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Assemblée Législative, 10 Mars 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

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VENDREDI, 10 mars 1865.

L'ordre du jour pour la reprise du débat sur la motion à l'effet " que la question soit maintenant mise aux voix " sur les résolutions relatives a la confédération, étant appelé—
L'HON. M. HOLTON fait objection que la " question préalable " est, de sa nature, une espèce d'amendement, et qu'un membre ne peut proposer d'amendement à sa propre motion,
Après discussion,
M. l'ORATEUR donne sa décision comme suit: " La motion originaire proposée par l'hon. procureur-général du Haut-Canada est à l'effet que cette chambre adopte certaines résolutions relatives à une union fédérale des provinces. Cette motion ayant donné lieu à des débats, l'hon. procureur- général du Haut-Canada a proposé: 'Que la question soit maintenant mise aux voix; ' ce qui n'est pas, à mon avis, un amendement à la motion originaire, attendu que l'objet d'un amendement est de modifier la question originaire. Cette motion modifie-t-elle de fait la proposition originaire? Loin de là, elle tend à faire décider immédiatement la question qui est devant la chambre. Les autorités qu'en a citées pour faire voir que cette motion est un amendement, prouvent tout le contraire, suivant moi. Elles disent bien, il est vrai, que ' la question préalable est, de sa nature, une espèce d'amendement; ' mais si elle était réellement un amendement, ou si on devait en faire usage comme amendement, les auteurs diraient que de fait c'est un amendement. La motion pour l'ajournement est pareillement mentionnée comme étant, de sa nature, une espèce d'amendement; mais elle n'est pas un amendement, car, comme la question préalable, si elle est adoptée, elle n'écarte pas la proposition originaire. D'où je conclus que la question préalable n'est pas un amendement. Par conséquent, l'objection: que l'hon. procureur-général du Haut-Canada ne peut proposer la question préalable, parce qu'il a proposé la motion originaire, n'est pas valide, dans mon opinion."
M. TASCHEREAU—Ce n'est pas sans hésitation, M. le PRÉSIDENT, que je me lève à cette heure avancée de la discussion pour offrir quelques remarques sur la mesure qui nous est soumise, le projet de confédération de l'Amérique Britannique du Nord; et cette hésitation est d'autant plus grande que je me vois dans la nécessité, non seulement de traiter une question si longtemps et si habilement discutée devant cette chambre, qu'il semble devoir être impossible de rien dire qui puisse intéresser les hon. membres qui m'écoutent, mais encore plus parce que, après mûre réflexion, après un examen approfondi de ces résolutions, après avoir bien pesé les conséquences que je crois devoir résulter de cette mesure, je me vois dans l'obligation,—je sans que c'est mon devoir, M. le PRÉSIDENT,—d'abandonner, sur cette question, ceux avec lesquels j'ai toujours marché jusqu'à présent, de différer d'opinion avec ceux dont j'ai toujours admiré les talents et les connaissances, et de donner mon vote contre la constitution nouvelle qui nous est proposée par ces résolutions. (Ecoutez! écoutez! à gauche.) Ca n'a pu être pour moi qu'avec regret que j'en suis venu a cette conclusion; mais je n'ai pu comprendre que cette mesure était une simple affaire de parti, une de ces questions où la guerre qui s'est faite dans la politique du Canada depuis de longues années, devait influencer qui que ce soit; je n'ai pu comprendre que sur une question qui, suivent moi, met en danger tout ce que nous avons de cher et de précieux, et nous laisse entre 895 voir, si elle réussit, un avenir bien nuageux et bien pénible, non seulement pour nous, Canadiens-Français, mais peut-être aussi pour toute l'Amérique Britannique, comment je pouvais laisser de côté mes convictions, mes craintes, le devoir que je me sens appelé à remplir ici, pour obéir et céder à cette influence des partis politiques. J 'ai cru qu'il m'était permis de penser par moi- même sur une question aussi importante, et je suis persuadé que, s'il en est dans cette enceinte qui se croient autorisés à traiter d'insensés ceux qui ne pensent pas toujours comme eux, ceux-là ne forment pas la majorité des membres de cette chambre. Pour ma part, M. le PRÉSIDENT, je respecte l'opinion de qui que ce soit; je donne la liberté à tous ceux qui le désirent de penser différemment d'avec moi, sans pour cela que je les accuse de mauvaise foi ou de préjugés. Je les crois au contraire agissant d'après leur conviction et de la meilleure foi possible; je désire être jugé de même, et voir ceux d'avec lesquels je diffère aujourd'hui sur les résolutions qui sont entre vos mains, M. le PRÉSIDENT, croire au moins que j'agis en cette circonstance, moi aussi, avec conviction et de bonne foi; que moi aussi j'aime mon pays et ma nationalité,—que moi aussi j'ai à cœur de conserver cette nationalité et ces institutions qui nous ont été transmises par nos pères au prix de tant de luttes et de sacrifices. (Ecoutez! écoutez!) En me levant à cette phase avancée de la discussion, je ne me propose pas de combattre en discuter tous les arguments apportés en faveur de la confédération. Cependant, je dois dire que je n'ai pas été convaincu, par les messieurs qui m'ont précédé, que la constitution que l'on nous propose portera en elle-même des garanties suffisantes pour la protection de nos droits. Je crois donc que le vote que je vais donner contre la confédération sera celui ne donnerait la grande majorité de mes électeurs et la grande majorité du Bas-Canada, et mon opinion est tellement formée sur ce point que je me mépriserais moi-même si, pour ne pas me séparer de mon parti, je votais pour la confédération lorsque mes convictions sont aussi fortes et aussi sincères. (Ecoutez! écoutez!) L'on croyait jusqu'à il y a deux ou trois jours, que la plus ample discussion de la question serait permise; mais la question préalable ayant été posée, les choses se trouvent avoir changé de face. Le Bas-Canada et la chambre pensaient que l'on nous donnerait le temps, avant de nous faire voter sur la question principale, d'obtenir l'expression de l'opinion du peuple,—et je suis persuadé que si, après une discussion pleine et entière de la mesure en chambre, le peuple était appelé à donner son opinion, il se prononcerait plus énergiquement contre la confédération qu'il ne l'a jamais fait sur aucune qucstion. (Écoutez!) Mais malheureusement, avec la question préalable, il nous faudra voter sur les résolutions telles qu'elles sont, sans même pouvoir offrir les amendements qui pourraient les rendre moins inacceptables au pays. J'en viens maintenant à la question de l'appel au peuple. Eh bien! je prétends qu'en votant pour changer la constitution sans consulter le peuple sur ce changement, les membres de cette chambre outrepassent leurs droits, et que, lors même que le peuple serait en faveur de la confédération, ils ne devraient pas la voter, comme ils le font aujourd'hui, sans y être spécialement autorisés. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de South Lanark (M. MORRIS) nous a dit que ce n'était pas une question nouvelle, qu'elle était discutée depuis longtemps, que le peuple la connaissait, et que les membres de cette chambre pouvaient la voter sans en appeler à leurs électeurs. Je sais qu'il a été publié plusieurs écrits sur la confédération des provinces; mais a-t-on jamais discuté la question devant le peuple dans les élections? Je suis convaincu et très certain qu'il n'a jamais été question de cette mesure durant les élections, ni d'aucune confédération quelconque. On ne l'a jamais soumise au peuple, et il ne s'est jamais exprimé sur la question. (Ecoutez!) Il me semble que l'amendement qui doit être proposé par l'hon. député de Peel (M. J. H. CAMERON), après que les résolutions actuelles auront été votées par la chambre, se trouvera dans une singulière position. (Ecoutez! écoutez!) J'ai compris des explications données par l'hon. procureur-général du Haut- Canada (M. J. A. MACDONALD), à propos de la résolution de l'hon. député de Peel, que les résolutions qui sont soumises à la chambre seraient passées d'abord, et qu'ensuite, lorsque la chambre se formerait en comité, l'hon. député de Peel présenterait son amendement, c'est-à-dire, que nous allons voter l'adresse à Sa Majesté ce soir, que le gouvernement pourra l'expédier en Angleterre dès demain s'il le veut, et que lundi après-midi l'hon. député de Peel viendra 896 proposer une adresse à Son Excellence lui demandant de soumettre ces résolutions au peuple. (Ecoutez! écoutez!) J'avoue que je ne comprends pas comment les membres de cette chambre, qui sont en faveur de l'appel au peuple, pourront voter pour la confédération après que la question préalable aura été décidée, pas plus que je ne comprends comment l'hon. député de Peel pourra demander l'appel au peuple lorsque les résolutions seront votées. L'hon. député a dit qu'il chereherait à proposer sa résolution avant que l'adresse ne soit présentée à Son Excellence, ou avant qu'elle ne soit réiérée à un comité général de toute la chambre; mais je crois aussi comprendre que l'hon. procureur- général du Haut-Canada ne veut pas le lui permettre et qu'il dit que l'hon. député de Peel n'aura pas droit de le faire. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas le seul à entretenir les craintes que j'ai exprimées relativement à la nouvelle constitution que l'on veut nous donner. L'un des membres de cette chambre, ni a écrit il y a déjà longtems sur ce sujet de la confédération. a laissé entrevoir que les résolutions telles qu'elles nous sont soumises n'offraient pas de garanties suffisantes pour régler tout d'un coup toutes nos difficultés sectionnelles. L'hon. député de Montmorency, dans sa brochure sur la confédération écrite en 1865, n'a pas pu s'empêcher de dire ce qui suit:—
"Mais il n'en reste pas moins établi que la législation concurrente est pleine de danger pour l'aVenir; cela est constaté même dans le dispositif que nous discutons, puisque, pour y obvier, on fait prédominer invariablement la législation centrale sur la législation locale. Est-ce qu'il ne serait pas possible d'éviter davantage les points de contact, les causes de législation concurrente, et de les définir avec une précision telle que les conflits soient impossibles ou presque impossibles? Car, que l'on veuille bien y réfléchir, l'harmonie du système sans laquelle celui-ci ne vaudrait rien et s'affaisserait bientôt sur lui-même; l'harmonie du système ne peut se trouver exclusivement dans le pouvoir prédominant du gouvernement et du parlement fédéraux. Il faut que cette harmonie existe encore dans les rouages inférieurs et se fasse sentir dans le mécanisme tout entier."
Et plus loin, dans le même chapitre, il ajoute:—
"En effet, est-ce que les éléments, sur lesquels seront assises les institutions locales, ne se reproduiront pas, intacts et vivaces, dans le gouvernement et dans le parlement fédéraux, et cette force locale, que l'on aura voulu comprimer, n'y réagira-t-elie pas dangereusement pour tout le système? Aujourd'hui, ce sera le Bas-Canada qui punira ses ministres et ses députés fedéraux d'avoir heurté ses sentiments et porté atteinte à sa législation; demain, ce sera le tour du Haut- Canada, et les jours suivants, celui des provinces atlantiques. Non, cela ne doit pas être. et il faut que nos hommes d'état éminents mettent leurs têtes ensemble pour trouver au problème une meilleure solution."
Lorsque l'hon. député de Montmorency écrivait cet article, il voyait naturellement. que la confédération aurait des rouages bien compliqués, et que l'on ne pourrait pas surmonter les difficultés qui s'élèveraient, mais qu'il fallait chercher à umender ces résolutions. C'était là sans aucun doute l'opinion de l'hon. député de Montmorency lorsqu'il écrivait ces articles; mais depuis qu'il a vu que le ministère était décidé it ne pas permettre d'amendement aux résolutions, l'hon. député a cru qu'il valait mieux les accepter telles qu'elles sont, avec toutes leurs imperfections, plutôt ne de courir le risque de perdre la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Je crois pour ma part, M. le PRÉSIDENT, qu'il fallait un remède aux difficultés constitutionneiles dans lesquelles nous nous trouvions placés; mais je crois aussi que le remède que l'on nous propose serait pire que le mal que l'on veut guérir. (Ecoutez! écoutez!) Je crois que le pays a souffert de ces difficultés; mais, d'un autre côté, je vois, avec la confédération, la guerre intestine dans les législatures locales, sans parler ce la guerre qui existera certainement avant longtemps entre les législatures locales et le gouvernement fédéral. (Ecoutez! écoutez!) Il est évident que le gouvernement fédéral ne pourra pas contenter les législatures locales. Nous aurons dans le Bas-Canada. par exemple, un parti assez fort—le parti anglais protestant—qui aura ses griefs contre la législature locale et qui se plaindra au gouvernement fédéral. comme dans le Haut- Canada on se plaignait à propos de la représentation basée sur la population;—et ce parti, se trouvant en minorité dans le Bas- Canada, cherchera auprès du gouverumncnt fédéral un remède il ses maux réels ou supposés. De plus, nous aurons constamment des guerres et des rivalités sectionnelles entre les législatures locales elles- mêmes, sur toutes les questions où leurs intérêts pourront devenir en conflit. (Ecoutez! écoutez!) Supposons, par exemple. que la législature du Bas-Canada demande quelque chose de juste, quelque chose à la nelle elle aurait droit, et supposons ne ce représentants du Haut-Canada et es provinces maritimes s'unissent pour 897 l'empécher d'obtenir ce qu'elle demandera, les Bas-Canadiens seront-ils satisfaits de cela? Et la chose peut facilement arriver. —L'hon. député de Vaudreuil (M. HARWOOD) nous a parlé en termes pompeux de l'avenir prospère qui nous attendait sous la confédération. A l'entendre, nous devons avoir non seulement des mines de charbon, mais des lacs d'or à notre disposition. Je crois que les figures de rhétorique de l'hon. député l'ont entraîné un peu trop loin; et je crois sincèrement qu'au lieu de cet avenir prospère et heureux qu'il nous présage, nous nous préparons un état de choses qui nous fera regretter dans dix ans ce que nous faisons aujourd'hui. Je crois que nous commençons la confédération dix ans trop tôt. (Ecoutez! écoutez!) Il nous faudrait un chemin de fer intercolonial cinq à six ans avant toute idée de confédération. A l'heure qu'il est, nous sommes aussi étrangers au Nouveau-Brunswick et à la Nouvelle-Ecosse que nous l'étions avant l'automne dernier. Nous le connaissons peut-être un peu mieux qu'avant la discussion de la confédération; et il nous faudrait d'abord établir des communications faciles entre les provinces et nous, comme moyen d'amener plus tard une confédération, si elle est possible. Je dis donc, que le chemin de fer intercolonial devrait être construit d'abord, et que nous pourrions ensuite remettre la confédération à plusieurs années. (Ecoutez! écoutez!) L'article 41 des résolutions qui nous sont soumises dit ce qui suit:
"Les gouvernements et les parlements des diverses provinces seront constitués en la manière que leurs législatures actuelles jugeront respectivement à propos de les établir."
Si je comprends bien cet article, la constitution locale du Bas-Canada sera décidée par la législature actuelle, de même que dans le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle- Ecosse, etc., les législatures actuelles décidéront de la constitution de leurs législatures sous la confédération. Très-bien. Mais dans ce cas le Haut-Canada va nous donner une constitution, comme nous pourrons lui en donner une. La conséquence de cette clause, c'est que, pour l'organisation de sa constitution locale, le Bas-Canada ne se trouvera avoir que 47 votes Canadiens-Français, contre 83 votes de membres d'autres origines. Nous ne serons donc pas sur le même pied que le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle- Ecosse sous ce rapport: la différenee est très grande. (Ecoutez! écoutez!) Nous ne nous trouverons avoir que 47 votes Canadiens- Français sur 130, et nous ne pourrions compter sur les membres du Haut-Canada pour nos intérêts locaux ou religieux,—tandis que ceux-ci auraient l'appui de tous les députés anglais et protestants du Bas-Canada. (Ecoutez!) Et, dans la confédération, la minorité anglaise du Bas-Canada ne marchera pas avec le parti canadien-français, mais bien avec le parti du Haut-Canada, car il cherchera protection dans le Haut-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Et l'on dit que tous nos intérêts, toutes nos institutions sont protégées, et que le clergé est en faveur de la confédération. Pour ma part, je n'ai vu aucune preuve de cette assertion, et je crois que le clergé n'a pas manifesté son opinion sur la question; et je suis convaincu que ceux d'entr'eux qui ont étudié la mesure, n'ont pu y voir qu'une question bien dangereuse pour nous, pleine d'éventualités dont la réalisation peut nous être bien pénible, comme peu le, dans l'avenir. (Ecoutez! écoutez!) Une autre partie des résolutions que nous ne devrions pas adopter sans réflexion, est celle contenue dans le 31e article de la clause 29, et qui se lit comme suit:—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire des lois ... sur l'établissement d'une cour générale d'appel pour les provinces fédérées. "
Nous avons la garantie que nous aurons nos tribunaux locaux, que nos juges seront pris parmi les membres du barreau du Bas- Canada, et que nos lois civiles seront maintenues; mais pourquoi établir une cour d'appel fédérale dans laquelle il y aura appel des décisions rendues par tous nos juges. Il est vrai que l'hon. ministre des finances nous a dit que les résolutions ne créaient pas une cour d'appel, mais qu'elles donnaient seulement au parlement fédéral le droit de les créer. Mais quelle différence y a-t-il entre les créer immédiatement ou donner le droit de les créer un peu plus tard? Cela n'en change pas le principe; et si l'on permet de les créer, personne ne pourra empêcher le gouvernement fédéral de les établir quand il voudra. Ce tribunal serait-il un avantage pour nous, Canadiens-Français, qui tenons tant à notre droit civil? Il sera composé de juges de toutes les provinces,—du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse, du Haut-Canada, etc., et malgré les talents et les lumières de tous ces juges, nous, Bas-Canadiens, ne pourrons pas espérer la même justice de ce tribu 898 nal que d'un tribunal composé de juges du Bas—Canada,—car nos lois étant différentes de celles de ces provinces, ils ne pourront pas les connaître et les apprécier comme le feraient des juges Bas-Canadiens. (Ecoutez! écoutez!) Et de plus, tout en créant ce nouveau tribunal d'appel, ou n'abolit pas l'appel en Angleterre,—en sorte que ce sera un moyen de plus de donner du délai et d'augmenter les frais des plaideurs. Les Bas- Canadiens seront certainement moins satisfaits des décisions d'une cour d'appel fédérale que des décisions du conseil privé de Sa Majesté. En vérité, je ne vois pas pourquoi on a imposé cette clause à nos délégués Je ne pense pas que les délégués des autres provinces aient dû beaucoup insister pour l'obtenir; mais même, dans ce cas, je ne vois pas pourquoi les nôtres ont cédé. Naturellement, nos lois ne seront pas comprises dans une pareille cour, et la plupart des juges rendront leurs décisions d'après des lois étrangères au Bas-Canada. Je suis convaincu que les députés du Bas-Canada qui sont en aveur de la confédération ne sont pas en faveur de l'union législative; mais, est-ce qu'ils n'ont pas la le discours de l'hon. président du conseil (M. BROWN) à Toronto? Et n'ont-ils pas entendu celui de l'hon. député de South Leeds (M. FORD JONES)? Et n'ont-ils pas entendu les discours des députés du Haut—Canada, qui se sont presque tous prononcés en faveur d'une union législative, mais qui disent accepter la confédération comme étant le premier pas vers une union législative, que nous aurons dans quelques années? Je n'ai pas besoin de discuter ici les avantages ou les désavantages d'une union législative, car tous les membres connaissent parfaitement la question; mais je suis bien convaincu que la confédération se changera en union législative dans bien peu d'années; je crois que l'hon. ministre des finances et l'hon. député de South Leeds étaient sincères en disant cela, et qu'ils étaient parfaitement convaincus de ce qu'ils disaient. (Ecoutez! écoutez!) On a donné pour raison de la hâte avec laquelle on veut faire passer la mesure, que si nous voulons avoir la confédération c'est maintenant le temps de l'avoir, et que si nous attendions une autre année, il sera trop tard, que les provinces d'en-bas sont prêtes pour la confédération, et que l'Angleterre est prête à nous accorder une nouvelle constitution. Je crois que les provinces d'en-bas ont un peu failli dans leurs engagements, et qu'en conséquence la politique du gouvernement pourrait être changée sans danger. (Ecoutez! écoutez!) Mais s'il faut absolument avoir la confédération, s'il n'y a pas moyen de marcher sans cela, pourquoi donc n'a-t-on pas fait un appel au peuple l'automne dernier, lorsque le projet a été prêt? (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, je crois que le besoin de la confédération n'est pas aussi pressant qu'on le dit, et que l'on revrait mûrir le projet plus qu'il ne l'est. Est-ce que par hasard l'on croit qu'il aurait été question de confédération si le ministère TACHÉ-MACDONALD n'avait pas été renversé l'été dernier? Non! nous n'en aurions pas entendu dire un seul mot. (Ecoutez! écoutez!) La confédération n'était donc pas aussi pressante alors; et le besoin s'en faisait si peu sentir que, dans le comité constitutionnel nommé l'année dernière à la demande de l'hon. député de South Oxford (M. BROWN), plusieurs des membres qui votent et font voter la confédédération aujourd'hui, croyaient pouvoir l'opposer alors et voter contre toute proposition de cette nature,—je crois que cette nécessité de nous confédérer n'est pas aussi grande qu'on le dit; je crois que si l'on presse tant l'adoption de cette mesure aujourd'hui, c'est que l'on craint le réveil de l'opinion publique, et que l'on craint surtout de ne pas pouvoir la faire accepter plus tard, lorsque le peuple se sera prononcé. (Ecoutez! écoutez!) Et, je le répète, je crois sincèrement que si le gouvernement n'avait pas été renverse le 14 juin dernier, nous n'aurions pas entendu parler de confédération cette année. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi que je l'ai dit en commençant, je ne veux pas traiter toutes les questions embrassées dans ce projet, parce que la chambre doit être fatiguée de cette longue discussion; mais je dois dire encore une fois que toutes les raisons données jusqu'ici en faveur de la confédération, et les magnifiques tableaux que l'on nous a fait de la prospérité dont nous allons jouir, ne m'ont pas du tout convaincu qu'il faut absolument adopter les résolutions qui nous sont soumises; et malgré l'éloqnent discours que nous a fait hier l'hon. député de Vaudreuil (M. HARWOOD), je ne puis pas dire, comme lui, que nos descendants seront reconnaissants envers nous pour les avoir amenés à faire partie de ce grand empire des provinces de l'Amérique Britannique du Nord. Je dirai, au contraire, que l'on s'apercevra bientôt que cette confédération sera la ruine de notre 899 nationalité dans le Bas-Canada, et que le jour que l'on aura voté cette confédération, on a donné le coup de mort à notre nationalité, qui commençait à prendre racine sur cette terre de l'Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez! écoutez!) Nos descendants, au lieu de nous avoir de la reconnaissance pour ce que nous faisons en ce moment, diront que nous nous sommes grandement trompés et que nous avons grandement erré en leur imposant la confédération. (Applaudissements.)
M. A. M. SMITH—M.l'ORATEUR:—Je ne saurais laisser passer le vote qui va être donné sur cette importante mesure, sans exposer ici les raisons qui m'ont engagé à lui donner mon appui, et sans faire connaître pourquoi j'ai jusqu'à un certain point changé d'opinion sur quelques uns de ses principaux détails. Lorsque j'eus l'honneur d'être élu pour la première fois, par la première ville commerciale du Haut-Canada pour la représenter dans cette enceinte, je déclarai publiquement que je prendrais tous les moyens légitimes de faire échouer l'entreprise du chemin de fer intercolonial, persuadé alors, comme je le suis encore aujourd'hui, qu'au point de vue commercial ce chemin de fer ne rapporterait jamais de bénéfices et ne serait d'aucune utilité pour le Haut- Canada. (Ecoutez! écoutez!) Mais je m'engageai en même temps à faire tout en mon possible auprès du gouvernement et de cette chambre, pour faire élargir et compléter nos canaux. Depuis lors, M. l'ORATEUR, notre situation politique et commerciale a subi bien des changements. (Ecoutez! écoutez!) Nous sommes, à l'heure qu'il est, menacés de l'abrogation du traité de réciprocité, laquelle abrogation fera subir de grandes pertes au Canada, sans donner aucun profit aux Etats-Etats, car la nature même du commerce que nous fesons avec ces derniers depuis plusieurs années, fera que cet acte sera ruineux pour les affaires de ce pays. Nous sommes en outre menacés de l'abrogation du système de transit en entrepôt,—autre malheur déplorable s'il vient à se réaliser. En vérité, de telles mesures paraîtront absurdes à tout homme de bon sens, et je déclare que, pour moi, je ne puis pas m'expliquer ce qui peut pousser une nation commerciale comme les Etats-Unis à vouloir la cessation d'un traité qui, tout en nous permettant le transit de nos marchandises à travers le territoire américain, produit de gros bénéfices de roulage à nos voisins et favorise un commerce immense d'achats d'articles en douane. Quelqu'étrange que nous paraisse une telle conduite, il faut avouer que l'imitation fait faire de singulières choses, et nous n'avons pas à nous étonner qu'une nation plongée dans toutes les horreurs de la guerre civile se livre, sous l'impression de torts réels ou supposés, à des actes que rien ne justifie: tels que l'établissement du système des passeports, l'abrogation du traité de réciprocité et l'abolition du traité d'extradition des criminels. Aussi, ne puis-je croire, M. l'ORATEUR, que les Etats-Unis abrogeront l'un ou l'autre, pas plus que je ne crois que les hommes éminents qui dirigent les institutions monétaires des Etats-Unis le permettront. Cependant, il n'est que de notre devoir de faire le mieux possible et de nous protéger contre les pertes et les obstacles qu'éprouvernit notre commerce en hiver et pour cela de construire le chemin de fer intercolonial, au moyen duquel nous aurons toujours accès à l'océan pour nos malles et nos marchandises. Mais quoiqu'ayant changé d'opinion à ce sujet, puisque je voterai pour la mesure dont il fait partie, je reste de plus en plus convaincu de la nécessité de nous mettre à l'œuvre pour élargir nos canaux. On entend parler autour de nous de projets pour relier la baie Georgienne avec Outaouais, par la rivière des Français, par la Trent ou encore par la seule route praticable et courte, celle de Toronto et du lac Simcœ; tout cela n'a fait que distraire l'attention de ce qui peut réellement et doit être exécuté a des frais réduits, comparés à ceux de ces projets: je veux parler de l'élargissement de nos canaux. (Ecoutez! écoutez!) La profondeur des canaux du St. Laurent est aujourd'hui de neuf pieds, et de dix dans celui de Welland; or, si j'en crois les experts en ces matières, les frais d'approfondissement jusqu'à douze pieds ne seraient presque rien, environ deux ou trois millions de piastres. Et quand même ces travaux coûteraient le même chiffre de louis, je prétends que le pays ne débourserait pas un centin, car en fixant le péage à un centin par minot de grain à la sortie, et à un chiffre proportionné sur les marchandises à la rentrée, les canaux défraiemient non seulement leur entretien, mais seraient encore une source de revenus pour les provinces. Prenons, par exemple, ce que je crois être une évaluation très-modérée, cent millions de minots de grain à la sortie et un égal montant de trafic a l'entrée, et nous 900 aurons un revenu de deux millions de piastres, c'est-à-dire un revenu plus que suffisant pour payer l'intérêt et les frais d'entretien. Puis, voyez, M. l'ORATEUR, l'impulsion que donnerait à notre trafic de navigation intérieure, la possibilité où nous nous trouverions d'attirer par le St. Laurent les immenses produits de l'Ouest. Je pourrais aussi parler de l'impulsion qu'une telle amélioration donnerait à la construction des navires nécessaires à ce trafic et des avantages considérables que nous offririons aux exportateurs de grains, de pouvoir se rendre à la mer sans avoir à payer des transbordemeuts répétés, et d'éviter les dommages aux quais et entrepôts aux différents endroits où le grain doit aujourd'hui se transborder. Je voudrais avoir l'éloquence de l'hon. proc.- gén. du Haut-Canada, car je serais certain qu'avec le peu de connaissances pratiques que j'ai de ces matières, il me serait facile de convaincre tous mes auditeurs du Haut comme du Bas-Canada, de la nécessité d'améliorer de suite cette artère principale de notre prospérité à venir. (Ecoutez! écoutez!) Quant à la question des défenses, j'ai à dire que je ne m'oppose pas à une certaine dépense pour satifaire la métropole, mais je suis d'opinion que notre meilleure défense est de cultiver amicalement avec les Etats- Unis les relations commercialcs et politiques; car je suis persuadé que si nous ne fesons que ce qui est juste, eux ne feront pas autrement non plus. Une conduite sage et honorable de notre part, vaut mieux que toutes les forteresses du monde. (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, la conduite pleine de promptitude et de vigueur que le gouvernement a tenue au sujet du bill des aubains, et en appelant sous les drapeaux une partie de nos troupes volontaires pour réprimer les maraudes et la piraterie, lui a donné des droits à la gratitude de tout homme de bon sens dans le pays. Si, au lieu de cela, le ministère se fût mis à bâtir des forts et à armer des vaisseaux, il ont trouvé bientôt à les employer, tandis que maintenant j'espère bien que nous n'aurons besoin ni des une ni des autres. (Ecoutez!) Je vais maintenant dire quelques mots de cette confédération, de laquelle on attend de si grandes choses, commercialement et politiquement parlant. Mon opinion est que les avantages en seront assez bien divisés; les uns prendront nos céréales et nous leur achèterons leurs huiles et leurs poissons. Nous aurons de ce côté un marché pour nos manufactures et nous leur offrirons le même avantage de notre côté. Les provinces du golfe importent aujourd'hui des Etats-Unis, des céréales pour un montant, je crois, de trois ou quatre millions de piastres par année; pourquoi n'attirerions-nous pas de ce côté ce commerce dans une certaine mesure en rendant plus intimes nos relations avec elles? Nos marchands, j'en suis sûr, sauraient bientôt ccmment profiter de ces avantages. Telles sont, M. l'ORATEUR, quelque-unes des raisons qui me font donner à ce projet mon sincère appui, persuadé que je suis que les hon. ministres qui ont mis la mesure devant la chambre n'ont pas en d'autres motifs que de favoriser les meilleurs intérêts de notre pays d'adoption. (Ecoutez! écoutez!) Je suis convaincu que ce projet est autant qu'il peut l'être équitable envers toutes les provinces. Avant de terminer, je dirai quelque chose de la conduite qu'a cru devoir tenir mon hon. collègue et député de Toronto (M. J. MACDONALD). Je crois à la sincérité de son opposition, et il peut avoir droit; mais je ne suis pas aussi certain qu'il représente en cela le voeu de ses électeurs. Avant de me rendre ici, j'ai assisté a une assemblée nombreuse et respectable des citoyens de Toronto; eh bien! un membre de cette assemblée ayant cru devoir proposer que le projet de confédération ne fut mis à exécution qu'après avoir été soumis au peuple, il chercha vainement une autre personne pour seconder sa proposition. Le résultat de cette assemblée m'a mis à l'aise pour appuyer la mesure jusqu'au bout, car elle avait été annoncée partout, tous les citoyens pouvaient s'y rendre, et on doit avouer que les deux côtés de la question eurent des défenseurs habiles. Ainsi donc, je voterai les propositions actuelles tout en faisant des vœux pour qu'elles soient mises à exécution. (Applaudissements)
M. SHANLY—En me levant pour porter la parole sur la grande question qui se discute en ce moment, je dirai que je n'ai pas l'intention d'entrer dans les détails de la mesure; car, après tout, ce qui en a été dit et après la longueur des débats, je ne saurais m'attendre à pouvoir fixer bien longtemps l'attention de mes auditeurs, le sujet fut-il un de ceux sur lesquels je pourrais parler avec autorité au lieu d'être tel qu'il oblige nos hommes d'état les plus habiles à l'accepter de confiance,—attendant que l'avenir développe les tendances excellentes qu'on lui reconnaît d'un côté ou confirme 901 les défauts dont on l'accuse de l'autre. Quoique je ne prétende pas pouvoir rien dire de neuf sur la question, ni jeter aucune lumière nouvelle sur l'avenir qui se forme devant nous, je ne veux pas cependant, au sujet du vote le plus important qui puisse être donné dans une législature coloniale, enregistrer le mien sans faire connaître auparavant quelques unes des raisons qui me poussent à en agir ainsi. Il est un fait que tout le monde a pu remarquer dans cette discussion, c'est celui que depuis l'ouverture du débat il n'a été rien fait, ni proposé de nouveau. Le programme de la confédération est exactement le même qui a été adressé sous forme de communication quasi- particulière aux députés il y a quatre mois. Les auteurs du projet n'y ont rien ajouté ni retranché, et ils nous ont dit franchement et carrément que nous ne pourrions rien y ajouter ni en rien retrancher. Les adversaires du projet, de leur côté, tout en le condamnant, ne nous ont rien offert pour le remplacer. Rien n'est plus facile que de trouver des défauts à l'œuvre d'autrui; c'est un talent que chacun possède et que peu d'entre nous cherchent à mettre sous le boisseau. Aussi, quoiqu'étant favorable au projet et ne sachant trop que dire de neuf à son sujet, vais-je en appeler d'abord à mes instincts critiques. L'hon. député de Montréal- Centre (M. ROSE) a dit dans son excellent discours que, ne pouvant améliorer la mesure, nous devions nous abstenir d'y trouver des défauts. Je ne pense pas ainsi; je crois qu'au contraire, malgré leur approbation de la mesure en général, il est du devoir des députés qui parlent de la question, d'en signaler les défauts pour y remédier ultérieurement. (Ecoutez!) Et d'abord, pour discuter la confédération à mon propre point de vue, je dirai que j'ai longtemps espéré voir toutes les provinces anglaises de cette partie du continent unies sous le même gouvernement stable, persuadé, comme je l'ai toujours été depuis mon arrivée en ce pays, que nous possédons dans nos ressources nature les tous les éléments propres à asseoir les bases d'une puissance nouvelle sur ce continent. J'ai néanmoins craint, lorsqu'on nous fit entrevoir le projet l'an dernier, que le temps ne fut pas encore tout à fait arrivé pour mettre à exécution une telle combinaison. Je oraignais que la séparation politique et sociale presque compléte qui avait toujours existé entre nous et les provinces d'en-bas ne fît de cette union prématurée une cause de malaise continuel, et il me semblait qu'on aurait d'abord dû, avant de faire une alliance politique avec nos voisins des provinces du golfe, cultiver les relations de société et de commerce: telles furent les idées qui se présentèrent à moi lorsque le projet de confédération naquit d'une façon si inopinée à la fin de la dernière session. J'avouerai que je n'ai pas encore pu me débarrasser de mes craintes sur le fait que nous nous unissons lorsque nous ne nous connaissons pas encore assez et avant d'avoir appris de nous convenir les uns aux autres. (Ecoutez! écoutez!) Voilà en quoi consistent mes objections générales, non au principe de la confédération, mais à la diligence avec laquelle on a cherché à le faire adopter, et qui menace d'entraver notre avenir en essayant de le mettre à exécution. J 'ai une très forte objection contre les détails de la mesure, que je tiens à exprimer, bien que je sache que ce n'est ici ni le temps ni le lieu d'y porter remède: je veux parler du principe fédéral du projet. Je désapprouve énergiquement, sinon le principe on la théorie fédérale, du moins les résultats pratiques du système; et les éloges chaleureux qu'en a faits l'hon. président du conseil (M. BROWN), en citant l'exemple des Etats-Unis, pas plus que la défense modérée qu'en a faite mon hou. ami le ministre de l'agriculture (M. MGGEE), n'ont pu modifier une seule de mes idées à cet égard. Quoique le système fédéral du gouvernement ait tendu à favoriser les progrès matériels des Etats- Unis—lesquels progrès un tel pays, habité par une telle population, eut pu atteindre, de l'aveu de tous, sous aucune forme libre de gouvernement,— quoique, dis-je, le régime fédéral ait développé les progrès matériels des Etats-Unis, il ne me parait pas avoir élevé, du moins au point de vue politique, le niveau moral du peuple américain. Le résultat le plus remarquable et le plus désastreux de ce système de gouvernement a été de donner naissance à des politiques plutôt qu'à des hommes d'état; les premiers se voient partout, les derniers se font chercher. Et je craindrais beaucoup qu'avec le Canada divisé de nouveau, les petits parlements de chaque province ne soient une école réparateue pour ces hommes qui font de la politique un trafic, et dont la présence dans la législature générale, à laquelle ils aspireront tous, ne sera propre qu'à baisser le niveau des questions et de la moralité politiques, que nous pourrions, au 902 contraire, espérer de voir régner dans un parlement confédéré de toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord sous une union législative, qui est la forme que j'espère voir adopter à la constitution actuelle. C'est pour cette raison que j'ai envisagé ce rejet d'union fédérale avec dégoût et antipathic. Mais les auteurs de la mesure dont la plupart se sont fait, il faut le dire, plutôt ses apologistes que ses soutiens réels, nous disent que c'est une nécessité des circonstances, une conséquence inévitable de la différence de langage, de lois et d'intérêts locaux entre le Haut et le Bas-Canada d'un côté, et de l'autre de l'absence de communauté d'intérêts locaux entre le Canada et les provinces du golfe. Je reconnais la vérité de la dernière partie de ce raisonnement, et je veux bien en concéder les prémisses; mais alors se résente une autre question: la confédération, toute défectueuse qu'elle est, doit-elle être acceptée comme remède aux maux dont se plaint le Canada, et comme un antidote possible contre les maux plus grands qui nous menacent dans un avenir prochain? (Ecoutez! écoutez!) Je me réserve de répondre a cette question tout à l'heure à ma manière et à mon point de vue; en attendant, je dirai un mot des détails financiers de la mesure sur les cela je trouve difficile de m'accorder avec 'hon. ministre des finances, surtout lorsqu'il prétend que les dépenses réunies des deux gouvernements locaux seront tellement su-dessous des frais de celui d'aujourd'hui, que la balance suffira à couvrir notre qoute-part des dépenses de la législature générale. En vérité, je ne saurais me faire une idée aussi couleur de rose de notre situation. Je ne fatiguerai pas la chambre de chiffres ni de calculs qui, après tout, n'offrent rien de certain, mais je dirai qu'avec le nouveau régime et avec des obligations quasi-nationales, nos dépenses ne peuvent que dépasser considérablement leurs limites actuelles. Ce sera la, je crois, un des résultats inévitables de la confédération; mais je crois également à des évènements futurs qui, confédération ou non, doivent nous entraîner dans des devoirs et nous charger d'une responsabilité que nouse ne saurions éviter, et que nous n'évrterons pas quand même nous le voudrions. Qu'on ne se trompe pas sur les signes des temps; ils nous présagent des dépenses pour assez longtemps. Si, cependant, en effectuant l'union de toutes ces provinces, nous posons en réalité les bases de notre prospérité sociale, politique et commerciale,—si nous sommes convaincus que nous fendons une nouvelle nation sur ce continent, nous pouvons, en léguant ces bienfaits à la postérité,—bienfaits ont nous ne jouirons pas entièrement nous-mêmes,— lui transmettre en même temps les obligations financières qui semblent être l'accompagnement inévitable de tout peuple en progrès. Quant à moi, je me tiens pour assuré que ce projet de confédération, tout défectueux qu'il est, nous fait espérer la solution d'une grande difficulté politique: aussi, ne craindrai-je pas de porter ma part de la responsabilité ne nous assumons en élevant encore le chiffre de la dette publique. J'ai parlé des frais qu'entraînera le régime fédéral comme ne fournissant, jusqu'à un certain point, que matières à conjectures; il est cependant un article de ces frais qui ne partage pas ce caractère: c'est celui de la construction du chemin de fer intercolonial, qui est une partie vitale de la mesure et sans laquelle celle-ci n'aurait aucune raison d'être. Comme entreprise commerciale, le chemin de fer ne saurait soutenir l'examen; n'offrant aucune perspective sur laquelle on pourrait rédiger un prospectus, il serait impossible de le faire valoir aux capitalistes européens comme un placement avantageux. Toute sa raison d'être vient de ce qu'il est nécessaire pour établir ces relations sociales et d'affaires si essentielles à l'unité politique entre les provinces du golfe et le Canada. Ce sera donc une entreprise nationale à tous égards, et il n'est que juste que le peuple canadien sache et comprenne de suite de quel montant probable va se grossir notre dette publique par l'effet de la 68ème résolution. Je ne crois pas que notre part de contribution aux frais de la construction de ce chemin de fer soit de beaucoup au- dessous de ce ue nous avons deja payé pour celle du chemin de fer Grand Tronc, et, dans tous les cas, elle ne devra pas être de moins de douze à quatorze millions de piastres. S'il arrive ne le peuple soit consulté sur la question de la confédération, le chemin de fer intercolonial sera assurément le détail le plus difficile à faire accepter surtout en Haut-Canada. Dans mon propre; comté,—et je puis me flatter qu'il n'y a peut- être pas un seul député de cette chambre qui sont plus populaire que moi parmi ses électeurs,—je dis donc que si je devais me présenter dans mon repre comté sur la question de la conféération et comme un 903 de ses avocats, je ne me cache pas que la 68e résolution serait un puissant cheval de bataille pour quiconque voudrait rompre une lance avec moi; je serais cependant prêt à faire face aux difficultés et suis assuré que je réussirais du moment que je pourrrais convaincre mes électeurs que le projet de confédération, même acoonplé au chemin de fer intercolonial, est essentiel à notre existence comme peuple anglais. (Ecoutez! écoutez!) Mais pour revenir aux objections que présente ce projet, je me suis fait la question suivante: la confédération, toute défectueuse qu'elle est dans le plan qui nous est soumis, offre-t-elle des chances de fonctionner pour le bien futur du pays? Est-il probable qu'elle mette fin aux graves difficultés politiques qui embarrasssnt notre marche? Car, c'est en vain qu'on voudrait se le dissimuler, nous approchons en ce moment l'époque la plus critique de notre existence. Menacés d'agression au dehors, notre condition intérieure est loin d'être florissante en dépit de ce que les livres officiels et statistiques peuvent dire au contraire. Il se passe de graves événements au-delà de notre frontière qui ont déjà sérieusement affecté notre commerce et qui devront, d'une façon ou l'autre, influer sur notre situation politique. Nous voyons en ce moment un peuple ivré jusqu'ici exclusivement à l'industrie et au commerce se transformer subitement en une puissance militaire importante. Pour me servir 'une de leurs expressions, les Américains t'ont de l'histoire très rapidement, et il est impossible que les événements dent elle se compose puissent se passer dans un pays séparé du nôtre par un peu plus qu'une ligne imaginaire, sans que nous y prenions part dans un sens ou dans l'autre. Impossible de se cacher que les destinées de notre pays sont à la veille d'un grand changement,— changement qui se présentera sous une forme ou sous une autre, et cela avant que nous puissions le maîtriser autrement qu'en lui donnant la forme qu'il doit avoir. (Ecoutez!) Il y a en Angleterre un sentiment de défiance envers le Canada qui prend de jour en jour du terrain. Nous le voyons dans le ton de la presse, dans les discussions du parlement et ailleurs, et on ne se gêne pas pour nous dire que nous donnons à l'Angleterre plus de troubles que nous en valons la peine. Pareil sentiment de défiance équivalant presque à du mépris a toujours régné aux Etats-Unis. L'ignorancc qui y existe au sujet de tout ce qui touche au Canada, soit en politique, ressources, commerce en progrès, surprend vraiment quiconque se met en relations avec eux, et, si elle ne témoigne pas beaucoup en leur faveur, elle ne nous place pas moins dans une position humiliante. (Ecoutez!) Cependant, cette ignorance en tout ce qui regarde le Canada se retrouve au même degré chez ceux qui, dans l'ancien monde, nous sont alliés par le sang ou la communauté de patrie. Comment porter remède à ce malheureux et humiliant état de choses? Comment inspirer la confiance à l'étranger, commander le respect, défier le mépris? Voilà, suivant moi, autant de questions pratiques à étudier! On nous dit en Angleterre de compter plus, dorénavant, sur nos propres forces que nous ne l'avons fait par le passé: et il n'est que juste qu'il en soit ainsi. Je crois qu'il n'y a pour nous que trois formes politiques possibles après que nous aurons brisé notre enveloppe de chrysalide: l'indépendance comme nation séparée sur ce continent, l'union avec toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord sous la protection de l'Angleterre, telle que projetée par les présentes résolutions, afin de devenir de plus en plus anglais et de pouvoir former une puissance anglaise sur ce centinent,— enfin, ainsi que l'a dit mon hon. ami de Lanark Sud (M. MORRIS), les deux premières alternatives mises de côté: l'absorption ou annexion aux Etats-Unis. C'est en vain que nous voudrions nous dissimuler ce fait ou que nous avons le temps de faire notre choix. Je sais que cette dernière forme,—et je parle ici d'après une connaissance nussi approfondie des besoins, des sentiments et des désirs du peuple canadien qu'aucun de mes auditeurs,—déplairait a la grande majorité du pays. (Applaudissements prolongés) Quant à moi, j'y suis si antipetique que ce serait pour moi une sentence d'expatriation, — la rupture de liens remontant à vingt-cinq ans de date. (Ecoutez! écoutez!) En déposant devant cette chambre le projet actuel du ministère, mon hon. ami le procureur-général du Haut-Canada nous donna à entendre que la question ou les détails de la question devaient à peine être considérés comme sujets à la discussion, et nous a dit clairement et carrément que la chambre devait regarder ces résolutions comme un traité scellé et si né entre les parties contractantes, et qui devant être accepté ou rejeté en bloc. Je compris alors la nécessité d'une telle conduite, mais je l'ai encore mieux comprise il y 904 a quelques jours, lorsque le même ministre est venu nous annoncer à la suite des faits qui venaient de se produire au Nouveau-Brunswick, qu'il était du devoir du gouvernement de pousser la mesure avec plus de vigueur et dans une voie un peu différente de celle à laquelle il avait d'abord songé. (Ecoutez! écoutez!) On me permettra de faire ici une légère digression, car je veux saisir cette occasion de déclarer que je n'ai jamais en autre chose qu'une demi- confiance dans le gouvernement tel qu'il se trouve constitué. Quand les chefs du parti conservateur, auquel j'ai toujours appartenu, crurent à propos l'an dernier d'essayer cer taines combinaisons ministérielles qui étonnèrent, de l'aveu de tous, le pays entier et nous donnèrent le ministère actuel, j'affirmai que ceux du parti conservateur soit dans cette enceinte, soit au dehors qui désaprouvaient cette conduite, avaient le droit de se tenir pour dégagés de tous les liens ou obligations qui avaient été contractées par les chefs, et prétendis comme je le prétends encore aujourd'hui qu'à l'avenir je ne devais d'allégeance politique de parti à personne dans cette enceinte. En croyant devoir adopter la position anomale et hybride de " membre indépendant " je savais très-bien que je brûlais mes vaisseaux et que je brisais toutes mes chances d'avancement politique, mais jamais mes aspirations politiques n'ont pu faire taire mes notions d'honneur et de consistance politique ou réprimer mon amour pour l'indépendance personnelle. Aujourd'hui, cependant, que de grands bouleversements menacent nos relations politiques; sentant comme tous que nous sommes à la veille d'un évènement d'une importance décisive; que mon hon. ami le procureur- général du Haut-Canada annonce comme il l'a fait la conduite franche, énergique et large ne le gouvernement prend a l'occasion de difficultées subites et imprévues,—je parle du résultat des élections dans le Nouveau- Brunswick,—je dirai à cet hon. ministre et a ses collègues qu'ils peuvent, comme toutes les fois qu'ils feront face aux difficultés politiques de ce pays, compter sur mon appui cordial, sincère et rempli d'admiration. (Ecoutez! écoutez!) Sans plus de discussion, je mets mon vote et ma fortune du côté de la confédération, et j'en agis ainsi sur la ferme persuation que, quelque, défectueux que puissent être certains détails du projet et quelque problématique qu'il paraisse d'en faire fonctionner certaines parties, les ressources des populations de ces provinces et leurs dispositions innées pour le gouvernement représentatif suffiront pour aplanir toutes les difficultés et les obstacles qui pourront encombrer la voie. Je suis convaincu que les défauts qui me déplaisent dans la mesure projetée disparaîtront, à l'instar de certaines maladies chez les enfants, à mesure que le système vieillira, et que lorsque dix autres années auront passé sur nos têtes nous formerons un maple anglais consolidé, fort et capable, dans la paix comme dans la guerre, de faire respecter nos droits sur ce continent. (Applaudissements.)
