ressortir cette  
                  injustice,—et je ne songe pas à rétracter  
                  aucun de nos arguments,—nous avons énergiquement représenté, dis-je, que, contribuant
                  
                  pour une large part au revenu public, le revenu  
                  était dépensé sans donner l'équivalent à  
                  la partie du pays dont la contribution est la  
                  plus forte. Mais nous nous plaignions encore  
                  d'une autre injustice qui donnait à quatre  
                  membres du Bas-Canada autant d'influence  
                  politique qu'à cinq membres du Haut Canada,  
                  nous nous plaignions que nos lois étaient  
                  souvent passées par une majorité Bas-Canadienne en dépit de nos protestations. Cela
                  
                  nous affectait beaucoup plus que la perte  
                  de certaines sommes d'argent. (Ecoutez!)  
                  Jusqu'à 1862, tout le Haut-Canada s'agitait  
                  à propos de cette question. Et je suis con  
                  vaincu qu'à cette époque personne ne pouvait prendre part à la politique ou se faire
                  
                  entendre dans une assemblée avant de s'être  
                  déclaré en faveur de la représentation basée  
                  sur la population.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE—L'hon. membre  
                  pour Cornwall semble s'indigner; Eh bien!  
                  je ferai exception pour lui.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE—Je n'ai peut  
                  être pas droit de donner à l'hon. membre  
                  le bénéfice de cette exception, car nul plus  
                  que lui n'a fait ressortir l'injustice que  
                  subissait le Haut-Canada.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE — Il a même  
                  été plus loin que je n'oserais le faire en  
                  affirmant les droits du Haut-Canada, et la  
                  justice qu'on devait lui rendra. Il a affirmé  
                  
                  
                  
                  devant cette chambre qu'il n'accepterait  
                  aucune mesure, bonne, mauvaise ou insignifiante de l'administration du jour, uniquement
                  
                  parce qu'elle refusait de rendre justice au  
                  Haut-Canada.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE—On ne pouvait  
                  aller plus loin. Mais je parlerai tout à l'heure  
                  de l'administration dont l'hon. monsieur  
                  était le chef L'hon. membre pour Hochelaga  
                  semble croire que parce que l'agitation du  
                  Haut-Canada était bien organisée et, pour  
                  ainsi dire, systématique, elle n'offrait aucun  
                  symptôme dangereux. Mais l'hon. membre  
                  devrait se souvenir que c'est un des traits caractéristiques du peuple anglais de
                  toujours diriger l'agitation avec un certain décorum et en  
                  respectant les lois, et que ses mouvements  
                  sont alors d'autant plus sérieux. Lorsqu'il  
                  est bien convaincu qu'on lui fait une injustice  
                  il ne cède jamais, toutefois il ne proteste et  
                  ne s'agite qu'en ayant toujours égard aux  
                  droits des autres partis. (Ecoutez!) J'avouerai franchement qu'a mon entrée au parlement
                  
                  la position du Bas-Canada vis-à-vis des  
                  Haut-Canadiens me donna quelques appréhensions. Une opinion bien répandue alors  
                  dans le Bas-Canada était celle-ci: que le  
                  Haut-Canada n'userait des droits que lui  
                  conférerait la représentation basée sur la  
                  population que pour nuire aux institutions  
                  religieuses du Bas-Canada et peut-être les  
                  anéantir entièrement: de là une lutte énergique des Bas-Canadiens contre cette mesure.
                  
                  Mais je suis persuadé que ces doutes  
                  n'existent plus aujourd'hui. En traitant  
                  l'autre jour cette section, l'hon. membre  
                  pour Hochelaga (M. DORION) a cité des  
                  paragraphes d'un discours prononcé par moi  
                  à Toronto peu de jours avant l'ouverture de  
                  la session actuelle; et je n'ai pas reconnu  
                  dans l'interprétation que l'hon. membre a  
                  donnée à mes paroles sa franchise et sa justice  
                  habituelles. Il a prétendu que j'avais renoncé  
                  à la representation basée sur la population  
                  comme à une chose inopportune, impraticable  
                  ou pire encore. Mais voici mes propres  
                  paroles: " Dans la pratique que j'ai aujourd'hui des affaires publiques, j'ai acquis
                  la  
                  conviction qu'il est presque impossible d'obtenir au moyen de la représentation basée
                  
                  sur la population, la pleine justice que le  
                  Haut-Canada réclame, et, à cet égard, une  
                  union législative serait à mon avis bien  
                  préférable."  
  
               
               
               
               
               
               
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               M. A. MACKENZIE—" Telles sont mes  
                  vues. A une certaine époque, les populations  
                  du Haut-Canada se sont imaginées que les  
                  Bas-Canadiens redoutaient de nous accorder  
                  la représentation basée sur la population  
                  parce que nous en ferions usage contre leurs  
                  institutions religieuses. Je suis convaincu  
                  que c'est un pur préjugé, et que la poputation française n'a jamais eu la moindre
                  
                  crainte à cet égard parce qu'elle sait parfaitement que le parti au pouvoir qui commettrait
                  une telle injustice envers l'une ou l'autre  
                  section se suiciderait politiquement. (Applaudissements!) Toutefois, dans toutes les
                  
                  discussions, on a fait valoir ce point que  
                  l'élément français diffère essentiellement de  
                  nous autant que par son origine que par ses  
                  opinions. La nature veut que l'homme soit  
                  fier de sa patrie et des hauts faits de ses  
                  ancêtres. Ce sentiment existe tout aussi  
                  fort chez les Canadiens-Français que chez  
                  nous et, dans la position que leur a faite la  
                  cession du Canada à l'Angleterre, ils croient  
                  nécessaire de maintenir fortement leur esprit  
                  de nationalité, et de s'opposer à toutes les  
                  tentatives du Haut-Canada, sans quoi, pensent-ils, leur nationalité périrait. Pour
                  ma  
                  part, je crois que la représentation d'après  
                  la population, pure et simple, ne serait,  
                  dans les circonstances présentes, qu'un  
                  remède très-imparfait, car s'il est vrai que  
                  le Haut-Canada aurait dix-sept membres de  
                  plus, rien n'empêcherait les cinquante ou  
                  cinquante-cinq membres qui représentent  
                  les districts français du Bas-Canada de  
                  s'unir avec une minorité haut-canadienne et  
                  de soumettre ainsi l'administration à leurs  
                  vues." Voilà les opinions que j'exprimai  
                  devant cette assemblée, et je suis prêt à les  
                  maintenir ici. (Ecoutez!) Je crois que les  
                  idées de nationalité ont été cause de toutes  
                  nos difficultés dans le fonctionnement du  
                  système actuel. Je ne veux pas dire qu'il  
                  faut chercher à éteindre ce sentiment énergique, qui est la source du vrai patriotisme.
                  
                  (Ecoutez!) Ce serait à mon avis une tentative injuste et peu honorable. Lorsque le
                  
                  pays fut cédé à l'Angleterre, elle accepta la  
                  responsabilité de gouverner une population  
                  étrangère en respectant les opinions de cette  
                  dernière en tant que la politique anglaise  
                  y trouverait son compte. Ce sentiment  
                  de nationalité est tellement fort dans tous  
                  pays que les tentatives de l'annéantir n'ont,  
                  comme en Autriche, rencontré que l'échec  
                  le plus complet. Or, cet insuccès d'un  
                  gouvernement despotique ayant à sa dispo
                  
                  
                  
                  sition une puissante armée démontre à  
                  l'évidence qu'une telle prétention est inadmissible dans un pays libre. Aujourd'hui,
                  
                  en Autriche, dix-huit nationalités différentes  
                  sont représentées dans le conseil de la nation,  
                  et malgré toute sa puissance et son prestige  
                  militaires, l'Autriche a été forcée d'accorder  
                  des parlements locaux à ces dix-huit nationalités. (Ecoutez!) J'en arrivai donc à
                  
                  conclure qu'il serait impossible d'obtenir la  
                  représentation basée sur la population tant  
                  que les populations françaises demeureraient  
                  persuadées que cette concession de leur part  
                  entraînerait la ruine de leur nationalité.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE —C'est ce dont je  
                  doute fort. L'hon. procureur-général du  
                  Bas-Canada (M. CARTIER,) dans son discours l'autre soir, a fait allusion à l'attitude
                  
                  des populations françaises du Bas-Canada  
                  pendant la guerre d'indépendance, lesquelles  
                  sont restées loyales et fidèles tandis que toutes  
                  les autres colonies de l'Amérique du Nord  
                  s'affranchissaient de la domination anglaise.  
                  L'hon. monsieur avait parfaitement raison  
                  de faire valoir les titres acquis à ses compatriotes. Mais je crois qu'un autre sentiment
                  les animait à part de leur loyauté vis- à-vis de l'Angleterre: c'est que le salut
                  de  
                  leur nationalité dépendait uniquement de  
                  leur union avec la Grande-Bretagne. Pendant vingt ans leur existence comme colonie
                  
                  de l'Angleterre ne vit pas se développer les  
                  sentiments qu'ils éprouvent aujourd'hui à  
                  l'égard de ce pays. Mais il a toujours été  
                  clair pour eux, que s'ils s'unissaient à la  
                  république américaine c'en était fait de la  
                  nationalité française, qui eût péri comme à  
                  la Louisiane. (Ecoutez!) On a accusé d'hon.  
                  membres et moi-même d'avoir abandonné  
                  notre parti en n'agissant plus de concert avec  
                  les députés Bas-Canadiens, auxquels nous  
                  étions précédemment unis. Mais sur quoi  
                  est fondée cette accusation? Qu'est-ce, en  
                  définitive, qu'un parti? C'est une association  
                  d'individus qui ont des opinions communes  
                  sur certains points de la politique générale,  
                  ou sur certaines mesures qu'ils croient nécessaires au bon gouvernement de leur commune
                  patrie. A ce point de vue, il n'y a rien  
                  dans notre politique de parti que nous ayions  
                  si fortement maintenu que la représentation  
                  basée sur le population.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE—Lorsque nos  
                  anciens amis du Bas-Canada ont abandonné  
                  
                  
                  429
                  
                  cette question, et que nos adversaires d'alors  
                  se sont montrés prêts à l'aborder, nous avons  
                  cru devoir nous unir à ceux qui avaient les  
                  mêmes opinions que nous sur un point qui  
                  nous intéresse au plus haut degré. (Ecoutez!)  
                  A l'époque de la formation du ministère MACDONALD-SICOTTE, je fus fortement blâmé,
                  
                  ainsi que plusieurs autres membres, pour  
                  n'avoir pas empêché cette combinaison. Nous  
                  nous trompions peut-être; mais, après tout,  
                  je crois que c'est un bien que l'hon. membre  
                  pour Cornwall (M. J. S. MACDONALD) ait eu  
                  une belle occasion d'appliquer son remède,  
                  souverain selon lui pour toutes nos difficultés  
                  constitutionnelles, le principe de la double  
                  majorité. Pendant dix ans on a prêché sur  
                  tous les tons que ce principe était le seul qui  
                  pût faire fonctionner avec harmonie le gouvernement du Canada. Mais, hélas! malgré
                  
                  cette heureuse chance le gouvernement  
                  MACDONALD-SICOTTE disparu à son aurore!  
                  (Ecoutez! et rires.) L'éphémère existence  
                  de ce gouvernement a eu un beau résultat,  
                  celui de démontrer que le moyen proposé  
                  par l'hon. monsieur pour atteindre le but  
                  vers lequel il tendait depuis longtemps avec  
                  nous, était totalement impraticable. (Ecoutez!) Mais supposons que le parti libéral
                  du  
                  Haut-Canada eût rejeté les conditions que  
                  lui faisait le gouvernement actuel; supposons  
                  que nous eussions refusé notre appui à une  
                  administration qui nous accorde presque  
                  tout ce que nous avons demandé, n'aurait-on  
                  pas eu droit jusqu'à un certain point de  
                  nous considérer comme fauteurs d'anarchie?  
                  Nous tournions ainsi contre nous nos  
                  propres armes en refusant la concession  
                  presqu'entière des principes pour lesquels  
                  nous combattions depuis si longtemps, et  
                  cela pour la triste raison que quelques  
                  membres dont nous avons été précédemment  
                  les adversaires déterminés sont aujourd'hui  
                  à la tête de ce mouvement. Pour ma part,  
                  j'ai senti qu'il me serait impossible de tenir  
                  tête à l'opinion du Haut-Canada si j'agissais  
                  ainsi. Quelques hon. membres ont affirmé que  
                  cette mesure n'est pas aussi parfaite qu'on  
                  aurait pu le désirer, et qu'à certains points  
                  de vue elle est incomplète. A tout prendre,  
                  elle n'a peut-être pas la forme que nous  
                  aurions désiré. Mais quand deux grands  
                  partis sont, comme chez nous, en présence,  
                  il est clair que pour régler les difficultés  
                  constitutionnelles ils doivent en venir plus  
                  ou moins à des compromis. Cette discussion  
                  et le vote qui la suivra établiront si le compromis actuel est fait en toute justice,
                  mais  
                  
                  
                  
                  ne démontreront rien de plus. Pour ma  
                  part, j'ai foi dans le compromis et je suis prêt  
                  à donner mon cordial appui à la mesure.  
                  (Ecoutez!) Ce projet n'est, dans ses éléments principaux, autre chose que celui de
                  
                  la convention de Toronto appliqué sur une  
                  plus large échelle. Chaque époque a ses  
                  exigences, et la convention ne pouvait faire  
                  davantage dans les circonstances où elle  
                  s'est réunie. Les discours prononcés et les  
                  résolutions passées dans cette assemblée,  
                  indiquent clairement de la part des délégués un vif désir de réaliser une confédération
                  de toutes les provinces de l'Amérique  
                  Britannique du Nord, si cette union eût pu  
                  se faire aussi rapidement que la fédération  
                  des deux Canadas. Ceci est la seule raison  
                  pour laquelle on ne généralisa pas le projet.  
                  Mais les hon. membres pour Chateauguay et  
                  Hochelaga (MM. HOLTON et DORION) nous  
                  ont dit que la convention de Toronto n'avait  
                  eu aucun effet sur l'esprit public. Or, j'ai  
                  été plus que personne à même de connaître  
                  l'opinion publique à cette époque, et je puis  
                  affirmer sans crainte d'être contredit que  
                  jamais projet n'a si vivement préoccupé  
                  oupé l'opinion publique que le projet de  
                  la convention de Toronto. (Ecoutez!) Et  
                  c'est parce que le projet actuel n'est, en  
                  quelque sorte, qu'une généralisation du  
                  projet d'alors, qu'il a reçu l'approbation  
                  presque universelle dans le Haut-Canada.  
                  (Ecoutez!) Il est vrai qu'après la convention de Toronto, il y eut peu d'agitation
                  
                  en faveur du projet. Mais j'ai observé  
                  que, dans toutes les élections qui ont eu lieu  
                  depuis la convention de Toronto, les membres  
                  de notre parti ont toujours déclaré que du  
                  moment où les Bas Canadiens opposés à la  
                  représentation basée sur la population voudraient accepter le projet de la convention
                  de  
                  Toronto, ils seraient prêts à s'entendre avec  
                  eux. Personnellement, j'ai toujours été en  
                  faveur d'une union législative bien organisée,  
                  et si elle pouvait suffire aux besoins actuels  
                  des colonies, je l'appuierais encore. Telle est  
                  aussi, je crois, l'opinion générale des populations de l'Ouest. Mais tout homme public
                  
                  doit soumettre ses théories aux exigences du  
                  moment. Or, il est évident que si une union  
                  législative n'est pas pratiquement possible  
                  entre le Haut et le Bas-Canada, elle le sert  
                  encore bien moins si nous nous adjoignons  
                  les autres provinces. Nous sommes donc dans  
                  l'alternative d'accepter le principe fédéral  
                  ou de rompre entièrement l'union du Haut et  
                  du Bas-Canada; or, ce dernier moyen serait, à  
                  
