MARDI, 7 mars 1865.
Lecture étant faite de l'ordre du jour pour
la reprise des débats sur la confédération,—
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD dit:
—Avant que les débats ne soient repris, je
désire dire quelques mots. J'attirerai l'attention de la chambre sur une dépêche télégraphique
reçue aujourd'hui,—dont les termes
sont assez confus,—relativement à un débat
qui a eu lieu dans la chambre des lords, en
Angleterre, au sujet de la défense du Canada.
D'après cette dépêche, le Comte de GREY,
secrétaire d'état au département de la guerre,
admit l'importance de cette question, mais
regretta que l'on eût exprimé des doutes sur
les intentions conciliatrices des Américains.
Le gouvernement demandera un crédit de
£50,000 pour les défenses de Québec, tandis
que les Canadiens entreprendront les défenses
de Montréal et de l'Ouest.
La somme demandée, suivant une autre version, est de
£30,000. Ces chiffres sont évidemment une
erreur et doivent être £300,000. Mon but
en me levant maintenant, était de dire que,
d'après ce que nous pouvons comprendre de
ce sommaire confus des débats, le gouvernement impérial est sur le point de demander
un certain crédit pour les défenses de Québec,
tandis que les Canadiens entreprendraient les
défenses de Montréal et du pays à l'Ouest
de cette ville. Je puis dire qu'il est bien
vrai que le gouvernement impérial a fait une
proposition, il y a quelque temps, à l'effet qu'il
était prêt à proposer au parlement de voter
une somme d'argent pour la défense de
Québec, comme on le dit ici, pourvu que la
province entreprît la défense de Montréal et
de l'Ouest. Des négociations se sont poursuivies sur cette question depuis lors, entre
le gouvernement impérial et le gouvernement canadien, et je pense qu'il y a tout très
d'espérer qu'elles auront un résultat très
favorable, et que des arrangements seront
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faits pour assurer la défense du Canada,
tant à l'Est qu'à l'Ouest, de manière à protéger parfaitement le pays, tout en ne
pesant pas
trop lourdement sur le peuple. (Ecoutez!
écoutez!) Ces négociations se poursuivent
encore à l'heure qu'il est,—elles ne sont pas
encore terminées,—et il doit être évident,
pour tous ceux qui ont lu cette courte analyse
des débats du parlement impérial, qu'il est
de la plus haute importance que le Canada
soit représenté en Angleterre dans le moment
actuel. (Ecoutez! écoutez!) Il doit être
évident pour tout le monde que quelques uns
des principaux membres de l'administration
devraient être en Angleterre pour veiller
aux intérêts du Canada, et pour conclure ces
négociations sans perdre de temps. (Ecoutez! écoutez!) Il est désirable, comme je
l'ai dit hier, que les deux questions de fédération et de défense soient discutées
en même
temps, et il faut saisir l'occasion de constater exactement quelle est la position
de
l'Amérique Britannique du Nord relativement au degré de confiance qu'elle peut avoir
dans le gouvernement impérial dans un sens
politique, ainsi qu'à l'égard de la défense du
pays. Il ne devrait donc y avoir aucune
perte de temps quelconque, et, dans ce but, le
gouvernement demandera à cette chambre,
—comme la discussion dure déjà depuis
longtemps, et qu'un grand nombre de membres
ont parlé sur le sujet,—qu'elle diffère le
moins possible à en venir à une décision sur
la question. Comme de raison, le gouvernement ne veut pas essayer de fermer la porte
à toute discussion, mais il demande et invite
la chambre à considérer l'importance de
voter aussi promptement qu'elle pourra convenablement le faire sur cette question.
C'est à la chambre de décider si le projet de
confédération qui lui a été proposé par le
gouvernement est un projet qui, avec tous
ses défauts, doit-être adopté, ou si nous
devons nous confier à un avenir incertain.
Afin que la chambre en vienne de suite à
une entente dans cette affaire, je vais, comme
je l'ai annoncé hier, prendre tous les moyens
parlementaires pour obtenir un vote aussi
tôt que possible, et, en conséquence, je
proposerai maintenant la question préalable.
(Applaudissements ironiques à gauche;
contre-applaudissements à droite.) Je propose, M. l'ORATEUR, que la question principale
soit maintenant mise aux voix. (Nouveaux applaudissements.) Les hon. membres
de l'autre côté de la chambre savent parfaitement bien que cette proposition que je
fais
ne doit pas couper court aux débats. (Ecoutez! écoutez!) La chambre aura encore
l'occasion d'entendre, et sera heureuse d'entendre l'hon. député de Chateauguay, qui
crie "écoutez! écoutez!" exprimer son
opinion que ce projet est tellement mauvais
que la chambres agirait sagement en le rejetant,
lorsque l'on n'offre rien pour le remplacer, et
que nous n'entrevoyons rien dans l'avenir.
Nous aurons tous beaucoup de plaisir à entendre l'hon. monsieur dire si nous devons
ou non adopter ce projet. Il a une proposition sur l'ordre du jour, dont avis a été
donné par l'hon. député de Peel (M. J. H.
CAMERON.) Ma motion ne nuira pas à celle-là.
Mais si cette chambre est d'avis que ce projet
doit être adopté, mon hon. ami aura alors
l'occasion de proposer sa motion. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. M. L'ORATEUR—Si la chambre
le désire, je lirai l'article des règlements
qui a trait à la question préalable. Le 35e
article des règlements de la chambre est
comme suit:— "La question préalable, tant
qu'elle n'est pas décidée, exclut tout amenement à la question principale, et doit
être
conçue de la manière suivante:—'Que
cette question soit maintenant mise aux
voix.' Si la question préalable est résolue
affirmativement, la question principale est
aussitôt mise aux voix sans débat, ni amendement." (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. L'ORATEUR—La question est maintenant:—"Que cette question
soit maintenant mise aux voix."
L'
HON. M. HOLTON—Je ne me lève
pas maintenant, M. l'ORATEUR, pour faire
aucune remarque sur la manière de procéder
adoptée par l'hon. procureur-général du
Haut-Canada, autre que celle-ci: qu'un ami,
un hon. membre de cette chambre, me disait
hier que le gouvernement allait probablement adopter cette ligne de conduite, afin
de forcer l'adoption de cette mesure par la
chambre. Mais je repoussai cette idée. Je
pensai qu'il était impossible qu'un gouvernement, qui compte au nombre de ses
membres des hommes publics qui ont joué
un rôle éminent dans l'histoire parlementaire de ce pays, depuis quelques années,
pût
recourir à une pareille duperie. (Applaudissements.) Après avoir présenté cette mesure
comme il l'a fait,—après l'avoir présentée
d'une manière très inconstitutionnelle et
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contre toute règle parlementaire, et voyant
qu'il serait proposé des amendements à plusieurs des propositions contenues dans les
rélutions adoptées par la conférence de
Québec;—il nous enlève tout moyen d'amender la mesure en proposant la question préalable.
(Ecoutez! écoutez!) Eh quoi! le
procureur-général du Haut-Canada n'a t-il
pas dit lui-même que nous aurions la faculté de
prendre l'opinion de la chambre sur chacune
des résolutions, en proposant des amendements? (Ecoutez! écoutez!) Ayant pleine
confiance que cet engagement serait tenu,
lorsque mon hon. ami qui siége à côté de
moi me dit qu'il avait raison de croire que
le gouvernement avait l'intention de recourir
à cette tactique, je le répète, je repoussai
cette idée. (Ecoutez! écoutez!) Je ne ferai
pas d'autres remarques sur ce point en ce
moment, si ce n'est que si le but du gouvernement est de raccourcir les débats, comme
le dit l'honorable monsieur,—si son motif
réel est en effet d'arriver promptement à un
vote sur la question,—ce qu'il a dit lui-même
montre combien est futile l'idée qu'il
atteindra ce but. Il n'était pas du tout
nécessaire à l'hon. monsieur de nous dire que
nous pouvions discuter la question préalable.
Nous sommes maintenant, par un arrangement qui ne sera pas violé, je suppose,—
bien que je ne sache pas quelle tentative
l'on pourra faire encore,—nous sommes
maintenant, pratiquement, en comité général,
et nous avons la liberté de parler aussi souvent qu'il nous plaira sur la question.
En
conséquence, le but que veut obtenir l'hon.
monsieur ne peut pas être atteint, mais
un autre but peut être et sera atteint:—
le gouvernement va entraîner ses partisans,
— auxquels il a déjà fait faire des choses dont
ils se repentiront probablement, lorsqu'ils se
trouveront en face de leurs commettants,—
il va les entraîner un peu plus loin dans le
bourbier (applaudissements et contre-applaudissements), en les privant de l'occasion
d'enregistrer leur opinion, même par la voie
incommode des amendements, sur les diverses
propositions que l'on demande d'incorporer
dans cette adresse à la couronne. (Ecoutez!
écoutez!) M. l'ORATEUR, l'hon. monsieur
dit que les nouvelles reçues par le télégraphe
relativement aux défenses, rendent nécessaire que nous en venions à une prompte
décision sur la question de la confédération.
Mais quelle a été la ligne de conduite des
hon. messieurs de l'autre côté, depuis le
commencement des débats, lorsque l'on a
parlé de la question des défenses? Lorsque
nous leurs avons dit: — " Mettez-nous en
possession des renseignements nécessaires
pour examiner la question des défenses, qui
doit être discutée en rapport avec celle de
la confédération," quelle a été leur réponse?
Ils nous ont répondu qu'il n'y avait aucun
rapport naturel ou nécessaire entre les deux
sujets. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi, lorsque
l'on a demandé aux hon. messieurs de nous
donner des renseignements au sujet des
défenses, ils ont répondu qu'il n'y avait
aucun rapport entre les deux questions;
mais, aujourd'hui, qu'ils ont un autre but à
atteindre, ils renversent leur première position et disent: "Menez cette affaire à
terme par tous les moyens, le plus promptement possible, afin ne nous puissions mettre
le pays en état de défense." (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M. l'ORATEUR, que nous
avons droit, à cette phase des débats et sous
ces circonstances, de demander que tous les
renseignements en la possession du gouvernement au sujet des défenses, soient soumis
à la chambre. Je crois qu'il n'existe aucune
règle parlementaire mieux reconnue, que
lorsqu'un ministre de la couronne se lève en
chambre et parle de dépêches au sujet de
matières d'une importance publique, ces
dépêches doivent être soumises à la chambre.
Cette règle est fondée sur celle qui est suivie
dans nos cours de justice, qui exige que
tout document mentionné dans la preuve ou
dans la plaidoirie, pour être utile à quelque
chose, doit être en la possession de la cour.
Je me permettrai de poser cette question à
l'hon. procureur-général du Haut-Canada,
et j'attendrai une réponse:— s'il est de
l'intention du gouvernement, avant de faire
prendre le vote sur ces résolutions, de mettre
la chambre en possession des renseignements
dont je parle maintenant?
L'
HON. M. HOLTON— L'hon. monsieur
dit que ce n'est certainement pas son intention. Et, cependant, il nous demande de
donner
un vote en conséquence de renseignements
qu'il ne communique pas, non seulement sur
la question des dépenses, mais aussi sur celle
de la confédération! Si l'hon. monsieur
s'était servi des arguments qu'il a employés
pour refuser de donner des informations, si
la proposition était simplement de faire voter
un crédit pour mettre le pays en état de
défense, il pourrait y avoir quelque raison
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la-dedans; mais il les emploie pour nous
faire voter en faveur d'un projet politique
qui comprend toute espèce de choses autres
que la question des défenses. La position
que prend maintenant l'hon. monsieur est
inconstitutionnelle; mais, comme elle est
inconstitutionnelle, elle est parfaitement en
harmonie avec toute la ligne de conduite de
cette administration depuis sa formation en
juin dernier, lorsqu'elle a commencé son
existence en engageant la couronne, par un
document écrit, à ne pas exercer la prérogative d'une dissolution avant qu'une
autre session de ce parlement n'eût eu lieu.
(Ecoutez! écoutez!) Je répète que la conduite de l'administration, en cette circonstance,
est en harmonie avec tout ce qu'elle a
fait depuis le premier moment de son existence. Eh bien! M. l'ORATEUR, j'ai posé
une question à l'hon. procureur-général du
Haut-Canada, et je me propose maintenant, avec la permission de mon honorable
ami le député de North Wellington, qui
a la parole, de lui en faire une autre. Il
peut y répondre ou n'y pas répondre, suivant
qu'il le jugera convenable; mais le pays en
tirera les conclusions qu'il voudra. Hier, il a
dit qu'en conséquence du résultat des élections dans le Nouveau-Brunswick, il était
devenu passablement apparent que ce projet
avait reçu son premier échec; en d'autres
termes, il a admis clairement que le résultat
des élections au Nouveau-Brunswick était
contraire au projet,—et je puis ajouter qu'il
sait parfaitement qu'une majorité du parlement actuel de la Nouvelle-Ecosse y est
aussi opposée.
L'
HON. M. HOLTON—Je dis que oui;
et dans l'Ile du Prince-Edouard, il n'y a
aucune probabilité quelconque que le projet
soit accepté. Eh bien! malgré tout cela, il
dit qu'il pressera le vote sur cette question.
Il a été posé une question hier, à laquelle il
a été répondu, mais il existe quelque malentendu sur la signification de la réponse,
et
je crois que l'on admettra que c'est une
question à propos de laquelle il ne devrait y
avoir aucun malentendu quelconque.
L'
HON. M. HOLTON — J'admets que
j'ai l'entendement obtus, mais j'espère comprendre la réponse que l'on me fera, si
l'on m'en fait une. La question que je
désire poser au chef du gouvernement est
celle-ci:—Le gouvernement a-t-il l'inten
tion de demander au parlement impérial par
l'adresse qu'il conjure la chambre d'adopter
la passation d'une loi affectant les provinces
maritimes, ou quelques-unes d'entre elles,
sans le consentement et le concours de ces
provinces? C'est là la question que je désire
poser à l'hon. monsieur.
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—Le
gouvernement canadien n'a pas l'intention
de presser le gouvernement impérial de
passer aucun acte quelconque.
L'
HON. M. HOLTON —Alors l'hon.
monsieur a été évidement mal compris hier.
II a dit qu'il était de la plus grande importance que cette mesure fût adoptée sans
délai, afin que les ministres pussent aller en
Angleterre et se consulter avec le gouvernement impérial relativement au bill qui
devait
être introduit pour donner effet à cette
adresse.
M. RANKIN—Le gouvernement n'a pas
l'intention de "presser" le parlement impérial de passer une loi.
L'
HON. M. HOLTON—Je ne veux pas
que l'on joue sur les mots. Ce que je veux
savoir est si, conformément à cette adresse,
les hon. messieurs se proposent de demander,
ou ont quelque raison d'espérer que le
gouvernement impérial...
L'
HON. M. HOLTON—...que le gouvernement impérial légiférera sans le concours des provinces d'en-bas?
Si, en réalité,
dans le cas où les provinces d'en-bas refuseraient leur concours au projet de la
conférence, l'hon. monsieur a raison de croire
que l'on pourra légiférer sur ce projet?
Je désire savoir, premièrement, s'il se propose de demander une pareille loi? et secondement,
s'il croit pouvoir l'obtenir?
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je
crois que la chambre, et l'hon. monsieur
lui-même, doit voir combien peu raisonnable est la question qu'il me pose et qui
est de savoir si j'espère que le gouvernement britannique décrètera quelque loi
contre la volonté des provinces d'en-bas au
sujet de la confédération? Tout ce que je
puis dire, c'est que je ne suis pas plus
en état que l'hon. député lui-même de me
former une opinion à cet égard. Ce que
j'ai dit hier, je le répète aujourd'hui:—
c'est que le gouvernement canadien, sachant
que l'opinion du peuple du Nouveau-Brunswick a été exprimée contre la confédération,
saisira la première occasion pour
709
discuter avec le gouvernement impérial la
position de l'Amérique Britannique du Nord,
surtout relativement à l'état actuel des affaires
en Canada, dont la population qui forme les
quatre cinquièmes de celle de l'Amérique
Britannique du Nord, est favorable à la confédération, tandis que le Nouveau-Brunswick,
avec une population de deux cents et
quelques mille âmes, y est opposé. En
discutant la question avec les conseillers de
Sa Majesté, nous entrerons probablement
dans la considération de tout ce qui s'y
rattache; mais il m'est parfaitement impossible de dire quelle pourra être la nature
de ces discussions, ou à quoi elles conduiront
ou ne conduiront pas. Elles peuvent nous
faire arriver à des conclusions, mais pas un
homme ne peut dire quelles seront ces conclusions. Nous ne pouvons pas dire à
quelles conclusions en arrivera le gouvernement impérial. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. HOLTON—Je remercie l'hon.
monsieur de sa réponse courtoise. Je pense
qu'en somme c'est une réponse satisfaisante,
parce qu'elle implique évidemment ceci:—
que sans le concours des provinces d'en-bas
cette mesure ne pourra pas être réalisée.
C'est là clairement ce qu'elle veut dire.
Nous savons bien que nous n'aurons pas le
concours des provinces d'en-bas, et par conséquent il est absurde de demander à la
chambre de voter une mesure que les hon.
messieurs eux-mêmes ont déclaré, les uns
les autres durant ce début, être une
mesure imparfaite,—une mesure de compromis,-non pas une mesure comme celle
qu'ils désiraient et espéraient, sous plusieurs
rapports, mais une mesure qu'ils avaient
acceptée afin d'engager les provinces d'enbas à y devenir parties. Eh bien! je
demande si la chambre devrait être appelée à
voter en faveur des dispositions inacceptables et condamnables de ce projet, lors-
qu'il n'y a plus aucune raison pour elle de
donner ce vote,—lorsqu'il est admis que les
provinces d'en-bas, à l'instance desquelles
dispositions y ont été introduites, n'y
veulent pas consentir et ne peuvent pas y
être forcées? (Ecoutez!) Le président du
conseil à Toronto, lors du banquet qui y a
eu lieu dernièrement, qu'il était entièrement
oppose à la constitution du nouveau conseil
législatif, et qu'il l'avait combattue dans la
conference. Nous savons aussi que cette
partie de la mesure est très inacceptable à
tous ceux que l'on a pu appeler les membres
du parti libéral,—mais le président du conseil
a détruit ce parti, et il n'est peut-être pas
juste d'en parler encore comme étant le parti
liberal; on ne doit plus les reconnaître
maintenant que comme ceux qui se rangeaient autrefois, dans le Haut et le Bas- Canada,
sous la bannière du parti libéral.
L'hon. président du conseil a dit que comme
représentant à la conférence le parti libéral
du Haut-Canada,—le parti libéral du Bas- Canada n'ayant été aucunement représenté
dans la conférence,—comme représentant le
parti libéral du Haut-Canada, le parti de cette
section qui est en grande majorité dans cette
chambre,—il était opposé à cette partie du
projet—laquelle est aussi inacceptable à une
grande majorité de cette chambre qu'à l'hon.
monsieur lui-même. Je ne mentionne ceci
que pour exemplifier mon argument. Pourquoi les hon. membres qui étaient disposés
à
accepter le projet dans son ensemble, nonobstant cette partie condamnable,—qui étaient
disposés à l'accepter pour les motifs donnés
par leurs chefs, connue mesure de compromis,
—pourquoi, je le demande, seraient-ils appelés aujourd'hui à voter contrairement à
leurs convictions, seulement pour flatter
l'amour-propre des hon. messieurs siégeant
sur les banquettes ministérielles, qui désirent
faire adopter à la chambre une adresse qui,
de leur propre aveu, ne doit avoir aucun
effet? (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. HOLTON—L'hon. monsieur
se vante qu'elle deviendra la constitution du
pays?
L'
HON. M. HOLTON—L'hon. monsieur
a dit "du pays." L'hon. monsieur admet
donc que s'il ne peut obtenir le concours des
provinces d'en-bas à cette mesure,—que si
elles ne peuvent être persuadées d'accepter
ce plan pour reconstruire leurs gouvernements,—il va demander au gouvernement
impérial de baser une constitution pour les
deux Canadas sur ces résolutions.
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD —
L'hon. monsieur a tiré des conclusions erronées de ce que j'ai dit. Lorsque j'ai dit
que
je n'avais aucun doute que les résolutions
qui sont maintenant devant la chambre
deviendraient la constitution du pays, je
voulais dire que je n'avais pas plus de doute,
que je ne doute que je suis ici, qu'elles
710
seraient adoptées, non seulement par le
Canada, mais aussi par les autres provinces.
L'
HON. M. HOLTON—Je n'ai pas eu le
même apprentissage que l'hon. monsieur
dans l'art de torturer les paroles d'autrui.
Je prends ses paroles dans leur sens précis
et littéral. Il dit qu'il n'a aucun doute que
ces résolutions formeront la constitution du
pays. Alors, M. l'ORATEUR, pourquoi les
hon. messieurs ne tiennent-ils pas à leur
parole, — pourquoi le président du conseil
spécialement ne tient-il pas à sa parole
envers son parti, en nous donnant le projet
qu'il s'est engagé à nous soumettre, dans le
cas où il surviendrait quelque chose comme
ce qui arrive aujourd' hui, durant cette session du parlement? L'hon. monsieur ne
croit pas convenable de répondre. J 'avoue
que je ne m'attendais pas à recevoir de réponse; mais, cependant, j'ai cru convenable
de lui poser cette question. Je puis, ainsi
que les autres membres de cette chambre,
interpréter son silence. Il sait parfaitement
que c'est une violation du programme avec
lequel il est entré dans le gouvernement, et
il sait parfaitement qu'il s'écarte de l'aveu
qui faisait, je ne dirai pas sa justification,
mais son excuse pour occuper le siège qu'il
occupe maintenant. La question est maintenant posée;—le gouvernement a-t-il l'intention
d'aller en Angleterre et de demander
au gouvernement impérial d'établir une constitution pour ce pays, dont les principes
n'ont jamais été pris en considération, parce
que nous sommes maintenant occupés à rédiger un projet de confédération générale?
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—
J'ai dit que la première chose à faire durant
la session d'été serait de présenter une
mesure afin de mettre tout le programme à
exécution. Premièrement, votez la confédération, et lorsque nous nous réunirons de
nouveau, nous soumettrons le projet des gouvernements locaux pour le Haut et le Bas-
Canada.
L'
HON. M. HOLTON—Oui, les gouvernements locaux. Je remercie l'hon. monsieur de me faire souvenir des
gouvernements locaux. Mais je parlais du gouvernement général du Canada. (Ecoutez!
écoutez!) Je pense que la seule conclusion possible de l'admission de l'hon. monsieur
est
que le gouvernement a l'intention de chercher à obtenir une constitution générale
pour le Canada en vertu de ces résolutions
sans avoir jamais soumis la question à cette
chambre. Eh bien! monsieur, il y a peut- être une autre raison de la conduite adoptée
hier par l'hon. monsieur et poursuivie aujourd'hui. J'ai toujours pensé—et peut- être
cela n'a-t-il pas été démontré par 1es
faits...
L'
HON. M. HOLTON—Je dis que j'ai
toujours pensé, et les faits tendent à démontrer rapidement l'exactitude de mon impression,
que ce gouvernement a été formé
en conséquence de l'embarras dans lequel
se trouvaient certains messieurs qui possédaient des portefeuilles et désiraient les
conserver, et de certains autres qui n'en
avaient pas mais désiraient en avoir. Je
crois que toutes les difficultés constitutionnelles, ou prétendues difficultés constitutionnelles
de ce pays, sont venues des embarras
personnels ou plutôt politiques dans lesquels
certains messieurs se sont trouvés placés,
en conséquence de causes dont je ne parlerai pas maintenant. (Ecoutez! écoutez!)
Eh bien! monsieur, voyant que ce projet a
avorté, voyant que le prétexte sous lequel
ils sont restés au pouvoir pendant six ou
neuf mois est sur le point de leur faire
défaut, ils préparent d'autres moyens, comme
une espèce de leurre pour le pays, par
lesquels ils pourront conserver le pouvoir
pendant quelque temps encore. J'admets
la dextérité avec laquelle ils font la chose
—dextérité pour laquelle le procureur-général du Haut-Canada est depuis longtemps
renommé dans le pays. Sa théorie est:
"Ayons soin d'aujourd'hui, quand viendra
demain, nous verrons ce qu'il y aura à
faire," et en adhérant à cette maxime, il a
réussi à prolonger son existence politique
jusqu'à ce moment. L'on reconnaîtra, je
crois, que c'est là la théorie d'après laquelle
agit l'hon. monsieur.
L'
HON. M. HOLTON —Une théorie très
sage, sans aucun doute. Je suis heureux
de voir que l'hon. monsieur ne nie pas le
fait. Mais tout en admettant qu'il a très
bien réussi de cette manière, il peut être
douteux, cependant, qu'après tous ses succès
il ait atteint la plus belle récompence possible d'une vie publique; il est douteux
que
711
quelqu'un parle de l'hon. monsieur comme
un homme d'état. L'on admet qu'il est
un directeur adroit, et que son administration est basée sur la théorie de faire
aujourd'hui ce qui doit être fait aujourd'hui,
et de remettre à demain tout ce qui peut
être différé. Je doute cependant, après tout,
que lorsque l'hon. monsieur viendra à passer
sa carrière en revue, il soit convaincu que
cette espèce de politique porte avec elle les
plus grandes récompenses d'une vie publique.
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je
consentirai volontiers à laisser l'hon. député
de Chateauguay se faire mon biographe.
(Rires.)
L'
HON. M. HOLTON—Mais pendant que
telle était sa théorie et sa pratique, et bien
qu' elles fussent couronnées d'un certain
succès, je demanderai à l'hon. président du
conseil s'il a jamais, auparavant, agi d'après
cette théorie, et s'il peut volontiers la suivre
maintenant? La plupart d'entre nous se
rappellent,—au moins ceux qui ont été dans la
vie publique depuis quelques années, doivent
se rappeler un discours très remarquable prononcé par l'hon. député de South Oxford
(M. BROWN) à Toronto, durant la session
de 1856 ou 1867. Il a prononcé plus d'un
discours remarquable dans son temps, mais
c'était là l'un des plus remarquables. Il
décrivait dans ce discours la route du procureur-général du Haut-Canada comme étant
parsemée d'un bout à l'autre des pierres
tumulaires de ses collègues massacrés. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! il ne manque pas
de personnes qui croient entrevoir à une
distance assez rapprochée la tombe béante
qui attend la plus noble victime de toutes.
(Rires.) Et je crains beaucoup, à moins que
l'hon. monsieur n'ait le courage de faire
valoir son ancienne énergie—et il a beaucoup d' énergie—et de mépriser les miroitements
et les douceurs du pouvoir, et de se
replacer là où il était établi autrefois dans
l'estime et la confiance du peuple de ce
pays, comme l'un des premiers défenseurs
des droits du peuple, comme l'un des premiers champions des priviléges d'un parlement
libre,—à moins qu'il ne se hâte de
faire cela, je crains beaucoup que lui aussi
ne tombe victime,— comme je l'ai dit, la plus
noble victime de toutes,—des artifices, sinon
des armes, du cruel exterminateur. (Rires.)
Je désire, puisque j'ai la parole,—et je ne
suis pas du tout ceriain si, en face du nouvel
état de choses, je troublerai la chambre en
discutant au long la question de confédération,—je désire dire quelques mots sur le
mérite de cette question de défense. Comme
de raison, je crois, comme tout homme en ce
pays le croit aussi, je suppose, que le peuple
qui ne veut pas se défendre n'est pas digne
d'institutions libres. Je pense que nous
devons nous défendre le mieux que nous
pouvons contre toute agression. Je pense
que la conduite que nous avons suivie depuis
quelques années, d'enrôler notre population
et de l'habituer à l'usage des armes et aux
exercices militaires, et d'instruire des officiers qui pourraient la conduire, si
la nécessité s'en présentait,—est une conduite sage.
Mais si les hon. messieurs proposent que
nous établissions une armée permanente, que
nous équipions une marine, que nous entrions
dans un système coûteux de fortifications,
ils proposent ce qui est au-delà des moyens
du pays,—ils proposent ce qui doit amener
bientôt la ruine financière du pays,—et en
amenant la ruine financière du pays, et en
créant par là du mécontentement dans la
population, ils préparent la voie à l'événement
même qu'ils prétendent répousser si fortement. Je crois, si cette conduite n'a pas
ce
résultat, qu'elle aura certainement celui de
dépeupler le pays. Déjà l'œuvre de dépouation est commencée.
L'
HON. M. HOLTON—Dans tous les
comtés de l'ouest du Haut-Canada, au
moment actuel, il y a une plus grande
somme de malaise et de détresse financière
que je n'en ai vue depuis vingt-cinq ans.
Je défie les hon. messieurs qui m'entourent
de contredire cette assertion. Et je dis que
nous ne sommes pas en état de supporter un
grand surcroit d'impôt sur nos ressources.
(Ecoutez! écoutez!) Et ensuite quel est
l état de nos finances? L'hon. monsieur
qui préside à nos finances n'a pas osé l'autre
jour contredire l'assertion que j'ai faite,
que toutes les sources de revenu diminuaient,
et qu'un déficit inévitable pour cette année
nous regardait en face. Cela n'est-il pas le cas?
L'
HON. M. GALT—L'hon. député peut
répéter son assertion, mais il ne doit pas me
la mettre dans la bouche.
L'
HON. M. HOLTON—L'hon. monsieur
n'a pas osé la contredire, et je pensais que
la gravité de cette assertion était telle qu'il
l'aurait contredite s'il l'avait pu.
L'
HON. M. GALT—Faites vos assertion
sur votre propre responsabilité, et non pas
sur la mienne.
712
L'
HON. M. HOLTON—Je dis donc, sur
ma propre responsabilité, que toutes les
sources de nos revenus ont diminué, depuis
le commencement de l'année, excepté le
montant comparativement minime provenant
des timbres sur les billets.
L'
HON. M. GALT—Dites-vous toutes les
sources du revenu, avec l'exception que vous
mentionnez?
L'
HON. M. GALT — Alors, l'on vous
prouvera qu'il n'en est pas ainsi, lorsque
vous aurez fini. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. HOLTON—Comme de raison,
je serai heureux de l'entendre. C'est là
l'espèce de renseignements dont nous avons
besoin avant que nous ne donnions aux hon.
messieurs un vote de crédit, et que nous
leur permettions d'aller en Angleterre pour
faire ce que bon leur semblera pendant six
mois encore. Il peut se faire que le revenu
se soit relevé, depuis quelques semaines, en
conséquence de causes accidentelles. Il a
circulé une rumeur que l'hon. ministre des
finances avait l'intention d'opérer un changement dans les droits de douane, et dans
deux
ou trois de nos grandes villes, on s'est
empressé de courir aux entrepôts de douane,
afin d'économiser la somme supplémentaire
que les marchands auraient eu à payer par
un changements de tarif. Cela a sans doute
augmenté les recettes pour le moment, et il
est très possible que pour cette cause le
revenu eut avoir regagné ce qu'il avait
perdu durant les premières semaines de
cette année. Et ensuite, l'état de nos effets
en Angleterre—qui avaient tant profité,
d'après le président du conseil, du résultat
de la conférence de Québec,—n'est rien
moins que satisfaisant. Je crois qu'à l'exception du point qu'ils ont touché en octobre,
ou au commencement de novembre, et qu'ils
n'ont touché que pendant un très court
espace de temps, ils sont plus bas maintenant,
et ont été plus bas pendant plus longtemps
qu'à aucune autre époque depuis l'union Je
crois donc que nous ne sommes pas en position
d'imposer de lourds fardeaux au peuple dans
le but d'établir une armée permanente, ou dans
le but de construire d'immenses fortifications.
(Ecoutez! écoutez!) Mais j'en ai dit plus
que je ne me le proposais lorsque je me suis
levé, et je ne veux pas priver plus longtemps
mon hon. ami de North Willington (DR.
PARKER) de la parole.
L'
HON. M. BROWN—Je ne retiendrai
la chambre que pendant quelques instants
pour répondre à l'hon. monsieur qui vient
de prendre son siége. Quant à son assertion
que le revenu a diminué dans la proportion
ont il parle, dans toutes ses sources, elle
est parfaitement erronée. Il sera démontré,
quand le temps en sera venu, lorsque l'on
demandera à la chambre de voter les subsides,
que le revenu est très loin d'être dans la
condition désespérée dont l'hon. membre a
parlé. Et je pense que son assertion relativement à l'état de la province est aussi
exagérée que l'autre. Il est très vrai que plus
sieurs parties de notre pays souffrent malheureusement, en ce moment, d'une gêne considérable;
mais aucun homme intelligent qui
examinera les circonstances dans lesquelles
nous nous trouvons placés, ne trouvera cela
extraordinaire. Nous avoisinons un pays
qui est en proie à une guerre affreuse. Nos
relations commerciales avec ce pays, avec
lequel nous avons ordinairement d'immenses
transactions, sont considérablement troublées. Ensuite nous avons eu de pauvres
récoltes depuis plusieurs années, et nos
banques ne font—et elles ont raison—que
des affaires très restreintes. Ces causes, ainsi
que certaines autres, ont contribué à produire
la stagnation qui existe aujourd'hui et une
disposition générale à resserrer le cercle des
transactions commerciales. (Ecoutez! écoutez!) Mais, avec tout cela,—malgré la rareté
de l'argent et beaucoup de souffrances et de
gêne causées par sa rareté,—je me permettrai d'affirmer que les grandes branches de
nos industries nationales n'ont jamais reposé
sur une base plus ferme, que les hommes
d'affaires n'ont pas eu depuis plusieurs
années moins de dettes qu'aujourd'hui, et
que lorsqu'un meilleur ordre de chose
reviendra, l'on verra que les maux dont parle
l'hon. monsieur ne sont pas aussi profondément enracinés qu'il le dit. (Ecoutez!)
L'hon. monsieur est excessivement désireux
de me voir remplir les promesses que j'ai
faites au pays lorsque je suis entré dans
l'administration. L'hon. monsieur ferait
preuve d'un peu plus de discrétion, je crois,
s'il me permettait de juger par moi-même
de la meilleure manière dont je dois remplir
ces promesses. Lorsque, dans le court espace
de six mois, le gouvernement a pu venir
avec un projet bien mûri, comportant d'aussi
grands changements, et le présenter au parlement avec la bonne foi dont il a fait
preuve,
je pense que le pays n'a aucune juste raison
de se plaindre, soit que j'aie perdu du temps
à remplir mes promesses, soit de la manière
713
dont je les ai remplies. (Ecoutez! écoutez!)
Et je pense que l'hon. monsieur a très mauvaise grâce,—lorsqu'il a entendu déclarer
que, nonobstant ce qui est arrivé au Nouveau- Brunswick, nous adhérons encore à la
base
sur laquelle le gouvernement a été formé,
que tout ce que nous demandons est le temps
de voir comment notre projet peut le mieux
être mis à exécution, et que dans le cours
de quelques semaines nous serons prêts à
rencontrer le parlement de nouveau et à lui
soumettre le résultat de nos études,—l'hon.
monsieur a très-mauvaise grâce, dis-je, tout
en prétendant être en faveur de changements
constitutionnels, de se lever ici et de chercher à créer un préjugé sans fondement
contre ceux qui font ainsi preuve de leur
détermination à remplir parfaitement et
promptement leur devoir envers le pays.
L'hon. monsieur dit que j'ai brisé le parti
libéral. Il dit qu'il y avait un parti libéral dans
le Haut-Canada et un parti libéral dans le
Bas-Canada qui agissaient cordialement ensemble, et que j'ai détruit l'harmonie qui
existait entr'eux. Je n'entrerai pas dans
cette discussion maintenant. Le temps
viendra où nous pourrons complètement
vider cette question sans danger pour les
intérêts publics, et je promets à l'hon.
monsieur de lui donner sa réponse. Mais
j'ai à dire ceci, en attendant, à l'hon.
monsieur,—que je crois que ce n'est pas à
lui de lancer de pareilles accusations contre
les membres de ce côté de la chambre,
s'il se rappelle que, dans un discours qu'il a
fait en cette chambre pas plus tard que
durant la dernière session, lorsque la formation de cette coalition a été annoncée,
il a
dit qu'il ne pouvait aucunement se plaindre
de la conduite que j'avais adoptée,—que,
sous les circonstances, je ne pouvais agir
que comme je l'avais fait. (Ecoutez! écoutez!) S'il peut trouver un seul acte de ma
part qui soit en contradiction avec la conduite que j'ai suivie alors, il a le droit
de
me blâmer; mais tant que je remplis, de
bonne foi, les engagements que j'ai contractés
vis-à-vis du pays, de mes partisans et de la
chambre, ce n'est pas, dans tous les cas, de
la part de l'hon. monsieur que je dois m'attendre à une accusation de cette nature.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. membre dit
que la proposition d'une union de toutes les
colonies a avorté. Je le nie complètement.
(Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas prêt
à admettre—je ne crois pas—que les repréentants du Nouveau-Brunswick, lorsque la
question sera sérieusement discutée dans le
parlement, et que la proposition leur sera
présentée dans tout son jour, la rejetteront.
Lorsqu'ils l'auront fait, il sera temps pour
l'hon. monsieur de dire que le projet a
avorté. Et de fait il aurait été bien étrange
qu'un projet aussi vaste n'eût subi aucun
échec dans sa marche; mais il serait encore
plus étrange que les partisans de la mesure
l'abandonnassent à cause d'un échec comme
celui-là. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député
de Chateauguay se trompe aussi, lorsqu'il
affirme que la majorité des membres de la
législature de la Nouvelle-Ecosse sont contre
cette mesure de la confédération.
L'
HON. M. BROWN—Ayant entendu
dire que l'hon. député d'Hochelaga avait
fait cette assertion devant la chambre...
L'
HON. M. BROWN—Je pense qu'il
vaut mieux ne pas demander l'autorité de
l'honorable monsieur, ni faire usage d'aucun
nom propre dans une affaire comme celle-ci.
Mais je dois dire que du moment que j'ai
entendu dire que cette assertion avait été
faite, j'envoyai une dépêche télégraphique
à un ami de la législature de la Nouvelle- Ecosse, et je reçus une réponse entièrement
contradictoire à l'assertion qui avait été
faite.
L'
HON. M. BROWN—Je suppose que
c'est à eux de décider quand ils devront s'en
occuper, et non pas à l'hon. député de
Chateauguay, qui est entièrement opposé a
cette mesure.
L'
HON. A. A. DORION—Il y a une
forte présomption en faveur de mon autorité
contre la vôtre.
L'
HON. M. BROWN—Je dois laisser à
la chambre le soin de juger de cela.—L'hon.
député de Chateauguay dit que la motion
faite par l'hon. procureur-général du Haut- Canada n'atteint pas le but pour lequel
elle
est faite, c'est-à-dire, d'amener les débats
à une prompte conclusion. Il dit qu'elle
peut empêcher les amendements, mais qu'elle
n'arrêtera pas les débats. Mais cela est une
grande erreur de sa part. C'est le seul
moyen par lequel la discussion puisse être
promptement terminée.
L'
HON. A. A. DORION—Les hons. mes
714
sieurs de l'autre côté veulent arrêter la
discussion en même temps qu'empêcher tout
amendement. C'est là leur but!
L'
HON. M. BROWN—Si l'hon. député
d'Hochelaga avait attendu que j'eusse fini
ma phrase, il aurait vu que je ne voulais
rien dire de semblable. Quant à la motion
principale, les honorables messieurs peuvent
parler tant qu'ils voudront. Tant que la
chambre n'aura pas décidé que le temps est
arrivé de prendre le vote sur cette proposition, ils peuvent parler.
L'
HON. M. BROWN—Comme de raison,
personne ne peut les en empêcher, et, en ce
qui me concerne, je puis assurer à l'hon.
député de Cornwall que je n'ai nullement le
désir de l'empêcher, ou d'empêcher aucun
autre membre d'être entendus autant qu'ils
le voudront. Mais, depuis le commencement
de ces débats, nous avons constamment vu
soulever des questions incidentes, et les
mêmes députés se lever à chaque séance et
faire de longs discours sur ces questions,
dans le but de "tuer le temps," à un degré
dont nous n'avons jamais été témoins auparavant, j'ose le dire, ni dans cette chambre
ni dans aucun autre corps législatif. Et il
est évident que, si la question préalable
n'était pas posée, nous verrions ces débats
se continuer sur une foule d'amendements,
et que cette discussion serait prolongée à
un point qui empêcherait
complètement le
prompt accomplissement des grandes fins
pour lesquelles ce gouvernement a été formé.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. EVANTUREL —Comme l'un
des amis de l'administration actuelle, je dois
dire que je suis surpris de la conduite et de
la position extrêmes dans laquelle le gouvernement veut se placer. Pour ma part, je
suis en faveur du principe de la confédération,
et l'un de ceux qui croient qu'avec ce principe
on peut sauvegarder et préserver les droits
et les libertés de chacune des parties contractantes; mais, d'un autre côté, je suis
d'opinion, et je ne me le cache pas, qu'on peut
facilement avec ce même principe mettre
en danger et faire disparaître entièrement
ou à peu près les droits et les priviléges
d'un état partie à cette confédération. Tout
dépend donc des conditions du contrat.
Comme ami de l'administration, je comprends, autant que qui ce soit, qu'une confédération
quelconque et surtout une confédération connue celle que l'on nous propose
aujourd'hui, ne peut avoir lieu qu'au moyen
de compromis, et sous ce rapport, M. l'ORATEUR, je n'ai peut-être pas besoin de le
déclarer ici, je suis prêt et disposé à aller
dans ce sens aussi loin qu'il est possible de
le faire. Je suis aussi un de ceux qui, lors- qu'il s'agira d'unir sous l'égide d'un
gouvernement fort et stable les différentes provinces
de l'Amérique Britannique du Nord, alors
que j'y verrai l'intérêt général, prêterai
cordialement mon appui à tous ceux qui
voudront établir un pareil gouvernement:
je serai toujours prêt à les rencontrer
mi-chemin; mais, lorsque la question se
présente aujourd'hui d'une manière toute
différente, et qu'en conséquence des évènements qui ont été annoncés hier en chambre,
la constitution qu'on propose ne semble
intéresser maintenant que les provinces du
Haut et du Bas-Canada; je dis, M. l'ORATEUR, que le compromis entre les différentes
provinces n'existant plus, nous ne sommes
plus tenus d'être aussi généreux. Je dis
que si l'on admet que le Nouveau-Brunswick,
par sa répudiation récente, et la Nouvelle- Ecosse, l'Ile du Prince-Edouard ne forment
plus partie au contrat passé entre les provinces, et qu'il ne s'agit plus aujourd'hui
que
de demander à l'Angleterre des changements
dans la constitution au profit des deux
Canadas, je dis que les conditions sont tout
à fait changées pour nous, (écoutez! écoutez!), et qu'en conséquence, je suis moins
prêt à permettre au gouvernement qu'il aille
présenter en Angleterre comme base de notre
future constitution, les résolutions telles que
nous avons été obligés de les accepter dans
des conditions très désavantageuses. Je dis,
sans hésiter, que la position prise dans cette
occasion par le gouvernement est une position
dangéreuse pour lui et pour ceux qui désirent
l'appuyer dans la passation d'un bon projet
de confédération. Si je comprends bien,
l'intention du gouvernement en proposant
la question préalable est de mettre ainsi ses
amis dans la position extrême de ne pouvoir
apporter aucune modification au plan. Dans
notre nouvelle position, nous allons donc dire
à l'Angleterre que nous avons été obligés de
faire telle et telle concession pour en arriver
à une entente; que les autres provinces se
sont retirées du contrat, malgré ces concessions onéreuses et ces compromis que nous
avons été obligés de faire et qui n'ont pas été
acceptés par les autres partis au contrat, et
que nous venons cependant lui demander de
formuler notre constitution d'après les mêmes
conditions onéreuses que nous avions accep
715
tées dans la conférence de Québec. Pourquoi
donc nous lier maintenant aussi strictement?
Pourquoi ne pas profiter de l'abandon des
provinces pour faire subir au projet des
modifications moins onéreuses pour nous?
Je crois devoir dire que le gouvernement en
agissant comme il le fait, fait à ses amis une
position des plus difficiles. Pour ma part,
M. l'ORATEUR, je suis bien en faveur de la
confédération et je suis prêt à appuyer le
gouvernement dans ses efforts pour tirer le
char de l'état de la position dans laquelle il
se trouve, mais je veux, d'un autre côté, et
je crois que c'est simple justice de le dire,
je veux qu'il nous mette, vis-à-vis notre pays,
dans une position qui nous permette de lui
dire, chacun de nous, que nous avons fait
tout notre possible pour améliorer la position.
Voilà pourquoi, M. l'ORATEUR, je regrette
profondément que le gouvernement en soit
venu à prendre une attitude aussi tranchée. (Ecoutez! écoutez!) Je conviens
avec l'administration que le temps presse,
mais il ne faut pas, pour éviter un danger,
risquer de tomber dans un autre danger.
Je conviens aussi que les évènements qui
se succèdent depuis quelques jours donnent
à craindre que la domination anglaise sur
les provinces de l'Amérique Britannique
du Nord ne disparaisse d'ici là quelques
années. J'admets tous ces dangers, M.
l'ORATEUR; mais, d'un autre côté, je ne me
cache pas que la position extrême dans
laquelle on voudrait nous placer ne tend pas à
diminuer ces dangers. Au contraire, je crains
fort que si l'on veut agiter trop fortement
l'opinion publique, en lui imposant une
nouvelle constitution, sans nous accorder la
liberté de l'amender, je crains que l'on
augmente les dangers au lieu de les diminuer. Jusqu'à présent, le Bas-Canada a
assez témoigné, par la voix de ses chefs,
qu'il était prêt à faire toutes les concessions
possibles, mais après cela serait-il prudent
de le mécontenter en nous refusant le droit
d'amender en quoi que ce soit le plan
proposé. On a été obligé, pour calmer les
craintes publiques, de dire avec raison que
le ministère avaint dû nécessairement faire
des concessions aux provinces pour l'entente
générale. Mais maintenant que les parties
contractantes au projet de confédération nous
font défaut, après nous avoir imposé des
compromis et nous avoir fait faire des concessions, pourquoi, dans un temps aussi
difficile que celui-ci, irions-nous placer notre
position devant le parlement impérial de la
même manière que si ces provinces fussent
restées fidèles? Je suis d'opinion, M. l'ORATEUR, que c'est trop demander de nous,
et que, puisque les provinces d'en-bas ne
veulent plus évidemment s'unir à nous, nous
aurions grandement tort, nous, Canadiens- Français, de placer notre position absolument
dans les mêmes conditions que nous
avons été obligés d'accepter pour rencontrer
les exigences de nos sœurs-colonies. Je
crois que le Haut et le Bas-Canada ont le
droit maintenant de se présenter plus favorablement devant le parlement impérial et
de pouvoir lui dire: Voici les concessions
ne nous avions, il est vrai, faites en vue
du salut commun, mais les provinces maritimes nous font défaut aujourd'hui et ce
qu'elles veulent, c'est de rester indépendantes ou d'entrer dans la république américaine!
Nous avons fait notre devoir et
nous sommes encore prêts à demeurer fidèles
aux engagements que nous avions pris vis-à- vis des parties contractantes, mais puisqu'elles
nous abandonnent, et que les concessions
que nous avons faites ne sont plus considérées suffisantes par elles, nous venons
plaider devant vous notre propre cause et
vous dire aujourd'hui que les intérêts particuliers du Bas-Canada ont besoin de plus
de garanties que celles que nous avions été
obligés d'accepter des provinces maritimes
pour en arriver à un entente cordiale. Nous
venons demander aujourd'hui à l'Angleterre
de nous être plus favorable et de nous tirer
de nos difficultés, à l'aide de changements
constitutionnels moins onéreux. Dans ce
cas, je crois que le gouvernement impérial
n'oserait point nous imposer une constitution
malgré nous, et nous serait très-favorable.
Les Canadiens-Français sont tous des loyaux
sujets de Sa Majesté Britannique, personne
ne doit en douter, mais il y aurait folie chez
les hommes d'état en Angleterre de leur
imposer une constitution qu'ils répudieraient ou qu'ils opposeraient très-fortement.
C'est un sentiment de loyauté qui me fait
exprimer cette opinion, car je sais qu'il
y a en Angleterre des hommes d'état qui
doivent comprendre aussi que la loyauté des
Bas-Canadiens et des Haut-Canadiens doit
dépendre du degré de satisfaction que leur
donnera leur nouvelle constitution. A quoi
servirai à l'Angleterre de nous donner la
constitution qui serait la plus de son goût,
dans la vue de pouvoir conserver le Bas- Canada, si cette constitution n'était pas
en
même temps satisfaisante pour la majorité
716
du Haut ou du Bas-Canada; il se produirait
de suite un mécontentement général, dont
la conséquence serait un affaiblissement de
notre zèle pour la défense du pays. C'est là
une vérité claire comme le jour et que tout
le monde comprend. Ainsi, M. l'ORATEUR,
j'espère que si la mesure de confédération
est passée, elle ne nous sera pas au moins
imposée sans que la chambre actuelle ait eu
occasion de la juger ou de l'amender. J'avoue
que je suis disposé à aller aussi loin que qui
que ce soit et à faire les plus grandes concessions possibles pour nous tirer de nos
difficultés, et pour en arriver à une entente, pour
nous assurer la confédération et les immenses
avantages qu'elle est susceptible de nous
donner; mais j'avoue que quand on vient
nous dire en face des évènements qui viennent de s'accomplir, qu'il faut que nous
subissions la position qui nous est imposée
par des parties contractantes qui se sont
retirées si vite du contrat, je dis qu'on a
tort de tenir le Bas-Canada absolument lié
aux conditions premières. Je souhaite que
cette position extrême que le gouvernement
a prise vis-à-vis du Canada soit pour son
plus grand bien; mais, pour ma part, M.
l'ORATEUR, je ne puis m'empêcher d'avouer
que j'ai des craintes très vives à cet égard.
Il me semble que dans les circonstances
actuelles, le gouvernement aurait dû laisser
au Haut et au Bas-Canada toute la latitude
possible pour faire les suggestions qu'ils
croient nécessaires, ne pas exiger que le
projet fut adopté tel qu'il est, et laisser ainsi
à ceux qui veulent faire des amendements
le moyen légitime et constitutionnel de se
justifier devant leurs compatriotes en les
inscrivant du moins dans les annales parlementaires. La position dans laquelle on
nous
met équivaut à ceci: Tout ou rien. Eh bien!
M. l'ORATEUR, j'ai toujours été contre ce
système, et si l'on se rapporte à l'histoire de
notre passé, on voit qu'il n'a jamais produit
que des dissensions déplorables. (Ecoutez!
écoutez!) Quel est aujourd'hui le cri de nos
adversaires contre le projet de confédération?
C'est celui-ci: vous refusez d'en appeler au
peuple: vous pressez injustement la discussion; vous nous refusez toute chance de
présenter des amendements au projet; vous
nous refusez le droit de les enregistrer dans
nos journaux parlementaires; vous voulez
nous imposer, à notre insu, une constitution
dont nous ne connaissons aucun détail et
dont l'ensemble nous est aussi imparfaitement connu! Eh bien! M. l'ORATEUR, je
le demande au ministère, ne vaudrait-il pas
infiniment mieux pour lui de faire disparaître ces craintes et de rendre impossible
ces plaintes? Pourquoi hâter ainsi, — je ne
dirai pas d'une façon inconstitutionnelle,
mais au moins extrêmement dangereuse, —
la discussion; pourquoi empêcher la présentation de tout amendement au projet, surtout
quand rien ne presse et que les conditions
dans lesquelles se trouve aujourd'hui le
projet sont entièrement différentes de ce
quelles étaient avant les derniers évènements?
On me répondra peut-être que je me trompe
en disant que cela ne presse pas; qu'au contraire, les événements rendent absolument
nécessaires la passation immédiate de cette
mesure; que la défense de nos frontières est
une question qu'il faut régler immédiatement
et qu'il n'y a pas un instant à perdre. Eh
bien! M. l'ORATEUR, pour ma part, j'avoue
que si je vote en faveur du projet de confédération, ce n'est pas au point de vue
de
la nécessité de notre défense; car, jusqu'à
présent, je n'ai pas cru que la confédération
des provinces offrit en ce moment un moyen
de défendre nos frontières beaucoup plus
efficace que le système actuel, (écoutez!
écoutez!), puisque nous avons déjà cette
unité d'ation dans toute sa plénitude sous
l'égide de l'Angleterre, ce que l'on semble
ne pas apercevoir! Mais je vais plus loin, et
je dis que les discussions qui ont lieu aujourd'hui sur les changements constitutionnels
que l'on propose agitent fortement l'opinion
générale. Absolument comme à une autre
époque de notre histoire, de pareils changements tendent nécessairement dans leur
effet
à soulever nos populations; et cette agitation
bien naturelle a aussi ses dangers et prouve
de plus que les constitutions ne se font pas
en un jour; qu'il faut du temps et même
beaucoup de temps pour asseoir solidement
les bases de l'édifice social et constitutionnel
du peuple le mieux disposé. D'ailleurs, la
constitution actuelle de la Grande-Bretagne,
qui est certainement bien assise, en est une
preuve: il a fallu des siècles pour la faire ce
qu'elle est aujourd'hui. Je dis donc qu'il ne
convient pas de se hâter trop, en mécontentant le peuple, et que l'on doit procéder
avec
d'autant plus de lenteur et de prudence que,
de l'aveu même des ministres, nous sommes
exposés à des dangers bien imminents de
guerre. Si nous sommes si exposés à la guerre,
je dis que nous ne sommes pas dans la condition la plus normale pour opérer un changement
subit de constitution, et que loin de nous
717
mettre en bon état de défense, pour détourner
le danger imminent, nous affaiblissons peut- être notre position en agitant trop fortement
ou trop prématurément l'opinion publique.
Je dis donc et je le répète, que ceux qui
veulent forcer nos représentants d'accepter la
mesure sans amendement pour la seule raison
qu'il faut organiser de suite notre défense
militaire, agissent sans raison plausible ou
suffisante. Je regrette donc profondément
que la question préalable soit posée de
manière à mettre les amis de l'administration
dans la nécessité de voter cette mesure sans
pouvoir proposer aucun amendement, et cela
quand la position est tout à fait différente.
Je demande pardon à la chambre d'avoir
pris la parole, mais j'ai cru de mon devoir
de protester de suite contre l'action du gouvernement que j'étais loin de prévoir,
avant
ce moment. Je voterai donc contre la proposition actuelle, parce que je veux des
amendements au projet de constitution,
laissant au gouvernement toute la responsabilité de sa conduite s il persiste à nous
refuser l'occasion d'apporter quelques modifications au plan de confédération actuel.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Je suis
bien aise que l'hon. député du comté de
Québec, avec sa franchise ordinaire, nous ait
fait part de suite de ses appréhensions. Je
l'ai suivi avec beaucoup d'attention, et je
suis certain qu'il n'y a pas de différence
entre lui et nous; nous sommes parfaitement
d'accord. (Ecoutez! écoutez! et rires) Je
savais fort bien, M. l'ORATEUR, avant de me
lever pour donner des explications à l'hon.
député du comté de Québec et à la chambre,
que les quelques paroles que je viens de
prononcer soulèveraient les rires de l'opposition, car du moment que ces hon. messieurs
voient un des membres qui d'ordinaire
appuient l'administration, se lever dans cette
enceinte et parler avec animation sur une
mesure quelconque du gouvernement, de
suite ils sont prêts à induire de cette animation que cet hon. député est contre la
mesure. Je le répète, M. l'ORATEUR, le
gouvernement s'accorde parfaitement dans
ce cas-ci avec l'hon. député du comté
de Québec. S'il demande aujourd'hui à la
chambre de hâter la décision qu'elle est
appelée à donner sur la grande question de
confédération entre toutes les provinces
anglaises de ce continent et non pas des
deux Canadas, comme l'a dit l'hon. député
du comté de Québec, c'est qu'il désire,
comme l'a fait observer hier et aujourd' hui
l'hon. procureur-général du Haut-Canada,
envoyer des délégués en Angleterre pour
soumettre au parlement impérial les résolutions adoptées à la conférence. Le gouvernement
veut donner suite aux compromis
entre les provinces maritimes et le Canada,
afin que le gouvernement impérial donne des
conseils aux gouvernements locaux des provinces qui se retirent du contrat et leur
démontre que le document que nous voulons
leur faire sanctionner est un compromis. Il
veut exposer à la Grande-Bretagne que si
une des provinces maritimes ou toutes ces
provinces refusent de mettre ce compromis
à exécution après en avoir pris l'engagement
solennel avec le gouvernement canadien, que
si enfin elles ont manqué au traité, le Canada
leur y a été fidèle et désire qu'il soit mis à
exécution. La constitution que l'on demande
n'est pas une constitution pour les deux
Canadas seulement, comme l'a dit l'hon.
député de Chateauguay, qui a faussement
interprété les explications données aujourd'hui à cette chambre par mon hon.
collègue le procureur-général du Haut- Canada, mais bien une constitution qui
serait celle de toute l'Amérique Britannique.
(Ecoutez! écoutez!) Si, aujourd'hui, le gouvernement presse la décision de la chambre,
ce n'est pas pour qu'il puisse aller demander
à l'Angleterre une constitution pour les
Canadas, sous prétexte que les autres provinces contractantes ont manqué à la foi
jurée du traité. Pas le moins du monde,
M. l'ORATEUR, j'ai toujours eu à cœur les
intérêts du Bas-Canada, que j'ai protégés
beaucoup plus que l'hon. député d'Hochelaga et ses partisans ne l'ont jamais fait.
UN MEMBRE—Preuve: le siége du
gouvernement que vous avez envoyé à
Ottawa.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Eh bien!
M. l'ORATEUR, je n'hésite pas à dire que
cette question du siége du gouvernement a
été décidée dans l'intérêt du Bas-Canada.
Je l'ai soutenu autrefois et je le soutiendrai
encore aujourd'hui envers et contre tous.
J'en viens maintenant aux observations de
l'hon. député du comté de Québec. Voici
ce que le gouvernement se propose de faire:
Nous représenterons au gouvernement impérial que le Canada a consenti à des compromis
et à des sacrifices, et que les provinces
d'en-bas lui ont fait défaut au dernier moment; nous le prierons de conseiller le
gouvernement de ces provinces, et nous
espérons que l'influence qu'il doit néces
718
sairement exercer sur ces colonies aura l'effet
de les faire réfléchir sur la conduite qu'ils
ont tenu vis-à-vis de nous. Je prierai aussi
l'hon. député du comté de Québec de calmer
ses appréhensions; que pas un seul des
membres du gouvernement n'a l'intention
de demander à la Grande-Bretagne de législater sur l'adresse qui leur sera présentée
et
de passer une constitution pour les deux
Canadas; tout ce qu'il veut, c'est d'exposer
à la mère-patrie la position dans laquelle
nous nous trouvons par suite de la rupture
du traité par les provinces maritimes, afin
qu'elle puisse se servir de son influence pour
exercer une pression quelconque sur elles
dans le sens de l'union fédérale que l'on
projette. Quand bien même les législatures
de ces provinces regretteraient aujourd'hui
le plan de confédération, son adoption ne
serait qu'une question de temps, car peut- être que dans douze mois elles reviendront
sur leur décision et accepteront ce compromis. Mais nous disons que pour notre part
nous ne pouvons aller au-delà du compromis,
et que nous voulons nous acquitter d'un
devoir envers le gouvernement impérial,
parce qu'il a bien voulu le sanctionner par
la dépêche qui a été soumise à cette chambre
ainsi que par la mention honorable qu'en a
faite Sa Très-Gracieuse Majesté dans le
discours du trône. Il importe, dis-je, de
faire voir au gouvernement impérial que le
Canada, qui renferme plus que les trois
quarts de la population de toutes les provinces de ce continent, n'a pas manqué au
compromis, mais que ce sont les provinces
maritimes qui ont failli à la foi jurée, et
que si ce compromis n'est pas mis à exécution il peut y avoir danger, dans un jour
prochain, pour la suprématie anglaise sur
ses colonies américaines. Nous avons foi
que toutes ces considérations auront un effet
salutaire, et qu'elles dissiperont les appréhensions mal fondées des provinces maritimes,
et que plus tard la constitution de
compromis que nous soumettrons au gouvernement impérial régira les diverses provinces
anglaises de ce continent réunies
dans une grande confédération. (Ecoutez!
écoutez!) Je puis donc assurer l'hon.
député du comté de Québec que la seule
intention du gouvernement, dont je suis
membre, en passant comme elle fait l'adoption du projet soumis à la chambre, est de
l'envoyer en Angleterre pour que le parlement impérial en sanctionne la lettre seulement.
Le gouvernement n'a jamais eu
l'intention de prendre la chambre et le
peuple par surprise. Si nous allions en
Angleterre demander une constitution autre
que celle qui est mentionnée dans l'adresse,
nous mériterions d'être stigmatisés et nous
nous rendrions indignes de la position que
nous occupons aujourd'hui. Pour ces diverses
raisons, je dis donc qu'il n'y a pas tant de
différence entre l'opinion du gouvernement
et celle de l'hon. député du comté de
Québec que ce dernier se l'imagine; nous
sommes d'accord sur ce qu'il dénie; et
puisqu'il a déclaré qu'il voterait en faveur
de la nouvelle constitution si les provinces
maritimes continuaient à en faire partie, j'ai
lieu de croire qu'il le fera, puisque le gouvernement ne se trouvera lié par cette
constitution qu'en autant que les autres parties
contractants l'accepteront.
M. POWELL—Je dois exprimer mon
profond regret, M. l'ORATEUR, de ce que le
chef du gouvernement en cette chambre ait
été induit à proposer une motion de la nature de celle que vous avez maintenant entre
les mains. (Ecoutez! écoutez!) Je m'avoue
franchement l'ami de l'administration, et
comme l'un de ceux qui cherchent à l'aider
à réaliser l'important projet qu'elle a entrepris; et, tout en lui accordant ma plus
entière
confiance, je dois exprimer mon regret de ce
que sa conduite, relativement à cette question,
dans cette chambre, n'ait certainement pas
été celle que je lui aurais conseillé de suivre
ou celle que j'aurais approuvée. Les membres
de l'administration ont choisi, en premier
lieu, le mode d'après lequel ce débat devait
être conduit,—et ils se sont écartés de la ligne
qu'ils avaient eux-mêmes tracée. J'ai cru que,
lorsque, entre l'opposition et le gouvernement, il existait quelque chose comme un
pacte, ce pacte devait être exécuté. (Ecoutez!)
Je crois que l'opposition a ses droits et ses
priviléges, et qu'ils doivent être respectés
surtout par le gouvernement, qui a une aussi
forte majorité pour l'appuyer. (Ecoutez!
écoutez!) Lorsque le gouvernement s'est
écarté de l'arrangement qui avait eu lieu
d'abord relativement à la manière dont les
débats devaient être conduits, je crois que
cela était dans l'intérêt de la chambre et
dans l'intérêt du public. Je n'hésite pas à
dire que je l'approuvai, en autant que mon
opinion individuelle y était concernée. Mais,
malgré que cette déviation eût mon approbation, comme tendant à l'avantage de la
chambre et à celui du public, je ne pensais
pas que le gouvernement était justifiable
719
d'y recourir, tant que l'opposition n'y consentait pas, puisqu'elle était partie à
cet
arrangement. C'était la mon premier motif
d'objection. Et je crois que, dans le cas
actuel, le gouvernement adopte une conduite
encore plus extraordinaire. Je ne sais pas
si l'on peut trouver un cas dans les archives
de notre propre législature, ou dans celles
de la chambre des communes en Angleterre,
où le chef de la chambre a profité de règlements techniques pour empêcher qu'une
question soit franchement discutée.
M. POWELL—Je ne sais pas si c'est
une chose habituelle, ou si l'on peut en citer
un précédent. Tout ce que je puis dire,
c'est que, si l'on peut en trouver un précédent, je regrette extrêmement qu'une
pareille conduite ait été adoptée dans la
circonstance actuelle. Nous sommes ici à
discuter une grande question constitutionnelle, relativement à laquelle l'administration
nous a soumis les résolutions de la
conférence,—je ne dis pas de délégués
nommés par eux-mêmes, en ayant agi sans
la sanction du peuple,—mais elle a certainement pris sur elle une grande responsabilité
qu'elle a, je l'admets, très bien remplie, et
je suis bien prêt à approuver sa conduite
dans la préparation de ce projet, du commencement à la fin. Les ministres font
adopter d'abord ces résolutions à la conférence et ils viennent ensuite à la chambre
et disent:—"Acceptez-les dans leur entier,
sans amendement, sans modification, ou le
projet tombe à terre." Il est bien bon de
nier le droit d'un appel au peuple; il est
bien bon pour nous, comme législature, de
nous arroger le droit de changer tout notre
système constitutionnel, mais, par cette
motion du procureur-général du Haut- Canada, l'on empêche tout député qui ne
partage pas toutes les vues de l'administration, d'enregistrer les siennes sur le
journal
de la chambre. (Ecoutez! écoutez!) Je pense
que c'est aller un peu trop loin, c'est
comme ami de l'administration que j'exprime
cette opinion.
M. POWELL —L'hon. monsieur peut
l'accepter ou le rejeter comme bon lui
semblera.
M. POWELL—Alors il peut choisir
l'autre alternative. Je pense que la chambre
et le pays ont accordé un énorme degré de
considération à ce gouvernement, mais je
puis dire aux hon. messieurs, que s'ils continuent à marcher dans la voie qu'ils ont
adoptée, une réaction se fera dans la chambre
et dans le pays. (Ecoutez! écoutez!) J'espère que la chambre ne s'abaissera pas jusqu'à
se faire le simple écho de l'exécutif, à abdiquer ses propres opinions, et à ne plus
se permettre d'offrir aucun avis à l'exécutif. Si l'hon.
monsieur prend mes remarques dans un esprit
d'hostilité, il peut le faire: tout ce que je
puis dire, c'est que je ne désire pas qu'elles
soient ainsi reçues. Mais je considère la conduite adoptée par le gouvernement cette
après-midi comme étant très extraordinaire.
La raison qu'on en donne est que les messieurs de la gauche font une opposition factieuse
à la mesure, et qu'ils se proposent de
la continuer en proposant motion sur motion.
Mais même s'ils le faisaient, je demande si
cela peut entraîner plus d'une couple de
semaines de discussion? Et je dis qu'il n'est
pas honorable de la part du gouvernement
de prendre un pareil moyen pour abréger la
discussion. Je pense qu'il a entrepris le
grand oeuvre dont il s'est chargé dans le
plus grand esprit de patriotisme; je pense
que mon hon. ami,—bien qu'il repousse
mon avis,—est animé, même dans la conduite qu'il suit maintenant, d'un sentiment
purement patriotique; mais, tout en croyant cela, je pense qu'il devrait m'accorder
le droit d'exprimer mon opinion sur la manière dont cette discussion devrait être
conduite. Je ne sais pas si les amis de
l'administration doivent être bâillonnés aussi
bien que ses adversaires (rires), si l'on vont
tous nous empêcher d'exprimer nos vues;
mais j'espère que le chef du gouvernement
retirera sa motion, (Ecoutez! écoutez!), qui
est indigne de lui, lorsqu'il a entre les mains
ce grand et magnifique projet. ll a tous les
avantages qu'il peut désirer de son côté, et
je lui conseillerais de profiter de ces avantages, et de ne pas donner aux ennemis
de ce
grand projet en suivant une ligne de conduite qui est certainement inusitée, extraordinaire
et sans précédent, l'occasion de dire
qu'il a été imposé de force à cette législature et au peuple de ce pays. (Ecoutez!
écoutez!) Je crois qu'il a le peuple de son
côté, et que la grande majorité de cette
chambre représente réellement les sentiments
et les désirs du peuple, en approuvant ce
projet. (Ecoutez! écoutez!) Je dis donc
720
qu'il peut impunément être magnanime et
libéral envers l'opposition,— qui est faible
sous le rapport du nombre, bien qu'énergique dans la position qu'elle prend,—et qu'il
peut faire adopter ce projet sans avoir
recours à l'aide des règles techniques de
cette chambre. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. J. H. CAMERON—Je me permettrai de demander si la motion est que la
question préalable 'soit posée,' est adoptée, ce
sera un obstacle dans la voie de la résolution
dont j'ai donné avis? Comme de raison, je
sais que cette motion peut être faite, mais si
nous entamons une discussion sur le sujet,
je crains que nous n'arrivions pas à un vote
avant la fin de la session. J'espère que la
promesse que l'on m'a faite est sérieuse et
qu'on la tiendra.
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je
n'ai nulle envie d'étouffer la résolution de
l'hon. député de Peel. Il aura l'occasion
de proposer et de discuter sa motion lorsque
les résolutions auront été adoptées.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Mais il
est parfaitement clair que la question préalable exclut tout amendement.
L'
HON. J. H. CAMERON—Ma motion
n'est pas amenée comme amendement. Je
me propose de la faire lorsque la chambre
aura décidé la question principale. Elle
a pour but d'obtenir l'expression de la
volonté populaire sur l'adresse avant qu'elle
ne soit transmise aux autorités impériales.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Eh bien!
c'est un amendement. Mais je ne veux pas
discuter ce point maintenant.
M. M. C. CAMERON—Je sais que je ne
puis prétendre, comme l'hon. député de Carleton (M. POWELL), d'être regardé comme
un ami de l'administration, mais je pense
que tout conseil que je pourrais lui donner
ne serait pas considéré comme venant de la
part d'un de ses chauds partisans. Cependant,
j'éprouve pour l'hon. proc.-gén. du Haut- Canada cette espèce de sentiment amical
qui
me porterait à lui conseiller très fortement de
ne pas suivre la ligne de conduite qu'il a
été poussé à adopter, s'il me demandait mon
avis. Je ne puis croire que l'hon. procureur-général aurait adopté cette ligne de
conduite s'il n'y avait été poussé par ses
collègues dans le gouvernement. Je sais
parfaitement que ceux qui ont l'habitude de
parler le plus haut des droits et des libertés
du peuple lorsqu'ils sont dans l'opposition,
sont très souvent les premiers à oublier ces
droits lorsqu'ils arrivent au pouvoir. (Ecou
tez! écoutez!) Et je suis parfaitement
certain que si l'hon. président du conseil
(M. BROWN) était dans l'opposition au
moment actuel, nous l'entendrions crier bien
haut que la conduite du gouvernement en
cette circonstance est la plus infâme tyrannie
et la plus grande insulte que l'on peut faire
à un parlement libre comme le nôtre. Et
non seulement entendrions-nous ce langage
sur le parquet de cette chambre, mais nous
l'entendrions répéter par son engin de Toronto
qu'il fait agir avec tant de puissance, et il
remplirait le pays de ses cris. Il n'y aurait
pas un homme qui voterait en faveur de cette
proposition qui ne serait affiché comme le
plus grand ennemi des droits et des libertés
du peuple. (Ecoutez! écoutez!) Et aujourd'hui nous voyons cet hon. monsieur chercher
à étouffer, je ne dirai pas précisément
la discussion de la question,— parce que
l'on ne peut nous priver du droit de parler,—mais à étouffer l'expression de l'opinion
de cette chambre sur les mérites du
projet, de la seule manière efficace et
utile, en même temps que parlementaire et
convenable. La motion qui est maintenant
faite empêche la chambre de se prononcer
sur la question de savoir si elle ne devrait
pas adopter quelque modification au projet,
ou quelque autre projet d'union qui lui
paraîtrait plus avantageux. J'ai donné
avis d'un amendement que je me propose
d'offrir en faveur d'une union législative
des provinces, avec des dispositions statuant que les lois, la langue et la religion
du Bas-Canada seront respectées, que
nulle mesure ne puisse être proposée
pour cette partie de la province, à moins
qu'elle ne le soit par un député du Bas- Canada, et ne puisse devenir loi à moins
d'être adoptée par une majorité des représentants de cette section. Je propose ces
dispositions afin que les droits du Bas-Canada
soient parfaitement protégés et que ses institutions ne soient pas en danger de destruction,
et qu'il ne puisse avoir aucune occasion
de dire qu'un changement de cette nature
était désiré pour lui nuire plutôt que pour
son avantage, ainsi que pour les plus grands
intérêts de la province en général. Je me
proposais de soumettre cette motion au
vote de la chambre, surtout pour la raison
qu'une union législative serait plus économique et plus stable. Les commissaires qui
ont été envoyés en Canada par le gouvernement impérial pour constater quelles défenses
il nous faut, et combien elles coûteraient, ont
721
fait rapport qu'il suffisait de £1,300,000 pour
cette fin. Je vois que les gouvernements
locaux qui seront créés par ce projet de confédération doivent recevoir, pour leurs
dépenses locales, une somme de pas moins de
$3,981,914; en sorte que dans deux ans, si
les dépenses de ces gouvernements locaux
étaient épargnées au pays, elles s'élèveraient
à une somme suffisante pour construire toutes
les fortifications que l'on dit être nécessaires
pour protéger le pays contre toute attaque
quelconque. Mais nous n'aurons pas l'occasion, parait-il, de pouvoir constater l'opinion
de cette chambre sur la question de
savoir si cela ne vaudrait pas mieux que
le projet qui nous est soumis aujourd'hui.
