L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD propose "qu'une humble adresse soit présentée
à Sa Majesté, demandant qu'il
lui plaise
gracieusement de soumettre au parlement
impérial une mesure a l'effet
d'unir les
colonies du Canada, de la Nouvelle-Ecosse,
du Nouveau Brunswick, de Terraneuve
et de l'Ile du Prince-Edouard en un seul
gouvernement, d'après certaines dispositions basées sur les résolutions adoptées a
une conférence de délégués de ces colonies,
tenue en la cité de Québec le 10 octobre
1884."
*—Monsieur l'Orateur,—C'est pour
remplir la promesse faite par le gouvernement à cette chambre, lors de la dernière
session, que j'ai reposé cette résolution.
J'ai eu l'honneur d'étre chargé par le gouvernement de soumettre un projet de confédération
de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord,
projet qui, je
suis heureux de le dire, a été accueilli par
une approbation générale, sinon universelle en Canada. Le projet tel qu'exposé par
la
presse n'a, pour ainsi dire, rencontréaucune
opposition. Ça et la il y a au des dissentiments sur certains détails, mais, comme
ensemble, le projet a reçu une
approbation
presqu'universelle, aussi est-ce avec la plus
grande satisfaction que le gouvernement le
soumet aujourd'hui à la chambre.
Cette
question, qui préoccupe aujourd'hui non-
seulement le Canada mais toute l'Amérique
Britannique du Nord, n'est pas nouvelle.
Depuis plusieurs années elle a plus au moins
attiré l'attention de tous les hommes d'état,
et de tous les hommes politiques de ces
provinces, et les plus clairvoyants y ont vu
le moyen de décider et régler des questions
vexatoires qui ont retardé la prosperité des
colonies en général et du Canada en parti
27
culier.
Nombre de publicistes et d'hommes
politiques ont appelé l'attention sur
le sujet,
mais je crois que l'éveil a été
donné à la
législature, il y a quelques années, par mon
hon. ami le ministre des
finances. Dans
un discours éloquent, alors qu'un des
membres indépendants de cette
chambre et
qu'il n'était lié à aucun
gouvernement, il
développa ses vues avec son énergie habituelle. Mais aucun parti n'avait fait entrer
cette question dans son programme jusqu'à
la formation du ministère CARTIER-MACDONALD, en 1858, époque à
laquelle ce
ministère annonça ofiiciellement que ce serait
une des mesures qu'il tenterait de mener à
bonne fin, s'il était possible ; en vue de cette
promesse, trois membres du
cabinet adressèrent au ministre des colonies la fameuse
dépêche si souvent commentée par les journaux et dans cette chambre. Toutefois, ce
projet accueilli
favorablement par le pays,
sans distinction de partis
politiques, ne prit
ses proportions actuelles qu'à la dernière
session. A cette époque, les hommes de tous
les partis et de toutes les nuances politiques
étaient alarmés de l'aspect
général de nos
affaires. Il devint évident pour eux que
l'antagonisme entre les deux sections de la
province, le danger d'une anarchie imminente, fruit d'opinions irréconciliables sur
la
représentation d'après la population dans le
Haut et le Bas-Canada, nous présageaient
une triste succession de gouvernements faibles, en majorité et en influence, incapables
par-là même de réaliser aucun
bien. Les
élections générales se succédaient rapidement
et de même se succédaient les ministères
sans aucun résultat. La force des
partis
était tellement égale qu'une seule voix povait décider du sort de
l'administration et
de la marche de notre législation pour une
ou plusieurs années a venir. Cet état de
choses était bien propre à éveiller la sérieuse
attention des vrais amis du pays.
Or, tel a
été l'effet produit, je suis
heureux de le dire.
L'état précaire de nos affaires, les graves
appréhensions d'une anarchie qui
aurait
ruiné notre crédit, détruit notre prospérité
et anéanti notre progrès, firent
surtout impression sur les membres du
parlement
actuel, et les chefs, des deux côtés de la
chambre, semblèrent tous en être
arrivés à
la conclusion qu'il fallait prendre
des mesures pour faire sortir le pays
de l'impasse où il se trouvait et nous mettre
à l'abri d'une anarchie
menaçante. Dans
ce but, mon hon. collègue, le président
du conseil, : fit une motion basée sur la
dépêche adressée au ministre des
colonies,
que je viens de mentionner ; et il fut
formé un comité composé des membres
des
deux côtés de la chambre, pris dans
toutes
les nuances politiques, sans considérer
s'ils
appuyaient l'administration du jour ou s'ils
lui étaient opposés, à l'effet d'examiner à
fond et avec calme les maux qui menaçaient
l'avenir du Canada. La motion de mon
hon. ami eût les meilleurs résultats. Le
comité, par une sage disposition, et afin
ne chaque membre fût mis à même d'exprimer librement ses opinions sans se
compromettre devant le public ou devant son
parti, et sans avoir à tenir compte dans cette
expression, ni de ses amis, ni de ses ennemis
politiques, décida que la
discussion aurait lieu
librement et sans tenir compte des antécédents politiques d'aucun de ses membres,
et
que de plus il siégerait à huis-clos
afin de
pouvoir aborder la question franchement et
avec le ferme désir d'en venir à un compromis. Les membres les plus influents de la
chambre formaient ce comité,—(j'eus
moi-
méme l'honneur d'en faire partie),——dans
lequel se manifesta immédiatement un ardent
désir, un louable désir, pour dire le vrai
mot, d'aborder honnêtement le sujet en
recherchant une solution qui arracherait le
Canada aux malheurs dont il était
menacé.
Le rapport de ce comité fut soumis à
la
chambre, et alors commença la partie politique du rôle des membres les plus influents
de cette assemblée ; quelques jours plus tard,
le gouvernement actuel était forme. Le
principe de la formation de ce gouvernement
iut rendu public et est aujourd'hui connu
de tous. Le grand but était la
question deja
réglée en partie par les résolutions que j'ai
eu l'honneur de vous communiquer. On sait
que les difficultés et les
répugnances n'ont
pas manqué dans la formation du cabinet
actuel. Les membres qui le
composent
avaient, pendant de longues années, été
ennemis politiques, et cette haine avait,
dans plusieurs cas, affecté jusqu'à
leurs relations sociales. Mais la crise était forte, le
danger imminent, et les ministres actuels
crurent devoir mettre de côté leurs sentiments personnels, sacrifier jusqu'à
un certain point leur position, et même courir le risque
de voir leurs motifs mal
interprétés, afin
de pouvoir ainsi arriver à une
conclusion
satisfaisante pour le pays en général. Les
résolutions actuelles en furent
le resultat. Je l'ai déjà dit, je suis fier de songer
que le nous a approuvés, et j`espère que cette chambre ratifiera le projet que
28
nous lui soumettons pour le gouvernement
futur de l'Amérique Britannique du Nord.
(Applaudissements.) Tout a semblé favoriser ce projet, et tout paraît démontrer que
l'époque actuelle est celle qui doit voir
s'accomplir cette umon grandiose de tous les
sujets de Sa Majesté dans l'Amérique Bri tannique du Nord, si. jamais elle doit
avoir lieu. (Ecoutez! écoutezl)
Lors de
la formation de la présente administration,
on crut que les difficultés qui empêchaient
l'union de toutes les provinces étaient très-
grandes, et elles parurent, même à
plusieurs,
insurmontablcs. C'est pourquoi le gouvernement était décidé, dans le cas où il ne
pourrait effectuer cette union,
de faire sortir
le pays de la crise sans fin où l'avaient
plongé les luttes du Haut et du Bas-Canada,
au moyen d'une modification de l'union
actuelle des deux provinces en une union
fédérale. La plupart d'entre nous, cependant, et je pourrais dire tous, pensèrent
qu'il valait bien mieux étendre cette union à toutes les provinces, et
s'accordèrcnt à
croire ce projet supérieur, du moment qu'il
serait réalisable, à celui de la
fédération du
Haut et du Bas-Canada seulement.
Un
concours heureux de circonstances nous
permit d'en faire, aux sœurs colonies, la
proposition avec espoir de succès. Presque
dans le même temps, en effet, les provinces
maritimes ayant manifesté le désir de s'unir
entre elles et exprimé la
nécessité de se
donner plus de force par une union plus
étroite, tinrent, dans l'Ile du Prince
Edouard, une convention composée de délélégués de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-
Brunswick et de l'Ile du
Prince Edouard,
nommés par les gouvernements respectifs
de chacune de ces colonies, pour s'entendre
sur un projet d'union quelconque. Personne
ne savait encore si cette union devait être
législative ou fédérale, mais ce
que tous
voulaient, c'était d'arriver à une mesure qui
aurait l'efi'et de ne faire qu'un seul peuple
de trois peuples différents. Ayant appris
ces faits et sachant que si nous laissions
échapper cette circonstance dans laquelle
ces provinces, brisant leur organisation
politique actuelle et se préparant à en inaugurer
une nouvelle, une pareille occasion ne se
présenterait plus, nous en profitâmes pour
leur demander si elles consentiraient à recevoir, à Charlottetown, une députation
du
Canada qui leur exposeruit les avantages
d'une union plus étendue opérée par l'association de toutes les colonies anglaises
de
l'Amérique du Nord en un seul gouverne
ment soumis à un même souverain. Elles
consentirent sans difficulté à nous recevoir
et à nous entendre, et nous accueillirent avec
une grande cordialité, en nous exprimant le
désir d'apprendre quelles étaient nos idées
sur la question. Nous fîmes part aux délégués de nos vues assez longuement et pûmcs
tellement les satisfaire par les raisons ne
nous apportâmes à leur appui,
et si bien es
convaincre des avantages d'une union générale sur une union particulière qu'ils mirent
de suite de côté leur propre projet et se
rallièrent à l'idée de former
une grande
nation et un gouvernement fort. (Applaudissements.) Nous revînmes à
Québec
pleins de courage et d'espoir de cet arrangement quoiqu'il manquàt de la
sanction officielle, et c'est alors que le gouvernement du Canada invita ceux de toutes
les sœurs provinces à se faire représenter à une convention qui
devait être
tenue à Québec, dans le but
d'étudier la
question, en leur nom et avec leur sanction.
Notre invitation fut agréée, et le 10 octobre,
jour de l'ouverture de la convention, sous
l'influence des discussions approfondies et
libres qui avaient eu lieu à Charlottetown, la
première des résolutions, maintenant devant
cette chambre, fut votée à
l'unanimité et au
milieu des acclamations. Il ne vint pas même
à l'esprit de personne que cette
proposition
ne dût pas recevoir et ne reçût pas a sanction de chacun des gouvernements et de
chacune des colonies. Voici cette proposition, savoir:——" Une union fédérale sous
la couronne de la Grande-Bretagne aurait
l'effet de sauvegarder les
intérêts les plus
chers et d'accroître la prospérité
de l'Amérique Britannique du Nord,
pourvu
qu'elle puisse s'effectuer à des conditions
équitables pour les diverses provinces."
