LUNDI, 27 février 1865.
 
               
               
               
               M. DUNKIN —M. l'ORATEUR:—Presque  
                  tous ceux qui ont pris la parole dans le cours  
                  de ce débat ont commencé en disant qu'ils  
                  le faisaient avec hésitation et embarras;  
                  pour ma part, je serais heureux si je pouvais  
                  commencer autrement; mais j'avoue que je  
                  ne le puis, car je ne me suis certainement  
                  jamais levé pour adresser la parole à cette  
                  chambre, ou à aucun autre corps public, avec  
                  un sentiment d'aussi grand embarras que  
                  celui que j'éprouve maintenant. Il m'est  
                  impossible, occupant la position dans laquelle  
                  je me trouve placé, de ne pas m'avouer que  
                  je suis opposé à des adversaires puissants  
                  
                  
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                  par le nombre, et qu'il existe ici une détermination formée d'avance contre les idées
                  
                  que je désire soumettre à la chambre. Il  
                  m'est impossible de ne pas m'avouer que les  
                  considérations sur lesquelles je désire attirer  
                  l'attention de la chambre sont si nombreuses  
                  et si complexes, que je ne puis leur rendre  
                  justice sans dépasser mes forces à parler, et  
                  sans lasser votre patience à m'écouter. Les  
                  intérêts en jeu sont aussi tellement grands,  
                  —beaucoup plus que tous ceux qui ont  
                  jamais été impliqués dans aucune question  
                  soumise jusqu'ici à la considération de cette  
                  chambre—et les difficultés provenant de la  
                  question sont tellement formidables, grâce en  
                  grande partie à ce que je dois appeler les nomreuses réticences que contient le projet
                  qui  
                  nous a été soumis, et l'ambiguïté des expressions qui le caractérise d'un bout à l'autre,
                  
                  que le courage de ceux qui tentent de la discuter est sérieusement mis à l'épreuve.
                  Je  
                  sens, de plus, que je ne puis me servir aucunement de ces remarques qui, plus que
                  toute  
                  autre chose, rendent un discours agréable  
                  à entendre; car je ne puis ni prophétiser de glorieux évènements, ni m'étendre  
                  sur les merveilleux progrès qui devront  
                  résulter de la confédération dans l'avenir.  
                  De plus, il semble que l'on veuille hâter  
                  la fin de ces débats le plus promptement  
                  possible, et chacun parait être si impatient  
                  de voir clore la discussion, que l'on ne  
                  peut guère espérer pouvoir exposer ses idées  
                  aussi au long qu'on le désirerait et qu'on le  
                  devrait sur ce projet. Je sens même que  
                  mes facultés physiques ne sont pas ce  
                  qu'elles sont d'ordinaire, et que je ne puis  
                  supporter autant de fatigue qu'autrefois. Je  
                  m'adresse à la chambre dans un état de santé  
                  qui me rend moins capable qu'à l'ordinaire  
                  de supporter la lutte. Je prie donc les  
                  membres de cette chambre de tenir compte  
                  de toutes ces circonstances, et de croire  
                  que mon désir est d'exposer aussi brièvement  
                  que possible, et aussi véridiquement que je  
                  pourrai, mes profondes convictions sur la  
                  question qui est maintenant devant la  
                  chambre. (Ecoutez! écoutez!) Je ressens  
                  si fortement, M. l'Orateur, mon incapacité  
                  à discuter cette question comme je le désirerais, que je suis presque obligé de me
                  
                  reposer sur l'indulgence des hon. membres,  
                  —que je ne puis m'empêcher de dire que  
                  j'aurais couru le danger de reculer devant le  
                  devoir de prendre la parole, si je ne m'étais  
                  rappelé que j'ai vu maintes et maintes fois,  
                  dans des luttes presque aussi décourageantes  
                  
                  
                  
                  que celle-ci, que " la course n'a pas été  
                  gagnée par le plus vif, ni la bataille par le  
                  plus fort,"—que maintes et maintes fois j'ai  
                  vu ceux qui entraient dans ces luttes avec  
                  les plus grandes espérances en sortir tout  
                  déconfits. (Ecoutez! écoutez!) Je sais,—et  
                  d'autres le savent aussi—que la conviction  
                  générale de ceux auxquels je m'adresse ce  
                  soir, relativement à cette question, est que  
                  quelle que soit la force du sentiment populaire qui paraît exister en faveur des idées
                  
                  que je dois combattre, elle n'est pas le  
                  résultat réfléchi d'une étude approfondie  
                  de toute la question; c'est un sentiment  
                  de croissance spontanée et d'une nature  
                  éphémère. (Ecoutez! écoutez!) Mais avant  
                  de procéder plus loin, l'on me permettra  
                  d'accepter très distinctement le défi que  
                  l'on a lancé plus d'une fois de l'autre  
                  côté de la chambre à propos de la manière  
                  dont cette question devait être discutée.  
                  J'admets volontiers et affirme sincèrement  
                  qu'elle ne devrait pas être discutée autrement  
                  que comme une grande question, qu'il faut  
                  examiner entièrement d'après ses propres  
                  mérites. Ce n'est pas une question de parti,—  
                  ce n'est pas une question de personnes,—ce  
                  n'est pas une question d'intérêt passager,  
                  ou de localité, ou de classe,—et ce n'est pas  
                  une question que l'on peut résoudre au  
                  moyen de ces appels auxquels on a trop  
                  souvent recours. Elle ne doit pas être  
                  résolue sur le terrain de la simple théorie,  
                  ou par la critique des simples détails. Elle  
                  exige, de fait, que l'on s'en occupe immédiatement comme étant une question de  
                  principe, et aussi comme étant une question  
                  de détails. Elle embrasse une multitude de  
                  détails, et il faut nécessairement examiner  
                  avec soin tous ces détails. La question  
                  qui se présente est donc réellement celle ci:  
                  —Sur le tout, en les examinant dans leur  
                  ensemble, les détails de ce grand projet  
                  sont-ils de nature à recommander le  
                  rejet lui-même à notre approbation, ou ne  
                  le sont-ils pas? (Ecoutez! écoutez!) Je  
                  m'engage à discuter la question à ce point  
                  de vue. Je ferai mon possible pour éviter  
                  toute digression ou toute allusion personnelle.  
                  Je vais tâcher de traverser le terrain dangereux que j'ai devant moi sans éveiller
                  de  
                  susceptibilités. Je ne sais si j'y parviendrai, mais au moins je m'efforcerai de le
                  
                  faire. Cependant, je dois répéter dès l'abord  
                  que personne ne peut rendre justice à une  
                  question comme celle-ci, et en commencer  
                  la discussion avec l'idée d'en laisser les  
                  
                  
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                  détails de côté. Voici une mesure que l'on  
                  nous propose d'accepter, incorporée dans 72  
                  résolutions,—lesquelles résolutions affirment  
                  beaucoup plus que 72 propositions,—et qui  
                  se rattache à presque tous les principes que  
                  l'on sait se rapporter à la théorie et à la  
                  pratique du gouvernement populaire. Je  
                  dis que c'est un projet qui est aussi complexe et aussi vaste que l'on puisse l'imaginer,
                  et les déclamations à propos des  
                  premiers principes ne peuvent être d'aucune  
                  utilité réelle dans sa discussion, et ne peuvent  
                  servir qu'à égarer le jugement à son égard.  
                  Nous n'avons pas à nous occuper d'une  
                  simple question abstraite de nationalité, ou  
                  d'union ou de désunion, ou d'une union fédérale par opposition à une union législative.
                  
                  Il est inutile de parler vaguement du maintien  
                  de nos relations avec la mère-patrie, ou de  
                  faire de magnifiques spéculations sur les  
                  résultats probables de notre indépendance,  
                  ou de présenter aveuglément ce projet comme  
                  étant un préservatif certain contre l'annexion  
                  aux Etats-Unis. Ces généralités faciles et  
                  eu coûteuses sont parfaitement inutiles.  
                  La seule question est: comment ce projet,  
                  dans son ensemble, fonctionnera-t-il? Et  
                  C'est là une question à laquelle il n'est pas  
                  facile de répondre; c'est une question qui  
                  exige beaucoup de patience et une étude  
                  approfondie des détails. Et c'est là la  
                  question que je vais tâcher de discuter du  
                  mieux qu'il me sera possible, si la chambre  
                  veut me prêter son attention. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Je me permettrai de dire encore,  
                  en commençant, que je n'aborde pas cette  
                  question à un point de vue nouveau. J'ai  
                  toujours été et je suis encore unioniste dans  
                  la plus stricte et la plus large acception du  
                  mot. Je désire perpétuer l'union entre le  
                  Haut et le Bas- Canada. Je désire voir se  
                  développer la plus grande union qui puisse  
                  se développer,—de quelque nom qu'on la  
                  décore,—entre toutes les colonies, provinces  
                  et possessions de la couronne britannique.  
                  Je désire maintenir cette intime union qui  
                  devrait exister,—mais qui malheureusement  
                  n'existe pas comme elle le devrait,—entre  
                  le gouvernement impérial et toutes ces possessions. Je suis surtout un unioniste qui
                  
                  ne désire pas voir le Haut et le Bas-Canada  
                  désunis. (Ecoutez! écoutez!) Ce projet ne  
                  se présente pas du tout à mon esprit comme  
                  étant un projet d'union; et si les hon.  
                  messieurs de l'autre côté veulent bien  
                  admettre la vérité, ils reconnaîtront qu'en  
                  fait il n'est rien autre chose qu'un projet de  
                  
                  
                  
                  désunion entre le Haut et le Bas-Canada.  
                  (Ecoutez! écoutez!) J'avoue que je suis  
                  irréconciliablement opposé a cette partie du  
                  projet. Je répète que je ne désire pas voir  
                  le Haut et le Bas-Canada plus séparés qu'ils  
                  ne le sont aujourd'hui; au contraire, je  
                  désire les voir former une union plus intime.  
                  Et loin de regarder ce projet comme cimentant plus intimement les liens qui rattachent
                  
                  ces provinces à l'empire britannique, je le  
                  regarde comme tendant à produire, à une  
                  époque peu éloignée, une séparation complète  
                  entre nous et la mère-patrie. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Ma position, relativement à ce  
                  projet, est celle d'un homme qui désire  
                  voir cette union se perpétuer, et non pas  
                  celle d'un homme qui voudrait voir la désunion entre aucune des parties constituantes
                  
                  de l'empire britannique. Je maintiens que  
                  l'on devrait prendre des moyens convenables pour prévenir notre séparation d'avec
                  
                  l'empire britannique et notre absorption par  
                  les Etats-Unis, et que ce projet ne tend  
                  aucunement à cela. Je n'ai aucun goût pour  
                  les formes ou institutions démocratiques ou  
                  républicaines, ni même pour les révolutions  
                  ou nouveautés politiques d'aucune espèce.  
                  Les mots " création politique" ne sont pas  
                  de moi. (Ecoutez!) Je pense que la puissance de créer est un attribut beaucoup plus
                  
                  élevé que ceux qui appartiennent à l'homme,  
                  dans l'ordre politique connue dans tout autre  
                  département de l'univers. Tout ce que nous  
                  pouvons faire est de surveiller et développer  
                  les progrès ordinaires de nos institutions; et  
                  si nous voulons que ces progrès soient solides  
                  et durables, il faut qu'ils soient lents et bien  
                  muris. Il faut que les changements politiques  
                  soient aussi lents, aussi fermes, que ceux qui  
                  conviennent à la croissance visible dans le  
                  monde physique. Je crois à ce développement graduel de nos institutions; mais je 
                  
                  n'ai aucune confiance dans ces changements  
                  violents et subits qui ont pour objet la création  
                  de quelque chose d'entièrement nouveau. Et  
                  je crains que ce projet ne soit précisément de  
                  nature à empêcher ce développement lent,  
                  graduel et sain que je voudrais voir s'opérer.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Si je pouvais être  
                  étonné de quelque chose en politique, M.  
                  l'Orateur, je serais étonné de la tentative  
                  faite par quelques uns des hon. messieurs qui  
                  siègent sur les banquettes ministérielles, de  
                  représenter l'opinion publique sur ce sujet  
                  comme n'ayant pas ce caractère de soudaineté,  
                  de nouveauté et d'instabilité que je lui ai  
                  assigné. L'on a été obligé d'avoir recours,  
                  
                  
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                  pour se donner un semblant de preuve à  
                  l'appui de cette prétention, à. des expressions  
                  d'opinions individuelles depuis longtemps  
                  oubliées, à des clauses que l'on dit avoir  
                  formé partie de projets de lois que l'on ne  
                  peut retrouver et dont on n'a jamais eu  
                  connaissance, à des motions dont on menaçait  
                  les partis, mais qui n'ont jamais été faites, et  
                  aux petites passes d'armes des temps anciens,  
                  à dater des jours de l'acte du commerce du  
                  Canada à venir à l'époque actuelle. (Ecoutez!)  
                  Mais je ne poursuivrai pas cette argumentation plus loin: cela n'en, vaut pas la peine.
                  
                  Nous savons tous que, au moins depuis l'époque  
                  de l'union du Canada, jusqu'à tout dernièrement, rien de semblable à la discusion
                  sérieuse  
                  de la nécessité ou de l'inutilité d'une union  
                  fédérale, ou d'aucune union que'conque  
                  entre les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, n'a jamais occupé le moindrement
                  l'esprit public. Je ne me reporterai ici  
                  qu'à 1858, lorsque le sixième parlement fut  
                  élu, et je passerai en revue, aussi succinctement que possible, les quelques points
                  de  
                  notre histoire politique depuis cette époque,  
                  pour prouver l'exactitude de ce que j'avance,  
                  bien qu'en réalité il ne soit guère nécessaire  
                  d'argumenter pour établir ce fait. Lors de  
                  l'élection de 1857-8, quelles étaient en réalité  
                  les questions devant le pays? On peut les  
                  énoncer bien facilement. De fait, j'en prends  
                  le résumé dans le 
Globe, qui était alors l'organe  
                  du grand parti populaire du Haut-Canada,  
                  en ne mentionnant cependant que ce qui est  
                  important. La grande demande de l'opposition du Haut-Canada, qui donnait le ton  
                  à toutes les controverses politiques de  
                  l'époque, était la représentation basée sur la  
                  population, sans égard à. la ligne de démarcation entre le Haut et le Bas-Canada.
                  Cette  
                  question, disait-on, embrassait toutes les  
                  autres. La représentation sur le nombre  
                  était demandée comme devant sûrement  
                  amener avec elle toutes les autres réformes  
                  réclamées par ce parti. Elle devait lui permettre de s'opposer efficacemcnt à ce que
                  l'on  
                  appelait les subventions sectaires, à la possession de propriétés foncières en main-morte
                  
                  pour des objets sectaires, et aux écoles  
                  séparées établies sur ce principe. Elle était  
                  demandée dans le but avoué d'obtenir une  
                  législation uniforme, à. l'avenir, pour les  
                  deux sections de la province,—et aussi ce  
                  dont on parlait comme l'assimilation des  
                  institutions qui existaient dans les deux  
                  sections de la province,—mais ce qui voulait  
                  réellement dire l'assimilation de celles du  
                  
                  
                  
                  Bas-Canada à celles du Haut, beaucoup plus  
                  que celles du Haut-Canada à celles du Bas.  
                  (Ecoutez! écoutez!) On la demandait dans  
                  le but d'obtenir ce qu'on appelait le libre  
                  échange, c'est-à-dire, une politique commerciale anti-Bas-Canadienne. On la demandait
                  
                  dans le but d'obtenir l'établissement du  
                  Nord-Ouest, ou en d'autres termes, l'agrandissement relatif du Haut-Canada. On la
                  
                  demandait aussi, sans doute, dans le but  
                  d'obtenir ce que l'on appelait une réforme  
                  administrative,—l'expulsion du pouvoir d'un  
                  certain nombre d'hommes que l'on disait être,  
                  pour diverses raisons, indignes de le posséder.  
                  Mais les grandes questions dont je viens de  
                  parler, venaient en premier lieu; celle des  
                  hommes, en second. (Ecoutez!) L'on déclarait que le grand but était d'obtenir une
                  
                  prépondérance de la représentation Haut- Canadienne sur le parquet de cette chambre,
                  
                  —afin de mettre un terme à tout ce qui avait  
                  trait aux subventions sectaires, à la possession  
                  de biens en main-morte, et aux écoles séparées;  
                  de rendre uniforme notre législation, d'assimiler nos institutions, de mettre en pratique
                  
                  une politique commerciale anti-Bas-Canadienne, et de s'assurer du Nord-Ouest pour
                  
                  l'agrandissement du Haut-Canada. De cette  
                  manière, la question du Haut-Canada contre  
                  le Bas-Canada. était incontestablement soulevée. Quel devait être nécessairement le
                  
                  résultat d'un appel de cette nature? Il était  
                  facile de prévoir que le Haut-Canada élirait  
                  une majorité de ses représentants favorable  
                  à ces demandes, et le Bas-Canada une immense majorité qui y serait opposée. Je ne
                  
                  rappelle pas ceci pour évoquer le fantôme  
                  des animosités passées. Je ne fais que  
                  démontrer ce que l'on ne peut nier, — que  
                  personne à cette époque ne parlait on ne  
                  s'occupait de cette magnifique idée de  
                  l'union des provinces, par une confédération  
                  ou autrement. (Ecoutez! écoutez!) La session s'ouvrit. Ceux qui eurent l'avantage
                  ou  
                  le désavantage de siéger dans le parlement  
                  à cette époque se rappelleront l'énorme contraste qui se produisit entre tous les
                  débats qui  
                  avaient rapport à cette catégorie de sujets,  
                  et le seul débat que l'on essaya de soulever,    
                  mais infructueusement, sur la question de  
                  la confédération des provinces. Avec toute  
                  son habileté, — et il est peu d'hommes plus  
                  habiles que l'hon. député qui entreprit à  
                  cette époque d'amener cette question devant  
                  la chambre,—avec toute son habileté, dis-je,  
                  et le très sérieux effort qu'il fit pour en saisir  
                  la chambre, il put à peine se faire écouter.  
                  
                  
                  489
                  
                  Personne ne s'occupait de ce sujet; et tout  
                  le monde sentait que c'était le cas. Bientôt  
                  après eut lieu une crise ministérielle. Un  
                  nouveau gouvernement exista pendant quelques heures et exposa un programme politique,
                  mais ce programme n'était pas, non  
                  plus, le programme actuel. Il ne touchait  
                  pas à. cette question. (Ecoutez! écoutez!)  
                  I1 proposait de s'occuper de la représentation  
                  basée sur la population en y appliquant un  
                  système de contre-poids ou de garanties,  
                  pour faire ou essayer de faire quelque chose  
                  qui pût diminuer l'objection du Bas-Canada  
                  à un changement réclamé comme celui-là  
                  l'avait été. Mais ce fut tout. Ce gouvernement tomba, — tomba instantanément, — et
                  
                  un autre le remplaça. Le ministre des  
                  finances actuel, — l'hon. député de Sherbrooke,—_ qui n'avait pu, malgré toute son
                  
                  habileté, parvenir à être écouté sérieusement  
                  lorsqu'il avait proposé la confédération des  
                  provinces, entra dans ce nouveau gouvernement, et persuada à ses collègues de se 
                  
                  présenter à la chambre et au pays avec cette  
                  question de confédération comme faisant  
                  partie de leur programme politique. L'on  
                  me pardonnera, j'espère, si je place ici un  
                  seul mot qui soit d'une nature personnelle,  
                  et si je dis en passant que, lorsque cette  
                  idée fut émise, (comme elle l'était par un  
                  gouvernement dont j'étais aussi ferme partisan qu'aucun homme en cette chambre), 
                  
                  je ne manquai pas de faire savoir que si  
                  jamais elle était présentée à la chambre  
                  comme mesure pratique par ce gouvernement, je cesserais d'être (en ce qui avait  
                  rapport à cette question) l'un de ses partisans. (Ecoutez! écoutez!) Ce n'était pas
                  
                  la première fois que j'y avais pensé. Je  
                  l'avais étudiée depuis longtemps; et toutes  
                  mes réflexions sur ce sujet n'ont fait que  
                  fortifier chaque jour mes convictions qu'elle  
                  n'était pas favorable—Mais comment cette  
                  idée fut-elle alors présentée? Elle ne fut  
                  lancée que comme un ballon d'essai, et seulement pour neutraliser le projet dont l'administration
                  BROWN—DORION avait présenté un  
                  aperçu au pays. Le feu de l'un devait éteindre  
                  les brûlures de l'autre. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Le plan de ce gouvernement était de faire  
                  des propositions au gouvernement impérial  
                  et aux gouvernements des provinces maritimes. Mais comment? Si vous voulez  
                  gagner un point, vous l'exposez à ceux  
                  à qui vous vous adressez, de la manière  
                  la plus propre à les induire à dire: oui.  
                  Ce projet fut suggéré au gouvernement im 
                  
                  
                  
                  périal, et aux habitants et gouvernements des  
                  provinces d'en-bas, précisément de la manière la plus repre à les induire à dire:
                  
                  non. On leur dit:—"Nous sommes dans un  
                  si grand embarras; nous avons des questions  
                  politiques qui nous causent tant de troubles  
                  et de soucis, que nous ne savons pas si nous  
                  pourrons marcher, à moins que vous ne  
                  soyiez assez bons pour entrer dans cette union  
                  avec nous. " (Ecoutez! écoutez!) C'est  
                  exactement comme si, étant dans les affaires,  
                  j'allais trouver cinq ou six capitalistes  
                  en leur disant:—" Je suis endetté, mes  
                  finances sont épuisées, je n'ai aucune  
                  aptitude pour les affaires; aidez-moi en  
                  entrant en société avec moi. ou je suis  
                  ruiné." (Ecoutez! écoutez!) Si le but avait  
                  été de ne pas réussir, il me semble que ces  
                  messieurs n'auraient pas pu prendre un  
                  meilleur moyen d'y arriver. Et nous avons  
                  vu aussi, qu'aussitôt que l'on se fût aperçu  
                  que les provinces d'en- bas ne voulaient pas,—  
                  comme, sous les circonstances, elles ne pouvaient pas,—dire oui à une proposition
                  de  
                  cette nature, et que le gouvernement impérial eût abandonné le projet, notre administration
                  le laissa aussi tomber. Nous n'en  
                  entendîmes plus parler. Les dépêches furent  
                  déposées sur notre table en 1859, mais personne ne fit la 'moindre question à leur
                  sujet.  
                  L'enfant était mort-né, et personne ne s'occupa de son baptême. (Ecoutez! et rires.)
                  