A six heures sonnant, l'ORATEUR quitte le fauteuil.
A la séance du soir.
M. SHANLY reprend le fil de son discours en ces termes:—J'avais avant l'ajournement exprimé ma conviction ne le peuple de ce ays serait à la hauteur de toutes les difficultés qui pourront se rencontrer dans le fonctionnement du régime contenu dans ces résolutions, et se montrerait capable de le modifier ou de le changer jusqu'à ce qu'il produise la plus grande somme de bien possible pour tout le pays. En donnant sa préférence à cette forme sur les autres, c'est-à- dire à l'union avec la métropole sur l'annexion aux Etats-Unis, à la monarchie sur le républicanisme, je crois que notre population choisit celle qui est. la mieux calculée pour favoriser ses progrès matériels et assurer le bien-être et la grandeur future du pays. Car l'annexion avec les Etats-Unis et notre régime comme état ne sauraient aucunement nous soustraire à l'obligation de développer par de grandes entreprises les progrès et les ressources du pays; notre dette resterait la même sans compter que nous serions seuls à la supporter; nos canaux et autres travaux publics seraient traités non comme des entreprises nationales mais d'état seulement, et les frais d'élargissement ou d'achèvement que nous voudrions encourir à cet égard seraient supportés par un revenu affaibli, car tout le revenu que nous retirons aujourd'hui de l'accise et des douanes serait destiné non pas à l'amélioration et au bénéfice de l'Etat du Canada mais bien au trésor public de Washington. C'est pourquoi il m'est impossible de comprendre comment un Canadien ayant à cœur l'intérêt de son pays, peut, même au point de vue purement matériel, se faire le défenseur de l'annexion avec les Etats-Unis, car nombre d'individus et des plus loyaux s'imaginent que d'une façon ou 905 l'autre, sans bien définir comment, l'annexion ouvrirait à ce pays une ère de prospérité subite et extraordinaire. Je difière complètement des théoriciens et des visionnaires qui ont cette opinion, même au point de vue matériel et pratique. Comment, je vous le demande, ce pays avec des ressources affaiblies en sa possession pourrait-il exécuter ces grands travaux auxquels notre avenir est lié, et dont les moyens comme la manière de les exécuter font aujourd'hui l'anxiété de nos financiers? J'ai toujours été d'opinion, depuis le jour où j'étudiai avec soin l'avenir de ce pays, que cet avenir dépend autant de ses eaux que de son soi; car, a vrai dire, le sol du Canada n'a rien de tentant pour celui qui a cultivé les terres de la Grande-Bretagne ou exploré les vastes et fertiles plaines a l'ouest du Lac Michigan. A l'égard du climat et du sol, le Canada ne fait qu'un avec le nord de l'Etat de New-York et les Etats du Vermont et de New-Hampshire. Mais l'avantage immense que nous avons sur ces états et qui nous donne un caractère a part sur ce continent, consiste dans le fleuve magnifique qui coule à nes pieds. La destinée de ce pays est attachée au sort de ce fleuve et de l'immense chaîne de notre navigation intérieure. Or, accomplirons-ncus cette destinée en demeurant oisifs et en ne fesant rien pour améliorer ces voies naturelles ou en créer d'artificielles, nous en remettant à la Providence du soin de développer nos ressources? Je crois que notre avenir est beau, mais nous n'y arrivorons qu'à force de travail et de sacrifices, et ce n'est pas en nous unissent a un pays qui mettra de suite la main sur les quatre-cinquièmes du revenu qui nous fait vivre aujourd'hui, que nous nous trouverons en meilleure position d'y atteindre. (Ecoutez! écoutez!) La première grande entreprise dont nous devons nous occuper, soit pour notre commerce soit pour notre défense, est l'amélioration de notre navigation intérieure. Quant à l'amélioration de notre commerce effectuée par celle de notre navigation, quel avantage retirerons-nous de notre annexion avec la république voisine? Au contraire, tous les états qui bordent l'océan ne seraient- ils pas intéressés à faire tout en leur pouvoir ur attirer le trafic de nos canaux dans les leurs et essayer d'empêcher les améliorations propres à lui faire prendre la voie du St. Laurent? Sans doute, les Etats de l'ouest ont des intérêts communs avec nous, mais ils ne sont pas en position de nous aider dans une telle entreprise, ayant eux—mêmes à emprunter pour faire exécuter leurs propres améliorations intérieures. Ainsi donc, tout homme bien pensant et dénué de préjugés devra admettre, suivant moi, que notre prospérité future et notre importance se trouvent liées à notre individualité et aux efforts que nous ferons pour faire profiter l'héritage ne nous ont légué nos ancêtres. (Ecoutez! écoutez!) Je suis convaincu que les neuf-dixièmes des Canadiens ne se laisseraient pas effrayer, en face des dangers quo pourrait courir leur autonomie, par les guerres qu'il leur faudrait soutenir un jour ou l'autre pour la défense de leur pays, et de tout ce qui est cher à un peuple brave et loyal. Nous sommes les possesseurs enviés du plus grand fleuve du monde, tout bien considéré, et les gardiens de l'une des principales artères qui aboutissent à l'océan, et j'ai l'espoir que jamais nous ne laisserons éclapper cet héritage, si ce n'est par force et violence; et encore, faudra-t-il que cette force et cette violence puissent non seulement triompher du peuple de ces provinces mais encore de la Grande- Bretagne elle-même. (Ecoutez!) Quoique je me sois proposé de ne pas entrer dans les détails de la mesure que je discute en ce moment, je prierai cependant la chambre de vouloir bien me prêter encore quelque peu son attention pour une remarque importante que j'ai à faire, et qui a trait à la 69e résolution projetant la colonisation du territoire du Nord Ouest par le Canada et aux frais du Canada. ll n'est personne en cette chambre qui, plus que moi, sache apprécier la valeur future des grandes et naturelles ressources de ce territoire, mais je n'apparticus pas acette catégorie de politiques visionnaires et exaltés qui risquent de tout perdre en voulant trop embrasser, d'autant plus que sur le vaste domaine s'étendant du lac Supérieur aux rives de Terreneuve, la confédération aura pendant longtemps un vaste champ à offrir à l'énergie et a l'esprit d'entreprise de son peuple Par sa position géographique, le territoire du Nord-Ouest est pour nous d'un accès très difficile. Une grande région à la fois stérile et inhabitable sépare le lac Supérieur des fertiles plaines de la Rivière Rouge et de la Saskatchewan qui, pendant sept mois de l'année, sont tout à fait inaccessibles pour nous à moins de traverser un pays étranger, de sorte quil sera presque impossible pour nous seuls de nous relier à ce territoire et de le coloniser, nous ne peu— 906 vous pas du premier coup asser de la position de colons à celle de colonisateurs. Cet immense territoire ne pourra être développé, colonisé et conservé pour nous, qu'en lui donnant ce soin que l'Empire a toujours en donner à ses colonies encore dans l'enfance. Dansle cours des débats, l'hon. président du conseil (M. BROWN) a dit qu'il espérait voir un jour nos jeunes gens quitter notre pays pour aller habiter celui du Nord-Ouest. Quant à moi, je suis éloigné d'avoir ce désir; j'entretiens plutôt l'espoir que la confédération ouvrira à ces provinces un assez vaste champ aux capitaux et à l'esprit d'entreprise, qu'elle développera assez leurs ressources pour employer l'énergie et satisfaire la juste ambition de cette jeunesse et l'empêcher, comme cela se voit aujourd'hui, d'aller s'établir à l'étranger, car c'est là un des maux les plus grands dont le Canada soit affligé. (Ecoutez! écoutez!) Bien qu'immigré moi-même, je reconnais que l'homme né et élevé ici vaut deux étrangers pour l'accomplissement de la tâche ardue du défrichement et de la colonisation de ce qui nous reste du domaine public. Aussi, mon espoir le plus ardent est-il que la confédération de ces provinces nous sera assez avantageuse pour engager la jeunesse à ne pas luitter nos foyers. (Ecoutez! écoutez!) C'est dans cette espérance queje donne mon appui à la mesure. Je fais en même temps des vœux pour que le grand territoire du Nord Ouest soit conservé à laGrande-Bretagne, et qu'avec le temps et sous ses soins protecteurs, il grandisse en richesse et en population de manière à ce qu'un jour la nation britannique américaine couvre le sol jusqu'aux rives du Pacifique. Au point où en sont rendus les débuts, il serait déplacé d'entrer plus avant dans les détails. J'ai, d'ailleurs, promis de m'en abstenir. Dès le début, j'ai été d'avis que pour le moment nous n'avions que très peu à nous occuper des détails. Si, somme toute, le projet est bon, on trouvera certainement plus tard les moyens de remédier à ce qui s'y trouve de défectueux. Avec tous ses défauts—qui sont nombreux je le sais, mais jamais constitution écrite n'en a été exam te —je n'en suis pas moins convaincu que le but général auquel il tend rencontre l'approbation d'une grande majorité du peuple canadien; et ce serait faire insulte au bon sens d'une population qui c'est toujours montrée capable de juger par elle-même et de se gouverner, que de la supposer incapable de remédier, quand l'occasion s'en présentera, aux défec tuosités d'un système de gouvernement dont elle a permis de faire un complet essai. (Ecoutez! écoutez!) Voilà, M. l'ORATEUR, ce que j'avais à dire sur cet important sujet de la confédération. J'ai promis de ne pas abuser de l'attention de la chambre en l'entretenant de détails, et j'espère avoir tenu ma promesse; mais, il me sera peut-être permis d'exprimer l'espoir—que je crois bien fondé —que le peuple de ces provinces est et se montrera à la hauteur de la grande entreprise qui l'attend; qu'avec l'aide de la puissance commerciale de l'Angleterre en temps de paix, et de ses forces militaires et navales en temps de guerre, si toutefois une guerre nous était déclarée, nous montrerons un monde que nous ne sommes pas d'indignos rejetons des nobles races dont nous descendons; que nous sommes capables d'accomplir la grande tâche qui nous est confiée,—la tâche la plus noble qui puisse être confiée à un peuple éclairé et intelligent,—celle de se faire un nom et une place parmi les nations de la terre; celle d'élever,—pour me servir d'une citation tirée du discours d'un homme d'état marquant de l'Angleterre, et introduite avec à-propos dans l'habile discours de mon hon. ami le député de Lanark —celle d'élever "' un de ces grands momuments que l'Angleterre laisse comme trace de ses actes; non pas des pyramides ni des obélisques, mais des états prospères dont l'histoire sera écrite dans sa langue." (Applaudissements.)
M. SCOBLE—M. l'ORATEUR:—Si je ne consultais que mon désir, je ne prendrais certainement pas la parole, à cette période avancée des débats, sur cette grande question par nous discutée depuis si longtemps; mais ayant en quelque sorte modifié les opinions que je m'étais d'abord faites à l'égard du projet soumis par le gouvernement, je crois nécessaire de faire quelques remarques pour motiver le vote que je compte donner. En abordant cette question, autant que faire se peut, je m'éloignerai de tout esprit de parti, des préférences de personnes et de toutes les jalousies de section. Mon désir est de ne la traiter que selon ses mérites, c'est-à-dire avec justice et impartialité, d'abord au point de vue des grandes difficultés qui existent malheureusement entre le liant et le Bas- Canada, et ensuite à celui del'union projetée des provinces de l'Amérique Britannique. Ces deux parties de la question principale, ou plutôt ces deux questions, qui ne sont pas directement liées l'une à l'autre, peuvent être discutées séparément, car il est possible 907 que l'union des provinces n'ait pas immédiatement lieu, et dans ce cas nous aurions encore à nous occuper des difficultés de notre position, et, si possible, d'en obtenir le réglement. (Ecoutez! écoutez!) Je commencerai donc, M. l'ORATEUR, par ces difficultés qui, depuis si longtemps entravent notre marche et que jusqu'ici nous avons essayé, mais en vain, de faire disparaître. Si nous devons en croire l'hon. député de Brome (M. DUNKIN), que je regrette de ne pas voir à sa place, ces difficultés sont imaginaires, non réelles. Dans son discours, travaillé avec soin mais fatiguant par sa longueur, il nous a dit que dans le Bas-Canada le catholique et le protestant, les deux populations, dont l'une parle le français et l'autre l'anglais, vivaient dans l'harmonie la plus parfaite, et l'hon. proc.-gén. CARTIER est venu corroborer cette assertion en déclarant que cette harmonie était si réelle qu'il jouissait de la confiance, non seulement des catholiques mais aussi de la société protestante, en un mot, qu'il représentait protestants et catholiques. Loin d'être disposé à mettre en doute le fait proclamé par ces hon. messieurs, j'y crois, au contraire, véritablement, et l'attribue à ce que ces deux populations ont des objets et des intérêts communs à faire valoir et à conserver. (Ecoutez! écoutez!) Mais l'hon. député de Brome a été plus loin: il a affecté de croire qu'aucune difficulté grave n'existait entre le Haut et le Bas- Canada, et que le mécontement que le Haut a manifesté aurait pu facilement disparaître sans recourir à un changement organique de notre constitution actuelle. C'est là au moins ce que j'ai compris de cette partie du discours de l'hon. monsieur; or, sur ce point, je diffère d'avec lui, car je crois ces difficultés du caractère le plus grave, et que si on ne les fait pas disparaître sous peu, elles vont menacer la paix et la prospérité de la province, et produire en fin de compte peut-être la désunion, peut-être l'annexion aux Etats-Unis. (Ecoutez! écoutez!) Tout homme aimant son pays doit craindre ces résultats et travailler à les prévenir. La chambre et le pays sont avec moi d'accord sur le danger de notre position, et par conséquent sur l'importance de la mesure en délibération comme moyen d'éviter ce danger. (Ecoutez! écoutez!) Si nous pouvons trouver la véritable cause de nos difficultés, nous n'aurons pas à en chercher longtemps le remède. Quelle est leur origine? Selons quelques-uns, elles sont dues aux différences de race, de religion, d'institutions civiles et de langue. Je ne suis pas censé ignorer ni disposé à nier que ces différences jouent un rôle marquant, dans le non-réglement de ces questions de section; mais je nie formellement qu'elles en soient la cause. Prenons, par exemple, la question de nationalité. Ceux qui, parmi nous, sont d'origine française peuvent bien être fiers de leurs ancêtres, de leurs traditions et de leur histoire; ils peuvent bien dire que le même sang que le leur coule dans les veines du peuple qui a fondé en Europe ce grand empire, qui exerce aujourd'hui tant d'influence sur la civilisation et la politique du monde; mais comme ils ne sont plus sujets français, qu'ils ont prêté allégeance a la couronnne d'Angleterre, et qu'ils jouissent de toutes les franchises des libres sujets anglais, il me semble que la question de nationalité française doit disparaître pour ne faire place qu'à celle d'origine; que la seule nationalité qui puisse être reconnue parmi nous est la nationalité anglaise, à moins, toutefois, que nous ne voulions nous séparer de la mère—patrie, former une nouvelle nationalité ou unir notre existence politique à celle de la république voisine. Mais, M. l'ORATEUR, où sont-ils ceux d'entre nous qui soient préparés à l'une ou à l'autre de ces alternatives? Dois-je croire que la population d'origine française de cette province est moins attachée à la couronne anglaise que celle d'origine anglo-saxonue? Dois—je croire que si l'occassion lui en était donnée, elle s'empresserait de se réunir à la France? Je suis sûr que ceux qui la composent, s'empresseraient de répondre négativement à ces questions. Je suis convaincu que ce sont là leurs sentiments, et je les crois de même persuadés que sous un gouvernement du monde, ils jouiraient d'autant de liberté civile, politique et religieuse, que sous la domination britannique. Comme le Franco- Canadien, l'Ecossais a son histoire et ses traditions, mais où est l'Ecossais qui ne soit pas fier de son alliance avec l'Angleterre, ou qui désire rompre cette alliance, dut cette rupture redonner à son pays un parlement ou un roi? Je crois que tout Franco-Canadien éclairé doit avoir la même opinion, malgré ce que les démagogues écervelés peuvent dire au contraire. (Ecoutez! écoutez!) Passons maintenant à la question religieuse, que l'on représente comme un obstacle insurmontable au réglement de nos difficultés de section. Si l'on avait établi en 908 cette province une croyance anti-catholique ou protestante, à laquelle tous seraient tenus de souscrire, ou sinon, d'y souscrire, au moins de pourvoir à son maintien par une taxe, je comprendrais, M. l'ORATEUR, que la différence d'opinion religieuse serait une entrave à ce réglement: mais puisque nous jouissons ici de la plus complète liberté religieuse.—oui, d'une plus grande somme de liberté religieuse que celle accordée aux chrétiens catholiques de France,—je ne vois pas pourquoi les catholiques de ce pays pourraient croire qu'en rendant justice aux Haut- Canadiens ils se feraient tort à eux- mêmes. (Ecoutez! écoutez!) Nous sommes tous trop profondément intéressés au maintien dela liberté religieuse pour songer à forcer la conscience ou pour permettre à l'état de s'immiscer dans des affaires d'une importance aussi transcendante que celles de nos rapports avec Dieu ou du culte que nous lui devons. Avec cette différence de croyance et de culte, la liberté religieuse pour tous est aussi nécessaire à. la paix et au bon gouvernement qu'à la conservation de la foi chez le peuple. Nous devenons ainsi les gardiens de la plus précieuse de toutes les libertés, celle de rendre à Dieu le culte que nous dicte notre conscience, sans que personne ni l'état ne puisse y mettre obstacle. (Ecoutez! écoutez!) Mais l'on a dit que les institutions civiles du Bas-Canada auraient à souffrir si on donnait au Haut une représentation, dans la législature et le gouvernement, d'après sa population, et je suis étonné, M. l'ORATEUR, que l'on ait pu avoir une semblable crainte, d'autant qu'il est bien connu que la politique de l'Angleterre a toujours été on ne peut plus libérale à cet égard. Consultez l'histoire de ses conquêtes dans aucune partie du monde, et vous verrez que jamais elle n'a imposé ses propres lois sans la volonté du peuple. Sa constitution et ses lois appartiennent de droit aux peuples soumis à sa domination, et cette constitution et ces lois sont les protecteurs de la liberté publique et individuelle,—voilà pourquoi elle accorde la plus grande liberté à l'égard des coutumes, des institutions particulières et de l'administration de la justice dans toute l'étendue de ses possessions. Quelque désirable ne puisse être l'assimilation des lois du Haut et du Bas-Canada, elle serait obtenue à un trop grand prix si elle devait créer du mécontentement chez une partie considérable du peuple. Le temps accomplira ce que la contrainte pourrait détruire. Bien que, comme Anglais, je sois porté à croire les meilleurs du monde nos lois et notre système judiciaire, cette opinion n'est pas chez moi entrée jusqu'au point de croire à leur perfection. Les perfectionner en leur adjoignant tout ce qui se trouve de mieux dans d'autres systèmes, est ce que le sens commun nous commande de faire et ce qui recevra constamment mon concours empressé. Les institutions du Bas - Canada n'auraient nul danger à courir avec les Haut-Canadiens, car, pratiquement, et dans la supposition qu'ils en eussent le pouvoir, ils ne gagneraient rien en les changeant; mais, ce pouvoir, ils ne l'auraient pas et ne le désireraient pas non plus. (Ecoutez! écoutez!) Et puis, M. l'ORATEUR, quant à la différence de langue, je ne puis croire sérieux les Bas-Canadiens lorsqu'ils s'imaginent que notre désir est de voir disparaître l'idiome de leurs pères. Cela peut bien se dire pour exciter les préjugés de l'ignorance, mais il est certain qu'auprès de gens intelligents. cela ne peut avoir aucun effet. C'est aux Franco—Canadiens à décider s'ils doivent ou non renoncer à leur langue pour adopter la nôtre. Ils sont libres de se servir de l'une ou de l'autre, ou des deux, selon qu'il leur plaira. Si, dans le Bas-Canada, l'Anglais est forcé d'apprendre le français pour les affaires et les relations sociales, et que dans le Haut-Canada le Français soit tenu d'en faire autant pour la même raison, il n'y a là, asssurément, rien de regrettable ni pour l'un ni pour l'autre, puisque les deux n'ont qu'à y gagner, puisque ceux versés dans les deux langues peuvent avoir accès aux œuvres de littérature, de philosophie et de science des deux nations les plus avancées de la terre, sous ce triple rapport. Personne d'entre nous ne cherchera à exclure la langue française tant que ceux qui préfèrent cette langue à toute autre jugeront à propos dela conserver. (Ecoutez! écoutez!) Donnez au peuple du Haut et du Bas-Canada un but commun à atteindre, des intérêts communs à sauvegarder, et toutes les questions d'origine, de croyance, d'institutions et de langue, disparaîtront pour faire place à un état de choses qui sera atteint par une union plus intime entre eux ou une union avec les autres colonies, comme celle proposée par le projet de confédération. (Ecoutez! écoutez!) La grande difficulté qui entrave notre marche tique nous cherchons à surmonter, est politique et non sociale. Elle a sa source dans la constitution qui nous a été imposée en 1841, par le gouvernement et la législature de 909 l'empire. Cette constitution a été fondée dans un but d'injustice envers le Bas-Canada, et ses résultats, ainsi qu'on le prévoyait alors, ont produit l'injustice la plus grande pour le Haut-Canada. Si le principe de la représentation d'après le nombre eût été alors adopté, la ligne de démarcation entre le Haut et le Bas-Canada eût disparu, excepté pour les fins judiciaires, et l'harmonie règnerait entre eux, tandis que maintenant nous en sommes à recourir à des changements organiques pour nous préserver de la révolte et de l'anarchie. (Ecoutez! écoutez!) Le député de Bagot (l'hon. M. LAFRAMBOISE) a fait de nombreuses citations du rapport de lord DURHAM, pour démontrer que cet homme de distinction était préjugé contre les Franco-Canadiens, et même disposé à ne pas leur rendre justice. En renant ça et la des passages de cet habile document, l'hon. membre n'a justifié, qu'en apparence, son accusation. Je crois faire acte de justice à la mémoire de lord DURHAM, en complétant les citations que l'hon député a faites par d'autres extraits, qui démontreront que sa seigneurie était mue par un esprit d'impartiale justice quant aux mesures qu'il recommandait pour faire cesser les divisions qui alors existaient en Canada. Avec la sagesse prévoyante qui caractérise le véritable homme d'état, voici ce qu'il recommandait:—
"Comme la simple fusion des chambres d'assemblée des deux provinces ne serait pas prudente, si on ne donnait pas à chacune la part de représentation qui lui est due, on devrait nommer une commission parlementaire chargée de faire les divisions électorales et de déterminer le nombre de députés à élire, autant que possible, selon le principe de la représentation d'après le nombre."
Où est, je vous le demande, l'injustice de cette recommandation? La population du Bas-Canada était alors la plus nombreuse, et elle avait droit, par conséquent, à plus de députés à la législature unie; or, les autorités impériales n'établirent pas la constitution par elles donnée au Canada sur le principe de la représentation d'après le nombre, mais sur celui de l'égalité, car elle accorde un nombre égal de représentants aux deux sections de la province. Nous en sommes aujourd'hui à déplorer le résultat de cette constitution, que sa seigneurie, ainsi qu'on va le voir dans les lignes suivantes, eut voulu établir sur d'autres bases:—
"Je suis opposé à tout plan qui a été proposé à l'effet de donner un nombre égal de représen tants aux deux provinces, afin d'atteindre le but temporaire de surpasser en nombre les Français et cela parce que je crois que l'on peut obtenir le même résultat sans violer le principe de la représentation et sans que le projet ait aucune apparence d'injustice qui pourrait soulever contre lui l'opinion publique, tant ici qu'en Angleterre; et de plus, parce que l'adoption d'un tel principe, tendrait, lorsque l'immigration aura augmenté la population anglaise du Haut-Canada, à  nullifier le véritable but que par elle on compte atteindre. Il me semble qu'une disposition électorale de ce genre, basée sur les divisions provinciales actuelles, tendrait à faire manquer le but de l'union et à perpétuer l'idée de la désunion. "
Ce sont là des paroles inspirées par la vraie sagesse; mais elles ne furent pas écoutées en Angleterre, et aujourd'hui nous en déplorons les conséquences. Le Haut et le Bas-Canada sont en antagonisme; un conflit entre les sections est imminent; l'action de notre législature est paralysée et nos hommes publics sont à bout d'expédients. Tout cela avait été prévu par lord DURHAM, et, tout cela, il avait voulu l'éviter par les sages conseils qu'il a laissés touchant le gouvernement futur de cette importante province. Voyons ce qu'il dit plus loin à l'égard des lois, de la religion et des institutions particulières du Bas-Canada:—
"Je n'aimerais certainement pas à assujétir les Franco-Canadiens à la domination de la même minorité anglaise avec laquelle ils luttent depuis si longtemps; mais je ne pense pas qu'ils auraient à craindre l'oppression ou l'injustice d'une majorité émanant d'une source aussi étendue; et dans ce cas, la très grande partie de cette majorité, qui n'aurait jamais été en lutte avec eux auparavant, n'aurait pour eux aucune animosité qui pourrait blesser leur sentiment naturel de justice. Les dotations de l'église catholique dans le Bas-Canada, et l'existence de ses lois actuelles pourraient étre, d'ici à ce que la législature unie les ait changées, garanties par des stipulations analogues à celles adoptées lors de l'union entre l'Angleterre et l'Ecosse. Je ne pense pas que l'histoire future de la législation anglaise doive nous faire croire que la nation qui a une majorité dans une législature populaire puisse vraisemblablement user de son pouvoir pour changer avec précipitation les lois d'un peuple qui lui est uni. "
Voilà quelles étaient les opinions de lord DURHAM, et voilà quel était le projet d'union qu'il voulait pour le Haut et le Bas-Canada! Ce projet était divisé en deux parties; l'une accordait la représentation d'après le nombre dans la législature, et l'autre donnait des garanties que le Bas-Canada serait protégé dans ses institutions particulères et que ses droits seraient respectés; mais sa seigneurie avait aussi en vue un plus grand projet que 910 l'union du Haut et du Bas-Canada. Elle désirait ardemment que toutes les colonies anglaises de l'Amérique du Nord fussent réunies sous un seul gouvernement. Lors- qu'elle reçut sa commission de la couronne britannique, sa seigneurie était fortement en fumeur du principe iédéral dans son application à l'état où se trouvait alors le laut et le Bas-Canada; mais, à la suite d'une plus profonde étude de la question, une fois arrivée en ce pays, et après voir consulté les premiers hommes des diffàrentes colonies américaines, elle en vint à la conclusion qu'une union législative de ces colonies serait préférable it une union fédérale. Ce changement d'opinion de sa part est expliqué dans les extraits de son rapport que je vais encore citer. Par une union législative, elle entendait " l'incorporation complète des provinces devant la composer, et une législature unique seule revêtue de l'autorité législative pour toutes ces provinces, constituée exactement de la même manière que le parlement anglais qui, seul, légifère pour toutes les îles britanniques," Après une minutieuse revue de tout le sujet, lord DURHAM fait ainsi connaitre comment il est arrivé à une préférence pour la confédération:—
"Cependant, je restai avec une impression encore plus forte des avantages d'un gouvernement uni, et je fus flatté de trouver les hommes marquants des diverses colonies fortement et génèralement disposés en faveur d'une mesure qui élèveralt leur pays il quelque chose ressemblant à une existence nationale. Je pensai qu'une fédération affermie par un gouvernement monarchique touchait graduellement à devenir une union législative complète, et qu'ainsi, tout en conciliant les Français du Bas-Canada en leur laissant le gouvernement de leur province et leur propre législation intérieure, j'arriverais à la protection des intérêts britanniques par le gouvernement général, et a la transition graduelle des provinces en une société unie et homogène. Mais. (ajoute sa seigneurie) la période de la transition graduelle est passée dans le Bas-Canada. " (Et plus loin elie conclut) " qu'on ne trouvera de gouvernement efficace que dans une union législative. "
La question ainsi traitée au point de vue de son application aux deux Canadas, il va maintenant étendre ses observations à toutes les possessions anglaises de l'Amérique du Nord:—
"Mais dans la conviction où je suis qu'un résultat aussi enviable serait assuré par l'union législative des deux provinces, je suis porté à aller plus loin et a chercher si on n'atteindrait pas plus facilement tous ces résultats en étendant cette union législative à toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord, et si les avantages que j'augurc de l'union de deux de ces provinces ne pourraient pas, ou ne devraient pas, en justice, être accordés il toutes. Une telle union mettrait décidément fin à toutes les querelles de race; elle mettrait toutes les provinces en mesure de coopérer à tous les objets d'un intérêt commun, et, pardessus tout, formerait un grand et puissant peuple possédant les moyens de se donner un bon gouvernement responsable pour lui-même, et qui, avec la protection de l'Empire Britannique, pourrait jusqu'à un certain point contrebalancer l'influence prépondérante des Etats-Unis sur le continent américain."
Sa seigneurie n'appréhendait nullement que cette union aurait l'effet de rompre nos liens avec la mère-patrie; il y voyait plutôt un moyen de les resserrer et un avantage pour les deux. Voici ce qu'il dit à cet égard:
"Je n'appréhende pas qu'une législature coloniale aussi puissante et aussi indépendante pourrait désirer de rompre son alliance avec la Grande- Bretagne. Je crois, au contraire, que l'exemption pratique d'une intervention indue resserrerait les liens actuels créés par l'attachement et les intérêts, et que cette alliance deviendrait de plus en plus stable et avantageuse, vu qu'il y aurait plus d'égalité, de liberté et d'indépendance locale. Mais, à tout événement, notre premier devoir est d'assurer le bien-être de nos compatriotes dans les colonies; et si dans les décrets cachés de cette sagesse qui gouverne ce monde, il est écrit que ces possesions ne doivent pas toujours faire partie de l'empire, nous devons à notre honneur de veiller il ce que, lorsqu'elles se sépareront de nous, elles ne soient pas le seul pays, sur le continent américain, où la race anglo-saxonne sera incapable de se gouverner elle-même. Je suis réellement si éloigné de croire que l'accroissement de pouvoir et de puissance qui serait donné à ces colonies par une union mettrait en danger leur connexion avec l'empire, que je considère cette mesure comme le seul moyen d'entretenir un sentiment national qui contrebalancera efficacement toute tendance d une séparation qui pourrait aujourd'hui exister."
