VENDREDI, 10 mars 1865.
L'ordre du jour pour la reprise du débat
sur la motion à l'effet " que la question soit
maintenant mise aux voix " sur les résolutions relatives a la confédération, étant
appelé—
L'
HON. M. HOLTON fait objection que
la " question préalable " est, de sa nature,
une espèce d'amendement, et qu'un membre
ne peut proposer d'amendement à sa propre
motion,
Après discussion,
M. l'ORATEUR donne sa décision comme
suit: " La motion originaire proposée par
l'hon. procureur-général du Haut-Canada
est à l'effet que cette chambre adopte certaines résolutions relatives à une union
fédérale des provinces. Cette motion ayant
donné lieu à des débats, l'hon. procureur- général du Haut-Canada a proposé: 'Que
la question soit maintenant mise aux voix; '
ce qui n'est pas, à mon avis, un amendement
à la motion originaire, attendu que l'objet
d'un amendement est de modifier la question
originaire. Cette motion modifie-t-elle de
fait la proposition originaire? Loin de là,
elle tend à faire décider immédiatement la
question qui est devant la chambre. Les
autorités qu'en a citées pour faire voir que
cette motion est un amendement, prouvent
tout le contraire, suivant moi. Elles disent
bien, il est vrai, que ' la question préalable
est, de sa nature, une espèce d'amendement; '
mais si elle était réellement un amendement,
ou si on devait en faire usage comme amendement, les auteurs diraient que de fait
c'est
un amendement. La motion pour l'ajournement est pareillement mentionnée comme
étant, de sa nature, une espèce d'amendement; mais elle n'est pas un amendement,
car, comme la question préalable, si elle est
adoptée, elle n'écarte pas la proposition originaire. D'où je conclus que la question
préalable n'est pas un amendement. Par
conséquent, l'objection: que l'hon. procureur-général du Haut-Canada ne peut
proposer la question préalable, parce qu'il a
proposé la motion originaire, n'est pas valide,
dans mon opinion."
M. TASCHEREAU—Ce n'est pas sans
hésitation, M. le PRÉSIDENT, que je me
lève à cette heure avancée de la discussion
pour offrir quelques remarques sur la mesure
qui nous est soumise, le projet de confédération de l'Amérique Britannique du Nord;
et cette hésitation est d'autant plus grande
que je me vois dans la nécessité, non seulement de traiter une question si longtemps
et si habilement discutée devant cette
chambre, qu'il semble devoir être impossible
de rien dire qui puisse intéresser les hon.
membres qui m'écoutent, mais encore plus
parce que, après mûre réflexion, après un
examen approfondi de ces résolutions, après
avoir bien pesé les conséquences que je crois
devoir résulter de cette mesure, je me vois
dans l'obligation,—je sans que c'est mon devoir, M. le PRÉSIDENT,—d'abandonner, sur
cette question, ceux avec lesquels j'ai toujours marché jusqu'à présent, de différer
d'opinion avec ceux dont j'ai toujours admiré
les talents et les connaissances, et de donner
mon vote contre la constitution nouvelle
qui nous est proposée par ces résolutions.
(Ecoutez! écoutez! à gauche.) Ca n'a pu
être pour moi qu'avec regret que j'en suis
venu a cette conclusion; mais je n'ai pu
comprendre que cette mesure était une
simple affaire de parti, une de ces questions
où la guerre qui s'est faite dans la politique
du Canada depuis de longues années, devait
influencer qui que ce soit; je n'ai pu comprendre que sur une question qui, suivent
moi, met en danger tout ce que nous avons
de cher et de précieux, et nous laisse entre
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voir, si elle réussit, un avenir bien nuageux
et bien pénible, non seulement pour nous,
Canadiens-Français, mais peut-être aussi
pour toute l'Amérique Britannique, comment je pouvais laisser de côté mes convictions,
mes craintes, le devoir que je me sens
appelé à remplir ici, pour obéir et céder à
cette influence des partis politiques. J 'ai
cru qu'il m'était permis de penser par moi- même sur une question aussi importante,
et
je suis persuadé que, s'il en est dans cette
enceinte qui se croient autorisés à traiter
d'insensés ceux qui ne pensent pas toujours
comme eux, ceux-là ne forment pas la majorité des membres de cette chambre. Pour
ma part, M. le PRÉSIDENT, je respecte
l'opinion de qui que ce soit; je donne la
liberté à tous ceux qui le désirent de penser
différemment d'avec moi, sans pour cela que
je les accuse de mauvaise foi ou de préjugés.
Je les crois au contraire agissant d'après
leur conviction et de la meilleure foi possible; je désire être jugé de même, et voir
ceux d'avec lesquels je diffère aujourd'hui
sur les résolutions qui sont entre vos mains,
M. le PRÉSIDENT, croire au moins que j'agis
en cette circonstance, moi aussi, avec conviction et de bonne foi; que moi aussi
j'aime mon pays et ma nationalité,—que
moi aussi j'ai à cœur de conserver cette
nationalité et ces institutions qui nous ont
été transmises par nos pères au prix de tant
de luttes et de sacrifices. (Ecoutez! écoutez!)
En me levant à cette phase avancée de
la discussion, je ne me propose pas de
combattre en discuter tous les arguments
apportés en faveur de la confédération.
Cependant, je dois dire que je n'ai pas été
convaincu, par les messieurs qui m'ont précédé, que la constitution que l'on nous
propose portera en elle-même des garanties
suffisantes pour la protection de nos droits.
Je crois donc que le vote que je vais donner
contre la confédération sera celui ne donnerait la grande majorité de mes électeurs
et la grande majorité du Bas-Canada, et
mon opinion est tellement formée sur ce
point que je me mépriserais moi-même si,
pour ne pas me séparer de mon parti, je
votais pour la confédération lorsque mes
convictions sont aussi fortes et aussi sincères.
(Ecoutez! écoutez!) L'on croyait jusqu'à
il y a deux ou trois jours, que la plus ample
discussion de la question serait permise;
mais la question préalable ayant été posée,
les choses se trouvent avoir changé de face.
Le Bas-Canada et la chambre pensaient
que l'on nous donnerait le temps, avant de
nous faire voter sur la question principale, d'obtenir l'expression de l'opinion du
peuple,—et je suis persuadé que si, après
une discussion pleine et entière de la mesure
en chambre, le peuple était appelé à donner
son opinion, il se prononcerait plus énergiquement contre la confédération qu'il ne
l'a
jamais fait sur aucune qucstion. (Écoutez!)
Mais malheureusement, avec la question
préalable, il nous faudra voter sur les résolutions telles qu'elles sont, sans même
pouvoir offrir les amendements qui pourraient
les rendre moins inacceptables au pays. J'en
viens maintenant à la question de l'appel au
peuple. Eh bien! je prétends qu'en votant
pour changer la constitution sans consulter
le peuple sur ce changement, les membres
de cette chambre outrepassent leurs droits,
et que, lors même que le peuple serait en
faveur de la confédération, ils ne devraient
pas la voter, comme ils le font aujourd'hui, sans y être spécialement autorisés.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de
South Lanark (M. MORRIS) nous a dit
que ce n'était pas une question nouvelle,
qu'elle était discutée depuis longtemps,
que le peuple la connaissait, et que les
membres de cette chambre pouvaient la
voter sans en appeler à leurs électeurs. Je
sais qu'il a été publié plusieurs écrits sur la
confédération des provinces; mais a-t-on
jamais discuté la question devant le peuple
dans les élections? Je suis convaincu et
très certain qu'il n'a jamais été question de
cette mesure durant les élections, ni d'aucune
confédération quelconque. On ne l'a jamais
soumise au peuple, et il ne s'est jamais exprimé sur la question. (Ecoutez!) Il me
semble que l'amendement qui doit être proposé par l'hon. député de Peel (M. J. H.
CAMERON), après que les résolutions actuelles
auront été votées par la chambre, se trouvera
dans une singulière position. (Ecoutez!
écoutez!) J'ai compris des explications données par l'hon. procureur-général du Haut-
Canada (M. J. A. MACDONALD), à propos
de la résolution de l'hon. député de Peel,
que les résolutions qui sont soumises à la
chambre seraient passées d'abord, et qu'ensuite, lorsque la chambre se formerait en
comité, l'hon. député de Peel présenterait
son amendement, c'est-à-dire, que nous allons
voter l'adresse à Sa Majesté ce soir, que le
gouvernement pourra l'expédier en Angleterre dès demain s'il le veut, et que lundi
après-midi l'hon. député de Peel viendra
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proposer une adresse à Son Excellence lui
demandant de soumettre ces résolutions au
peuple. (Ecoutez! écoutez!) J'avoue que je
ne comprends pas comment les membres de
cette chambre, qui sont en faveur de l'appel
au peuple, pourront voter pour la confédération après que la question préalable aura
été
décidée, pas plus que je ne comprends comment l'hon. député de Peel pourra demander
l'appel au peuple lorsque les résolutions
seront votées. L'hon. député a dit qu'il
chereherait à proposer sa résolution avant
que l'adresse ne soit présentée à Son Excellence, ou avant qu'elle ne soit réiérée
à un
comité général de toute la chambre; mais je
crois aussi comprendre que l'hon. procureur- général du Haut-Canada ne veut pas le
lui
permettre et qu'il dit que l'hon. député de
Peel n'aura pas droit de le faire. (Ecoutez!
écoutez!) Je ne suis pas le seul à entretenir
les craintes que j'ai exprimées relativement
à la nouvelle constitution que l'on veut nous
donner. L'un des membres de cette chambre,
ni a écrit il y a déjà longtems sur ce sujet
de la confédération. a laissé entrevoir que
les résolutions telles qu'elles nous sont soumises n'offraient pas de garanties suffisantes
pour régler tout d'un coup toutes nos difficultés sectionnelles. L'hon. député de
Montmorency, dans sa brochure sur la confédération écrite en 1865, n'a pas pu s'empêcher
de dire ce qui suit:—
"Mais il n'en reste pas moins établi que la
législation concurrente est pleine de danger pour
l'aVenir; cela est constaté même dans le dispositif
que nous discutons, puisque, pour y obvier, on
fait prédominer invariablement la législation centrale sur la législation locale.
Est-ce qu'il ne
serait pas possible d'éviter davantage les points
de contact, les causes de législation concurrente, et
de les définir avec une précision telle que les conflits soient impossibles ou presque
impossibles?
Car, que l'on veuille bien y réfléchir, l'harmonie
du système sans laquelle celui-ci ne vaudrait
rien et s'affaisserait bientôt sur lui-même; l'harmonie du système ne peut se trouver
exclusivement dans le pouvoir prédominant du gouvernement et du parlement fédéraux.
Il faut que cette
harmonie existe encore dans les rouages inférieurs
et se fasse sentir dans le mécanisme tout entier."
Et plus loin, dans le même chapitre, il
ajoute:—
"En effet, est-ce que les éléments, sur lesquels
seront assises les institutions locales, ne se reproduiront pas, intacts et vivaces,
dans le gouvernement et dans le parlement fédéraux, et cette
force locale, que l'on aura voulu comprimer, n'y
réagira-t-elie pas dangereusement pour tout le
système? Aujourd'hui, ce sera le Bas-Canada qui
punira ses ministres et ses députés fedéraux
d'avoir heurté ses sentiments et porté atteinte à
sa législation; demain, ce sera le tour du Haut- Canada, et les jours suivants, celui
des provinces atlantiques. Non, cela ne doit pas être.
et il faut que nos hommes d'état éminents mettent
leurs têtes ensemble pour trouver au problème
une meilleure solution."
Lorsque l'hon. député de Montmorency
écrivait cet article, il voyait naturellement.
que la confédération aurait des rouages bien
compliqués, et que l'on ne pourrait pas surmonter les difficultés qui s'élèveraient,
mais
qu'il fallait chercher à umender ces résolutions. C'était là sans aucun doute l'opinion
de l'hon. député de Montmorency lorsqu'il
écrivait ces articles; mais depuis qu'il a vu
que le ministère était décidé it ne pas permettre d'amendement aux résolutions, l'hon.
député a cru qu'il valait mieux les accepter
telles qu'elles sont, avec toutes leurs imperfections, plutôt ne de courir le risque
de
perdre la confédération. (Ecoutez! écoutez!)
Je crois pour ma part, M. le PRÉSIDENT,
qu'il fallait un remède aux difficultés constitutionneiles dans lesquelles nous nous
trouvions placés; mais je crois aussi que le
remède que l'on nous propose serait pire que
le mal que l'on veut guérir. (Ecoutez! écoutez!) Je crois que le pays a souffert de
ces
difficultés; mais, d'un autre côté, je vois,
avec la confédération, la guerre intestine
dans les législatures locales, sans parler ce
la guerre qui existera certainement avant
longtemps entre les législatures locales et le
gouvernement fédéral. (Ecoutez! écoutez!)
Il est évident que le gouvernement fédéral
ne pourra pas contenter les législatures
locales. Nous aurons dans le Bas-Canada.
par exemple, un parti assez fort—le parti
anglais protestant—qui aura ses griefs contre
la législature locale et qui se plaindra au
gouvernement fédéral. comme dans le Haut- Canada on se plaignait à propos de la représentation
basée sur la population;—et ce
parti, se trouvant en minorité dans le Bas- Canada, cherchera auprès du gouverumncnt
fédéral un remède il ses maux réels ou
supposés. De plus, nous aurons constamment des guerres et des rivalités sectionnelles
entre les législatures locales elles- mêmes, sur toutes les questions où leurs
intérêts pourront devenir en conflit. (Ecoutez! écoutez!) Supposons, par exemple.
que la législature du Bas-Canada demande
quelque chose de juste, quelque chose
à la nelle elle aurait droit, et supposons
ne ce représentants du Haut-Canada et
es provinces maritimes s'unissent pour
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l'empécher d'obtenir ce qu'elle demandera, les Bas-Canadiens seront-ils satisfaits
de cela? Et la chose peut facilement arriver.
—L'hon. député de Vaudreuil (M. HARWOOD) nous a parlé en termes pompeux de
l'avenir prospère qui nous attendait sous la
confédération. A l'entendre, nous devons
avoir non seulement des mines de charbon,
mais des lacs d'or à notre disposition. Je
crois que les figures de rhétorique de l'hon.
député l'ont entraîné un peu trop loin; et
je crois sincèrement qu'au lieu de cet avenir
prospère et heureux qu'il nous présage, nous
nous préparons un état de choses qui nous
fera regretter dans dix ans ce que nous
faisons aujourd'hui. Je crois que nous
commençons la confédération dix ans trop
tôt. (Ecoutez! écoutez!) Il nous faudrait
un chemin de fer intercolonial cinq à
six ans avant toute idée de confédération.
A l'heure qu'il est, nous sommes aussi
étrangers au Nouveau-Brunswick et à la
Nouvelle-Ecosse que nous l'étions avant
l'automne dernier. Nous le connaissons
peut-être un peu mieux qu'avant la discussion de la confédération; et il nous faudrait
d'abord établir des communications faciles
entre les provinces et nous, comme moyen
d'amener plus tard une confédération, si
elle est possible. Je dis donc, que le chemin
de fer intercolonial devrait être construit
d'abord, et que nous pourrions ensuite remettre la confédération à plusieurs années.
(Ecoutez! écoutez!) L'article 41 des résolutions qui nous sont soumises dit ce qui
suit:
"Les gouvernements et les parlements des
diverses provinces seront constitués en la manière
que leurs législatures actuelles jugeront respectivement à propos de les établir."
Si je comprends bien cet article, la
constitution locale du Bas-Canada sera
décidée par la législature actuelle, de même
que dans le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle- Ecosse, etc., les législatures actuelles
décidéront de la constitution de leurs législatures
sous la confédération. Très-bien. Mais dans
ce cas le Haut-Canada va nous donner une
constitution, comme nous pourrons lui en
donner une. La conséquence de cette clause,
c'est que, pour l'organisation de sa constitution locale, le Bas-Canada ne se trouvera
avoir que 47 votes Canadiens-Français,
contre 83 votes de membres d'autres origines.
Nous ne serons donc pas sur le même pied
que le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle- Ecosse sous ce rapport: la différenee est
très
grande. (Ecoutez! écoutez!) Nous ne nous
trouverons avoir que 47 votes Canadiens- Français sur 130, et nous ne pourrions
compter sur les membres du Haut-Canada
pour nos intérêts locaux ou religieux,—tandis
que ceux-ci auraient l'appui de tous les
députés anglais et protestants du Bas-Canada.
(Ecoutez!) Et, dans la confédération, la
minorité anglaise du Bas-Canada ne marchera
pas avec le parti canadien-français, mais
bien avec le parti du Haut-Canada, car il
cherchera protection dans le Haut-Canada.
(Ecoutez! écoutez!) Et l'on dit que tous
nos intérêts, toutes nos institutions sont
protégées, et que le clergé est en faveur de
la confédération. Pour ma part, je n'ai vu
aucune preuve de cette assertion, et je crois
que le clergé n'a pas manifesté son opinion
sur la question; et je suis convaincu que
ceux d'entr'eux qui ont étudié la mesure,
n'ont pu y voir qu'une question bien dangereuse pour nous, pleine d'éventualités dont
la réalisation peut nous être bien pénible,
comme peu le, dans l'avenir. (Ecoutez!
écoutez!) Une autre partie des résolutions
que nous ne devrions pas adopter sans
réflexion, est celle contenue dans le 31e
article de la clause 29, et qui se lit comme
suit:—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire
des lois ... sur l'établissement d'une cour générale d'appel pour les provinces fédérées.
"
Nous avons la garantie que nous aurons
nos tribunaux locaux, que nos juges seront
pris parmi les membres du barreau du Bas- Canada, et que nos lois civiles seront maintenues;
mais pourquoi établir une cour d'appel fédérale dans laquelle il y aura appel des
décisions rendues par tous nos juges. Il est
vrai que l'hon. ministre des finances nous a
dit que les résolutions ne créaient pas une cour
d'appel, mais qu'elles donnaient seulement
au parlement fédéral le droit de les créer.
Mais quelle différence y a-t-il entre les créer
immédiatement ou donner le droit de les
créer un peu plus tard? Cela n'en change
pas le principe; et si l'on permet de les créer,
personne ne pourra empêcher le gouvernement fédéral de les établir quand il voudra.
Ce tribunal serait-il un avantage pour nous,
Canadiens-Français, qui tenons tant à notre
droit civil? Il sera composé de juges de
toutes les provinces,—du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse, du Haut-Canada,
etc., et malgré les talents et les lumières de
tous ces juges, nous, Bas-Canadiens, ne pourrons pas espérer la même justice de ce
tribu
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nal que d'un tribunal composé de juges du
Bas—Canada,—car nos lois étant différentes
de celles de ces provinces, ils ne pourront
pas les connaître et les apprécier comme le
feraient des juges Bas-Canadiens. (Ecoutez! écoutez!) Et de plus, tout en créant ce
nouveau tribunal d'appel, ou n'abolit pas
l'appel en Angleterre,—en sorte que ce sera
un moyen de plus de donner du délai et
d'augmenter les frais des plaideurs. Les Bas- Canadiens seront certainement moins
satisfaits des décisions d'une cour d'appel fédérale
que des décisions du conseil privé de Sa
Majesté. En vérité, je ne vois pas pourquoi
on a imposé cette clause à nos délégués Je
ne pense pas que les délégués des autres
provinces aient dû beaucoup insister pour
l'obtenir; mais même, dans ce cas, je ne vois
pas pourquoi les nôtres ont cédé. Naturellement, nos lois ne seront pas comprises
dans
une pareille cour, et la plupart des juges
rendront leurs décisions d'après des lois
étrangères au Bas-Canada. Je suis convaincu
que les députés du Bas-Canada qui sont en
aveur de la confédération ne sont pas en
faveur de l'union législative; mais, est-ce
qu'ils n'ont pas la le discours de l'hon. président du conseil (M. BROWN) à Toronto?
Et n'ont-ils pas entendu celui de l'hon. député
de South Leeds (M. FORD JONES)? Et
n'ont-ils pas entendu les discours des députés
du Haut—Canada, qui se sont presque tous
prononcés en faveur d'une union législative,
mais qui disent accepter la confédération
comme étant le premier pas vers une union
législative, que nous aurons dans quelques
années? Je n'ai pas besoin de discuter ici
les avantages ou les désavantages d'une union
législative, car tous les membres connaissent
parfaitement la question; mais je suis bien
convaincu que la confédération se changera
en union législative dans bien peu d'années;
je crois que l'hon. ministre des finances et
l'hon. député de South Leeds étaient sincères
en disant cela, et qu'ils étaient parfaitement
convaincus de ce qu'ils disaient. (Ecoutez!
écoutez!) On a donné pour raison de la hâte
avec laquelle on veut faire passer la mesure,
que si nous voulons avoir la confédération
c'est maintenant le temps de l'avoir, et que
si nous attendions une autre année, il sera
trop tard, que les provinces d'en-bas sont
prêtes pour la confédération, et que l'Angleterre est prête à nous accorder une nouvelle
constitution. Je crois que les provinces
d'en-bas ont un peu failli dans leurs engagements, et qu'en conséquence la politique
du gouvernement pourrait être changée sans
danger. (Ecoutez! écoutez!) Mais s'il faut
absolument avoir la confédération, s'il n'y a
pas moyen de marcher sans cela, pourquoi
donc n'a-t-on pas fait un appel au peuple
l'automne dernier, lorsque le projet a été
prêt? (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part,
je crois que le besoin de la confédération
n'est pas aussi pressant qu'on le dit, et que
l'on revrait mûrir le projet plus qu'il ne
l'est. Est-ce que par hasard l'on croit qu'il
aurait été question de confédération si le
ministère TACHÉ-MACDONALD n'avait pas
été renversé l'été dernier? Non! nous n'en
aurions pas entendu dire un seul mot.
(Ecoutez! écoutez!) La confédération n'était donc pas aussi pressante alors; et le
besoin s'en faisait si peu sentir que, dans le
comité constitutionnel nommé l'année dernière à la demande de l'hon. député de
South Oxford (M. BROWN), plusieurs des
membres qui votent et font voter la confédédération aujourd'hui, croyaient pouvoir
l'opposer alors et voter contre toute proposition
de cette nature,—je crois que cette nécessité
de nous confédérer n'est pas aussi grande
qu'on le dit; je crois que si l'on presse tant
l'adoption de cette mesure aujourd'hui, c'est
que l'on craint le réveil de l'opinion publique, et que l'on craint surtout de ne
pas
pouvoir la faire accepter plus tard, lorsque
le peuple se sera prononcé. (Ecoutez!
écoutez!) Et, je le répète, je crois sincèrement que si le gouvernement n'avait pas
été renverse le 14 juin dernier, nous n'aurions pas entendu parler de confédération
cette année. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi
que je l'ai dit en commençant, je ne veux
pas traiter toutes les questions embrassées
dans ce projet, parce que la chambre doit
être fatiguée de cette longue discussion;
mais je dois dire encore une fois que toutes
les raisons données jusqu'ici en faveur de la
confédération, et les magnifiques tableaux
que l'on nous a fait de la prospérité dont
nous allons jouir, ne m'ont pas du tout convaincu qu'il faut absolument adopter les
résolutions qui nous sont soumises; et malgré l'éloqnent discours que nous a fait
hier
l'hon. député de Vaudreuil (M. HARWOOD),
je ne puis pas dire, comme lui, que nos
descendants seront reconnaissants envers
nous pour les avoir amenés à faire partie de
ce grand empire des provinces de l'Amérique Britannique du Nord. Je dirai, au
contraire, que l'on s'apercevra bientôt que
cette confédération sera la ruine de notre
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nationalité dans le Bas-Canada, et que le
jour que l'on aura voté cette confédération,
on a donné le coup de mort à notre nationalité, qui commençait à prendre racine sur
cette terre de l'Amérique Britannique du
Nord. (Ecoutez! écoutez!) Nos descendants, au lieu de nous avoir de la reconnaissance
pour ce que nous faisons en ce moment, diront que nous nous sommes grandement trompés
et que nous avons grandement
erré en leur imposant la confédération.
(Applaudissements.)
M. A. M. SMITH—M.l'ORATEUR:—Je
ne saurais laisser passer le vote qui va être
donné sur cette importante mesure, sans
exposer ici les raisons qui m'ont engagé à
lui donner mon appui, et sans faire connaître
pourquoi j'ai jusqu'à un certain point changé
d'opinion sur quelques uns de ses principaux
détails. Lorsque j'eus l'honneur d'être élu
pour la première fois, par la première ville
commerciale du Haut-Canada pour la représenter dans cette enceinte, je déclarai
publiquement que je prendrais tous les
moyens légitimes de faire échouer l'entreprise du chemin de fer intercolonial, persuadé
alors, comme je le suis encore aujourd'hui,
qu'au point de vue commercial ce chemin
de fer ne rapporterait jamais de bénéfices
et ne serait d'aucune utilité pour le Haut- Canada. (Ecoutez! écoutez!) Mais je
m'engageai en même temps à faire tout en
mon possible auprès du gouvernement et de
cette chambre, pour faire élargir et compléter nos canaux. Depuis lors, M. l'ORATEUR,
notre situation politique et commerciale
a subi bien des changements. (Ecoutez!
écoutez!) Nous sommes, à l'heure qu'il est,
menacés de l'abrogation du traité de réciprocité, laquelle abrogation fera subir de
grandes pertes au Canada, sans donner aucun
profit aux Etats-Etats, car la nature même
du commerce que nous fesons avec ces
derniers depuis plusieurs années, fera que
cet acte sera ruineux pour les affaires de ce
pays. Nous sommes en outre menacés de
l'abrogation du système de transit en entrepôt,—autre malheur déplorable s'il vient
à se
réaliser. En vérité, de telles mesures paraîtront absurdes à tout homme de bon sens,
et je déclare que, pour moi, je ne puis pas
m'expliquer ce qui peut pousser une nation
commerciale comme les Etats-Unis à vouloir
la cessation d'un traité qui, tout en nous
permettant le transit de nos marchandises à
travers le territoire américain, produit de
gros bénéfices de roulage à nos voisins et
favorise un commerce immense d'achats
d'articles en douane. Quelqu'étrange que
nous paraisse une telle conduite, il faut
avouer que l'imitation fait faire de singulières
choses, et nous n'avons pas à nous étonner
qu'une nation plongée dans toutes les
horreurs de la guerre civile se livre, sous
l'impression de torts réels ou supposés, à
des actes que rien ne justifie: tels que l'établissement du système des passeports,
l'abrogation du traité de réciprocité et l'abolition du traité d'extradition des criminels.
Aussi, ne puis-je croire, M. l'ORATEUR, que
les Etats-Unis abrogeront l'un ou l'autre,
pas plus que je ne crois que les hommes
éminents qui dirigent les institutions monétaires des Etats-Unis le permettront. Cependant,
il n'est que de notre devoir de faire
le mieux possible et de nous protéger contre
les pertes et les obstacles qu'éprouvernit
notre commerce en hiver et pour cela de
construire le chemin de fer intercolonial, au
moyen duquel nous aurons toujours accès à
l'océan pour nos malles et nos marchandises.
Mais quoiqu'ayant changé d'opinion à ce
sujet, puisque je voterai pour la mesure dont
il fait partie, je reste de plus en plus
convaincu de la nécessité de nous mettre à
l'œuvre pour élargir nos canaux. On entend
parler autour de nous de projets pour relier
la baie Georgienne avec Outaouais, par la
rivière des Français, par la Trent ou encore
par la seule route praticable et courte, celle
de Toronto et du lac Simcœ; tout cela n'a
fait que distraire l'attention de ce qui peut
réellement et doit être exécuté a des frais
réduits, comparés à ceux de ces projets:
je veux parler de l'élargissement de nos
canaux. (Ecoutez! écoutez!) La profondeur des canaux du St. Laurent est aujourd'hui
de neuf pieds, et de dix dans celui
de Welland; or, si j'en crois les experts
en ces matières, les frais d'approfondissement
jusqu'à douze pieds ne seraient presque rien,
environ deux ou trois millions de piastres.
Et quand même ces travaux coûteraient le
même chiffre de louis, je prétends que le
pays ne débourserait pas un centin, car en
fixant le péage à un centin par minot de
grain à la sortie, et à un chiffre proportionné
sur les marchandises à la rentrée, les canaux
défraiemient non seulement leur entretien,
mais seraient encore une source de revenus
pour les provinces. Prenons, par exemple,
ce que je crois être une évaluation très-modérée, cent millions de minots de grain
à la sortie
et un égal montant de trafic a l'entrée, et nous
900
aurons un revenu de deux millions de piastres,
c'est-à-dire un revenu plus que suffisant pour
payer l'intérêt et les frais d'entretien. Puis,
voyez, M. l'ORATEUR, l'impulsion que donnerait à notre trafic de navigation intérieure,
la possibilité où nous nous trouverions d'attirer par le St. Laurent les immenses
produits
de l'Ouest. Je pourrais aussi parler de l'impulsion qu'une telle amélioration donnerait
à la construction des navires nécessaires
à ce trafic et des avantages considérables
que nous offririons aux exportateurs de
grains, de pouvoir se rendre à la mer sans
avoir à payer des transbordemeuts répétés,
et d'éviter les dommages aux quais et
entrepôts aux différents endroits où le
grain doit aujourd'hui se transborder. Je
voudrais avoir l'éloquence de l'hon. proc.- gén. du Haut-Canada, car je serais certain
qu'avec le peu de connaissances pratiques
que j'ai de ces matières, il me serait facile
de convaincre tous mes auditeurs du Haut
comme du Bas-Canada, de la nécessité d'améliorer de suite cette artère principale
de
notre prospérité à venir. (Ecoutez! écoutez!) Quant à la question des défenses, j'ai
à dire que je ne m'oppose pas à une certaine
dépense pour satifaire la métropole, mais je
suis d'opinion que notre meilleure défense
est de cultiver amicalement avec les Etats- Unis les relations commercialcs et politiques;
car je suis persuadé que si nous ne fesons
que ce qui est juste, eux ne feront pas autrement non plus. Une conduite sage et honorable
de notre part, vaut mieux que toutes
les forteresses du monde. (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, la conduite pleine de
promptitude et de vigueur que le gouvernement a tenue au sujet du bill des aubains,
et
en appelant sous les drapeaux une partie de
nos troupes volontaires pour réprimer les
maraudes et la piraterie, lui a donné des
droits à la gratitude de tout homme de bon
sens dans le pays. Si, au lieu de cela, le
ministère se fût mis à bâtir des forts et à
armer des vaisseaux, il ont trouvé bientôt
à les employer, tandis que maintenant j'espère bien que nous n'aurons besoin ni des
une ni des autres. (Ecoutez!) Je vais maintenant dire quelques mots de cette confédération,
de laquelle on attend de si grandes
choses, commercialement et politiquement
parlant. Mon opinion est que les avantages
en seront assez bien divisés; les uns prendront nos céréales et nous leur achèterons
leurs huiles et leurs poissons. Nous aurons
de ce côté un marché pour nos manufactures
et nous leur offrirons le même avantage
de notre côté. Les provinces du golfe
importent aujourd'hui des Etats-Unis, des
céréales pour un montant, je crois, de trois
ou quatre millions de piastres par année;
pourquoi n'attirerions-nous pas de ce côté
ce commerce dans une certaine mesure
en rendant plus intimes nos relations avec
elles? Nos marchands, j'en suis sûr, sauraient
bientôt ccmment profiter de ces avantages.
Telles sont, M. l'ORATEUR, quelque-unes
des raisons qui me font donner à ce projet
mon sincère appui, persuadé que je suis que
les hon. ministres qui ont mis la mesure devant la chambre n'ont pas en d'autres motifs
que de favoriser les meilleurs intérêts de
notre pays d'adoption. (Ecoutez! écoutez!) Je
suis convaincu que ce projet est autant qu'il
peut l'être équitable envers toutes les provinces. Avant de terminer, je dirai quelque
chose de la conduite qu'a cru devoir tenir
mon hon. collègue et député de Toronto
(M. J. MACDONALD). Je crois à la sincérité
de son opposition, et il peut avoir droit; mais
je ne suis pas aussi certain qu'il représente
en cela le voeu de ses électeurs. Avant de
me rendre ici, j'ai assisté a une assemblée
nombreuse et respectable des citoyens de
Toronto; eh bien! un membre de cette
assemblée ayant cru devoir proposer que le
projet de confédération ne fut mis à exécution qu'après avoir été soumis au peuple,
il
chercha vainement une autre personne pour
seconder sa proposition. Le résultat de
cette assemblée m'a mis à l'aise pour appuyer
la mesure jusqu'au bout, car elle avait été
annoncée partout, tous les citoyens pouvaient
s'y rendre, et on doit avouer que les deux
côtés de la question eurent des défenseurs
habiles. Ainsi donc, je voterai les propositions actuelles tout en faisant des vœux
pour
qu'elles soient mises à exécution. (Applaudissements)
M. SHANLY—En me levant pour porter
la parole sur la grande question qui se
discute en ce moment, je dirai que je n'ai
pas l'intention d'entrer dans les détails de
la mesure; car, après tout, ce qui en a été
dit et après la longueur des débats, je ne
saurais m'attendre à pouvoir fixer bien longtemps l'attention de mes auditeurs, le
sujet
fut-il un de ceux sur lesquels je pourrais
parler avec autorité au lieu d'être tel qu'il
oblige nos hommes d'état les plus habiles
à l'accepter de confiance,—attendant que
l'avenir développe les tendances excellentes
qu'on lui reconnaît d'un côté ou confirme
901
les défauts dont on l'accuse de l'autre.
Quoique je ne prétende pas pouvoir rien dire
de neuf sur la question, ni jeter aucune
lumière nouvelle sur l'avenir qui se forme
devant nous, je ne veux pas cependant, au
sujet du vote le plus important qui puisse
être donné dans une législature coloniale,
enregistrer le mien sans faire connaître
auparavant quelques unes des raisons qui
me poussent à en agir ainsi. Il est un fait
que tout le monde a pu remarquer dans
cette discussion, c'est celui que depuis l'ouverture du débat il n'a été rien fait,
ni proposé
de nouveau. Le programme de la confédération est exactement le même qui a été
adressé sous forme de communication quasi- particulière aux députés il y a quatre
mois.
Les auteurs du projet n'y ont rien ajouté ni
retranché, et ils nous ont dit franchement et
carrément que nous ne pourrions rien y ajouter
ni en rien retrancher. Les adversaires du
projet, de leur côté, tout en le condamnant,
ne nous ont rien offert pour le remplacer. Rien
n'est plus facile que de trouver des défauts
à l'œuvre d'autrui; c'est un talent que
chacun possède et que peu d'entre nous
cherchent à mettre sous le boisseau. Aussi,
quoiqu'étant favorable au projet et ne
sachant trop que dire de neuf à son sujet,
vais-je en appeler d'abord à mes instincts
critiques. L'hon. député de Montréal- Centre (M. ROSE) a dit dans son excellent
discours que, ne pouvant améliorer la mesure,
nous devions nous abstenir d'y trouver des
défauts. Je ne pense pas ainsi; je crois
qu'au contraire, malgré leur approbation
de la mesure en général, il est du devoir des
députés qui parlent de la question, d'en
signaler les défauts pour y remédier ultérieurement. (Ecoutez!) Et d'abord, pour
discuter la confédération à mon propre point
de vue, je dirai que j'ai longtemps espéré
voir toutes les provinces anglaises de cette
partie du continent unies sous le même
gouvernement stable, persuadé, comme je
l'ai toujours été depuis mon arrivée en ce
pays, que nous possédons dans nos ressources
nature les tous les éléments propres à asseoir
les bases d'une puissance nouvelle sur ce
continent. J'ai néanmoins craint, lorsqu'on
nous fit entrevoir le projet l'an dernier, que
le temps ne fut pas encore tout à fait arrivé
pour mettre à exécution une telle combinaison. Je oraignais que la séparation politique
et sociale presque compléte qui avait
toujours existé entre nous et les provinces
d'en-bas ne fît de cette union prématurée
une cause de malaise continuel, et il me
semblait qu'on aurait d'abord dû, avant de
faire une alliance politique avec nos voisins
des provinces du golfe, cultiver les relations
de société et de commerce: telles furent les
idées qui se présentèrent à moi lorsque le
projet de confédération naquit d'une façon
si inopinée à la fin de la dernière session.
J'avouerai que je n'ai pas encore pu me
débarrasser de mes craintes sur le fait que
nous nous unissons lorsque nous ne nous
connaissons pas encore assez et avant d'avoir
appris de nous convenir les uns aux
autres. (Ecoutez! écoutez!) Voilà en quoi
consistent mes objections générales, non au
principe de la confédération, mais à la diligence avec laquelle on a cherché à le
faire
adopter, et qui menace d'entraver notre
avenir en essayant de le mettre à exécution.
J 'ai une très forte objection contre les
détails de la mesure, que je tiens à exprimer,
bien que je sache que ce n'est ici ni le temps
ni le lieu d'y porter remède: je veux parler du
principe fédéral du projet. Je désapprouve
énergiquement, sinon le principe on la théorie
fédérale, du moins les résultats pratiques du
système; et les éloges chaleureux qu'en a
faits l'hon. président du conseil (M. BROWN),
en citant l'exemple des Etats-Unis, pas plus
que la défense modérée qu'en a faite
mon hou. ami le ministre de l'agriculture
(M. MGGEE), n'ont pu modifier une seule de
mes idées à cet égard. Quoique le système
fédéral du gouvernement ait tendu à favoriser les progrès matériels des Etats- Unis—lesquels
progrès un tel pays, habité
par une telle population, eut pu atteindre,
de l'aveu de tous, sous aucune forme
libre de gouvernement,— quoique, dis-je,
le régime fédéral ait développé les progrès matériels des Etats-Unis, il ne me
parait pas avoir élevé, du moins au point de
vue politique, le niveau moral du peuple
américain. Le résultat le plus remarquable
et le plus désastreux de ce système de gouvernement a été de donner naissance à des
politiques plutôt qu'à des hommes d'état; les
premiers se voient partout, les derniers se
font chercher. Et je craindrais beaucoup
qu'avec le Canada divisé de nouveau, les
petits parlements de chaque province ne
soient une école réparateue pour ces
hommes qui font de la politique un trafic, et
dont la présence dans la législature générale,
à laquelle ils aspireront tous, ne sera propre
qu'à baisser le niveau des questions et de la
moralité politiques, que nous pourrions, au
902
contraire, espérer de voir régner dans un
parlement confédéré de toutes les provinces
anglaises de l'Amérique du Nord sous une
union législative, qui est la forme que
j'espère voir adopter à la constitution actuelle. C'est pour cette raison que j'ai
envisagé ce rejet d'union fédérale avec
dégoût et antipathic. Mais les auteurs de
la mesure dont la plupart se sont fait, il faut
le dire, plutôt ses apologistes que ses soutiens
réels, nous disent que c'est une nécessité des
circonstances, une conséquence inévitable de
la différence de langage, de lois et d'intérêts
locaux entre le Haut et le Bas-Canada d'un
côté, et de l'autre de l'absence de communauté d'intérêts locaux entre le Canada et
les provinces du golfe. Je reconnais la
vérité de la dernière partie de ce raisonnement, et je veux bien en concéder les
prémisses; mais alors se résente une autre
question: la confédération, toute défectueuse qu'elle est, doit-elle être acceptée
comme remède aux maux dont se plaint
le Canada, et comme un antidote possible
contre les maux plus grands qui nous
menacent dans un avenir prochain? (Ecoutez! écoutez!) Je me réserve de répondre
a cette question tout à l'heure à ma manière
et à mon point de vue; en attendant, je
dirai un mot des détails financiers de la
mesure sur les cela je trouve difficile de
m'accorder avec 'hon. ministre des finances,
surtout lorsqu'il prétend que les dépenses
réunies des deux gouvernements locaux seront
tellement su-dessous des frais de celui d'aujourd'hui, que la balance suffira à couvrir
notre
qoute-part des dépenses de la législature
générale. En vérité, je ne saurais me faire
une idée aussi couleur de rose de notre
situation. Je ne fatiguerai pas la chambre
de chiffres ni de calculs qui, après tout,
n'offrent rien de certain, mais je dirai qu'avec le nouveau régime et avec des obligations
quasi-nationales, nos dépenses ne peuvent
que dépasser considérablement leurs limites
actuelles. Ce sera la, je crois, un des résultats inévitables de la confédération;
mais je
crois également à des évènements futurs
qui, confédération ou non, doivent nous
entraîner dans des devoirs et nous charger
d'une responsabilité que nouse ne saurions
éviter, et que nous n'évrterons pas quand
même nous le voudrions. Qu'on ne se trompe
pas sur les signes des temps; ils nous présagent des dépenses pour assez longtemps.
Si, cependant, en effectuant l'union de toutes
ces provinces, nous posons en réalité les
bases de notre prospérité sociale, politique
et commerciale,—si nous sommes convaincus
que nous fendons une nouvelle nation sur
ce continent, nous pouvons, en léguant ces
bienfaits à la postérité,—bienfaits ont nous
ne jouirons pas entièrement nous-mêmes,—
lui transmettre en même temps les obligations financières qui semblent être l'accompagnement
inévitable de tout peuple en
progrès. Quant à moi, je me tiens pour
assuré que ce projet de confédération, tout
défectueux qu'il est, nous fait espérer la
solution d'une grande difficulté politique:
aussi, ne craindrai-je pas de porter ma part
de la responsabilité ne nous assumons en
élevant encore le chiffre de la dette publique.
J'ai parlé des frais qu'entraînera le régime
fédéral comme ne fournissant, jusqu'à un
certain point, que matières à conjectures;
il est cependant un article de ces frais qui
ne partage pas ce caractère: c'est celui de
la construction du chemin de fer intercolonial, qui est une partie vitale de la mesure
et sans laquelle celle-ci n'aurait aucune raison
d'être. Comme entreprise commerciale, le
chemin de fer ne saurait soutenir l'examen;
n'offrant aucune perspective sur laquelle on
pourrait rédiger un prospectus, il serait impossible de le faire valoir aux capitalistes
européens comme un placement avantageux.
Toute sa raison d'être vient de ce qu'il est
nécessaire pour établir ces relations sociales
et d'affaires si essentielles à l'unité politique
entre les provinces du golfe et le Canada.