                  
                  430
                  
                  mon avis, la source des plus grands malheurs  
                  pour ces deux provinces. Quant même le  
                  projet actuel offrirait plus d'inconvénients  
                  qu'il n'en présente, je l'accepterais encore de  
                  préférence au rappel de l'union. (Ecoutez!)  
                  Dans le projet actuel, la représentation de la  
                  chambre basse ne laisse rien à désirer. En  
                  outre, nous avons la faculté d'augmenter la  
                  représentation de l'Est et de l'Ouest suivant  
                  les recensements qui se feront à la fin de  
                  chaque décade. Et si la populution du Bas- Canada augmente plus rapidement que celle
                  
                  du Haut-Canada, le Bas-Canada sera représenté en conséquence. Car bien que le nombre
                  
                  de ses représentants ne puisse pas excéder  
                  65, la proportion de ce nombre par rapport à  
                  la représentation totale sera changée à mesure  
                  que les diverses colonies se développeront.  
                  D'un autre côté, si l'Ouest se colonise, comme  
                  je n'en doute pas, nous verrons une vaste  
                  population se joindre à la confédération.  
                  C'est de ce côté que la population augmentera  
                  le plus rapidement, et avant un grand nombre  
                  d'années nos populations du centre s'étendront à l'Ouest beaucoup plus rapidement
                  
                  que ne le pensent la plupart des gens.  
                  L'accroissement de la représentation est donc  
                  presque assuré à l'Ouest, et chaque année  
                  ajoutera à l'influence du Haut-Canada à  
                  mesure que notre commerce se développera.  
                  Un des points les plus importants sous le  
                  nouveau projet est la constitution de la  
                  chambre haute. On prétend que sous ce  
                  rapport le projet aura un effet rétrograde  
                  parce qu'on abandonne le principe électif  
                  pour revenir à celui des nominations par la  
                  couronne. Le parti qui a longtemps combattu  
                  pour l'introduction du principe électif dans  
                  la chambre haute a certainement droit d'avoir  
                  cette opinion; mais, dans d'autres régions,  
                  cet argument ne peut avoir aucun poids,—je  
                  parle des personnes qui, comme moi, ont  
                  toujours cru qu'il était peu sage d'élire les  
                  membres des deux chambres et de leur  
                  donner les mêmes pouvoirs. J'ai toujours  
                  cru qu'un changement dans ce sens était  
                  inévitable, même avec notre organisation  
                  politique actuelle. (Ecoutez!) L'institution  
                  d'une chambre haute ou sénat semble  
                  remonter aux temps féodaux. Ces assemblées d'abord uniques ou du moins les plus  
                  puissantes dans chaque état, ont graduellement cédé le pas à la représentation populaire
                  
                  à mesure que les nations se sont civilisées.  
                  L'idée même d'une chambre haute implique,  
                  pour les membres qui la composent, des  
                  droits et des devoirs tout spéciaux. En  
                  
                  
                  
                  Angleterre, par exemple, il y a une nombreuse classe de propriétaires fonciers qui
                  
                  sont maîtres presqu'absolus du sol et paient  
                  un montant énorme de taxes. Depuis  
                  plusieurs années la législation fiscale de  
                  l'Angleterre tend à réduire les impôts et  
                  les droits d'accise sur les articles de première nécessité, et à augmenter les taxes
                  sur  
                  les propriétés foncières et les revenus.  
                  D'immenses intérêts sont donc en jeu dans  
                  ce mouvement; il s'en suit que la chambre  
                  des lords, tribunal souverain du royaume, a  
                  des droits particuliers à défendre et des  
                  devoirs spéciaux à remplir, et voilà ce qui  
                  explique son existence. Chez nous, ces  
                  grands intérêts n'existent pas, et les énormes  
                  taxes ne sont pas à craindre; la chambre  
                  haute n'est donc qu'une cour de révision, ou  
                  de haute juridiction; mais comme cette juridiction n'a pas lieu d'être exercée, cette
                  
                  chambre n'est qu'une cour de révision, et,  
                  par cela même, elle doit avoir une constitution  
                  différente de celle de la chambre basse. Les  
                  Etats-Unis, qui offrent, dans leur composition  
                  comme peuple, une grande analogie avec  
                  nous, ont établi une chambre haute. Partant  
                  des principes que je viens d'énoncer, ils ont  
                  non-seulement donné aux différents Etats le  
                  pouvoir d'envoyer des délégués au sénat,  
                  mais ce corps a des pouvoirs tout à fait différents de ceux des législatures locales.
                  Un fait  
                  remarquable, c'est qu'en Europe un seul  
                  gouvernement a une constitution analogue à  
                  celle de l' Angleterre, et c'est la Suède. Dans  
                  les Etats suivants de la confédération germanique, savoir: le Wurtemberg, la HesseDarmstadt,
                  la Prusse, la Saxe, le Hanovre,  
                  Bade et la Bavière, représentant ensemble  
                  une population d'environ 80,000,000, les  
                  chambres hautes sont, en partie, héréditaires, nominatives et 
ex-officio. Le principe  
                  purement héréditaire, comme en Angleterre  
                  et en Suède, n'est appliqué que sur une  
                  population d'environ 82,000,000. Il y a  
                  une autre classe de conseillers nommés  
                  à vie par la couronne et choisis dans  
                  le tiers-état. Les conseils présentent une  
                  liste d'après laquelle la couronne fait son  
                  choix. L'Espagne, le Brésil et la nouvelle  
                  principauté de Romanie, formée de l'ancienne Moldavie et de la Valachie, nomment 
                  
                  ainsi leurs chambres hautes. L'Espagne  
                  compte 16,301,850 habitants; le Brésil,  
                  7,677,800; la Romanie, 3,578,000; total,  
                  27,556,650. Dans d'autres pays, les membres  
                  du sénat sont nommés à vie, sur nombre est  
                  limité, et quelques membres de la famille  
                  
                  
                  431
                  
                  royale y siégent de droit, tels sont: l'Italie,  
                  population 21,777,834; le Portugal, 8,584,677; la Servie, 1,098,281, et l'Autriche,
                  
                  84,000,000. Cette catégorie représente une  
                  population de 61,460,292. Enfin, dans une  
                  dernière catégorie les membres sont élus  
                  pour un certain nombre d'années, etc'est un  
                  fait remarquable qu'à l'exception de trois colonies anglaises et d'une monarchie,
                  tous les pays  
                  où ce système est adopté sont des républiques.  
                  Parmi les pays qui élisent les membres de  
                  la chambre haute, la seule monarchie est la  
                  Belgique; mais tout le monde sait que, malgré son titre de monarchie, la Belgique
                  est  
                  le pays le plus républicain du monde. Voici  
                  la liste des pays où est admis le principe  
                  êlectif: la Suisse, 2,534,242 habitants; la  
                  Plata, 1,171,800; le Chili, 1,558,319; le  
                  Pérou, 2,865,000; les Etats-Unis, 30,000,000; la Libérie, 500,000; la Belgique,  
                  4,529,000; l'Australie du Sud, 126,830; la  
                  Tasmanie, 89,977; Victoria, 540,822; formant une population totale de 43,915,490.
                  
                  Dans le royaume de Nassau, dont la population est de 457,571 habitants, la chambre
                  
                  haute est partie élective et partie ex-officio.  
                  Au Danemark, la chambre haute est partie  
                  nominative et partie élective, et les élections  
                  sont faites par les conseils provinciaux; la  
                  population de ce pays est de 1,600,000.  
                  Dans les Pays-Bas, dont la population est de  
                  3,372,652, 1es membres sont tous élus par  
                  les conseils provinciaux. Dans une des  
                  colonies anglaises, la Nouvelle Galles du  
                  Sud, les membres sont nommés pour un  
                  certain nombre d'années; et, deux des plus  
                  nouvelles et des plus entreprenantes colonies  
                  de l'Angleterre,— la Nouvelle-Zélande et  
                  Queensland (
Terre de la Reine)—ont adopté  
                  un système qu'on nous propose, de nommer  
                  un certain nombre de membres à vie. La  
                  composition de la chambre haute est, après  
                  tout, une affaire d'opinion, et je ne crois pas  
                  qu'on puisse nous accuser d'avoir fait un  
                  pas en arrière en substituant le principe  
                  nominatif au principe électif. Il n'y a  
                  pas de distinctions de classes parmi notre  
                  population, et si les membres des deux  
                  chambres sont élus par les mêmes électeurs,  
                  il leur sera très-difficile de maintenir leur  
                  individualité en ayant les mêmes pouvoirs, et  
                  d'éviter les conflits. Il est évident que deux  
                  chambres ayant la même origine, réclameront  
                  les mêmes droits et les mêmes priviléges, et  
                  voudront exercer les mêmes fonctions. Mais  
                  si la chambre haute était nominative, la juridiction de cette chambre serait différente
                  et les  
                  
                  
                  
                  chances de conflit disparaîtraient. Plusieurs  
                  états, dont quelques-uns sont très-considérables et très-peuplés, quoique de récente
                  
                  fondation, ont entièrement supprimé la  
                  chambre haute. J'avoue que la suite de  
                  mes arguments conduit à l'adoption de ce  
                  moyen comme celui qui nous conviendrait  
                  le mieux. Les nations qui l'ont adopté sont:  
                  la Hesse-Cassell, 726,000 habitants; le  
                  Luxembourg, 413,000; la Saxe-Weimar,  
                  273,000; la Saxe-Meiningen, 172,000; la  
                  Saxe-Altenburg, 137,000; la Saxe-Cobourg,  
                  159,000; le Brunswick, 273,000; le Mecklemburg-Schwerin, 518,000; la Norwége,  
                  1,328,471; le Mecklemhurg—Streilitz, 99,060;  
                  l'Oldenburg, 295,245; l'Anhalt, 181,284;  
                  le Lippe-Detmolt, 108,518; le Waldeck,  
                  58,000; le Schwarzburg, 71,918; et dans le  
                  Royaume de Grèce, dont la population est  
                  de 1,096,810 habitants, et où une nouvelle  
                  constitution a été dernièrement promulguée,  
                  on en est venu, après avoir essayé les systèmes  
                  de deux chambres, à supprimer l'une d'elles.  
                  Mais si je pense que nous serions mieux sans  
                  chambre haute, cela ne m'empêche pas de  
                  reconnaître qu'il ne s'agit de savoir en  
                  ce moment quelle est la meilleure forme de  
                  gouvernement à notre avis, mais quelle est  
                  celle qui convient le mieux à des populations ayant des opinions différentes et, par
                  
                  conséquent, j'accepte un juste compromis  
                  en admettant la nomination d'une seconde  
                  chambre par le cabinet confédéré.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE—Un hon. membre,  
                  et je crois que c'est l'hon. député de Lotbinière (M. JOLY) a prétendu que le système
                  
                  fédéral était frappé d'impuissance. Je ne  
                  partage pas cette opinion, mais je crois que le  
                  systéme fédéral exige beaucoup d'intelligence  
                  et une grande connaissance de la politique  
                  de la part des populations. Mais l'hon.  
                  membre avait tort de comparer notre avenir  
                  sous la confédération à l'histoire des républiques Espagnoles de l'Amérique du Sud.
                  
                  Notre population est habituée au gouvernement responsable (
Self-Government) et ce seul  
                  fait détruit la comparaison de l'hon. membre.  
                  Pour ma part, je crois que l'hon. membre  
                  pour Oxford-Sud, par exemple, ainsi que  
                  quelques autres membres que nous connaissons bien, n'auraient jamais pu, malgré  
                  toute leur énergie, remuer les républiques  
                  de l'Amérique du Sud (rires) comme ils  
                  ont fait du Haut-Canada, sans occasionner  
                  une révolution complète; et mon hon. ami  
                  
                  
                  432
                  
                  (M. BROWN) au lieu d'être aujourd'hui  
                  rédacteur paisible d'un journal dont son  
                  esprit anime les 
colonnes, serait sans doute à  
                  la tête d'une armée, et conduirait d'intrépides 
colonnes à la victoire. (Rires).  
  
               
               
               
               L'
HON. M. GALT —Nous le verrions aussi  
                  émettant un 
Pronunciamento (Rires.)  
  
               
               
               
               M. A. MACKENZIE—Un 
pronunciamento (proclamation) serait certainement de  
                  mise dans un tel état de la société. Le fait  
                  est qu'on ne saurait comparer ces populations à celles qui se sont formées sous notre
                  
                  forme actuelle de gouvernement. Je me  
                  suis souvent trouvé à des assemblées publiques avec mes hon. amis de la gauche, et,
                  
                  après sept ou huit heures de discours à haute  
                  pression et de répliques peu ménagées, la  
                  foule se séparait paisiblement sans qu'aucune  
                  animosité se manifestât de part ou d'autre.  
                  Avant donc de prétendre que les populations de ce pays sont incapables de se gouverner
                  par elles-mêmes, ou que le principe  
                  fédéral est impuissant, il faudrait démontrer  
                  que nous ne sommes pas plus civilisés que les  
                  populations de l'Amérique du Sud il y a 30  
                  ans. (Ecoutez!) Je prétends donc qu'il est  
                  nécessaire de démontrer que nos populations  
                  sont moins civilisées que celles des républiques de l'Amérique du Sud, il y a trente
                  
                  ans, ou qu'elles ont prouvé leur incapacité  
                  à se gouverner par elles-mêmes, avant d'affirmer que le principe fédéral est impuissant
                  
                  en ce qui nous concerne. Si l'hon. membre  
                  base son argumentation contre le projet  
                  actuel sur la faiblesse ou la force de tel ou  
                  tel gouvernement, la Russie doit être pour  
                  lui le modèle des gouvernements, car il n'y  
                  en a pas de plus fort au monde. Mais le  
                  despotisme n'est possible que chez les peuples  
                  ignorants—ce serait tenter un effort impuissant que de vouloir leur donner une république.
                  Si aujourd'hui on voulait établir  
                  une république en Russie, il n'en résulterait que la plus profonde anarchie, car les
                  
                  populations sont trop ignorantes pour user  
                  sagement des franchises qui leur seraient  
                  ainsi accordées. C'est donc une erreur d'établir une comparaison entre les malheureuses
                  républiques de l'Amérique du Sud et  
                  les populations de l'Amérique Britannique  
                  du Nord. Je suis sûr que s'il se formait une  
                  union fédérale de toutes les colonies de l'Amérique Britannique du Nord, jusqu'à notre
                  
                  extreme frontière de l'Ouest, bien que cette  
                  extension pût avoir de grands inconvénients,  
                  nous trouverions, dans toutes les parties de  
                  
                  
                  
                  la confédération, des citoyens soumis aux  
                  lois et capables de se gouverner par eux- mêmes. (Ecoutez!) On a cité l'exemple  
                  des Etats-Unis, et il est vrai qu'au commencement de la guerre, alors qu'il devint
                  
                  impossible d'appliquer la loi dans certains  
                  états, les personnes qui ne comprennent  
                  pas le génie du peuple Américain, comme,  
                  par exemple, certains publicistes anglais  
                  ont pu croire qu'une faiblesse existait inhérente au système fédéral. Nul doute qu'il
                  
                  se manifesta des signes de cette faiblesse, et  
                  que le conflit entre divers états et le gouvernement fédéral fut une source d'affaiblissement.
                  Mais je pense que l'attitude des  
                  Américains du Nord établit pleinement que,  
                  malgré les imperfections de leur système  
                  —lesquelles n'existent pas dans le projet  
                  qui nous est soumis,—le principe fédéral  
                  a été la source d'une puissance et d'une  
                  vigueur qui doivent imposer silence à la  
                  critique la plus hostile. (Ecoutez!) Le  
                  système fédéral n'échouera donc pas chez  
                  nous, pas plus qu'il n'a échoué en Suisse.  
                  L'hon. membre pour Lotbinière a admis cela  
                  jusqu'à un certain point, mais il a donné pour  
                  raison que la Suisse est entourée de nations  
                  puissantes. Or, à mon avis, c'est une mauvaise raison, car si la constitution de la
                  Suisse  
                  eût été si faible, ce pays serait démembré  
                  depuis longtemps par les pouvoirs hostiles  
                  qui l'environnent. Le fait que la Suisse a  
                  maintenu son indépendance et a toujours su  
                  administrer ses affaires avec économie et  
                  habilité, me démontre que le principe fédéral  
                  n'est pas impuissant là où le peuple est assez  
                  instruit et suffisamment formé pour comprendre les avantages du gouvernement  
                  responsable. (Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, on nous prédit toutes sortes de calamités
                  si nous adoptons la confédération, et  
                  les hon. membres, auteurs de ces sombres  
                  prophéties, n'épargneront rien, je suppose,  
                  pour qu'elles se réalisent: ainsi ont agi les  
                  les prophètes de tout temps. (Ecoutez!)  
                  Ce n'est pas la première fois, dans l'histoire  
                  du monde, que des prophètes ont surgi  
                  inattendus. L'autre soir, je lisais avec intérêt  
                  les discussions qui ont eu lieu dans le parlement d'Ecosse lors de l'union proposée
                  avec  
                  l'Angleterre en 1707; un discours surtout  
                  me frappa, et je ne pus m'empêcher de  
                  comparer le ton qui l'animait à celui de  
                  l'opposition loyale canadienne de Sa Majesté.  
                  Lord BELHAVEN, auteur du discours en  
                  question, dépeignait ainsi les calamités qui,  
                  
                  
                  433
                  
                  selon lui, étaient réservées à l'Ecosse si elle  
                  unissait ses destinées à celles de l'Angleterre:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "MILFORD CHANCELIER,—Je vois déjà nos savants  
                     juges abandonnant leur pratique et leurs décisions,  
                     étudier le droit commun d'Angleterre, s'embarrassant dans les certiorari, les nisi prius, les brefs  
                     d'erreur, les arrêts en douaire, les ejectiones firmæ,  
                     les injonctions, les exceptions péremptoires, etc.,  
                     et pliant sous un amas d'appels, d'évocations, de  
                     nouveaux règlements et de rectifications. Je vois  
                     déjà nos vaillants soldats envoyés sur les plantations à l'étranger, ou demandant
                     à leur patrie un  
                     morceau de pain en récompense de leurs nobles  
                     exploits; je vois les invalides épuisés par le besoin  
                     et nos jeunes guerriers se croisant les bras. Je  
                     vois nos industrieux traficants accablés par de  
                     nouvelles taxes et de nouveaux impôts, déçus dans  
                     les équivalents qu'on a prétendu leur donner,  
                     buvant de l'eau au lieu de la bière nourrissante,  
                     (rires!) mangeant leur potage sans sel (hilarité  
                     redoublée), faisant des pétitions pour l'enouragement des manufactures et n'essuyant
                     que des  
                     refus. Enfin, je vois le laborieux cultivateur ne  
                     trouvant plus à vendre son grain qui se gâte dans  
                     ses greniers, maudissant le jour de sa naissance,  
                     se demandant s'il aura de quoi se faire enterrer  
                     (rires), et s'il doit se marier ou se jeter à l'eau.  
                     (Hilarité redoublée!) Je vois encore les propriétaires liés dans les chaînes dorées
                     des équivalents,  
                     et leurs charmantes filles demandant en vain des  
                     maris (rires), tandis que leurs fils sollicitent  
                     vainement de l'emploi. Je vois, en dernier lieu,  
                     nos marins abandonnant leurs aavirs aux Hollandais, et, réduits à la derniére nécessité,
                     s'engager  
                     comme matelots dans la marine royale anglaise."  
                    