Sa seigneurie recommande ensuite fortement l'union des deux Canadus sous une seule législature, leur reconstitution en une province, et que le projet de loi d'union" devrait contenir des dispositions permettant à aucune des colonies ou à toutes les colonies de l'Amérique anglaise, avec le consentement des deux Canadas ou de leur législature, d'entrer dans l'union aux conditions qui pourront être arrêtées entre eux." Ces remarquables passages du rapport de lord DURHAM me paraissent renfermer l'idée véritable du projet sentais à nos délibérations par le gouvernement; et cette mesure nous étant ainsi recommandée par une aussi haute autorité, elle mérite notre meilleure 911 attention, et si cette union se réalise, bien qu'elle ne sera pas précisément comme beaucoup d'entre nous le voudraient, nous pouvons nous attendre qu'elle fera cesser nos divisions intestines tout en nous ouvrant un glorieux avenir. La représentation d'après le nombre est roi usée au Haut-Canada sans la confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord; de la séparation du Haut-Canada pure et simple, il ne faut pas y penser; retomber dans la position où nous étions il n'y a encore qu'un an, serait nous plonger plus avant dans les difficultés politiques, créer une amère déception et de nouvelles animosités; ainsi donc, sauf mes réserves à l'égard des détails seulement, je croirai de mon devoir d'appuyer de mon vote la motion devant la chambre. (Ecoutez! écoutez!) Maintenant, M. l'ORATEUR, je passe à la question plus élevée du projet d'union de toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord. Pour me convaincre de l'importance de cette union, qui finira par former une nous Vella nationalité et assurer aux générations futures les avantages de l'unité et de la puissance, je n'avais que faire de l'argumentation ou de l'éloquence des hon. ministres. Avec la permission de la chambre, je vais lire partie d'une lettre sur ce sujet que j'adressai en 1859 au duc de NEWCASTLE, pendant qu'il visitait ce pays en compagnie de Son Altesse Royale le PRINCE DE GALLES. Après avoir fait connaitre à Sa Grace les motifs qui m'engageaient à prendre la liberté de lui écrire, voici ce que disait cette lettre:—
"Les possessions anglaises de l'Amérique du Nord ne sont pas seulement remarquables par l'immensité de leur étendue et leurs merveilleuses ressources: elles sont aussi sans rivales sous le rapport des facilités de communication intérieure qu'offrent leurs lacs et rivières, et leur position géographique est propre a leur donner la plus grande importance au point de vue des interets commerciaux et politiques de l'Empire. Possédant le contrôle de cette magnifique partie du continent américain, laquelle est d'un bout a l'autre d'un accès comparativement facile depuis l'Atlantique jusqu'aux rives du Pacifique, la Grande-Bretagne ne doit pas craindre la rivalité ni la prépondérance des Etats-Unis; mais afin qu'elle en retire tous les avantages qu'elle est en mesure d'en attendre, il faut qu'elle adopte et mette en pratique une politique à la fois bien conçcu et pratique dans tous ses détails. En établissant de nouvelles colonies dans l'Amérique Britannique, il serait nécessaire de veiller a ce qu'elles fussent aussi peu nombreuses que possible. C'est pourquoi. j'ai appris avec regret que l'on avait décidé de donner à l'établissement de la Rivière Rouge une existence politique distincte, au lieu de le laisser avec ses limites actuelles, en aurait dû faire que le Canada s'étendit jusqu'aux Montagnes Rocheuses. il eut pu alors absorber plus facilement les colonne éparses de Terreneuve, de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Ile du Prince-Edouard sur l'Atlantique, et la Colombie Anglaise et l'Ile de Vancouver sur le Pacifique. Réunies en dernier lieu sous un seul gouvernement, dont celui de la mère-patrie servirait de modèle, mais modifié selon que les circonstances l'exigeraient un empire pourrait être formé par la suite sous le règne d'un des membres de la famille royale. En attendant, rien n'empêcherait qu'un prince du sang royal fut nommé vice-roi de toutes les possessions anglaises de l'Amérique du Nord, auquel on donnerait des lieutenants-gouverneurs chargés de l'administration des colonies distinctes jusqu'à ce qu'elles soient graduellement et définitivement réunies. Par cet exposé, votre grâce peut voir que je suis adverse au système américain de fédération, et que je lui préférerais l'union des colonies anglaises de ce continent. Un gouvernement, une législature, un système judiciaire, au lien de plusieurs, avec leurs institutions, intérêts et juridictions divers, voilà ce que je me permettrais respectueusement de recommander comme la véritable politique que la mère-patrie devrait adopter sur ce continent, vu les magnifiques résultats produits par elle de l'autre côté de l'Atlantique. Un gouvernement fédéral comme celui des Etats-Unis, par exemple, est et ne peut-être que faible par le fait des éléments diseoru'ants qui le composent; il porte en lui le germe de la désorganisation et de la dissolution. Dans un pays nouveau comme celui-ci, la multiplication de petites colonies équivaut à la multiplication de petites souveraineté, entre lesquelles l'antagonisme et la rivalité devront tôt ou tard se manifester et empêcher de se développer cette grandeur et cette puissance qu'une politique opposée eut, selon moi, favorisées et produites. Cependant, par l'union, je n'entend pas la centralisation. Je ne suis pas partisan du système bureaucratique de la France, de l'Antriche et de la Prusse. Pour être fort et respecté, un gouvernement doit laisser à son peuple autant de liberté que le permettent la sûreté et l'avantage de tous dans la direction des aifaires locales. Un système municipal comme celui que nous avons en Canada, est tout ce qu'il faut pour atteindre ce but. En étendant les franchises politiques à toutes les classes de la société, aux habitants natifs comme aux sujets naturalisés, l'élément national ne pourrait faire autrement que de se développer de manière à donner de la stabilité aux institutions, de la satisfaction au peuple et de la force au gouvernement. "
L'opinion que j'avais en 1859, je l'ai encore aujourd'hui, et suis, comme je l'étais alors, en faveur de l'union des provinces anglo-américaines. Aujourd'hui comme alors, je suis opposé au principe fédéral mis en pratique par le gouvernement des Etats-Unis. Les plus grands hommes 912 d'état, les hommes les plus sages qui acquirent une position marquante pendant la révolution américaine, étaient résolument d'opinion que pour être fort, un gouvernement devait être uni; qu'il devait posséder, sur toute son organisation, le pouvoir suprême et l'influence qui commande; que répartir le pouvoir ou même le partager avec les gouvernements d'état ou locaux ne pouvait ne l'affaiblir dans ses parties les plus vitales. Par conséquent, ils auraient aimé qu'on enlevlt aux états tout attribut de souveraineté et que l'action de ces derniers fut bornée aux affaires d'une nature purement locale ou municipale; mais ils n'avaient pas ce pouvoir, et les conséquences de ce principe se voient dans la guerre fratricidc qui dèvaste leurs plus belles provinces et remplit leur pays de deuil. Les leçons de l'histoire et l'expérience des autres peuples ne devraient pas être perdues pour nous; et, pour ma part, je n'hésite pas à dire que si, dans la fédération projetée des colonies anglaises de l'Amérique, nous devions suivre l'exemple des auteurs du système de gouvernement des Etats-Unis ou copier sa constitution, je m'opposerais de toutes mes forces à la mesure. Elle crée, il est vrai, des gouvernements locaux qui seront investis de grands pouvoirs législatifs et exécutifs; il est vrai qu'elle donne a ces gouvernements des pouvoirs concurrents avec ceux du gouvernement gènéral; elle les rend, il est vrai, possesseurs des terres publiques dans leurs juridictions respectives; il est de même vrai qu'elle autorise deux de ces gouvernements d'imposer des droits d'exportation sur le bois, la houille et autres minéraux, et qu'au point de vue d'une politique progressive ce sont la autant de choses à déplorer, mais que l'on reconnaîtra inévitables au point de vue dela raison d'état. Voilà pourquoi je suis prêt à l'accepter dans son ensemble, et comme étant de fait la meilleure œuvre qui put être produite dans les circonstances où ses auteurs y ont traveillé. (Ecoutez! écoutez!) Un examen attentif du projet m'a convaincu que les pouvoirs conférés au gouvernement général ou central lui assuraient tous les attributs de la souveraineté, et que le droit de véto dont il sera nanti à l'égard de toute législation locale empêchera les conflits de loi et de juridiction sur toutes matières d'importance, de sorte que je crois que dans le fond, sinon dans la terme, on trouvera qu'il opère dans le sens d'une union législative. (Ecoutez! écoutez!) Jugeant de la mesure à ce point de vue général, que je crois en même temps juste, je m'abstrendrai de toute critique de ses moindres détails, espérant que plus tard on saura mettre de côté tout ce qu'elle aura de défectueux. Il n'y a aucun doute que le gouvernement impérial veillera à ce que disparaisse cette partie du projet qui empiète sur les prérogatives dela couronne, ou qu'elle sort au moins modifiée de manière à ce qu'elle concorde avec ces prérogatives. Sur une ou deux objections, faites au projet par des membres catholiques de cette chambre, je me permettrai quelques remarques. Ces objections de leur part tendent à récuser le pouvoir du gouvernement central en matière de mariage et de divorce. Selon moi, M. l'ORATEUR, ce pouvoir est on ne peut mieux placé. Je respecte les convictions religieuses de ces messieurs, et comme protestant, je leur demande de respecter aussi les miennes. L'on doit se tolérer mutuellement les uns les autres. Si la partie protestante de cette chambre et de cette province ne considère pas le mariage un sacrement, et partant un lien inviolable et indissoluble, croyez cependant qu'elle a une aussi haute idée que la partie catholique, de l'obligation sacrée qu'il comporte, et que tout autant qu'elle nous savons qu'il oblige en conscience ceux qui entrent dans ce saint et honorable état. Mais, quant à l'état ou au gouvernement civil du pays, les protestants en général ne considèrent le mariage que comme un contrat, dissoluble en certains cas. (Ecoutez!) Cette opinion ne doit blesser ni le jugement ni la conscience de nos amis les catholiques, car elle n'affectera ni ne changera en rien la forme ou la continuité de leurs liens matrimoniaux; et a nous, protestants de cette province, ils accorderont sûrement cette liberté de conscience dont ils jouissent eux- mêmes à l'égard de l'institution du mariage. (Ecoutez! écoutez!) J'ai aussi à faire une courte observation sur un sujet abordé par mon hon. ami le député de Peterborough, (le Col. HAULTAIN) . Je crois qu'il a été le fidèle interprète des sentiments de la population protostante du Bas-Canada, lorsqu'il a parlé de l'effet probable que la lettre encyclique du Pape devait produire dans l'esprit des catholiques de ce pays. Elle croit que slles principes precenisés par cette lettre étaient suivis, sa liberté religieuse comme ses priviléges seraient en danger; mais il paraîtrait que mon hon. ami n'a pas su interpréter dans son vrai sens ce célèbre document, qui, 913 au dire des commentateurs catholiques, ne peut paraître inoffensif à ceux qui le comprennent. Qu'il soit ce qu'il voudra, je n'en réfère pas moins me fier au bon sens et aux bons sentiments des catholiques eux- mêmes, et surtout à la liberté religieuse dont nous jouissons, plutôt qu'à la lettre encyclique pour la protection de nos libertés, soit civiles, soit religieuses. Comme peuple, soyons unis de vues et d'intérêt, et quelle que puisse être d'ailleurs la diversité de nos opinions sur des sujets à nous personnels, j'ai la certitude que nous deviendrous une grande nation et qu'un avenir glorieux s'ouvre devant nous. Comme il y a encore plusieurs hon. membres qui doivent prendre la parole, je vais me hater de terminer, étant d'avis que les débats devraient cesser aussitôt possible, afin que, par ses représentants qu'il va envoyer en Angleterre, le gouvernement accomplisse cette tâche que les circonstances actuelles rendent urgente et nécessaire. (Ecoutez! écoutez!) Cependant, avant de laisser la parole à d'autres, je désire faire une ou deux observations sur la divergence des opinions émises par d'hon. membres sur la durée de nos relations avec la mère- patrie. Je ne crois pas qu'en Angleterre le parti qui veuille se sé arer de nous soit nombreux. Je pense plutôt que la grande masse du peuple anglais est fière de cette connexion et qu'elle tient à la maintenir si de notre côté nous travaillons à la cimenter en accédant à ses justes et raisonnables demandes. Il n'y a aucun doute que le mécontentement manifesté en Angleterre à notre égard doit être imputé a notre politique fiscale. Pour le moment, je ne hasarderai aucune opinion sur la sagesse ou le démérite de cette politique, mais il me vient à l'idée qu'il est maintenant en notre pouvoir de nous mettre en bons termes sur ce point, et au sujet duquel je prends la liberté respectueuse d'attirer l'attention du gouvernement. Quant à la uesticu de nos défenses, les autorités anglaises nous pressent pour que nous nous en occupions; mais comme elle rélève aussi bien de l'empire que de la province, voila comme je pense qu'elle devrait être réglée:—si le gouvernement britannique et son peuple désirent réellement maintenir leur alliance avec les Canadas, ils sont obligés, moralement et politiquement, de leur fournir des moyens complets de défense, en argent, en matériaux et en hommes, dans le cas de nécessité, car il est évident que sans cela, excepté sur un ou deux points, nous serons dans l'impossibilité de nous défendre. De notre côté, si nous voulons conserver nos relations avec la mère- patrie, nous sommes tenus, par de hautes considérations politiques, de modifier notre tarif des importations de manière à ne donner aucun sujet de plainte au peuple d'Angleterre. Je suis persuadé que si nous faisons cela, nous réussirons à faire disparaître toute hostilité dont aucune classe de politiques anglais a pu nous menacer. Les privilèges et les droits sont réciproques et doivent être satisfaits dans un esprit de cordialité. Que l'on n'oublie pas qu'entre tous, les intérêts matériels sont ceux qui établissent le mieux l'amitié entre les nations, et que ce sont eux qui maintien iront intactes nos relations avec la mère-patrie. (Ecoutez! écoutes!) Conséquemment, je suis tout-à-fait d'accord avec l hon. monsieur (M. SHANLY), qui m'a cédé la parole, sur la nécessité d'attirer en toute hâte l'attention du gouvernement impérial sur ce point. Ce que je désire le plus ardemment, M. l'ORATEUR, c'est que nous arrivions à une union, sous un seul gouvernement, de toutes les possessions anglaises de l'Amérique, depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique, et que ses résultats soient des plus avantageux, tant pour les colonies que pour l'empire; ce que je désire encore, c'est ue la Providence guide les conseils, et dirige les actes de ceux qui conduisent aujourd'hui le char de l'état, de manière à assurer au peuple de ce pays et aux generations futures les bienfaits d'un bon gouvernement et d'une sage administration des affaires publiques. (Applaudissements.)
COL. RANKIN—M. l'ORATEUR:—Depuis que je jouis de l'honneur d'être député à cette chambre, jamais autant que ce soir je n'ai été impressionné par l'importance d'un sujet soumis à nos délibérations. Durant le cours de ces débats, M. l'ORATEUR, tout hon. membre qui s'est fait entendre vous a dit que ce n'est pas sans éprouver quelque embarras qu'il se levait pour prendre la parole. Moi aussi, je pensais en dire autant; mais je m'en abstiendrai; je me contenterai de dire que si je parle, ce n'est que parce que je pense qu'il est de mon devoir de motiver le vote que je donnerai à l'égard de le mesure en question. J'ai écouté avec une grande attention les discours qui ont été prononcés de chaque côté, et j'ai été heureux de voir que nous sommes enfin parvenus à donner un ton plus digne qu'à lordlnarre aux débats de la chambre. (Ecoutez! 914 écoutez!) J'attribue en grande partie ce progrès à ce que nous discutons une question supérieure à toutes celles dont la chambre a été saisie jusqu'à ce jour. Enfin, nous délibérons donc sur quelque chose qui est digne de fixer l'attention des messieurs qui aspirent à la réputation d'hommes d'état, car, jusqu'ici, nous avons nmlheureusement passé trop de temps à discuter des questions qui, à proprement parler, étaient plutôt du ressort d'un conseil municipal que d'une législature. (Ecoutez! écoutez!) Comme il se pourra que les motifs de mon opinion sur cette mesure paraîtront en quelque sorte singuliers, j'entretiens l'espoir que l'on me pardonnera si je rappelle quelques-uns des événements les plus marquants qui ne rattachent au progrès du Canada depuis quelques années Je dirai que bien que le pays ait gagné en importance, augmenté en population et en prospérité aussi rapidement, peut-être, que nous pouvions l'espérer, sous quelques rapports, cependant, il a plutôt rétrogradé qu'avancé. Je veux dire que depuis l'introduction du gouvernement responsable, les relations amicales entre les hommes marquants du pays ont plutôt diminué qu'augmenté. Je puis dire, M. l'ORATEUR, qu'avant l'union il existait plus de dignité que dans le cours de ces dernières années chez nos hommes publics, bien que je sache aussi que l'on pouvait avoir de justes objections contre le gouvernement d'alors. Il va de même sans dire que les agitateurs qui ont causé les troubles de 1837 avaient de grands sujets d'être mécontents. Mais avec l'expérience que nous avons aujourd'hui, plusieurs d'entre nous, il est probable, seront prêts à admettre que ceux qui ont été les auteurs de cette rebellion, que nous nous lîmes alors un devoir d'écraser, étaient en réalité de réels bienfaiteurs du pays.(Ecoutez!)Le résultat a prouvé qu'ils ne faisaient que différer d'avec ceux qui crurent de leur devoir de les opposer, et qu'ils étaient en avant des hommes et de l'esprit politique de cette époque. Avant leurs voisins, ils recounurent que l'état de choses qui existait alors ne pouvait durer longtemps, et plus tôt que d'autres ils purent apprécier les griefs dont une grande partie de la population était l'objet. (Ecoutez! écoutez!) De là vinrent les luttes politiques qui eurent malheureusement pour résultat un recours aux armes. Par bonheur, cette insurrection put être réprimée, et une fois la paix rétablie, les hommes d'état de la grande nation dont nous sommes fiers d'être les sujets, se mirent immédiatement à l'œuvre pour trouver les meilleurs moyens de faire disparaître les justes sujets de mécontentement qui avaient donné lieu à cette révolte. La première mesure arrêtée avait pour but l'union des deux provinces; mais cette union déplaisait à beaucoup et fut acceptée par eux avec répugnance. Des hommes dignes en tout point du respect de leurs compatriotes, prédirent alors quelle aurait de fâcheux résultats. Cependant, est-il en ce pays un seul être intelligent qui puisse dire que ces prédictions se sont réalisées? A la droite ou à la gauche de la chambre, je ne pense pas qu'il y ait un seul député qui croirait qu'il parle sincère-' ment celui auquel il entendrait dire que L'union a été suivie de désastreux résultats. le temps des hostilités entre le peuple des deux sections est passé.—Je dis les deux sections, car, malgré la coutume contraire, je ne me suis jamais permis de parler du Haut et du Bas-Canada comme provinces distinctes. Dès que l'union a été un fait accompli, j'ai senti que nous devions nous considérer comme habitants d'un même pays et non comme peuple de deux provinces séparées. Dans quelques cas, la législation a pu être lus et l'avantage d'une section, mais dans 'autres elle a été plus profitable à l'autre section; or, quelque avantage que l'une a pu avoir sur l'autre, tout le pays n'en a pas moins profité, puisque cela augmentait d'autant sa richesse et son importance. (Ecoutez! écoutez!) Cependant, bien des années après l'établissement de l'union, on vit beaucup de personnes paraissant mécontentes de l'état de choses actuel, et s'attaquer au gouvernement responsable, dont elles ne parlaient que comme d'une ralamité plutôt que comme d'un bienfait. Comme tous les individus entre l'âge de l'enfance et de la maturité, nous nous reçu, M. l'ORATEUR, de sévères leçons, et c'est ce à quoi les sociétés qui passent de l'état peu marquant à une position plus élevée oivent aussi se soumettre. Le premier de ces enseignements que nous avons reçu sous le système responsable s'est trouvé dans la passation du bill de l'indemnité des pertes causées par la rébellion dans le Bas-Canada. Le hasard voulut, M. l'ORATEUR, que j'app partansse alors à un parti du Haut-Canada qui se serait cru, sinon tout à fait, au moins presque justifiable de recourir aux armes pour s'opposer à l'exécution de cette loi; mais avec 915 le temps, je suis devenu plus capable d'apprécier la politique alors mise en action, et aujourd'hui je suis prêt àa reconnaître qu'il n'était que juste et raisonnable que cette loi fut édictée. (Ecoutez! écoutez!) Je sympathisais alors avec ceux qui incendièrent l'hôtel du parlement à Montréal, et je confesse même, que dans la disposition d'esprit où je me trouvais, un des premiers, probablement, si je m'étais trouvé là, j'eusse appliqué la torche à cet édifice; mais l'expérience et la réflexion m'ont depuis enseigné à examiner les choses à un tout autre point de vue. On apprit alors pratiquement que nous nous gouvernions nous-mêmes. On fut mis à même de subir les conséquences du gouvernement responsable; car, on apprit à nos dépens que des questions comme celles-là devaient être décidées par la volonté de la majorité du peuple exprimée par ses députés au parlement. (Ecoutez! écoutez!) Il n'y avait pas a se tromper sur ce que voulait alors cette majorité, et j'aifirme que l'esprit de révolte qui s'est manifesté à l'égard de la passation de cette loi, était sous quelques rapports plus condamnable que l'action de ceux qui recoururent aux armes pour obtenir le redressement des torts qui furent cause de la rébellion.—A la longue, beaucoup de ceux qui étaient on ne peut plus irrités de la passation de cette mesure, finirent par reconnaitre qu'elle n'était qu'une des con— séquences naturelles du nouvel état de choses, et petit à petit, le peuple du Canada est venu à comprendre et à apprécier les avantages du gouvernement responsable, si bien qu'aujourd'hui il comprend parfaitement que la minorité doit se soumettre à la volonté délibérément exprimée du plus grand nombre. (Ecoutez! écoutez!) Bien plus, j'espère que notre éducation politique est arrivée à un point de perfection que nul homme en Canada ne se croirait justifiable de recourir à la violence pour s'opposer à aucun acte de cette législature, quelle que fût l'injustice de cette loi envers la minorité et quelle que fût l'importance de cette minorité. Aujourd'hui, M. l'ORATEUR, notre attention est dirigée sur une autre union d'un genre tout différent, et en faveur de laquelle je me suis prononcé depuis longtemps. À l'appui de cette assertion, je demande qu'il me soit permis de lire deux ou trois lignes des procès-verbaux de cette chambre de l'année 1866. Je ne prétends pas réclamer pour moi une mention spéciale dans l'affaire; je désire seulement établir que j'ai toujours été ct je suis encore partisan de cette mesure, pour laquelle, l'autre jour, j'ai été jusqu'à déclarer que je voterais pour la question préalable,—proposition que j'eusse considérée, dans des circonstances ordinaires, susceptible de très-grandes objections. En 1856, M. l'ORATEUR j'appelai l'attention du procureur-général du Haut- Canada—qui, s'il était ici, se rappellerait certainement ce fait—sur un projet analogue à celui dont nous nous occupons. Je le pressai, je le sollicitai de mettre ses hautes capacités au service de cette œuvre qui, par son importance, était digne de lui. Je m'efforçai de le convaincre qu'en alliant. son nom à une grande œuvre comme celle- là, il se ferait une réputation digne de ses talents, mais je ne pus parvenir a lui faire partager mon idée qui, selon lui, était prématurée il pensait bien que plus tard elle pourrait peut-être avoir quelque chance de rencontrer l'approbation générale, mais que pour le moment il ne fallait pas y songer. Cela ne m'empêche pas, toutefois, de rédiger des résolutions, dont je donnai avis deux ou trois semaines avant la date que je comptais les proposer. Dans l'intervalle, je m'adressai aux hon. membres de la chambre, mais, je regrette d'avoir à le dire, je ne reçus d'eux aucun encouragement, à l'exception de feu l'hon. M. MERRITT, qui approuva fortement cette idée. Voyant que je ne serais pas assez appuyé par la chambre pour que l'idée de ce projet se répandit chez le peuple, je crus prudent, comme le font quelquefois les chefs de parti en pareilles circonstances, de ne pas faire montre du peu d'appui que je reneontrerais, car j'avais acquis la certitude que les résolutions ne seraient pas vues favorablement par un assez grand nombre de députés, et qu'en les proposant elles n'eussent attiré l'attention que sur ce que l'on aurait pu considérer comme une excentricité de ma part. Je renonçai donc à l'idée de les mettre en délibération; avec la permission de la chambre, je vais donner lecture de cet avis de motion, qui est comme suit:—
"M. RANKIN.—Mercredi, 30 avril, 1856.—La chambre en comité sur l'état général de la province, pour prendre en consideration le sujet de l'union ou confédération des colonies de l'Amérique Britannique du Nord, dans la vue de préparer une adresse à Sa Majesté, la priant de vouloir bien recommender ce sujet à la considération du parlement impérial."
Et c'est cette proposition, M. l'ORATEUR et je suis heureux de le dire, que le gouver 916 nement veut faire adopter. (Ecoutez! écoutez!) C'est la ce ne je proposais ily a neuf ans. Ce sera donc avec le plus grand plaisir qucje donnerai mon appui à la mesure actuelle, et, je saisis cette occasion de féliciter le gouvernement d'en être venu, quoique bien tard, a la même conclusion que moi. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. J. S. MACDONALD—L'évêque STRACHAN et d'autres personnes ont mis cette question en avant il y a bien des années.
M. RANKIN—Je ne veux pas ôter à ces messieurs le mérite de l'idée première, qu'ils ont pu faire connaître avant que je fasse en âge de m'occuper de politique; mais, je puis me féliciter d'avoir en la même idée sur ce point—sans la leur avoir empruntée—que des hommes distingués avaient déjà. fait connaître. (Ecoutez! écoutez!) Néanmoins, le résultat prouve que l'hon. procureur-général avait raison de la trouver prématurée et qu'il connaissait alors les sentiments du pays. Je crois, cependant, que sans certaines circonstances que je ne ferai que mentionner, attendu qu'en cette occasion cs commen taires seraient peut-ètre déplacés, je crois, dis-je, que sans l'état de choses qui est survenu avant la formation de cette coalition, il se serait encore écoulé vingt années au moins avant que l'on eut cru à la praticabilité de ce rejet; mais, puisque le gouvernement a eu la bonne idée de cette mesure, je ne puis que l'en féliciter. Lorsque cette coalition fut proposée, c'est-à-dire après le vote qui renverse le ministère CARTIER-MACDONALD l'hon. président de l'exécutif, qui était alors le chef reconnu de l'opposition, me fit l'honneur de m'inviter à une réunion de ses adhérents. Bien que je ne fasse pas de son parti,—car, toujours, j'ai été conservateur sans le véritable sens de ce mot,—je marchais tout de même alors avec le parti dont il était le chef, et je pense que les membres de ce parti-là me rendront justice d'admettre que gendant mon alliance avec eux j'ai su agir de bonne fer, et que si je marchars avec eux on ne me comptait pas our un des leurs. (Ecoutez! écoutez!) A l'assemblée de l'opposition, convoquée par l'hon. président du conseil, fut soumis le projet sur lequel nous délibérons, et, en justice pour cet hon. monsieur, je dois dire qu'il explique clairement et franchement les conditions qui avaient été arrêtées entre lui et l'autre partie du gouvernement. Il nous apprit tout ce qui sétait passé et demanda si nous approu viens ce qu'il avait fait et si nous appuierions le gouvernement qui allait être organisé à l'effet d'entre rendre ce projet. On a dit beaucoup de choses après ces explications, et autant que je me souviens de ce qui s'est passé, —car je ne me suis pas rafraichi la mémoire par la lecture du procès-verbal de cette réunion,—le projet obtint l'adhésion générale. Bien que parmi les assistants il s'en soit trouvé quelques une qui n'y aient pas adhéré complètement, tous ont néanmoins consenti à ce que ce gouvernement se format. (Ecoutez! écoutez!) Tous, je crois donnèrent leur consentement à cette proposition. Dans tous les cas, elle a cu de bonne foi le mien. (Ecoutez! écoutez!) Et en la lui donnant, j'entendais donner aussi a ces hon. messieurs toute latitude afin qu'ils pussent concerter le meilleur projet possible, auquel je m'engaeais en même temps de donner mon appui. Mon intention ne comportait aucune duplicité. A l'instar de quelques hon. députés, mon but n'était pas de les mettre dans une fausse position et de les assaillir ensuite. (Ecoutez! écoutez!) Honnêtemcnt j'ai consenti à ce qu'ils entrassent en conférence avec les délégués des autres provinces à l'effet d'arrêter un projet d'union quelconque. (Ecoutez! écoutez!) Dans les explications données par l'hon président du conseil, il s'est bien, il est vrai, trouvé quelque chose d'innacceptable pour moi, mais cette objection n'était pas de nature à exiger que je la fisse connaître dans le temps. Pour prévenir toute fausse interprétation, je vais dire maintenant quelle était cette objection. Il fut suggéré que dans le cas où la confédération de l'Amérique Anglaise ne réussirait pas, la fédération s'accomplirait tout de même pour le Canada seul.
L'HON. M. BROWN—Avec une disposition à l'effet de permettre aux autres provinces d'en faire partie quand elles le voudraient.
Col. RANKIN—C'est vrai; mais bien que je fasse contre cette idée d'une confédération du Canada seul, je ne crus pas de mon devoir de protester contre. Je reconnaissais l'apportunité d'autoriser ces hon. messieurs à préparer le projet qu'il croirait le meilleur et le plus praticable, mais il ne s'ensuit pas que je devais adhérer au dernier projet, dans le cas de la non-réussite du remier. Je n'étais pas alors et je ne serai jamais pour une confédération des Canadas avec un gouvernement local pour chaque section: je préférerais rester comme nous sommes plutôt 917 que de consentir à faire du Canada deux ou trois petites provinces. Volontiers, par exemple, je donnerai mon appui au projet devant la chambre, non pas parce que je le crois parfait, car si j'en avais l'envie, je pourrais soulever contre lui beaucoup d'objections valides, mais je n'y suis pas disposé. Je crois sincèrement que les hon. messieurs qui ont été chargés de cette tâche ont fidèlement travaillé a la remplir, et pour cette raison, je ne me permettrai aucune remarque sur la position politique de chacun d'eux avant la coalition formée par eux. Cependant, comme l'hon. présideut de l'exécutif me parait nourrir toujours l'idée d'une fédération des deux Canada, je me crois obligé de dire que lorsqu'il donna ses explications, il parut très convaincu de la gravité de la question qu'il soulevait et bien comprendre qu'il pouvait ainsi donner prise à ses adversaires. Je ne dis pasqu'il est invulnérable, mais moi, dans tous les cas, je m'abstiendrai de l'attaquer maintenant: j'attendrai à plus tard; et s'il réussit avec ce projet, il me trouvera toujours prêt a lui témoigner de la reconnaissance, et pour le bien qu'il aura ainsi fait, je lui pardonnerai, M. l'ORATEUR, tout le mal qu'il avait fait jusque là. (Ecoutez! écoutez! et rires.)
L'HON. J. S. MACDONALD —Vous faites preuve de beaucoup de charité.
M. RANKIN—Nous devrions tous profiter des leçons de l'expérience. Dans le cours de cette discussion, j'ai remarqué avec un plaisir infini l'esprit de loyauté manifesté ar les bon. membres ui ont pris la parole. Les adversaires même du projet ne sont pas restés en arrière sous ce rapport, car tous ont exprimé leur attachement aux institutions et a la couronne britanniques. (Ecoutez! écoutez! Je ne pourrais as même insinuer ue ans cette enceinte il y ait un seul mem re qui entretienne des sentiments de déloyauté envers la Grande-Bretagne. Nous avons tous le droit d'exprimer nos opinions, c'est même pour nous un devoir, puisque nous sommes envoyés ici pour décider sur ce qui est le lus avantageux aux Intérêts du Canada d'abord, car, bien que nous devons allégeance à l'Angleterre, le Canada est notre pays, et comme tel il a le premier droit à notre attachement. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas, M. l'ORATEUR, un de ces Canadiens qui prétendent. que les intérêts de l'Angleterre doivent passer avant ceux du Canada. Il serait mieux, sans doute, que l'on eut la même sollici tude ur les intérêts de la mère-patrie que pour ce nôtres, et je fais des vœux pour qu'ils soient toujours unis; mais nous ne evons pas oublier qu'il en est des nations comme des individus; il vient un temps où l'enfant doit songer à se pourvoir lui-même, un temps où il ne peut plus compter sur ses parents pour se faire une position dans le monde. Tôt ou tard, M. l'ORATEUR, le temps viendra où ce pays cessera d'être une colonie dépendante de l'Angleterre, et quelque chose que nous fassions, quel ne mesure que nous prenions pour l'avenir, nous devrions toujours avoir a la mémoire que des évènements passés sont la qui nous disent de commencer à nous créer une nationalité ou de nous résigner à être absorbés un jour par la république américaine. Pour ma part, M. l'ORATEUR je fais les voeux les plus sincères pour conjurer ce malheur. Bien que je reconnaisse l'esprit d'entreprise et l'intelligence du peuple des Etats-Unis, rien ne me répugnerait autant que de devenir citoyen de cette contrée. Tous les hon. membres se souviennent, M. l'ORATEUR, de l'agitation qui commença à Montréal, il y a quinze ans, et qui avait pour but la séparation du Canada d'avec l'Angleterre et son annexion aux Etats- Unis. Les promoteurs de ce mouvement étaient des hommes influents qui occupaient une position élevée dans le pays, et ainsi que nous le savons tous, quelques uns d'eux occupent des postes marquants en cette chambre. Alors, comme aujourd'hui, ils se disaient de bons et loyaux sujets anglais, et malgré cette profession de foi, délibérément ils rédigèrent et signèrent un document par lequel ils demandèrent à leur souveraine de permettre à. ces provinces de se séparer de l'Angleterre pour qu'elles pussent s'annexer ensuite aux Etats-Unis. Les auteurs du document dont je viens de parler—le Manifeste Annexioniste —n'étaient as animés par un esprit de révolte contre la mère- patrie mais bien par leur attachement aux intérêts du pays. Leurs arguments étaient logiques et fondés sur ces considérations matérielles qui, malgré tout ce qu'on pourra dire, exercent et exerceront toujours sur les esprits intelligents du 19ème siècle une influence plus forte que la préférence que l'on peut avoir pour une forme particulière de gouvernement. Et tous, M. l'ORATEUR, nous savons que peu après la publication du manifeste aunexronniate, une nouvelle ère allait commencer pour le pays. Le chemin 918 de fer Grand Tronc et d'autres travaux publics importants furent commencés. Les capitaux anglais abondèrent en cette province; le gousset des annexionnistes s'est rempli et dès lors la loyauté leur est revenue et ne les spas quittés depuis. Le traité de réciprocité aussi a largement contribué à raviver le commerce un instant paralysé par le mouvement annexioniste; et sous l'opération ce traité les intérêts matériels ont prospéré à un tel point qu'il sera possible de bien en apprécier les avantages que s'il est abrogé. Il n'est rien, M. l'ORATEUR qui aurait pu me faire participer à ce mouvement annexionniste; cependant, force m'est d'avouer que les arguments apportés par les auteurs du manifeste étaient justes et logiques au point de vue. matériel, et s'ils étaient bien fondés sur ce point, pourquoi ne le seraient- ils pas également aujourd'hui? Depuis les dix dernières années, nous avons joui de tous les avantages du commerce libre avec nos puissants voisins. Nous courons le danger de perdre ces avantages, et si nous les perdons, dans quelle condition se trouvera le pays trois ans après? Sous le rapport de nos productions agricoles et autres intérêts importants, ne sera-t-elle pas plus déplorable que jamais elle n'aura été our nous? Ne suis—je pas dans le vrai, M. l'ORATEUR en supposant que le retour des mêmes causes produirait encore les mêmes effets? Pour des hon. messieurs, c'est bien facile à dire " non, non," mais je maintiens que j'ai raison. D'ailleurs, c'est notre devoir d'examiner les choses sous leur vrai jour. Les impulsions de l'humanité ont été les mêmes dans tous les âges. Nous ne pouvons pas changer la nature humaine m rendre les hommes honnêtes ou désintéressés au moyen de décrets législatifs. De plus, M. l'ORATEUR, je n'ai rappelé ces événements que dans l'espoir qu'ils exerceraient quelqu'influence, sur l'esprit de quelques hon. membres, et qu'ils pourraient peut-être, modifier l'opinion de certains députés qui, jusqu'ici, se sont montrés préjugés contre le projet d'union apporté par le gouvernement. Que l'histoire de ce continent soit arrivée à une période critique, est un fait universellement admis. Nous sommes à la veille de bien grands événements, et il me fait peine d'avoir à dire qu'à notre égard un profond sentiment d'hostilité existe chez nos voisins. Des faits qui se sont passés depuis le commencement de leur guerre ont, petit à petit, augmenté cette hostilité, laquelle a fini par se manifester par des entraves apportées aux libres relations commerciales et par la menace de l'abrogation du traité de réciprocité. En présence de cet état de choses, si nous voulons, M. l'ORATEUR ou rester alliés à l'Angleterre en nous donner une existence nationale, il est de notre devoir de chercher les moyens à l'aide desquels nous pourrons, en restant sur notre territoire, avoir accès à la mer en toute saison; à l'aide desquels nous augmenterons en nombre, en richesse et en territoire; or, selon moi, M. l'ORATEUR, tous ces résultats nous pouvons les obtenir par l'union maintenant projetée. C'est parce que c'est la mon opinion que je suis prêt a accepter la mesure sans critiquer ses détails. car, sans cela, j'objecterais fortement à la partie qui a trait au développe— ment du territoire du Nord-Ouest et a l'époque incertaine où il devra entrer dans la confédération Je m'opposerais même complètement au principe fédéral, attendu que je lui préfère de beaucoup une union législative; mais, M. l'ORATEUR, je fais volontiers abnégation de cette préférence et j'accorde au gouvernement le plus grand mérite d'avoir pu faire autant qu'il a fait. Si nous ne devons pas avoir une union légis lative, nous aurons une confédération qui lui ressemblera beaucoup. A bien penser, ou n'aurait jamais pu croire qu'une réunion de délégués de différentes provinces aurait pu s'entendre sur un projet qui put convenir à tous, et je pense que le gouvernement a de justes droits à la reconnaissance du pays pour les grands et pénibles travaux que lui a coûté ce projet. On ne doit pas oublier, M. l'ORATEUR, ne ce projet de fédération adopté par les élégués n'est pas définitif, et que la chambre des communes ou le parlement de l'Amérique Britannique aura le pouvoir de le changer ou modifier selon que les intérêts du pays l'exigeront. Si l'on voit que le système fédéral ne fonctionne pas bien et que le peuple préfère gérer ses affaires locales par des conseils municipaux plutôt que par des législatures locales, il n'y aura qu'à s'adresser à cet effet, et d'une manière constitutionnelle, au parlement fédéral, qui pourra et consentira sans doute à prendre les moyens de remplacer par un système municipal les petits parlements provinciaux alors établis. Réellement, M. l'ORATEUR, le parlement fédéral aura le même pouvoir que nous avons actuellement de changer, modifier on amender pour tout le pays. Voilà pourquoi mon appui est assuré a cette mesure, 919 qui, je le pense, est ce que nous pouvons espérer de mieux pour le présent et que se chargeront d'amender au besoin ceux qui amont la bonne fortune d'être députés au parlement de l'Amérique Anglaise. Nous avons vu, M. l'ORATEUR, que les adversaires de l'union entre le Haut et le Bas-Canada s'étaient trompée en prédisant qu'elle produirait de l'acheux résultats,—eh bien! sans crainte nous pouvons dire a ceux qui s'opposent à cette nouvelle mais plus grande union, que leurs appréhensions sont encore moins fondées, en un mot, que leurs prédictions doivent avoir le même sort. Nos destinées sont entre nos mains; par cette union, nous allons jeter les fondements d'une grande nationalité, tandis que si nous repoussons ce projet, quand même nous ne courrions aucun danger en restant comme nous sommes, y a-t-il, dans cette position, quelque chose dont nous puissions être fiers ou contents? Nous ne formons qu'une province; la réputation de nos hommes d'état n'est que locale; elle ne dépasse pas les limites de la colonie; nos ministres de la couronne, ainsi qu'on lesappelle, ne sont que les conseillers d'un représentant de la souveraine, et leurs actes ne sauraient avoir de retentissement au-delà de nos frontières, tandis que les hommes publics de la puissance européen ne la moins marquante auraient la priorité sur eux dans tout autre pays,— le Mexique même, avec sa population mêlée et a demi barbare, est au rang des nations, car il a des diplomates et des relations étrangères, et quand tout le reste du monde se remue et s'agite, nous contenterons-nous de rester inactifs? Les hommes d'état les plus distingués de la mère-patrie apprécient, M. l'ORATEUR l'importance du changement projeté et accordent le plus grand éloge à ce mouvement de notre part. Dans un récent numéro du Times de Londres, il est dit que le parlement de l'Amérique Britannique exercera le pouvoir législatif sur une plus grande surface de la terre qu'aucune autre législature du monde. Quelques hom. messieurs s'opposent à ce projet parce que, disent-ils, il va entraîner trop de dépenses; parce que quelques unes de ses conditions sont trop avantageuses pour les provinces maritimes, et cela, tandis que le peuple de ces provinces se plaint de ce que nous allons avoir la meilleure part du gâteau. Je ne veux pas occuper la chambre en discutant si nous allons avoir ou si nous n'aurons pas à payer quelques milliers de plus qu'aucune des autres provinces, car je maintiens que l'avantage que va nous valoir l'union serait encore obtenu à bon marché, dût-il nous coûter beaucoup plus que ce que coûtera;e fonctionnement du système fédéral. L'étendue des possessions anglaises qui doivent entrer dans l'union est à peu près de quatre millions de milles carrés, territoire plus grand, M. l'ORATEUR, que celui du Nord et du Sud des Etats-Unis et qui est égal à un dixième de la surface du monde entier Les ressources des provinces inférieures sont incalculables, tandis que dans les prairies interminables du Nord-Ouest, sur le sol fertile de la Saskatchewan et de la rivière Rouge, où le climat est si beau, current s'établir des millions d'individus. Notre population,—les provinces maritimes comprises,—est au moins égale en nombre, et très supérieure en intelligence et en savoir à ce qu'était celle des Etats-Unis lorsqu'ils se déclarèrent indépendants; et sous le gouvernement fédéral projeté, nous pourrons grandir en puissance aussi rapidement que nos voisins ont grandi depuis lors, car, bien que sous certains rapports ils soient mieux situés que nous, il en est d'autres qui l'emportent sur eux au point de vue des avantages. Nous pouvons, par exemple, établir sur notre territoire une ligne de communication de l'Atlantique au Pacifique avec bien plus d'avantage qu'ils ne pourraient le faire sur le leur. La supériorité de notre route est si grande, que jamais ils ne pourraient nous faire concurrence pour le commerce de l'Asie en Europe, et qui, dans quelques années, je l'espère, passera sur notre territoire pour aller d'un océan à l'autre. A l'appui de ces opinions, M. l'ORATEUR je demande qu'il me soit permis de lire quelques lignes d'une brochure à la fois instructive et intéressante, laquelle est due à la plume de l'hon. membre assis à ma gauche (M. MORRIS.) Voici ces lignes que je veux citer, et que l'auteur a tirées de l'ouvrage d'un homme d'état distingué des Etats Unis:—
"La route passant par l'Amérique Britannique est, sous certains rapports, préférable a celle traversant notre propre territoire. Par la première, la distance de l'Europe à l'Asie est de plusieurs mille milles plus courte que par la dernière. Passant à proximité du lac Supérieur, traversant l'étendue qui divise les cours d'eau qui coulent vers la mer Arctique, de ceux qui coulent vers le Sud, et traversant les Montagnes Rocheuses à une hauteur de près de 3,000 pieds moins considérable que par le passage du Sud, le chemin pourrait être ici construit à un prix comparativement minime, et ouvirait une région 920 couverte de bois d'une grande valeur et admirablement adoptée à la culture du grain et au pâturage. Ayant à Halifax son port de mer sur l'Atlantique, et à Vancouver son dépôt sur le Pacifique, il y attirerait inévitablement le commerce de l'Europe, de l'Asie et des Etats-Unis. Par ce moyen l'Amérique Britannique, de simple dépendance coloniale qu'elle est aujourd'hui, deviendrait une des premières puissances du monde. D'autres nations deviendraient ses tributaires; et c'est en vain que les Etats-Unis chercheraient à rivaliser avec elle, car nous ne pourrions jamais lutter avec elle pour la possession du commerce asiatique en le pouvoir que conférera ce commerce."