Et l'on veut aussi nous empêcher de nous
assurer si le peuple du Canada approuve ce
projet ou non. Il semblerait que le procureur- général du Haut-Canada, pour l'habileté
duquel j'ai le plus grand respect, a oublié le
caractère conservateur qu'il a jusqu'ici si
noblement maintenu sur le parquet de cette
chambre, et qu'en oubliant ce caractère, il
a aussi oublié ces droits et les libertés du
peuple. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis
pas surpris que ces droits et les libertés aient
été oubliés et foulés aux pieds par l'hon.
président du conseil et secrétaire provincial (MM. Brown et McDOUGALL), car
ils étaient trop bruyants dans leurs protestations en faveur de ces droits dans le
passé
pour les mettre à l'abri du soupçon de les
abandonner aujourd'hui; mais j'avoue que
je suis surpris que l'hon. proc-gén. du Haut- Canada s'unisse à eux pour étouffer
la voix
du peuple. (Ecoutez! écoutez!) Et je suis
réellement peiné d'entendre dire que des
membres du gouvernement doivent aller en
Angleterre pour représenter au gouvernement impérial que l'opinion du peuple de
ce pays est favorable à la confédération, tandis
que de fait ils ne peuvent le faire, parce qu'ils
n'ont pas demandé l'opinion du peuple, et
qu'ils ont même refusé au parlement de dire
si le projet sera ou non soumis au peuple, ou
si quelque autre projet ne serait pas plus
acceptable, et beaucoup meilleur sous tous
rapports que celui qui est maintenant sous
consideration. Ils voient que le peuple des
provinces d'en-bas est fortement opposé à ce
projet, et cependant ils veulent aller en
Angleterre et demander au gouvernement
impérial de mettre cette mesure à effet, bien
qu'ils sachent parfaitement qu'elle ne peut
pas être imposée aux provinces d'en-bas. Si
la grande hâte avec laquelle ils veulent faire
adopter ce projet, provient de leur désir
d'organiser nos moyens de défense, pourquoi
ne demandent-ils pas au parlement l'autorisation de mettre le pays en état de défense
convenable? Pourquoi ne demandent-ils pas
cela, si c'est si pressé, et ne laissent-ils pas la
grande question de confédération en suspens
jusqu'à ce que le peuple de toutes les parties
du pays ait eu l'occasion de la comprendre à
tous ses points de vue? Il n'a pas encore eu
cette occasion, et je crois que les hon.
messieurs des banquettes ministérielles, en
le privant de cette occasion et surtout en le
faisant de la manière qu'ils le font, ont
adopté une ligne de conduite qui résultera
à leur propre désavantage et à celui du pays.
Le peuple n'a besoin que d'être éveillé sur
la conduite que l'on veut tenir, pour comprendre que ses opinions et ses vues vont
être dédaignées ou ne sont d'aucune conséquence, et pour lui faire prononcer la
sentence de condamnation qui balaiera
du pouvoir les hon. messieurs des banquettes ministérielles et qui fera rentrer
dans le déshonneur de l'oubli des noms
honorés dans le passé. Si les mesures convenables avaient été prises, les messieurs
du
Bas-Canada n'auraient jamais pu dire que la
représentation basée sur la population ne
pouvait pas être sûrement accordée au Haut- Canada, et n'auraient aucun motif de
craindre que leurs droits ne seraient pas
protégés, et qu'en conséquence ils doivent
la rejeter. S'ils refusaient d'accorder la représentation basée sur la population
lorqu'on
leur offre toute la protection possible pour
leurs institutions, ils agiraient sans plus de
raison que la femme boudeuse ou l'enfant
gâté,—et je ne crois pas que les représentants du peuple du Bas-Canada soient de
ce calibre. Ils désirent seulement que
leurs droits ne soient pas violés. S'ils veulent davantage. qu'ils réfléchissent que
l'hon.
député de Montmorency (M. CAUCHON),
lorsqu'il a adressé la parole à la chambre
l'autre soir, a cité la position dans laquelle
se trouvait placée la chambre des lords
lorsque l'Angleterre courait le danger d'être
plongée dans une révolution, à cause de sa
résistance à une demande populaire et légitime. Il nous a donné à entendre que ce
corps
aurait pu être balayé par l'indignation du
peuple s'il n'avait pas cédé à la pression et
n'avait pas laissé passer le bill de réforme.
Si tel était le cas à l'égard d'un corps aussi
fort et aussi respecté que la chambre des
lords, qu'ils réfléchissent à ce qui pourrait
722
résulter de leur résistance à une union législative et du fait d'imposer un projet
aussi dispendieux que le sera celui-ci, un
projet aussi plein d'éléments de discorde
et de dissolution, au peuple du Canada. Si
la population du Bas-Canada, comparativement faible en nombre, ayant le gouvernement
pour l'aider, persiste dans son refus
d'accorder au peuple du Haut-Canada ce à
quoi il a droit, et ce qui ne peut faire aucun
tort à aucune autre partie du pays, elle verra
peut-être que le peuple de ces provinces
prendra la même attitude qui a mis en danger
la chambre des lords en Angleterre, et que
cette attitude produira le même résultat,—
mais alors il sera trop tard pour demander
ou offrir des conditions. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. proc.-gén. du Haut-Canada n'aurait
pas dû aisser étouffer la libre expression des
opinions des membres de cette chambre,
comme il le fait maintenant. Le gouvernement aurait dû permettre la discussion de
l'amendement dont j'ai donné avis, ainsi que
de celui qui a pour but de faire soumettre la
question au peuple. Peut-être a-t-on pensé
que la motion qui devait être faite par l'hon.
député de Peel (M. J. H. CAMERON) atteindrait aussi bien ce but; mais cela est impossible,
parce qu'elle ne doit être faite qu'après
que les résolutions auront été votées. Après
que la chambre se sera prononcée en faveur
des résolutions, les représentants deviennent
les guides du peuple. Le peuple doit nous
guider; mais nous le guiderons en paraissant
prononcer notre opinion, d'avance, en faveur
d'une union fédérale, bien que je sois convaincu qu'une majorité, ou au moins une
respectable minorité de cette chambre ne
soit pas en faveur du projet qui nous est
soumis, et la plupart de ceux qui ont parlé
se sont prononcés en faveur d'une union
législative. Si le projet est imposé à la
chambre et au pays au moyen de cette motion
de la question préalable, aucun amendement
ne pouvant être enregistré, il ne paraîtra
pas aux autorités impériales qu'il existe
contre le projet un aussi grand mécontentement que celui que l'on sait exister réellement,
et il ne lui apparaîtra pas, non plus,
qu'aucun autre projet aurait pu être plus
satisfaisant pour le peuple, en donnant une
plus grande stabilité de gouvernement, l'économie dans l'administration, et les moyens
de maintenir notre connexion avec la mère- patrie par des liens plus forts que l'on
ne
pourra en créer avec un gouvernement fédéral. Pour ces raisons, M. l'ORATEUR, je
répète que je regrette sincèrement que L'HON.
proc.-gén. du Haut-Canada ait été induit à
faire la motion qui a été placée entre vos
moins. (Applaudissements.)
L'
HON. M. McDOUGALL—Je ne suis
pas surpris, M. l'ORATEUR, que les hon.
messieurs qui sont opposés à la politique du
gouvernement sur cette question, et qui
désirent la faire rejeter, éprouvent un peu
de désappointement en voyant la ligne de
conduite adoptée par le gouvernement et
annoncée aujourd' hui. Mais je ne puis
comprendre comment ceux qui sont partisans de cette politique, et qui désirent la
voir triompher, puissent, à cette phase de la
discussion, blâmer la ligne de conduite que
nous avons cru de notre devoir d'adopter.
Nous avons déjà discuté cette question pendant près de quatre semaines, et je suis
convaincu qu'aucun membre de cette chambre
ne niera que, depuis une dizaine de jours,
cette discussion s'est traînée lourdement;
que les hon. messieurs de l'autre côté de la
chambre ont montré une aversion marquée
à la continuer.
L'
HON. M. McDOUGALL—L'hon. monsieur dit que non; mais le fait est que des
ajournements ont été proposés plusieurs fois
très à bonne heure, et même à neuf heures
et demi, parce que personne n'était prêt ou
disposé à parler contre la mesure.
L'
HON. A. A. DORION—Cela n'a eu
lieu qu'une seule fois, et c'était en conséquence de l'indisposition de l'hon. député
de
Brome (M. DUNKIN).
L'
HON. M. McDOUGALL—L'hon. monsieur se trompe. Dans une autre occasion,
l'hon. député d'Hochelaga lui-même a proposé l'ajournement à bonne heure, parce que
ses amis n'étaient pas prêts à continuer la
discussion, et les hon. membres qui étaient
en faveur du projet ont été plusieurs folfl
obligés de parler, lorsqu'ils n'étaient p"fl
disposés à le faire, afin d'employer le temps
et de faire marcher la discussion. Eh bien
M. l'ORATEUR, l'hon. proc.-gén du Haut- Canada a dit à la chambre hier, dans des
termes sur la signification des quels personne
ne pouvait se tromper, que le gouvernement
croyait de son devoir de profiter de tous les
expédients parlementaires pour arriver aussi
promptement que possible à constater
l'opinion de cette chambre sur cette question Aujourd'hui, la chose a été répétée,
et il a été donné de bonnes et suffisantes
raisons pour justifier cette démarche. Les
723
hon. députés de Carleton et de North Ontario
(M. POWELL et M. C. CAMERON) se plaignent de ce que l'on s'est écarté de la pratique
habituelle de cette chambre en faisant
cette motion, et nous accusent de vouloir
étouffer la discussion; mais ces messieurs
n'ont certainement pas besoin qu'on leur
aprenne que cette motion n'arrête pas les
débats. La chambre peut discuter la question préalable tant qu'elle voudra. Strictement
parlant, peut-être, les membres sont
tenus de donner des raisons pourquoi cette
motion ne devrait pas être maintenant mise
aux voix, mais parmi ces raisons sont tous
les arguments que l'on a encore à faire
valoir pour ou contre la motion principale.
M. POWELL—Alors, quel bien peut-elle
produire?
L'
HON. M. McDOUGALL—Le bien
qu'elle produira est celui-ci: elle empêchera
les amendements factieux et étrangers
au sujet, et nous permettra d'obtenir
une expression décisive de l'opinion de la
chambre sur la véritable question qui est
devant elle. (Ecoutez! écoutez!) Il est bien
bon de la part de l'hon. député de North
Ontario de nous dire qu'il désire nous proposer son projet d'union législative en
laissant contrôler la législation locale par les
députés de chaque province; mais, monsieur,
il se trouve qu'il occupe un siége de l'autre
côté de la chambre et non pas de ce côté-ci.
Il est du devoir du gouvernement, qui est
responsable au parlement et au peuple, de
proposer des mesures, et si l'hon. député
peut convaincre la chambre que ces mesures
ne sont pas adaptées aux besoins et aux
intérêts du pays, nous serons obligés de
laisser cette côté de la chambre, et alors l'hon.
député de North Ontario pourra nous remplacer et soumettre son projet au parlement.
(Ecoutez! écoutez!) Mais comme nous
sommes ici et que nous avons pris sur nous
de soumettre ces résolutions, nous sommes
décidés à obtenir, aussi promptement que
possible, — sans cependant empêcher aucun
membre de cette chambre d'exprimer ses
idées,— un vote de cette chambre. La clameur jetée par les hon. messieurs de l'autre
côté contre les propositions faites par le
gouvernement pour faciliter la discussion,
en y consacrant tout le temps de la chambre,
prouve que leur seul but est de retarder le
vote. S'ils ont quelques arguments à faire
valoir contre le projet, ils ont eu tout le
temps nécessaire pour les developer. Ils
ont jugé convenable de parler de toute
espèce de choses autres que des mérites ou
des démérites du projet lui-même, jusqu'à
ce que la patience de cette chambre, et je
crois aussi, celle du pays, aient été épuisées.
Je suis heureux de croire qu'une très forte
majorité des membres de cette chambre sont
prêts à voter sur la question, et l'on ne doit
pas les empêcher plus longtemps de le faire,
surtout en face de circonstances qui sont
survenues de ce côté aussi bien que de
l'autre côté de l'Atlantique, sur lesquelles
mon collègue le procureur-général du Haut- Canada a déjà attiré l'attention de la
chambre.
L'
HON. M. EVANTUREL—J'ai compris
que le gouvernement avait dit que la question
de la confédération était une question libre;
mais je n'ai jamais compris qu'il avait dit
que l'on ne pourrait pas y proposer d'amendements. Elle ne devait pas être traitée
comme une question de parti, mais l'on
devait accorder aux membres la plus grande
latitude possible, comme si nous étions en
comité général. Cependant, aujourd'hui, le
gouvernement ferme la porte aux amendements de ses amis comme de ses adversaires.
(Ecoutez! écoutez!) Je pense que cette
conduite est très illogique, et j'aimerais que
l'hon. secrétaire provincial pût l'expliquer.
L'
HON. M. McDOUGALL—Je pense
qu'il y a peu d'hon. membres de cette chambre
dont les impressions soient semblables à
celles de l'hon. député du comté de Québec.
(Ecoutez! écoutez!) Il a été parfaitement
entendu et compris par la chambre que le
projet était soumis au parlement comme
étant le résultat des délibérations de tous les
gouvernements locaux à la conférence de
Québec, et comme mesure du gouvernement.
Je crois aussi, M. l'ORATEUR, qu'il a été
explicitement dit que cette mesure participant
de la nature d'un traité, il était absurde
de supposer qu'aucune des législatures aurait
la faculté de l'amender, parce que du moment
que l'on ouvrirait la porte à des amendements dans une législature, toutes les autres
réclameraient le même privilège. Quelle
espèce de projet serait-ce après que chaque
législature l'aurait martelée de manière à
l'adopter à ses propres idées, et combien de
temps croît-on qu'il faudrait pour en arriver
à une entente commune si l'on suivait
cette marche? Par la nature même des
choses,—que ce projet soit le meileur ou le
pire de ceux que nous pouvions préparer,—
nous ne pouvons sortir du fait qu'il a le
caractère 'un traité, et qu'en conséquence
724
il faut le voter simplement par oui ou non.
(Ecoutez! écoutez!) C'est dans cette vue
que le gouvernement l'a soumis à cette
chambre, et c'est dans cette vue que la
chambre doit prononcer son verdict sur le
projet. Comme je l'ai déjà dit, la détermination à laquelle le gouvernement en est
venu est d'offrir la motion principale, pure
simple, à l'attention de la chambre, et d'employer tous les moyens parlementaires
légitimes pour en arriver à une décision,—et
nous sommes prêts à nous conformer à
cette décision. J'espère qu'il n'y aura aucun
malentendu de la part des hon membres
Le gouvernement n'a aucunement l'intention de priver les hon. messieurs de l'occasion
d'exprimer leurs idées sur ce projet.
Mais ce que nous voulons empêcher, si nous
le pouvons, c'est la tentative de détourner
l'attention de la chambre des résolutions de la
conférence sur des propositions comme celle
de l'hon. député de North Ontario, qui désire
soumettre un autre projet tout à fait différent, qu'il sait très bien devoir être
rejeté
par tous les membres de la confédération
projetée. Sa proposition doit être discutée,
si elle l'est, de quelque autre manière que
par voie d'amendement ou de substitution
au projet de confédération de la conférence
de Québec. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. J. S. MACDONALD—-M. l'ORATEUR:—Je pense que la grande majorité
des membres de cette chambre partageront
mon avis, que profonde à été la surprise de
tous en entendant le chef du cabinet formuler
sa proposition, tendant à rien moins qu'à
rendre tout amendement impossible en soulevant la question préalable. A mon sens,
la chambre devra envisager cette démarche
comme une flagrante violation de la stipulation arrêtée à l'époque où il fut entendu
que la chambre serait considérée comme
siégeant en comité général, sous votre présidence, M. l'ORATEUR. Il fut parfaitement
compris alors que bien que le gouvernement
ferait tous ses efforts pour mettre obstacle à
l'adoption d'aucun amendement, cependant
il serait permis d'en proposer en la manière
accoutumée. Conséquemment, l'arrangement
conclu comportait que, dans le sens le plus
ample du mot, la chambre était formée en
comité général; or, comme la question préalable ne pouvait être proposée en comité
général, il s'en suit donc que le gouvernement n'a plus à l'heure qu'il est le droit
de
recourir à cet expédient. Je le demande
aux hon. ministres: n'ont-ils pas pris cet
engagement vis-à-vis la chambre? S'ils ont
commis une erreur en consentant à ce que
l'Orateur garde le fauteuil à certaines conditions, je dis qu'ils prennent actuellement
avantage de leur fausse position. Jusqu'à
ce jour, M. l'ORATEUR, l'opposition s'est
abstenue de faire des amendements, voyant
que des partisans de l'administration devaient
eux-mêmes en proposer, qui embrassaient
entièrement ses propres vues. A coup sûr,
ces messieurs ne s'attendaient guère à voir
ainsi étouffer leurs motions, quelle qu'ait pû
être l'intention du gouvernement à l'endroit
des amendements de la même nature venant
de ce côté de la chambre. Mais la question
préalable ainsi posée se dresse menaçante
devant tous les députés, amis ou ennemis du
gouvernement. Pour me servir de l'expression de l'hon. député de Carleton: "il
est maintenant bien avéré que le gouvernement veut bâillonner ses partisans comme
ses adversaires." (Ecoutez!) Examinons un
peu, M. l'ORATEUR, quels sont ceux qui,
composant l'administration actuelle, ont violé
l'engagement le plus solennel et cherchent
maintenant à fouler à leurs pieds les droits
et les privilèges des représentants du peuple
en cette chambre. Il me suffira de dire que
neuf de ces messieurs, qui formaient partie
du gouvernement avant que la coalition n'eût
lieu, ont vu leurs actes pervers censurés et
condamnés par un vote de cette chambre, et
c'est un fait que les hon. députés doivent
avoir encore présents à la mémoire. Depuis
cette époque, ils n'ont cessé de reculer devant
l'appel au peuple pour faire ratifier par ce
dernier leur nouvelle et bien étrange combinaison. hit ce sont ces hommes qui, après
avoir enfanté la coalition en s'adjoignant
taios membres de l'opposition aux conditions
les plus humiliantes, viennent aujourd'hui
demander un vote de crédit à cette chambre
et des pouvoirs illimités pour leur permettre
de représenter le peuple du Canada en Angleterre! Mon hon. ami de West York
(M. HOWLAND) occupe une position bien
différente de celle de ses collègues réformistes. S'il est venu au secours de ses
amis
qui, les premiers firent partie de la coalition,
ce n'est qu'après avoir obtenu l'assentiment
de ses mandataires. Dans le discours qu'il
leur adressa en cette circonstance, l'on voit
qu'il leur annonçait que le projet de confédération était soumis au peuple, mais qu'il
n'en connaissait pas plus les détails qu'eux- mêmes, et que certains points de la
mesure
lui répugnaient. Aussi, je m'empresse de
725
ne pas l'inclure dans la même catégorie que
celle de certains de ses collègues qui ont été
censurés par cette chambre; et, au moins,
l'on peut dire de lui qu'il était pour ainsi-dire
autorisé à agir au nom du peuple. Mais quant
aux autres, M. l'ORATEUR, qu'ont-ils tenté
de faire? Oh! combien est différent aujourd'hui leur conduite vis-à-vis la chambre
de
celle qu'ils avaient promis d'observer dès
l'ouverture du débat! Combien ils se sont
écartés du programme qu'ils ont rédigé en
formant la coalition! Afin de faire connaître
à la chambre quelles étaient les vues de
l'hon. député de South Oxford en 1864, le
jour où il fit volte-face entrainant dans sa
fuite vers le camp ennemi, un nombre considérable du parti réformiste, je prendrai
la
liberté de lire le document que je tiens actuellent en mes mains:—
"M. BROWN demanda ce que le gouvernement proposait comme remède à l'injustice
dont se plaint le Haut-Canada, et comme arrangement du différend sectionnel? M. MACDONALD
et
M. GALT répondirent que leur remède était une
union fédérale de toutes les provinces britannique de l'Amérique du Nord, en laissant
les
affaires locales à des autorités locales, et
les matières d'intérêt commun, à une légisture générale. M. BROWN répliqua que le
peuple du Haut-Canada n'accepterait pas cela
comme un remède aux maux existants; il
croyait que la fédération des provinces devait
arriver, et arriverait avant longtemps, mais elle
n'avait pas encore été pour le peuple un sujet de
mûre considération; et en fut-il autrement—il y
avait tant de parties a consulter, que l'adoption
en était incertaine et reculée."
L'
HON. J. S. MACDONALD—L'hon.
monsieur sait fort bien que ce document
n'est autre que le programme du gouvernement soumis à la chambre à la veille de la
clôture de la dernière session, il y a à peine
six mois. Je vous prie, M. l'ORATEUR,
de vouloir bien noter les expressions dont
s'est servi M. BROWN. Il a dit que le sujet
de la confédération n'avait pas encore été
pris en considération par le peuple, et que
conséquemment l'adoption en était incertaine
et reculée. Est-ce parce qu'il a trouvé l'occasion opportune de monter au pouvoir;
est-ce parce qu'il a visité les provinces maritimes, négocié avec elles et entendu
leurs
explications, que le moment d'adopter ce
projet, si éloigné il y a six mois, est devenu
si urgent aujourd'hui? Il substitue le mot"urgent" à "reculé"; mais voilà un bien
étrange abus de la parole. Je continue ma
lecture:—
"On demanda alors à M. BROWN quel était son
remède, à quoi il répondit que la mesure qui serait
acceptable au peuple du Haut-Canada serait une
réforme parlementaire, basée sur la population
sans égard à une ligne de séparation entre le
Haut et le Bas-Canada. M. MACDONALD et M.
GALT déclarèrent tous deux qu'il leur était impossible d'accéder à cela, comme il
le serait si
aucun gouvernement de faire passer une pareille
mesure; et qu'à moins qu'on pût trouver une
base dans le principe de fédération suggéré par
le rapport du comité de M. BROWN, ils ne voyaient
aucun moyen de régler quoi que ce soit."
Plus loin, je trouve ces mots:—
"M. Brown, en conséquence, se rendit auprès
du gouverneur-général, et à son retour le memorandum, approuvé par le conseil et le
gouverneur-général, lui fut remis en main, et une autre
entrevue fut fixée pour six heures p.m., M. BROWN
disant qu'il ne se sentait libre ni d'accepter ni de
rejeter la proposition sans se consulter avec ses
amis."
Voici des passages de ce mémorandum:—
"Le gouvernement est prêt à déclarer qu'immédiatement après la prorogation il s'occupera
de la manière la plus sérieuse de la négociation
pour une confédération des provinces britanniques
de l'Amérique du Nord. Que, advenant l'insuccès de ces négociations, il est prêt à
s'engager à
proposer une mesure législative, à la prochaine
session du parlement, en vue de remédier aux
difficultés existantes, en recourant au principe
fédéral pour le Canada seul, accompagnée de
dispositions qui permettront aux provinces maritimes et au territoire du Nord-Ouest
de s'incorporer
plus tard dans le système canadien."
Et plus loin:—
"Un peu après six heures p.m., les mêmes
messieurs se rencontrèrent au même lieu, alors
que M. BROWN déclara que sans avoir communiqué
le contenu du papier confidentiel qui lui avait
été remis, il avait vu un assez bon nombre de ses
amis pour pouvoir exprimer la croyance que la
masse de ses amis accepteraient, comme compromis,
une mesure pour l'union fédérative du Canada, avec
des dispositions pour l'admission future des colonies
maritimes et du territoire du Nord-Ouest. A cela,
il fut répondu que l'administration ne pouvait pas
consentir à écarter la question la plus large;
mais, après une longue discussion, on s'accorda sur
un amendement à la proposition originale dans
les termes suivants, sujet à l'approbation, lundi, du
cabinet et de Son Excellence:—Le gouvernement
est prêt à s'engager à presenter une mesure, à la
prochaine session, pour faire disparaître les difficultés existantes, en introduisant
le principe fédéral en Canada, accompagnée d'une disposition qui
permettra aux provinces maritimes et au territoire du Nord-Ouest de s'incorporer dans
le même
système de gouvernement."
726
Il est impossible de ne pas comprendre
ce language; en effet, rien ne semble plus
évident que ce fait:—que ce fut alors le projet de fédération du Haut et du Bas-Canada
que l'on promit de soumettre au pays, et non
pas celui qui nous occupe actuellement. Afin
de mieux établir mon assertion, je vais citer
un extrait du discours prononcé par le
premier ministre en présentant les résolutions que nous sommes aujourd'hui appelés
à voter:—
"L'hon. premier ministre (Sir E.P. TACHÉ) fait
l'histoire des divers changements qui se sont opérés
jusqu'à la chute de l'administration MACDONALD- DORION, laquelle, dit-il, a succombé
sous le poids de
sa propre faiblesse. Leurs successeurs ne furent
pas plus heureux, et après leur défaite ils songèrent à en appeler au pays, ce qu'ils
auraient
fait avec plus ou moins de succès, gagnant un
comté ici et en perdant peut-être un autre ailleurs.
Ils avaient assumé l'administration des affaires
après avoir arrêté entre eux qu'ils auraient droit
à cet appel, et ils en étaient à se consulter lors- qu'ils furent informés, par un
de leurs propres
amis, que le chef véritable de l'opposition témoignait le désir de leur faire des
ouvertures, afin
de chercher à aplanir les difficultés. L'hon.
député dont il s'agit et quelques-uns de ses amis
se mirent alors en rapport avec les chefs du gouvernement, et il fut convenu entre
eux d'essayer
de trouver un plan qui mit fin aux malentendus
et qui en même temps assurât au Canada et aux
autres provinces une position propre à garantir
leur sûreté future et à leur attirer le respect et la
confiance des autres nations. C'est alors qu'ils
émirent deux projets: un grand et un autre sur
une échelle moindre. Dans le cas où le premier
échouerait, ils devaient se rabattre sur le
deuxième, qui comportait une confédération des
deux sections de la province."
Le premier ministre déclare donc qu'il y
avait deux plans, un sur une grande échelle
et l'autre sur une plus petite. N'est-il pas de
la dernière importance que nous, les représentants du Haut-Canada, connaissions la
nature de ce dernier projet? Assurément,
ce n'est pas trop exiger que de demander
que l'on nous abandonne le petit pendant
que les ministres iront faire valoir les
mérites du grant à Downing street. Dans
l'intervalle, nous pourrions nous occuper
utilement en étudier les détails qui
doivent, à ce que l'on prétend, apporter
tant de joies et de contentement, et mettre
à jamais fin aux dissentions intestines entre
le Haut et le Bas-Canada. J'ai l'espoir que
les amis de l'administration vont engager
cette dernière à confier à nos soins le plus
faible de ses poupons—et nous lui promettons d'avance qu'il recevra de nous toute
la protection possible pendant l'absence
des auteurs de ses jours. (Ecoutez! et
rires!) Nous voyons donc que les ministres, au lieu de remplir leur promesse,
ont audacieusement proposé à leurs partisans de l'école réformiste, le projet même
que l'hon. député de South Oxford avait
déclaré prématuré, et qui, à son avis,
devait, il y a six mois, être ajourné à une
époque reculée.—Il est difficile de trouver
des expressions assez énergiques pour caractériser, comme elle convient de l'être,
une
violation aussi flagrante du pacte qui fut
alors adopté. Il était bien connu, l'été dernier, que les législatures du Nouveau-Brunswick,
de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile du
Prince-Edouard, avaient manifesté l'intention de former une union législative applicable
à leurs provinces, et qu'une résolution
avait été passée par chacune d'elles, à l'effet
de nommer des délégués chargés de délibérer sur ce sujet à Charlottetown, lieu fixé
pour leur réunion. Au lieu de permettre à
ces législatures de s'entendre entre elles dans
l'examen de ce projet, au lieu d'attendre
qu'il fut promulgué ou déclaré impossible,
les ministres s'imaginèrent d'écarter les
délégués réunis à Charlottetown, se souciant
fort peu de ce qu'une pareille démarche
créerait de mécontentement chez les populations de nos sœurs-provinces. Je me prends
à rougir quand je songe à la responsabilité
terrible qu'ont encourue nos ministres en
intervenant dans les délibérations des colonies maritimes, qui cherchaient à s'unir
sous
un seul et même gouvernement. Mais non
contents de leur visite à Charlottetown et
d'y avoir arrêté la discussion de ce projet,
voilà qu'aujourd'hui ils viennent, avec le
plus grand sang froid du monde, nous
demander que nous les autorisions à aller
dire à Downing Street que leur grand projet
a subi un échec, mais que malgré cela ils
espèrent toujours, comme je l'ai fait observer
il n'y a pas longtemps, en voir surgir, au
moyen de l'influence du gouvernement anglais, une constitution parfaite à l'ombre
de
laquelle vivront désormais ces provinces
éparses. (Ecoutez!) Il est aujourd'hui bien
avéré que notre situation financière est dans
l'état le plus alarmant; or, un lieu de procéder
à la discussion des différentes mesures actuellement soumises à la chambre; au lieu
de
nous transmettre le budget, conformément à
la pratique suivie, pour que le peuple puisse
se renseigner sur le véritable état des affaires
publiques, les ministres sont soudainement
727
arrivés à la conclusion non seulement de ne
pas se conformer à ce désir, mais bien
plus de nous demander de leur voter un
crédit dont ils nous rendront compte à la
prochaine session. La prorogation suivra
ce vote de près et le pays restera plongé
dans l'incertitude quant au sort que lui
réserve l'avenir, jusqu'à ce que ces messieurs
soient de retour de leur mission. Quand
nous songeons aux cajoleries que le gouvernement met en œuvre auprès de certains
membres envoyés dans cette chambre, dans
le but avoué de faire triompher des principes
et des mesures particulières; quand nous
voyons les députés dont je parle violant
ouvertement les promesses faites à leurs
commettants et vouer toute leur énergie à
appuyer un gouvernement qu'ils avaient
mission de combattre, ne soyons pas surpris
si des influences de même nature, mais
partant de plus haut, produisent le même
effet sur nos ministres pendant leur séjour
en Angleterre, et s'ils trahissent la confiance
reposée en eux par des partisans aussi souples
qu'aveugles. Le but avoué de la prorogation immédiate des chambres est le danger
imminent qui menace cette province, mais
l'on se garde bien de nous éclairer sur les
causes réelles d'une pareille alarme. L'on
nous dit, cependant, qu'une somme considérable, à un montant inconnu, doit être
affectée par la métropole à la fortification de
certaines parties du Canada, et qu'il nous
faudra aussi dépenser pour le même objet
un fort montant dont nous ne connaissons pas le chiffre. Mais si nous demandons des
renseignements plus positifs, le
gouvernement se hâte de nous dire que les
intérêts publics s'y opposent. L'on nous
supplie d'attendre patiemment et de vouloir
bien nous déclarer contents et satisfaits de
l'assurance que l'on nous donne que certains
ministres vont sans tarder se rendre en
Angleterre pour convenir du montant que le
Canada devra consacrer à sa défense et au
maintien de milices organisées sur un pied
d'efficacité inconnu jusque-là. Or, je prétends, M. l'ORATEUR, que ces arrangements
pourraient se faire tout aussi bien par la
voie des dépêches et de la correspondance
entre ce gouvernement et le ministère des
colonies. (Ecoutez!) Je proteste contre le
principe de vouloir transférer à Downing
Street les négociations de cette mesure, avant
que les ministres aient répondu catégoriquement aux questions que nous leur avons
adressées. Les représentants d'un peuple
obéré de taxes écrasantes ont le droit de
préciser le chiffre au-delà duquel le gouvernement n'a pas le droit d'engager le crédit
de cette province. Nous n'ignorons pas
qu'au moment actuel il est très difficile de
réaliser des fonds en Angleterre, mais le
ministre des finances ne daigne pas même
nous informer des conditions auxquelles il
fait ses emprunts. Nous ne connaissons rien
de la question, rien de la position que l'on
veut nous faire. Je suis d'avis que le peuple
de ce pays ne devrait pas être appelé à voter
des sommes plus considérables qu'il n'en
peut payer. Il n'est pas un député siégeant
en cette chambre, pas un seul homme dans
tout le pays qui ne soit prêt à payer sa
quote-part pour les fortifications; mais il y a
des limites à tout. (Ecoutez!) Le principe
consacré par trois des ministres actuels,
quand conjointement avec moi ils formaient
partie d'une autre administration, est tout
aussi rationnel aujourd'hui qu'il l'était alors;
et si, il y a deux ans, la puissance de l'armée
américaine n'était pas telle qu'elle devait
nous induire à voter des sommes considérables pour défendre le pays contre toute
agression possible, je ne saurais comprendre
comment il se fait que mes anciens collègues
consentent aujourd'hui à donner suite à une
proposition qui nous entraînera dans une
dépense énorme. Je me permettrai maintenant de lire des extraits d'une dépêche
adressée par l'exécutif le 28 octobre 1862 au
duc de NEWCASTLE, en réponse à la proposition qu'il nous faisait de lever cinquante
mille volontaires:—
"La proposition émise par Sa Grâce d'organiser
et de discipliner pas moins de 50,000 hommes,
n'est pas faite à la province pour la première fois.
La mesure préparée par le dernier gouvernement
et rejetée par la législature, avait pour but de
former cet effectif, et les conseillers de Votre
Excellence ne peuvent déguiser leur opinion que
la province est contre le maintien d'une force qui
affecterait gravement les industries et entraînerait
des impôts justifiables seulement en présence d'un
danger imminent ou en temps de guerre. Le
peuple du Canada, ne faisant rien qui puisse
amener une rupture avec les Etats-Unis, et ne
sachant pas que le gouvernement de Sa Majesté
ait l'intention de suivre une politique de nature à
entraîner une aussi affreuse calamité, n'est pas
disposé à s'imposer des taxes extraordinaires. Il
comprend que si la guerre a lieu, elle n'aura pas
son fait pour cause, et il est porté a ne rien faire
qui puisse paraître anticiper, peut-être provoquer
un état de choses dont les suites seraient désastreuses pour tous les intérêts de
la province."
Telle était, il y a deux ans, l'opinion de
ses hon. messieurs. (Ecoutez!)
728
L'
HON. M. HOLTON—Combien de ces
messieurs ont aujourd'hui des portefeuilles?
L'
HON. J. S. MACDONALD—Trois,
comme je l'ai déjà dit (Ecoutez!) Mais
passons outre; Sa Grâce recommendait le
recours à la taxe directe; nous lui répondîmes:—
"Sans entrer dans la discussion du mérite relatif
des taxes directes et des taxes indirectes, les conseillers de Votre Excellence pensent
qu'il ne serait
pas prudent d'imposer tout à coup de fortes taxes
directes pour les fins militaires. Les circonstances
actuelles ne sont pas celles où l'on doive adopter un principe inconnnu jusqu'ici
dans la politique
fiscale de la province, et ce n'est certainement pas
le temps de se lancer dans des expériences auxquelles le peuple n'est pas préparé.
C'est une
grave erreur que de raisonner dans l'hypothèse
que le peuple canadien peut supporter plus de
taxes que n'en comportent les mesures ficales du
gouvernement."
Je puis remarquer qu'aujourd'hui la position dans laquelle se trouve le pays est pire
encore qu'elle ne l'était alors. Il y a à peine
quelques instants que l'hon. député de South
Oxford (M. BROWN) parlait de la prospérité des négociants du Haut-Canada, et
ajoutait que la situation du pays n'était pas
de nature à provoquer les observations de
l'hon. député de Chateauguay (M. HOLTON).
Mais, M. l'ORATEUR, il a omis de parler de
l'état dans lequel se trouvent les cultivateurs
et sur lequel je prendrai, tout-à-l'heure,
l'occasion de m'étendre plus au long. Je
continue mes citations:—
"La richesse du pays consiste dans le sol; si
le peuple jouit d'une richesse comparative, elle ne
peut toutefois, par sa nature, produire promptement un revenu considérable en argent.