Ce sera donc une entreprise nationale à tous
égards, et il n'est que juste que le peuple
canadien sache et comprenne de suite de
quel montant probable va se grossir notre
dette publique par l'effet de la 68ème résolution. Je ne crois pas que notre part
de contribution aux frais de la construction
de ce chemin de fer soit de beaucoup au- dessous de ce ue nous avons deja payé
pour celle du chemin de fer Grand Tronc,
et, dans tous les cas, elle ne devra pas être
de moins de douze à quatorze millions de
piastres. S'il arrive ne le peuple soit consulté sur la question de la confédération,
le
chemin de fer intercolonial sera assurément
le détail le plus difficile à faire accepter
surtout en Haut-Canada. Dans mon propre;
comté,—et je puis me flatter qu'il n'y a peut- être pas un seul député de cette chambre
qui sont plus populaire que moi parmi ses
électeurs,—je dis donc que si je devais me
présenter dans mon repre comté sur la
question de la conféération et comme un
903
de ses avocats, je ne me cache pas que la
68e résolution serait un puissant cheval de
bataille pour quiconque voudrait rompre
une lance avec moi; je serais cependant prêt
à faire face aux difficultés et suis assuré que
je réussirais du moment que je pourrrais
convaincre mes électeurs que le projet de
confédération, même acoonplé au chemin de
fer intercolonial, est essentiel à notre existence
comme peuple anglais. (Ecoutez! écoutez!)
Mais pour revenir aux objections que présente ce projet, je me suis fait la question
suivante: la confédération, toute défectueuse qu'elle est dans le plan qui nous est
soumis, offre-t-elle des chances de fonctionner
pour le bien futur du pays? Est-il probable
qu'elle mette fin aux graves difficultés politiques qui embarrasssnt notre marche?
Car,
c'est en vain qu'on voudrait se le dissimuler,
nous approchons en ce moment l'époque la
plus critique de notre existence. Menacés
d'agression au dehors, notre condition intérieure est loin d'être florissante en dépit
de ce que les livres officiels et statistiques
peuvent dire au contraire. Il se passe de
graves événements au-delà de notre frontière
qui ont déjà sérieusement affecté notre commerce et qui devront, d'une façon ou l'autre,
influer sur notre situation politique. Nous
voyons en ce moment un peuple ivré jusqu'ici exclusivement à l'industrie et au
commerce se transformer subitement en une
puissance militaire importante. Pour me servir
'une de leurs expressions, les Américains
t'ont de l'histoire très rapidement, et il est
impossible que les événements dent elle se
compose puissent se passer dans un pays
séparé du nôtre par un peu plus qu'une
ligne imaginaire, sans que nous y prenions
part dans un sens ou dans l'autre. Impossible
de se cacher que les destinées de notre pays
sont à la veille d'un grand changement,—
changement qui se présentera sous une forme
ou sous une autre, et cela avant que nous
puissions le maîtriser autrement qu'en lui
donnant la forme qu'il doit avoir. (Ecoutez!)
Il y a en Angleterre un sentiment de défiance
envers le Canada qui prend de jour en jour
du terrain. Nous le voyons dans le ton de la
presse, dans les discussions du parlement et
ailleurs, et on ne se gêne pas pour nous dire
que nous donnons à l'Angleterre plus de
troubles que nous en valons la peine. Pareil
sentiment de défiance équivalant presque à
du mépris a toujours régné aux Etats-Unis.
L'ignorancc qui y existe au sujet de tout ce
qui touche au Canada, soit en politique,
ressources, commerce en progrès, surprend
vraiment quiconque se met en relations avec
eux, et, si elle ne témoigne pas beaucoup en
leur faveur, elle ne nous place pas moins dans
une position humiliante. (Ecoutez!) Cependant, cette ignorance en tout ce qui regarde
le Canada se retrouve au même degré chez
ceux qui, dans l'ancien monde, nous sont
alliés par le sang ou la communauté de
patrie. Comment porter remède à ce malheureux et humiliant état de choses? Comment
inspirer la confiance à l'étranger,
commander le respect, défier le mépris?
Voilà, suivant moi, autant de questions pratiques à étudier! On nous dit en Angleterre
de compter plus, dorénavant, sur nos propres
forces que nous ne l'avons fait par le passé:
et il n'est que juste qu'il en soit ainsi. Je
crois qu'il n'y a pour nous que trois formes
politiques possibles après que nous aurons
brisé notre enveloppe de chrysalide: l'indépendance comme nation séparée sur ce continent,
l'union avec toutes les provinces
anglaises de l'Amérique du Nord sous la
protection de l'Angleterre, telle que projetée
par les présentes résolutions, afin de devenir
de plus en plus anglais et de pouvoir former
une puissance anglaise sur ce centinent,—
enfin, ainsi que l'a dit mon hon. ami de
Lanark Sud (M. MORRIS), les deux premières alternatives mises de côté: l'absorption
ou annexion aux Etats-Unis. C'est en
vain que nous voudrions nous dissimuler ce
fait ou que nous avons le temps de faire
notre choix. Je sais que cette dernière
forme,—et je parle ici d'après une connaissance nussi approfondie des besoins, des
sentiments et des désirs du peuple canadien
qu'aucun de mes auditeurs,—déplairait a la
grande majorité du pays. (Applaudissements
prolongés) Quant à moi, j'y suis si antipetique que ce serait pour moi une sentence
d'expatriation, — la rupture de liens remontant à vingt-cinq ans de date. (Ecoutez!
écoutez!) En déposant devant cette chambre
le projet actuel du ministère, mon hon. ami
le procureur-général du Haut-Canada nous
donna à entendre que la question ou les
détails de la question devaient à peine être
considérés comme sujets à la discussion, et
nous a dit clairement et carrément que la
chambre devait regarder ces résolutions
comme un traité scellé et si né entre les
parties contractantes, et qui devant être
accepté ou rejeté en bloc. Je compris
alors la nécessité d'une telle conduite,
mais je l'ai encore mieux comprise il y
904
a quelques jours, lorsque le même ministre est venu nous annoncer à la suite
des faits qui venaient de se produire au
Nouveau-Brunswick, qu'il était du devoir du
gouvernement de pousser la mesure avec
plus de vigueur et dans une voie un peu
différente de celle à laquelle il avait d'abord
songé. (Ecoutez! écoutez!) On me permettra de faire ici une légère digression, car
je veux saisir cette occasion de déclarer que
je n'ai jamais en autre chose qu'une demi- confiance dans le gouvernement tel qu'il
se
trouve constitué. Quand les chefs du parti
conservateur, auquel j'ai toujours appartenu,
crurent à propos l'an dernier d'essayer cer taines combinaisons ministérielles qui
étonnèrent, de l'aveu de tous, le pays entier et
nous donnèrent le ministère actuel, j'affirmai
que ceux du parti conservateur soit dans
cette enceinte, soit au dehors qui désaprouvaient cette conduite, avaient le droit
de
se tenir pour dégagés de tous les liens ou
obligations qui avaient été contractées par
les chefs, et prétendis comme je le prétends
encore aujourd'hui qu'à l'avenir je ne devais
d'allégeance politique de parti à personne
dans cette enceinte. En croyant devoir
adopter la position anomale et hybride de
" membre indépendant " je savais très-bien
que je brûlais mes vaisseaux et que je brisais
toutes mes chances d'avancement politique,
mais jamais mes aspirations politiques n'ont
pu faire taire mes notions d'honneur et de
consistance politique ou réprimer mon amour
pour l'indépendance personnelle. Aujourd'hui, cependant, que de grands bouleversements
menacent nos relations politiques;
sentant comme tous que nous sommes à la
veille d'un évènement d'une importance
décisive; que mon hon. ami le procureur- général du Haut-Canada annonce comme il
l'a fait la conduite franche, énergique et
large ne le gouvernement prend a l'occasion
de difficultées subites et imprévues,—je parle
du résultat des élections dans le Nouveau- Brunswick,—je dirai à cet hon. ministre
et a
ses collègues qu'ils peuvent, comme toutes
les fois qu'ils feront face aux difficultés politiques de ce pays, compter sur mon
appui
cordial, sincère et rempli d'admiration.
(Ecoutez! écoutez!) Sans plus de discussion, je mets mon vote et ma fortune du côté
de la confédération, et j'en agis ainsi sur la
ferme persuation que, quelque, défectueux
que puissent être certains détails du projet
et quelque problématique qu'il paraisse
d'en faire fonctionner certaines parties, les
ressources des populations de ces provinces et
leurs dispositions innées pour le gouvernement représentatif suffiront pour aplanir
toutes les difficultés et les obstacles qui
pourront encombrer la voie. Je suis convaincu que les défauts qui me déplaisent
dans la mesure projetée disparaîtront, à
l'instar de certaines maladies chez les enfants, à mesure que le système vieillira,
et
que lorsque dix autres années auront passé
sur nos têtes nous formerons un maple
anglais consolidé, fort et capable, dans la paix
comme dans la guerre, de faire respecter nos
droits sur ce continent. (Applaudissements.)
A six heures sonnant, l'ORATEUR quitte
le fauteuil.
A la séance du soir.
M. SHANLY reprend le fil de son discours en ces termes:—J'avais avant l'ajournement exprimé
ma conviction ne le peuple
de ce ays serait à la hauteur de toutes les
difficultés qui pourront se rencontrer dans le
fonctionnement du régime contenu dans ces
résolutions, et se montrerait capable de le
modifier ou de le changer jusqu'à ce qu'il
produise la plus grande somme de bien possible pour tout le pays. En donnant sa préférence
à cette forme sur les autres, c'est-à- dire à l'union avec la métropole sur l'annexion
aux Etats-Unis, à la monarchie sur
le républicanisme, je crois que notre population choisit celle qui est. la mieux calculée
pour favoriser ses progrès matériels et assurer le bien-être et la grandeur future
du
pays. Car l'annexion avec les Etats-Unis
et notre régime comme état ne sauraient
aucunement nous soustraire à l'obligation de
développer par de grandes entreprises les
progrès et les ressources du pays; notre
dette resterait la même sans compter que nous
serions seuls à la supporter; nos canaux et
autres travaux publics seraient traités non
comme des entreprises nationales mais d'état
seulement, et les frais d'élargissement ou
d'achèvement que nous voudrions encourir à
cet égard seraient supportés par un revenu
affaibli, car tout le revenu que nous retirons
aujourd'hui de l'accise et des douanes serait
destiné non pas à l'amélioration et au bénéfice de l'Etat du Canada mais bien au trésor
public de Washington. C'est pourquoi il m'est
impossible de comprendre comment un Canadien ayant à cœur l'intérêt de son pays, peut,
même au point de vue purement matériel,
se faire le défenseur de l'annexion avec les
Etats-Unis, car nombre d'individus et des
plus loyaux s'imaginent que d'une façon ou
905
l'autre, sans bien définir comment, l'annexion
ouvrirait à ce pays une ère de prospérité
subite et extraordinaire. Je difière complètement des théoriciens et des visionnaires
qui ont cette opinion, même au point de vue
matériel et pratique. Comment, je vous le
demande, ce pays avec des ressources affaiblies en sa possession pourrait-il exécuter
ces
grands travaux auxquels notre avenir est lié,
et dont les moyens comme la manière de les
exécuter font aujourd'hui l'anxiété de nos
financiers? J'ai toujours été d'opinion,
depuis le jour où j'étudiai avec soin l'avenir
de ce pays, que cet avenir dépend autant de
ses eaux que de son soi; car, a vrai dire, le
sol du Canada n'a rien de tentant pour celui
qui a cultivé les terres de la Grande-Bretagne ou exploré les vastes et fertiles plaines
a
l'ouest du Lac Michigan. A l'égard du climat
et du sol, le Canada ne fait qu'un avec le
nord de l'Etat de New-York et les Etats
du Vermont et de New-Hampshire. Mais
l'avantage immense que nous avons sur ces
états et qui nous donne un caractère a part
sur ce continent, consiste dans le fleuve
magnifique qui coule à nes pieds. La destinée de ce pays est attachée au sort de ce
fleuve et de l'immense chaîne de notre navigation intérieure. Or, accomplirons-ncus
cette destinée en demeurant oisifs et en ne
fesant rien pour améliorer ces voies naturelles ou en créer d'artificielles, nous
en
remettant à la Providence du soin de développer nos ressources? Je crois que notre
avenir est beau, mais nous n'y arrivorons
qu'à force de travail et de sacrifices, et ce
n'est pas en nous unissent a un pays qui
mettra de suite la main sur les quatre-cinquièmes du revenu qui nous fait vivre aujourd'hui,
que nous nous trouverons en
meilleure position d'y atteindre. (Ecoutez!
écoutez!) La première grande entreprise
dont nous devons nous occuper, soit pour
notre commerce soit pour notre défense, est
l'amélioration de notre navigation intérieure.
Quant à l'amélioration de notre commerce
effectuée par celle de notre navigation, quel
avantage retirerons-nous de notre annexion
avec la république voisine? Au contraire,
tous les états qui bordent l'océan ne seraient- ils pas intéressés à faire tout en
leur pouvoir
ur attirer le trafic de nos canaux dans les
leurs et essayer d'empêcher les améliorations
propres à lui faire prendre la voie du St.
Laurent? Sans doute, les Etats de l'ouest
ont des intérêts communs avec nous, mais ils
ne sont pas en position de nous aider dans
une telle entreprise, ayant eux—mêmes à
emprunter pour faire exécuter leurs propres
améliorations intérieures. Ainsi donc,
tout homme bien pensant et dénué de préjugés devra admettre, suivant moi, que notre
prospérité future et notre importance se
trouvent liées à notre individualité et
aux efforts que nous ferons pour faire
profiter l'héritage ne nous ont légué nos
ancêtres. (Ecoutez! écoutez!) Je suis convaincu que les neuf-dixièmes des Canadiens
ne se laisseraient pas effrayer, en face des
dangers quo pourrait courir leur autonomie, par les guerres qu'il leur faudrait
soutenir un jour ou l'autre pour la défense
de leur pays, et de tout ce qui est cher à
un peuple brave et loyal. Nous sommes les
possesseurs enviés du plus grand fleuve du
monde, tout bien considéré, et les gardiens
de l'une des principales artères qui aboutissent à l'océan, et j'ai l'espoir que jamais
nous ne laisserons éclapper cet héritage, si
ce n'est par force et violence; et encore,
faudra-t-il que cette force et cette violence
puissent non seulement triompher du peuple
de ces provinces mais encore de la Grande- Bretagne elle-même. (Ecoutez!) Quoique
je
me sois proposé de ne pas entrer dans les détails de la mesure que je discute en ce
moment, je prierai cependant la chambre de vouloir bien me prêter encore quelque peu
son
attention pour une remarque importante que
j'ai à faire, et qui a trait à la 69e résolution
projetant la colonisation du territoire du
Nord Ouest par le Canada et aux frais du
Canada. ll n'est personne en cette chambre
qui, plus que moi, sache apprécier la valeur
future des grandes et naturelles ressources de
ce territoire, mais je n'apparticus pas acette
catégorie de politiques visionnaires et exaltés
qui risquent de tout perdre en voulant trop
embrasser, d'autant plus que sur le vaste domaine s'étendant du lac Supérieur aux
rives
de Terreneuve, la confédération aura pendant longtemps un vaste champ à offrir à l'énergie
et a l'esprit d'entreprise de son peuple
Par sa position géographique, le territoire
du Nord-Ouest est pour nous d'un accès
très difficile. Une grande région à la fois
stérile et inhabitable sépare le lac Supérieur
des fertiles plaines de la Rivière Rouge
et de la Saskatchewan qui, pendant sept
mois de l'année, sont tout à fait inaccessibles pour nous à moins de traverser un
pays étranger, de sorte quil sera presque
impossible pour nous seuls de nous relier à ce
territoire et de le coloniser, nous ne peu—
906
vous pas du premier coup asser de la position de colons à celle de colonisateurs.
Cet
immense territoire ne pourra être développé,
colonisé et conservé pour nous, qu'en lui
donnant ce soin que l'Empire a toujours en
donner à ses colonies encore dans l'enfance.
Dansle cours des débats, l'hon. président du
conseil (M. BROWN) a dit qu'il espérait voir
un jour nos jeunes gens quitter notre pays
pour aller habiter celui du Nord-Ouest. Quant
à moi, je suis éloigné d'avoir ce désir; j'entretiens plutôt l'espoir que la confédération
ouvrira à ces provinces un assez vaste
champ aux capitaux et à l'esprit d'entreprise, qu'elle développera assez leurs ressources
pour employer l'énergie et satisfaire
la juste ambition de cette jeunesse et l'empêcher, comme cela se voit aujourd'hui,
d'aller s'établir à l'étranger, car c'est là
un des maux les plus grands dont le
Canada soit affligé. (Ecoutez! écoutez!)
Bien qu'immigré moi-même, je reconnais que
l'homme né et élevé ici vaut deux étrangers
pour l'accomplissement de la tâche ardue du
défrichement et de la colonisation de ce qui
nous reste du domaine public. Aussi, mon
espoir le plus ardent est-il que la confédération de ces provinces nous sera assez
avantageuse pour engager la jeunesse à ne pas
luitter nos foyers. (Ecoutez! écoutez!) C'est
dans cette espérance queje donne mon appui
à la mesure. Je fais en même temps des vœux
pour que le grand territoire du Nord Ouest
soit conservé à laGrande-Bretagne, et qu'avec
le temps et sous ses soins protecteurs, il
grandisse en richesse et en population de
manière à ce qu'un jour la nation britannique américaine couvre le sol jusqu'aux rives
du Pacifique. Au point où en sont rendus les
débuts, il serait déplacé d'entrer plus avant
dans les détails. J'ai, d'ailleurs, promis de
m'en abstenir. Dès le début, j'ai été d'avis
que pour le moment nous n'avions que très
peu à nous occuper des détails. Si, somme
toute, le projet est bon, on trouvera certainement plus tard les moyens de remédier
à ce
qui s'y trouve de défectueux. Avec tous ses
défauts—qui sont nombreux je le sais, mais
jamais constitution écrite n'en a été exam te
—je n'en suis pas moins convaincu que le but
général auquel il tend rencontre l'approbation
d'une grande majorité du peuple canadien;
et ce serait faire insulte au bon sens d'une
population qui c'est toujours montrée capable
de juger par elle-même et de se gouverner,
que de la supposer incapable de remédier,
quand l'occasion s'en présentera, aux défec
tuosités d'un système de gouvernement dont
elle a permis de faire un complet essai.
(Ecoutez! écoutez!) Voilà, M. l'ORATEUR,
ce que j'avais à dire sur cet important sujet
de la confédération. J'ai promis de ne pas
abuser de l'attention de la chambre en l'entretenant de détails, et j'espère avoir
tenu ma
promesse; mais, il me sera peut-être permis
d'exprimer l'espoir—que je crois bien fondé
—que le peuple de ces provinces est et se
montrera à la hauteur de la grande entreprise
qui l'attend; qu'avec l'aide de la puissance
commerciale de l'Angleterre en temps de paix,
et de ses forces militaires et navales en temps
de guerre, si toutefois une guerre nous était
déclarée, nous montrerons un monde que
nous ne sommes pas d'indignos rejetons des
nobles races dont nous descendons; que nous
sommes capables d'accomplir la grande tâche
qui nous est confiée,—la tâche la plus noble
qui puisse être confiée à un peuple éclairé et
intelligent,—celle de se faire un nom et une
place parmi les nations de la terre; celle
d'élever,—pour me servir d'une citation tirée
du discours d'un homme d'état marquant de
l'Angleterre, et introduite avec à-propos dans
l'habile discours de mon hon. ami le député
de Lanark —celle d'élever "' un de ces grands
momuments que l'Angleterre laisse comme
trace de ses actes; non pas des pyramides ni
des obélisques, mais des états prospères dont
l'histoire sera écrite dans sa langue." (Applaudissements.)
M. SCOBLE—M. l'ORATEUR:—Si je ne
consultais que mon désir, je ne prendrais
certainement pas la parole, à cette période
avancée des débats, sur cette grande question
par nous discutée depuis si longtemps; mais
ayant en quelque sorte modifié les opinions
que je m'étais d'abord faites à l'égard du
projet soumis par le gouvernement, je crois
nécessaire de faire quelques remarques pour
motiver le vote que je compte donner. En
abordant cette question, autant que faire se
peut, je m'éloignerai de tout esprit de parti,
des préférences de personnes et de toutes les
jalousies de section. Mon désir est de ne
la traiter que selon ses mérites, c'est-à-dire
avec justice et impartialité, d'abord au point
de vue des grandes difficultés qui existent
malheureusement entre le liant et le Bas- Canada, et ensuite à celui del'union projetée
des provinces de l'Amérique Britannique.
Ces deux parties de la question principale,
ou plutôt ces deux questions, qui ne sont pas
directement liées l'une à l'autre, peuvent
être discutées séparément, car il est possible
907
que l'union des provinces n'ait pas immédiatement lieu, et dans ce cas nous aurions
encore à nous occuper des difficultés de
notre position, et, si possible, d'en obtenir le
réglement. (Ecoutez! écoutez!) Je commencerai donc, M. l'ORATEUR, par ces difficultés
qui, depuis si longtemps entravent notre
marche et que jusqu'ici nous avons essayé,
mais en vain, de faire disparaître. Si nous
devons en croire l'hon. député de Brome
(M. DUNKIN), que je regrette de ne pas
voir à sa place, ces difficultés sont imaginaires, non réelles. Dans son discours,
travaillé avec soin mais fatiguant par sa longueur, il nous a dit que dans le Bas-Canada
le catholique et le protestant, les deux
populations, dont l'une parle le français et
l'autre l'anglais, vivaient dans l'harmonie la
plus parfaite, et l'hon. proc.-gén. CARTIER
est venu corroborer cette assertion en déclarant que cette harmonie était si réelle
qu'il jouissait de la confiance, non seulement
des catholiques mais aussi de la société protestante, en un mot, qu'il représentait
protestants
et catholiques. Loin d'être disposé à mettre
en doute le fait proclamé par ces hon. messieurs, j'y crois, au contraire, véritablement,
et l'attribue à ce que ces deux populations
ont des objets et des intérêts communs à
faire valoir et à conserver. (Ecoutez!
écoutez!) Mais l'hon. député de Brome a
été plus loin: il a affecté de croire qu'aucune
difficulté grave n'existait entre le Haut et le
Bas- Canada, et que le mécontement que le
Haut a manifesté aurait pu facilement disparaître sans recourir à un changement organique
de notre constitution actuelle. C'est là
au moins ce que j'ai compris de cette partie
du discours de l'hon. monsieur; or, sur ce
point, je diffère d'avec lui, car je crois ces
difficultés du caractère le plus grave, et que
si on ne les fait pas disparaître sous peu,
elles vont menacer la paix et la prospérité
de la province, et produire en fin de
compte peut-être la désunion, peut-être l'annexion aux Etats-Unis. (Ecoutez! écoutez!)
Tout homme aimant son pays doit
craindre ces résultats et travailler à les
prévenir. La chambre et le pays sont avec
moi d'accord sur le danger de notre position,
et par conséquent sur l'importance de la
mesure en délibération comme moyen d'éviter ce danger. (Ecoutez! écoutez!) Si
nous pouvons trouver la véritable cause
de nos difficultés, nous n'aurons pas à en
chercher longtemps le remède. Quelle est
leur origine? Selons quelques-uns, elles
sont dues aux différences de race, de religion,
d'institutions civiles et de langue. Je ne
suis pas censé ignorer ni disposé à nier que
ces différences jouent un rôle marquant,
dans le non-réglement de ces questions de
section; mais je nie formellement qu'elles
en soient la cause. Prenons, par exemple,
la question de nationalité. Ceux qui, parmi
nous, sont d'origine française peuvent bien
être fiers de leurs ancêtres, de leurs traditions
et de leur histoire; ils peuvent bien dire
que le même sang que le leur coule dans les
veines du peuple qui a fondé en Europe ce
grand empire, qui exerce aujourd'hui tant
d'influence sur la civilisation et la politique
du monde; mais comme ils ne sont plus
sujets français, qu'ils ont prêté allégeance a
la couronnne d'Angleterre, et qu'ils jouissent
de toutes les franchises des libres sujets
anglais, il me semble que la question de
nationalité française doit disparaître pour
ne faire place qu'à celle d'origine; que la
seule nationalité qui puisse être reconnue
parmi nous est la nationalité anglaise, à
moins, toutefois, que nous ne voulions nous
séparer de la mère—patrie, former une nouvelle nationalité ou unir notre existence
politique à celle de la république voisine.
Mais, M. l'ORATEUR, où sont-ils ceux d'entre
nous qui soient préparés à l'une ou à l'autre
de ces alternatives? Dois-je croire que la
population d'origine française de cette province est moins attachée à la couronne
anglaise que celle d'origine anglo-saxonue?
Dois—je croire que si l'occassion lui en était
donnée, elle s'empresserait de se réunir à la
France? Je suis sûr que ceux qui la composent, s'empresseraient de répondre négativement
à ces questions. Je suis convaincu que
ce sont là leurs sentiments, et je les crois
de même persuadés que sous un gouvernement du monde, ils jouiraient d'autant de
liberté civile, politique et religieuse, que sous
la domination britannique. Comme le Franco- Canadien, l'Ecossais a son histoire et
ses
traditions, mais où est l'Ecossais qui ne soit
pas fier de son alliance avec l'Angleterre, ou
qui désire rompre cette alliance, dut cette
rupture redonner à son pays un parlement
ou un roi? Je crois que tout Franco-Canadien éclairé doit avoir la même opinion,
malgré ce que les démagogues écervelés
peuvent dire au contraire. (Ecoutez! écoutez!) Passons maintenant à la question
religieuse, que l'on représente comme un
obstacle insurmontable au réglement de nos
difficultés de section. Si l'on avait établi en
908
cette province une croyance anti-catholique
ou protestante, à laquelle tous seraient tenus
de souscrire, ou sinon, d'y souscrire, au
moins de pourvoir à son maintien par une
taxe, je comprendrais, M. l'ORATEUR,
que la différence d'opinion religieuse serait
une entrave à ce réglement: mais puisque nous jouissons ici de la plus complète
liberté religieuse.—oui, d'une plus grande
somme de liberté religieuse que celle accordée
aux chrétiens catholiques de France,—je ne
vois pas pourquoi les catholiques de ce pays
pourraient croire qu'en rendant justice aux
Haut- Canadiens ils se feraient tort à eux- mêmes. (Ecoutez! écoutez!) Nous sommes
tous trop profondément intéressés au maintien
dela liberté religieuse pour songer à forcer la
conscience ou pour permettre à l'état de
s'immiscer dans des affaires d'une importance
aussi transcendante que celles de nos rapports
avec Dieu ou du culte que nous lui devons.
Avec cette différence de croyance et de
culte, la liberté religieuse pour tous est aussi
nécessaire à. la paix et au bon gouvernement
qu'à la conservation de la foi chez le peuple.
Nous devenons ainsi les gardiens de la plus
précieuse de toutes les libertés, celle de
rendre à Dieu le culte que nous dicte notre
conscience, sans que personne ni l'état ne
puisse y mettre obstacle. (Ecoutez! écoutez!)
Mais l'on a dit que les institutions civiles du
Bas-Canada auraient à souffrir si on donnait
au Haut une représentation, dans la législature et le gouvernement, d'après sa population,
et je suis étonné, M. l'ORATEUR, que
l'on ait pu avoir une semblable crainte,
d'autant qu'il est bien connu que la politique
de l'Angleterre a toujours été on ne peut plus
libérale à cet égard. Consultez l'histoire de ses
conquêtes dans aucune partie du monde, et
vous verrez que jamais elle n'a imposé ses propres lois sans la volonté du peuple.
Sa constitution et ses lois appartiennent de droit aux
peuples soumis à sa domination, et cette
constitution et ces lois sont les protecteurs de
la liberté publique et individuelle,—voilà
pourquoi elle accorde la plus grande liberté
à l'égard des coutumes, des institutions particulières et de l'administration de la
justice
dans toute l'étendue de ses possessions.
Quelque désirable ne puisse être l'assimilation des lois du Haut et du Bas-Canada,
elle serait obtenue à un trop grand prix si
elle devait créer du mécontentement chez
une partie considérable du peuple. Le temps
accomplira ce que la contrainte pourrait
détruire. Bien que, comme Anglais, je sois
porté à croire les meilleurs du monde nos
lois et notre système judiciaire, cette opinion
n'est pas chez moi entrée jusqu'au point de
croire à leur perfection. Les perfectionner
en leur adjoignant tout ce qui se trouve de
mieux dans d'autres systèmes, est ce que le
sens commun nous commande de faire et ce
qui recevra constamment mon concours empressé. Les institutions du Bas - Canada
n'auraient nul danger à courir avec les
Haut-Canadiens, car, pratiquement, et dans
la supposition qu'ils en eussent le pouvoir,
ils ne gagneraient rien en les changeant;
mais, ce pouvoir, ils ne l'auraient pas et ne
le désireraient pas non plus. (Ecoutez!
écoutez!) Et puis, M. l'ORATEUR, quant
à la différence de langue, je ne puis croire
sérieux les Bas-Canadiens lorsqu'ils s'imaginent que notre désir est de voir disparaître
l'idiome de leurs pères. Cela peut bien se
dire pour exciter les préjugés de l'ignorance,
mais il est certain qu'auprès de gens intelligents. cela ne peut avoir aucun effet.
C'est
aux Franco—Canadiens à décider s'ils doivent
ou non renoncer à leur langue pour adopter
la nôtre. Ils sont libres de se servir de
l'une ou de l'autre, ou des deux, selon qu'il
leur plaira. Si, dans le Bas-Canada, l'Anglais est forcé d'apprendre le français pour
les affaires et les relations sociales, et que
dans le Haut-Canada le Français soit tenu
d'en faire autant pour la même raison, il n'y
a là, asssurément, rien de regrettable ni
pour l'un ni pour l'autre, puisque les deux
n'ont qu'à y gagner, puisque ceux versés
dans les deux langues peuvent avoir accès
aux œuvres de littérature, de philosophie et
de science des deux nations les plus avancées
de la terre, sous ce triple rapport. Personne
d'entre nous ne cherchera à exclure la langue
française tant que ceux qui préfèrent
cette langue à toute autre jugeront à propos
dela conserver. (Ecoutez! écoutez!) Donnez
au peuple du Haut et du Bas-Canada un
but commun à atteindre, des intérêts communs à sauvegarder, et toutes les questions
d'origine, de croyance, d'institutions et de
langue, disparaîtront pour faire place à un état
de choses qui sera atteint par une union plus
intime entre eux ou une union avec les
autres colonies, comme celle proposée par le
projet de confédération. (Ecoutez! écoutez!)
La grande difficulté qui entrave notre marche
tique nous cherchons à surmonter, est politique et non sociale. Elle a sa source dans
la
constitution qui nous a été imposée en 1841,
par le gouvernement et la législature de
909
l'empire. Cette constitution a été fondée
dans un but d'injustice envers le Bas-Canada,
et ses résultats, ainsi qu'on le prévoyait
alors, ont produit l'injustice la plus grande
pour le Haut-Canada. Si le principe de la
représentation d'après le nombre eût été
alors adopté, la ligne de démarcation entre
le Haut et le Bas-Canada eût disparu,
excepté pour les fins judiciaires, et l'harmonie règnerait entre eux, tandis que maintenant
nous en sommes à recourir à des
changements organiques pour nous préserver
de la révolte et de l'anarchie. (Ecoutez!
écoutez!) Le député de Bagot (l'hon. M.
LAFRAMBOISE) a fait de nombreuses citations du rapport de lord DURHAM, pour
démontrer que cet homme de distinction
était préjugé contre les Franco-Canadiens,
et même disposé à ne pas leur rendre justice.
En renant ça et la des passages de cet
habile document, l'hon. membre n'a justifié,
qu'en apparence, son accusation. Je crois
faire acte de justice à la mémoire de lord
DURHAM, en complétant les citations que
l'hon député a faites par d'autres extraits,
qui démontreront que sa seigneurie était
mue par un esprit d'impartiale justice quant
aux mesures qu'il recommandait pour faire
cesser les divisions qui alors existaient en
Canada. Avec la sagesse prévoyante qui
caractérise le véritable homme d'état, voici
ce qu'il recommandait:—
"Comme la simple fusion des chambres d'assemblée des deux provinces ne serait pas
prudente,
si on ne donnait pas à chacune la part de représentation qui lui est due, on devrait
nommer une
commission parlementaire chargée de faire les
divisions électorales et de déterminer le nombre
de députés à élire, autant que possible, selon le
principe de la représentation d'après le nombre."
Où est, je vous le demande, l'injustice de
cette recommandation? La population du
Bas-Canada était alors la plus nombreuse,
et elle avait droit, par conséquent, à plus de
députés à la législature unie; or, les autorités impériales n'établirent pas la constitution
par elles donnée au Canada sur le principe de la représentation d'après le nombre,
mais sur celui de l'égalité, car elle accorde
un nombre égal de représentants aux deux
sections de la province. Nous en sommes
aujourd'hui à déplorer le résultat de cette
constitution, que sa seigneurie, ainsi qu'on
va le voir dans les lignes suivantes, eut voulu
établir sur d'autres bases:—
"Je suis opposé à tout plan qui a été proposé
à l'effet de donner un nombre égal de représen
tants aux deux provinces, afin d'atteindre le but
temporaire de surpasser en nombre les Français
et cela parce que je crois que l'on peut obtenir le
même résultat sans violer le principe de la représentation et sans que le projet ait
aucune apparence
d'injustice qui pourrait soulever contre lui l'opinion publique, tant ici qu'en Angleterre;
et de
plus, parce que l'adoption d'un tel principe, tendrait, lorsque l'immigration aura
augmenté la
population anglaise du Haut-Canada, à nullifier
le véritable but que par elle on compte atteindre.
Il me semble qu'une disposition électorale de ce
genre, basée sur les divisions provinciales actuelles,
tendrait à faire manquer le but de l'union et à
perpétuer l'idée de la désunion. "
Ce sont là des paroles inspirées par la
vraie sagesse; mais elles ne furent pas
écoutées en Angleterre, et aujourd'hui nous
en déplorons les conséquences. Le Haut et
le Bas-Canada sont en antagonisme; un
conflit entre les sections est imminent;
l'action de notre législature est paralysée
et nos hommes publics sont à bout d'expédients. Tout cela avait été prévu par lord
DURHAM, et, tout cela, il avait voulu l'éviter
par les sages conseils qu'il a laissés touchant
le gouvernement futur de cette importante
province. Voyons ce qu'il dit plus loin à
l'égard des lois, de la religion et des institutions particulières du Bas-Canada:—
"Je n'aimerais certainement pas à assujétir les
Franco-Canadiens à la domination de la même minorité anglaise avec laquelle ils luttent
depuis si
longtemps; mais je ne pense pas qu'ils auraient à
craindre l'oppression ou l'injustice d'une majorité émanant d'une source aussi étendue;
et dans
ce cas, la très grande partie de cette majorité, qui
n'aurait jamais été en lutte avec eux auparavant,
n'aurait pour eux aucune animosité qui pourrait
blesser leur sentiment naturel de justice. Les
dotations de l'église catholique dans le Bas-Canada,
et l'existence de ses lois actuelles pourraient étre,
d'ici à ce que la législature unie les ait changées,
garanties par des stipulations analogues à celles
adoptées lors de l'union entre l'Angleterre et
l'Ecosse. Je ne pense pas que l'histoire future de
la législation anglaise doive nous faire croire que
la nation qui a une majorité dans une législature
populaire puisse vraisemblablement user de son
pouvoir pour changer avec précipitation les lois
d'un peuple qui lui est uni. "
Voilà quelles étaient les opinions de lord
DURHAM, et voilà quel était le projet d'union
qu'il voulait pour le Haut et le Bas-Canada!
Ce projet était divisé en deux parties; l'une
accordait la représentation d'après le nombre
dans la législature, et l'autre donnait des
garanties que le Bas-Canada serait protégé
dans ses institutions particulères et que ses
droits seraient respectés; mais sa seigneurie
avait aussi en vue un plus grand projet que
910
l'union du Haut et du Bas-Canada. Elle
désirait ardemment que toutes les colonies
anglaises de l'Amérique du Nord fussent
réunies sous un seul gouvernement. Lors- qu'elle reçut sa commission de la couronne
britannique, sa seigneurie était fortement
en fumeur du principe iédéral dans son
application à l'état où se trouvait alors le
laut et le Bas-Canada; mais, à la suite
d'une plus profonde étude de la question,
une fois arrivée en ce pays, et après voir
consulté les premiers hommes des diffàrentes colonies américaines, elle en vint à
la
conclusion qu'une union législative de ces
colonies serait préférable it une union fédérale. Ce changement d'opinion de sa part
est
expliqué dans les extraits de son rapport que
je vais encore citer. Par une union législative,
elle entendait " l'incorporation complète des
provinces devant la composer, et une législature unique seule revêtue de l'autorité
législative pour toutes ces provinces, constituée exactement de la même manière que
le
parlement anglais qui, seul, légifère pour
toutes les îles britanniques," Après une
minutieuse revue de tout le sujet, lord
DURHAM fait ainsi connaitre comment il est
arrivé à une préférence pour la confédération:—
"Cependant, je restai avec une impression encore plus forte des avantages d'un gouvernement
uni, et je fus flatté de trouver les hommes marquants des diverses colonies fortement
et génèralement disposés en faveur d'une mesure qui
élèveralt leur pays il quelque chose ressemblant à
une existence nationale. Je pensai qu'une fédération affermie par un gouvernement
monarchique
touchait graduellement à devenir une union législative complète, et qu'ainsi, tout
en conciliant les
Français du Bas-Canada en leur laissant le gouvernement de leur province et leur propre
législation
intérieure, j'arriverais à la protection des intérêts
britanniques par le gouvernement général, et a la
transition graduelle des provinces en une société
unie et homogène. Mais. (ajoute sa seigneurie)
la période de la transition graduelle est passée
dans le Bas-Canada. " (Et plus loin elie conclut)
" qu'on ne trouvera de gouvernement efficace que
dans une union législative. "
La question ainsi traitée au point de vue
de son application aux deux Canadas, il va
maintenant étendre ses observations à toutes
les possessions anglaises de l'Amérique du
Nord:—
"Mais dans la conviction où je suis qu'un résultat aussi enviable serait assuré par
l'union législative des deux provinces, je suis porté à aller
plus loin et a chercher si on n'atteindrait pas plus
facilement tous ces résultats en étendant cette
union législative à toutes les provinces anglaises
de l'Amérique du Nord, et si les avantages que
j'augurc de l'union de deux de ces provinces ne
pourraient pas, ou ne devraient pas, en justice,
être accordés il toutes. Une telle union mettrait
décidément fin à toutes les querelles de race; elle
mettrait toutes les provinces en mesure de coopérer à tous les objets d'un intérêt
commun, et, pardessus tout, formerait un grand et puissant peuple
possédant les moyens de se donner un bon gouvernement responsable pour lui-même, et
qui, avec
la protection de l'Empire Britannique, pourrait
jusqu'à un certain point contrebalancer l'influence
prépondérante des Etats-Unis sur le continent
américain."
Sa seigneurie n'appréhendait nullement
que cette union aurait l'effet de rompre nos
liens avec la mère-patrie; il y voyait plutôt
un moyen de les resserrer et un avantage
pour les deux. Voici ce qu'il dit à cet égard:
"Je n'appréhende pas qu'une législature coloniale aussi puissante et aussi indépendante
pourrait désirer de rompre son alliance avec la Grande- Bretagne. Je crois, au contraire,
que l'exemption
pratique d'une intervention indue resserrerait les
liens actuels créés par l'attachement et les intérêts, et que cette alliance deviendrait
de plus en
plus stable et avantageuse, vu qu'il y aurait plus
d'égalité, de liberté et d'indépendance locale. Mais,
à tout événement, notre premier devoir est d'assurer le bien-être de nos compatriotes
dans les
colonies; et si dans les décrets cachés de cette
sagesse qui gouverne ce monde, il est écrit que
ces possesions ne doivent pas toujours faire partie
de l'empire, nous devons à notre honneur de veiller il ce que, lorsqu'elles se sépareront
de nous,
elles ne soient pas le seul pays, sur le continent
américain, où la race anglo-saxonne sera incapable de se gouverner elle-même. Je suis
réellement
si éloigné de croire que l'accroissement de pouvoir
et de puissance qui serait donné à ces colonies
par une union mettrait en danger leur connexion
avec l'empire, que je considère cette mesure
comme le seul moyen d'entretenir un sentiment
national qui contrebalancera efficacement toute
tendance d une séparation qui pourrait aujourd'hui exister."
Sa seigneurie recommande ensuite fortement l'union des deux Canadus sous une seule
législature, leur reconstitution en une province, et que le projet de loi d'union"
devrait contenir des dispositions permettant
à aucune des colonies ou à toutes les
colonies de l'Amérique anglaise, avec le
consentement des deux Canadas ou de leur
législature, d'entrer dans l'union aux conditions qui pourront être arrêtées entre
eux."
Ces remarquables passages du rapport de
lord DURHAM me paraissent renfermer l'idée
véritable du projet sentais à nos délibérations par le gouvernement; et cette mesure
nous étant ainsi recommandée par une aussi
haute autorité, elle mérite notre meilleure
911
attention, et si cette union se réalise, bien
qu'elle ne sera pas précisément comme beaucoup d'entre nous le voudraient, nous pouvons
nous attendre qu'elle fera cesser nos
divisions intestines tout en nous ouvrant un
glorieux avenir. La représentation d'après
le nombre est roi usée au Haut-Canada sans
la confédération de toutes les provinces de
l'Amérique Britannique du Nord; de la
séparation du Haut-Canada pure et simple,
il ne faut pas y penser; retomber dans la
position où nous étions il n'y a encore qu'un
an, serait nous plonger plus avant dans les
difficultés politiques, créer une amère déception et de nouvelles animosités; ainsi
donc, sauf mes réserves à l'égard des détails
seulement, je croirai de mon devoir d'appuyer de mon vote la motion devant la
chambre. (Ecoutez! écoutez!) Maintenant,
M. l'ORATEUR, je passe à la question plus
élevée du projet d'union de toutes les provinces anglaises de l'Amérique du Nord.