                  Nous continuâmes avec nos anciennes questions: la représentation basée sur la population,
                  — le Haut-Canada contre le BasCanada,—les mesures en grande partie,—  
                  mais les hommes avant tout. Et nous nous  
                  querellâmes et combattîmes presque à propos  
                  de tout, mais nous ne consacrâmes ni une  
                  pensée ni une parole à la gigantesque question  
                  de la confédération des provinces. (Ecoutez!  
                  écoutez!) En peu de temps nous arrivâmes  
                  à une nouvelle crise,—celle de 1862. Et  
                  depuis l'époque de cette crise, et la formation de l'administration MACDONALD- SICOTTE,
                  jusqu'à l'époque où l'administration  
                  actuelle reçut, l'été dernier, sa conformation  
                  actuelle, la grande demande faite aux partis  
                  et aux hommes politiques par tout le pays, a  
                  été de mettre de côté l'ancienne question des  
                  mesures, et de nous occuper beaucoup plus,  
                  pour ne pas dire exclusivement, de la question  
                  des hommes. (Ecoutez! écoutez!) Je ne  
                  blâme personne; je ne soulève pas la question  
                  de savoir si l'on a eu tort ou raison des ivre  
                  cette conduite. Ceux qui l'ont suivie peuvent  
                  avoir été les plus purs patriote, les hommes  
                  
                  
                  490
                  
                  d'état les plus éclairés que le monde ait  
                  jamais vus, pour ce que j'en sais. Tout  
                  ce que je veux dire, c'est que, soit à tort,  
                  soit à raison, soit pour le bien ou pour  
                  le mal, le fait est que l'esprit public ne  
                  s'occupait pas le moins du monde de la question de confédération Après avoir combattu
                  
                  pendant longtemps, principalement à propos  
                  des mesures, et secondairement à propos des  
                  hommes, nous fûmes subitement appelés, en  
                  1862, à ne rien considérer que la question  
                  des hommes qui devaient tout faire pour le  
                  mieux, et qui devaient tout régler honnêtement et justement, et ainsi de suite. La
                  
                  représentation basée sur la population fut  
                  incontestablement—pour un temps au moins  
                  —reléguée sur les tablettes, et déclarée une  
                  question secondaire, presque sans importance. Elle avait été à moitié reléguée  
                  quelque temps auparavant;—elle le fut  
                  complètement alors. Elle fut à peine descendue des tablettes en 1863, que le gouvernement
                  Macdonald-Dorion la remit simplement à la place qu'elle avait longtemps  
                  occupée sans aucune utilité pratique sous  
                  l'administration Cartier Macdonald.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Tel était donc l'état  
                  des affaires,—personne ne pensant ou ne  
                  s'occupant de cette grande question,—jusqu'à  
                  ce que, durant la dernière session du parlement, l'hon. député de South Oxford, le
                  
                  président actuel du conseil exécutif, proposa et obtint la nomination d'un comité
                  au  
                  sujet des changements constitutionnels en  
                  général. Cet honorable monsieur fit certainement quelque chose de très adroit, en
                  
                  incorporant dans sa motion des extraits de  
                  la malheureuse défunte dépêche de MM.  
                  Cartier, Galt et Ross.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—C'est un ancien proverbe  
                  qui dit: " Rira bien qui rira le dernier."  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Sans doute! Mais je ne  
                  tiens'pas à plaisanter sur une question que  
                  je regarde comme très sérieuse; et, sérieusement parlant, je crois que l'hon. procureur-
                  général a grand tort de plaisanter. Il nous  
                  reste encore à voir, en premier lieu, si la  
                  chose se fera, et ensuite si elle se fait, si elle  
                  réussira.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. McGEE —Si elle se fait, il  
                  serait bon qu'elle se fasse promptement.
*   
               
               
               
               
               
               M. DUNKIN—L'hon. ministre de l'agriculture connait trop bien son Shakespeare  
                  pour qu'il soit nécessaire de lui rappeler que  
                  la chose qui devait s'accomplir dans la citation  
                  qu'il fait était une très mauvaise chose.  
                  L'hon. monsieur peut tirer tout le profit  
                  qu'il pourra de sa citation:" lf 'twere done  
                  when 'tis done, then 'twere well it were done  
                  quickly." " Si elle est faite quand elle est  
                  faite, alors il vaut mieux qu'elle soit faite  
                  promptement." Mais revenons à ce que je  
                  disais. Il était adroit, incontestablement  
                  adroit, de la part de l'hon. député de South  
                  Oxford, de citer dans la dépêche des hon.  
                  messieurs (qui étaient alors, soit dit en  
                  passant, opposés au gouvernement du jour et à  
                  lui-même) une expression d'opinion presque  
                  identique à la sienne. Il fit nommer son  
                  comité. Personne ne s'y opposa beaucoup.  
                  L'on m'a dit que je me rendais coupable  
                  d'une espèce d'inconséquence en m'opposant  
                  à cette mesure après avoir voté pour la nomination de ce comité. Il est difficile
                  d'admettre  
                  cette logique. J'ai certainement parlé et  
                  voté en faveur de ce comité, mais pour la  
                  raison expresse que je croyais qu'il ne pro  
                  duirait aucun mal, et qu'au contraire il  
                  pourrait avoir le bon effet d'amener d'autres  
                  membres de cette chambre à la conclusion à  
                  laquelle j'en étais depuis longtemps arrivé  
                  moi-même. Je n'avais donc aucune objection  
                  a ce comité, et j'en fis partie. Je ne révèlerai  
                  par ce que l'on a appelé les secrets du  
                  comité: comme dans beaucoup d'autres cas  
                  semblables, il y avait bien peu de chose dans  
                  ces secrets. En conséquence d'accidents  
                  tout à fait étrangers à cette question de  
                  confédération, le rapport du comité fut présenté précisément le même jour qu'un vote
                  
                  fut donné indirectement adverse à l'administration Taché-Macdonald. Le rapport  
                  lui-même fut un accident. Toute allusion qui  
                  s'y trouve à propos d'une fédération quelconque n'y fut insérée qu'au dernier moment
                  
                  et sans que personne ne s'y attendit. Ce  
                  n'est pas violer le secret que de dire que le  
                  chef de cette chambre, le procureur-général  
                  du Haut-Canada, vota contre ce rapport,  
                  bien qu'il soit aujourd'hui le principal promoteur de ce projet. Ce fait se trouve
                  dans  
                  les procès-verbaux imprimés. Les hon. députés  
                  de Cornwall et de Elgin Ouest votèrent aussi  
                  contre le rapport. Il y avait cinq autres  
                  membres,—je suis fâché de dire que j'étais  
                  du nombre, — qui étaient absents, mais  
                  si j'eus été présent, j'aurais certainement  
                  voté aussi contre le rapport. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Et, M. l'Orateur, ceux qui  
                  
                  
                  
                  
                  491
                  
                  étaient dans la chambre à l'époque où ce  
                  rapport fut présenté, se rappellent parfaitement la réception plus que froide qui
                  
                  lui fut faite ici, tant il ne signifiait à peu  
                  près rien. Eh bien! ce vote de la chambre  
                  surgissant ensuite, l'occasion s'offrit subitement aux hon. messieurs de l'autre côté,
                  de  
                  de mettre sur pied un projet qui, jusqu'à  
                  ce moment, n'avait pas eu deux partisans  
                  dans la chambre, je crois, qui l'eûssent  
                  considéré comme étant possible. Et depuis  
                  ce jour jusqu'à présent, une suite d'accidents,  
                  tous plus extraordinaires les uns que les  
                  autres, a conduit à un état de choses à peu  
                  près aussi extraordinaire que l'étaient ces  
                  accidents eux-mêmes. (Rires.)  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Je suppose que quelques  
                  personnes le pensent; et ces peut-être  
                  d'après la théologie de mon hon. ami, mais  
                  pas suivant la mienne. Je répète que ce  
                  qui est survenu depuis, était tout à fait  
                  inattendu, même par les acteurs dans ces  
                  événements. Je ne crois pas qu'ils fussent  
                  prévus par qui que ce soit; et personne,  
                  je pense, n'a été plus surpris de ces évènements que ceux qui profitent aujourd'hui
                  
                  de tous les avantages possibles qu'ils leur  
                  offrent, et qui se vantent même de les avoir  
                  amenés. (Ecoutez! écoutez!) Et comment,  
                  M. l'Orateur, ce projet a-t-il été présenté  
                  au public? Miettc à miette, et avec d'innombrables réticences; d'une manière qu'il
                  était  
                  presque impossible de le critiquer dans  
                  aucune de ses parties. Lorsque, après que  
                  plusieurs membres du gouvernement de  
                  cette province et plusieurs autres membres  
                  de la conférence, en eurent donné de longues  
                  explications publiquement à Québec, Montréal et Toronto, l'hon. député d'Hochelaga
                  
                  en fit une critique, en se prononçant contre  
                  le projet, il fut assailli par la clameur générale qu'il n'aurait pas dû se prononcer
                  si  
                  tot, parce que tout le projet n'était pas  
                  encore développé. L'on a dit qu'il avait  
                  représenté le projet sous un faux jour, et  
                  qu'il aurait dû attendre que les détails en  
                  fussent réellement connus avant de l'attaquer.  
                  Ainsî présenté au pays miette à miette, en en  
                  retenant certaines parties, et en en expliquant  
                  d'autres d'une manière ambiguë et même  
                  contradictoire, personne ne pouvait sérieusement le saisir et le discuter. Au bout
                  de  
                  quelque temps, il est vrai, un document  
                  imprimé, qui était censé contenir les résolu
                  
                  
                  
                  tions de la conférence, fut envoyé aux membres de la législature; mais on y avait
                  écrit  
                  le mot " privé," comme pour dire qu'il  
                  n'était pas communiqué officiellement et que  
                  l'on ne devait en faire aucun usage public.  
                  Et il est maintenant parfaitement connu que  
                  cette communication privée n'était pas même  
                  scrupuleusement exacte; mais cela était de  
                  peu d'importance, puisque l'on ne pouvait  
                  pas en faire un usage public. Telle est la  
                  manière dont cette question a été soumise au  
                  peuple. L'on donnait toute espèce d'avan—  
                  tages aux partisans de la louanger à tous  
                  les points de vue, mais personne n'eût l'occasion de dire qu'il ne l'aimait pas. La
                  louange  
                  fut soigneusement rédigée et publiée, et  
                  tout ce qui pouvait humainement se faire  
                  pour préparer le peuple à recevoir le projet  
                  favorablement, avant sa publication définitive,  
                  fut habilement mis en jeu. Et aujourd'hui  
                  que nous dit-on? On nous dit que toute la  
                  mesure doit être adoptée " maintenant ou  
                  jamais." Elle ne passera jamais, nous dit-  on, si elle ne passe pas aujourd'hui!
                  (Ecoutez! écoutez!) A-t-on jamais vu une mesure  
                  de cette importance, désirée et approuvée  
                  cordialement par le peuple, dont tous les  
                  détails étaient aussi sages et aussi bons que  
                  ceux du projet actuel—au dire des hon. messieurs qui le proposent,—qu'il fallait adopter
                  
                  (d'un bout à l'autre) immédiatement ou  
                  jamais? (Ecoutez! écoutez!) L'on nous dit  
                  même que c'est un traité positif; mais un traité,  
                  soit dit en passant, fait par des hommes qui  
                  n'ont jamais reçu l'autorisation de faire  
                  aucun traité quelconque. Pour ma part, je  
                  ne puis voir dans toute cette précipitation,  
                  que la preuve irréfragable que le gouvernement comprend et admet, 
de facto, que le  
                  sentiment soulevé en faveur de ce projet  
                  n'est qu'un sentiment d'une durée passagère,  
                  et qu'il ne peut lui-même compter sur sa  
                  durée. (Ecoutez! écoutez!) M. l'Orateur,  
                  il est assez curieux de voir que les hon.  
                  messieurs de l'autre côté, en recommandant leur projet, semblent ne jamais se lasser
                  
                  de parler de ses avantages en général, et de  
                  louanger modestement la sagesse, la profondeur de vue, et l'habileté politique de
                  
                  ceux qui l'ont préparé. Je ne m'étonne  
                  pas que leur jugement à cet égard ait été un  
                  peu égaré par leur surprise à la vue du succès  
                  qui a jusqu'ici couronné ce projet. Leur visite  
                  " officieuse" a l'Ile du Prince-Edouard n'a  
                  duré que très peu de jours, et elle a eu pour  
                  résultat de faire mettre de côté,—malheureusement, je crois,—un projet d'union fédérale
                  
                  
                  
                  492
                  
                  entre les provinces maritimes; et vient ensuite la conférence de Québec, où ces douze
                  
                  messieurs représentant le Canada, et vingtet-un autres représentant les provinces
                  inférieures, siégèrent ensemble pendant l'immense période de dix-neuf jours—dix-sept
                  
                  jours ouvrables et deux dimanches, —et  
                  comme résultat de ces dix-sept jours d'ouvrage  
                  partiel, nous recevons de ces trente-trois  
                  messieurs un projet de constitution qu'ils  
                  vantant comme étant tout à fait supérieure  
                  à celle de la république modèle des Etats- Unis, et même à celle du royaume modèle
                  
                  de la Grande-Bretagne. Ni la république  
                  modèle, pas plus que le royaume modèle dont  
                  nous prônons tant les traditions et institutions, ne peuvent pour un instant être
                  comparés à leur œuvre. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Ils paraissent trouver leur mesure favorite  
                  comme étant si parfaite, qu'ils nous disent  
                  que nous ne devons même pas prendre le  
                  temps de la discuter. Même après que le  
                  secrétaire d'Etat de Sa Majesté nous a dit  
                  qu'il y a certains points de ce projet qui ont  
                  besoin d'être examinés de nouveau et revisés,  
                  ils nous disent que nous ne devons en changer  
                  ni une lettre ni une ligne. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Et, cependant, l'on nous dit en même temps  
                  que les détails de cette mesure, si on les  
                  examine, doivent être examinés et regardés  
                  comme étant ceux d'un compromis. Elle  
                  n'est pas—ils l'admettent volontiers—aussi  
                  satisfaisante dans ses détails que nous pourrions le désirer, mais c'est tout ce que
                  nous  
                  pouvons obtenir, et il faut l'accepter ou la  
                  rejeter dans son ensemble. Il faut l'examiner  
                  dans un esprit de compromis, ce qui veut dire  
                  qu'il n'y faut rien trouver de sérieux à  
                  reprendre, quelque peu satisfaisante qu'elle  
                  puisse être. J'ai entendu parler de l'idée de  
                  Paddy sur la réciprocité: " tout d'un côté,  
                  rien de l'autre." (Rires.)  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Oh! ce que j'en dis est  
                  pour faire un compliment national. (Rires)  
                  —Cependant, je prierai les hon. messieurs de  
                  l'autre côté de la chambre de ne pas continuer à lancer de pareilles plaisanteries,—non
                  
                  pas que j'aie objection à ce que l'on fasse  
                  une interruption ci et là sous forme de question; mais de simples plaisanteries jetées
                  dans  
                  la discussion d'un sujet sérieux ne peuvent  
                  aider en rien celui qui veut exposer ses  
                  convictions honnêtes, sincères et sérieuses  
                  sur une grave question. Je prie donc les deux  
                  membres du gouvernement qui ont à plu
                  
                  
                  
                  sieurs reprises, au moyen d'interruptions de  
                  cette nature, essayé de me faire perdre le  
                  fil de mon discours, de s'en dispenser à  
                  l'avenir. (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
               L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Je suis  
                  convaincu que mon hon. collègue ne cherchait  
                  pas à vous désorienter, pas plus que j'en  
                  avais moi-même l'intention.  
  
               
               
               
               M. DUNKIN—Je ne dis pas qu'on le fait  
                  dans ce but, mais les interruptions me contrarient plus que d'habitude ce soir, parce
                  
                  que le sujet que je discute exige l'attention  
                  la plus soutenue. (Ecoutez! écoutez!)—  
                  L'on dit donc que cette mesure doit être  
                  examinée dans un esprit de compromis, c'est- a-dire, qu'il ne faut trouver à redire
                  à aucune  
                  de ses dispositions. L'une des expressions  
                  employées par les hon. messieurs, a été que  
                  nous ne devions pas exiger du projet " une  
                  perfection impossible." Eh bien! M. l'Orateur, je ne pense pas qu'il y ait le moindre
                  
                  danger que nous trouvions une perfection  
                  impossible dans ce projet, ou dans ce qui s'y  
                  rapporte, à moins que ce ne soit sur un point  
                  particulier; et sur ce point, je ne sais si on  
                  n'a pas atteint au moins toute la perfection  
                  possible, si non une perfection impossible.  
                  Je veux parler de cette espèce particulière  
                  de sagesse et de prévoyance qui distingue  
                  le politique officiel retors de l'homme d'état à  
                  vues larges et profondes. (Ecoutez! écoutez!)  
                  L'on a fait preuve, sous ce rapport, d'une  
                  perfection presque impossible. L'on offre un  
                  appàt a chaque sentiment, à chaque intérêt,  
                  à. chaque classe, de la manière la plus habile  
                  possible. Le siège du gouvernement fédéral  
                  doit être établi à Outaouais, comme de raison;  
                  le gouverneur-général ou autre chef de cette  
                  magnifique future vice-royauté, ou je ne sais  
                  quoi, tiendra sa cour et son parlement à  
                  Outaouais; mais l'on jette aussi un assez  
                  joli morceau à Québec et à Toronto. Ces  
                  villes aussi doivent avoir chacune une cour et  
                  un parlement, et des départements du gouvernement. " Tout a tous!" telle est la  
                  devise des hon. messieurs. Quant à l'Etat  
                  que l'on doit créer, son nom et son rang  
                  sont laissés dans la plus charmante ambiguïté.  
                  Nous serons peut-être honorés de la dignité  
                  d'un royaume, ou d'une vice-royauté, ou de  
                  nous ne savons trop quoi. Tout ce qu'on  
                  nous assure, c'est que ce sera quelque chose  
                  de meilleur, de plus élevé et de plus grand  
                  que ce que nous avons aujourd'hui. La  
                  Souveraine viendra peut-être elle-même de  
                  temps à autre exercer son autorité en  
                  personne; ou peut-être va-t-on créer un trône  
                  
                  
                  493
                  
                  pour quelque membre de la famille royale;  
                  ou, si ces rêves ne se réalisaient pas, le chef  
                  du gouvernement dans cette chambre nous  
                  dit, à l'égard du caractère du représentant qui  
                  doit être envoyé ici à la place de la Souveraine,—c'est-à-dire, le représentant qui
                  doit  
                  administrer le gouvernement durant l'absence  
                  ordinaire de la Souveraine de cette partie  
                  des possessions britanniques,—le chef du  
                  gouvernement dans cette chambre nous dit,  
                  qu'eu égard aux fonctions qui lui seront  
                  confiées, à la position élevée qu'il occupera, au  
                  train vice-royal qu'il devra tenir, il est probable qu'il nous sera au moins envoyé
                  à  
                  l'avenir, en cette capacité, des hommes de la  
                  classe que l'on désigne enphatiquement sous  
                  le nom d'hommes d'état. Je n'aime guère à  
                  faire aux vivants ce que l'on peut appeler  
                  de simples compliments de courtisan; mais  
                  en reportant nos regards en arrière sur les  
                  morts, dont on peut parler sans avoir cette  
                  crainte, je dois dire que ceux qui ont été  
                  préposés à l'administration de notre gouvernement dans le passé, ne sont guère d'une
                  
                  classe que l'on doive regarder du haut de sa  
                  grandeur,—que la liste dans laquelle nous  
                  trouvons les noms des DURHAM, des SYDENHAM, des METCALF et des ELGIN, n'est pas  
                  précisément une liste d'hommes inférieurs à  
                  la classe la plus élevée de ceux que nous  
                  appelons des hommes d'état; et je ne suis  
                  pas parfaitement certain que même après  
                  que cette grande coniédération aura été  
                  établie, il sera nommé des hommes beaucoup  
                  plus marquants que ceux qui ont gouverné  
                  ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Quoi qu'il en  
                  soit, cependant, l'on offre l'appât que nous  
                  aurons des hommes beaucoup plus élevés que  
                  ceux que nous avons eus jusqu'ici, que de  
                  toutes manières notre état doit être meilleur,  
                  plus beau, plus grand même que notre imagination ne peut le concevoir. (Rires.) Nous
                  
                  aurons entre autres choses, parait-il, un peu  
                  plus que nous n'en avons aujourd'hui,  
                  ce que l'on appelle une idée de la constitution anglaise dans la constitution du conseil
                  législatif. L'on a dit que c'était une  
                  grande inconvenance, presque une trahison,  
                  de donner à entendre que l'on jetait, là  
                  encore, un appât aux messieurs qui ont été  
                  élus au conseil législatif pour un temps  
                  déterminé,—de dire qu'en votant pour ce  
                  projet, ils pouvaient devenir conseillers  
                  législatifs à vie. Si dans ce projet l'on eût  
                  stipulé, à l'égard des membres de cette  
                  branche de la législature, qu'ils conserveraient leurs siéges non pas pour la vie,
                  mais  
                  