Les conseillers de Votre Excellence croient que nul
gouvernement qui voudrait mettre à effet les
recommendatiom de Sa Grâce sur ce point ne
pourrait se maintenir."
Tel fut le langage tenu par notre gouvernement lorsque l'on nous demanda de lever
50,000 hommes et de les habituer au maniement des armes. (Ecoutez!) Je pense
que la pression exercée sur le gouvernement
impérial par les adeptes de GOLDWIN SMITH
—et de l'Ecole de Manchester—à l'effet de
lui faire abandonner ses colonies, commence
à porter ses fruits. Le télégramme reçu ce
jour semble indiquer que le fardeau de la
défense devra retomber sur les colonies;
voici quelle en est la teneur:—
"Le comte RUSSELL regrette que la discussion
ait eu lieu, et annonce que le gouvernement avait
refusé de s'occuper de la question, parce que les
Canadiens n'avaient eux-mêmes pris aucun interêt
à la mesure; mais, comme ils manifestent aujourd'hui une tendance toute différente,
le gouvernement a déterminé de venir à leur secours."
Je demanderai à cette chambre, M. l'ORATEUR, pourquoi les ministres refusent de
nous dire quelle est la nature des propositions qu'ils ont faites au gouvernement
impérial, si toutefois ils ont eu recours à
cette demarche? Je déclare que nous ne
devrions pas retourner à nos foyers avant
d'avoir fait connaitre notre opinion au gouvernement sur ce sujet—avant qu'il sache
parfaitement ce que nous en pensons, nous
les représentants du peuple. (Ecoutez!)
Et, qu'il en soit bien informé, s'il fait un
pas de plus dans cette direction sans prendre
notre avis, je le dis hautement, il outre passe ses pouvoirs. (Ecoutez!) Dans la
même dépêche, le duc de NEWCASTLE nous
demandait de placer en dehors du contrôle
du parlement les deniers nécessaires à l'organisation militaire du Canada! Une pareille
proposition fut accueillie comme elle devait
l'être par un peuple auquel sont chères les
libertés que lui assure la constitution anglaise. Il nous était impossible de la soumettre
au parlement, et nous n'y songeâmes
pas. Il était dit dans la même dépêche que
le crédit du pays était en danger d'être
déprécié en Angleterre, mais que si nous
étions prêts à nous défendre, prêts à voter
la somme énorme qu'il fallait, une pareille
démarche de notre part rétablirait considérablement notre réputation à l'étranger.
Notre
réponse fut celle-ci:
"Les administrateurs des affaires du pays
doivent sans doute maintenir à tout prix le crédit
de la province en Europe. Les conseillers de Votre
Excellence peuvent dire que leurs différentes
mesures font voir la sincérité de leurs efforts pour
conserver intact le crédit public. Ils prétendent
néanmoins, que l'un des principaux moyens à
prendre pour parvenir à ce but est de faire preuve
de précaution dans l'emploi des ressources de la
province. Ils croient qu'ils garderont plutôt la
confiance des capitalistes d'Europe, en calculant
soigneusement la dépense sur le revenu, qu'en se
lançant dans des projets, si louables qu'ils puissent être, qui dépasseraient les
ressources dispo nibles du peuple canadien."
(Six heures sonnent, M. l'ORATEUR quitte
le fauteuil avant que l'hon. membre ait
terminé son discours).
A la reprise de la séance,—
L'
HON. M. HOLTON dit:—Avec la permission de mon hon. ami le député de Cornwall, (M. J. S. MACDONALD),
je désire, avant
729
que les débats ne soient repris, attirer l'attention du procureur-général du Haut-Canada,
sur le sujet de la question préalable qu'il a
proposée, et lui rappeler ce qui a été dit
lorsque l'arrangement a été fait que cette
discussion serait conduite à tous égards
comme si la chambre siégeait en comité
général, et en appeler à son sens de justice
pour l'engager à adhérer à l'esprit et à la lettre
de cette convention. L'on se rappellera que je
me suis fortement opposé, au nom des hon.
membres de ce côté-ci de la chambre, à la
proposition de considérer ces résolutions
comme n'étant qu'une seule résolution, et
que j'insistai qu elles étaient de nature à
devoir être prises en considération en comité
général de toute la chambre. L'hon. procureur-général du Haut-Canada s'y opposa
pour cette raison:—Il dit que ces résolutions
etaient un traité (je ne crois pas cette position tenable, mais je ne veux pas la
discuter
maintenant,) et que le gouvernement était
tenu d'employer toute son influence pour les
faire adopter dans leur intégrité; et, en
réponse à quelques objections que je lui fis,
il dit que nous n'aurions aucune difficulté à
enregistrer nos vues dans les journaux de
cette chambre en proposant des amendements
au projet. Je pensais alors que c'était là
nous placer dans une position très désavantageuse, et que nous avions le droit de
considérer les propositions séparément et de faire
prendre le vote pour ou contre sur chacune
d'elles; mais je ne pus réussir, et il fut
conclu un arrangement que vous avez vous- même alors, M. l'ORATEUR, de votre siége,
déclaré être que la discusion serait conduite
à tous égards comme si la chambre siégeait
en comité général. Eh bien! j'ai deux choses
à dire à cela:—premièrement, c'est qu'en
comité général la question préalable ne peut- être proposée; et secondement, que le
gouvernement nous a formellement assuré que
nous pourrions proposer des amendements à
ces résolutions. (Ecoutez! écoutez!) Voici
les propres paroles de l'hon. monsieur, telles
que je les trouve dans le rapport officiel, qui
vient de m'être mis en main:—
"La proposition soumise à la chambre est qu'une
addresse soit présentée à Sa Majesté, la priant de
faire passer un bill basé sur ces résolutions. Tous
les amendements devront se faire sur cette résolution. De fait, ce sera la même chose
que de proposer chaque résolution séparément."
Maintenant, l'hon. monsieur dit que nous
ne pouvons pas proposer d'amendements, et
en effet aucun amendement ne pourra être
proposé s'il réussit à faire affirmer la question
préalable par la chambre. Je déclare—et je
suis persuadé que je n'ai qu'à le dire pour le
convaincre de la justice de ce que j'avance—
qu'en persistant à proposer la question préalable, il viole tout simplement la promesse
formelle qu'il a faite à la chambre et la convention conclue entre les deux côtés
de la
chambre au commencement de ce débat, que
vous avez vous-même, M. l'ORATEUR, expliquée du fauteuil. (Ecoutez! écoutez!)
Dois-je comprendre que l'hon. monsieur
persiste dans sa résolution?
L'
HON. M. HOLTON—Et l'hon. monsieur n'a-t-il rien à dire à mes objections?
L'
HON. M. HOLTON—A l'égard de
l'impossibilité où nous nous trouverons de
proposer des amendements, si votre motion
est adoptée.
L'
HON. M. HOLTON—Nous nous reposions sur l'assurance de l'hon. monsieur qu'il
ne serait fait aucune tentative pour abréger
la discussion, ni pour empêcher la chambre
d'exprimer librement et amplement son
opinion sur chacune de ces résolutions. Je
lui demande de nouveau s'il a l'intention
d'adhérer à cette déclaration? (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD —
Sur réflexion, M. l'ORATEUR, je vais faire
quelques remarques en réponse à l'hon.
monsieur. il parle comme si c'était une
grande concession faite à la majorité de la
chambre et au gouvernement, que cette convention conclue au commencement de ces
débats. Mais, monsieur, ce n'a été aucune
concession quelconque au gouvernement ou
à la majorité de a chambre. (Ecoutez!
écoutez!) Agissant au nom du gouvernement,
et avec l'entière approbation de mes collègues, je proposai qu'une adresse fût présentée
à Sa Majesté, la priant de sanctionner
les résolutions adoptées par la conférence de
Québec. Cette motion était d'un caractère
parfaitement parlementaire, et il n'y avait
aucune raison quelconque pour qu'elle fût
prise en considération en comité général de
toute la chambre. L'hon. monsieur ne
pouvait pas, en vertu d'aucune règle parlementaire connue, nous forcer de nous former
en comité général ou exiger que nous dis
730
cutions aucune de ces résolutions séparément.
Il m'était donc parfaitement libre, d'après
les usages de la chambre, de proposer qu'il
fût adopté une adresse à Sa Majesté dans le
but que j'ai dit, et ce n'a pas été une faveur
pour le gouvernement de convenir de la discuter comme si la chambre siégeait en comité
général. Au contraire, c'était une consession
faite par le gouvernement à la minorité de la
chambre, car je dis alors de moi-même que
bien que j'eusse le droit de procéder de la
manière ordinaire pendant que l'Orateur
était au fauteuil, et de restreindre les
membres à un seul discours conformément
aux règles qui gouvernent les débats,—
que bien que ce fût la mon droit incontestable d'après la tactique parlementaire,—
cependant, afin de permettre la plus ample
et la plus libre discussion, je suggérai
d'appliquer la même règle que celle qui
régit la chambre lorsqu'elle siége en comité
général, alors que chaque député pourrait
parler vingt fois s'il le désirait, et exposer
parfaitement toutes ses opinions sur chaque
point du projet. C'est là la proposition qui
fut faite par le gouvernement. Elle était
juste, libérale et même généreuse. Mais
comment fûmes-nous reçus par les hon.
députés de l'autre côté? Nous étions prêts
à pour suivre la discussion immédiatement,
et à soumettre la question à la chambre
sans délai. Mais l'on dit que cela ne serait
pas juste,—que les membres du gouvernement devraient d'abord exposer leur cause
et la faire connaitre à la chambre et au
pays, afin que ni l'une ni l'autre ne fût pris
par surprise dans une matière aussi importante, et que les membres de la chambre
devraient avoir tous les renseignements sur
lesquels ils pourraient former leur opinion.
Nous avons fait notre exposé, et lorsqu'on
nous a demandé une semaine de délai afin
que nos discours fussent examinés, nous y
avons consenti. Supposant qu'après ce délai
la discussion se continuerait immédiatement,
nous avons donné aux messieurs qui sont
opposés au projet toute une semaine pour
examiner nos remarques, se préparer aux
débats, déterrer des objections à nos arguments, et découvrir toutes les lacunes qu
ils
pourraient trouver dans le projet lui-méme.
Nous l'avons fait parce que nous le croyions
juste, et parce que nous croyions les hon
messieurs sincères dans leur prétendu désir
d'avoir les lus amples informations sur le
sujet. Eh bien! la discussion fut reprise,
elle se poursuit depuis trois semaines, et,
comme l'a dit mon hon. collègue, le secrétaire-provincial, elle se traîne lourdement
sans que l'on puisse prévoir quand elle se
terminera. Et comment les hon. messieurs
de l'autre côté ont-ils agi? Ont-ils été mus
par le même esprit qui a constamment
inspiré le gouvernemet dans tout le cours
de la discussion? Nous leur avons demandé
de s'avancer et de discuter le projet honnêtement et franchement, en présence de la
chambre et du pays; mais au lieu de le faire,
ils ont délibérément traité la question d'une
manière frivole et perdu le temps de la chambre. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—
Comme homme d'honneur, l'hon. monsieur
ne peut le nier; comme homme franc, il ne
peut le nier; et s'il le niait, son caractère
d'homme d'honneur et d'homme franc baisserait dans l'estime de cette chambre.
(Ecoutez! écoutez!) Je dis formellement
que c'était là le complot des hon. messieurs
de l'autre côté,...retarder la considération de ce sujet. Leur politique était
d'attendre, comme MICAWBER, "qu'il survienne quelque chose," pour voir ce qui
pourrait leur arriver de favorable au Nouveau-Brunswick, attendre ce qui serait fait
dans la Nouvelle-Ecosse, et s'emparer de
tout prétexte de délai qui pourrait s'offrir à
eux. L'hon. monsieur voulait, de propos
délibéré, nous jouer un tour. Il a parlé
d'un mauvais tour, d'une indigne duperie
qui avait été pratiquée aux dépens de l'oppsition; mais n'était-ce pas un mauvais
tour
de sa part de ne pas vouloir discuter cette
question, et de la retarder sous tous les
prétextes possibles, pour interrompre ceux
qui la discutaient, suggérant des motifs de
délai, essayant de dénigrer le projet et nous- mêmes aux yeux de la chambre et du
pays,
et faisant dire par d'autres ce qu'il n' osait
dire lui-même? (Ecoutez! écoutez!) C'était
là le plan de l'hon. monsieur. Il se plaint
de ne pas pouvoir proposer d'amendements,—
mais l'opposition n'a pas essayé d'en proposer
un seul. Ce sont des amis du gouvernerment
qui ont offert les seuls amendements proposés jusqu'ici. La politique de l'opposition
était précisément celle-ci: elle voulait
employer tout le mois de mars et la plus
grande partie d'avril en discussion générale
sur ma motion, et ensuite, lorsqu'elle ne
pourrait plus rien faire pour donner des
nausées à la chambre et dégoûter le pays sur
le sujet, lorsqu'elle aurait fatigué les mem
731
bres et rendu les sténographes malades
avec ses discours, (rires), elle emploierait
le reste du mois d'avril, tout le mois de
mai et celui de juin, et pousserait le débat
jusqu'au milieu de l'été sur les amendements qu'elle voulait proposer l'un après
entre. (Ecoutez! écoutez! et rires.)
C'est parce que ces messieurs n'ont pas
cherché honnêtement et franchement à
discuter la question, mais ont cherché à
prolonger les débats jusqu'au milieu de
l'été et empêcher la chambre d'en venir à
une décision finale, que le gouvernement a
adopté la mesure qu'il propose maintenant,
et a dit à ces hon. messieurs:—"Voici;
vous avez eu un mois pour proposer vos
amendements et faire vos discours; vous
avez pu discuter la question tous les soirs
pendant tout ce temps, et quelquefois
jusqu'à une heure ou deux du matin; vous
n'avez pas honnêtement discuté le projet, et
vous n'y avez proposé aucun amendement;
vous paraissez, au contraire, déterminés à
embarasser la mesure par tous les moyens
en votre pouvoir; vous avez délibérément
formé un complot pour la renvoyer en
arrière dans le but de la détruire de cette
manière insidieuse; mais nous ne vous
permettrons pas de le faire. Nous serions indignes de la position que nous
occupons si nous vous laissions faire." Et,
M. l'ORATEUR, je serais indigne du caractère
que me donne l'hon. monsieur (M. HOLTON)
comme bon stratégiste parlementaire, si je
permettais à l'opposition de réussir dans ce
complot pour empêcher la chambre d'en
venir à une décision. (Ecoutez! écoutez!)
Eh bien! en recourant à cette mesure pour
empêcher le succès de l'opposition, nous
n'avons pas pris les hon. messieurs ni
la chambre par surprise. Nous leur avons
donné depuis le milieu de l'hiver jusqu'au
commencement du printemps et l'ouverture
de la navigation pour discuter la question et
proposer leurs amendements; et lorque nous
avons vu qu'ils étaient décidés à perdre le
temps de la chambre et du pays indéfiniment,
je suis venu hier et, au nom du gouvernement et avec l'entière approbation de mes
collègues, j'ai dit honnêtement et franchement qu'il était de la plus grande importance
pour l'intérêt du pays que cette
question ne fût pas traînée plus longtemps
dans le parlement, mais qu'un vote fût pris
sans délai, afin que nous puissions dire aux
provinces maritimes et à Sa Majesté que le
contrat que nous avions fait avec elles, que
l'arrangement que nous avions conclu avec
les gouvernements de ces provinces, avait
reçu l'entière approbation et le consentement
du parlement et du peuple du Canada.
(Ecoutez! écoutez!) Et j'annonçais franchement que le gouvernement était d'avis que
les
événements politiques récemment survenus
dans le Nouveau-Brunswick et l'état des
affaires dans cette province, exigeaient non
seulement l'intervention de cette chambre,
mais une prompte intervention; et que tous les
moyens convenables et légitimes connus dans
la pratique parlementaire seraient employés
par le gouvernement pour faire en sorte que
la chambre en vienne a une prompte décision
sur la question. (Ecoutez! écoutez!) Nous
n'avons jamais pris les hon. messieurs par
surprise. Au contraire, nous leur avons
donné toute la latitude possible dans ce
débat, et nous leur avons donné avis de tout
ce que nous voulions faire. Mais comment
ont-ils agi avec nous? Ont-ils montré le même
esprit de franchise et de sincérité? Non; et
je le dis sans hésitation, nous avons constamment rencontré chez eux un esprit d'obstruction
et d'hostilité; et, au lieu de discuter la
question franchement sur ses propres mérites,
les hon. messieurs de l'autre côté trainent
les débats en langueur depuis des mois afin
d'épuiser la patience de la chambre et du
pays. (Ecoutez! écoutez!) Je demande à
la chambre si elle permettra qu'une conduite
aussi mesquine et aussi misérable réussisse?
Permettra-t-elle qu'une question aussi intimement liée aux plus chers intérêts du
Canada
soit renvoyée d'un bord à l'autre de la
chambre comme un volant entre les hon.
députés de Cornwall et de Chateauguay?
Permettra-t-elle à ces hon. messieurs de faire
un jeu de cette question, non pas tant parce
qu'ils sont opposés au projet en lui-même ou
qu'ils en désapprouvent les principes généraux, qu'à cause de ceux par lesquels elle
est présentée à l'adoption de cette chambre?
(Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, il
existe un peu de malentendu à propos de
l'effet de la motion que je propose à la
chambre et qu'il vaut autant faire disparaître.
Elle n'aura simplement et seulement que
cet effet: elle n'empêchera pas les hon.
députés d'exprimer librement et pleinement
leurs idées sur le sujet, mais obligera chacun
à donner un vote direct sur la question et à
dire franchement s'il approuve ou non le
projet de confédération dans son ensemble.
(Ecoutez! écoutez!) Ainsi que je l'ai dit
lorsque j'ai ouvert le débat sur ma motion,
732
(et comme l'ont dit et répété plusieurs de
mes collègues), nous nous sommes entendus
avec les gouvernements des sœurs-provinces
sur une constitution future pour toute l'Amérique Britannique du Nord, et nous demandons
à la chambre d'approuver ou de désapprouver cette constitution. Nous avons dit
à la chambre que nous avions fait ce traité
avec la sanction de Sa Majesté et du gouvernement impérial...
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD —
Non! nous avons dit à la chambre que nous
avions la sanction de Sa Majesté et des représentants de Sa Majesté avant notre réunion.
La conférence s'est réunie et a siégé en
vertu de cette autorité, et nous avons préparé
un projet pour la constitution des provinces.
Ce projet peut être bon ou peut être mauvais;
mais qu'il soit bon ou mauvais, nous avons le
droit de demander à cette chambre de l'approuver ou de le désapprouver, de l'accepter
ou de le rejeter. Nous avions la sanction
de Sa Majesté et du gouvernement impérial
pour notre réunion,—parce que cette chambre
sait que l'union de ces colonies est une
matière de grand intérêt impérial autant que
d'intérêt local,—et avec cette sanction nous
avons préparé un plan et fait un compromis
avec les autres provinces. Nous nous sommes
engagés comme gouvernement à venir devant
le parlement canadien et lui dire:— "Voici
une constitution que nous avons préparée
pour le gouvernement futur de ces provinces.
Nous nous sommes engagés à la soumettre à
cette chambre, exactement comme les gouvernements des autres provinces se sont
engagés à la soumettre à leurs législatures
respectives. Nous avons le droit de demander
aux membres de cette chambre si, dans leur
jugement, c'est un projet qui, avec toutes
les fautes et les imperfections qu'il peut avoir,
doit être accepté par le parlement de ce pays.
Nous exerçons ce droit et vous demandons
de déclarer par vos votes, oui ou non, si nous
avons en raison de préparer cette mesure et
si c'en est une qui doit être adoptée par cette
chambre." (Ecoutez! écoutez!) C'est là, M.
l'ORATEUR, la position prise par le gouvernement; et lors même que des amendements
seraient adoptés,—lors même que l'amendement dont L'hon. député de North Ontario a
donné avis réussirait, et que la chambre se
déclarerait en faveur d'une union législative
au lieu d'une union fédérale (en supposant
que l'hon. député proposerait et ferait adopter
sa motion), —quel bien pourrait-il en résulter?
L'engagement que nous avons conclu avec les
autres provinces serait brisé,—cette législature violerait l'engagement solennel que
nous avons contracté envers les autres
colonies, et nous aurions une constitution
qu'aucune des autres provinces ne voudrait
adopter. Nous savons qu'elles la rejetteraient
—nous savons que le Bas-Canada se prononcerait comme un seul homme contre une
pareille constitution. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. HOLTON—Mais les autres
provinces se prononcent contre celle-ci.
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—
Dans tous les cas, les gouvernements des
autres provinces soumettront la question à
leurs législatures et prendront leur opinions
et nous avons le droit de demander à cette
chambre: " L'approuvez-vous ou le désaprouvez-vous? Si vous désapprouvez le
projet tout entier à cause de ses principes
généraux, eh bien! votez contre! Si vous
croyez que nous devrions avoir une union
législative au lieu d'une union fédérale, eh
bien! votez contre! Si vous croyez que
parce qu'elle crée un sénat à vie au lieu d'un
conseil législatif électif, eh bien! votez
contre! Votez contre pour quelqu'une ou
toutes ces raisons si vous voulez; mais donnez-nous de suite un vote honnête, franc
et
loyal d'un côté ou de l'autre, et faites savoir
sans délai aux colonies-sœurs si vous approuvez ou non cet arrangement." (Ecoutez!
écoutez!) Et, M. l'ORATEUR, les amendements ne sont que folie et absurdité. (Ecoutez!
écoutez! et rires ironiques à gauche.)
Les hon. messieurs de l'autre côté crient
"écoutez! écoutez!"; comme de raison
je ne parle pas du mérite d'aucun
amendement en faveur d'une union législative, ou d'un conseil législatif électif,
ou
d'aucun autre changement dans les dispositions du projet; mais je dis sérieusement
que pour tout objet pratique le résultat de
l'adoption d'un amendement à cette mesure
serait de nous faire perdre la seule chance
d'union que nous puissions jamais espérer
avoir avec les provinces d'en-bas, pour le
plaisir de nous prononcer en faveur de
quelque constitution que l'on croirait supérieure, mais que nous ne pourrions faire
accepter par aucune des autres colonies.
(Ecoutez! écoutez!) Tout ce que nous
demandons à cette chambre est de faire ce
que l'autre branche de la législature à déjà'
loyalement fait — de discuter la question
honnêtement et franchement sur ses mérites,
733
et ensuite de voter. Ceux qui croient que
la constitution aura l'effet de mettre le pays
dans une position pire que celle qu'il occupe
aujourd'hui voteront contre la proposition;
mais, d'un autre côté, ceux qui croient
qu'elle se rapproche au moins de ce qui
est juste et bon, qu'elle amènera des relations plus intimes entre les colonies, qu'elle
formera la base d'une alliance solide et
durable avec l'Angleterre, voteront en
faveur de la constitution avec tous ses défauts. (Ecoutez! écoutez!) Je vais maintenant
dire un mot des conséquences de la
motion que j'ai proposée. Cette chambre
doit savoir qu'elle ne peut empêcher ou
abréger un seul discours, et que tout hon.
membre peut discuter la question de confédération en donnant, aussi au long qu'il
le
voudra, les raisons pour lesquelles il votera
pour ou contre le projet proposé. Tout ce
que peut faire cette motion, tout ce que le
gouvernement veut faire, c'est de tenir cette
question devant la chambre; et l'hon.
député de North Ontario peut aussi bien
parler sur cette question que s'il avait sa
motion entre les mains, et pourra, comme à
l'ordinaire, faire un discours aussi habile
que s'il y était proposé une demi-douzaine
d'amendemants. De fait, tout le projet est
autant entre les mains de la chambre, et
est tout aussi ouvert à la discussion qu'il
l'était le jour que j'en ai proposé l'adoption.
Tout ce que cette motion fera, sera d'empêcher les hon. membres de l'autre côté de
nous jouer le tour dont j'ai parlé,—c'est-à- dire, de détourner la discussion de la
question principale qui est devant la chambre,
en soulevant des débats sur les pouvoirs du
gouvernement général et des gouvernements locaux, sur le conseil législatif électif.
ou nommé à vie, et sur toute espèce de
questions incidentes, sur lesquelles on s'escrimerait pendant des jours et des semaines
jusqu'à l'été prochain, et jusqu'à ce la
chambre fut fatiguée de tout ce verbiage et
le pays dégoûté. (Ecoutez! écoutez!) C'est
là M. l'ORATEUR, le but et l'objet des
hon. députés de l'autre côté; mais j'espère
que cette chambre ne sera pas assez insensée que de tomber dans le piège qu'ils
lui ont tendu, —car je sais que les hon.
membres savent maintenant à quoi s'en
tenir sur les desseins de ces messieurs.
Ils ne peuvent pas se plaindre qu'ils n'ont
pas eu l'occasion de proposer des amendements. Ils ont eu trois semaines pour le
faire, et ils n en ont pas encore proposé un
seul, ni même donné avis d'un seul. Ensuite,
M. l'ORATEUR, quelle sera la conséquence,
d'un autre côté, si la question préalable n'est
pas adoptée? Si elle est rejetée, et que la
question principale ne soit pas posée, la confédération est détruite. Et j'informerai
la
chambre de suite qu'en votant pour que la
question principale ne soit pas mise aux
voix, en renverra la confédération pour toujours, et l'on détruire pour toujours le
dernier
espoir d'une union amicale entre les colonies
de l'Amérique Britannique du Nord (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—
Parce que si nous rejetons maintenant la
convention conclue entre tous les gouvernements de toutes les provinces, nous ne pourrons
jamais espérer les faire réunirde nouveau
pour en conclure une autre.
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD —
L'hon. monsieur sait parfaitement bien que
les gouvernements de toutes les provinces se
sont engagés envers ce projet, mais que les
législatures ne se sont pas encore prononcées.
Si quelques unes d'entre elles paraissent
aujourd'hui y être hostiles, ce sentiment
peut disparaître lorsqu'il leur sera expliqué.
Le proc.-gén. PALMER de l'Ile du Prince- Edouard lui-même peut être convaincu de sa
nécessité et voter en faveur. Nous ne pouvons pas dire comment voteront ces législatures;
mais ce que nous voulons faire, c'est
de soumettre ce que nous aurons fait au
parlement impérial et lui demander d'exercer
son influence auprès des autres colonies pour
assurer l'adoption du projet. Et je n'ai
aucun doute que si la mère-patrie donne un
avis amical aux colonies-sœurs dans cet esprit
de bienveillance dont elle fait toujours preuve,
—si elle leur indique que, suivant elle, ce
projet est de nature a servir non seulement
nos intérêts, mais encore les intérêts généraux, le bien-être et la prospérité de
l'empire,
—je suis bien convaincuque le peuple de ces
colonies, quels que soient leurs sentiments
locaux, écouteront au moins avec respect, et
peut-être avec conviction, l'avis qui leur sera
ainsi donné par le gouvernement impérial. Je
n'ai aucun doute, et de fait je suis convaincu
que si le gouvernement impérial donne cet
avis, ce sera dans un esprit de bienveillance,
d'amour maternel et de tolérance, et que si
l'Angleterre indique ce qui est dû a nous
734
mêmes aussi bien qu'à l'empire, et montre
ce que, dans son expérience et sa sagesse,
elle croit être l'intérêt de l'Amérique Britannique du Nord, son avis sera accepté
dans
le même esprit qu'il aura été donné, et un
peu plus tôt ou un peu plus tard avec conviction. (Ecoutez! écoutez!) Pour toutes
ces raisons, je crois que les membres du
gouvernement manqueraient à leur devoir
dans les circonstances difficiles où se trouvent
aujourd'hui nos affaires, s'ils ne cherchaient
pas à obtenir la décision de cette chambre
aussi promptement que possible. (Ecoutez!
écoutez!) Il y a la question de défense,
que l'hon. député de Cornwall admet être de
la plus pressante importance, qui exige l'attention immédiate et nous oblige à ne
pas
permettre de plus longs délais dans la réalisation de ce projet.
L'
HON. M. HOLTON—Qu'y a-t-il de
commun entre les défenses et la question de
confédération? L'hon. monsieur a dit maintes
et maintes fois qu'elle n'avait absolument
rien à y faire (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. HOLTON — Mais lorsque
nous avons demandé l'autre jour des renseignements sur ce que le gouvernement se
proposait de faire à propos des défenses,
l'hon. monsieur a répondu que c'était une
question tout à fait différente de celle-ci.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD—
L'hon. député d'Hochelaga a certainement
proposé une série de résolutions sollicitant
des renseignements sur ce sujet, que nous
avons refusés parce qu'ils étaient demandés
dans le but de retarder et embarrasser la
discussion de ce projet.
(Ecoutez! écoutez!)
Quand je dis que les deux questions de
défense et de confédération sont entièrement
liées, je veux dire ceci: que le progrès de
certains événements récents—événements
qui ont eu lieu depuis le commencement de
ce début—a augmenté la nécessité d'une
action immédiate tant à l'égard des défenses
qu'à l'égard de ce projet. Les hon. messieurs
de l'autre côté ont été dans le gouvernement
—ils ont été derrière les rideaux—et ils
savent que la question de la défense de l'Amérique Britannique du Nord est d'une grande
et pressante importance, et ils savent que la
défense du Canada n'en peut être séparée.
Et les hon. messieurs ont été informés, et
verront par le projet lui-même, que la ques
tion a été examinée par la conférence, et
qu'il a été décidé qu'il serait organisé un
système de défense commun pour toutes les
provinces et aux dépens de toutes. Eh bien!
il est maintenant de la plus grande importance que quelque membre du gouvernement
se rende immédiatement en Angleterre, afin
que le gouvernement impérial sache quelle
est l'opinion du Canada sur cette question
de confédération aussi bien que sur la question de défense.
L'
HON. Proc-Gén. MACDONALD Oui. La saison arrive rapidement où il sera
nécessaire de commencer ces travaux, la
seule saison pendant laquelle ils puissent
être faits; et ce n'est pas un véritable ami
de son pays, ce n'est pas un vrai patriote,
celui qui, pour le plaisir d'un petit triomphe
parlementaire, pour le plaisir d'une petite
contrariété de parti,—car la conduite de
l'opposition ne s'élève pas plus haut que
cela,—chercherait à retarder quelque arrangement définitif sur cette importante question
de défense. (Ecoutez! écoutez!) Oui,
M. l'ORATEUR, cette opposition est l'une ou
l'autre de deux choses:—ou elle est faite
pour le plaisir de causer de l'embarras de parti,
ou elle est faite dans l'intention préméditée
d'empêcher que l'on tente quoi que ce soit
pour nous défendre, afin que nous devenions
une proie facile pour l'annexion. (Ecoutez!
écoutez!) Je n'aime pas à croire que les hon.
messieurs de l'autre côté entretiennent le
moindre désir de s'allier avec la république
voisine, et, en conséquence, je suis forcé de
penser qu'ils ne sont mus que par le misérable
motif de remporter un petit triomphe parlementaire ou de parti. Il n' a que deux
choses à croire, et l'une ou l'autre doit être
exacte. (Ecoutez! écoutez!) Je crois que
l'hon. député de Chateauguay est, au fond
du cœur, fortement en faveur d'une union
fédérale, mais parce qu'elle est proposée par
des membres de ce côté-ci de la chambre, il
ne peut ni ne veut la supporter. (Ecoutez!
écoutez!) Tant que mon hon. ami, le ministre des finances, siégera sur les banquettes
qu'il occupe maintenant, tant que Mardochée
s'asseoira à la porte du roi (rires), et tant
que l'hon. monsieur siégera de l'autre côté
au lieu de ce côté-ci de la chambre, il trouvera tout mauvais et s'opposera à tout
ce que
nous ferons. Frappez haut ou frappez bas,
comme le soldat battu de verges, rien ne
peut le contenter. (Nouveaux rires.) Mais
735
je crois que la chambre ne sanctionnera pas
une aussi pitoyable conduite que celle que
tiennent les hon. députés de l'autre côté. Je
pense que nous aurons une grande, une écrasante majorité pour nous supporter dans
la
ligne de conduite que nous avons adoptée,
et que nous serions grandement blâmables si
nous épuisions non-seulement notre patience,
mais encore celle de nos partisans, en permettant que cette opposition dure beaucoup
plus longtemps sans y mettre ordre.—Voilà,
M. ORATEUR, mes réponses aux questions
de hon. député de Chateauguay. (Applaudissements.)
L'
HON. M. HOLTON—M. l'ORATEUR:
J'eprouve la satisfaction d'avoir provoqué le
meilleur discours que l'hon. procureur- général du Haut-Canada ait encore prononcé
dans le cours de ces débats. Je l'admets
volontiers, et je pense que ses partisans
avoueront que c'est la première fois qu'il a
parlé, dans tout le cours de la discussion,
avec l'entrain et la vigueur qui le distinguent
ordinairement. Cela était peut-être inévitable, parce que dans ses autres discours,
et
notamment dans son discours d'introduction,
il avait la conscience que le projet était en
autagonisme avec ses antécédents et n'était
approuvé par personne. Nous n'avons donc
eu alors ni cette vivacité, ni cette force de
déclamation, ni cette gaieté dont le discours
qu'il vient de nous faire était rempli. Mais,
M. l'ORATEUR, j'en reviens à la question
sur laquelle j'ai attiré votre attention lorsque
vous avez repris le fauteuil ce soir. L' hon.
monsieur n'a pas cru devoir en dire un seul
mot; il a parlé de toute espèce de sujets;
il a dit quil ne se regardait pas comme lié
par l'arrangement qu'il a fait lui-même au
commencement du débat; il a dit qu'il n'est
pas lié; mais j'espère que l'on me permettra
de dire un mot ou deux sur l'excuse qu'il
donne pour se justifier de manquer ainsi à
ses engagements. Il dit que nous avons, de
ce côté; et mot particulièrement, fait perdre
le temps de la chambre Eh bien! je nie
formellement cette assertion. (Ecoutez!
écoutez!) Je ne nie pas que nous ayions
résisté aux tentatives injustes et malhonnêtes faites à plusieurs reprises par les
hon. députés de l'autre côté de la chambre
pour changer l' ordre du débat qui avait été
délibérement établi, et par lequel la discussion devait être reprise tous les soirs
à sept
heures et demie. Je l'admets franchement,
et je prétends que nous étions parfaitement
justifiables de le faire. Dans tous les cas,
je suis prêt à prendre la responsabilité de la
part que j'ai eue dans cette conduite. Mais
quant à la discussion sur la question principale, je défie l'hon. procureur-général
du
Haut-Canada de nommer un seul député de
ce côté-ci qui ait perdu un seul moment du
temps de la chambre,—un seul député qui
ait parlé en dehors de la question,—et qui
ait parlé dans le but de retarder la question
et de prolonger les débats. Et pour preuve
de cette assertion, j'oserai dire que lorsque
les débats officiels seront publiés, l'on verra
que l'espace rempli par les discours des hon.
messieurs qui supportent cette mesure occupera au moins le double de celui qui sera
occupé par les discours des membres de ce
côté-ci. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. HOLTON—Ah! ah! nous
perdons le temps de la chambre en ne
parlant pas: c'est là l'accusation. (Rires.)
ll est évident que le chef de l'hon. monsieur
n'aurait jamais commis une bévue pareille
Nous avons perdu le temps de la chambre en
ne parlant pas! Eh bien! M. l'ORATEUR,
c'est vraiment là un moyen très nouveau de
"parler contre le temps" en nous fermant
la bouche! (Rires.) Mais, M. l'ORATEUR,
je ne veux as entrer dans le débat général.
Je me suis levé pour en appeler au sentiment de justice et de franchise des hon.
messieurs de l'autre côté. Cet appel n'a pas
été écouté. Ils tiennent à cette démarche
injuste, et comme de raison nous devons y
faire face du mieux que nous pourrons.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER — M.
l'ORATEUR:— L'hon. monsieur trouve à
redire à ce que j'ai avancé tout à l'heure;
mais ce que j'ai dit est parfaitement exact,
et c'est que nous voulions donner la plus
grande latitude possible à la discussion.