Il parut à tous les hommes
d'état qui
composaient la convention,—car les provinces
maritimes comptent des hommes
politiques
très-distingués, des hommes qui
feraient
honneur à n'importe quel
gouvernement et à
n'importe quelle législature de pays libres,—
il leur parut, dis-je, évident que les intérêts
les plus essentiels, et du présent et de l'avenir
de l'Amérique Britannique du Nord, ne
pourraient être mieux
sauvegardés que par
une union fédérale sous la couronne de la
Grande-Bretagne. En effet, il doit sembler
au peuple de ce pays, que si nous voulons
tous devenir une grande nation, si nous voulons former une grande
nationalité,—quelque
malsonnant qu'ait pu paraître ce
met aux
29
oreilles de certains députés à l'une des
séances précédentes,-une
nationalité qui
commande le respect au dehors et puise
défendre ces institutions dont nous sommes
si orgueilleux ; si nous voulons n'avoir
qu'une forme de gouvernement, et fonder
une union commerciale et une réciprocité
absolue d échanges entre cinq colonies déjà
unies par une communauté
d'origine, de souveraineté, d'allégennce et presque de sang et
d'extraction ; si nous voulons nous mettre en
état de nous accorder, les uns aux autres, les
secours d'une défense mutuelle
contre les
aggressions de l'étranger,—le seul moyen
d'arriver à ce magnifique résultat
est de
soumettre à une organisation
quelconque,
mais uniforme, les diverses
provinces de
l'Amérique Britannique du Nord.
(Applau—
dissements.) L'énonciation seule
du sujet
suffit ce me semble, pour
emporter l'approbation. Supposons que dans le
printemps de
1865, il arrive un demi-million
d'individus de
l'Angleterre en Canada pour s'y
établir ;
quand même n'apporteraient-ils
avec eux
que leur robuste charpente et des cœurs
bien disposés ; quand même ils ne
seraient
ni industrieux ni riches, ne les
recevrions-
nous pas à bras ouverts, ne saluerions-
nous pas leur arrivée chez nous
comme
une accession à notre puissance? Mais,
lorsque nous voyons que par l'union pro
jetée, nous nous adjoindrons près d'un
million d'individus qui augmenteront, non-
seulement l'importance du chiffre
de notre
population, mais encore notre force unaté rielle,—qui sont résolus de mettre à
profit les
ressources de leur position,-quise composent
de sociétés déjà anciennes, et qui possèdent
par conséquent, une assez grande somme de
richesse,—qui ont acquis
l'habilité, l'expérience et l'habitude de la vie du nouveau
monde,—qui sont aussi canadiens,
j'oserai
dire que nous, qui sont animés de
la même
loyauté envers la Reine, et du même désir
de rester unis à la métropole,—qui ont avec
nous un vif attachement pour leur
nouvelle
patrie et pour laquelle, s'il
était nécessaire,
ils combattraient et verseraient
leur sang !
oui, je le répète, en voyant ces
choses, il serait
bien avaugle celui qui refuserait de croire
aux avantages de l'union projetée.
(Ecoutez !
écoutez !) Revenant maintenant à la situation critique de nos propres affaires ; je
dis
qu'on ne pouvait suggérer que trois moyens
de tirer le Canada des
difficultés fâcheuses
qui l'entouraient, de le faire sortir de
l'état
d'anarchie et de souffrance où
il se trouvait,
et de lui assurer un état de prospérité. L'un
était la dissolution de l'union entre le
Haut
et le Bas-Canada. les laissant comme ils
étaient avant l'union de 1841. Je crois
qu'une telle proposition ne trouverait pas
aujourd'hui un seul partisan. L'on a senti que,—-bien que cela eût mis fin aux pressantes
demandes du Haut-Canada pour la
représentation d'après la population, et à la crainte
de la part du peuple du Bas-Canada de voir
ses institutions en danger par
une telle mesure,—cette dissolution eût été un pas rétrograde qui aurait repoussé
le pays
vers la
position qu'il occupait avant l'union, et eût
diminué le crédit de tout le Canada; l'on a
senti, dis-je, que cela eût brisé un lien qui
existe depuis vingt-cinq ans, et
qui, sans
avoir pu réussir à écarter
les jalousies de
localité que les circonstances
avaient créées
avant l'union, n'en a pas moins duré un
temps assez considérable,
pendant lequel la
province entière a joui d'une prospérité
marquée et sans cesse
croissante. L'on a
senti que cette dissolution eût détruit le
crédit que nous avons acquis par cette union
de deux provinces faibles et insignifiantes,
et qu'en y ayant recours, nous nous exposions
à rabaisser notre niveau au lieu
de nous
élever au rang d'une nation puissante.
[Ecoutez ! écoutez !] L'autre moyen par
lequel cet état d'anarchie
pouvait avoir
un terme, eut été d'accorder au Haut-
Canada la représentation d'après la population. Nous savons tous de quelle manière
cette question est
envisagée par le
peuple du Bas-Canada, et que, pendant que le désir du Haut-Canada pour
s'assurer une
juste représentation, devenait de plus en plus
vivace, la résistance du Bas-Canada gagnait
aussi en énergie. Si une solution telle que la
confédération ne se fut pas présentée pour
mettre fin aux difficultés de
province à
province qui existent, la représentation
basée sur la population était le seul
moyen qui restait à adopter. Peu
importe que le Bas-Canada eût
prétendu que
c'était une violation du traité d'union, et
qu'une telle réforme entraînerait la ruine de
ses intérêts locaux, il est certain que la force
des choses nous ont amenés à
recourir à la
représentation basée sur le nombre ; et je ne
pense pas que c'cût été dans l'intérêt du
Haut-Canada. Telle a toujours été ma manière d'envisager le sujet. Ce que le Haut-
Canada aurait regardé comme un droite à
réclamer et à exercer, eut été
certainement
envisagé par le Bas-Canada comme une injustice et un danger ; les bas-canadiens,
au lieu
de concourir de bonne volonté à l'exercice
30
de ce nouveau régime comme nationalité
représentée par des chefs et
soumise à des
principes, n'auraient vu dans ce changement
constitutionnel que leurs intérêts menacés,
et n'auraient plus écouté que le désir de
sauvegarder leurs institutions,
leurs lois et
leur avenir matériel. [Ecoutez !
écoutez !]
Le troisième et seul moyen d'obtenir une
solution à nos difficultés était une confédération des provinces, par une union, soit
fédérale, soit législative. Or,
quant aux avantages
comparatifs d'une union législative et d'une
union fédérale, je n'ai jamais hésité à
dire
que si la chose était praticable, une union
législative eût été préférable. (Ecoutez !
écoutez !] J'ai déclaré maintes et maintes
fois que si nous pouvions avoir un gouvernement et un parlement pour toutes les provinces,
nous aurions eu le gouvernement
le meilleur, le moins dispendieux, le plus
vigoureux et le plus fort. [ Ecoutez ! écoutez !]
Mais en considérant ce sujet et
en le discutant, comme nous l'avons fait dans la conférence avec le désir d'en venir
à
une solution satisfaisante, j'ai trouvé que ce système
était impraticable. Et, d'abord, il ne saurait
rencontrer l'assentiment au peuple du Bas-
Canada qui sent que, dans la position
particulière où il se trouve comme minorité, parlent un langage différent, et professant
une foi différente de la
majorité
du peuple sous la confédération, ses institutions, ses lois, ses associations nationales,
qu'il estime hautement, pourraient
avoir à en souffrir. C'est pourquoi il a été
compris que toute proposition qui
impliquerait l`absorption de
l'individuaiité du Bas-
Canada, ne serait pas reçue avec faveur par
le peuple de cette section. Nous avons
trouvé, en outre, que quoique le peuple
des provinces inférieures parle la même
langue que celui du Haut-Canada et soit
régit par la même loi,—loi basée sur le
droit anglais,—il n'y avait, de la part de ces
provinces, aucun désir de perdre leur individualité comme nation, et qu'elles partageaient
à cet égard, les mêmes dispositions que le
Bas-Canada. (Ecoutez ! écoutez.) C'est
pourquoi, après mûre
considération du sujet
et des avantages et désavantages des deux
systèmes, nous nous
aperçûmes que l'union
législative ne ralliait pas toutes les opinions,
et qu'il ne nous restait qu'à
adopter l'union
fédérale comme seul système acceptable,
même aux provinces maritimes. Une autre
objection contre une union législative
naissait du fait que, quoique les provinces maritimes eussent une loi com
mune dérivant de la même source que
celle du Haut-Canada, chacune d'elles possédait cependant un certain nombre de lois
qui lui étaient propres,—telles, par exemple,
que la loi sur la propriété, la loi municipale,
la loi des cotisations, la loi pour la protection
des biens et de la liberté des sujets: et
chacun peut se convaincre qu'avec une telle
diversité de législation, il eût
été hors de
question de songer à placer toutes ces provinces sous une union législative.
Car, M.
l'Orateur, comment eu-til pu être possible
d'assimiler tout le système de lois locales et
générales de ces colonies, lorsqu'on se représente les innombrables sujets de législation
que l'on trouve dans tous les jeunes pays, et
lorsqu'on songe au fait que chacune des cinq
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord avait ses lois
particulières auxquelles
le peuple était attaché et accoutumé. (Ecoutez ! écoutez !) Le Haut-Canada est en
position de mieux comprendre que qui ce
soit, à cause de ses institutions municipales
particulières, combien il eût été difficile
d'embrasser dans un même système général
toutes les mesures locales, de manière à satisfaire les désirs et les exigences de
plusieurs
provinces. Qui ne sait que même
les lois
qu'on regarde comme les moins importantes,
telles que celles réglant la coupe des arbres,
les priviléges particuliers sur les routes, les
clôtures, et mille autres de ce genre, sont
envisagées comme ayant une importance
vitale par la population agricole qui forme le
noyau le plus considérable de la population
d'un pays? Aussi, voyant que chaque colonie
avait des lois de cette nature, et qu'il s'écoulerait des années avant qu'elles passent
être assimilées, avons-nous compris de suite
que, dans tous les cas, toute législation
commune serait presque impossible. Je suis
heureux de dire à cette Chambre
qu'en ce
qui regarde les provinces
inférieures, leurs
délégués exprimèrent le désir de voir une
assimilation finale de nos lois ; en effet,
une
des propositions, comme le démontrent les
résolutions, comportait qu'on tenterait l'assimilation des lois des provinces maritimes
avec celles du Haut-Canada, dans le
but d'en venir à
l'établissement définitif
d'un seul système basé sur la loi commune d'Angleterre, la source de toutes
les lois de ces provinces. La grande
objection à l'union fédérale est la dépense
occasionnée par une augmentation du nombre
de nos législatures. Je
n'insisterai pas sur
ce point, mais mon hon. ami, le ministre
des finances, beaucoup plus habile que moi
31
à traiter ce genre
de questions, pourra démontrer, je I espère, qu'elle ne sera pas plus
grane qu`à présent. (Ecoutez ! écoutez_l)
En effet
nous avons aujourd'hui une législature commune pour le Haut et le Bas-
Canada, qui s'occupe, non
seulement des
affaires d'intérêt général, mais encore de
tous les sujets de droit privé et d'un caractère local, tombant dans la catégorie
des
bills privés; il en résulte que les
frais de la législation forment un item
considérable des dépenses du pays. Nous voyons aussi
que
ces deux genres de législation se
nuisent
et sont en conflit dans le travail
général ;
tandis que si la législation
était bornée à des mesures d'un seul genre, les sessions du
parlement seraient moins
prolongées et la
dépense moins grande qu'à présent. Mais,
dans la constitution
projetée, tous les sujets
d'intérêt général, tout ce qui affecte
les
provinces comme un tout, seront laissés
exclusivement à la législature
générale,
pendant que les législatures
locales règleront les intérêts locaux, qui, sans intéresser la confédération entière,
ont un
haut intérêt local. Par suite de
cette division du travail, les sessions de la législature générale ne seraient pas
aussi prolongées qu'elles le sont actuellement au
Canada. Pour ce qui est des législatures
locales, elles n'auraient à
s'occuper que des
sujets qui intéressent leurs propres sections,
et leurs sessions seront moins longues
et moins
dispendieuses. Lorsque nous
considérons
l'énorme économie qui sera apportée dans
l'administration des affaires,
par le gouvernement général; quand nous réfléchissons que chacune des cinq colonies
a une administration complète avec tout le
personnel nécessaire pour la transaction de ses
affaires ; que chacune a son système exécutif, judiciaire et
militaire; un ministre dans
chaque département, y compris un ministre de
la milice avec un bureau complet d'adjudant général
;
que chaque ministre des finances a un personnel complet d'employés pour
les douanes
et l'accise,
et que dans chacune ce nombre
d'employés et d'officiers publics
est aussi
considérable que le nombre qui
serait requis pour le gouvernement général, nous pouvons
comprendre très-bien l'économie considérable
qui résulterait
de l'union des colonies si elles
avaient un système général et un seul chef
pour l'administration des affaires publiques.