               
               
               
               Si je voulais, M. l'ORATEUR, continuer  
                  cette prosopopée et chercher dans le parlement canadien un des mes dramatis personnæ, mon choix tomberait immédiatement  
                  sur l'hon. membre pour Chateauguay (M.  
                  HOLTON), qui remplirait fort bien le rôle  
                  de lord BELHAVEN, s'écriant: " Mais,  
                  milord, au-dessous de cet amas de ruines, je  
                  vois notre mère commune la Calédonie assise,  
                  comme CÉSAR, au milieu du sénat, promenant sur l'assemblée un regard morne et,  
                  drapée dans son manteau royal, attendant le  
                  coup fatal en nous jetant de sa voix sombre  
                  un funèbre "et tu quoque mi fili." (Rires!)  
                  Les hommes d'Etat de l'Ecosse qui voyaient,  
                  dans l'union projetée, tous les signes de leur  
                  puissance et de leur grandeur futures, durent  
                  être bien étonnés en entendant exprimer ces  
                  sentiments de désespoir. (Ecoutez!) Nulle  
                  doute que la majorité voyait dans cette union  
                  les signes de force et de grandeur qui ne  
                  tardèrent pas à se manifester. A l'époque  
                  de l'union, le revenu de l'Ecosse étant de  
                  £ 150,000 par année, et l'an dernier elle a  
                  contribué pour £7,000,000 au trésor public.  
                  Ecoutez!) Tel est un des mille avantages  
                  
                  
                  
                  de cette union qui a fonctionné à la satisfaction générale. Si cela était nécessaire,
                  je  
                  pourrais citer l'exemple de différents peuples  
                  dont la position géographique était favorable  
                  à l'union et qui sont devenus, par ce moyen,  
                  plus puissants qu'ils n'auraient jamais pu  
                  l'être en restant isolés. (Ecoutez!) Je sais  
                  parfaitement, M. l'ORATEUR, que, dans une  
                  discussion de ce genre, il est très-facile de  
                  soulever des objections. Rien n'est plus aisé  
                  que d'exercer sa glose sur une série de résolutions comme celles qui nous occupent.
                  On  
                  pourrait passer des heures à détailler des  
                  arguments spécieux contre le projet en  
                  question. Mais je demanderai aux hon.  
                  membres dont la critique est si hostile ce  
                  qu'ils nous proposeraient en échange.  
                  L'an dernier, orsque l'administration actuelle proposa à la chambre le moyen de  
                  régler nos difficultés et reçut son approbation,  
                  il s'opèra dans le sein de cette assemblée  
                  une révolution, pacifique il est vrai, mais  
                  complète; telle fut du moins mon impression  
                  à cette époque. Tous les hommes publics  
                  semblèrent admettre que le système actuel  
                  était arrivé à sa fin. Nous ne devons donc  
                  pas rejeter cette mesure par la raison qu'elle  
                  n'est pas en tout conforme aux vues de  
                  chacun des membres de cette chambre.  
                  (Ecoutez!) Tous les membres du Bas-Canada  
                  auraient dû, ce me semble, s'unir à nous  
                  pour étudier un nouveau système et s'adonnonner sérieusement à l'examen des changements
                  nécessaires. (Ecoutez!) J'espérais,  
                  lorsque nous nous sommes réunis pour  
                  discuter ce projet, que personne ne songerait à organiser une opposition régulière.
                  
                  Je m'attendais surtout à voir prendre cette  
                  calme attitude par les hon. membres pour  
                  Hochelaga et Chateauguay, qui, dans  
                  d'autres circonstances, ont reconnu les difficultés de notre système actuel ou du
                  moins  
                  ont affirmé qu'ils les reconnaissaient. J'étais  
                  disposé à croire qu'ils appuieraient même  
                  la mesure comme le seul moyen réellement  
                  praticable. (Ecoutez!) Je ne ne crois pas  
                  le projet sans défauts, mais je l'appuierai de  
                  toutes mes forces parce que, selon moi, toute  
                  autre mesure est impraticable, et celle-ci  
                  garantit de plus un bel avenir à notre pays.  
                  Au point de vue de l'économie, nous serons  
                  aussi bien sous la confédération que maintenant. Nous pourrons, avec les mêmes  
                  dépenses, faire fonctionner notre gouvernenement Je pense que, dans la législature
                  
                  locale, une seule chambre sera nécessaire.  
                  Ce détail n'a pas encore été discuté, et nous  
                  
                  
                  434
                  
                  ne connaissons pas l'intention du gouvernement à cet égard; mais j'ose espérer qu'il
                  ne  
                  songera pas à adopter le double système  
                  dans les législatures locales, car ce serait  
                  ajouter une grande dépense sans espoir de  
                  compensation satisfaisante. (Ecoutez!) Hier  
                  au soir, l'hon. membre pour Montréal-Centre  
                  a consacré une grande partie de son discours  
                  à la partie militaire de la question, et a  
                  clairement démontré que notre position  
                  vis-à-vis de la république voisine exigeait,  
                  impérieusement que nous songions à notre  
                  organisation stratégique. Je ne partage pas  
                  du tout les opinions de cet hon. monsieur en  
                  ce qui concerne les Etats-Unis, car je crois  
                  que la majorité de leur population ne nous  
                  est point hostile; leur langage a pu quelquefois être peu convenable, voire même 
                  
                  menaçant; mais, sans croire comme l'hon.  
                  monsieur, qu'il soient disposés à adopter  
                  des mesures hostiles à notre égard, je dois  
                  admetre qu'avec une population de trois  
                  millions et demi nous devons songer aux  
                  moyens de nous rendre plus indépendants.  
                  Est-il vraiment honorable et courageux, pour  
                  une colonie si importante, de laisser entièrement à la mère-patrie le soin de la défendre?
                  
                  (Ecoutez!) J'exprimai ces vues, l'an dernier  
                  dans la discussion du budget, en disant que  
                  j'espérais voir le gouvernement proposer  
                  une mesure mettant à notre charge une  
                  grande partie des dépenses faites aujourd'hui  
                  par le gouvernement impérial pour lemaintien  
                  de troupes en Canada. (Ecoutez!) Le Portugal, dont la population est presque égale
                  à  
                  la nôtre, a une armée permanente de 17,000  
                  hommes. La Hollande, dont la population  
                  est à-peu-près égale à la nôtre chez elle,  
                  mais qui a de nombreuses colonies, a une  
                  armée permanente de 57,500 hommes. Le  
                  Danemark, dont la population est à peine la  
                  moitié de ce que sera celle de la confédération, a une armée de 22,900 hommes.  
                  Mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire pour  
                  nous d'entretenir une armée permanente  
                  comme ces nations; nous ne sommes pas  
                  dans la même position parce que notre  
                  richesse n'est encore réalisée que pour une  
                  faible partie. Il ne serait pas juste de taxer  
                  nos nouveaux comtés à la valeur nominale  
                  des terres, qui sont la seule richesse des  
                  habitants, pour entretenir une forte armée  
                  permanente, et en outre, nous n'avons ni  
                  colonies ni sources de richesse extérieure.  
                  Toutefois, proportions gardées, nous sommes  
                  aussi bien à même que la population de la  
                  Grande-Bretagne d'entretenir une armée  
                  
                  
                  
                  pour notre défense, et toute mesure raisonnable proposée à cet effet par le gouvernement
                  recevra, j'en suis sûr, l'approbation  
                  de la majorité du pays. (Ecoutez! et applaudissements.) Ce n'est pas spéculer sur
                  un  
                  avenir trop lointain que d'envisager le jour  
                  où une nouvelle colonie se formant à l'ouest  
                  du Haut-Canada viendra se joindre à la confédération. Je n'ai aucune idée des documents
                  que l'administration pourra produire  
                  au sujet de l'ouverture du Nord-Ouest et du  
                  territoire de la Baie d'Hudson, mais j'espère 
                  qu'elle prendra des mesures énergiques pour  
                  le développement de ce riche territoire.  
                  J'espère qu'on étendra jusqu'à cette région  
                  notre système de chemins et de télégraphes,  
                  afin de l'ouvrir à la colonisation par nos  
                  jeunes gens et par les immigrants venant  
                  d'Europe. La question du Nord-Ouest est  
                  intimement liée à notre prospérité future  
                  comme peuple, et on a eu raison de trouver  
                  à redire aux résolutions 68 et 69, qui sont  
                  ainsi conçues:  
 
               
               
               
               
                  
                  68 "Le gouvernement général devra faire  
                     compléter, sans délai, le chemin de fer intercolonial, de la Rivière-du-Loup à Truro,
                     dans  
                     la Nouvelle-Ecosse, en le fesant passer par le  
                     Nouveau-Brunswick.  
 
                  
                  
                  
                  69 "La convention considère les communications avec les territoires du Nord-Ouest
                     et les  
                     améliorations nécessaires au développement du  
                     commerce du Grand-Ouest avec la mer, comme  
                     étant de la plus haute importance pour les provinces confédérées, et comme devant
                     mériter  
                     l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que  
                     le permettra l'état des finances."  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. A. MACKENZIE—Mon hon. ami  
                  s'est fortement préoccupé de cette question,  
                  mais cela ne l'empêche pas d'être autant en  
                  faveur de la confédération que moi-même.  
                  On déclare, dans ce paragraphe, qu'il est  
                  indispensable de construire immédiatement  
                  le chemin de fer intercolonial, mais on ajoute  
                  qu'on s'occupera du Nord-Ouest sitôt que  
                  l'état des finances du pays le permettra. Or,  
                  je crois qu'il est indispensable à la prospérité  
                  du pays que notre système de canaux communiquant avec lacs soit perfectionné aussitôt
                  
                  que possible, et mis en état de satisfaire au  
                  vaste trafic du Nord-Ouest. Sur la rive nord  
                  du lac Supérieur nous possédons des sources  
                  de richesse presque inépuisables. Nous  
                  avons appris, l'autre jour encore qu'on avait  
                  découvert près de la côte une montagne de  
                  fer capable de fournir l'approvisionnement  
                  de ce métal au monde entier pendant 500  
                  
                  
                  435
                  
                  ans. Les minéraux de toutes sortes abondent  
                  dans ces localités, et si nos canaux ne peuvent suffire à ce trafic il prendra nécessairement
                  une autre direction. (Ecoutez!) On  
                  s'occupe, dans certaines régions, de la construction d'un nouveau canal de Toronto
                  à la  
                  Baie Georgienne. L'exécution de ce projet  
                  serait fort à désirer mais je ne la crois pas  
                  praticable; en tous cas elle est beaucoup  
                  au-dessus de nos ressources actuelles. Je suis  
                  convaincu que le tracé d'un nouveau canal  
                  (si on veut l'entreprendre) allant à la Baie  
                  Georgienne, et devrait passer par l'Outaouais,  
                  car on ouvrirait ainsi un grand débouché au  
                  pays. Un large canal pouvant donner passage aux navires de guerre serait un admirable
                  moyen de défense et un excellent  
                  débouché pour les produits de l'Ouest.  
                  Il ne faut pas y songer pour le moment,  
                  je le sais, mais je crois que nous devons  
                  insister, par tous les moyens, auprès du  
                  gouvernement pour qu'il mette en pratique  
                  la 69ème résolution; je n'en dirai pas  
                  davantage à ce sujet. (Ecoutez!) L'importance de nos communications intérieures est,
                  
                  pour moi, si manifeste que je ne doute pas  
                  un instant que le gouvernement confédéré  
                  s'en occupera le plustôt possible. La question  
                  du chemin de fer intercolonial se relie  
                  naturellement à ce que je viens de dire, et,  
                  après avoir étudié le rapport et les cartes  
                  dressées par le Major ROBINSON, je ne trouve  
                  aucune difficulté à en déterminer le coût  
                  comparatif. Le tracé le plus praticable est  
                  celui qu'a indiqué l'hon. membre pour Richelieu, au nord ou à l'est de la Baie des
                  Chaleurs; par cette route, il y a 655 milles  
                  d'Halifax à Québec. Le chemin est construit  
                  d'Halifax à Truro, 55 milles, et de Québec  
                  à la Rivière-du-Loup, environ 140 milles.  
                  Il reste donc a construire environ 400 milles.  
                  Le Major ROBINSON évalue le coût de la  
                  construction à £7,000 par mille, ou environ  
                  £2,800,000 en tout. En tenant compte des  
                  nivellements à faire, des ponts à construire  
                  et des matériaux qu'on trouvera, d'après son  
                  rapport, sur le parcours du chemin, je crois  
                  que le chiffre qu'il indique est un peu trop  
                  élevé. La nature du terrain sur lequel passera  
                  ce chemin de fer assimile parfaitement cette  
                  construction à celle des chemins de fer du  
                  Canada. Cette région ressemble beaucoup à  
                  celle que traverse le Great-Western à l'ouest  
                  de Hamilton. A £7,000 par mille la construction du chemin ne coûterait environ que
                  
                  quinze millions de piastres. Sur ce montant,  
                  le Canada aurait à payer neuf millions de  
                  
                  
                  
                  piastres. Il est probable que le rapport des  
                  ingénieurs employés par le gouvernement à  
                  l'exploration démontrera qu'une grande partie  
                  du chemin peut être construite pour beaucoup moins de £7,000 par mille. Mais quel
                  
                  que soit le coût de cette construction, il est  
                  évident qu'il ne peut y avoir d'union des  
                  provinces sans ce chemin de fer. (Ecoutez!)  
                  Il est évident aussi qu'une grande portion  
                  du pays est très-propre à la colonisation et  
                  ne demande que des moyens de communication avec les grands marchés. Le major  
                  ROBINSON affirme, dans son rapport, que le  
                  long de la frontière du Nouveau-Brunswick,  
                  il y a une étendue de terre, qui, pour le bois  
                  et la qualité du sol, ne le cède à aucun des  
                  pays qu'il a explorés; j'ignorais ce fait avant  
                  d'avoir étudié son rapport. (Ecoutez!) Je  
                  n'abuserai pas des moments de la chambre en  
                  lisant des passages de ce précieux rapport  
                  où est parfaitement indiqué le chiffre de  
                  la population que ces districts pourront faire  
                  vivre lorsqu'ils seront établis. Le rapport  
                  démontre aussi qu'une fois le chemin construit le pays se colonisera rapidement. Je
                  
                  ne crois pas toutefois que d'ici à longtemps le  
                  chemin puisse être une entreprise commerciale lucrative, je ne me fais pas d'allusions
                  
                  à cet égard et je ne désire abuser personne.  
                  C'est comme route militaire que ce chemin  
                  sera surtout important, personne ne saurait  
                  le nier. En 1862, lorsque je m'opposais à  
                  la construction de ce chemin, j'admettais du  
                  moins qu'à ce point de vue son utilité était  
                  incontestable. Les autorités militaires admettent sa haute importance comme moyen
                  de  
                  protection en cas d'hostilités. Mais le motif  
                  déterminant de sa construction est qu'il est  
                  nécessaire à l'union des provinces et que,  
                  sans cette union, nous ne pouvons espérer  
                  de voir s'aplanir nos difficultés actuelles.  
                  Les deux projets se complétent l'un l'autre  
                  et les populations du Canada admettront,  
                  j'en suis sûr, la nécessité de cette entreprise.  
                  (Ecoutez!) Je ne veux pas trop me lancer  
                  dans les chiffres, ni spéculer sur notre position financière dans la confédération;
                  mais  
                  l'hon. membre pour Hochelaga a fait des  
                  assertions que je dois relever. Il a dit  
                  que le Bas-Canada était entré dans l'union  
                  sans dette, et se trouverait alors avec une  
                  dette de trente millions de piastres, tandis  
                  qu'on n'a dépensé que douze millions pour  
                  cette partie de la province. Or, monsieur l'ORATEUR, on a dépensé pour les  
                  canaux du Canada, $20,813,304.03; pour  
                  les ponts et chemins du Haut-Canada,  
                  
                  
                  436
                  
                  $562,866, et pour le même item dans le Bas- Canada, $1,163,829.34; pour les édifices
                  
                  d'Outaouais on a déjà payé plus de $1,513,412.56, et pour les chemins de fer, $29,910,823.16;
                  total, $53,964,236.79, environ.  
                  La moitié des travaux publics qui ont  
                  entraîné ces dépenses est située dans le  
                  Bas-Canada, et si en tient compte du pont  
                  Victoria, les dépenses dans le Bas-Canada  
                  excèdent de beaucoup la moitié du total. Il  
                  y a en outre une foule d'autres items dont je  
                  ne tiens pas compte. Tel est l'emprunt des  
                  incendiés de Québec, et les déficits dans une  
                  foule de fonds spéciaux. Si je me place à un  
                  autre point de vue, voici ce que je constate:  
                  d'après un rapport soumis au parlement, les  
                  frais d'amélioration de la navigation du  
                  Haut-Canada, y compris les phares, canaux,  
                  etc., se montent à un total de $7,022,665.61;  
                  or, le revenu des havres et canaux du  
                  Haut-Canada est de $4,887,291.73; il  
                  reste donc au débit du Haut-Canada,  
                  $2,145,878.88. Durant la même période  
                  on a dépensé pour le Bas-Canada, $4,484,566.52, et le revenu correspondant a  
                  été de $708,086.80. Ce qui laisse au  
                  débit du Bas-Canada une somme de $4,176,479.72. Je cite ces chiffres pour montrer
                  
                  que l'assertion de l'hon. membre pour Hochelaga était entièrement erronée; je n'essaierai
                  
                  même pas de réfuter l'argument qu'il a basé  
                  sur le fait également inexact que, dans la  
                  confédération, notre dette, par tête, s'approcherait de celle de la Grande-Bretagne.
                  