Pour me convaincre de l'importance de
cette union, qui finira par former une nous
Vella nationalité et assurer aux générations
futures les avantages de l'unité et de la
puissance, je n'avais que faire de l'argumentation ou de l'éloquence des hon. ministres.
Avec la permission de la chambre, je vais
lire partie d'une lettre sur ce sujet que
j'adressai en 1859 au duc de NEWCASTLE,
pendant qu'il visitait ce pays en compagnie de
Son Altesse Royale le PRINCE DE GALLES.
Après avoir fait connaitre à Sa Grace les
motifs qui m'engageaient à prendre la
liberté de lui écrire, voici ce que disait cette
lettre:—
"Les possessions anglaises de l'Amérique du
Nord ne sont pas seulement remarquables par
l'immensité de leur étendue et leurs merveilleuses
ressources: elles sont aussi sans rivales sous le
rapport des facilités de communication intérieure
qu'offrent leurs lacs et rivières, et leur position
géographique est propre a leur donner la plus
grande importance au point de vue des interets
commerciaux et politiques de l'Empire. Possédant le contrôle de cette magnifique partie
du
continent américain, laquelle est d'un bout a
l'autre d'un accès comparativement facile depuis
l'Atlantique jusqu'aux rives du Pacifique, la
Grande-Bretagne ne doit pas craindre la rivalité
ni la prépondérance des Etats-Unis; mais afin
qu'elle en retire tous les avantages qu'elle est en
mesure d'en attendre, il faut qu'elle adopte et
mette en pratique une politique à la fois bien
conçcu et pratique dans tous ses détails. En
établissant de nouvelles colonies dans l'Amérique Britannique, il serait nécessaire
de veiller a
ce qu'elles fussent aussi peu nombreuses que possible. C'est pourquoi. j'ai appris
avec regret que
l'on avait décidé de donner à l'établissement de
la Rivière Rouge une existence politique distincte,
au lieu de le laisser avec ses limites actuelles, en
aurait dû faire que le Canada s'étendit jusqu'aux
Montagnes Rocheuses. il eut pu alors absorber
plus facilement les colonne éparses de Terreneuve,
de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick et
de l'Ile du Prince-Edouard sur l'Atlantique, et
la Colombie Anglaise et l'Ile de Vancouver sur
le Pacifique. Réunies en dernier lieu sous un seul
gouvernement, dont celui de la mère-patrie servirait de modèle, mais modifié selon
que les circonstances l'exigeraient un empire pourrait être
formé par la suite sous le règne d'un des membres
de la famille royale. En attendant, rien n'empêcherait qu'un prince du sang royal
fut nommé
vice-roi de toutes les possessions anglaises de
l'Amérique du Nord, auquel on donnerait des
lieutenants-gouverneurs chargés de l'administration des colonies distinctes jusqu'à
ce qu'elles
soient graduellement et définitivement réunies.
Par cet exposé, votre grâce peut voir que je suis
adverse au système américain de fédération, et
que je lui préférerais l'union des colonies anglaises de ce continent. Un gouvernement,
une
législature, un système judiciaire, au lien de
plusieurs, avec leurs institutions, intérêts et juridictions divers, voilà ce que
je me permettrais
respectueusement de recommander comme la véritable politique que la mère-patrie devrait
adopter
sur ce continent, vu les magnifiques résultats produits par elle de l'autre côté de
l'Atlantique. Un
gouvernement fédéral comme celui des Etats-Unis,
par exemple, est et ne peut-être que faible par le
fait des éléments diseoru'ants qui le composent; il
porte en lui le germe de la désorganisation et de
la dissolution. Dans un pays nouveau comme
celui-ci, la multiplication de petites colonies équivaut à la multiplication de petites
souveraineté,
entre lesquelles l'antagonisme et la rivalité
devront tôt ou tard se manifester et empêcher de
se développer cette grandeur et cette puissance
qu'une politique opposée eut, selon moi, favorisées
et produites. Cependant, par l'union, je n'entend pas la centralisation. Je ne suis
pas partisan
du système bureaucratique de la France, de l'Antriche et de la Prusse. Pour être fort
et respecté,
un gouvernement doit laisser à son peuple autant
de liberté que le permettent la sûreté et l'avantage
de tous dans la direction des aifaires locales. Un
système municipal comme celui que nous avons
en Canada, est tout ce qu'il faut pour atteindre ce
but. En étendant les franchises politiques à
toutes les classes de la société, aux habitants
natifs comme aux sujets naturalisés, l'élément
national ne pourrait faire autrement que de se
développer de manière à donner de la stabilité
aux institutions, de la satisfaction au peuple et
de la force au gouvernement. "
L'opinion que j'avais en 1859, je l'ai
encore aujourd'hui, et suis, comme je
l'étais alors, en faveur de l'union des
provinces anglo-américaines. Aujourd'hui
comme alors, je suis opposé au principe
fédéral mis en pratique par le gouvernement
des Etats-Unis. Les plus grands hommes
912
d'état, les hommes les plus sages qui acquirent une position marquante pendant la
révolution américaine, étaient résolument d'opinion que pour être fort, un gouvernement
devait être uni; qu'il devait posséder, sur
toute son organisation, le pouvoir suprême
et l'influence qui commande; que répartir
le pouvoir ou même le partager avec les
gouvernements d'état ou locaux ne pouvait
ne l'affaiblir dans ses parties les plus vitales.
Par conséquent, ils auraient aimé qu'on
enlevlt aux états tout attribut de souveraineté et que l'action de ces derniers fut
bornée aux affaires d'une nature purement
locale ou municipale; mais ils n'avaient pas
ce pouvoir, et les conséquences de ce principe
se voient dans la guerre fratricidc qui dèvaste
leurs plus belles provinces et remplit leur
pays de deuil. Les leçons de l'histoire et
l'expérience des autres peuples ne devraient
pas être perdues pour nous; et, pour ma part,
je n'hésite pas à dire que si, dans la fédération projetée des colonies anglaises
de
l'Amérique, nous devions suivre l'exemple
des auteurs du système de gouvernement des
Etats-Unis ou copier sa constitution, je
m'opposerais de toutes mes forces à la
mesure. Elle crée, il est vrai, des gouvernements locaux qui seront investis de
grands pouvoirs législatifs et exécutifs; il est
vrai qu'elle donne a ces gouvernements des
pouvoirs concurrents avec ceux du gouvernement gènéral; elle les rend, il est vrai,
possesseurs des terres publiques dans leurs
juridictions respectives; il est de même
vrai qu'elle autorise deux de ces gouvernements d'imposer des droits d'exportation
sur le bois, la houille et autres minéraux, et
qu'au point de vue d'une politique progressive ce sont la autant de choses à déplorer,
mais que l'on reconnaîtra inévitables au
point de vue dela raison d'état. Voilà
pourquoi je suis prêt à l'accepter dans
son ensemble, et comme étant de fait la
meilleure œuvre qui put être produite dans
les circonstances où ses auteurs y ont traveillé. (Ecoutez! écoutez!) Un examen
attentif du projet m'a convaincu que les
pouvoirs conférés au gouvernement général
ou central lui assuraient tous les attributs de
la souveraineté, et que le droit de véto dont
il sera nanti à l'égard de toute législation
locale empêchera les conflits de loi et de
juridiction sur toutes matières d'importance,
de sorte que je crois que dans le fond, sinon
dans la terme, on trouvera qu'il opère dans
le sens d'une union législative. (Ecoutez!
écoutez!) Jugeant de la mesure à ce point
de vue général, que je crois en même temps
juste, je m'abstrendrai de toute critique de
ses moindres détails, espérant que plus tard
on saura mettre de côté tout ce qu'elle aura
de défectueux. Il n'y a aucun doute que le
gouvernement impérial veillera à ce que
disparaisse cette partie du projet qui empiète
sur les prérogatives dela couronne, ou qu'elle
sort au moins modifiée de manière à ce
qu'elle concorde avec ces prérogatives. Sur
une ou deux objections, faites au projet par
des membres catholiques de cette chambre,
je me permettrai quelques remarques. Ces
objections de leur part tendent à récuser le
pouvoir du gouvernement central en matière
de mariage et de divorce. Selon moi, M.
l'ORATEUR, ce pouvoir est on ne peut mieux
placé. Je respecte les convictions religieuses
de ces messieurs, et comme protestant, je
leur demande de respecter aussi les miennes.
L'on doit se tolérer mutuellement les uns les
autres. Si la partie protestante de cette
chambre et de cette province ne considère
pas le mariage un sacrement, et partant un
lien inviolable et indissoluble, croyez cependant qu'elle a une aussi haute idée que
la
partie catholique, de l'obligation sacrée qu'il
comporte, et que tout autant qu'elle nous
savons qu'il oblige en conscience ceux qui
entrent dans ce saint et honorable état.
Mais, quant à l'état ou au gouvernement
civil du pays, les protestants en général ne
considèrent le mariage que comme un contrat, dissoluble en certains cas. (Ecoutez!)
Cette opinion ne doit blesser ni le jugement ni la conscience de nos amis les catholiques,
car elle n'affectera ni ne changera en
rien la forme ou la continuité de leurs liens
matrimoniaux; et a nous, protestants de
cette province, ils accorderont sûrement cette
liberté de conscience dont ils jouissent eux- mêmes à l'égard de l'institution du
mariage.
(Ecoutez! écoutez!) J'ai aussi à faire une
courte observation sur un sujet abordé par
mon hon. ami le député de Peterborough,
(le Col. HAULTAIN) . Je crois qu'il a été
le fidèle interprète des sentiments de la population protostante du Bas-Canada, lorsqu'il
a
parlé de l'effet probable que la lettre encyclique du Pape devait produire dans l'esprit
des catholiques de ce pays. Elle croit que
slles principes precenisés par cette lettre
étaient suivis, sa liberté religieuse comme ses
priviléges seraient en danger; mais il paraîtrait que mon hon. ami n'a pas su interpréter
dans son vrai sens ce célèbre document, qui,
913
au dire des commentateurs catholiques, ne
peut paraître inoffensif à ceux qui le comprennent. Qu'il soit ce qu'il voudra, je
n'en réfère pas moins me fier au bon sens et
aux bons sentiments des catholiques eux- mêmes, et surtout à la liberté religieuse
dont
nous jouissons, plutôt qu'à la lettre encyclique pour la protection de nos libertés,
soit civiles, soit religieuses. Comme peuple,
soyons unis de vues et d'intérêt, et quelle
que puisse être d'ailleurs la diversité de nos
opinions sur des sujets à nous personnels, j'ai
la certitude que nous deviendrous une grande
nation et qu'un avenir glorieux s'ouvre
devant nous. Comme il y a encore plusieurs hon. membres qui doivent prendre la
parole, je vais me hater de terminer, étant
d'avis que les débats devraient cesser aussitôt
possible, afin que, par ses représentants qu'il
va envoyer en Angleterre, le gouvernement
accomplisse cette tâche que les circonstances actuelles rendent urgente et nécessaire.
(Ecoutez! écoutez!) Cependant, avant
de laisser la parole à d'autres, je désire faire
une ou deux observations sur la divergence
des opinions émises par d'hon. membres
sur la durée de nos relations avec la mère- patrie. Je ne crois pas qu'en Angleterre
le
parti qui veuille se sé arer de nous soit
nombreux. Je pense plutôt que la grande
masse du peuple anglais est fière de cette
connexion et qu'elle tient à la maintenir si
de notre côté nous travaillons à la cimenter
en accédant à ses justes et raisonnables
demandes. Il n'y a aucun doute que le
mécontentement manifesté en Angleterre à
notre égard doit être imputé a notre politique fiscale. Pour le moment, je ne hasarderai
aucune opinion sur la sagesse ou le
démérite de cette politique, mais il me vient
à l'idée qu'il est maintenant en notre pouvoir
de nous mettre en bons termes sur ce point, et
au sujet duquel je prends la liberté respectueuse d'attirer l'attention du gouvernement.
Quant à la uesticu de nos défenses, les
autorités anglaises nous pressent pour que
nous nous en occupions; mais comme elle
rélève aussi bien de l'empire que de la province, voila comme je pense qu'elle devrait
être réglée:—si le gouvernement britannique et son peuple désirent réellement
maintenir leur alliance avec les Canadas, ils
sont obligés, moralement et politiquement,
de leur fournir des moyens complets de
défense, en argent, en matériaux et en
hommes, dans le cas de nécessité, car il est
évident que sans cela, excepté sur un ou
deux points, nous serons dans l'impossibilité
de nous défendre. De notre côté, si nous
voulons conserver nos relations avec la mère- patrie, nous sommes tenus, par de hautes
considérations politiques, de modifier notre
tarif des importations de manière à ne donner
aucun sujet de plainte au peuple d'Angleterre. Je suis persuadé que si nous faisons
cela, nous réussirons à faire disparaître toute
hostilité dont aucune classe de politiques
anglais a pu nous menacer. Les privilèges
et les droits sont réciproques et doivent être
satisfaits dans un esprit de cordialité. Que
l'on n'oublie pas qu'entre tous, les intérêts
matériels sont ceux qui établissent le mieux
l'amitié entre les nations, et que ce sont eux
qui maintien iront intactes nos relations avec
la mère-patrie. (Ecoutez! écoutes!) Conséquemment, je suis tout-à-fait d'accord avec
l hon. monsieur (M. SHANLY), qui m'a
cédé la parole, sur la nécessité d'attirer en
toute hâte l'attention du gouvernement impérial sur ce point. Ce que je désire le
plus
ardemment, M. l'ORATEUR, c'est que nous
arrivions à une union, sous un seul gouvernement, de toutes les possessions anglaises
de l'Amérique, depuis l'Atlantique jusqu'au
Pacifique, et que ses résultats soient des plus
avantageux, tant pour les colonies que pour
l'empire; ce que je désire encore, c'est ue
la Providence guide les conseils, et dirige
les actes de ceux qui conduisent aujourd'hui
le char de l'état, de manière à assurer au
peuple de ce pays et aux generations futures
les bienfaits d'un bon gouvernement et d'une
sage administration des affaires publiques.
(Applaudissements.)
COL. RANKIN—M. l'ORATEUR:—Depuis
que je jouis de l'honneur d'être député à
cette chambre, jamais autant que ce soir je
n'ai été impressionné par l'importance d'un
sujet soumis à nos délibérations. Durant le
cours de ces débats, M. l'ORATEUR, tout
hon. membre qui s'est fait entendre vous a
dit que ce n'est pas sans éprouver quelque
embarras qu'il se levait pour prendre la
parole. Moi aussi, je pensais en dire autant;
mais je m'en abstiendrai; je me contenterai
de dire que si je parle, ce n'est que parce que
je pense qu'il est de mon devoir de motiver
le vote que je donnerai à l'égard de le
mesure en question. J'ai écouté avec une
grande attention les discours qui ont été
prononcés de chaque côté, et j'ai été heureux
de voir que nous sommes enfin parvenus à
donner un ton plus digne qu'à lordlnarre
aux débats de la chambre. (Ecoutez!
914
écoutez!) J'attribue en grande partie ce
progrès à ce que nous discutons une question
supérieure à toutes celles dont la chambre
a été saisie jusqu'à ce jour. Enfin, nous
délibérons donc sur quelque chose qui est
digne de fixer l'attention des messieurs qui
aspirent à la réputation d'hommes d'état, car,
jusqu'ici, nous avons nmlheureusement passé
trop de temps à discuter des questions qui,
à proprement parler, étaient plutôt du
ressort d'un conseil municipal que d'une
législature. (Ecoutez! écoutez!) Comme il
se pourra que les motifs de mon opinion
sur cette mesure paraîtront en quelque sorte
singuliers, j'entretiens l'espoir que l'on me
pardonnera si je rappelle quelques-uns
des événements les plus marquants qui ne
rattachent au progrès du Canada depuis
quelques années Je dirai que bien que
le pays ait gagné en importance, augmenté en population et en prospérité aussi
rapidement, peut-être, que nous pouvions
l'espérer, sous quelques rapports, cependant,
il a plutôt rétrogradé qu'avancé. Je veux
dire que depuis l'introduction du gouvernement responsable, les relations amicales
entre les hommes marquants du pays ont
plutôt diminué qu'augmenté. Je puis dire,
M. l'ORATEUR, qu'avant l'union il existait
plus de dignité que dans le cours de ces
dernières années chez nos hommes publics,
bien que je sache aussi que l'on pouvait
avoir de justes objections contre le gouvernement d'alors. Il va de même sans dire
que
les agitateurs qui ont causé les troubles de
1837 avaient de grands sujets d'être mécontents. Mais avec l'expérience que nous
avons aujourd'hui, plusieurs d'entre nous, il
est probable, seront prêts à admettre que
ceux qui ont été les auteurs de cette rebellion, que nous nous lîmes alors un devoir
d'écraser, étaient en réalité de réels bienfaiteurs du pays.(Ecoutez!)Le résultat
a prouvé
qu'ils ne faisaient que différer d'avec ceux
qui crurent de leur devoir de les opposer,
et qu'ils étaient en avant des hommes et de
l'esprit politique de cette époque. Avant
leurs voisins, ils recounurent que l'état de
choses qui existait alors ne pouvait durer
longtemps, et plus tôt que d'autres ils purent
apprécier les griefs dont une grande partie
de la population était l'objet. (Ecoutez!
écoutez!) De là vinrent les luttes politiques
qui eurent malheureusement pour résultat
un recours aux armes. Par bonheur, cette
insurrection put être réprimée, et une fois
la paix rétablie, les hommes d'état de la
grande nation dont nous sommes fiers d'être
les sujets, se mirent immédiatement à l'œuvre
pour trouver les meilleurs moyens de faire
disparaître les justes sujets de mécontentement qui avaient donné lieu à cette révolte.
La première mesure arrêtée avait pour but
l'union des deux provinces; mais cette union
déplaisait à beaucoup et fut acceptée par
eux avec répugnance. Des hommes dignes
en tout point du respect de leurs compatriotes, prédirent alors quelle aurait de
fâcheux résultats. Cependant, est-il en ce
pays un seul être intelligent qui puisse
dire que ces prédictions se sont réalisées? A la droite ou à la gauche de la
chambre, je ne pense pas qu'il y ait un
seul député qui croirait qu'il parle sincère-'
ment celui auquel il entendrait dire que
L'union a été suivie de désastreux résultats.
le temps des hostilités entre le peuple des
deux sections est passé.—Je dis les deux
sections, car, malgré la coutume contraire,
je ne me suis jamais permis de parler du
Haut et du Bas-Canada comme provinces
distinctes. Dès que l'union a été un fait
accompli, j'ai senti que nous devions nous
considérer comme habitants d'un même pays
et non comme peuple de deux provinces
séparées. Dans quelques cas, la législation
a pu être lus et l'avantage d'une section,
mais dans 'autres elle a été plus profitable
à l'autre section; or, quelque avantage que
l'une a pu avoir sur l'autre, tout le pays
n'en a pas moins profité, puisque cela augmentait d'autant sa richesse et son importance.
(Ecoutez! écoutez!) Cependant, bien
des années après l'établissement de l'union,
on vit beaucup de personnes paraissant mécontentes de l'état de choses actuel, et
s'attaquer au gouvernement responsable,
dont elles ne parlaient que comme d'une
ralamité plutôt que comme d'un bienfait.
Comme tous les individus entre l'âge de
l'enfance et de la maturité, nous nous reçu,
M. l'ORATEUR, de sévères leçons, et c'est
ce à quoi les sociétés qui passent de l'état
peu marquant à une position plus élevée
oivent aussi se soumettre. Le premier de
ces enseignements que nous avons reçu
sous le système responsable s'est trouvé dans
la passation du bill de l'indemnité des pertes
causées par la rébellion dans le Bas-Canada.
Le hasard voulut, M. l'ORATEUR, que j'app
partansse alors à un parti du Haut-Canada
qui se serait cru, sinon tout à fait, au moins
presque justifiable de recourir aux armes pour
s'opposer à l'exécution de cette loi; mais avec
915
le temps, je suis devenu plus capable d'apprécier la politique alors mise en action,
et
aujourd'hui je suis prêt àa reconnaître qu'il
n'était que juste et raisonnable que cette loi
fut édictée. (Ecoutez! écoutez!) Je sympathisais alors avec ceux qui incendièrent
l'hôtel
du parlement à Montréal, et je confesse
même, que dans la disposition d'esprit où
je me trouvais, un des premiers, probablement, si je m'étais trouvé là, j'eusse appliqué
la torche à cet édifice; mais l'expérience
et la réflexion m'ont depuis enseigné à
examiner les choses à un tout autre point de
vue. On apprit alors pratiquement que nous
nous gouvernions nous-mêmes. On fut mis à
même de subir les conséquences du gouvernement responsable; car, on apprit à nos
dépens que des questions comme celles-là
devaient être décidées par la volonté de la
majorité du peuple exprimée par ses députés
au parlement. (Ecoutez! écoutez!) Il n'y
avait pas a se tromper sur ce que voulait
alors cette majorité, et j'aifirme que l'esprit
de révolte qui s'est manifesté à l'égard de
la passation de cette loi, était sous quelques
rapports plus condamnable que l'action de
ceux qui recoururent aux armes pour obtenir
le redressement des torts qui furent cause
de la rébellion.—A la longue, beaucoup de
ceux qui étaient on ne peut plus irrités de
la passation de cette mesure, finirent par
reconnaitre qu'elle n'était qu'une des con—
séquences naturelles du nouvel état de choses,
et petit à petit, le peuple du Canada est
venu à comprendre et à apprécier les avantages du gouvernement responsable, si bien
qu'aujourd'hui il comprend parfaitement
que la minorité doit se soumettre à la
volonté délibérément exprimée du plus
grand nombre. (Ecoutez! écoutez!)
Bien plus, j'espère que notre éducation politique est arrivée à un point de perfection
que nul homme en Canada ne se croirait
justifiable de recourir à la violence pour
s'opposer à aucun acte de cette législature,
quelle que fût l'injustice de cette loi envers
la minorité et quelle que fût l'importance de
cette minorité. Aujourd'hui, M. l'ORATEUR,
notre attention est dirigée sur une autre
union d'un genre tout différent, et en faveur
de laquelle je me suis prononcé depuis longtemps. À l'appui de cette assertion, je
demande qu'il me soit permis de lire deux
ou trois lignes des procès-verbaux de cette
chambre de l'année 1866. Je ne prétends
pas réclamer pour moi une mention spéciale
dans l'affaire; je désire seulement établir
que j'ai toujours été ct je suis encore partisan de cette mesure, pour laquelle, l'autre
jour, j'ai été jusqu'à déclarer que je voterais
pour la question préalable,—proposition que
j'eusse considérée, dans des circonstances
ordinaires, susceptible de très-grandes objections. En 1856, M. l'ORATEUR j'appelai
l'attention du procureur-général du Haut- Canada—qui, s'il était ici, se rappellerait
certainement ce fait—sur un projet analogue à celui dont nous nous occupons. Je
le pressai, je le sollicitai de mettre ses
hautes capacités au service de cette œuvre
qui, par son importance, était digne de lui.
Je m'efforçai de le convaincre qu'en alliant.
son nom à une grande œuvre comme celle- là, il se ferait une réputation digne de ses
talents, mais je ne pus parvenir a lui faire
partager mon idée qui, selon lui, était prématurée il pensait bien que plus tard elle
pourrait peut-être avoir quelque chance de
rencontrer l'approbation générale, mais que
pour le moment il ne fallait pas y songer.
Cela ne m'empêche pas, toutefois, de rédiger
des résolutions, dont je donnai avis deux ou
trois semaines avant la date que je comptais
les proposer. Dans l'intervalle, je m'adressai
aux hon. membres de la chambre, mais, je
regrette d'avoir à le dire, je ne reçus d'eux
aucun encouragement, à l'exception de feu
l'hon. M. MERRITT, qui approuva fortement cette idée. Voyant que je ne serais
pas assez appuyé par la chambre pour que
l'idée de ce projet se répandit chez le peuple,
je crus prudent, comme le font quelquefois
les chefs de parti en pareilles circonstances,
de ne pas faire montre du peu d'appui que
je reneontrerais, car j'avais acquis la certitude que les résolutions ne seraient
pas vues
favorablement par un assez grand nombre de
députés, et qu'en les proposant elles n'eussent
attiré l'attention que sur ce que l'on aurait
pu considérer comme une excentricité de
ma part. Je renonçai donc à l'idée de les
mettre en délibération; avec la permission
de la chambre, je vais donner lecture de cet
avis de motion, qui est comme suit:—
"M. RANKIN.—Mercredi, 30 avril, 1856.—La
chambre en comité sur l'état général de la province, pour prendre en consideration
le sujet de
l'union ou confédération des colonies de l'Amérique Britannique du Nord, dans la vue
de préparer une adresse à Sa Majesté, la priant de vouloir
bien recommender ce sujet à la considération du
parlement impérial."
Et c'est cette proposition, M. l'ORATEUR
et je suis heureux de le dire, que le gouver
916
nement veut faire adopter. (Ecoutez! écoutez!) C'est la ce ne je proposais ily a
neuf ans. Ce sera donc avec le plus grand
plaisir qucje donnerai mon appui à la mesure actuelle, et, je saisis cette occasion
de
féliciter le gouvernement d'en être venu,
quoique bien tard, a la même conclusion que
moi. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. J. S. MACDONALD—L'évêque
STRACHAN et d'autres personnes ont mis
cette question en avant il y a bien des
années.
M. RANKIN—Je ne veux pas ôter à ces
messieurs le mérite de l'idée première, qu'ils
ont pu faire connaître avant que je fasse en
âge de m'occuper de politique; mais, je puis
me féliciter d'avoir en la même idée sur
ce point—sans la leur avoir empruntée—que
des hommes distingués avaient déjà. fait connaître. (Ecoutez! écoutez!) Néanmoins,
le
résultat prouve que l'hon. procureur-général
avait raison de la trouver prématurée et qu'il
connaissait alors les sentiments du pays. Je
crois, cependant, que sans certaines circonstances que je ne ferai que mentionner,
attendu qu'en cette occasion cs commen taires
seraient peut-ètre déplacés, je crois, dis-je,
que sans l'état de choses qui est survenu
avant la formation de cette coalition, il se
serait encore écoulé vingt années au moins
avant que l'on eut cru à la praticabilité de
ce rejet; mais, puisque le gouvernement a
eu la bonne idée de cette mesure, je ne puis
que l'en féliciter. Lorsque cette coalition fut
proposée, c'est-à-dire après le vote qui renverse le ministère CARTIER-MACDONALD
l'hon. président de l'exécutif, qui était alors
le chef reconnu de l'opposition, me fit l'honneur de m'inviter à une réunion de ses
adhérents. Bien que je ne fasse pas de son
parti,—car, toujours, j'ai été conservateur
sans le véritable sens de ce mot,—je marchais
tout de même alors avec le parti dont il était
le chef, et je pense que les membres de ce
parti-là me rendront justice d'admettre que
gendant mon alliance avec eux j'ai su agir
de bonne fer, et que si je marchars avec eux
on ne me comptait pas our un des leurs.
(Ecoutez! écoutez!) A l'assemblée de l'opposition, convoquée par l'hon. président
du
conseil, fut soumis le projet sur lequel nous
délibérons, et, en justice pour cet hon.
monsieur, je dois dire qu'il explique clairement et franchement les conditions qui
avaient
été arrêtées entre lui et l'autre partie du
gouvernement. Il nous apprit tout ce qui
sétait passé et demanda si nous approu
viens ce qu'il avait fait et si nous appuierions
le gouvernement qui allait être organisé à
l'effet d'entre rendre ce projet. On a dit
beaucoup de choses après ces explications, et
autant que je me souviens de ce qui s'est passé,
—car je ne me suis pas rafraichi la mémoire
par la lecture du procès-verbal de cette
réunion,—le projet obtint l'adhésion générale.
Bien que parmi les assistants il s'en soit
trouvé quelques une qui n'y aient pas adhéré
complètement, tous ont néanmoins consenti
à ce que ce gouvernement se format. (Ecoutez! écoutez!) Tous, je crois donnèrent
leur consentement à cette proposition. Dans
tous les cas, elle a cu de bonne foi le mien.
(Ecoutez! écoutez!) Et en la lui donnant,
j'entendais donner aussi a ces hon. messieurs
toute latitude afin qu'ils pussent concerter le
meilleur projet possible, auquel je m'engaeais en même temps de donner mon appui.
Mon intention ne comportait aucune duplicité. A l'instar de quelques hon. députés,
mon
but n'était pas de les mettre dans une fausse
position et de les assaillir ensuite. (Ecoutez!
écoutez!) Honnêtemcnt j'ai consenti à ce
qu'ils entrassent en conférence avec les délégués des autres provinces à l'effet d'arrêter
un projet d'union quelconque. (Ecoutez!
écoutez!) Dans les explications données par
l'hon président du conseil, il s'est bien, il
est vrai, trouvé quelque chose d'innacceptable pour moi, mais cette objection
n'était pas de nature à exiger que je la
fisse connaître dans le temps. Pour prévenir
toute fausse interprétation, je vais dire
maintenant quelle était cette objection. Il
fut suggéré que dans le cas où la confédération de l'Amérique Anglaise ne réussirait
pas,
la fédération s'accomplirait tout de même
pour le Canada seul.
L'
HON. M. BROWN—Avec une disposition à l'effet de permettre aux autres provinces d'en faire partie
quand elles le voudraient.
Col. RANKIN—C'est vrai; mais bien que
je fasse contre cette idée d'une confédération
du Canada seul, je ne crus pas de mon
devoir de protester contre. Je reconnaissais
l'apportunité d'autoriser ces hon. messieurs
à préparer le projet qu'il croirait le meilleur
et le plus praticable, mais il ne s'ensuit pas
que je devais adhérer au dernier projet, dans
le cas de la non-réussite du remier. Je
n'étais pas alors et je ne serai jamais pour
une confédération des Canadas avec un gouvernement local pour chaque section: je
préférerais rester comme nous sommes plutôt
917
que de consentir à faire du Canada deux ou
trois petites provinces. Volontiers, par exemple, je donnerai mon appui au projet
devant la chambre, non pas parce que je le
crois parfait, car si j'en avais l'envie, je
pourrais soulever contre lui beaucoup d'objections valides, mais je n'y suis pas disposé.
Je
crois sincèrement que les hon. messieurs qui
ont été chargés de cette tâche ont fidèlement travaillé a la remplir, et pour cette
raison, je ne me permettrai aucune remarque
sur la position politique de chacun d'eux
avant la coalition formée par eux. Cependant, comme l'hon. présideut de l'exécutif
me parait nourrir toujours l'idée d'une fédération des deux Canada, je me crois obligé
de dire que lorsqu'il donna ses explications,
il parut très convaincu de la gravité de la
question qu'il soulevait et bien comprendre
qu'il pouvait ainsi donner prise à ses adversaires. Je ne dis pasqu'il est invulnérable,
mais moi, dans tous les cas, je m'abstiendrai
de l'attaquer maintenant: j'attendrai à plus
tard; et s'il réussit avec ce projet, il me
trouvera toujours prêt a lui témoigner de la
reconnaissance, et pour le bien qu'il aura
ainsi fait, je lui pardonnerai, M. l'ORATEUR,
tout le mal qu'il avait fait jusque là. (Ecoutez! écoutez! et rires.)
M. RANKIN—Nous devrions tous profiter des leçons de l'expérience. Dans le
cours de cette discussion, j'ai remarqué avec
un plaisir infini l'esprit de loyauté manifesté
ar les bon. membres ui ont pris la parole.
Les adversaires même du projet ne sont pas
restés en arrière sous ce rapport, car tous
ont exprimé leur attachement aux institutions et a la couronne britanniques. (Ecoutez!
écoutez! Je ne pourrais as même
insinuer ue ans cette enceinte il y ait un
seul mem re qui entretienne des sentiments
de déloyauté envers la Grande-Bretagne.
Nous avons tous le droit d'exprimer nos
opinions, c'est même pour nous un devoir,
puisque nous sommes envoyés ici pour décider sur ce qui est le lus avantageux aux
Intérêts du Canada d'abord, car, bien que
nous devons allégeance à l'Angleterre, le
Canada est notre pays, et comme tel il a le
premier droit à notre attachement. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas, M. l'ORATEUR,
un de ces Canadiens qui prétendent.
que les intérêts de l'Angleterre doivent passer avant ceux du Canada. Il serait mieux,
sans doute, que l'on eut la même sollici
tude ur les intérêts de la mère-patrie que
pour ce nôtres, et je fais des vœux pour
qu'ils soient toujours unis; mais nous ne
evons pas oublier qu'il en est des nations
comme des individus; il vient un temps où
l'enfant doit songer à se pourvoir lui-même,
un temps où il ne peut plus compter sur
ses parents pour se faire une position dans
le monde. Tôt ou tard, M. l'ORATEUR, le
temps viendra où ce pays cessera d'être une
colonie dépendante de l'Angleterre, et quelque chose que nous fassions, quel ne mesure
que nous prenions pour l'avenir, nous
devrions toujours avoir a la mémoire que
des évènements passés sont la qui nous
disent de commencer à nous créer une nationalité ou de nous résigner à être absorbés
un jour par la république américaine.
Pour ma part, M. l'ORATEUR je fais les
voeux les plus sincères pour conjurer ce malheur. Bien que je reconnaisse l'esprit
d'entreprise et l'intelligence du peuple des
Etats-Unis, rien ne me répugnerait autant
que de devenir citoyen de cette contrée.
Tous les hon. membres se souviennent, M.
l'ORATEUR, de l'agitation qui commença à
Montréal, il y a quinze ans, et qui avait
pour but la séparation du Canada d'avec
l'Angleterre et son annexion aux Etats- Unis. Les promoteurs de ce mouvement
étaient des hommes influents qui occupaient
une position élevée dans le pays, et ainsi
que nous le savons tous, quelques uns d'eux
occupent des postes marquants en cette
chambre. Alors, comme aujourd'hui, ils se
disaient de bons et loyaux sujets anglais, et
malgré cette profession de foi, délibérément
ils rédigèrent et signèrent un document par
lequel ils demandèrent à leur souveraine de
permettre à. ces provinces de se séparer de
l'Angleterre pour qu'elles pussent s'annexer ensuite aux Etats-Unis. Les auteurs
du document dont je viens de parler—le
Manifeste Annexioniste —n'étaient as animés par un esprit de révolte contre la mère-
patrie mais bien par leur attachement aux
intérêts du pays. Leurs arguments étaient
logiques et fondés sur ces considérations
matérielles qui, malgré tout ce qu'on pourra
dire, exercent et exerceront toujours sur les
esprits intelligents du 19ème siècle une influence plus forte que la préférence que
l'on
peut avoir pour une forme particulière de
gouvernement. Et tous, M. l'ORATEUR,
nous savons que peu après la publication du
manifeste aunexronniate, une nouvelle ère
allait commencer pour le pays. Le chemin
918
de fer Grand Tronc et d'autres travaux
publics importants furent commencés. Les
capitaux anglais abondèrent en cette province; le gousset des annexionnistes s'est
rempli et dès lors la loyauté leur est revenue
et ne les spas quittés depuis. Le traité de réciprocité aussi a largement contribué
à raviver le commerce un instant paralysé par le
mouvement annexioniste; et sous l'opération
ce traité les intérêts matériels ont prospéré
à un tel point qu'il sera possible de bien en
apprécier les avantages que s'il est abrogé.
Il n'est rien, M. l'ORATEUR qui aurait pu
me faire participer à ce mouvement annexionniste; cependant, force m'est d'avouer
que les arguments apportés par les auteurs
du manifeste étaient justes et logiques au
point de vue. matériel, et s'ils étaient bien
fondés sur ce point, pourquoi ne le seraient- ils pas également aujourd'hui? Depuis
les
dix dernières années, nous avons joui de
tous les avantages du commerce libre avec
nos puissants voisins. Nous courons le
danger de perdre ces avantages, et si nous
les perdons, dans quelle condition se trouvera le pays trois ans après? Sous le rapport
de nos productions agricoles et autres intérêts importants, ne sera-t-elle pas plus
déplorable que jamais elle n'aura été our nous?
Ne suis—je pas dans le vrai, M. l'ORATEUR
en supposant que le retour des mêmes causes
produirait encore les mêmes effets? Pour
des hon. messieurs, c'est bien facile à dire
" non, non," mais je maintiens que j'ai
raison. D'ailleurs, c'est notre devoir d'examiner les choses sous leur vrai jour.
Les
impulsions de l'humanité ont été les mêmes
dans tous les âges. Nous ne pouvons pas
changer la nature humaine m rendre les
hommes honnêtes ou désintéressés au moyen
de décrets législatifs. De plus, M. l'ORATEUR, je n'ai rappelé ces événements que
dans l'espoir qu'ils exerceraient quelqu'influence, sur l'esprit de quelques hon.
membres, et qu'ils pourraient peut-être, modifier
l'opinion de certains députés qui, jusqu'ici, se sont montrés préjugés contre le
projet d'union apporté par le gouvernement.
Que l'histoire de ce continent soit arrivée à
une période critique, est un fait universellement admis. Nous sommes à la veille de
bien grands événements, et il me fait peine
d'avoir à dire qu'à notre égard un profond
sentiment d'hostilité existe chez nos voisins.
Des faits qui se sont passés depuis le commencement de leur guerre ont, petit à petit,
augmenté cette hostilité, laquelle a fini par
se manifester par des entraves apportées aux
libres relations commerciales et par la menace de l'abrogation du traité de réciprocité.
En présence de cet état de choses, si nous
voulons, M. l'ORATEUR ou rester alliés à
l'Angleterre en nous donner une existence
nationale, il est de notre devoir de chercher
les moyens à l'aide desquels nous pourrons,
en restant sur notre territoire, avoir accès à
la mer en toute saison; à l'aide desquels
nous augmenterons en nombre, en richesse
et en territoire; or, selon moi, M. l'ORATEUR, tous ces résultats nous pouvons les
obtenir par l'union maintenant projetée.
C'est parce que c'est la mon opinion que je
suis prêt a accepter la mesure sans critiquer
ses détails. car, sans cela, j'objecterais fortement à la partie qui a trait au développe—
ment du territoire du Nord-Ouest et a
l'époque incertaine où il devra entrer dans
la confédération Je m'opposerais même
complètement au principe fédéral, attendu
que je lui préfère de beaucoup une union
législative; mais, M. l'ORATEUR, je fais
volontiers abnégation de cette préférence et
j'accorde au gouvernement le plus grand
mérite d'avoir pu faire autant qu'il a fait.
Si nous ne devons pas avoir une union légis
lative, nous aurons une confédération qui lui
ressemblera beaucoup. A bien penser, ou
n'aurait jamais pu croire qu'une réunion de
délégués de différentes provinces aurait pu
s'entendre sur un projet qui put convenir à
tous, et je pense que le gouvernement a de
justes droits à la reconnaissance du pays pour
les grands et pénibles travaux que lui a coûté
ce projet. On ne doit pas oublier, M. l'ORATEUR, ne ce projet de fédération adopté
par les élégués n'est pas définitif, et que la
chambre des communes ou le parlement de
l'Amérique Britannique aura le pouvoir de
le changer ou modifier selon que les intérêts
du pays l'exigeront. Si l'on voit que le
système fédéral ne fonctionne pas bien et
que le peuple préfère gérer ses affaires locales
par des conseils municipaux plutôt que par
des législatures locales, il n'y aura qu'à
s'adresser à cet effet, et d'une manière constitutionnelle, au parlement fédéral,
qui pourra
et consentira sans doute à prendre les
moyens de remplacer par un système municipal les petits parlements provinciaux alors
établis. Réellement, M. l'ORATEUR, le parlement fédéral aura le même pouvoir que
nous avons actuellement de changer, modifier
on amender pour tout le pays. Voilà pourquoi mon appui est assuré a cette mesure,
919
qui, je le pense, est ce que nous pouvons
espérer de mieux pour le présent et que se
chargeront d'amender au besoin ceux qui
amont la bonne fortune d'être députés au
parlement de l'Amérique Anglaise. Nous
avons vu, M. l'ORATEUR, que les adversaires
de l'union entre le Haut et le Bas-Canada
s'étaient trompée en prédisant qu'elle produirait de l'acheux résultats,—eh bien!
sans crainte nous pouvons dire a ceux qui
s'opposent à cette nouvelle mais plus grande
union, que leurs appréhensions sont encore
moins fondées, en un mot, que leurs prédictions doivent avoir le même sort. Nos
destinées sont entre nos mains; par cette
union, nous allons jeter les fondements d'une
grande nationalité, tandis que si nous
repoussons ce projet, quand même nous ne
courrions aucun danger en restant comme
nous sommes, y a-t-il, dans cette position,
quelque chose dont nous puissions être fiers
ou contents? Nous ne formons qu'une
province; la réputation de nos hommes d'état
n'est que locale; elle ne dépasse pas les
limites de la colonie; nos ministres de la
couronne, ainsi qu'on lesappelle, ne sont que
les conseillers d'un représentant de la souveraine, et leurs actes ne sauraient avoir
de
retentissement au-delà de nos frontières,
tandis que les hommes publics de la puissance européen ne la moins marquante auraient
la priorité sur eux dans tout autre pays,—
le Mexique même, avec sa population mêlée
et a demi barbare, est au rang des nations,
car il a des diplomates et des relations
étrangères, et quand tout le reste du monde
se remue et s'agite, nous contenterons-nous
de rester inactifs? Les hommes d'état les
plus distingués de la mère-patrie apprécient,
M. l'ORATEUR l'importance du changement
projeté et accordent le plus grand éloge à ce
mouvement de notre part. Dans un récent
numéro du
Times de Londres, il est dit que
le parlement de l'Amérique Britannique
exercera le pouvoir législatif sur une plus
grande surface de la terre qu'aucune autre
législature du monde. Quelques hom.
messieurs s'opposent à ce projet parce que,
disent-ils, il va entraîner trop de dépenses;
parce que quelques unes de ses conditions
sont trop avantageuses pour les provinces
maritimes, et cela, tandis que le peuple de
ces provinces se plaint de ce que nous allons
avoir la meilleure part du gâteau. Je ne
veux pas occuper la chambre en discutant si
nous allons avoir ou si nous n'aurons pas à
payer quelques milliers de plus qu'aucune des
autres provinces, car je maintiens que l'avantage que va nous valoir l'union serait
encore
obtenu à bon marché, dût-il nous coûter beaucoup plus que ce que coûtera;e fonctionnement
du système fédéral. L'étendue des
possessions anglaises qui doivent entrer dans
l'union est à peu près de quatre millions de milles carrés, territoire plus grand,
M. l'ORATEUR, que celui du Nord et du
Sud des Etats-Unis et qui est égal à
un dixième de la surface du monde entier
Les ressources des provinces inférieures
sont incalculables, tandis que dans les
prairies interminables du Nord-Ouest, sur
le sol fertile de la Saskatchewan et de
la rivière Rouge, où le climat est si beau,
current s'établir des millions d'individus.