Quantaux désavantages d'une union fédérale,
nous en savons
quelque chose en Canada, et
nous connaissons aussi ses avantages. Mais
nous ne pouvons nous dissimuler que,
quoi-
que nous ayions nominalement une union
législative et que nous siégions dans un seul
parlement supposé constitutionnellemeut
représenter le peuple sans égard aux sections
et aux localités, cependant, nous savons, par
expérience que depuis l'union,
nous avons eu
une union fédérale; que dans les matières
affectant le Haut-Canada, les
députés de cette
section s'occupent exclusivement
des lois qui
les concernent, et qu'il en est de même pour
le Bas-Canada. Nous avons, de fait, une union
fedérale, quoique cette union soit nominale ;
et nous savons que, dans les contestations
vives qui ont surgi dans ces
dernières années, si, en quelqu'occasion, une mesure
affectant l'une des sections était combattue
par les membres de l'autre section qui n'y
étaient pas directement intéressés ;—ou si
une mesure affectant les intérêts locaux du
Haut-Canada était emportée ou rejetée contre
les vœux de sa majorité par les votes du Bas-
Canada,—mon hon. ami le président du
conseil et ses artisans dénonçaient, avec la
plus grande habileté et la plus grande énergie, ce mode de législation comme une violation
des droits du Haut-Canada. (Ecoutez !)
Et de même pour le Bas-Canada.
si un acte
devenait loi contre les vœux de sa majorité,
ses représentants, se levant
comme un seul
homme a protestaient contre la
violation de
leurs droits. (Ecoutez !) La
position de
l'Angleterre et de l'Ecosse est à
peu près
analogue à celle du Canada.
L'union de
ces deux pays, en matières de législation,
est d'un caractère fédéral, pour la raison
que l'acte d'union stipule
qu'aucune loi
écossaise ne sera changée qu'à
l'avantage
évident des écossais. Et cette règle
a
été regardée comme tellement obligatoire,
dans la législature de la Grande-Bretagne,
qu'aucune loi affectant l'Ecosse
ne peut
être passée sans une majorité des votes
écossais. Il peut être important pour
les intérêts généraux de l'empire que
la loi écossaise soit modifiée ; cette loi
peut affecter le système général du la législation du Royaume-Uni,—malgré toutes
ces raisons, elle ne peut être changée
sans la sanction de la majorité des membres
écossais dans la législature, et leurs
vues sont exprimées par un vote
sur la
question même. Si les membres écossais
ne l'approuvent pas, la loi ne peut passer en
parlement. (Ecoutez !) Nous
trouvons donc
en Angleterre un exemple
frappant du fonctionnement et des effets d'une
union fédérale, et nous pouvons nous attendre à
voir
les mêmes effets se produire
dans notre con
32
fédération.
Le plan entier de la confédération tel qu'éluboré par la conférence, et
soumis par le gouvernement
canadien à
l'examen du peuple et de la législature, porte
le caractère d'un compromis. Je n'hésite
pas à le répéter,
il y a eu de toute nécessité
beaucoup de concessions
mutuelles. Lorsque
nous songeons que cinq colonies, toutes supposées avoir des intérêts
différents, se réunissent dans le but de représenter leurs
intérêts individuels, leurs vues,
concernant
leurs propres localités,—il faut avouer que si
ne nous nous étions pas assemblés
dans un
esprit de conciliation, avec un désir ardent
d'effectuar cette union,—que si
nous n'avions pas été pénétrés du sens
de cette
résolution,—" Une union fédérale sous la
couronne de la Grande-Bretagne aurait
l'effet de sauvegarder les
intérêts les
plus chers et d'accroître la prospérité
de l'Amérique Britannique du
Nord,"—
tous nos efforts auraient été vaine. Si nous
n'avions pas senti que nous devions mettre de
côté nos propres opinions sur certains détails
et n'avoir en vue que ce qui
était praticable
et ne pas rejeter obstinémeut l'opinion des
autres,—si nous n'avions pas été
pleins du
désir de former un grand peuple et un gouvernement fort, j'affirme que le projet tout
entier aurait subi un immense échec. C'est
dans ces circonstances que nous mettons le
projet devant la chambre et devant le pays
en leur disant : si, dans votre opinion,
l'union des peuples des cinq colonies pour
former une seule nation régie par un seul
souverain n'est pas à l'avantage de tous,
rejeter le projet. Mais si après
une consideration caline, juste et entière du projet,
vous croyez réellement que, dans son ensemble, il est à l'avantage des
provinces,—si
vous croyez qu'il est de nature à
nous assurer
une continuation de la jouissance des lois
anglaises, des institutions, de la liberté et de
l'union avec la mère-patrie,
aussi bien que
le développement de notre prospérité nationale, sociale et politique, nous supplions
cette chambre de mettre de côté tout préjugé et d'adopter le projet qui lui est soumis;
nous lui demandons d'aborder la question avec le même esprit qui
animait les
délégués, d'accepter l'ensemble
du projet;
si elle le regarde comme profitable et avantageux ; nous lui demandons d'agir ainsi
afin que nous arrivions sans tarder à une
conclusion satisfaisante Par un heureux
concours de circonstances, au
moment où se
formait au Canada une administration ayant
pour but d'essayer à résoudre les difficultés
qui nous accablaient, les provinces maritimes, animées du même sentiment et dans
des intérêts analogues, avaient
nommé une
conférence dans le but d'opérer une union
entre elles, sans savoir alors quelle attitude
allait prendre le gouvernement du Canada.
Sans cette heureuse coincidence, il nous
aurait peut-être lallu une longue série d'années pour arriver à une
conclusion pratique. Aujourd'hui, nous y sommes arrivés :
les députations des divers gouvernements
représentés dans la conférence se sont
engagés, en partant, à soumettre le projet à
leurs gouvernements respectifs, et à
domander l'approbation de leurs législatures et de
leurs populations. J'espère que
le projet
passera dans son ensemble. Je suis sûr que
la chambre ne cherchera pas à en
modifier
les détails les plus importants, car, si tel
devait être le cas, il vaudrait autant n'y plus
songer. Ce projet peut être
considéré comme
un traité passé entre les différentes provinces,
et si on veut y faire aucune
modification sérieuse, chacune. des colonies se croira
relevée
de l'obligation implicite de le considérer
comme un traité et pourra à son tour l'amender
ad libitum au point de vue de ses propres
intérêts ; tous nos travaux resteront sans
résultat, et nous aurons à recommencer et à
élaborer un nouveau traité; nous devrons
entrer de nouveau en négociations avec les
diverses provinces, et refaire
tout le projet.
J'espère que la chambre s'opposera à toute
tentative qui arrêterait ou diffèrerait peut
être pour toujours toutes nos chances d'union.
Tous les hommes d'état des diverses colonies
qui ont parlé sur le sujet ont admis que
l`union était avantageuse et praticable. Maintenant que cette union nous est proposée,
si
nous laissons passer l'occasion elle ne se présentera peut-être jamais. Du moment
que le
projet sera rejeté, la proposition première, but de l'assemblée de Charlottetown,
et relative à l'union des provinces maritimes sans
comprendre le Canada, sera de nouveau mise
de l'avant. Ces provinces ne resteront pas
séparées et impuissantee comme elles le sont
aujourd'hui, elles ne réuniront pour former
un peuple qui sans être aussi puissant que
s'il état uni au Canada. ne laissera pas
d'avoir une certaine importance. Si vous
croyez aux termes de la résolution,
savoir:
que " l'union est proposée dans les plus chers
intérêts et la prospérité
présente et future
de l'Amérique britannique du Nord",
il est
temps d'agir, de ne plus fermer
les yeux sur
notre position actuelle, et de voir enfin à
quels dangereux hazards nous exposent
33
nos relations avec les Etats-Unis. Je
ne suis pas alarmiste, et ne crois pas
au
danger immédiat d'une guerre avec les Etats-
Unis ; je crois que le bon sens de
l'un et de
l'autre peuple leur fera éviter la guerre.
Mais le chose ne sersit pas impossible, et
nous, comme ministres, nous
manquerions à
notre devoir, et la législature y manquerait
également, si nous ne prenions
toutes les
précautions possibles d'en
éloigner l'évènement. Nous savons que les Etsts-Unis sont
engagés en ce moment dans une grande
guerre et que de nombreuses occasions se
sont présentées et peuvent se présenter
encore d`en venir aux hostilités avec la
Grande Bretagne. Il nous est
impossible de
prévoir ce qui devra arriver, mais nous
n`ignorons pas que les deux
nations à l'exemple des autres, peuvent être
entreînées
dans une guerre entre elles.
Est-ce qu'en ce
moment même et par suite de différends qui
ont éclaté entre les deux peuples,—différends
dont nous ne sommes aucunement
la cause,—
il ne s`est pas déclaré de part
et d'autre un
sentiment d'animosité ? est-ce
que le traité de
réciprocité ne panaît pes devoir
étre aboli ?
est-ce que notre commerce n'est pas
déjà géné par le système des
passeports?
est-ce que nous ne pouvons pas être
mis dans l'impossibilité en
aucun temps de
faire venir nos marchandises par les voies
ferrées américaines par l'abrogation du système de transit, et être dépouillés par
conséquent des priviléges accordés à notre commerce pendant l'hiver par les Etats-Unis?
Ajoutez à tout cela la perspective
pour
nos marchands d'étre obligés de
retourner
à l'ancien usage de faire venir
en été
leurs approvisionnements de toute l'année.
Déjà nous sommes menacés de voir
nos relations politiques et commerciales interrompuce. Si nous n'en prenons pes avis
pendant
qu'il en est encore temps et que nous
pouvons conjurer le danger en nous unissant aux provinces maritimes, qui désirent
tant former une plus étroite alliance
avec nous, nous soufrirons dans notre
commerce des dommages irréparables.