                  Notre dette est de $25 par tête, et il  
                  a gravement ajouté que la dette de l'Angleterre ne représentait que $37 par tête;
                  
                  or, chacun sait que cette dernière se monte  
                  à environ $140. Il ajoutait que les populations, comparativement pauvres du Canada,
                  
                  auraient à payer cet item de $25, tandis que  
                  les riches habitants de la Grande-Bretagne  
                  ne paient que $37. J'ai remarqué que toute  
                  cette partie du discours de l'hon. membre  
                  était omise dans les journaux qui l'ont  
                  rapporté le lendemain. Je ne discuterai pas  
                  tous ces chiffres, mais je citerai quelques  
                  faits qui réduiront à leur juste valeur les  
                  assertions de l'hon. membre. Notre dette  
                  est trés-considérable, je le reconnais, et il  
                  serait fort à désirer qu'elle fut moindre,  
                  mais nous devons nous soumettre aux  
                  circonstances et payer. La confédération  
                  n'augmentera ni ne diminuera notre dette;  
                  elle l'augmentera tout ou plus de l'item du  
                  chemin de fer intercolonial. Il est très- possible que nous entreprenions des travaux
                  
                  
                  
                  
                  publics énormes destinés à développer les  
                  ressources du pays, et que nous augmentions encore de beaucoup notre dette, mais 
                  
                  ce sera au gouvernement confédéré de  
                  décider s'il doit se lancer dans ces dépenses  
                  avant d'avoir un excédant de revenu considérable à sa disposition. (Ecoutez!) Les
                  
                  adversaires de la mesure prétendent qu'on la  
                  presse trop, que dans une question dont  
                  dépend l'avenir des générations futures on  
                  devrait moins se hâter. Or, depuis des années,  
                  nous discutons la confédération dans le Haut- Canada. Cette question n'a jamais été
                  perdue  
                  de vue par le public depuis la convention de  
                  Toronto en 1859. Il y a un an, elle était  
                  soumise à cette chambre presque sous sa  
                  forme actuelle, et, depuis cette époque, tous  
                  les journaux n'ont cessé de s'en occuper.  
                  Nous avons, dans le pays, environ 300 journaux qui ont traité cette question sous
                  tous  
                  les points de vue, en sorte que maintenant  
                  c'est un sujet usé. Si la question n'est pas bien  
                  comprise aujourd'hui, je doute qu'elle le  
                  soit mieux plus tard. (Ecoutez!) Une autre  
                  objection est qu'une mesure aussi importante ne doit pas être passée sans en appeler
                  
                  au peuple. Je connais assez bien nos populations et, dans mes rapports constants avec
                  
                  elles, j'ai constaté qu'elles sont universellement en faveur de l'application immédiate
                  
                  du nouveau système. Le pays comprend  
                  bien que la violente agitation politique  
                  des dernières années ne doit pas durer, et  
                  désire vivement qu'on en arrive à un règlement pacifique de nos difficultés actuelles
                  et  
                  à une administration calme et permanente  
                  des affaires publiques. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Il est facile de répondre aux accusations  
                  d'inconséquences lancées contre certains  
                  membres de cette chambre. Dans un pays  
                  comme le nôtre où tout change rapidement, où, d'un moment à l'autre, on peut  
                  sentir le besoin de changements constitutionnels généraux et locaux, un homme  
                  ne peut rester longtemps dans la vie publique  
                  sans être bientôt accusé d'inconséquence;  
                  mais si ces inconséquences apparentes sont  
                  motivées par un désir de régler les difficultés  
                  qui embarrassent le pays, il me semble que  
                  le succès de la mesure fera disparaître comme  
                  des ombres toutes ces accusations. Malgré  
                  toutes les objections, je crois que même les  
                  minorités protestante et catholique dans le  
                  Bas et le Haut-Canada doivent désirer la  
                  prompte adoption de cette mesure. Tant  
                  que la question ne sera pas réglée, nous  
                  aurons une agitation continuelle qui peut  
                  
                  
                  437
                  
                  nous être très préjudiciable et qui est  
                  la conséquence inévitable des erreurs et  
                  des fausses appréhension qui ne cesseront  
                  d'avoir cours; mais si on peut convaincre  
                  nos populations qu'elles n'ont aucune injustice à craindre elles adhéreront sans hésiter
                  
                  au projet. J'ai toujours entendu dire que  
                  les catholiques romains du Bas-Canada  
                  appartenant à la race française n'avaient  
                  cessé de témoigner la plus grande libéralité à leurs concitoyens protestants.  
                  (Ecoutez!) Le Bas-Canada est, je crois, la  
                  première colonie anglaise qui, même avant la  
                  mère-patrie, ait donné la liberté politique  
                  aux Juifs. Je crois qu'un adepte de cette  
                  religion a siégé dans la chambre du Bas- Canada trente ans avant qu'un pareil privilège
                  fût accordé aux Juifs de la Grande- Bretagne. Les personnes qui accusent les  
                  Canadiens-Français d'intolérance devraient  
                  prendre note de ce fait. Quant aux populations  
                  d'origine anglaise, dans toute la confédération  
                  je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les  
                  défendre d'une telle accusation. Elles ne songeront même pas à persécuter les Bas-Canadiens
                  quand même elles en auraient le pouvoir;  
                  mais je crois qu'il est bon d'insérer dans la  
                  constitution une clause préventive, qui enlève  
                  à tous partis et nationalités indistinctement  
                  le pouvoir de commettre des actes arbitraires  
                  et injustes. Si le pouvoir qui doit être  
                  conféré à l'autorité centrale—celui d'apposer  
                  son véto aux notes de la législature locale- est exercé, il suffira, je pense, pour
                  empêcher toute chose de ce genre. Mais au véto  
                  même en objects, pour la raison que la législature élective sera rendue impuissante
                  par  
                  l'influence que la chambre haute fera peser  
                  sur elle. Eh bien! M. l'ORATEUR, sous  
                  la constitution anglaise, dans toutes les colonies britanniques et en Angleterre même,
                  
                  l'initiative est permise dans une certaine  
                  mesure. Toute chose n'est pas prévue parce  
                  que beaucoup est laissé au bon sens du  
                  peuple. Je pense que sans hésitation l'on  
                  peut affirmer qu'il n'y a pas le moindre  
                  danger que le parlement fédéral se rende  
                  coupable d'injustice envers les législatures  
                  locales, car si cela avait lieu, la réaction  
                  serait assez forte pour détruire le pouvoir  
                  ainsi exercé injustement. Le véto est nécessaire si l'on veut que, dans une certaine
                  
                  mesure, le gouvernement général ait un  
                  contrôle sur les actes des législatures locales.  
                  L'absence de ce pouvoir aux Etats-Unis est  
                  la grande cause de leur faiblesse, et il est à  
                  présumer qu'avant peu il sera remédié à ce  
                  
                  
                  
                  défaut par un amendement à leur constitution. Tant que chaque état se considère  
                  indépendant, que ses actes et lois ne peuvent  
                  être contrôlés, il est clair que l'autorité  
                  centrale est privée du pouvoir de contraindre  
                  à l'obéissance des lois générales. Si chaque  
                  province était libre d'édicter les lois qui lui  
                  plaisent, chacun serait à la merci des législatures locales, et la législature générale
                  
                  deviendrait de peu d'importance. Ce que  
                  l'on a en vue, c'est que le pouvoir de la  
                  législature générale puisse être contrôlé par  
                  le véto conféré aux législatures locales  
                  concernant l'application des lois générales  
                  dans leur juridiction. Tout pouvoir, dit-on,  
                  émane du peuple, mais l'exercice en est  
                  laissé à ses représentants et à la couronne; mais il serait illogique de placer  
                  le gouvernement général au-dessous du  
                  gouvernement local. Le parlement et le  
                  gouvernement central doivent nécessairement  
                  exercer le pouvoir suprême, et les gouvernements locaux le pouvoir correspondent 
                  
                  aux attributions dont ils sont chargés. Le  
                  système est nouveau; il n'a jamais subi  
                  d'essai, et ne fonctionnera peut-être pas  
                  aussi bien qu'on s'y attend; mais le parlement impérial et le nôtre auront toujours
                  le  
                  pouvoir de remédier aux défectuosités que  
                  l'on pourra découvrir une fois qu'il sera en  
                  opération. Somme toute, le projet me parait  
                  excellent. J'espère qu'il permettra à ce  
                  pays de devenir une grande puissance, et  
                  qu'avant de mourir j'aurai eu la satisfaction  
                  d'être citoyen d'un immense empire élevé  
                  sur cette partie du continent anglo-américain,  
                  et dont le peuple, à l'ombre du drapeau  
                  anglais, sera libre, heureux et prospère  
                  autant qu'aucune autre nation de la terre.  
                  S'il est quelque chose que j'aie toujours  
                  désiré avec ardeur, c'est de voir les possessions anglaises devenir en mesure de se
                  
                  défendre contre tout danger tout en restant  
                  sans la protection de la mère-patrie et en  
                  conservant ces institutions que nous tenons  
                  d'elles, et qui nous valent cette grande  
                  somme de liberté et de bonheur dont nous  
                  jouissons. (Ecoutez! écoutez!) Et quand  
                  nous considérons quel immense territoire  
                  nous avons au Nord-Ouest; quand nous  
                  savons que les grandes rivières qui sillonnent  
                  ce territoire mettent à découvert d'immenses  
                  couches de charbon, et que tout ce pays est  
                  riche en minéraux de toute sorte; que le sol  
                  renferme des richesses propres à l'établissement d'un très grand et tres productif
                  commerce; quand nous savons qu'il un possible  
                  
                  
                  438
                  
                  de mettre la main sur tout cela dès que  
                  nous aurons pu en donner l'accès aux colons,  
                  je puis dire avec certitude que notre population augmentera dans des proportions prodigieuses
                  en nombre, en richesses et en puissance. (Ecoutez! écoutez!) Jusqu'ici notre  
                  peuple a eu à se soumettre aux difficultés  
                  que toute population rencontre dans un pays  
                  nouveau comme l'est le nôtre; mais le  
                  Canada est maintenant à la veille de se faire  
                  une position importante sous le rapport commercial, et à mesure que cette importance
                  
                  augmentera, nous pourrons nous occuper  
                  davantage de colonisation à l'intérieur et de  
                  former une nouvelle nationalité—si toutefois  
                  je puis me servir de ce terme qui a été si  
                  fortement critiqué—dans ce vaste pays de  
                  l'ouest où l'on voit à peine aujourd'hui  
                  l'homme civilisé. (Ecoutez! écoutez!) Je  
                  ne me propose pas, M. l'ORATEUR, de suivre  
                  l'exemple qui a été donné, c'est-à-dire de  
                  parler pendant 4 ou 6 heures sur ce sujet;  
                  je ne veux que faire connaître mes vues à  
                  l'égard de la confédération de ces provinces,  
                  et laisser ensuite le champ libre à d'autres  
                  hon. messieurs. Mon désir est que les  
                  débats aient lieu avec toute la rapidité  
                  possible; et croyant que pour arriver à  
                  ce résultat nous devons renoncer aux longs  
                  discours, je vais m'empresser d'en donner  
                  l'exemple en terminant bientôt mes observations. (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M.
                  
                  l'ORATEUR, que la confédération est à désirer, qu'elle peut se réaliser, et que c'est
                  ce  
                  que nous pourrons avoir de mieux. C'est  
                  surtout cette dernière raison qui doit nous  
                  porter à l'accepter. Il faut absolument  
                  que nos difficutés se règlent de quelque  
                  manière, et je pense que le projet qui  
                  nous est offert est de nature à y remédier.  
                  Il excède, je le crois, les espérances que  
                  quelques uns d'entre nous avaient lorsque le  
                  gouvernement actuel fut formé pour opérer  
                  une réforme, et je pense, M. l'ORATEUR,  
                  qu'en votant contre, les membres du Haut- Canada commettraient la plus grande des
                  
                  folies. (Ecoutez! écoutez!) Je sais, cependant, qu'ils se garderont bien de le rejeter.
                  
                  Je crois que par lui nous aurons obtenu la  
                  représentation d'après le nombre; que nous  
                  aurons obtenu cette justice pour laquelle  
                  nous luttons depuis si longtemps,—notre  
                  juste part d'influence dans la politique  
                  financière du pays,—et par-dessus tout, la  
                  perspective de former une grande nation  
                  anglaise sur ce continent. Devant de pareils  
                  avantages, nous devons mettre de côté tout  
                  
                  
                  
                  esprit de parti, toute animosité dont l'origine  
                  est antérieure au projet, et cela afin que tous  
                  nous lui donnions un cordial appui Quant  
                  au mien, il lui est assuré. Je crois mes  
                  commettants en faveur de ce projet, et qu'il  
                  en est de même de tout le peuple du Haut- Canada. (Applaudissements.)  
  
               
               
               
               M. MORRIS — Le député de Lambton,  
                  M. l'ORATEUR, a donné, je pense, un bon  
                  exemple, et je vais faire mon possible pour  
                  le suivre. Ainsi que l'ont fait observer  
                  plusieurs qui se sont fait entendre, je  
                  dois d'abord dire que la question qui  
                  nous occupe n'est plus nouvelle; car,  
                  comme l'a dit l'hon. député de Montréal- Ouest, il y a déjà bien des années, et à
                  
                  différentes reprises, qu'elle a été soumise  
                  à l'opinion du peuple de ce pays. Il n'entre  
                  pas dans mon intention de suivre cet hon.  
                  monsieur dans la narration intéressante qu'il  
                  a su faire de l'historique de cette question;  
                  mais je désire attirer l'attention de la  
                  chambre sur le fait que c'est la troisième  
                  fois que cette question a été formellement  
                  soumise à la législature par le gouvernement  
                  de ce pays. C'est, je crois, en l858, qu'elle  
                  le fut pour la première fois, ainsi qu'on peut  
                  le voir par le discours du trône prononcé à  
                  la fin de la session de cette année-là, et dans  
                  lequel se trouvent les lignes que je vais lire:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Dans le cours de la vacance, je me propose  
                     d'entrer en comunication avec le gouvernement  
                     de Sa Majesté, et avec le gouvernement de nos  
                     sœurs-colonies sur un autre sujet d'une très- grande importance. Je désire les inviter
                     à discuter avec nous les principes sur lesquels pourrait  
                     plus tard s'effectuer une union d'un caractère  
                     fédéral entre les provinces de l'Amérique Britannique du Nord."  
                    
               
               
               
               Cette déclaration formelle fut suivie de la  
                  dépêche dont il a fréquemment été question  
                  en cette chambre et durant ces débats, et  
                  qui a servi de base à la motion faite pendant  
                  la session dernière par l'hon. député d'Oxford-Sud, motion qui a déjà eu d'heureux
                  
                  résultats, mais qui est destinée à en produire  
                  de bien grands. (Ecoutez! écoutez!) Je  
                  crois que la nomination du comité proposé  
                  par cet hon. monsieur fera époque dans  
                  l'histoire de notre pays (Ecoutez! écoutez!)  
                  Parlons maintenant de la seconde fois que  
                  cette question fut soumise à l'attention du  
                  peuple et de la chambre. A ceux qui s'opposent au projet, vous avez entendu dire que
                  
                  le pays avait été pris à l'improviste, qu'ils  
                  ne comprennent pas ce projet et ne sont pas  
                  prêts à le discuter. Eh! bien, M. l'ORATEUR,  
                  je demanderai à cet égard si le gouvernement  
                  
                  
                  439
                  
                  actuel n'a pas été formé avec l'entente qu'il  
                  travaillerait au règlement de cette question,  
                  et si le peuple ignore ce fait? J'ai à la main  
                  le programme du gouvernement, dans lequel  
                  on trouve ce qui suit comme résultat d'une  
                  longue négociation qui a eu lieu entre ses  
                  principaux membres:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Le gouvernement s'engage à présenter à la  
                     prochaine session une mesure tendant à faire  
                     disparaître les difficultés actuelles, en introduisant  
                     le système fédéral en Canada; les provinces maritimes et le Nord-Ouest pouvant ultérieurement
                     
                     s'unir dans cette fédération."  
                    
