Cinquième jour
Salle du conseil, Upper Fort Garry
Samedi 29 janvier 1870
Dix heures — Les représentants anglais et français se rassemblent à nouveau.
Après lecture et adoption du procès-verbal et une fois l'appel pris,
D Bird, Secrétaire du comité chargé de dresser la Déclaration des droits, présente la liste
préparée par le comité, qui est remise aux Secrétaires. Le document contient une liste
d'exigences pour le cas où le pays deviendrait un Territoire du Dominion.
M. Riel déclare – Le comité qui a préparé cette Liste des droits n'a pas eu beaucoup de temps
et y a travaillé presque sans relâche au cours des quarante-huit heures passées. M.
Jas. Ross est Président et D Bird Secrétaire. En ce qui concerne notre travail, nous
n'avons pas l'intention d'exposer tout ce qui s'est dit et fait. Nous avons décidé
de faire un rapport aux délégués sur les points sur lesquels nous sommes tombés d'accord,
sans expliquer davantage les détails de nos délibérations. Je puis dire au nom du
comité que nous avons fait de notre mieux, dans la mesure du possible, pour nous pencher
sur les principales questions, et nous nous en remettons aux membres de la Convention
pour finir le travail que nous avons commencé (acclamations).
M. Ross, en sa qualité de Président du comité, tient à dire quelques mots avant la lecture
du document. Nous avons pris très au sérieux notre responsabilité lors de l'établissement
de ce document, dit-il. Nous avons eu beaucoup de difficulté à arriver à des conclusions
qui touchent si profondément le bien-être du pays et c'est pour cette raison que,
malgré le temps additionnel que vous avez bien voulu nous accorder, nous nous avons
vraiment eu l'impression que le temps manquait. Nous sommes restés ici presque jusqu'à
trois heures ce matin et sommes revenus à huit heures pour terminer, car nous étions
très désireux de permettre aux membres de la Convention de reprendre la séance ce
matin, comme prévu (acclamations). Pour être justes envers nous-mêmes, nous devons
dire qu'en raison des circonstances, nous avons dû remettre le document sous une forme
très brute et qu'il nous serait désagréable qu'il soit présenté ainsi au public. Nous
devons donc vous demander d'être indulgents, si vous trouvez que la forme laisse à
désirer. J'aimerais dire en outre que lorsque vous examinerez les conclusions auxquelles
nous sommes arrivés, nous aimerions que vous le fassiez avec calme et de façon amicale
(acclamations).
Le
Président — En tant que porte-parole des membres de la Convention, je ne peux qu'exprimer mon
approbation cordiale en ce qui concerne les remarques de M. Riel et M. Ross. Les délégués
comprennent bien le sentiment de responsabilité avec lequel le comité a exécuté cette
tâche particulièrement importante. Je suis certain que les délégués sauront examiner
ce document avec le calme demandé et en reconnaissant qu'il a été préparé avec le
plus grand soin. Il est possible que le document contienne des points de nature à
frapper profondément différents membres de différentes façons, mais nous ne devons
pas nous laisser emporter par nos premières – ni même peut-être nos secondes – réactions.
Le travail d'une lime progresse très lentement, mais n'oublions pas qu'au bout d'un
moment, l'objet est bien poli. Et, en nous efforçant de produire un bon document,
nous devons en quelque sorte imiter le travail de la lime et faire de notre mieux
avec patience pour que le document, au bout du compte, soit satisfaisant (acclamations).
La Déclaration des droits est alors remise aux Secrétaires et lue en anglais et en
français.
M. O'Donoghue propose que les membres de la Convention étudient la Liste des droits, article par
article, et que, si possible, l'examen soit terminé ce soir-là.