                  
                  
                  disons pour cinq ans seulement, je pense que  
                  l'on trouverait quelques membres parmi nous  
                  qui accepteraient avec joie ce projet; mais  
                  quand on offre à des hommes qui, comme  
                  nous, devront se présenter devant leurs  
                  commettants dans quelques mois, ou au plus  
                  dans quelques années, de les créer conseillers  
                  législatifs pour la vie, cet appât, je crois,  
                  n'est pas de peu d'importance. (Ecoutez!  
                  écoutez!) L'on nous dit aussi—et cela est  
                  porté dans le projet,—que le choix sera fait  
                  par les gouvernements actuels des différentes  
                  provinces; mais, comme de raison, avec la  
                  plus grande justice envers l'opposition de  
                  chaque province! Très satisfaisant! Chaque  
                  opposition sera traitée avec une parfaite  
                  équité, — " cela est porté au contrat. "  
                  Nous entendons dire qu'un ministre de la  
                  couronne, dans un endroit, en s'adressant à  
                  ses voisins, leur avait dit qu'ils pouvaient  
                  être certains que lorsque Sa Majesté viendrait à faire un choix, elle aurait les plus
                  
                  grands égards pour les droits et privilèges  
                  des membres élus, en sorte que leur membre  
                  élu aura la plus grande chance de devenir  
                  membre à vie du conseil législatif fédéral.  
                  D'un autre côté, dans un autre endroit, nous  
                  entendons un autre ministre de la couronne  
                  dire que ceux qui ont déjà été nommés à  
                  vie peuvent être tout aussi tranquilles sur  
                  leur sort, parce qu'assurément leur droit de  
                  conserver leur position actuelle pèsera de  
                  tout son poids. De plus, dans le Bas-Canada,  
                  l'on dit à chaque localité qu'elle peut être  
                  tranquille. qu'on aura soin d'elle, car chaque  
                  localité doit être représentée dans le conseil  
                  législatif par un homme y résidant ou possédant des propriétés; et, de cette manière,
                  
                  les deux origines et les deux croyances  
                  doivent être représentées et parfaitement  
                  protégées. Un autre point sur lequel l'on  
                  entretient une agréable ambiguïté, est celui  
                  de savoir quels sont ceux qui doivent faire  
                  les futures nominations à ce conseil législatif.  
                  En regardant cette partie du projet comme  
                  matière de principe, l'on aurait cru que ces  
                  futures nominations s raient faites d'ap ès  
                  le principe fédéral Cela n'a pas été dit  
                  expressément; cela n'est pas (on nous le dit  
                  enfin aujourd'hui) l'intention; cependant, on  
                  nous parlait de façon que tous ceux qui  
                  pensaient d'une manière aff rmaient que les  
                  résolutions voulaient dire que la chose se  
                  fer it de cette m nière; et tous ceux qui  
                  pensaient autrement trouvaient facilement  
                  qus les résolutions justifiaient leur manière  
                  de penser. Eh bien! en en venant aux  
                  
                  
                  494
                  
                  questions qui affectent cette chambre, l'on  
                  remarque la même chose. La représentation  
                  basée sur la population est accordée, pour  
                  répondre à la grande demande du Haut-  Canada; mais on assure en même temps au  
                  peuple du Bas-Canada, que cela ne lui nuira  
                  pas, que ses institutions et ses priviléges  
                  sont en parfaite sûreté, qu'il aura même  
                  autant de représentants qu'auparavant dans  
                  la chambre basse, et qu'il sera de toutes  
                  manières beaucoup mieux qu'il ne l'a jamais  
                  été. Une charmante ambiguïté existe encore sur le point de savoir qui doit répartir
                  
                  les futurs colléges électoraux. Le chef du  
                  gouvernement, en expliquant le projet l'autre  
                  soir, a admis que la révision décennale de  
                  nos districts de représentation ne doit réellement pas être laissée aux législatures
                  locales,  
                  mais qu'elle doit être du ressort de la législature fédérale. Jusqu'alors, je crois,
                  la  
                  plupart des gens pensaient le contraire; mais  
                  tout le monde avait admis que le texte des  
                  résolutions était équivoque, et, naturellement, chacun l'avait interprété comme il
                  le  
                  voulait. L'ajournemcnt des constitutions  
                  locales est de la même nature. L'on donne  
                  à entendre à chacun que la chose fonctionnera à la satisfaction de tout le monde,—
                  
                  l'on promet à chacun qu'il l'aura comme il  
                  voudra. Ceux qui tiennent au principe du  
                  gouvernement responsable, comme on l'entend généralement, sont assurés, comme de 
                  
                  raison, qu'il y aura un lieutenant-gouverneur,  
                  avec un cabinet, et (probablement) deux  
                  branches d'une législature locale. L'on dit  
                  à ceux qui préféreraient avoir deux corps  
                  législatifs sans ministère responsable, que la  
                  chose pourrait bien être ainsi. Quiconque  
                  préfère un seul corps législatif, entend dire  
                  qu'il est hors de doute qu'il pourrait fort  
                  bien n'y en avoir qu'un seul. Et ceux  
                  encore qui, même avec une seule chambre, ne  
                  désirent pas voir appliquer le gouvernement  
                  responsable dans les provinces, sont assurés  
                  qu'il est très probable que les rouages du  
                  gouvernement seront très simples; que  
                  chaque province aura probablement un lieutenant-gouverneur, avec les quelques chefs
                  de  
                  départements nécessaires seulement, et une  
                  seule chambre; et que de cette manière, sans  
                  aucun doute, les affaires de chaque province  
                  seront conduites le plus économiquement et  
                  à l'entière satisfaction de tous. (Ecoutez!  
                  écoutez!) La nomination des lieutenants- gouverneurs est encore un appàt, et peut-être
                  
                  pas un appât insignifiant pour plusieurs de  
                  nos hommes publics.—Le droit de désavouer  
                  
                  
                  
                  les bills locaux, et aussi celui de les réserver  
                  à la sanction du gouvernement général, sont  
                  présentés d'un côté comme des réalités,—des  
                  pouvoirs qui seront réellement exercés par le  
                  gouvernement général pour restreindre la  
                  législation locale,—pour rassurer ceux qui  
                  désirent une union législative plutôt qu'une  
                  union fédérale;—mais, d'un autre côté, l'on  
                  affirme à ceux qui ne veulent pas d'une union  
                  législative, que ces pouvoirs ne veulent absolument rien dire et qu'ils ne seront
                  jamais  
                  exercés. (Ecoutez!) L'uniformité des lois  
                  doit encore être donnée à toutes les provinces,  
                  si elles le désirent, excepté au Bas-Canada;  
                  mais, par une disposition particulière de la  
                  constitution, bien que rien ne puisse être  
                  fait par le parlement général pour rendre les  
                  lois uniformes, sans le consentement des provinces intéressées, il est stipulé qu'il
                  sera  
                  impossible au Bas-Canada, même s'il le  
                  désirait, de rendre ses lois uniformes avec  
                  celles des autres provinces. Il en est de  
                  même à l'égard de l'éducation dans le Haut  
                  et le Bas-Canada. L'on doit adopter des  
                  mesures pour tout le monde, sans que personne ne sache trop comment, et chacun est
                  
                  assuré qu'il aura satisfaction. Il est vrai que  
                  l'on ne nous dit pas quelles seront les mesures  
                  que l'on promet à ce sujet;—si elles augmenteront réellement ou non les facilités
                  et  
                  la liberté d'action des minorités dans les deux  
                  sections, pour diriger l'éducation de leurs  
                  enfants de la manière qu'elles le désireront;  
                  mais nous devons accepter cette promesse  
                  comme satisfaisante, et il faut que tout le  
                  monde soit content.. (Ecoutez!) En examinant la question financière du projet, nous
                  
                  voyons qu'il y est dit que toutes les  
                  dettes et obligations de chaque province  
                  retomberont à la charge du gouvernement  
                  fédéral; mais, si nous regardons aux détails,  
                  nous trouvons que—non, elles n'y retomberont pas. Il y a, ici encore, quelque chose
                  
                  qui ne parait pas à la face des choses. Le  
                  Haut et le Bas-Canada doivent tous deux  
                  rester grevés d'une partie non définie de la  
                  dette du Canada, et les autres provinces  
                  doivent avoir des 
boni, dont le montant  
                  varie et n'est pas constaté, et auquel il  
                  n'est pas facile d'arriver. De même que  
                  toutes les autres parties du projet, la partie  
                  financière est présentée à chacun sous n'importe quel jour il veut la voir. Ce projet
                  
                  devra certainement produire une économie,  
                  parce que les gouvernements locaux auront  
                  peu à dépenser, à moins qu'ils n'aient  
                  recours à la taxe directe; mais cependant,  
                  
                  
                  495
                  
                  d'un autre côté, il devra aussi sûrement nous  
                  engager dans toute espèce d'entreprises  
                  extravagantes, nous donner un nouveau et  
                  inépuisable crédit en Angleterre, pour effectuer les vastes travaux de défense que
                  l'on  
                  veut élever dans tout le pays, la construction  
                  du chemin de fer intercolonial, l'agrandissement de nos canaux vers l'Ouest, et la
                  création  
                  d'un système de communication avec le territoire du Nord-Ouest, d'une étendue que
                  personne ne connait. Littéralement, ce projet  
                  a l'air de promettre toute chose à tout le  
                  monde; et, cependant, quand on vient à se  
                  demander ce qu'il promet en réalité, et,  
                  comment, et où, et quand ces promesses se  
                  réaliseront, l'on s'aperçoit que tout est  
                  ambigu, insaisissable et sans réalité. (Ecoutez! écoutez!) Je répète qu'il y a partout,
                  
                  dans tout ce projet, une somme très étonnante de cette espèce d'habileté qui peut
                  
                  caractériser le politique astucieux et retors,  
                  mais qui est loin de la sagesse et de la piévoyance qui caractérisent l'homme d'état
                  à  
                  vues larges et profondes. (Ecoutez!) Le jeu  
                  de tout à tous est un jeu que l'on ne peut  
                  jouer avec succès à la longue. Dans tous les  
                  cas, il ne peut avoir qu'un succès passager.  
                  (Ecoutez! écoutez!)—Je vais maintenant,  
                  M. l'ORATEUR, examiner ce travail au point  
                  de vue constitutionnel,_en écartant du mieux  
                  possible ces ambiguités dont il est entouré,  
                  m'en occupant tel qu'il est, et le comparant en premier lieu avec la constitution
                  des  
                  Etats-Unis, et en second lieu avec la constitution de la Grande-Bretagne. Je désirerais
                  
                  le comparer en premier lieu avec celle de la  
                  Grande-Bretagne, mais il ressemble tellement à celle des Etats-Unis que je ne le puis.
                  
                  Ce projet ne ressemble à la constitution  
                  anglaise que dans certaines parties; et, pour  
                  cette raison, l'ordre de comparaison ne peut  
                  être renversé. Je dois dire, avant d'aller  
                  plus loin, que je ne suis nullement l'admirateur d'une grande partie de ce que je
                  trouve  
                  dans la constitution des Etats-Unis. J'ai  
                  toujours préféré—décidément préféré—et je  
                  préfère encore notre propre constitution  
                  anglaise. Mais, au moins, personne ne peut  
                  nier ceci:—que les auteurs de la constitution  
                  américaine étaient de grands hommes, des  
                  hommes sages, des homme: à vues profondes;  
                  que leur travail a été un grand travail; et  
                  que comparer le travail d'aucun autre—et  
                  surtout un travail comme celui des quelques  
                  messieurs, sans doute très capables, qui ont  
                  rédigé cette constitution—avec le leur, est  
                  le soumettre à une épreuve très sérieuse  
                  
                  
                  
                  et très pénible. (Ecoutez! écoutez!) Les  
                  auteurs de la constitution des Etats-Unis  
                  étaient certainement de grands hommes, et  
                  le produit d'un grand siècle; de grandes  
                  vicissitudes les avaient élevés à, la hauteur  
                  de leur tâche accomplie au milieu d'événements dans lesquels ils avaient été les 
                  
                  principaux auteurs. Et leur travail a été  
                  un grand travail, qui a coûté beaucoup de  
                  temps et de discussion, et qui a subi de  
                  longues et sérieuses révisions de toutes sortes  
                  et de toutes parts, avant qu'il ne fût définitivement adopté. (Ecoutez! écoutez!)
                  
                  Cependant on nous demande d'admettre  
                  aujourd'hui—et de l'admettre sans examen—  
                  que ce travail de trente-trois messieurs, fait  
                  et parfait en dix-sept jours, est un travail de  
                  beaucoup supérieur à celui-là; et non seulement cela, mais encore qu'il est même 
                  
                  meilleur, pour notre population et notre  
                  position, que la glorieuse constitution de la  
                  mère-patrie; qu'il réunit essentiellement les  
                  avantages de ces deux constitutions, sans  
                  avoir leurs défauts! Eh bien! je ne pense  
                  pas cela. La constitution des Etats-Unis, il  
                  faut bien se le rappeler, a au moins duré  
                  soixante-dix ans sans se briser. Elle a  
                  résisté à d'assez fortes secousses, résultant  
                  d'événements qu'il était impossible à ses  
                  auteurs de prévoir ou de contrôler, et elle  
                  peut résister encore pendant un grand  
                  nombre d'années, malgré le dernier assaut  
                  qu'elle vient de subir. Si, de fait, la Louisiane n'eût pas été achetée, si la machine
                  à  
                  égrener le coton n'eût pas été inventée,—  
                  deux événements imprévus qui ont si fortement encouragé la culture du coton et par
                  
                  conséquent l'esclavage,—sans ces deux événements—: que l'on ne pouvait pas s'attendre
                  à  
                  voir entrer dans l'esprit des auteurs de cette  
                  constitution, elle n'aurait probablement pas  
                  reçu le coup qu'elle a reçu Et nous ne.  
                  savons pas encore si ce coup aura un mauvais  
                  effet et s'il brisera le merveilleux édifice  
                  qu'ils ont élevé. Il pourra peut-être changer  
                  plus ou moins certaines parties de cet édifice, et après que la secousse aura été
                  
                  essuyée, il n'est pas improbable que l'édifice  
                  lui-même puisse durer pendant très longtemps encore. (Ecoutez! écoutez!) Mais  
                  quant à cette constitution que l'on propose  
                  de nous donner, si elle devenait la loi organique du pays, combien de temps durerait-
                  elle? Comment fonctionnera-t-elle si e le  
                  dure? Et à quoi. ou vers quoi, si elle fonctionne, nous conduira-t-elle? Je dois attirer
                  
                  la sérieuse attention de la chambre sur ces  
                  
                  
                  496
                  
                  questions. Je commence, M l'ORATEUR,  
                  par la future chambre des communes, faussen ent appelée ainsi. Je n'examinerai pas
                  
                  les différentes résolutions l'une après l'autre,  
                  pour les critiquer de cette manière; mais  
                  je prendrai les princ'paux points du projet,  
                  l'un après l'autre, et je tacherai de ne pas  
                  les prése ter sous un faux jour. Si je le  
                  faisais, ou si j'en dénaturais le moindrement  
                  le caractère, ou leurs effets probables, je  
                  permets aux hon. messieurs de l'autre côté  
                  de la chambre de me rectifier, s'ils veulent  
                  seulement le faire sans plaisanter, et je  
                  tâcherai de rester exact. La " chambre des  
                  communes, " donc,—improprement appelée  
                  ainsi, pour la distinguer de l'autre chambre  
                  qui correspond à la chambre des lords, mais  
                  qui n'en a pas reçu le nom, le conseil législatif,—forme le premier point important
                  de  
                  ce projet; et je vais m'en occuper tout  
                  d'abord, en la comparant avec la chambre  
                  des représentants des Etats-Unis, et je parlerai moins de ses pouvoirs que de sa composition
                  pour le moment. Je ne puis à cet  
                  égard la comparer avec la chambre des  
                  communes impériale, parce que le principe  
                  de sa constitution en est trop différent.  
                  Sous ce rapport, elle est simplement copiée  
                  de ce que je crois être un mauvais modèle;  
                  et les parties copiées correspondent très  
                  fidèlement et très exactement à ce que je  
                  me permettrai d'appeler les points les  
                  moins désirables de la constitution de la  
                  chambre des représentants des Etats-Unis.  
                  (Ecoutez! écoutez!) La copie n'est  
                  pas, je le répète, celle d'un modèle absolument bon, mais seulement d'un modèle  
                  aussi bon que les auteurs de la constitution des Etats-Unis pouvaient le faire  
                  dans les circonstances où ils se trouvaient;  
                  mais la particularité de leur système à  
                  laquelle j'objecte, n'était pas du tout nécessai e pour le nôtre. Je la considère
                  même  
                  comme une surrérogation. On ne peut nier,  
                  M. l'ORATEUR, qu'il y ait beaucoup à redire  
                  au plan qui remanie les divisions électorales,  
                  car c'est ce que ce système adopte et ce que  
                  celui des Etats-Unis a adopté. Tous les dix  
                  ans, la représentation de chaque province  
                  dans la chambre des communes devra être  
                  changée ou remodelée, conformément à une  
                  règle qui, pour toutes les fins pratiques, est  
                  essentiellement la même que celle des Etats- Unis. Comme de raison, nous n'avons 
                  
                  pas comme eux à tenir compte des trois  
                  cinquièmes de la population esclave; mais  
                  aux époqu s décennales nous devons faire  
                  
                  
                  
                  le dénombrement de la population des  
                  diverses provinces, et par une règle en tous  
                  points commune aux deux systèmes, nous  
                  déclarerons combien chaque province aura de  
                  de divisions électorales. Il s'en suit donc  
                  que les collèges électoraux de la future  
                  chambre des communes ne seront pas inamovibles. On ne pourra pas faire non plus qu'ils
                  
                  correspondent avec nos districts municipaux  
                  ou d'enregistrement, ni avec ceux de la  
                  représentation dans nos législatures provinciales. Nous allons donc avoir des divisons
                  
                  spéciales qui seront indéfiniment changées  
                  seulement pour l'élection de notre chambre  
                  fédérale? Au point de vue anglais, je dois  
                  dire que ce n'est pas là un bon principe.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Ce que nous devrions  
                  faire, ce serait d'essay r d'établir en ce pays  
                  des colléges électoraux aussi stables et aussi  
                  en rapport avec les divisions territoriales qui  
                  existent pour d'autres fins que les circonstances le permettront, et de ne les subdiviser,
                  modifier ou d'en ériger de nouveaux  
                  que lorsque les besoins l'exigeront.  
                  L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—C'est ce  
                  que nous ferons pour les parlements locaux.  
                  M. DUN KIN -—Peut-êtrc oui, peut-étre  
                  non; mais c'est justement à cette distinction  
                  que je trouve à redire. Si nous le voulons,  
                  nous pourrons changer les divisions électorales des parlements locaux, mais seulement
                  
                  si nous le voulons. Ces subdivisions de nos  
                  provinces pourraient ainsi être stables; mais,  
                  pour la représentation au parlement fédéral,  
                  et à chaque période décennale, nous aurons  
                  à faire un remaniement général de tout le  
                  pays de manière à subdiviscr de nouveau  
                  chaque province selon le nombre de parties  
                  aliquotes qui lui sera assigné. C'est là une  
                  innovation dans nos usages qui n'est pas pour  
                  le mieux, car elle tend à détruire ce caractère  
                  de stabilité (si toutefois notre système est  
                  destiné à avoir ce caractère) qu'il est si nécessaire de conserver à l'égard de nos
                  colléges  
                  électoraux, et généralement de nos petites  
                  divisions territoriales. Ces changements  
                  décennaux mettront en rapport des électeurs  
                  qui n'avaient pas pour habitude d'agir  
                  ensemble. En Angleterre, on ne fait rien  
                  de semblable; on ne change pas les divisions  
                  électorales à la légère Les différents groupes  
                  d'hommes qui envoient des représentants à  
                  la chambre des communes d'Angleterre ont  
                  l'habitude de se rencontrer ensemble à cette  
                  fin, et ne craignent pas de voir leurs divisions  
                  électorales changées. Nous devrions conserver ce principe comme un des éléments  
                  
                  
                  497
                  
                  de notre constitution, mais on a su prendre  
                  le soin de l'en éliminer.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. MCDOUGALL—Je ne puis  
                  croire que, dans le but d'induire en erreur,  
                  l'hon. monsieur cherche à appuyer un argument sur une fausse interprétation des résolutions.
                  Je suis sûr qu'il doit avoir observé ce  
                  fait, que souvent même il se pourra qu'il n'y  
                  ait aucun changement quant au nombre de  
                  députés ou des districts électoraux, et qu'il  
                  n'y en aura certainement pas si l'augmentation de la population du Bas-Canada reste
                  
                  la même que celle du Haut—et que, par  
                  conséquent, le mal dont il se plaint n'aura  
                  pas lieu à moins que, quant à l'augmentation,  
                  il n'y ait une règle différente de celle qui a  
                  prévalu jusqu'ici.  
  
               
               
               
               M. DUNKIN—Si quelqu'un s'imagine  
                  que la population des différentes provinces  
                  va augmenter d'après la même règle, je  
                  diffère d'avec lui. Je pense que pour  
                  quelques provinces, l'augmentation sera  
                  beaucoup plus rapide que pour d'autres; la  
                  différence sous ce rapport sera peut-être sentie  
                  au même degré qu'aux Etats-Unis, car là, à  
                  chaque révision décennale, le nombre des  
                  représentants diminue pour les anciens états,  
                  tandis qu'il augmente, et rapidement encore,  
                  pour les nouveaux. Ce n'est que dans le  
                  petit nombre d'états, qui ne sont ni anciens  
                  ni nouveaux, que le chiffre de la population  
                  reste à peu près le même. La règle est celle  
                  du changement pour toutes les parties de ce  
                  pays. Celles qui y échappent forment l'exception. Et chez nous, les provinces qui
                  augmenteront plus rapidement que le Bas-Canada,  
                  ainsi que cela aura certainement lieu, rediviseront leur territoire tous les dix ans
                  afin  
                  d'augmenter leurs collèges électoraux, et  
                  celles qui augmenteront plus lentement  
                  devront faire la même chose, mais pour  
                  diminuer le nombre de leurs divisions. Et  
                  le Bas-Canada même devra en faire autant à  
                  l'égard de parties de son territoire où la  
                  population aura augmenté. On me dira  
                  sans doute que cela ne sera pas nécessaire, —qu'il n'y aura que quelques changements
                  partiels à faire ici et là, mais je  
                  sais que cela sera, et que ces changements  
                  partiels ne seront pas la règle. En réalité,  
                  on a établi pour règle la représentation  
                  d'après le nombre, et il est sûr qu'elle sera  
                  suivie, non seulement entre les différentes  
                  provinces, mais encore dans chacune d'elles,  
                  non seulement pour la législature fédérale,  
                  mais aussi pour les légulatures locales. Pour  
                  toutes les fins législatives, il faudra fréquem
                  
                  
                  
                  ment remanier nos divisions territoriales, et  
                  cela, grâce à l'influence momentanée des  
                  partis. Les exigences, nous pouvons en  
                  être sûrs, ne seront pas sans importance,  
                  et quelque soit le parti qui montera au  
                  pouvoir, soit dans le gouvernement du  
                  pays ou dans une province, il trouvera,  
                  dans notre système, des moyens d'atteindre  
                  son but,—de ces moyens qui ne se recommandent pas d'eux-mêmes à l'approbation  
                  de tous. (Ecoutez! écoutez!) On compte,  
                  je le sais, au nombre des mérites du projet  
                  le fait qu'il porte à cinq ans le terme  
                  fixé pour notre chambre des communes au  
                  lieu du terme de deux ans fixé pour la  
                  chambre des représentants. A part des  
                  révisions décennales, je serais satisfait de  
                  cela; mais cinq est la moitié de dix, je  
                  pense, et bien que nos chambres des communes pourraient ne pas souvent durer tout
                  
                  ce temps, il est très probable qu'il n'y aura  
                  que rarement, sinon jamais, plus de deux ou  
                  trois élections générales entre deux révisions décennales. Un arrangement peu satisfaisant,
                  s'il en fut, c'est la prétention que  
                  l'on a eu de vouloir faire que notre chambre  
                  des communes emboîtât le pas sur celle  
                  d'Angleterre. Là, tout favorise cette stabilité et cette variété d'influences locales
                  qui  
                  agissent sur les chambres législatives et qui  
                  sont si essentielles au système britannique,  
                  et sans lesquelles les partis politiques ni les  
                  hommes publics ne peuvent se maintenir.  
                  Ici, tout tend à prendre une direction précisément contraire. Mais ce n'est pas tout.
                  