Ecoutez ! écoutez !) Le conférence,
trouvant impraticable l'union législative
pure et simple, en est venue à adopter une
forme de gouvernement fédéral, qui
pourra
avoir toute le force d'une union législative
et administrative, pendent qu'en
même temps,
nous conserverons la liberté d'action en
faveur des différentes sections. Je suis heureux de croire que nous avons trouvé un
plan de gouvernement qui posède le double
avantage de nous donner le puissance d'une
union législative et la liberté
d'une union
fédérale, une protection enfin pour les intéréts locaux. Nous avons eu, pour nous
guider, l'expérience des Etats-Unis. Je ne
suis pas un de ceux qui regardent le constitution des Etats-Unis comme un coup
manqué. (Ecoutez!) Je crois que c'est
une des plus grandes œuvres que le génie
humain sit jamsais créée. Mais dire qu'elle
est parfaite, serait se tromper. Cette constitution basée sur celle de le Grande-Bretagne
a été adaptée aux circonstances
qui existaient
lors de sa formation, et en prenant avantage de
l'expérience des cinquante ou soixante et dix
dernières années de son
existence, je suis
convaincu que dans le système
que nous
soumettons à l'adoption du
peuple, toutes
les défectuosités reconnues per
l'expérience
ont, dans une grande mesure, été
évitées. En
premier lieu, par une proposition qui rencontre l'assentiment universel du peuple
de
ce pays et des membres de cette chambre,
nous avons réglé que nous aurions
pour chef
de l'exécutif, le souverain de la Grande-
Bretagne. (Applaudissements.) Personne ne
peut prédire quelle sers un jour la destinée de ce pays; dans le cours des
siècles, les
peuples et les nations se transforment; mais
dans la mesure du pouvoir de notre législation, nous avons décrété que le souverain
de
le Grande-Bretagne serait indéfiniment celui
de l'Amérique Britennique du Nord. En
adhérent en principe monarchique, nous
évitons une feiblesse inhérente à
le constitution des Etats-Unis. Le président étant élu
pour une courte periode, il ne peut jamais être
regardé comme le souverain de la nation; il
est seulement le chef heureux d'un parti politique. Cette anomalie s'aggrave encore
davantage par le principe de la
réélection;
pendant la durée de ses fonctions, il travaile
pour lui et son parti, à se
maintenir au pouvoir pendant une autre période; mais en
adhérant au principe monarchique nous
obvions à tout cela. Je crois
qu'il est
de le plus grands sagesse que ce
principe soit reconnu, afin que nous ayons
un monarque vers qui pourront se tourner
tous les regards, un monarque
qui n'appartendra ni n'adhérera à aucun
parti, en un
mot, qui sera le chef et le protection commune de tous. (Ecoutez ! écoutez !) Nous
proposons aussi que le
souverain, comme tel
est déjà le cas en ce pays depuis 1841 et
dans la mère-patrie, soit avisépar les ministres responsables au peuple. C'est en
cela
que notre constitution sera préservée d'une
34
grande faiblesse qui existe dans la constitution des Etats-Unis. Le président
est un
despote pendant quatre ans ; il y a un vaste
pouvoir, un patronage immense. Son cabinet
est composé de chefs de départements qu'il
peut consulter, ou ne pas consulter. Avec
nous, le souverain, ou en ce pays le représentant du souverain, ne pourra agir que
sur
l'avis de ses ministres, lesquels soront responsables au peuple Avant la
formation de
l'union américaine, chacun le
sait, les différents états qui en firent partie étaient des
provinces séparées. Il n'existait
entre elles,
précisément comme cela se trouve pour nous,
d'autre lien que celui du souverain qui leur
était commun. Leur organisation et leurs lois
étaient différentes. Elles
pouvaient, et cela
s'est vu, légiférer au détriment des unes et
des autres, et lorsqu'elles entrèrent en lutte
avec la métropole, elles agirent comme autant
de souverainetés distinctes en vertu d'une
espèce de traité d'alliance contre l'ennemi
commun. A dater de la formation de cette
union, la difficulté connue sous
le nom de
droits d'état a toujours existé,
et c'est cette
difliculté, ainsi que nous le savons, qui a été
pour beaucoup la cause de la guerre actuelle
des Etats-Unis. En fait, elles commencèrent
par où elles auraient dû finir. Par leur
constitution, elles déclarèrent que chaque
état était une souveraineté par lui-même,
excepté à l'égard des pouvoirs conférés au
congrès général. Ici nous avons
adopté un
système différent; nous avons
concentré
la force dans le gouvernement général.
Nous avons déféré a la
législature générale
toutes les grandes questions de législation. Nous lui 'avons conféré, non seulement
en les spécifiant et détaillant, tous les pouvoirs inhérents à. la souveraineté et
a
la
nationalité, mais nous avons expressément
déclaré que tous les sujets d'un
intérêt
général, non déléguée aux législatures locales,
serment du ressort du gouvernement fédéré
et que les matières locales
seraient du ressort
des gouvernements locaux. Par ce moyen,
nous avons donné de la force au gouvernement et à la législature
générale, et
nous avons évité cette grande
source de
faiblesse qui a été la cause de la rupture
entre les Etats-Unis, c'est-à-dire,
les conflits
de jurisdiction et d'autorité. En
55 cette
constitution est mise à effet et
sanctionnée
par un acte du parlement impérial, nous
aurons de fait tous les avantages d'une union
législative, et d'une seule administration
avec en même temps des garanties pour
nos institutions et nos lois locales. Bien
que l'autre jour, pendant la discussion
de
l'adresse en réponse au discours du trône,
cela ait fait rire mon honorable ami, le
député d'Hochelega (l'hon. M. Dorion),
je
crois que nous avons bien fait, en rédigeant
notre constitution, de dédier notre première
résolution à la reconnaissance de la
souveraineté de Sa Majesté. (Ecoutez
! écoutez!)
Je sais que l'Angleterre tient à ses colonies
et que son peuple serait très-chagrin de les
perdre; mais si, aprés mûre délibération, la population de l'Amérique Britannique
du
Nord déclarait qu'elle juge de son intérét
de se séparer de la métropole, telle est
grande la générosité du peuple anglais, qu'il
ne ferait rien, malgré son désir de conserver
ces colonies, pour nous contraindre à
rester
sujets de la couronne britannique;
et si, à
la conférence, nous en fussions
venus à cette
conclusion, qu'il y allait de l'intérêt de ces
provinces qu une séparation eut lien, je suis
convaincu que Sa Majesté et le parlement
impérial eussent consenti à cette séparation.
Nous avons alors reconnu
l'opportunité de
faire une déclaration distincte de notre opinion sur ce point, et d'énoncer dès le
but
de nos négociations, que " le
pouvoir ou
gouvernement exécutif résiderait dans le
souverain du royaume-uni de la Grande-
Bretagne et d'Irlande, et serait administré
par le souverain ou le représentant du
souverain, suivant les principes de la
constitution britannique." Cette résolution rencontra l'approbation unanime de
tous les membres de la conférence. Pas
un n'exprima le désir de rompre avec la
Grande-Bretagne et de ne pas continuer
notre allégeance à Sa Majesté ;
personne ne
fit de proposition en faveur de l'une ou
l'autre des provinces qui pût, en aucune
manière, tendre à briser les liens qui nous
unissent à la métropole. Il nous
était impossible de ne pas savoir que le Canada
serait, par sa position, exposé a toutes les
horreurs d'une guerre qui se déclarerait
entre l'Angleterre et les Etats-Unis,—et
cela sans que nous pussions avoir aucun
contrôle que ce soit sur les causes qui
l'auraient fait éclater, et cependant tous
exprimèront hautement l'avis qu'il valait
mieux subir cette calamité que de se séparer
de la métropole. (Applaudissements) Une
autre résolution porte que "le pouvoir ou
gouvernement exécutif résidera
dans le souverain du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, et sera administré
par le
souverain ou le représentant du souverain."
C'eut été, sans doute, montrer
trop d'exigence
35
que de vouloir que la reine nous
gouvernât
elle-même ou qu'elle se transportât en personne au milieu de nous,
autrement que pour
nous renouveler
la gracieuse visite que
l'héritier présomptif actuel nous
a déjà faite :
c'est pourquoi nous avons statué
que le
pouvoir exécutif serait administré par
son
représentant. Nous n'apportons
aucune restriction au choix que Sa Majesté
fera de son
représentant ; sa prérogative
sera la même
qu'aujourd'hui, et elle sera parfaitement
libre. Nous ne savons si ce choix s'arrêtera
sur un membre de la famille
royale, qui viendrait régner ici en qualité de vice-roi, ou
bien sur l'un des grands hommes d'état
que
l'Angleterre enverrait ici
administrer les
affairres du Canada: nous laissons à Sa
Majesté d'en décider. Mais ce
qu'il nous
est permis d'espérer c'est que,
si l'union se
consomme, ce ne sera pas une des
moins
belles ambitions des hommes
d'état anglais,
que d'être
envoyé ici pour présider à nos
destinées. Je prendrai maintenant
la liberté
d'appeler l'attention de la
Chambre sur
l'article de la constitution qui a trait au pouvoir législatif. Le sixième résolution
est
conçue en ces termes : "Il y aura
pour toutes
les provinces fédérées une législature on
parlement général, composé d'un
conseil
léglslatif et d'une chambre des communes."
Un journal anglais a prétendu que cette résolution ne fait pas mention du souverain
comme
formant partie de la législature: en effet,
cette remarque est juste dans un certain
sens, parce que suivant le
langage strictement
parlementaire, la législature
d'Angleterre
se compose du roi, des lords et des communes. Mais dans le langage
habituel ou
parle du "roi et de son parlement,"—ou
du
"roi convoquant son parlement," c'est-à-dire
des trois états, les lords
spirituels, les lords
temporels et la chambre des communes.
Je puis faire remarquer ici qu'un écrivain,
tel que Hallam, se sert ordinairement de l'expression "parlement" dans ce sens restreint
Cette critique n'est donc en définitive
qu'une
pure affaire de mots. La
législature de
l'Amérique Britannique du Nord
sera composée du roi, des lords et des communes.
Le conseil législatif occupera vis-à-vie
la
chambre basse la même position que la
chambre des lords occupe vis-à-vie
des communes en Angleterre, et aura de même le
pouvoir de l'initiative de toute espèce de
législation, sauf
celle des mesures de finances.
L'autre chambre pourra une
s'appeler chambre
des communes ou d'assemblée, peu importe;
elle prendra le nom que le parlement
anglais
lui donnera ; cependant, celui de
"chambre
des communes" nous paraîtrait préférable
attendu qu'il désigne les
communes du
Canada de la même manière que la chambre
anglaise des communes signifie les
communes
d'Angleterre, avec les mêmes privilèges,
les
mêmes usages et pouvoirs
parlementaires.