Le
Président — En ce qui concerne le document à l'étude, je tiens à dire un ou deux mots. Le comité
a déclaré que, tout en ayant fait de son mieux pour préparer ce document, il ne souhaitait
pas le présenter comme un document définitif et complet que les membres de la Convention
n'auraient peut-être pas besoin de modifier, mais comme un document qui, selon le
comité, contient les principaux points à traiter à l'occasion de ces négociations
avec M. Smith, en sa qualité de Commissaire du Canada. Il est donc important que les
membres sachent que ce document est à présent à l'étude et qu'il ne doit pas être
présenté comme représentant notre décision définitive avant d'avoir été examiné minutieusement,
comme l'ont demandé les membres du comité.
M. Fraser propose, sous forme d'amendement, que la séance soit suspendue pendant une heure.
M. O'Donoghue ayant retiré son amendement, la proposition de M. Fraser est mise aux voix et adoptée,
et la séance est levée à midi.
Une heure de l'après-midi — Reprise de la séance.
Examen de la Liste des droits, article par article :—
« 1. Qu'étant donné la position actuellement exceptionnelle du Nord-Ouest, les droits
sur les marchandises importées dans le pays continuent d'être imposés au taux actuel
(4 pour cent) pendant _____ ans ou plus, jusqu'à l'existence d'un moyen de communication
ininterrompue entre Winnipeg et St. Paul. »
M. O'Donoghue propose que l'on remplisse le blanc en insérant le chiffre « 5 ». Ce chiffre avait
été utilisé dans un autre article qui portait sur la construction d'un chemin de fer
jusqu'à ce pays.
M. Bunn — Je n'aime pas l'idée de fixer le nombre d'années à cinq. Bien que nous ayons demandé
au Canada de construire un chemin de fer dans les cinq ans, cela ne signifie pas nécessairement
qu'il ne sera pas construit plus rapidement.
M. Ross — Je tiens à exprimer ce que je considère comme une objection à la résolution de
M. O'Donoghue, pour la forme. Il propose que l'on exige la poursuite des droits pendant
cinq ans, ou pendant le temps qu'il faudra pour que la communication par voie de chemin
de fer soit établie. Ceci semble impliquer qu'il s'écoulera peut-être plus de cinq
ans avant que nous ayons un chemin de fer, alors que nous demandons expressément plus
loin que la communication par chemin de fer soit établie dans les cinq ans.
M. O'Donoghue — Je n'ai pas d'objection à ce que l'on précise que les droits actuels ne continueront
d'être imposés que jusqu'à ce que le chemin de fer soit construit.
Le
Président — Pourquoi devrions-nous préciser une durée? Bien que l'on envisage la construction
d'un chemin de fer entre ce pays et le Canada, rien n'est certain. Cet article semble
être fondé sur le fait que notre situation est si particulière que nous devons avoir
une garantie en ce qui concerne l'exemption de taxes additionnelles ou bien avoir
un chemin de fer. Dans ce cas – et en sachant que le Canada nous dit, sans que nous
l'exigions, que nous serions exemptés de droits pendant deux ans – pourquoi donc ne
pas accepter cette garantie pour la durée mentionnée? Acceptons donc la période proposée
par le Canada et disons : que la période soit de deux ans, ou qu'elle dure jusqu'au
moment où une communication ininterrompue sera établie.
M. O'Donoghue — M. Black considère que le Canada a bien voulu nous donner deux ans d'exemption.
Personnellement, je considère qu'il y était obligé et que nous lui avons arraché cette
exemption. Je ne considère pas, étant donné le fait que nous sommes à l'heure actuelle
indépendants, que le Canada soit en mesure de nous dire quoi faire. Je substituerais
le chiffre « 3 » au « 5 » et j'ajouterais « ou jusqu'à ce qu'on ait établi une communication
directe ».
On suggère d'ajouter les mots « par chemin de fer ou bateau à vapeur » après « ininterrompue »
et la suggestion est adoptée.
M. Boyd — À présent, le chemin de fer américain arrive presque à Georgetown. Un bateau à
vapeur pourrait naviguer cet été entre Georgetown et Winnipeg et le Gouvernement du
Canada aurait alors une communication ininterrompue par chemin de fer et bateau à
vapeur, et pourrait nous imposer une augmentation des droits (bravos).