Cependant, lorsque les messieurs de l'autre
côté avaient l'occasion de parler, ils n'étaient
jamais prêts, et nous nous rappelons tous
qu'en deux circonstances ils ont demandé
l'ajournmnent de la chambre, une fois à
neuf heures, et encore lorsque l'hon. député
de Brome (M. DUNKIN) se trouva dans
l'impossibilité de continuer son discours à
dix heures. Quelques messieurs de ce côté-ci
avaient promis de parler, et je me rapplle
parfaitement que l'hon. député de Lincoln
(M. MCGIVERIN) dùt venir à leur secours
et poursuivre la discussion, afin de donner à
736
l'opposition le temps de se préparer pour le
lendemain. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. A. A. DORION—Je ne puis
permettre au procureur-général du Haut- Canada de s'écarter de la question au moyen
de l'un de ces habiles faux-fuyants pour
lesquels il est renommé dans cette chambre
et dans le pays. (Ecoutez! écoutez!) La
question qui lui a été posée par mon hon.
ami le député de Chateauguay (M. HOLTON)
était:—s'il n'était pas convenu que les débats
seraient poursuivis à certaines conditions et
de manière à ce que les hon. membres de cette
chambre auraient toute latitude de présenter
leurs amendements. Il est bien bon pour
l'hon. procureur-général de dire que cet
arrangement a été fait, non pas pour l'avan tage de la chambre, ni pour l'avantage
du
public, ni pour la convenance des membres,
mais par pure courtoisie de la part du gouvernement. Cette proposition a été faite
par lui-même, M. l'ORATEUR. L'hon. monsieur est venu devant la chambre et a expliqué
de quelle manière les débats devaient
être conduits, et il a proposé lui-même que
la règle qui interdit aux hon. membres de
parler plus d'une seule fois sur la même
question, lorsque le président occupe le
fauteuil, soit suspendue, afin que chaque
membre eût la même liberté de discussion
que si la chambre siégeait en comité général.
C'était là la proposition de l'hon. procureur- général du Haut-Canada lui-même, parce
qu'il croyait que c'était le moyen le plus convenable de conduire la marche des débats.
Il est allé plus loin et a dit qu'il était d'opi nion qu'après que la discussion serait
commencée, elle devrait se poursuivre tous les
jours à sept heures et demie, consacrant
l'après-midi aux autres affaires de la chambre.
Ce fut encore là une proposition volontaire
de l'hon. monsieur. Et ensuite, que voyons- nous? Nous voyons que l'hon. procureur-
général du Haut-Canada dit immédiatement
après, en réponse à mon hon. ami qui siége
à ma droite (J. S. MACDONALD):—
"Mon idée est qu'une fois les débats commencés,
ils se continuent chaque jour à la séance du soir,
laissant l'après-midi pour les autres affaires."
Et encore:—
"J'ai proposé de suspendre les règles de la
chambre dans le dessein de protéger la minorité
et de permettre aux membres qui la composent de
parler et de faire des objections autant de fois
qu'il leur plaira...La proposition de l'hon.
M. CAMERON me semble raisonnable. Le gouvernement devra d'abord exposer sa cause devant
la
chambre, et, par l'entremise de la presse, devant
le peuple, puis accorder ensuite un temps raisonnable pour que le pays puisse en juger."
Le président du conseil dit aussi:—
"Quoique le procureur-général ait proposé de
continuer la discussion de jour en jour, il n'a pas
dit, un seul instant, que l'on devait presser le
vote. Les débats, à n'importe quel temps, pourront permettre au peuple d'exprimer
son opinion.
Il y a 130 membres; presque tous voudront parler
sur la question, et je pense que la meilleure
marche à suivre est d'employer chaque séance du
soir à la discussion.—ce qui permettra aux membres des deux côtés de la chambre d'exprimer
leurs opinions, afin que le peuple puisse en prendre
connaissance."
Telle est donc la manière dont le gouvernement a soumis la proposition à la chambre:
la question devait être discutée sans précipitation, et tous les 130 membres qui siègent
dans cette enceinte devaient avoir la faculté
d'exprimer amplement leurs opinions, et
leurs idées devaient être soumises au pays
afin qu'elles pussent être pesées et examinées.
Nous voyons ensuite que le procureur- général du Haut-Canada dit:—
"Sans doute, la chambre peut voter contre
toute la mesure ou y introduire des amendements;
mais, si elle le fait, ce sera au gouvernement à
voir s'il poursuivra davantage devant la chambre
la considération du sujet."
Et plus loin, le procureur-général du
Haut-Canada dit encore:—
"Tous les amendements devront se faire sur
cette résolution. De fait, ce sera la meme chose
que de proposer chaque résolution séparément."
Ceci a été dit, M. l'ORATEUR, dans le
cours de la discussion préliminaire.
L'
HON. A. A. DORION—Je disais que ceci
avait été formulé dans le cours de la discussion préliminaire, qui eut lieu lorsque
l'hon.
procureur-général du Haut-Canada proposa
la résolution sur laquelle cette mesure devait
être basée. Nous prétendîmes que la meilleure protection que pouvait réclamer la
minorité était que la chambre se formât en
comité général; mais le procureur-général
du Haut-Canada répondit que nous aurions
tous les avantages, et même plus, que nous
aurions si nous étions en comité général
nous promit que nous aurions la liberté
d'exprimer nos idées aussi souvent que nous
737
le désirerions, pendant que nous aurions
l'avantage de mieux faire maintenir l'ordre
lorsque l'Orateur serait au fauteuil, qu'il ne
serait possible de le faire en comité général.
Nous comptions que cet arrangement serait
maintenu, et nous croyons que non seulement les membres de cette chambre pourrait
exprimer leurs opinions sans empêchement, mais encore que le public aurait le
temps de faire des assemblées et des requêtes.
Nous consentîmes donc immédiatement à
l'ajournement de huit jours qui avait été
suggéré par l'hon. député de Peel (M. J.
H. CAMERON), et qui fut regardé par tous
comme étant une proposition très raisonnable. Eh bien! le gouvernement prit huit
jours pour envoyer ses discours au pays, et
quatre jours après la reprise des débats, nous
voyons l'hon. député de Montréal-Centre
M. ROSE) placer un avis de motion sur
les ordres du jour pour détruire l'engagement qui avait été pris dans cette chambre
entre les membres du côté ministériel et la
minorité qui forme l'opposition. (Ecoutez!
écoutez!) Les hon. messieurs qui siègent
sur les banquettes ministérielles terminèrent
l'exposé de leur cause le 8 de février. Le
16, les débats furent repris, et le 21—entre
lesquels il y eut un samedi et un dimanche—
après deux jours de débats seulement, l'hon.
député de Montréal-Centre alla trouver tous
les membres afin de leur faire signer un
round-robin dans le but de détruire un
engagement solennel, qui avait été pris de
bonne foi, entre le gouvernement et la minorité (Ecoutez! écoutez!) N'ayant pû,
après deux jours de débats, faire adopter
la motion dont il avait donné avis,—après
que l'hon. député de Montréal-Centre eût
été déjoué dans sa tentative de faire adopter
sa motion—le procureur-général du Haut- Canada plaça un avis de motion au même
effet sur les ordres du jour, prenant par là la
responsabilité de tout ce qui avait été fait
jusque-là sous ce rapport par l'hon. député
de Montréal-Centre. Et, en l'absence du procureur-général du Haut-Canada, le procureur-général
du Bas-Canada proposa cette
résolution, pour briser cet engagement que
lui et ses collègues avaient solennellement pris.
(Ecoutez!) Et, M. l'ORATEUR, non seulement
ils ont cherché à briser cet engagement, de
manière à empêcher la libre discussion de
la part de la minorité, et à étouffer l'expression de l'opinion du peuple, qui se
manifestait dans les assemblées publiques qui
avaient lieu dans tout le pays, et qui par
venaient à cette chambre au moyen de
requêtes,—mais nous voyons aujourd'hui les
hon. messieurs se prévaloir de l'avantage
de toutes les règles et de toutes les ruses
connues dans la tactique parlementaire pour
parvenir à ce but. (Ecoutez! écoutez!) Et
maintenant les hon. messieurs se lèvent et
cherchent à se justifier en appelant l'opposition une opposition factieuse et en l'accusant
de perdre le temps de la chambre. Ils
veulent étouffer la discussion après cinq ou
six jours de débats, lorsque les hon. députés
de ce côté-là de la chambre ont employé
beaucoup plus de temps que ceux de ce
côté-ci, ayant déjà réussi à nous forcer de
continuer la discussion à trois heures et
demie, au lieu de sept heures et demie
comme il avait été convenu. Et maintenant,
M. l'ORATEUR, nous sommes témoins du
spectacle extraordinaire de voir un gouvernement proposer la question préalable sur
sa propre motion. (Ecoutez! écoutez!)
L'hon. député de Carleton (M POWELL)
avait bien raison de demander si l'on pouvait
trouver un précédent d'une pareille conduite!
Les hon. messieurs qui ont pu opérer le
double-shuffle ne peuvent jamais être bien
embarrassés de l'absence de précédents.
(Ecoutez! écoutez!) Ceux qui ont si longtemps, au moyen de tours de passe-passe
parlementaires, réussi à se maintenir au
pouvoir, inventent maintenant un nouvel
artifice pour étouffer la discussion sur cette
question. Déjà nous avons vu, dans une
circonstance mémorable, — dans l'affaire de
CORRIGAN,—le procureur-général du Haut- Canada se lever et proposer une résolution,
et inviter ensuite ses partisans à voter contre.
(Ecoutez! écoutez!) Et aujourd'hui, suivant
une conduite identique, il propose la "question préalable," dont le but, est, dans
la pratique parlementaire ordinaire, d'empêcher
qu'il ne soit pris un vote sur la proposition
principale. Lorsqu'un membre ne veut pas
voter en faveur d'une question soumise à la
chambre, et qu'il n'ose pas voter contre, il
propose ou fait proposer par un ami la
"question préalable," qui est— "que la
question soit maintenant mise aux voix," et
et il vote contre. (Ecoutez! écoutez!) Telle
est la pratique invariable en Angleterre, où
l'on connait mieux les usages parlementaires
que dans ce pays, —et nous voyons ici le
gouvernement recourir à cet artifice à l'égard
de l'une de ses mesures, et de la plus importante mesure qui ait jamais été soumise
à
la chambre!
738
L'
HON. A. A. DORION—Oui! c'est un
gouvernement fort—un gouvernement qui
se vante d'être supporté par une immense
majorité et de pouvoir faire adopter n'importe quelles mesures il voudra! C'est un
gouvernement comme celui-là, dis-je, qui
traîne ses partisans de plus en plus avant
dans le bourbier,—qui leur dit:— "Vous
voterez pour le projet sans enregistrer vos vues
dans les journaux de cette chambre et sans
donner au peuple l'occasion d'exprimer son
opinion de la manière constitutionnelle ordinaire." (Ecoutez! écoutez!) Mais que
gagne-t-il par cette conduite? ll avoue qu'elle
n'arrêter a pas la discussion, et par conséquent
il ne gagnera ni une heure ni une minute sous
le rapport du temps. Mais il gagnera ceci, si
ses partisans sont assez aveugles pour le suivre:
—ceux, qui se sont engagés envers leurs
commettants à ne pas voter pour le projet
sans le faire d'abord soumettre au peuple,
seront obligés de rengainer toutes les promesses qu'ils ont faites lorsqu'ils étaient
en
présence de leurs commettants. Il est possible
qu'il trouvera des membres qui, suivant en
cela l'exemple que le gouvernement leur aura
fourni, donneront le démenti à leurs promesses selennelles et tourneront le dos aux
engagements qu'ils ont pris,—il pourra se
trouver, dis-je, que quelques-uns de leurs
partisans agiront ainsi; mais je serai très
trompé si la majorité des membres de cette
chambre qui ont assisté à des assemblées
publiques dans le pays, qui ont rencontré
leurs commettants face à face, et qui se sont
de bonne foi engagés à voter pour un appel au
peuple, se laissent entraîner, comme l'hon.
proc.-gén. du Haut-Canada le vent, à faire ce
que leur conscience et les promesses qu'ils
ont faites à leurs constituants réprouvent
(Ecoutez! écoutez!) Ce serait un déshonneur
pour la chambre si les hon. membres se trouvaient placés dans cette position— si,
au
moyen d'un artifice connue celui là, les
ministres peuvent non seulement violer leurs
propres promesses, mais forcer encore leurs
partisans à violer les leurs en même temps.
J'espère, pour l'honneur de cette chambre
et du pays, que l'on ne verra pas un seul de
ceux qui ont promis de voter pour un appel
au peuple, voter en faveur de la motion qui
est maintenant soumise à la chambre. Qu'il
soit bien clairement compris que tous ceux qui
voteront pour que la question préalable soit
posée, se déclareront contre tout amendement
à la motion principale,—contre l'inscription
de l'opinion des membres de cette chambre
dans les archives. En votant pour la
question préalable, l'on votera pour pallier
ou excuser le manque de foi dont les hon.
messieurs se sont rendus coupables envers
cette chambre. Et, M. l'ORATEUR, ces hon.
messieurs ont dû tomber bien bas dans
l'estime de leurs propres amis, puisque deux
ou trois de leurs plus chauds partisans sont
obligés de se lever l'un après l'autre pour
les accuser, comme on l'a vu cette après- midi, de manquer à la parole donnée et de
ne pas remplir les promesses qu'ils ont faites
à la chambre et au pays. (Ecoutez! écoutez!)
Suivant moi, les hon. messieurs auraient
montré un peu plus de dignité et de respect
d'eux-mêmes s'ils ne s'étaient pas ainsi
exposés aux reproches de leurs propres amis
Mais je ne puis croire que la chambre consentira à se laisser entraîner par les manipulations
adroites du procureur-général du
Haut-Canada—par l'indignation factice qu'il
est toujours prêt à appeler à son aide, et
qu'il a fait éclater devant la chambre aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) Quant à ce
qu'il
a dit que l'opposition n'était qu'une opposition factieuse je me contenterai d'y répondre
en dissant de nouveau que je n'ai jamais vu
dans cette chambre un spectacle comme celui
que nous ont donné les hon. membres du
gouvernement. Jamais de ma vie je n'ai vu
un gouvernement fort se lever, et, sur une
question de cette importance, qui affecte les
plus chers intérêts du pays, dire: "Vous
accepterez le projet dans son entier; vous
n'aurez pas même l'occasion de proposer des
amendements." L'hon. procureur-général
du Haut-Canada traite d'absurde la proposition de l'hon. député de North Ontario
(M. M. C. CAMERON), demandant une union
législative avec des garanties pour les lois,
la langue et la religion des habitons au Bas- Canada, au lieu d'une union fédérale.
Mais,
M. l'ORATEUR, n'est-il pas vrai qu'un grand
nombre de membres de cette chambre, et
même des membres de l'administration,
préfèreraient ce projet à celui de la confédération proposée? N'est-il pas encore
vrai que, dans la Nouvelle-Ecosse, M. HOWE
a tourné le dos à la confédération, et qu'il
est un fervent apôtre d'une union législative,
— que les hon. messieurs de l'autre côté
traitent d'absurdité? Eh bien! monsieur,
que ce soit une absurdité ou non, chaque
membre de la chambre devrait avoir la
faculté d'inscrire ses opinions et ses idées
739
dans les archives, et de dire: "Je veux
une union législative, et non pas une fédération; ou je veux un conseil législatif
électif, et non pas un conseil nommé par la
couronne. (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, l'hon. procureur—général du Haut- Canada
dit qu'un union législative est une
absurdité, qu'un appel au peuple sur cette
question, est aussi une absurdité; mais cela
s'accorde parfaitement avec toute la ligne de
conduite du gouvernement, qui est de traiter
le peuple de ce pays avec mépris, et de faire
fi! des desirs de ses représentants en pariement. (Ecoutez! écoutez!) Non seulement
ces messieurs traitent ce côte-ci de la chambre
avec mépris, mais ils traitent aussi leurs
propres amis avec un plus grand mépris,
parce qu'ils cherchent à les forcer d'approuver leur ligne de conduite inconstitutionnelle.
(Applaudissements.)
Sa Grâce nous indiquait ensuite une
mesure qui, si elle eut été adoptée, lui aurait
certainement permis d'arriver à son but.
Voici ce qu'il nous proposait:—
"Quelles que soient les autres mesures que l'on
puisse prendre pour améliorer l'organisation de la
milice, il semble au gouvernement de Sa Majesté
qu'il est indispensable que l'administration de la
milice et le Vote des fonds nécessaires à son
entretien ne soient pas exposés aux variations de
la politique ordinaire. Sans cela, on ne peut
être sûr que dans la nomination des officiers et
les autres questions purement militaires, on n'aura
pas d'autre but que celui de rendre la force effective. Si ce n'était qu'on pût voir
avec raison
dans cette démarche une trop grande immixtion
dans les privilèges des représentants du peuple,
(j'inclinerais à suggérer de défrayer la dépense
de la milice, ou du moins une partie de cette
dépense à même le fonds consolidé du Canada,
ou par des crédits votés pour trois ou cinq
années."
J'ose croire que la chambre me saura gré
de lui faire part de l'opinion du gouvernement canadien sur cette proposition extraordinaire:
—
"La dépêche de Sa Grâce contient une autre
recommendation bien propre à causer de la
surprise. Les conseillers de Votre Excellence
font allusion à cette partie de la dépêche où Sa
Grâce propose de placer en dehors du gouvernement le contrôle des fonds nécessaires
pour la
milice. Sa Grâce voit évidemment que cette proposition à l'apparence " d'une immixtion
dans les
priviléges des représentants du peuple," et il est
certain qu'une mesure susceptible de cette signification ne sera et ne doit jamais
être acceptée par
un peuple héritier de la liberté garantie par les
institutions britanniques. Le parlement impérial
garde avec un soin jaloux entre ses mains les
moyens d'entretenir les forces de terre et de mer
de l'empire. Ses appropriations se votent annuellement, et le ministre le plus puissant
n'a jamais
osé proposent la chambre des communes de renoncer à l'exercice de son contrôle pour
un espace
de cinq années. Si les variations "de la politique ordinaire" sont une raison pour
placer en
dehors du parlement la direction absolue des
preparatifs militaires, la chose peut, à tous égards,
s'appliquer a l'Angleterre aussi bien qu'au Canada.
Il n'est pas probable que la législature canadienne
adopte ce que la chambre des communes ne voudrait faire sous aucunes circonstances
de danger.
Quels que soient les avantages inhérents au
système représentatif, le peuple d'une province
britannique ne peut oublier qu'ils sont insignifiants auprès des maux qu'entraîne
inévitablement
le pouvoir arbitraire. Les libertés populaires ne
sont à l'abri que lorsque l'action du peuple retient
et guide dans leur politique ceux qui sont revêtus
du pouvoir administratif; elles ne sont en sûreté
contre le despotisme militaire, aux mains d'un
gouvernement corrrompu, que lorque le peuple
possède les moyens de contrôler les subsides
nécessaires au soutien d'une organisation militaire."
Je citerai encore un extrait du même
document, bien propre à démontrer ce que
nous pensions à cette époque de l'union politique des provinces. Ce que je vais lire
fut
écrit en réponse à la proposition que nous
faisait le ministre des colonies de créer un
fonds auquel contribueraient les colonies de.
l'Amérique Britannique, et qui serait mis à
la disposition du secrétaire d'Etat pour la
défense commune du pays. L'extrait que je
vais lire fera comprendre à la chambre la
position dans laquelle on voulait nous placer:—
"Sa Grâce le secrétaire d'état des colonies
propose une union défensive des provinces Britanniques de l'Amérique du Nord pour
la formation et l'entretien d'un système uniforme d'organisation et d'instruction
militaires, avec un fonds
commun, sous l'approbation du gouvernement de
Sa Majesté; cette union serait réglée dans ses
détails par le secrétaire d'état, et l'administration
on serait entièrement hors de l'action des législatures locales. Les conseillers de
Votre Excellence n'hésitent pas à exprimer l'opinion que dans
les circonstances actuelles une alliance de ce
genre ne peut se réaliser. Le premier pas à faire
pour établir des relations plus intimes que celles
qui existent aujourd'hui entre les previnces de
l'Amérique Britannique du Nord semble être la
construction d'un chemin de fer intercolonial.
Cette entreprise elle-même n'est nullement certaine; quoique ce gouvernance la regardent
surtout comme une mesure de défense, ait posé
des préliminaires avec les délégués de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick,
il serait
740
prématuré de spéculer pour le présent sur les
conséquences politiques possibles d'une entreprise
qui ne se réalisera peut-être jamais. Il est certain,
néanmoins, que les relations de toute nature entre
ces colonies ne deviendront plus étroites qu'en
autant qu'elles auront plus de facilités de communiquer entre elles; il est également
certain que
ces provinces, en supposant qu'elles viennent un
jour à être unies ensemble, ne contribueront jamais
à l'entretien d'un système dispendieux de défense
à moins qu'elles n'en aient elles-mêmes le contrôle. Parlant pour le Canada, les conseillers
de
Votre Excellence sont convaincus que cette province continuera à reclamer le droit
exclusif de
diriger la dépense des deniers publics."
Telles furent, M. l'ORATEUR, les réponses
que nous crûmes devoir adresser à Sa Grâce
au sujet des propositions qui nous furent
faites de contribuer aux défenses du pays et
aux moyens à prendre pour réaliser cet objet.
Si, aujourd'hui, les ministres envisagent la
question à un autre point de vue, il me
semble qu'ils font abandon des droits inhérents à un peuple libre en lui enlevant
le contrôle des deniers publics,—cause première
de la révolution des colonies américaines en
1776. Que l'on me comprenne bien, quand
j'ai parlé des défenses du pays et de la
disposition que manifestait le peuple d'y
contribuer pour sa quote-part, j'ai voulu
dire qu'il était prêt a payer toute somme
nécessaire pourvu qu'elle n'excédât pas ses
moyens. En effet, serait-il opportun, au
moment où les ressources du pays sont
grevées de tant de charges, d'entreprendre
des travaux dont le coût obérerait à jamais
le trésor public? Pour organiser une grande
armée prête à garder nos fortifications, il
faudra nécessairement enlever un nombre
considérable de bras à l'industrie du pays
qui se trouverait déjà fortement taxée, et
cela sans en retirer aucun bénéfice direct;
et s'il advenait en même temps que le sol ne
rendit pas autant que les années précédentes,
nous ne manquerions pas de nous trouver
plongés dans une crise bien sérieuse pour
avoir voulu repousser un ennemi que nous
n'avions aucunement provoqué. Or, ne connaissant rien de la politique impériale qui
puisse amener une guerre de cette nature,
Je n'hésite pas à déclarer que le peuple de
ce pays, avant que de s'engager à entreprendre de grands travaux pour les défenses
et d'organiser une armée, doit examiner s'il
est en état de supporter les fardeaux qu'on
vent par là lui imposer. (Ecoutez!) Je ne
dirai rien des discours à sensation que le
procureur-général du Haut-Canada veut bien
nous adresser sur d'autres sujets, afin d'écar
ter la question, soulevée par mon hon. ami de
Chateauguay de manière a être bien comprise
de tout le monde. Lorsque les ministres se
voient en face d'une uestion qui leur est
directement adressée, vite, ils s'empressent de
parler d'autre chose. Je ne désire m'occuper
du débat qui a surgi incidemment après la
reprise de la séance de ce soir, que pour
répondre à l'observation faite par l'hon. proc- gén du Haut-Canada, quand il a dit
que j'avais
tourné en dérision la question si importante
des défenses du pays. L'hon. monsieur s'est
arrêté là; de sorte que j'ignore ce qu'il avait
l'intention d'ajouter. Je suppose que ce
devait être les mêmes paroles police et élégantes qu'il a adressées à mon hon. ami
de
de Chateauguay, paroles si déplacées et si
blessantes que, j'en suis convaincu, pas un
seul autre membre de cette chambre n'en
voudrait faire usage. S'il arrive que des
députés de la gauche se permettent de forrouler des plaintes contre le gouvernement,
l'on ne tarde pas a voir cet hon. monsieur
se lever dans une colère terrible et lancer
les accusations les plus personnelles à leur
adresse. Une pareille conduite est, à mon
avis, indigne du chef du gouvernement. (Ecoutez!) Je nie avoir tourné en dérision
la question des défenses du pays. Pendant
tout le cours de mon existence, je n'ai cessé
d'adhérer au principe qu'il était de toute
nécessité de mettre la province en état de
se défendre. Je suis ne, comme colonie
jouissant du privilège de diriger l'administration de son propre gouvernement, nous
sommes tenus de contribuer aux défenses du
pays, et que c'est une obligation que nous
avons contractée envers la mère-patrie. Et
je sais que j'exprime les sentiments de tous
les hon. membres siégeant de ce côté de la
chambre, lorsque j'affirme que nous somme
prêts, dans les limites de nos ressources, à
faire notre quote-part. Et non seulement il
nous faudra contribuer à ces défenses, main
encore, en temps de danger, nous serons
appelés à fournir notre contingent d'hommes
à verser notre sang, à voir nos champs dévastés, nos villes saccagées, notre commerce
ruiné. Ce sont là les conséquences de la
guerre, auxquelles il faudra bien nous soumettre si un pareil malheur venait fondre
sur nous. Il nous faut songer à tout cela
ainsi qu'au fait certain que sans de bien
grands secours de la mère-patrie, il nous
sera impossible de résister longtemps à l'ennemi qui tenterait l'envahissement de
notre
sol. Mais, en discutant un pareil sujet,
741
prenons garde de nous laisser entraîner par
les charmes du mot "loyauté" que l'on ne
cesse de faire retentrr dans cette enceinte;
il n'y a pas jusqu'à la Souveraine et au
gouverneur-général que l'on ne fasse intervenir dans le débat pour engager les partisans
du gouvernement à être dociles et
sages. Quant à moi, jamais je ne me suis
permis d'abuser de ce mot de "loyauté,"
bien convaincu que je suis que les hommes
sont loyaux tant qu'ils n'ont pas prouvé le
contraire par leurs actes ou leurs paroles.
(Ecoutez!) L'imputation de déloyauté est
une insulte gratuite lancée à la face des
Anglais de ce pays, qui ont toujours été et
seront toujours prêts à montrer leur loyauté
et leur courage—et dont l'attachement au sol
qui les a vus naître est une garantie qu'ils ne
permettront jamais à l'envahisseur de venir
troubler leurs foyers. Des gens arrivés d'hier
à peine, et qui ne connaissent aucunement
les liens qui nous attachent à notre pays
natal, ne craignent pas même de nous accuser
de favoriser l'annexion. Loin de vouloir
fermer l'oreille a une pareille imputation, je
m'empresse d'accuser nos ministres d'avoir
fait tout leur possible pour hâter l'annexion,
et par les lois qu'ils ont édictées et par leur
changement de tactique en cherchant à nous
imposer une constitution qui tend à rendre
les institutions américaines bien plus populaires en ce pays qu'elles ne l'ont jamais
été. Je le demanderai à ces messieurs:
ignorent-ils que l'idée de l'annexion aux
Etats-Unis gagne du terrain? (Cris ironiques à droite: Ecoutez! écoutez!) Oui,
je les accuse d'avoir placé ce pays dans
l'alternative—en face du peuple anglais, du
peuple canadien et du peuple américain—
d'adopter la constitution qu'ils n'avaient pas
mission de nous donner, si non que ce
refus équivalait à l'annexion, et que, conséquemment, ils étaient des annexionistes
avoués tous ceux qui repoussaient la mesure.
Nous qui protestons sincèrement contre
l'adoption de ce projet, nous qui ne désirons
rien tant que de perpétuer les liens qui nous
unissent à la mère-patrie, nous qui sommes
prêts à défendre cette province dans la
limite de nos moyens, nous voilà menacés
d'être marqués au front du stigmate d'annexionnistes par le ministre d'agriculture,
qui affirme hautement que nous ne sommes
pas les seuls, mais qu'il en existe aussi de
pareils à nous dans les provinces maritimes!
Ah! c'est bien lui qui a le droit de se lever
dans cette enceinte et de nous parler de
loyauté! C'est avec un sentiment de dégoût
(Oh! oh!)—oui de dégoût—que je l'ai
entendu nous parler de ceux qui combattraient sous le drapeau anglais— quand
l'on sait fort bien qu'il ne sera pas du
nombre. (Ecoutez!) Oui; c'est à peine
si je puis contenir ma colère quand je suis
témoin des lecçons de loyauté que veut nous
donner ce monsieur. J'avoue qu'il me fait
alors l'effect de Satan réprouvant le péché.
Quand, dans un gouvernement, il se sent
entouré de collègues excessivement loyaux,
vite il lui faut accuser de déloyauté tous
ceux qui ne partagent pas ses opinions.
L'
HON. M. McGEE—Mais j'avais déjà
répété toutes ces choses quand vous m'avez
engagé à faire partie de votre gouvernement.
(Rires.)
L'
HON. J. S. MACDONALD—Tant que
l'hon. monsieur fut un des membres de
notre administration, nous exercions une
grande surveillance sur lui, et je dois avouer
que c'était une rude tâche. (Rires.) Nous
pûmes réussir, néanmoins, à, le garder dans
la bonne voie, et il fut un de ceux qui contribuèrent au développement des principes
énoncés dans la réponse que nous adressâmes au duc de NEWCASTLE.
L'
HON. M. McGEE—Plusieurs des idées
qui y sont énoncées sont excellentes.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Je suis
convaincu que s'il survient quelque diffculté entre lui et ses collègues actuels,
et qu'il les abandonne comme il a abandonné notre gouvernement, il s'opèrera
encore un changement dans ses opinions
politiques.
L'
HON. M. McGEE—Je ne voudrais
jamais devenir votre collègue de nouveau.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Pourtant
l'hon. monsieur était bien heureux le jour
où nous l'avons reçu dans notre gouvernement. C'est nous qui les premiers en
Canada lui avons tendu la main.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Je me
suis laissé entraîné dans cette digression par
les accusations que nous a prodiguées l'autre
soir le chef du gouvernement dans cette
chambre. Il est bien vrai que dans le
discours qu'il fit en ouvrant le débat actuel,
il a affirmé qu'en Canada nous étions tous
loyaux; mais d'un autre cêté, le procureur- général du Bas-Canada nous a dit le lendemain
qu'il existait des annexionnistes en ce
pays—JOHN DOUGALL et le parti rouge; il
742
ne m'appertient pas de reconeclier les assertions contradictoires de ces deux hon.
messieurs. L'hon. procureur-général du Bas- Canada a parlé des tendances annexionnistes
qui règnaient à Montréal. Qu'il ait raison
ou non, nous savons fort bien que cette
ville s'est distinguée autrefois par ses sympathies nôn équivoques dans ce sens. Quant
à la prospérité du pays et à l'état dans
lequel il se trouve actuellement, je désire soumettre certaines observations à la
chambre
afin de faire voir si l'administration est
justifiable de nous demander de voter les
sommes qu'elle propose d'affecter aux défenses. J'ai dit que le mouvement annexionniste
avait pris naissance dans la
tentative opérée par les ministres de vouloir
assimiler notre constitution à celle des
Etats-Unis. En effet, quand le commerce
d'un pays est en suspens, quand les cultivateurs, les ouvriers et les négociants sont
endettés, n'est-il pas naturel que le peuple
cherche ailleurs les moyens d'améliorer sa
position? Cela me porte a dire que le désir
de voir s'opèrer un changement—que le
projet actuel est destiné à prévenir, à ce
qu'on nous affirme—n'a pas été autant le
résultat de difficultés locales que l'état de
gêne dont souffre le pays. Assimilez les
institutions de cette province, moins certains légers détails, à celles des Etats-Unis,
et faites-nous sentir que notre commerce
est trop restreint et que nous sommes accablés de fardeaux; le résultat en sera que
la ligne de conduite suivie par les ministres
à l'égard de cette question, forcera malgré
lui le peuple à tourner ses regards vers
l'Union Américaine. Je tiens à démontrer
que le pays était beaucoup plus prospère
il a dix ans qu'il ne l'est aujourd'hui. Notre
situation en 1852 et 1853 nous excusait
jusqu'à un certain point de nous plonger
dans des dettes pour le Grand Tronc;
pareillement la prospérité des intérêts agricoles et de toutes les branches de l'industrie
a cette époque justifait aussi la passation
de la loi du fonds d'emprunt municipal, qui
permettait aux municipalités d'emprunter
pour effectuer des améliorations c toute
espèce. Après avoir parlé de l'état florissant dans lequel se trouvait alors le pays,
je
vais maintenant aborder la cause qui, à mon
sens, a le plus contribué à produire les
désastres qui depuis n'ont cessé de bouleversé la province. Je citerai d'abord un
extrait de la dépêche de lord ELGIN,
publiée en 1852, pour faire voir quelle était
notre position à l'époque où il transmettait
au ministres des colonies le Livre Bleu pour
l'année précédente:—
"J'avais l'honneur, avec ma dépêche No. 2, de
vous transmettre, le 9 septembre, deux exemplaires du "Mouvement du Commerce et de
la
Navigation de la province du Canada en 1851";
aujourd'hui, je vous expédie le Livre Bleu, ainsi
qu'un exemplaire des " Comptes de la province"
et du rapport du Commissaire des Travaux Public!
pour la même année. —Ces documents font voir
jusqu'à l'évidence que la colonie se trouve dans
une ère de progrès et de prospérité, et justifient
les espérances que j'exprimais à cet égard dans
ma dépêche No. 94, du ler août 1861, qui accompagnait le Livre Bleu de 1850."
Ainsi s'exprimait le gouverneur du jour
dans le compte-rendu qu'il adressait à la
mère-patrie. Mais que dit-il l'année suivante?
En 1853, après avoir exposé un grand nombre
de faits propres à faire voir le progrès du
commerce et la prospérité du pays en général,
il dit dans l'avant dernier aliéna de sa dépêche:—
"Je vous transmets le supplément d'un journal
qui contient les adresses qui m'ont été présentées
dans le cours de mon voyage à Outaouais. Votre
Grâce voudra bien observer le témoignage uniforme qu'elles donnent de la prospérité
du paye
et du bonheur de ses habitants.—Des rapports
que je reçois d'autres parties de la province, me
démontrent que le même état de choses existe
partout. Le Canada a eu ses jours de prospérité
autrefois, mais je ne pense pas que l'on trouve
dans toute l'histoire de cette colonie une époque
aussi remarquable par l'absence de ces animosités
acerbes qui éloignent l'attention des intérêts matériels et nuisent au développement
de la prospérité publique."
Je pourrais encore faire ici des extraits
d'essais écrits à cette époque par le député
de Lanark Sud (M. MORRIS), le solliciteur
général du Bas-Canada (l'hon. M. LANGEVIN), et feu JOHN SHERIDAN HOGAN,
pour faire voir les progrès sans exemple qui
s'opéraient alors en Canada. Or, quelle fut la
cause première de l'enraiement de cette prospérité?—L'abrogation des lois d'usure—et
c'est un fait sur lequel je désire attirer
l'attention de mes hon. auditeurs, car il a
plus contribué que tout autre à produire la
crise dont nous souffrons actuellement. En
premier lieu, le projet de loi présenté en
l853 par L'hon. député d'Oxford Sud (M.
BROWN) fit disparaître la pénalité imposée
dans les cas de prêts usuraires. Alors l'argent
commença à circuler sans entraves. Les
cultivateurs empruntèrent inconsidérement
et notre chûte date de cette époque. Plus
743
tard, toutes les restrictions relatives aux
emprunts furent abolies. Au début, l'argent
se prêtait à 6 pour cent, mais subséquemment
affuèrent les capitaux étrangers, et le pays
s'en trouvs inondé; mais les taux d'intérêt
étaient illimités. Je le demande aux hon.
meissieurs qui représentent les intérêts agricoles du Haut-Canada; je le demande aux
hon. députés du Bas-Canada: peuvent-ils se
lever dans cette enceinte et dire que la
situation actuelle du pays n'est pas dans un
état déplorable; que le montant des dettes
particulières n'est pas monstrueux? Et
quelle en est la raison? C'est que le peuple
emprunte parce qu'il sait qu'il peut le faire
librement, sauf à payer des taux exorbitants,
et qu'une fois gêné dans ses opérations, il
emprunte encore pour trois ou quatre ans de
plus à 15 ou 20 pour cent, puis à 30 ou 40
pour cent, jusqu'à ce qu'enfin on le dépouille
de ses biens et qu'on le ruine.
M. A. MACKENZIE—L'hon. monsieur
veut-il me permettre de répondre a l'appel
qu'il nous a fait il a un moment?