Notre population,—les provinces maritimes
comprises,—est au moins égale en nombre, et
très supérieure en intelligence et en savoir
à ce qu'était celle des Etats-Unis lorsqu'ils
se déclarèrent indépendants; et sous le gouvernement fédéral projeté, nous pourrons
grandir en puissance aussi rapidement que
nos voisins ont grandi depuis lors, car, bien
que sous certains rapports ils soient mieux
situés que nous, il en est d'autres qui l'emportent sur eux au point de vue des avantages.
Nous pouvons, par exemple, établir sur notre
territoire une ligne de communication de
l'Atlantique au Pacifique avec bien plus
d'avantage qu'ils ne pourraient le faire sur
le leur. La supériorité de notre route est si
grande, que jamais ils ne pourraient nous
faire concurrence pour le commerce de l'Asie
en Europe, et qui, dans quelques années, je
l'espère, passera sur notre territoire pour
aller d'un océan à l'autre. A l'appui de ces
opinions, M. l'ORATEUR je demande qu'il
me soit permis de lire quelques lignes d'une
brochure à la fois instructive et intéressante,
laquelle est due à la plume de l'hon. membre
assis à ma gauche (M. MORRIS.) Voici ces
lignes que je veux citer, et que l'auteur a
tirées de l'ouvrage d'un homme d'état distingué des Etats Unis:—
"La route passant par l'Amérique Britannique
est, sous certains rapports, préférable a celle
traversant notre propre territoire. Par la première, la distance de l'Europe à l'Asie
est de
plusieurs mille milles plus courte que par la dernière. Passant à proximité du lac
Supérieur,
traversant l'étendue qui divise les cours d'eau qui
coulent vers la mer Arctique, de ceux qui coulent
vers le Sud, et traversant les Montagnes Rocheuses à une hauteur de près de 3,000
pieds
moins considérable que par le passage du Sud, le
chemin pourrait être ici construit à un prix comparativement minime, et ouvirait une
région
920
couverte de bois d'une grande valeur et admirablement adoptée à la culture du grain
et au pâturage.
Ayant à Halifax son port de mer sur l'Atlantique,
et à Vancouver son dépôt sur le Pacifique, il y
attirerait inévitablement le commerce de l'Europe,
de l'Asie et des Etats-Unis. Par ce moyen l'Amérique Britannique, de simple dépendance
coloniale
qu'elle est aujourd'hui, deviendrait une des premières puissances du monde. D'autres
nations
deviendraient ses tributaires; et c'est en vain que
les Etats-Unis chercheraient à rivaliser avec elle,
car nous ne pourrions jamais lutter avec elle pour la
possession du commerce asiatique en le pouvoir
que conférera ce commerce."
On voit, M. l'ORATEUR que ce n'est pas
la le langage d'un enthousiaste ni d'un
visionnaire, mais l'opinion d'un homme possédant bien son sujet et éminemment capable
de le discuter; d'un homme dont le jugement n'était certainement pas exalté par le
préjugé national. Et plus loin, M. l'ORATEUR, nous voyons reproduite l'opinion
du premier ministre des Etats-Unis (M.
SEWARD) à l'égard du Canada. Voici ce
qu'il en pense:—
"Ainsi que la plupart de nos compatriotes, je
n'avais jusqu'ici considéré le Canada, ou, pour
parler plus exactement, l'Amérique Anglaise, que
comme une simple lisière de pays située au nord
des Etats-Unis, facile à détacher de l'empire,
mais incapable de se gouverner et qui, par conséquent, devait tôt ou tard faire partie
de l'union
fédérale, sans changer ou modifier sa condition
en lien développement; mais j'ai renoncé à cette
opinion qui me paraissait entachée du préjugé
national. Je vois aujourd'hui dans l'Amérique
Britannique du Nord,—laquelle traverse le continent depuis ies rives du Labrador et
de Terre- neuve jusqu'au Pacifique, occupe une étendue
considérable de la zone tempérée, et est traversée
comme les Etats-Unis par des lacs, et de plus par
le majestueux St. Laurent,—une région asses vaste
pour le siége d'un grand empire."
L'important pour moi, M. l'ORATEUR est
de savoir comment nous parviendrons le
mieux à conserver pour nous et pour nos
enfants l'essence des institutions anglaises;
par quels moyens nous réussirous à conserver le plus longtemps possible, avec des
avantages mutuels et une égale satisfaction
pour les deux partis, cette heureuse alliance
qui existe entre l'Angleterre et nous, et
comment nous serons préparés, lorsque l'époque inévltable arrivera, à prendre la responsabilité,
d'une nationalité indépendante.
En unissent sous un seul gouvernement, M.
l'ORATEUR, les provinces anglaises actuellement isolées, nous réussirens d'abord à
fortifier le sentiment et l'influence britanniques
sur ce continent. Par l'adoption d'une
politique sage et progressive, l'Amérique
Anglaise finira par acquérir assez d'importance pour compter au rang des nations,
avantage qui nous fera honneur et profitera
à la vaste contrée qui aura grandi en populatiôn et en richesse sous la protection
de
l'Angleterre, par l'émulatinn créée chez
nous par son exemple; et arrivés à cette
période de progrès, il sera temps pour nous
de songer à commencer notre carrière nationale sous un monarque constitutionnel descendant
de l'illustre souveraine qui occupe
aujourd'hui, et avec tant de dignité, le trône
de la Grande-Bretagne. Mais, M. l'ORATEUR, quelques hon. membres s'opposent à
cette union par la crainte qu'elle va nous
jeter dans de sérieux embarras financiers.
Si cette union ne devait avoir pour résultat
que d'agrandir notre territoire et d'augmonter notre population par l'adjonction de
celles des autres provinces, je serais porté
à reconnaître leur crainte fondée, mais personne, sûrement, ne supposera que le parlement
fédéral se composent d'hommes incapables d'apprécier leur responsabilité en de
faire valoir les intérêts importants commis à
leur charge. Rien, M. l'ORATEUR, n'a
autant contribué à attirer l'émigration aux
Etats-Unis que les grands travaux publics
qui s'y sont constamment poursuivis depuis
vingt-cinq ans. Nous entendons beaucoup
parler de la supériorité de leur climat et des
autres avantages que soit disant ils ont de
plus que nous; mais je puis assurer la
chambre que ces avantages sont grandement
exagérée et qu'ils ont eu peu de poids auprès
des émigrants com arés avec la connaissance
du fait plus plausible que dans ce pays la
demande de main-d'œuvre est toujours trop
grande pour y suffire, et que l'émigrant qui
arrive là sans le sou n'a pas lieu de craindre
de manquer au soutien de sa famille, sachant
qu'il trouvera de l'emploi suifisamment rémunéré pour que, dans le cours de quelques
années, Il puisse non seulement se faire un
établissement, mais encore s'entourer d'un
confort auquel il ne pourrait songer dans son
pays. La construction de chemin de fer intercolonial M. l'ORATEUR donnera du travail
à des milliers de bras; elle ouvrira de vastes
étendues à la colonisation, et donnera accès
à une région où abondent les richesses minéraies et autres ressources naturelles d'une
valeur incalculable. Les grands travaux
publics, M. l'ORATEUR qui devraient
ensuite être entrepris, seraient l'amélioration
de la navigation de l'Outaouais, afin de faire
de cette superbe rivière le débouché le plus
921
court, le plus sûr et le plus avantageux our
le transport jusqu'à l'océan des produits
agricoles de l'immense et fertile région de
l'ouest. Les dépenses qu'il faudrait faire,
M. l'ORATEUR, pour rendre l'Outaouais
navigable pour les navires de mer, quelque
grandes qu'elles seront nécessairement,
seront insignifiantes comparées aux avantages inouis que le pays en retirerait d'abord
par les milliers de bras attirés dans cette
direction pendant l'exécution des travaux, et
ensuite par l'immense exploitation manufacture qui donnera de l'emploi à une nombreuse
population disséminée sur une ligne
de trois cents milles de pays, et qui, à l'heure
qu'il est, est en partie déserte; car, si l'on
considère l'immensité du pouvoir d'eau
que l'on obtiendrait ainsi le long de cette
voie de communication du commerce entre
l'Ouest et l'Europe, ou n'affirmera rien de
trop en disant que cette perspective attirera
l'attention des capitalistes et des hommes
entreprenants, et qu'une succession de moulins et de fabriques de tout genre ne tarderont
pas à se voir d'un bout a l'autre de cette
voie, et où une population nombreuse, saine
et industrieuse, trouvera un emploi constant.
Et puis, M. l'ORATEUR, il y a encore cet
autre et plus grandiose projet: le chemin de fer
de l'Atlantique au Pacifique. Les meilleures
autorités s'accordent à dire que sur notre
territoire on pourrait construire une ligne
plus courte et par conséquent moins coûteuse
que sur le territoire des Etats-Unis. On ne
saurait, M. l'ORATEUR, exagérer les avantages qu'un pays retirerait de la possession
d'une Voie de communication destinée à
devenir la route de l'Europe à l'Asie. L'acquisition de cet avantage devrait suffire
pour nous porter a préconiser cette mesure;
mais quand nous réfléchissons à l'étendue
presque sans limites du territoire fertile par
lequel cette ligne devra passer, aux millions
sur millions d'âmes que ce territoire est
capable de sustenter; quand nous réfléchissons que par cette union nous allons nous
assurer non seulement le contrôle d'un territoire plus grand que celui d'aucune autre
puissance du monde, mais que, par l'adoption
'une politique comme celle que j 'ai indiquée,
notre population pourra plus que doubler
dans le cours de dix ans; et que si nos obligations deviennent plus grandes, elles
seront
supportées par une si grande augmentation
de population que le fardeau n'en sera que
moindre au lieu d'avoir augmenté; quand
nous savons, M. l'ORATEUR, qu'il est en notre
pouvoir de préparer cette destinée à l'amérique anglaise et de faire que, par le recensement
même de 1871, il soit constaté que
notre population aura augmenté de huit à
dix millions, je dois avouer, M. l'ORATEUR,
qu'il m'est difficile de comprendre comment
il se peut qu'un seul hon. membre cherche à
perpétuer notre insignifiance actuelle en
apportantdes obstacles à l'adoption de la seule
et réellement grande mesure qui ait jamais
été soumise au parlement canadien. Bien que
j'aie déjà abusé peut-être de la patience des
hon. membres, force m'est encore de solliciter
leur indulgence pour un moment, car je
veux dire un mot sur la question des défenses.
Sans vouloir discuter la question de savoir
combien nous devrions contribuer a la défense de l'empire dans une guerre avec une
autre nation ne les Etats-Unis, je suis
persuadé, M. 'ORATEUR, que tout vrai
Canadien, qu'il soit d'origine française ou
anglaise, s'empressera de repousser l'invation de son sol natal; et si en cela je
ne fais
pas erreur, je pense que tout ce que nous
avons à faire est l'informer le gouvernement
britannique que nous sommes déterminés,
non de fournir tant d'hommes et tant d'argent pour la défense du Canada, mais que
tout homme et tous les fonds dont nous pourrons disposer seront sacrifiés avant de
se
soumettre à la puissance de la république
voisine, et que tout ce que nous demandons
à l'Angleterre ce sera de rester fidèle à son
ancienne renommée de gloire. Cela, M.
l'ORATEUR, elle fera, nous n'avons aucune
raison d'en douter; mais il me fait peine
d'avoir à remarquer que le colonel JERVOIS,
dans son rapport sur le sujet des fortifications, semble ignorer entièrement l'existence
de la péninsule de l'ouest, car il ne mentionne aucun point à l'ouest d'Hamilton
comme étant susceptible d'être fortifié, et
j'infère de là qu'il doit avoir conclu que
dans le cas d'une guerre avec les Etat-Unis,
il nous serait impossible de conserver la possession du pays en haut de la tête du
lac
Ontario. Cela, M. l'ORATEUR, peut-être
l'opinion de ce brave officier; elle peut aussi
être correcte; mais comme représentant
de la partie la plus exposée sur la frontière
ouest, je dois au moins dire que les habitants de cette partie du pays sont meme
capables que l'étaient leurs pères en 1812
de se défendre. Le danger qui nous menace,
M. l'Oaarnoa, se trouve dans la possibilité
d'une réunion du nord et du sud, ayant pour
base la doctrine Monroe, et le malheur veut
922
que la politique de l'Angleterre, au lieu d'avoir eu pour but la conciliation des
deux
partis, n'a fait qu'engendrer des sentiments
d'hostilité dans l'esprit du peuple des deux
sections; or, que les belligérants réunissent
leurs forces contre un ennemi commun, et
que contre cet ennemi ils aient une haine
comme celle qu'ils ont contre l'Angleterre, ce
serait un événement qui n'étonnerait aucun
de ceux qui connaissent les sentiments d'hostilité du peuple des Etats-Unis. A propos
de fortifications et de défenses, rien, M.
l'ORATEUR ne les aurait aussi bien remplacées pour nous, rien n'aurait garanti
l'inviolabilité de notre sol comme la reconnaissance des Etats du Sud par la Grande-
Bretagne; et lorsque la députation de notre
gouvernement sera rendue en Angleterre,
j'espère qu'elle se fera un devoir d'insister
sur la prise en considération de ce sujet par
le gouvernement impérial; car, avec une
puissante flotte anglaise sur les côtes des
Etats-Unis avec les forces de Sud les menaçant et un demi million de Canadiens résolus
et bien armés, toute crainte de guerre, M.
l'ORATEUR, disparaitrait, soyez en certain.
Maintenant, M. l'ORATEUR, il ne une reste
qu'à remercier la chambre de l'attention
qu'elle m'a prêtée, et qu'à exprimer l'espoir
que la députation qui doit aller en Angleterre, ne s'écartera pas du but dont on nous
à fait part, par suite de ce qui aura pu se
passer dans aucune des autres provinces, et
qu'elle ne manquera pas de rappeler au gouvernement impérial, le fait que les quatre
cinqu1èmes du peuple de l'Amérique Britannique sont représentés par cette chambre,
dont une majorité écrasante est en faveur du
rejet d'union; qu'elle s'efforcent d'engager
le cabinet impérial à exercer toute l'influence
légitime pour induire le peuple des provinces inférieures à revenir sur sa décision
récente et à consentir au projet. arrêté par la
convention de Québec, comme la base d'un
arrangement à l'aide duquel le pouvoir gouvernemental sera centralisé sur ce continent,
et qui aura aussi pour but de couper court
aux tendances républicaines tout en nous
assurant une prospérité immédiate et une
influence qui, dans l'avenir, nous permettra
de prendre rang parmi les nations, mais en
conservant toujours ces sentiments de respect et d'attachement pour le grand peuple,
sous lequel nous aurons attient notre majorité, et avec lequel, j'en ai le ferme espoir,
mais formerous toujours l'alliance la plus
étroite. (Applaudissements.)
M. DUFRESNE (de Montcalm) — M. le
PRÉSIDENT:—En me levant en ce moment
pour exprimer mon humble opinion sur le
mérite des résolutions qui font l'objet de la
discussion de cette chambre, je n'ai pas l'intention d'adopter la Formule ou le préambule
invariablement suivi, e'est-à-dire que je l'aborde en tremblant et avec crainte. (Ecoutez!
et rires.) Mais si je n'aborde pas la question
avec crainte et hésitation, ce n'est pas parce
que je me crois plus en état que les autres
e la bien traiter, mais parce que je me
repose sur l'indulgence de cette chambre.
On sait qu'il est toujours difficile à une personne qui n'est pas habituée à parler,
à un
homme qui ne fait pas partie de la profession
légale, de manœuvrer la parole avec facilité
devant un corps distingué et instruit comme
celui qui m'écoute en ce moment. Je regarde
les résolutions qui nous sontsoumises comme
exprimant les sentiments du peuple de cette
province par son organe constitutionnel, sa
législature. Nous demandons à notre Souveraine et aux autorités impériales de vouloir
bien unir, par les liens du système fédéral,
toutes ces provinces de l'Amérique du Nord.
En examinant cette question, et pour mieux
exprimer et mieux faire comprendre ma
pensée sur ces résolutions, je dois dire que
je les accepte pour plusieurs raisons, mais
surtout comme moyen d'obtenir le rappel de
l'union législative actuelle du Canada, et de
régler sans commotion nos difficultés sectionnelles; je les accepte en second lieu
comme
moyen d'obtenir pour le Bas-Canada le contrôle absolu sur ses affaires; je les accepte
en troisième lieu comme moyen de perpétuer
la nationalité canadienne-française en ce
pays; je les accepte en quatrième lieu comme
étant un moyen plus efficace de cimenter
notre connexion avec la mère-patrie et d'éviter l'annexion aux Etats-Unis; et, enfin
je
les accepte en cinquième lieu comme moyen
d'administrer la chose publique avec plus
d'économie. Voilà les raisons qui me font
accepter le plan de confédération qui nous
est soumis par le gouvernement. (Ecoutez!
écoutez!) Je ne prétends pas juger du mérite
de toutes les résolutions.parce que les membres
qui m'ont précédé ont su parfaitement développer tous les mérites de la uestion, et
si
j'osais,—si je ne craignais pas de faire rire la
chambre à mes dépens,—je dirais que j'ai
été la victime d'un larcin qui m'a causé un
grand préjudice. Et c'est l'hon. député de
Vaudreuil (M. HARWOOD) qui a commis ce
larcin a mon égard (rires); mais je ne veux
923
pas trop m'en plaindre, car ce larcin a tourné
à l'avantage de cette chambre. Ce qu'il m'a
volé, c'est l'histoire des confédérations helvétique et germanique; mais, comme il
a rapporté les faits d'une manière beaucoup plus
habile que je n'aurais pu le faire, je ne m'en
plains pas trop, puisque c'est la chambre qui
en a profité. (Ecoutez! écoutez!) J'aurais eu
quelque chose à dire sur les confédérations
helvétique et germanique; mais puisque j'ai
été victime de ce larcin et que l'hon. député
de Vaudreuil a si bien traité le sujet, je n'en
dirai rien. Comme on le voit, c'est tout
à l'avantage de cette chambre. (Rires)
Comme la question de confédération elle- même a été mieux débattue que je ne le
ferais si j'entreprenais de la discuter, je me
contenterai de répondre à quelques observations faites par différents membres du
parti avancé,—du parti libéral par excellence. Contrairement à l'opinion de l'Eglise,
en du chef de l'Eglise, qui prétend que ce
mot " libéral" ne peut pas s'allier avec la
doctrine de l'Eglise, on a vu l'excès du libéralisme en cette chambre se faire le
champion
de l'Eglise et de ses ministres. (Ecoutez! et
rires.) L'hon. député de Richelieu nous a
fait en termes pompeux l'historique des
bienfaits de l'Union des Canadas. J'avoue
que j'en ai été étonné, car c'est la première
cis que j'entends un démocrate,—un démagogue, — faire l'éloge de l'Union et des
hommes publics que la nation a su mettre
dans le temps a la tête de ses affaires.
(Ecoutez! écoutez!) Il nous a dit que
nous avions eu des hommes qui avaient su
faire triompher les droits du Bas-Canada,
des hommes qui ont su nous protéger et
nous faire marcher dans la voie du progrès.
" Nous les avons vus à l'œuvre! " nous a-t-il
dit. " Voyez donc les progrès qu'a fait le
pays sous l'Union! Voyez donc notre système
d'écoles élémentaires et notre système universitaire! Voyez donc aujourd'hui l'établissement
de notre ligne de vapeurs transatlantiques, qui servent à transporter nos reduits
en Europe et qui en rapportent les richesses
de tous les pays! Voyez donc le chemin de
fer du Grand Tronc, ce magnifique ouvrage
qui n'a pas son pareil dans le monde! Voyez
donc nos incomparables canaux, qui sont les
plus beaux du monde!" Vraiment, M.
le PRÉSIDENT, je suis tout étonné d'entendre
ces éloges sortir de la bouche de l'hon.
député de Richelieu,—surtout l'éloge du
Grand Tronc,—et en même temps je suis
certain que tous les membres de cette
chambre ont été ravis de cette partie de son
discours. (Ecoutez! et rires.) Et si on a
pu regretter certaines autres parties de son
discours, en a dû néanmoins se féliciter de
ce qu'il s'était aperçu que les hommes de
son pays et de son temps avaient lait leur
devoir. (Ecoutez! écoutez!)
M. PERRAULT—Oui, mais ils auraient
pu mieux faire encore.
M. DUFRESNE—L'hon. membre dit
qu'ils auraient pu mieux faire encore; mais
il ne disait pas cela dans son discours,
puisqu'il ne trouvait rien de comparable à
eux, ni aux travaux et aux améliorations
qu'ils ont faits. Eh bien! en vérité, cela
est consolant pour un homme comme moi,
qui combat de uis des années le parti de
l'hon. député de Richelieu, et qui le combattait parce que ce parti soulevait les
préjugés populaires contre toute amélioration
et contre toute grande entreprise. J'aurai
occasion de faire voir à la chambre les
moyens que ce parti employait pour exciter
les préjugés populaires contre tout homme
de progrès dans le pays, et de faire un rapprochement entre les préjugés qu'il soulevait
il y a dix ans et ceux qu'il cherche
à soulever aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député de Richelieu a encore dit que
depuis l'Union nous avions considérablement
établi nos townships, et que c'est pour cela
qu'il veut rester tels que nous sommes
aujourd'hui. " L'Union n'a pas fini son
œuvre!" dit-il. Il a raison. Seulement. il
est malheureux que lui et son parti ne se
soient pas aperçu de cela il y aquelques
années; il est malheureux qu'ils ne s'en
aperçoivent que quand ils sont convaincus,
avec tout le peuple, que des changements
dans la constitution sont indispensables,
parce ne nous, Canadiens-Français,—minorité dans le pays,—ne pouvons pas faire la
loi a la majorité. (Ecoutez! écoutez!) Je
n'essaierai pas de soulever les préjugés populaires, comme l'a fait l'hon. député
de Richelieu. Je ne veux pas le ravaler ni le
condamner trop fortement, car il ne l'a peut- étre fait que parce qu'il lui manque
quelque
chose dans l'organisation du cerveau; mais
je veux faire voir que ses prévisions de
l'avenir ne valent pas mieux que les leçons
de son expérience du passé. Nous l'avons
vu chercher tous les livres de la bibliothèque
pour nous démontrer, l'histoire en main,
que le peuple anglais est le peuple le plus
oppresseur qu'il y ait au monde, (écoutez!
et rires,) pour démontrer un fait qui n'est
924
pas vrai,—parce que les faits qu'il a cités ne
sont que les appréciations d'historiens qui
ont leurs opinions comme vous et moi, mais
qui peuvent aussi se tromper comme vous
et moi. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas
ici pour prendre la défense d'un peuple qui
n'a pas besoin de moi pour le défendre, ni
pour le venger des injures de l'hon. député;
mais je dois dire que je désavoue tout ce
qu'il a dit contre les Anglais et l'Angleterre,
contre ses institutions et son gouvernement,
et contre sa manière de gouverner ses colonies.
(Ecoutez! écoutez!) Pourquoi aller ainsi
chercher une page de l'histoire qui contient
une tache, pour l'étaler devant nos yeux?
Quelles étaient les mœurs des peuples à
l'époque où se sont passés les faits dont il
nous a parlé à propos de l'Acadie? Et
pourquoi ramener ces faits devant nous? A
quoi cela peut-il aboutir? Est-ce pour
soulever contre nous les préjugés d'une nation
puissante et fière? Est-ce pour nous faire
écraser? C'est lit un bien mauvais service
que nous ont rendu sa jeunesse et son inexpérience. (Ecoutez! écoutez!) Venir ainsi
prendre une page de l'histoire de plus d'un
siècle et reprocher à une nation conquérants
ce qu'elle a fait à la nation vaincue, c'est
bien mal servir ses compatriotes et bien mal
travailler dans leurs intérêts. N 'est-ce pas
la manquer de tact et d'expérience?—car
j'espère pour l'hon. député qu'il ne l'a fait
que par manque d'expérience,—je ne puis
pas imaginer que ce n'est que par pure
malice qu'il l'a fait. (Ecoutez! écoutez l)
" Mais, dit l'hon. député, l'Union n'a pas
fait son œuvre! " N e sait—il pas que la population du Haut-Canada, que la population
anglaise est beaucoup plus nombreuse que
la nôtre dans la province, et qu'elle forme
les deux tiers et nous le tiers de la population? Pourquoi donc venir dire cela? Est-ce
réellement parce qu'il croit que l'Union n'a
pas fini son œuvre qu'il veut la conserver et
rester tels que nous sommes?—Je ne puis
pas lui faire l'injure de lui supposer assez
peu de connaissances et de jugement pour le
croire sincère lorsqu'il dit qu il veut rester
comme nous sommes. (Ecoutez! et rires.)
Ne sait-il pas qu'en restant sous cette Union
les députés du Haut-Canada se réuniraient
en phalange serrée pour obtenir la représentation basée sur la population dans la
législature? Malgré les faits que nous avons vus
depuis quelques années; malgré qu'il sache
que les trois quarts des députés du Haut- Canada ont été élus pour obtenir la repré
sentation basée sur la population, il dit que
l'Union n'a pas fait son œuvre et qu'il faut
rester comme nous sommes! Non, je le
répète, je ne puis pas le croire sincère en
cela. Il sait que nous ne pouvons pas rester
comme nous sommes. Si nous sommes en
faveur de la confédération, ce n'est pas
parce que nous croyons qu'il ne pourrait y
avoir mon de mieux, mais parce que nous
savons qu'il faut apporter un remède aux
difficultés de sections. l.'hon. député de
Richelieu a beau crier, je puis lui prédire
que la masse de ses compatriotes est trop
intelligente pour s'y laisser prendre. car elle
comprendra que la minorité ne peut pas
commander à la majorité. Le devoir de la
minorité est de faire sa osition moins mauvaise que possible; mais elle ne peut pas
espérer de pouvoir dicter des lois à la majorité,—surtout quand cette majorité est
composée d'hommes qui, d'après l'hon. député de Richelieu, veulent l'oppression des
autres peuples! (Ecoutez! écoutez!) Les
paroles de l'hon. député de Richelieu sont
ce paroles d'un jeune homme sans poids et
sans importance; mais son discours serait
extrêmement réjudiciable aux intérêts du
Bas-Canada s'il avait été prononcé par un
homme plus connu et plus important qu'il
ne l'est. (Ecoutez! et rires.) Il nous a dit
encore que le cri de la représentation basée
sur la population n'avait été employé dans
le Haut-Canada que pour frayer la route des
chefs,—pour les faire arriver au pouvoir.—
Mais les chefs conduisent les soldats; et
c'est quand les chefs ont des soldats pour les
suivre qu'ils sont dangereux,—et les chefs
du Haut-Canada en ont. L'hon. député de
Richelieu dit ensuite: " Mais nous sommes
bien! Les libéraux ont fait passer le bill
des écoles séparées l "—Je case qu'il était
en chambre quand le bill es écoles séparées a été passé; mais s'il n'y était pas je
lui pardonne ce u'il a dit. Combien y a-t-il
de libéraux, combien y a-t-il de partisans du
gouvernement d'alors qui ont voté pour le
bill des écoles séparées? S'il ne le savait
pas, il aurait mieux fait (le se taire et de.
ne pas parler de cela.
M. PERRAULT—C'est le gouvernement.
MACDONALD-SICOTTE qui a fait passer la
mesure.
M. DUFRESNE—Non, ce n'est pas le
gouvernement: qui l'a présentée et fait passer;
c'est un mem re indépodant de cette
chambre,—M. SCOTT, d'Ottawa,—qui a résenté la mesure, et le gouvernement d'alors
925
l'a soutenue; mais il n' a en que deux de
ses amis du Haut-Canada qui ont voté en
faveur du bill, et l'un d'eux, le député de
South Wentworth (M. RYMAL), ne l'a fait
qu'après que je l'eûs interpellé et que je
l'eûs forcé a voter. (Ecoutez! écoutez!)
Voilà ce qui a été fait, et ce qui prouve que
le libéralisme ne vaut pas mieux ici qu'ailleurs. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député
de Richelieu crie à la majorité servile et
vénale! Il a été un temps où il ne chantait
pas sur ce ton, quand il faisait partie de la
majorité, et quand il en profitait pour faire
un petit voyage au Saguenay aux dépens du
gouvernement, et écrire un petit roman à
son retour. (Ecoutez! et rires.) Pour moi,
M. le PRÉSIDENT, qui fais partie de la majorité, je ne sais encore comment et en quoi
j'ai pu être servile envers mes amis du gouvernement; j'ignore en quoi la majorité
a
pu être vénale, comme il la qualifie. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu
a pu apprendre par ques moyens en était
vénal dans la majorité,—et il arait qu'il
l'a appris. (Ecoutez! écoutez .) Il nous
a dit ensuite: " Oh! nous avons un domaine
magnifique dans le Bas-Canada! nous avons
une quantité de terre immense, tandis que
le Haut-Canada n'en a plus; nous pouvons
faire de magnifiques établissements et augmenter notre population: restons donc avec
l'Union!" Eh bien! je dis, moi, que c'est
précisément à cause de cela que nous devons
accepter la confédération, afin de mettre la
main sur ce beau domaine plutôt que de le
laisser en commun avec le Haut-Canada. Il
nous fait un magnifique tableau de ce que
nous pourrions faire avec ce beau domaine,
puis il finit en disant qu'il n'en veut pas.
Eh bien! moi, j'en veux! (Ecoutez! Ecoutez!) Il nous a dit aussi que nous allions
avoir la taxe directe avec la confédération,
et que les gouvernements locaux ne seraient
que de simples municipalités. Je reviendrai,
tout à l'heure, à la uestion des taxes
directes; mais je dois dire que des municipalités qui auront à leur disposition des
millions d'arpents de terre, c'est déjà assez
joli pour de " simples municipalités." Il
me semble que c'est un peu rapetisser le
rôle des gouvernements locaux. (Ecoutez!
écoutes!) On parle de gouvernements locaux
et de municipalités! Eh bien! je m'aperçois
que le gouvernement local du Bas-Canada
aura pas mal de choses à administrer, car,
outre le domaine public, il aura encore le
contrôle des sujets suivants:—
"La taxation directe, et au Nouveau-Brunswick, l'imposition de droits sur l'exportation
du
bois carré, des billets, mâts, espars, madriers et
bois sciés; et, à la Nouvelle-Ecosse, sur l'exportation du charbon et des autres minéraux-"
J 'attire l'attention des membres de cette
chambre sur ces pouvoirs, et' je vais en dire
un mot: a mesure que je les lirai; s'il y en
a qui ne comprennent pas, d'autres comprendront. " La taxe directe! " Je sais que
les
grands démocrates vont crier; mais pour ma
part j'aime mieux avoir le droit de me taxer
moi-mème que de le laisser entre les mains
d'autrui, parce que je ne me servirai jamais
de ce droit et les autres le feraient peut-être.
Je continue à citer:—
"Les emprunts d'argent sur le crédit de la province;
"L'établissement de charges locales, et la
manière dont elles seront tenues, la nomination et
le paiement des officiers locaux;
"L'agriculture;
"L'immigration;
"L'éducation, sauf les droits et privilégee que
les minorités catholiques ou protestantes dans les
deux Canada posséderont par rapport à leurs
écoles séparées au moment de l'Union."
"L'éducation! "—L'hon. député de Richelieu a fait l'éloge de notre système d'éducation;
mais les députés qui crient contre la
confédération s'occupent-ile beaucoup de
l'éducation de la jeunesse et qu'elle soit
donnée d'après nos principes et les principes
avocassés par ces messieurs depuis qu'ils
défendent le trône et l'autel? (Rires) Le
contrôle sur le domaine public et l'éducation? C'est une municipalité! Avoir le
contrôle sur l'immigration et la colonisation? Ce sont des bagatelles!...Municipalités!
(Rires) Oui, mais nous
serons bien contents d'avoir tout cela plus
tard:—
"La vente et l'administration des terres publiques, moins celles qui appartiendront
au gouvernement général;
"Les pécberiea des côtes et de l'intérieur;
"L'établissement, l'entretien et la régie des
pénitenciers et des prisons de réforme;
"L'établissement, l'entretien et la régie des
hôpitaux, asiles, des lazarets et des institutions
de charité quelconques;
"Les institutions municipales!"
"Les institutions municipales. " Ce n'est
pas ce qu'il y a de mieux, mais je suis content d'en avoir le contrôle, parce que
nous
pourrons les améliorer.
"Les licences de boutique, d'auberges, d'encanteurs et autres licences;
926
"Les travaux locaux;
"L'incerperation de compagnies privées en
locales, excepté-celles qui auront pour objet des
matières assignées au parlement fédéral;
"La propriété et les droits civils, moins ce qu1
est attribué à la législature fédérale;
"Les punitions par amendes, pénalités, emprisonnement ou autrement, pour contravention
aux
lois qui sont de leur compétence législative;
"L'administration de la justice, y compris la
constitution, le soutien et l'organisation des
cours de jurisdiction civile et criminelle, ainsi
que la procédure en matière civile;
"Et généralement toutes les matières d'une
nature privée ou locale non assignées au pariement général. "
Eh bien! j'attire l'attention des membres
de cette chambre sur ces pouvoirs accordés
aux gouvernements locaux, et qui par conséquent nous seraient accordés dans le Bas-
Canada. Quand nous nous opposions à la
représentation basée sur la population, était- ce parce que nous craignions que la
majorité
fit décréter un tarif inégal pour les deux
sections de la province? Etait-ce parce que
nous craignions qu'elle n'établît plus de
phares en de lumières dans le golfe ou ailleurs? Etait-ce parce que nous craignions
que le Haut-Canada, au moyen de sa majorité, n'établit plus ou moins de bureaux
de poste, ou n'en mentât le port des lettres?
—Non! M. le PRESIDENT, ce n'était pas
pour toutes ces raisons, mais c'était parce
que nous craignions avec raison que, lorsque le Haut-Canada aurait plus de représentants
que le Bas-Canada dans la législature,
il n'envahit nos droits et ne mit en danger
teut ce que nous avons de plus cher. Voilà
ce que nous craignions! (Ecoutez! écoutez!)
Et c'est au moment que le gouvernement
nous offre une mesure qui doit sauvegarder
nos droits et nos institutions, avec des
garanties pour la minorité, que l'on s'écrie
qu'il faut conserver l'Union telle qu'elle est,
même avec la représentation basée sur la population! Non! c'est un faux-fuyant de
leur
part, car ils n'ont rien à soumettre au pays
pour remplacer ce rejet du gouvernement.
(Ecoutez! écoutez!) Les hon. députés de
l'a position veulent assimiler l'union légis=
lative à l'union fédérale; mais on sait parfaitement que ces deux sortes d'union ne
sont pas du tout semblables. La législature,
dans une union fédérale, ne peut pas outrepasser les droits et les pouvoirs qui lui
sont
assignés, tandis que dans une unten législative
elle a tous les pouvoirs, elle est souveraine.
Et croit-on qu'avec une union législative et
la représentation basée sur la population, la
majorité n'empiéterait pas sur nos droits,
sur nos institutions, et sur tout ce que nous
regardons comme le plus important pour
nous?
M. DUFRESNE — Ah! l'hon. député
voit bien la paille ui est dans l'œil de son
voisin, mais il ne vert pas la poutre qui est
dans le sien! Il ne se souvient pas qu'il a
tenu la chambre sur la sellette pendant cinq
à. six heures a nous lire des passages d'histoire de nature à soulever les préjugés
centre
une nation qui est en majorité ici et ailleurs!
S'il ne s'en rappelle pas, c'est peut-être
parce qu'il n'a pas fait lui-même les recherches nécessaires pour grossir son discours,
car ce n'était u'un ramassis de
paperasses avec lesquel ce il a ennuyé la
chambre pendant cinq heures de temps.
(Ecoutez! et rires.) Je ne lui veux pas de
mal, mais j'espère qu'il se souviendra de ce
que je vais lui dire. Il a dit à la chambre
que les libéraux avaient combattu pour obtenir le gouvernement responsable. S'il veut
appliquer cela aux hommes qui l'ont réellement fait, c'est bien; mais s'il l'applique
à
ceux qui composent son parti, il se trompe
grandement, car tout le monde sait que ce
parti a toujours crié contre l'Union et contre
le gouvernement responsable. Il a dit dans
les élections et partout que le gouvernement
responsable était un leurre, une déception,
une espèce d'insulte ui nous était jetée
à la figure par l'Angleterre. (Ecoutez!
écoutez!) Les membres de son parti politique ont toujours crié cela depuis que nous
avons le gouvernement responsable: ainsi,
ce ne sont pas aux qui nous l'ont obtenu.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu nous a encore dit que le clergé avait
tort en 1837, et qu'il a encore tort aujourd'hui de supporter le gouvernement.
M. DUFRESNE — J'en ai pris note
quand il l'a dit, de même que used il a dit
qu'il était vrai que même dans 'épiscopat il
y avait des hommes de talent. (Ecoutez!
et rires.) Il trouvait que les évêques même
pouvaient avoir du talent!
M. DUFRESNE — Qu'il se rétracte et
j'accepterai sa rétractation.
M. PERRAULT — Vous donnes à mes
paroles un tout autre sens que celui qu'elles
avaient.
M. DUFRESNE — L'hon. député a dit
que le clergé avait tort en 1837 et qu'il
927
avait encore tort aujourd'hui, et qu'il y
avait des hommes de talent jusque dans
l'épiscopat.
M. PERRAULT—L'hon. député voudrait-il me permettre de donner une explication et de le rectifier?
M. DUFRESNE—Avec plaisir, car je ne
veux pas profiter d'un triste moment de l'hon.
député, et ses paroles ont besoin d'être
expliquées.
M. PERRAULT—J'ai souvent entendu
tronquer le sens des paroles prononcées en
cette chambre, mais j'avoue que jamais je ne
l'ai vu faire au point que l hon. député de
Montcalm le fait à mon égard. (Ecoutez!
écoutez! à gauche.) Ce que j'ai dit à propos de l'épiscopat et des hommes de talent
qui s'y trouvent, est ceci:—J'ai dit qu'avec
le système d'instruction publique que nous
avons aujourd'hui dans nos campagnes, chaque enfant est à même de recevoir une éducation
qui lui permet d'aspirer aux plus
hautes charges dans le pays, et au plus haut
degré de l'échelle sociale. J 'ai ensuite ajouté,
pour preuve de ce que je disais, que nous
Voyions aujourd'hui à la tête de l'échelle
sociale des hommes sortis des plus humbles
familles des campagnes, dont les parents
n'avaient ni la fortune ni l'influence nécessaires pour les faire arriver si haut,
et qu'ils
n'y étaient parvenus que par leurs talents,
leur travail, leur énergie et les avantages de
notre système d'éducation. J'ai aussi cité à
l'appui de mon avancé, le fait que ces enfants
des campagnes étaient arrivés sur le banc
des juges, sur celui des ministres, et même
jusque sur le siége épiscopal. Or, pour ceux
qui comprennent la valeur des mots, il est
impossible d'interpréter cette phrase comme
étant une marque d'étonnement de ce qu'il
y ait des hommes de talent jusque sur le siège
épiscopal, comme veut le faire croire l'hon.
député de Montcalm. Au contraire, en réservant la plus forte expression pour la dernière,
quand j'ai dit que, jusque sur le siégé épiscopal l'on rencontre des fils de cultivateurs
qui y sont parvenus par leurs propres talents.
j'ai voulu exprimer que même le siége épiscopal, qui est la position la plus élevée
de
notre pays, était à la portée de nos hommes de
talents, grâce au système d'éducation adopté
dans notre pays, et qui permet a tous d'arriver aux plus hautes distinctions. Et je
défie qui que ce soit, qui comprend la valeur
des mots et leur emploi de donner une autre
signification à mes paroles,—à moins cependant que l'on ne veuille, de parti pris,
m'imputer ce que je n'ai pas dit. (Ecoutez!
écoutez!)
M. DUFRESNE—J'ai laissé l'hon. député
de Richelieu expliquer ce qu'il avait dit ou
voulu dire, mais il a eu tort de terminer son
explication par une insinuation injurieuse.
Cependant, je n'en suis pas très étonné, car
je sais que c'est la l'habitude du parti, et que
ces messieurs saisissent toutes les occasions
de jeter de la boue à la figure de ceux qui
ne pensent pas comme eux. (Ecoutez!
écoutez! à droite.) Lorsque j'ai demandé
à l'hon. député de Richelieu, l'autre jour,
la permission de l'interrompre, il me l'a
permis avec bonne grâce, et dans sa réponse à mon interruption,—dans laquelle
je ne l'avais pas insulté,—il m'a dit
qu'il n'était pas comme moi, dont les discours et les œuvres étaient encore à faire.
C'était vrai—bien que toute vérité ne soit
pas bonne à dire, ni même à entendre.
(Rires) Mais je puis lui dire que dans
mon humble chaumière, ne connaissant pas
tout ce qui se passe dans le monde, je n'ai ni
le loisir ni les moyens de publier des œuvres
aussi importantes que celles de l'hon. député.
Je me contente de venir ici remplir mon
devoir envers mes eommettants, et je le fais
seul. Je n'ai pas besoin d'un employé pour
faire des recherches dans la bibliothèque
pour me permettre de faire de longs discours.