On voit, M. l'ORATEUR que ce n'est pas la le langage d'un enthousiaste ni d'un visionnaire, mais l'opinion d'un homme possédant bien son sujet et éminemment capable de le discuter; d'un homme dont le jugement n'était certainement pas exalté par le préjugé national. Et plus loin, M. l'ORATEUR, nous voyons reproduite l'opinion du premier ministre des Etats-Unis (M. SEWARD) à l'égard du Canada. Voici ce qu'il en pense:—
"Ainsi que la plupart de nos compatriotes, je n'avais jusqu'ici considéré le Canada, ou, pour parler plus exactement, l'Amérique Anglaise, que comme une simple lisière de pays située au nord des Etats-Unis, facile à détacher de l'empire, mais incapable de se gouverner et qui, par conséquent, devait tôt ou tard faire partie de l'union fédérale, sans changer ou modifier sa condition en lien développement; mais j'ai renoncé à cette opinion qui me paraissait entachée du préjugé national. Je vois aujourd'hui dans l'Amérique Britannique du Nord,—laquelle traverse le continent depuis ies rives du Labrador et de Terre- neuve jusqu'au Pacifique, occupe une étendue considérable de la zone tempérée, et est traversée comme les Etats-Unis par des lacs, et de plus par le majestueux St. Laurent,—une région asses vaste pour le siége d'un grand empire."
L'important pour moi, M. l'ORATEUR est de savoir comment nous parviendrons le mieux à conserver pour nous et pour nos enfants l'essence des institutions anglaises; par quels moyens nous réussirous à conserver le plus longtemps possible, avec des avantages mutuels et une égale satisfaction pour les deux partis, cette heureuse alliance qui existe entre l'Angleterre et nous, et comment nous serons préparés, lorsque l'époque inévltable arrivera, à prendre la responsabilité, d'une nationalité indépendante. En unissent sous un seul gouvernement, M. l'ORATEUR, les provinces anglaises actuellement isolées, nous réussirens d'abord à fortifier le sentiment et l'influence britanniques sur ce continent. Par l'adoption d'une politique sage et progressive, l'Amérique Anglaise finira par acquérir assez d'importance pour compter au rang des nations, avantage qui nous fera honneur et profitera à la vaste contrée qui aura grandi en populatiôn et en richesse sous la protection de l'Angleterre, par l'émulatinn créée chez nous par son exemple; et arrivés à cette période de progrès, il sera temps pour nous de songer à commencer notre carrière nationale sous un monarque constitutionnel descendant de l'illustre souveraine qui occupe aujourd'hui, et avec tant de dignité, le trône de la Grande-Bretagne. Mais, M. l'ORATEUR, quelques hon. membres s'opposent à cette union par la crainte qu'elle va nous jeter dans de sérieux embarras financiers. Si cette union ne devait avoir pour résultat que d'agrandir notre territoire et d'augmonter notre population par l'adjonction de celles des autres provinces, je serais porté à reconnaître leur crainte fondée, mais personne, sûrement, ne supposera que le parlement fédéral se composent d'hommes incapables d'apprécier leur responsabilité en de faire valoir les intérêts importants commis à leur charge. Rien, M. l'ORATEUR, n'a autant contribué à attirer l'émigration aux Etats-Unis que les grands travaux publics qui s'y sont constamment poursuivis depuis vingt-cinq ans. Nous entendons beaucoup parler de la supériorité de leur climat et des autres avantages que soit disant ils ont de plus que nous; mais je puis assurer la chambre que ces avantages sont grandement exagérée et qu'ils ont eu peu de poids auprès des émigrants com arés avec la connaissance du fait plus plausible que dans ce pays la demande de main-d'œuvre est toujours trop grande pour y suffire, et que l'émigrant qui arrive là sans le sou n'a pas lieu de craindre de manquer au soutien de sa famille, sachant qu'il trouvera de l'emploi suifisamment rémunéré pour que, dans le cours de quelques années, Il puisse non seulement se faire un établissement, mais encore s'entourer d'un confort auquel il ne pourrait songer dans son pays. La construction de chemin de fer intercolonial M. l'ORATEUR donnera du travail à des milliers de bras; elle ouvrira de vastes étendues à la colonisation, et donnera accès à une région où abondent les richesses minéraies et autres ressources naturelles d'une valeur incalculable. Les grands travaux publics, M. l'ORATEUR qui devraient ensuite être entrepris, seraient l'amélioration de la navigation de l'Outaouais, afin de faire de cette superbe rivière le débouché le plus 921 court, le plus sûr et le plus avantageux our le transport jusqu'à l'océan des produits agricoles de l'immense et fertile région de l'ouest. Les dépenses qu'il faudrait faire, M. l'ORATEUR, pour rendre l'Outaouais navigable pour les navires de mer, quelque grandes qu'elles seront nécessairement, seront insignifiantes comparées aux avantages inouis que le pays en retirerait d'abord par les milliers de bras attirés dans cette direction pendant l'exécution des travaux, et ensuite par l'immense exploitation manufacture qui donnera de l'emploi à une nombreuse population disséminée sur une ligne de trois cents milles de pays, et qui, à l'heure qu'il est, est en partie déserte; car, si l'on considère l'immensité du pouvoir d'eau que l'on obtiendrait ainsi le long de cette voie de communication du commerce entre l'Ouest et l'Europe, ou n'affirmera rien de trop en disant que cette perspective attirera l'attention des capitalistes et des hommes entreprenants, et qu'une succession de moulins et de fabriques de tout genre ne tarderont pas à se voir d'un bout a l'autre de cette voie, et où une population nombreuse, saine et industrieuse, trouvera un emploi constant. Et puis, M. l'ORATEUR, il y a encore cet autre et plus grandiose projet: le chemin de fer de l'Atlantique au Pacifique. Les meilleures autorités s'accordent à dire que sur notre territoire on pourrait construire une ligne plus courte et par conséquent moins coûteuse que sur le territoire des Etats-Unis. On ne saurait, M. l'ORATEUR, exagérer les avantages qu'un pays retirerait de la possession d'une Voie de communication destinée à devenir la route de l'Europe à l'Asie. L'acquisition de cet avantage devrait suffire pour nous porter a préconiser cette mesure; mais quand nous réfléchissons à l'étendue presque sans limites du territoire fertile par lequel cette ligne devra passer, aux millions sur millions d'âmes que ce territoire est capable de sustenter; quand nous réfléchissons que par cette union nous allons nous assurer non seulement le contrôle d'un territoire plus grand que celui d'aucune autre puissance du monde, mais que, par l'adoption 'une politique comme celle que j 'ai indiquée, notre population pourra plus que doubler dans le cours de dix ans; et que si nos obligations deviennent plus grandes, elles seront supportées par une si grande augmentation de population que le fardeau n'en sera que moindre au lieu d'avoir augmenté; quand nous savons, M. l'ORATEUR, qu'il est en notre   pouvoir de préparer cette destinée à l'amérique anglaise et de faire que, par le recensement même de 1871, il soit constaté que notre population aura augmenté de huit à dix millions, je dois avouer, M. l'ORATEUR, qu'il m'est difficile de comprendre comment il se peut qu'un seul hon. membre cherche à perpétuer notre insignifiance actuelle en apportantdes obstacles à l'adoption de la seule et réellement grande mesure qui ait jamais été soumise au parlement canadien. Bien que j'aie déjà abusé peut-être de la patience des hon. membres, force m'est encore de solliciter leur indulgence pour un moment, car je veux dire un mot sur la question des défenses. Sans vouloir discuter la question de savoir combien nous devrions contribuer a la défense de l'empire dans une guerre avec une autre nation ne les Etats-Unis, je suis persuadé, M. 'ORATEUR, que tout vrai Canadien, qu'il soit d'origine française ou anglaise, s'empressera de repousser l'invation de son sol natal; et si en cela je ne fais pas erreur, je pense que tout ce que nous avons à faire est l'informer le gouvernement britannique que nous sommes déterminés, non de fournir tant d'hommes et tant d'argent pour la défense du Canada, mais que tout homme et tous les fonds dont nous pourrons disposer seront sacrifiés avant de se soumettre à la puissance de la république voisine, et que tout ce que nous demandons à l'Angleterre ce sera de rester fidèle à son ancienne renommée de gloire. Cela, M. l'ORATEUR, elle fera, nous n'avons aucune raison d'en douter; mais il me fait peine d'avoir à remarquer que le colonel JERVOIS, dans son rapport sur le sujet des fortifications, semble ignorer entièrement l'existence de la péninsule de l'ouest, car il ne mentionne aucun point à l'ouest d'Hamilton comme étant susceptible d'être fortifié, et j'infère de là qu'il doit avoir conclu que dans le cas d'une guerre avec les Etat-Unis, il nous serait impossible de conserver la possession du pays en haut de la tête du lac Ontario. Cela, M. l'ORATEUR, peut-être l'opinion de ce brave officier; elle peut aussi être correcte; mais comme représentant de la partie la plus exposée sur la frontière ouest, je dois au moins dire que les habitants de cette partie du pays sont meme capables que l'étaient leurs pères en 1812 de se défendre. Le danger qui nous menace, M. l'Oaarnoa, se trouve dans la possibilité d'une réunion du nord et du sud, ayant pour base la doctrine Monroe, et le malheur veut 922 que la politique de l'Angleterre, au lieu d'avoir eu pour but la conciliation des deux partis, n'a fait qu'engendrer des sentiments d'hostilité dans l'esprit du peuple des deux sections; or, que les belligérants réunissent leurs forces contre un ennemi commun, et que contre cet ennemi ils aient une haine comme celle qu'ils ont contre l'Angleterre, ce serait un événement qui n'étonnerait aucun de ceux qui connaissent les sentiments d'hostilité du peuple des Etats-Unis. A propos de fortifications et de défenses, rien, M. l'ORATEUR ne les aurait aussi bien remplacées pour nous, rien n'aurait garanti l'inviolabilité de notre sol comme la reconnaissance des Etats du Sud par la Grande- Bretagne; et lorsque la députation de notre gouvernement sera rendue en Angleterre, j'espère qu'elle se fera un devoir d'insister sur la prise en considération de ce sujet par le gouvernement impérial; car, avec une puissante flotte anglaise sur les côtes des Etats-Unis avec les forces de Sud les menaçant et un demi million de Canadiens résolus et bien armés, toute crainte de guerre, M. l'ORATEUR, disparaitrait, soyez en certain. Maintenant, M. l'ORATEUR, il ne une reste qu'à remercier la chambre de l'attention qu'elle m'a prêtée, et qu'à exprimer l'espoir que la députation qui doit aller en Angleterre, ne s'écartera pas du but dont on nous à fait part, par suite de ce qui aura pu se passer dans aucune des autres provinces, et qu'elle ne manquera pas de rappeler au gouvernement impérial, le fait que les quatre cinqu1èmes du peuple de l'Amérique Britannique sont représentés par cette chambre, dont une majorité écrasante est en faveur du rejet d'union; qu'elle s'efforcent d'engager le cabinet impérial à exercer toute l'influence légitime pour induire le peuple des provinces inférieures à revenir sur sa décision récente et à consentir au projet. arrêté par la convention de Québec, comme la base d'un arrangement à l'aide duquel le pouvoir gouvernemental sera centralisé sur ce continent, et qui aura aussi pour but de couper court aux tendances républicaines tout en nous assurant une prospérité immédiate et une influence qui, dans l'avenir, nous permettra de prendre rang parmi les nations, mais en conservant toujours ces sentiments de respect et d'attachement pour le grand peuple, sous lequel nous aurons attient notre majorité, et avec lequel, j'en ai le ferme espoir, mais formerous toujours l'alliance la plus étroite. (Applaudissements.)
M. DUFRESNE (de Montcalm) — M. le PRÉSIDENT:—En me levant en ce moment pour exprimer mon humble opinion sur le mérite des résolutions qui font l'objet de la discussion de cette chambre, je n'ai pas l'intention d'adopter la Formule ou le préambule invariablement suivi, e'est-à-dire que je l'aborde en tremblant et avec crainte. (Ecoutez! et rires.) Mais si je n'aborde pas la question avec crainte et hésitation, ce n'est pas parce que je me crois plus en état que les autres e la bien traiter, mais parce que je me repose sur l'indulgence de cette chambre. On sait qu'il est toujours difficile à une personne qui n'est pas habituée à parler, à un homme qui ne fait pas partie de la profession légale, de manœuvrer la parole avec facilité devant un corps distingué et instruit comme celui qui m'écoute en ce moment. Je regarde les résolutions qui nous sontsoumises comme exprimant les sentiments du peuple de cette province par son organe constitutionnel, sa législature. Nous demandons à notre Souveraine et aux autorités impériales de vouloir bien unir, par les liens du système fédéral, toutes ces provinces de l'Amérique du Nord. En examinant cette question, et pour mieux exprimer et mieux faire comprendre ma pensée sur ces résolutions, je dois dire que je les accepte pour plusieurs raisons, mais surtout comme moyen d'obtenir le rappel de l'union législative actuelle du Canada, et de régler sans commotion nos difficultés sectionnelles; je les accepte en second lieu comme moyen d'obtenir pour le Bas-Canada le contrôle absolu sur ses affaires; je les accepte en troisième lieu comme moyen de perpétuer la nationalité canadienne-française en ce pays; je les accepte en quatrième lieu comme étant un moyen plus efficace de cimenter notre connexion avec la mère-patrie et d'éviter l'annexion aux Etats-Unis; et, enfin je les accepte en cinquième lieu comme moyen d'administrer la chose publique avec plus d'économie. Voilà les raisons qui me font accepter le plan de confédération qui nous est soumis par le gouvernement. (Ecoutez! écoutez!) Je ne prétends pas juger du mérite de toutes les résolutions.parce que les membres qui m'ont précédé ont su parfaitement développer tous les mérites de la uestion, et si j'osais,—si je ne craignais pas de faire rire la chambre à mes dépens,—je dirais que j'ai été la victime d'un larcin qui m'a causé un grand préjudice. Et c'est l'hon. député de Vaudreuil (M. HARWOOD) qui a commis ce larcin a mon égard (rires); mais je ne veux 923 pas trop m'en plaindre, car ce larcin a tourné à l'avantage de cette chambre. Ce qu'il m'a volé, c'est l'histoire des confédérations helvétique et germanique; mais, comme il a rapporté les faits d'une manière beaucoup plus habile que je n'aurais pu le faire, je ne m'en plains pas trop, puisque c'est la chambre qui en a profité. (Ecoutez! écoutez!) J'aurais eu quelque chose à dire sur les confédérations helvétique et germanique; mais puisque j'ai été victime de ce larcin et que l'hon. député de Vaudreuil a si bien traité le sujet, je n'en dirai rien. Comme on le voit, c'est tout à l'avantage de cette chambre. (Rires) Comme la question de confédération elle- même a été mieux débattue que je ne le ferais si j'entreprenais de la discuter, je me contenterai de répondre à quelques observations faites par différents membres du parti avancé,—du parti libéral par excellence. Contrairement à l'opinion de l'Eglise, en du chef de l'Eglise, qui prétend que ce mot " libéral" ne peut pas s'allier avec la doctrine de l'Eglise, on a vu l'excès du libéralisme en cette chambre se faire le champion de l'Eglise et de ses ministres. (Ecoutez! et rires.) L'hon. député de Richelieu nous a fait en termes pompeux l'historique des bienfaits de l'Union des Canadas. J'avoue que j'en ai été étonné, car c'est la première cis que j'entends un démocrate,—un démagogue, — faire l'éloge de l'Union et des hommes publics que la nation a su mettre dans le temps a la tête de ses affaires. (Ecoutez! écoutez!) Il nous a dit que nous avions eu des hommes qui avaient su faire triompher les droits du Bas-Canada, des hommes qui ont su nous protéger et nous faire marcher dans la voie du progrès. " Nous les avons vus à l'œuvre! " nous a-t-il dit. " Voyez donc les progrès qu'a fait le pays sous l'Union! Voyez donc notre système d'écoles élémentaires et notre système universitaire! Voyez donc aujourd'hui l'établissement de notre ligne de vapeurs transatlantiques, qui servent à transporter nos reduits en Europe et qui en rapportent les richesses de tous les pays! Voyez donc le chemin de fer du Grand Tronc, ce magnifique ouvrage qui n'a pas son pareil dans le monde! Voyez donc nos incomparables canaux, qui sont les plus beaux du monde!" Vraiment, M. le PRÉSIDENT, je suis tout étonné d'entendre ces éloges sortir de la bouche de l'hon. député de Richelieu,—surtout l'éloge du Grand Tronc,—et en même temps je suis certain que tous les membres de cette chambre ont été ravis de cette partie de son discours. (Ecoutez! et rires.) Et si on a pu regretter certaines autres parties de son discours, en a dû néanmoins se féliciter de ce qu'il s'était aperçu que les hommes de son pays et de son temps avaient lait leur devoir. (Ecoutez! écoutez!)
M. PERRAULT—Oui, mais ils auraient pu mieux faire encore.
M. DUFRESNE—L'hon. membre dit qu'ils auraient pu mieux faire encore; mais il ne disait pas cela dans son discours, puisqu'il ne trouvait rien de comparable à eux, ni aux travaux et aux améliorations qu'ils ont faits. Eh bien! en vérité, cela est consolant pour un homme comme moi, qui combat de uis des années le parti de l'hon. député de Richelieu, et qui le combattait parce que ce parti soulevait les préjugés populaires contre toute amélioration et contre toute grande entreprise. J'aurai occasion de faire voir à la chambre les moyens que ce parti employait pour exciter les préjugés populaires contre tout homme de progrès dans le pays, et de faire un rapprochement entre les préjugés qu'il soulevait il y a dix ans et ceux qu'il cherche à soulever aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu a encore dit que depuis l'Union nous avions considérablement établi nos townships, et que c'est pour cela qu'il veut rester tels que nous sommes aujourd'hui. " L'Union n'a pas fini son œuvre!" dit-il. Il a raison. Seulement. il est malheureux que lui et son parti ne se soient pas aperçu de cela il y aquelques années; il est malheureux qu'ils ne s'en aperçoivent que quand ils sont convaincus, avec tout le peuple, que des changements dans la constitution sont indispensables, parce ne nous, Canadiens-Français,—minorité dans le pays,—ne pouvons pas faire la loi a la majorité. (Ecoutez! écoutez!) Je n'essaierai pas de soulever les préjugés populaires, comme l'a fait l'hon. député de Richelieu. Je ne veux pas le ravaler ni le condamner trop fortement, car il ne l'a peut- étre fait que parce qu'il lui manque quelque chose dans l'organisation du cerveau; mais je veux faire voir que ses prévisions de l'avenir ne valent pas mieux que les leçons de son expérience du passé. Nous l'avons vu chercher tous les livres de la bibliothèque pour nous démontrer, l'histoire en main, que le peuple anglais est le peuple le plus oppresseur qu'il y ait au monde, (écoutez! et rires,) pour démontrer un fait qui n'est 924 pas vrai,—parce que les faits qu'il a cités ne sont que les appréciations d'historiens qui ont leurs opinions comme vous et moi, mais qui peuvent aussi se tromper comme vous et moi. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas ici pour prendre la défense d'un peuple qui n'a pas besoin de moi pour le défendre, ni pour le venger des injures de l'hon. député; mais je dois dire que je désavoue tout ce qu'il a dit contre les Anglais et l'Angleterre, contre ses institutions et son gouvernement, et contre sa manière de gouverner ses colonies. (Ecoutez! écoutez!) Pourquoi aller ainsi chercher une page de l'histoire qui contient une tache, pour l'étaler devant nos yeux? Quelles étaient les mœurs des peuples à l'époque où se sont passés les faits dont il nous a parlé à propos de l'Acadie? Et pourquoi ramener ces faits devant nous? A quoi cela peut-il aboutir? Est-ce pour soulever contre nous les préjugés d'une nation puissante et fière? Est-ce pour nous faire écraser? C'est lit un bien mauvais service que nous ont rendu sa jeunesse et son inexpérience. (Ecoutez! écoutez!) Venir ainsi prendre une page de l'histoire de plus d'un siècle et reprocher à une nation conquérants ce qu'elle a fait à la nation vaincue, c'est bien mal servir ses compatriotes et bien mal travailler dans leurs intérêts. N 'est-ce pas la manquer de tact et d'expérience?—car j'espère pour l'hon. député qu'il ne l'a fait que par manque d'expérience,—je ne puis pas imaginer que ce n'est que par pure malice qu'il l'a fait. (Ecoutez! écoutez l) " Mais, dit l'hon. député, l'Union n'a pas fait son œuvre! " N e sait—il pas que la population du Haut-Canada, que la population anglaise est beaucoup plus nombreuse que la nôtre dans la province, et qu'elle forme les deux tiers et nous le tiers de la population? Pourquoi donc venir dire cela? Est-ce réellement parce qu'il croit que l'Union n'a pas fini son œuvre qu'il veut la conserver et rester tels que nous sommes?—Je ne puis pas lui faire l'injure de lui supposer assez peu de connaissances et de jugement pour le croire sincère lorsqu'il dit qu il veut rester comme nous sommes. (Ecoutez! et rires.) Ne sait-il pas qu'en restant sous cette Union les députés du Haut-Canada se réuniraient en phalange serrée pour obtenir la représentation basée sur la population dans la législature? Malgré les faits que nous avons vus depuis quelques années; malgré qu'il sache que les trois quarts des députés du Haut- Canada ont été élus pour obtenir la repré sentation basée sur la population, il dit que l'Union n'a pas fait son œuvre et qu'il faut rester comme nous sommes! Non, je le répète, je ne puis pas le croire sincère en cela. Il sait que nous ne pouvons pas rester comme nous sommes. Si nous sommes en faveur de la confédération, ce n'est pas parce que nous croyons qu'il ne pourrait y avoir mon de mieux, mais parce que nous savons qu'il faut apporter un remède aux difficultés de sections. l.'hon. député de Richelieu a beau crier, je puis lui prédire que la masse de ses compatriotes est trop intelligente pour s'y laisser prendre. car elle comprendra que la minorité ne peut pas commander à la majorité. Le devoir de la minorité est de faire sa osition moins mauvaise que possible; mais elle ne peut pas espérer de pouvoir dicter des lois à la majorité,—surtout quand cette majorité est composée d'hommes qui, d'après l'hon. député de Richelieu, veulent l'oppression des autres peuples! (Ecoutez! écoutez!) Les paroles de l'hon. député de Richelieu sont ce paroles d'un jeune homme sans poids et sans importance; mais son discours serait extrêmement réjudiciable aux intérêts du Bas-Canada s'il avait été prononcé par un homme plus connu et plus important qu'il ne l'est. (Ecoutez! et rires.) Il nous a dit encore que le cri de la représentation basée sur la population n'avait été employé dans le Haut-Canada que pour frayer la route des chefs,—pour les faire arriver au pouvoir.— Mais les chefs conduisent les soldats; et c'est quand les chefs ont des soldats pour les suivre qu'ils sont dangereux,—et les chefs du Haut-Canada en ont. L'hon. député de Richelieu dit ensuite: " Mais nous sommes bien! Les libéraux ont fait passer le bill des écoles séparées l "—Je case qu'il était en chambre quand le bill es écoles séparées a été passé; mais s'il n'y était pas je lui pardonne ce u'il a dit. Combien y a-t-il de libéraux, combien y a-t-il de partisans du gouvernement d'alors qui ont voté pour le bill des écoles séparées? S'il ne le savait pas, il aurait mieux fait (le se taire et de. ne pas parler de cela.
M. PERRAULT—C'est le gouvernement. MACDONALD-SICOTTE qui a fait passer la mesure.
M. DUFRESNE—Non, ce n'est pas le gouvernement: qui l'a présentée et fait passer; c'est un mem re indépodant de cette chambre,—M. SCOTT, d'Ottawa,—qui a résenté la mesure, et le gouvernement d'alors 925 l'a soutenue; mais il n' a en que deux de ses amis du Haut-Canada qui ont voté en faveur du bill, et l'un d'eux, le député de South Wentworth (M. RYMAL), ne l'a fait qu'après que je l'eûs interpellé et que je l'eûs forcé a voter. (Ecoutez! écoutez!) Voilà ce qui a été fait, et ce qui prouve que le libéralisme ne vaut pas mieux ici qu'ailleurs. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu crie à la majorité servile et vénale! Il a été un temps où il ne chantait pas sur ce ton, quand il faisait partie de la majorité, et quand il en profitait pour faire un petit voyage au Saguenay aux dépens du gouvernement, et écrire un petit roman à son retour. (Ecoutez! et rires.) Pour moi, M. le PRÉSIDENT, qui fais partie de la majorité, je ne sais encore comment et en quoi j'ai pu être servile envers mes amis du gouvernement; j'ignore en quoi la majorité a pu être vénale, comme il la qualifie. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu a pu apprendre par ques moyens en était vénal dans la majorité,—et il arait qu'il l'a appris. (Ecoutez! écoutez .) Il nous a dit ensuite: " Oh! nous avons un domaine magnifique dans le Bas-Canada! nous avons une quantité de terre immense, tandis que le Haut-Canada n'en a plus; nous pouvons faire de magnifiques établissements et augmenter notre population: restons donc avec l'Union!" Eh bien! je dis, moi, que c'est précisément à cause de cela que nous devons accepter la confédération, afin de mettre la main sur ce beau domaine plutôt que de le laisser en commun avec le Haut-Canada. Il nous fait un magnifique tableau de ce que nous pourrions faire avec ce beau domaine, puis il finit en disant qu'il n'en veut pas. Eh bien! moi, j'en veux! (Ecoutez! Ecoutez!) Il nous a dit aussi que nous allions avoir la taxe directe avec la confédération, et que les gouvernements locaux ne seraient que de simples municipalités. Je reviendrai, tout à l'heure, à la uestion des taxes directes; mais je dois dire que des municipalités qui auront à leur disposition des millions d'arpents de terre, c'est déjà assez joli pour de " simples municipalités." Il me semble que c'est un peu rapetisser le rôle des gouvernements locaux. (Ecoutez! écoutes!) On parle de gouvernements locaux et de municipalités! Eh bien! je m'aperçois que le gouvernement local du Bas-Canada aura pas mal de choses à administrer, car, outre le domaine public, il aura encore le contrôle des sujets suivants:—
"La taxation directe, et au Nouveau-Brunswick, l'imposition de droits sur l'exportation du bois carré, des billets, mâts, espars, madriers et bois sciés; et, à la Nouvelle-Ecosse, sur l'exportation du charbon et des autres minéraux-"
J 'attire l'attention des membres de cette chambre sur ces pouvoirs, et' je vais en dire un mot: a mesure que je les lirai; s'il y en a qui ne comprennent pas, d'autres comprendront. " La taxe directe! " Je sais que les grands démocrates vont crier; mais pour ma part j'aime mieux avoir le droit de me taxer moi-mème que de le laisser entre les mains d'autrui, parce que je ne me servirai jamais de ce droit et les autres le feraient peut-être. Je continue à citer:—
"Les emprunts d'argent sur le crédit de la province;
"L'établissement de charges locales, et la manière dont elles seront tenues, la nomination et le paiement des officiers locaux;
"L'agriculture;
"L'immigration;
"L'éducation, sauf les droits et privilégee que les minorités catholiques ou protestantes dans les deux Canada posséderont par rapport à leurs écoles séparées au moment de l'Union."
"L'éducation! "—L'hon. député de Richelieu a fait l'éloge de notre système d'éducation; mais les députés qui crient contre la confédération s'occupent-ile beaucoup de l'éducation de la jeunesse et qu'elle soit donnée d'après nos principes et les principes avocassés par ces messieurs depuis qu'ils défendent le trône et l'autel? (Rires) Le contrôle sur le domaine public et l'éducation? C'est une municipalité! Avoir le contrôle sur l'immigration et la colonisation? Ce sont des bagatelles!...Municipalités! (Rires) Oui, mais nous serons bien contents d'avoir tout cela plus tard:—
"La vente et l'administration des terres publiques, moins celles qui appartiendront au gouvernement général;
"Les pécberiea des côtes et de l'intérieur;
"L'établissement, l'entretien et la régie des pénitenciers et des prisons de réforme;
"L'établissement, l'entretien et la régie des hôpitaux, asiles, des lazarets et des institutions de charité quelconques;
"Les institutions municipales!"
"Les institutions municipales. " Ce n'est pas ce qu'il y a de mieux, mais je suis content d'en avoir le contrôle, parce que nous pourrons les améliorer.
"Les licences de boutique, d'auberges, d'encanteurs et autres licences; 926 "Les travaux locaux;
"L'incerperation de compagnies privées en locales, excepté-celles qui auront pour objet des matières assignées au parlement fédéral;  
"La propriété et les droits civils, moins ce qu1 est attribué à la législature fédérale;  
"Les punitions par amendes, pénalités, emprisonnement ou autrement, pour contravention aux lois qui sont de leur compétence législative;
"L'administration de la justice, y compris la constitution, le soutien et l'organisation des cours de jurisdiction civile et criminelle, ainsi que la procédure en matière civile;
"Et généralement toutes les matières d'une nature privée ou locale non assignées au pariement général. "
Eh bien! j'attire l'attention des membres de cette chambre sur ces pouvoirs accordés aux gouvernements locaux, et qui par conséquent nous seraient accordés dans le Bas- Canada. Quand nous nous opposions à la représentation basée sur la population, était- ce parce que nous craignions que la majorité fit décréter un tarif inégal pour les deux sections de la province? Etait-ce parce que nous craignions qu'elle n'établît plus de phares en de lumières dans le golfe ou ailleurs? Etait-ce parce que nous craignions que le Haut-Canada, au moyen de sa majorité, n'établit plus ou moins de bureaux de poste, ou n'en mentât le port des lettres? —Non! M. le PRESIDENT, ce n'était pas pour toutes ces raisons, mais c'était parce que nous craignions avec raison que, lorsque le Haut-Canada aurait plus de représentants que le Bas-Canada dans la législature, il n'envahit nos droits et ne mit en danger teut ce que nous avons de plus cher. Voilà ce que nous craignions! (Ecoutez! écoutez!) Et c'est au moment que le gouvernement nous offre une mesure qui doit sauvegarder nos droits et nos institutions, avec des garanties pour la minorité, que l'on s'écrie qu'il faut conserver l'Union telle qu'elle est, même avec la représentation basée sur la population! Non! c'est un faux-fuyant de leur part, car ils n'ont rien à soumettre au pays pour remplacer ce rejet du gouvernement. (Ecoutez! écoutez!) Les hon. députés de l'a position veulent assimiler l'union légis= lative à l'union fédérale; mais on sait parfaitement que ces deux sortes d'union ne sont pas du tout semblables. La législature, dans une union fédérale, ne peut pas outrepasser les droits et les pouvoirs qui lui sont assignés, tandis que dans une unten législative elle a tous les pouvoirs, elle est souveraine. Et croit-on qu'avec une union législative et la représentation basée sur la population, la majorité n'empiéterait pas sur nos droits, sur nos institutions, et sur tout ce que nous regardons comme le plus important pour nous?
M. PERRAULT—Ecoutez! écoutez!
M. DUFRESNE — Ah! l'hon. député voit bien la paille ui est dans l'œil de son voisin, mais il ne vert pas la poutre qui est dans le sien! Il ne se souvient pas qu'il a tenu la chambre sur la sellette pendant cinq à. six heures a nous lire des passages d'histoire de nature à soulever les préjugés centre une nation qui est en majorité ici et ailleurs! S'il ne s'en rappelle pas, c'est peut-être parce qu'il n'a pas fait lui-même les recherches nécessaires pour grossir son discours, car ce n'était u'un ramassis de paperasses avec lesquel ce il a ennuyé la chambre pendant cinq heures de temps. (Ecoutez! et rires.) Je ne lui veux pas de mal, mais j'espère qu'il se souviendra de ce que je vais lui dire. Il a dit à la chambre que les libéraux avaient combattu pour obtenir le gouvernement responsable. S'il veut appliquer cela aux hommes qui l'ont réellement fait, c'est bien; mais s'il l'applique à ceux qui composent son parti, il se trompe grandement, car tout le monde sait que ce parti a toujours crié contre l'Union et contre le gouvernement responsable. Il a dit dans les élections et partout que le gouvernement responsable était un leurre, une déception, une espèce d'insulte ui nous était jetée à la figure par l'Angleterre. (Ecoutez! écoutez!) Les membres de son parti politique ont toujours crié cela depuis que nous avons le gouvernement responsable: ainsi, ce ne sont pas aux qui nous l'ont obtenu. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu nous a encore dit que le clergé avait tort en 1837, et qu'il a encore tort aujourd'hui de supporter le gouvernement.
M. PERRAULT—Je n'ai pas dit cela.
M. DUFRESNE — J'en ai pris note quand il l'a dit, de même que used il a dit qu'il était vrai que même dans 'épiscopat il y avait des hommes de talent. (Ecoutez! et rires.) Il trouvait que les évêques même pouvaient avoir du talent!
M. PERRAULT — Non! nen!
M. DUFRESNE — Qu'il se rétracte et j'accepterai sa rétractation.
M. PERRAULT — Vous donnes à mes paroles un tout autre sens que celui qu'elles avaient.
M. DUFRESNE — L'hon. député a dit que le clergé avait tort en 1837 et qu'il 927 avait encore tort aujourd'hui, et qu'il y avait des hommes de talent jusque dans l'épiscopat.
M. PERRAULT—L'hon. député voudrait-il me permettre de donner une explication et de le rectifier?
M. DUFRESNE—Avec plaisir, car je ne veux pas profiter d'un triste moment de l'hon. député, et ses paroles ont besoin d'être expliquées.
M. PERRAULT—J'ai souvent entendu tronquer le sens des paroles prononcées en cette chambre, mais j'avoue que jamais je ne l'ai vu faire au point que l hon. député de Montcalm le fait à mon égard. (Ecoutez! écoutez! à gauche.) Ce que j'ai dit à propos de l'épiscopat et des hommes de talent qui s'y trouvent, est ceci:—J'ai dit qu'avec le système d'instruction publique que nous avons aujourd'hui dans nos campagnes, chaque enfant est à même de recevoir une éducation qui lui permet d'aspirer aux plus hautes charges dans le pays, et au plus haut degré de l'échelle sociale. J 'ai ensuite ajouté, pour preuve de ce que je disais, que nous Voyions aujourd'hui à la tête de l'échelle sociale des hommes sortis des plus humbles familles des campagnes, dont les parents n'avaient ni la fortune ni l'influence nécessaires pour les faire arriver si haut, et qu'ils n'y étaient parvenus que par leurs talents, leur travail, leur énergie et les avantages de notre système d'éducation. J'ai aussi cité à l'appui de mon avancé, le fait que ces enfants des campagnes étaient arrivés sur le banc des juges, sur celui des ministres, et même jusque sur le siége épiscopal. Or, pour ceux qui comprennent la valeur des mots, il est impossible d'interpréter cette phrase comme étant une marque d'étonnement de ce qu'il y ait des hommes de talent jusque sur le siège épiscopal, comme veut le faire croire l'hon. député de Montcalm. Au contraire, en réservant la plus forte expression pour la dernière, quand j'ai dit que, jusque sur le siégé épiscopal l'on rencontre des fils de cultivateurs qui y sont parvenus par leurs propres talents. j'ai voulu exprimer que même le siége épiscopal, qui est la position la plus élevée de notre pays, était à la portée de nos hommes de talents, grâce au système d'éducation adopté dans notre pays, et qui permet a tous d'arriver aux plus hautes distinctions. Et je défie qui que ce soit, qui comprend la valeur des mots et leur emploi de donner une autre signification à mes paroles,—à moins cependant que l'on ne veuille, de parti pris, m'imputer ce que je n'ai pas dit. (Ecoutez! écoutez!)