M. A. MACKENZIE—Eh bien! je dirsi
que bien que dans le district que je représente, l'on ait emprunté considérablement,
cependant les richesses qui y sont accumulées
sont dix fois plus grandes qu'à l'époque dont
parle l'hon. monsieur; et, aujourd'hui, l'on
n'y fait pas d'emprunts sur une aussi grande
échelle non plus. (Ecoutez!)
M. STIRTON—Je n'hésite pas à déclarer
que ces observations s'appliquent également
au comté que je re représente.
M. A. MACKENZIE—Je puis aussi
ajouter qu'actuellement les taux d'intérêt
sont beaucoup moins élevés qu'à l'époque
dont a parlé.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Eh bien!
il parait que je dois me résigner à voir mon
assertion contredite par deux hon. députés—
Or, quant à ce qu'a affirmé mon hon. ami
qui représente le district des sources d'huile,
nous pouvons facilement comprendre comment
il se fait que les capitaux ont afflué vers
cette region, lorsque l'on songe que cent
mais, pendant que cette partie du pays s'enrichissait, d'autres allaient de jour en
jour
s'appauvrissant. (Ecoutez!) J'avais l'honneur, M. l'ORATEUR, d'occuper le fauteuil
dans lequel vous siégez actuellement, à
l'époque où furent abrogées les lois d'usure,
et, conséquemment, je me trouvais dans l'im
possibilité de faire valoir mes motifs contre
la mesure présentée par l'hon. député
d'Oxford Sud, (M. BROWN) et appuyée
par lui avec toute l'énergie et le zèle qui le
distinguent. Mais chaque fois que plus tard
l'ou a tenté de rétablir les lois d'usure ou
d'imposer de nouveau des restrictions relatives au taux de l'intérêt, je n'ai jamais
manqué de voter avec ceux qui étaient
opposés au libre éhange en matière d'argent,
et aujourd'hui plus que jamais je suis convaincu que c'est à, l'abrogation des lois
d'usure que nous devons attribuer la dépression
commerciale et la gène dent ce pays souffre
si sérieusement. Il est bien vrai que pendant
les deux ou trois années qui ont suivi l'abrogation des lois d'usure le pays n'a as
cessé
d'être prospère. La propriété fonciére atteignit alors un chiffre fabuleux; des montants
immenses furent obtenus du fonds d'emprunt
municipal et dépensés en améliorations locales
ne rapportant aucun revenu. Et puis des
sommes considérables nurent en même temps
empruntées aux institutions monétaires établies en ce pays, telles que la compagnie
de
prêt et de crédit du Canada, la compagnie
des placements et des prêts—et des diverses
compagnies d'assurance qui opèrent chaque
jour le placement de leurs fonds de surplus
en immeubles de valeur en cette province.
Mais où va cet argent? Il ne reste pas dans
le pays, à coup sûr. Il sert à acquitter les
dividendes des banques et des compagnies qui
prêtent à des taux usuraires. Il sort du pays—
et qu'en retirons-nous en retour? Des facilités
plus amples pour emprunter. Je le demanderai
aux hon. deputés du Haut—Canada—ignorant
jusqu'à quel point le fait est applicable au
Bas-Canada—n'est-il pas vrai qu'un nombre
immense de jeunes gens actuellement enrôlés
dans l'armée des Etats-Unis, ont quitté
le pays parce que les propriétés de leurs
ancêtres sont tellement grevécs qu'ils n'espéraient plus jamais les libérer? Pour
ce
qui est de l'arrondissement que je représente,
je suis en mesure d'affirmer qu'il y a à peine
un jeune homme qui entretient aujourd'hui
l'espoir, comme c'était le cas il y a dix ou
douze ans, de ouvoir conserver l'héritage
de ses pères. Je dis donc que la situation
malheureuse dans laquelle se trouve actuellement plongé le pays, sans espoir d'amélioration,
est bien propre à créer un grand malaise
dans l'esprit public. Il est indubitable que
la faveur apparente avec laquelle est accueilli
le projet actuel, est due en grande partie à
un désir de voir cette situation se modifier,
744
de manière à remédier quelque peu à la
crise qui sévit si fortement. Et je ne suis
pas le seul à partager cette croyance. Pour
le prouver, je vais lire un article publié il n'y
a que quelques jours encore, par un homme
bien connu du monde commercial généralement, un homme qui a plus contribué que
qui que se soit aux statistiques de notre
commerce, par ses travaux tant à Toronto
qu'à Montréal,—je veux parler de l'éditeur
du Trade Review. C'est un article sorti de
sa plume que je veux lire, et la chambre
saura me dire si j'ai exagéré ou non en
parlant de cette question. Actuellement, je
m'occupe plutôt de la condition de nos cultivateurs et de ceux qui ont été induits
à
négocier des emprunts à cause des facilités
qu'ils avaient de se procurer de l'argent;
présentement, je parlerai du commerce du
pays, et démontrerai en remontant à la même
source que nos statistiques commerciales
accusent une grande dépression. Je le fais
dans le but d'indiquer que nous ne devrions
pas aveuglement nous lancer dans de grandes
dépenses au sujet des fortifications quand
nous savons déjà que nous ne pourrons
jamais supporter les fardeaux que l'on pourra
nous imposer. Lorsque l'hon. sol.-gén. (M.
LANGEVIN) et le député de St. Jean (M.
BOURASSA) luttaient d'adresse chaque année
pour savoir lequel des deux présenterait le
premier son projet de loi à l'effet de réduire
le taux d'intérêt, l'hon. député de South
Oxford se levait invariablement pour défendre le fruit de ses œuvres qui a plus contribué,
selon moi, à la décadence du pays que
toutes les autres causes ensemble. Je regrette
de voir que la chambre ait autant appuyé
l'hon. député dans les efforts qu'il n'a cessé
de faire pour maintenir le système qu'il avait
inauguré. Dans un pays comme le nôtre,
où le sol constitue notre seule richesse, où
les capitaux sont rares,—si nos récoltes
viennent à manquer, comment nous est-il
possible de faire face aux exigences de ceux
de qui nous empruntons? Mais je vais faire
part à la chambre de ce que dit le Trade
Review du mois de février dernier sur nos
lois actuelles concernant l'usure:—
"Il est évident que les auteurs de ces lois les
destinaient à protéger le négociant et le cultivateur contre les exactions des prêteurs
d'argent;
à ce titre, elles peuvent avoir eu leur bon côté à
l'époque où le commerce de banque était exclusivemènt entre les mains d'une ou deux
corporations, qui avaient par conséquent tout le monopole. Mais la concurrence a depuis
fait disparaître
toute possibilité de cette nature. Ces lois, au
lieu de sauvegarder les intérêts qu'elles étaient
destinées à protéger, ne servent plus qu'à repousser
les emprunteurs dans les retranchements de l'ennemi et à les livrer à la merci de
l'oppresseur. Les
effets négociables que nos banques refusent d'escompter à 7 pour cent, sont livrés
par le négociant
nécessiteux,—manquant d'argent pour faire face
aux demandes présentes de certains créanciers ou
pour acquitter des billets dont l'échéance est
arrivée—à un courtier, par lequel, peut-être, ils
seront escomptés, après s'être fait donné une obligation sur partie des biens du négociant,
à un
taux que l'on pourrait plutôt comparer à celui
auquel les banquiers respectables vendent 1es
traites sur New-York (soit, 50 pour cent d'escompte) qu'au taux raisonnable fixé pour
les
effets négociables. Voilà la protection que nous
garantissent ces lois d'usure,—tristes auxiliaires,
à coup sûr, de nos ressources et de notre industrie
manufacturière encore dans l'enfance."
Tel est le langage de l'auteur de cette
Revue dont les fonctions consistent à constater la condition, non-seulement du marché
monétaire et du commerce du pays, mais
encore de chaque branche de notre industrie;
or, l'on voit qu'il ratifie, par le jugement
qu'il prononce, les assertions qui ont été
faites à l'effet que les lois d'usure ont plongé
ce pays dans la position la plus déplorable.
Voilà une des conséquences du libre échange
en matière d'argent! L'hon. député de
South Oxford a dit dans le courant de
l'après-midi, en réponse à une observation
faite par un membre de ce côté de la chambre,
que la situation commerciale du Haut Canada
était très-florissante.
L'
HON. M. BROWN—Je n'ai pas dit
qu'elle "était très-florissante." J'ai seulement affirmé que l'hon. député de Chateauguay
avait exagéré les difficultés qui se
faisaient sentir dans le Haut-Canada; que
les troubles survenus aux Etats-Unis, les
mauvaises récoltes et d'autres causes encore,
avaient produit une gène commerciale dans
le Haut-Canada; mais que j'étais d'avis
qu'elle ne serait que temporaire et qu'une
ou deux bonnes récoltes rétabliraient bientôt
l'équilibre dans les affaires.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Je reviens
aux extraits que j'ai cités et je dis qu'ils
contiennent de dures vérités. Je suis d'avis
qu'il vaut beaucoup mieux établir franchement notre position que de fonder des espérances
sur un état de choses qui n'existe
pas en réalité. Ne faisons donc pas, sur
notre position, d'assertions extravagantes
qui ne peuvent pas suporter l'épreuve d'une
étude approfondie. Efforçons-nous de faire
connaître à ce pays et à la mère-patrie
quelles sont nos ressources réelles plutôt
745
que d'envisager notre prospérité sous un
faux jour. Ainsi donc, voilà notre situation
bien clairement définie par l'éditeur du
Trade
Review. Or, mes hon. auditeurs ne doivent
pas ignorer qu'il ne faut pas oublier d'en
tenir compte quand il s'agit de créer une
constitution nouvelle pour notre pays:
"Il existe parmi les négociants une grande
inquiétude au sujet des opérations commerciales
de la saison qui se présente. Il existe tant de
circumstances défavorables qui se combinent pour
compromettre notre commerce, que cette inquiétude a bien sa raison d'être. Les importations
excessives de l'an dernier, impliquant nécessairement l'existence de dettes considérables
d l'intérieur et à l'étranger; les exportations réduites a
un chiffre moindre, impliquant également l'inhabileté à diminuer ces dettes, voilà
des faits suffisants par eux-mêmes pour créer un changement
marqué dans la condition immédiate du commerce.
Il n'y a pas de doute que la récolte des céréales
dans le Haut-Canada n'a pas même réalisé les
faibles espérances des cultivateurs, qui n'en ont
apporté sur les marchés qu'une bien petite quanlité si l'on songe au bon état des
chemins d'hiver
pendant les deux derniers mois. Néanmoins,
prenant en considération le chiffre presqu'insignifiant des ventes opérées dans le
cours de l'automne, il était permis d'anticiper que durant
l'hiver la masse des produits mis en vente serait
très considérable. Mais, malheureusement bien
que les chemins aient continué d'étre excellents,
que le besoin d'argent fut vivement senti,
et la demande asses considérable a des prix
modérés, il n'est pas un seul endroit de la province où les recettes aient atteint
le chiffre des
années précédentes. La seule conclusion a déduire
de ces faits est que la récolte n'a pas seulement
été mauvaise, mais que l'argent réalisé est encore
au-dessons du montant qu'on s'était imaginé. Le
résultat devra en être pour la population de diminuer de beaucoup ses moyens d'acquiter
ses dettes
et de l'engager à ne pas faire de nouveaux achats.
Non seulement sera-ce là l'effet qui se produira à
l'intérieur du pays, mais quand il sera avéré qu'une
section de la province aura besoin pour sa consommation de presque tout le surplus
des produits
de l'autre, c'est alors que la question se compliquera de la difficulté d'acquitter
notre dette à
l'étranger.
Je vais encore, M. l'ORATEUR, faire des
citations du Trade Review. L'écrivain vient
de nous dire que l'excédent des produits du
Haut-Canada suffira à peine pour la consommation du Bas-Canada—mais lisons plus loin:
"Une autre cause d'inquiétude est la condition
générale dans laquelle se trouve le commerce de
détail en ce pays. Les faillites multipliées qui se
succèdent de jour en jour et les maigres dividendes
que les biens-fonds paraissent devoir produire, indiquent un état de choses qui n'est
pas propre à
nous rassurer. Non seulement se manifeste partout une inhabileté avouée à opérer les
remises,
mais encore, comme nous l'assurions la semaine
dernière, l'on remarque une tendance vers la malhonnêteté qui ne saurait manquer de
compromettre le crédit en général. Nous n'avons pas le
désir d'énumérer les causes de ces abus de confiance qui se répétant si fréquemment,
ni d'indiquer le système commercial auquel ils sont attribuables; qu'il suifise de
dire, que les évènements
récents doivent faire comprendre aux importateurs
la nécessité qu'il y a pour eux de surveiller leurs
crédits très attentivement; de ne pas avancer
aussi fréquemment pour des montants considérables à un nombre restreint d'individus;
et dè
prendre toutes les précautions légitimes en vue de
la sûreté plutôt que du profit. A notre avis, il
n'est pas besoin de rechercher d'autre cause pour
justifier les craintes qu'inspire l'avenir aux
négociants. Cependant, il en existe une autre
dans le système de restriction que les banques se
verront nécessairement tenues de suivre. Toutes
les causes que nous avons tenté de signaler exerceront une bien plus grande influence
sur les
banques que sur les individus. L'inactivité dans
le commerce des produits implique en même
temps une diminution analogue dans la circulation
des billets; toute incertitude dans le commerce
de détail hâtera l'adoption de la mesure qui
semble imminente depuis quelque temps, savoir:
la contraction, dans les grandes villes, des capitaux des principales institutions.
Même dans l'état
ordinaire des affaires, les banques ne pourraient
s'exempter d'avoir recours à cette mesure advenant
une année de mauvaises récoltes et la baisse des
prix. Mais une autre raison d'être de cette mesure, sera le retrait de l'or du Sud
aujourd'hui en
dépôt. La passation de l'acte des aubaine aura
un de ces deux effets: Premièrement, il pourra
causer le retrait d'une partie considérable de l'or
déposé aux banques; ou bien, deuxièment, il fera
en sorte qu'on se tiendra prêt à opérer ce retrait,
quand même n'aurait-il jamais lieu. L'une ou
l'autre de ces conséquences implique la conversion en lingots d'effets qui n'ont pas
actuellement de valeur sous cette forme. Aujourd'hui,
les banques réunies possèdent cinq millions et
demi de piastres en or, contre lesquels il y a des
billets en circulation à un chiffre de plus de neuf
millions. Cette situation continuera de se maintenir, et les traites considérables
sur les dépôts
seront acquittées au moyen de lettres de change
sur l'Angleterre; à cette fin, les banques pourront
se prévaloir du crédit qu'elles y ont,—ce qu'elles
peuvent faire à un intérêt de cinq pour cent,—
ou bien elles pourront vendre les effets en lesquels
sont placés leurs dépôts d l'étranger."
Voilà. donc l'avenir qui a été prédit au
Haut-Canada, il n'y a qu'un mois encore:
de mauvaises récoltes, rien à exporter et la
misère qui nous regarde en pleine face. Or,
si une semblable perspective nous menace, ne
devient-il pas de notre devoir impérieux de
surveiller les actes de nos ministres, et de les
prévenir de ne pas se lancer imprudemment
dans des extravagances que le pays n'est pas
en état de supporter? (Ecoutez!) L'effet
d'une pareille législation, l'incertitude qui
règne dans l'esprit public, et les avantages
746
pour ainsi dire incroyables qui, on l'assure,
doivent résulter de l'adoption de la nouvelle
constitution—toutes ces causes ont contribué
à rendre le peuple malheureux et à l'engager à s'expatrier. (Ecoutez!) Je le demande
à la chambre: les ministres n'ont-ils
pas insisté à hâter la passation de ce plan de
confédération uniquement sur le prétexte
qu'un danger imminent nous menaçait? Or,
je le déclare, est-ce que l'immigrant viendra
planter sa tente dans un pays où il lui sera
impossible de placer ses capitaux avec
avantage,—où il ne pourra à son arrivée
trouver ni les moyens de gagner sa vie
honnêtement ni «les terres convenabiement
situées qu'il pourra de suite exploiter,—où
l'emprunt facile et les folles spéculations ont
produit les plus grande maux,—et surtout où il
se verra contraint de s'enrôler pour repousser
un ennemi puissant établi sur la frontière
même de sa nouvelle patrie?—Je pense que
si, en face de toutes ces circonstances, les
ministres veulent bien s'en ager à dépenser
des sommes excessives, ils doivent au moins
nous faire connaitre les avantages qui en
résulteront pour le peuple du Canada,
(Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, ils sont
muets à cet égard.—Néanmoins, l'expérience
du passé nous apprend qu'il nous sera impossible de contrôler la conduite de ces
messieurs une fois rendus à Downing street,
alors qu'ils seront pressurés de tous les côtés
par les influences ne l'on y mettra en jeu.
Je l'affirme, M. l'ORATEUR nous avons
droit de nous alarmer à la vue du danger qui
nous menace. Ne nous rappelons-nous pas
qu'en 1854, lors du voyage de l'hon. M.
HINCKS en Angleterre, et bien que nous
eussions déjà voté £1,800,000 sterling, en
1852, pour le Grand Tronc, il revint en
Canada pour convoquer les chambres, juste
un jour avant l'expiration du délai fixé pour
leur réunion, et nous propose, comme mesure
essentielle de la session, de Voter £900,000
sterling de plus;—et que cette proposition
fut agréée par le parlement, grâce aux
expédients de toute nature auquel on eut
recours, dans la session suivante, pendant
laquelle l'on constate, pour la première fois,
que l'arrangement à l'effet de soutirer cette
somme du trésor public avait été conclu par
M. HINCKS et lord ELGIN pendant leur
séjour à Londres? L'on nous demande aujourd'hui de voter un crédit à ces messieurs,
de placer en leurs mains le contrôle d'une
immense somme d'argent qu'ils dépenseront
à leur guise, et de leur permettre de se rendre
à Londres pour y négocier une convention
qui nous liera à toujours. (Ecoutez!) Nous
sommes, M. l'ORATEUR, comme je l'ai déjà
dit, les témoins de la manière en laquelle
certains députés remplissent les engagements
qu'ils ont contractés envers leurs électeurs,
et qu'ils oublient du moment qu'ils ont
franchi l'entrée de cette enceinte. Je pourrais faire une liste bien remplie des membres
qui, pendant ma carrière politique d'un quart
de siècle, ont trahi la confiance que reposaient en eux leurs commettants. (Ecoutez!)
Est-ce donc en vain que je fais un appel aux
membres de cette chambre our les engager
à exercer leur contrôle sur cs pouvoirs que
nous demande aujourd'hui le gouvernement,
après que nous avons, d'année en année,
protesté contre un pareil procédé, après
que l'on nous refuse les explications auxquelles nous avons droit, et quand il est
avéré que le pays est dans une impasse
de laquelle, je le crains bien, il ne sortira
jamais? (Ecoutez!) Je demande pardon à
la chambre d'avoir si longtemps taxé son
attention, mais j'ai l'espoir qu'elle ne croira
pas que c'est une opposition factieuse que je
fais actuellement à cette mesure. (Ecoutez!)
La position que j'occupe en ce moment est
celle d'un député qui n'a pas à regretter un
seul de ses votes, d'un député qui a toujours
affirmé que, sous notre constitution actuelle,
le pays pourrait prospérer et fleurir, si nous
n'avions pas à lutter autre ces principes
démagogiques qui ont produit la plus grande
partie des calamités qui nous affligent aujourd'hui. (Ecoutez!) Je crois avoir démontré
qu'il y a lieu de nous alarmer sur l'incertitude que nous offre l'avenir. Qui sait
si
nous ne nous verrons pas placée dans une
position bien difficile, avenant la question de
savoir si c'est la confédération ou l'annexion
que nous demandons? Je regrette de voir
combien l'idée de l'annexion a fait du chemin
depuis que les ministres actuels sont au pouvoir. (Ecoutez!) Qu'il me suffise de parler
de la déclaration que faisait l'autre jour dans
la chambre haute le premier ministre, lors qu'il a dit que nous étions sur un plan
incliné
qui nous poussait imperceptiblement vers
l'union américaine, mais que le rejet de la
confédération était le seul reméde efficace en
pareil cas. Je regrette, aussi bien que tout
autre hon. député, la position humiliante
que l'on veut nous faire, en nous condamnant, nous qui avons une population si
considérable, à aller, comme des mendiants
frapper à la porte des provinces maritimes,
747
et les implorer en grâce de se hâter de venir,
contre leur gré, nous aider à sortir du précipice dans lequel nous sommes tombés.
(Ecoutez!) Est-il étonnant que ces provinces,
après avoir entendu formuler si fréquemment
l'opinion que nos ministres ont les uns des
autres, refusent aujourd'hui de joindre leur
sort au nôtre? Mais, en supposant qu'on
voudrait les y contraindre, qu'adviendrait- il? Eh bien! elles feront comme la jeune
demoiselle qui se voyant forcée de prendre
un mari qu'elle n'aimait pas, crut le temps
arrivé de s'enfuir avec un autre. (Ecoutez!
et rires.) Qu'on le sache bien, les supercheries auxquelles nos ministres ont si souvent
recours ne feront que hâter le jour où les
provinces maritimes, rompant les liens qui
les unissent à la mère-patrie, iront former
une alliance ailleurs. Je reprends mon siège,
M. l'ORATEUR, en exprimant mon regret de
voir la manière en laquelle le gouvernement
s'est efforcé d'étouffer la libre discussion
d'un sujet d'une aussi vaste importance.
(Applaudissements.)
M. COWAN—M. l'ORATEUR:—Je ne suis
pas tout à fait d'accord avec l'hon. député
de Cornwall quant aux causes auquelles ce
pays devait sa prospérité, de 1854 à 1868,
ni sur la manière de juger des circonstances
où nous nous trouvons. Cet hon. monsieur
lois d'usure cette prospérité à la révocation des
lois d'usure. Je ne doute nullement qu'elle
y a contribué, mais il est d'autres causes
qui ont le pas sur elles. D'abord, les fonds
que nous avons importés par millions pour
construire nos chemins de fer; ensuite, nos
récoltes abondantes—quand celles d'autres
pays se trouvaient avoir manqué, —pour
lesquelles nous avons obtenu des prix presque
fabuleux, car, au lieu de 80 ou 90 centins,
le blé valait alors deux piastres et plus le
boisseau, sans compter qu'on venait le
chercher à la grange pour le porter au moulin.
Jamais, M. l'ORATEUR, un pa s n'avait vu
autant de prospérité; le résultat fut que
chacun sortit c sa sphère habituelle, et
que les individus, les municipalités et le
pays contractèrent des dettes avec le
même empressement que si le jour de la
solde n'eut, jamais dû arriver. Les cultivateurs aisés, dont l'avoir en espèces
s'élevait peut-être à mille ou deux mille
piastres, crurent devoir augmenter leurs
biens-fonds,—et ce ne serait rien s'ils n'avaient fait que dépenser leur argent,
mais, dans bien des cas, le patrimoine dut
étre sacrifié avant que la nouvelle ferme
acquise fut payée, et la maison bâtie dessus
est restée sans meubles faute de moyens. Si
cette prospérité était inouie, M. l'ORATEUR,
on peut en dire autant de nos revers! La
crise commerciale de 1858 vint fondre sur
nous et nous trouva avec une récolte presque
manquée. La gelée du 11 juin avait détruit
la moitié, sinon les trois quarts, de notre
blé d'automne. Le blé du printemps, a
l'exception de l'espèce dite
fife, qui était
rare alors, fut assez endommagé en certains
endroits pour qu'il ne valût pas la peine qu'on
le coupât. Beaucoup de cultivateurs se trouvèrent non seulement sans pommes de terre
à manger, mais il leur fallut même acheter
leur grain de semence pour l'année suivante.
Il n'y eut que sur les bestiaux que ces gens
là purent faire quelque profit, car ils en
obtinrent de bons prix sur les marchés américains, qu'ils fussent maigres en gras.
Mais
ces revers n'ont pas laissé que de produire
un effet salutaire. Les cultivateurs se remirent à pratiquer la frugalité et l'économie,
et s'adonnèrent à l'élève des bestiaux tout
tout en continuant à cultiver leurs champs.
Le pays a pu ainsi se remettre du choc qu'il
a éprouvé en 1858, et malgré le peu qu'ont
produit les récoltes et les prix comparativement peu élevés qu'on en retire, je trouve
tout de même que l'hon. député de Cornwall
s'est plu à exagérer le malaise dont le pays
souffre; mais si je diffère d'avec lui, sur ce
point, je ne donne pas non plus dans l'excès
contraire, comme le député de Wellington
Sud, qui entrevoit pour la classe agricole de
toute a province un brillant avenir. Il sied
bien à mon hon. ami, qui habite une des
parties les plus fertiles du Canada, et où
les cultivateurs s'occupent de l'élève des
bestiaux qui l'emportent sur ceux de toutes
les autres localités, de parler de prospérité
agricole, mais dans des endroits moine favorisés, on ne saurait nier que beaucoup
souffrent des ravages de la mouche et de la
sécheresse inouïe de l'été dernier. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. M. LAFRAMBOISE—M. l'ORATEUR:— Lorsque l'autre soir j'avais l'honneur
de déclarer dans cette chambre que le gouvernement prendrait tous les moyens pour
faire asser son projet de confédération sans
amendement, et recourrait à des motions du
genre de celle qui nous occupe dans le
moment, je ne m attendais certainement pas
à ce que ma prédiction s'accomplirait si tôt,
et j'avoue que je ne la croyais pas et juste.
Que voyons-nous aujourd'hui, M. l'ORATEUR?
748
Nous voyons un exemple de l'exclusivisme
le plus déplorable que le gouvernement puisse
donner. Ainsi, après avoir prononcé à satiété
des discours de plusieurs heures,—discours
que nous avons écouté avec la plus grande
attention possible,—l'administration, effrayée
de l'agitation qui se produit par tout le Bas- Canada, et craignant une réaction,
prend tous
les moyens pour empêcher la discussion et
our faire voter la chambre sans lui donner
l'occasion de proposer des amendements au
projet informe qu elle veut imposer au pays.
(Ecoutez! écoutez!) Pour ceux qui ont été
témoins de la conduite indigne de quelques- uns des hon. ministres qui siégent aujourd'hui
de l'autre côté de la chambre, lors du
célèbre
double-shuffle en 1858; pour ceux
qui ont vu ces hommes prêter à dix heures
du soir un serment qu'ils brisaient le lendemain même, pour ceux-là, dis-je, le manque
de foi dont l' hon. proc.-gén. Ouest vient de
donner un si triste exemple à la chambre,
ne doit aucunement surprendre car ces
messieurs nous ont habitué depuis longtemps
à ces actes dignes d'un ministère qui a
perdu le sens de l'honneur et du respect
qu'il doit a la chambre. (Ecoutez! écoutez!)
Il est évident, M. l'ORATEUR, que le gouvernement a pour des amendements que
l'opposition pourrait proposer à son projet,
et du vote qui serait donné sur ces amendements; la discussion l'effraye, et le proc-
gén. du Bas-Canada ne craint rien tant
qu'un appel au peuple, malgré qu'il ait l'air
de mépriser les protestations qui nous arrivent
sous forme de pétitions de tous les comtés du
district de Montréal. (Ecoutez! écoutez!)
Or, M. l'ORATEUR, ces nombreuses requêtes
nous prouvent que plusieurs des hon. membres
de cette chambre ne représentent pas ici
l'opinion de leurs électeurs sur la nouvelle
constitution qu'on veut nous imposer. Il y
a ici des représentants qui sont prêts à voter
en faveur du projet de confédération en
dépit de la protestation énergique des comtés
qui les ont élus. Je me contenterai d'en
nommer un seul: c'est l'hon. député de St.
Hyacinthe. Eh bien! M. l'ORATEUR, cet
hon. député à déclaré qu'il voterait contre
l'appel au peuple et en faveur de la confédération malgré que, sur 2,000 habitants
qu'il
représente, ou plutôt qu'il ne re résente pas
dans cette enceinte, 1,700 lui aient enjoint
formellement par une requête signée de leurs
noms de faire le contraire. (Ecoutez!)
UNE VOIX—Combien y a-t-il d'électeurs
sur ce nombre?
L'
HON. M. LAFRAMBOISE—Tous sont
électeurs! et vous pouvez, si vous le désirez,
vous persuader de la vérité de ce que je dis,
en scrutant ces signatures, qui sont celles
d'électeurs qualifiés et qui ont voté à l'élection de l'hon. député de St. Hyacinthe.
Je
dis donc, M. l'ORATEUR, que le mouvement
imposant et significatif qui se fait en ce
moment dans le Bas-Canada effraye le ministère, et que si les représentants Bas-Canadiens
obéissent au vœu populaire et ne le méprisent
pas, comme quelques-uns d'entre eux paraissent disposés à le faire, ils voteront contre
la motion proposée par l'hon. procureur- général du Haut-Canada; car si ces hon.
députés appuient cette motion, ils déclareront simplement qu'ils ne veulent pas
d'amendements au projet, qu'ils sont contre
l'appel au peuple, et contre tout changement
quelconque au projet. L'autre soir, l'hon.
député de Montmorency a déclaré dans
cette chambre que cela ne faisait rien; qu'un
représentant n'était pas obligé de respecter
les vœux de ses commettents, et que nous
étions parfaitement libres de voter comme
bon nous semblerait sur n'importe quelle
mesure et surtout sur le projet de confédération. Eh bien! M. l'ORATEUR, je me
permettrai de différer d'opinion avec cet
hon. député, et je dis que tout homme qui
respecte sa position dans cette chambre ne
saurait voter contre les vœux exprimés de
ses commettants. C'est une doctrine qui n'a
jamais été mise en doute avant que l'hon.
député de Montmorency ait cru pouvoir en
soupçonner la justesse. Eh bien! il est un
fait que personne n'osera nier: c'est que
plusieurs députés ont promis à leurs commettants de voter en faveur de l'appel au
peuple:
et en les forçant aujourd'hui à accepter la
motion de l'hon. procureur-général du Haut- Canada, on leur enlève toute chance de
le
faire. Placée dans cette impasse, les députés
qui ont fait cette promesse et qui en même
temps sont en faveur du gouvernement, n'ont
pas à hésiter dans leur choix: ils doivent
repousser cette motion, car si elle est
adoptée, la confédération deviendra de suite
un fait accompli, et il faudra renoncer à
l'appel au peuple. (Ecoutez! écoutez!)
L' hon. procureur-général du Bas-Canada a
reproché à l'opposition de proposer l'ajournement à dix heures et à dix heures et
demie
du soir; mais qu'il se rappelle donc qu'il a
lui-même proposé un ajournement à la même
heure, pour donner à son hon. collègue, le
député de Dorchester, l'occasion de parler
749
le lendemain soir.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—J'ai proposé cet ajournement à une heure plus avancée de la soirée; l'horloge de
votre côté marquait plus de 10 1/2 heures.
L'
HON. M. LAFRAMBOISE—Eh bien!
je puis dire que l'horloge ministérielle marquait l'heure que j'ai indiquée, et je
ne crois
pas me tromper en disant que ces deux horloges s'accordent ordinairement mieux que
nous ne le faisons nous-mêmes. (Ecoutez!
et rires.) En terminant, M. l'ORATEUR, je
ne crains pas de dire qu'il n'y a pas de précédent dans notre histoire parlementaire
d'une conduite aussi indigne. Je dis que le
gouvernement a l'intention d'envoyer sa
mesure en Angleterre pour la faire sanctionner avant que le peuple de ce pays n'ait
eu le
temps de la juger et que ses représentants
n'aient eu occasion de l'amender en aucune
manière. Cette mesure ou cette nouvelle
constitution, après qu'elle aura ainsi reçu la
sanction du gouvernement impérial, devra
être acceptée par le Bas-Canada, qu'elle lui
convienne ou non. (Ecoutez! écoutez!) Eh
bein! M. l'ORATEUR. j'ose espérer qu'il y
aura plus d'indépendance parmi a députation
Bas-Canadienne que nos ministres veulent
bien le croire, et que nos députés Bas-Canadiens ne consentirent pas à, se laisser
ainsi
conduire comme des écoliers par leurs chefs.
On nous a promis au commencement de la
discussion, que tous les députés auraient
l'occasion d'exprimer leurs vues sur le projet
et d'y faire des amendements s'ils le jugeaient
à propos, et aujourd'hui, le ministère, foulant
aux pieds toutes ses promesses, nous pose
ainsi son ultimatum: vous deves adopter le
projet qu'on vous soumet sans essayer d'en
changer un seul mot. Pour ma part, M.
l'ORATEUR, je croirais manquer à mon devoir
de représentant si je n'enregistrais mon
protêt contre une pareille conduite et un
oubli aussi scandaleux de tout principe de
gouvernement responsable. (Applaudissements.)
M. M. C. CAMERON—Je regrette beaucoup, M. l'ORATEUR, d'être obligé de m'adresser à la chambre une
seconde fois
aujourd'hui sur le même sujet, mais je veux
repousser le plus énergiquement possible
l'insinuation que vient de faire l'hon. procureur-général du Haut-Canada contre les
députés opposés au projet de confédération,
et par laquelle il donne à entendre que nous
sommes poussés à en agir ainsi le désir
de voir le Canada s'annexer aux Etats-Unis,
que par conséquent notre opposition est
factieuse, et que nous n'avons aucune bonne
raison à faire valoir pour retarder la considération de la question. En ce qui me
regarde,
M. l'ORATEUR, je déclarerai qu'il n'y a peut être pas dans cette enceinte, cu plutôt
dans
toute l'Amérique du Nord, un homme qui
désire moins que moi de voir se changer les
relations actuelles entre la métropole et ces
provinces. (Ecoutez! écoutez!) Je me laisse
guider dans l'opposition que je fais à ce projet
par l'appréhension qu'en le laissant s'accomplir de la façon dont on se le propose,
il ne
soit plus propre à nous faire arriver à l'annexion, dont on fait aujourd'hui un si
grand
épouvantail, que tout ce que pourrait combiner les hon. ministres en un demi-siècle
de
temps avec la constitution actuelle. On semble
nous considérer comme des obstacles, M.
l'ORATEUR; mais qu'on veuille donc se
rappeler les circonstances de ce débat. Ainsi
qu'on l'a déjà dit, il fut d'abord proposé que
la question serait considérée comme dans un
comité de toute la chambre, et qu'afin de
maintenir l'ordre et de pouvoir dépêcher
d'autres affaires, l'ORATEUR gardât le fauteuil. Quoique l'hon. procureur-général
du
Haut-Canada n'envisage pas cette proposition comme nous l'avons envisagée de ce
côté de la chambre, je reste néanmoins persuadé que l'intention de l'hon. monsieur
était de donner à la discusion la même liberté
que si l'Orateur n'eût pas été au fauteuil.
(Ecoutez! écoutez!) Que firent alors les
hon. ministres? Ils témoignèrent le désir
d'exposer leur projet avec tout le soin qu'ils
entendraient, de prendre pour cela tout le
temps nécessaire et de pouvoir parler sans
être interrompus: l'opposition y consentit de
bon cœur, et pas une seule interruption ne
partit de la gauche de la chambre durant
leur cinq longs discours. (Ecoutez! écoutez!)
Cependant, aussitôt qu'ils ont agi comme
ils ont voulu, et que nous avons témoigné à
notre tour le même désir, c'est-a-dire, de
pouvoir exposer nos vues et de répondre par
ordre aux discours ministériels, l'on s'y
oppose de la manière la plus arbitraire. C'est
l'hon. procureur-général du Bas-Canada qui
réclama le droit de répliquer à tout ce qu'on
dirait de ce côté-ci de la chambre. (Ecoutez!
écoutez!) Puis c'est l'hon. procureur-général
du Haut-Canada qui proposa que la discussion eût la préséance sur tout le reste et
fut
reprise tous les soirs à sept heurs et demie
jusqu'à la fin: à cela, l'opposition y consentit
encore. Il y avait peu de temps que cette
750
nouvelle proposition avait été faite et soutenue
par le gouvernement que voilà qu'on brise
ce solennel engagement, et qu'en suspend
toute l'expédition des affaires jusqu'à ce que
la question reçoive une solution. Je m'opposai
à cette dernière proposition parce que je la
crus contraire aux intérêts du pays et que je
ne pensais as qu'elle serait favorable à
l'expédition des affaires de la chambre. On
fut alors plusieurs jours à discuter pour
savoir si la proposition serait votée ou non:
or, je le demande, qui doit-on tenir responsable
de cette discussion et de ces délais? Sont- ce les députés dela gauche qui voulaient
s'en
tenir à des arrangements pris par le ministère
lui-même, ou le gouvernement qui cherche à
rompre ses engagements le lendemain qu'il
les a proposés et fait voter? (Ecoutez! écoutez!) A propos, je dois M. l'ORATEUR,
féliciter l'hon. procureur-général du joli et élégant
compliment qu'il a fait à l'hon. député de
Peel, en disant de nous deux ue nous étions
les
Shanghais de la droite de la chambre.