Nous sommes tombés d'accord qu'il fallait
dans la constitution de la chambre basse
lui donner pour base le principe de la
représentation d'après le chiffre de la
population ; l'application de ce principe se
trouve pleinement développée dans ces résolutions. Lorsque je dis représentation basée
sur le chiffre de la population,
je prie la
chambre de ne pas croire que le suffrage
universel ait été en quoi que ce soit sanctionné par la conférence comme le principe
constitutif de cette branche populaire. Afin
de protéger les intérêts locaux de chaque
province, nous avons jugé
nécessaire de
donner aux trois grandes divisions de l'Amérique Britannique du Nord une représentation
égale dans la chambre
haute, car
chacune de ces divisions aura des
intérêts
différents. D'un côté, c'est le Haut-Canada,
pays agricole, éloigné de la mer
et renfermant la population la plus considérable
qui
aura des intérêts agricoles surtout à
sauve-
garder ; de l'autre. c'est le
Bas-Canada, dont
les intérêts sont différents et
qui veut surtout
conserver intactes ses institutions et ses lois
contre un pouvoir plus fort, plus considérable
ou plus nombreux; ce sont enfin les
provinces maritimes qui ont aussi des intérêts
propres qui nous sont
complètement étrangers
dans le Haut-Canada. La constitution statue
que le conseil législatif,—dont la mission
est
de modérer et de contrôler la
législation,
mais non d'en prendre l'initiative, (car tout
le monde sait, qu'ici comme en Angleterre
les mesures publiques d'une haute portée
doivent venir de la chambre basse)—sera
composé d'un nombre égal de 24
représentants pour chaque division, la seule exception à cette règle a été faite
en faveur de
Terreneuve, parceque cette dernière colonie
a un intérêt tout à fait à part
et plus rapproché de ceux du Canada que toute
autre par suite de sa position à
l'embouchure du fleuve St. Laurent De fait, et
à parler comparativement, elle n'a rien
de commun arec les autres
provinces maritimes; ses intérêts et ses
droits à protéger sont particuliers; aussi, fûmes-nous
tous d'accord de traiter avec
elle séparément
et de lui donner une représentation spéciale
dans la chambre haute, nous écourant ainsi
36
du principe d'égalité appliqué aux autres
sections. Comme on peut le penser, il se
déclara d'abord une grande divergence d'opinions sur la constitution du
conseil législatif ; de la part du Canada, on
voulait le
principe électif. tandis que les provinces
d'en-bas, à l'exception de l'Ile du Prince-
Edouard, demandaient le principe contraire,
c'est-à-dire la nomination par la
couronne.
Les délégués du Nouveau-Brunswick, de la
Nouvelle-Ecosse et de Terreneuve se déclarèrent tous sans exception en faveur du
principe de la nomination,
lequel se rapproche le plus, sans contredit, de la constitution anglaise. Nous décidâmes
en conséquence qu'il en serait ainsi autant que les
circonstances pourraient le permettre. Une
chambre haute héréditaire est une impossibilité en ce jeune pays, car nous n'avons
aucun
des éléments propres à former une aristocratie foncière ; nous sommes sans fortunes
territoriales ; nous n'avons
aucune classe
séparée et distincte du peuple et un corps
politique bériditaire ne
conviendrait par
conséquent en aucune manière à
notre état
de société. Il se réduirait bientôt à
rien.
C'est pourquoi la seule manière d'appliquer
le système anglais, à la chambre
haute, consiste à conférer à la couronne
le pouvoir
d'en nommer les membres de la même manière que les pairs anglais,
avec cette différence que les nominations seront à
vie. Je
ne me cache pas que les raisons
que l'on
donne à l'appui du principe opposé sont
fortes et nombreuses; je les apprécie d'autant mieux ne j'ai fait partie du ministère
qui a in uit le principe électif en Canada. (Ecoutes! écoutes !) Cependant, sans
prétendre que notre tentative n'ait pas été
couronnée de succès, je dois dire que plusieurs raisons l'ont empéché de réussir autant
que nous nous y attendions. L'une
de ces raisons est la grandeur des colléges
électoraux, le travail
considérable que
doit entreprendre un candidat et les
dépenses (rires), les dépenses légitimes
qu'il lui faut encourir, toutes choses
trés-propres, on en conviendra, à
éloigner
des rangs beaucoup d'hommes que l'éminence de leur position appelait naturellement
à ce poste. On a compté, je
l'avoue,
dans les premiers temps, des hommes de ce
calibre parmi les candidats, mais le chiffre
en a diminué d'élection en élection, tandis-
que d'un autre côté on voyait tous les
hommes encore jeunes, adonnés à
la politique active et déterminés à s'y
créer un
avenir, chercher à entrer dans
la chambre
d'assemblée. L'époque où le système de
nomination a fonctionné avec quelque succès
parmi nous remonte au temps de l'avènement du gouvernement responsable, et alors
que le Canada formait plutôt une colonie
royale et que l'on composait le conseil législatif des premiers fonctionnaires judiciaires,
des chefs de département et des hommes les
plus distingués du pays. On conçoit que
ces corps devaient inspirer le respect, d'aprés le caractère même de leurs membres
qui, de leur côté, n'avaient que peu de
sympathie avec les députés du peuple : aussi,
les querelles entre ces deux branches de
la législature étaient-elles fréquentes surtout
en Bas-Canada. Une fois l'établissement
du gouvernement responsable inauguré.
il
devenait nécesaire pour le gouverneur de
s'entourer d'un corps de conseillers possédant la confiance de la chambre d'assemblée,
de la chambre à qui il appartient de faire et
défaire les ministres suivant son caprice, de
sorte que ce fut elle aussi qui se trouva à
indiquer les nominations à faire
dans le
conseil législatif. En effet, le
ministère,
obligé de s'assurer l'appui de la chambre
basse, dût choisir les membres de la chambre
haute parmi ses amis politiques et sous la
dictée de la première, et le conseil se mit à perdre de plus en plus son caractère
de contrôle sur la législation
de l'assemblée.
Il n'en sera pas ainsi avec le système
proposé. Nul ministère ne peut se flatter de faire
dans l'avenir ce que ses prédécesseurs ont
fait ci-devant en Canada,—car il lui sera
impossible de remplir la chambre haute de
ses partisans et amis politiques dans l'intention de la dominer, d'après la constitution
même qui limite à un certain chiffre
la composition du conseil législatif. Chacune des
trois grandes divisions de la confédération
ne pouvant nommer que 24 membres chaque,
la chambre haute ne pourra jamais tomber
sous l'influence du ministère du jour soit
pour l'exécution de ses projets, soit pour
plaire à ses partisans. Le fait même que le
gouvernement ne pourra excéder ce chiffre
sauvegardera l'indépendance de la chambre
haute, lui donnera un caractère spécial et
lui permettra d'exercer une influence légitime et un contrôle salutaire sur la législation
du pays. On a prétendu que cette
limitation du droit de la couronne pourrait
donner naissance à des conflits entre les
deux branches de la législature,
et pousser
la chambre haute, ainsi placée
hors de l'action du souverain, de l'assemblée et des
conseillers de la couronne, à agir à son
37
gré et ce au point d'arrêter toute
législation. Je ne crois pas qu'une telle chose
se présente jamais, et chacun
sait que ce
cas n'est pas encore arrivé en Angleterre.
Où serait l'utilité de la chambre haute, si
elle ne devait pas exercer, en temps
opportun, son droit
d'amender ou modifier la législation de la chambre d'assemblée? Il ne
faut pas que ce soit un simple bureau
d'enregistrement des décrets de la
chambre basse,
mais au contraire une chambre indépendante,
douée d'une action propre, et ce
n'est qu'à
ce titre qu'elle pourra modérer et considérer
avec calme la législation de l'assemblée
et empêcher
la maturité de toute loi intempestive ou pernicieuse passée par
cette dernière, sans jamais oser s'opposer aux vœux
réfléchis et définis des populations. La
chambre des lords, quoique plus indépendante à cause de son caractère
d'hérédité
q'une chambre composée de membres nommés à vie,
cède toujours à la volonté calme
et sage
du peuple anglais, et il faut
remonter
au règne de la reine ANNE, pour
trouver un
seul fait qui prouve quelle ait tenté de renverser les décisions des communes par
la nomination de nouveaux pairs. Il est vrai qu'en
1832 la chambre des lords fut menacée d'une
pareille mesure par suite de son refus
obstiné de voter le bill de réforme, et qu'on y
aurait eu recours s'il eut été nécessaire:
mais tous les ministres du temps et ceux
mêmes qui conseillaient ce moyen convinrent
que c'était un acte révolutionnaire, une infraction à la constitution, et qu'il n'y
avait
que la nécessité de conjurer la révolution
qui menaçait d'ensanglanter l'Angleterre,
pour justifier cette tentative de forcer l'opinion indépendante de la chambre des
lords
sur cette question. (Ecoutez ! écoutez !) Cette
tentative n'a pas été renouvelée
depuis, et
je suis sûr qu'elle ne le sera
plus jamais.
Il y a environ un an ou deux, la chambre
des lords refusa de passer le
bill des droits
sur le papier; en le faisant, elle
agissait
constitutionnellemeat et, suivant plusieurs,
dans l'esprit et la lettre de la
constitution.
Cependant, lorsqu'elle vitqu'elles'interposait
dans l'exercice d'un droit ne les communes
regardaient comme exclusif, elle
se désista
de son opposition à la session
suivante, non
parce qu'elle s'était trompée,
mais bien parce
qu'elle s'était convaincue de l'opinion réelle et
et calme des députés du peuple
sur la question.
Nous devrons nous rappeler en
outre que
les personnes nommées au conseil
législatif
occuperont une position toute
différente de
celle des pairs d'Angleterre. Ils n'auront
pas, par exemple, de liens de famille on
de
position imposés par l'histoire,
non plus que
cette influence directe sur le peuple ou sur
les communes que donnent à ces derniers
la richesse, les domaines territoriaux, le
nombre de fermiers et le prestige que les
siècles ont attaché à leur nom. (Ecoutez
!
écoutez!) Ils seront, comme ceux de la
chambre basse, hommes du peuple et tirés
du peuple, et lui appartiendront autant le
lendemain de leur élévation que la veille.
Sympathisant donc nécessairement avec le
peuple, le conseiller législatif, à son retour des sessions du parlement, se confondra
de
nouveau avec lui et subira les mêmes sentiments, les mêmes idées et les
mêmes besoins
que son entourage. S'il en est ainsi, comment
supposer que les membres de la chambre
haute veuillent se mettre à l'œuvre et de
propos délibéré s'opposer à ce
qu'ils savent
être les vœux et l'opinion du peuple?
Cela est impossible, c'est
pourquoi je n'ai
pas la moindre crainte d'un conflit réel entre
les deux chambres. Ce conflit serait bien
plus probable si le conseil législatif était
constitué sur le principe électif et voici pourquoi. D'abord, les
conseillers sortiraient
du peuple comme ceux de
l'assemblée législative, puis s'il s'élevait entr'eux une différence d'opinion, les
premiers n'auraient-ils
pas le droit de dire aux seconds - nous
représentons le peuple tout autant et même
plus que vous, car nous, nous ne sommes pas
élus comme vous par une petite localité ni
pour une période de peu de durée, et notre
entrée en parlement n'est pas due comme la
vôtre à des circonstances
particulières d'opinion et de temps, qui font que loin de
réfléter les vues de tout le pays vous ne
représentez que celles des électeurs qui
sont venus voter pour vous aux polls.
Nous avons donc autant et plus de droit que
vous de nous regarder comme l'expression de
l'opinion du pays sur les questions générales
et nous ne cèderons pas." (Ecoutez ! écoutez !)
Il y aurait, je le répète, de grands dangers
de conflits entre les deux chambres si la
constitution du conseil législatif au lieu
d'être laissée entre les mains de la couronne
devait être remise entre celles du peuple.