M. DUFRESNE—J'ai laissé l'hon. député de Richelieu expliquer ce qu'il avait dit ou voulu dire, mais il a eu tort de terminer son explication par une insinuation injurieuse. Cependant, je n'en suis pas très étonné, car je sais que c'est la l'habitude du parti, et que ces messieurs saisissent toutes les occasions de jeter de la boue à la figure de ceux qui ne pensent pas comme eux. (Ecoutez! écoutez! à droite.) Lorsque j'ai demandé à l'hon. député de Richelieu, l'autre jour, la permission de l'interrompre, il me l'a permis avec bonne grâce, et dans sa réponse à mon interruption,—dans laquelle je ne l'avais pas insulté,—il m'a dit qu'il n'était pas comme moi, dont les discours et les œuvres étaient encore à faire. C'était vrai—bien que toute vérité ne soit pas bonne à dire, ni même à entendre. (Rires) Mais je puis lui dire que dans mon humble chaumière, ne connaissant pas tout ce qui se passe dans le monde, je n'ai ni le loisir ni les moyens de publier des œuvres aussi importantes que celles de l'hon. député. Je me contente de venir ici remplir mon devoir envers mes eommettants, et je le fais seul. Je n'ai pas besoin d'un employé pour faire des recherches dans la bibliothèque pour me permettre de faire de longs discours. (Ecoutez! écoutez! et rires.) Je n'ai pas besoin d'un employé payé par le gouvernement pour me préparer mes discours, et de plus je n'ai pas encore trouvé le moyeu de vivre aux dépens du gouvernement. Et si mes discours et mes œuvres sont encore à faire, je n'ai pas besoin, pour ma subsistance, comme l'hon. député de Richelieu, de soutirer les deniers publics, soit avec ou sans motifs en prétextes. (Ecoutez! écoutez!) Maintenant j'en ai fini avec l'hon. député de Richelieu—J'aurais un mot à dire à l'hon. député du comté de Bagot. Quoiqu'il n'ait pas été très brillant dans son discours, il a cependant été moins ennuyeux que l'hon. député de Richelieu. Il nous a dit que nous ne représen tions pas les sentiments de nos électeurs, mais qu'il n'y avait pas de danger que nous votions un appel au people sur la question de la confédération, parce que le peuple est tellement opposé à ce projet que le gouvernement en est effrayé et n'ose pas le lui soumettre. Il n'a pas été le seul à faire cette remarque, et j'y reviendrai dans un instant. Il a dit ensuite au gouvernement qu'il n'avait jamais eu l'intention de faire 928 discuter la question de confédération d'une manière sérieuse, et qu'il ne voulait pas la discussion sur son projet. Mais comment croire l'hon. député? Ne sait-on pas que le plan du gouvernement a été mis devant la chambre dès le commencement de la session, il y a sept semaines? Ne sait-on pas que le gouvernement et ses amis ont fait tout en leur pouvoir pour faire discuter ce projet, et que les hon. députés de l'autre côté ne l'ont pas voulu et ont constamment entravé la discussion? Pour quel motif en agissaient- ils ainsi? L'hon. député de Bagot a donc eu tort de dire que le gouvernement ne voulait pas de la discussion, qu'il voulait étouffer la discussion,—quand on sait parfaitement que l'opposition n'en voulait pas et l'a constamment refusée. (Ecoutez! écoutez!) Je vois que l'hon. député de Bagot n'est pas a son siége; mais lorsqu'il sera de retour, j'aurai quelques mots à lui dire en anglais en réponse à certaines parties de son discours. L'hon. député de Drummond et Arthabaska (M. J. B. E. DORION) nous a aussi dit qu'il se fait un tel mouvement dans le pays qu'il serait irrésistible,— que le peuple est mécontent,— et que les conséquences de ce mécontentement seront très funestes. Il a rappelé le grand nombre de pétitions présentées à la chambre contre la confédération, pour démontrer que le peuple y est opposé. Eh bien! si tous les membres de cette chambre qui ont voulu envoyer des pétitions dans leurs comtés, pour les faire signer, ont fait comme lui, il n'est pas étonnant qu'elles soient nombreusement signées,—car on se rappelle sa lettre qui a été lue ici l'autre jour par l'hon. procureur-général du Bas-Canada (M. CARTIER), et sur laquelle il n'y a pas à se méprendre. (Ecoutez! écoutez! et rires.) On se rappelle qu'il écrivait aux maires de son comté de faire signer les pétitions qu'il leur envoyait par "les hommes, les femmes et les enfants." (Rires.) Et quand on lui a la sa lettre en chambre, loin d'en rougir et d'en avoir honte, il s'en est glorifié! " C'est de l'énergie, dit-il, et je n'ai pas honte de l'avoir fait! " (Rires.) Je ne veux pas faire de remarques insultantes ni de comparaisons blessantes,—mais il faut se rappeler que ce ne sont pas les criminels les plus endurcis qui rougissent de leurs crimes; ceux qui rougrssent s'amendent, mais ceux qui ne rougissent pas meurent dans l'impénitenee finale. (Rires.) L'hon. député nous a parlé des progrès étonnants des Etats-Unis, malgré la guerre et les dépenses énormes qu'elle entraîne, et il nous a dit que dans cinq ans l'Etat de New-York aurait liquidé sa dette: donc, pourquoi ne pas nous allier avec l'Etat de New-York?—Il n'a pas dit cela tout à fait, mais à peu près; c'est la conclusion naturelle que l'on doit tirer de son discours. Il nous a dit que le peuple est mécontent et qu'il va se soulever si on lui impose la confédération. Mais connait-on les moyens qu'il emploie our soulever les préjugés populaires? Nous pouvons juger des moyens qu'il emploie aujourd'hui par ceux qu'il employait autrefois pour préjuger le peuple contre une mesure qui lui était favorable, mais qui était inique dans certaines dispositions, parce qu'elle tendait à commettre une spoliation contre une certaine classe de la société. Je veux parler de la loi d'abolition de la tenure seigneuriale. Sans l'abolition de la tenure seigneuriale, les seigneurs seraient aujourd'hui extrêmement riches. Cette loi a donc spolié les seigneurs en faveur du peuple—que l'hon. député de Drummond et Arthabaska prétend représenter. Mais, M. le PRÉSIDENT, savez-vous ce qu'il a fait dans le tems, et comment il trompait le peuple et soulevait ses préjugés contre cette loi? J'ai cherché la brochure qu'il a écrit dans le tems, mais je n'ai pu la trouver dans la bibliothèque: on l'en a fait disparaître. Cependant, les journaux démocrates de cette époque sont encore là, et comme ils ont publié en partie la brochure de l'hon. député, je vais en lire quelques passages pour faire voir quel pôt-pourri c'était. Les moyens employés alors ont si bien réussi auprès du peuple que l'on va peut-être chercher à en employer de semblables aujourd'hui contre la confédération. Le peuple, croyant que l'hon. député écrivait contre les seigneurs et contre le gouvernement, était indigné contre les " traitres," et dans le comté de Lotbinière il a empêché les commissaires chargés de faire les cadastres de procéder pendant un certains tems. Il est bon de rappeler ces écrits dans un tems où l'on veut nous jeter la boue à la figure; et il est tema que le peuple sache de quel côté sont ses amis, et de quel côté sont les " traitres." (Ecoutez! écoutez!)
M. J. B. E. DORION—Vous alles nous réveiller!
M. DUFRESNE—J'espère qu'on me pardonnera si j'ai été un peu loin; mais on m'a tant chatouillé que je veux répondre a 929 ce qu'on a dit. (Rires.) Eh bien! voici comment on traitait les hommes qui avaient présenté le mesure d'abolition de le tenure seigneuriale,—mesure toute dans l'intérêt du peuple:—
"TENURE SEIGNEURIALE.—PAIN! PAUVRE PEUPLE! PAIN!—Le peuple ne comprendra bien le sens de nos institutions politiques que par le mal qu'elles lui causeront, et il viendra un jour où le mal se guérira par le mal. Il fait noir, mais les temps approchent et le lumière remplacera les ténèbres. "
Voilà. les écrits que l'on répendeit dans le peuple
M. J. B. E. DORION—Continuez!
M. DUFRESNE—Oh! je sais que l'hon. député ne rougira pas—qu'il ne rougira jamais. Il ne peut pas plus rougir qu'un nègre ne peut blanchir! (Rires.)
"Au PEUPLE CANADIEN—PEUPLE! Je suis un de tes fils; JEAN-BAPTISTE, je suis un de tes frères. Quend un frère te fait mal, je sens le mal. Quand tu paie, je paie; quand l'on te frappe, le coup m'atteint. Quand on t'humilie, je me sens humilié. Quand tu souffres, je souffres. Quand tu gémis, je gémis. Quand tu pleure, je pleure...….. (Rires.) Quand le bien t'arrive, je m'en rejouis. Quand tu prospères, je suis heureux. Quand tu ris, je ris. Quand tu chante, je chante. (Rires.) Peuple, me voilà de pied en cap en te présence. Simple campagnard, vivant au milieu de toi, j'ai voulu te rendre eervice. Je ne te demande qu'une faveur, celle de lire les pages suiventes. Je n'ambitionne aucune récompense; car si je puis te faire comprendre ta position, t'engeger à revendiquer tes droits violés, à bénir le bien et à maudire le mal, je serai plus que récompensé. "
(Applaudissements et rires prolongés.)
Oui! prends le calice et bois le poison jusqu'à la lie! Voilà l'invitation d'un democrate et d'un démagogue! (Ecoutez! et rires.)
"Dans des jours comme ceux-ci, où le prostitution politique remplace les vertus civiques, où la faiblesse et l'inertie remplacent le courage et l'action; quand le démoralisation descend du haut du pouvoir, comme l'eau qui coule dans notre grand fleuve, arme-toi de patience, redouble de courage, puis veille et veille encore afin de conjurer l'orage de plus mauvais jours.
"Ton fils, "LE FRÈRE DE JEAN-BAPTISTE."
M. J. B. E. DORION—Cela est aussi vrai aujourd'hui qu'il y a dix ans. (Ecoutez! écoutez! à gauche.)
M. DUFRESNE —Je ne lirai pas tout, car il y en a trop long; mais je vais en lire encore une petite partie.
"Paie, cer ton droit le plus sacré n'est rien en face du privilége, de l'exaction, du brigandage seigneurial, exercés impunément pendant tant d'années! Paie, c'est au plus fort la poche, car la justice est passée loin du parlement, le 15 décembre 1854. Vient ensuite l'organisation de la farce légale qui sera jouée pour faire croire à JEAN-BAPTISTE qu'il va obtenir justice. Les quatorze gros juges du Bas-Canada formeront une cour spéciale pour décider les questions en litige, entre le seigneur et le censitaire. S'ils ne sont pas tous d'accord, il peut y avoir appel en Angleterre. Un seul juge différent d'opinion, suffira pour mener l'affaire en Angleterre. N'est-ce pas que c'est encore admirable, d'autant plus que les juges seigneurs pourront juger leurs propres causes!. . . Quelle dérision!. . . . "
Toute la brochure est écrite sur ce ton! Je ne veux pas entretenir le chambre plus longtemps avec cela, cer j'en ai cité assez pour faire voir ce que les démagogues ont fait il y a dix ans, à propos d'une mesure aussi importante pour le pays. Quand le gouvernement présentait une mesure de spoliation contre les seigneurs, et qu'il votait une somme énorme pour le rachat des droits seigneuriaux, c'était là le langage incendiaire et malhonnête que l'on tenait au peuple! Et c'est avec un tel langage que l'on veut aujourd'hui soulever les préjugés du peuple contre le gouvernement, lorsqu'il présente une mesure qui doit donner au Bas-Canada le contrôle absolu de ses institutions, de ses terres publiques et de son éducation. (Ecoutez! écoutez!) C'est avec des pemphlets incendiaires comme celui-là . que l'on veut soulever le peuple contre les hommes qui travaillent sus l'intérêt de leurs compatriotes! (Ecoutez! écoutez! à doite.)
M. J. B. E. DORION—L'hon. député de Montcalm me permettra-t-il de dire un mot? Je veux lui dire seulement que je n'ai pas honte de ce que j'ai écrit dans le temps, et que se fameuse loi seigneuriale était si mouvaise lorsque j'écrivais cela qu'il a fallu l'amender pendant cinq ans avant de pouvoir en faire quelque chose de passable.
M. DUFRESNE—Cela n'empêche pas que la première loi enlevait le fardeau de la tenure seigneuriale des épaules des censitaires. J 'evoue que la loi était imparfaite, et j'ai même voté contre le bill de 1854; mais je n'ai pas fait comme l'hon. député, et mon seul but en votant contre la mesure était de forcer les hommes du pouvoir à faire mieux. L'hon. député a beau dire, je maintiens que les démagogues ont fait tout leur possible pour nous ruiner avec cette question, 930 et ils font encore la même chose aujourd'hui à propos de la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Aujourd'hui, nous ne formons— les Canadiens- Français— qu'un tiers de la population, et malgré les progrès que nous avons faits avec l'Union, tous les hommes sensés qui réfléchissent sur la position dans laquelle nous nous trouvons placés, sont bien aises d'accepter le plan de confédération, parce qu'il doit nous donner la haute main sur notre éducation, nos institutions et tous les intérêts du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!) J 'ai écrit une note à l'adresse de l'un de mes amis en cette chambre— l'hon. député de Beauce (M. TASCHEREAU). J 'ai été vraiment surpris de l'entendre s'exprimer comme il l'a fait sur cette question de confédération. Je veux bien croire qu'il est sincère; mais je ne puis m'empêcher de lui dire qu'il aurait pu se contenter d'exprimer son opinion sans prendre tous les mauvais arguments des députés de l'autre côté de la chambre. (Ecoutez!) Il semble qu'entre amis il faut user de ménagements. Entre les hon. députés de Drummond et Arthabaska et de Richelieu et moi, nous pouvons nous dire nos vérités; mais avec l'hon. député de Beauce, ce n'est pas la même chose. Il nous a dit ne la confédération devait porter un coup de mort à notre nationalité; mais comment peut-il croire cela? Je comprends facilement que de l'autre côté dela chambre on puisse faire usage de cet argument, parce que l'on y déguise ordinairement les faits; mais de la part de l'hon. député de Beauce, cela me fait peine, parce que je suis convaincu que la désunion législative que l'on veut faire au moyen de la confédération, ne tend à rien moins qu'à réintégrer la nationalité canadienne-française dans la position qu'elle occupait avant l'Union,—plus, avec toutes les améliorations qui ont été faites depuis ce temps. (Ecoutez! écoutez!) Je ne voudrais pas ennuyer la chambre trop longtemps, mais, comme j'ai encore une petite citation à faire, j'espère que l'on me pardonnera si je parle encore endant quelques instants.
PLUSIEURS VOIX—Continuez! continuez!
M. DUFRESNE—Les hon. députés de l'autre côté de la chambre ont pour apôtres et patrons LOUIS BLANC, CONSIDÉRANT, BLANQUI, etc., etc. BLANQUI, par exemple, savez-vous ce qu'il dit? Ce n'est pas édifiant, mais il faut le lire pour que l'on puisse juger des adoptes par les chefs. Voici:—
"Le peuple a arboré la couleur rouge sur les barricades de 1848. Qu'on ne cherche pas à la flétrir. Elle n'est rouge que du sang généreux versé par le peuple et par la garde nationale, elle flotte étendue sur Paris; elle doit être maintenue. Le peuple victorieux n'amènera pas son pavillon!"
Je ne cite rien de LOUIS BLANC, qui est bien connu des démocrates, mais je vais citer un passage de CONSIDÉRANT:—
"Le devoir, dit ce singulier apôtre, vient des hommes, et l'attraction vient de Dieu. Or, l'attraction, c'est la libre tendance de nos passions. Toute attraction est une chose naturelle, légitime, à laquelle il est impie de résister. Céder à ses attractions, voila où est la vraie sagesse, car les passions sont comme une boussole permanente que Dieu a mise en nous. "
Laissez-vous donc aller à vos passions! Ça vient de Dieu!… (Rires.) Voilà les doctrines des démocrates, les grands chefs des démagogues! Maintenant, je cite FOURRIER:—
"Toutes les passions de notre nature sont saintes et bonnes: elles ressemblent aux notes de la musique, lesquelles ont chacune leur valeur propre. "
Ainsi, ce sont les passions qui doivent conduite les hommes! Mauvaises, bonnes, c'est la même chose! (Rires.) Voilà les principes des hommes qui ont pris la religion sous leur protection! (Rires.) Permettez que je leur dise de ne pas traîner la religion à leur remorque pour en faire leur servante, et de ne pas traîner les ministres des autels dans la boue. Vous voulies les laisser dans la sacristie; eh bien! laisses-les-y; et comme ils connaissent vos opinions, ils n'ont pas besoin de vous pour les défendre ou les protéger. (Ecoutez! écoutez!) Je dirai encore aux députés de l'autre côté: Soyez avant tout Canadiens-Français, et comme le pays a besoin de votre secours et de tous ses enfants pour le tirer de difficulté, unissez vos efforts à ceux qui veulent le sauver! La barque se trouve en danger: réunissez- vous au parti qui veut sauver notre nationalité et nos institutions! Réunissez—vous à nous pour sauver nos institutions, notre langue et nos lois!—Je sais qu'un fameux démagogue qui, après VOLTAIRE, avait le plus contribué à la révolution de 1789,—je sais que ce grand démagogue disait dans une assemblée populaire:—
"Quand le dernier des Gracques mourut, il jeta de la poussière vers le ciel, et de cette poussière 931 naquit MARIUS,—MARIUS, moins grand pour avoir vaincu les Cimbres, que pour avoir chassé l'aristocratie de Rome."
C'était là le language d'un grand démagogue, d'un grand orateur, d'un grand citoyen, d'un homme qui pouvait être bien grand de toutes manières, mais ni attirait sa patrie dans une triste position.—On a voulu souvent jeter de la boue à la figure de l'hon. procureur-général du Bas-Canada, on a voulu souvent ridiculiser ses œuvres,— mais je ne doute pas que la postérité dira que l'hon. procureur—général du Bas-Canada était gran par ses œuvres, grand par la codification des lois, grand par l'abolition de la tenure seigneuriale, et grand surtout parce qu'il a su vaincre la démagogie! (Applaudissements.)
M. J. B. E. DORION—Ah!. . .
M. DUFRESNE—Comme je vois maintenant l'hon. député de Bagot à son siége, je vais faire en anglais les quelques remarques que je destinais à son adresse. (M. DUFRESNE continue en anglais:) L'hon. député de Bagot nous a dit: " Vous volez le Bas Canada de $5,000,000, et pourquoi? Pour les donner au Haut Canada. Le Haut- Canada votera presque unanimement pour le projet de confédération, parce que vous volez le Bas-Canada de cette somme à son profit. Et comment cela? Parce qu'il n'est dû qu'un million sur les terres publiques du Bas-Canada tandis qu'il est dû cinq millions dans le Haut-Canada. Le Bas-Canada ne recevra donc qu'un million de piastres tandis que vous en donnez cinq millions au Haut. Vous commettez donc une spoliation du Bas- Canada au profit du Haut-Canada. " La proposition de l'hon. député de Bagot, si je la comprends bien,—et j'ai pris note de ses paroles,—est donc de prendre au Haut- Canada la moitié de ce qu'il doit sur ses terres publiques et de l'appliquer au profit du gouvernement local du Bas-Canada.
M. J. B. E. DORION—Il n'a jamais parlé de cela.
M. WEBB.—M. l'ORATEUR:—Le projet présenté par le gouvernement pour la confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord, me paraît entouré de grandes difficultés. (Ecoutez! écoutez!) Je crois qu'avant de le soumettre au vote, le gouvernement devrait nous faire un exposé plus complet du projet dans son ensemble, afin que les hon. membres fussent à même d'en arriver à des conclusions raisonnebles sur les mérites de la cause. (Ecou tez!) Cet argument me semble avoir du poids, surtout pour la section du pays que j'ai, avec plusieurs autres hon. membres, l'honneur de représenter; il s'y applique encore mieux qu'à toute autre partie de la confédération projetée. Nous savons tous que si ce projet est adopté, la population anglaise se trouvera en très faible minorité dans la législature locale; nous savons tous que la portion du pays à laquelle j'appartiens, a été ouverte et colonisée par des Anglais, et que la grande majorité de la population est anglaise-protestante. Il s'en suit que ses représentants étant appelés à voter sur une mesure qui affecte si profondément leurs intérêts de toutes sortes, devraient en connaître intimement tous les détails, afin de pouvoir bien définir leur position, en ce qui regarde les intérêts qu'ils représentent. (Ecoutez!) Mais, en nous présentant cette mesure, les hon. ministres ont cru devoir adopter une autre marche; ils nous ont soumis simplement les résolutions qui doivent amener la confédération, réservant pour une é ue ultérieure l'examen de tous les détails. (Ecoutez!) Bien que le gouvernement ne nous ait pas donné, à mon avis, tous les renseignements désirables, je ne crois pas que les populations anglaises du Bas-Canada soient justifiables de s'opposer à une mesure qui peut, après tout, leur être avantageuse, et de la rejeter, parce que quelques-uns de leurs intérêts peuvent en souffrir. Je voterai donc pour les résolutions qui nous occupent, me réservant de voter pour ou contre les détails qui affectent les constitutions locales, selon que je le jugerai convenable. (Ecoutez!) En votant pour cette mesure, je n'admets autre chose que le principe d'une union des provinces de l'Amérique Britannique du Nord. L'été dernier, les affaires politiques du pays étaient dans un état critique, ont il fallait nécessairement sortir par quelque moyen. Je croyais, toutefois, que la conférence qui s'est réunie ici au mois d'octobre, pour examiner une question soumise au peuple depuis 1858, proposerait de soumettre aux différentes législatures un projet d'union législative des colonies anglaises de l'Amérique du Nord. Il me semble qu'une union législative relierait bien mieux les diverses provinces entre elles, et ne serait pas de beaucoup aussi coûteuse que l'union fédérale proposée. (Ecoutez!) J'admets, toutefois, que l'accomplissement d'une union législative présente certaines difficultés qu'on ne rencontre pas dans l'union fédérale. Le grand 932 inconvénient que je trouve dans ce projet, c'est que beaucoup de gens ne le comprennent pas et que ces détails ne sont point connus du pays en général. Je crois que si les hon. ministres avaient présenté un projet complet en indiquant tous les détails et ce résultats qu'ils peuvent produire, ils auraient rencontré bien moins d'opposition et dans le pays et dans cette chambre. (Ecoutez!) Mais on nous demande de donner notre assentiment à une mesure que nous ne comprenons pas plus que nos électeurs. Ces objections ont déja été faites, et je crois qu'elles dorvent avoir du poids, surtout dans la partie du pays que j'ai l'honneur de représenter. Il ne faut pas s'étonner que les populations anglaises du Bas-Canada aient des appréhensions, je dirai même des craintes, au sujet du fonctionnement de la nouvelle constitution, quand des hon. membres, comme l'hon. député de Peterborough, qui est à l'abri des dfficultés qui nous clermont, ont exprimé des sentiments analogues. Ces messieurs ont cru devoir exprimer leurs craintes, pourquoi nous refuserait-on le droit d'en faire autant? (Ecoutez!) Il est certain ne les protestants du Bas-Canada n'ont pas se plaindre de leurs concitoyens Canadiens-Français. Depuis l'union, nous avons vécu en ons termes, et l'équité, ainsi que la justice, ont toujours présidé à nos relations communes. (Ecoutez!) Mais les populations anglaises du Bas- Canada veulent voir disparaître toute possibilité d'agression de la part des Canadiens- Français, et il est difficile de croire que le projet soumis à la chambre leur donne cette garantie. (Ecoutez!) Il est inutile, M. l'ORATEUR, qu'à l'exemple des hon. membres qui m'ont précédé, j'entre dans tous les détails de la question, Je ne doute point que si l'on peut opérer l'union de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, à des conditions équitables pour tous, le pays en général y trouvera un grand avantage. (Ecoutez!) Je ne retiendrai pas la chambre plus longtemps, M. l'ORATEUR, et je terminerai en exprimant l'espoir que quand viendra le moment de nous prononcer de nouveau sur cette question, nous trouverons que tous les détails de la nouvelle constitution ont été   réglés avec justice et équité; nous constaterons aussi que les hon. messieurs qui tiennent entre leurs mains les destinées du Canada, se sont montrés dignes de leur tâche et que le Canada, uni aux autres provinces, est devenu la patrie de la vraie liberté. (Applaudissements.)
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — M. l'ORATEUR:—J'ai écouté avec le plus vif intérêt les observations de l'hon. membre pour Richmond et Wolfe. L'hon. monsieur représente un comté dont la population est, en grande majorité, protestante, et les adversaires du projet ont tout fait pour exciter les appréhensrons et la défiance de la minorité protestante du Bas-Canada. Mais comme catholique, et en qualité de membre du gouvernement, je réitère l'assurance ne la discussion qui amènera le règlement des constitutions locales, donnera entière satisfaction à la minorité protestante du Bas-Canada. (Applaudissements.)
M. RYMAL.—Confiant dans l'assurance donnée par l'hon. proc.-gén. du Haut- Canada, que les membres de cette chambre auraient toute facilité d'exprimer leurs vues sur les détails de cette mesure, j'avais réservé le peu que j'ai à dire pour le moment où seraient présentés des amendements conformes à mes vues. Mais l'engagement pris par l'hon. proc.-gén. du Haut-Canada ayant été completement violé, je crois devoir élever ma faible voix pour expliquer ce que j'aurais préféré n'affirmer que par mon vote. Tout le monde se rappelle les circonstances qui ont amené la formation du ministère actuel, et le but dans lequel il a été formé. Les ministres nous demandaient un peu d'indulgence, nous promettant un projet qui règlerait les difficultés existantes entre le Haut et le Bas- Canada, et amènerait peut-étre l'union de toutes les provinces. Si j'ai bien compris le programme du gouvernement, il s'agissait d'abord de la fédération des deux Canadas, les autres provinces ayant la faculté de s'y joindre ultérieurement. Quelques ministres ont nié cette assertion, mais c'est de leur part un faux-fuyant, car tel était le sens du mémoire rédigé par le gouvernement, lorsqu'il donna des explications à la chambre. (Ecoutez!) Je dois donc soulever contre le ministère une double accusation. La première s'adresse spécialement à l'hon. proc.-gén. du Haut-Canada, qui, malgré sa promesse positive, s'est opposé à tout amendement; la seconde va droit aux membres réformistes, qui sont aujourd'hui au pouvoir et qui ont aussi manqué, à leurs engagements, en ne présentant pas une mesure pour la fédération des deux Canadas. (Ecoutez!) J 'avais espéré, M. l'ORATEUR, que l'infusion d'un sang nouveau dans les veines du corps ministériel, par l'addition de deux ou trois membres qui avaient si courageusement dé 933 noncé la perversité de leurs collègues actuels, aurait eu un bon effet sur quelques—uns des ministres.—(Rires.) — J 'ai été désappointé à cet égard. Malgré cela, j'aurais certainement appuyé cette mesure si je la croyais apte à faire disparaître les difficultés de section. J'avais aussi compté sur l'appel au euple avant une décision finale. (Ecoutez!) Telle était incontestablement l'opinion générale dans le Haut-Canada, au mois de novembre dernier. Tous les journaux affirmaient que le gouvernement ne pouvait prendre sur lui la responsabilité d'une telle mesure avant d'en appeler aux électeurs. Permettez-moi, M. l'ORAEUTR, de lire un extrait d'un de ces journaux, à l'a pui de mon assertion. Je n'ai point l'habitude de la parole et, dans une circonstance aussi solennelle, je crains bien d'étre tout-à-fait au-dessous de la situation. Mais je remplis un devoir sérieux en donnant ici mon opinion sur le projet, et je réclame, à ce titre, l'indulgence de la chambre. (Ecoutez!) Voici l'extrait en question:
"Quelque mode n'on adopte pour soumettre la question au public, les populations du Canada et celles des provinces maritimes s'opposeront énergiquement à tout acte de despotisme. Pendant de longues années, les Canadiens ont combattu pour leurs libertés, et le gouvernement se trompe beaucoup s'il prétend renverser les anciennee institutions et leur donner une nouvelle constitution sans les consulter. Les membres des divers gouvernements, ni les députés des différentes législatures n'ont mission spéciale à cet égard. "
M. l'ORATEUR, je crois cela parfaitement vrai en ce qui me concerne personnellement. (Ecoutez!)
"La question n'a même pas été mentionnée à la dernière élection. "
Pour ma part, je n'en ai pas entendu parler. (Ecoutez!)
"La voix de l'opinion publique ne demandait point cette mesure assos énergiquement pour que le ministère fût forcé de l'inclure dans son programme. En Canada ce n'était qu'un besoin du moment pour les ministres. None prétentions, en conséquence, que le peuple doit etre consulte."
UNE VOIX.— Quel est ce journal?
M. RYMAL.—C'est le Norfolk Reformer, un journal qui, pendant les mois de novembre et décembre derniers, était plein, à chaque numéro d'articles dans ce sens, et qui, depuis la circulaire électrique expédiée par le secrétariat provincial, est malheureusement devenu muet. (Rires!) La confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord n'a jamais été demandée par nos populations, et si elles étaient aujourd'hui consultées à cet égard, elles rejeteraîent une areille mesure. (Ecoutez!) J'ai consulté l'opinion publique dans mon comté; je me suis procuré une vingtaine d'exemplaires des résolutions et les si adressées à autant d'électeurs, en demandautleur opinion. Deux, seulement, m'ont rendu des réponses à peu près favorables, disant que si le projet evart être avantageux au point de vue national, l'application en serait tellement coûteuse que tous les avantages disparaissaient devant cette considération. Mes autres correspondants sont totalement opposés au projet. Permettez-moi encore, M. l'ORATEUR, de lire un extrait d'une lettre écrite par un monsieur influent résidant dans Wentworth Sud, et qui a fait son éducation politique au Globe. (Ecoutez!) Voici ce qu'il it:
"A une certaine époque, je me suis figuré qu'une confédération serait un remède à nos maux. Mais après avoir lu les résolutions, je vois que le Haut-Canada, ui sera la portion la plus considérable de la confédération, sera aussi la plus mal traitée. "
M. l'ORATEUR, je suis heureux de voir que 'e ne suis pas le seul habitant de Wentwort Sud qui mette en doute l'honnêteté du gouvernement qui a présenté cette mesure et qui nous refuse toute explication. Mais mon correspondant continue:
"Je ne suis pas très porté e croire au patriotisme des auteurs et partisans de ce projet. Ce qu'il y a de plus clair pour eux c'est qu'ils s'assurent des portefeuilles aujourd'hui et dans le gouvernement général. L'abandon du plan qu'ils avaient indiqué à la dernière session, le précipitation avec laquelle ils veulent passer ces résolution le refus de donner des explications, tout m'indique que le patriotisme n'est point leur grand mobile. Je ne me permettrais point de mettre en doute leur sincérité si leur assé n'autorisait soufflamment une semblable présomption."
M. l'ORATEUR, je partage presqu'entièrement cette opinion. Je ne discuterai point tout le projet, je n'en suis pas capable, mais j'ai écouté attentivement, depuis le commencement de la discussion, tous les discours, pour et contre, et je demeure opposé à la mesure. (Ecoutez!) Le refus d'en appeler au peuple, m'indique que le gouvernement nous cache à dessein quelque chose; et j'ai droit de lui dire, en employant une expression populaire qui rend bien ma pensée; " Le diabie est caché dans le blé." (Rires.) On prétend que notre sûreté exige que nous combinions nos forces. Or, en opé 934 rant cette union, voici, à mon avis, ce que nous ferons: nous ajouterons à une perche de ligne deux ou trors rallonges. (Ecoutez!) Si, par la vertu d'une etite baguette, on ouvait transporter la Nouvelle- Ecosse, le Nouveau-Brunswick. l'Ile du Prince-Edouard et Terreneuve sur les montagnes qui sont à vingt milles en arrière d'ici, ou bien, faire flotter une ou deux de ces provinces au centre du lac Ontario, alors notre force s'accroîtrait. Mais, dans notre position géographique actuelle, nous allongeons indéfiniment notre frontière sans avoir aucun moyen de la défendre. (Ecoutez!) Il est un détail du projet que je tiens à signaler, parce qu'il doit nous entraîner dans des dépenses incalculables: je veux parler de la construction du chemin de fer intercolonial, qui suffirait seule pour ruiner un jeune aya comme le nôtre. Au nom de la classe des cultivateurs canadiens a laquelle j'appartiens, je puis dire que depuis deux ou trois ans notre position n'est es très enviable. Nos récoltes ont manqué, les prix du marché baissent de plus en plus, et nous n'avons pas besoin de charges nouvelles. (Ecoutez!) L'état de nos finances devrait être pour nous un avis: pourquoi, au contraire, ne pas économiser? (Ecoutez!) Dans dix ans nous ariverions peut-être à avoir une balance en notre faveur. Les banqueroutes sont nombreuses par le temps qui court; du 1er septembre au 24 décembre damier, j'en compte 905 dans la Gazette Officielle. (Ecoutez!)
M. A. MACKENZIE—Mais toutes ces faillites ont-elles eu lieu pendant l'année?
M. RYMAL—Je ne saurais le dire, toujours est-il qu'elles ont été annoncées pendant l'année. Or, chaque faillite affecte plus ou moins les intérêfs de six individus, ce qui nous donne un total de 5,000. Ce n'est donc point le moment d'imposer de nouvelles charges aux populations du Canada. Nous avons vécu trop largement, tout le monde le reconnaîtra, et nous souffirons aujourd'hui des dettes que nous avons contractées. Sans développer trop longuement les raisons qui me portent à combattre ce projet, je puis, en quel nes mots, en citer me demi-douzaine Ces suffira, j'espere, pour me justifier. Je le combats parce que: premièrement, ce n'est pas le projet que le gouvernement avait annoncé et qui était connu des populations haut-canadiennes; secondement, nous ne sommes pas envoyés ici pour changer la constitution m pour faire des alliances sans consulter le peuple; troi sièmement, les auteurs de ce projet cherchent à ravir au peuple des droits qui lui sont chers,—je fais ici allusion au mode qu'on veut adopter pour nommer le conseil législatif; quatrièmement, les frais qu'entraînera l'application de cette mesure en détruisent tous les avantages; cinquièmement, enfin les difficultés de section ne se trouveront point réglées et le Haut—Canada aura quatre ou cinq antagonistes au lieu d'un. (Ecoutez!) En 1850, la position du Canada était, en se le rappelle, l'objet de l'admiration de tous ceux qui connaissaient le pays. Je me permettai une comparaison: à cette époque, le Canada était comme un beau jeune homme, fort et et bien constitué. Sa tendre mère (et je présume que l'Angleterre joue ce rôle   vis-à-vis du Canada) confia le soin de ce précieux enfant au médecin de la famille qui, de temps à autre, le remit à des médecins d'une autre école que lui-même. Il y avait parmi eux des allopathes, des homéopathes, des hydropathes, (rires), mais tous saignaient l'enfant, lui appliquaient des vesicatoires et le faisaient suer. Avec ce traitement, le charmant jeune homme devint pâle et maladif; sa vigoureuse jeunesse et sa fière contenance commencèrent à s'affaiblir et à chanceler. La maman se plaiguit aux docteurs qui s'étaient déclarés responsables. Et que répondirent-ils? Chacun prétendit que son système était le bon, bien que le jeune homme succombait manifestement. Mais pour ne pas gâter le métier, et échapper à une accusation d'ineptie, les docteurs se réuniront et firent de toutes leurs drogues un savant mélange qu'ils administrèrent au patient. (Rires redoublés.) La mère s'alarma davantage et fit de nouvelles remontrances aux docteurs, comme je suppose que l'Angleterre a fait pour nous; les voisins commencèrent à s'intéresser au malade et à s'étonner qu'il pût supporter tant de saignées, tant de vésicatoires, et tant de potions affaiblissantes. Or, que firent, pensez-vous, les charlatans pour donner satisfaction à cette mère désolée? Après avoir reconnu qu'ils avaient mis son fis à la porte du tombeau, ils lui proposèrent de faire des expériences sur trois ou quatre autres membres de sa famille. (Rires.) Mais, M. l'ORATEUR, je suis heureux d'avoir à vous dire que les autres enfants protestèrent en refusant tout secours des charlatans du Canada et déclarant qu'ils choisiraient eux-mêmes leur docteur. (Rires.) Ce langage figuré fera comprendre, je l'espère, à tous les hon. membres 935 à quel point de vue j'envisage la position actuelle du Canada. Il leur fera comprendre comment nos chefs nous ont traités depuis quelques années. Ils se sont disputés violemments nos illustres chefs, les uns disant aux autres: " Vous aves tort et nous avons raison! " Ils nous ont ainsi réduits au triste état que tout le monde connaît, et maintenant ce sont les mêmes hommes qui vont nous faire sortir des difficultés dans lesquelles leurs fanatisme ou leur esprit de nationalité mal comprise nous ont plongés! S'ils étaient capables de nous sauver, je les aiderais de tout mon cœur, mais je crois que le nouveau remède va nous achever; je voterai donc contre la mesure; je dois agir ainsi par égard pour mes électeurs et pour mes propres convictions. Je suis prêt a subir les conséquences de mon vote. (Applaudissements.)
DR. PARKER — Avant la clôture du débat, je désire faire quelques observations qui suffront à expliquer mon vote; je serai court. Il est bien connu que je vois plusieurs inconvénients aux résolutions qui nous ont tant occupées; objections de principe, objections de détail, objections comme Haut-Canadien et comme citoyen de l'Amérique Britannique du Nord, et enfin objections relatives à la limite de temps dans laquelle les résolutions devront passer à l'état de loi. Si l'on pouvait faire certains changements, je les appuierais chaudement. Mais a motion de la question préalable proposée par le chef du gouvernement exclut tous les amendements; je ne suis pas responsable de cette motion, mais elle m'oblige à voter oui ou non pour l'adresse telle qu'elle est. Il faut que j 'accepte ou que je rejette les résolutions telles qu'elles sont. Si je pouvais rendre la responsabilité de la négative j'expliquerais les objections que je vois à la confédération; mais, dans la position où je me trouve, cette explication est inutile. Dans le cours de ce débat, on a prétendu qu'avant de critiquer, les adversaires de cette mesure auraient dû proposer quelque chose de mieux. Or, on ne veut leur permettre aucune motion, c'est la meilleure réponse qu'ils puissent faire à cet argument. De plus, en thèse générale, les adversaires d'une mesure publique ne sont pas obligés de soumettre un autre projet, ils peuvent strictement ne rien proposer et ne rien accorder: c'est le droit que leur donnent la logique et la pratique parlementaire. Il n'est pas même nécessaire qu'ils prouvent que la mesure est mauvaise, il suffit qu'ils établissent que leurs adversaires ne l'ont pas démontrée bonne. Sur toutes les questions ordinaires, je suivrais invariablement cette règle. Mais dans le cas actuel, je ne puis rejeter la mesure sans faire voir que j'ai quelque chose de mieux à proposer. Je partage à cet égard les vues du gouvernement. L'époque est arrivée où nos institutions ont besoin d'être refondues, même pour l'administration civile du pays. L'opinion publique, le remaniement du ministère et une foule d'autres circonstances, nous placent dans une position où le status quo n'est plus possible. La question est donc celle-ci: pourrait-on actuellement proposer une meileure mesure?—en théorie peut-être, mais en pratique c'est fort douteux. Les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons et desquelles je ne suis point responsable, m'obligent donc à voter pour ces résolutions. (Ecoutez!) Je me soumets à une nécessité, car si je voyais quelque chose de mieux je voterais autrement. Or, je ne saurais voter pour les modifications proposées par les hon. membres de l'opposition. Je m'en tiens donc à ce que j'ai dit. Mais, en votant pour ces résolutions, je me réserve le droit de juger plus tard tous les détails de ces résolutions qui pourront être discutées en parlement, si j'ai 'honneur d'y avoir un siége. Je vote comme si certaines questions, par exemple, celle du chemin de fer intercolonial, ne se trouvaient pas comprises dans les résolutions. Si cette mesure était rejetée, soit par la chambre des communes soit par l'obstination des provinces maritimes, je considérerai le gouvernement comme obligé de trouver un autre remède à nos difficultés, en lui donnant un temps raisonnable et tenant compte des difficultés qu'il aura à surmonter.(Ecoutez!) Si l'Amérique Britannique du Nord s'unit sous la nouvelle constitution, la responsabilité des hommes qui seront appelés les premiers à la faire fonctionner sera énorme. Si les chefs des divers gouvernements sont des prodigues, les dangers les plus sérieux menacent le pays, s'ils sont économes, au contraire, on peut s'attendre à d'heureux résultats. Mais je crains bien que la nouvelle constitution ne soit, en tous cas, entourée de grandes difficultés et je suis persuadé qu'elle aura besoin d'être amendée de temps à autre. J'espère que les questions de droit qu'elle comporte seront réglées par des hommes compétents et modérés; quant aux affaires d'opinion, elles deviendront faciles à régler à mesure que 986 nos populations s'éclaireront et vivront plus unis. La constitution telle qu'elle est peut n'être pas parfaite, mais je suis convaincu qu'elle pourra à l'avenir, être modifiée de façon à répondre a l'attente du pays et faire des six provinces-unies, un peuple grand, libre et fortuné. Ecoutez!)