(Ecoutez! écoutez! on rit.) Tout en reconnaissant que nous étions les seuls volatiles
qui eussions pondu de bons œufs, ceux des
autres se trouvant clairs, il aurait dû réfléchir
un peu que des œufs de ces
Shanghais sortiront des oiseaux qui, suivant toute probabilité, couperont la crête des hon.
députés de la
droite de cette chambre. (On rit.) La hâte
que ces hon. messieurs mettent à faire passer
leur mesure, produit précisément la chaleur
propre à faire éclore les œufs en question, et
craque le pays viendra à connaître l'espèce
d'oiseaux produits par cette couvée, les hon.
messieurs s'aperceveront qu'ils ont compté
sans leur hôte en les couvent. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. M. GALT — Ils auront compté
leurs poulets avant de les avoir ceuvés.
(On rit.)
M. M. C. CAMERON—Précisément. Le
gouvernement parle de mystères qu'il a
bien soin de ne pas divulguer, et ajoute
qu'en les apprenant il n'y aurait pas un
député qui ne voulût se rallier à lui. Eh
bien! M. l'ORATEUR, si le ministère possède
des informations de ce genre, nous avons le
droit d'en avoir communication. (Ecoutez!
écoutez!) S'il se prépare pour cette chambre
quelque grande difficulté à vaincre, nous
devrions savoir ce qui en est afin de nous
tenir prêts à la surmonter. (Ecoutez!
écoutez!) Je ne vois pas les hon. ministres
se préparer à prendre d'ici a la prochaine
réunion des chambres aucune mesure pour
suppléer à l'absence de fortifications qu'ils
disent exister en ce pays; et, cependant, ils
se servent de la chose pour amener la chambre
à sanctionner leur mesure. Ils ont une marionnette qu'ils dissimulent avec assez d'adresse
derrière le rideau pour lui faire projeter certaines ombres qu'ils nous disent être
celles
d'un géant:— eh bien! qu'en examine,
qu'on cherche et on verra qu'en effet ce
n'est rien autre chose qu'une marionnette.
Que le ministère nous communique ces informations qu'il se vante de posséder, et je
serai
bien étonné si elles ne se réduisent pas à un
épouvantail. Tenez: c'est une poule qui fait
grand bruit et bat le rappel à l'approche
de l'oiseau de proie; mais lorsque toute la
couvée s'est nichée sous ses ailes, quelle
n'est pas sa surprise de voir que la cause
de toute cette frayeur vient d'un innocent
pigeon! (On rit.) Les honorables ministres
sont constamment occupés à nous rappeler
l'imminence du danger d'une guerre avec
les Etats-Unis, et néanmoins chacun se lève
en disant que, pour sa part, il n'appréhende
rien de la sorte. Ils devraient réfléchir que
si ces craintes ont quelque fondement, s'il y
a danger pour le Canada d'être attaqué par
les Etats-Unis et d'une guerre de ceux-ci
avec l'Angleterre, ce danger est à nos portes.
Mais, non; je crois que lorsque le peuple des
Etats-Unis sera sorti de ses luttes actuelles,
après voir appris à ses dépens ce qu'est la
guerre et le fardeau qu'elle impose, il aura
trop d'intelligence pour se lancer sur le
champ dans une nouvelle lutte avec une
puissance comme l'Angleterre, à moins qu'il
ne s'y décide sous le coup du tort qu'il croit
lui avoir été causé par celle-ci durant ses
hostilités avec les Etats du Sud. Lorsque
ce peuple aura eu le temps de réfléchir sur
la catastrophe qu'il vient d'épreuver, qu'il
pourra compter ce qu'elle lui coûte en sang,
en or et en intelligence, lorsque ses blessures
commenceront à se cicatriser, il y aura peu
de danger de le voir s engager dans une
autre guerre tout aussi désastreuse que la
première. J 'entendais, il n'y a pas longtemps, une personne faire de la chose une
description que je répètèrai ici. Cette personne disait que les probabilités d'une
guerre
plus ou moins éloignée avec les Etats-Unis,
ressemblent assez aux péripéties d'une lutte
à coups de poings. Les deux combattants se
sont meurtris et assommés l'un l'autre de la
façon la plus horrible; ils sont la couverts
des blessures qu'ils se sont infligés mutuellement, le sang encore bouillonnant et
tout
751
frémissant des coups qu'ils ont reçus: mais,
qu'un spectateur s'avise de se mêler de leur
querelle, même pour leur donner un bon avis,
et vous les verrez prêts à se précipiter sur
lui se souciant à peine des chances défavorables qui peuvent être contre eux. Si,
au
contraire, le sang de ces lutteurs a eu le
temps de se calmer, si leurs blessures ont
commencé à se cicatriser, si la réflexion a
pris la place de la colère, vous les verrez
très peu enclins à renouveler la lutte quelle
qu'elle soit. Il n'en sera pas autrement, M.
l'ORATEUR, de nos voisins des Etats-Unis.
Lorsque l'excitation de la guerre actuelle
aura passé, que le soldat sera rentré dans
ses foyers et que les familles compteront
dans les larmes les absents qui ne reviendront
plus; lorsque les chefs de la nation feront
l'addition des millions de piastres qu'aura
coûté leur victoire et verront pleuvoir autour
d'eux les réclamations d'indemnités pour
pertes éprouvées dans la guerre et ainsi du
reste, soyez convaincus qu'ils éprouveront la
plus grande répugnance à s'engager dans
une autre lutte où ils auraient l'Angleterre
toute entière sur les bras. Je pense donc
que si nous sommes pour voter la construction d'ouvrages de défense, nous devons
le faire immédiatement et sans délai. Et
cependant nous voyons les hon. ministres
décidés à remettre à une autre session la
considération d'une pareille mesure; nous
les voyons disposés à proroger le parlement
sans dire un mot d'une question aussi vitale,
et à passer en Angleterre pour y faire
adopter un projet dont l'accomplissement
immédiat n'est plus de saison. (Ecoutez!
écoutez!) Le motif de la conduite des
hon. députés de la gauche contre le projet
de confédération n'est pas du tout celui
de pendre la place des hon. ministres; au
contraire, ils n'ont pour but que de sauvegarder les intérêts du peuple qui les envoyés
ici, et au nom duquel ils doivent veiller à ce
que le gouvernement soit administré avec
économie et sagesse, afin qu'il puisse le respecter et l'appuyer. (Ecoutez! écoutez!)
Mais si le gouvernement est extravagant
dans ses idées, comment peut-on espérer que
le peuple le respecte? Et qu'y a-t-il de
plus propre à lancer le pays sur la voie qui
méne a l'annexion américaine, ainsi que l'a
si bien démontré le chef du gouvernement
dans la chambre haute, que l'extravgance
dans la conduite de l'administration? Si
nous avons à voter la somme nécessaire à la
construction du système de détenues recom
mandé par la commission, et à l'armement et
équipement d'un nombre correspondant de
soldats, les dépenses atteindront un chiffre
monstrueux. Et dire que parceque nous
demandons des renseignements et nous nous
opposons à la pression quel'on veut nous faire
subir, nous sommes traités de factieux et
d'obstacles vivants! Mais prétend-on qualifier de factieuse la conduite des députés
du
peuple parce qu'ils demandent à être consultés avant que la constitution ne soit foulée
aux pieds et remplacée par une autre? Le
Canada est de beaucoup a province la plus
peuplée, la plus riche et la plus importante
de toutes celles que devra comprendre le
changement projeté, et néanmoins sa population va être la seule à qui il ne sera pas
permis d'affirmer s'il est acceptable ou non,
non plus qu'à ses représentants en parlement,
puisqu'on leur refuse la faculté de proposer
un seul amendement. (Ecoutez! écoutez!)
Eh bien! si une opposition de cette sorte
me fait qualifier de l'épithète d'obstacle
vivant, je m'en glorifie et suis fier d'être en
effet un obstacle vivant à de tels desseins
(Applaudissements.) Je voterai contre la
proposition de mon hon. ami, le procureur- gênéral du Haut-Canada, et j'exprimerai
de
nouveau mon regret sincère de ce qu'il ait
été induit à la présenter parce qu'elle empêche la chambre de donner cours à son
opinion en la manière ordinaire. Venir
nous dire que nous sommes libres de discuter
la question autant qu'il nous plaira, n'est
rien autre chose qu'une insigne raillerie,
attendu que la proposition de hon. procureur-général du Haut-Canada nous empêche
de faire aucun amendement ou d'enregister
dans les annales de cette chambre la manière
dont nous envisageons le sujet. Combien
de fois les hon. députés de la droite ne nous
ont-ils pas répété de proposer nous-mêmes un
meilleur plan puisque nous ne voulions pas
de celui qu'ils nous offraient? Or, à peine
énonçons-nous l'intention d'agir de la sorte
qu'aussitôt on nous bâillonne et on nous
avertit que nous n'aurons pas même l'occasion de faire connaître notre projet à la
chambre. Si telle est la façon dont on prétend
traiter un peuple libre, ceux qui le veulent
ainsi pourraient bien faire fausse route, et
lorsque le parlement s'assemblera de nouveau,
ils pourraient bien entendre la voix de ce
peuple leur reprocher leur conduite et vouer
à l'oubli politique des noms jusqu'ici honorables et distingués, parce qu'ils ont
outragé
ses droits et ses libertés, et cet oubli, M.
752
l'ORATEUR, aura été bien mérité. (Longs
applaudissements.)
M. SCATCHERD—Les résolutions qui
font l'objet de ce débat et qui comprennent
un changement complet dans la constitution
du pays forment, à mon avis, la question la
plus importante qui ait été soumise à cette
chambre depuis l'union. Un changement
aussi fondamental que celui qu'on nous
propose aujourd'hui ne s'effectue ordinairement qu'après une guerre ou une insurrection.
(Ecoutez!) Mais nous n'avons eu ni guerre
ni insurrection. (Ecoutez!) Nous avons
joui d'une longue période de paix et de
tranquillité durant laquelle nos populations
ne se sont jamais agitées en faveur d'un
pareil changement. Je crois que l'idée de
ce projet est due surtout à ce que les chefs
des deux partis politiques qui divisaient la
chambre ne voyaient, les uns, aucune chance
de se maintenir au pouvoir, les autres, aucun
moyen d'y arriver tant qu'ils demeureraient
en lutte. On a affirmé dans cette chambre
et au dehors, que l'état de nos affaires publiques était si grave que tout gouvernement
était devenu impossible, et que les hommes
publics devaient se réunir pour nous faire
sortir de nos pressants embarras. J'ose
espérer que cette assertion n'était pas un
prétexte mis en avant par les ministres our
conserver leurs portefeuilles et par les chefs
de l'opposition pour en avoir à leur tour. Il
est au su de tout le monde que nulle concession n'a eu lieu entre les chefs de parti
tant
qu'ils ont pu gouverner indépendamment
les une des autres. Trois voix de plus ou
de moins d'un côté ou de l'autre, et le projet
actuel eût été indéfinitivement remis. Nous
ne nous serions pas non plus trouvés dans
une impasse, s'il y eût en un peu plus d'indulgence de part et d'autre. Si es partis
pouvaient se réunir comme ils l'ont fait au
mois de juin dernier, il est certain que cette
union pouvait terminer nos difficultés sans
qu'on eût recours a ce projet, qui anéantit
notre constitution actuelle. De plus, le conflit
existant était dû plutôt à l'animosité des
partis qu'au vice de notre constitution.
(Ecoutez!) L'union des deux Canada ont
lieu en 1840; pendant une certaine période
après cette union, chaque section fut représentée par 42 membres dans la législature
unie. A l'époque de l'union, la population
du Haut-Canada était de 486,00 âmes, et
celle du Bas-Canada de 661,000. De 1844
à 1848 la majorité en faveur du gouvernement fut toujours très-faible. Le ministère
se maintenait par deux ou trois voix, et,
néanmoins, durant cette période en ne parla
point d'avoir recours à un changement de
constitution pour augmenter cette majorité.
(Ecoutez!) Les deux provinces furent représentées chacune par 42 membres jusqu'en
1854, époque à laquelle le nombre fut porté
à 65, comme il est aujourd'hui. Depuis 1854
jusqu'à ce jour les populations du Haut- Canada se sont vivement préoccupées de la
question de la représentation basée sur la
population. Le parti réformiste soulevait
cette question à l'époque de chaque élection.
C'était le grand point et on demandait aux
candidats de s'engager à défendre cette
mesure devant la chambre. En outre, plusieurs membres conservateurs avaient été
obligés de souscrire à cette artie du programme réformiste. En 1858, quelques
membres du gouvernement envoyèrent en
Angleterre une lettre officielle où nos difficultés étaient exposées, et l'agitation
du pays
représentée comme grosse de dangers pour
le fonctionnement de notre système constitutionnel et, par suite, grandement préjudiciable
au progrès du pays. Ce document
fut mis devant les chambres au mois de
février 1859, et en novembre, la même
année, se réunit la convention de Toronto,
dans laquelle le parti réformiste était représenté par environ 570 des hommes les
plus
éminents de toutes les parties du Haut-Canada.
A cette assemblée, les griefs du Haut-Canada
furent habilement exposés par les hommes
les plus compétents. Bien qu'un projet
d'union fédérale des provinces eût tété soumis
au parlement et au pays en février, la convention qui se réunit au mois de novembre
et, par suite, eut tout le temps d'étudier la
question, résolut que ce n'était point un
remède efficace aux maux du Haut-Canada.
Voici les résolutions de cette assemblée qui
indiquent à la fois le mal et le remède:
1° Résolu.—Que l'union législative entre le Haut
et le Bas-Canada n'a pas réalisé les espérances
de ses promoteurs, a produit une lourde dette
publique, de pesantes taxes, de grands abus politiques et un mécontentement général
dans tout le
Haut-Canada; et c'est la conviction même de
cette assemblé qu'a cause de l'antagonisme, naissant des différences d'origine, des
intéréts locaux
et d'autres causes, que l'union ne peut plus continuer d'exister dans sa forme actuelle
avantageusement pour le peuple.
Voilà les griefs!
5° Résolu.—Que, dans l'opinion de cette assemblée, le remède le plus praticable aux
maux
actuels du gouvernement du Canada se trouve
753
dans la création de deux ou plusieurs gouvernements locaux, ayant le contrôle de toutes
les
matières d'un caractère local et sectionnaire, et
d'un gouvernement général qui dirigerait toutes
les choses nécessairement communes aux deux
provinces.
Ceci est le remède! La quatrième résolution montre que la fédération n'était pas
considérée comme un remède aux maux dont
on se plaignait:
4° Résolu.—Que, sans entrer dans la discussion
des autres objections, cette assemblée est d'opinion que le délai qu'entraînerait
l'assentiment des
provinces inférieures à une union fédérale de
toutes les colonies britanniques Nord-Américaines,
doit placer cette mesure en dehors de tout examen
comme remède aux maux présents.
Si les populations du Haut-Canada représentées dans cette convention eussent été
d'avis qu'une union avec les provinces du
golfe pouvait remédier à nos maux, elles n'auraient pas manquer d'étudier cette question.
De deux choses l'une, ou les chefs du parti
réformiste ne voulaient pas du projet qui
leur était indiqué par leurs adversaires, en
bien ils croyaient que c'était un mauvais
moyen. S'ils avaient en une autre opinion,
rien ne les empêchait de se rallier au gouvernement pour réaliser le plan sans avoir
recours aux autres provinces. Le seul
obstacle à l'adoption du projet était que ses
auteurs occupaient les banquettes ministérielles. C'est, pour moi, la seule raison
plausible de l'abandon de cette mesure à
cette époque. Un des motifs de la réunion
de la convention était que: "malgré le
chiffre élevé de la population haut-canadienne
comparativement à celle du Bas-Canada, et
malgré l'accroissement continu de la première, le Haut-Canada n'avait aucune influence
dans l'administration des affaires du
pays." (Ecoutez!) Un autre grief du Haut- Canada, avait trait à la répartition des
deniers
public. On prétendait que 70 per cent des
taxes annuelles était fourni par le Haut- Canada, et seulement 30 pour cent par le
Bas-Canada. D'un autre côté, pour chaque
piastre dépensée dans le Haut-Canada, on dépensait une piastre dans le Bas-Canada.
Telle semblait être l'opinion des hommes
éminents des deux partis. On demanda la
représentation basée sur la population comme
remède à cet état de choses. Les Haut- Canadiens considérèrent que s'ils étaient
représentés dans la chambre d'après le
chiffre de leur population, ils seraient à
même d'empêcher l'injuste répartition des
deniers publics. Quelques membres ont
prétendu que la confédération allait nous
donner une nationalité, d'autres n'elle contribuerait au développement rapide des
intérêts matériels et commerciaux du pays. Je
ne vois pas bien, dans ce projet, la phase
nationale qu'on y a découvert. Ceux qui
voient d'un mauvais œil notre union avec
l'Angleterre peuvent désirer la création d'une
nouvelle nationalité. Qui dit existence untionale ou nationalité dit indépendance,
et
tant que nous serons une colonie anglaise
nous ne saurions être indépendants. (Ecoutez!) Au Nouveau-Brunswick on n'a envisagé
la question qu'au point de vue de l'intérêt matériel (Ecoutez!) Dans une brochure
récemment publiée par l'hon. M.
CAUCHON, je trouve, à la page 28, de la
brochure française, l'exposé suivant de la
manière dont on a traité la question au
Nouveau-Brunswick:
"Il ne resterait plus pour eux, a considérer,
dans le choix à faire, que la question matérielle des
profits et pertes; le plus on le moins de commerce
et le plus ou le moins d'lmpôts. Cette vérité
vient de recevoir son application, d'abord dans le
projet de constitution lui-même, où vous voyes
que les exceptions n'affectent que le Bas-Canada,
et, dans les discours prononcés par M. TILLEY,
dans le Nouveau-Brunswick, où il dit franchement et sans détour que, pour eux, il
n'y à dans
l'examen du projet de confédération qu'une seule
question pécuniaire: le Nouveau-Brunswick, dans
l'union, pourra-t-il plus, pourra-t-il moins, recevra-t-il plus, recevra-t-il moins,
sera-t-il plus, sera- t-il moins imposé qu'aujourd'hui? Et c'est de cette
manière que sa presse et ses hommes publics l'ont
acceptée de ses mains pour la discuter, l'accepter
ou la repousser."
A mon avis, c'est ainsi que le Canada
devrait traiter la question en laissant tout-à- fait de côté le point de vue national.
(Ecoutez! écoutez!) La vraie question est de
savoir si nos populations auront à payer des
taxes plus ou moins fortes et seront plus ou
moins prospères qu'aujourd'hui. (Ecoutez!
écoutez!) La question de la représentation
basée sur la population s'agite depuis dix
ans. (Ecoutez! écoutez!) A l'époque de
la défaite de l'administration CARTIER- MACDONALD, c'était une question ouverte.
L'administration MACDONALD-SICOTTE qui
lui succèda, résolut de l'abandonner, mais je
ne sache pas que tel ait été l'avis des partisans haut-canadiens de cette administration.
Ou précisa fort bien, lors de la formation de
ce dernier ministère, que s'il abandonnait
cette question il on serait seul responsable,
ses partisans ne voulant s'engager à rien
754
sous ce rapport. Ce gouvernement adopta
le système de la double majorité. Mais
je ne crois pas que la majorité de ses
partisans haut-canadiens ait accepté ce
principe comme suffisant à régler les griefs
du Haut-Canada. Le parti réformistes du
Haut-Canada consentit, pour le moment, à
laisser de côté la question de la représentation pour s'occuper plus spécialement
d'une
réforme administrative que nécessitaient la
corruption et l'extravagance qu'on pratiquait alors. Toutefois, le système de la
double majorité ne fonctionne point (Ecoutez!) Le ministère MACDONALD-SICOTTE
fut défait et remplacé par le ministère
MACDONALD-DORION. Celui-ci traita la
question comme avait fait l'administration
CARTIER-MACDONALD, c'est-à-dire, qu'il en
fit une question ouverte. Sous ce gouvernement, il n'y eut point d'agitation à ce
sujet,
bien que la représentation d'après la population fût généralement appuyée par les
membres du Haut-Canada. Ce ministère
résigna, et un nouveau gouvernement fut
formé sous lequel l'hon. membre pour South
Oxford fit nommer un comité pour prendre
en considération la question de la représentation. Ce comité étudia longuement son
sujet. Il fit rapport le jour même de la
chute du ministère, mais il n'indiquait
aucune conclusion précise, si ce n'est que
la plupart de ses membres penehaient pour
un gouvernement fédéral. (Ecoutez!) Un
gouvernement fut défait sur la question des
$l00,000 payées à la cité de Montréal. Le
vote fut pris le 14 juin, et la dernière partie
de la résolution était ainsi conçue:
"Qu'en présence des faits ci-haut mentionnés,
cette chambre manquerait a son devoir si elle
n'exprimait point sa désapprobation d'une avance
d'une somme somme considérable des deniers
publics sans autorisation, et de l'abandon subséquent des conditions contenues dans
l'ordre en
conseil en vertu duquel fut faite la dite avance."
Jamais motion n'avait attaqué plus directement L'hon. ministre des finances; il était
convaincu par la majorité de la chambre
d'avoir fait perdre $100,000 au pays. La
majorité vote en faveur de la motion.
Aussitôt se déclara une crise ministérielle
et on apprit que le ministère avait obtenu
du gouverneur-général la disolution des
chambres; quelques jours plus tard, quelques-uns des hommes qui avaient condamné
le ministre des finances lui avaient entièrement pardonné et prenaient place a côté
de lui sur les banquettes ministérielles.
(Ecoutez!) La coalition actuelle était formée
sur le principe de la confédération. Je
crois que depuis trois ans le mouvement en
faveur de la représentation basée sur la population s'était beaucoup ralenti; mais
la
défaite du ministère sembla suffire aux
chefs de l'opposition pour s'unir avec leurs
anciens adversaires et soumettre à la chambre
le projet actuel de confédération. Pour ma
part, je ne suis pas opposé à une fédération
des provinces sur une base convenable, mais
j'aurais préféré une union législative. Je
ne sympathise nullement avec les hon.
membres qui opposent à la fois le projet,
l'union législative et la représentation basée
sur la population. L'accroissement de la
population haut—canadienne demande une
modification dans notre système; et je ne
vois pas comment les membres à triple opposition, dont je parlais à l'instant, peuvent
compter sur les sympathies des députés du
Haut-Canada. Je ne suis nullement opposé
au principe de cette mesure, mais à une
partie du projet qui est la construction du
chemin de fer intercolonial. Lorsqu'en
1812 cette question fut mise en avant, je
m'y opposai. Ce lut le gouvernement
MACDONALD-SICOTTE qui s'engagea a construire ce chemin; je m'y opposai, comme
je viens de le dire, et j'y ai toujours été
opposé depuis. A ce propos, je rappellerai
quelles étaient les opinions de l'hon. membre
pour South Oxford sur cette question. Je
ne veux pas montrer par là qu'il a changé
ses idées à cet égard, parce que je suppose
qu'il l'admet lui-même. Je fais cette citation pour montrer quelles étaient ses vues
à l'époque—vues qui étaient partagées par
la majorité du Haut-Canada. On prétend
que ce chemin est nécessaire au point de
vue de la défense du pays. On prétend
qu'on devra suivre le plus long tracé parce
que le plus court se rapprocherait trop de
la frontière de l'Etat du Maine. (Ecoutez!)
Mais si l'on considère que ce chemin se reliera
au Grand Tronc à la Rivère du-Loup, qui
est à vingt-cinq milles de la frontière américaine, on doit admettre qu'au point de
vue
stratégique il aura bien peu de valeur. Il
est ridicule de prétendre que les américains
ne pourraient pas couper une ligne de
chemin de fer qui passe à vingt-cinq milles
de leur frontière. Si nous ne sommes pas
assez forts pour protéger le chemin qui
traverse l'Etat du Maine, le chemin
intercolonial sera, pour nous, d'une bien
faible importance. Voici ce que je lis dans
755
le Globe au sujet de ce chemin considéré
comme grande voie militaire, à la date du
18 septembre 1862:
"Mais comme notre opinion sur les questions
stratégiques peut n'avoir qu'une faible valeur,
nous en appellerons à un autre témoignage."
Vient la citation suivante du Blackwood's
Magazine:
"En somme, nous croyons que si notre frontière
militaire n'est pas changée, un chemin de fer entre
St. Jean et le St. Laurent n'entraînera, au point
du vue stratégique, que des dépenses parfaitement
inutiles. Si on veut à toute force le chemin de fer
intercolonial, il faut donner de meilleures raisons
que le prétexte qu'il est nécessaire pour la défense
de la province."
Telle était, je crois, à cette époque, l'opinion du Haut-Canada en ce qui concerne
ce chemin, c'est-à-dire qu'il sera parfaitement
inutile comme moyen de défense. Mais le
projet de sa construction est ainsi annoncé
dans la 68ème résolution:—
"Le gouvernement général devra faire compléter, sans délai, le chemin de fer intercolonial
de
la Rivière-du Loup à Truro, dans la Nouvelle- Ecosse, en le faisant passer par le
Nouveau-Brunswick."
La résolution suivante a trait au territoire
du Nord-Ouest, et est ainsi conçue:—
"69. La convention considère les communications avec les territoires du Nord-Ouest
et les améliorations nécessaires au développement du commerce du Grand-Ouest avec
la mer, comme étant de
la plus haute importance pour les provinces confédérées, et comme devant mériter l'attention
du
gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra
l'état des finances."
D'après ces résolutions, la construction du
chemin de fer intercolonial forme partie
essentielle du projet actuel et nous devrons
construire ce chemin. D'un autre côté,
l'agrandissement de nos canaux et l'ouverture du Nord-Ouest ne seront accomplis
qu'autant que les finances du pays le permettront. Or, l'ouverture du Nord-Ouest est
une question sérieuse pour une grande partie
des populations du Haut-Canada, qui regardent l'exécution de ce projet comme intimement
liée aux intérêts du pays. Voici ce
que je lis dans la brochure de l'hon. M.
CAUCHON, page 59, de la version française:—
"Mais qu'est-ce donc auprès de ces prairies de
l'Ouest, dont la pensée même est incapable de
mesurer les horizons infinies et dont la fertilité
est de tous les moments et de toutes les saisons,
au dire même des officiers les plus élevés et les
plus autorisés de la compagnie de la baie d'Hudson, tels que M. DALLAS, le gouverneur
général
des domaines de cette compagnie. et M. LE DR.
RAE, ancien facteur et si connu, du reste, des
deux mondes, pour ses observations astronomiques dans les régions polaires et sa découverte
des restes de Franklin et de ses compagnons d'infortune?—Ce dernier, chargé de trouver
une
passe, dans les Montagnes Rocheuses, pour le
télégraphe trans-continental qu'êtablit en ce moment la compagnie, nous dit: 'que
la Saskatchewan, cette grande voie publique intérieure, coule
à travers de vastes plaines fertiles où peuvent
croître en abondance l'orge et le blé.'"
Ecoutons maintenant M. DALLAS:—
"Tout le pays est plus ou moins éminemment
adapté à la colonisation. Il y a deux ans, j'ai
parcouru, à cheval, tout ce pays, dans le mois
d'août je pense. Nous marchions, enfoncés jusqu'aux étriers, dans l'ivraie, les pois
sauvages et
les vescerons. J'ai vu là des chevaux et des
bœufs aussi gras que peut l'être un animal dans
les pâturages les plus riches de l'Angleterre.
Ces animaux avaient passé l'hiver dehors sans
une gueulée de foin. Cela vous donnera une
meilleure idée du climat que sije vous disais l'état
du thermomètre ou quelque chose de semblable.
—Je regarde tout le paye connue étant plus ou
moins éminemment propre à la colonisation, et
excessivement sain. Ici tout croît. La récolte
du blé est ne peu incertaine; mais toutes les
autres céréales et les végétaux de tous les noms y
viennent avec une aussi grande perfection qu'en
Angleterre. Au nord, se trouve une bande de
terrain, alternée de bois et de prairies ondulantes,
qui traverse tout le pays. Les lacs et les rivières
abondent en poissons, et les prairies en gibiers
de toutes les espèces, etc, etc."
Telle est la description du pays dont l'accès
est présenté aux populations du Haut-Canada connue une compensation pour le
chemin de fer intercolonial, mais qu'on
n'ouvrira qu'autant que l'état des finances
du pays le permettra. Je m'oppose au projet
parce que les conditions de cette grande
entreprise ne sont pas assez précisées et que
l'entreprise elle-même dépend d'une foule
d'évènements. Pour faire voir combien les
populations du Haut-Canada s'intéressent à
cette question, je citerai un passage d'un
article du Globe, publié le 19 septembre
1862, vers l'époque à laquelle le ministère
MACDONALD SICOTTE propose la construction du chemin de fer intercolonial:—
"Nous remarquons avec plaisir que M. FOLET
a eu le bon sens de récuser l'argument de M.
HOWE, que le chemin de fer de Québec à Halifax
formerait une portion importante du grand chemin de fer du Pacifique, traversant tout
le territoire de l'Amérique Britannique du Nord. Pas
une livre pesant du fret qui sera transportée par
le chemin du Pacifique ne sera dirigée vers le port
d'Halifax. C'est déprécier complètement le chemin de Pacifique que de dire qu'il est
nécessaire de
construire quatre cents milles d'une ligne qui sera
complètement improductive, avant de commencer
756
la grande, la seule grande entreprise, avec un
cinquième de la somme qu'on va dépenser pour
le chemin intercolonial. Il nous est facile d'ouvrir
en Canada une communication avec le plus riche
pays du monde, mais on ne veut pas accorder un
son à cet effet, et on jette £50,000 sur les rochers
de la Rivière—du-Loup."
Telle était, M. l'ORATEUR, l'opinion exrimée par le Globe au mois de septembre
1862, et je demanderai à la chambre, puisque le Haut-Canada paiera une grosse part
de ce chemin, si cette part ne suffirait pas à
l'ouverture du Nord-Ouest? Au fait ne
différons-nous pas l'exécution de cette grande
entreprise en dépensant de l'argent dans une
direction opposée?
M. SCATCHERD—On s'est plaint aussi
de ce que notre dette est énorme; que nous
sommes lourdement taxés sur les articles de
première nécessité, et que ces articles ne
pourraient supporter de nouvelles taxes. Je
crois que ces plaintes sont aussi fondées que
jamais. Voyons quels droits ou payait il y
a dix ans sur les principaux articles de
consommation. J'ai ici un tableau indiquant les droits payés de 1855 à 1865, ainsi
que la valeur des principaux articles importés
en cette province pendant le semestre expiré
au 30 juin 1864:—
ARTICLES. |
1855. |
1856. |
1857. |
1858. |
1859. |
1865. |
Valeur. |
Droit. |
|
Par et. |
Par et. |
Par et. |
Par et. |
Par et. |
Par et. |
$ |
$ |
Café... |
8 1/2 |
8 1/2 |
10 |
10 |
15 |
23 1/2 |
89,016 |
21,118 |
Mélasse... |
16 |
11 |
11 |
18 |
30 |
27 1/2 |
118,285 |
33,007 |
Sucre... |
27 1/2 |
20 |
17 1/2 |
21 |
30 |
47 |
779,907 |
373,963 |
Thé... |
11 1/2 |
11 1/2 |
11 1/2 |
12 1/2 |
15 |
26 |
1,089,674 |
275,126 |
Art. de Coton. |
12 1/2 |
13 1/2 |
15 |
15 |
20 |
20 |
3,277,985 |
664,381 |
Fer... |
12 1/2 |
13 1/2 |
15 |
16 |
20 |
20 |
776,225 |
151,422 |
Soie... |
12 1/2 |
13 1/2 |
15 |
17 |
20 |
20 |
430,773 |
85,845 |
Lainages... |
12 1/2 |
14 |
15 |
18 |
20 |
20 |
2,517,669 |
499,084 |
Quelques-uns de ces articles sont taxés à
la moitié de leur valeur. Or, l'acheteur qui paie
50 pour cent de droits ne reçoit, en valeur, que
la moitié du prix d'achat. Or, que veut-on
faire avec l'argent provenant des droits sur
ces articles? On dépensera $20,000,000
pour ce chemin de fer, et c'est le peuple qui
devra, par un moyen ou un autre, payer cette
somme énorme. Je citerai un autre extrait
du Globe au sujet des conditions lucratives,
ou supposées telles de ce chemin. L'article
que je cite se trouve dans le numéro du 23
septembre l862:—
"Le projet du gouvernement relatif à la construction du chemin de fer intercolonial
ouvre un
compte qui ne se fermera jamais; chaque tempête
de neige qui aura lieu dans les régions sauvages
aux—dessous de la Rivière-du-Loup, sera une source
de nouvelles dépenses pour le Haut-Canada. Les
contribuables attendront avec une impatience
bien naturelle le passage des trains de voyageurs
et de marchandises qui sera pour eux une indication certaine des taxes qu'ils auront
à payer pendant l'année. Un exploitera le chemin avec la
parfaite conscience qu'il y aura toujours, en
arrière, un trésorier prêt à combler les déficits.
Malgré tout le soin que peut apporter une compagnie, le réglement des dépenses de
détail
échappe à tout contrôle; mais quelles seront les
dépenses si c'est le gouvernement qui dirige et le
peuple qui paie? C'était assez que le Canada se
fut engagé a payer les cinq douzièmes d'un chemin dans les bénéfices duquel il n'aura
pas
un douzième. On reconnaît bien là encre la
main avide du Grand Tronc. Certains individus, à la Nouvelle-Ecosse, ont rêvé que
ce chemin dirigerait vers Halifax tout le trafic de
l'Ouest; mais c'était un rêve et rien de plus; nul
voyageur, nul expéditeur ne voudra se rendre en
expédier à Halifax lorsqu'il peut trouver des
navires à Québec et à Portland. Quant au fret,
il ne faut pas en parler. Le chemin transportera
des marchandises à la Rivière-du-Loup, c'est
tout ce qu'on peut attendre. Il faut un certain
aplomb pour demander au Canada de payer la
construction d'un chemin qui ne fera que nuire
au trafic de son vaste estuaire.
Or, les choses ont-elles changé? N'est-il
pas facile de reconnaître dans cette entreprise la main avide du Grand Tronc? (Ecoutez!
et rires.) A propos du chemin de fer
intercolonial, je lis encore dans le Globe du
26 septembre 1862, le passage suivant:—
"Le Haut—Canada est formellement opposé à ce
projet; dans le Bas-Canada, l'opinion est divisée,
cela nous rassure complètement et la chose n'est
pas faite. Nous sommes seulement étonnés que
le gouvernement ait souscrit il à projet si mal vu
dans toute la province. Les délégués des provinces du golfe l'ont parfaitement joué!
Le Nez— Bleu est fin matois et nous devons, à l'avenir,
mettre beaucoup de réserve dans nos relations
avec lui. Le Bas—Canada le redoute parce qu'il
757
est Anglais, nous devons le craindre et le suveiller
parce qu'il est grand-maître en fait de supercherie."
Si, en 1862, le ministère MACDONALD—
SICOTTE a été, si bien joué par les Nez-Bleus,
quel marché ont fait avec eux les hommes si
hautement habiles qui dernièrement les ont
rencontrés dans la conférence? (Ecoutez!
écoutez!) Chose étonnante, le Nez-Bleu a
encore obtenu davantage de nos habiles
délégués que du ministère MACDONALD—
SICOTTE! (Ecoutez! écoutez!) Ce projet
de fédération va donc, d'un seul coup,
augmenter notre dette de vingt millions.
En outre, nous aurons une autre somme à
dépenser pour les défenses du pays et, s'il
faut en croire le rapport du Col. JERVOIS,
cette somme ne sera rien meme que six
millions de piastres. Les nouvelles qui nous
arrivent aujourd'hui par le télégraphe, disent
que le gouvernement impérial ne dépensera
que £50,000 pour notre défense.