M. Sutherland ne voit pas comment, en hiver par exemple, on pourrait dire qu'il y a une communication
ininterrompue par bateau à vapeur (rires).
M. O'Donoghue propose que l'on insère les mots « chemin de fer ».
M. Cummings trouve que le mot « Winnipeg » est déplacé dans cet article, parce que la compagnie
de chemin de fer pourrait ne pas considérer que c'est là le meilleur terminus.
Les mots « Colonie de la Rivière-Rouge » sont insérés à la place de « Winnipeg ».
M. Scott met les membres en garde contre le fait de limiter considérablement la période durant
laquelle les droits actuels doivent se poursuivre. Nous demandons que les droits soient
peu élevés parce que le transport de marchandises coûte très cher, mais si l'on ne
construit qu'un seul chemin de fer, le fret ne diminuera pas beaucoup.
M. K. McKenzie demande autant de chemins de fer qu'on peut en obtenir.
M. Gunn — Et si nous disions : jusqu'à ce qu'on établisse une communication par chemin de
fer ou une bonne communication par eau entre ici et le Lac Supérieur?
M. Bunn approuve les remarques de M. Scott. Il ne fait pas de doute que nous aurons un chemin
de fer, que nous le demandions ou non. La demande de charte sera présentée durant
la prochaine session du Parlement canadien. On pourrait améliorer la motion de M.
O'Donoghue en y ajoutant : « jusqu'à ce qu'une communication ininterrompue par chemin
de fer soit établie avec le Lac Supérieur ».
Les membres sont d'accord et le paragraphe est modifié en conséquence.
M. Sutherland suggère un autre amendement. À l'heure actuelle, certaines marchandises sont exemptées
de droits, tandis que d'autres – tels les spiritueux – sont grevées de droits plus
élevés que quatre pour cent. Il faudrait modifier l'article pour refléter ceci.
M. Ross — Dans l'une des listes – car le comité en a dressé plusieurs – on avait noté l'exception
relative aux spiritueux, mais ceci s'est perdu par la suite lorsque la liste a été
recopiée.
L'article est modifié en conséquence.
Un membre soulève une objection à l'emploi du mot « et plus », etc. et propose que l'on remplace
ce mot par « ou ». Cette proposition n'est pas adoptée. L'article est mis aux voix
et adopté sous la forme suivante :
« 1. Qu'étant donné la position actuellement exceptionnelle du Nord-Ouest, les droits
sur les marchandises importées dans le pays continuent d'être imposés au taux actuel
(les spiritueux exceptés) pendant trois ans et plus, jusqu'à l'existence d'une communication
ininterrompue par chemin de fer entre la Colonie de la Rivière-Rouge et le Lac Supérieur. »
L'article 2 est examiné ensuite :
« Que pendant cette période, , il n'y ait aucune autre taxe directe, si ce n'est celles
qui pourraient être imposées par la Législature pour des intérêts municipaux ou locaux ».
M. Fraser, appuyé par M. Klyne, propose que l'on adopte cet article.
En accord avec un amendement proposé par
M. Riel, appuyé par M. O'Donoghue et adopté, on enlève les mots « pendant cette période »
et on les remplace par « tant que ce pays demeure un Territoire de la Puissance du
Canada ».
L'article est adopté.
Ensuite, l'article 3 est examiné :
« 3. Que pendant la période en question, toutes les dépenses militaires, civiles et
autres dépenses publiques liées à l'administration générale du pays, ou ayant été
jusque-là payées par les fonds publics de la Colonie, qui dépassent les droits perçus
mentionnés ci-dessus, soient payées par la Puissance du Canada. »
M. Bunn propose l'adoption de l'article en remplaçant les mots « pendant la période en question »
par « pendant la période où ce pays sera un Territoire de la Puissance du Canada».