On devra se rappeler encore que les conseillers nommés à vie n'ont pas le même privilège
que les lords, car en cas de décès ce
sont des étrangers qui leur succèdent tandis
qu'en Angleterre ce sont les fils qui remplacent les pères, ce qui fait que les changements
dans la composition et
l'état de
l'opinion de notre chambre haute seraient
38
toujours beaucoup plus rapides que dans
celle des lords. Quelques faits démontreront combien ces chan amants se font vite:-
lors de l'appel nomiu du conseil législatif,
en 1866, on enregistre la présence de 42
membres a vie; deux ans après, en 1858,
ce cbifi'm n'était que de 35; en 1862, de
26 ; et en 1864, de 21. (Ecoutez! écoutes!)
Ce. fait! démontrent combien les changements sont rapides dans la représentation
des membres a vie. Mais tout remarquable
que soit ce changement, il est encore plus
sensible parmi les membres électifs. Le
principe électif n'a été mis en vigueur qu'en
1866; dense membres seulement furent élus
cette année-là et, depuis, donne
tous les deux
ans; malgré cela, il y a eu vingt-quatre changements pour cause de décès, d'acceptation
de charges publiques ou de résiunation;
il est
donc évident que si un conflit venait a
s'élever entre la chambre haute et la chambre basse, a mesure que des siégea deviendraient
Vacants dans la chambre haute, le
gouvernement du jour—possédant, par obligation la confiance de la chambre basse-
pourrait, afin de rétablir l'harmonie entre
as deux branches de la lé islature, donner
les siégea en question à. sa hommes dont
les sympathies et les idées seraient d'accord
avec le gouvernement et, par conséquent,
avec la majorité de la chambre basse; et
tous les actes de l'administration dans ce
sens auraient pour but d'établir las mpathh
et l'harmonie entre les deux Chambres
dans
leurs travaux législatifs.
(Ecoutez! écoutez !)
Il a encore un autre avantage résultant de
la limitation du nombre des
représentante.
A la chambre haute sera confié le soin
de protéger les intéréts de section; il
en résulte que les trois grandes divisions
seront également représentées pour défendre leurs propres intérêts contre toutes
combinaisons de majorités dans l'Assemblée.
Chaque section aura donc intérêt
! se faire
représenter par ses hommes les plus habiles,
et les membres du gouvernement, appartenant a chaque section, devront
veiller à. ce
que les chou soient faits dans leur section
en vue de ess intérêts, à.
mesure qu'il se
présentera des vacances. C'est pour cette
raison que chaque état de l'union américaine
envoie au sénat ses hommes les plus éminents. [Eccutesl] La constitution pourvoit
à. ce que, dans les premiers choix qui seront
faits pour le Conseil, on ait égard aux mem—
bres qui occupent des positions
analogues
dans les différentes colonies. Selon moi, c'est
une disposition sage. Dans les conseils légis
latifs de toutes les provinces, & l'exception
de l'Ile du Prince—Edouard, il y a des
membres à. vie. En Canada, il y en a un
certain nombre, mais la majorité, bien que
n'étant pas nommés par la reine qui confère
tous les honneurs, tient son mandat du
peuple et a droit de marcher de pair avec
ceux qui ont une commission royale. On
ne saurait donner une bonne raison en vertu
de laquelle ceux qui ont l'expérience de la
législation, soit qu'ils tiennent leur mandat
de la couronne ou du peuple, devraient être
laissée de côté pour être remplacés par des
hommes nouveaux dans le conseil législatif
de la confédération. La constitution pourvoit donc à. ce que le choix des conseillers
législatifs soit fait parmi les houe. messieurs
qui sont actuellement membres de la chambre haute dans les différentes colonies -
c'est
en vertu de dispositions analogues, que pour
représenter l'Ecosse et l'lrlnnde dans la
chambre des pairsdu royaume-uni les choix
saut faits parmi les pairs d'Ecosse et d' Irlande. De méme, les membres du conseil
législatif
de la confédération projetée seront chosia
d'abord dans les conseils législatifs actuels
des différentes provinces. Dans la composition
de la chambre des communes ou a appliqué.
d'une façon aussi simple qu'ingénieuse, le
principe de la représentation d'après la
population. L'admission de ce principe présentait dès l'abord une difliculté apparente,
celle de Pau.; mentation
incessante du nombre
des représentants dans la chambre basse,
avec l'accroissement de la population, cette
augmentation pouvant devenir gênants
et
trop coûteuse. Mais en adoptant pour terme
de comparaison la représentation du Bas-
Canada—qui sera le pivot de notre système
représentatif,— cette province étant la mieux
choisie à cause des variations
p-u sensibles
de sa opulation, et parceque le nombre de
ses habitants tient la moyenne
entre les populations des autres provinces, nous avons pu
surmonter la diüculté que je
viens de mentionner. Nous avons donc introduit le s tème
de représentation d'après la population, en
évitant le dan geret
l'inconvénient de voir une
augmentation dans le nombre des membres
de la chambre basse se renouveler périodiquement tous les dix ans: c'était
une simple
règle de trois. Je ci a des chifl'res : !.
po ulation du Haut-Canada est de 1,400,000,
cel e du Bas-Canada de 1,100,000, la prop»
tien a établir est celle-ci : avec sa population
de 1,100,000 le Bas—Canada a
droit à, 65
membres, combien devræt—on
accorder de
membres au Haut—Canada avec sa population
39
plus
consiidérablc de 1,400,000? La même
règle s'applique
aux autres provinces. Le
principe de la représentation d'après la
population est strictement mis en pratique
sans avoir à craindre tous les dix ans une
augmentation gênante du nombre des membres dans la chambre basse. De
plus une
clause de la constitution pourvoit à ce que,
lorsqu'il sera jugé convenable,
le nombre des
représentants puisse être porté
au-delà de
194, chiffre fixé en premier
lieu. Dans ce
cas si la représentation
augmente, le Bas-
Canada fournira encore la base du
nouvenu
calcul. Si, par exemple, au lieu
de soixante-
cinq membres le Bas-Canada vient
à en avoir
soixante-dix, la question sera
celle-ci : avec
telle population le Bas-Canada a soixante-dix
membres combien doit en avoir le Haut-
Canada avec une population plus considérable ? A mon point de vue personnel, j'aurais
voulu dans la chambre plus de cent quatre-
vingte-quatorze membres, mais il
m'a été
impossible de faire prévaloir mon opinion
qu il serait bien de commencer avec un plus
grand nombre de représentants dans la
chambre basse. On me fit deux objections ;
la première, que le système
augmenterait trop
nos dépenses ; la seconde que,
dans un pays
nouveau comme le nôtre, nous ne pourrions
pas trouver un nombre suffisant d'hommes
vraiment apres à remplir le rôle
de représentants. Je répondis que le nombre des hommes capables augmenterait rapidement
d'année en année à mesure que notre système
d'éducation se perfectionnerait
et que nos
richesses se développeraient, qu'en établissant
des colléges électoraux plus petits, un plus
grand nombre d'individus seraient intéressés au fonctionnement de l'union ; qu'un
champ plus large serait ouvert à l'ambition politique par le fait que
nous aurions
un corps plus nombreux de représentants,
et que nous aurions un plus grand
choix
pour les chefs de notre gouvernement et
pour les chefs de partis. Tels étaient mes
sentiments personnels, que je n'aurais peut-
être pas dû exprimer ici, mais, comme je l'ai
dit, je perdis complétement ma
cause et le
nombre des représentants fut fixé cent-
quatre-vingt-quatorze: ce n'est pas trop si
on considère qu'il y en a
aujourd'hui cent-
trente dans la seule législature du Canada.
La différence
entre cent-trente et cent-quatre-
vingt-quatorze n'est pas
considérable si on
songe à l'accroisement de notre
population
lorsque la confédération sera une fois opérée. Quand le principe de la représentation
d'aprés la population fut
adopté
par la chambre basse pas un seul membre de la conférence. comme je l'ai déjà
dit, pas un seul des délégués du gouvernnement ou de l'opposition d'aucune des provinces
maritimes ne se prononça en faveur
du suffrage universel. Sous ce
rapport tout
le monde était pénétré qu'on devait appliquer le principe de la constitution anglaise,
et que les différentés classes d'électeurs ainsi
que la propriété devaient être représentées tout
comme l'élément numérique. Si nous avions
entrepris de régler immédiatement la question du cens d'éligibilité nous
aurions rencontré des difficultés insurmontables. Les colonies
ont chacune des lois différentes à
cet égard.
Nous avons adopté une clause analogue à
celle qui est contenue dans l'acte d'union
des Canadas, passé en 1841, savoir : que
les lois relatives au cens électoral et au cens
d'éligibilité, à la nomination
et aux devoirs
des officiers-rapporteurs, à la
conduite des
élections contestées dans les diverses provinces, seraient appliquées dans la première
élection au parlement confédéré, de sorte
que tout électeur aujourd'hui inscrit
légalement sur les listes auront droit de voter
pour le choix d'un représentant dans le premier parlement fédéral. Un des
premiers actes du parlement de la
confédération devra être de régler la
question du
cens d'éligibilité de manière à l'appliquer à
toute la confédération. (Ecoutez !) La durée
du parlement a été fixée à cinq ans. Personnellement, je demandais une plus longue
période. Je pensais que la durée des législatures locales ne devait pas être moindre
que quatre ans et que le parlement général,
comme dans le royaume-uni, devait avoir
une plus longue durée. La période de cinq
ans a été préférée. Une constitution soigneusement élaborée nonseulement par le
gouvernement local, mais par les autorités
impériales, celle de la Nouvelle-Zélande,
admet cette limite de cinq années. Au fait
il importait peu que ce fût cinq
ou sept ans
dès lors qu'on réservait à la
couronne le
droit de dissoudre les chambres. Depuis
l'avènement de GEORGE III, sans compter
le parlement actuel, il y a eu en Angleterre
dix-sept parlements, dont la durée moyenne a été de trois ans et demi. Cette moyenne
est plus faible que celle de la durée des parlements canadiens depuis l'union, de
sorte qu'il était de peu d'importance que la durée
du parlement général fût fixée à
cinq ou sept
ans. L'omission de quelques mots dans la
24éme résolution a donné lieu à de nom
breuses appréhensions. On a cru que les
40
législatures locales auraient le pouvoir
de
changer ultérieurement l'étendue et les
limites des différents colleges électoraux.
Cette résolution doit être interprétée comme
suit : pour le premier parlement général
l'arrangement des colléges électoraux sera
règlé par les législatures locales telles
qu'aujourd'hui constituées. Par exemple, le
parlement canadien actuel devra décider
quels seront les colléges électoraux du Haut-
Canada et faire les changements nécessaires
pour donner à cette partie de la
province le
nombre additionnel de membres que lui
accorde la nouvelle constitution; il devra
aussi régler les changements à faire dans les
colléges électoraux actuels du Bas-Canada.
En un mot, le parlement devra désigner en
quelque sorte, les colléges électoraux qui
pourront envoyer des membres au premier
parlement fédéral. De même, les autres
provinces fixeront les limites de leurs différents colléges électoraux dans la session
pendant laquelle ils adopteront la nouvelle
constitution. Plus tard, les législatures locales pourront, à leur gré, changer leurs
limites électorales en vue de leurs élections
locales. Mais on ne pouvait évidemment
accorder aux législatures locales la faculté
de changer les colléges électoraux envoyant
des représentants à la législature générale
après que cette législature aura été une fois
constituée. Si tel était le cas, un membre
de la législature générale pourrait, d'un
moment à l'autre, perdre son siége à
la suite
d'un changement apporté dans son collége
par la législature de sa sect on. Non, du
moment que le parlement général sera réuni,
il faut qu'il ait plein contrôle sur sa propre
législation, et pour cela il doit rester maitre
absolu de sa position avec la faculté de
remanier comme il lui plaira les limites
électorales, ce pouvoir étant éminemment
essentiel à une législature de
ce genre.