                  En Angleterre, tandis que les colléges électoraux restent aussi stables qu'ils peuvent
                  
                  l'être, les députés qu'ils élisent sont membres  
                  de la même chambre des communes, car il  
                  est peu de distinction entre les colléges anglais,  
                  écossais, irlandais ou gallois; mais encore ici,  
                  ce système des Etats-Unis que l'on nous  
                  demande de copier veut le contraire, le contraire du bon sens. Leur chambre de représentants
                  est une réunion de délégués des  
                  divers Etats, et notre simulacre de chambre  
                  des communes sera une agrégation de  
                  délégués des provinces. Chacun de ses  
                  députés s'y rendra marqué du qualificatif de  
                  Haut ou de Bas-Canadien, de Nouveau- Brunswickien, de Nouveau-Ecossais, de Terreneuvien
                  ou d'habitant de l'Ile du Prince- Edouard. Si nous voulons former une nation,  
                  est-ce que nous ne ferions pas mieux de  
                  renoncer à ces distinctions plutôt que de les  
                  maintenir, voire même de les exagérer, car  
                  c'est justement ce que va faire ce système,  
                  
                  
                  498
                  
                  et trop bien, malheureusement. Il y a toutefois un contraste frappant entre le système
                  
                  américain et celui que l'on veut faire adopter  
                  ici. Aux Etats-Unis, pour la chambre des  
                  représentants, le système est au moins sûr  
                  de fonctionner, soit pour le bien ou pour le  
                  mal. Leur système est une véritable fédération. Les auteurs prirent soin, en arrêtant
                  
                  les détails de leur constitution, de la rédiger  
                  de manière à ce qu'elle put fonctionner dans  
                  toutes ses parties importantes, et dans ce  
                  but, ils laissèrent aux divers états de mettre  
                  en pratique la règle établie pour les révisions  
                  décennales, tout en leur accordant tels pouvoirs à. l'effet d'assurer l'exécution
                  réelle et  
                  ponctuelle de la chose voulue. Lorsque  
                  pour la première fois je pris connaissance  
                  de ces résolutions, je pensai, comme de  
                  juste, que leurs auteurs avaient l'intention  
                  de faire adopter ce système là ici; mais les  
                  autorités ont su nous dire que non. Le  
                  parlement général sera seul chargé de ces remaniements des colléges électoraux de
                  toutes  
                  les provinces. Supposons que pour une cause  
                  qui pourrait d'elle-même se présenter,—sous  
                  le prétexte, par exemple, d'une prétendue  
                  inexactitude d'un recensement,—ou que  
                  sans prétexte aucun, il manquerait de remplir  
                  promptement ce devoir, ou qu'il s'en acquitterait d'une manière qui ne satisferait
                  pas,  
                  ou qu'il le négligerait tout-à-fait, qu'en  
                  résulterait-il? Le parlement impérial aurait- il le droit d'intervenir en pareil cas?
                  Recourrait-on, pour y remédier, à la doctrine promulguée l'autre soir par l'hon. proc.—gén.
                  
                  du Bas-Canada, et en vertu de laquelle serait  
                  conféré au parlement impérial le pouvoir de  
                  révoquer nos chartes constitutionnelles?  
                  Je ne le pense pas. Pourquoi alors demander  
                  au parlement impérial d'établir pour nous  
                  une mauvaise règle, que nous serons libres  
                  de suivre ou de ne pas suivre ensuite?  
                  Maintenant, M. l'ORATEUR, il va s'agir du  
                  conseil législatif, lequel ressemble trop peu  
                  à la chambre des lords pour que l'on songe à  
                  vouloir le comparer à elle. On peut le  
                  comparer au sénat des Etats-Unis; mais  
                  là encore la différence est immense. Les  
                  auteurs de cette constitution ont imaginé ici  
                  un système tout différent, et quand on vient  
                  nous dire que le conseil législatif représente  
                  l'élément fédéral dans notre constitution,  
                  je n'hésite pas à aflirmer qu'il ne contient  
                  pas une seule parcelle de ce' principe, mais  
                  qu'il en est le plus parfait simulacre qu'il soit  
                  possible d'imaginer. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Pour faire voir le contraste, disons que le  
                  
                  
                  
                  sénat des Etats-Unis se compose des sénateurs choisis librement et au nombre de  
                  deux par la législature de chaque état de  
                  l'union.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Cela ne change en rien  
                  ce que je dis. Le sénat se compose de deux  
                  sénateurs envoyés par chaque état, lesquels  
                  sont librement choisis par les législatures de  
                  ces états. Il est vrai que, dans le cas de  
                  certaine vacance, pouvoir est donné au gouverneur de l'état de la remplir jusqu'à
                  la  
                  prochaine réunion de la législature de cet  
                  état; mais ce sont les législatures de ces  
                  différents états qui élisent régulièrement ces  
                  sénateurs pour la période de six ans, lesquels  
                  se retirent à tour de rôle et de manière à ce  
                  qu'aucun état ne soit jamais sans représentants. Eh bien! M. l'ORATEUR, le sénat 
                  
                  des Etats-Unis, ainsi composé de deux  
                  députés de chaque état et présidé par le vice- président ou par un député choisi librement
                  
                  par les sénateurs, est chargé de la grave responsabilité judiciare de la mise en accusation.
                  
                  Le président même des Etats-Unis peut-être  
                  cité à sa barre pour haute trahison ou malversation. Le sénat a une large part du
                  pouvoir  
                  exécutif; il décide à huis-clos de tous les  
                  traités et de presque toutes les nominations,  
                  du moins les plus importantes. Le président  
                  peut faire certaines nominations, mais, en  
                  règle générale, il n'en peut faire aucune sans  
                  l'approbation du sénat. Tout traité et toute  
                  nomination importante doivent être sanctionnés et peuvent être désapprouvés par le
                  
                  sénat. Il a de plus pouvoir législatif, concurremment avec la chambre des représentants,
                  
                  en ce qui regarde les dépenses et l'imposition  
                  des taxes. De cette combinaison de pouvoirs  
                  il résulte que le sénat des Etats est peut-être  
                  le corps délibérant le plus habile qu'il y ait  
                  au monde. Les membres du sénat des Etats- Unis sont tous des hommes éminents; on n'y
                  
                  trouve pas de nullités. (Cris de Oh! oui!  
                  oui!!) Du moins la proportion de ces derniers est comparativement fort petite.  
  
               
               
               
               L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—On s'occupe en ce moment des pouvoirs relatifs  
                  du sénat et du congrès. J'ai entendu moi-  même une discussion à ce sujet lorsque
                  j'étais  
                  à Washington.  
  
               
               
               
               L'
HON. M. HOLTON—Ecoutez! écoutez!! L'hon. proc.-gén. en appelle aussi lui à  
                  Washington. (Rires.)  
  
               
               
               
               M. DUNKIN—Ce que je viens d'affirmer  
                  est admis, je crois, par les publicistes les plus  
                  
                  
                  499
                  
                  éminents, tels que de TOCQUEVILLE, CHEVALIER et autres, savoir: que les attributs
                  
                  constitutionnels tout spéciaux du sénat des  
                  Etats-Unis, en font un corps délibérant de  
                  la plus grande autorité. Et quand même il  
                  y aurait un peu d'exagération dans ce que  
                  j'affirme ici, on ne niera pas que, comme contrôle dans le système fédéral des Etats-Unis,
                  
                  le sénat est une institution parfaite. C'est un  
                  corps habile composé de membres modérés,  
                  souvent renouvelé, et ayant droit de vote et  
                  de véto sur toutes les questions de quelque  
                  importance. Il n'est pas facile, avec une telle  
                  combinaison, d'arrêter les affaires et de soulever un conflit; de plus, le système
                  est parfait lorsqu'il s'agit d'empêcher une mesure  
                  préjudiciable à l'intérêt public ou à quelqu'un des états. Mais, monsieur l'ORATEUR,
                  
                  que sera le conseil législatif dans la confédération proposée? J'y vois un semblant
                  de  
                  tentative à empêcher que la représentation y  
                  soit basée sur la population; c'est le seul principe que j'y trouve. (Ecoutez!) De
                  ce que  
                  la chambre basse doit être composée d'un  
                  nombre de membres proportionné aux populations des diverses provinces, on a conclu
                  
                  qu'il était nécessaire d'adopter un autre  
                  système pour la chambre haute. Nous aurons  
                  24 conseillers pour le Haut-Canada, 24 pour  
                  le Bas-Canada, 24 pour les provinces du  
                  golfe et 4 pour Terreneuve, sans doute  
                  parce que les populations de ces trois sections ne sont pas égales et que quatre n'est
                  
                  pas un nombre proportionné à la population  
                  de Terreneuve. De plus ces conseillers, en  
                  nombre limité, seront nommés à vie! Ils ne  
                  seront même pas choisis librement parmi  
                  les hommes éminents de chaque section.  
                  Ils seront choisis, autant que possible, parmi  
                  les membres du conseil législatif actuel  
                  nommés il y a déjà quelque temps, ou élus  
                  par la faveur populaire. Avant que cette  
                  liste soit épuisée, personne dans aucune des  
                  provinces n'aura la chance d'entrer au conseil  
                  législatif. Et, à mesure que des siéges  
                  deviendront vacants, comment seront-ils  
                  remplis?— Par le gouvernement général,  
                  sans tenir compte des législatures ou de  
                  toute autre influence locales,—c'est ce que  
                  je trouve de plus fort! Et voilà ce qu'on  
                  appelle le caractère fédéral de notre nouveau  
                  système. Les vacances qui adviendront dans  
                  Bas-Canada seront remplies par des propriétaires fonciers résidant dans certaines
                  
                  divisions. Mais ces individus seront-ils choisis  
                  par les électeurs de ces divisions ou même  
                  du Bas-Canada; consultera-t-on les électeurs  
                  
                  
                  
                  de quelque manière? Mon Dieu non! La  
                  chambre haute serait ainsi un corps fédéral,  
                  elle aurait un contrôle sur le gouvernement  
                  général, et on ne veut pas de cela! Mais  
                  supposez, ce qui peut fort bien arriver, que  
                  l'une ou plusieurs des provinces, le Haut-  Canada, le Bas-Canada ou toute autre,
                  ne  
                  soit nullement représentée dans le conseil  
                  exécutif général, ou soit représentée contre  
                  ses vœux, et qu'il se présente, dans le conseil  
                  législatif, une vacance qui devrait être remplie  
                  par un membre de cette province—quelle  
                  garantie avons-nous qu'on agisse, dans ce  
                  cas, conformément au principe fédéral?  
                  (Ecoutez!) Quelle insulte pire pourrait-on  
                  adresser à une province qu'un choix fait dans  
                  de telles circonstances? On ne prétendra  
                  pas, j'espère, M. l'ORA'I'EUR, que ce conseil  
                  législatif constitué sur des bases si différentes  
                  du sénat des Etats-Unis, présidé par un  
                  fonctionnaire nommé par la couronne, dépourvu de tout caractère judiciaire ou exécutif,
                  ne pouvant comme ce dernier corps  
                  public exercer une surveillance infatigable  
                  sur les finances, on ne prétendra pas, dis-je,  
                  qu'il exercera un contrôle fédéral dans le  
                  système proposé, quoique ce conseil puisse  
                  fort bien jeter les affaires dans une impasse  
                  et empêcher toute législation par un véto  
                  absolu, sans qu'on puisse prédire jusqu'où  
                  celui-ci s'étendra. Je crois que c'est là  
                  côtoyer le systême le plus pernicieux en fait  
                  de législation. Autant le sénat américain  
                  est parfait dans un certain sens, autant notre  
                  conseil législatif le serait dans le sens contraire. (On rit.) L'hon. procureur-général
                  
                  du Haut-Canada a fait, l'autre soir, l'apologie  
                  la plus complète et la plus habile possible  
                  de la constitution de ce futur conseil législatif: quel a été le résultat de tant
                  d'éloquence et d'habileté? Aucun. Il s'est  
                  évertué à nous représenter que, suivant le  
                  cours ordinaire des choses, nous pourrions  
                  compter sur les décès qui arriveraient dans  
                  un corps formé comme celui-là d'hommes  
                  mûrs, et ainsi de suite, et qu'ainsi la composition du conseil ne mettrait pas autant
                  de  
                  temps à se recruter de nouveaux éléments que  
                  certains députés en avaient exprimé l'appréhension. Il nous a dit que les hommes qui
                  
                  en feraient partie seraient après tout des  
                  gens—peut-être des partisans plus ou moins  
                  enclins à être complaisants—qui, convaincus  
                  du peu de confiance que le public leur  
                  accordait, pourraient bien se laisser aller  
                  quelquefois à en subir la pression trop aisément au lieu de lui opposer trop de résis
                  
                  
                  500
                  
                  tance. Eh bien! monsieur, j'ai entendu dire  
                  que tous les gouvernements du monde étaient  
                  quelque peu des gouvernements constitutionnels, c'est-à-dire que tous étaient soumis
                  
                  à un contrôle ou a un autre; on dit même que  
                  le despotisme du Grand Turc rencontre un  
                  certain frein dans la crainte qu'inspire le  
                  cordon de soie, et il pourrait bien se faire  
                  qu'en eût quelque chose de cela ici:—mais  
                  j'avouerai que le quasi-despostisme de ce  
                  conseil législatif me répugne, même tempéré  
                  comme on nous le promet. Sans doute, le  
                  fait qu'il ne représentera ni opinion, ni  
                  autorité d'aucune espèce, le rendra moins  
                  malfesant, mais il ne saurait produire  
                  le bien; bien plus, il ne saurait durer.  
                  S'il est quelque chose qui me plaît, c'est de  
                  pas me trouver seul de la même opinion;—  
                  aussi, vois-je avec plaisir que le secrétaire  
                  colonial et le gouvernement anglais lui-même  
                  s'accordent à dire que cette partie du projet  
                  est irréalisable. Les autorités impériales ne  
                  peuvent en effet manquer de s'apercevoir  
                  qu'un corps nommé à vie et dont le nombre  
                  est limité, est précisément la pire organisation possible,—la dernière des extravagances.
                  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Moi je dis que c'est la  
                  plus mauvaise, le gouvernement impérial dit  
                  qu'elle est mauvaise. Elle se trouve condamnée par le gouvernement de Sa Majesté,
                  en  
                  termes diplomatiques, c'est vrai, mais qui  
                  n'excluent pas une certaine emphase, et je  
                  crois que, comme moi, il regarde cette organisation d'une des branches de la législature
                  
                  fédérale comme à peu près dénuée de sens.  
                  On dira peut-être que le gouvernement de  
                  Sa Majesté peut remédier à la mesure en  
                  retranchant ce qui se rapporte au chiffre de  
                  membres.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN —Non, ce n'est pas une  
                  garantie, mais le contraire. Eh bien! M.  
                  l'ORATEUR, quand même le gouvernement  
                  de la métropole en agirait ainsi, ou n'indiquerait pas les restrictions imposées à
                  la  
                  couronne dans son premier choix des membres  
                  du conseil législatif; ne serait-ce pas le plus  
                  insignifiant des palliatifs imaginables? Les  
                  restrictions à ce choix n'en seraient pas moins  
                  maintenues dans la pratique, et la limitation,  
                  même quant au nombre, resterait comme  
                  une règle sous-entendue que l'on n'enfreindrait jamais, pas même pour une raison bien
                  
                  
                  
                  
                  moins grave qu'il n'en faudrait pour faire  
                  disparaître une clause d'un acte du parlement impérial. Avant de passer outre, M.
                  
                  l'ORATEUR, qu'il me soit permis de rappeler  
                  pendant quelques instants à la mémoire de  
                  mon hon. auditoire l'histoire de l'ancien  
                  conseil législatif canadien. (Ecoutez! écoutez!) Ne voit-on pas que le premier conseil
                  
                  législatif du Canada, illimité dans le chiffre  
                  de ses membres et ressemblant à la chambre  
                  des lords à cet égard, fut presque toujours  
                  composé de membres d'une seule couleur  
                  politique? Les nominations faites par lord  
                  SYDENHAM et ses successeurs immédiats  
                  tombérent, personne n'en disconvient, sur des  
                  personnes des plus remarquables, et je ne  
                  vois rien dans ces nominations qui dérogeât  
                  à la coutume ordinaire, mais il n'en est pas  
                  moins vrai qu'elles furent toutes politiques.  
                  Voilà ce qui arrivera avec le système proposé  
                  et cela le plus naturellement du monde. En  
                  1848, lors de la formation du nouveau ministère, il devint nécessaire de faire passer
                  par  
                  le parlement certaines lois auxquelles on  
                  savait que la grande majorité de cette chambre  
                  haute était opposée, et il fut un moment  
                  question de prendre vis-à-vis de ce corps des  
                  démarches semblables à celles dont l'histoire  
                  d'Angleterre raconte que la chambre des  
                  lords avait été une fois menacée. Néanmoins,  
                  les choses n'allèrent pas plus loin. On n'eut  
                  pas besoin de recourir à cette extrémité ou  
                  du moins on n'eût besoin d'y recourir qu'à  
                  moitié. La position toute particulière des  
                  membres de ce corps et l'impossibilité où ils  
                  se trouvaient de résister au-delà d'une certaine limite, rendirent inutile de mettre
                  les  
                  menaces à exécution. Cependant, les choses  
                  furent poussées assez loin pour anéantir le  
                  respect qu'ils avaient pour eux-mêmes et que  
                  le public avait pour eux. Tout le monde  
                  comprit que leur influence n'était pas assez  
                  grande, et ils se mirent à descendre graduellement dans l'opinion publique jusqu'à
                  ce  
                  que tous eurent fini par consentir de bonne  
                  grâce à subir le changement qui s'opéra peu  
                  après dans la constitution de leur chambre.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Je ne surcharge pas le  
                  tableau en disant que si le conseil législatif  
                  fut ainsi ravalé dans l'opinion publique, ce fut  
                  parce qu'il n'offrait d'autre prise à la pression  
                  de celle-ci que par la création de nouveaux  
                  membres, et que, pour éviter une impasse ou  
                  conflit entre les deux branches de la législature, on dut leur faire sentir qu'en
                  dernier lieu  
                  ils pourraient bien s'apercevoir que leur autorité n'était pas aussi grande que leur
                  volonté.  
 
               
               
               501
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Si la couronne eût été  
                  dans l'impossibilité d'augmenter leur nombre,  
                  ces hon. messieurs auraient pu se mettre en  
                  travers du vœu populaire jusqu'à ce qu'une  
                  révolution les eut balayés de la chambre, ou  
                  que la crainte d'une pareille catastrophe leur  
                  eût fait changer d'avis. Mais il cédèrent à  
                  une pression plus douce. (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
               L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Il y a  
                  dans toutes les choses un pouvoir central,  
                  une force centrifuge et une force centripède.  
                  L'excès de l'une ou de l'autre est également  
                  dangereux, et ce qui est vrai du monde  
                  physique s'applique également dans l'ordre  
                  moral.  
  