               
               
               
                
               
               
               
               M. MORRIS—J'espère que l'hon. monsieur applaudira encore sur le même ton  
                  lorsque j'aurai lu ce deuxième alinéa:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Et le gouvernement cherchera, en envoyant  
                     des représentants aux provinces inférieures et en  
                     Angleterre, à gagner l'assentiment des intérêts  
                     qui sont hors du contrôle de notre législation, à  
                     la mesure qui permettra à toute l'Amérique Britannique du Nord de s'unir sous une
                     législature  
                     générale basée sur le principe fédéral."  
  
               
               
               
               Tel est, M. l'ORATEUR, l'engagement que  
                  l'administration actuelle à pris envers la  
                  chambre et le pays. Elle s'est engagée à  
                  introduire le système fédéral dans le gouvernement du Canada, à établir des dispositions
                  
                  spéciales pour incorporer les provinces maritimes dans cette fédération, et à envoyer
                  
                  des délégués dans ces provinces pour les  
                  inviter à se joindre à nous dans cette confédération. (Ecoutez! écoutez!) Et, cependant,
                  
                  l'on ose dire que ces délégués, qui furent  
                  nommés selon l'engagement pris par l'administration, formèrent " une junte constituée
                  
                  sous la seule autorité de ses membres;" l'on  
                  ose dire qu'ils n'étaient pas autorisés à faire  
                  ce qu'ils ont fait en vertu de l'obligation que  
                  s'était imposée le gouvernement d'envoyer  
                  des délégués à ces provinces et en Angleterre  
                  pour mener à bonne fin ce projet de confédération. Les délégués composant cette  
                  " junte " et qui ont rédigé ces résolutions,  
                  sont loin d'avoir agi sans autorité autre  
                  que la leur, car ils se sont réunis en conformité de l'engagement pris par l'administration
                  
                  et avec la sanction du parlement canadien,  
                  qui avait confiance dans le gouvernement  
                  formé pour effectuer la confédération. Ils  
                  se sont aussi réunis avec la sanction du gouvernement impérial, ainsi qu'on peut le
                  voir  
                  par les documents et dépêches devant la  
                  chambre. (Ecoutez! écoutez!) Abordant  
                  maintenant la question au point où elle est  
                  arrivée, je dois dire que ce pays doit être  
                  satisfait d'un projet aussi praticable que l'est  
                  
                  
                  
                  celui qui nous occupe en ce moment. Je crois  
                  que ce projet satisfersa à tous les besoins de  
                  notre position et qu'il aidera au développement de nos ressources tout en protégeant
                  
                  les intérêts locaux. Il assure de même ce  
                  contrôle général qui est essentiellement  
                  nécessaire au bon gouvernement d'un pays  
                  dépendant de la couronne d'Agleterre.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Remarquez surtout  
                  qu'il ne consacre nul nouveau principe auquel  
                  la sanction du peuple ou des membres de  
                  cette chambre soit demandée. Sous une  
                  forme ou sous une autre, la question d'une  
                  union coloniale a occupé l'attention d'hommes  
                  d'état éminents de l'Angleterre, et je pense  
                  pouvoir être capable de démontrer à la  
                  chambre que le véritable principe que nous  
                  projetons d'introduire dans le gouvernement  
                  des provinces de l'Amérique Britannique du  
                  Nord a déjà reçu la sanction d'hommes  
                  éminents de l'Angleterre et, de plus, celle du  
                  parlement impérial. (Ecoutez! écoutez!) Il y  
                  a quelques années, lorsque les hommes d'état  
                  de la Grande-Bretagne eurent à chercher  
                  une solution aux difficultés que rencontrait  
                  le gouvernement des colonies Australiennes,  
                  quel a été le mode adopté en face des événements qui mirent ces colonies dans la nécessité
                  d'adopter une nouvelle constitution?  
                  Eh! bien, le gouvernement impérial reconstitua un comité du conseil privé, qui avait
                  
                  nom de " comité du commerce et des possessions étrangères," et le chargea de cette
                  
                  question en lui adjoignant comme nouveaux  
                  membres lord CAMPBELL, alors chancelier du  
                  duché de LANCASTER, Sir JAMES STEPHEN  
                  et Sir EDWARD RYAN. Les travaux de ce  
                  comité eurent pour résultat un rapport dans  
                  lequel il recommandait la création d'une  
                  assemblée générale à laquelle serait confié le  
                  contrôle des affaires générales des colonies  
                  autraliennes, et de gouvernements locaux  
                  munis de certains pouvoirs définis. J'ai  
                  dans la main une collection de lettres sur  
                  la politique de l'Angleterre à l'égard des  
                  colonies, et adressées par le comte GREY à  
                  lord JOHN RUSSELL, lesquelles renferment  
                  le rapport du comité du conseil privé dont  
                  il est plus haut question, et j'ai constaté  
                  qu'il suggère un plan analogue à celui  
                  que l'on nous demande de mettre en pratique  
                  pour ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Le  
                  comité proposait qu'il y eut un gouverneur  
                  pour administrer les affaires de ces colonies,  
                  lequel serait tenu de convoquer un corps,  
                  qui serait appelé l'assemblée générale de  
                  l'Australie, à la demande de deux ou plus  
                  
                  
                  440
                  
                  des législatures Australiennes; et il était  
                  recommandé que cette assemblée générale,  
                  ainsi convoquée, eut le pouvoir d'édicter des  
                  lois concernant les droits d'importation et  
                  d'exportation, les postes, la confection de  
                  chemins, la construction de canaux et de  
                  voies ferrées et différents autres sujets. Les  
                  avantages de ce plan étaient si manifestes,  
                  en ce qu'il unissait ces colonies et leur  
                  donnait un meilleur gouvernement que celui  
                  qu'elles avaient eu jusque là, que le rapport  
                  fut immédiatement adopté par le conseil  
                  privé et incorporé dans un projet de loi  
                  soumis au parlement. Ce projet passa dans  
                  la chambre des communes et se rendit à  
                  celle des lords; mais pendant que cette  
                  dernière en était saisie, les deux clauses  
                  qui introduisaient dans le gouvernement des  
                  colonies Australiennes le système que l'on  
                  veut introduire ici, furent rejetées; mais  
                  pourquoi le furent-elles? Ce n'était parce  
                  que le gouvernement avait changé d'opinion  
                  sur la question, ni parce que la chambre des  
                  lords était opposée au principe, mais parce  
                  qu'après examen ou a trouvé qu'elles étaient  
                  susceptibles d'objections pratiques, et que,  
                  pour y obvier, il aurait fallu y faire des  
                  amendements qui devenaient impossibles par  
                  le fait qu'il eut fallu entrer de nouveau en  
                  communication avec les colonies. Le gouvernement impérial ne voulut pas faire ces
                  
                  changements à la mesure sans le consentement des colonies, mais le comte GREY  
                  changea d'opinion à l'égard des avantages  
                  devant résulter du plan proposé, ainsi que  
                  va le faire voir une de ses dépêches au  
                  gouverneur de la Nouvelle Galles du Sud:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Je n'en suis pas moins persuadé, " dit Sa  
                     Seigneurie dans cette dépêche, qu'il écrivit en l850,  
                     " que les colonies Australiennes ressentiront le  
                     besoin d'une autorité centrale pour régler les  
                     affaires de commune importance, et cela avant  
                     qu'il soit longtemps; mais dès que ce besoin se  
                     fera sentir, lui-même suggérera les moyens à l'aide  
                     desquels il pourra y être satisfait. Les différentes  
                     législatures, il est vrai, ne pourront immédiatement donner à l'assemblée générale
                     l'autorité  
                     nécessaire, attendu que le pouvoir législatif de  
                     chacune d'elles est restreint à ses limites territoriales; mais si deux ou plus de
                     ces législatures  
                     trouvaient qu'il est des objets d'un intérêt commun  
                     pour lesquels il serait expédient de créer cette  
                     autorité, elles auront la faculté, si elles peuvent  
                     s'entendre sur les conditions d'un arrangement à  
                     cet effet, de passer des lois dans ce but et entenant des clauses suspendant leurs
                     mise en force  
                     jusqu'à ce que le parlement ait conféré l'autorité  
                     voulue. Ces lois pourraient définir avec précision l'étendue et la nature des pouvoirs
                     qu'elles  
                     conféreront à ces corps, et on ne saurait douter  
                     sur la demande qui lui sera faite de donner effet à  
                     
                     
                     
                     un arrangement ainsi arrêté, que le parlement  
                     s'empressera d'y consentir."  
                    
               
               
               
               Quelqu'un pourra me dire, M. l'ORATEUR,  
                  que tout cela est bien vrai, mais que le gouvernement anglais a tout de même laissé
                  
                  tomber ce plan. Je crois, néanmoins, pouvoir répondre à cette objection et faire voir
                  
                  que ce plan était laissé à l'option des colonies;  
                  car vous voyez le même principe suivi dans  
                  le rapport du comité du commerce et des  
                  possessions étrangères à l'égard de la constitution subséquemment accordée aux provinces
                  
                  de la Nouvelle-Zélande. En 1852, le plan  
                  suggéré par ce comité pour l'Australie fut  
                  mis à effet dans la Nouvelle-Zélande, et nous  
                  ne devons pas oublier qu'a cette époque la  
                  population de la Nouvelle-Zélande était très  
                  petite, si petite vraiment, qu'il serait impossible de ne pas voir un grand contraste
                  entre  
                  la position de ce pays et celle que l'Amérique  
                  Britannique du Nord occupe aujourd'hui;  
                  mais les hommes d'Etat de l'Angleterre  
                  regardèrent à l'avenir de cette colonie et  
                  décidèrent qu'il était à propos de lui conférer  
                  des pouvoirs analogues à ceux que nous  
                  demandons actuellement. L'acte constitutionnel de la Nouvelle-Zélande crée six provinces
                  
                  avec des surintendants, des conseils de neuf  
                  membres nommés par le gouverneur et un  
                  gouvernement général de trois Etats. Dans  
                  les débats sur ce bill, le comte GREY a dit que  
                  c'était là la seule forme de gouvernement  
                  qui pouvait être donnée à une colonie située  
                  dans la position où se trouvait celle-là. Voici,  
                  d'ailleurs, ses paroles:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Il était impossible— et il en aurait longtemps  
                     été ainsi—à aucune législature générale de suffire  
                     à tous les besoins d'autant d'établissements  
                     distincts situés à une grande distance les uns  
                     des autres; il y avait, par conséquent, nécessité  
                     absolue de constituer des législatures provinciales  
                     chargées du pouvoir d'administrer une grande  
                     partie des affaires publiques."  
  
               
               
               
               La véritable difficulté qui fut surmontée là  
                  est celle que nous avons à surmonter ici. On  
                  reconnut la nécessité absolue de créer pour  
                  chaque province une législature locale, plus  
                  un pouvoir central, auquel devaient être  
                  déférées toutes les affaires d'un intérêt  
                  commun. Dans le cours de ces débats, voici  
                  les paroles que le comte GREY prononça sur  
                  l'importance de cet arrangement:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Il est quelques objets qui auraient donné lieu  
                     à de grands inconvénients si on n'avait pas pourvu  
                     à l'uniformité de législation entre les diverses  
                     provinces, but auquel on ne pouvait parvenir que  
                     par l'établissement d'une législature générale."  
                   
               
               
               441
               
               
               
               Et voilà, M. l'ORATEUR, ce que notre gouvernement nous demande d'adopter. Il veut
                  
                  que nous demandions au gouvernement  
                  impérial de créer pour nous des législatures  
                  provinciales auxquelles seront déférées toutes  
                  les affaires locales, et une législature générale  
                  dont les attributions seront de légiférer sur les  
                  sujets d'un intérêt commun, attributions dont  
                  les législatures provinciales ne pourraient pas  
                  s'acquitter aussi bien. Je dis donc, M. l'ORATEUR, sachant que cette question n'est
                  pas  
                  nouvelle, que nous devons comprendre pourquoi cette mesure a été si vivement approuvée
                  
                  par les hommes d'Etat de la Grande-Bretagne,  
                  et pourquoi elle a reçu les suffrages des  
                  ministres de Sa Majesté. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Ici se terminant l'historique que j'ai voulu  
                  faire de cette importante question, je vais  
                  essayer d'entrer dans son mérite; mais je  
                  vous assure, M. l'ORATEUR, que je sens  
                  toute la dificulté qu'il va y avoir pour moi  
                  de traiter ce sujet devant la chambre, vu sa  
                  gravité et les conséquences incalculables  
                  qu'il est destiné à produire. (Ecoutez! écoutez!) La chambre haute a déjà adopté le
                  
                  projet, et je ne pense pas que ses membres  
                  puissent, avec justice, être taxés de ne lui  
                  pas avoir donné toute la considération que  
                  son importance demande: je crois, au contraire, qu'ils ont discuté cette question
                  avec  
                  calme et réflexion pendant les quatre dernières semaines, et ils ont donné là un 
                  
                  exemple à suivre. Il ne s'ensuit pas, cependant, que les membres de la chambre haute
                  
                  doivent être taxés de s'être hâtés inconsidérément.     
 
               
               
               
                
               
               
               
               M. MORRIS—L'hon. député de Cornwall  
                  est un de ceux qui le leur ont fait.  
  
               
               
               
               L'
HON. J. S. MACDONALD— J'ai dit  
                  qu'ils s'étaient trop hâtés, et je prends la  
                  responsabilité de mon assertion.  
  
               
               
               
               M. MORRIS— J'ai la mémoire assez  
                  heureuse, et je crois que " hâtés inconsidérablement " sont les mots dont il a eu
                  le  
                  malheur de faire usage. Je ne veux pas,  
                  toutefois, disputer avec mon hon. ami à  
                  l'égard des paroles qu'il a pu employer; je  
                  tiens plutôt à dire que le temps passé ici et  
                  ailleurs à discuter cette question n'a pas été  
                  perdu. Je pense qu'il est de notre devoir  
                  de considérer cette question à tous ses points  
                  de vue, et croyant que le projet sera adopté  
                  par cette chambre, je reconnais la necessité  
                  de le discuter longuement et librement afin  
                  que le pays puisse juger de son mérite.  
                  
                  
                  
                  (Ecoutez! écoutez!) Cela dit, M. l'ORATEUR, je désire faire connaître que je donne
                  
                  mon appui à la proposition maintenant  
                  devant la chambre, parce que je crois sincèrement que cette union aura pour effet
                  de  
                  resserrer nos liens avec la Grande-Bretagne  
                  bien plus que ne le pourrait aucun autre  
                  système (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
               UNE VOIX—Elle aura plutôt l'effet de  
                  les relâcher.  
  
               
               
               
               M. MORRIS—Un hon. membre dit qu'elle  
                  nous mènera à l'indépendance. Eh! bien, je  
                  lui réponds et dis en même temps à cette  
                  chambre que seulement deux destinées nous  
                  sont réservées. Il faut ou que nous grandissions en force, en richesse et en puissance,
                  
                  par le moyen de cette union, sous l'égide de  
                  la Grande-Bretagne, ou que nous soyions  
                  absorbés par la république voisine. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Dans la position où nous sommes,  
                  c'est, à mon avis, la seule conclusion à  
                  laquelle on peut arriver.  
  
               
               
               
               UNE VOIX—Le peuple ne veut pas de  
                  cette union.  
  
               
               
               
               M. MORRIS—Un hon. monsieur dit que  
                  le pays ne veut pas d'une union fédérale;  
                  nous le savons, au contraire, en faveur de ce  
                  changement. Quand l'esprit public est  
                  adverse à une mesure, le peuple n'a-t-il pas  
                  à sa disposition les moyens de faire connaître  
                  qu'il s'y oppose; or, comment se fait-il que  
                  le bureau de cette chambre ne soit pas  
                  couvert de pétitions contre le projet s'il est  
                  aussi impopulaire que voudraient nous le  
                  faire croire quelques hon. membres?  
  
               
               
               
               UN HON. MEMBRE—Il n'y a pas non  
                  plus de pétitions demandant que ce projet  
                  soit adopté.  
  