(Ecoutez! écoutez! et rires.) Je n'ai pas
besoin d'un employé payé par le gouvernement pour me préparer mes discours, et
de plus je n'ai pas encore trouvé le moyeu
de vivre aux dépens du gouvernement. Et
si mes discours et mes œuvres sont encore à
faire, je n'ai pas besoin, pour ma subsistance,
comme l'hon. député de Richelieu, de
soutirer les deniers publics, soit avec ou
sans motifs en prétextes. (Ecoutez! écoutez!)
Maintenant j'en ai fini avec l'hon. député de
Richelieu—J'aurais un mot à dire à l'hon.
député du comté de Bagot. Quoiqu'il n'ait
pas été très brillant dans son discours, il a
cependant été moins ennuyeux que l'hon.
député de Richelieu. Il nous a dit que
nous ne représen tions pas les sentiments de nos
électeurs, mais qu'il n'y avait pas de danger
que nous votions un appel au people sur la
question de la confédération, parce que le
peuple est tellement opposé à ce projet que
le gouvernement en est effrayé et n'ose pas le
lui soumettre. Il n'a pas été le seul à faire
cette remarque, et j'y reviendrai dans un
instant. Il a dit ensuite au gouvernement
qu'il n'avait jamais eu l'intention de faire
928
discuter la question de confédération d'une
manière sérieuse, et qu'il ne voulait pas la
discussion sur son projet. Mais comment
croire l'hon. député? Ne sait-on pas que le
plan du gouvernement a été mis devant la
chambre dès le commencement de la session,
il y a sept semaines? Ne sait-on pas que le
gouvernement et ses amis ont fait tout en
leur pouvoir pour faire discuter ce projet, et
que les hon. députés de l'autre côté ne l'ont
pas voulu et ont constamment entravé la
discussion? Pour quel motif en agissaient- ils ainsi? L'hon. député de Bagot a donc
eu tort de dire que le gouvernement ne voulait pas de la discussion, qu'il voulait
étouffer
la discussion,—quand on sait parfaitement
que l'opposition n'en voulait pas et l'a constamment refusée. (Ecoutez! écoutez!)
Je
vois que l'hon. député de Bagot n'est pas
a son siége; mais lorsqu'il sera de retour,
j'aurai quelques mots à lui dire en anglais
en réponse à certaines parties de son
discours. L'hon. député de Drummond et
Arthabaska (M. J. B. E. DORION) nous
a aussi dit qu'il se fait un tel mouvement dans le pays qu'il serait irrésistible,—
que le peuple est mécontent,—
et que les conséquences de ce mécontentement seront très funestes. Il a rappelé
le grand nombre de pétitions présentées à la
chambre contre la confédération, pour démontrer que le peuple y est opposé. Eh bien!
si tous les membres de cette chambre qui
ont voulu envoyer des pétitions dans leurs
comtés, pour les faire signer, ont fait comme
lui, il n'est pas étonnant qu'elles soient
nombreusement signées,—car on se rappelle
sa lettre qui a été lue ici l'autre jour par
l'hon. procureur-général du Bas-Canada
(M. CARTIER), et sur laquelle il n'y a pas
à se méprendre. (Ecoutez! écoutez! et
rires.) On se rappelle qu'il écrivait aux
maires de son comté de faire signer les pétitions qu'il leur envoyait par "les hommes,
les femmes et les enfants." (Rires.) Et
quand on lui a la sa lettre en chambre, loin
d'en rougir et d'en avoir honte, il s'en est
glorifié! " C'est de l'énergie, dit-il, et je
n'ai pas honte de l'avoir fait! " (Rires.)
Je ne veux pas faire de remarques insultantes ni de comparaisons blessantes,—mais
il faut se rappeler que ce ne sont pas les
criminels les plus endurcis qui rougissent
de leurs crimes; ceux qui rougrssent s'amendent, mais ceux qui ne rougissent pas
meurent dans l'impénitenee finale. (Rires.)
L'hon. député nous a parlé des progrès
étonnants des Etats-Unis, malgré la guerre
et les dépenses énormes qu'elle entraîne, et
il nous a dit que dans cinq ans l'Etat de
New-York aurait liquidé sa dette: donc,
pourquoi ne pas nous allier avec l'Etat de
New-York?—Il n'a pas dit cela tout à fait,
mais à peu près; c'est la conclusion naturelle que l'on doit tirer de son discours.
Il
nous a dit que le peuple est mécontent et
qu'il va se soulever si on lui impose la confédération. Mais connait-on les moyens
qu'il
emploie our soulever les préjugés populaires? Nous pouvons juger des moyens
qu'il emploie aujourd'hui par ceux qu'il
employait autrefois pour préjuger le peuple
contre une mesure qui lui était favorable,
mais qui était inique dans certaines dispositions, parce qu'elle tendait à commettre
une spoliation contre une certaine classe de
la société. Je veux parler de la loi d'abolition de la tenure seigneuriale. Sans l'abolition
de la tenure seigneuriale, les seigneurs
seraient aujourd'hui extrêmement riches.
Cette loi a donc spolié les seigneurs en
faveur du peuple—que l'hon. député de
Drummond et Arthabaska prétend représenter. Mais, M. le PRÉSIDENT, savez-vous
ce qu'il a fait dans le tems, et comment il
trompait le peuple et soulevait ses préjugés
contre cette loi? J'ai cherché la brochure
qu'il a écrit dans le tems, mais je n'ai pu la
trouver dans la bibliothèque: on l'en a fait
disparaître. Cependant, les journaux démocrates de cette époque sont encore là, et
comme ils ont publié en partie la brochure
de l'hon. député, je vais en lire quelques
passages pour faire voir quel pôt-pourri
c'était. Les moyens employés alors ont si
bien réussi auprès du peuple que l'on va
peut-être chercher à en employer de semblables aujourd'hui contre la confédération.
Le
peuple, croyant que l'hon. député écrivait
contre les seigneurs et contre le gouvernement, était indigné contre les " traitres,"
et
dans le comté de Lotbinière il a empêché
les commissaires chargés de faire les cadastres de procéder pendant un certains
tems. Il est bon de rappeler ces écrits dans
un tems où l'on veut nous jeter la boue à la
figure; et il est tema que le peuple sache
de quel côté sont ses amis, et de quel côté
sont les " traitres." (Ecoutez! écoutez!)
M. DUFRESNE—J'espère qu'on me
pardonnera si j'ai été un peu loin; mais on
m'a tant chatouillé que je veux répondre a
929
ce qu'on a dit. (Rires.) Eh bien! voici
comment on traitait les hommes qui avaient
présenté le mesure d'abolition de le tenure
seigneuriale,—mesure toute dans l'intérêt
du peuple:—
"TENURE SEIGNEURIALE.—PAIN! PAUVRE PEUPLE!
PAIN!—Le peuple ne comprendra bien le sens de
nos institutions politiques que par le mal qu'elles lui
causeront, et il viendra un jour où le mal se guérira par le mal. Il fait noir, mais
les temps approchent et le lumière remplacera les ténèbres. "
Voilà. les écrits que l'on répendeit dans
le peuple
M. DUFRESNE—Oh! je sais que l'hon.
député ne rougira pas—qu'il ne rougira
jamais. Il ne peut pas plus rougir qu'un
nègre ne peut blanchir! (Rires.)
"Au PEUPLE CANADIEN—PEUPLE! Je suis un
de tes fils; JEAN-BAPTISTE, je suis un de tes frères.
Quend un frère te fait mal, je sens le mal. Quand
tu paie, je paie; quand l'on te frappe, le coup
m'atteint. Quand on t'humilie, je me sens humilié.
Quand tu souffres, je souffres. Quand tu gémis, je
gémis. Quand tu pleure, je pleure...….. (Rires.)
Quand le bien t'arrive, je m'en rejouis. Quand tu
prospères, je suis heureux. Quand tu ris, je ris.
Quand tu chante, je chante. (Rires.) Peuple, me
voilà de pied en cap en te présence. Simple campagnard, vivant au milieu de toi, j'ai
voulu te
rendre eervice. Je ne te demande qu'une faveur,
celle de lire les pages suiventes. Je n'ambitionne
aucune récompense; car si je puis te faire comprendre ta position, t'engeger à revendiquer
tes
droits violés, à bénir le bien et à maudire le mal,
je serai plus que récompensé. "
(Applaudissements et rires prolongés.)
Oui! prends le calice et bois le poison
jusqu'à la lie! Voilà l'invitation d'un democrate et d'un démagogue! (Ecoutez! et
rires.)
"Dans des jours comme ceux-ci, où le prostitution politique remplace les vertus civiques,
où la
faiblesse et l'inertie remplacent le courage et l'action; quand le démoralisation
descend du haut du
pouvoir, comme l'eau qui coule dans notre grand
fleuve, arme-toi de patience, redouble de courage,
puis veille et veille encore afin de conjurer l'orage
de plus mauvais jours.
"Ton fils,
"LE FRÈRE DE JEAN-BAPTISTE."
M. J. B. E. DORION—Cela est aussi
vrai aujourd'hui qu'il y a dix ans. (Ecoutez!
écoutez! à gauche.)
M. DUFRESNE —Je ne lirai pas tout,
car il y en a trop long; mais je vais en lire
encore une petite partie.
"Paie, cer ton droit le plus sacré n'est rien en
face du privilége, de l'exaction, du brigandage
seigneurial, exercés impunément pendant tant
d'années! Paie, c'est au plus fort la poche, car la
justice est passée loin du parlement, le 15
décembre 1854. Vient ensuite l'organisation de la
farce légale qui sera jouée pour faire croire à
JEAN-BAPTISTE qu'il va obtenir justice. Les quatorze gros juges du Bas-Canada formeront
une
cour spéciale pour décider les questions en litige,
entre le seigneur et le censitaire. S'ils ne sont pas
tous d'accord, il peut y avoir appel en Angleterre.
Un seul juge différent d'opinion, suffira pour
mener l'affaire en Angleterre. N'est-ce pas que
c'est encore admirable, d'autant plus que les juges
seigneurs pourront juger leurs propres causes!. . .
Quelle dérision!. . . . "
Toute la brochure est écrite sur ce ton!
Je ne veux pas entretenir le chambre plus
longtemps avec cela, cer j'en ai cité assez
pour faire voir ce que les démagogues ont
fait il y a dix ans, à propos d'une mesure
aussi importante pour le pays. Quand le
gouvernement présentait une mesure de
spoliation contre les seigneurs, et qu'il votait
une somme énorme pour le rachat des droits
seigneuriaux, c'était là le langage incendiaire et malhonnête que l'on tenait au
peuple! Et c'est avec un tel langage que l'on
veut aujourd'hui soulever les préjugés du
peuple contre le gouvernement, lorsqu'il
présente une mesure qui doit donner au
Bas-Canada le contrôle absolu de ses institutions, de ses terres publiques et de son
éducation. (Ecoutez! écoutez!) C'est avec
des pemphlets incendiaires comme celui-là .
que l'on veut soulever le peuple contre les
hommes qui travaillent sus l'intérêt de
leurs compatriotes! (Ecoutez! écoutez! à
doite.)
M. J. B. E. DORION—L'hon. député
de Montcalm me permettra-t-il de dire un
mot? Je veux lui dire seulement que je n'ai
pas honte de ce que j'ai écrit dans le temps,
et que se fameuse loi seigneuriale était si
mouvaise lorsque j'écrivais cela qu'il a fallu
l'amender pendant cinq ans avant de pouvoir
en faire quelque chose de passable.
M. DUFRESNE—Cela n'empêche pas
que la première loi enlevait le fardeau de la
tenure seigneuriale des épaules des censitaires. J 'evoue que la loi était imparfaite,
et j'ai même voté contre le bill de 1854;
mais je n'ai pas fait comme l'hon. député,
et mon seul but en votant contre la mesure
était de forcer les hommes du pouvoir à faire
mieux. L'hon. député a beau dire, je maintiens que les démagogues ont fait tout leur
possible pour nous ruiner avec cette question,
930
et ils font encore la même chose aujourd'hui
à propos de la confédération. (Ecoutez!
écoutez!) Aujourd'hui, nous ne formons—
les Canadiens- Français— qu'un tiers de la
population, et malgré les progrès que nous
avons faits avec l'Union, tous les hommes
sensés qui réfléchissent sur la position dans
laquelle nous nous trouvons placés, sont bien
aises d'accepter le plan de confédération,
parce qu'il doit nous donner la haute main
sur notre éducation, nos institutions et tous
les intérêts du Bas-Canada. (Ecoutez!
écoutez!) J 'ai écrit une note à l'adresse
de l'un de mes amis en cette chambre—
l'hon. député de Beauce (M. TASCHEREAU).
J 'ai été vraiment surpris de l'entendre s'exprimer comme il l'a fait sur cette question
de confédération. Je veux bien croire qu'il
est sincère; mais je ne puis m'empêcher de
lui dire qu'il aurait pu se contenter d'exprimer son opinion sans prendre tous les
mauvais arguments des députés de l'autre
côté de la chambre. (Ecoutez!) Il semble
qu'entre amis il faut user de ménagements.
Entre les hon. députés de Drummond et
Arthabaska et de Richelieu et moi, nous
pouvons nous dire nos vérités; mais avec
l'hon. député de Beauce, ce n'est pas la
même chose. Il nous a dit ne la confédération devait porter un coup de mort à notre
nationalité; mais comment peut-il croire
cela? Je comprends facilement que de
l'autre côté dela chambre on puisse faire
usage de cet argument, parce que l'on y
déguise ordinairement les faits; mais de la
part de l'hon. député de Beauce, cela me
fait peine, parce que je suis convaincu que
la désunion législative que l'on veut faire au
moyen de la confédération, ne tend à rien
moins qu'à réintégrer la nationalité canadienne-française dans la position qu'elle
occupait avant l'Union,—plus, avec toutes les
améliorations qui ont été faites depuis ce
temps. (Ecoutez! écoutez!) Je ne voudrais
pas ennuyer la chambre trop longtemps,
mais, comme j'ai encore une petite citation à
faire, j'espère que l'on me pardonnera si je
parle encore endant quelques instants.
M. DUFRESNE—Les hon. députés de
l'autre côté de la chambre ont pour apôtres
et patrons LOUIS BLANC, CONSIDÉRANT,
BLANQUI, etc., etc. BLANQUI, par exemple,
savez-vous ce qu'il dit? Ce n'est pas édifiant,
mais il faut le lire pour que l'on puisse juger
des adoptes par les chefs. Voici:—
"Le peuple a arboré la couleur rouge sur les
barricades de 1848. Qu'on ne cherche pas à la
flétrir. Elle n'est rouge que du sang généreux
versé par le peuple et par la garde nationale, elle
flotte étendue sur Paris; elle doit être maintenue.
Le peuple victorieux n'amènera pas son pavillon!"
Je ne cite rien de LOUIS BLANC, qui est
bien connu des démocrates, mais je vais citer
un passage de CONSIDÉRANT:—
"Le devoir, dit ce singulier apôtre, vient des
hommes, et l'attraction vient de Dieu. Or, l'attraction, c'est la libre tendance de
nos passions.
Toute attraction est une chose naturelle, légitime,
à laquelle il est impie de résister. Céder à ses
attractions, voila où est la vraie sagesse, car les
passions sont comme une boussole permanente
que Dieu a mise en nous. "
Laissez-vous donc aller à vos passions!
Ça vient de Dieu!… (Rires.) Voilà les
doctrines des démocrates, les grands chefs
des démagogues! Maintenant, je cite FOURRIER:—
"Toutes les passions de notre nature sont
saintes et bonnes: elles ressemblent aux notes de
la musique, lesquelles ont chacune leur valeur
propre. "
Ainsi, ce sont les passions qui doivent
conduite les hommes! Mauvaises, bonnes,
c'est la même chose! (Rires.) Voilà les
principes des hommes qui ont pris la religion
sous leur protection! (Rires.) Permettez que
je leur dise de ne pas traîner la religion à
leur remorque pour en faire leur servante,
et de ne pas traîner les ministres des autels
dans la boue. Vous voulies les laisser dans
la sacristie; eh bien! laisses-les-y; et comme
ils connaissent vos opinions, ils n'ont pas
besoin de vous pour les défendre ou les
protéger. (Ecoutez! écoutez!) Je dirai
encore aux députés de l'autre côté: Soyez
avant tout Canadiens-Français, et comme
le pays a besoin de votre secours et de tous
ses enfants pour le tirer de difficulté, unissez
vos efforts à ceux qui veulent le sauver!
La barque se trouve en danger: réunissez- vous au parti qui veut sauver notre nationalité
et nos institutions! Réunissez—vous à
nous pour sauver nos institutions, notre
langue et nos lois!—Je sais qu'un fameux
démagogue qui, après VOLTAIRE, avait le
plus contribué à la révolution de 1789,—je
sais que ce grand démagogue disait dans une
assemblée populaire:—
"Quand le dernier des Gracques mourut, il jeta
de la poussière vers le ciel, et de cette poussière
931
naquit MARIUS,—MARIUS, moins grand pour avoir
vaincu les Cimbres, que pour avoir chassé l'aristocratie de Rome."
C'était là le language d'un grand démagogue, d'un grand orateur, d'un grand
citoyen, d'un homme qui pouvait être bien
grand de toutes manières, mais ni attirait
sa patrie dans une triste position.—On a
voulu souvent jeter de la boue à la figure de
l'hon. procureur-général du Bas-Canada, on
a voulu souvent ridiculiser ses œuvres,—
mais je ne doute pas que la postérité dira
que l'hon. procureur—général du Bas-Canada
était gran par ses œuvres, grand par la
codification des lois, grand par l'abolition de
la tenure seigneuriale, et grand surtout parce
qu'il a su vaincre la démagogie! (Applaudissements.)
M. DUFRESNE—Comme je vois maintenant l'hon. député de Bagot à son siége,
je vais faire en anglais les quelques remarques que je destinais à son adresse. (M.
DUFRESNE continue en anglais:) L'hon.
député de Bagot nous a dit: " Vous volez le
Bas Canada de $5,000,000, et pourquoi?
Pour les donner au Haut Canada. Le Haut- Canada votera presque unanimement pour le
projet de confédération, parce que vous volez
le Bas-Canada de cette somme à son profit.
Et comment cela? Parce qu'il n'est dû
qu'un million sur les terres publiques du
Bas-Canada tandis qu'il est dû cinq millions
dans le Haut-Canada. Le Bas-Canada ne
recevra donc qu'un million de piastres tandis
que vous en donnez cinq millions au Haut.
Vous commettez donc une spoliation du Bas- Canada au profit du Haut-Canada. " La proposition
de l'hon. député de Bagot, si je la
comprends bien,—et j'ai pris note de ses
paroles,—est donc de prendre au Haut- Canada la moitié de ce qu'il doit sur ses
terres publiques et de l'appliquer au profit
du gouvernement local du Bas-Canada.
M. WEBB.—M. l'ORATEUR:—Le projet
présenté par le gouvernement pour la confédération des provinces de l'Amérique Britannique
du Nord, me paraît entouré de
grandes difficultés. (Ecoutez! écoutez!)
Je crois qu'avant de le soumettre au
vote, le gouvernement devrait nous faire
un exposé plus complet du projet dans son
ensemble, afin que les hon. membres fussent
à même d'en arriver à des conclusions raisonnebles sur les mérites de la cause. (Ecou
tez!) Cet argument me semble avoir du
poids, surtout pour la section du pays que
j'ai, avec plusieurs autres hon. membres,
l'honneur de représenter; il s'y applique encore mieux qu'à toute autre partie de
la confédération projetée. Nous savons tous que
si ce projet est adopté, la population anglaise se trouvera en très faible minorité
dans
la législature locale; nous savons tous que la
portion du pays à laquelle j'appartiens, a été
ouverte et colonisée par des Anglais, et que
la grande majorité de la population est anglaise-protestante. Il s'en suit que ses
représentants étant appelés à voter sur une
mesure qui affecte si profondément leurs intérêts de toutes sortes, devraient en connaître
intimement tous les détails, afin de pouvoir
bien définir leur position, en ce qui regarde
les intérêts qu'ils représentent. (Ecoutez!)
Mais, en nous présentant cette mesure, les
hon. ministres ont cru devoir adopter une
autre marche; ils nous ont soumis simplement les résolutions qui doivent amener la
confédération, réservant pour une é ue
ultérieure l'examen de tous les détails.
(Ecoutez!) Bien que le gouvernement ne
nous ait pas donné, à mon avis, tous les renseignements désirables, je ne crois pas
que les
populations anglaises du Bas-Canada soient
justifiables de s'opposer à une mesure qui
peut, après tout, leur être avantageuse, et de
la rejeter, parce que quelques-uns de leurs
intérêts peuvent en souffrir. Je voterai donc
pour les résolutions qui nous occupent, me
réservant de voter pour ou contre les détails
qui affectent les constitutions locales, selon
que je le jugerai convenable. (Ecoutez!)
En votant pour cette mesure, je n'admets
autre chose que le principe d'une union des
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord. L'été dernier, les affaires politiques
du pays étaient dans un état critique, ont
il fallait nécessairement sortir par quelque
moyen. Je croyais, toutefois, que la conférence qui s'est réunie ici au mois d'octobre,
pour examiner une question soumise au peuple
depuis 1858, proposerait de soumettre aux
différentes législatures un projet d'union législative des colonies anglaises de l'Amérique
du Nord. Il me semble qu'une union
législative relierait bien mieux les diverses
provinces entre elles, et ne serait pas de beaucoup aussi coûteuse que l'union fédérale
proposée. (Ecoutez!) J'admets, toutefois, que
l'accomplissement d'une union législative
présente certaines difficultés qu'on ne rencontre pas dans l'union fédérale. Le grand
932
inconvénient que je trouve dans ce projet,
c'est que beaucoup de gens ne le comprennent pas et que ces détails ne sont point
connus du pays en général. Je crois que si
les hon. ministres avaient présenté un projet
complet en indiquant tous les détails et ce
résultats qu'ils peuvent produire, ils auraient
rencontré bien moins d'opposition et dans le
pays et dans cette chambre. (Ecoutez!)
Mais on nous demande de donner notre assentiment à une mesure que nous ne comprenons
pas plus que nos électeurs. Ces objections
ont déja été faites, et je crois qu'elles dorvent
avoir du poids, surtout dans la partie du pays
que j'ai l'honneur de représenter. Il ne faut
pas s'étonner que les populations anglaises
du Bas-Canada aient des appréhensions, je
dirai même des craintes, au sujet du fonctionnement de la nouvelle constitution, quand
des hon. membres, comme l'hon. député de
Peterborough, qui est à l'abri des dfficultés
qui nous clermont, ont exprimé des sentiments
analogues. Ces messieurs ont cru devoir
exprimer leurs craintes, pourquoi nous refuserait-on le droit d'en faire autant? (Ecoutez!)
Il est certain ne les protestants du
Bas-Canada n'ont pas se plaindre de leurs
concitoyens Canadiens-Français. Depuis
l'union, nous avons vécu en ons termes, et
l'équité, ainsi que la justice, ont toujours
présidé à nos relations communes. (Ecoutez!) Mais les populations anglaises du Bas-
Canada veulent voir disparaître toute possibilité d'agression de la part des Canadiens-
Français, et il est difficile de croire que le
projet soumis à la chambre leur donne cette
garantie. (Ecoutez!) Il est inutile, M.
l'ORATEUR, qu'à l'exemple des hon. membres
qui m'ont précédé, j'entre dans tous les détails de la question, Je ne doute point
que
si l'on peut opérer l'union de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord,
à des conditions équitables pour tous, le pays
en général y trouvera un grand avantage.
(Ecoutez!) Je ne retiendrai pas la chambre
plus longtemps, M. l'ORATEUR, et je terminerai en exprimant l'espoir que quand viendra
le moment de nous prononcer de nouveau
sur cette question, nous trouverons que tous
les détails de la nouvelle constitution ont été
réglés avec justice et équité; nous constaterons aussi que les hon. messieurs qui
tiennent
entre leurs mains les destinées du Canada,
se sont montrés dignes de leur tâche et que
le Canada, uni aux autres provinces, est devenu la patrie de la vraie liberté. (Applaudissements.)
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER — M.
l'ORATEUR:—J'ai écouté avec le plus vif
intérêt les observations de l'hon. membre
pour Richmond et Wolfe. L'hon. monsieur
représente un comté dont la population est,
en grande majorité, protestante, et les adversaires du projet ont tout fait pour exciter
les
appréhensrons et la défiance de la minorité
protestante du Bas-Canada. Mais comme
catholique, et en qualité de membre du gouvernement, je réitère l'assurance ne la
discussion qui amènera le règlement des constitutions locales, donnera entière satisfaction
à la minorité protestante du Bas-Canada.
(Applaudissements.)
M. RYMAL.—Confiant dans l'assurance
donnée par l'hon. proc.-gén. du Haut- Canada, que les membres de cette chambre
auraient toute facilité d'exprimer leurs vues
sur les détails de cette mesure, j'avais réservé le peu que j'ai à dire pour le moment
où seraient présentés des amendements conformes à mes vues. Mais l'engagement pris
par l'hon. proc.-gén. du Haut-Canada ayant
été completement violé, je crois devoir élever
ma faible voix pour expliquer ce que j'aurais
préféré n'affirmer que par mon vote. Tout
le monde se rappelle les circonstances qui ont
amené la formation du ministère actuel, et le
but dans lequel il a été formé. Les ministres
nous demandaient un peu d'indulgence, nous
promettant un projet qui règlerait les difficultés existantes entre le Haut et le
Bas- Canada, et amènerait peut-étre l'union de
toutes les provinces. Si j'ai bien compris le
programme du gouvernement, il s'agissait
d'abord de la fédération des deux Canadas,
les autres provinces ayant la faculté de s'y
joindre ultérieurement. Quelques ministres
ont nié cette assertion, mais c'est de leur
part un faux-fuyant, car tel était le sens du
mémoire rédigé par le gouvernement, lorsqu'il
donna des explications à la chambre. (Ecoutez!) Je dois donc soulever contre le ministère
une double accusation. La première
s'adresse spécialement à l'hon. proc.-gén.
du Haut-Canada, qui, malgré sa promesse
positive, s'est opposé à tout amendement;
la seconde va droit aux membres réformistes,
qui sont aujourd'hui au pouvoir et qui ont
aussi manqué, à leurs engagements, en ne
présentant pas une mesure pour la fédération
des deux Canadas. (Ecoutez!) J 'avais espéré, M. l'ORATEUR, que l'infusion d'un
sang nouveau dans les veines du corps ministériel, par l'addition de deux ou trois
membres qui avaient si courageusement dé
933
noncé la perversité de leurs collègues actuels,
aurait eu un bon effet sur quelques—uns des
ministres.—(Rires.) — J 'ai été désappointé
à cet égard. Malgré cela, j'aurais certainement appuyé cette mesure si je la croyais
apte à faire disparaître les difficultés de section. J'avais aussi compté sur l'appel
au
euple avant une décision finale. (Ecoutez!)
Telle était incontestablement l'opinion générale dans le Haut-Canada, au mois de novembre
dernier. Tous les journaux affirmaient
que le gouvernement ne pouvait prendre sur
lui la responsabilité d'une telle mesure avant
d'en appeler aux électeurs. Permettez-moi,
M. l'ORAEUTR, de lire un extrait d'un de ces
journaux, à l'a pui de mon assertion. Je n'ai
point l'habitude de la parole et, dans une
circonstance aussi solennelle, je crains bien
d'étre tout-à-fait au-dessous de la situation.
Mais je remplis un devoir sérieux en donnant
ici mon opinion sur le projet, et je réclame,
à ce titre, l'indulgence de la chambre. (Ecoutez!) Voici l'extrait en question:
"Quelque mode n'on adopte pour soumettre la
question au public, les populations du Canada et
celles des provinces maritimes s'opposeront énergiquement à tout acte de despotisme.
Pendant de
longues années, les Canadiens ont combattu pour
leurs libertés, et le gouvernement se trompe beaucoup s'il prétend renverser les anciennee
institutions et leur donner une nouvelle constitution
sans les consulter. Les membres des divers gouvernements, ni les députés des différentes
législatures n'ont mission spéciale à cet égard. "
M. l'ORATEUR, je crois cela parfaitement
vrai en ce qui me concerne personnellement.
(Ecoutez!)
"La question n'a même pas été mentionnée à
la dernière élection. "
Pour ma part, je n'en ai pas entendu parler.
(Ecoutez!)
"La voix de l'opinion publique ne demandait
point cette mesure assos énergiquement pour que
le ministère fût forcé de l'inclure dans son programme. En Canada ce n'était qu'un
besoin du
moment pour les ministres. None prétentions, en
conséquence, que le peuple doit etre consulte."
M. RYMAL.—C'est le
Norfolk Reformer,
un journal qui, pendant les mois de novembre et décembre derniers, était plein, à
chaque numéro d'articles dans ce sens, et
qui, depuis la circulaire électrique expédiée
par le secrétariat provincial, est malheureusement devenu muet. (Rires!) La confédération
des provinces de l'Amérique Britannique du Nord n'a jamais été demandée
par nos populations, et si elles étaient aujourd'hui consultées à cet égard, elles
rejeteraîent une areille mesure. (Ecoutez!)
J'ai consulté l'opinion publique dans mon
comté; je me suis procuré une vingtaine
d'exemplaires des résolutions et les si adressées à autant d'électeurs, en demandautleur
opinion. Deux, seulement, m'ont rendu des
réponses à peu près favorables, disant que
si le projet evart être avantageux au point
de vue national, l'application en serait tellement coûteuse que tous les avantages
disparaissaient devant cette considération. Mes
autres correspondants sont totalement opposés
au projet. Permettez-moi encore, M. l'ORATEUR, de lire un extrait d'une lettre écrite
par un monsieur influent résidant dans
Wentworth Sud, et qui a fait son éducation
politique au
Globe. (Ecoutez!) Voici ce
qu'il it:
"A une certaine époque, je me suis figuré qu'une
confédération serait un remède à nos maux.
Mais après avoir lu les résolutions, je vois que le
Haut-Canada, ui sera la portion la plus considérable de la confédération, sera aussi
la plus mal
traitée. "
M. l'ORATEUR, je suis heureux de voir
que 'e ne suis pas le seul habitant de Wentwort Sud qui mette en doute l'honnêteté
du
gouvernement qui a présenté cette mesure
et qui nous refuse toute explication. Mais
mon correspondant continue:
"Je ne suis pas très porté e croire au patriotisme des auteurs et partisans de ce
projet. Ce
qu'il y a de plus clair pour eux c'est qu'ils s'assurent des portefeuilles aujourd'hui
et dans le gouvernement général. L'abandon du plan qu'ils
avaient indiqué à la dernière session, le précipitation avec laquelle ils veulent
passer ces résolution le refus de donner des explications, tout
m'indique que le patriotisme n'est point leur grand
mobile. Je ne me permettrais point de mettre en
doute leur sincérité si leur assé n'autorisait
soufflamment une semblable présomption."
M. l'ORATEUR, je partage presqu'entièrement cette opinion. Je ne discuterai
point tout le projet, je n'en suis pas capable,
mais j'ai écouté attentivement, depuis le
commencement de la discussion, tous les discours, pour et contre, et je demeure opposé
à la mesure. (Ecoutez!) Le refus d'en
appeler au peuple, m'indique que le gouvernement nous cache à dessein quelque chose;
et j'ai droit de lui dire, en employant une
expression populaire qui rend bien ma
pensée; " Le diabie est caché dans le blé."
(Rires.) On prétend que notre sûreté exige
que nous combinions nos forces. Or, en opé
934
rant cette union, voici, à mon avis, ce que
nous ferons: nous ajouterons à une perche
de ligne deux ou trors rallonges. (Ecoutez!)
Si, par la vertu d'une etite baguette, on
ouvait transporter la Nouvelle- Ecosse, le
Nouveau-Brunswick. l'Ile du Prince-Edouard
et Terreneuve sur les montagnes qui sont
à vingt milles en arrière d'ici, ou bien, faire
flotter une ou deux de ces provinces au centre
du lac Ontario, alors notre force s'accroîtrait.
Mais, dans notre position géographique actuelle, nous allongeons indéfiniment notre
frontière sans avoir aucun moyen de la défendre. (Ecoutez!) Il est un détail du
projet que je tiens à signaler, parce qu'il doit
nous entraîner dans des dépenses incalculables: je veux parler de la construction
du
chemin de fer intercolonial, qui suffirait seule
pour ruiner un jeune aya comme le nôtre.
Au nom de la classe des cultivateurs canadiens a laquelle j'appartiens, je puis dire
que
depuis deux ou trois ans notre position n'est
es très enviable. Nos récoltes ont manqué,
les prix du marché baissent de plus en plus,
et nous n'avons pas besoin de charges nouvelles. (Ecoutez!) L'état de nos finances
devrait être pour nous un avis: pourquoi,
au contraire, ne pas économiser? (Ecoutez!)
Dans dix ans nous ariverions peut-être à
avoir une balance en notre faveur. Les banqueroutes sont nombreuses par le temps qui
court; du 1er septembre au 24 décembre
damier, j'en compte 905 dans la Gazette
Officielle. (Ecoutez!)
M. A. MACKENZIE—Mais toutes ces
faillites ont-elles eu lieu pendant l'année?
M. RYMAL—Je ne saurais le dire, toujours est-il qu'elles ont été annoncées pendant l'année.
Or, chaque faillite affecte plus
ou moins les intérêfs de six individus, ce
qui nous donne un total de 5,000. Ce n'est
donc point le moment d'imposer de nouvelles charges aux populations du Canada.
Nous avons vécu trop largement, tout le
monde le reconnaîtra, et nous souffirons aujourd'hui des dettes que nous avons contractées.
Sans développer trop longuement
les raisons qui me portent à combattre ce
projet, je puis, en quel nes mots, en citer
me demi-douzaine Ces suffira, j'espere,
pour me justifier. Je le combats parce que:
premièrement, ce n'est pas le projet que le
gouvernement avait annoncé et qui était
connu des populations haut-canadiennes; secondement, nous ne sommes pas envoyés ici
pour changer la constitution m pour faire
des alliances sans consulter le peuple; troi
sièmement, les auteurs de ce projet cherchent
à ravir au peuple des droits qui lui sont
chers,—je fais ici allusion au mode qu'on
veut adopter pour nommer le conseil législatif; quatrièmement, les frais qu'entraînera
l'application de cette mesure en détruisent
tous les avantages; cinquièmement, enfin
les difficultés de section ne se trouveront
point réglées et le Haut—Canada aura quatre
ou cinq antagonistes au lieu d'un. (Ecoutez!)
En 1850, la position du Canada était, en se
le rappelle, l'objet de l'admiration de tous
ceux qui connaissaient le pays. Je me permettai une comparaison: à cette époque, le
Canada était comme un beau jeune homme,
fort et et bien constitué. Sa tendre mère
(et je présume que l'Angleterre joue ce rôle
vis-à-vis du Canada) confia le soin de ce
précieux enfant au médecin de la famille
qui, de temps à autre, le remit à des médecins d'une autre école que lui-même. Il
y
avait parmi eux des allopathes, des homéopathes, des hydropathes, (rires), mais tous
saignaient l'enfant, lui appliquaient des
vesicatoires et le faisaient suer. Avec ce
traitement, le charmant jeune homme devint
pâle et maladif; sa vigoureuse jeunesse et sa
fière contenance commencèrent à s'affaiblir
et à chanceler. La maman se plaiguit aux
docteurs qui s'étaient déclarés responsables.
Et que répondirent-ils? Chacun prétendit
que son système était le bon, bien que le
jeune homme succombait manifestement.
Mais pour ne pas gâter le métier, et échapper à une accusation d'ineptie, les docteurs
se réuniront et firent de toutes leurs drogues
un savant mélange qu'ils administrèrent au
patient. (Rires redoublés.) La mère s'alarma
davantage et fit de nouvelles remontrances
aux docteurs, comme je suppose que l'Angleterre a fait pour nous; les voisins commencèrent
à s'intéresser au malade et à
s'étonner qu'il pût supporter tant de saignées,
tant de vésicatoires, et tant de potions affaiblissantes. Or, que firent, pensez-vous,
les
charlatans pour donner satisfaction à cette
mère désolée? Après avoir reconnu qu'ils
avaient mis son fis à la porte du tombeau,
ils lui proposèrent de faire des expériences
sur trois ou quatre autres membres de sa
famille. (Rires.) Mais, M. l'ORATEUR, je
suis heureux d'avoir à vous dire que les
autres enfants protestèrent en refusant tout
secours des charlatans du Canada et déclarant qu'ils choisiraient eux-mêmes leur docteur.
(Rires.) Ce langage figuré fera comprendre, je l'espère, à tous les hon. membres
935
à quel point de vue j'envisage la position
actuelle du Canada. Il leur fera comprendre
comment nos chefs nous ont traités depuis
quelques années. Ils se sont disputés violemments nos illustres chefs, les uns disant
aux
autres: " Vous aves tort et nous avons
raison! " Ils nous ont ainsi réduits au triste
état que tout le monde connaît, et maintenant ce sont les mêmes hommes qui vont
nous faire sortir des difficultés dans lesquelles leurs fanatisme ou leur esprit de
nationalité mal comprise nous ont plongés!
S'ils étaient capables de nous sauver, je les
aiderais de tout mon cœur, mais je crois que
le nouveau remède va nous achever; je
voterai donc contre la mesure; je dois agir
ainsi par égard pour mes électeurs et pour
mes propres convictions. Je suis prêt a
subir les conséquences de mon vote. (Applaudissements.)
DR. PARKER — Avant la clôture du
débat, je désire faire quelques observations qui suffront à expliquer mon vote; je
serai court. Il est bien connu que je vois
plusieurs inconvénients aux résolutions qui
nous ont tant occupées; objections de principe, objections de détail, objections comme
Haut-Canadien et comme citoyen de l'Amérique Britannique du Nord, et enfin objections
relatives à la limite de temps dans
laquelle les résolutions devront passer à
l'état de loi. Si l'on pouvait faire certains
changements, je les appuierais chaudement.
Mais a motion de la question préalable proposée par le chef du gouvernement exclut
tous les amendements; je ne suis pas responsable de cette motion, mais elle m'oblige
à voter oui ou non pour l'adresse telle
qu'elle est. Il faut que j 'accepte ou que je
rejette les résolutions telles qu'elles sont.
Si je pouvais rendre la responsabilité de la
négative j'expliquerais les objections que je
vois à la confédération; mais, dans la position où je me trouve, cette explication
est
inutile. Dans le cours de ce débat, on a
prétendu qu'avant de critiquer, les adversaires de cette mesure auraient dû proposer
quelque chose de mieux. Or, on ne
veut leur permettre aucune motion, c'est la
meilleure réponse qu'ils puissent faire à cet
argument. De plus, en thèse générale, les
adversaires d'une mesure publique ne sont
pas obligés de soumettre un autre projet, ils
peuvent strictement ne rien proposer et ne
rien accorder: c'est le droit que leur donnent
la logique et la pratique parlementaire. Il
n'est pas même nécessaire qu'ils prouvent
que la mesure est mauvaise, il suffit qu'ils
établissent que leurs adversaires ne l'ont pas
démontrée bonne. Sur toutes les questions
ordinaires, je suivrais invariablement cette
règle. Mais dans le cas actuel, je ne puis
rejeter la mesure sans faire voir que j'ai
quelque chose de mieux à proposer. Je
partage à cet égard les vues du gouvernement. L'époque est arrivée où nos institutions
ont besoin d'être refondues, même pour
l'administration civile du pays. L'opinion
publique, le remaniement du ministère et
une foule d'autres circonstances, nous placent
dans une position où le
status quo n'est plus
possible. La question est donc celle-ci:
pourrait-on actuellement proposer une meileure mesure?—en théorie peut-être, mais
en pratique c'est fort douteux. Les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons
et
desquelles je ne suis point responsable, m'obligent donc à voter pour ces résolutions.
(Ecoutez!) Je me soumets à une nécessité,
car si je voyais quelque chose de mieux
je voterais autrement. Or, je ne saurais
voter pour les modifications proposées par les
hon. membres de l'opposition. Je m'en tiens
donc à ce que j'ai dit. Mais, en votant pour
ces résolutions, je me réserve le droit de juger
plus tard tous les détails de ces résolutions
qui pourront être discutées en parlement, si
j'ai 'honneur d'y avoir un siége. Je vote
comme si certaines questions, par exemple,
celle du chemin de fer intercolonial, ne se
trouvaient pas comprises dans les résolutions.
Si cette mesure était rejetée, soit par la
chambre des communes soit par l'obstination
des provinces maritimes, je considérerai le
gouvernement comme obligé de trouver un
autre remède à nos difficultés, en lui donnant
un temps raisonnable et tenant compte des
difficultés qu'il aura à surmonter.(Ecoutez!) Si
l'Amérique Britannique du Nord s'unit sous
la nouvelle constitution, la responsabilité des
hommes qui seront appelés les premiers à la
faire fonctionner sera énorme. Si les chefs
des divers gouvernements sont des prodigues,
les dangers les plus sérieux menacent le pays,
s'ils sont économes, au contraire, on peut
s'attendre à d'heureux résultats. Mais je
crains bien que la nouvelle constitution ne
soit, en tous cas, entourée de grandes difficultés et je suis persuadé qu'elle aura
besoin
d'être amendée de temps à autre. J'espère
que les questions de droit qu'elle comporte
seront réglées par des hommes compétents et
modérés; quant aux affaires d'opinion, elles
deviendront faciles à régler à mesure que
986
nos populations s'éclaireront et vivront plus
unis. La constitution telle qu'elle est peut
n'être pas parfaite, mais je suis convaincu
qu'elle pourra à l'avenir, être modifiée de
façon à répondre a l'attente du pays et faire
des six provinces-unies, un peuple grand,
libre et fortuné. Ecoutez!)
L'
HON. M. HOLTON—M. l'ORATEUR:
—J'aurais désiré, au commencement de la
soirée, faire quelques observations et répondre à certains arguments des artisans
de la
mesure. Je dois, néanmoins, laisser la parole
à plusieurs hon. membres qui n'ont pas encore parlé et j'aurai, du reste, occasion
de
m'expliquer lorsqu'on discutera la motion
dont avis a été donné par l'hon. membre pour
Peel; je ne retiendrai donc pas la chambre
longtemps. Je dois, cependant, signaler
quelques détails avant qu'on prenne le vote.