               
               
               
               M. DUNKIN—Très-bien! mais je ne  
                  vois réellement pas en quoi cette observation  
                  se rapporte à ce que je dis en ce moment.  
                  (Ecoutez! écoutez!)—Je répète donc que  
                  l'application du système électif à la chambre  
                  haute fut jugée nécessaire par le pays à  
                  cause du déplorable état de choses où l'on se  
                  trouvait alors, et malgré que la constitution  
                  de ce corps fût encore moins mauvaise que  
                  celle qu'on nous propose aujourd'hui. Car  
                  la couronne avait le pouvoir d'augmenter  
                  le nombre des conseillers et, par conséquent, un  
                  moyen constitutionnel de les faire plier devant  
                  l'opinion publique bien arrêtée, et cela aussi  
                  simplement que l'avait fait la chambre des  
                  lords dans la circonstance mémorable dont je  
                  viens de parler. Supposez que cette dernière  
                  eût tenue ferme contre le bill de réforme,  
                  croit-on que le trône d'Angleterre aurait pu  
                  échapper aux conséquences de la révolution  
                  sanglante qui s'en serait suivie? Cette  
                  chambre pouvait être constitutionnellement  
                  toute puissante, mais elle était sans moyens  
                  physiques d'exercer ses droits constitutionnels. Or, que propose-t-on de nous  
                  donner ajourd'hui? Un corps dépourvu de  
                  toute influence par ses membres et qui,  
                  assure-t-on, devra reculer devant l'exercice  
                  de ses prérogatives, ce que je ne saurais dire.  
                  Il me répugne de mettre entre les mains  
                  d'un corps d'hommes dont le nombre est  
                  fixé—quelque faible que soit son poids dans  
                  la société,—un droit de véto absolu sur toute  
                  législation, lequel devra durer autant que la  
                  vie de chacun d'eux, car je crois qu'on  
                  pourrait combiner quelque chose de mieux,  
                  pour ne pas dire que j'en suis convaincu.  
                  Quoiqu'il en soit, ce corps que l'on décore  
                  
                  
                  
                  du nom de "fédéral" le sera-t-il? Assurément  
                  non. C'est plutôt un système assez adroitement imaginé pour faire éclater des  
                  conflits à chaque instant et dont on excuse  
                  l'invention en disant qu'il ne sera pas assez  
                  fort pour faire à beaucoup près tout le mal  
                  qu'il fait augurer. Le gouvernement de Sa  
                  Majesté l'a condamné:—mais il n'est pas  
                  besoin de dire avec quelle promptitude nous  
                  nous rangeons du côté de cette haute parole.  
                  (Ecoutez!)—J'ai démontré jusqu'à présent,  
                  M. l'ORATEUR, qu'en ce qui regarde notre  
                  chambre des communes, nous sommes loin  
                  d'avoir atteint la perfection, et que nous n'en  
                  sommes pas plus près par le projet de  
                  constitution de notre chambre haute. J'en  
                  viens maintenant à l'exécutif, et je trouve  
                  encore ici une grande différence entre le  
                  projet actuel et le système américain. Et  
                  d'abord, le président des Etats-Unis est le  
                  fruit de l'élection populaire et n'exerce sa  
                  charge que durant une période assez courte;  
                  cette disposition est un des défauts de la  
                  constitution américaine, car il plonge le pays  
                  dans tous les désordres d'élections présidentielles rapprochées, à part le droit qu'elle
                  
                  accorde de pouvoir être élu une seconde fois.  
                  Le projet actuel évite ce mal en décrétant  
                  que notre vice-roi ou notre gouverneur- général ne sera pas élu; mais, personne ne
                  
                  le veut, et je ne crois pas qu'on n'y ait jamais  
                  songé: aussi, les auteurs du projet n'en ont- ils pas grand mérite, pas plus qu'on
                  ne leur  
                  saura gré de l'offre qu'ils ont faite d'eux- mêmes à Sa Très-Gracieuse Majesté de
                  
                  continuer de la garder sur le trône, en  
                  d'autres termes, de la créer Reine de l'Amérique Britannique du Nord, par la grâce
                  de  
                  la conférence de Québec! (On rit.)—Ceci  
                  soit dit en passant. Mais ce qu'il y a de plus  
                  grave à noter, à propos de ce qui nous occupe,  
                  c'est la distinction frappante que j'ai signalée  
                  comme existant entre le système américain  
                  qui impose en partie au sénat la charge  
                  d'aider et aviser le chef du gouvernement  
                  dans l'exercice de ses fonctions exécutives, et  
                  le système qu'on nous propose aujourd'hui  
                  et qui décharge tout-à-fait le conseil législatif  
                  de cette tâche pour l'attribuer toute entière  
                  au conseil exécutif. Ainsi que je l'ai dit,  
                  le sénat aux Etats-Unis a d'importantes  
                  fonctions exécutives à exercer.    
  
               
               
               
               L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Mais ce  
                  corps les exerce sans responsabilité, tandis  
                  que le projet actuel en fait son pivot: à cet  
                  égard notre système est certainement préférable.  
 
               
               
               502
               
               
               
               M. DUNKIN — Mon hon. ami prétend  
                  que le sénat est sans responsabilité; — je  
                  crois le contraire. Pensez-vous, par exemple,  
                  qu'un sénateur de Massachusetts ou de New- York ne se croit pas très responsable envers
                  
                  l'état qu'il représente? Il ne l'est pas  
                  envers tout le peuple des Etats-Unis, de  
                  même que le sénat pris comme corps, mais  
                  chaque sénateur est personnellement responsable envers l'état qu'il représente et
                  agit  
                  en conséquence. (Ecoutez! écoutez!) Le  
                  président JACKSON ayant nommé ministre  
                  américain près la cour de St. James, MARTIN  
                  VANBUREN, qui lui succéda dans la suite  
                  comme président, une majorité du sénat  
                  désavoua cette nomination: — croit-on que  
                  les sénateurs qui votèrent dans un sens ou  
                  l'autre ne le firent pas en ayant devant les  
                  yeux tout le poids de la responsabilité de  
                  leur charge? Chacun d'eux en agit ainsi et  
                  vota sous la sanction de sa responsabilité;  
                  on sait que quelques-uns eurent à expier  
                  cet acte, mais telle est la conduite générale  
                  du sénat. (Ecoutez! écoutez!) Après cette  
                  digression dans laquelle m'a entrainé l'interruption de mon hon. ami, je reviendrai
                  à  
                  l'argumentation que je développais pour  
                  prouver qu'en ce qui regarde la constitution  
                  du pouvoir exécutif, le projet actuel diffère  
                  du tout au tout du système en opération  
                  aux Etats-Unis. Je vais considérer maintenant la question dans ses avantages ou dans
                  
                  ses désavantages. Comme on l'a vu, le sénat  
                  remplissant aux Etats-Unis une partie de ce  
                  qui est dévolu ici au cabinet, le contrôle  
                  ainsi exercé par ce corps rend inutile, pour  
                  les intérêts fédéraux, l'existence d'un ministère qui, de fait, ne saurait y avoir
                  de raison  
                  d'être et est absolument étranger au régime  
                  qu'on y pratique. Il n'en est pas de même  
                  pour ce pays où le premier magistrat ne se  
                  trouvant pas à être le résultat de l'élection  
                  populaire, il nous faut y suppléer par la formation d'un cabinet; mais la difficulté
                  sera  
                  de faire fonctionner cette partie du système  
                  qui se trouve greffée sur un régime qui,  
                  après tout, est beaucoup plus calqué sur  
                  celui des Etats-Unis que de l'Angleterre.  
                  Arrêtons-nous ici pour un moment, et prions  
                  les hon. messieurs de la droite de nous enseigner quelle sera l'organisation de leur
                  cabinet  
                  provincial suivant les dispositions de leur  
                  soi-disant projet fédéral? (Ecoutez! écoutez!)  
                  Eh! bien, je crois pouvoir les défier sans  
                  crainte de me dire qu'ils pourront former un  
                  ministère d'après un autre principe que celui  
                  de la représentation des diverses provinces  
                  
                  
                  
                  dans le cabinet. On convient que les provinces ne seront pas réellement représentées,
                  
                  fédéralement parlant, dans le conseil législatif, et que le cabinet devra remplir
                  ici le  
                  rôle qui se trouve appartenir dans le sens  
                  fédéral au sénat des Etats-Unis;—or, comme  
                  ce dernier corps a des devoirs fédéraux à  
                  remplir comme partie intégrale du gouvernement exécutif chaque fois qu'il est besoin
                  
                  d'un contrôle et d'un contre-poids, il s'ensuit que n'ayant ici rien d'équivalent,
                  au  
                  besoin nous sommes tenus d'y suppléer dans  
                  la composition fédérale du conseil exécutif,  
                  c'est-à-dire en y représentant absolument  
                  toutes les provinces. Eh bien! j'affirme  
                  qu'un tel système est tout à fait en désacord  
                  avec la pratique et la théorie du gouvernement anglais, avec le régime constitutionnel
                  
                  qui veut quee le cabinet entier soit responsable de chacun des actes du gouvernement.
                  
                  Le cabinet anglais n'est pas un cabinet  
                  composé de parties, mais il constitue une  
                  unité. Afin de mieux faire comprendre ma  
                  pensée, je rappellerai des faits de notre  
                  propre histoire; la lumière du passé permet  
                  de voir plus clair dans l'avenir. L'union des  
                  Canadas, qui fut consommée en 1841, fut une  
                  union législative, et rien n'y décélait la  
                  moindre idée de fédéralisme, si ce n'est  
                  la clause qui décrétait, bien inutilement  
                  suivant moi, que la représentation dans la  
                  chambre d'assemblée serait d'un nombre  
                  égal de députés pour le Bas et le Haut-  Canada, car on aurait pu obtenir le même
                  
                  résultat en organisant les divisions électorales  
                  de telle façon à ce que la représentation  
                  des deux provinces fût la même. L'acte  
                  impérial déclarant expressément que le  
                  chiffre des députés de la chambre basse  
                  serait le même pour les deux, allait encore  
                  plus loin et, par une anomalie inexplicable,  
                  nous conférait la faculté de changer cette  
                  égalité lorsque nous le jugerions nécessaire.  
                  Aussi, lors de la formation du premier  
                  gouvernement exécutif, lord SYDENHAM se  
                  trouva obligé d'appeler dans le ministère  
                  certains fonctionnaires du Haut et du Bas-  Canada, sans cependant avoir égard à l'égalité
                  
                  du nombre de chacun. Et, de fait, il ne fut  
                  pas sérieusement question d'établir l'égalité  
                  de représentation des deux provinces dans  
                  le ministère jusqu'en 1848, époque à laquelle,  
                  pour des motifs d'un caractère particulier,  
                  mais qui étaient peut-être plus personnels  
                  que politiques, on a commencé à mettre ce  
                  principe d'égalité en pratique, et l'on a continué depuis à avoir un premier et un
                  sous-  
                  
                  
                  503
                  
                  premier ministre, et un cabinet organisé par  
                  eux, dont les membres, autant que possible,  
                  étaient pris en nombre égal dans les deux  
                  sections. C'est cet usage qui a créé le principe de la double majorité, lequel, à
                  son  
                  tour, a constamment donné lieu à mille difficultés constitutionnelles. (Ecoutez! écoutez!)
                  Maintes et maintes fois on a pu constater qu'il était impossible de constituer,  
                  d'une manière satisfaisante, un ministère  
                  pour les deux sections, car, bien qu'il y  
                  eût entente entre les ministres, il arrivait  
                  presque toujours que ceux de l'une ou  
                  l'autre section ne pouvaient commander  
                  une majorité en chambre. La chambre,  
                  comme le gouvernement, se trouvait réellement divisé en deux sections, tout comme
                  
                  si nous avions eu deux chambres et deux  
                  administrations. Tout haut, comme de  
                  raison, on n'admettait pas qu'il y eût deux  
                  ministères; cependant une fois, lors de la  
                  première proposition de voter non-confiance  
                  dans le ministère MACDONALD-DORION, une  
                  motion a été à la veille de se faire—avis en  
                  avait été donné—dans laquelle il était réellement question d'un ministère Bas-Canadien
                  
                  et d'un ministère du Haut-Canada. Je cite  
                  ce fait afin de démontrer que déjà la force  
                  des choses nous avait imposé un système  
                  plus complexe et d'un fonctionnement plus  
                  difficile que ce qui se voit en Angleterre.  
                  Ici comme là, la constitution rend le cabinet  
                  solidaire de ses actes; mais nous savons  
                  qu'ici, pour toutes les fins pratiques, l'action  
                  du ministère n'est pas collective, chaque  
                  section ayant son propre chef, une politique  
                  qui lui est particulière, et chaque chef ayant  
                  la direction et la responsabilité des actes de  
                  sa section en cette chambre. (Ecoutez!  
                  écoutez!) D'après une méthode aussi illogique que nouvelle, nous avons fédéralisé
                  
                  notre constitution depuis 1848, et c'est à  
                  cela plus qu'à aucune autre chose que nous  
                  devons d'être dans cette sorte de difficulté  
                  où l'on s'est récemment trouvé. (Ecoutez!  
                  écoutez!) Et maintenant, M. l'ORATEUR,  
                  je désirerais savoir comment, à cet égard,  
                  fonctionnera le système que ce projet introduira? Ainsi qu'on l'a vu, il stipule que
                  les  
                  députés envoyés à la chambre des communes se composerent non pas de membres  
                  du parlement qui se rendront à cette chambre  
                  dans le but de legiférer pour toute l'Amérique Britannique du Nord, mais d'un certain
                  
                  nombre spécifié de Haut-Canadiens, de Bas- Canadiens, de députés de laNouvelle-Ecosse,
                  de  
                  Brunswickiens, d'habitants de l'Ile du Prince  
                  
                  
                  
                  Edouard, de Terreneuve, de la Rivière-Rouge,  
                  de Vancouver, de la Colombie Anglaise et  
                  de la Saskatchewan, chacun desquels travaillera pour la province qu'il représente.
                  
                  (Ecoutez! écoutez!) Si tous ces territoires  
                  sont érigés en provinces, nous aurons dans  
                  cette chambre justement autant de sections  
                  que de provinces, mais tout à fait inégales  
                  sans le rapport du nombre, et la seule distinction reconnue entre les membres sera
                  
                  celle créée par les lignes qui diviseront leurs  
                  provinces. Le conseil législatif, on a pu  
                  le voir, ne pourra exercer de contrôle sur  
                  ces sections. Il faudra que ce soit l'exécutif  
                  qui ait ce contrôle, mais comment pourra-t-il  
                  être efficace puisque ces sections existeront  
                  là. aussi? A part des provinces ou du vaste  
                  territoire de l'Ouest, nous aurons six sections  
                  dans la chambre des communes, le même  
                  nombre dans le cabinet et, si possible, autant  
                  de majorités parlementaires à gouverner,  
                  possibilité douteuse, puisqu'avec nos deux  
                  sections et nos deux majorités nous avons  
                  reconnu qu'une d'elles était de trop. Je le  
                  répète, nos difficultés eonstitutionnelles sont  
                  dues à ce système, et, cependant, l'on nous  
                  propose d'en essayer un qui est trois ou quatre  
                  fois plus complexe que le nôtre L'homme  
                  d'état qui, sous un pareil système, parviendrait à maintenir une administration, à
                  
                  gouverner six sections ou plus dans la  
                  chambre des communes, le même nombre  
                  au conseil législatif, autant de parlements  
                  locaux et de lieutenants-gouverneurs, cet  
                  homme, dis-je, le plus habile d'entre tous  
                  les hommes d'état, qui réussirait a maintenir  
                  son gouvernement pendant deux ou trois  
                  ans, mériterait qu'on l'envoyât en Angleterre  
                  pour y enseigner aux lords PALMERSTON et  
                  DERBY leur alphabet politique. (Ecoutez!  
                  écoutez!)  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN ——L'hon. préopinant ne voit  
                  jamais de difficulté dans tout ce qu'il veut  
                  faire.  
  
               
               
               
               L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Je me  
                  suis rarement trompé; j'ai même obtenu  
                  assez souvent le succès. (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
               M. DUNKIN —Pour certaines choses,  
                  oui; mais pour d'autres il n'a pas été très  
                  heureux. L'hon. monsieur a été beaucoup  
                  favorisé par les circonstances; de plus, je ne  
                  suis pas tout à fait certain si je pourrais  
                  croire à l'omniscience de n'importe qui.  
                  (Ecoutez! écoutez!) Si, comme il le faudra,  
                  les différentes provinces sont représentées  
                  
                  
                  504
                  
                  dans le conseil exécutif, examinons un peu  
                  quel devra être le nombre des ministres. Il  
                  y a deux manières de faire ce calcul, deux  
                  données sur lesquelles on peut s'appuyer.  
                  Il faut ou commencer par ce que nous  
                  pourrions appeler les besoins des parties  
                  constituantes, ou par les besoins du pays en  
                  général. Eh bien! commençons par les  
                  besoins des différentes provinces. Je considère que nulle section de la confédération
                  
                  ne pourra avair moins d'un représentant dans  
                  le cabinet: L'Ile du Prince-Edouard en  
                  voudra un; Terreneuve en voudra un; mais  
                  déjà une difficulté se présente quant au Bas-  Canada, car, en vertu du principe qui
                  lui  
                  accorde une juste représentation dans le  
                  conseil exécutif, chacune des populations en  
                  minorité dans cette partie du pays exigera  
                  la même chose. Nous comptons trois populations dans le Bas-Canada: les Franco- Canadiens,
                  les Irlandais catholiques et les  
                  Anglais protestants. En d'autres termes, il  
                  y a les catholiques et les protestants, ceux  
                  qui parlent la langue anglaise et ceux qui ne  
                  la parlent pas, et ces deux distinctions font  
                  chez notre peuple les trois divisions que je  
                  viens d'indiquer. Si, dans un gouvernement  
                  fédéré de ce genre, les différentes populations  
                  du Bas-Canada exigent cette justice, il faudra  
                  nécessairement la leur accorder, autrement  
                  le désaccord s'ensuivra. Jusqu'ici, la représentation ordinaire du Bas-Canada dans
                  l'exécutif a été de six sur douze. De ce nombre,  
                  on peut légitimement dire que quatre représentaient la partie franco-canadienne, un
                  les  
                  Irlandais catholiques, et l'autre les Anglais  
                  protestants. Chacun, aussi, est prêt à admettre  
                  que c'était à peu près ce que l'on devait  
                  faire. Des fois, cependant, cette représentation a varié. Il est arrivé que la population
                  protestante anglaise n'était représentée  
                  dans le cabinet que par un solliciteur-général  
                  sans portefeuille, fait dont elle n'a pas eu à  
                  se plaindre amèrement. Jamais, que je sache,  
                  le cabinet s'est trouvé sans un ministre  
                  irlandais catholique. (Ecoutez!) Quelque- fois, le nombre des ministres franco-canadiens
                  
                  était de moins de quatre, et, comme de  
                  raison, on y a trouvé beaucoup à redire. Six  
                  membres—quatre, un et un—voilà le nombre  
                  qu'il faut que vous donniez pour contenter  
                  chaque section du Bas-Canada. Eh bien!  
                  M. l'ORATEUR, s'il doit y avoir six ministres  
                  pour le Bas-Canada, il en faudra six ou sept  
                  pour le Haut, au moins trois pour chacune  
                  des provinces de la Nouvelle-Ecosse et du  
                  Nouveau Brunswick, et, comme je viens de  
                  
                  
                  
                  le dire, un pour chacune des provinces de  
                  Terreneuve et de l'Ile du Prince-Édouard,  
                  de sorte que, à part de ceux que l'on pourrait  
                  avoir à ajouter pour d'autres provinces, nous  
                  aurons un conseil exécutif composé de vingt- et-un membres, nombre que je trouve trop
                  
                  élevé. Jamais l'harmonie ne pourrait régner  
                  dans un cabinet aussi nombreux. Prenons  
                  maintenant l'autre côté de cette question.  
                  Supposons que le nombre des ministres soit  
                  limité à ce que je puis appeler les besoins  
                  généraux du pays; onze, douze ou treize—  
                  mais, comme à fait remarquer un hon.  
                  député, ce dernier nombre est fatal—sont  
                  autant qu'il sera possible d'en avoir. De ce  
                  nombre, un représentera Terreneuve, un  
                  autre l'Ile du Prince-Edouard. Si chacune  
                  des petites provinces est représentée par un,  
                  le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse  
                  seront très mécontents s'ils ne le sont par  
                  au moins chacun deux, et ni le Haut ni le  
                  Bas-Canada ne seront satisfaits des trois que  
                  chacun d'eux aura. Quant au Bas-Canada  
                  surtout, comment pourra-t-on diviser ce  
                  chiffre entre les Français, Irlandais et  
                  Anglais? Leur en donnerons-nous chacun  
                  un, et dirons-nous à l'élément franco-canadien de se contenter d'une voix dans un
                  
                  cabinet composé de douze membres, ou bien,  
                  lui en donnera-t-on deux, et laisserons-nous  
                  l'élément anglais ou irlandais sans représentant; ou bien encore, donnerons-nous les
                  
                  trois à l'élément le plus nombreux, au grand  
                  mécontemcnt des deux autres? Ce ne sera  
                  pas chose facile, M. l'ORATEUR, de former  
                  un cabinet avec ses trois membres pour le  
                  Bas-Canada, et de satisfaire en même temps  
                  à ses exigences de race et de religion.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—L'hon. procureur-général  
                  se croit probablement capable de surmonter  
                  cette difficulté?  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN — Eh bien! si cet hon.  
                  monsieur réussit à satisfaire le Bas-Canada  
                  avec seulement trois ministres dans le  
                  cabinet, il prouvera qu'il est le plus habile  
                  homme d'état du pays.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Je vois que l'hon. monsieur ne m'a pas écouté, et pour le satisfaire,  
                  je ne crois pas devoir punir la chambre en  
                  répétant ce que je viens de dire. (Ecoutez!  
                  
                  
                  505
                  
                  écoutez!) Je dis donc que si le nombre  
                  des membres de l'exécutif est limité aux  
                  besoins du pays, et non à ce que je pourrais  
                  appeler les besoins locaux des diverses provinces, il se composera de onze, douze
                  ou  
                  treize; il sera alors si petit en proportion de la  
                  diversité d'intérêts à satisfaire, qu'il sera  
                  extrêmement difficile d'éviter de sérieuses  
                  difficultés dans sa distribution locale. Si,  
                  d'un autre côté, vous donnez à toutes les  
                  provinces le nombre qu'il leur faut, le  
                  cabinet sera trop nombreux pour pouvoir  
                  gouverner. Il sera pratiquement impossible  
                  de satisfaire aux besoins de toutes les provinces, et, cependant, aucune d'elle ne
                  
                  pourrait être maltraités à cet égard sans  
                  qu'il en résultât de lâcheuses conséquences.  
                  (Ecoutez! écoutez!)  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN— Parlant un jour d'un premier ministre d'Angleterre, SIDNEY SMITH  
                  disait que sous le plus court délai il pourrait  
                  remplir les fonctions de l'archevêque de  
                  Cantorbery ou prendre le commandant de  
                  la flotte. (On rit.) Nous avons en ce pays  
                  quelques hommes publics qui, selon eux,  
                  sont doués de capacités assez grandes pour  
                  remplir les fonctions de ces deux postes  
                  élevés, voire même, peut-être, celles de maré  
                  chal de camp ou de commandant en chef.  
                  (Nouveaux rires.)  
  
               
               
               
               L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Bien que  
                  je ne pourrais commander la flotte d'Angleterre ni remplir les fonctions de l'archevèque
                  de Cantorbery, je ne m'en croirais pas  
                  moins capable de former un cabinet qui contenterait à la fois le Haut et le Bas-Canada
                  et  
                  les provinces inférieures. (Ecoutez! écoutez!  
                  et rires)  
  
               
               
               
               M. DUNKIN—Eh bien! à mon avis, et  
                  pour surmonter la difficulté qui se présentera  
                  un jour ou l'autre, il faudra une toute autre  
                  capacité que celle qui suffit pour faire une  
                  assertion hardie ou que celle qui permet de  
                  rire de bon cœur. (Écoutez! écoutez!) Cela  
                  dit, M. l'ORATEUR, je passe aux relations  
                  qui devront exister entre cette puissance  
                  fédérale et les différentes provinces, ainsi que  
                  cela a lieu entre les Etats-Unis et les différents états. Ici encore il faut faire
                  une comparaison avec le système des Etats-Unis  
                  plutôt qu'avec celui de la Grande-Bretagne,  
                  bien que dans cette partie du projet les  
                  deux systèmes ont peut-étre été illogiquement  
                  confondus. Dans le véritable sens du mot,  
                  
                  
                  
                  la Grande-Bretagne ne s'est pas encore fédérée avec aucune de ses colonies; elle conserve
                  
                  toujours sur elles une suprématie nominale.  
  