               
               
               
               M. MORRIS—Pourquoi n'y en a-t-il pas?  
                  N'est-ce pas parce que le gouvernement a été  
                  constitué dans le but d'effectuer cette union?  
                  (Ecoutez! écoutez!) Est-ce qu'une forte  
                  majorité des représentants du peuple n'est  
                  pas en faveur ce cette mesure? Si ces  
                  députés n'en veulent pas, ils n'ont qu'à la  
                  rejeter; mais ils lui donnent au contraire  
                  leur appui, parce qu'ils savent qu'un changement quelconque est essentiellement nécessaire,
                  et qu'ils ont confiance dans la sagesse  
                  de ceux qui se sont chargés de tirer le pays  
                  de la crise où il se trouve. Si les hommes  
                  publics de cette province ont pris autant à  
                  cœur ce projet, c'est qu'ils voient en lui un  
                  moyen de perpétuer notre alliance avec la  
                  mère-patrie.  
  
               
               
               
               
               
               
               442
               
               
               
               M. MORRIS—Je ne suis pas prophète  
                  ni fils de prophète, mais je suis prêt à maintenir que ma prédiction se réalisera
                  plutôt  
                  que celle de l'hon. monsieur, qui vient de  
                  dire que ce projet n'amènera que déception.  
                  (Ecoutez! écoutez!) On a exprimé la crainte  
                  que la confédération amènera la rupture des  
                  liens qui nous unissent à l'Angleterre; mais  
                  il dépendra de nous que ce malheur arrive  
                  ou n'arrive pas. Avec une liberté entière,  
                  un gouvernement responsable, l'avantage  
                  d'une position plus marquante et la protection de l'Angleterre, pourquoi chercherions-
                  nous à briser ces liens? qu'y gagnerions- nous? Qu'est-ce qui pourrait nous porter
                  à  
                  former d'autres alliances? (Ecoutez! écoutez!) Qu'aurions-nous à envier au pays  
                  voisin, harcelé comme il l'est par les nombreux et lourds impôts créés par les nécessités
                  de son affreuse guerre civile, pour  
                  désirer nous incorporer à lui? Expliquezmoi comment cette union pourra nous  
                  affaiblir ou diminuer notre affection pour la  
                  Grande-Bretagne. A ceux qui croient que  
                  la confédération de ces colonies isolées n'augmentera pas leur puissance, de prouver
                  ce fait  
                  presque inouï que l'union ne fait pas la  
                  force. (Ecoutez! écoutez!) Je dois dire,  
                  moi, comment cette union perpétuera notre  
                  alliance avec la Grande-Bretagne. Chacun  
                  sait que depuis peu l'Angleterre à radicalement changé de politique à l'égard de ses
                  
                  colonies. Sa politique a maintenant pour but  
                  de nous laisser la plus grande liberté dans  
                  nos relations avec l'empire. A part de  
                  l'allégeance et de notre loyauté, quelle est,  
                  après tout, la nature du lien qui nous unit à  
                  la Grande-Bretagne? Qu'est-ce autre chose  
                  qu'un lien fédéral? Voilà tout ce qui nous  
                  lie à l'Angleterre, et la preuve de ce que  
                  j'avance se trouve dans ce que je vais citer  
                  d'un publiciste anglais assez renommé:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "La nouvelle politique adoptée pour les colonies " dit-il, " est de nature à perpétuer
                     l'alliance  
                     des colonies avec l'empire."  
                    
               
               
               
               Je pense qu'elle grandira la position de  
                  ces provinces comme partie de l'empire britannique, et qu'elle assurera pour nous
                  la  
                  permanence de la constitution de ce royaume,  
                  tout en resserrant les liens qui nous unissent  
                  à lui. (Ecoutez! écoutez!) Avec lord  
                  DURHAM, ce profond politique, je crois  
                  qu'elle " donnera au colon de l'Amérique  
                  Britannique du Nord une nationalité qui lui  
                  sera propre, en élevant ces petites sociétés  
                  peu importantes à un Etat qui aura quelque  
                  importance nationale, en donnant ainsi à  
                  
                  
                  
                  leurs habitants un pays qu'ils ne désireront  
                  pas voir absorbé par leurs puissants voisins."  
                  Et c'est aussi, M. l'ORATEUR, ce que voient  
                  nos voisins. Peu de temps après le départ  
                  du duc de NEWCASTLE de ce pays, l'attention fut attirée sur la question d'une union
                  
                  des colonies, non-seulement en ce pays, mais  
                  en Angleterre et aux Etats-Unis. Dans un  
                  article qu'il publia alors, le Courrier and  
                     Inquirer de New-York en vint à la conclusion " que l'union serait un moyen de perpétuer les
                  relations entre les deux pays,  
                  et que ce changement de gouvernement  
                  ne rencontrerait pas d'obstacles sérieux. "  
                  (Ecoutez! écoutez! Que l'hon. député de  
                  Chateauguay réfléchisse sur cette opinion.  
                  Mais, M. l'ORATEUR, en consultant l'histoire,  
                  on trouve singulier de voir combien cette  
                  question a occupé les différentes colonies.  
                  Avant la révolution américaine, BENJAMIN  
                  FRANKLIN suggéra un plan de fédération  
                  des anciennes colonies de l'Angleterre sur  
                  ce continent, lequel, a-t-il dit plus tard, eut  
                  empêché la rupture survenue entre elles et  
                  la mère-patrie. Je vais citer le passage  
                  qu'il écrivit après la révolution et dans  
                  lequel il parle de ce projet:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Je proposai et dressai un plan à l'effet d'unir  
                     toutes les colonies sous un même gouvernement,  
                     en ce qui concerne les défenses et les autres fins  
                     d'une importance générale. D'après ce plan, le  
                     gouvernement général devait être administré par  
                     un président-général nommé et maintenu par la  
                     couronne, et par un conseil général, dont les  
                     membres auraient été choisis par les représentants  
                     du peuple des diverses colonies réunis en leurs  
                     assemblées respectives. Le plan fut adopté dans  
                     le congrès, mais les assemblées des provinces le  
                     rejetèrent, pour la raison qu'il renfermait trop de  
                     prérogatives, et en Angleterre il fut jugé comme  
                     étant trop imbu de l'esprit démocratique. Ces  
                     différentes raisons qui firent rejeter mon plan me  
                     firent aussi croire qu'au point de vue politique il  
                     occupait réellement un juste milieu, et, à l'heure  
                     qu'il est, je suis encore d'opinion qu'il eut été  
                     heureux que les deux partis l'eussent adopté. Les  
                     colonies ainsi unies auraient acquis assez de force  
                     pour se défendre elles-mêmes; l'Angleterre, par  
                     conséquent, n'aurait eu que faire de nous envoyer  
                     ses troupes, et le prétexte que l'on prit ensuite  
                     de taxer l'Amérique et la lutte sanglante qui en  
                     résulta eussent été évités."  
                    
               
               
               
               N'est-il pas singulier de voir qu'il y a près  
                  d'un siècle, BENJAMIN FRANKLIN, pour  
                  remédier aux difficultés qui existaient alors  
                  entre les colonies, ait suggéré un projet  
                  d'union semblable à celui qui est maintenant  
                  devant la chambre? Ne voit-on pas dans ce fait  
                  une preuve de la sagesse de ses auteurs, qui  
                  connaissaient par l'histoire les difficultés que  
                  rencontrait le gouvernement des autres  
                  
                  
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                  colonies,—lesquelles étaient dues à l'absence  
                  d'un pouvoir central,—et qui ont proposé  
                  une confédération à l'instar du plan sur  
                  lequel comptait FRANKLIN pour empêcher  
                  une séparation d'avec l'Angleterre?  
 
               
               
               
               L'
HON. M. HOLTON— Ce projet est considéré comme équivalant à l'indépendance.  
  
               
               
               
               M. MORRIS —Est-ce là ce que pense  
                  l'hon. député? Je crois qu'en Angleterre  
                  l'opinion est tout autre. En 1858, lorsque  
                  la Colombie Anglaise fut érigée en colonie,  
                  on vit alors que les communes d'Angleterre  
                  ne songeaient pas à renoncer aux possessions  
                  de la Grande-Bretagne sur ce continent, car  
                  voici les paroles qui furent conseillées à la  
                  Reine en cette occasion:  
  
               
               
               
               
                  
                  "Sa Majesté entretient l'espoir que la création  
                     de la nouvelle colonie du Pacifique sera le premier  
                     pris dans la carrière du progrès sur lequel elle  
                     compte pour qu'un jour ses possessions de l'Amérique du Nord soient peuplées de loyaux
                     et  
                     industrieux sujets depuis l'Atlantique jusqu'au  
                     Pacifique."  
                    
               
               
               
               (Ecoutez! écoutez!) Je dis, M. l'ORATEUR, que rien ne prouve que les hommes  
                  d'état de l'Angleterre voient dans ce grand  
                  projet un acheminement à l'indépendance;  
                  les faits cités l'autre soir par l'hon. député  
                  de Montréal-Centre prouvent directement  
                  le contraire. S'il tendait à ce but, je serais  
                  un des premiers à lui refuser mon appui, et  
                  nul doute que les hon. membres qui s'en  
                  sont déclarés les défenseurs, en feraient  
                  autant. Je ne crains pas de dire que tout  
                  gouvernement qui oserait présenter une  
                  mesure de ce genre serait de suite renversé  
                  et battu. (Ecoutez! écoutez!) Mais je  
                  sens, M. lORATEUR, que j'ai été poussé à  
                  parler plus longtemps que je ne le voulais  
                  de la question de nos relations avec la métropole; je signalerai néanmoins à l'attention
                  de cette chambre un passage d'un livre  
                  que j'ai déjà cité et dans lequel je trouve  
                  l'exposé des idées politiques qui inspirèrent  
                  l'administration de lord JOHN RUSSELL, et  
                  une argumentation très serrée pour prouver  
                  que la possession des colonies n'est pas moins  
                  avantageuse à la Grande-Bretagne que les  
                  relations de celle-ci ne le sont avec ses colonies. Car, à n'envisager que le côté
                  purement matériel de la chose et en fesant  
                  abstraction des liens plus forts et plus intimes  
                  qui existent, je reste convaincu que ce pays  
                  n'est pas du tout disposé à entrer dans la  
                  voie qui doit le mener à l'indépendance complète de la métropole et à la perte de
                  ce  
                  prestige et de ce pouvoir attachés au seul  
                  
                  
                  
                  titre de sujet anglais qui lui font dire avec  
                  non moins de vérité qu'aux anciens Romains:  
                  " Je suis citoyen Anglais!"—Voici ce que  
                  dit le comte GREY:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "On conviendra que la possesion d'un certain  
                     nombre de fidèles alli s dans toutes les parties du  
                     monde, ajoute à la puissance d'une nation, et qu'aucun pouvoir étranger ne saurait
                     faire d'alliances  
                     avec l'Angleterre aussi étroites et aussi sûres  
                     que les liens qui l'unissent à ses colonies. Personne  
                     ne doit oublier non plus que la puissance d'une  
                     nation ne consiste pas uniquement dans la force  
                     physique, mais encore et non moins dans l'opinion  
                     et l'influence morale qu'elle commande. C'est à  
                     cet égard que la perte des colonies serait pour  
                     l'Angleterre une cause d'affaiblissement assez difficile à apprécier."  
                    
               
               
               
               Plus loin, je lis ce qui suit:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Cependant, la conservation de ces liens est  
                     encore d'une plus grande importance pour ces  
                     dernières (les colonies) que pour la métropole,  
                     parce que toutes faibles et petites qu'elles soient,  
                     elles jouissent, en retour de leur allégeance à la  
                     couronne anglaise, de toute la sécurité et de la  
                     considération qui s'attachent à leur condition de  
                     membres de l'un des peuples les plus puissants de  
                     la terre. Nul pouvoir n'oserait attaquer ou molester  
                     même la plus petite de ces colonies, car tout colon  
                     porte avec lui dans les parties les plus reculées du  
                     globe cette protection que donne partout le titre  
                     de sujet anglais."  
                    
               
               
               
               (Ecoutez! écoutez!)lb/>
 
               
               
               
               Mais je passerai à un autre point de vue, en  
                  disant que je crois que toutes les conditions  
                  nécessaires à la formation permanente d'une  
                  union fédérale se trouvent réunies dans le projet que nous discutons en ce moment.
                  Je tiens  
                  en ce moment dans mes mains un ouvrage  
                  assez remarquable sur le Gouvernement représentatif, par JOHN STUART MILL, dans lequel  
                  l'auteur énumère trois conditions nécessaires  
                  à l'union d'états indépendants, et que nous  
                  pouvons appliquer, en raisonnant a pari, aux  
                  provinces anglo-américaines qui cherchent à  
                  s'unir plus étroitement ensemble et par suite  
                  plus étroitement aussi avec la métropole. La  
                  première de ces conditions est celle-ci,  
                  savoir:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Qu'il doit y avoir une sympathie mutuelle  
                     assez forte entre les populations."  
  
               
               
               
               C'est-à-dire, que—  
 
               
               
               
               
                  
                  "L'unité d'origine de langage, de religion et  
                     surtout d'institutions politiques, est la plus propre  
                     à produire la communauté des intérêts politiques."  
                    
               
               
               
                
               
               
               
               M. MORRIS—Nous possédons à un haut  
                  degré ce lien si puissant de sympathie; le  
                  
                  
                  444
                  
                  système de gouvernement et les institutions  
                  politiques sont les mêmes; nous appartenons  
                  à la même grande puissance, et c'est là le  
                  lien réel qui dans l'avenir devra assurer  
                  notre union. La seconde condition indiquée  
                  par l'auteur ci-dessus se trouve dans les  
                  lignes suivantes:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Les états séparés ne devront pas être assez  
                     puissants pour pouvoir s'en remettre à eux seuls  
                     de leur défense contre les agressions étrangères."  
                    
               
               
               
               Voilà une condition qu'on ne niera pas  
                  s'appliquer à nous d'une manière toute  
                  spéciale. (Ecoutez! écoutez!) L'auteur  
                  donne enfin comme troisième condition:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Qu'il n'y aura pas une trop grande inégalité  
                     de forces entre les divers états contractants."  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. MORRIS—Permettez que je continue  
                  de citer:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Sans doute ces états ne peuvent exactement  
                     avoir des ressources égales, car dans toutes les  
                     fédérations il y a gradation de pouvoirs entre les  
                     membres, et on en trouvera qui seront plus riches,  
                     plus populeuses et plus civilisées que d'autres.  
                     C'est ainsi par exemple qu'il y a une très-grande  
                     différence entre New-York et Rhode-Island."  
  
               
               
               
               Exactement la même que celle entre le  
                  Canada et l'Ile du Prince-Edouard. J'espère  
                  avoir convaincu mon bon ami d'Hochelage  
                  (M. DORION) que les paroles de M.MILL  
                  sont tout à fait applicables à notre position  
                  actuelle. (Ecoutez! écoutez!) Je crois  
                  en outre que nous trouverons dans l'avenir  
                  de grands avantages à avoir un gouvernement central fortement constitué, ainsi que
                  
                  des parlements locaux ou municipaux tels  
                  qu'indiqués dans le projet. En fait et en  
                  pratique, nous retirerons les plus grands  
                  avantages de ce système qui greffe sur les  
                  principes de la constitution anglaise ce qu'il  
                  y a de meilleur dans le régime américain.  
                  Je prendrai la liberté de lire un extrait  
                  d'un article du Times de Londres, publié  
                  en 1858, sur le sujet qui nous occupe en ce  
                  moment, et qui fait très-bien la distinction  
                  entre le système qu'on nous propose aujourd'hui et celui qui a été adopté aux Etats-
                  Unis. La grande faiblesse de ce dernier  
                  vient de ce que tous les Etats en entrant  
                  dans la confédération ont réclamé une juridiction indépendante, qu'ils ont délégué
                  certains pouvoirs au gouvernement central et  
                  qu'ils ont gardé le contrôle souverain sur  
                  tout les suiets qu'ils n'avaient pas ainsi  
                  spécialement délégués au gouvernement central. Les auteurs du projet que nous discu
                  
                   
                  
                  tons en ce moment, ont évité cet inconvénient et l'ont rédigé de façon à organiser
                  
                  un pouvoir central muni de pouvoirs souverains bien délimités, et des parlements locaux
                  
                  avec une juridiction déléguée et définie  
                  mais subordonnée au premier. L'article  
                  dit:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Il est bien évident que la constitution fédérale des Etats-Unis d'Amérique forme
                     un précédent qu'il est impossible à des colonies unies de  
                     suivre dans ses principes ou dans ses détails, tant  
                     qu'elles feront partie du royaume d'Angleterre. Le  
                     principe de la fédération américaine est que chaque  
                     état est souverain, qu'il délégue au pouvoir central  
                     une partie de ses attributions et qu'il garde le  
                     contrôle absolu de tout ce qui n'est pas ainsi  
                     délégué. Les colonies, au contraire, ne sont pas  
                     des états souverains, attendu qu'elles forment  
                     partie de l'Angleterre; elles ne peuvent par conséquent pas déléguer à un gouvernement
                     central  
                     leur autorité souveraine puisqu'elles n'en ont  
                     aucune. La seule ligne de conduite qu'elles doivent  
                     adopter, suivant nous, est de faire le contraire des  
                     Etats-Unis et de prendre pour devise, au lieu de  
                     Et pluribus unum, celle-ci—In uno plura.  
                    