Mon hon. ami pour Granville (M. SHANLY).
dans son intéressant discours, loue l'attitude
courageuse prise par le gouvernement à la
nouvelle du rejet de la mesure par les populations du Nouveau-Brunswick. C'est; sans
doute, cette attitude courageuse qui a finalement triomphé des hésitations de l'hon.
membre, dont je me plais à reconnaître ici le
caractère résolu. Mais l'attitude du gouvernement, au lieu d'être courageuse, me
fait l'effet d'une déroute en face des nouvelles
difficultés qui surgissent. Quelle était la
position? Nous discutions l'opportunité
d'adopter un projet élaboré par les délégués
à la conférence de Québec; ces résolutions
devaient étre adoptées par toutes les provinces, et nous étaient présentées comme
un
traité conclu. Tout-à coup, nous apprenons
que la province la plus voisine vient de les
rejeter. Il me semble que le traité est, dès
lors, nul et que l'union est impossible. Mon
hon. ami admire la fermeté du ministère,
moi je suis étonné de l'adresse qu'il met a se
soustraire à ses engagements. (Ecoutez!)
Le refus du Nouveau-Brunswick et la mort
prématurée du projet imposaient à nos ministres le devoir de régler nos difficultés
locales en opérant, à cette session, une fédération des deux Canadas—indépendamment
de toutes les autres colonies de l'Amérique
Britannique du Nord. Mais au lieu d'aborder
franchement la question, ils ont trouvé un
faux-fuyant habile. (Ecoutez!) Et on appelle cela du courage! ... Pour moi, c'est
de la—lâcheté bien qualifiée. Comme stratégie,
c'est assez bien réussi, puisque, par ce
moyen, les hon. ministres conservent leurs
portefeuilles, mais c'est tout. On dit qu'il
s'agit d'un traité. Je suis surpris que l'hon.
membre pour lequel je professe la plus haute
estime se soit laisse prendre à une assertion
aussi fausse. Aucun traité n'existe,—on ne
saurait le découvrir dans les termes des résolutions—et aucune correspondance n'a
été
échangée dans ce sens.
M. SHANLY.—Le traité a été conclu
par la conférence, et toute correspondance
était inutile.
L'
HON. M. HOLTON.-—ll est vrai qu'il
a été échangé entre les gouvernements coloniaux une correspondance qu'on ne nous a
pas fait connaître, bien que mon hon. ami
le membre pour Hochelaga l'ait demandée
dès le premier jour de la session. On dit
qu'il a été conclu un traité: pourquoi ne pas
nous en faire connaître les termes? La dix- septième clause seule rassemble un peu
à un
traité:
"La représentation, dans la chambre des communes, aura our base le population dont
le
chiffre sera determiné par le recensement officiel
fait tous les dix ans, et le nombre des représentants sera d'abord de 194, distribués
comme suit:
Haut-Canada, 82; Bas-Canada, 65; Nouvelle- Ecosse, 19; Nouveau-Brunswick, 15; Ile
de
Terreneuve, 8; Ile du Prince-Edouard, 5. "
Il est évident que les délégués à la conférence s'étaient engagés à soumettre la mesure
à leurs législatures respectives, mais
rien dans cette clause, ni ses d'autres,
n'indique qu'ils fussent liés par un traité.
Au contraire, les ministres des provinces
maritimes déclarent que tout le projet est
susceptible de modification. (Ecoutez!)
Mais s'il y avait traité, ce traité a été audacieusement violé. Qu'a-t on fait à Terre-
neuve? Le chef du gouvernement a fait
motion que l'examen du projet soit renvoyé
à la session prochaine, une élection générale
devant avoir lieu dans l'intervalle. Or, s'il
y avait traité, toutes les parties contractantes
étaient également liées: c'est l'essence même
de tout traité. Pourquoi alors nos hon.
ministres n'accusent-ils pas les gouvernements des autres provinces d'avoir manqué
de bonne foi? (Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, il n'y a jamais en traité. Il existe
une série de résolutions mal agencées entre
elles qui devaient être soumises à chaque
législature et discutées séparément dans le
but d'arriver à la confédération projetée par
la conférence. Tout autre arrangement
entre des membres ministériels et des
membres de l'opposition eût été simplement
absurde, mais notre gouvernement avait
937
prévu la difficulté. Il savait que les absurdités et les impossibilités contenues
dans les
résolutions en rendraient la passation impossible, et alors ils nous ont jeté le mot
solennel de traité demandant à cette chambre
de voter en masse pour l'adoption du dit
traité; or, une parcil'e réquisition revenait
a demander à tous les hon. membres de
renoncer à leur libre arbitre et de renier la
conduite qui a été tenue par eux et leurs
prédécesseurs en cette chambre, pour toutes
les questions discutées et réglées depuis
vingt-cinq ans. (Ecoutez!) L'on peut dire,
M. l'ORATEUR, que, jusqu'à venir à ces
jours derniers, le débat a été suffisamment
animé, mais depuis une semaine environ, il
il a bien eu son côté ridicule. Lorsque, jour
par jour, je vois d'hon. députés prendre
gravement la parole et nous prôner l'union
avec une population qui, nous le savons, est
hostile à la confédération; quand ils viennent
nous affirmer que cette union nous sauvera
des difficultés dans lesquelles nous sommes
plongés en Canada, je ne puis m'empêcher
de déclarer qu'ils offrent un spectacle qui
prête au ridicule. Je ne puis, en vérité,
concevoir la raison pour laquelle ces hon.
députés, connaissant les nouvelles qui nous
arrivent du Nouveau-Brunswick et de Terre- neuve, et présageant peut-être le sort
qui
attend également la mesure dans l'Ile du
Prince-Edouard et la Nouvelle-Ecosse,—se
plaisent à entasser arguments sur arguments
en faveur d'un projet qui, après tout, ne
pourrait avoir d'autre effet que celui de
maintenir au pouvoir des hommes qui se
sont coalisés grâce à des moyens que je ne
qualifierai pas en cette circonstance, mais
que je prendrai plus tard l'occasion de
caractériser comme ils le conviennent. La
confédération est morte, morte, M. l'ORATEUR, et ils ne l'ignorent pas; ils n'en
insistent pas moins, cependant, à implorer
leurs partisans de voter cette série de 72
résolutions! L'hon. député qui vient de
porter la parole, a dit qu'il allait appuyer la
motion de son vote, mais il a en même
temps distinctement déclaré qu'il n'était
pas en faveur d'une seule des propositions
qu'elle embrasse Or, je lui affirme qu'il
va par son vote ratifier chacune de ces propositions, et qu'il se trompe s'il croit
que le
gouvernement lui accordera la faveur de
sanctionner une résolution en particulier et
de rejeter le reste du projet.
DR. PARKER—J'ai simplement dit que
je me réservais le droit de voter à mon gré sur
chaque résolution qui serait plus tard soumise
a la considération de la chambre.
L'
HON. HOLTON —J'ai parfaitement
saisi le sens de ce n'a dit mon hon. ami, et
malgré toutes ses déclarations au contraire,
je soutiens que son vote le mettra dans la
position d'avoir approuvé les 72 résolutions.
Tel est le résultat inévitable de la manière
en laquelle ces résolutions ont été soumises à
cette chambre,—procédé non-seulement irrégulier, mais contraire aux usages parlementaires
et constituant un outrage fait à un
parlement composé de sujets anglais qui
tiennent à la liberté par-dessus tout. Aussi,
ai-je l'espoir qu'avant l'adoption finale de
l'adresse, cette chambre s'empressera de
repousser cette tentative de fouler aux pieds
ses libertés parlementaires, et de condamner
en même temps les ministres qui y ont au
recours. Eh bien! M. l'ORATEUR, je le
repète, le projet est mort; malgré tout, il est
encore appelé a donner la vie à ses auteurs!
(Rires.) Tel est l'objet de ce débat. Les
ministres savent tous que le projet est mort,
ils u'ignorent pas non plus que je ne
dis que la simple vérité quand j'affirme
que, lorsqu'ils ont soumis leur programme,
ils étaient plongés dans les difficultés les
plus graves, et que c'est dans le but de sortir
de cette impasse qu'ils ont eu recours a l'expédient de proclamer que la raison la
plus
puissante qui existait d'accepter l'union
était précisément le refus des provinces
maritimes d'en former partie. (Ecoutez!)
Ce sont-là les quelques observations que
j'avais l'intention de faire ce soir, me réservant le privilége d'en dire davantage
quand
se présentera le débat sur la motion de 'hon.
député de Peel (M. CAMERON). Mais,
pendant que j'ai la parole, je désire attirer
l'attention de cette chambre sur les nouvelles étonnantes que nous apportent les
journaux anglais arrives par la malle de ce
jour. Je tiens actuellement dans mes mains
le
Times du 21 février, qui contient un
rapport au long des débats survenus à la
chambre des lords, dont nous avons reçu un
sommaire par le télégraphe il y a quelques
jours, et au sujet desquels certains renseignements nous ont été récemment fournis
par un membre du ouvernement sur la foi
d'un télégramme de New-York. L'on
se rappellera que le premier télégramme
annonçait que a somme de £50,000 allait
être votée pour les défenses de Québec.
Bien que nous ayions demandé ces renseignements, ils nous avaient été refusés;
938
néanmoins, lord DE GREY n'a pas hésité à les
communiquer au parlement anglais avec certains autres détails au sujet de la quote-part
que le peuple de ce pays aura à fournir aux
défenses de la province. Les ministres n'ont
pas manqué de tirer le meilleur parti possible
de ces nouvelles. Ils y ont vu un excellent
prétexte pour proposer la question préalable,
afin de pouvoir, ont-ils dit, clore le débat
aussitôt que possible et se rendre en Angleterre, sans délai, pour sauver le pays
d'une
très prochaine invasion! Le télégramme
avait causé une grande sensation dans cette
chambre. Ou se rappelle encore que pendant que le député de West Middlesex (M.
SCATCHERD) était occupé à commenter ces
nouvelles, l'hon. président du conseil se leva
pour annoncer à la chambre qu'il avait
expédié un télégramme a New-York, pour
apprendre d'une manière précise les faits
qui se rapportaient au crédit de £50,000
voté par le gouvernement impérial. L'hon.
monsieur ajouta qu'on l'avait informé que la
somme n'était pas £50,000, mais ...
L'
HON. M. HOLTON—£200,000. Or,
M. l'ORATEUR, ces débats tels que publiés
au long font voir a l'évidence qu il n'y aura
que £50,000 de portés au budget de cette
année. La dépense sera, parait-il, de £200,000
répartis sur quatre années, à commencer de
la présente. Il semblerait, d'après ces faits,
que le gouvernement impérial n'envisage
pas le danger comme assez menaçant pour
que les affaires du parlement soient subitement suspendues, afin de permettre aux
ministres de se rendre sans retard en Angleterre pour y régler la question des défenses
du pays. (Ecoutez!) C'est au moins ce
que l'on doit inférer du fait qu'il distribue
ces £200,000 sur une période de quatre
années. Mais ce n'est pas tout encore, car
des débats sur cette question à la chambre
des lords nous révèlent des choses étonnantes.
Nous nous rappelons avec quelle ténacité
notre gouvernement a refusé de nous communiquer les renseignements nécessaires pour
nous guider dans cette discussion, et s'est
efforcé, en l'absence de ces renseignements,
de faire valoir la question des défenses du
pays pour engager les députés de cette
chambre a voter le projet de confédération.
(Ecoutez!) Or, je prétends qu'on tant qu'il
s'agit des affaires du Canada, nos ministres
sont tenus de nous fournir des renseignements aussi complets que l'est le gouver
nement impérial lorsqu'il s'agit des affaires
de l'Angleterre, dans tous les cas où l'intérêt
public ne s'y oppose pas. (Ecoutez!) Eh
bien! nous voyons que ce débat a sugi il y
a déjà quelques semaines d'une manière
incidente à la chambre des lords, sur la
motion de lord LYVEDEN a l'effet d'obtenir
des renseignements sur le sujet, et qu'à cette
occasion le gouvernement s' est empressé
de donner les explications les plus amples,
lesquelles ont fait connaître des faits étonnants relativement aux négociations entamées
avec notre gouvernement sur la question des
défenses du pays—faits que l'on a soigneusement pris garde de nous cacher. En
réponse à lord LYVEDEN, le comte DE GREY
dit:—
"Le gouvernement a entrepris d'améliorer les
fortifications de Québec qui ont toujours été considérées comme partie des défenses
impériales, et
qui, bien que très puissantes autrefois, exigent,
comme les autres fortifications, qu'on les perfectionne pour qu'elles puissent marcher
de pair avec
les progrès de l'art de la guerre.—L'on a proposé
au gouvernement canadien d'entreprendre les
fortifications de Montréal et des points exposés à
l'Ouest. Le gouvernement canadien connait les
obligations qui lui incombent, et n'attend pour
commencer ces travaux que l'autorisation de son
parlement."
Notes bien ceci, M. l'ORATEUR, le gouvernement canadien est prêt a entreprendre
les fortifications de Montréal et des points
exposés a l'ouest. (Ecoutez!) Voici donc
ce que nous apprend le comté DE GREY: que
nos ministres ont conclu cette convention,
pourvu qu'ils puissent obtenir du parlement
canadien l'autorisation de faire toutes les
dépenses nécessitées par l'établissement de
fortifications permanentes a l'ouest de Québec. (Ecoutez!) Cependant, monsieur l'ORATEUR,
bien ne nous ayions presque chaque
jour demandé ces renseignemants, l'on a
refusé constamment de nous les communiquer. Hereusement qu'avant la clôture de
ce débat, nous avons appris de la bouche
même du secrétaire de la guerre que nos
ministres se sont engagés à grever les ressources de ce pays à un chiffre inconnu
pour
construire des fortifications par toute la province, sauf Québec. Ils ont consenti
à cette
proposition, à la condition que le parlement
l'approuve; or, c'est cette approbation qu'ils
n'osent pas demander avant l'adoption définitive des 72 résolutions, afin de pouvoir
prolonger de quelques mois leur existence
politique. (Ecoutez!) La somme qu'il faudra pour les fortifications permanentes est
939
portée, d'après le Times, a £1,300,000 stering—environ $7,000,000,—et le gouvernement impérial offre comme
sa quote-part de
cette somme £200,000, ou environ $1,000,000. Nous apprenons donc que notre gouvernement
a réellement consenti de faire
payer au Canada, de $5,000,000 à $6,000,000, pour la construction de fortifications
permanentes dont nous ne connaissons
absolument rien. (Ecoutez!) Il est indubitable que nos ministres ont conclu cet engagement,
à en juger d'après les paroles que
je viens de citer du comte DE GREY, qui expri'meut en termes clairs ne le gouvernement
canadien a accédé à la preposition, sauf
l'approbation du parlement. J 'affirme que
ces nouvelles ont lieu de nous étonner, et
j'ai l'espoir que les hon. députés qui ont
l'intention de voter ces 72 résolutions, qui
en réalité ratifieut la convention dont je
viens de parler—parce que le gouvernement
n'a pas cessé d'insister sur ce fait dans tout
le cours du débat—j'ai l'espoir, dis je, que
ces hon. députés réfléchiront avant que de
s'engager à ajouter $6,000,000 aux millions
encore inconnus que va nous coûter l'adoption de la mesure actuelle. Ecoutez!)
M. FORTIER—M. l' ORATEUR:— En
prenant la parole à une heure aussi avancée
de la discussion, ce ne peut être avec l'intention de la continuer bien longtemps;
d'autant plus que le projet de confédération
qui en fait le sujet depuis plusieurs jours
est à peu près épuisé. Cependant, je ne
crois as devoir laisser passer cette question
sous silence, sans déclarer à cette chambre
et au pays les raisons qui m'ont déterminé
à voter sur cette grande question de confédération, comme je suis déterminé à le faire.
M. l'ORATEUR que nous demande le ministère dans la présente occasion? De voter
une adresse à Sa Majesté, la priant de rayer
d'un trait de plume notre constitution actuelle, pour la remplacer par un nouvel acte
basé sur les soixante-douze résolutions adoptées par la conférence de Québec, tenue
le
10 octobre dernier, et qui sont maintenant
devant cette chambre. J 'appréhende que
la conférence de Québec, en rédigeant les
bases de notre nouvelle constitution, loin
d'être pénétrée d'un vrai sentiment de désintéressement, l'a été plutôt par celui
de
l'avancement personnel. Je puis me tromper, M- l'ORATEUR et je désire sincèrement
qu'il en sort ainsi; je souhaite ne les électeurs du Nouveau-Brunswick qui viennent
de repousser le projet de la conférence de
Québec, en même temps qu'ils ont donné un
vote immédiat de censure contre les hommes
les plus illustres de leur province, comme
ayant signé ce projet, et ayant par là compromis les intérêts de leur pays; je souhaite,
dis-je, que ces électeurs se soient .
trompé, sachant qu'il faudra bien obéir à
la majorité et que, malgré leur opposition
triomphante, l'on nous imposera la confédération telle qu'elle nous est proposée.
D'un
trait de plume l'on veut differ notre acte
constitutionnel et le remplacer par une nouvelle constitution que nous ne connaissons
pas, et que même l'on se donne bien garde
de nous faire connaitre. On nous presse
d'échanger ce que nous avons pour ce que
l'on voudra nous octroyer! M. l'ORATEUR,
je ne suis de cet avis, je suis de ceux
qui, avec FRANKLIN, disent: " Un tiens
vaut mieux que deux tu l'auras; " je suis
de ceux qui préfèrent un rossignol en main
qu'un aigle dans les airs! Voilà pourquoi
je ne veux pas, sans plus de garantie, changer la constitution de notre pays! (Ecoutez!
écoutez!) Je tiens a la constitution de
1840, parce qu'elle consacre un grand principe en faveur du Bas-Canada, celui de
l'égalité dans la représentation législative.
J'y tiens d'autant plus, M. l'ORATEUR que
c'est une des conditions expresses de ma
présence en cette chambre, comme le représentant des électeurs du comté d'Yamaska,
que je n'entends pas trahir. A ce propos,
je prendrai occasion de donner à cette
chambre communication de deux extraits
de lettres qui m'ont été adressées par deux
électeurs de mon comté, jouissant d'une
grande influence. Voici l'extrait de la première:
"ST. MICHAEL D'YAMASKA, 29 janvier 1865.
"CHER AMI,—Je vois par le peu qu'il m'a été donné
de connaître dans ce qui s'est passé en chambre
depuis l'ouverture de la session, que les vrais
patriotes n'auront pas même la satisfaction de
pouvoir retarder l'orage qui menace notre infortunée patrie bien loin de pouvoir le
détourner à
temps; les égoïstes Canadiens-Français sont en
majorité comme toujours, surtout dans ce 19e
siècle,—siècle de progrès s'il en fût, mais de
progrès égoïstes, de spéculations hasardées, dans
lesquelles la conscience (qui n'est plus qu'un mot)
ne prend aucune part, de prêts usuraires, au grand
détriment du pauvre peuple qu'on n'est pas content
de piller et ruiner, mais qu'on se prépare, pour
quelques années de pouvoir et d'honneur, à
dépouiller de sa nationalité, de ses lois et de sa
religion!...
Que faire dans cet état de choses? que faire à la
vue de notes patrie menacée par ses propres enfants
réunis à ses ennemis les plus acharnés? Mépriser
940
les traîtres, et se maintenir fermement (quelque
peu nombreux que l'on soit) dans une défense et
une opposition coustitutionnelles des plus énergiques. Peut-être qu'il la fin, le
clergé catholique
sera désillusionné et qu'il prêtera main forte à
l'opposition, qui ne tend qu'à la conservation de
ses droits les plus sacrés."
M. l'ORATEUR, je suis fier d'un tel
langage, et je m'empresse de citer un autre
de mes électeurs, ui n'est pas moins patriote
que celui-là. Voici l'extrait de cette seconde
lettre, qui n'en cède en rien à celui dela
première:
"RIVIÈRE DAVID, 21 février 1865.
"CHER MONSIEUR, — J'ai reçu les " résolutions
relatives à l'union proposée des provinces de
l'Amérique Britannique du Nord," et après avoir
lu et relu ce que les journaux des deux partis
disent pour et contre, ie dois vous dire, comme
mon opinion, que je suis bien éloigné de les
approuver. Fussent-elles meilleures qu'elles ne
le sont, je ne voudrais pas encore les voir
adopter, sans que le pouvoir constituant ait
donné à la législature la mission ou l'autorisation
de les adopter.—Je m'abstiendrai comme de juste,
par rapport au câdre d'une simple communication comme celle-ci, de discuter les raisons
qui
me font prononcer comme je le fais. Qu'il me
suffise d'unir ma voix à celle des meilleurs amis
de notre pays pour vous dire que vous n'avez pas
été élu pour détruire, mais bien plutôt pour
faire fonctionner notre constitution."
Ces observations, M. l'ORATEUR, sont si
vraies et si légitimes, que j'aurais honte de
ne pas y adhérer. Cependant, si je prévoyais, dans ma manière de voir les choses,
que notre pays serait mis en danger par le
refus de cette chambre de voter le projet de
confédération qui nous est proposé, je n'hésiterais pas un instant à le faire. Mais
bien
loin de moi l'idée que notre constitution ne
puisse pas être mise encore et pour bien des
années en opération et très avantageusement
Sil'administration TACHÉ-MACDONALD n'eut
pas été défaite comme elle l'a été, l'année
dernière, et si elle eût pu conserver une ou
deux voix de majorité seulement, comme l'a
si bien dit l'hon. membre pour Beauce, la
confédérction serait encore dans le néant,
et l'hon. membre pour South Oxford très
éloigné du port! Il est cependant à espérer
que la conception de la présente administration, composée telle qu'elle l'est, d'éléments
si hétérogènes, ne mènera pas à terme
son précieux fruit, et qu'elle sera forcée,
comme l'hon. membre pour North Hastings
l'a dit, de donner au pays un enfant mortné! (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR,
ce grand principe d'égalité sectionnelle fut
encore consacré par l'acte du council législatif de 1856. Et par qui fut-il consacré?
Par les hommes qui sont encore au pouvoir.
Le 14 mars 1856, il fut proposé par l'hon.
membre pour Montmorency, secondé par
l'hon. M. SPENCE, une loi établissant l'égalité dans le conseil législatif, entre
le Haut
et le Bas-Canada, et rendent cette branche
du pouvoir élective. Le principe de cette
loi fut consacré par 83 voix contre 6.—Voici
ce que je lis ans les journaux de cette
chambre:—
"L'ordre du jour pour la seconde lecture au
bill pour changer la constitution du conseil législatif, en le rendant électif, étant
lu, l'honorable
monsieur CAUCHON a proposé, secondé par l'honorable M. SPENCE, et la question ayant
été
mise:—Que le bill soit maintenant lu une seconde
fois; la chambre s'est divisée: et les noms ayant
été demandés ils ont été pris comme suit:
"POUR.— MM. Aikins, Alleyn, Bell, Bellingham, Biggar, Bourassa, Brodeur, Bureau, Cartier,
Casault, Cauchon, Cayley, Chapais, Chisholm,
Christie, Conger, Cooke, Daoust, Chas., Daoust,
Jean B., Darche, Delong, Desaulniers, DeWitt,
Dionne, Dorion, Jean B. E., Dorion, A. Dostaler Drummond, Proc.-Gén., Dufresne, Felton,
Ferrie, Foley, Fortier, O. C., Fournier, Fraser,
Freeman, Gamble, Gould, Guévremont, Hartman,
Holton, Jobin, Labelle, Laporte, LeBoutillier, Lemieux, Loranger, Lumsden, Lyon, Mcdonald,
J.
S., McDonald, Proc.-Gén., Mackenzie, McCann,
Marchildon, Masson, Munro, Papin, Patrick,
Poulin, Pouliot, Powell Prévost, Price, Rhodes,
Ross, Sol.-Gén., Ross, J., Sanborn, Shaw, Smith,
Sol.-Gén. Smith, S., Smit, J., Somerviile, Southwick, Spence, Stevenson, Thibeaudeau,
Turcotte,
Valois et Wright.—83.
"CONTRE.-MM. Bowes, Brown, Cameron, Crawford, Robinson et Yeilding.—6.
Ainsi, elle a été résolue dans i'affirmative.
Ainsi, sur cette brûlante question de la
représentation d'après la population, consacrée telle que je viens de le mentionner,
quatre-vingt-neuf représentants du peuple,
tant du Haut que du Bas-Canada, y prirent
part et y votèrent, dont 44 pour le Haut- Canada, sur lesquels six seulement demandèrent
la représentation d'après la population
—l'hon. M. BROWN, bien entendu, en faisait
partie—et 45 Bas-Canadiens, dont 10 d'origine anglaise, et 35 d'origine canadienne-
française, formant 83 voix contre 6. Voilà
l'immense majorité qui se prononçait sur la
constitution de la chambre haute de ce pays
et consolidait l'acte constitutionnel de 1840,
dont j'ai déjà parlé. Non seulement ce
principe fut consacré par une grande majorité des deux chambres de la législature,
941
comme je viens de l'établir, mais il le fut
encore par le gouvernement de la mère
patrie, auquel cette loi fut réservée pour son
essentiment, il n'y a tout au plus que 8 ans.
Et, M. l'ORATEUR, ce sont ces deux actes
constitutionnels qui ont ramené et consolidé
la paix, le bonheur et la prospérité du pays,
après les malheureux troubles de 37 et 38;
ce sont ces actes derrière les uels les Canadiens-Français du Canada s'abritent comme
derrière un rempart inexpugnahle; ce sont
ces actes que la présente administration,
soutenue par une majorité de Canadiens- Français en cette chambre, sont prêts à
jeter aux quatre vents qui voudra les emporteri (Ecoutez! écoutez!) Depuis un
quart de siècle, le Canada jouit d'un gouvernement responsable, et du principe d égalité
dans la représentation. De quoi a-t-on à se
plaindre? et qui se plaint? Qui s'est plaint
depuis dix ans, surtout? Sont-ce les Bas- Canadiens-Français? Sont-ce les Haut-Canadiens?
Non, M. l'ORATEUR, c'est l'hon.
membre pour South Oxford (M. BROWN);
et sur quel principe? Sur le principe de la
représentation sur le nombre. Pourquoi cet
hon. membre a-t-il fait tant de bruit dans le
Haut-Canada, et pourquoi a-t-il essayé de
trainer dans la boue ce que les Canadiens- Français ont de plus cher: " leur religion
"?
Pour arriver au pouvoir; pour arriver à
jouir du siége qu'il occupe de l'autre côté
de la chambre, encadré par les bon. membres
pour Kamouraska et Dorchester, (M. CHAPAIS et M. le sol.-gén. LANGEVIN) comme
deux pôteanx d'autel autour d'une statue!
(Ecoutez! écoutez! et rires.) Quels sont
ceux qui ont op osé cet hon. membre depuis
ce temps-là? 'lous les membres du Bas- Canada, tant français qu'anglnis, sans distinction.
Jamais les représentants du Bas- Canada ne se sont divisés sur cette question
vitale. Bleus ou rouges, s, M. l'ORATEUR se
sont unis en un seu faisceau, comme un
seul homme, pour conserver ce qui garantissait leur avenir comme descendants de la
vieille France. Pourquoi cette union des
Canadiens Français contre l'hon. membre
pour South Oxford? Pour lui refuser ce
que l'administration actuelle lui a concédé
par la conférence de Québec. (Ecoutez!)
Que répondait l'hon. procureur-général pour
le Haut-Canada durant la session de 1863 au
député de South-Oxford, qui lui reprochait
d'avoir gouverne le Haut-Canada avec une
majorité bas—canadienne? Il lui répondait,—
et j'ai encore à l'oreille ses paroles:—
"Jamais, disait-il, le Haut-Canada n'a eu à
souffrir de ce que mon gouvernement a imposé au
Haut-Canada par une majorité bas-canadienne.
Vous n'avez pas raison de vous plaindre, et vous
n'obtiendrez jamais vos prétentions extrêmes. "
Voilà ce qui se disait alors. Mais les choses
sont changées, et malheureusement, autre
temps, autre chose. O tempora! o mores!
Et à cela l'hon. membre pour Montréal-Est
(M. CARTIER) ajoutait des paroles plus
ou moins ironiques, plus ou moins fondées,
en comparaent les grits du Haut-Canada à.
autant de morues, cod-fish dans le golfe
St. Laurent. C'était alors, M. l'ORATEUR,
que l'hon. membre pour South Oxford
payait de sa personne! (Ecoutez! écoutez!)
Vous vous en souvenez, sans doute; car
alors vous n'étiez vous-même, aux yeux de
l'hon. membre pour Montréal-Est, qu'un
cod-fish courant à l'appât. M. l'ORATEUR
j'ai toujours admiré l'énergie que déployait
l'hon. membre pour Montréal-Est en résistant à l'hon. membre de South Oxford; son
courage audacieux était sans bornes, je
l'avoue; et il y avait une telle différence de
principes, il y avait aussi une telle animosité
entre ces deux hon. messieurs et ceux qui,
dans le moment, siègent sur les banquettes
du trésor, ne jamais l'on n'eùt voulu croire
qu'ils viendraient à se tolérer comme voisine
sur ces banquettes. Cette accolade, M.
l'ORATEUR, me rappelle à la mémoire l'effet
que produisait sur mon esprit la famille heureuse que j'ai en occasion de contempler,
à New-York, il y a quelques années,—
admirant le rat entre les pattes du chat, le
singe galoppant le lapin, et le batteur de
corbeau becquetant le hibou! (Ecoutez! et
rires.) Depuis quand les hommes que je
viens de nommer ont-ils donné quelque attention aux clameurs étourdissantes de l'hon.
membre pour South Oxford? Depuis quand
y a-t-on prêté l'oreille? C'est depuis que
ces hon. ministres se sont vus en minorité
dans cette chambre; depuis que le ministère
TACHE-MACDONALD a résolu, per fas aut
et ne fas, de rester au pouvoir; jamais auparavant. Tout cela est loin de m'inspirer
aucune confiance dans le projet de confédération, et m'a déterminé à voter controle
tout, puisque d'ailleurs ce projet est un
" tout ou rien." (Ecoutez! écoutez!) M.
l'ORATEUR, le gouvernement nous dit que
ces résolutions ne peuvent pas être amendées
en quoi que ce soit. Il faut, dit-il que les 72
résolutions soient votées au complet pour ne
pas donner lieu à des reproches de la part
942
des provinces maritimes; c'est un traité
du nel on ne peut pas dévier. Mais comment
se tait-il que l'hon. M. TILLEY, du Nouveau- Brunswick, ait offert à l'opposition
de cette
province d'amender ce traité? Et le gouvernement ne nous a-t-il pas déclaré, à la
fin
de la dernière session, que son intention
était de proposer un changement quelconque
dans l'acte constitutionnel et qu'il le soumettrait au peuple pour qu'il en puisse
rendre connaissance, avant d'en presser
l'adoption? Et maintenant il s'y refuse! Ah!
je le réitère, tout cela est bien loin de m'inspirer la moindre confiance dans le
projet
de cenfédération et dans l'administration
actuelle. Il faut avaler le projet sans même
frémir—sans pouvoir offrir aucun amendement! A d'autre qu'à l'humble représentant
du comté d'Yamaska de voter une pareille
chose l En conséquence, je déclare encore
une fois que je suis prêt à voter contre le
projet qui nous est maintenant soumis.
(Applaudissements.)
L'
HON. M. EVANTUREL—M. le PRÉSIDENT:— Afin de rendre justice à l'indulgenes de cette chambre, je dirai
que je ne
me lève pas pour faire un long discours,
mais que je me contenterai de voter silencieusement. Cependant, avant que d'enregistrer
mon vote sur la mesure qui nous est
soumise, je me permettrai de poser une question au gouvernement. J 'avoue que si je
ne
consultais ne moi-même, je ne poserais pas
cette question, mais je le fais afin de me
rendre au désir de plusieurs de mes amis en
chambre comme en dehors de la chambre.
Ces amis ont exprimé une crainte a propos
de l'une des clauses des résolutions, et m'ont
prié de demander une explication au procureur-général du Haut-Canada sur l'interprétation
que l'on doit donner à cette clause.
Je lui enianderai donc si l'article 46 des
résolutions, qui dit que " les langues anglaise et française pourront être simultanément
employées dans les délibérations du
parlement fédéral ainsi que dans la légisature du Bas-Canada," doit être interprété
comme mettant l'usage des deux les langues sur
un pied d'égalité dans le arlement édéral?
En faisant part des appréhension qu'éprouvent certaines personnes à. ce sujet, — et
je
crois que c'est une marque de patriotisme
de leur part, et qu'elles peuvent être légitimes, — j'espere que le gouvernement ne
m'imputera pas d'intention hostile, et qu ll
verra que je ne le fais que dans son intérêt,
afin de lui fournir l'occasion de dissiper ces
appréhensions. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. Proc.-Gén. MACDONALD —
J 'éprouve le plus grand plaisir à répondre à
la question que vient de me poser l'hon.
député du comté de Québec. Je puis lui
dire que la signification de l'une des résolutions adoptées par la conférence de Québec
est ceci:—que les droits des membres Canadiens—Français de la législature fédérale,
relativement a l'usage de leur langue, seront
précisément les mêmes que ceux qu'ils possèdent aujourd'hui, dans la législature actuelle
du Canada, sous tous ce ra ports
possibles. J'ai de plus la satisfaction de dire
que du moment que ce sujet a été mentionné
ans la conférence, les délégués des provinces d'en-bas ont unanimement déclaré
que c'était raisonnable et juste, et qu'ils ont
donné leur adhésion, sans une seule voix
dissidents, à la justesse de la proposition
ne la position de la langue française relativement aux délibérations du parlement,
à
l'impression des mesures et à tout ce qui
s'y rattache, soit précisément la même que
celle qu'elle occupe dans cette législature.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. A. A. DORION—Je ne me
lève pas pour parler au long, mais seulement
pour attirer l'attention des membres de l'administration afin d'obtenir quelques renseignements
sur certaines parties de ce projet;
mais, avant de le faire, je dirai un mot en
réponse à l'explication que vient de donner
le procureur—général du Haut-Canada en
réponse à la question posée par l'hon. député
du comté de Québec (M. EVANTUREL), à
l'égard de l'usage de la langue française.
L'hon. procureur-général à dit que l'intention des délégués à la conférence de Québec
avait été de donner les mêmes garanties pour
l'usage de la langue française dans la législature fédérale que celles qui existent
sous
l'union actuelle. Je crois, M. l'ORATEUR
ne cela n'est pas du tout une garantie, car
il était dit dans l'acte d'union ne la langue
anglaise seule serait employée dans le parlement, et la langue française en était
entièrement exclue. Mais cette disposition fut
abrogée plus tard par la 11 et 12 Victoria,
et la chose fut laissée à la discrétion de la
législature. En sorte que si demain cette
législature décidait qu'aucune autre langue
que la langue anglaise ne soit employée
dans ses délibérations, elle pourrait le faire
et empêcher par là l'usage de la langue
943
française. Il n'y a donc aucune garantie
pour le maintien de l'usage de la langue de
a majorité du peuple du Bas-Canada, excepté
le bon vouloir et la tolérance de la majorité.
Et comme la proportion des membres Canadiens—Français sera beaucoup plus faible
dans le parlement fédéral qu'elle ne l'est
dans la législature actuelle, ce a devrait faire
voir aux hon. membres combien nous avons
peu de chance de voir se perpétuer l'usage
de notre langue dans la législature fédérale.
C'est la la seule observation que j'avais à
faire sur ce sujet, et elle ne m'a été suggérée
que par la réponse de l'hon. procureur—
général du Haut-Canada.
L'
HON. Proc.-Gén. MACDONALD—
Je conviens avec l'hon. député d'Hochelaga
qu'aujourd'hui cela est laissé à la majorité;
mais afin d'y remédier, il a été convenu dans
la conférence d'introduire cette disposition
dans l'acte impérial. (Ecoutez! écoutez!)
Cela a été proposé par le gouvernement canadien par crainte qu'il survienne plus tard
un
accident, et les délégués de toutes les
provinces ont consenti à ce que l'usage de
a langue française formât l'un des principes
sur lesquels serait basée la confédération, et
que son usage, tel qu'il existe aujourd'hui,
fût garanti par l'acte impérial. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—J'ajouterai à ce que vient de dire l'hon. procureur- général du Haut-Canada, en réponse
a l'hon.
député du comté de Québec, et a l'hon.
député d'Hochelaga, qu'il fallait aussi protéger la minorité anglaise du Bas-Canada,
relativement à l'usage de sa langue, parce
que dans le parlement local du Bas-Canada
la majorité sera composée de CanadiensFrançais. Les membres de la conférence
ont voulu que cette majorité ne pût pas
décréter l'abolition de l'usage de la langue
anglaise dans la législature locale du Bas- Canada, pas plus que la majorité anglaise
de
la législature fédérale ne pourra le faire pour
la langue française. J 'ajouterai aussi que
l'usage des deux langues sera garanti dans
l'acte impérial basé sur ces résolutions.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. A. A. DORION—J'en suis bien
aise, mais je dois dire de nouveau qu'il n'y
a rien dans les résolutions qui nous donne
cette garantie, et la preuve, c est que l'hon.
député du comté de Québec a été obligé de
demander l'explication de la 46e résolution.
Cette résolution dit simplement que la langue
française pourra être employés, et non pas
qu'elle devra l'être. Chacun comprend parfaitement que l'importance que nous attachons
à ce droit ne s'applique pas seulement
à l'usage de la langue employée dans les
débats de la législature, mais que l'important
est que nous ayons la garantie de cet usage
dans la publication des délibérations et des
lois et documents de la législature, et c'est
précisément pour cela que nous ne voyons
aucune garantie dans cette résolution. L'hon.
procureur-général du Haut-Canada dit que
nous aurons la même garantie que celle que
nous avons maintenant. Cette garantie dépendant de la majorité, nous avons 50 memres
sur 130 pour le faire respecter, mais
dans la confédération nous n'aurons que 50
membres sur 194. Nous devons donc insister
pour avoir aujourd'hui une protection plus
réelle et qui ne puisse nous être enlevée par
un simple vote de la majorité de la législature fédérale. Les discours prononcés en
chambre ne sont adressés qu'à quelques personnes, mais les lois et les délibérations
de
la chambre s'adressent à toute la population,
dont un million ou près d'un millon parle la
lan ue française.—Je prendrai maintenant
la liberté de faire une ou deux observations
sur un autre sujet. Lorsque les résolutions
nous ont été soumises en premier lieu, j'ai
attiré l'attention du gouvernement sur la
différence qui existait entre les résolutions
imprimées qui nous sont maintenant soumises
et celles qui ont été adressées aux membres de
la législature, pendant la vacance, par le secrétaire provincial. Cette différence
consiste
dans la rédaction du troisième paragraphe
de la 29e résolution. Dans les résolutions
qui nous ont été envoyées par le secrétaire
provincial, la 29e résolution se lisait comme
suit:—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire
des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées
(sans, toutefois,
pouvoir porter atteinte à la souveraineté de l'Angleterre), en particulier sur les
sujets suivants:
L'imposition ou le règlement de droits de douane
sur les importations et sur les exportations, excepté
sur les exportations du bois carré, des billets, de
mâts, des espars, des madriers, du bois scié, du
charbon et des autres minéraux."
La 43e résolution dit:—
"Les législatures locales auront le pouvoir de
faire des lois sur les sujets suivants: la taxation
directe et l'imposition de droits sur l'exportation
du bois carré, des billots, des mâts, espars,
madriers et bois sciés, et du charbon et des autres
minéraux."
944
En sorte que par ces résolutions le gouvernement général ne peut imposer de droits
sur l'exportation des bois, du charbon et des
autres minéraux trouvés dans aucune des
différentes;provinces, ce droit étant réservé
aux législatures locales. Mais dans les résolutions soumises à la chambre, en anglais,
il
y a une distinction très importante et très
injuste, et j'y ai attiré l'attention du ministre
des finances des le commencement des débats.
Elles disent .—
"Le parlement général aura le pouvoir de faire
des lois, etc., sur les sujets suivants:— * * *
3. L'imposition ou le réglement de droits de douane
sur les importations et sur les exportations,
excepté sur les exportations du bois carré, des
billets, des mâts, des espars, des madriers, et du
bois scié du Nouveau-Brunswick, et du charbon
et des autres minéraux de la Nouvelle-Ecosse."
D'après la première série des résolutions,
le gouvernement général était privé du droit
d'imposer des droits d'exportation sur les
bois, le charbon et les autres minéraux de
toutes les provinces; tandis que par les résolutions maintenant devant cette chambre,
le
gouvernement général a la faculté d'imposer
ces droits, excepté sur les bois ex ortés du
Nouveau-Brunswick, et sur le charbon et les
autres minéraux exportés de la Nouvelle- Ecosse. Ensuite la 43e résolution maintenant
devant la chambre dit:
"Les législatures locales auront le pouvoir de
faire des lois sur les sujets suivants:—1. La taxation directe, et dans le Nouveau-Brunswick
l'imposition de droite sur l'exportation du bois carré,
des billets, mâts, espars, madriers et bois sciés, et,
dans la Nouvelle-Ecosse, du charbon et des autres
minéraux."