               
               
               
               M. SCOBLE—Dites plutôt une suprématie  
                  réelle.  
  
               
               
               
               M. DUNKIN—Non; elle n'est que nominale dans son exercice. Elle n'exerce pas,  
                  pratiquement, de pouvoir sur ses colonies.  
                  Depuis près de 25 ans, je ne sache pas  
                  qu'aucun acte législatif ait été désavoué par  
                  le gouvernement impérial.  
  
               
               
               
               UN 
HON. MEMBRE—Oui; un l'a été:  
                  l'acte concernant le cours monétaire, présenté par M. HINCKS.  
  
               
               
               
               M. DUNKIN—En effet, je crois que oui.  
                  Mais, sous ce rapport, nous avons eu plus  
                  tard ce que nous voulions. Comme de raison,  
                  je parle ici plus particulièrement de ce qui  
                  concerne la direction de nos propres affaires, et  
                  il n'y a pas à le nier, sous ce rapport l'Angleterre nous a laissé un contrôle illimité;
                  elle  
                  nous laisse faire ce que nous voulons tout en  
                  conservant sur nous une suprématie parfaitement nominale. Elle nomme notre gouverneur-général,
                  mais il fait ici ce que nous  
                  voulons et non ce qu'elle veut. Elle peut,  
                  si elle le veut, désavouer tous nos statuts,  
                  mais, pour toutes les fins pratiques, elle ne le  
                  fait jamais. Si elle le jugeait à propos, elle  
                  pourrait modifier ou révoquer la charte qu'elle  
                  nous a accordée, mais elle ne songe à rien de  
                  semblable, et nous savons bien qu'elle ne le  
                  fera pas. Eh bien! dans cette constitution  
                  projetée, et relativement aux relations qui  
                  subsisteront entre la confédération et les  
                  provinces, au lieu d'une fédération réelle  
                  comme celle qui existe entre les Etats-Unis et  
                  les différents états, on voit qu'on a essayé  
                  d'adopter en grande partie le système anglais  
                  d'une suprématie, qui ne sera pas, en fait, la  
                  moitié de ce qu'elle vaut en théorie. Mais  
                  de ce que le système est bon pour les relations de l'Angleterre avec ses colonies,
                  il ne  
                  s'en suit pas qu'il s'applique au cas actuel.  
                  Si les pouvoirs encore indéfinis de notre  
                  fédération ne sont que nominaux, ils seront  
                  insuffisants; s'ils sont plus que nominaux, ils  
                  deviendront excessifs. En tous cas, la définition précise des pouvoirs, comme aux
                  Etats- Unis, est la seule idée praticable. Or, quel  
                  est le système qui règle les rapports des  
                  différents états avec le gouvernement fédéral?  
                  J'y trouve deux principes excellents. En  
                  premier lieu, la constitution garantit à chacun  
                  des états la forme républicaine de gouvernement, ou, en d'autres termes, une constitution
                  en grande partie analogue à celle des  
                  
                  
                  506
                  
                  Etats-Unis, un exécutif électif, un conseil  
                  électif et enfin une chambre basse élective,  
                  le tout sans ce que nous appelons ici le gouvernement responsable; tel est ce qu'on
                  
                  appelle le système républicain. En second  
                  lieu, et avec cette uniformité de principes  
                  entre la constitution des Etats-Unis et celle  
                  de chaque état, il existe un système très-bien  
                  défini que j'appellerai celui de l'autonomie  
                  de chaque état. Pour un certain ordre de  
                  questions, chaque état est libre comme la  
                  république elle-même; il a ses fonctions et,  
                  dans ces fonctions, personne ne peut le contrôler. La république des Etats-Unis a
                  aussi  
                  ses fonctions spéciales et plein pouvoir dans  
                  un autre ordre de choses. Le systeme judiciaire général et ceux des différents états
                  
                  sont tellement bien combinés qu'ils fonctionnent avec une harmonie parfaite sous le
                  
                  système fédéral. C'est un mécanisme fort  
                  compliqué, et dont certaines parties sont  
                  très-delicates, mais, somme toute, il a bien  
                  fonctionné pendant plusieurs années et peut  
                  encore fonctionner à merveille pendant longtemps.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—L'hon. monsieur prétendil que le principe d'élection des juges forme  
                  partie du système constitutionnel des Etats- Unis? Ce principe est de fraiche date
                  et ne  
                  s'est point encore implanté aux Etats-Unis.  
                  Il n'est encore adopté que par quelques états  
                  séparés. C'est une nouveauté que les fondateurs de l'union n'avaient pas prévue, sans
                  
                  quoi, et selon toute probabilité, ils auraient  
                  pris quelque mesure pour la prévenir. (Ecoutez!) Or, m'ensieur l'ORATEUR, quel système
                  
                  allons-nous adopter par ces résolutions?  
                  Quelles seront les relations entre les gouvernements général et locaux? On nous assure
                  que  
                  nous n'avons à craindre ni choc d'intérêts ni  
                  conflit d'opinions; que l'union fédérale qu'on  
                  nous propose ne sera en réalité qu'une union  
                  législative; d'autre part, à tous ceux qui ne  
                  veulent pas d'une union législative, on répond  
                  qu'ils n'ont rien à craindre de ce côté. Or, je ne  
                  crois pas qu'on puisse combiner les avantages  
                  des deux systèmes. L'union fédérale et  
                  l'union législative sont deux choses parfaitement différentes. Le système n'est pas
                  
                  double; vous ne pouvez pas élaborer un  
                  système qui réunisse les avantages de l'un et  
                  de l'autre, mais je crains bien qu'on nous  
                  prépare en ce moment une constitution qui  
                  sera tous les désavantages de l' un et de l'autre.  
                  (Ecoutez!) Je prends, par exemple, un des  
                  
                  
                  
                  détails du projet, ou plutôt l'absence d'un de  
                  ces détails en ce qui concerne les constitutions  
                  locales. On dit: " Vous ne saurez rien à  
                  cet égard, ces constitutions se préparent  
                  dans l'ombre, mais l'essence même du projet  
                  est que vous les ignoriez." (Rires.) Il semble  
                  aussi que l'essence du projet est que ces diverses constitutions ne soient pas du
                  tout semblables. Par exemple, la Nouvelle-Ecosse  
                  aura droit d'établir un gouvernement responsable, avec un ministère et deux branches
                  de  
                  la législature. Le Nouveau-Brunswick, si  
                  cela lui plait, peut n'avoir qu'un corps législatif, avec ou sans un gouvernement
                  responsable. L'Ile du Prince-Edouard, Terreneuve  
                  et enfin le Canada peuvent aussi faire comme  
                  bon leur semble. Le Bas-Canada peut même  
                  avoir une constitution toute différente de celle  
                  du Haut-Canada. De sorte que, sur environ  
                  six constitutions locales, il pourra ne pas y en  
                  avoir deux de semblables. (Ecoutez!) On prétend que ces constitutions doivent varier
                  au  
                  gré des habitants de chaque province; il y  
                  a plus, on donne aux populations de chaque  
                  province le droit d'amender leur constitution.  
                  Il est vrai qu'il y a le véto fédéral, mais il  
                  est a présumer qu'on ne l'exercera jamais.  
  
               
               
               
               L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER —Il est à  
                  présumer qu'il sera exercé dans le cas d'une  
                  législation injuste ou inconsidérée.  
  
               
               
               
               M. DUNKIN— La présomption de l'hon.  
                  monsieur m'en rappelle une autre tout aussi  
                  concluante, mais qui, selon DICKINS, ne  
                  put satisfaire M. BUMBLE. On disait à ce  
                  bedeau embéguiné que, d'après une présomption légale, la femme agissait sous le contrôle
                  
                  du mari; " Si la loi, répondit-il, présume  
                  pareille chose, la loi est folle et parfaitement  
                  folle!" (Rires.) Si ce droit de véto repose  
                  sur la présomption que la législation de nos  
                  provinces sera injuste ou inconsidérée, il  
                  pourra être nécessaire; mais, avec cette  
                  idée en vue, il eût été mieux de restreindre  
                  cette législation. Si la promesse de ne pas  
                  user de ce véto repose sur la présomption  
                  que tout sera fait justement et avec prudence  
                  dans les législatures locales, le pouvoir législatif est bien placé; mais alors on
                  n'a que  
                  faire du véto. (Ecoutez!) Je répète que  
                  ce système, ou plutôt cette absence de  
                  système, ne tend point à établir l'uniformité entre les constitutions générale et
                  
                  locales et même entre les constitutions  
                  locales; et, sous ce rapport, la nouvelle constitution diffère essentiellement du
                  sage  
                  système adopté aux Etats-Unis. De plus,  
                  elle ne laisse aucune autonomie aux diverses  
                  
                  
                  507
                  
                  provinces et tend plutôt à la négation de 
                  toute autonomie. (Ecoutez!) Maintenant  
                  j'examinerai quelques-uns des détails qui  
                  doivent caractériser notre système provincial.  
                  Malgré la latitude qu'on laisse aux provinces  
                  de se donner une constitution, on leur impose,  
                  sous certains rapports, un joug de fer. La  
                  nomination du lieutenent-gouverneur est  
                  laissée au gouvernement général. On ne  
                  dit pas formellement qu'il sera pris dans la  
                  colonie, mais on est en droit de le supposer.  
                  Il n'est pas probable qu'un homme d'état  
                  Anglais tienne à occuper cette position.  
                  Je crois donc que le gouvernement général  
                  nommera toujours monsieur un tel ou un tel  
                  qui occupe un rang distingué parmi nous.  
                  Un hon. membre de la droite, dont je regrette  
                  d'avoir à signaler le geste, semble n'avoir  
                  jamais ou l'idée que si un pareil choix  
                  tombait sur lui, certaines personnes pourraient croire qu'il n'est pas très-apte à
                  
                  remplir ces fonctions. (Ecoutez!) Mais,  
                  vraiment, ces lieutenants-gouverneurs exerceront leurs fonctions en vertu d'une singulière
                  disposition. C'est ainsi qu'ils ne sont  
                  amovibles que par le pouvoir fédéral, et ci  
                  après le terme de cing années, à moins de  
                  plaintes motivées qui devront être mises par  
                  écrit devant les deux branches de la législature fédérale. On peut donc dire que la
                  
                  durée de leur charge sera de cinq ans durant  
                  bonne conduite. Ils seront salariés par le  
                  gouvernement général; ils auront le pouvoir  
                  de punir et de gracier en se soumettant aux  
                  instructions qu'ils pourront recevoir de temps  
                  à autre du gouvernement général. Ils auront  
                  l'initiative, par message, de tous les bills de  
                  finances, et le pouvoir de réserver les lois à  
                  l'approbation du gouvernement général. Ils  
                  auront toutes les prérogatives des lieutenants- gouverneurs actuels, mais de plus,
                  ils seront  
                  inamovibles. A part ces quelques points, les  
                  résolutions nous laissent parfaitement libres.  
                  Je trouve un autre enseignement, non pas  
                  dans les résolutions mêmes, mais dans la  
                  dépêche adressée en même temps au secrétaire des colonies par le gouverneur-general,
                  
                  c'est que, d'après les vues du gouvernement  
                  canadien, les législatures locales devraient  
                  n'avoir qu'une seule chambre. Je présume  
                  que les hon. messieurs, qui nous ont soumis  
                  cette dépêche, ne nieront pas ce point qui ne  
                  le trouve pas dans les résolutions. Voici ce  
                  que dit la dépêche:  
  
               
               
               
               
                  
                  "Chaque province aura, suivant le projet, et  
                     pour les fins de l'administration locale, un fonctionnaire exécutif nommé par le gouverneur
                     et  
                     
                     
                     
                     amovible sur des motifs déterminés, lequel sera 
                     assisté d'un corps législatif dont on propose de  
                     laisser la constitution à la décision des législatures  
                     locales actuelles, sauf approbation du gouvernement et du parlement impériaux."  
                    
               
               
               
               Mais, monsieur l'ORATEUR, soit que nos  
                  législatures locales aient une ou deux  
                  chambres ou qu'elles adoptent, ne fut-ce que  
                  pour en faire l'essai, un système différcnt,  
                  elles devront toujours se rapprocher, en  
                  principe, de deux systèmes tout-à-t'ait contraires, d'un côté, le système anglais
                  avec son  
                  ministère responsable, de l'autre, le système  
                  américain qui n'admet pas cette responsabilité. Je montrerai tout-à-l'heure que le
                  projet  
                  ne saurait être appliqué avec le premier de  
                  ces deux systèmes. Quant au second, il y a  
                  partout dans les Etats deux chambres électives et des gouverneurs élus pour un certain
                  
                  nombre d'années. Pas de fonctionnement  
                  possible autrement. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Un gouverneur nommé par une influence  
                  extérieure, pour une période assez longue, et  
                  n'ayant à craindre que le contrôle d'une  
                  seule chambre, voilà un plan aussi nouveau  
                  que peu rassurant. Avant d'aller plus loin,  
                  je reviens sur la manière dont sera constitué  
                  le conseil exécutif fédéral. On nous promet  
                  un cabinet responsable d'après le système  
                  anglais et, chose étrange autant qu'anormale,  
                  bien qu'il doive être composé d'éléments  
                  représentant les diverses provinces, il aura  
                  et devra toujours avoir une responsabilité  
                  commune. Mais c'est l'essence du gouvernement responsable qu'avec la responsabilité
                  
                  il ait le pouvoir. Un ministère ne peut se  
                  ètre tenu responsable du gouvernement d'un  
                  pays s'il n'a pas un certain contrôle indispensable sur la direction des affaires.
                  Si nous  
                  érigeons dans le pays un pouvoir trop fort,  
                  ce pouvoir cessera d'être responsable. Sans  
                  doute il doit être maître de tenir tête à  
                  l'opposition, d'après la règle constitutionnelle.  
                  Et pourtant, d'après le projet, en outre de  
                  toutes les difficultés qui surgiront de l'organisation même du cabinet fédéral et
                  de ses  
                  rapports avec la législature générale où se  
                  discuteront tous les intérêts locaux, ce  
                  cabinet rencontrera encore de nouveaux  
                  embarras dans ses rapports avec les législatures locales. Que ces dernières soient
                  ce  
                  qu'on voudra, responsables ou républicaines,  
                  ou l'une et l'autre, lorsqu'elles commenceront  
                  à. fonctionner il y aura nécessairement un  
                  choc dans lequel la législature générale ou la  
                  législature locale devra périr, ce qui revient à  
                  dire qu'il y aura une révolution. (Ecoutez!)  
                  
                  
                  508
                  
                  Quelque système que nous adoptions, nous  
                  devons en assurer le fonctionnement. Et,  
                  pour dire toute la vérité, le système fédéral  
                  est tout-à-fait incompatible avec les principes  
                  essentiels d'un gouvernement responsable  
                  établi sur le système anglais. (Ecoutez!)  
                  A part même du fédéralisme, le système  
                  anglais et le système républicain sont parfaitement incompatibles; si on les combine
                  
                  l'ensemble ne pourra jamais fonctionner. Il  
                  faut se contenter de l'un ou de l'autre et ne pas  
                  commettre la folie d'adopter un système tout  
                  nouveau et bâtard, combinaison étrange de ces  
                  deux systèmes et dont personne ne pourra  
                  jamais démontrer la possibilité pratique. Et  
                  maintenant, M. l'ORATEUR, étudions quel  
                  sera le rôle de notre distingué compatriote  
                  (le gouverneur local) essayant de gouverner  
                  l'une des provinces avec cette amalgamation  
                  des deux systèmes. Supposons qu'il soit  
                  admirablement apte à remplir les fonctions  
                  auxquelles il est appelé; il aura malgré tout  
                  une ou deux causes d'incapacité, si je puis  
                  ainsi dire, dans l'accomplissement de sa  
                  mission. Lorsque Sa Majesté nomme un  
                  gouverneur pour le Canada ou pour toute  
                  autre colonie, elle est présumée choisir quelqu'un d'une haute position en Angleterre,
                  et  
                  pour lequel personne dans la dite colonie  
                  n'est censé avoir de motifs d'antipathie. Il  
                  se présente avec un rang social plus élevé  
                  que personne parmi ses nouveaux administrés.  
                  (Ecoutez!) Tout le monde est disposé à  
                  reconnaître en lui lé rerésentant de Sa  
                  Majesté; et il a toutes les chances de se  
                  faire une position agréable et d'administrer  
                  les affaires à la satisfaction de tous les partis.  
                  En adoptant les vues de ses ministres, on ne  
                  lui demande pas d'émettre les opinions personnelles qu'il peut avoir. Il peut exposer
                  
                  aux représentants du peuple les vues de son  
                  cabinet, qu'il soit réformiste ou conservateur,  
                  ou réformiste pendant une session et conservateur à la session suivante, le tout sans
                  se compromettre en aucune façon et sans déroger aux  
                  antécédents politiques qu'il peut avoir en  
                  Angleterre. Mais supposez qu'un homme  
                  politique du Canada, de Terreneuve ou de  
                  toute autre province dans la confédération,  
                  devienne un jour lieutenant-gouverneur  
                  d'une de ces provinces. En commençant,  
                  tout est à son désavantage; il faudra qu'il  
                  subisse la série des récriminations qu'ont  
                  éprouvées tous nos hommes politiques les  
                  plus éminents. (Ecoutez!) Monsieur l'ORATEUR aux Etats-Unis lorsqu'un homme  
                  politique est élu gouverneur, le triomphe de  
                  
                  
                  
                  son élection fait disparaître dans un éternel  
                  oubli toutes les taches de sa vie politique.  
                  Mais si les gouverneurs des différents états  
                  étaient nommés par le gouvernement de  
                  Washington, pensez-vous que le peuple  
                  serait satisfait de ces nominations comme il  
                  l'est quand il a fait librement son choix; si  
                  surtout il avait lieu de croire qu'on lui  
                  a donné pour gouverneur un homme qui ne  
                  mérite que le mépris et qui peut-être est  
                  un malhonnête homme dont la nomination  
                  est, pour lui, une calamité ou une insulte?  
                  Personne n'ignore que nos hommes publics  
                  de tous les partis ont été si violemment  
                  assaillis par leurs adversaires qu'ils demeureront toujours bien bas dans l'estime
                  de  
                  ceux qui ne partagent pas leurs idées. Je ne  
                  prétends pas qu'ils aient mérité ce destin,  
                  mais le fait est incontestable. Si l'un de  
                  nos douze ou vingt hommes politiques les  
                  plus éminents était aujourd'hui nommé  
                  lieutenant-gouverneur du Haut ou du Bas-  Canada, me dira-t-on que, dans l'une ou
                  
                  l'autre section, un grand nombre de gens ne  
                  considéreraient pas cette nomination comme  
                  une insulte? Qu'on ne me dise pas que nous  
                  entrons dans une ère nouvelle et qu'avec la  
                  confédération nous inaugurons un autre ordre  
                  de choses! A l'avenir, comme dans le passé.  
                  toutes les hautes positions seront rudement  
                  convoitées. Un gouverneur local, de quelquel colonie qu'il vienne, n'aura point de
                  
                  belles cartes en main et aura beaucoup à  
                  souffrir de ses anciens adversaires politiques  
                  pour tous ses exploits dans l'arène populaire.  
                  Il ne pourra pas éviter de graves mécontentements dans une région ou dans une  
                  autre. On saura qu'il a été dans la politique,  
                  et on le tiendra favorable à tel ou tel parti.  
                  Personne, dans cette position, ne pourra  
                  effacer son passé, et nier sa participation  
                  dans telle ou telle mesure dont on ne lui fera  
                  rien moins qu'un crime; comment pourrat-il alors maintenir son équilibre entre les
                  
                  partis politiques comme cela convient au  
                  rôle de gouverneur-général? Il sera suspecté,  
                  guetté, attaqué, vilipendé; il devra favoriser  
                  ses amis et châtier ses ennemis; il ne pourra  
                  aussi bien qu'un étranger gagner le respect  
                  et l'estime. Mais il souffrira encore de bien  
                  d'autres manières. Je suis porté à croire qu'il  
                  y aura une sorte de distinction entre les deux  
                  classes d'hommes politiques qui surgiront  
                  dans la confédération projetée. Nous aurons  
                  ceux qui viseront à des siéges dans la législature fédérale; ce sera, si l'on veut,
                  la  
                  classe la plus élevée de nos hommes poli
                  
                  
                  509
                  
                  tiques. Dans cette catégorie seront choisis  
                  les membres du conseil exécutif fédéral, les  
                  hauts fonctionnaires, les juges, les lieutenants-gouverneurs, enfin les " princes
                  de  
                  la synagogue." Les siéges dans les parlements locaux seront laissés à des hommes 
                  
                  politiques d'un ordre inférieur. Mais si  
                  nous avons le gouvernement responsable, les  
                  lieutenants-gouverneurs devront être choisis  
                  dans la première de ces deux catégories, et  
                  les membres des ministères ou semblants de  
                  ministères locaux (voire même les premiers  
                  ministres dans chaque province) seront  
                  pris dans la seconde. (Ecoutez! écoutez!)  
                  Prétendrez-vous qu'un gouverneur choisi  
                  dans la meilleure classe de nos hommes politiques aura beaucoup d'influence sur un
                  conseil composé d'un tas de politiqueurs de bas  
                  étage, siégeant dans son conseil ou formant  
                  partie d'un simulacre de législature? Je crois  
                  qu'il aura besoin, pour gouverner ses administrés, d'un pouvoir beaucoup trop considérable
                  
                  à. leur gré, et beaucoup plus étendu que  
                  celui que lui conférera le nouveau système.  
                  Et que sera pour lui le conseil exécutif fédéral avec son premier ministre et ses
                  éléments  
                  hétérogènes? Une fois nommé, il faudra bien  
                  qu'il se croie tout de bon gouverneur; et il ne  
                  manquera pas, l'occasion se présentant, de  
                  dire franchement au premier ministre et au  
                  cabinet qui l'auront nommé: " Passez votre  
                  chemin, " ego sum imperator; j'aurai bien soin  
                  de ne pas vous donner cause suffisante de me  
                  démettre; mais, sans cela, j'ai encore beau  
                  jeu; je suis ici pour cinq ans, et votre position est moins assurée que la mienne."
                  Il  
                  pourra prendre cette attitude à la suite des  
                  différends qui surgiront entre le gouvernement général et lui; ou bien encore, le
                  
                  cabinet fédéral peut changer et le forcer à  
                  prendre cette attitude. Je dis plus, M.  
                  l'ORATEUR, le lieutenant-gouverneur du Bas- Canada, par exemple, sera peut-être l'ennemi
                  juré du premier ministre fédéral et  
                  ne le saluera même pas dans la rue! La  
                  durée de ses fonctions étant de cinq ans, l'infortuné premier ministre de la confédération,
                  
                  son maître pour ainsi dire, dont les vues ne  
                  concorderont pas avec les siennes, pourrait  
                  bien . . ..  
 