L'HON. M. HOLTON—M. l'ORATEUR: —J'aurais désiré, au commencement de la soirée, faire quelques observations et répondre à certains arguments des artisans de la mesure. Je dois, néanmoins, laisser la parole à plusieurs hon. membres qui n'ont pas encore parlé et j'aurai, du reste, occasion de m'expliquer lorsqu'on discutera la motion dont avis a été donné par l'hon. membre pour Peel; je ne retiendrai donc pas la chambre longtemps. Je dois, cependant, signaler quelques détails avant qu'on prenne le vote. Mon hon. ami pour Granville (M. SHANLY). dans son intéressant discours, loue l'attitude courageuse prise par le gouvernement à la nouvelle du rejet de la mesure par les populations du Nouveau-Brunswick. C'est; sans doute, cette attitude courageuse qui a finalement triomphé des hésitations de l'hon. membre, dont je me plais à reconnaître ici le caractère résolu. Mais l'attitude du gouvernement, au lieu d'être courageuse, me fait l'effet d'une déroute en face des nouvelles difficultés qui surgissent. Quelle était la position? Nous discutions l'opportunité d'adopter un projet élaboré par les délégués à la conférence de Québec; ces résolutions devaient étre adoptées par toutes les provinces, et nous étaient présentées comme un traité conclu. Tout-à coup, nous apprenons que la province la plus voisine vient de les rejeter. Il me semble que le traité est, dès lors, nul et que l'union est impossible. Mon hon. ami admire la fermeté du ministère, moi je suis étonné de l'adresse qu'il met a se soustraire à ses engagements. (Ecoutez!) Le refus du Nouveau-Brunswick et la mort prématurée du projet imposaient à nos ministres le devoir de régler nos difficultés locales en opérant, à cette session, une fédération des deux Canadas—indépendamment de toutes les autres colonies de l'Amérique Britannique du Nord. Mais au lieu d'aborder franchement la question, ils ont trouvé un faux-fuyant habile. (Ecoutez!) Et on appelle cela du courage! ... Pour moi, c'est de la—lâcheté bien qualifiée. Comme stratégie, c'est assez bien réussi, puisque, par ce moyen, les hon. ministres conservent leurs portefeuilles, mais c'est tout. On dit qu'il s'agit d'un traité. Je suis surpris que l'hon. membre pour lequel je professe la plus haute estime se soit laisse prendre à une assertion aussi fausse. Aucun traité n'existe,—on ne saurait le découvrir dans les termes des résolutions—et aucune correspondance n'a été échangée dans ce sens.
M. SHANLY.—Le traité a été conclu par la conférence, et toute correspondance était inutile.
L'HON. M. HOLTON.-—ll est vrai qu'il a été échangé entre les gouvernements coloniaux une correspondance qu'on ne nous a pas fait connaître, bien que mon hon. ami le membre pour Hochelaga l'ait demandée dès le premier jour de la session. On dit qu'il a été conclu un traité: pourquoi ne pas nous en faire connaître les termes? La dix- septième clause seule rassemble un peu à un traité:
"La représentation, dans la chambre des communes, aura our base le population dont le chiffre sera determiné par le recensement officiel fait tous les dix ans, et le nombre des représentants sera d'abord de 194, distribués comme suit: Haut-Canada, 82; Bas-Canada, 65; Nouvelle- Ecosse, 19; Nouveau-Brunswick, 15; Ile de Terreneuve, 8; Ile du Prince-Edouard, 5. "
Il est évident que les délégués à la conférence s'étaient engagés à soumettre la mesure à leurs législatures respectives, mais rien dans cette clause, ni ses d'autres, n'indique qu'ils fussent liés par un traité. Au contraire, les ministres des provinces maritimes déclarent que tout le projet est susceptible de modification. (Ecoutez!) Mais s'il y avait traité, ce traité a été audacieusement violé. Qu'a-t on fait à Terre- neuve? Le chef du gouvernement a fait motion que l'examen du projet soit renvoyé à la session prochaine, une élection générale devant avoir lieu dans l'intervalle. Or, s'il y avait traité, toutes les parties contractantes étaient également liées: c'est l'essence même de tout traité. Pourquoi alors nos hon. ministres n'accusent-ils pas les gouvernements des autres provinces d'avoir manqué de bonne foi? (Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, il n'y a jamais en traité. Il existe une série de résolutions mal agencées entre elles qui devaient être soumises à chaque législature et discutées séparément dans le but d'arriver à la confédération projetée par la conférence. Tout autre arrangement entre des membres ministériels et des membres de l'opposition eût été simplement absurde, mais notre gouvernement avait 937 prévu la difficulté. Il savait que les absurdités et les impossibilités contenues dans les résolutions en rendraient la passation impossible, et alors ils nous ont jeté le mot solennel de traité demandant à cette chambre de voter en masse pour l'adoption du dit traité; or, une parcil'e réquisition revenait a demander à tous les hon. membres de renoncer à leur libre arbitre et de renier la conduite qui a été tenue par eux et leurs prédécesseurs en cette chambre, pour toutes les questions discutées et réglées depuis vingt-cinq ans. (Ecoutez!) L'on peut dire, M. l'ORATEUR, que, jusqu'à venir à ces jours derniers, le débat a été suffisamment animé, mais depuis une semaine environ, il il a bien eu son côté ridicule. Lorsque, jour par jour, je vois d'hon. députés prendre gravement la parole et nous prôner l'union avec une population qui, nous le savons, est hostile à la confédération; quand ils viennent nous affirmer que cette union nous sauvera des difficultés dans lesquelles nous sommes plongés en Canada, je ne puis m'empêcher de déclarer qu'ils offrent un spectacle qui prête au ridicule. Je ne puis, en vérité, concevoir la raison pour laquelle ces hon. députés, connaissant les nouvelles qui nous arrivent du Nouveau-Brunswick et de Terre- neuve, et présageant peut-être le sort qui attend également la mesure dans l'Ile du Prince-Edouard et la Nouvelle-Ecosse,—se plaisent à entasser arguments sur arguments en faveur d'un projet qui, après tout, ne pourrait avoir d'autre effet que celui de maintenir au pouvoir des hommes qui se sont coalisés grâce à des moyens que je ne qualifierai pas en cette circonstance, mais que je prendrai plus tard l'occasion de caractériser comme ils le conviennent. La confédération est morte, morte, M. l'ORATEUR, et ils ne l'ignorent pas; ils n'en insistent pas moins, cependant, à implorer leurs partisans de voter cette série de 72 résolutions! L'hon. député qui vient de porter la parole, a dit qu'il allait appuyer la motion de son vote, mais il a en même temps distinctement déclaré qu'il n'était pas en faveur d'une seule des propositions qu'elle embrasse Or, je lui affirme qu'il va par son vote ratifier chacune de ces propositions, et qu'il se trompe s'il croit que le gouvernement lui accordera la faveur de sanctionner une résolution en particulier et de rejeter le reste du projet.
DR. PARKER—J'ai simplement dit que je me réservais le droit de voter à mon gré sur chaque résolution qui serait plus tard soumise a la considération de la chambre.
L'HON. HOLTON —J'ai parfaitement saisi le sens de ce n'a dit mon hon. ami, et malgré toutes ses déclarations au contraire, je soutiens que son vote le mettra dans la position d'avoir approuvé les 72 résolutions. Tel est le résultat inévitable de la manière en laquelle ces résolutions ont été soumises à cette chambre,—procédé non-seulement irrégulier, mais contraire aux usages parlementaires et constituant un outrage fait à un parlement composé de sujets anglais qui tiennent à la liberté par-dessus tout. Aussi, ai-je l'espoir qu'avant l'adoption finale de l'adresse, cette chambre s'empressera de repousser cette tentative de fouler aux pieds ses libertés parlementaires, et de condamner en même temps les ministres qui y ont au recours. Eh bien! M. l'ORATEUR, je le repète, le projet est mort; malgré tout, il est encore appelé a donner la vie à ses auteurs! (Rires.) Tel est l'objet de ce débat. Les ministres savent tous que le projet est mort, ils u'ignorent pas non plus que je ne dis que la simple vérité quand j'affirme que, lorsqu'ils ont soumis leur programme, ils étaient plongés dans les difficultés les plus graves, et que c'est dans le but de sortir de cette impasse qu'ils ont eu recours a l'expédient de proclamer que la raison la plus puissante qui existait d'accepter l'union était précisément le refus des provinces maritimes d'en former partie. (Ecoutez!) Ce sont-là les quelques observations que j'avais l'intention de faire ce soir, me réservant le privilége d'en dire davantage quand se présentera le débat sur la motion de 'hon. député de Peel (M. CAMERON). Mais, pendant que j'ai la parole, je désire attirer l'attention de cette chambre sur les nouvelles étonnantes que nous apportent les journaux anglais arrives par la malle de ce jour. Je tiens actuellement dans mes mains le Times du 21 février, qui contient un rapport au long des débats survenus à la chambre des lords, dont nous avons reçu un sommaire par le télégraphe il y a quelques jours, et au sujet desquels certains renseignements nous ont été récemment fournis par un membre du ouvernement sur la foi d'un télégramme de New-York. L'on se rappellera que le premier télégramme annonçait que a somme de £50,000 allait être votée pour les défenses de Québec. Bien que nous ayions demandé ces renseignements, ils nous avaient été refusés; 938 néanmoins, lord DE GREY n'a pas hésité à les communiquer au parlement anglais avec certains autres détails au sujet de la quote-part que le peuple de ce pays aura à fournir aux défenses de la province. Les ministres n'ont pas manqué de tirer le meilleur parti possible de ces nouvelles. Ils y ont vu un excellent prétexte pour proposer la question préalable, afin de pouvoir, ont-ils dit, clore le débat aussitôt que possible et se rendre en Angleterre, sans délai, pour sauver le pays d'une très prochaine invasion! Le télégramme avait causé une grande sensation dans cette chambre. Ou se rappelle encore que pendant que le député de West Middlesex (M. SCATCHERD) était occupé à commenter ces nouvelles, l'hon. président du conseil se leva pour annoncer à la chambre qu'il avait expédié un télégramme a New-York, pour apprendre d'une manière précise les faits qui se rapportaient au crédit de £50,000 voté par le gouvernement impérial. L'hon. monsieur ajouta qu'on l'avait informé que la somme n'était pas £50,000, mais ...
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD— £30,000.
L'HON. M. HOLTON—£200,000. Or, M. l'ORATEUR, ces débats tels que publiés au long font voir a l'évidence qu il n'y aura que £50,000 de portés au budget de cette année. La dépense sera, parait-il, de £200,000 répartis sur quatre années, à commencer de la présente. Il semblerait, d'après ces faits, que le gouvernement impérial n'envisage pas le danger comme assez menaçant pour que les affaires du parlement soient subitement suspendues, afin de permettre aux ministres de se rendre sans retard en Angleterre pour y régler la question des défenses du pays. (Ecoutez!) C'est au moins ce que l'on doit inférer du fait qu'il distribue ces £200,000 sur une période de quatre années. Mais ce n'est pas tout encore, car des débats sur cette question à la chambre des lords nous révèlent des choses étonnantes. Nous nous rappelons avec quelle ténacité notre gouvernement a refusé de nous communiquer les renseignements nécessaires pour nous guider dans cette discussion, et s'est efforcé, en l'absence de ces renseignements, de faire valoir la question des défenses du pays pour engager les députés de cette chambre a voter le projet de confédération. (Ecoutez!) Or, je prétends qu'on tant qu'il s'agit des affaires du Canada, nos ministres sont tenus de nous fournir des renseignements aussi complets que l'est le gouver nement impérial lorsqu'il s'agit des affaires de l'Angleterre, dans tous les cas où l'intérêt public ne s'y oppose pas. (Ecoutez!) Eh bien! nous voyons que ce débat a sugi il y a déjà quelques semaines d'une manière incidente à la chambre des lords, sur la motion de lord LYVEDEN a l'effet d'obtenir des renseignements sur le sujet, et qu'à cette occasion le gouvernement s' est empressé de donner les explications les plus amples, lesquelles ont fait connaître des faits étonnants relativement aux négociations entamées avec notre gouvernement sur la question des défenses du pays—faits que l'on a soigneusement pris garde de nous cacher. En réponse à lord LYVEDEN, le comte DE GREY dit:—
"Le gouvernement a entrepris d'améliorer les fortifications de Québec qui ont toujours été considérées comme partie des défenses impériales, et qui, bien que très puissantes autrefois, exigent, comme les autres fortifications, qu'on les perfectionne pour qu'elles puissent marcher de pair avec les progrès de l'art de la guerre.—L'on a proposé au gouvernement canadien d'entreprendre les fortifications de Montréal et des points exposés à l'Ouest. Le gouvernement canadien connait les obligations qui lui incombent, et n'attend pour commencer ces travaux que l'autorisation de son parlement."
Notes bien ceci, M. l'ORATEUR, le gouvernement canadien est prêt a entreprendre les fortifications de Montréal et des points exposés a l'ouest. (Ecoutez!) Voici donc ce que nous apprend le comté DE GREY: que nos ministres ont conclu cette convention, pourvu qu'ils puissent obtenir du parlement canadien l'autorisation de faire toutes les dépenses nécessitées par l'établissement de fortifications permanentes a l'ouest de Québec. (Ecoutez!) Cependant, monsieur l'ORATEUR, bien ne nous ayions presque chaque jour demandé ces renseignemants, l'on a refusé constamment de nous les communiquer. Hereusement qu'avant la clôture de ce débat, nous avons appris de la bouche même du secrétaire de la guerre que nos ministres se sont engagés à grever les ressources de ce pays à un chiffre inconnu pour construire des fortifications par toute la province, sauf Québec. Ils ont consenti à cette proposition, à la condition que le parlement l'approuve; or, c'est cette approbation qu'ils n'osent pas demander avant l'adoption définitive des 72 résolutions, afin de pouvoir prolonger de quelques mois leur existence politique. (Ecoutez!) La somme qu'il faudra pour les fortifications permanentes est 939 portée, d'après le Times, a £1,300,000 stering—environ $7,000,000,—et le gouvernement impérial offre comme sa quote-part de cette somme £200,000, ou environ $1,000,000. Nous apprenons donc que notre gouvernement a réellement consenti de faire payer au Canada, de $5,000,000 à $6,000,000, pour la construction de fortifications permanentes dont nous ne connaissons absolument rien. (Ecoutez!) Il est indubitable que nos ministres ont conclu cet engagement, à en juger d'après les paroles que je viens de citer du comte DE GREY, qui expri'meut en termes clairs ne le gouvernement canadien a accédé à la preposition, sauf l'approbation du parlement. J 'affirme que ces nouvelles ont lieu de nous étonner, et j'ai l'espoir que les hon. députés qui ont l'intention de voter ces 72 résolutions, qui en réalité ratifieut la convention dont je viens de parler—parce que le gouvernement n'a pas cessé d'insister sur ce fait dans tout le cours du débat—j'ai l'espoir, dis je, que ces hon. députés réfléchiront avant que de s'engager à ajouter $6,000,000 aux millions encore inconnus que va nous coûter l'adoption de la mesure actuelle. Ecoutez!)
M. FORTIER—M. l' ORATEUR:— En prenant la parole à une heure aussi avancée de la discussion, ce ne peut être avec l'intention de la continuer bien longtemps; d'autant plus que le projet de confédération qui en fait le sujet depuis plusieurs jours est à peu près épuisé. Cependant, je ne crois as devoir laisser passer cette question sous silence, sans déclarer à cette chambre et au pays les raisons qui m'ont déterminé à voter sur cette grande question de confédération, comme je suis déterminé à le faire. M. l'ORATEUR que nous demande le ministère dans la présente occasion? De voter une adresse à Sa Majesté, la priant de rayer d'un trait de plume notre constitution actuelle, pour la remplacer par un nouvel acte basé sur les soixante-douze résolutions adoptées par la conférence de Québec, tenue le 10 octobre dernier, et qui sont maintenant devant cette chambre. J 'appréhende que la conférence de Québec, en rédigeant les bases de notre nouvelle constitution, loin d'être pénétrée d'un vrai sentiment de désintéressement, l'a été plutôt par celui de l'avancement personnel. Je puis me tromper, M- l'ORATEUR et je désire sincèrement qu'il en sort ainsi; je souhaite ne les électeurs du Nouveau-Brunswick qui viennent de repousser le projet de la conférence de Québec, en même temps qu'ils ont donné un vote immédiat de censure contre les hommes les plus illustres de leur province, comme ayant signé ce projet, et ayant par là compromis les intérêts de leur pays; je souhaite, dis-je, que ces électeurs se soient . trompé, sachant qu'il faudra bien obéir à la majorité et que, malgré leur opposition triomphante, l'on nous imposera la confédération telle qu'elle nous est proposée. D'un trait de plume l'on veut differ notre acte constitutionnel et le remplacer par une nouvelle constitution que nous ne connaissons pas, et que même l'on se donne bien garde de nous faire connaitre. On nous presse d'échanger ce que nous avons pour ce que l'on voudra nous octroyer! M. l'ORATEUR, je ne suis de cet avis, je suis de ceux qui, avec FRANKLIN, disent: " Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras; " je suis de ceux qui préfèrent un rossignol en main qu'un aigle dans les airs! Voilà pourquoi je ne veux pas, sans plus de garantie, changer la constitution de notre pays! (Ecoutez! écoutez!) Je tiens a la constitution de 1840, parce qu'elle consacre un grand principe en faveur du Bas-Canada, celui de l'égalité dans la représentation législative. J'y tiens d'autant plus, M. l'ORATEUR que c'est une des conditions expresses de ma présence en cette chambre, comme le représentant des électeurs du comté d'Yamaska, que je n'entends pas trahir. A ce propos, je prendrai occasion de donner à cette chambre communication de deux extraits de lettres qui m'ont été adressées par deux électeurs de mon comté, jouissant d'une grande influence. Voici l'extrait de la première:
"ST. MICHAEL D'YAMASKA, 29 janvier 1865.
"CHER AMI,—Je vois par le peu qu'il m'a été donné de connaître dans ce qui s'est passé en chambre depuis l'ouverture de la session, que les vrais patriotes n'auront pas même la satisfaction de pouvoir retarder l'orage qui menace notre infortunée patrie bien loin de pouvoir le détourner à temps; les égoïstes Canadiens-Français sont en majorité comme toujours, surtout dans ce 19e siècle,—siècle de progrès s'il en fût, mais de progrès égoïstes, de spéculations hasardées, dans lesquelles la conscience (qui n'est plus qu'un mot) ne prend aucune part, de prêts usuraires, au grand détriment du pauvre peuple qu'on n'est pas content de piller et ruiner, mais qu'on se prépare, pour quelques années de pouvoir et d'honneur, à dépouiller de sa nationalité, de ses lois et de sa religion!... Que faire dans cet état de choses? que faire à la vue de notes patrie menacée par ses propres enfants réunis à ses ennemis les plus acharnés? Mépriser 940 les traîtres, et se maintenir fermement (quelque peu nombreux que l'on soit) dans une défense et une opposition coustitutionnelles des plus énergiques. Peut-être qu'il la fin, le clergé catholique sera désillusionné et qu'il prêtera main forte à l'opposition, qui ne tend qu'à la conservation de ses droits les plus sacrés."
M. l'ORATEUR, je suis fier d'un tel langage, et je m'empresse de citer un autre de mes électeurs, ui n'est pas moins patriote que celui-là. Voici l'extrait de cette seconde lettre, qui n'en cède en rien à celui dela première:
"RIVIÈRE DAVID, 21 février 1865.
"CHER MONSIEUR, — J'ai reçu les " résolutions relatives à l'union proposée des provinces de l'Amérique Britannique du Nord," et après avoir lu et relu ce que les journaux des deux partis disent pour et contre, ie dois vous dire, comme mon opinion, que je suis bien éloigné de les approuver. Fussent-elles meilleures qu'elles ne le sont, je ne voudrais pas encore les voir adopter, sans que le pouvoir constituant ait donné à la législature la mission ou l'autorisation de les adopter.—Je m'abstiendrai comme de juste, par rapport au câdre d'une simple communication comme celle-ci, de discuter les raisons qui me font prononcer comme je le fais. Qu'il me suffise d'unir ma voix à celle des meilleurs amis de notre pays pour vous dire que vous n'avez pas été élu pour détruire, mais bien plutôt pour faire fonctionner notre constitution."
Ces observations, M. l'ORATEUR, sont si vraies et si légitimes, que j'aurais honte de ne pas y adhérer. Cependant, si je prévoyais, dans ma manière de voir les choses, que notre pays serait mis en danger par le refus de cette chambre de voter le projet de confédération qui nous est proposé, je n'hésiterais pas un instant à le faire. Mais bien loin de moi l'idée que notre constitution ne puisse pas être mise encore et pour bien des années en opération et très avantageusement Sil'administration TACHÉ-MACDONALD n'eut pas été défaite comme elle l'a été, l'année dernière, et si elle eût pu conserver une ou deux voix de majorité seulement, comme l'a si bien dit l'hon. membre pour Beauce, la confédérction serait encore dans le néant, et l'hon. membre pour South Oxford très éloigné du port! Il est cependant à espérer que la conception de la présente administration, composée telle qu'elle l'est, d'éléments si hétérogènes, ne mènera pas à terme son précieux fruit, et qu'elle sera forcée, comme l'hon. membre pour North Hastings l'a dit, de donner au pays un enfant mortné! (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, ce grand principe d'égalité sectionnelle fut encore consacré par l'acte du council législatif de 1856. Et par qui fut-il consacré? Par les hommes qui sont encore au pouvoir. Le 14 mars 1856, il fut proposé par l'hon. membre pour Montmorency, secondé par l'hon. M. SPENCE, une loi établissant l'égalité dans le conseil législatif, entre le Haut et le Bas-Canada, et rendent cette branche du pouvoir élective. Le principe de cette loi fut consacré par 83 voix contre 6.—Voici ce que je lis ans les journaux de cette chambre:—
"L'ordre du jour pour la seconde lecture au bill pour changer la constitution du conseil législatif, en le rendant électif, étant lu, l'honorable monsieur CAUCHON a proposé, secondé par l'honorable M. SPENCE, et la question ayant été mise:—Que le bill soit maintenant lu une seconde fois; la chambre s'est divisée: et les noms ayant été demandés ils ont été pris comme suit:
"POUR.— MM. Aikins, Alleyn, Bell, Bellingham, Biggar, Bourassa, Brodeur, Bureau, Cartier, Casault, Cauchon, Cayley, Chapais, Chisholm, Christie, Conger, Cooke, Daoust, Chas., Daoust, Jean B., Darche, Delong, Desaulniers, DeWitt, Dionne, Dorion, Jean B. E., Dorion, A. Dostaler Drummond, Proc.-Gén., Dufresne, Felton, Ferrie, Foley, Fortier, O. C., Fournier, Fraser, Freeman, Gamble, Gould, Guévremont, Hartman, Holton, Jobin, Labelle, Laporte, LeBoutillier, Lemieux, Loranger, Lumsden, Lyon, Mcdonald, J. S., McDonald, Proc.-Gén., Mackenzie, McCann, Marchildon, Masson, Munro, Papin, Patrick, Poulin, Pouliot, Powell Prévost, Price, Rhodes, Ross, Sol.-Gén., Ross, J., Sanborn, Shaw, Smith, Sol.-Gén. Smith, S., Smit, J., Somerviile, Southwick, Spence, Stevenson, Thibeaudeau, Turcotte, Valois et Wright.—83.
"CONTRE.-MM. Bowes, Brown, Cameron, Crawford, Robinson et Yeilding.—6.
Ainsi, elle a été résolue dans i'affirmative.
Ainsi, sur cette brûlante question de la représentation d'après la population, consacrée telle que je viens de le mentionner, quatre-vingt-neuf représentants du peuple, tant du Haut que du Bas-Canada, y prirent part et y votèrent, dont 44 pour le Haut- Canada, sur lesquels six seulement demandèrent la représentation d'après la population —l'hon. M. BROWN, bien entendu, en faisait partie—et 45 Bas-Canadiens, dont 10 d'origine anglaise, et 35 d'origine canadienne- française, formant 83 voix contre 6. Voilà l'immense majorité qui se prononçait sur la constitution de la chambre haute de ce pays et consolidait l'acte constitutionnel de 1840, dont j'ai déjà parlé. Non seulement ce principe fut consacré par une grande majorité des deux chambres de la législature, 941 comme je viens de l'établir, mais il le fut encore par le gouvernement de la mère patrie, auquel cette loi fut réservée pour son essentiment, il n'y a tout au plus que 8 ans. Et, M. l'ORATEUR, ce sont ces deux actes constitutionnels qui ont ramené et consolidé la paix, le bonheur et la prospérité du pays, après les malheureux troubles de 37 et 38; ce sont ces actes derrière les uels les Canadiens-Français du Canada s'abritent comme derrière un rempart inexpugnahle; ce sont ces actes que la présente administration, soutenue par une majorité de Canadiens- Français en cette chambre, sont prêts à jeter aux quatre vents qui voudra les emporteri (Ecoutez! écoutez!) Depuis un quart de siècle, le Canada jouit d'un gouvernement responsable, et du principe d égalité dans la représentation. De quoi a-t-on à se plaindre? et qui se plaint? Qui s'est plaint depuis dix ans, surtout? Sont-ce les Bas- Canadiens-Français? Sont-ce les Haut-Canadiens? Non, M. l'ORATEUR, c'est l'hon. membre pour South Oxford (M. BROWN); et sur quel principe? Sur le principe de la représentation sur le nombre. Pourquoi cet hon. membre a-t-il fait tant de bruit dans le Haut-Canada, et pourquoi a-t-il essayé de trainer dans la boue ce que les Canadiens- Français ont de plus cher: " leur religion "? Pour arriver au pouvoir; pour arriver à jouir du siége qu'il occupe de l'autre côté de la chambre, encadré par les bon. membres pour Kamouraska et Dorchester, (M. CHAPAIS et M. le sol.-gén. LANGEVIN) comme deux pôteanx d'autel autour d'une statue! (Ecoutez! écoutez! et rires.) Quels sont ceux qui ont op osé cet hon. membre depuis ce temps-là? 'lous les membres du Bas- Canada, tant français qu'anglnis, sans distinction. Jamais les représentants du Bas- Canada ne se sont divisés sur cette question vitale. Bleus ou rouges, s, M. l'ORATEUR se sont unis en un seu faisceau, comme un seul homme, pour conserver ce qui garantissait leur avenir comme descendants de la vieille France. Pourquoi cette union des Canadiens Français contre l'hon. membre pour South Oxford? Pour lui refuser ce que l'administration actuelle lui a concédé par la conférence de Québec. (Ecoutez!) Que répondait l'hon. procureur-général pour le Haut-Canada durant la session de 1863 au député de South-Oxford, qui lui reprochait d'avoir gouverne le Haut-Canada avec une majorité bas—canadienne? Il lui répondait,— et j'ai encore à l'oreille ses paroles:—
"Jamais, disait-il, le Haut-Canada n'a eu à souffrir de ce que mon gouvernement a imposé au Haut-Canada par une majorité bas-canadienne. Vous n'avez pas raison de vous plaindre, et vous n'obtiendrez jamais vos prétentions extrêmes. "
Voilà ce qui se disait alors. Mais les choses sont changées, et malheureusement, autre temps, autre chose. O tempora! o mores! Et à cela l'hon. membre pour Montréal-Est (M. CARTIER) ajoutait des paroles plus ou moins ironiques, plus ou moins fondées, en comparaent les grits du Haut-Canada à. autant de morues, cod-fish dans le golfe St. Laurent. C'était alors, M. l'ORATEUR, que l'hon. membre pour South Oxford payait de sa personne! (Ecoutez! écoutez!) Vous vous en souvenez, sans doute; car alors vous n'étiez vous-même, aux yeux de l'hon. membre pour Montréal-Est, qu'un cod-fish courant à l'appât. M. l'ORATEUR j'ai toujours admiré l'énergie que déployait l'hon. membre pour Montréal-Est en résistant à l'hon. membre de South Oxford; son courage audacieux était sans bornes, je l'avoue; et il y avait une telle différence de principes, il y avait aussi une telle animosité entre ces deux hon. messieurs et ceux qui, dans le moment, siègent sur les banquettes du trésor, ne jamais l'on n'eùt voulu croire qu'ils viendraient à se tolérer comme voisine sur ces banquettes. Cette accolade, M. l'ORATEUR, me rappelle à la mémoire l'effet que produisait sur mon esprit la famille heureuse que j'ai en occasion de contempler, à New-York, il y a quelques années,— admirant le rat entre les pattes du chat, le singe galoppant le lapin, et le batteur de corbeau becquetant le hibou! (Ecoutez! et rires.) Depuis quand les hommes que je viens de nommer ont-ils donné quelque attention aux clameurs étourdissantes de l'hon. membre pour South Oxford? Depuis quand y a-t-on prêté l'oreille? C'est depuis que ces hon. ministres se sont vus en minorité dans cette chambre; depuis que le ministère TACHE-MACDONALD a résolu, per fas aut et ne fas, de rester au pouvoir; jamais auparavant. Tout cela est loin de m'inspirer aucune confiance dans le projet de confédération, et m'a déterminé à voter controle tout, puisque d'ailleurs ce projet est un " tout ou rien." (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, le gouvernement nous dit que ces résolutions ne peuvent pas être amendées en quoi que ce soit. Il faut, dit-il que les 72 résolutions soient votées au complet pour ne pas donner lieu à des reproches de la part 942 des provinces maritimes; c'est un traité du nel on ne peut pas dévier. Mais comment se tait-il que l'hon. M. TILLEY, du Nouveau- Brunswick, ait offert à l'opposition de cette province d'amender ce traité? Et le gouvernement ne nous a-t-il pas déclaré, à la fin de la dernière session, que son intention était de proposer un changement quelconque dans l'acte constitutionnel et qu'il le soumettrait au peuple pour qu'il en puisse rendre connaissance, avant d'en presser l'adoption? Et maintenant il s'y refuse! Ah! je le réitère, tout cela est bien loin de m'inspirer la moindre confiance dans le projet de cenfédération et dans l'administration actuelle. Il faut avaler le projet sans même frémir—sans pouvoir offrir aucun amendement! A d'autre qu'à l'humble représentant du comté d'Yamaska de voter une pareille chose l En conséquence, je déclare encore une fois que je suis prêt à voter contre le projet qui nous est maintenant soumis. (Applaudissements.)
L'HON. M. EVANTUREL—M. le PRÉSIDENT:— Afin de rendre justice à l'indulgenes de cette chambre, je dirai que je ne me lève pas pour faire un long discours, mais que je me contenterai de voter silencieusement. Cependant, avant que d'enregistrer mon vote sur la mesure qui nous est soumise, je me permettrai de poser une question au gouvernement. J 'avoue que si je ne consultais ne moi-même, je ne poserais pas cette question, mais je le fais afin de me rendre au désir de plusieurs de mes amis en chambre comme en dehors de la chambre. Ces amis ont exprimé une crainte a propos de l'une des clauses des résolutions, et m'ont prié de demander une explication au procureur-général du Haut-Canada sur l'interprétation que l'on doit donner à cette clause. Je lui enianderai donc si l'article 46 des résolutions, qui dit que " les langues anglaise et française pourront être simultanément employées dans les délibérations du parlement fédéral ainsi que dans la légisature du Bas-Canada," doit être interprété comme mettant l'usage des deux les langues sur un pied d'égalité dans le arlement édéral? En faisant part des appréhension qu'éprouvent certaines personnes à. ce sujet, — et je crois que c'est une marque de patriotisme de leur part, et qu'elles peuvent être légitimes, — j'espere que le gouvernement ne m'imputera pas d'intention hostile, et qu ll verra que je ne le fais que dans son intérêt, afin de lui fournir l'occasion de dissiper ces appréhensions. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD — J 'éprouve le plus grand plaisir à répondre à la question que vient de me poser l'hon. député du comté de Québec. Je puis lui dire que la signification de l'une des résolutions adoptées par la conférence de Québec est ceci:—que les droits des membres Canadiens—Français de la législature fédérale, relativement a l'usage de leur langue, seront précisément les mêmes que ceux qu'ils possèdent aujourd'hui, dans la législature actuelle du Canada, sous tous ce ra ports possibles. J'ai de plus la satisfaction de dire que du moment que ce sujet a été mentionné ans la conférence, les délégués des provinces d'en-bas ont unanimement déclaré que c'était raisonnable et juste, et qu'ils ont donné leur adhésion, sans une seule voix dissidents, à la justesse de la proposition ne la position de la langue française relativement aux délibérations du parlement, à l'impression des mesures et à tout ce qui s'y rattache, soit précisément la même que celle qu'elle occupe dans cette législature. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—Je ne me lève pas pour parler au long, mais seulement pour attirer l'attention des membres de l'administration afin d'obtenir quelques renseignements sur certaines parties de ce projet; mais, avant de le faire, je dirai un mot en réponse à l'explication que vient de donner le procureur—général du Haut-Canada en réponse à la question posée par l'hon. député du comté de Québec (M. EVANTUREL), à l'égard de l'usage de la langue française. L'hon. procureur-général à dit que l'intention des délégués à la conférence de Québec avait été de donner les mêmes garanties pour l'usage de la langue française dans la législature fédérale que celles qui existent sous l'union actuelle. Je crois, M. l'ORATEUR ne cela n'est pas du tout une garantie, car il était dit dans l'acte d'union ne la langue anglaise seule serait employée dans le parlement, et la langue française en était entièrement exclue. Mais cette disposition fut abrogée plus tard par la 11 et 12 Victoria, et la chose fut laissée à la discrétion de la législature. En sorte que si demain cette législature décidait qu'aucune autre langue que la langue anglaise ne soit employée dans ses délibérations, elle pourrait le faire et empêcher par là l'usage de la langue 943 française. Il n'y a donc aucune garantie pour le maintien de l'usage de la langue de a majorité du peuple du Bas-Canada, excepté le bon vouloir et la tolérance de la majorité. Et comme la proportion des membres Canadiens—Français sera beaucoup plus faible dans le parlement fédéral qu'elle ne l'est dans la législature actuelle, ce a devrait faire voir aux hon. membres combien nous avons peu de chance de voir se perpétuer l'usage de notre langue dans la législature fédérale. C'est la la seule observation que j'avais à faire sur ce sujet, et elle ne m'a été suggérée que par la réponse de l'hon. procureur— général du Haut-Canada.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD— Je conviens avec l'hon. député d'Hochelaga qu'aujourd'hui cela est laissé à la majorité; mais afin d'y remédier, il a été convenu dans la conférence d'introduire cette disposition dans l'acte impérial. (Ecoutez! écoutez!) Cela a été proposé par le gouvernement canadien par crainte qu'il survienne plus tard un accident, et les délégués de toutes les provinces ont consenti à ce que l'usage de a langue française formât l'un des principes sur lesquels serait basée la confédération, et que son usage, tel qu'il existe aujourd'hui, fût garanti par l'acte impérial. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—J'ajouterai à ce que vient de dire l'hon. procureur- général du Haut-Canada, en réponse a l'hon. député du comté de Québec, et a l'hon. député d'Hochelaga, qu'il fallait aussi protéger la minorité anglaise du Bas-Canada, relativement à l'usage de sa langue, parce que dans le parlement local du Bas-Canada la majorité sera composée de CanadiensFrançais. Les membres de la conférence ont voulu que cette majorité ne pût pas décréter l'abolition de l'usage de la langue anglaise dans la législature locale du Bas- Canada, pas plus que la majorité anglaise de la législature fédérale ne pourra le faire pour la langue française. J 'ajouterai aussi que l'usage des deux langues sera garanti dans l'acte impérial basé sur ces résolutions. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—J'en suis bien aise, mais je dois dire de nouveau qu'il n'y a rien dans les résolutions qui nous donne cette garantie, et la preuve, c est que l'hon. député du comté de Québec a été obligé de demander l'explication de la 46e résolution. Cette résolution dit simplement que la langue française pourra être employés, et non pas qu'elle devra l'être. Chacun comprend parfaitement que l'importance que nous attachons à ce droit ne s'applique pas seulement à l'usage de la langue employée dans les débats de la législature, mais que l'important est que nous ayons la garantie de cet usage dans la publication des délibérations et des lois et documents de la législature, et c'est précisément pour cela que nous ne voyons aucune garantie dans cette résolution. L'hon. procureur-général du Haut-Canada dit que nous aurons la même garantie que celle que nous avons maintenant. Cette garantie dépendant de la majorité, nous avons 50 memres sur 130 pour le faire respecter, mais dans la confédération nous n'aurons que 50 membres sur 194. Nous devons donc insister pour avoir aujourd'hui une protection plus réelle et qui ne puisse nous être enlevée par un simple vote de la majorité de la législature fédérale. Les discours prononcés en chambre ne sont adressés qu'à quelques personnes, mais les lois et les délibérations de la chambre s'adressent à toute la population, dont un million ou près d'un millon parle la lan ue française.—Je prendrai maintenant la liberté de faire une ou deux observations sur un autre sujet. Lorsque les résolutions nous ont été soumises en premier lieu, j'ai attiré l'attention du gouvernement sur la différence qui existait entre les résolutions imprimées qui nous sont maintenant soumises et celles qui ont été adressées aux membres de la législature, pendant la vacance, par le secrétaire provincial. Cette différence consiste dans la rédaction du troisième paragraphe de la 29e résolution. Dans les résolutions qui nous ont été envoyées par le secrétaire provincial, la 29e résolution se lisait comme suit:—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées (sans, toutefois, pouvoir porter atteinte à la souveraineté de l'Angleterre), en particulier sur les sujets suivants: L'imposition ou le règlement de droits de douane sur les importations et sur les exportations, excepté sur les exportations du bois carré, des billets, de mâts, des espars, des madriers, du bois scié, du charbon et des autres minéraux."
La 43e résolution dit:—
"Les législatures locales auront le pouvoir de faire des lois sur les sujets suivants: la taxation directe et l'imposition de droits sur l'exportation du bois carré, des billots, des mâts, espars, madriers et bois sciés, et du charbon et des autres minéraux."
944
En sorte que par ces résolutions le gouvernement général ne peut imposer de droits sur l'exportation des bois, du charbon et des autres minéraux trouvés dans aucune des différentes;provinces, ce droit étant réservé aux législatures locales. Mais dans les résolutions soumises à la chambre, en anglais, il y a une distinction très importante et très injuste, et j'y ai attiré l'attention du ministre des finances des le commencement des débats. Elles disent .—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire des lois, etc., sur les sujets suivants:— * * * 3. L'imposition ou le réglement de droits de douane sur les importations et sur les exportations, excepté sur les exportations du bois carré, des billets, des mâts, des espars, des madriers, et du bois scié du Nouveau-Brunswick, et du charbon et des autres minéraux de la Nouvelle-Ecosse."
D'après la première série des résolutions, le gouvernement général était privé du droit d'imposer des droits d'exportation sur les bois, le charbon et les autres minéraux de toutes les provinces; tandis que par les résolutions maintenant devant cette chambre, le gouvernement général a la faculté d'imposer ces droits, excepté sur les bois ex ortés du Nouveau-Brunswick, et sur le charbon et les autres minéraux exportés de la Nouvelle- Ecosse. Ensuite la 43e résolution maintenant devant la chambre dit:
"Les législatures locales auront le pouvoir de faire des lois sur les sujets suivants:—1. La taxation directe, et dans le Nouveau-Brunswick l'imposition de droite sur l'exportation du bois carré, des billets, mâts, espars, madriers et bois sciés, et, dans la Nouvelle-Ecosse, du charbon et des autres minéraux."