C'est-à-dire, que dans le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Ecosse, ils auront le droit
d'imposer des droits, pour les besoins locaux,
sur l'exportation du bois, du charbon et des
autres minéraux, tandis qu'en Canada et
dans les autres provinces ce droit n'existera
pas, et que tandis que les bois et minéraux du
Canada pourront être taxés par le gouvernement général pour les besoins généraùx,
les
bois du Nouveau-Brunswick et le charbon et
autres minéraux de la Nouvelle-Ecosse ne
pourront être taxés que par les gouvernements locaux de ces provinces, et pour les
besoins locaux seulement. C'est là un arrangement très injuste tant pour le Haut que
pour le Bas-Canada. Maintenant, M. l, ORATEUR, je trouve dans un document officiel
publié dans la Nouvelle-Ecosse, avec la
sanction du gouvernement de cette province,
et soumis au parlement qui siège actuellement,
que les pouvoirs du gouvernement général et
des gouvernements locaux, relativement à
l'imposition de droits d'exportation sur le
bois, le charbon et les autres minéraux, sont
donnés mot pour mot comme ils le sont dans
la copie envoyée aux membres durant la
vacance. (Ecoutez! écoutez!) L'on a dit
ue c'était un traité conclu entre les délégués
des différentes provinces; mais il parait que
c'est un traité auquel on a fait subir des
changements. (Ecoutez! écoutez!) J'ai déjà
attiré l'attention des hon. messieurs de l'autre
côté de la chambre surces différences, etj'ai
demandé quelle était la copie exacte et véritable des résolutions, et l'on m'a répondu
que c'était la copie soumise à la chambre.
Il y a eu une modification quelque part,
et dans une affaire aussi importante, le
gouvernement devrait nous dire comment
et où elle a été faite; il devrait nous
dire s'il n'est pas vrai que le traité a été
modifié après que la conférence eût cessé
de siéger, et à la demande de qui et par qui
cette modification a été faite. Il est évident
que nous sommes appelés a voter ici sur un
projet différent de celui qui a été soumis à
la législature de la Nouvelle—Ecosse, et sur
un projet qui nous est plus défavorable que
celui dont ce délé ués dela Nouvelle-Ecosse
ont fait rapport à leur gouvernement. Pendant que j'en suis sur ce sujet, je ferai
aussi remarquer qu'il y a encore une différence entre les versions française et anglaise
des résolutions soumises à la chambre,—la
version française étant la même que celle
qui a été communiquée aux membres par le
secrétaire provincial et à celle qui a été
soumise à la législature de la Nouvelle- Ecosse. Cela semblerait indiquer que le
changement a été fait dans les résolutions
soumises à cette chambre, et il serait bon
que nous sachions ce qui a été fait à propos
de ce prétendu traité depuis que les délégués
se sont séparés. (Ecoutez! écoutez!) Il y
a une autre question importante qui mérite
l'attention de cette chambre. L'on a dit ici
que tous les délégués avaient accepté les
résolutions de la conférence. (Ecoutez!
écoutez!) Le nom de M. PALMER a été
mentionné comme faisant execption, et à
part cela les hon. messieurs de l'autre côté
ont déclaré que tous les délégués avaient
accepté les résolutions de la conférence.
N 'est-ce pas ce qui a été dit?
945
L'
HON. A. A. DORION—Eh bien! je
vois qu'outre M. PALMER, qui a déclaré
publiquement qu'il n'avait signé les résolutions que pour les certifier, mais qu'il
n'y
avait pas consenti, il y a aussi M. DICKEY,
un autre des délégués, qui a suivi la même
conduite. M. DICKEY a même été jusqu'à
adresser une lettre au lieutenant-gouverneur
de la Nouvelle-Ecosse, Sir R. GRAVES McDONNELL, dans laquelle il dit:—
"L'honorable secrétaire provincial m'a soumis
un rapport à Votre Excellence, en date du 5
décembre dernier, et signé par lui-méme, l'hon.
procureur-général J. McCULLEY, et A. G. ARCHIBALD, écr., sur le résultat de la mission
dont ils
avaient été chargés par Votre Excellence, d'assister à une conférence qui avait lieu
à Québec au
sujet d'une union intercoloniale. Je suis heureux
de pouvoir concourir dans ce rapport, excepté
dans la partie qui semble impliquer que l'action
des membres de la conférence a été unanime.
Comme j'ai eu le malheur de différer d'opinion
avec mes collègues sur lusieurs détails importants du projet soumis à Votre Excellence,
je me
sens dans la nécessité de ne pouvoir apposer ma
signature à ce rapport, sans l'accompagner de
ces explications. Mon regret en cette circonstance est considérablement diminué par
le fait
que le très honorable secrétaire d'Etat pour les
colonies, dans sa dépêche de 3 décembre dernier,
appuie mon opinion que ce projet est susceptible
de modification et d'amélioration."
(Ecoutez! écoutez!)
Ce sont deux points que je crois être très
importants, et les hon. messieurs de l'autre
côté devraient nous donner des explications
—au moins sur le premier point. Dans la
correspondance soumise à la législature de
la Nouvelle-Ecosse, je trouve encore une
lettre très-importante adressée, le 9 janvier
dernier par le lieutenant-gouverneur de la
Nouvelle-Ecosse au gouverneur-général du
Canada. Cette lettre ne nous a jamais été communiquée, bien qu'une adresse demandant
toute la correspondance relative à ce projet
de confédération ait été proposée et adoptée
il y a déjà plusieurs semaines. Cette lettre
de Sir R. GRAVES McDONNELL. était en
répouse à une lettre de lord MONCK du 23
décembre 1864, et le troisième paragraphe
eat comme suit:—
"Il est évident d'après la lettre du très honorable secrétaire d'Etat, que le gouvernement
de
Sa Majesté espère être aidé dans la préparation
d'un bill incorporant les suggestions de la conférence de Québec, par des députations
des différentes provinces. Il me semble aussi, de même
qu'aux membres de mon gouvernement, que pour
éviter les nombreuses divergences probables d'opinion dans chaque législature,—inévitables
dans la
discussion d'une grande variété de détails dans
différents parlements indépendants, en dépit
du concours général dans les principaux objets
et les principes du projet général,—qu'il vaudrait mieux pour ces provinces recourir
à l'arbitrage amical du gouvernement de Sa Majesté,
et envoyer des délégués chargés de s'entendre
avec ce dernier pendant la préparation du bill
impérial projeté. Les " idées" particulières—et
c'est la le point de chaque législature—pourraient,
s'il était nécessaire, être exprimées par les délégués de chacune d'elles."
(Ecoutez! écoutez!)
Ainsi, nous voyons que dans cette lettre,
que l'on ne nous a pas communiquée, il est
suggéré que des amendements peuvent être
faits au projet sous forme d'instructions aux
délégués de chacune des difiérentes législatures; et, cependant, ces hon. messieurs
nous ont dit que, de fait, ces résolutions
n'étaient rien moins qu'un traité, que cette
législature ne pouvait ni changer ni amender
sous le moindre rapport important, mais que
nous devions dire oui ou non, et les accepter
ou les rejeter telles qu'elles sont! (Ecoutez! écoutez!) Il est donc cité trou circonstances
importantes ici:—premièrement,
les différences qui existent dans les résolutions à l'égard des droits d'exportation
sur
le bois, le charbon et les autres minéraux;
secondement, la faculté réservée aux provinces d'en-bas, par leurs législatures, de
changer et amender les résolutions; et troisièmement, la non acceptation, par deux
des
délégués, du soi-disant traité, bien que nous
ayons été informés par notre gouvernement
qu'il avait été unanimement accepté les
membres de la coniérence. (Ecoutez! écoutez!) Je désirerais avoir des explications
du
ministère sur ces points importants. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. GALT—Quant au premier
point, je puis dire que des explications
suffisantes ont déjà été données en plusieurs
circonstances. Quant au second point, le
gouvernement canadien n'est pas responsable
des opinions des délégués après leur départ
de ce pays; et quant au troisième point, le
gouverneur-général a transmis à cette chambre
la correspondance aussi complète qu'il a cru
devoir le faire, et je suppose que es lieutenants-gouverneurs des autres provinces
ont
fait la même chose.
L'
HON. M. A. A. DORION—Je rappellerai à l'hon. ministre des finances qu'il y a
une autre différence. La copie française des
résolutions devant la chambre est exactement conforme au document imprimé
946
envoyé de la Nouvelle-Ecosse à la copie
envoyée aux membres par le secrétaire-provincial, tandis que la copie anglaise maintenant
devant la chambre est différente.
Maintenant, de toutes ces versions différentes, quelle est la bonne, et où le changement
a-t-il été fait? L'importance de cette
question est très grande, je crois; car si la
version donnée dans ce document de la
Nouvelle-Ecosse et dans la copie française
est exacte, nous aurons dans le Bas-Canada
le droit d'imposer pour les besoins locaux
un droit d'exportation sur tous les bois, soit
du Haut, soit du Bas-Canada. (Ecoutez!
écoutez!) Les termes de la résolution sont
clairs et déclarent que le gouvernement
général n'aura pas le droit d'imposer de
droits d'exportation sur les bois, mais que
les gouvernements locaux l'auront.
L'
HON. M. BROWN—La copie exacte
est celle qui est entre les mains de l'ORATEUR, comme de raison.
L'
HON. A. A. DORION—Mais il y en a
deux versions:—l'une en anglais qui diffère
de celle qui est en français.
L'
HON. Proc.-Gén. MACDONALD—J'ai
proposé les résolutions en anglais, et s'il y a
quelque différence dans la copie française,
c'est une erreur de traduction.
L'
HON. A. A. DORION—Eli bienl si la
copie anglaise est la bonne, le gouvernement
général aura le droit d'imposer un droit
'exportation sur tous les bois, excepté sur
ceux exportés du Nouveau-Brunswick, et
sur tout le charbon et les autres minéraux,
execpté ceux de la Nouvelle-Ecosse.
M. DE NIVERVILLE—M. le PRÉSIDENT:—Comme le plus jeune député de
cette hon. chambre, je devais me réserver la
dernière place pour parler sur la question
qui nous occupe. Très peu de jours avant
l'ouverture de cette législature, je ne savais
pas que j'occuperais le siége que j'occupe
aujourd'hui dans cette enceinte, et que je
serais appelé à voter sur la question de la
confédération et a prendre part à sa discussion. Je n'ai donc pas eu le temps,
comme la plupart des hon. membres qui ont
parlé sur le projet soumis à cette chambre,
de me préparer pour pouvoir la traiter au
point de vue politique et diplomatique, et
d'examiner les bases sur lesquelles elle
repose. D'un autre côté, quand bien même
j'aurais eu le temps de faire les études nécessaires pour faire une revue entière
de ce
grand projet, je n'aurais pas fait autrement
que je fais ce soir, et j'aurais laissé, comme
je l'ai fait, aux membres de cette chambre
plus qualifiés que moi sous le rapport des
connaissances, et la discussion et l'étude des
grandes questions politiques que procurent
une longue vie parlementaire. J'aurais
laissé, dis—je, a ces hou. députés le soin
d'examiner la question sous les grands
aspects qui la distinguent. (Ecoutez l écoutez!) En ma qualité de député du chef-lieu
du district de Trois-Rivières et de Canadien- Français, je dois prendre la parole
et expliquer mes vues. La position difficile dans
laquelle s'est trouvé le pays pendant les
quelques années ui ont précédé,—difficultés
amenées par la cree égale des deux partis
qui se partageaient le champ politique, et
qui avaient rendu impossible, aux divers gou
vernements qui s'étaient succédé au pouvoir,
l'administration de la chose publique,—cette
position, dis-je, rendait donc nécessaire un
changement capable de faire disparaitre cet
état de choses déplorable. Notre position
ressemblait à celle de l'empire romain à la
veille de sa chute. L'Union, comme l'a dit
avec tant de raison l'hon. procureur-général
du Bas-Canada (M. CARTIER), avait ait son
temps, il fallait la changer; il fallait que la
nation qui, entre les différentes populations
qui habitent les provinces tritanniques du
continent américain, occupe le premier rang
par l'âge, l'énergie et la prospérité, donnât le
branle et proposât une mesure capable de faire
sortir le pays des difficultés où il se trouvait
placé. Eh bien! M. le PRÉSIDENT, le projet
qui se présentait le plus naturellement était
le rejet de la confédération des provinces
eng aises de ce continent. Les adversaires de
cette mesure, qui l'ont opposée avec tant de
zèle, de persévérance et de courage, n'en
ayant jamais proposé d'autre, elle devait
être la seule acceptable. Ce projet n'a pas
en l'effet de m'effrayer comme quelques-uns
des hon. députés qui ont parlé avant moi.
Après l'avoir examiné attentivement, j'en
suis venu à la conclusion qu'il était praticable, et qu'on devait l'adopter. Je sais
bien
ne le projet n'est pas parfait, car il n'y a
rien de parfait dans ce bas-monde. On ne
pouvait tout prendre pour le Bas-Canada et
ne rien laisser au Haut-Canada et aux provinces maritimes. Il fallait nécessairement,
et en justice, faire certaines concessions,
puisque nous obtenions de grands avantages
matériels et la conservation et la protection
de nos intérêts les plus chers. Enfin, il
947
fallait faire ce qu'on appelle généralement un
compromis, et ce compromis devra nous être
favorable sous tous les rapports. Je ne
dirai pas que je suis un homme religieux,
mais je puis dire sans blesser les règles de
la modestie, que j'aime et que je vénère ma
religion autant que qui que ce soit en cette
chambre. Aussi, avant de former mon
opinion sur le projet qui nous est soumis,
et avant de venir voter dans cette chambre
en faveur de ce même projet, je n'ai pas
manqué de consulter nos prêtres. J'ai
toujours censuré la conduite des prêtres
qui venaient se mêler d'élection et de politique, en faisant le métier de cabaleurs
et de
partisans entrés, et qui, au lieu de chercher,
dans la chaire de vérité, à calmer les animosités de parti, et à aider le peuple à
faire
un choix honnête, libre, indépendant et
judicieux, faisaient en quelque sorte de cette
même chaire de vérité une tribune politique,
d'où ils émettaient leurs principes que nous
pourrions appeler séditieux. J'ai toujours
condamné une pareille conduite. J'aime à
reconnaître aux membres du clergé leurs
attributs, et aujourd'hui qu'il s'agit non pas
de l'élection d'un dé uté du peu le, mais
bien de changer de fond en comble notre
constitution, je crois que ces hommes doivent être considérés comme des citoyens,
et
avoir l'exercice plein et entier de tous les
dons et privilèges dont jouissent ces derniers,
et que comme tels ils ont le même droit
que nous d'examiner la nouvelle constitution
qu'on veut nous donner et de se prononcer
sur ses mérites ou ses démérites. Confiant
dans le jugement et les lumières de quelques-uns de ces hommes, j'ai donc cru devoir
aller les consulter. Je me suis adressé à
deux membres du clergé du district des
Trois-Rivières,—hommes d'une grande érudition, et éminemment qualifiés a me donner
une opinion sur le projet de confédération;
hommes parfaitement dégagés de tout esprit
de parti, n'ayant aucun intérêt politique ou
aucune ambition personnelle a faire passer
avant les intérêts du pays, et dont l'opinion
était garantie par une vie d'études et de
travail constamment employée au bonheur
et à la prospérité de leurs compatriotes et
du pays, et à la protection de nos institutions
religieuses. (Ecoutez! écoutez!) Je n'ai
pas besoin de nommer ces deux vénérables
prêtres, que tout le pays connait comme deux
des membres les plus distingués de notre
clergé canadien et deux des Canadiens les
plus éminents. Eh bien M. le PRÉSIDENT,'
j'ai donc consulté ces deux hommes et tous
deux se sont accordés à me répondre qu'ils
étaient en faveur de la confédération projetée des provinces britanniques anglaises
de ce continent. (Ecoutez! écoutez!)
Ainsi appuyé sur ma propre conviction que
la confédération était le meilleur moyen que
nous ayons de sortir de la position excessivement difficile dans laquelle se trouve
aujourd'hui le pays, et sur l'autorisation que
j'ai reçue des membres du clergé—autorisation que je me plais à mentionner, parce
que les adversaires du plan ministériel ont
prétendu que tout le clergé du pays était
opposé à la mesure, — ainsi appuyé, M. le
PRÉSIDENT, je crois devoir et je n'éprouve
aucune hésitation à enregistrer mon vote en
faveur du principe et du projet de confédération. Il s'est produit dans le public
certaines craintes relatives au projet en question; ces craintes, il va sans dire,
ont été
suscitées par les adversaires de la mesure,
qui crient à en perdre haleine que la nationalité canadienne-française serait noyée
par la confédération et que, dans vingt-cinq
à trente ans d'ici, il ne resterait plus un
seul Canadien-Français dans le Bas-Canada.
Eh bien! M. le PRÉSIDENT, j'en appelle de
ces mensonges aux hommes qui, en 1840,
lors de l'Union des deux provinces, ont travaillé avec tant de aèle et d'énergie pour
que
le dépôt naturel de nos droits sociaux et
religieux ne fût pas mis en danger; j'en
appelle à ces hommes ui ont mis en œuvre
toutes les ressources de leurs talents et de
leur patriotisme pour empêcher cette Union;
à ces hommes qui, animés d'une franchise
pour le moins aussi grande que celle qui
anime aujourd'hui les adversaires de la confédération, firent signer de nombreuses
requêtes contre cette Union du Haut et
du Bas-Canada; à ces hommes enfin qui
avaient prédit que dans dix ans il ne resterait plus un seul Canadien-Français; je
les
traduis devant le tribunal de l'opinion
publique et je leur demande: Messieurs,
avez-vous prédit juste? La nationalité canadienne, qui devait être noyée par l'Union,
qu'est-elle devenue? a-t-elle disparu comme
vous le prédisiez? Voyea plutôt par vous- mêmes. Cette nation qui était vouée à
l'anéantissement, elle a bâti Montréal, qui
est la première ville commerciale des deux
Canadas,— Montréal, dont le député de Richelieu (M. PERRAULT a fait un si pompeux
éloge dans son discours de l'autre son,——
étendant aussi son éloge au pays en général,
948
dont il a vanté les immenses ressources et
la prospérité croissante. C'est encore sous
l'Union et grâce à l'Union que nous avons
bâti le magnifique pont Victoria, qui est en
ce moment unique au monde. Nous avons
aussi construit ces immenses canaux, qui ont
mérité une mention honorable de la bouche
de l'hon. député de Richelieu, et tout le
monde sait que cet hon. député est éminemment qualifié à prononcer un jugement sur
cette matière, puisqu'il a pu voir et examiner les canaux qu'on construit en Europe.
Aussi, nous pouvons dire que nos canaux
sont infiniment supérieurs aux canaux européens, puisqu'il nous a assuré que pour
quelques-uns de ces canaux, un gamin monté
sur une petite embarcation pouvait toucher
les murs de revêtement avec deux petites
rames bien courtes. Je dois dire que je ne
puis accepter l'interprétation que l'hon.
député de Montcalm (M. Jos. DUFRESNE)
a donnée à cette partie du discours de l'hon.
député de Richelieu, où il dit qu'on trouvait dans l'épiscopat des hommes aussi
instruits et aussi éminents que ceux qu'on
rencontrait dans n'importe quels ministères.
Voici comment j'ai interprété cette phrase
de l'hon. député de Richelieu, et je ne crois
pas me tromper en disant qu'elle tourne
contre ceux qui, lors de l'Union des deux
Canadas, faisaient tout en leur pouvoir pour
l'empêcher. En 1840, ces hommes, ces bons
et zélés patriotes, pour faire triompher leur
cause, disaient au peuple que si l'Union se
faisait, dans vingt-cinq ans il n'y aurait plus
un seul Bas-Canadien-Français dans le Bas- Canada, et aujourd'hui l'hon. député de
Richelieu vient leur donner un sanglant
démenti, en disant qu'aujourd'hui l'épiscopat
catholique romain compte des membres et
par conséquent des Canadiens-Français aussi
éminents sous le rapport des talents et des
connaissances que le membre le plus distingué de notre monde politique, et que la
religion est amplement protégée par la constitution actuelle qui devait, cependant,
selon
ces grands patriotes, nous engloutir et nous
faire dispaître de ce continent.
M. DE NIVERVILLE— J'offrirai un mot
de consolation aux Canadiens-Français qui
craignent d'être molestés dans le parlement
fédéral, parce qu'ils s'y trouveront, disent-ils,
dans une insignifiante minorité. Depuis que
les nations ont compris leurs intérêts, il s'est
établi un certain équilibre qu'elles doivent
s'efforcer de maintenir: c'est la protection
qu'offre l'union de deux faibles contre un
plus fort qui cherche à agrandir son domaine. Cette loi d'équilibre se produit
partout: chez les nations comme chez les
individus; elle se manifeste aussi chez les
animaux. Dans quel but les deux premières
nations du monde, la France et l'Angleterre,
se sont-elles unies pour s'opposer à la marche
envahissante du plus puissant despote du
nord, l'empereur de Russie? Quelle a été la
raison de cette campagne de Crimée? Etait- ce pour la vaine gloire de dire que les
soldats
français montaient à l'assaut avec une impétuosité comparable à la foudre, que les
soldats
anglais essuyaient le feu de l'ennemi sans
broncher et marchaient avec la froide lenteur
d'un coin de fer dans les carrés ennemis, et
que rien ne pouvait arréter leur marche? Pas
le moins du monde! Ces deux puissances
connaissaient parfaitement les qualités qui
distinguaient leurs propres soldats et ils
n'avaient nullement besoin de les éprouver
pour s'en assurer. C'était simplement pour
empêcher l'empereur de Russie d'étendre
indéfiniment les frontières de ses Etats au
détriment des peuples qui l'environnaient.
Pourquoi l'empereur actuel des Français a-t-il
été combattre son cousin l'empereur d'Allemagne? Exactement pour la même raison.
J'irai plus loin, et je dirai, pourquoi la brute
qui paît dans un pré chasse-t-elle le premier
animal étranger qui y vient? C'est par pur
instinct de conservation. (Ecoutez! écoutez!)
Eh bien! M. le PRÉSIDENT, puisque cet
instinct de conservation existe ainsi chez
toutes les créatures du globe, pourquoi ne se
produirait-il pas dans les différentes provinces de la confédération? Si jamais le
Haut-Canada voulait être injuste envers le
Bas-Canada et les provinces d'en-bas, naturellement et instinctivement ils formeraient
une alliance pour s'opposer aux empiétements ou aux injustices du Haut-Canada.
Ainsi, je suis convaincu que, sous ce rapport,
nous n'avons rien à craindre. Comme Canadien-Français, je dois parler de ce qui
nous touche de plus près: notre religion,
notre langue, nos institutions et nos lois.
Eh bien! Par rappo àrt notre langue, je
demande s'il y a 1e moindre danger que nous
la perdions dans la confédération? Loin
d'être en danger, je crois qu'elle fleurira
davantage sous le nouveau régime, puisqu'on
pourra le parler et s'en servir non seulement
dans les parlements fédéraux et dans les
législatures locales, mais aussi dans les tribunaux suprémes qui seront plus tard
institués
949
dans ce pays. Je dis qu'alors, c'est—t—dire
lors de la confidération, nous aurons l'exercice plus entier de notre langue, car
quelle
liberté de langage avons-nous ajourd'hui
dans cette enceinte? Cette liberté, que les
libéraux ont fait sonner si haut, et a laquelle
on ne peut toucher sans la détruire, comment l'avons-nous ici? Est-ce qu'elle nous
est donnée dans toute l'acception du mot
et de l'idée? Pas le moins du monde,
M. le PRESIDENT nous l'avons comme le
supplice de Tantale, qui était altéré et ne
pouvait pas boire, quoiqu'il eût de l'eau
jusqu'à la bouche, cette eau disparaissent
aussitôt qu'il touchait. (Ecoutez! écoutez!)
En effet, quel e espèce de liberté avons-nous,
nous qui ne comprenons pas la langue anglaise? Nous avons la liberté de nous taire,
d'écouter et de chercher a comprendre!
(Ecoutez! écoutez! et rires prolongés.) Sous
la confédération, les Haut-Canadiens parleront leur langue et les Bas-Canadiens parleront
la leur, absolument comme aujour 'hui;
seulement, celui qui comptera une grande
majorité de ses compatriotes dans la chambre,
aura plus d'espoir d'y entendre parler sa
langue, et, comme ils font aujourd'hui, les
députés parleront la langue de la—majorité.
Je ne veux pas faire de re roche aux hou.
députés qui ont parlé en ang ais sur la question qui nous est soumise et qui nous
ont
ainsi privé du plaisir de les comprendre et
de jouir par conséquent de leur éloquence
et de leur logique. Ce qu'ils ont fait dans
cette occasion est un simple acte de justice
que nous devons à la majorité de cette
chambre et que les Canadiens-Français ont
toujours aimé a leur rendre. Mais si nous
faisons comme la plupart des Canadiens- Français dans les temps passés, nous ne conserverons
pas longtemps notre langue. Ainsi,
on voit très souvent, dans les villes et même
dans les campagnes, des Canadiens qui, du
moment qu'ils ont pu attraper deux mots
d'anglais, s'en vont tout ravis les répéter à
leurs voisins. L'émigration aux Etats-Unis,—
qui cessera son la confédération, car nous
aurons l'administration de nos terres publiques,—a été la principale cause de cette
manie
stupide qui s'est emparé de ceux qui ont
vécu quelque temps chez nos voisins et qui
nous reviennent ensuite. Pour vous donner
une idée de cette deplorable manie, je vais
vous enter un trait ont j'ai été moi-méme
l'un des acteurs. Il n'y a pas encore deux
mois, j'étais à l'ambarcedère de l'embranchement du chemin de fer de Trois-Rivières
à
Arthabaska, quand deux jeunes gens habillés
à l'américaine arrivèrent à l'hôtel où j'étais.
Le premier on entrant cria à haute voix:
Where is the hostler? Le garçon, qui était
un gros Canadien, entra sur ces entreihites et, en l'apercevant, lui dit: " Tiens!
c'est toi, Joe?" Il va sans dire que notre
faux Américain resta tout penaud et ne sut
pas de suite quoi répondre. Voyant son
embarras et ne désirant pas prolonger une
scène qui, malgré son côté comique, nous
inspirait de la pitié pour celui qui en était
la victime, j'interpellai le garçon d'écurie et
lui dis: " Allez dételer les chevaux de ces
messieurs; ne voyez-vous pas que ce sont deux
Américains, et qu'ils n'entendent rien à ce
que vous leur dites? " Eh bien! M. le PRESIDENT, de pareilles scènes n'arrivent pas
qu'une seule fois par année, mais, pour
quiconque a un peu l'habitude de voyager,
elles se renouvellent pour ainsi dire tous les
jours. Ainsi donc, si nous ne voulons pas
permettre que notre belle langue perde de
son influence, il faut travailler avec énergie
à empêcher nos Canadiens d'affecter de parler
l'anglais quand ils n'en savent même pas le
renier mot; sinon, mettons—nous à pas le
l'anglais et laissons-là notre langue. Je n'ai
aucune crainte pour notre religion. L'expérience du passé est une garantie pour l'avenir.
Nous ne sommes plus au temps où le paradis
était offert à ceux qui ma traitaient une
personne d'une croyance religieuse différente de la sienne. Nous ne sommes plus
au temps où les guerres et les difficultés
entre peuples n'avaient pour principe que
les haines religieuses. Aujourd'hui, le
monde est trop civiliaé pour renouveler les
scènes qui se déroulaient alors. Chacun est
libre de pratiquer sa religion comme bon
lui semble, et cette tolérance est surtout
remarquable cher la nation anglaise. Il est
vrai qu'il se trouve des fanatiques tant parmi
la population anglaise ue parmi la population française, et mal eureusement nous
avons entendu ici dans une même soirée
deux de ces hommes, l'un catholique et
l'autre protestant. Le premier criait bien
haut que la confédération porterait un coup
morte à la religion catholique, et l'autre
criait non moins haut que cette mesure était
la ruine de la religion protestante. J'avoue,
M. le PRESIDENT, que je ne suis point de
ceux qui craignent et qui se défient de la
domination anglaise. Aussi longtemps que
nous vivrons sous la domination de la lire
Angleterre, je n'ai pas le moindre doute que
950
notre langue sera parfaitement protégée, et
que dans 50 ans, les bons catholiques
pourront pratiquer leur religion avec la
même liberté, la même confiance et la même
piété qu'ils le font aujourd'hui, et que les
impies ne seront pas forcés d'être plus religieux qu'ils ne le sont aujourd'hui. (Ecoutez!
écoutez!) L'hon. député de Bagot nous
a dit qu'il y avait en Angleterre un grand
nombre de catholiques et qu'ils étaient parfaitement libres de pratiquer leur religion
comme bon leur semblait, mais qu'ils n'étaient
pas représentés dans le parlement anglais.
Loin d'être une preuve de l'intolérance des
Anglais, c'en est plutôt une de leur tolérance,
puisque malgré qu'ils soient en mesure
d'opprimer les catholiques, ils les laissent
parfaitement libres de se livrer à tous leurs
exercices de piété. Je le répète, M. le
PRÉSIDENT, il y a des fanatiques dans toutes
les religions, mais heureusement pour l'humanité, ces hommes forment le petit nombre,
et les gens de bon sensles méprisent. (Ecoutez! écoutez!) Nos institutions nous sont
assurées par les traités avec la Grande-Bretagne, et nos lois par les articles de
la confédération. Qu'a-t-on à craindre de coërcition,
de gêne et d'opposition de la part de la mère- patrie, quand le sujet anglais est
reconnu
comme le sujet le plus libre du monde dans
l'exercice de ses droits de citoyen, droits qu'il
exerce avec autant de liberté de parole et
d'action que de sûreté partout où il est appelé à faire valoir ses droits, à les maintenir
et
à les protéger? Je dis partout, car le peuple anglais peut avec autant de liberté
de langage que
de confiance exprimer ses griefs devant tous
les tribunaux et toutes les autorités, depuis la
plus inférieure jusqu'a la plus élevée, qu'il
peut le faire dans le sein de sa famille ou au
milieu d'un cercle d'intimes amis. D'ailleurs, il est un moyen infaillible et basé
sur
les lois de la nature de conserver pures chez
le peuple Canadien-Français, sa langue, sa
religion, ses institutions et ses lois, et ce
moyen est le même chez tous les peuples:
je veux parler de l'éducation, de cette éducation que nous recevons de l'auteur de
nos
jours pendant notre enfance et ui nous est
donnée ensuite dans nos écoles élémentaires
et dans nos séminaires, de cette éducation
chrétienne, morale et religieuse que nous
recevons dans notre jeunesse avec tant de
soins, de sagesse et de sollicitude par les
maîtres et précepteurs dans nos collèges, de
cette éducation pratique que nous acquérons
par le commerce et les relations avec les
hommes d'affaires. Cette éducation, M. le
PRÉSIDENT, elle est l'élément qui fait les
peuples prospères, riches et grands, les élève
et les maintient à. la hauteur où elle les a
élevés et placés; cette éducation ne s'efface
jamais de l'esprit de ceux qui l'ont reçue,
elle reste fixée dans leur mémoire comme le
signe que l'on fait sur l'écorce du jeune
arbre se trouve gravé dans son cœur lorsque,
nombre d'années après, il tombe sous la
cognée du bûcheron. Comme représentant
de la ville de Trois-Rivières, je veux dire
un mot des avantages que la confédération
conférera au district de ce nom. Tout le
monde sait que ce district possède des terrains immenses non encore livrés à l'exploitation,
des forêts magnifiques de bois de
toutes espèces, et des mines d'une valeur
incalculable. Trois-Rivières, sans contredit,
fournit le meilleur fer du pays,—cela a été
prouvé a la grande exposition de Londres,
où les premières médail es ont été décernées
à la compagnie des forges de Radnor pour
les meilleurs roues en fer, pour la durée,
l'élégance et la qualité. Le Saint-Maurice
a été grandement négligé par les diverses
administrations qui, pendant les dix dernières années, ont tour à tour monté au
pouvoir, malgré que nous eussions droit à
un cctrci comme compensation des $30 ou
$40,000 de revenus ne le Saint-Maurice
fournissait au trésor public. Le district de
Trois-Rivières n'est cependant pas en arrière
des autres districts du pays tant sous le
rapport industriel que sous le rapport de
l'énergie et de l'esprit d'entreprise de ses
habitants. Le chemin de fer d'Arthabaska,
qu'on disait ne pas devoir payer ses dépenses,
rapporte aujourd'hui plus que n'importe
quelle autre partie du chemin de fer Grand
Tronc. Nous avons besoin de chemins de
colonisation, il nous faut des voies ferrées, et
je suis persuadé que sous la confédération,
alors que nous aurons l'administration de nos
propres deniers, sans consulter le Haut- Canada, nous construirons des voies terrées
partout où les besoins du commerce et de
l'industrie se feront sentir, et nous pourrons
offrir à la colonisation des voies et des
chemins aisés et faciles, et le district des
Trois-Rivières, comme les autres districts
du pays, en retirera de précieux avantages
(Ecoutez! écoutez!) Nous avons un exemple
de la rapidité d'accroissement que prendrait
la colonisation dans le district des Trois- Rivières si elle était encouragée; cet
exemple
se rencontre dans les paroisses de Saint
951
Maurice, de Saint-Etienne, de Sainte-Flore,
de Shawinigane. Il y a à peine vingt cinq
ans la paroisse de Saint-Maurice n'était
qu'une forêt, et aujourd'hui elle est une
grande, belle et riche paroisse, dont le district
des Trois-Rivières eut et doit être orgueilleux, et compte au-delà de cinq cents voteurs
avec la paroisse de Mont-Carmel, qui en est
un démembrement. Le grand commerce de
bois qui se fait dans les vallées du Saint- Maurice et qui emploie des milliers de
travailleurs, ce grand commerce qui joue un
rôle important dans les grandes affaires du
pays et qui exporte pour des sommes consiérables des bois tirés des vastes territoires,
si je puis m'aprimer ainsi, qui appartiennent au district des Trois-Rivières, et
ces vastes terres qui n'attendent que la
colonisation, ces mines de fer si riches et si
connues, ces mines de toutes sortes qui sont
encore cachées dans les montagnes des
vallées du Saint-Maurice, ces richesses de
toutes espèces que l'on y rencontre n'ont
besoin que d'être exploitées pour faire du
district et de la cité de Trois-Rivières une
partie importante du Bas-Canada. (Ecoutez!
écoutez!) On a accusé les ministres du
Canada d'avoir voulu la confédération pour
rester au pouvoir et se grandir. On a accusé
l'hon. procureur-général du Bas-Canada
d'avoir proposé cette mesure dans le simple
but de devenir lieutenant-gouverneur du
Bas-Canada. Eh bienl M. le PRESIDENT,
j'ai l'intime conviction que cet hon. ministre
a trop d'énergie, aime trop le travail pour
vouloir et pouvoir accepter une place qui ne
lui en donnerait pas. (Ecoutez! écoutez!)
Pour ma part, je suis prêt à laisser à l'opposition ce qui pourrait m'écheoir sous
forme
de places ou de dignités lorsque nous serons
confédérés. Je repousse l'idée que les ministres canadiens se soient laissés influencer
par des motifs d'un mesquin intérêt personnel lorsqu'ils se sont mis à l'œuvre pour
trouver un moyen capable de nous sortir de
la position difficile où nous nous trouvions.
Ils n'ont eu en vue que l'intérêt de la nation,
et ils n'ont jamais eu la pensée, comme on
l'a dit, de livrer le pays et ses institutions à
la ruine et à l'anéantissement. En terminant, M. le PRESIDENT, je déclare donc
que je suis en faveur de la confédération et
contre l'appel au peuple, parce que je le
crois parfaitement inutile. En effet, un
hon. député, qui a parlé hier dans cette
enceinte, nous a dit que le clergé était
incapable de juger le projet de confédéra
tion. Eh bien! je vous le demande, si le
clergé n'est pas en état de juger une pareille
question, comment le peuple, qui n'a pas
d'éducation, pourra-til le faire? Comment
pourra-t-il jamais en comprendre et l'ensemble et les détails et constater si elle
lui
est avantageuse ou non? Je répète donc
ne je suis en faveur du projet sous considération, d'abord parce que, quand je me
suis présenté à mes commettents, je me suis
prononcé en faveur de la mesure, et, en
second lieu, parce que je le crois nécessaire
et indispensable, et de nature à promouvoir
les intérêts du pays en général et ceux du
Bas-Canada et du district des Trois-Rivières
en particulier. (Applaudissements.)
M. GAGNON.—M. l'ORATEUR:— Le
projet de confédération des provinces, maintenant devant cette chambre, est d'un trop
grand intérêt pour être accepté en silence.
Si je me lève en ce moment pour prendre
la parole, ce n'est que pour faire connaître
quelques-unes des raisons de mon opinion
sur ce sujet, et comme je n'ai pas l'habitude
de faire des discours, je demande l'indulgence
de cette chambre dans l'opinion des membres de l'autre côté de cette chambre, le pays
doit retirer de grands avantages de cette
union; mais ces avantages reposent sur les
risques d'un avenir inconnu pour le plus grand
nombre, et sont considérés par d'autres
comme une spéculation hasardeuse et dangereuse, qui entraînera la ruine de notre crédit.
Non seulement, M. l'ORATEUR, nous risquons nos capitaux qui seront perdus dans
l'exécution de ce grand projet, non seulement nous ruinons par cette nouvelle union
le crédit de notre pays, mais nous, Bas-Canadiens, nous risquons tout ce qui nous
est
cher, même notre nationalité, quand nous
savons que nous n'avons rien à gagner dans
ces changements. Et pour engager le Bas- Canada a accepter ce projet, on nous promet
un chemin de fer pour ouvrir notre commerce avec les provinces maritimes, et l'on
voudrait nous laisser croire que le grand
commerce qui s'opèrera par cette grande voie
de communication, sera un bienfait considérable pour nous; mais ceux qui veulent réfléchir
peuvent juger le contraire sans danger
de se tromper, car ces provinces n'ont rien à
échanger avec nous. Nous avons les mêmes
produits et plus en abondance qu'aucune
d'elles; elles n'ont que le charbon que nous
n'avons pas, mais que l'on ne transporte pas
sur des chemins de fer. Ce chemin, en conséquence, nous entraînera à dépenser des
952
sommes énormes pour sa construction, et
après cela il nous coûtera encore beaucoup
pour son entretien, ses réparations et le roulage, et ne pourra, après tout cela,
être employé qu'à remplacer quelques centaines de
goëlettes qui transportent nos produits tous
les ans aux provinces du golfe. C'est payer
un peu cher pour détruire complètement
notre petite navigation intérieure, qui a
pourtant besoin d'être protégée. Les dépenses
qu'entrainera la confection de ce chemin,
sagement appliquées a l'ouverture de chemins
de colonisation, à l'amélioration des ponts et
routes, et au défrichement des terres publiques, seraient beaucoup plus avantageuses
au peuple de cette province, qui y trouverait assez de contentement et de bonheur
pour
se passer de la confédération, qui ne guérira
pas nos maux politiques. Un peu plus de
bonne volonté et un peu plus de calme, et le
cri de la représentation basée sur la population se serait effacé entièrement, et
notre pays
aurait pu continuer avec l'union actuelle, qui
est moins dangereuse et moins coûteuse que
celle proposée par le gouvernement. J'aurais
d'autres observations à faire, M. l'ORATEUR,
mais je suis obligé de les remettre, attendu
que les hon. membres de cette chambre doivent
être bien fatigués par leurs longues veilles
et l'heure avancée de la nuit. (Applaudissements.)
L'
HON. M. HUNTINGTON—M. l'ORATEUR:—Il n'entre pas dans mes intentions
d'entretenir longuement la chambre; mais,
en ma qualité de député, je ne crois pas
devoir voter sur cette question sans en dire
au moins quelques mots. Sans vouloir aucunement blesser les messieurs de la droite,
il
me semble que si le désir de s'exprimer sur
la mesure est aussi grand qu'il le paraît ce
soir des deux côtés, et que cette liberté soit
restreinte, la faute ne doit pas en être imputée
à ce côté-ci de la chambre. (Ecoutez! écoutez!) A cette heure avancée, et comme je
viens de le dire, je ne me propose pas de
parler longuement. Il est des faits très- importants qui se présentent à moi d'eux-
mêmes, mais qui n'ont pas encore trouvé
leur place dans ces débats, et si l'occasion
s'en présente, je dirai ma pensée à leur
égard. En attendant, je ne puis m'empêcher d'observer que dans un sens je considère
à propos la démarche que le gouvernement
a, l'autre soir, annoncé devoir prendre auprès
du cabinet impérial. Si je me le rappelle
bien, il a été dit qu'une députation serait
envoyée en Angleterre à l'effet de s'entendre
avec le gouvernement impérial au sujet des
défenses de ce pays, et de la part de dépense
que les deux pays devront faire pour elles.
Or, sans vouloir soulever de discussion sur
ce point, je ne puis m'empêcher de dire
qu'i eut été mieux que cet arrangement fut
arrêté avant l'adoption du projet par la convention, car il eut servi de préliminaires
à
l'union projetée, et la convention eut pu
prendre sur elle de convenir avec le gouvernement impérial de la part de dépense dont
chacun des deux pays ont été chargé. Rappelons-nous que cette question nous a été
représentée comme le seul moyen de mettre le
Canada en mesure de repousser toute agression
de la part de nos voisins, et qu'en adoptant
ce projet, nous agirions passablement à
l'aventure. Cependant, on nous demande de
l'adopter, bien qu'en même temps l'on sache
que le résultat devra amener un changement
quant à la part de dépense que notre pays
sera appelé à faire pour ces travaux de
défense. Si l'Angleterre, a-t-on dit, est
disposée à contribuer à nos travaux de
défense, c'est que le Canada a manifesté la
même disposition. Eh bien! supposons qu'à.
l'avenir on ne voulût pas se charger de cette
part de défense que l'Angleterre considérerait juste, quelle conséquence cela aurait-il?
Nous pourrions nous trouver exactement
dans la même position qu'aujourd'hui. L'Angleterre pourrait retirer ses troupes et
refuser
de faire pour nous aucuns travaux de défense
si nous ne voulions pas entreprendre plus
que ce que le peuple de ce pays se croirait
capable de faire, et voilà pourquoi je suis
d'opinion que s'il était à propos de soumettre
cette question fédérale au peuple, la prèmiere
et indispensable démarche que l'on aurait
dû faire était de s'entendre avec le gouvernement impérial sur les termes et conditions
relatives aux travaux de fortification qu'il
va falloir entreprendre si nous devons entrer
dans cette nouvelle existence politique.