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN— En effet, il pourrait bien  
                  siffler, pendant que son lieut.-gouverneur sera  
                  occupé à miner son influence dans la législature provinciale et partout ailleurs;
                  et, dans  
                  une pareille lutte, il se pourrait aussi qu'il  
                  fut la victime expiatoire (Rires.) Monsieur  
                  
                  
                  
                  l'ORATEUR, permettez-moi de revenir une fois  
                  encore à l'histoire du Canada. Précisément  
                  avant l'union des Canadas, et après, feu  
                  lord SYDENHAM, qui n'était certainement  
                  pas un visionnaire, crut devoir tenter une  
                  expérience politique. Je crois qu'il ne cacha  
                  à personne que dans son esprit c'était une  
                  simple expérience et que son système ne  
                  devait pas durer longtemps. Il voulait à tout  
                  prix établir le régime municipal en Canada.  
                  Il chercha d'abord à l'introduire dans l'acte  
                  d'union; mais il n'y réussit pas. Plus tard,  
                  il fit adopter sa mesure par le conseil spécial  
                  dans le Bas-Canada, et dans le Haut par le  
                  parlement canadien à sa première session. Ce  
                  système contenait certaines dispositions du  
                  projet actuel de confédération. Chaque district municipal devait être présidé par
                  un  
                  préfet nommé par le gouverneur-général et  
                  avoir son conseil de district électif, de fait  
                  une petite législature composée d'une seule  
                  chambre; les attributions de cette dernière  
                  étaient bien précisées; il ne pouvait y avoir  
                  d'erreur à l'égard de leur portée. Le pouvoir de désavouer les règlements qu'elle
                  
                  passerait ainsi que la nomination du préfet,  
                  étaient soigneusement réservés au gouvernement. Et, notez-le bien, lord SYDENHAM 
                  
                  ne permettait à ces préfets de retenir leurs  
                  fonctions que durant bon plaisir. Il gardait  
                  en ses mains tout le contrôle nécessaire sur  
                  eux; et, bien plus, il réservait au gouvernement le pouvoir de dissoudre tout conseil
                  
                  réfractaire. Le système, dans tout son ensemble, était fort bien coordonné, et. au
                  
                  jugement de lord SYDENHAM, devait durer  
                  des années, jusqu'à ce que les districts  
                  devenant trop puissants auraient eux-mêmes  
                  le pouvoir de nommer leurs préfets et de  
                  passer leurs propres règlements en toute  
                  liberté. Or, M. l'ORATEUR, le projet  
                  n'a jamais bien fonctionné ni dans le  
                  Haut ni dans le Bas-Canada; et la première chose que fit ensuite le parlement  
                  suivant fut de tout faire disparaitre—l'élection des préfets aussi bien que le désaveu
                  
                  des réglements. Chacun découvrit et se  
                  trouva convaincu que c'était un pouvoir réel  
                  et non imaginaire que le gouvernement  
                  s'était ainsi réservé. Ce sera la même chose  
                  dans le cas actuel. Votre lieutenant-gouverneur sentira qu'il est revêtu de pouvoirs
                  
                  réels et non imaginaires. Ce que vos petits  
                  districts refusaient d'accepter il y a vingt-  cinq ans, vous ne saurioz aujourd'hui
                  le faire  
                  adopter aux provinces. En voulez-vous un  
                  exemple encore plus frappant?—J'en ai un  
                  
                  
                  510
                  
                  tout prêt sous la main. Autrefois, le gouvernement impérial entreprit d'envoyer des
                  
                  gouverneurs dans les colonies jouissant du  
                  système représentatif, sans leur enjoindre de  
                  se conformer à ce système, et la conséquence  
                  en fut qu'ils éprouvèrent un échec des plus  
                  lamentables. (Ecoutez!) Allons-nous essayer  
                  de faire fonctionner en ces provinces un  
                  système pire encore que celui qui, mis en  
                  jeu par le bureau colonial en Angleterre,  
                  eut pour résultat d'établir "l'anarchie permanente," selon l'expression de lord DURHAM?
                  
                  Si nous devons le tenter, savons-nous bien  
                  jusqu'à quand nous éloignerons ce conflit de  
                  pouvoirs qui se terminera par la destruction  
                  complète de l'édifice entier? (Ecoutez.)  
                  Mais, M. l'ORATEUR, je n'en suis pas encore  
                  arrivé aux principales difficultés de la position. Loin de là—Aux Etats-Unis, comme
                  
                  je l'ai déjà dit, tandis qu'il y a identité  
                  essentielle dans la constitution, il existe en  
                  même temps une distinction minutieusement  
                  tracée entre les pouvoirs et les fonctions.  
                  Je n'affirme pas ne la ligne de démarcation  
                  soit où elle devrait être, mais je constate le  
                  fait qu'elle existe, et je défie qui que ce soit  
                  de me contredire. Mais ici, M. l'ORATEUR,  
                  quelle est notre position par rapport aux  
                  attributions de nos législatures et de nos  
                  gouvernements provinciaux, d'un côté, et  
                  celles de l'autorité fédérale, de l'autre?  
                  Suivons-nous l'exemple que nous offrent  
                  nos voisins en donnant tant à l'union et le  
                  reste aux provinces; où tant à ces dernières  
                  et le reste à l'union? L'adoption de l'un  
                  ou l'autre de ces principes, serait chose fort  
                  simple; mais dans le plan actuel, rien de  
                  semblable. Il nous donne une espèce de  
                  budget spécial pour chaque province, indiquant ce qui doit tomber dans le fonds  
                  commun, mais non ce qui appartient à  
                  chacune. Je ne saurais, à une heure aussi  
                  avancée de la nuit, entrer plus avant dans  
                  les détails de cette question; je me contenterai d'en présenter quelques échantillons,
                  
                  en parlant des pêcheries, de l'agriculture et  
                  de l'immigration. Ces trois sujets sont  
                  également assignés à la législature générale  
                  d'un côté, et à la législature provinciale de  
                  l'autre. Il est décrété dans la 45e résolution  
                  que dans les questions soumises concurremment au contrôle du parlement fédéral et
                  
                  des législatures locales, les lois du parlement  
                  fédéral devront l'emporter sur celles des  
                  législatures locales. De sorte que, au sujet  
                  des pêcheries, de l'agriculture et de l'immigration, les législatures locales devront
                  éviter  
                  
                  
                  
                  toute législation, sans quoi la législature  
                  générale pourra en tout temps défaire ce  
                  qu'elles auront fait. L'on peut facilement  
                  se faire une idée de la fréquence des conflits  
                  d'autorité en pareils cas, résultant des réglements de pêche, des primes et des mille
                  et  
                  une questions qui ressortent de l'agriculture.  
                  Parlons, par exemple, de la question d'immigration qui se présente d'elle-même—Une
                  
                  province désire encourager l'immigration  
                  dans de certaines conditions, disons l'immigration européenne. C'est un motif légitime;
                  or, la législature fédérale, pressée par  
                  l'opinion publique, pourra peut-être adopter  
                  une ligne de conduite différente, et mettre à  
                  néant la décision adoptée par la province—  
                  Alors, pourquoi conférer aux parlements  
                  locaux des pouvoirs que la législature fédérale  
                  pourra en tout temps leur enlever? (Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, il y a encore  
                  une centaine de cas analogues desquels naitra  
                  une pareille confusion, fait que je pourrais  
                  très bien démontrer à cette chambre si j'en  
                  avais plus le temps. Par exemple, il y a la  
                  question du mariage et du divorce—question si entourée de préjugés locaux et touchant
                  de si près aux convictions religieuses.  
                  Or, elle est aissée à la législature générale.  
                  Mais, d'un autre côté, les droits civils,—  
                  sujet bien plus vaste et dont le mariage et le  
                  divorce forment partie—sont confiés aux  
                  législatures locales. Maintenant, parlons du  
                  premier sujet venu, de la législation, de l'incorporation et de la fusion des compagnies
                  
                  de chemin de fer. En vertu du projet,  
                  quelle est la législature qui se trouve saisie  
                  de ces questions? A mon avis, les difficultés  
                  et les doutes me semblent à cet égard abonder  
                  dans tous les sens; et que l'on veuille bien  
                  observer que je ne suis pas le seul à. critiquer  
                  le projet. Le secrétaire d'Etat pour les  
                  colonies n'a pas non plus manqué de faire  
                  connaitre, d'une manière diplomatique il est  
                  vrai, son opinion sur ce point. Voyons ce  
                  qu'il dit:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Le point principal et le plus important pour  
                     le fonctionnement pratique du projet est la délimitation exacte de l'autorité de la
                     législature centrale et de celle des législatures locales dans  
                     leurs relations. Il n'a pas été possible d'exclure  
                     des résolutions certaines dispositions qui paraissent  
                     être moins compatibles que l on aurait peut-être  
                     pu le désirer avec la simplicité et l'unité du plan.  
                     Mais, en somme, il semble au gouvernement de  
                     Sa Majesté que l'on a pris des précautions qui  
                     sont évidemment destinées "(destinées," il ne  
                     dit pas " propres") à assurer au gouvernement  
                     central les moyens d'exercer une action efficace  
                     dans toutes les diverses previous, et de se pré 
                     
                     
                     511
                     
                     munir contre les maux qui devront inévitablement  
                     naître s'il existait quelque doute relativement aux  
                     attributions respectives de l'autorité centrale et  
                     locale."  
                    
               
               
               
               Il ressort parfaitement de ce qui précède,  
                  que le gouvernement de Sa Majesté entrevoit  
                  que, quelle qu'ait été l'intention, il y a  
                  loin de là à l'exécution. (Ecoutez!) L'intention ne fait pas la chose.— Je vais maintenant
                  citer la critique que fait à ce sujet le  
                  Times de Londres. Dans un article très  
                  élogieux des résolutions comme ensemble,  
                  l'écrivain dit:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Mais l'article le plus important de ces résolutions et malheureusement le plus diflicile
                     à comprendre, est celui qui définit les attributions de  
                     la législature fédérale."  
  
               
               
               
               Il donne ensuite le texte même des résolutions, puis il ajoute:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Il est très difficile d'interpréter ces dispositions. En premier lieu, des pouvoirs
                     généraux  
                     de législation sont conférés dans le sens le plus  
                     large au parlement général; ensuite, pouvoir est  
                     donné spécialement de légiférer sur trente-sept  
                     sujets différents, l'un desquels comprend toutes  
                     les matières d'un caractère général qui ne sont pas  
                     exclusivement réservées aux législatures locales.  
                     Or, rieu n'est exclusivement réservé aux législatures  
                     locales, de sorte que l'effet de cet article est de  
                     limiter les attributions de la législature centrale  
                     aux matières d'un caractère général—définition  
                     des plus vagues et des plus propres, si elle est  
                     maintenue, à créer des difficultés et de la confusion.—Pareillement, quelles sont
                     les matières d'une  
                     nature particulière et locale qui ne sont pas assignées au parlement général? Nous
                     n'avons pu  
                     réussir à découvrir les matières d'une nature  
                     particulière et locale qui soient ainsi assignées;  
                     conséquemment, le pouvoir sera limité par les  
                     mots " particulière" et " locale,"—de sorte que  
                     l'effet de cette résolution sera qu'entre les sujets  
                     attribués à chaque législature, la législature  
                     générale aura juridiction sur toutes les matières  
                     générales, quelles qu'elles soient, et la législature  
                     locale sur les matières locales de quelque nature  
                     qu'elles soient; en même temps, il est très dificile  
                     de prévoir quels sujets les tribunaux pourront  
                     considérer comme généraux et locaux, et si la  
                     législature générale aura juridiction concurrente  
                     ou non sur les matières particulières et locales."  
  
               
               
               
               J'ai un grand respect pour l'opinion des  
                  écrivains de ce journal quand ils critiquent  
                  des sujets qu'ils comprennent, tandis que je  
                  n'en ai aucun lorsqu'ils se mêlent de nous  
                  parler de choses que nous connaissons beaucoup mieux qu'eux-mêmes. Le même journal
                  
                  ajoute:—  
 
               
               
               
               
                  
                  "Ces inexactitudes sont probablement le résultat d'une suite de compromis, et nous
                     ne saurions  
                     mieux contribuer à la cause de la confédération  
                     qu'en les signalant des le début. Les résolutions  
                     terminent par une demande à l'effet que les parle
                     
                     
                     
                     ments locaux et impérial passent une loi pour les  
                     mettre en vigueur; nous osons donc croire qu'avant que cette loi ne soit votée, le
                     sujet sera soigneusement étudié et examiné dans la mesure de  
                     l'importance qu'il commande."  
                    
               
               
               
               Je suis porté à croire que l'auteur de cet  
                  écrit savait peu ce que l'on allait nous  
                  demander de voter! Il ne songeait guère qu'il  
                  ne nous serait pas même permis de changer  
                  un seul mot des résolutions, qui devaient  
                  être soumises au parlement et que nous  
                  devions accepter avec tous leurs défauts.  
                  (Ecoutez!) Après avoir, M. l'ORATEUR,  
                  constaté quelles sont les vues, dans le  
                  langage diplomatique, du gouvernement  
                  impérial, et lu des extraits du plus grand  
                  journal anglais, je me permettrai de citer  
                  quelques phrases du dernier numéro de  
                  l'Edinburgh Review, publication dont l'autorité est incontestable en matière de cette  
                  espèce, car il est reconnu que ses articles ne  
                  sont jamais écrits à la légère.  
 
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN —Certainement; c'est une  
                  publication qui exerce une grande influence.  
                  Je désire donc citer quelques mots d'un article  
                  qui y a paru en faveur de la question  
                  actuelle, dans le numéro de janvier. Après  
                  avoir énoncé le texte même des résolutions  
                  et énuméré les sujets d'un caractère général  
                  qui sont confiés à la législature générale, et  
                  qui ne sont pas exclusivement et spécialement  
                  réservés aux parlements locaux, cet écrivain,  
                  distingué sans doute, observe:  
  
               
               
               
               
                  
                  "Ces dispositions sont évidemment définies  
                     d'une manière très vague; car, quelles sont les  
                     matières d'une nature générale, et qui doit décider celles qui sont d'une nature générale
                     ou non?  
                     Nous aurions préféré à l'énumération qui précède  
                     des attributions du parlement fédéral, une simple  
                     déclaration à l'effet qu'il est revêtu de tous les  
                     pouvoirs sauf ceux expressement réservés aux  
                     différents membres de la confédération."  
                    
               
               
               
               Et dans une autre partie du même article,  
                  revenant à la question, il ajoute:  
 
               
               
               
               
                  
                  "Et bien que la ligne de démarcation que l'on  
                     a cherché à tirer entre les matières générales et  
                     locales soit à peine visible dans le projet de la  
                     conférence." . .  
  
               
               
               
               Oui, monsieur, c'est ainsi que le qualifie cet  
                  écrivain, porté comme il l'est évidemment  
                  par le caractère vague de la rédaction à le  
                  considérer comme bien inférieur au traité  
                  solennellement conçu que l'on nous offre  
                  aujourd'hui. Bien que cette ligue de démarcation, dit-il, soit à peine visible dans
                  ce  
                  projet, l'objet qu'il a en vue est sufissamment  
                  
                  
                  512
                  
                  clair et intélligible. Peut-être que oui; ou  
                  bien, il se peut que cet objet n'était rien  
                  moins que de faire comprendre au peuple  
                  que le gouvernement et le parlement général  
                  devaient être revêtus de grands pouvoirs, et  
                  que les gouvernements et les parlements  
                  provinciaux ne devaient pas en avoir trop.  
                  Somme toute, cette idée ressemble beaucoup  
                  à celle exprimée dans la dépêche du secrétaire d'état pour les colonies, et les deux
                  
                  ont un grand rapprochement avec le compliment mal adroit fait à Slender: " Je pense
                  
                  que mon cousin n'avait pas de mauvaise  
                  intention."  
 
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN — Je le ferai avant que de  
                  reprendre mon siège si mes forces me permettent de compléter mon argumentation.  
                  J'aborde maintenant un autre sujet, qui est  
                  pour nous une source vive de difficultés.  
                  Le peuple américain, en rédigeant sa constitution, n'a pas oublié de décréter que
                  le  
                  district de Colombie constitueraient un territoire dans les limites duquel les pouvoirs
                  
                  du congrès et du gouvernement général  
                  seraient la loi suprême pour toutes les fins.  
                  Il n'a pas non plus oublié de déclarer que  
                  les pouvoirs législatifs et autres dont était  
                  revêtue l'autorité fédérale, seraient les  
                  mêmes sur tous les vastes territoires appartenant à la nation, et sur toutes ses propriétés
                  d'une importance moindre, tels que  
                  les forts, arsenaux, chantiers, etc. Ici nous  
                  n'avons rien de tel; et, au moins en ce qui  
                  regarde le siége du gouvernement, ce n'est  
                  pas une simple omission, car il est dit dans  
                  les résolutions que:—  
  
               
               
               
               
                  
                  "Outaouais sera le siége du gouvernement  
                     fédéral, sauf l'exercice de la prérogative royale."  
  
               
               
               
               Il est distinctement énoncé, comme  
                  formant partie de notre système, que la prérogative royale doit être maintenue en
                  ce  
                  qui concerne le droit de changer à volonté  
                  le siége du gouvernement fédéral. Or, j'ose  
                  affirmer qu'un pareil droit est incompatible  
                  avec le fonctionnement pratique d'un système  
                  fédératif. C'est, à mon sens, une anomalie,  
                  comme ne tarderont pas à le découvrir les  
                  hon. messieurs qui voudront bien y songer.  
                  Le gouverneur-général ou vice-roi, le roi  
                  pour ainsi dire de cette confédération, avec  
                  son gouvernement pour ainsi dire impérial,  
                  et sa législature pour ainsi dire impériale,  
                  quelque soit sa constitution, résiderait dans  
                  la juridiction territoriale d'une province  
                  subordonnée!! La police de la capitale  
                  
                  
                  
                  fédérale, non fédérale mais bien provinciale!!  
                  C'est là une impossibilité. Les auteurs de  
                  la constitution des Etats-Unis le prévoyaient  
                  bien, et c'est pourquoi ils prirent grand soin  
                  de conférer au gouvernement général le  
                  pouvoir d'acquérir et posséder un territoire  
                  sur lequel il règnerait en souverain, et sur  
                  lequel il exercerait un contrôle suprême en  
                  matière de législation ou autrement. Nous  
                  ne sommes pas encore rendus à Outaouais;  
                  mais supposons que le siége du gouvernement y fût transféré,— chose possible encore,
                  
                  —il se pourrait que l'hon. premier ministre  
                  de l'administration fédérale ne fut pas en  
                  bons termes avec le lieutenant-gouverneur  
                  du Haut-Canada, ou encore qu'il régnât  
                  entre eux une divergence bien prononcée  
                  d'opinions et de sentiments; il est aisé de  
                  concevoir qu'à. eux deux ils ne manqueraient  
                  pas de placer le vice-roi dans une bien  
                  triste position; et que le résultat d'un  
                  pareil malentendu serait de voir surgir un  
                  grand nombre de questions délicates sur  
                  lesquelles les autorités se verraient appelées  
                  à se prononcer. Il est donc prouvé jusqu'à  
                  l'évidence qu'il existe ici un défaut qui  
                  pourra produire de bien grands embarras.  
                  Mais l'on dira: " Oh! ne craigneZ pas; les  
                  hommes ont trop de bon sen s; impossible  
                  qu'ils cherchent à créer des embarras!!" Eh  
                  bien! monsieur, s'il est vrai que l'on manifeste le ferme désir de s'entendre et de
                  
                  travailler de concert, je vous le demande  
                  comment se fait-il que nous ayions eu quatre  
                  crises en deux ans? Il est un autre sujet qui  
                  se rattache à celui-ci et dont je désire aussi  
                  parler. J'ai dit, il n'y a pas un instant, que le  
                  système des Etats-Unis était admirable en ce  
                  qui concerne la constitution des tribunaux  
                  judiciaires. DE TOCQUEVILLE et tous les  
                  autres écrivains qui ont parlé des Etats-Unis,  
                  leur ont donné des éloges à cet égard, et ils  
                  ont eu raison. Chaque état a ses tribunaux  
                  judiciaires; et les Etats-Unis ont aussi les  
                  leurs; mais leurs fonctions respectives ont  
                  été si bien définies qu'il ne s'est jamais produit de conflit grave entre elles. Les
                  tribunaux judiciaires des Etats-Unis sont incontestablement le plus puissant boulevard
                  
                  de toute leur constitution. (Ecoutez!  
                  écoutzs!) Qu'allons-nous donc faire à ce  
                  sujet? Précisément ce que nous avons  
                  fait à l'endroit des difficultés qu'offrait  
                  le siège du gouvernement —tout oublier.  
                  Nous ne savons pas positivement si nous  
                  allons avoir des tribunaux judiciaires fédéraux distincts ou non. Pouvoir est donné
                  
                  d'en créer un: il pourra donc y en avoir; mais  
                  
                  
                  513
                  
                  l'on nous dit expressément que peut-être il  
                  n'y en aura pas. Mais que nous dit-on  
                  d'autre part? Qu'il n'y a pas de doute,  
                  d'après les résolutions qui nous sont soumises—pas le moindre doute—que, quand  
                  même nous aurions des tribunaux judiciaires  
                  fédéraux, ou non, les tribunaux judiciaires  
                  des provinces seront des institutions communes. Les gouvernements fédéral et provincial,
                  ainsi que les législatures fédérale et  
                  provinciale, vont dont se trouver à posséder  
                  en société les institutions judiciaires du  
                  pays en général. Ce sera vraiment une singulière société que celle-là.!! Tous les
                  
                  tribunaux, tous les juges, en un mot, tous  
                  les officiers judiciaires des provinces, deviendront, pour tous les besoins du ressort
                  de la  
                  confédération, des serviteurs du gouvernement fédéral. Or, il y a un vieil adage 
                  
                  qui dit "que l'on ne peut servir deux maîtres  
                  à la fois." Cependant, dans le cas actuel, il  
                  faudra bien que ces malheureux tribunaux  
                  ainsi que leurs officiers, mais surtout leurs  
                  juges, servent deux maîtres à la fois, qu'ils  
                  puissent ou ne puissent pas le faire. Tous  
                  les juges des cours supérieures— et, dans le  
                  Haut-Canada, les juges des cours de comté—  
                  doivent être nommés et salariés par l'autorité fédérale, et ne pourront être déplacés
                  
                  que par l'autorité fédérale, sur une adresse  
                  des deux chambres au parlement fédéral.  
                  Mais, d'un autre côté, ce sont les provinces  
                  qui doivent constituer les cours (écoutez!)  
                  qui doivent leur assigner leurs fonctions—  
                  fixer le nombre de juges— la manière de  
                  remplir leurs fonctions—leur donner plus  
                  ou moins d'ouvrage et leur rendre la vie  
                  agréable ou amère, le tout à leur guise.  
                  (Ecoutez!) De cette manière, elles pourront  
                  faire tout le tort qu'elles voudront à un juge;  
                  le seul contrôle auquel elles seront soumises  
                  à cet égard, résidera dans le gouvernement  
                  fédéral qui pourra désavouer leurs actes.  
                  ainsi donc, c'est le gouvernement fédéral  
                  qui nomme les juges, les paie et lui seul  
                  peut les déplacer. Ce pouvoir enlève-t-il  
                  aux parlements et aux gouvernements locaux  
                  la faculté de modifier la constitution des  
                  cours de la manière la plus inique quant aux  
                  juges qui les composent, d'abolir les cours  
                  entièrement et de restreindre leurs fonctions  
                  au point de forcer les juges à se démettre  
                  de leurs charges? Et, après cela, on vient  
                  nous dire qu'il n'y aura pas de conflit possible!  
                  (Ecoutez!) Je n'hésite pas à croire que  
                  l'hon. procureur-général du Bas-Canada pense  
                  qu'il est de force à faire fonctionner admi
                  