Article 4 :
« 4. Que, tandis que les dépenses publiques de ce Territoire seront prises en charge
par le Canada, le pays soit gouverné par un Lieutenant-Gouverneur du Canada et une
Législature composée de _____ personnes, dont _____ seront choisies par le peuple
et _____, choisis parmi les dirigeants de ministères du Gouvernement, seront nommés
par le Gouverneur Général du Canada."
M. Bunn propose que l'on remplisse les blancs avec les chiffres 20, 15 et 5, ce qui voudrait
dire que la Législature serait constituée de 20 représentants, dont 15 de la Rivière-Rouge
et 5 nommés par le Gouverneur Général.
M. Riel propose, sous forme d'amendement, que le Gouverneur Général ne puisse nommer que
deux représentants.
M. Riel — Il s'agit là d'une question importante au sujet de laquelle nous devons prendre
une décision, et il arrivera un moment où ceci sera plus évident.
M. Laronce — La principale question est de savoir combien de représentants du Canada nous sommes
prêts à avoir. Nous pouvons décider nous-mêmes du nombre de nos propres représentants.
M. Bunn — Je tiens à faire remarquer que, bien que le Gouverneur Général ait le pouvoir de
nommer certains dirigeants de ministères, cela ne signifie pas qu'il nommera des Canadiens.
M. Riel — Si nous pouvions être sûrs que ces dirigeants de ministères seraient choisis ici,
cela ferait toute la différence.
Le
Président — Je ne pense pas que la proposition de ne donner au Canada que deux représentants
serait bien reçue par le Canada. Si nous avons quinze représentants et qu'ils en ont
cinq, nous avons sans aucun doute une voix prépondérante, bien assez forte pour contrôler
nos affaires (acclamations). Si nous pensons à ce que le Canada va faire pour nous
et que nous analysons les avantages que le pays tirera du Gouvernement du Canada —
si nous considérons combien le pays, de par son union avec le Canada, gagnera en importance,
il me semble que la proportion de deux contre dix-huit est injuste pour le Canada.
Je suis, bien entendu, favorable à ce que la Rivière-Rouge ait prépondérance au sein
de la Législature, mais avec quinze représentants pour cinq du Canada, il me semble
que nous devrions être satisfaits.
M. O'Donoghue — Lorsque le Canada a instauré un Conseil ici, il l'a fait en pensant qu'il n'y avait
personne ici qui pouvait gérer les affaires publiques du Territoire. Encore une fois,
à l'occasion de notre entrée dans la Confédération, les avantages auxquels nous nous
attendons doivent venir en grande partie du Dominion. Je pense donc que deux de ces
messieurs futés du Canada pour dix-huit d'entre nous serait suffisant.
M. Riel s'exprime en français et dit, selon l'interprétation de M. Ross – J'approuve tout
à fait les remarques de M. O'Donoghue. Je vois les choses ainsi : si le Canada tient
particulièrement à avoir une représentation forte au sein de ce Conseil, cela montre
qu'il a l'intention de défendre les droits de la Confédération plus que les intérêts
de ce pays.
M. Sutherland suggère de faire un compromis et propose que le Canada ait quatre représentants plutôt
que deux.
M. Riel — Disons trois et demi (rires).
Mr Thibert — Le Canada a déclaré que nous étions des ignorants. Si c'est en effet son opinion,
il devrait se satisfaire de trois membres, qui ne devraient avoir aucun problème pour
nous mystifier (rires).
M. Bunn — Je ne fais qu'agir dans l'intérêt de ce pays lorsque je vous conjure de permettre
au Canada de nommer un nombre raisonnable de représentants. Nous avons devant nous
une occasion en or de garantir nos intérêts; ne la perdons pas en nous montrant intolérants
et peu généreux (acclamations). Nous sommes réunis ici en vue de conclure un marché
avec le Canada et pourvu que nous puissions conclure le meilleur marché possible,
cela est suffisant.
M. Thibert suggère que l'on devrait permettre trois représentants [illisible : pour le Canada,
en plus?] du Gouverneur.