C'est-à-dire, que dans le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse, ils auront le droit d'imposer des droits, pour les besoins locaux, sur l'exportation du bois, du charbon et des autres minéraux, tandis qu'en Canada et dans les autres provinces ce droit n'existera pas, et que tandis que les bois et minéraux du Canada pourront être taxés par le gouvernement général pour les besoins généraùx, les bois du Nouveau-Brunswick et le charbon et autres minéraux de la Nouvelle-Ecosse ne pourront être taxés que par les gouvernements locaux de ces provinces, et pour les besoins locaux seulement. C'est là un arrangement très injuste tant pour le Haut que pour le Bas-Canada. Maintenant, M. l, ORATEUR, je trouve dans un document officiel publié dans la Nouvelle-Ecosse, avec la sanction du gouvernement de cette province, et soumis au parlement qui siège actuellement, que les pouvoirs du gouvernement général et des gouvernements locaux, relativement à l'imposition de droits d'exportation sur le bois, le charbon et les autres minéraux, sont donnés mot pour mot comme ils le sont dans la copie envoyée aux membres durant la vacance. (Ecoutez! écoutez!) L'on a dit ue c'était un traité conclu entre les délégués des différentes provinces; mais il parait que c'est un traité auquel on a fait subir des changements. (Ecoutez! écoutez!) J'ai déjà attiré l'attention des hon. messieurs de l'autre côté de la chambre surces différences, etj'ai demandé quelle était la copie exacte et véritable des résolutions, et l'on m'a répondu que c'était la copie soumise à la chambre. Il y a eu une modification quelque part, et dans une affaire aussi importante, le gouvernement devrait nous dire comment et où elle a été faite; il devrait nous dire s'il n'est pas vrai que le traité a été modifié après que la conférence eût cessé de siéger, et à la demande de qui et par qui cette modification a été faite. Il est évident que nous sommes appelés a voter ici sur un projet différent de celui qui a été soumis à la législature de la Nouvelle—Ecosse, et sur un projet qui nous est plus défavorable que celui dont ce délé ués dela Nouvelle-Ecosse ont fait rapport à leur gouvernement. Pendant que j'en suis sur ce sujet, je ferai aussi remarquer qu'il y a encore une différence entre les versions française et anglaise des résolutions soumises à la chambre,—la version française étant la même que celle qui a été communiquée aux membres par le secrétaire provincial et à celle qui a été soumise à la législature de la Nouvelle- Ecosse. Cela semblerait indiquer que le changement a été fait dans les résolutions soumises à cette chambre, et il serait bon que nous sachions ce qui a été fait à propos de ce prétendu traité depuis que les délégués se sont séparés. (Ecoutez! écoutez!) Il y a une autre question importante qui mérite l'attention de cette chambre. L'on a dit ici que tous les délégués avaient accepté les résolutions de la conférence. (Ecoutez! écoutez!) Le nom de M. PALMER a été mentionné comme faisant execption, et à part cela les hon. messieurs de l'autre côté ont déclaré que tous les délégués avaient accepté les résolutions de la conférence. N 'est-ce pas ce qui a été dit?
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD—Oui.
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L'HON. A. A. DORION—Eh bien! je vois qu'outre M. PALMER, qui a déclaré publiquement qu'il n'avait signé les résolutions que pour les certifier, mais qu'il n'y avait pas consenti, il y a aussi M. DICKEY, un autre des délégués, qui a suivi la même conduite. M. DICKEY a même été jusqu'à adresser une lettre au lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Ecosse, Sir R. GRAVES McDONNELL, dans laquelle il dit:—
"L'honorable secrétaire provincial m'a soumis un rapport à Votre Excellence, en date du 5 décembre dernier, et signé par lui-méme, l'hon. procureur-général J. McCULLEY, et A. G. ARCHIBALD, écr., sur le résultat de la mission dont ils avaient été chargés par Votre Excellence, d'assister à une conférence qui avait lieu à Québec au sujet d'une union intercoloniale. Je suis heureux de pouvoir concourir dans ce rapport, excepté dans la partie qui semble impliquer que l'action des membres de la conférence a été unanime. Comme j'ai eu le malheur de différer d'opinion avec mes collègues sur lusieurs détails importants du projet soumis à Votre Excellence, je me sens dans la nécessité de ne pouvoir apposer ma signature à ce rapport, sans l'accompagner de ces explications. Mon regret en cette circonstance est considérablement diminué par le fait que le très honorable secrétaire d'Etat pour les colonies, dans sa dépêche de 3 décembre dernier, appuie mon opinion que ce projet est susceptible de modification et d'amélioration."
(Ecoutez! écoutez!)
Ce sont deux points que je crois être très importants, et les hon. messieurs de l'autre côté devraient nous donner des explications —au moins sur le premier point. Dans la correspondance soumise à la législature de la Nouvelle-Ecosse, je trouve encore une lettre très-importante adressée, le 9 janvier dernier par le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Ecosse au gouverneur-général du Canada. Cette lettre ne nous a jamais été communiquée, bien qu'une adresse demandant toute la correspondance relative à ce projet de confédération ait été proposée et adoptée il y a déjà plusieurs semaines. Cette lettre de Sir R. GRAVES McDONNELL. était en répouse à une lettre de lord MONCK du 23 décembre 1864, et le troisième paragraphe eat comme suit:—
"Il est évident d'après la lettre du très honorable secrétaire d'Etat, que le gouvernement de Sa Majesté espère être aidé dans la préparation d'un bill incorporant les suggestions de la conférence de Québec, par des députations des différentes provinces. Il me semble aussi, de même qu'aux membres de mon gouvernement, que pour éviter les nombreuses divergences probables d'opinion dans chaque législature,—inévitables dans la discussion d'une grande variété de détails dans différents parlements indépendants, en dépit du concours général dans les principaux objets et les principes du projet général,—qu'il vaudrait mieux pour ces provinces recourir à l'arbitrage amical du gouvernement de Sa Majesté, et envoyer des délégués chargés de s'entendre avec ce dernier pendant la préparation du bill impérial projeté. Les " idées" particulières—et c'est la le point de chaque législature—pourraient, s'il était nécessaire, être exprimées par les délégués de chacune d'elles."
(Ecoutez! écoutez!)
Ainsi, nous voyons que dans cette lettre, que l'on ne nous a pas communiquée, il est suggéré que des amendements peuvent être faits au projet sous forme d'instructions aux délégués de chacune des difiérentes législatures; et, cependant, ces hon. messieurs nous ont dit que, de fait, ces résolutions n'étaient rien moins qu'un traité, que cette législature ne pouvait ni changer ni amender sous le moindre rapport important, mais que nous devions dire oui ou non, et les accepter ou les rejeter telles qu'elles sont! (Ecoutez! écoutez!) Il est donc cité trou circonstances importantes ici:—premièrement, les différences qui existent dans les résolutions à l'égard des droits d'exportation sur le bois, le charbon et les autres minéraux; secondement, la faculté réservée aux provinces d'en-bas, par leurs législatures, de changer et amender les résolutions; et troisièmement, la non acceptation, par deux des délégués, du soi-disant traité, bien que nous ayons été informés par notre gouvernement qu'il avait été unanimement accepté les membres de la coniérence. (Ecoutez! écoutez!) Je désirerais avoir des explications du ministère sur ces points importants. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. GALT—Quant au premier point, je puis dire que des explications suffisantes ont déjà été données en plusieurs circonstances. Quant au second point, le gouvernement canadien n'est pas responsable des opinions des délégués après leur départ de ce pays; et quant au troisième point, le gouverneur-général a transmis à cette chambre la correspondance aussi complète qu'il a cru devoir le faire, et je suppose que es lieutenants-gouverneurs des autres provinces ont fait la même chose.
L'HON. M. A. A. DORION—Je rappellerai à l'hon. ministre des finances qu'il y a une autre différence. La copie française des résolutions devant la chambre est exactement conforme au document imprimé 946 envoyé de la Nouvelle-Ecosse à la copie envoyée aux membres par le secrétaire-provincial, tandis que la copie anglaise maintenant devant la chambre est différente. Maintenant, de toutes ces versions différentes, quelle est la bonne, et où le changement a-t-il été fait? L'importance de cette question est très grande, je crois; car si la version donnée dans ce document de la Nouvelle-Ecosse et dans la copie française est exacte, nous aurons dans le Bas-Canada le droit d'imposer pour les besoins locaux un droit d'exportation sur tous les bois, soit du Haut, soit du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Les termes de la résolution sont clairs et déclarent que le gouvernement général n'aura pas le droit d'imposer de droits d'exportation sur les bois, mais que les gouvernements locaux l'auront.
L'HON. M. BROWN—La copie exacte est celle qui est entre les mains de l'ORATEUR, comme de raison.
L'HON. A. A. DORION—Mais il y en a deux versions:—l'une en anglais qui diffère de celle qui est en français.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD—J'ai proposé les résolutions en anglais, et s'il y a quelque différence dans la copie française, c'est une erreur de traduction.
L'HON. A. A. DORION—Eli bienl si la copie anglaise est la bonne, le gouvernement général aura le droit d'imposer un droit 'exportation sur tous les bois, excepté sur ceux exportés du Nouveau-Brunswick, et sur tout le charbon et les autres minéraux, execpté ceux de la Nouvelle-Ecosse.
PLUSIEURS VOIX—C'est la bonne! c'est la bonne!
M. DE NIVERVILLE—M. le PRÉSIDENT:—Comme le plus jeune député de cette hon. chambre, je devais me réserver la dernière place pour parler sur la question qui nous occupe. Très peu de jours avant l'ouverture de cette législature, je ne savais pas que j'occuperais le siége que j'occupe aujourd'hui dans cette enceinte, et que je serais appelé à voter sur la question de la confédération et a prendre part à sa discussion. Je n'ai donc pas eu le temps, comme la plupart des hon. membres qui ont parlé sur le projet soumis à cette chambre, de me préparer pour pouvoir la traiter au point de vue politique et diplomatique, et d'examiner les bases sur lesquelles elle repose. D'un autre côté, quand bien même j'aurais eu le temps de faire les études nécessaires pour faire une revue entière de ce grand projet, je n'aurais pas fait autrement que je fais ce soir, et j'aurais laissé, comme je l'ai fait, aux membres de cette chambre plus qualifiés que moi sous le rapport des connaissances, et la discussion et l'étude des grandes questions politiques que procurent une longue vie parlementaire. J'aurais laissé, dis—je, a ces hou. députés le soin d'examiner la question sous les grands aspects qui la distinguent. (Ecoutez l écoutez!) En ma qualité de député du chef-lieu du district de Trois-Rivières et de Canadien- Français, je dois prendre la parole et expliquer mes vues. La position difficile dans laquelle s'est trouvé le pays pendant les quelques années ui ont précédé,—difficultés amenées par la cree égale des deux partis qui se partageaient le champ politique, et qui avaient rendu impossible, aux divers gou vernements qui s'étaient succédé au pouvoir, l'administration de la chose publique,—cette position, dis-je, rendait donc nécessaire un changement capable de faire disparaitre cet état de choses déplorable. Notre position ressemblait à celle de l'empire romain à la veille de sa chute. L'Union, comme l'a dit avec tant de raison l'hon. procureur-général du Bas-Canada (M. CARTIER), avait ait son temps, il fallait la changer; il fallait que la nation qui, entre les différentes populations qui habitent les provinces tritanniques du continent américain, occupe le premier rang par l'âge, l'énergie et la prospérité, donnât le branle et proposât une mesure capable de faire sortir le pays des difficultés où il se trouvait placé. Eh bien! M. le PRÉSIDENT, le projet qui se présentait le plus naturellement était le rejet de la confédération des provinces eng aises de ce continent. Les adversaires de cette mesure, qui l'ont opposée avec tant de zèle, de persévérance et de courage, n'en ayant jamais proposé d'autre, elle devait être la seule acceptable. Ce projet n'a pas en l'effet de m'effrayer comme quelques-uns des hon. députés qui ont parlé avant moi. Après l'avoir examiné attentivement, j'en suis venu à la conclusion qu'il était praticable, et qu'on devait l'adopter. Je sais bien ne le projet n'est pas parfait, car il n'y a rien de parfait dans ce bas-monde. On ne pouvait tout prendre pour le Bas-Canada et ne rien laisser au Haut-Canada et aux provinces maritimes. Il fallait nécessairement, et en justice, faire certaines concessions, puisque nous obtenions de grands avantages matériels et la conservation et la protection de nos intérêts les plus chers. Enfin, il 947 fallait faire ce qu'on appelle généralement un compromis, et ce compromis devra nous être favorable sous tous les rapports. Je ne dirai pas que je suis un homme religieux, mais je puis dire sans blesser les règles de la modestie, que j'aime et que je vénère ma religion autant que qui que ce soit en cette chambre. Aussi, avant de former mon opinion sur le projet qui nous est soumis, et avant de venir voter dans cette chambre en faveur de ce même projet, je n'ai pas manqué de consulter nos prêtres. J'ai toujours censuré la conduite des prêtres qui venaient se mêler d'élection et de politique, en faisant le métier de cabaleurs et de partisans entrés, et qui, au lieu de chercher, dans la chaire de vérité, à calmer les animosités de parti, et à aider le peuple à faire un choix honnête, libre, indépendant et judicieux, faisaient en quelque sorte de cette même chaire de vérité une tribune politique, d'où ils émettaient leurs principes que nous pourrions appeler séditieux. J'ai toujours condamné une pareille conduite. J'aime à reconnaître aux membres du clergé leurs attributs, et aujourd'hui qu'il s'agit non pas de l'élection d'un dé uté du peu le, mais bien de changer de fond en comble notre constitution, je crois que ces hommes doivent être considérés comme des citoyens, et avoir l'exercice plein et entier de tous les dons et privilèges dont jouissent ces derniers, et que comme tels ils ont le même droit que nous d'examiner la nouvelle constitution qu'on veut nous donner et de se prononcer sur ses mérites ou ses démérites. Confiant dans le jugement et les lumières de quelques-uns de ces hommes, j'ai donc cru devoir aller les consulter. Je me suis adressé à deux membres du clergé du district des Trois-Rivières,—hommes d'une grande érudition, et éminemment qualifiés a me donner une opinion sur le projet de confédération; hommes parfaitement dégagés de tout esprit de parti, n'ayant aucun intérêt politique ou aucune ambition personnelle a faire passer avant les intérêts du pays, et dont l'opinion était garantie par une vie d'études et de travail constamment employée au bonheur et à la prospérité de leurs compatriotes et du pays, et à la protection de nos institutions religieuses. (Ecoutez! écoutez!) Je n'ai pas besoin de nommer ces deux vénérables prêtres, que tout le pays connait comme deux des membres les plus distingués de notre clergé canadien et deux des Canadiens les plus éminents. Eh bien M. le PRÉSIDENT,' j'ai donc consulté ces deux hommes et tous deux se sont accordés à me répondre qu'ils étaient en faveur de la confédération projetée des provinces britanniques anglaises de ce continent. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi appuyé sur ma propre conviction que la confédération était le meilleur moyen que nous ayons de sortir de la position excessivement difficile dans laquelle se trouve aujourd'hui le pays, et sur l'autorisation que j'ai reçue des membres du clergé—autorisation que je me plais à mentionner, parce que les adversaires du plan ministériel ont prétendu que tout le clergé du pays était opposé à la mesure, — ainsi appuyé, M. le PRÉSIDENT, je crois devoir et je n'éprouve aucune hésitation à enregistrer mon vote en faveur du principe et du projet de confédération. Il s'est produit dans le public certaines craintes relatives au projet en question; ces craintes, il va sans dire, ont été suscitées par les adversaires de la mesure, qui crient à en perdre haleine que la nationalité canadienne-française serait noyée par la confédération et que, dans vingt-cinq à trente ans d'ici, il ne resterait plus un seul Canadien-Français dans le Bas-Canada. Eh bien! M. le PRÉSIDENT, j'en appelle de ces mensonges aux hommes qui, en 1840, lors de l'Union des deux provinces, ont travaillé avec tant de aèle et d'énergie pour que le dépôt naturel de nos droits sociaux et religieux ne fût pas mis en danger; j'en appelle à ces hommes ui ont mis en œuvre toutes les ressources de leurs talents et de leur patriotisme pour empêcher cette Union; à ces hommes qui, animés d'une franchise pour le moins aussi grande que celle qui anime aujourd'hui les adversaires de la confédération, firent signer de nombreuses requêtes contre cette Union du Haut et du Bas-Canada; à ces hommes enfin qui avaient prédit que dans dix ans il ne resterait plus un seul Canadien-Français; je les traduis devant le tribunal de l'opinion publique et je leur demande: Messieurs, avez-vous prédit juste? La nationalité canadienne, qui devait être noyée par l'Union, qu'est-elle devenue? a-t-elle disparu comme vous le prédisiez? Voyea plutôt par vous- mêmes. Cette nation qui était vouée à l'anéantissement, elle a bâti Montréal, qui est la première ville commerciale des deux Canadas,— Montréal, dont le député de Richelieu (M. PERRAULT a fait un si pompeux éloge dans son discours de l'autre son,—— étendant aussi son éloge au pays en général, 948 dont il a vanté les immenses ressources et la prospérité croissante. C'est encore sous l'Union et grâce à l'Union que nous avons bâti le magnifique pont Victoria, qui est en ce moment unique au monde. Nous avons aussi construit ces immenses canaux, qui ont mérité une mention honorable de la bouche de l'hon. député de Richelieu, et tout le monde sait que cet hon. député est éminemment qualifié à prononcer un jugement sur cette matière, puisqu'il a pu voir et examiner les canaux qu'on construit en Europe. Aussi, nous pouvons dire que nos canaux sont infiniment supérieurs aux canaux européens, puisqu'il nous a assuré que pour quelques-uns de ces canaux, un gamin monté sur une petite embarcation pouvait toucher les murs de revêtement avec deux petites rames bien courtes. Je dois dire que je ne puis accepter l'interprétation que l'hon. député de Montcalm (M. Jos. DUFRESNE) a donnée à cette partie du discours de l'hon. député de Richelieu, où il dit qu'on trouvait dans l'épiscopat des hommes aussi instruits et aussi éminents que ceux qu'on rencontrait dans n'importe quels ministères. Voici comment j'ai interprété cette phrase de l'hon. député de Richelieu, et je ne crois pas me tromper en disant qu'elle tourne contre ceux qui, lors de l'Union des deux Canadas, faisaient tout en leur pouvoir pour l'empêcher. En 1840, ces hommes, ces bons et zélés patriotes, pour faire triompher leur cause, disaient au peuple que si l'Union se faisait, dans vingt-cinq ans il n'y aurait plus un seul Bas-Canadien-Français dans le Bas- Canada, et aujourd'hui l'hon. député de Richelieu vient leur donner un sanglant démenti, en disant qu'aujourd'hui l'épiscopat catholique romain compte des membres et par conséquent des Canadiens-Français aussi éminents sous le rapport des talents et des connaissances que le membre le plus distingué de notre monde politique, et que la religion est amplement protégée par la constitution actuelle qui devait, cependant, selon ces grands patriotes, nous engloutir et nous faire dispaître de ce continent.
M. DENIS—C'est trés vrai.
M. DE NIVERVILLE— J'offrirai un mot de consolation aux Canadiens-Français qui craignent d'être molestés dans le parlement fédéral, parce qu'ils s'y trouveront, disent-ils, dans une insignifiante minorité. Depuis que les nations ont compris leurs intérêts, il s'est établi un certain équilibre qu'elles doivent s'efforcer de maintenir: c'est la protection qu'offre l'union de deux faibles contre un plus fort qui cherche à agrandir son domaine. Cette loi d'équilibre se produit partout: chez les nations comme chez les individus; elle se manifeste aussi chez les animaux. Dans quel but les deux premières nations du monde, la France et l'Angleterre, se sont-elles unies pour s'opposer à la marche envahissante du plus puissant despote du nord, l'empereur de Russie? Quelle a été la raison de cette campagne de Crimée? Etait- ce pour la vaine gloire de dire que les soldats français montaient à l'assaut avec une impétuosité comparable à la foudre, que les soldats anglais essuyaient le feu de l'ennemi sans broncher et marchaient avec la froide lenteur d'un coin de fer dans les carrés ennemis, et que rien ne pouvait arréter leur marche? Pas le moins du monde! Ces deux puissances connaissaient parfaitement les qualités qui distinguaient leurs propres soldats et ils n'avaient nullement besoin de les éprouver pour s'en assurer. C'était simplement pour empêcher l'empereur de Russie d'étendre indéfiniment les frontières de ses Etats au détriment des peuples qui l'environnaient. Pourquoi l'empereur actuel des Français a-t-il été combattre son cousin l'empereur d'Allemagne? Exactement pour la même raison. J'irai plus loin, et je dirai, pourquoi la brute qui paît dans un pré chasse-t-elle le premier animal étranger qui y vient? C'est par pur instinct de conservation. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! M. le PRÉSIDENT, puisque cet instinct de conservation existe ainsi chez toutes les créatures du globe, pourquoi ne se produirait-il pas dans les différentes provinces de la confédération? Si jamais le Haut-Canada voulait être injuste envers le Bas-Canada et les provinces d'en-bas, naturellement et instinctivement ils formeraient une alliance pour s'opposer aux empiétements ou aux injustices du Haut-Canada. Ainsi, je suis convaincu que, sous ce rapport, nous n'avons rien à craindre. Comme Canadien-Français, je dois parler de ce qui nous touche de plus près: notre religion, notre langue, nos institutions et nos lois. Eh bien! Par rappo àrt notre langue, je demande s'il y a 1e moindre danger que nous la perdions dans la confédération? Loin d'être en danger, je crois qu'elle fleurira davantage sous le nouveau régime, puisqu'on pourra le parler et s'en servir non seulement dans les parlements fédéraux et dans les législatures locales, mais aussi dans les tribunaux suprémes qui seront plus tard institués 949 dans ce pays. Je dis qu'alors, c'est—t—dire lors de la confidération, nous aurons l'exercice plus entier de notre langue, car quelle liberté de langage avons-nous ajourd'hui dans cette enceinte? Cette liberté, que les libéraux ont fait sonner si haut, et a laquelle on ne peut toucher sans la détruire, comment l'avons-nous ici? Est-ce qu'elle nous est donnée dans toute l'acception du mot et de l'idée? Pas le moins du monde, M. le PRESIDENT nous l'avons comme le supplice de Tantale, qui était altéré et ne pouvait pas boire, quoiqu'il eût de l'eau jusqu'à la bouche, cette eau disparaissent aussitôt qu'il touchait. (Ecoutez! écoutez!) En effet, quel e espèce de liberté avons-nous, nous qui ne comprenons pas la langue anglaise? Nous avons la liberté de nous taire, d'écouter et de chercher a comprendre! (Ecoutez! écoutez! et rires prolongés.) Sous la confédération, les Haut-Canadiens parleront leur langue et les Bas-Canadiens parleront la leur, absolument comme aujour 'hui; seulement, celui qui comptera une grande majorité de ses compatriotes dans la chambre, aura plus d'espoir d'y entendre parler sa langue, et, comme ils font aujourd'hui, les députés parleront la langue de la—majorité. Je ne veux pas faire de re roche aux hou. députés qui ont parlé en ang ais sur la question qui nous est soumise et qui nous ont ainsi privé du plaisir de les comprendre et de jouir par conséquent de leur éloquence et de leur logique. Ce qu'ils ont fait dans cette occasion est un simple acte de justice que nous devons à la majorité de cette chambre et que les Canadiens-Français ont toujours aimé a leur rendre. Mais si nous faisons comme la plupart des Canadiens- Français dans les temps passés, nous ne conserverons pas longtemps notre langue. Ainsi, on voit très souvent, dans les villes et même dans les campagnes, des Canadiens qui, du moment qu'ils ont pu attraper deux mots d'anglais, s'en vont tout ravis les répéter à leurs voisins. L'émigration aux Etats-Unis,— qui cessera son la confédération, car nous aurons l'administration de nos terres publiques,—a été la principale cause de cette manie stupide qui s'est emparé de ceux qui ont vécu quelque temps chez nos voisins et qui nous reviennent ensuite. Pour vous donner une idée de cette deplorable manie, je vais vous enter un trait ont j'ai été moi-méme l'un des acteurs. Il n'y a pas encore deux mois, j'étais à l'ambarcedère de l'embranchement du chemin de fer de Trois-Rivières à Arthabaska, quand deux jeunes gens habillés à l'américaine arrivèrent à l'hôtel où j'étais. Le premier on entrant cria à haute voix: Where is the hostler? Le garçon, qui était un gros Canadien, entra sur ces entreihites et, en l'apercevant, lui dit: " Tiens! c'est toi, Joe?" Il va sans dire que notre faux Américain resta tout penaud et ne sut pas de suite quoi répondre. Voyant son embarras et ne désirant pas prolonger une scène qui, malgré son côté comique, nous inspirait de la pitié pour celui qui en était la victime, j'interpellai le garçon d'écurie et lui dis: " Allez dételer les chevaux de ces messieurs; ne voyez-vous pas que ce sont deux Américains, et qu'ils n'entendent rien à ce que vous leur dites? " Eh bien! M. le PRESIDENT, de pareilles scènes n'arrivent pas qu'une seule fois par année, mais, pour quiconque a un peu l'habitude de voyager, elles se renouvellent pour ainsi dire tous les jours. Ainsi donc, si nous ne voulons pas permettre que notre belle langue perde de son influence, il faut travailler avec énergie à empêcher nos Canadiens d'affecter de parler l'anglais quand ils n'en savent même pas le renier mot; sinon, mettons—nous à pas le l'anglais et laissons-là notre langue. Je n'ai aucune crainte pour notre religion. L'expérience du passé est une garantie pour l'avenir. Nous ne sommes plus au temps où le paradis était offert à ceux qui ma traitaient une personne d'une croyance religieuse différente de la sienne. Nous ne sommes plus au temps où les guerres et les difficultés entre peuples n'avaient pour principe que les haines religieuses. Aujourd'hui, le monde est trop civiliaé pour renouveler les scènes qui se déroulaient alors. Chacun est libre de pratiquer sa religion comme bon lui semble, et cette tolérance est surtout remarquable cher la nation anglaise. Il est vrai qu'il se trouve des fanatiques tant parmi la population anglaise ue parmi la population française, et mal eureusement nous avons entendu ici dans une même soirée deux de ces hommes, l'un catholique et l'autre protestant. Le premier criait bien haut que la confédération porterait un coup morte à la religion catholique, et l'autre criait non moins haut que cette mesure était la ruine de la religion protestante. J'avoue, M. le PRESIDENT, que je ne suis point de ceux qui craignent et qui se défient de la domination anglaise. Aussi longtemps que nous vivrons sous la domination de la lire Angleterre, je n'ai pas le moindre doute que 950 notre langue sera parfaitement protégée, et que dans 50 ans, les bons catholiques pourront pratiquer leur religion avec la même liberté, la même confiance et la même piété qu'ils le font aujourd'hui, et que les impies ne seront pas forcés d'être plus religieux qu'ils ne le sont aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Bagot nous a dit qu'il y avait en Angleterre un grand nombre de catholiques et qu'ils étaient parfaitement libres de pratiquer leur religion comme bon leur semblait, mais qu'ils n'étaient pas représentés dans le parlement anglais. Loin d'être une preuve de l'intolérance des Anglais, c'en est plutôt une de leur tolérance, puisque malgré qu'ils soient en mesure d'opprimer les catholiques, ils les laissent parfaitement libres de se livrer à tous leurs exercices de piété. Je le répète, M. le PRÉSIDENT, il y a des fanatiques dans toutes les religions, mais heureusement pour l'humanité, ces hommes forment le petit nombre, et les gens de bon sensles méprisent. (Ecoutez! écoutez!) Nos institutions nous sont assurées par les traités avec la Grande-Bretagne, et nos lois par les articles de la confédération. Qu'a-t-on à craindre de coërcition, de gêne et d'opposition de la part de la mère- patrie, quand le sujet anglais est reconnu comme le sujet le plus libre du monde dans l'exercice de ses droits de citoyen, droits qu'il exerce avec autant de liberté de parole et d'action que de sûreté partout où il est appelé à faire valoir ses droits, à les maintenir et à les protéger? Je dis partout, car le peuple anglais peut avec autant de liberté de langage que de confiance exprimer ses griefs devant tous les tribunaux et toutes les autorités, depuis la plus inférieure jusqu'a la plus élevée, qu'il peut le faire dans le sein de sa famille ou au milieu d'un cercle d'intimes amis. D'ailleurs, il est un moyen infaillible et basé sur les lois de la nature de conserver pures chez le peuple Canadien-Français, sa langue, sa religion, ses institutions et ses lois, et ce moyen est le même chez tous les peuples: je veux parler de l'éducation, de cette éducation que nous recevons de l'auteur de nos jours pendant notre enfance et ui nous est donnée ensuite dans nos écoles élémentaires et dans nos séminaires, de cette éducation chrétienne, morale et religieuse que nous recevons dans notre jeunesse avec tant de soins, de sagesse et de sollicitude par les maîtres et précepteurs dans nos collèges, de cette éducation pratique que nous acquérons par le commerce et les relations avec les hommes d'affaires. Cette éducation, M. le PRÉSIDENT, elle est l'élément qui fait les peuples prospères, riches et grands, les élève et les maintient à. la hauteur où elle les a élevés et placés; cette éducation ne s'efface jamais de l'esprit de ceux qui l'ont reçue, elle reste fixée dans leur mémoire comme le signe que l'on fait sur l'écorce du jeune arbre se trouve gravé dans son cœur lorsque, nombre d'années après, il tombe sous la cognée du bûcheron. Comme représentant de la ville de Trois-Rivières, je veux dire un mot des avantages que la confédération conférera au district de ce nom. Tout le monde sait que ce district possède des terrains immenses non encore livrés à l'exploitation, des forêts magnifiques de bois de toutes espèces, et des mines d'une valeur incalculable. Trois-Rivières, sans contredit, fournit le meilleur fer du pays,—cela a été prouvé a la grande exposition de Londres, où les premières médail es ont été décernées à la compagnie des forges de Radnor pour les meilleurs roues en fer, pour la durée, l'élégance et la qualité. Le Saint-Maurice a été grandement négligé par les diverses administrations qui, pendant les dix dernières années, ont tour à tour monté au pouvoir, malgré que nous eussions droit à un cctrci comme compensation des $30 ou $40,000 de revenus ne le Saint-Maurice fournissait au trésor public. Le district de Trois-Rivières n'est cependant pas en arrière des autres districts du pays tant sous le rapport industriel que sous le rapport de l'énergie et de l'esprit d'entreprise de ses habitants. Le chemin de fer d'Arthabaska, qu'on disait ne pas devoir payer ses dépenses, rapporte aujourd'hui plus que n'importe quelle autre partie du chemin de fer Grand Tronc. Nous avons besoin de chemins de colonisation, il nous faut des voies ferrées, et je suis persuadé que sous la confédération, alors que nous aurons l'administration de nos propres deniers, sans consulter le Haut- Canada, nous construirons des voies terrées partout où les besoins du commerce et de l'industrie se feront sentir, et nous pourrons offrir à la colonisation des voies et des chemins aisés et faciles, et le district des Trois-Rivières, comme les autres districts du pays, en retirera de précieux avantages (Ecoutez! écoutez!) Nous avons un exemple de la rapidité d'accroissement que prendrait la colonisation dans le district des Trois- Rivières si elle était encouragée; cet exemple se rencontre dans les paroisses de Saint 951 Maurice, de Saint-Etienne, de Sainte-Flore, de Shawinigane. Il y a à peine vingt cinq ans la paroisse de Saint-Maurice n'était qu'une forêt, et aujourd'hui elle est une grande, belle et riche paroisse, dont le district des Trois-Rivières eut et doit être orgueilleux, et compte au-delà de cinq cents voteurs avec la paroisse de Mont-Carmel, qui en est un démembrement. Le grand commerce de bois qui se fait dans les vallées du Saint- Maurice et qui emploie des milliers de travailleurs, ce grand commerce qui joue un rôle important dans les grandes affaires du pays et qui exporte pour des sommes consiérables des bois tirés des vastes territoires, si je puis m'aprimer ainsi, qui appartiennent au district des Trois-Rivières, et ces vastes terres qui n'attendent que la colonisation, ces mines de fer si riches et si connues, ces mines de toutes sortes qui sont encore cachées dans les montagnes des vallées du Saint-Maurice, ces richesses de toutes espèces que l'on y rencontre n'ont besoin que d'être exploitées pour faire du district et de la cité de Trois-Rivières une partie importante du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!) On a accusé les ministres du Canada d'avoir voulu la confédération pour rester au pouvoir et se grandir. On a accusé l'hon. procureur-général du Bas-Canada d'avoir proposé cette mesure dans le simple but de devenir lieutenant-gouverneur du Bas-Canada. Eh bienl M. le PRESIDENT, j'ai l'intime conviction que cet hon. ministre a trop d'énergie, aime trop le travail pour vouloir et pouvoir accepter une place qui ne lui en donnerait pas. (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, je suis prêt à laisser à l'opposition ce qui pourrait m'écheoir sous forme de places ou de dignités lorsque nous serons confédérés. Je repousse l'idée que les ministres canadiens se soient laissés influencer par des motifs d'un mesquin intérêt personnel lorsqu'ils se sont mis à l'œuvre pour trouver un moyen capable de nous sortir de la position difficile où nous nous trouvions. Ils n'ont eu en vue que l'intérêt de la nation, et ils n'ont jamais eu la pensée, comme on l'a dit, de livrer le pays et ses institutions à la ruine et à l'anéantissement. En terminant, M. le PRESIDENT, je déclare donc que je suis en faveur de la confédération et contre l'appel au peuple, parce que je le crois parfaitement inutile. En effet, un hon. député, qui a parlé hier dans cette enceinte, nous a dit que le clergé était incapable de juger le projet de confédéra tion. Eh bien! je vous le demande, si le clergé n'est pas en état de juger une pareille question, comment le peuple, qui n'a pas d'éducation, pourra-til le faire? Comment pourra-t-il jamais en comprendre et l'ensemble et les détails et constater si elle lui est avantageuse ou non? Je répète donc ne je suis en faveur du projet sous considération, d'abord parce que, quand je me suis présenté à mes commettents, je me suis prononcé en faveur de la mesure, et, en second lieu, parce que je le crois nécessaire et indispensable, et de nature à promouvoir les intérêts du pays en général et ceux du Bas-Canada et du district des Trois-Rivières en particulier. (Applaudissements.)
M. GAGNON.—M. l'ORATEUR:— Le projet de confédération des provinces, maintenant devant cette chambre, est d'un trop grand intérêt pour être accepté en silence. Si je me lève en ce moment pour prendre la parole, ce n'est que pour faire connaître quelques-unes des raisons de mon opinion sur ce sujet, et comme je n'ai pas l'habitude de faire des discours, je demande l'indulgence de cette chambre dans l'opinion des membres de l'autre côté de cette chambre, le pays doit retirer de grands avantages de cette union; mais ces avantages reposent sur les risques d'un avenir inconnu pour le plus grand nombre, et sont considérés par d'autres comme une spéculation hasardeuse et dangereuse, qui entraînera la ruine de notre crédit. Non seulement, M. l'ORATEUR, nous risquons nos capitaux qui seront perdus dans l'exécution de ce grand projet, non seulement nous ruinons par cette nouvelle union le crédit de notre pays, mais nous, Bas-Canadiens, nous risquons tout ce qui nous est cher, même notre nationalité, quand nous savons que nous n'avons rien à gagner dans ces changements. Et pour engager le Bas- Canada a accepter ce projet, on nous promet un chemin de fer pour ouvrir notre commerce avec les provinces maritimes, et l'on voudrait nous laisser croire que le grand commerce qui s'opèrera par cette grande voie de communication, sera un bienfait considérable pour nous; mais ceux qui veulent réfléchir peuvent juger le contraire sans danger de se tromper, car ces provinces n'ont rien à échanger avec nous. Nous avons les mêmes produits et plus en abondance qu'aucune d'elles; elles n'ont que le charbon que nous n'avons pas, mais que l'on ne transporte pas sur des chemins de fer. Ce chemin, en conséquence, nous entraînera à dépenser des 952 sommes énormes pour sa construction, et après cela il nous coûtera encore beaucoup pour son entretien, ses réparations et le roulage, et ne pourra, après tout cela, être employé qu'à remplacer quelques centaines de goëlettes qui transportent nos produits tous les ans aux provinces du golfe. C'est payer un peu cher pour détruire complètement notre petite navigation intérieure, qui a pourtant besoin d'être protégée. Les dépenses qu'entrainera la confection de ce chemin, sagement appliquées a l'ouverture de chemins de colonisation, à l'amélioration des ponts et routes, et au défrichement des terres publiques, seraient beaucoup plus avantageuses au peuple de cette province, qui y trouverait assez de contentement et de bonheur pour se passer de la confédération, qui ne guérira pas nos maux politiques. Un peu plus de bonne volonté et un peu plus de calme, et le cri de la représentation basée sur la population se serait effacé entièrement, et notre pays aurait pu continuer avec l'union actuelle, qui est moins dangereuse et moins coûteuse que celle proposée par le gouvernement. J'aurais d'autres observations à faire, M. l'ORATEUR, mais je suis obligé de les remettre, attendu que les hon. membres de cette chambre doivent être bien fatigués par leurs longues veilles et l'heure avancée de la nuit. (Applaudissements.)