(Ecoutez !) Je n'abuscrai pas de
la patience de la chambre, en examinant, dans
tous leurs détails, les pouvoirs divers
conférés au parlement général en les
distinguant de ceux qui demeurent acquis
aux législatures locales. Mais tout honorable membre qui voudra bien examiner
la liste des différents sujets
assignés aux
législatures générales et locales respectivement, se convaincra que toutes les grandes
questions affectant les intérêts de la confédération dans son ensemble, sont
laissées au
parlement fédéral tandis que les questions
et les lois d'intérêt local sont laissées à la
juridiction des parlements locaux. Natu
rellement, la législature générale aura
le
pouvoir de régler la dette publique et le
revenu de la confédération ; il réglera aussi
les questions de trafic, de commerce, de
donanes et d'accise; il devra enfin posséder
plein pouvoir de prélever des
fonds par tous les moyens et de toutes sources, conformément à la décision des représentants
du
peuple. Les législatures locales auront le
contrôle de tous les travaux locaux; c'est un
point important et un des principaux avantages de l'union fédérale et des parlements
locaux, car ainsi chaque province
aura le pouvoir et les moyens de développer
ses ressources particulières et de travailler à
son progrès individuel sans entraves et
comme il lui plaira. Ainsi toutes les améliorations locales, de même que les entreprises
de toute espèce, sont laissées aux soins
et à l'administration des
législatures locales
de chaque province. Une des résolutions
pourvoit à ce que " les lignes de bateaux-à-
vapeur ou d'autres bâtiments,
les chemins
de fer, les canaux et autres travaux qui
relieront deux ou plusieurs provinces ou se
prolongeront au-delà des limites
de l'une
d'elles," appartiendront au gouvernement
général et seront sous le contrôle de la
législature générale. Il est dit aussi dans
une autre que " les lignes de bateaux-à-
vapeur entre les provinces fédérées et
d'autres pays, les communications télégraphiques et l'incorporation des compagnies
télégraphiques, et tous autres travaux qui,
bien que situés dans une seule province,
seront spécialement déclarés dans les actes
qui les autoriseront être d'un avantage
général," appartiendront au gouvernement
général. Ainsi le canal Welland, bien que
situé en entier dans une des sections de la
confédération et les canaux du St. Laurent
ne traversant que deux de ces sections,
peuvent étre considérés comme des ouvrages
nationaux et avantageux à toute la confédération. Le recensement par lequel sont
constatés le chiffre de notre population et
l'étendue de nos ressources, est aussi un
travail d'utilité publique, et partant, doit
être laissé au gouvernement général. Il en
est de même des défenses du pays.
Un des
grands avantages de la confédération
est que nous serons unis dans un système des défense bien concerté et
uniforme.
(Ecoutez !) Aujourd'hui chacune des
colonies a un système militaire différent;
quelques-unes même ne sont nullement organisées pour la défense. Nous avons plusieurs
corps militaires séparés, mais nulle entente
41
n'existe
entre les colonies en ce qui concerne
l'offensive ou la défensive. Dans la confédération nous aurons un système unique de
défense et un seul système
d'organisation
militaire. Au cas où les provinces maritimes
seraient attaquées nous pourrons
leur envoyer
les puissantes milices du Haut-Canada, et si
une invasion nous menaçait sur nos lacs les
hardis marins des provinces d'en bas voleraient à notre secours et viendraient manœuvrer
nos vaisseaux. ( Ecoutez !) En un mot
nous ne ferons plus qu'un peuple agissant
de parfait accord dans la paix
et dans la
guerre. (Applaudissements.) Le code criminel, -c'est-à-dire la
détermination de ce
qui est crime et de ce qui ne l'est pas,-est
laissé au gouvernement général. Ceci est
presque une nécessité. Il est très important
que le code criminel soit uniforme dans
toutes les pmvinces,-—que ce qui est crime
dans une partie de l'Amérique
anglaise soit
jugé tel dans toutes les autres parties, —et
que, dans toute l'union, la vie et la prepriété
des individus soient uniformément
protégées.
C'est un des grands vices de la constitution
des Etats-Unis où ce qui est crime dans
un Etat n'est qu'une offsnse vénielle et passible d'une légère punition dans
un autre.
Mais, dans notre constitution, nous n'aurons
qu'un code criminel basé sur le code criminel
anglais, et applicable à toute
l'Amérique
Britannique, de sorte qu'un des sujets de la
confédération saura toujours, dans quelque
partie de l'union qu'il se trouve, quels sont
ses droits et aussi à quels chàtiments il s'expose s'il se rend coupable d'infraction
à la
loi. Je ne saurais citer une
preuve plus
frappante des avantages que nous ont fourni
l'examen et l'expérience des
défauts qui
existent dans la constitution de nos voisins.
(Ecoutez !) La 33ème résolution
est très
importante pour le bien-être futur des colonies. Elle donne au parlement général le
pouvoir de passer " toute mesure tendant à
rendre uniformes les lois relatives à
la propriété et aux droits civils dans le Haut-
Canada, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-
Brunswick, l'Ile du Prince Edouard et l'Ile
de Terreneuve, ainsi que la procédure de
toutes les cours de justice dans ces provinces."
Le principe général des lois de toutes les
provinces, à l'exception du
Bas-Canada, est
la même, bien qu'il puisse y avoir différence
dans les détails; et j ai vu avec plaisir que les
provinces inférieures désiraient
se joindre au
Haut-Canada dans l'œuvre de l'assimilation
des lois deja mentionnée, et elles se sont aussi
montées
disposées à introduire chez
elles
notre système de lois provinciales, qui diffère
beaucoup du leur. Dans une colonie, par
exemple, il n'existe aucun système municipal; dans une autre, il n'est que facultatif
et n'a pas été adopté complètement. Ces circonstances ayant fait trouver presque impossible
une union législative, il fut convenu,
autant que faire se pourrait, que le premîer
acte du parlement confédéré serait
d'assimiler les lois provinciales, qui ont toutes pour
base le droit commun d'Angleterre. Mais
pour ne pas blesser les intérêts
locaux, on a décidé qu'aucun changement n'aurait lieu
dans ce sens sans avoir reçu la sanction des
législatures locales (Ecoutez ! écoutez!)
La législature fédérale aura le
pouvoir d'établir une cour générale d'appel pour les
provinces fédérées. Quoique la législature
canadienne ait toujours eu le pouvoir d'établir une semblable cour, à
laquelle les
justiciables des tribunaux du
Haut et du
Bas-Canada auraient pu en appeler, elle
ne s'en est jamais prévalu. Le Haut
et le
Bas-Canada ont chacun leur cour d'appel, et
ce système continuera jusqu'a ce
que la législature fédérale ait établi une cour générale
d'appel. La constitution ne pourvoit pas à
l'établissement de cette cour, en
faveur de
laquelle et contre laquelle il existe beaucoup
de motifs, mais on a jugé sage
et à propos
de stipuler dans la constitution
que la législature générale avait le pouvoir, si elle le
trouvait utile, d'établir une cour générale
d'appel des cours supérieures de toutes les
provinces. (Ecoutez ! écoutes !) Je n'entreprendrai pas de passer en revue les autres
pouvoirs conférés au parlement général, qui,
pour la plupart, ont trait à des affaires de
finance et d'intérêt commercial,
je laisse cela
à d'autres plus habiles. A part
de tous les
pouvoirs spécialement désignés dans le 37e
et dernier article de cette partie de la constitution, se trouve conférée à la
législature
générale la grande législation souveraine,
c'est-à-dire le pouvoir de
légiférer
sur "toutes
les matières d'un caractère général qui ne
seront pas spécialement et exclusivement
réservées au contrôle des législatures et des
gouvernements locaux." Telle est
justement la disposition qui manque à la
constitution
des Etats-Unis; c'est là ou l'on
trouve ce
côté vulnérable du système
américain, le
vide qui enlève à la constitution américaine
se force de cohésion. (Ecoutez!
écoutez !)
C'est là ce que l'on peut appeler une sage et
nécessaire disposition. Par elle nous concentrons la force dans le parlement central
et
faisons de la confédération un seul peuple et
42
un seul gouvernement, au lieu de cinq peuples et de cinq gouvernements à peine liés
entre eux sous l'autorité de la métropole.
Quant aux gouvernments locaux, il est
prescrit que chacun aura pour chef un officier exécutif nommé par le gouvernement
général. Comme nous devons former une
province unie, avec des gouvernements
com: et des législatures subordonnés au
gouvernement fédéré et :'t la lé islature
générale, il est opportun que le e ef exécutif de chaque section soit également subordonné
& l'exécutif principal de toute la
confédération. Envers les gouvernements
locaux, le qeuvernement général occupera
exactement a même position que le gouvernement impérial eccupc actuellement à
'(gard des colonies; de sorte que de même
que le lieutenant-gouverneur de chacune des
provinces est directement nommé par la
reine, à laquelle il est directement responsable et fait directement rapport, de même
les
ofliciers exécutifs des gouvernements locaux
seront par la suite subordonnés au représentant de la reine, auquel ils seront responsables
et feront rapport. On a objecté que
c'était empiéter sur la préregativc royale de
conférer aux gouverneurs locaux le pouvoir
de gracier, pour la raison qu'ils n'étaient
as directement nommés par la couronne mais
indirectement par l'oflicier exécutif de la
confédération. Cette disposition a trouvé
place dans la constitution à. cause de la dificulté qu'il y aurait si ce pouvoir n'était
confié qu'au gommneur-général. Par exemple, s'il s'élève une question au sujet de
la libération d'un, rls'onnier convaincu
d'oflense mineure—disons a la Nouvelle-
Ecosse—et en danger imminent de perdre la
vie s'il reste emprisonné, le pardon pourrait
arriver trop tard s'il fallait l'attendre du
gouverneur—général. Il faut se rappeler
que le pouvoir de gracier ne s'applique pas
qu'a la peine capitale, mais bien a tous les
cas de condamnation, uelque minimes qu'ils
soient, même a celui ci une amende imposée
comme énalité sur conviction criminelle.
Il s'app ique a des cas innombrables, et si
la responsabilité de son exercice ne devait
re oser que sur l'exécutif général, il ne pourvrait être exercé d'une manière satisfaisante.
Il va sans dire que dans chaque province il
devra y avoir un jurisconsulte de la couronne
occupant la position de procureur—général,
comme dans tout état de I union américaine.
"Cet officier ap artiendra au gouvernement
local; mais si c pouvoir de pardonner est
réservé à l'exécutif général, dans chaque
cas où le pouvoir de gracier sera invoqué, il
faudra que le jurisconsulte en question en
fasse directement rapport au gouverneur-
général. Cette difficulté pratique fut reconnue si grande que l'on juges a propos
d'en venir a cette détermination sans
intention aucune d'enfreindre les préro ativcs
de la couronne, car tout ce qu'a fait a conférence démontre qu'elle était mue par
le
lus grand désir de veiller avec sellicitude a
eur maintien. (Ecoutez! écoutez !) Cette
question, d'ailleurs, intéresse l'empire, et si
les gouvernement et parlement impériaux
ne se rendent pas aux raisons que nous pourrons faire valoir pour maintenir cet article,
alors, comme puissance dominante, ils pourront le faire disparaitre. (Bien ! très
bien!).