Voilà le motif qui fait que je ne trouverai
pas regrettable—je juge d'après ce qui s'est
récemment passé au Nouveau-Brunswick, et
d'après les opinions exprimées par des
hommes publics des autres colonies—que la
réalisation du projet soit ajournée; et je
n'éprouve pas non plus de peine de ce que
par cet acts des provinces inférieures le gouvernement soit forcé de se consulter
avec
les autorités impériales et d'arrêter avec elles
la part des dépenses que nous aurons à
assumer pour les défenses du pays. (Ecoutez!)
Nous pouvons considérer presque comme un
953
fait providentiei les derniers événements
ui se sont passés dans les provinces inférieures, et qui nous forcent maintenant à
prendre cette démarche, car, je dois le dire,
jusqu'ici le gouvernement a paru vouloir
tenir le peuple dans l'ignorance sur ce sujet;
mais j'espère que, lorsque ces négociations
auront en lieu avec le gouvernement impérial,
nous saurons précisément ce ue le ministère
a fait et ce qu il est convenu de faire, et que
la chambre et le pays seront renseignés sur
le montant exact de la art de dépense que
nous aurons à faire. (Ecoutez! écoutez!)
Si je fais ces observations, M. l'ORATEUR
c'est parce que cette question me paraît très
importante et que je crois qu'il sera indispensable, dans les discussions qui auront
lieu sur ce sujet, que les renseignements les
plus complets soient communiqués à la
chambre. (Ecoutez! écoutez!) Il est un
autre point qui s'offre de lui-même et sur
lequel on me permettra peut-être de dire un
mot. Par ce que je vais dire, je ne veux
blesser aucun hon. membre, mais comme
Canadien et sujet Anglais, je ne puis que
protester contre l'esprit d'acrimonie ni a
caractérisé les discours des députés qui sont
en faveur du projet Je regrette, M. l'ORA
TEUR, que dans une législature anglaise, où
il est proposé d'établir une grande constitution monarchique pour ce continent,
une constitution modelée sur celle d'Angleterre, je regrette, dis-je, que quelques
hon. membres aient jugé nécessaire de taxer
d'intention séditieuse et déloyale, ceux qui
ne partagent pas les mêmes vues qu'eux à
l'égard du projet. (Ecoutez! écoutez!)
Bien que je n'aie pas parlé de loyauté et
d'attachement ont la couronne et la constitution d'Angleterre, avec autant d'ostentation
que que ques hon. députés, je crois
sincèrement pouvoir dire que personne plus
ne moi n'affctionne le système constitutionnel anglais; que nul plus ne moi ne
désire voir introduire ici ce système, et que
nul plus que moi ne croit fermement qu'il
donnerait au peuple de ces colonies cette
grandeur, cette prospérité et cette liberté
qui ont distingué le peuple dont nous descendons. (Ecoutez! écoutez!) Mais si on
trouve assez d'importance à ces débats pour
leur donner une place dans les annales de ce
pays, pour qu'ils aillent à la postérité comme
l'expression sérieuse de nos hommes publics,
je crois qu'il y a lieu de regretter que des
hon. messieurs de la droite,—vu le grand
patriotisme dont ils ont fait parade, et qui,
ont-ils dit, les forçait à mettre de côté tout
esprit de parti et toute animosité personnelle,
en considération du principe dont ils se font
les défenseurs désintéressés—n'aient pas
cru devoir discuter cette question en hommes
d'état, plutôt que de traiter d'inflâmes de
traitres et de rebelles ceux dont l'opinion
diffère de la leur. (Ecoutez! écoutez!) Je
pense que le peuple de ce pays,—les conservateurs comme les réformistes, — verra
cela avec peine; et s'il est une chose plus
qu'une autre qui indique que la présente,
comme les coalitions passées, va être à
l'avantage du parti conservateur, mais au
désavantage de celui de la réforme; s'il est
une chose plus qu'une autre qui me fait
craindre que les membres réformistes du
gouvernement, pour lesquels j'ai de fortes
sympathies personnelles et politiques, seront
évincés par leurs collègues conservateurs,
c'est ce cri d'annexion jeté comme épouvantail par les hon. membres de la gauche.
Dr, M. l'ORATEUR il y a à peine quelques
mois que le grand parti constitutionnel a été
organisé en ce pays, et au baptême duquel
on a apporté une pompe et fait une dépense
d'éloquence comme n'en avait jamais vu
ailleurs la naissance d'aucun parti. Les
chefs de ce grand parti constitutionnel nous
ont dit n'en cette contrée, la constitution
anglaise devait étre défendue; que le peuple
était divisé en deux partis, — le parti de
l'annexion et le parti constitutionnel, —
que les réformistes composaient le premier,
tandis que les conservateurs, eux, désiraient
le maintien de notre alliance avec l'Angleterre. Mon hon. ami, le député de Lambton,
fut le premier attaqué, et on lui reprocha que
lui et ceux auxquels il était politiquement
lié voulaient l'annexion; qu il avait été
infidèle à son allégeance; qu'il portait sur
sa figure le signe démocratique, et, l'été
dernier, tout le parti réformiste fut accusé
par les chefs conservateurs d'être composé
d'annexionnistes, qui voulaient renverser
les institutions anglaises de ce pays. Eh
bien! M. l'ORATEUR que voyons-nous
maintenant? Ne voyons-nous pas que ces
mêmes accusations ont été portées contre la
minorité de cette chambre, contre les hon.
amis qui m'entourent, par les chefs de ce
grand parti constitutionnel, et cela tandis
que l' hon. secrétaire-provincial, l'hon. maître- général des postes et l'hon. président
du
conseil,—pour lequels j'ai une bien grande
sympathie politique,—restaient silencieux
"penant que leurs anciens amis et collègues
954
souffraient les mêmes injures que leurs
collègues d'à présent proféraient contre eux il
y a quelques mois à peine? Les croient-ils
maintenant fondées ces accusations, ou,
comme l'été dernier, pensent-ils encore
qu'elles sont à la fois fausses et injustes?
Si elles étaient alors inconsidérées, est-il
juste aujourd'hui que sans un mot de
désavœu ils permettent que ces honteuses et
folles imputations soient jetées à notre
face? (Ecoutez! écoutez!) Est-ce libéral, est-ce juste, M. l'ORATEUR, qu'ils
restent là tranquillement assis quand ils
voient la poignée d'hommes composant la
minorité, traités comme ils l'étaient eux- mémes, il y a six mois, d'annexionnistes
et
de démocrates? (Ecoutez! écoutez!) En
entendant répéter ces accusations, je pensai
qu'ils s'interposeraient; je pensai qu'ils
auraient un peu pitié de nous, eu égard à
d'anciennes associations; je pensai que le
grand parti libéral du Haut-Canada viendrait un peu à la rescousse d'anciens collègues,
et qu'il dirait aux auteurs de ces
accusations: " Halte-là! ne terrasses pas
trop ces hommes, nous les connaissons, nous
avons marché ensemble. Ce ne sont ni des
annexionuistes ni des rebelles, par conséquent, vos accusations contre eux sont
injustes et iausses; " mais, au lieu de cela,
M. l'ORATEUR, pendant tous les débats, ces
membres du gouvernement ont écouté des
accusations, qu'ils savaient fausses et calomnieuses, sans ouvrir une fois la bouche
pour
défendre leurs anciens amis. (Ecoutez!
écoutez!) Si je rappelle ce fait, M. l'ORATEUR, c'est que je crains que ces messieurs
qui, pendant longtemps, ont été les défenseurs de ce grand parti libéral qui nous
a
apporté le gouvernement responsable et tout
ce qui est digne de subsister dans notre
système politique actuel, soient évincés par
la prépondérance du sentiment conservateur
dans le gouvernement et ar l'influence de
la politique conservatrice chez le peuple. Je
sais que dans l'état actuel des affaires ils ne
se sentent pas à leur aise; je sais comment
doivent se trouver les McKELLAR, les MACKENZIE, qui ont été si longtemps la victime
des railleries du parti conservateur, et
d'autres qui ont longtemps lutté pour la
réforme, et ce que j'appréhende, c'est que
le levain conservateur soit à la veille de
s'infiltrer dans tout le parti.
L'
HON. M. HUNTINGTON—Dans
l'habile discours qu'il a prononcé sur ce
sujet, mon bon. ami s'est lui-même excepté,
de sorte qu'il est inutile pour moi de le faire
en ce moment. Je dis, M. l'ORATEUR, que
pas plus tard qu'hier les journaux qui servent
d'organes aux chefs du parti constitutionel
de ce pays, nous ont tous dénoncés comme
américains et annexionnistes, et j'avertis les
hon. membres du parti libéral, qui restent
tranquilles quand ces accusations se continuent contre la minorité, que ces mêmes
outrages qu'ils ont subis l'été dernier, ils
pourraient bien les subir encore, mais cette
fois sans mériter la pitié. (Ecoutez! écoutez!)
Je le répète, M. l'ORATEUR, depuis que
cette coalition est formée, rien ne m'a convaincu que les conservateurs avaient la
part
la plus avantageuse du marché comme de
voir ces hon. messieurs rester cois quand ils
ont vu lancer à leurs anciens alliés l'outrage
auquel ils ont été en butte pendant des
années, si bien qu'on ne sait plus s'ils appartiennent encore au parti réformiste.
Après
ces observations, et en me réservant le droit
de parler plus au long sur le projet, que
j'aimerais à discuter pleinement si on nous
permettait de prendre le temps nécessaire, il
ne me reste plus qu'à dire que le collège
électoral dont je suis le député, ne veut pas
que je vote pour cette mesure; l'assertion que
je fais la est véridique, les devoirs de ma
profession ayant fait que je me suis souvent
rencontré avec mes électeurs, qui ont pu
ainsi me faire connaître leur opinion. Dans les
Townships de l'Est, Français comme Anglais
sont fortement opposés à cette mesure. J 'ai
en plus d'occasions que bien des hon. messieurs
de connaître les vues de mes commettents,
et je suis revenu à cette chambre plus
que jamais convaincu que les townships de
l'Est, et surtout le comté que je représente ...
L'
HON. M. HUNTINGTON—L'hon. M.
se plait à m'interrompre, mais je pense ne
je puis bien parler au nom d'un grand nombre
de pétitionnaires du comté de Compton.
(Ecoutez! écoutez!) Dans le comté que je
représente, disais-je, une forte majorité est
adverse à ce projet. Sachant qu'il n'y a
personne ici qui doit parler pour les townships de l'Est, où je sais que les masses
sont
contre le projet, j'ai cru devoir dire un mot
pour faire connaître l'opinion qui existe là
(Ecoutez! écoutez!) Je n'ai aucun doute
que le parti conservateur compte beaucoup
d'alhérents dans ces cantons; je ne doute
pas non plus que les partisans de l'hon.
955
député de Sherbrooke sont aussi d'accord
avec lui nant au projet; mais je parle pour
le parti libéral de ces townships, dont j'ai eu
une excellente occasion de connaitre les vues
sur cette mesure. Je ne dis pas que l'hon.
député de Compton n'est pas soutenu par ce
parti dans la position qu'il a prise, mais
j'affiirme qu'en général les habitants de ces
cantons, qui appartiennent au parti libéral,
sont opposés au projet par rapport à la
manière dont on l'a présenté au peuple. Je
n'ai pas été peu surpris d'une observation
faite par mon hou. ami, le député de Richmond et Wolfe (M. WEBB). Je connais la
sincérité de ce monsieur, et naturellement
j'ai du être étonné de la position qu'il à
prise. Tout en paraissant admettre l'impopularité générale du projet dans les townships,
il a déclaré qu'il voterait pour
tout de même, en se réservant le droit de
faire ses objections aux détails; or, une fois
la mesure adoptée dans son entier, il n'est
guère probable que l'hon. monsieur aura
jamais l'occasion de se prononcer sur les
détails.
M. WEBB—Les résolutions ne sont pas
encore adoptées, ni ici, ni par les provinces.
L'
HON. M. HUNTINGTON—C'est vrai,
mais j'en parle comme si elles l'étaient.
D'ici à quelque temps, cela ne fait rien
qu'elles soient ou non adoptées par les autres
provinces. En ce qui regarde le Canada,
elles seront passées avant que la séance ne soit
levée, et alors nous n'aurons lus d'occasion
de nous occuper de ses détails. Mais supposons
que plus tard occasion nous soit donnée de
voter sur ces détails, dans quelle position se
trouverait mon hon. ami e Richmond et
Wolfe, ou mon hon. ami de Wellington Nord
(le Dr. PARKER); comment pourront-ils
sensément proposer des amendements à des
résolutions pour lesquelles ils auront déjà
voté? Les hon. messieurs de la droite ne
s'empresseraient-ils de leur rappele; qu'ils
ont avalé l'appât, l'hameçon et la ligne, tout,
compris le flotteur et le plomb. (Hilarité.)
Ils disent qu'ils s'opposeront plus tard aux
détails, mais si ces deniers sont aussi défectueux qu'ils le croient et le disent,
pourquoi
ne pas s'y opposer maintenent? L'hon. député
de Grenville Sud (M. SHANLY) a dit que nous
devrons adopter le projet dans son ensemble,
—peu importe que les détails soient peu ou
beaucoup vioieux—et laisser à la législature
fédérale le soin d'y remédier; mais je crois
que le Canada sait à quoi s'en tenir sur cette
manière de faire les choses. Çes détails
deviendront autant de droits acquis, et les
provinces qui les trouveront pour elles avantageux tiendront à ce qu'ils restent comme
ils sont. (Ecouter! écoutes!) Je n'ai pas
le temps, M. l'ORATEUR, de démontrer
combien sont susceptibles d'objections beaucoup de ces détails, mais je n'en déclare
pas
moins qu'il est on ne peut plus absurde, on
ne peut plus illogique, de nous demander
d'accepter le projet dans son ensemble et de
laisser à plus tard le perfectionnement de
ses détails. En 1841, lorsque l'union de ces
provinces eut lieu, la discussion qui s'éleva
a son sujet dans les chambres du parlement
anglais, démontre que les auteurs de l'acte
d'union s'attendaient a ce que toute difficulté
dont elle serait la source pourrait être régles
par le parlement uni du Canada. que des
questions, comme celle de la représentation
'après le nombre, pourraient être abordées en
aucun temps; eh bien! qu'est-il arrivé?
Chacun le sait, le Bas-Canada a réclamé
l'égalité de représentation comme un droit
acquis, et il maintint fermement sa position
sur ce point; mais il n'existait aucun
moyen de réparer cette injustice. Une
grande lutte commença dès lors, et les
difficultés devinrent si nombreuses qu'il
fallut bien admettre, disent les hon. messieurs de la droite, que notre constitution
était une affaire manquée. Or, l'expérience
devrait nous apprendre que c'est d'une mauvaise politique de laisser délibérément
des
erreurs dans notre constitution et de remettre
à plus tard pour y remédier. Si vous parles
d'une union de toute l'Amérique Britannique, personne ne s'y oppose. Tout le
monde est en faveur d'une union, pourvu
que les détails en soient satisfaisants; mais
vouloir qu'elle soit adeptée avec des détails
reconnus défectueux et remettre a plus tard
pour les rendre ce qu'ils doivent être au
début, cela me rappelle un fait qu'un ami
racontait hier. Un cocher allait conduire
un de mes amis avec ses malles à la station
du chemin de fer, quand cet ami s'aperçut
qu'un des traits de l'attelage n'était rien
moins qu'un bout de corde. " Ah! ça," dit
mon ami, " vous n'allez pas me faire faire 20
milles dans le forêt avec cette cordelà —
" Oh! soyez tranquille," répond le cocher,
" j'ai d'autres bouts de corde dans ma poche,
et si celui-là manque, je pourrai le remplacer
en route." C'est absolument ce que font les
bon. ministres: ils veulent que nous adoptions cette mesure rachitique sur l'assurance
qu'ils ont des bouts de corde plein lem—
956
poche avec lesquels ils comptent obvier à
tout. (On rit) Mais, M. l'ORATEUR, ils
trouveront qu'il n'est pas peu difficile de les
employer ces bouts de corde. Il verront
qu'il sera presque impossible de faire disparaitre des droits acquis sous n'importe
quel système. Des faits liés à la mesure,
mais que je ne puis discuter maintenant, la
rendent inacceptable dans sa forme actuelle,
et c'est aussi l'opinion générale de mes
commettents. (Ecoutez! écoutez!) D'abord
une mesure comme celle-là, qui remplace notre
constitution par une autre qui est inconnue au pavillon anglais, ne dovrait pas
être adoptée avant d'avoir été soumise
au peuple; secondement, la multitude des
détails qu'elle embrasse devraient être
étudiés et discutés avec calme, afin de les
amender, s'il y a lieu, avant de les incorporer dans notre constitution. Je ne dis
pas
que ce soit là la volonté du parti conservateur dans mon comté, ni de celui des
townships de l'Est; mais je dis que dans
ce parti même on craint beaucoup que de
graves difficultés ne résultent de ce mélange
confus qui est soumis à notre adoption, et
qu'on ne nous laisse pas même discuter et
même moins amender. Beaucoup de ce parti
n'hésiteraient pas à se prononcer en ce sens.
Durant mon absence pendant cette session, je
n'ai pas rencontré un seul homme, conservateur
ou réformiste, qui ne m'ait pas dit que le
premier devoir du gouvernement était de
consulter le peuple et de s'assurer s'il
désirait ou non le chan ement projeté.
(Ecoutez! écoutez!) Voulant, M. l' ORATEUR ne pas abuser de l'attention de la
chambre à cette heure avancée de la nuit,—
ou plutôt du matin, car il passe maintenant
trois heures, — je termine en disant que,
comme député fidèle, je me fais un devoir
d'inscrire mon vote contre ces résolutions.
(Applaudissements.)
M. COWAN—M. l'ORATEUR:—L'hon.
député de Shefford dit: que lui et ses amis
ont sympathisé avec les réformistes du Haut- Canada lorsqu'ils étaient traités de
rebelles
et accusés de déloyauté, et nous reproche de
n'avoir pas pour lui et ses amis la méme charité maintenant qu'ils sont victimes de
cette
même accusation. Je sais, M. l'ORATEUR, que
les réformistes du Haut-Canada ont souvent
été traités de rebelles; mais ce dont je suis
également certain, c'est que jamais ils n'ont
souffert de cette fausse accusation. Certains
de leur fidélité à la reine et au pays, toujours
ils ont ou un souverain mépris pour ces
folles et injustes imputations contre leur
loyauté, et je conseils à l'hon. député de
Shefford d'en faire autant. Si lui et ses
amis sont réellement de loyaux sujets—et
de ce je ne doute nullement—au lieu de
leur nuire, ces imputations retomberont sur
ceux qui les ont proférées.
M. T. R. FERGUSON—M. l'ORATEUR:
Connaissant le désir des ministres, et de la
grande majorité de cette chambre, que la
discussion ne se prolonge pas inutilement
afin que la question devant nous soit immédiatement décidée, je me permettrai de dire
que ce n'est pas par goût mais par nécessité,
que ce n'est pas par plaisir mais par un
profond sentiment de devoir, que je prends
la parole en cette occasion, vu surtout qu'on
a tant parlé et que la soirée est maintenant
si avancée Or, comme j'ai gardé le silence
pendant tout le cours es débats, j'espère
que la chambre me permettra d'exprimer
mes vues en peu de mots sur cette importante question, afin de motiver le vote que
je vais donner. Je dois dire, M. l'ORATEUR,
que ma position est différente de celle de
bien des hon. membres qui ont soumis à
leurs commettents les résolutions qui composent le projet de fédération, qui ont convoqué
des assemblées publiques a cette fin
et qui ont reçu de leurs électeurs des
instructions positives quant au vote qu'ils
doivent donner. La circulaire que j'ai reçue
du gouvernement portait en tête le mot
" personnelle," de sorte que je n'ai pris
aucune mesure pour connaître l'opinion
publique à son sujet. Je me trouve, il me
fait peine de le dire, sans un mot d'avis sur
la manière dont je dois agir à l'égard de
cette mesure. Je puis dire, cependant,
qu'après avoir lu et relu maintes fois ces
résolutions, j'ai fini par y trouver bien des
choses auxquelles je ne pouvais pas consentir. Il m'a semblé que ce n'était pas
cela qu'on attendait du gouvernement lors- qu'on a consenti à la coalition qui a été
formée dans le but de trouver quelque
moyen de couper court aux difficultés des
deux sections. J'avais espéré que si l'union
des colonies devait avoir lieu, et qu'à cet
effet un changement de constitution eut été
proposé, que la forme du gouvernement
ont été législative et non fédérale. On nous
a dit au commencement de la session que
les députés Canadiens à la convention n'avaient pu obtenir que cette union fut autrement
que fédérale; or, M. l'ORATEUR, c'est
là un xt que je déplore, car je crois qu'une
957
union fédérale nous vaudra de constantes
dissensions, et avant que bien des années
ne s'écoulent, il se formera encore, si ce
projet se réalise, des agitations en faveur
de changements constitutionnels, et comme
en fin de compte il faudra en venir à une
parfaite union sous un seul gouvernement
législatif, je crois que le mieux eut été
d'adopter maintenant ce dernier système.
Cependant, si les longs débats que nous
avons eus sur cette question doivent avoir
pour résultat de donner raison a l'opinion
que je viens d'émettre, ils ne laisseront pas
que d'avoir en leur bon côté, bien que lon
n'ait pas permis d'amender le projet. (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, je voulais
reposer des amendements à diverses parties
de la mesure, et je suis par conséquent trés
chagrin d'en être empêché par a motion
pour la question préalable. Il est maintenant trop tard pour faire connaître les
amendements que je voulais proposer et le
résultat que jen attendais. Puisque la
question préalable a été proposée, il me
suffira de dire que l'on n'a pas accordé à la
chambre le temps nécessaire pour bien étudier
le projet dans toutes ses parties, vu surtout
que le peuple ne doit être consulté que par
le vote de ses représentants. (Ecoutez!
écoutez!) Etant un de ceux qui désiraient
un changement constitutionnel pour mettre
fin aux griefs dont le Haut-Canada souffrait
et lui accorder les même droits qu'au Bas- Canada vu qu'il contribuait pour la plus
grande part dans le revenu, il va sans dire
que j'ai fait de mon mieux, en cette chambre
et en dehors, pour aider à trouver le remède
à nos difficultés politiques. Mais, M. l'ORATEUR, nous avons vu qu'il était impossible
d'obtenir la re représentation d'après le nombre
et depuis que le projet actuel a été annoncé,
sachant la forte opposition qu'il allait rencontrer de la part de beaucoup de députés
du Bas-Canada, je cherchai, une fois ici, à
connaître l'opinion d'hon. messieurs du Bas- Canada, et je constatai ue tout en étant
adverses au projet de confédération, pour le
rejet duquel ils étaient disposés a recourir a
presque tous les moyens, ils persistaient à
refuser au Haut-Canada l'ombre d'une espérance, quant au redressement de ses griefs
et quant a vouloir lui accorder la représentation d'après le nombre, dans le cas où
ce
projet serait rejeté. (Ecoutez! écoutez!)
Avant de venir ici, j'entretenais aussi l'espoir
que les députés du Haut-Canada qui ont
combattu si longtemps, main en vain, pour
la représentation d'après le nombre, se joindraient à moi pour amender la mesure de
manière à avoir une union législative au
lieu d'une union fédérale; mais je n'ai pas
tardé à voir qu'il y avait peu d'espérance que
cet amendement fut adopté, car les neuf
dixièmes d'entre eux étaient décidés à
accepter le projet tel quel, simplement parce
que leurs chefs faisaient partie du gouvernement. (Ecoutez! écoutez!) Mon hon. ami
le député de Shefford (M. HUNTINGTON) est
d'opinion que cette mesure est imposée au
pays; mais si un membre plus qu'un autre
peut être accusé de cet état de choses, c'est
certainement cet hon. monsieur. Il a une
fois occupé un poste honorable et élevé dans
le gouvernement de ce pays; il est doué de
grande capacités, et étant très populaire avec
ses comméttahts, il aurait bien pu aider un
peu ceux dont le désir était de voir bien fonctionner l'union actuelle. S'il eut tenu
à faire la
volonté du parti réformiste et protestant du
Haut-Canada; s'il eut voulu maintenir et
protéger les droits qu'il voudrait maintenant
voir accorder à ses amis, je suis convaincu
que lorsqu'il était au pouvoir il aurait pu
user de son influence dans le gouvernement
et utiliser son éloquence en chambre pour
obtenir justice égale pour le Haut-Canada, et
libérer ainsi ses amis des difficultés contre
lesquelles ils luttaient. Au lieu de cela, il
s'adjoignit à un gouvernement qui niait à,
ses membres le privilége de voter pour la
représentation d'après le nombre, à un gouvernement qui en fit une question dont la
discussion devait être ajournée, et qui, au
lieu de la traiter comme il eut dû le faire,—
ne nous donnant pas même l'espérance pour
l'avenir,—adopta a l'égard de cette grande
question, une politique qui laissa dans les
ténèbres ceux qui luttaient pour sa solution.
Quant au gouvernement, après sa reconstruction, je crois pouvoir dire qu'il était
entendu
que ses membres ne voterarent pas pour elle.
M. FERGUSSON—N'importe quels aient
été leurs priviléges, nous savons tous qu'ils
n'ont rien fait pour le règlement de cette
question, et cela tandis qu'ils eussent pu voir
que pour eux il eut mieux valu qu'ils vinsent
franchement déclarer qu'il fallait que justice
égale existât pour le Haut et le Bas-Canada.
Comme c'était la mon impression, M. l'ORATEUR, et voyant qu'on ne pourrait changer
la constitution d'une manière qui fut avantageuse au Haut-Canada, je me rappelai que
958
j'avais un devoir à remplir; je compris que
sion n'opérait pas le changement désiré par
nous, je ne devais pour cela faire comme le
chien couché dans la crèche. Je reconnus
qu'il valait mieux adopter n'importe quel
projet plutôt que de souffrir encore des difficultés que nous endurons depuis si longtemps,
et je dis aux hon. députés du Bas-Canada
que si c'était là la politique qu'ils devaient
suivre, ils changeaient par ce fait considérablement mes dispositions. Une autre chose
quis. produit un singulier effet dans mon
esprit, c'est le rapport du col. JERVOIS sur
les défenses de notre pays. Il m'est impossible de ne pas dire que les discours prononcés
dans le parlement anglais, et ni avaient
pour but d'exprimer l'absence de sympathie pour le Canada et le désir que ce pays
fut abandonné à lui-même, m'ont grandement déplu; et bien que je crois avoir un cœur
loyal et que je sois lié par de puissantes obligations au maintien de la suprématie
anglaise,
j'ai trouvé singulier que des hommes d'Etat
de l'Angleterre aient manifesté la volonté de
nous voir passer a une puissance étrangère.
Mais le col. JEBVOIS a été envoyé en ce
pays pour constater quels travaux de défense
seraient nécessaires pour résister à l'agression
dans le cas où le malheur voudrait qu'une
guerre éclatàt; or, quand je constate qu'il
dit dans son rapport que notre pays est
difficile; défendre, et que dans ce but il
nous faudrait une armée considérable, et
lorsque je vois que le gouvernement britannique, fidèle à ses antécédents, a décidé
de
nous venir en aide sous ce rapport, cela me
console et me donne à penser que dans les
circonstances actuelles il ne serait pas de
mon devoir de refuser mon adhésion à la
mesure du gouvernement, et cela quand je
sais que la vie et la propriété de mes commettents, au nombre de 30,000, sont en tout
temps exposées à une attaque par les armées
de toute puissance étrangère. (Ecoutez!
Il me semble que la mise à exécution de la
mesure donnera lieu à beaucoup de dépenses
et de difficultés; mais pour soleil ne s'ensuit
pas que je doive la rejeter, quand par elle
nous aurons le secours qui nous sera si
nécessaire. Plus qu'aucun autre pays, les
Etats-Unis sont peut-être disposés à chercher
noise a leurs voisins, parce que chez aux
l'idée universelle est qu'ils doivent pratiquer
la doctrine Messes jusqu'à ce qu'ils soient
maitre de tout le continent américain. Le
peuple américain est maintenant porté à la
guerre, dont il pratique l'art dans son propre
sein depuis quatre ans; il fait montre de
peu de sympathie pour ceux qui ont eu
d'étroites relations d'affaires avec lui, ui
ont randi avec lui, et tout me porte à crorre
qu'i n'aurait aucun égard pour nous dans le
cas d'un conflit avec nous ou avec la mère- patrie. Nous sommes dans une position
très difficile. Les Américains ont déjà
fait beaucoup pour provoquer la colère
de l'Angleterre et insulter le Canada. En
ce moment, ils parlent d'abroger le traité
de réciprocité et le système d entreposage.
Ils ont imposé un système de passeports qui
n'a été abandonné que depuis peu. Eh bien!
voyant qu'on ne pouvait obtenir justice pour
le Haut-Canada; voyant que les ministères
tombaient l'un après l'autre sans avoir rien
fait, et quelle était notre position vis-à-vis
des Etats-Unis, je renonçai de faire de l'opposition au nouvel arrangement. Lorsque
je vie aussi, il y a quelques jours, le téléramme relatif aux débats dans la chambre
des lords; lorsque je vie que le peu le anglais s'occupait tant des affaires canadiennes,
et que dans la chambre haute il avait été
déclaré qu'il ne serait pris aucune mesure
concernant la compagnie de la Baie d' Hudson,
avant que des renseignements ne fassent reçus
du Canada, au sujet du système fédéral;
lorsque je vis qu'on voulait être avec nous,
en paix comme en guerre, et que l'on nous
disait: " Aidez-vous et l'on vous aidera,"
j'ai reconnu que forcément nous devions
adopter ces résolutions. (Ecoutez!) Comme
l'hon. ami qui a parlé aujourd'hui, je ne
crois pas que dans trois ans on demandera
encore l'annexion. Je crois qu'au bout de
ce temps nous serons un peuple stable, que
nous serons capables de repousser une agression; que nous aurons acquis une position
plus marquante aux yeux de l'Angleterre et
du monde entier, et que nos frontières
s'étendrent du Canada à la Rivière-Bouge
ou à la Saskatchewan. Je partage l'opinion
d'un autre hou. député qui a parlé aujourd'hui, et qui ne désire pas voir les jeunes
gens de ce pays émigrer ailleurs quand, penant bien longtemps encore, il y aura place
ici pour eux. Je désire que nous gardions
parmi nous les jeunes gens et les vieux aussi,
tant qu'ils vivront. (Ecoutez! écoutez!)
L'Angleterre, qui va faire beaucoup pour
nous, sous d'autres rapports, se chargera
bien de coloniser cette contrée; pour nous
elle ne sera pas une méchante mère; quand
elle nous aura mis dans une position difficile,
elle ne demandera pas a ses enfants d'en
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supporter tout le poids. Mais pour que cette
prétention soit juste, il faut que nous nous
mettions à l'œuvre nous-mêmes, si nous
sommes de vrais Bretons; si en ne s'y met
pas, on sera exposé à l'insulte, et l'insulte
est pire qu'un tort que l'on pourrait nous
faire. Plutôt que d'y-être exposés, j'aime'
mieux courir le risque d'une plus grande
dette ue celle que nous avons, et d'être
obligé de sacrifier quelque chose de mon avoir.
En cela, j'exprime l'opinion de mes mandataires, lesquels ne m'ont chargé de rien
de
plus que de faire pour eux ce que je 'croirais
le mieux. J'ai fait de cette contrée mon
pays d'adoption, et il est évident que tout le
tort que je pourrais faire à ses enfants, les
miens aussi auront à. en souffrir, (Ecoutez!)
Quel que puisse être le résultat du projet,—
et j'espère qu'il ne sera pas aussi fâcheux que
des hon. membres paraissent le croire,—
j'entretiens l'espoir que nous prendrons tels
arrangements avec les provinces maritimes,
s'il y a lieu, qui auront pour résultat une
union durable. Je crois que dans le cours
de l'été prochain, nous verrons ici des
millions de capitaux anglais se dépenser
pour nos travaux de défense, et je vois
clairement que nous allons être obligés
de contracter des dettes à cet effet. Mais
nous avons un autre devoir à remplir:
préparer des hommes our le service
de nos fortifications. 'Angleterre ne
pourra nous fournir tous les hommes et
tout l'argent nécessaires aux défenses de la
province. Cette tâche appartiendra à nos
jeunes gens ainsi qu'aux hommes d'un
moyen age. Si on ne s'acquitte pas de cette
tâche, en ne sera pas digne du nom de
peuple, ni des droits, libertés et privilèges
ont nous jeuissons. Je ne retiendrai pas
la chambre bien longtemps; je dois dire,
toutefois, qu'une observation que j'ai entendu faire aujourd'hui m'a paru très peu
charitable. La chambre me croira si je lui
dis qu'autant que d'autres j'ai été étonné
de voir un gouvernement formé d'hommes
de différents partis; mais, M. l'ORATEUR,
j'en suis venu à la conclusion que la position
des partis à cette époque, et la conduite de
quelques uns des amis du ministère d'alors,
ont été la cause de cette coalition; et je ne
blâme pas les conservateurs, qui étaient dans
ce gouvernement d'y avoir fait entrer d'autres
messieurs, si en le faisant ils favorisaient les
intérêts du pays. J'ai entendu dire que
quelques membres du gouvernement n'avaient
d'autre mobile que leur propre intérêt, que
le désir de satisfaire leur ambition; mais
je ne manquerai point de charité jusqu'au
point de formuler contre eux cette accusation. Je crois que, personnellement, ils
ont
eu beaucoup de peine à en venir à cet
arrangement, et je serais mortifié de dire
qu'ils ont accepté un portefeuille dans
d'autres vues que celles de satisfaire leur
conscience. Je ne doute nullement, M.
l'ORATEUR que leur but est le bien du
pays, et non la vaine gloire d'être ministres
pendant quelques années. (Ecoutez!) J'ai
l'espoir qu'ils rempliront leurs devoirs
comme ministres de manière à ce que le
peuple soit content d'eux. (Ecouterz
écoutez!} Je crois, M. l'ORATEUR que le
cabinet compte des ministres qui feraient
beaucoup plus d'argent a exercer leurs professions qu'à gouverner le pays, et j'espère
qu'ils seront aussi économes que possible
dans toutes les dépenses, tout en ne perdant
pas de vue les travaux de défenses nécessaires pour mettre fin aux craintes suscitées
par les alarmes et menaces de chaque jour.
Si à la fin nous arrivons à une union des
colonies, de bons résultats en découleront.
Je pense que nous n'en aurons de
mauvais à appréhender,—bien qu en ce
moment, si cela m'était permis, je remédieraia
à quelques—uns des détauts de ces 72 résolutions. Il est une chose, par exemple, que
je regrette: c'est que la clause concernant
l'instruction publique ait été insérée sous la
ferme qu'elle a dans ces résolutions. Je
regarde comme un fait déplorable que le
système des écoles séparées soit maintenu
dans le Haut-Canada, attendu que la nouvelle
constitution se trouve contenir ainsi un
brandon de discorde. Bien qu'en 1863, le
nombre des enfants catholiques fréquentant
les écoles dans le Haut-Canada fut de 52,000,
de ce nombre pas plus de 15,000 ont
fréquenté les écoles séparées.
M. FERGUSON—J'en demande pardon
à l'hon. préopinant, mais je ne me trompe
pas. Je tiens mes renseignements du surintendant de l'instruction, le Dr. RYERSON.
Et, à ma propre connaissance, je puis dire
que dans deux localités où ont été établies
des écoles séparées, les catholiques en sont
devenus fatigués. Je suis convaincu que
maintenant ils eonsentiraient volontiers à ce
que leurs enfants reçussent leur éducation
avec ceux du reste de la société sachant
bien que leur religion ne coure aucun
danger et que leur conscience, par consé
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quent, ne serait pas par la engagée. (Ecoutez! écoutez!) J'espère que le jour viendra
où cette question sera envisagée, non
pas au point de vue de l'église à laquelle ils
appartiennent, mais bien a celui qui sera le
pus avantageux à l'éducation de leurs enfants, qui pourront alors grandir en paix
avec les autres. Je le répète, je déplore
ne ce sujet fasse partie des résolutions.
J'avais préparé une motion a cet effet et
une autre à l'égard de nos canaux, de sorte que
je suis chagrin qu'il ne me soit pas laissé
d'occasion de les mettre en délibération. J'espère, cependant, que les promesses de
l'hon.
président du conseil se réaliseront, et qu'un
canal, c'est-à-dire une voie de communication directe et non interrompue du lac
Huron à Québec, sera un fait accompli
avant qu'il ne soit longtemps. Le peuple du
Haut-Canada sera très désappointé et très
mécontent si cette amélioration est négligés
par les ministres actuels; s'il se rendent
coupables de cette négligence, ils peuvent
être assurés que l'opinion haut-canadienne
ne tardera pas a se manifester, et que,
comme bien d'autres qui les ont précédés,
il leur faudra dire adieu à leurs portefeuilles.
(Ecoutez! écoutez!) Puisque les fonds versés
par le Haut-Canada sont dépensés dans le
Bas-Canada, nous insistons sur ce que le
gouvernement s'occupe sérieusement des
améliorations nécessaires à la prospérité du
premier; car, dans le Haut-Canada, il n'est
pas un homme qui ne voie la nécessité
d'améliorer notre navigation de manière à
ce qu'elle conduire jusqu'à la mer. Si cette
amélioration se fait, on ne se plaindra pas
trop de la construction du chemin de fer
intercolonial, bien qu'on aimerait qu'il fut
construit à meilleur marché. Pour terminer,
je dis que, malgré toutes les objections que
je puis avoir aux détails, cependant, nos
relations avec le pays voisin, nos travaux de
défense et notre position menacée me forcent,
bien qu'avec répugnance, à voter pour ce
projet. (Applaudissements.)
La chambre se divise ensuite sur la question
préalable:—" Que la question soit maintenant mise," et elle est adoptée sur la
division suivante:—
Penn. —MM. Alleyn, Archambeault, Ault,
Beaubien, Bell, Bellerose, Blanchet, Bowman,
Bown, Brousseau, Brown, Burwell, Cameron
(Peel), Carling, Proc.-Gén. Cartier, Cartwright,
Cauchon, Chambers, Chapais, Cockburn, Cornellier, Cowan, Currier, De Boucherville,
Denis,
De Niverville, Dickson, Dufresne (Montcalm),
Dunsford, Ferguson (Frontenac), Ferguson (Simcoe Sud), Galt, Gaucher, Harwood, Haultain,
Higginson, Howland, Irvine, Jackson, Jones
Leeds Nord et Grenville), Jones (Leeds Sud),
Knight, Langevin, Le Boutillier, Proc.-Gén.
Macdonald, MacFarlane, Mackenzie (Lambton),
Mackenzie (Oxford Nord), Magill, McConkey,
McDougall, McGee, McGiverin, McIntyre,
McKellar, Morris, Morrison, Pope, Poulin,
Poupore, Rankin, Baymond, Rémillard, Robitaille, Rose, Ross (Champlain), Ross (Dundee),
Ross (Prince-Edouard), Scoble, Shanly, Smith
(Durham Est), Smith (Toronto Est), Somerville, Stirton, Street, Sylvain, Thompson,
Walsh,
Webb, Wells, White, Willson, Wood Wright,
(Comté d'Ottawa) et Wright (York Ést).—-85.
Contre.—MM. Biggar, Bourassa, Cameron
(Ontario Nord), Caron, Coupal Dorion (Drummond et Arthabaska), Dorion (Hochelaga)
Duckett, Dufresne (Iberville), Evanturel, Fortier,
Gagnon, Gaudet, Geoffrion, Gibbs, Holton
Honda, Huntington, Huot, Joly, Labreche-Viger,
Laframboise, Lajoie, Macdonald (Cornwall), Mac
donald (Glengarry), Macdonald (Toronto Ouest),
O'Halloran, Pâquet, Parker, Perrault Pinsonneault, Pouliot, Powell, Rymal, Scatcherd
Tes.
chereau, Thibandeau Tremblay et Wallbridge
(Hastings Nord).—39.
La question étant mise sur la motion principale (de l'hon. M. le procureur- général
MACDONALD), elle est adoptée sur la division
suivante:—
Pour.—MM. Alleyn, Archambeault, Ault,
Beaubien, Bell, Bellerose, Blanchet, Bowman,
Bown, Brousseau, Brown, Burwell, Cameron
(Peel), Carling, Proc.-Gén. Cartier, Cartwright,
Cauchon, Chambers, Chapais, Cockburn, Cornellier, Cowan, Currier, Boucherville, Denis,
De Niverville, Dickson, Dufresne (Montcalm),
Dunsford, Evanturel Ferguson (Frontenac),
Ferguson (Simcoe Sud), Galt, Gaucher, Gaudet
Gibbs, Harwood, Haultain, Higginson, Howland
Huet, Irvine, Jackson, Jones (Leeds Nord et
Granville), Jones (Leeds Sud), Knight, Langevin,
Le Boutillier Proc.-Gén. Macdonald, MacFarlane,
Mackenzie (Lambton), Mackenzie (Oxford Nord),
Magill, McConkey, McDougall McGee, McGiverin, McIntyre, McKellar, Morris, Morrison,
Parker, Pope, Poulin, Poupore, Powell, Rankin,
Raymond, Rémillard, Robitaille Rose, Ross
(Champlain), Ross (Dundas), Ross (Prince- Eduard), Scoble Shanly, Smith (Durham Est),
Smith (Toronto Est), Somerville, Stirton, Street,
Sylvain, Thompson, Walsh, Webb, Wells, White,
Willson, Wood, Wright (Comté d'Ottawa), et
Wright (York Est.)-91.
Contre—MM. Biggar Bourassa, Cameron
(Ontario Nord), Caron, Coupal, Dorion (Drummond et Arthabaska) Dorion (Hochelaga),
Duckett, Dufresne (Iberville), Fortier, Gagnon,
Geoffrion, Holton, Honda, Huntington, Jol
Labreche-Viger, Laframboise, Lajoie, Macdonald
961
(Cornwall), Macdonald (Glengany), Macdonald
(Toronto Ouest), O'Halloran, Pâquet, Perrault,
Pinsonueault, Pouliot, Rymal, Scatcherd, Teachereau, Thibaudeau, Tremblay et Wallbridge
(Hastings Nord).—33.
La séance est ensuite levée.