M. K. Mackenzie — Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que beaucoup de gens viennent du Canada.
Les gens d'ici connaissent mieux nos affaires et leur gestion que les Canadiens.
M. D. Gunn — Je suis aussi désireux que n'importe qui de conclure un marché avantageux, mais
je pense que nous n'irions pas trop loin en permettant au Canada d'avoir trois ou
quatre représentants en plus du Gouverneur.
M. Cummings — Je vote pour la motion d'origine. Je suis certain que parmi les personnes présentes
dans cette salle, il y en aura qui obtiendront des charges importantes dans le nouvel
ordre des choses. Le Premier ministre est peut-être même parmi nous (acclamations
et rires).
M. Flett (en français) – Je suis favorable à la suggestion de M. Thibert, qu'il y ait trois
représentants du Canada, en plus du Gouverneur. Nous n'avons pas besoin de limiter
le nombre de nos représentants. Nous en avons beaucoup et les Sang-Mêlé ne sont jamais
avides, bien qu'ils prennent leur bonne part (rires). Je crois comprendre que M. Riel
est d'accord pour trois en plus du Gouverneur.
M. Riel — Je n'ai pas dit cela, mais je vais retirer mon amendement et déclarer qu'il doit
y avoir trois représentants du Canada, avec le Gouverneur, en laissant aux membres
de la Convention le soin de décider combien de représentants de ce pays il devrait
y avoir.
M. Bunn — L'amendement de M. Riel empire les choses, car il oblige le Gouvernement canadien
à avoir trois représentants et nous permet d'envoyer autant de représentants que nous
le souhaitons. Nous pourrions ainsi leur donner une représentation proportionnelle
encore moins importante que ce qui a été proposé précédemment.
À l'issue d'autres discussions,
M. Riel dit – Pour ma part, j'aimerais que le pouvoir du Canada dans ce pays soit limité.
C'est cela que je veux.
M. O'Donoghue propose instamment qu'on laisse de côté la question du nombre de représentants de
la Rivière-Rouge, étant donné que le pays n'est pas encore divisé en districts et
qu'il n'y a pas eu de recensement.
Une fois que certains membres se sont exprimés,
M. O'Donoghue propose, sous forme d'amendement à l'amendement, que le nombre de membres de la Législature
soit égal au nombre de membres de l'ancien Conseil, c'est-à-dire vingt-quatre, et
que le pays soit divisé en vingt-quatre districts.
Personne n'ayant appuyé la motion, elle est radiée.
M. Fraser — À mon avis, vingt représentants suffiraient à la gestion de nos affaires locales.
À mesure que notre population augmentera, nous pourrions avoir le pouvoir d'augmenter
le nombre de représentants proportionnellement.
M. O'Donoghue — Je veux un bon nombre de représentants, car je pense que quand il y en a beaucoup,
il y a moins de risque de corruption. Si nous n'étions que quelques-uns, nous pourrions
être avides.
Dr
Bird pense que l'on avait déjà fixé le nombre total de représentants à vingt. Personne
n'a proposé un amendement pour modifier ce chiffre. M. Bunn avait proposé quinze et
cinq, et à ceci, M. Riel avait répondu par un amendement, proposant que le Canada
ne nomme que trois représentants. En ce qui concerne l'argument de M. O'Donoghue,
à savoir que le Canada lui-même n'a demandé que deux représentants et que nous étions
très généreux en lui permettant d'en avoir trois, il a peut-être un certain poids,
si ce n'est qu'en demandant deux représentants, il était entendu que le Conseil serait
composé de quinze membres en tout. Je pense qu'en cette affaire, nous avons fait preuve
d'un grand manque de générosité. Vous constaterez lorsque nous discuterons d'un autre
article, que nous allons demander quatre sièges au Parlement canadien, c'est-à-dire
deux, ou plutôt quatre fois plus que maintenant. Si nous en demandons tant, nous devrions
donner l'exemple en matière de générosité (bravos).