               
               
               
                
               
               
               
               M. MORRIS—Du 
Times de Londres, et  
                  je l'ai cité à cause de la force des observations qui s'y trouvent, à part le caractère
                  
                  que leur donne encore la position du journal  
                  lui-méme. Je continue a lire:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "La première mesure à prendre pour opérer  
                     une fédération des colonies américaines, serait  
                     donc d'en former un seul état, de donner à cet  
                     état un gouvernement complet et de déléguer à  
                     chacune des colonies les pouvoirs de gouvernement local qui seraient jugés nécessaires,
                     en avant  
                     soin de réserver au gouvernement central tous  
                     les pouvoirs non expressément délégués. Le régime  
                     adopté par la Nouvelle Zélande donne à ce sujet  
                     un exemple digne de l'attention de ceux qui ont  
                     entrepris cette tâche difficile."  
                    
               
               
               
               En effet, je n'ai pas le moindre doute que  
                  les auteurs de la constitution actuelle n'aient  
                  étudié la constitution projetée de l'Australie  
                  de même que celle de la Nouvelle-Zélande qui  
                  existe depuis dix ans.  
 
               
               
               
                
               
               
               
               M. MORRIS—Je n'y ai jamais été (on  
                  rit), mais je sais que la population de toutes  
                  les provinces de la Nouvelle-Zélande, qui  
                  s'élevait a 26,000. lors de l'adoption de cette  
                  constitution, s'est élevée en dix ans au chiffre  
                  de 250,000, ce qui indique assurément un  
                  progrès.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. HOLTON—De même que  
                  nous avons grandi et progressé en dépit de  
                  cette union affreusement mauvaise dont vous  
                  désirez tant vous débarasser.  
 
               
               
               445
               
               
               
               M. MORRIS—C'est vrai, nous avons fait  
                  progrès sous le régime actuel:—mais  
                  l'hon. monsieur doit se rappeler les animosités du passé. Quoique moins ancien que
                  
                  lui dans cette chambre, je me souviens,  
                  lorsque j'y entrai, de l'état critique dans  
                  lequel étaient les esprits et des difficultés qui  
                  depuis n'ont cessé d'exister et de rendre  
                  impossible toute administration. N'avons- nous pas vu des gouvernements se maintenir,
                  
                  session après session, en moyen d'une majorité d'une ou de deux voix, et nous convaincre
                  
                  par là qu'il était impossible à aucun ministère  
                  de conduire les affaires publiques avec la  
                  dignité et la fermeté indispensables? Ainsi  
                  que je l'ai dit, je crois que la conférence a,  
                  on ne peut mieux, réussi dans la combinaison  
                  du plan qui nous est soumis aujourd'hui.  
                  Formant une société d'hommes libres et de  
                  sujets anglais, délibérant sur notre passé,  
                  notre présent et notre avenir, nous déclarons  
                  rester attachés à la couronne d'Angleterre;—nous disions à l'école de GOLDWIN  
                  SMITH, à ceux qui ne veulent plus de  
                  colonies, que nous ne voulons pas nous  
                  séparer de la métropole (écoutez! écoutez!);—que nous voulons conserver les liens
                  
                  existants; que nous n'avons aucun désir de  
                  nous soustraire à cette protection dont nous  
                  avons si longtemps joui, mais que, tout en  
                  continuant de garder cette protection, nous  
                  sommes résolus à faire tout en notre pouvoir  
                  pour notre défense et pour le développement  
                  des immenses ressources que la Providence  
                  a mises à notre disposition, et que nous demandons au parlement anglais le pouvoir
                  d'accomplir ce grand œuvre avec toute l'Amérique  
                  Britannique du Nord. (Ecoutez!) —Quel  
                  domaine, en effet, ne possédons-nous pas!  
                  Notre territoire embrasse trois millions de  
                  milles carrés, et est assez vaste par conséquent  
                  pour suffire à l'expansion de toutes les races  
                  qui habitent ce pays. Or, ce que nous voulons,  
                  c'est suivant les paroles d'un ancien ministre  
                  des colonies—lesquelles rendent parfaitement  
                  les vues et les sentiments du peuple de toutes  
                  ces provinces,—de pouvoir nous présenter  
                  devant le peuple anglais, devant le gouvernement anglais et devant notre Reine en
                  
                  tenant le langage suivant:—" Nous voulons,  
                  avec votre aide, avec votre sanction et avec  
                  votre permission, essayer d'ajouter un nouveau  
                  pays chrétien à ceux par qui l'Angleterre éternise sa mémoire, non par des pyramides
                  ni par  
                  de obélisques mais par la formation de nouvelles nationalités dont l'histoire s'écrira
                  dans  
                  sa propre langue. " Telles éaient les paroles  
                  
                  
                  
                  dont le secrétaire colonial, Sir BULWER  
                  LYTTON, se servit lorsqu'il voulut fonder et  
                  qu'il fonda, en effet, une nouvelle colonie  
                  sur les rives du Pacifique,—paroles qui indiquent une confiance inébranlable dans
                  le  
                  pouvoir et l'efficacité des institutions anglaises, et qui démontrent que ce régime
                  peut  
                  s'adapter à toutes les circonstances d'un nouveau pays habité par des sujets anglais
                  à qui  
                  le soin d'institutions de ce genre aurait été  
                  remis. (Ecoutez! écoutez!) Mais je m'aperçois que je suis tenté d'oublier l'excellent
                  
                  exemple que m'a donné mon hon. ami de  
                  Lambton. (Cris: non! non!—continuez.)  
                  Puisqu'il en est ainsi, je vais mentionner le  
                  plus brièvement possible deux ou trois avantages immédiats que nous retirerons suivant
                  
                  moi, de l'établissement d'une union des  
                  Canadas avec les provinces maritimes, sous le  
                  régime d'un pouvoir central et de parlements  
                  locaux. Et d'abord, voyons quelle est la  
                  position que ces colonies occupent vis-à-vis  
                  de la grande nation militaire qui se forme  
                  de l'autre côté des frontières; voyons ce  
                  qu'on y pense de nous. Un de ses hommes  
                  d'Etat les plus éminents, conseillait, il y a  
                  quelques années, à ses concitoyens de cultiver  
                  notre connaissance pendant que nous avions  
                  encore " les yeux fermés sur notre destinée."  
                  Or, nous n'en sommes plus là; nous avons  
                  ouvert les yeux sur notre destinée, et nous  
                  cherchons autant que cela se peut, de lui  
                  donner des bases sûres et certaines. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Voici ce qu'écrit de nous un  
                  auteur américain:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Ils sont sans pouvoir énergique pour veiller  
                     aux intérêts de tous, pour assurer la prospérité de  
                     leurs côtes maritimes et de l'intérieur du pays, celle  
                     du commerce et de l'agriculture où ils semblent  
                     être nos rivaux, pour établir l'uniformité dans leur  
                     tarif et leurs impôts, et hâter l'exploitation des  
                     grandes ressources des pêcheries, des mines et  
                     autres!"  
                    
               
               
               
               C'est la un point de vue de la position de  
                  ces provinces que je recommande à l'attention  
                  de mes hon. amis de Chateauguay et d'Hochelaga. Je leur demanderai si c'est là  
                  la vérité, et si cette situation n'est pas celle  
                  que nous occupons depuis longtemps? Or,  
                  le résultat de l'union projetée sera de faire  
                  disparaître cet état de choses. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Je crois, en effet, que lorsque ces  
                  colonies seront unies ensemble, qu'elles agiront de concert et qu'elles seront seront
                  animées  
                  par un sentiment de dépendance et d'intérêt  
                  mutuels, le résultat sera d'accroître 1eur  
                  richesse et leur industries et d'augmenter leurs  
                  
                  
                  446
                  
                  forces. D'un autre côté, je suis convaincu  
                  que l'un des grands avantages de l'union  
                  projetée sera de nous élever au-dessus de  
                  nos luttes de localités et de nous faire agir  
                  en citoyens d'un grand pays entre les mains  
                  desquels sont confiées des destinées propres  
                  à éveiller l'énergie d'un grand peuple. Mais  
                  il est un autre avantage pratique que je crois  
                  d'une grande importance en ce moment.  
                  Liés comme nous le sommes à l'Angleterre par  
                  les liens les plus étroits, et jouissant d'institutions représentatives, l'Angleterre
                  se trouve  
                  forcée d'agir pour nous dans toutes questions  
                  d'une nature internationale; mais, lorsque  
                  toutes les provinces seront réunies sous un  
                  seul gouvernement général capable de voir  
                  à tout et de surveiller les divers intérêts,  
                  nous pourrons alors représenter à l'Angleterre ce que sont ces intérêts, au nom de
                  
                  tous et avec une force et une autorité que  
                  nous n'avions pas jusque là;—nous pourrons y attirer l'attention de la métropole de
                  
                  manière à lui faire apprécier et favoriser  
                  ces intéréts dans ses négociations avec l'étranger. Comme exemple de ce que je dis,
                  je  
                  citerai le traité de réciprocité, au sujet  
                  duquel je me permettrai de lire un extrait  
                  remarquable du rapport présenté à la  
                  chambre des représentants des Etats-Unis,  
                  en 1862, par le comité du commerce, sur  
                  cette question. Je signale cet extrait à  
                  l'attention de cette chambre pour montrer  
                  jusqu'à quel point les Etats-Unis ont profité  
                  de notre position isolée, et de l'absence de  
                  pouvoir central parmi nous, pour se procurer  
                  par ce traité des avantages qu'ils n'auraient  
                  certainement pas demandés ni obtenus, si  
                  nous avions pu faire valoir, dans les  
                  négociations qui eurent lieu à ce sujet,  
                  les avantages qu'offraient le Canada et les  
                  provinces maritimes. Au lieu d'avoir à  
                  traiter avec chacune des provinces, les  
                  hommes d'état des Etats-Unis eussent eu à  
                  négocier avec les représentants des intérêts  
                  réunis de l'Amérique Britannique du Nord.  
                  Sous ce rapport, l'extrait que je vais lire est  
                  remarquabe autant que par la source d'où  
                  il émane. Voici comment le rapport s'exprime  
                  au sujet des résultats naturels du traité et de  
                  son abrogation:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Le premier résultat et la conséquence natuturelle du traité fut d'opérer dans notre
                     commerce  
                     avec le Canada une augmentation considérable et réciproquement avantageuse. Plusieurs
                     
                     causes de dispute disparurent et notre commerce  
                     s'accrut considérablement avec les provinces maritimes. Aussi, les arguments fondés
                     sur les résultats du traité en général avec les diverses provinces  
                     
                     
                     
                     ont-ils une valeur incontestable et évidente contre  
                     l'abrogation complète et sans restriction du traité,  
                     en autant que cette abrogation concerne les provinces dont on n'a pas eu à se plaindre.
                     On ne  
                     comprend pas assez la condition isolée et presque  
                     sans relations des divers gouvernements de ces  
                     provinces entre eux, ainsi que leur manque de responsabilité envers un centre commun.
                     Nous n'avons  
                     aucunement à nous plaindre de Terreneuve, de  
                     l'Ile du Prince-Edouard, de la Nouvelle-Ecosse et  
                     du Nouveau-Brunswick. Ces diverses provinces  
                     de même que le Canada ont toutes un tarif et une  
                     législature distinctes, et aucune n'en doit de  
                     compte à l'autre. C'est pourquoi l'abrogation du  
                     traité en général serait un manque de foi envers  
                     les autres provinces, dans le cas où il serait à propos  
                     de la décréter à l'égard des Canadas; on ne saurait  
                     non plus faire valoir en faveur du Canada les avantages que donne le traité dans les
                     provinces maritimes. Chacune de ces provinces a fait sa propre  
                     convention et en a donné et reçu l'équivalent  
                     qu'elle en attendait."  
  
               
               
               
               (Ecoutez! écoutez!) 
 
               
               
               
               C'est la un exemple de quelque importance,  
                  et je crois que les mêmes principes devront  
                  s'appliquer à toutes les questions que nous  
                  aurons à traiter par l'entremise de la métropole avec les gouvernements étrangers.
                  Du  
                  moment que nous ne serons plus isolés les  
                  uns des autres nous pourrons présenter un  
                  front respectable et faire valoir les avantages  
                  à retirer des pêcheries inépuisables des  
                  provinces d'en-bas de même que du Canada.  
                  (Ecoutez! écoutez!) On a parlé très souvent  
                  durant ce débat de la question des défenses  
                  coloniales. Je crois qu'on ne peut mettre  
                  en question que ce serait pour le bien, non- seulement de l'Angleterre, mais encore
                  de  
                  chacune des provinces qu'il y eut sur des  
                  sujets tels que la milice, les lois relatives  
                  aux aubains, à la neutralité et autres de  
                  même espèce, une législation générale et  
                  uniforme; —que l'acte d'une de ses colonies  
                  pouvant pousser l'Angleterre à la guerre, il  
                  y eut dans toutes les provinces anglaises  
                  uniformité et entente d'action sur tous les  
                  sujets de politique nationale et internationale.  
                  Il m'est difficile de ne pas prévoir qu'il  
                  résulterait d'un tel système les avantages les  
                  plus grands. Il n'entre pas dans mes attributions de traiter la question des défenses;
                  
                  je laisse cette tâche à de plus compétents;  
                  mais comment ne pas croire au rôle considérable qui serait réservé à l'Amérique  
                  Britannique du Nord dans l'histoire de ce  
                  continent en adoptant un système uniforme  
                  de milice et de marine?  
 
               
               
               
                
               
               
               
               M. MORRIS—L'hon. monsieur n'a pas  
                  
                  
                  447
                  
                  manqué, j'en suis sûr, d'écouter avec beaucoup d'intérêt le discours du président
                  du  
                  conseil; par conséquent, il a pu apprendre  
                  que nous possédions une marine dont tout  
                  pays pourrait être fier, marine engagée  
                  toute entière dans une industrie honnête  
                  et qui nous permet d'être aujourd'hui la  
                  troisième puissance maritime du monde  
                  entier. Viennent les époques critiques,—plaise  
                  à Dieu que ce soit le plus tard possible!—  
                  et l'on verra le golfe St. Laurent et les  
                  lacs se couvrir de braves pour défendre  
                  le pays. (Ecoutez! écoutez!) Une autre  
                  observation que je ferai c'est que sous le  
                  régime projeté les intérêts locaux seront  
                  mieux sauvegardés, car c'est ma ferme conviction que tous les intérêts locaux recevraient
                  
                  une bien plus grande somme d'attention, du  
                  moment que les législatures provinciales  
                  n'auraient plus à s'occuper de ces grandes  
                  questions générales qui absorbent nécessairement aujourd'hui une partie si considérable
                  de leur temps et de leurs études.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Je me contenterai  
                  maintenant d'indiquer brièvement un ou  
                  deux avantages incidents qui ne feront que  
                  s'accroître avec le temps, de notre position  
                  de provinces unies de l'empire britannique.  
                  Je n'ai pas l'intention à cette heure de la  
                  nuit de fatiguer mon hon. auditoire (cris:—  
                  non! non!—continuez) en prouvant par  
                  des chiffres quelle sera l'impulsion donnée  
                  au commerce intercolonial entre les provinces d'en-bas et celles des Indes Occidentales.
                  Ceux qui s'occupent de commerce se  
                  rappellent encore l'étendue des affaires qui  
                  se faisait, il y a quelques années, avec les  
                  Indes Occidentales et qui ont cessé depuis  
                  par suite de diverses circonstances. Eh  
                  bien! mon opinion est, qu'une fois l'union  
                  des colonies de l'Amérique Britannique du  
                  Nord consommée, il se fera, non seulement  
                  entr'elles un grand commerce en produits  
                  agricoles et autres dont les provinces d'en- bas tirent aujourd'hui leur approvisionnement
                  des Etats-Unis, mais encore le commerce se rétablira avec les îles des Indes  
                  Occidentales. Ayant pris la peine, il y a  
                  déjà quelque temps, de compulser certaines  
                  statistiques, quelle ne fut pas ma surprise  
                  de voir l'importance des relations commerciales qui existaient, il y a vingt-cinq
                  ans,  
                  entre nos provinces et ces îles; je n'ai aucun  
                  doute aujourd'hui qu'en effectuant l'union  
                  proposée, nous ne soyions en état d'établir  
                  notre commerce sur un tel pied que nous  
                  nous pourrons ouvrir de nouveau les sources  
                  précieuses de celui des Indes Occidentales.  
 
               
               
               
               
               
               L'
HON. M. HOLTON —Alors que ne  
                  comprenez-vous aussi les Indes Occidentales  
                  dans votre projet de confédération?  
  