Il est de nombreux sujets qui appartiennent
de droit aux législatures locales et fédérales,
et pour éviter un conflit d'autorités, l'on a
décidé que la où il y a juridiction concurrents entre le parlement énéral et les parlements
locaux et la où la égislation de l'une
sera hostile a celle de l'autre, lalégislntion du
gouvernement général l'emportera sur l'autre.
Nous avons aussi introduit toutes les dispositions néeessaires au complet fonctionnement
de la constitution britannique en ces
provinces. Il est également present que nul
vote de crédit ne sera donné que parla
branche populaire de la le islature,—en qui
repose la solidarité de l' qullibre entre le
revenu et la dépense,——que nulle dépense
ou autorisation de dépense par adresse ou
autrement ne se fera ni ne sera donnée que
sur la recommandation de la couronne précédée de l'avis de ses conseillers responsables.
(Ecoutez! écoutes l) Quant à. la partie
financière du projet, aux arrangements pris
à l'égard du passif actuel des différentes
provinces, du futur passif de la confédération et des autres matières de ce eure,
je ne
doute pas que mes hons. amis, le ministre
des finances et le président du conseil,
sauront en donner d'amplcs détails, tout en
démontrant que cette partie du sujet a été
étudiée itfond par eux. Je sens que ce
serait faire perdre inutilement le temps de
la chambre, avec mes hibles connaissances
sur ces sujets, que d'oser vouloir les traiter,
sachant surtout que mes deux hons. amis
sauront si bien s'en acquitter. La dernière résolution qui offre quelqu'intérôt
est celle par laquelle il est proposé que
Sa Majesté détermine le rang et le nom des
provinces confédérées. Je ne sais pas si elles
seront considérées comme une royauté ou
une vice-royauté, ou si elles continueront à
43
garder le titre de provinces ; mais je suis
certain que Sa Gracieuse Majesté considérera
le sujet comme il convient, et le nom qui
nous sera donné sera digne de notre avenir.
(Acclamation.) Avant de conclure, qu'il me
soit permis de prier les hons. députés de lire
ces résolutions avec calme et de les considérer dans leur ensemble, quelque soient
leurs
préjugés antérieurs et leurs idées préconçues, et s'ils croient que, comme ensemble,
le projet proposé doit contribuer au bien-
être du peuple de ces provinces,—que la
prospérité de notre pays doit y gagner—que
nous augmenterons par là notre richesse et
notre crédit—je leur dis avec conviction :
laissez de côté tout esprit de parti et
examinez la question sur ses mérites. (Ecoutez! écoutez !) Quelques-uns ont prétendu
—mais leur argument n'est pas des plus
plausibles—que ce projet de confédération
était un pas vers l'indépendance, vers une
séparation de la mère-patrie. Je n'ai aucune
crainte de ce genre. Je crois qu'à mesure
ne nous croîtrons en richesse et en force.
L'Angleterre sera moins disposée à se séparer
de nous que si nous nous affaiblissions et que
nous fussions sans défense. ( Ecoutez !
écoutez !) Je suis fermement persuadé que
d'année en année, c'est-à-dire à mesure que
nous augmenterons en force et en population,
l'Angleterre jugera mieux des avantages que
lui vaudra son alliance avec l'Amérique
Britannique du Nord. Lorsqu'au lieu de
trois et demi nous compterons sept millions,
chiffre que nous atteindrons avant que bien
des années ne s'écoulent, il n'est guère présumable que nous serons plus qu'aujourd'hui
disposés à rompre notre union avec l'Angleterre. Est-ce, qu'autant que nous le sommes
aujourd'hui, ces sept millions ne seront pas
désireux de conserver leur allégeance à la
reine et leur alliance avec la métropole ?
Est-ce que la réunion du peuple des provinces maritimes au nôtre pourrait avoir
l'effet de diminuer le désir de rester attachés
à la mère-patrie ? Le peuple du Canada est
loyal dans le vrai sens du mot ; mais
s'il est possible que quelqu'un le soit
plus que lui, ce sont certainement les
provinces maritimes. (Acclamations.) Partout dans ces provinces, les partis politiques
luttent à qui donnera le plus de témoignages de sa loyauté à Sa Majesté et à la
couronne britannique. (Ecoutez ! écoutez !)
Si cette union s'effectue, nous compterons
une population de quatre millions d'habitants.
Nous ne serons pas alors un peuple insignifiant. En Europe, avec une pareille popula
tion, nous occuperions la position d'une
puissance de second ou troisième ordre au
moins. Notre crédit et nos ressources augmentant rapidement, nous offrirons un champ
attrayant aux émigrants anglais et à l'émigration européenne en général, et nous
progresseront en conséquence sur une grande
échelle. Les 25 dernières années ont vu
s'opérer de grandes choses pendant lesquelles
a existé l'union entre le Haut et le Bas-
Canada, mais je crois que les 25 années à
venir seront plus remarquables encore sous
le rapport des progrès et de la prospérité.
(Ecoutez ! écoutez !) Quand enfin, nous
aurons une population de huit en neuf millions, notre alliance sera recherchée par
les
grandes nations de la terre parce qu'elle sera
précieuse. (Ecoutez ! écoutez !) Le désir
que nous manifestons de rester toujours
attachés a l'Angleterre sera, je m'en fais
gloire, réciproque chez le peuple de cette
puissance. Il y a en Angleterre un parti
qui désire se débarrasser des colonies,
mais ce parti est peu puissant. Je ne crois
pas que ce soit là la pensée du peuple
ni des hommes d'Etat du peuple d'Angleterre. (Ecoutez ! écoutez ! et acclamations.)
Jamais, à mon avis, le gouvernement de la
Grande-Bretagne ne prendra délibérément
cette détermination. (Ecoutez ! écoutez !)
Les colonies sont en ce moment dans un état
de transition. Bientôt, au lieu d'être une
dépendance, nous serons un ami et un allié
puissant. L'Angleterre aura bientôt sous
sa domination des nations qui seront prêtes
et disposées à lui prêter leur concours dans
la paix et dans la guerre, et à l'aider, si cela
est nécessaire, à maintenir sa puissance
contre le monde en armes. (Acclamations.)
L'Australie aussi deviendra une nation subordonnée, et l'Angleterre, si, comme je
le
pense, ses colonies prospèrent sous le nouveau système colonial, dans la supposition
où
elle serait en guerre avec le reste du monde,
aura cet avantage de pouvoir faire alliance
avec les nations à elles subordonnées et qui,
grâce à leur allégeance au même souverain,
l'aideront à lutter, comme elle l'a déjà fait,
contre le monde entier (applaudissements !)
Si pendant la grande guerre avec Napoléon,
alors que chaque port de l'Europe était
fermé a son commerce, elle a pu encore tenir
ferme, combien donc sera plus grande sa
force de résistance lorsqu'elle aura un empire
colonial croissant rapidement en richesse
et en crédit. (Ecoutez ! écoutez !) Il est
vrai ne nous sommes en danger, comme
nous l'avons déjà été maintes et maintes
44
fois, d'être plongés dans une guerre par des
causes en dehors de notre contrôle, et cependant, cela ne nous a sa intimidés. Il
y a
quelque temps, et à la seule mention de la
probabilité d'une guerre, d'une extrémité à
l'autre de l'Amérique Britannique on a vu
se réveiller les sentiments du peuple qui
déjà était prêt à en accepter toutes les conséquences. Bien que le peuple de ce pays
ait une juste idée des horreurs de la guerre,
le cas advenant où elle serait malheureusement déclarée entre les Etats-Unis et
l'Angleterre, il serait prêt à aller audevant de ses périls par attachement pour
la métropole. Il n'y a qu'une seule
opinion sur ce point. Nous connaissons l'avantage moral de la protection de
l'Angleterre. Tant que cette alliance sera
maintenue, nous jouirons sous sa protection
des priviléges de la liberté constitutionnelle,
et comme conséquence, les droits de la minorité seront toujours respectés. (Écoutez
!
écoutez !) Dans la plupart des gouvernements, les droits de la majorité seuls comptent;
il n'y a que dans les pays comme
l'Angleterre, jouissant de la liberté constitutionnelle et méconnaissant la tyrannie
d'un
simple despote ou la démocratie sans frein,
que les droits des minorités sont respectés.
Tant ne nous resterons abrités sous le drapeau de la Grande-Bretagne, nous jouirons
du bénéfice de ses institutions libres, ayant
devant les yeux la conduite de ses hommes
d'État à imiter, et pour exemple la pureté
de sa législation et l'administration impartiale de ses lois. Dans ce nouveau pays,
un
des grands avantages de notre connexion
avec la Grande-Bretagne, c'est que sous ses
auspices et guidés par ses exemples, nos
hommes publics seront mus par des principes
analogues à ceux qui servent de mobile aux
hommes d'état de la mère-patrie. Si ce
ne sont pas là des avantages matériels, ils
sont du moins très précieux et dignes de
tous les sacrifices que nous pourrons faire
pour conserver la connexion qui nous assure ces avantages. (Écoutez ! écoutez !)
Nous devons aussi être reconnaissants à la
providence de pouvoir examiner et discuter
cette grande et paisible révolution constitutionnelle à la veille de s'opérer et dont
l'élaboration, comme aux États-Unis, n'a pas été
hâtée par les exigences de la guerre,—de ce
que notre pays n a pas, comme d'autres, subi
de violentes révolutions, fomentées soit par
des hostilités du dehors, soit par des dissensions intérieures. Ici nous sommes au
sein
de la paix et de la prospérité, sous le gouver
nement protecteur de la Grande-Bretagne ;
nous sommes un peuple dépendant, avec un
gouvernement dont 'autorité est limitée et
déléguée mais auquel on permet sans restriction de légiférer, même sur la destinée
future de l'Amérique Britannique du Nord.
Nous avons aussi la joie de savoir, par l'intermédiaire de ses ministres, qu'il avait
plu
à notre gracieuse souveraine de donner sa
complète adhésion à nos délibérations ; que
sa seule sollicitude était que nous adoptions
un système réellement à notre avantage, et
qu'elle promettait de donner son assentiment aux mesures que nous saurions
prendre pour atteindre le but projeté, la
prospérité présente et future de l'Amérique Britannique. (Applaudissements !)
Nous ne saurions donc être trop reconnaissants de la position enviable qui nous est
faite. (Écoutez! écoutez !) Il ne me reste
qu'à demander pardon à la Chambre de l'avoir
entretenue si longtemps. (Acclamations et
cris de continuer.) Je supplie la Chambre
de ne pas laisser échapper cette occasion, qui
ne se présentera peut-être jamais, et qui a
été amenée par un concours particulier de
circonstances. Il faut donc en profiter, car
si nous la négligeons, nous pourrions un jour
regretter de ne pas avoir accepté cette heureuse opportunité de fonder une nation
puissante sous l'égide de la Grande-Bretagne
et de notre souveraine Dame la Reine VICTORIA. [L'honorable monsieur s'assit au
milieu d'aplaudissements enthousiastes et
prolongés.]
La Chambre ajourne à 11 heures, P.M.