L'HON. M. HUNTINGTON—M. l'ORATEUR:—Il n'entre pas dans mes intentions d'entretenir longuement la chambre; mais, en ma qualité de député, je ne crois pas devoir voter sur cette question sans en dire au moins quelques mots. Sans vouloir aucunement blesser les messieurs de la droite, il me semble que si le désir de s'exprimer sur la mesure est aussi grand qu'il le paraît ce soir des deux côtés, et que cette liberté soit restreinte, la faute ne doit pas en être imputée à ce côté-ci de la chambre. (Ecoutez! écoutez!) A cette heure avancée, et comme je viens de le dire, je ne me propose pas de parler longuement. Il est des faits très- importants qui se présentent à moi d'eux- mêmes, mais qui n'ont pas encore trouvé leur place dans ces débats, et si l'occasion s'en présente, je dirai ma pensée à leur égard. En attendant, je ne puis m'empêcher d'observer que dans un sens je considère à propos la démarche que le gouvernement a, l'autre soir, annoncé devoir prendre auprès du cabinet impérial. Si je me le rappelle bien, il a été dit qu'une députation serait envoyée en Angleterre à l'effet de s'entendre avec le gouvernement impérial au sujet des défenses de ce pays, et de la part de dépense que les deux pays devront faire pour elles. Or, sans vouloir soulever de discussion sur ce point, je ne puis m'empêcher de dire qu'i eut été mieux que cet arrangement fut arrêté avant l'adoption du projet par la convention, car il eut servi de préliminaires à l'union projetée, et la convention eut pu prendre sur elle de convenir avec le gouvernement impérial de la part de dépense dont chacun des deux pays ont été chargé. Rappelons-nous que cette question nous a été représentée comme le seul moyen de mettre le Canada en mesure de repousser toute agression de la part de nos voisins, et qu'en adoptant ce projet, nous agirions passablement à l'aventure. Cependant, on nous demande de l'adopter, bien qu'en même temps l'on sache que le résultat devra amener un changement quant à la part de dépense que notre pays sera appelé à faire pour ces travaux de défense. Si l'Angleterre, a-t-on dit, est disposée à contribuer à nos travaux de défense, c'est que le Canada a manifesté la même disposition. Eh bien! supposons qu'à. l'avenir on ne voulût pas se charger de cette part de défense que l'Angleterre considérerait juste, quelle conséquence cela aurait-il? Nous pourrions nous trouver exactement dans la même position qu'aujourd'hui. L'Angleterre pourrait retirer ses troupes et refuser de faire pour nous aucuns travaux de défense si nous ne voulions pas entreprendre plus que ce que le peuple de ce pays se croirait capable de faire, et voilà pourquoi je suis d'opinion que s'il était à propos de soumettre cette question fédérale au peuple, la prèmiere et indispensable démarche que l'on aurait dû faire était de s'entendre avec le gouvernement impérial sur les termes et conditions relatives aux travaux de fortification qu'il va falloir entreprendre si nous devons entrer dans cette nouvelle existence politique. Voilà le motif qui fait que je ne trouverai pas regrettable—je juge d'après ce qui s'est récemment passé au Nouveau-Brunswick, et d'après les opinions exprimées par des hommes publics des autres colonies—que la réalisation du projet soit ajournée; et je n'éprouve pas non plus de peine de ce que par cet acts des provinces inférieures le gouvernement soit forcé de se consulter avec les autorités impériales et d'arrêter avec elles la part des dépenses que nous aurons à assumer pour les défenses du pays. (Ecoutez!) Nous pouvons considérer presque comme un 953 fait providentiei les derniers événements ui se sont passés dans les provinces inférieures, et qui nous forcent maintenant à prendre cette démarche, car, je dois le dire, jusqu'ici le gouvernement a paru vouloir tenir le peuple dans l'ignorance sur ce sujet; mais j'espère que, lorsque ces négociations auront en lieu avec le gouvernement impérial, nous saurons précisément ce ue le ministère a fait et ce qu il est convenu de faire, et que la chambre et le pays seront renseignés sur le montant exact de la art de dépense que nous aurons à faire. (Ecoutez! écoutez!) Si je fais ces observations, M. l'ORATEUR c'est parce que cette question me paraît très importante et que je crois qu'il sera indispensable, dans les discussions qui auront lieu sur ce sujet, que les renseignements les plus complets soient communiqués à la chambre. (Ecoutez! écoutez!) Il est un autre point qui s'offre de lui-même et sur lequel on me permettra peut-être de dire un mot. Par ce que je vais dire, je ne veux blesser aucun hon. membre, mais comme Canadien et sujet Anglais, je ne puis que protester contre l'esprit d'acrimonie ni a caractérisé les discours des députés qui sont en faveur du projet Je regrette, M. l'ORA TEUR, que dans une législature anglaise, où il est proposé d'établir une grande constitution monarchique pour ce continent, une constitution modelée sur celle d'Angleterre, je regrette, dis-je, que quelques hon. membres aient jugé nécessaire de taxer d'intention séditieuse et déloyale, ceux qui ne partagent pas les mêmes vues qu'eux à l'égard du projet. (Ecoutez! écoutez!) Bien que je n'aie pas parlé de loyauté et d'attachement ont la couronne et la constitution d'Angleterre, avec autant d'ostentation que que ques hon. députés, je crois sincèrement pouvoir dire que personne plus ne moi n'affctionne le système constitutionnel anglais; que nul plus ne moi ne désire voir introduire ici ce système, et que nul plus que moi ne croit fermement qu'il donnerait au peuple de ces colonies cette grandeur, cette prospérité et cette liberté qui ont distingué le peuple dont nous descendons. (Ecoutez! écoutez!) Mais si on trouve assez d'importance à ces débats pour leur donner une place dans les annales de ce pays, pour qu'ils aillent à la postérité comme l'expression sérieuse de nos hommes publics, je crois qu'il y a lieu de regretter que des hon. messieurs de la droite,—vu le grand patriotisme dont ils ont fait parade, et qui, ont-ils dit, les forçait à mettre de côté tout esprit de parti et toute animosité personnelle, en considération du principe dont ils se font les défenseurs désintéressés—n'aient pas cru devoir discuter cette question en hommes d'état, plutôt que de traiter d'inflâmes de traitres et de rebelles ceux dont l'opinion diffère de la leur. (Ecoutez! écoutez!) Je pense que le peuple de ce pays,—les conservateurs comme les réformistes, — verra cela avec peine; et s'il est une chose plus qu'une autre qui indique que la présente, comme les coalitions passées, va être à l'avantage du parti conservateur, mais au désavantage de celui de la réforme; s'il est une chose plus qu'une autre qui me fait craindre que les membres réformistes du gouvernement, pour lesquels j'ai de fortes sympathies personnelles et politiques, seront évincés par leurs collègues conservateurs, c'est ce cri d'annexion jeté comme épouvantail par les hon. membres de la gauche. Dr, M. l'ORATEUR il y a à peine quelques mois que le grand parti constitutionnel a été organisé en ce pays, et au baptême duquel on a apporté une pompe et fait une dépense d'éloquence comme n'en avait jamais vu ailleurs la naissance d'aucun parti. Les chefs de ce grand parti constitutionnel nous ont dit n'en cette contrée, la constitution anglaise devait étre défendue; que le peuple était divisé en deux partis, — le parti de l'annexion et le parti constitutionnel, — que les réformistes composaient le premier, tandis que les conservateurs, eux, désiraient le maintien de notre alliance avec l'Angleterre. Mon hon. ami, le député de Lambton, fut le premier attaqué, et on lui reprocha que lui et ceux auxquels il était politiquement lié voulaient l'annexion; qu il avait été infidèle à son allégeance; qu'il portait sur sa figure le signe démocratique, et, l'été dernier, tout le parti réformiste fut accusé par les chefs conservateurs d'être composé d'annexionnistes, qui voulaient renverser les institutions anglaises de ce pays. Eh bien! M. l'ORATEUR que voyons-nous maintenant? Ne voyons-nous pas que ces mêmes accusations ont été portées contre la minorité de cette chambre, contre les hon. amis qui m'entourent, par les chefs de ce grand parti constitutionnel, et cela tandis que l' hon. secrétaire-provincial, l'hon. maître- général des postes et l'hon. président du conseil,—pour lequels j'ai une bien grande sympathie politique,—restaient silencieux "penant que leurs anciens amis et collègues 954 souffraient les mêmes injures que leurs collègues d'à présent proféraient contre eux il y a quelques mois à peine? Les croient-ils maintenant fondées ces accusations, ou, comme l'été dernier, pensent-ils encore qu'elles sont à la fois fausses et injustes? Si elles étaient alors inconsidérées, est-il juste aujourd'hui que sans un mot de désavœu ils permettent que ces honteuses et folles imputations soient jetées à notre face? (Ecoutez! écoutez!) Est-ce libéral, est-ce juste, M. l'ORATEUR, qu'ils restent là tranquillement assis quand ils voient la poignée d'hommes composant la minorité, traités comme ils l'étaient eux- mémes, il y a six mois, d'annexionnistes et de démocrates? (Ecoutez! écoutez!) En entendant répéter ces accusations, je pensai qu'ils s'interposeraient; je pensai qu'ils auraient un peu pitié de nous, eu égard à d'anciennes associations; je pensai que le grand parti libéral du Haut-Canada viendrait un peu à la rescousse d'anciens collègues, et qu'il dirait aux auteurs de ces accusations: " Halte-là! ne terrasses pas trop ces hommes, nous les connaissons, nous avons marché ensemble. Ce ne sont ni des annexionuistes ni des rebelles, par conséquent, vos accusations contre eux sont injustes et iausses; " mais, au lieu de cela, M. l'ORATEUR, pendant tous les débats, ces membres du gouvernement ont écouté des accusations, qu'ils savaient fausses et calomnieuses, sans ouvrir une fois la bouche pour défendre leurs anciens amis. (Ecoutez! écoutez!) Si je rappelle ce fait, M. l'ORATEUR, c'est que je crains que ces messieurs qui, pendant longtemps, ont été les défenseurs de ce grand parti libéral qui nous a apporté le gouvernement responsable et tout ce qui est digne de subsister dans notre système politique actuel, soient évincés par la prépondérance du sentiment conservateur dans le gouvernement et ar l'influence de la politique conservatrice chez le peuple. Je sais que dans l'état actuel des affaires ils ne se sentent pas à leur aise; je sais comment doivent se trouver les McKELLAR, les MACKENZIE, qui ont été si longtemps la victime des railleries du parti conservateur, et d'autres qui ont longtemps lutté pour la réforme, et ce que j'appréhende, c'est que le levain conservateur soit à la veille de s'infiltrer dans tout le parti.
M. RYMAL—Excepté moi.
L'HON. M. HUNTINGTON—Dans l'habile discours qu'il a prononcé sur ce sujet, mon bon. ami s'est lui-même excepté, de sorte qu'il est inutile pour moi de le faire en ce moment. Je dis, M. l'ORATEUR, que pas plus tard qu'hier les journaux qui servent d'organes aux chefs du parti constitutionel de ce pays, nous ont tous dénoncés comme américains et annexionnistes, et j'avertis les hon. membres du parti libéral, qui restent tranquilles quand ces accusations se continuent contre la minorité, que ces mêmes outrages qu'ils ont subis l'été dernier, ils pourraient bien les subir encore, mais cette fois sans mériter la pitié. (Ecoutez! écoutez!) Je le répète, M. l'ORATEUR, depuis que cette coalition est formée, rien ne m'a convaincu que les conservateurs avaient la part la plus avantageuse du marché comme de voir ces hon. messieurs rester cois quand ils ont vu lancer à leurs anciens alliés l'outrage auquel ils ont été en butte pendant des années, si bien qu'on ne sait plus s'ils appartiennent encore au parti réformiste. Après ces observations, et en me réservant le droit de parler plus au long sur le projet, que j'aimerais à discuter pleinement si on nous permettait de prendre le temps nécessaire, il ne me reste plus qu'à dire que le collège électoral dont je suis le député, ne veut pas que je vote pour cette mesure; l'assertion que je fais la est véridique, les devoirs de ma profession ayant fait que je me suis souvent rencontré avec mes électeurs, qui ont pu ainsi me faire connaître leur opinion. Dans les Townships de l'Est, Français comme Anglais sont fortement opposés à cette mesure. J 'ai en plus d'occasions que bien des hon. messieurs de connaître les vues de mes commettents, et je suis revenu à cette chambre plus que jamais convaincu que les townships de l'Est, et surtout le comté que je représente ...
M. POPE—Ecoutez! écoutez!
L'HON. M. HUNTINGTON—L'hon. M. se plait à m'interrompre, mais je pense ne je puis bien parler au nom d'un grand nombre de pétitionnaires du comté de Compton. (Ecoutez! écoutez!) Dans le comté que je représente, disais-je, une forte majorité est adverse à ce projet. Sachant qu'il n'y a personne ici qui doit parler pour les townships de l'Est, où je sais que les masses sont contre le projet, j'ai cru devoir dire un mot pour faire connaître l'opinion qui existe là (Ecoutez! écoutez!) Je n'ai aucun doute que le parti conservateur compte beaucoup d'alhérents dans ces cantons; je ne doute pas non plus que les partisans de l'hon. 955 député de Sherbrooke sont aussi d'accord avec lui nant au projet; mais je parle pour le parti libéral de ces townships, dont j'ai eu une excellente occasion de connaitre les vues sur cette mesure. Je ne dis pas que l'hon. député de Compton n'est pas soutenu par ce parti dans la position qu'il a prise, mais j'affiirme qu'en général les habitants de ces cantons, qui appartiennent au parti libéral, sont opposés au projet par rapport à la manière dont on l'a présenté au peuple. Je n'ai pas été peu surpris d'une observation faite par mon hou. ami, le député de Richmond et Wolfe (M. WEBB). Je connais la sincérité de ce monsieur, et naturellement j'ai du être étonné de la position qu'il à prise. Tout en paraissant admettre l'impopularité générale du projet dans les townships, il a déclaré qu'il voterait pour tout de même, en se réservant le droit de faire ses objections aux détails; or, une fois la mesure adoptée dans son entier, il n'est guère probable que l'hon. monsieur aura jamais l'occasion de se prononcer sur les détails.
M. WEBB—Les résolutions ne sont pas encore adoptées, ni ici, ni par les provinces.
L'HON. M. HUNTINGTON—C'est vrai, mais j'en parle comme si elles l'étaient. D'ici à quelque temps, cela ne fait rien qu'elles soient ou non adoptées par les autres provinces. En ce qui regarde le Canada, elles seront passées avant que la séance ne soit levée, et alors nous n'aurons lus d'occasion de nous occuper de ses détails. Mais supposons que plus tard occasion nous soit donnée de voter sur ces détails, dans quelle position se trouverait mon hon. ami e Richmond et Wolfe, ou mon hon. ami de Wellington Nord (le Dr. PARKER); comment pourront-ils sensément proposer des amendements à des résolutions pour lesquelles ils auront déjà voté? Les hon. messieurs de la droite ne s'empresseraient-ils de leur rappele; qu'ils ont avalé l'appât, l'hameçon et la ligne, tout, compris le flotteur et le plomb. (Hilarité.) Ils disent qu'ils s'opposeront plus tard aux détails, mais si ces deniers sont aussi défectueux qu'ils le croient et le disent, pourquoi ne pas s'y opposer maintenent? L'hon. député de Grenville Sud (M. SHANLY) a dit que nous devrons adopter le projet dans son ensemble, —peu importe que les détails soient peu ou beaucoup vioieux—et laisser à la législature fédérale le soin d'y remédier; mais je crois que le Canada sait à quoi s'en tenir sur cette manière de faire les choses. Çes détails deviendront autant de droits acquis, et les provinces qui les trouveront pour elles avantageux tiendront à ce qu'ils restent comme ils sont. (Ecouter! écoutes!) Je n'ai pas le temps, M. l'ORATEUR, de démontrer combien sont susceptibles d'objections beaucoup de ces détails, mais je n'en déclare pas moins qu'il est on ne peut plus absurde, on ne peut plus illogique, de nous demander d'accepter le projet dans son ensemble et de laisser à plus tard le perfectionnement de ses détails. En 1841, lorsque l'union de ces provinces eut lieu, la discussion qui s'éleva a son sujet dans les chambres du parlement anglais, démontre que les auteurs de l'acte d'union s'attendaient a ce que toute difficulté dont elle serait la source pourrait être régles par le parlement uni du Canada. que des questions, comme celle de la représentation 'après le nombre, pourraient être abordées en aucun temps; eh bien! qu'est-il arrivé? Chacun le sait, le Bas-Canada a réclamé l'égalité de représentation comme un droit acquis, et il maintint fermement sa position sur ce point; mais il n'existait aucun moyen de réparer cette injustice. Une grande lutte commença dès lors, et les difficultés devinrent si nombreuses qu'il fallut bien admettre, disent les hon. messieurs de la droite, que notre constitution était une affaire manquée. Or, l'expérience devrait nous apprendre que c'est d'une mauvaise politique de laisser délibérément des erreurs dans notre constitution et de remettre à plus tard pour y remédier. Si vous parles d'une union de toute l'Amérique Britannique, personne ne s'y oppose. Tout le monde est en faveur d'une union, pourvu que les détails en soient satisfaisants; mais vouloir qu'elle soit adeptée avec des détails reconnus défectueux et remettre a plus tard pour les rendre ce qu'ils doivent être au début, cela me rappelle  un fait qu'un ami racontait hier. Un cocher allait conduire un de mes amis avec ses malles à la station du chemin de fer, quand cet ami s'aperçut qu'un des traits de l'attelage n'était rien moins qu'un bout de corde. " Ah! ça," dit mon ami, " vous n'allez pas me faire faire 20 milles dans le forêt avec cette cordelà — " Oh! soyez tranquille," répond le cocher, " j'ai d'autres bouts de corde dans ma poche, et si celui-là manque, je pourrai le remplacer en route." C'est absolument ce que font les bon. ministres: ils veulent que nous adoptions cette mesure rachitique sur l'assurance qu'ils ont des bouts de corde plein lem— 956 poche avec lesquels ils comptent obvier à tout. (On rit) Mais, M. l'ORATEUR, ils trouveront qu'il n'est pas peu difficile de les employer ces bouts de corde. Il verront qu'il sera presque impossible de faire disparaitre des droits acquis sous n'importe quel système. Des faits liés à la mesure, mais que je ne puis discuter maintenant, la rendent inacceptable dans sa forme actuelle, et c'est aussi l'opinion générale de mes commettents. (Ecoutez! écoutez!) D'abord une mesure comme celle-là, qui remplace notre constitution par une autre qui est inconnue au pavillon anglais, ne dovrait pas être adoptée avant d'avoir été soumise au peuple; secondement, la multitude des détails qu'elle embrasse devraient être étudiés et discutés avec calme, afin de les amender, s'il y a lieu, avant de les incorporer dans notre constitution. Je ne dis pas que ce soit là la volonté du parti conservateur dans mon comté, ni de celui des townships de l'Est; mais je dis que dans ce parti même on craint beaucoup que de graves difficultés ne résultent de ce mélange confus qui est soumis à notre adoption, et qu'on ne nous laisse pas même discuter et même moins amender. Beaucoup de ce parti n'hésiteraient pas à se prononcer en ce sens. Durant mon absence pendant cette session, je n'ai pas rencontré un seul homme, conservateur ou réformiste, qui ne m'ait pas dit que le premier devoir du gouvernement était de consulter le peuple et de s'assurer s'il désirait ou non le chan ement projeté. (Ecoutez! écoutez!) Voulant, M. l' ORATEUR ne pas abuser de l'attention de la chambre à cette heure avancée de la nuit,— ou plutôt du matin, car il passe maintenant trois heures, — je termine en disant que, comme député fidèle, je me fais un devoir d'inscrire mon vote contre ces résolutions. (Applaudissements.)
M. COWAN—M. l'ORATEUR:—L'hon. député de Shefford dit: que lui et ses amis ont sympathisé avec les réformistes du Haut- Canada lorsqu'ils étaient traités de rebelles et accusés de déloyauté, et nous reproche de n'avoir pas pour lui et ses amis la méme charité maintenant qu'ils sont victimes de cette même accusation. Je sais, M. l'ORATEUR, que les réformistes du Haut-Canada ont souvent été traités de rebelles; mais ce dont je suis également certain, c'est que jamais ils n'ont souffert de cette fausse accusation. Certains de leur fidélité à la reine et au pays, toujours ils ont ou un souverain mépris pour ces folles et injustes imputations contre leur loyauté, et je conseils à l'hon. député de Shefford d'en faire autant. Si lui et ses amis sont réellement de loyaux sujets—et de ce je ne doute nullement—au lieu de leur nuire, ces imputations retomberont sur ceux qui les ont proférées.
M. T. R. FERGUSON—M. l'ORATEUR: Connaissant le désir des ministres, et de la grande majorité de cette chambre, que la discussion ne se prolonge pas inutilement afin que la question devant nous soit immédiatement décidée, je me permettrai de dire que ce n'est pas par goût mais par nécessité, que ce n'est pas par plaisir mais par un profond sentiment de devoir, que je prends la parole en cette occasion, vu surtout qu'on a tant parlé et que la soirée est maintenant si avancée Or, comme j'ai gardé le silence pendant tout le cours es débats, j'espère que la chambre me permettra d'exprimer mes vues en peu de mots sur cette importante question, afin de motiver le vote que je vais donner. Je dois dire, M. l'ORATEUR, que ma position est différente de celle de bien des hon. membres qui ont soumis à leurs commettents les résolutions qui composent le projet de fédération, qui ont convoqué des assemblées publiques a cette fin et qui ont reçu de leurs électeurs des instructions positives quant au vote qu'ils doivent donner. La circulaire que j'ai reçue du gouvernement portait en tête le mot " personnelle," de sorte que je n'ai pris aucune mesure pour connaître l'opinion publique à son sujet. Je me trouve, il me fait peine de le dire, sans un mot d'avis sur la manière dont je dois agir à l'égard de cette mesure. Je puis dire, cependant, qu'après avoir lu et relu maintes fois ces résolutions, j'ai fini par y trouver bien des choses auxquelles je ne pouvais pas consentir. Il m'a semblé que ce n'était pas cela qu'on attendait du gouvernement lors- qu'on a consenti à la coalition qui a été formée dans le but de trouver quelque moyen de couper court aux difficultés des deux sections. J'avais espéré que si l'union des colonies devait avoir lieu, et qu'à cet effet un changement de constitution eut été proposé, que la forme du gouvernement ont été législative et non fédérale. On nous a dit au commencement de la session que les députés Canadiens à la convention n'avaient pu obtenir que cette union fut autrement que fédérale; or, M. l'ORATEUR, c'est là un xt que je déplore, car je crois qu'une 957 union fédérale nous vaudra de constantes dissensions, et avant que bien des années ne s'écoulent, il se formera encore, si ce projet se réalise, des agitations en faveur de changements constitutionnels, et comme en fin de compte il faudra en venir à une parfaite union sous un seul gouvernement législatif, je crois que le mieux eut été d'adopter maintenant ce dernier système. Cependant, si les longs débats que nous avons eus sur cette question doivent avoir pour résultat de donner raison a l'opinion que je viens d'émettre, ils ne laisseront pas que d'avoir en leur bon côté, bien que lon n'ait pas permis d'amender le projet. (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, je voulais reposer des amendements à diverses parties de la mesure, et je suis par conséquent trés chagrin d'en être empêché par a motion pour la question préalable. Il est maintenant trop tard pour faire connaître les amendements que je voulais proposer et le résultat que jen attendais. Puisque la question préalable a été proposée, il me suffira de dire que l'on n'a pas accordé à la chambre le temps nécessaire pour bien étudier le projet dans toutes ses parties, vu surtout que le peuple ne doit être consulté que par le vote de ses représentants. (Ecoutez! écoutez!) Etant un de ceux qui désiraient un changement constitutionnel pour mettre fin aux griefs dont le Haut-Canada souffrait et lui accorder les même droits qu'au Bas- Canada vu qu'il contribuait pour la plus grande part dans le revenu, il va sans dire que j'ai fait de mon mieux, en cette chambre et en dehors, pour aider à trouver le remède à nos difficultés politiques. Mais, M. l'ORATEUR, nous avons vu qu'il était impossible d'obtenir la re représentation d'après le nombre et depuis que le projet actuel a été annoncé, sachant la forte opposition qu'il allait rencontrer de la part de beaucoup de députés du Bas-Canada, je cherchai, une fois ici, à connaître l'opinion d'hon. messieurs du Bas- Canada, et je constatai ue tout en étant adverses au projet de confédération, pour le rejet duquel ils étaient disposés a recourir a presque tous les moyens, ils persistaient à refuser au Haut-Canada l'ombre d'une espérance, quant au redressement de ses griefs et quant a vouloir lui accorder la représentation d'après le nombre, dans le cas où ce projet serait rejeté. (Ecoutez! écoutez!) Avant de venir ici, j'entretenais aussi l'espoir que les députés du Haut-Canada qui ont combattu si longtemps, main en vain, pour la représentation d'après le nombre, se joindraient à moi pour amender la mesure de manière à avoir une union législative au lieu d'une union fédérale; mais je n'ai pas tardé à voir qu'il y avait peu d'espérance que cet amendement fut adopté, car les neuf dixièmes d'entre eux étaient décidés à accepter le projet tel quel, simplement parce que leurs chefs faisaient partie du gouvernement. (Ecoutez! écoutez!) Mon hon. ami le député de Shefford (M. HUNTINGTON) est d'opinion que cette mesure est imposée au pays; mais si un membre plus qu'un autre peut être accusé de cet état de choses, c'est certainement cet hon. monsieur. Il a une fois occupé un poste honorable et élevé dans le gouvernement de ce pays; il est doué de grande capacités, et étant très populaire avec ses comméttahts, il aurait bien pu aider un peu ceux dont le désir était de voir bien fonctionner l'union actuelle. S'il eut tenu à faire la volonté du parti réformiste et protestant du Haut-Canada; s'il eut voulu maintenir et protéger les droits qu'il voudrait maintenant voir accorder à ses amis, je suis convaincu que lorsqu'il était au pouvoir il aurait pu user de son influence dans le gouvernement et utiliser son éloquence en chambre pour obtenir justice égale pour le Haut-Canada, et libérer ainsi ses amis des difficultés contre lesquelles ils luttaient. Au lieu de cela, il s'adjoignit à un gouvernement qui niait à, ses membres le privilége de voter pour la représentation d'après le nombre, à un gouvernement qui en fit une question dont la discussion devait être ajournée, et qui, au lieu de la traiter comme il eut dû le faire,— ne nous donnant pas même l'espérance pour l'avenir,—adopta a l'égard de cette grande question, une politique qui laissa dans les ténèbres ceux qui luttaient pour sa solution. Quant au gouvernement, après sa reconstruction, je crois pouvoir dire qu'il était entendu que ses membres ne voterarent pas pour elle.
L'HON. J. S. MACDONALD —Pas du tout; ils devaient voter à leur guise.
M. FERGUSSON—N'importe quels aient été leurs priviléges, nous savons tous qu'ils n'ont rien fait pour le règlement de cette question, et cela tandis qu'ils eussent pu voir que pour eux il eut mieux valu qu'ils vinsent franchement déclarer qu'il fallait que justice égale existât pour le Haut et le Bas-Canada. Comme c'était la mon impression, M. l'ORATEUR, et voyant qu'on ne pourrait changer la constitution d'une manière qui fut avantageuse au Haut-Canada, je me rappelai que 958 j'avais un devoir à remplir; je compris que sion n'opérait pas le changement désiré par nous, je ne devais pour cela faire comme le chien couché dans la crèche. Je reconnus qu'il valait mieux adopter n'importe quel projet plutôt que de souffrir encore des difficultés que nous endurons depuis si longtemps, et je dis aux hon. députés du Bas-Canada que si c'était là la politique qu'ils devaient suivre, ils changeaient par ce fait considérablement mes dispositions. Une autre chose quis. produit un singulier effet dans mon esprit, c'est le rapport du col. JERVOIS sur les défenses de notre pays. Il m'est impossible de ne pas dire que les discours prononcés dans le parlement anglais, et ni avaient pour but d'exprimer l'absence de sympathie pour le Canada et le désir que ce pays fut abandonné à lui-même, m'ont grandement déplu; et bien que je crois avoir un cœur loyal et que je sois lié par de puissantes obligations au maintien de la suprématie anglaise, j'ai trouvé singulier que des hommes d'Etat de l'Angleterre aient manifesté la volonté de nous voir passer a une puissance étrangère. Mais le col. JEBVOIS a été envoyé en ce pays pour constater quels travaux de défense seraient nécessaires pour résister à l'agression dans le cas où le malheur voudrait qu'une guerre éclatàt; or, quand je constate qu'il dit dans son rapport que notre pays est difficile; défendre, et que dans ce but il nous faudrait une armée considérable, et lorsque je vois que le gouvernement britannique, fidèle à ses antécédents, a décidé de nous venir en aide sous ce rapport, cela me console et me donne à penser que dans les circonstances actuelles il ne serait pas de mon devoir de refuser mon adhésion à la mesure du gouvernement, et cela quand je sais que la vie et la propriété de mes commettents, au nombre de 30,000, sont en tout temps exposées à une attaque par les armées de toute puissance étrangère. (Ecoutez! Il me semble que la mise à exécution de la mesure donnera lieu à beaucoup de dépenses et de difficultés; mais pour soleil ne s'ensuit pas que je doive la rejeter, quand par elle nous aurons le secours qui nous sera si nécessaire. Plus qu'aucun autre pays, les Etats-Unis sont peut-être disposés à chercher noise a leurs voisins, parce que chez aux l'idée universelle est qu'ils doivent pratiquer la doctrine Messes jusqu'à ce qu'ils soient maitre de tout le continent américain. Le peuple américain est maintenant porté à la guerre, dont il pratique l'art dans son propre sein depuis quatre ans; il fait montre de peu de sympathie pour ceux qui ont eu d'étroites relations d'affaires avec lui, ui ont randi avec lui, et tout me porte à crorre qu'i n'aurait aucun égard pour nous dans le cas d'un conflit avec nous ou avec la mère- patrie. Nous sommes dans une position très difficile. Les Américains ont déjà fait beaucoup pour provoquer la colère de l'Angleterre et insulter le Canada. En ce moment, ils parlent d'abroger le traité de réciprocité et le système d entreposage. Ils ont imposé un système de passeports qui n'a été abandonné que depuis peu. Eh bien! voyant qu'on ne pouvait obtenir justice pour le Haut-Canada; voyant que les ministères tombaient l'un après l'autre sans avoir rien fait, et quelle était notre position vis-à-vis des Etats-Unis, je renonçai de faire de l'opposition au nouvel arrangement. Lorsque je vie aussi, il y a quelques jours, le téléramme relatif aux débats dans la chambre des lords; lorsque je vie que le peu le anglais s'occupait tant des affaires canadiennes, et que dans la chambre haute il avait été déclaré qu'il ne serait pris aucune mesure concernant la compagnie de la Baie d' Hudson, avant que des renseignements ne fassent reçus du Canada, au sujet du système fédéral; lorsque je vis qu'on voulait être avec nous, en paix comme en guerre, et que l'on nous disait: " Aidez-vous et l'on vous aidera," j'ai reconnu que forcément nous devions adopter ces résolutions. (Ecoutez!) Comme l'hon. ami qui a parlé aujourd'hui, je ne crois pas que dans trois ans on demandera encore l'annexion. Je crois qu'au bout de ce temps nous serons un peuple stable, que nous serons capables de repousser une agression; que nous aurons acquis une position plus marquante aux yeux de l'Angleterre et du monde entier, et que nos frontières s'étendrent du Canada à la Rivière-Bouge ou à la Saskatchewan. Je partage l'opinion d'un autre hou. député qui a parlé aujourd'hui, et qui ne désire pas voir les jeunes gens de ce pays émigrer ailleurs quand, penant bien longtemps encore, il y aura place ici pour eux. Je désire que nous gardions parmi nous les jeunes gens et les vieux aussi, tant qu'ils vivront. (Ecoutez! écoutez!) L'Angleterre, qui va faire beaucoup pour nous, sous d'autres rapports, se chargera bien de coloniser cette contrée; pour nous elle ne sera pas une méchante mère; quand elle nous aura mis dans une position difficile, elle ne demandera pas a ses enfants d'en 959 supporter tout le poids. Mais pour que cette prétention soit juste, il faut que nous nous mettions à l'œuvre nous-mêmes, si nous sommes de vrais Bretons; si en ne s'y met pas, on sera exposé à l'insulte, et l'insulte est pire qu'un tort que l'on pourrait nous faire. Plutôt que d'y-être exposés, j'aime' mieux courir le risque d'une plus grande dette ue celle que nous avons, et d'être obligé de sacrifier quelque chose de mon avoir. En cela, j'exprime l'opinion de mes mandataires, lesquels ne m'ont chargé de rien de plus que de faire pour eux ce que je 'croirais le mieux. J'ai fait de cette contrée mon pays d'adoption, et il est évident que tout le tort que je pourrais faire à ses enfants, les miens aussi auront à. en souffrir, (Ecoutez!) Quel que puisse être le résultat du projet,— et j'espère qu'il ne sera pas aussi fâcheux que des hon. membres paraissent le croire,— j'entretiens l'espoir que nous prendrons tels arrangements avec les provinces maritimes, s'il y a lieu, qui auront pour résultat une union durable. Je crois que dans le cours de l'été prochain, nous verrons ici des millions de capitaux anglais se dépenser pour nos travaux de défense, et je vois clairement que nous allons être obligés de contracter des dettes à cet effet. Mais nous avons un autre devoir à remplir: préparer des hommes our le service de nos fortifications. 'Angleterre ne pourra nous fournir tous les hommes et tout l'argent nécessaires aux défenses de la province. Cette tâche appartiendra à nos jeunes gens ainsi qu'aux hommes d'un moyen age. Si on ne s'acquitte pas de cette tâche, en ne sera pas digne du nom de peuple, ni des droits, libertés et privilèges ont nous jeuissons. Je ne retiendrai pas la chambre bien longtemps; je dois dire, toutefois, qu'une observation que j'ai entendu faire aujourd'hui m'a paru très peu charitable. La chambre me croira si je lui dis qu'autant que d'autres j'ai été étonné de voir un gouvernement formé d'hommes de différents partis; mais, M. l'ORATEUR, j'en suis venu à la conclusion que la position des partis à cette époque, et la conduite de quelques uns des amis du ministère d'alors, ont été la cause de cette coalition; et je ne blâme pas les conservateurs, qui étaient dans ce gouvernement d'y avoir fait entrer d'autres messieurs, si en le faisant ils favorisaient les intérêts du pays. J'ai entendu dire que quelques membres du gouvernement n'avaient d'autre mobile que leur propre intérêt, que le désir de satisfaire leur ambition; mais je ne manquerai point de charité jusqu'au point de formuler contre eux cette accusation. Je crois que, personnellement, ils ont eu beaucoup de peine à en venir à cet arrangement, et je serais mortifié de dire qu'ils ont accepté un portefeuille dans d'autres vues que celles de satisfaire leur conscience. Je ne doute nullement, M. l'ORATEUR que leur but est le bien du pays, et non la vaine gloire d'être ministres pendant quelques années. (Ecoutez!) J'ai l'espoir qu'ils rempliront leurs devoirs comme ministres de manière à ce que le peuple soit content d'eux. (Ecouterz écoutez!} Je crois, M. l'ORATEUR que le cabinet compte des ministres qui feraient beaucoup plus d'argent a exercer leurs professions qu'à gouverner le pays, et j'espère qu'ils seront aussi économes que possible dans toutes les dépenses, tout en ne perdant pas de vue les travaux de défenses nécessaires pour mettre fin aux craintes suscitées par les alarmes et menaces de chaque jour. Si à la fin nous arrivons à une union des colonies, de bons résultats en découleront. Je pense que nous n'en aurons de mauvais à appréhender,—bien qu en ce moment, si cela m'était permis, je remédieraia à quelques—uns des détauts de ces 72 résolutions. Il est une chose, par exemple, que je regrette: c'est que la clause concernant l'instruction publique ait été insérée sous la ferme qu'elle a dans ces résolutions. Je regarde comme un fait déplorable que le système des écoles séparées soit maintenu dans le Haut-Canada, attendu que la nouvelle constitution se trouve contenir ainsi un brandon de discorde. Bien qu'en 1863, le nombre des enfants catholiques fréquentant les écoles dans le Haut-Canada fut de 52,000, de ce nombre pas plus de 15,000 ont fréquenté les écoles séparées.
UNE VOIX—Vous vous tromper.
M. FERGUSON—J'en demande pardon à l'hon. préopinant, mais je ne me trompe pas. Je tiens mes renseignements du surintendant de l'instruction, le Dr. RYERSON. Et, à ma propre connaissance, je puis dire que dans deux localités où ont été établies des écoles séparées, les catholiques en sont devenus fatigués. Je suis convaincu que maintenant ils eonsentiraient volontiers à ce que leurs enfants reçussent leur éducation avec ceux du reste de la société sachant bien que leur religion ne coure aucun danger et que leur conscience, par consé 960 quent, ne serait pas par la engagée. (Ecoutez! écoutez!) J'espère que le jour viendra où cette question sera envisagée, non pas au point de vue de l'église à laquelle ils appartiennent, mais bien a celui qui sera le pus avantageux à l'éducation de leurs enfants, qui pourront alors grandir en paix avec les autres. Je le répète, je déplore ne ce sujet fasse partie des résolutions. J'avais préparé une motion a cet effet et une autre à l'égard de nos canaux, de sorte que je suis chagrin qu'il ne me soit pas laissé d'occasion de les mettre en délibération. J'espère, cependant, que les promesses de l'hon. président du conseil se réaliseront, et qu'un canal, c'est-à-dire une voie de communication directe et non interrompue du lac Huron à Québec, sera un fait accompli avant qu'il ne soit longtemps. Le peuple du Haut-Canada sera très désappointé et très mécontent si cette amélioration est négligés par les ministres actuels; s'il se rendent coupables de cette négligence, ils peuvent être assurés que l'opinion haut-canadienne ne tardera pas a se manifester, et que, comme bien d'autres qui les ont précédés, il leur faudra dire adieu à leurs portefeuilles. (Ecoutez! écoutez!) Puisque les fonds versés par le Haut-Canada sont dépensés dans le Bas-Canada, nous insistons sur ce que le gouvernement s'occupe sérieusement des améliorations nécessaires à la prospérité du premier; car, dans le Haut-Canada, il n'est pas un homme qui ne voie la nécessité d'améliorer notre navigation de manière à ce qu'elle conduire jusqu'à la mer. Si cette amélioration se fait, on ne se plaindra pas trop de la construction du chemin de fer intercolonial, bien qu'on aimerait qu'il fut construit à meilleur marché. Pour terminer, je dis que, malgré toutes les objections que je puis avoir aux détails, cependant, nos relations avec le pays voisin, nos travaux de défense et notre position menacée me forcent, bien qu'avec répugnance, à voter pour ce projet. (Applaudissements.)
La chambre se divise ensuite sur la question préalable:—" Que la question soit maintenant mise," et elle est adoptée sur la division suivante:—
Penn. —MM. Alleyn, Archambeault, Ault, Beaubien, Bell, Bellerose, Blanchet, Bowman, Bown, Brousseau, Brown, Burwell, Cameron (Peel), Carling, Proc.-Gén. Cartier, Cartwright, Cauchon, Chambers, Chapais, Cockburn, Cornellier, Cowan, Currier, De Boucherville, Denis, De Niverville, Dickson, Dufresne (Montcalm), Dunsford, Ferguson (Frontenac), Ferguson (Simcoe Sud), Galt, Gaucher, Harwood, Haultain, Higginson, Howland, Irvine, Jackson, Jones Leeds Nord et Grenville), Jones (Leeds Sud), Knight, Langevin, Le Boutillier, Proc.-Gén. Macdonald, MacFarlane, Mackenzie (Lambton), Mackenzie (Oxford Nord), Magill, McConkey, McDougall, McGee, McGiverin, McIntyre, McKellar, Morris, Morrison, Pope, Poulin, Poupore, Rankin, Baymond, Rémillard, Robitaille, Rose, Ross (Champlain), Ross (Dundee), Ross (Prince-Edouard), Scoble, Shanly, Smith (Durham Est), Smith (Toronto Est), Somerville, Stirton, Street, Sylvain, Thompson, Walsh, Webb, Wells, White, Willson, Wood Wright, (Comté d'Ottawa) et Wright (York Ést).—-85.
Contre.—MM. Biggar, Bourassa, Cameron (Ontario Nord), Caron, Coupal Dorion (Drummond et Arthabaska), Dorion (Hochelaga) Duckett, Dufresne (Iberville), Evanturel, Fortier, Gagnon, Gaudet, Geoffrion, Gibbs, Holton Honda, Huntington, Huot, Joly, Labreche-Viger, Laframboise, Lajoie, Macdonald (Cornwall), Mac donald (Glengarry), Macdonald (Toronto Ouest), O'Halloran, Pâquet, Parker, Perrault Pinsonneault, Pouliot, Powell, Rymal, Scatcherd Tes. chereau, Thibandeau Tremblay et Wallbridge (Hastings Nord).—39.
La question étant mise sur la motion principale (de l'hon. M. le procureur- général MACDONALD), elle est adoptée sur la division suivante:—
Pour.—MM. Alleyn, Archambeault, Ault, Beaubien, Bell, Bellerose, Blanchet, Bowman, Bown, Brousseau, Brown, Burwell, Cameron (Peel), Carling, Proc.-Gén. Cartier, Cartwright, Cauchon, Chambers, Chapais, Cockburn, Cornellier, Cowan, Currier, Boucherville, Denis, De Niverville, Dickson, Dufresne (Montcalm), Dunsford, Evanturel Ferguson (Frontenac), Ferguson (Simcoe Sud), Galt, Gaucher, Gaudet Gibbs, Harwood, Haultain, Higginson, Howland Huet, Irvine, Jackson, Jones (Leeds Nord et Granville), Jones (Leeds Sud), Knight, Langevin, Le Boutillier Proc.-Gén. Macdonald, MacFarlane, Mackenzie (Lambton), Mackenzie (Oxford Nord), Magill, McConkey, McDougall McGee, McGiverin, McIntyre, McKellar, Morris, Morrison, Parker, Pope, Poulin, Poupore, Powell, Rankin, Raymond, Rémillard, Robitaille Rose, Ross (Champlain), Ross (Dundas), Ross (Prince- Eduard), Scoble Shanly, Smith (Durham Est), Smith (Toronto Est), Somerville, Stirton, Street, Sylvain, Thompson, Walsh, Webb, Wells, White, Willson, Wood, Wright (Comté d'Ottawa), et Wright (York Est.)-91.
Contre—MM. Biggar Bourassa, Cameron (Ontario Nord), Caron, Coupal, Dorion (Drummond et Arthabaska) Dorion (Hochelaga), Duckett, Dufresne (Iberville), Fortier, Gagnon, Geoffrion, Holton, Honda, Huntington, Jol Labreche-Viger, Laframboise, Lajoie, Macdonald 961 (Cornwall), Macdonald (Glengany), Macdonald (Toronto Ouest), O'Halloran, Pâquet, Perrault, Pinsonueault, Pouliot, Rymal, Scatcherd, Teachereau, Thibaudeau, Tremblay et Wallbridge (Hastings Nord).—33.
La séance est ensuite levée.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

Credits:

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Selection of input documents and completion of metadata: Dave Lang.

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