                  
                  
                  rablemeut bien les tribunaux d'après ce  
                  système qui confère à une autorité le pouvoir  
                  de constituer les cours, et à une autre celui  
                  de nommer et déplacer les juges. Il peut le  
                  croire; quant à moi je le nie. Je suis convaincu que si on essaie ce système, il fera
                  
                  défaut. La nature humaine est partout la  
                  même; voici donc une variété de sujets de  
                  premier choix qui offrent libre carrière à la  
                  discussion sérieuse. Il y a même une espèce  
                  de raffinement de confusion quant aux matières criminelles. Par exemple, la procédure
                  criminelle doit être la même par toute  
                  la confédération; la procédure civile sera  
                  particulière à. chaque province; la législation  
                  criminelle, proprement dite, sera fédérale,  
                  mais provinciale quant à une somme incertaine de législation pénale; les droits  
                  civils seront principalement du ressort de  
                  chaque province; mais qui pourra dire quelle  
                  sera la part du contrôle du gouvernement  
                  fédéral sur ces tribunaux constitués par les  
                  provinces et présidée par des juges nommés et salariés par le gouvernement fédéral?
                  
                  Pitié pour le malheureux juge qui sera en  
                  même temps revêtu des pouvoirs civile et  
                  criminels! Placé entre ses maîtres et ses  
                  auteurs en désaccord, il fera bien de se tenir  
                  ferme, sans compter qu'il lui restera toujours  
                  suspendu sur la tête le doute terrible de  
                  savoir si la loi provinciale doit céder le pas  
                  à la loi fédérale. La province dont il relève  
                  pourra fort bien avoir légiféré sur une question qu'elle considère, de sa nature,
                  locale  
                  tandis que de son côté, le parlement fédéral  
                  pourra bien aussi avoir fait la même chose,  
                  croyant que c'est une question fédérale. Ici  
                  et là dans les lois apparaîtront indubitablement des dispositions fédérales en désaccord
                  
                  avec les statuts locaux. Et les résolutions  
                  sur lesquelles nous délibérons en ce moment,  
                  affirment-elles que les lois fédérales prévaudront toujours sur les statuts locaux?
                  Non  
                  pas; mais seulement dans les cas de juridiction concurrente. Et, cependant, le juge
                  
                  chargé de décider des questions si délicates  
                  sera salarié par un pouvoir qui peut le  
                  déplacer, et pourra se voir évincer de ses  
                  fonctions et persécuté jusqu'à ce que mort  
                  s'en suive par un autre!! Il mérite d'avance  
                  toutes nos sympathies pour un malheur aussi  
                  grand que celui qui l'attend! A ce point  
                  de mon discours, M. l'ORATEUR, je n'ai  
                  encore abordé que des questions qui, de leur  
                  nature, tombent dans l'ensemble général de  
                  ce vaste projet de confédération; mais, maintenant, je dois réclamer l'attention de
                  cette  
                  
                  
                  514
                  
                  chambre à certaines sources de malentendus  
                  qui sont surtout propres à produire de  
                  mauvais résultats, à moins que la nature  
                  humaine ne cesse d'être la nature humaine  
                  dans notre pays du Canada. Il existe en  
                  Canada, mais surtout dans le Bas, deux  
                  difficultés qui ont pris naissance dans les  
                  différences de langue et de croyances religieuses. Il est indubitable que les raisons
                  
                  qui ont nécessité, ou que l'on peut supposer  
                  avoir nécessité le projet actuel de confédération, sont attribuables à ce fait. Le
                  projet  
                  en question est mis de l'avant expressément  
                  pour prévenir un conflit de races ou de  
                  religions en Canada et surtout dans le Bas- Canada. Or, dans les Etats-Unis, lorsque
                  la  
                  constitution fut adoptée, ses auteurs ont dû  
                  prévoir naturellement que des difficultés surgiraient de la question des droits d'état
                  et de  
                  l'esclavage. Il existait alors un sentiment  
                  de jalousie entre les petits états et les grands,  
                  et un germe de mécontentement entre les  
                  Etats du Nord et du Sud de la république.  
                  L'on prévoyait évidemment que de l'esclavage naitraient des difficultés, bien que
                  
                  l'esclavage semblât s'éteindre rapidement  
                  dans les Etats du Nord, mais pas si rapidement dans ceux du Sud. De quelle manière
                  
                  s'y prirent les auteurs de la constitution pour  
                  conjurer l'orage qui commençait à. se former  
                  en face de ces questions de droits d'état et  
                  d'esclavage? Eh bien! monsieur l'ORATEUR,  
                  ils firent tout en leur pouvoir pour éloigner  
                  le danger, pour ensevelir leurs différends  
                  dans l'oubli, afin par là d'assurer leur bonheur  
                  futur. Mais les cendres n'étaient pas bien  
                  éteintes, car l'incendie s'est rallumé; mais  
                  tant qu'ils l'ont pû ils l'ont appsisé. Eh  
                  bien! comment allons nous faire fonctionner  
                  ce projet de confédération? Appaisons-nous  
                  l'incendie ou soufflons nous sur les flammes?  
                  Nous efforçons-nous de faire disparaitre les  
                  difficultés dont nous sommes assiégés; ensevelissons-nous nos rancunes pour pouvoir
                  les  
                  oublier peu à peu? Je ne le pense pas; au  
                  contraire, nous sommes tous délibéremment a  
                  l'œuvre, nous encourageant à qui mieux mieux  
                  à formenter les haines et les discordes qui  
                  existent parmi nous, les paradant aux regards  
                  de chacun,—dans l'espoir, je suppose, que  
                  pendant que tous les yeux seront attentivement fixés de ce côté, d'une manière ou
                  
                  d'une autre, personne ne pourra les apercevoir. (Rires) Qu'on se rappelle que le 
                  
                  peuple des Etats-Unis a débuté comme nation  
                  avec des états souverains et indépendants;  
                  qu'ensuite il adopte la système de confédé
                  
                  
                  
                  ration, ce qui fut un grand progrès,—et  
                  qu'enfin il arriva par degrés à sa constitution  
                  nationale qui le régit aujourd'hui.—Chaque  
                  pas qu'il fesait en avant était marqué par  
                  une restriction des droits d'état, et partant  
                  aussi, bien qu'indirectement, du développement et de l'influence de l'esclavage. A
                  vrai  
                  dire, il n'a pas entièrement réussi dans ses  
                  tentatives, mais ce fait n'est attribuable qu'à  
                  des causes sur lesquelles il ne pouvait pas  
                  exercer de contrôle. En Canada, nous vivons  
                  depuis vingt-cinq ans sous une union législative, avec des idées fédérales. Nous nous
                  
                  plaignons que le résultat de cet état de  
                  choses est que les dissidences qui existent  
                  entre nous sont devenues plus palpables que  
                  jamais; mais il faut avouer aussi que si elles  
                  le sont devenues, nous devons plutôt en  
                  accuser le changement soudain que l'on veut  
                  faire subir à notre constitution. Or, pour  
                  perpétuer cet état de choses, l'on nous popose  
                  aujourd'hui une union fédérale que l'on nous  
                  recommande spécialement comme un moyen  
                  pratique d'opérer la désunion. En vertu de  
                  ce projet, le Bas-Canada doit posséder, ainsi  
                  qu'on le prétend, des immunités de toute  
                  sorte. Le conseil législatif sera nommé  
                  d'une manière toute exceptionnelle, quant  
                  au Bas-Canada. Les lois des autres provinces  
                  seront uniformes, mais, à cet égard, l'on fait  
                  une exception en faveur du Bas-Canada, et  
                  comme pour démontrer davantage que le  
                  Bas-Canada ne devra jamais être traité  
                  comme les autres membres de la confedération, il est soigneusement stipulé que le
                  
                  parlement général pourra assimiler les lois  
                  des autres provinces seulement—c'est-à-dire,  
                  si elles y consentent, mais par induction  
                  cette assimilation ne peut s'étendre au Bas-  Canada, quand bien même il le voudrait.
                  
                  En supposant même que les autres provinces  
                  voulussent adopter notre système Bas-Canadien, l'on pourrait inférer de la lettre
                  de la  
                  constitution, qu'elles ne le pourraient pas.  
                  Elles peuvent fort bien rendre leurs lois  
                  uniformes, mais le Bas-Canada, même le  
                  voudrait-il, ne pourrait pas assimiler les  
                  siennes aux leurs. Et, au sujet de l'éducation aussi, des exceptions d'une nature
                  quelconque doivent être faites en faveur du  
                  Bas-Canada et du Haut-Canada également,  
                  bien que personne ne puisse dire jusqu'à  
                  quel point il y sera ou non donné effet.  
                  Ainsi donc, d'une manière et d'une autre,  
                  la position que l'on fait au Bas-Canada est  
                  différente de celle des autres provinces,  
                  afin que ses intérêts et ses institutions puissent  
                  
                  
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                  être sauvegardés. Je dis donc que ce système, en général, et ces immunités et  
                  exceptions en faveur du Bas-Canada, n'ont  
                  pas d'autre but que de chercher à remédier  
                  aux difficultés naissant des différences de  
                  races et de croyances religieuses. Mais, M.  
                  l'ORATEUR, j'affirme que ce n'est pas le moyen  
                  de diminuer un danger qui nous menace de  
                  ce côté. Il est inutile de prétendre que ce  
                  système va faire cesser les animosités qui  
                  règnent. Sous l'union législative des deux  
                  Canadas, fonctionnant même comme elle l'a  
                  fait, les minorités tant du Haut que du Bas  
                  ont toujours manifesté le désir de maintenir  
                  l'union intacte, et de voir disparaitre les  
                  préjugés et les haines qui les divisaient des  
                  majorités respectives. Le résultat en a été  
                  que les animosités de races qui, précisément  
                  avant l'union, existaient dans le Bas-Canada  
                  au plus suprême degré, ont depuis presqu'entièrement été releguée dans l'oubli. Les
                  
                  hommes politiques du Haut-Canada n'ont  
                  pas cessé de se plaindre qu'ils ne pouvaient  
                  mener les Anglais et les Français du Bas-  Canada à leur guise, et qu'ils leur était
                  
                  impossible d'engager les premiers, comme  
                  anglais ou protestants, à se joindre à eux  
                  pour étouffer la majorité Bas-Canadienne.  
 
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN—Je ne dis pas qu'on l'ait  
                  exprimée par des paroles, mais qu'elle se  
                  manifestait dans l'esprit public.  
  
               
               
               
                
               
               
               
               M. DUNKIN——Je prétends que oui; la  
                  plainte a été formulée, peut-être pas de cette  
                  manière, mais certainement dans ce sens.  
                  L'on a reproché aux Anglais du Bas-Canada  
                  d'être pires encore que leurs compatriotes  
                  d'origine française, parce qu'ils refusaient  
                  de s'allier au peuple du Haut-Canada. (Ecoutez!) Eh bien! M. l'ORATEUR, il est indubitable,
                  comme je l'ai dit, que, avant l'union,  
                  le Bas-Canada était le théâtre des plus vives  
                  animosités qui n'ont pour ainsi dire commencé  
                  à cesser que des années après. Cette guerre  
                  de races a fini par s'appaiser graduellement  
                  et, depuis une certaine époque, l'harmonie  
                  semble avoir prévalu dans les deux camps  
                  rivaux. De fait, la tolérance y règne beaucoup plus que dans toute autre société 
                  
                  partagée par des croyances et des traditions  
                  aussi différentes. Mais du moment que vous  
                  venez dire au Bas-Canada que les pouvoirs du  
                  gouvernement général vont étre transférés à  
                  une majorité anglo-américaine, n'appartenant  
                  
                  
                  
                  pas à la race et aux croyances religieuses de  
                  la majorité de sa population, de ce moment  
                  vous éveiller les vieilles rancunes, et les  
                  hostilités reprennent toute leur amertume.  
                  Par les termes mêmes que vous proposez pour  
                  la protection des intérêts de la population  
                  anglaise et protestante, vous donnez malheureusement un nouveau développement à  
                  l'idée que les Franco-Canadiens vont se  
                  montrer beaucoup plus injustes qu'ils ne désirent l'être. Or, comment pourrait-il
                  en être  
                  autrement? Ils se verront en minorité dans  
                  la législature générale, et leur force dans le  
                  gouvernement général dépendra de leur  
                  propre influence dans leur province et sur  
                  les délégués qu'ils enverront au parlement  
                  fédéral. Ainsi placés, ils se verront forcés  
                  de jouer le rôle d'agresseurs afin de  
                  sauvegarder et perpétuer cette influence.  
                  Il pourra bien se faire qu'ils ne manifesteraient pas une agression acharnée; je ne
                  
                  dis pas non plus que cette agression aura  
                  lieu; mais, qu'elle se produise ou non,  
                  j'affirme qu'il existe dans ce système, des  
                  raisons puissantes qui les engageront à se  
                  ruer sur les droits de la minorité, et qui  
                  auront pour résultat de rendre cette dernière  
                  plus soupçonneuse et plus hostile encore.  
                  La même hostilité entre les deux croyances  
                  religieuses fera en même temps son chemin  
                  dans le Haut-Canada. Déjà, en vue de ce  
                  projet, les deux partis ont été notifiée de se  
                  tenir sur l'éveil et de se préparer au combat;  
                  et tout me semble indiquer. je regrette de le  
                  dire, que ces avertissements n'ont pas été  
                  donnés en vain. (Ecoutez!) Une fois encore  
                  les préjugés des deux camps vont se présenter  
                  face à face avec plus d'acrimonie que jamais;  
                  et s'il advient que ce projet soit mis à  
                  exécution, l'effet inévitable sera d'envenimer  
                  ces haines, et de faire éclater la guerre, à  
                  moins qu'il ne fonctionne d'une manière bien  
                  différente de celle que tous paraissent entrevoir.—Si l'indépendance des provinces
                  doit  
                  être étouffée par un gouvernement général,  
                  alors vous verrez surgir la guerre dont je  
                  vous parle. Si, d'un autre côté, la politique suivie par l'exécutif fédéral consiste
                  à  
                  se courber sous la volonté commune des  
                  majorités locales, coûte que coûte, vous  
                  serez encore témoins de cette guerre. Les  
                  minorités locales, si elles se sentent éliminées, croiront, dans leur alarme et dans
                  
                  leur jalousie du moment, que leur cause est  
                  désespérée, et ne tarderont pas à faire  
                  éclater leur mécontentement. Supposons, par  
                  exemple, que l'on adopte le principe de  
                  
                  
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                  restreindre le personnel du conseil exécutif;  
                  alors le Bas-Canada, comme cela s'est vu, ne  
                  pourra s'y faire représenter que par trois  
                  membres; et si tous trois sont des FrancoCanadiens—comme ils le seront inévitablement,
                  car la race française ne consentirait pas  
                  à. avoir moins de trois représentants sur douze,  
                  — je vous le demande, est-ce que les Irlandais  
                  catholiques et les Anglais protestants ne se  
                  sentiront pas lésés? Impossible de se le  
                  cacher, ils devront s'en montrer très mécontents, et avec ce sentiment, pousser à
                  la  
                  révolte. Je suppose que l'on dira aux Irlandais catholiques: " Ah! mais vous aurez
                  
                  parmi les membres du gouvernement un  
                  Irlandais catholique de Terreneuve." Si tel  
                  est le cas, il leur faudra adopter pour règle  
                  de conduite les principes partagés par les  
                  Irlandais catholiques de Terreneuve, sans  
                  songer aux idées plus larges et plus élevées.  
                  Aux Anglais protestants, l'on dira à leur  
                  tour: " Vous commandez une majorité  
                  parlant votre langue et partageant vos  
                  croyances religieuses, formée de membres du  
                  Haut-Canada et des provinces maritimes;  
                  vous devriez être satisfaits de cela et vous  
                  reposer sur le gouvernement de l'administration de vos afiaires." " Oh! il le faut!
                  
                  Fort bien; alors nous allons régler notre  
                  ligne de conduite, non pas d'après celle de  
                  l'Amérique Anglaise ou même du Bas-  Canada, mais bien d'après les préjugés ou  
                  les passions qui prévalent dans le Haut-  Canada et les provinces maritimes!" (Ecoutez!)
                  Ces éléments de discorde dans le Bas- Canada produiront, n'en doutez pas, les plus
                  
                  mauvais résultats, et parmi ceux qui se  
                  verront ainsi lancés dans la voie de la révolte,  
                  il s'en trouvera un grand nombre dont les  
                  tendances seront américaines et qui en  
                  appelleront aux influences du dehors pour se  
                  protéger. Tel sera l'effet direct de ce  
                  système; et si quelqu'un m'affirme qu'il doit  
                  produire l'harmonie dans le gouvernement  
                  de ce pays, je lui dis que je ne comprends  
                  rien à sa prophétie. Dieu merci! M. L'ORATEUR, je ne crains pas que l'on m'accuse
                  de  
                  fanatisme contre les sectes ou les partis. Il  
                  fut un temps en Canada où il était presqu'impossible à ceux qui parlaient ma langue,
                  
                  d'élever la voix pour dire que, tout considéré,  
                  les Franco-Canadiens ne méritaient pas  
                  qu'on les fit disparaître de la face de la  
                  terre. Je puis dire qu'alors j'ai combattu  
                  cette doctrine de toute mon énergie. Le  
                  souvenir des tristes évènements à cette  
                  époque est encore frais à ma mémoire, et je  
                  
                  
                  
                  redoute beaucoup de voir revenir ces jours  
                  néfastes si nous persistons à adopter ces  
                  résolutions. Et je ne crains pas de voir mes  
                  sentiments mal interprétés ou faussés, quand  
                  je déclare dans cette enceinte ne le pays  
                  est en danger et que je sonne l'alarme. Si  
                  des troubles de cette nature viennent à sugir,  
                  ils ne tarderont pas à faire le tour de toute  
                  la confédération. Partout, dans toutes ses  
                  parties, dans chaque province, il existe des  
                  minorités qui subiront cette influence. Dans  
                  les provinces maritimes et a Terreneuve,  
                  l'incendie n'attend que la mèche pour s'allumer. Et, en face d'une pareille situation,
                  
                  l'on vient vous parler de fonder " une nouvelle nationalité," de rallier toute la
                  population autour de son nouveau gouvernement à  
                  Outaouais! M. l'ORATEUR, une pareille  
                  chose est-elle possible? Dans notre société,  
                  nous comptons un bon nombre des nôtres  
                  dont la pensée nationale et le cœur même  
                  sont à Londres; un grand nombre d'autres  
                  encore dont les sympathies se concentrent  
                  sur Québec, et qui, entraînés par la force de  
                  leurs sentiments, portent leurs regards vers  
                  Paris; d'autres aussi, et ils sont nombreux,  
                  dont les yeux se baignent de larmes au seul  
                  souvenir de la Verte Erin; et enfin, il  
                  existe une certaine classe de nos compatriotes qui ont un faible pour Washington;
                  
                  mais est-il un grand nombre d'entre nous  
                  qui soient sincèrement attachés à la cité  
                  d'Outaouais, le siége de la nouvelle nationalité que l'on veut créer? Dans un temps
                  
                  à venir, quand les populations auront mûrement réfléchi sur ces questions qui soulèvent
                  
                  les préjugés nationaux, qui enhardissent les  
                  passions, l'idée de notre nationalité paraîtra  
                  très étrange! Il se sera alors formé une autre  
                  nationalité plus ancienne qui tiendra la  
                  première place dans le cœur du peuple.  
                  (Ecoutez!) M. l'ORATEUR, il n'est que  
                  juste que j'informe la chambre que je n'ai  
                  pas encore atteint le point que je m'étais  
                  proposé avant que de reprendre mon siége,  
                  mais je me sens forcé d'implorer son indulgence, car mes forces ne me permettent pas
                  
                  de réaliser mon désir. (Applaudissements.)  
                  Le débat est alors ajourné,—M. DUNKIN  
                  ayant encore la parole pour demain.