               
               
               
               M. MORRIS—En vérité, mon hon. inter- rupteur montre on ne peut plus de désir  
                  d'étendre le cercle de la confédération! (on  
                  rit)—Je le connais comme fédéraliste depuis  
                  de longues années, et je suis convaincu qu'il  
                  ne veut rien tant que de nous voir aller plus  
                  vite: aussi, mon opinion est-elle qu'une fois  
                  le projet actuel accompli il n'en soit l'un des  
                  plus chauds défenseurs. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Je me permettrai, M. l'ORATEUR, de citer  
                  quelques phrases d'une lecture faite, il y  
                  a quelques années, par M. le principal  
                  DAWSON, de Montréal, et qui, né à la  
                  Nouvelle-Ecosse, connaît à fond les provinces maritimes. Voici ses paroles:—  
  
               
               
               
               "Leurs progrès en population et en richesse  
                  sont lents comperés à ceux de l'Amérique Occidentale, quoiqu'égaux en moyenne à ceux
                  de l'union  
                  américaine et plus rapides que ceux des anciens  
                  états. Leur agriculture marche à grands pas vers  
                  le progrès, leurs entreprises industrielles et l'exploitation des mines prennent tous
                  les jours de  
                  l'accroissement, et il s'y construit nombre de voies  
                  ferrées pour les mettre en rapport avec les parties  
                  plus reculées de l'intérieur du continent. Ces  
                  provinces possèdent, comme la Grande-Bretagne,  
                  des mines importantes qui ne se trouvent pas chez  
                  leurs voisins, et les moyens les plus avantageux de  
                  se livrer au commerce et à l'industrie. (C'est pourquoi elles devront avoir avec les
                  Etats-Unis, le  
                  Canada et les pays du Nord-Ouest, 1es mêmes relations d'affaires que l'Angleterre
                  entretient avec  
                  l'Europe occidentale, centrale et septentrionale. La  
                  nature a fait d'elles le grand terminus océanique de  
                  l'immense vallée du St. Laurent, dont le commerce,  
                  attiré un moment à force d'énergie et d efforts à  
                  travers le barrière naturelle que la Providence a  
                  élevée entre lui et les ports de mers américains,  
                  devra finir par reprendre sa direction naturelle. On  
                  verra alors non seulement les villes du St. Laurent  
                  s'unir par la communauté des intérêts les plus  
                  forts, mais encore se rattacher à l'Acadie par des  
                  liens encore plus intimes que n'en peut produire  
                  seule une union politique. Les immenses produits  
                  des vastes et beaux pays de l'Ouest s'achemineront  
                  vers l'Atlantique et vers les marchés principaux  
                  de l'ancien monde, par le St. Laurent et les provinces du golfe. Le surplus des produits
                  agricoles  
                  du Canada trouvera des consommateurs à sa porte,  
                  chez les mineurs, les charpentiers de navire, les  
                  marins et les pêcheurs de l'Acadie qui lui enverront en échange les trésors de ses
                  mines et de ses  
                  pêcheries. La nature des choses semble rendre  
                  inévitable la fusion définitive de toutes les populations qui avoisinent le grand
                  fleuve et ses tributaires, et l'établissement sur ses bords de l'une des  
                  principales artères commerciales du continent de  
                  l'Amérique,—et l'on voit aujourd'hui même un  
                  vaste champ s'ouvrir à l'industrie et aux capitaux  
                  en vue de ce magnifique résultat."  
 
               
               
               
               Tels seront aussi, je crois, les résultats  
                  de ce que nous entreprenons de faire en ce  
                  
                  
                  448
                  
                  moment. (Ecoutez! écoutez!) En terminant,  
                  je désire signaler à l'attention de tous, les  
                  avantages que nous procurera l'établissement  
                  de l'immense région située en arrière de nous,  
                  l'Amérique centrale du Nord, plus connue  
                  sous le nom de Nord-Ouest, avantages que  
                  la confédération pourra seule nous mettre en  
                  état de recueillir. Car, si les Canadiens ne  
                  font aucun effort de ce côté et continuent de  
                  laisser l'énergie et l'activité américaines  
                  poursuivre leur cours, il arrivera inévitablement que la colonisation et l'exploitation
                  de  
                  ce grand territoire passeront aux mains des  
                  citoyens de la république voisine. La question est du plus grand intérêt pour le 
                  
                  Canada. Il y a déjà bon nombre d'années,  
                  l'industrie canadienne avait atteint le Nord- Ouest par la vallée de l'Outaouais,
                  et en  
                  1798, la companie du Nord-Ouest comptait  
                  pas moins de 12,000 employés: pourquoi ce  
                  commerce ne se rétablirait-il pas comme  
                  autrefois entre cette région et le Canada?  
                  Car, enfin, quels sont les obstacles insurmontables que s'y opposent? Il existe déjà
                  entre  
                  les deux pays une route par terre et par eau,  
                  et je ne vois pas pourquoi nous ne prendrions pas les mesures nécessaires pour  
                  développer les ressources de cette immense  
                  région et la rendre tributaire du Canada.  
                  (Ecoutez! écoutez!)—Il a donc été sage 
                  de la part des auteurs du plan actuel  
                  d'indiquer, comme l'une des principales  
                  raisons de leur oeuvre, la nécessité du développement du Nord-Ouest, pour la sécurité
                  et le progrès des intérêts, le plus  
                  chers de l'Amérique Britannique du Nord.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Si la chambre veut  
                  bien me le permettre, M. l'ORATEUR, je  
                  demanderai à mes hon. auditeurs de réfléchir  
                  un moment sur l'étendue du territoire de  
                  cette région Un auteur américain, qui l'estime  
                  à 2,500,000 milles carrés, en parle dans les  
                  termes suivants:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Quel est l'équivalent de cette étendue? C'est  
                     quinze fois et demi plus grand que l'Etat de la  
                     Californie, environ trente-huit fois aussi grand  
                     que l'Etat de New-York, près de deux fois aussi  
                     grand que trente-et-un états de l'Union, et en  
                     exceptant le territoire du Nébraska, aussi considérable que tous nos états et territoires
                     combinés. "  
  
               
               
               
               On trouve, entre les parties établies du  
                  Canada et la région de la Rivière Rouge, des  
                  étendues de terres arables de 200,000 acres,  
                  offrant tous les moyens de communication  
                  possible par eau et par terre; aussi, je ne  
                  m'étonne pas que feu SIR GEORGE SIMPSON,  
                  dans la relation de son voyage autour du  
                  
                  
                  
                  monde, et racontant qu'il était passé de  
                  Montréal à la Rivière Rouge et de là au Pacifique ait été frappé des avantages extraordinaires
                  qu'offre ce pays et qu'il se soit écrié  
                  en présence de la magnifique navigation  
                  intérieure qu'il y aperçut:—  
 
               
               
               
               "Quel bonheur pour l'imagination du philantrope que de devancer le présent et d'apercevoir
                  
                  dans l'avenir ce cours d'eau superbe, trait d'union  
                  de deux lacs aux bords fertiles, couvert de bateaux  
                  à vapeur et baigner de ses eaux les cités populeuses  
                  et riches élevées sur ses rives!" —  
 
               
               
               
               (Applaudissements.) 
 
               
               
               
               SIR GEORGE SIMPSON n'était pas, on le sait,  
                  homme à se laisser emporter par l'impulsion  
                  du moment, mais à la vue du spectacle qui  
                  s'offrait à lui, il lui a été impossible de ne pas  
                  exprimer son admiration dans les termes  
                  pompeux que je viens de citer. Jetons les  
                  yeux un moment sur la région de la Saskatchewan, de l'Assiniboine et de la Rivière
                  
                  Rouge avec ses 10,000 colons et formant le  
                  noyau d'une province future, le noyau autour  
                  duquel pourrait venir se masser l'immigration qui y serait dirigée pour constituer
                  une  
                  section puissante de la confédération. Ce  
                  pays embrasse 360,000 milles carrés, et la  
                  Rivière Rouge, le lac Winipeg et la Saskatchewan forment une ligne de communication
                  par eau de 1,400 milles. Quelle est  
                  maintenant la nature du sol du pays? Je  
                  citerai sur ce sujet le professeur HIND qui  
                  appelle la vallée de la Rivière Rouge et une  
                  grande partie du pays baigné par l'Assiniboine, son tributaire—"un paradis de fertilité". Il n'en saurait parler qu'en termes  
                  d'étonnement et d'admiration, et ajoute que  
                  la nature du sol comme terre arable ne peut  
                  être surpassée:—et il le prouve par les paroles  
                  suivantes:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Tous les produits agricoles qui viennent en  
                     Canada réussissent très-bien dans le district de  
                     l'Assiniboine qui, comme pays arable, prendra un  
                     jour rang parmi les plus remarquables."  
                    
               
               
               
               Le climat, de son côté, ne présente aucune  
                  difficulté; pour s'en convaincre, nous n'avons qu'à ouvrir l'excellent ouvrage qui
                  se  
                  trouve dans notre bibliothèque, et intitulé:  
                  Blodgett's Climatology, dans lequel l'auteur démontre, que le climat de la côte  
                  nord-ouest et des pays de l'intérieur dans  
                  la direction du lac Winipeg, est le contraire  
                  de celui que l'on trouve sous la même latitude sur les bords de l'Atlantique, et est
                  très- favorable à la colonisation. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Je vais maintenant, M. l'ORATEUR, faire connaître à cette chambre  
                  
                  
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                  l'étendue de territoire que nous possédons  
                  dans les provinces de l'Atlantique et du  
                  Pacifique: les premières comprennent le  
                  Bas-Canada, qui contient une superficie de  
                  201,989 milles carrés; le Haut-Canada, dont  
                  la superficie est de 148,882 milles carrés;  
                  le Nouveau-Brunswick, dont la superficie est  
                  de 27,700 milles carrés; la Nouvelle-Ecosse,  
                  dont la superficie est de 18,746 milles carrés;  
                  l'Ile du Prince-Edouard, dont la superficie  
                  est de 2,134 milles carrés; Terreneuve, dont  
                  la superficie est de 35,918 milles carrés;  
                  donnant un total de 435,814 milles carrés—  
                  qui, ajouté aux 5,000 milles du Labrador,  
                  forme un grand total de 440,314 milles  
                  carrés, renfermant une population d'environ  
                  4,000,000 d'âmes. Les provinces du Pacifique sont la Colombie Anglaise, qui contient
                  
                  200,000 milles carrés; l'Ile de Vancouver,  
                  qui en contient 12,000, et le territoire de la  
                  Baie d'Hudson (y compris l'Amérique  
                  Centrale) qui en contient 2,700,000. (Ecoutez! écoutez!) Il ne me reste plus maintenant
                  qu'à remercier la chambre de la patience  
                  avec laquelle elle a bien voulu entendre mes  
                  observations. M'étant levé à une heure  
                  très-avancée et au moment où la chambre  
                  paraissait fatiguée, je n'ai pas cru devoir  
                  trop prolonger la discussion, et j'ai abrégé  
                  ce que j'avais à dire. C'est ainsi que je 
                  n'ai traité que superficiellement beaucoup  
                  de points sur lesquels je me serais étendu,  
                  n'eussent été les raisons que je viens de  
                  donner. Avant de finir, j'oserai exprimer  
                  l'espoir que ce grand projet ne sera pas  
                  accueilli avec esprit de parti; car, si jamais 
                  un plan soumis à une législature a mérité qu'on mit tout esprit de parti de  
                  côté, c'est celui-là. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Il est évident que dans la chambre on compte  
                  une grande majorité en faveur du projet, et  
                  bien que cette dernière accorde à la minorité  
                  le droit qui lui appartient—celui de faire  
                  connaître ses objections—ce n'en est pas  
                  moins une très grande preuve que ceux qui  
                  composent cette majorité croient faire ce  
                  qui est le mieux pour le pays en appuyant  
                  cette mesure, que le peuple sanctionnera à  
                  la première occasion qui lui sera donnée de  
                  réélire ceux de ses représentants qui auront  
                  voté pour le projet. (Ecoutez! écoutez!)  
                  C'est le devoir de ceux qui sont en faveur  
                  du projet—et je crois qu'une grande  
                  majorité y voit de nombreux avantages  
                  pour nous—et je suis fermement persuadé  
                  qu'ils doivent à leurs commettants, au pays  
                  et au grand empire dont nous faisons partie,  
                  
                  
                  
                  de le mettre le plutôt possible à exécution.  
                  Je suis heureux, M. l'ORATEUR, en passant  
                  en revue les trois années pleines d'événements qui se sont écoulées depuis que je
                  
                  suis député à cette chambre, de pouvoir dire  
                  que la première fois que j'eus l'honneur de  
                  prendre ici la parole (en 1861) ce fut en faveur  
                  d'un projet analogue à celui que nous discutons en ce moment, car alors je me prononçai
                  
                  pour un gouvernement général des provinces  
                  de l'Amérique Britannique du Nord avec  
                  des législatures locales. La question de la  
                  représentation d'après le nombre était alors  
                  sur le tapis, et voici en quels termes j'exprimai mon opinion à cet égard:  
 
               
               
               
               
                  
                  "J'ai la confiance que l'on trouvera des hommes  
                     capables de régler équitablement cette question  
                     et de présenter une mesure dont le pays sera satisfait. Il se pourrait que cette mesure
                     serait à l'effet  
                     d'amener les différentes provinces de l'Amérique  
                     du Nord à une union établie sur des bases donnant  
                     au peuple de chaque province le droit de régir ses  
                     propres affaires intérieures, et au gouvernement  
                     général le contrôle et l'administration des affaires  
                     d'un commun intérêt, le tout de manière à assurer  
                     la consolidation de la puissance britannique sur ce  
                     continent." 
                   
               
               
               
               J'ai toujours eu cette opinion depuis que je  
                  suis capable de réfléchir sur les destinées de  
                   ce pays, et je demande qu'il me soit permis  
                  de citer encore une partie d'un discours que  
                  je prononçai en 1859. Passant alors en revue,  
                  comme je l'ai fait ce soir à la hâte, l'étendue  
                  de nos possessions et les grands avantages  
                  que nous pourrions retirer de l'union que  
                  l'on se propose de mettre à effet, voici  
                  quelle opinion j'exprimai dans un essai  
                  sur le territoire de la Baie d'Hudson et du  
                  Pacifique dont je fis la lectures Montréal:  
                  " Avec deux puissantes colonies sur le  
                  Pacifique, avec une autre ou plus des  
                  colonies dans la région située entre le  
                  Canada et les Montagnes Rocheuses, avec un  
                  chemin de fer et un télégraphe reliant l'Atlantique au Pacifique, et nos voies de
                  communication intérieure et sur mer auxquelles le  
                  commerce donnera de l'extension, qui peut  
                  douter de la réalité de l'avenir brillant qui  
                  se prépare pour le grand empire britannique  
                  du nord! Des hommes à vues étroites, des  
                  égoïstes, enfin, pourront nous dire que tout  
                  cela n'est qu'un rêve de l'imagination; mais  
                  le temps opère des merveilles, et lorsque  
                  nous dirigerons notre regard vers l'est, l'ouest  
                  et le nord, quand nous faisons défiler devant  
                  nous les populations de l'Acadie et du Canada,  
                  du Nord-Ouest, de la Colombie et des possessions du Pacifique, qui sont les maitres
                  d'un  
                  
                  
                  450
                  
                  territoire aussi vaste, d'un aussi riche héritage, et quand nous nous rappelons les
                  progrès  
                  rapides qui ont transformé es anciennes colonies américaines en une des puissanccs
                  de  
                  la terre, qui peut douter que l'avenir ne fera  
                  pas de ces provinces anglaises un grand  
                  Empire britannique du nord, une nouvelle  
                  nation anglaise qui, avant longtemps, peuplera  
                  tout le nord de ce continent, ou plutôt  
                  comme on l'a très bien dit, une Russie, mais  
                  une Russie anglaise, c'est-à-dire libre et  
                  civilisée, bornée en face par le sud, à l'arrière  
                  par le pôle, et ayant à sa droite et à sa gauche  
                  l'Atlantique et le Pacifique reliée par un  
                  télégraphe et une voie ferrée." (Applaudissements!) Tel est, M. l'ORATEUR, l'avenir
                  
                  que j'entrevois et que tous les enfants du  
                  sol entrevoient. Je sais que si le peuple de  
                  ces provinces anglaises reste fidèle à lui-même  
                  et que les hommes d'état de l'Angleterre  
                  font leur part pour remédier à cette grande  
                  crise qui figurera dans notre histoire nationale, ce que nous promet l'avenir se réalisera.
                  
                  Nous aurons la gloire d'appartenir à un  
                  grand pays encore lié à la couronne d'Angleterre, mais nous n'en serons pas moins
                  libres,  
                  puisque nous jouirons des bienfaits d'un  
                  gouvernement responsable. Je suis convaincu  
                  que cette union produira les plus heureux  
                  résultats possibles. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Tout en remerciant la chambre de la bienveillante attention qu'elle m'a prêtée, je
                  
                  termine en disant que le projet en vertu  
                  duquel nous demandons au parlement impérial de légiférer pour nous, est a à la fois
                  sage  
                  et judicieux, et mérite l'appui zélé des  
                  représentants du peuple de cette province.  
                  Quant à moi, je lui assure mon vote et lui  
                  donne mon approbation la plus cordiale.  
                  (Bruyants applaudissements!)  
 
               
               
               
               M. M. C. CAMERON propose l'ajournement des débats, et cette proposition est  
                  adoptée.