M. O'Donoghue — Nous n'en sommes pas encore à l'article en question.
M. Ross — Je propose, sous forme d'amendement, que la Législature soit composée de seize
représentants locaux et que quatre soient nommés par le Canada. Ces derniers peuvent
être résidents de la Colonie, mais même s'ils sont étrangers, cela ne fait toujours
que quatre pour seize d'entre nous. Si nous remarquions à un moment ou à un autre
que ces quatre-là essayaient de nous tromper ou de faire quoi que ce soit contre nos
intérêts, si nous constations des sournoiseries ou des tentatives d'utilisation de
moyens détournés pour nous influencer, quel serait le résultat? Ce genre d'attitude
servirait uniquement à unir nos seize représentants contre ces quatre personnes (acclamations)
et à assurer ainsi leur défaite. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas que nous ayons
à craindre quatre hommes, d'où qu'ils viennent, contre nos seize représentants (bravos).
Quelles que soient leurs origines, nous pouvons choisir, même dans cette salle, des
hommes tout aussi valables qu'eux (acclamations). Il me semble y avoir des raisons
d'accorder une bonne représentation au Canada. Nous avons conclu un bon marché avec
le Canada, qui va dépenser une grosse somme d'argent dans ce pays. Et bien que je
sois certain que, si on nous laissait le soin de répartir cet argent, nous le ferions
justement, ceux qui sont prêts à dépenser cet argent sont loin de nous et doivent
se sentir un peu inquiets en ce qui concerne l'attribution de ces fonds. Je suis donc
d'avis de leur accorder sans détour une représentation raisonnable. Il est approprié
de leur donner quatre représentants, car il y a actuellement quatre Provinces dans
la Confédération et il semble raisonnable de permettre à un représentant de chaque
Province d'être parmi nous et de voir comment l'argent est utilisé. Laissez-leur quatre
représentants, et si nous pouvons obtenir l'argent en leur donnant ce nombre de représentants,
d'après moi, le marché est bon.
M. O'Donoghue — Je pense que quatre, sur un total de vingt, c'est trop. Et en ce qui concerne l'argent
qui doit être envoyé ici, je pense que les gens sont assez honnêtes pour le dépenser
à bon escient. Les dépenses ainsi faites seront engagées dans l'intérêt du Dominion
et elles lui rapporteront cent fois plus. En outre, je pense que l'amendement de M.
Ross n'est pas acceptable puisque M. Bunn en a proposé un semblable.
M. Riel, après avoir traduit en français les remarques de M. O'Donoghue, dit – Je continue
à ne pas être du tout d'accord pour permettre au Canada de nommer un si grand nombre
de représentants. En revenant sur ma position première et en donnant mon accord pour
trois représentants au lieu de deux, je me suis presque senti coupable. Nous n'avons
pas à plier devant le Canada dans cette affaire. Le Canada vient ici pour s'enrichir.
Notre pays est plus grand que les quatre Provinces de la Confédération mises ensemble
et le Canada ne va pas hésiter à venir ici pour un représentant de plus ou de moins.
L'amendement de M. Ross est mis aux voix et défait, avec la répartition suivante :
Oui – 19; Non – 20.
On en vient ensuite à l'amendement de M. Riel, à savoir que le Canada ne nomme pas
plus de trois représentants.
M. Sutherland propose que les chiffres soient de dix-huit et trois – proposition radiée.
Celui-ci est mis aux voix et adopté.
Le quatrième article se lit donc ainsi :
« 4. Que, tandis que les dépenses publiques de ce Territoire seront prises en charge
par le Canada, le pays soit gouverné par un Lieutenant-Gouverneur du Canada et une
Législature dont trois membres, choisis parmi les dirigeants de ministères du Gouvernement,
seront nommés par le Gouverneur Général du Canada ».
La séance est levée à sept heures trente du soir, pour reprendre à une heure de l'après-midi
lundi.