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
se trompe. L'hon. proc.-gén. du Haut-
Canada a positivement déclaré aujourd'hui
qu'il y avait erreur dans la dépêche, et
l'hon. monsieur a tort de répéter une assertion qui a été déclarée fausse aujourd'hui
même. De plus, nous venons de recevoir de
New York une dépêche qui nous informe que,
d'après les derniers journaux de Londres, le
gouvernement impérial est disposé à déposer
£200,000, et non pas £50,000.
M. SCATCHERD— Avant de m'accuser l'hon. monsieur aurait dû réfléchir que
je n'ai pas eu connaissance de cette dépêche.
J'ai répété ce que dit l'extrait télégraphique.
On ne peut donc m'accuser d'erreur. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. BROWN—Mais je ne m'en
prends pas seulement à ce détail, et je tiens
à déclarer que, tout le long de son discours,
l'hon. monsieur a répété des assertions déclarées inexactes par mes collègues et moi-
même.
L'
HON. M. HOLTON—Si on nous avait
communiqué les papiers, ce malentendu n'aurait pas eu lieu.
M. SCATCHERD — Le gouvernement
impérial paiera donc £200,000 pour notre
défense?
L'
HON. M. BROWN—Ce montant sera
dépensé à Québec seulement. En ce qui
regarde Montréal et l'ouest, le chiffre n'est
pas encore annoncé ni même déterminé.
M. SCATCHERD—J'entends dire pour
la première fois que le gouvernement impé
rial contribuera aux frais de notre défense à
l'ouest, car les dépêches télégraphiques annoncent que s'il fortifie Québec, le gouvernement
canadien devra exécuter à ses propres
frais les ouvrages de fortifications nécessaires
à Montréal et dans l'ouest. On nous dit
aussi que ce projet comprend les gouvernements locaux et les défenses locales, ces
dernières devant s'élever à six millions de
piastres, d'après le rapport du Col. JERVOIS.
L'
HON. M. BROWN—Elles coûteront
peut-être beaucoup plus, nous n'en savons
rien à présent.
M. SCATCHERD——Beaucoup plus. Mais,
quand même, il n'en est pas moins vrai que
d'énormes sommes d'argent vont aller s'engloutir dans ces travaux, et que ces dépenses
n'auront pas de fin. (Ecoutez! écoutez!)
Je laisse cependant cette question de côté
pour demander quelle sera, en cas de confédération, la position faite au pays au sujet
de la dette publique? La population des
diverses provinces était ainsi divisée d'après
le recensement de 1861, savoir:—
1,396,091... |
dans le |
Haut-Canada, |
1,110,664... |
" |
Bas-Canada, |
252,047... |
" |
Nouveau-Brunswick, |
330,857... |
" |
La Nouvelle-Ecosse, |
130,000... |
" |
l'Ile de Terreneuve, |
80,757... |
" |
l'Ile du Prince-Edouard, |
Or, en supposant que le projet actuel
s'accomplisse, voici quelle sera la dette de
chacune de ces provinces; celle du Canada,
d'après les comptes publics, s'élève à $67,263,000; celle de la Nouvelle-Ecosse a
la
permission d'atteindre $8,000,000; celle du
Nouveau-Brunswick $7,000,000; celle de
l'Ile du Prince-Edouard $230,000, et celle
de Terreneuve $946,000,—ce qui porte le
grand total de la dette fédérale à $83,000,000.
On dira peut-être que le Canada n'entre dans
la confédération qu'avec un passif de $62,500,000; mais cela ne l'empêchera pas de
devoir la dette dont j'ai donné le chiffre plus
haut, et laquelle sera à la charge du Haut et
du Bas-Canada, si elle n'est pas à celle du
gouvernement fédéral
L'
HON. M. BROWN —Je dirai à mon
hon. ami que ces $5,000,000, qui complètent
les $67,263,000, nous sont dues et qu'il y a
un actif suffisant pour y faire face, lequel
actif sera transféré aux gouvernements locaux.
La raison pour laquelle ce chiffre a été
distrait des $67,263,000, est qu'il se rapportait à des comptes locaux et qu il pouvait
être
éteint au moyen de ressources également
locales. Cette somme, d'ailleurs, formait un
758
chapitre tout-à-fait distinct et séparé de la
dette générale de la province.
M. SCATCHERD—Quelles sont ces ressources; quel est cet actif? suffirait-il à
faire honneur à l'intérêt de cette somme?
M. SCATCHERD — Cette somme de
$5,000,000 forme partie de la dette provinciale que j'ai évaluée à $67,263,000.
L'
HON. M. BROWN—Oui, mais mon
hon. ami saura qu'il y a des fonds locaux
pour y subvenir, absolument de la même
manière que nous déduisons le fonds d'amortissement du chiffre de la dette générale.
M. RYMAL—Mais, n'était-ce pas l'hon.
président du conseil lui même qui, il y a
deux ans, nous fesait accroire que la dette
du pays s'élevait à $78,000,000? Je l'ai
entendu de mes propres oreilles. (On rit.)
L'
HON. M. HOLTON—Le montant du
fonds d'amortissement a-t-il toujours été
déduit par l'hon. député?
L'
HON. M. BROWN—Oui, c'est ce que
j'ai toujours fait; mais je n'ai pas déduit du
chiffre de la dette générale ces fonds locaux
qui se trouvent aujourd'hui portés au crédit
de ces $5,000,000, dont devront se charger
les gouvernements locaux.
M. SCATCHERD—Lorsque la confédération s'accomplira il y aura donc une dette
de $83,000,000 qui pèsera sur les provinces,
dont il faudra servir les intérêts, à part les
dettes suivantes que l'on contractera sur le
champ, savoir: $20,000,000 pour le chemin
de fer intercolonial.
L'
HON. M. BROWN—Non! non! mon
hon. ami devrait comprendre qu'il se lance
dans des calculs erronée; sans savoir précisément ce que ce chemin de fer coûtera
au
gouvernement fédéral, on peut cependant
affirmer que s'il est construit d'après le plan
suggéré par les provinces du golfe, nous
n'aurons pas besoin d'une aussi forte somme,
ni même de la somme mentionnée par l'hon.
député de Middlesex. Personne ne peut
dire en ce moment de quelle manière le
gouvernement fédéral décidera que cette
entreprise soit faite; mais si on adopte le
mode de payer un bonus après l'achèvement du chemin, et sur la garantie qu'il sera
tenu en opération durant un certain nombre
d'années, le coût n'atteindra certainement
point le chiffre indiquépar mon hon. ami.
L'
HON. M. BROWN-Sans doute, mais
je crois que les provinces du golfe ont reçu
une proposition de ce genre embrassant une
grande partie du chemin, d'après laquelle
elles n'auraient à payer qu'un bonus de
$10,000 par mille, ce qui porterait le
coût total du chemin à un chiffre très inférieur à celui qu'a indiqué mon hon. ami;
et
il induit la chambre en erreur en affirmant,
comme une chose arrêtée, que les frais de
construction du chemin de fer intercolonial
s'élèveront à $20,000,000.
L'
HON. M. BROWN—M. TILLEY peut
croire cela, mais d'autres personnes tout
aussi capables de juger de la chose que mon
ami, M. TILLEY, les fixent à $8,000,000.
D'un autre côté, l'argent nécessaire pourra,
paraît-il, être emprunté avec la garantie
impériale à pas plus de 3 1/2 pour cent.
M. SCATCHERD—Je demanderai à mon
hon. ami le président du conseil s'il n'a pas
dit que le chemin de fer coûterait $16,000,000
ou $18,000,000?
L'
HON. M. BROWN—La chose est
possible, d'autant que j'ai été sous l'impression à une époque qu'il coûterait $15,000,000;
mais je calculais alors qu'il serait construit
par le gouvernement, et c'était en quoi je
m'opposais énergiquement au plan qu'avaient
les hon. députés de l'opposition actuelle, qui
alors étaient au pouvoir, ainsi que de le faire
fonctionner aux frais du public.
L'
HON. M. HOLTON—Vous dites les
hon. députés de l'opposition actuelle?
L'
HON. M. BROWN—Je ne parle pas
de l'hon. député de Chateauguay mais de
ses chefs.
L'
HON. M. HOLTON — L'hon. monsieur
voudrait-il avoir la complaisance d'expliquer
davantage ce qu'il veut dire?
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
assis à son côté est un de ceux dont je parle.
L'
HON. M. HOLTON—Evidemment,
l'hon. monsieur ne veut pas par là indiquer
l'hon. député d'Hochelaga (M. A. A.
DORION)?
L'
HON. M. HOLTON—C'est impossible
encore, car l'hon. député de Bagot n'est entré
au ministère qu'en 1863.
L'
HON. M. BROWN—Dans tous les cas,
l'hon. député de Cornwall (M. J. S. MACDONALD) est responsable de la chose.
L'
HON. A. A. DORION—Le ministère de
mon hon. ami (M. J. S. MACDONALD) fut
759
saisi d'une proposition qui lui fut faite
dans le genre de dell-ci et ayant trait à la
construction d'un chemin de fer, mais on n'y
fesait pas mention des moyens. Vous, au
contraire, vous êtes engagés à construire ce
chemin de fer, et si vous ne trouvez pas de
compagnie pour l'entreprendre, il vous faudra
bien vous en charger vous—mêmes et le tenir
en opération à vos propres frais.
L'
HON. M. BROWN—Ce n'est pas tout
à fait la vérité, car déjà il est question d'une
proposision pour en construire une grande
partie.
M. SCATCHERD—La tournure que vient
de prendre la discussion prouvera, je l'espère,
la nécessité absolue qu'il y avait pour le
gouvernement de communiquer à la chambre
un aperçu du coût de ce chemin de fer, afin
de mettre chaque député en état de se former
une opinion sur les dépenses qu'occasionnera
cette entreprise. Pourquoi n'a-t-il pas
demandé à l'ingénieur chargé de l'exploration de faire un état de ce que pourra coûter
la construction? Si, manquant de toute
espèce de données sur le sujet, je me lève et
dis que, d'après ce que je puis en connaître,
le chemin de fer coûtera $20,000,000, aussitôt
l'hon. président du conseil m'interrompt
pour protester contre mes assertions. Puis, si
je poursuis en priant mon hon. ami de me
dir s'il n'a pas lui—même porté ce coût à
$16,000,000 ou $18,000,000, il me répond
qu'en effet il est possible qu'il ait pu le penser
ainsi. Que conclure de là, sinon que, suivant
mon hon. ami lui—même, on peut très-bien
calculer que la construction du chemin de
fer intercolonial grossira la dette de $15,000,000. C'est là la première dette nouvelle
qu'aura à faire le gouvernement fédéral
quelques instants après sa consommation.
La seconde comprendra l'armement du pays,
et sur ce point l'hon. président du conseil
dit qu'il est impossible de dire ce que le
système des défenses coûtera attendu qu'on
pourrait se trouver très au-desous du chiffre
réel.
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
devrait être plus exact lorsqu'il rapporte ce
que j'ai dit. Je n'ai pas parlé de ce pays
uniquement, mais de tous les ouvrages compris que dans le système des défenses, de
même
que de la partie qui doit être construite par
le gouvernement impérial.
M. SCATCHERD—Je parle en ce moment des fortifications requises pour Québec,
Montréal, Kingston, Toronto et Hamilton,
et je dis qu'il nous est impossible de nous
former une opinion sur le coût des travaux
de défense qui devront être faits à St. Jean,
à Halifax et ailleurs, dans les provinces
d'en-bas. Dans tous les cas, la somme nécessaire pour la construction des ouvrages
et
leur armement en Canada, ne s'élèvera pas
à moins de $6,000,000. Additionnez cette
somme avec celle du chemin de fer intercolonial et avec la dette déjà existante, et
vous
trouverez que presqu'à sa naissance la confédération se trouverait écrasée sous le
poids d'une dette d'environ $110,000.000.
M. SCATCHERD—Et pourtant le fait
est irréfragable. Je le répète, presqu'au
premier jour de son existence le nouveau
pouvernemeut aura à servir des intérêts sur
a dette publique, d'environ $3,809,668
pour le Canada, de $750,000 pour la Nouvelle—Ecosse et le Nouveau-Brunswick, et
$59,333 pour Terreneuve et l'Ile du Prince-
Edouard; puis, il y a encore le subside des
80 cts. par tête, les $115,200 à payer tous les
ans à Terreneuve, les $88,900 à payer également tous les ans à l'Ile du Prince-Edouard,
et le service des intérêts sur le coût de la
construction du chemin de fer intercolonial.
On a prétendu que l'argent nécessaire à
cette dernière fin pourrait s'emprunter à 3 1/2
par cent, mais rien ne prouve que les arrangements proposés par le ministère MACDONALD-SICOTTE
il y a deux ou trois ans, à ce
sujet, puissent être renouvelés aujourd'hui
avec succès. Or, rien ne nous fesant croire
que le gouvernement fédéral projeté pourra
négocier un arrangement à des conditions
aussi favorables, il s'ensuit que si l'intérêt
exigé est de 5 pour cent, nous aurons donc
un intérêt de près de $1,000,000 à servir
annuellement sur la dette seule du chemin
de fer intercolonial.
L'
HON. M. BROWN—Un million de
piastres! cinq pour cent d'intérêt pour un
emprunt négocié avec la garantie du gouvernement impérial!
L'
HON. M. BROWN—Mon hon. ami
doit de toute nécessité avoir entendu parler
de certaines négociations qui ont été ouvertes
avec le gouvernement impérial pour l'emprunt des fonds nécessaires.
M. SCATCHERD—Voici ce que je lis
dans une brochure publiée tout dernièrement
par l'hon. député de Montmorency (M.
CAUCHON), l'un des fermes appuis du gou
760
vernement, et qui doit faire autorité sur le
sujet:—
"La population de Terrenenve étant de 130,000 âmes, $25 par tête établirait sa dette
à
$3,250,000, montant qui la placerait au niveau
de celles du Canada, de la Nouvelle-Ecosse et du
Nouveau-Brunswick, dans le rapport de leurs
populations respectives. Mais comme cette province doit $946,000, il faut déduire
ce montant
des $3,250,000, ce qui nous donnera pour résultat
$2,304,000, sur lesquelles la confédération aura
à payer à Terreneuve, annuellement, 5 pour 100
d'intérêt, ou $115,200."
Si, comme on le prétend, on peut avoir
des fonds à 3 1/2 p. 100, pourquoi donc le gouvernement fédéral se propose-t-il de
payer
5 p. 100 aux provinces de Terreneuve et de
l'Ile du Prince-Edouard?
L'
HON. M. BROWN—Est-ce que mon
hon. ami ne le voit pas lui-même, et combien
par conséquent ses conclusions sont erronées?
La raison pour laquelle nous paierons un
intérêt de 5 pour cent à ces provinces est
parce que nous allons jeter sur leurs épaules
une large part du fardeau de notre dette
publique dont l'intérêt est de 5 p. l00, car
du moment ne les populations de Terre- neuve et de l' Ile du Prince-Edouard, qui ont
peu ou point de dette, consentent à prendre
les dettes des autres provinces dont l'intérêt
est de 5 p. 100, il n'est que juste et équitable
qu'elles reçoivent leur 5 pour cent.
M. SCATCHERD —Ainsi donc, le président du conseil dit que maintenant nous
payons l'intérêt de notre dette à 5 p. 100,
mais qu'à l'avenir ce taux sera bien moins
élevé.
L'
HON. M. BROWN —Personne n'a
jamais dit pareille chose. J'ai dit que le
gouvernement impérial garantirait le service
des intérêts sur l'emprunt destiné au chemin
de fer intercolonial, et que nous aurions à
servir cet intérêt suivant les conditions auxquelles le gouvernement impérial pourrait
effectuer l'emprunt, lesquelles seront d'environ 3 1/2 p. 100.
M. SCATCHERD— Eh bien! en admettant
que l'argent puisse être négocié à ces conditions, il n'en est pas moins vrai que
l'intérêt de la dette du chemin de fer intercolonial s'élèvera à près d'un demi million
de piastres.
M. SCATCHERD —Même à ce faible
taux d'intérêt, le gouvernement fédéral
commencera donc son existence, accablé sous
un fardeau de service d'intérêts d'environ
$5,000,000. J'avais fixé cette somme à
$6,158,851.
L'
HON. M. BROWN —A combien mon
hon. ami porte-t-il la différence de l'intérêt—
à $1,158,851?
L'
HON. M. BROWN Alors, mon hon.
ami fait erreur dans ses calculs. Je lui ferai
une question:—combien le trésor va-t-il se
trouver grossi par l'adjonction des revenus
de douane des provinces du golfe?
M. SCATCHERD —Mais, ne nous fait-on
pas entendre que ces droits de douane au lieu
d'augmenter vont diminuer? Néanmoins, si
les provinces du golfe, qui paient aujourd'hui
en moyenne, disons 15 p. cent, s'aperçoivent
qu'elles seront obligées de payer au moins
20 p. cent et même 40 p. cent, il est certain
que jamais elles ne voudront faire partie de
la confédération.
L'
HON. M. BROWN—Mon hon. ami se
trompe dans tous ses calculs; mais là n'est
pas la question. Lorsqu'il avoue que l'intérêt se trouvera augmenté, il devrait ajouter
en même temps la proportion dans laquelle
le revenu se trouvera grossi par le fisc des provinces du golfe. A quoi sert-il de
ne donner
qu'un côté de la question?
M. SCATCHERD—Je suis d'avis que
ceux qui étudieront sérieusement la proposition du gouvernement finiront par se convaincre
que ce projet de confédération n'est
ni plus ni moins qu'un projet de construction
du chemin de fer intercolonial. (Ecoutez!
ècoutez!) Soyez bien persuadés que si ce
chemin n'était nécessaire à personne nous
n'entendrions jamais souffler mot de la confédération. Une autre objection qui s'élève
dans mon esprit contre les présentes résolutions est ce subside de 80 centins par
tête. La
64e résolution déclare que le gouvernement
général paiera 80 centins par tête de la population, d'après le recensement de 1861,
aux
provinces suivantes, savoir:—
1,116,872... |
au Haut-Canada, |
888,631... |
au Bas-Canada, |
264,685... |
à la Nouvelle-Ecosse, |
201,637... |
au Nouveau-Brunswick, |
104,000... |
à Terreneuve, |
64,505... |
à l'Ile du Prince-Edouard, |
M'est avis que tout député du Haut- Canada conviendra que si le Haut—Canada
avait la représentation basée sur le chiffre de
la population il ne désirerait aucunement de
changer le système actuel du gouvernement.
(Ecoutez! écoutez!) Nous, Haut Canadiens,
nous prétendons payer 70 p. cent des impôts,
761
tandis que le Bas-Canada ne paie que 30 p.
cent; quel sera donc l'effet de la 64e résolution? D'après cette résolution, le Haut-
Canada recevra un subside de $1,116,000, et
d'après le principe dont le Haut-Canada a
toujours réclamé l'application, la proportion
que le Bas-Canada aura à payer sur cette
somme, comme partie de la confédération,
sera de 30 p. cent, tandis que celle du Haut- Canada sera de 70 p. cent ou $781,000.
Nous
n'avons cessé de payer la plus large part des
impôts tandis que le Bas-Canada n'en a
toujours payé que la plus petite part, et le
but de cette confédération est de donner aux
gouvernements locaux l'administration de
leurs affaires locales, en vertu de quoi nous
préleverions les fonds nécessaires à nos
besoins locaux et le Bas-Cannda ferait la
même chose. Or, il arrive ici que le gouvernement général prélèvera les fonds en question
dans le Haut-Canada dans la proportion
considérable que nous venons d'indiquer,
tandis que le Bas-Canada recevra une subvention de $888,000. Ainsi donc, le Haut-
Canada se trouvera à payer, comme membre
de la confédération, $621,000 sur cette
somme, suivant la proportion dans laquelle
elle fournit au revenu, et le Bas-Canada 30
p. cent seulement, c'est-à-dire $267,000.
M. SCATCHERD—Ainsi donc, en vertu
de cette disposition, le Haut-Canada aura à
payer au gouvernement général, tous les ans
et pour toujours, $268,000 de plus que le
Bas-Canada, et de plus qu'il ne paierait en
réalité si la perception de ces subventions
était laissé à chaque province.
L'
HON. M. BROWN—Le calcul de mon
hon. ami est des plus inexact; je ne l'interromprai pas cependant à moins qu'il ne
le
désire.
M. SCATCHERD—Je n'y vois pas la
moindre objection; mais le principe sur
lequel j'ai basé mes calculs n'est-il pas
correct?
L'
HON. M. BROWN—Non, il ne l'est
pas, car l'hon. monsieur devrait se rappeler
que les rapports du Haut avec le Bas-Canada
seront entièrement changés lorsque toutes
les provinces n'en feront qu'une.
M. SCATCHERD—Mais s'il n'y a pas
de changement, le principe reste vrai?
L'
HON. M. BROWN—Sans doute, en
ce qui regarde le Haut et le Bas-Canada;
mais l'hon. monsieur devra se rappeler que
l'introduction des provinces maritimes dans
l'union aura pour résultat de changer entièrement les relations des deux premières.
Ce
changement affectera non seulement le mode
de perception des impôts, mais encore celui
de la répartition, et ces deux changements
seront avantageux au Haut-Canada.
M. SCATCHERD—L'hon. monsieur convient de l'exactitude du principe, et avoue
qu'à moins de changements dans la situation, il produira les conséquences que j'ai
indiquées.
L'
HON. M. BROWN—Or, nous savons
quelle sera cette nouvelle situation. L'hon.
ORATEUR devrait discuter tout le système
financier du projet, et non s'attacher qu'à
une partie seulement. Un simple coup-d'œil
jeté sur les tableaux du commerce de toutes
les provinces lui eut suffi pour se convaincre
de l'inexactitude de ses calculs.
M. SCATCHERD—Ce que je dis n'est
pas autre chose que ceci, savoir: que si
un lieu de payer à tous les gouvernements
locaux cette subvention de 80 centins par tête,
on eut laissé le Haut-Canada percevoir lui- même sa propre subvention, $1,116,000,
et
le Bas-Canada ses $888,000, on aurait enfin
satisfait aux réclamations que celui-là fait
valoir depuis si longtemps.
M. SCATCHERD—Car, en effet, nous
avons toujours dit que nous étions prêts à
percevoir les fonds destinés à nos besoins
locaux à condition que le Bas-Canada fit la
même chose; nous avons droit, d'après ce
principe, à $286,000 de plus que nous ne
recevrons; c'est pourquoi, je répète que le
projet actuel est injuste. S'il est équitable,
alors, nous devrons tous avouer que nous
combattons depuis dix ans pour une fausseté.
On devrait avoir combiné le projet de façon
à établir que la perception des fonds nécessaires au Haut-Canada lui eut été laissée
et
qu'il en eut été ainsi pour le Bas-Canada.
Pour ne pas l'avoir fait nous continuons de
rester toujours sous le poids de la disproportion entre ce que nous payons et ce que
nous
recevons, c'est-à-dire les réclamations du
Haut-Canada restent encore intactes et non
satisfaites.
L'
HON. M. BROWN—En vérité, je suis
étonné des conclusions où en est arrivé mon
hon. ami. Je conviens avec lui qu'il eut
été désirable de laisser chaque province
percevoir elle-même, par des impôts directs,
les fonds nécessaires pour faire face à ses
propres dépenses:—mais s'en suit-il de ce
qu'il n'en soit pas ainsi qu'on ait raison de
762
dire que les choses sont dans le même état?
Le changement opéré est immense, et je
n'hésite pas à dire que le nouveau régime
est beaucoup plus équitable que l'ancien.
(Ecoutez! écoutez!)
M. SCATCHERD —Est ce que l'hon.
président du conseil ne conviendra pas qu'il
eut été désirable que ces diverses sommes,
au lieu d'être perçues par le gouvernement général, le fussent par chaque province?
L'
HON. M. BROWN—Sans doute et c'est
ce que j'ai toujours demandé: mais nous
n'étions pas seuls à régler l'affaire, et je ne
saurais croire que l'hon. monsieur prétende
que, parce que nous n'avons pas pu obtenir
tout ce que nous voulions, nous aurions dû
briser les négociations. Pour ma part, je
calcule que si ce projet actuel est mis à
exécution, on ne pourra manquer de voir
que les charges du Haut Canada seront bien
différentes de ce qu'elles étaient auparavant.
M. SCATCHERD —Eh bien! les hon.
messieurs admettent que par ce projet le
Haut-Canada n'obtiendra pas tout ce qu'il
espérait avoir, et je dis que s'il est mis a
effet, le Haut-Canada ne sera pas dans une
position plus avantageuse qu'auparavant. Je
donne ceci comme un exemple frappant—et
on ne pourrait facilement en citer 'autres— de la manière dont les droits et intérêts
du
Haut-Canada ont été négligés. Je ne vois
pas ce que pourront répondre les hon. messieurs à leurs commettants, lorsque ceux-ci
les accuseront d'avoir délibérément consenti
que pour toujours une section aurait cet
avantage sur l'autre. Si le Haut-Canada ne
doit pas trouver plus d'avantage dans la
confédération que je n'en vois pour lui dans
ces résolutions, je suis en peine de savoir
comment il pourra gagner à ce changement.
Des dépenses du chemin de fer intercolonial,
ce sera lui qui paiera la plus grande part, et
autant que je puis le voir, l'entreprise de
cette voie ferrée est le but principal auquel
vise le projet. (Ecoutez! écoutez!) Je suis
encore adverse au projet, parce qu'il va
changer la constitution du conseil législatif
en substituant au principe électif le système
nominatif, car c'est là une substitution rétrograde, (écoutez! écoutez!), une substitution
qui sera vue d'un mauvais oeil par le peuple
du Haut-Canada. Je ne puis comprendre
comment la grande province du Canada, dont
la population est de deux millions et demi,
ait été, dans la convention, obligée de renoncer
à un principe aussi juste, à la demande des
petites provinces, qui ne comptent que
800,000. (Ecoutez! écoutez!) Ces résolutions sont au nombre de 72,— eh bien! qu'on
les lise, depuis la première jusqu'à la dernière, et on ne pourra faire autrement
que
de constater que d'un bout à l'autre on n'y
voit que concessions faites par le Haut- Canada aux provinces inférieures.
M. SCATCHERD—Je ne puis comprendre ne dans la convention le Canada
s'en soit laissé imposé à l'égard de cette
question du conseil législatif. Qu'est-ce que
cela faisait au Nouveau-Brunswick que le
peuple du Haut-Canada préférât que ses
conseillers législatifs fussent élus? Si le
Nouveau-Brunswick voulait que ses conseillers fussent nommés par la couronne, il
n'aurait été que juste de céder à sa volonté
sur ce point; mais pourquoi empêcher le
Haut-Canada d'élire les siens? (Ecoutez!
écoutez!) Je suis également opposé à la
43me résolution, dont la première clause
autorise le Nouveau-Brunswick à imposer
des droits sur l'exportation des billots,
mâts, espars, madriers et bois de sciage.
Si ce chemin de fer intercolonial est construit, il aura très peu de voyageurs pendant
une grande partie de l'année, mais je suppose
qu'il acheminera beaucoup de fret. Comme
d'autres voies ferrées, il pourra transporter
de grandes quantités de bois de construction
jusqu'à la mer, et il me semble que toute
personne intéressée dans le commerce de bois
de ce pays doit voir que chaque pièce de cet
article qui, du Canada au Nouveau-BrunsWick, sera voiturée par le chemin de fer intercolonial,
sera assujétie à ce droit d'exportation. Je demande au président du conseil
si ce ne sera pas le cas?
L'
HON. M. BROWN—Pour demander
cela, il faut que l'hon. monsieur n'ait pas
été présent lorsque le ministre des finances
a expliqué cette question. Ce droit d'exportation est le même que celui payé en ce
pays comme droit de coupe.
M. SCATCHERD—Ce n'est pas ce que
je veux savoir: aucun bois ne peut sortir
du Nouveau-Brunswick sans payer un droit
d'exportation; n'est-ce pas ce que prescrit la
loi actuelle?
L'
HON. M. BROWN—Il ne sort pas de
bois de nos forêts sans qu'il paie un droit
exactement semblable.
763
L'
HON. M. HOLTON —L'hon. monsieur
dit-il que ces droits d'exportation et de coupe
sont exactement de même nature?
L'
HON. M. BROWN—Exactement de
même nature à l'égard du bois dont le gouvernement du Nouveau-Brunswick retire
actuellement un revenu, mais il est des cas
où ils diffèrent entre eux.
L'
HON. M. HOLTON—Lorsqu'il s'agit
de bois coupé sur les terres de particuliers?
L'
HON. M. BROWN—Dans ce cas aussi.
Voici comment cet arrangement s'est fait.
Pour ma part, je regrette qu'il ait été fait
dans cette forme, car je suis opposé à tous
droits d'exportation. (Ecoutez! écoutez!)
Cet arrangement comporte que les gouvernements locaux auront le contrôle des terres,
mines, et bois de la couronne de leurs provinces respectives. De nos bois de la couronne,
nous obtenons un fort revenu sous
la forme de droit de coupe, lequel sera
affecté aux fins locales du Haut et du Bas- Canada; mais les délégués du Nouveau-Brunswick
dirent: "Nous ne prélèvons pas comme
vous un droit de coupe sur nos bois de la
couronne; nous trouvons préférable de prélever ce revenu sous forme de droit d'exportation,"et
nous nous sommes rendus à leur
desir, c'est-à-dire que nous leur avons laissé
leur revenu local dans cette forme comme
compensation à notre droit de coupe.
M. McKELLAR—Je pense que la question soulevée sur ce point par l'hon. député
de Middlesex Ouest mérite à peine qu'on la
discute, attendu que les bois du Canada ne
seront jamais acheminés par le chemin intercolonial. On ne trouve pas de profit à
les
faire voiturer par nos chemins de fer;
comment voulez-vous que cela serait avantageux sur une aussi grande distance? (Ecoutez!
écoutez!)
M. T. C. WALLBRIDGE—On achemine
bien ces bois du Canada à Portland par le
Grand-Tronc. (Cris de "non, non.")
M. SCATCHERD—Mon hon. ami d'Oxford Sud s'est éloigné de la question, à savoir: qu'il n'est pas
juste que le Nouveau- Brunswick ait le privilège de prélever ce
droit sur les bois, lequel, il me semble, lui
est accordé par cette résolution.
L'
HON. M. BROWN—Mon hon. ami
doit se rappeler que ces résolutions seront
incluses dans une loi qui en précisera parfaitement le sens. On ne veut nullement
qu'une province ait le droit d'imposer des
droits d'exportation sur les droits d'une
autre.
M. SCATCHERD—Il me semble que
j'ai parfaitement compris le sens de la résolution. Or, je suis opposé au projet parce
qu'il augmentera de beaucoup la dette publique par suite des dépenses qu'entraîneront
la construction du chemin de fer intercolonial et les défenses du pays.
M. SCATCHERD—D'après les extraits
que je viens de lire nous ne recevrons absolument rien.
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
prétend que la construction du chemin de
fer intercolonial augmentera de beaucoup
notre dette, mais il devrait dire aussi quelle
augmentation de revenu nous retirerons de
nos relations avec les provinces maritimes.
M. SCATCHERD—ll est généralement
admis que nous ne retirerons aucun avantage
de ce chemin.
M. SCATCHERD—Je prétend que ce
chemin sera exploité aux frais de la province et que, depuis le commencement de
sa construction, il sera un immense outil de
corruption. Tous les employés de ce chemin
de fer seront nommés par le gouvernement,
et ce sera une source continuelle de dépenses. L'hon. membre pour South Oxford
a très bien dépeint cet état de choses
dans son journal en disant que le Haut
Canada aurait à redouter chaque tempête
de neige qui pourrait avoir lieu en bas de
la Rivière-du-Loup. (Ecoutez!) Je sais
que le gouvernement s'engage à ouvrir les
territores du Nord-Ouest sitôt que l'état des
finances du pays le permettra, mais il vaudrait bien mieux, ce me semble, au lieu
de
gaspiller de l'argent dans cette folle entreprise, songer tout de suite à ouvrir ces
riches territoires. On ne sait pas si sur
le parcours de ce chemin de fer il y a un
seul arpent de terre arable. De plus,
d'après la déclaration même de mon hon.
ami de South Oxford, les seuls produits qui
seront transportés par le chemin seront pris
à la Rivière-du-Loup. (Ecoutez!) Le paiment de subventions aux gouvernement
locaux, l'abandon du principe électif dans
le conseil législatif, et la construction de
chemin de fer intercolonial sont, selon moi,
les plus graves objections à ce projet. Je
crois que ce projet ne devrait pas devenir
764
loi avant d'avoir été soumis au peuple.
(Ecoutez!) Et, cependant, le gouvernement
est déterminé à ne pas recourir à cet appel.
Je crois que le gouvernement ne tient pas
ses promesses à cet égard. A un diner
qui eut lieu à Toronto, en novembre dernier, l'hon. membre pour South Oxford
s'exprima ainsi: (Je cite le rapport du
Globe.)
L'
HON. M. BROWN.—Quelqu'un demande si le
projet sera mis à exécution avant d'avoir été
soumis au peuple. A cet égard, les parlements
des diverses provinces devront décider. Je crois
que le gouvernement du Canada, comme celui de
toute autre province, ne doit pas refuser formellement de soumettre le projet au peuple.
Nous
dépendons des représentants du peuple et devons
avoir égard à leur opinion."
Or, l'attitude actuelle du gouvernement
n'est nullement conforme à cette déclaration
puisqu'il refuse formellement l'appel au
peuple. L'hon. M. GALT était présent à ce
diner, et voici ce qu'il déclare en ce qui
concerne l'appel au peuple:
"Nous aurions désiré avoir un gouvernement
central réglant tous les intérêts, mais des difficultés insurmontables s'opposent
à ce système;
nous espérons que la mesure actuelle qui sera
soumise au peuple, au parlement impérial et aux
parlements provinciaux, protégera suffisamment
les intérêts locaux tandis que les intérêts nationaux seront reservés à un pouvoir
central qui, je
l'espère, saura faire honneur à la race dont nous
sommes issus.—(Ecoutez!)
Voilà, de la part de deux ministres, une
déclaration formelle précisant que cette mesure, avant de devenir loi, sera soumise
au
peuple! (Ecoutez!) Mais on n'en tient nul
compte. Le projet ne sera pas soumis au
peuple, il faut le faire passer intégralement
et, au lieu de l'appel, nous avons une motion
préalable qui empêche tout amendement
dans ce sens. Quelques-uns des membres qui
m'ont précédé ont dit qu'il serait inconstitutionnel d'en appeler au peuple en pareil
cas,
et ils ont cité des précédents en faveur de
cette assertion. Mais, dans tous les cas
cités, le parlement avait droit de régler la
question qui lui était soumise; or, le parlement n'a pas pouvoir de régler cette question.
Le parlement anglais peut agir avec ou
sans notre consentement; les exemples cités
ne s'appliquent donc point au cas actuel et
je maintiens qu'en soumettant cette mesure
au peuple ou éviterait, dans l'avenir, de
graves complications. (Ecoutez!) Comment
prétendre que si nous ne passons pas cette
mesure maintenant, c'est une occasion à
jamais perdue? En ce qui concerne le Haut- Canada, je crois qu'il sera toujours possible
d'avoir un projet aussi avantageux que celui- ci,—(écoutez!)—et je prendrai la responsabilité
de voter contre ce projet de confédération. (Ecoutez!)
M. JOHN MACDONALD (de Toronto)
—M. l'ORATEUR:—Avant d'enregistrer mon
vote sur cette question, je désire le motiver.
Je suis en faveur d'une confédération. (Ecoutez! écoutez!) Et je n'hésite nullement
à
approuver dans son entier la première résosolution proposée et adoptée à la conférence
de Québec, savoir:—qu'une confédération des
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord, établie sur de justes principes, est à
désirer. On nous a dit que la convention de
Québec avait donné le jour à une œuvre faite
pour étonner le monde par sa grandeur.
(Ecoutez! écoutez!) Il se peut que je me
trompe, mais je n'ai rien vu de grandoise
dans le projet. Je suis prêt à reconnaître
que les hon. messieurs se sont réunis dans
l'intention bien sincère de régler les difficultés de ce pays, et je regrette infiniment
d'être obligé ce soir de voter à l'encontre
des hon messieurs avec lesquels j'ai toujours
marché depuis mon entrée dans la vie politique. Mais, M. l'ORATEUR en cela j'agis
selon la conviction qui m'est dictée par ma
conscience, et quelles que puissent en être
pour moi les conséquences, je ne puis faire
autrement que d'agir d'accord avec elle.
(Ecoutez! écoutez!) En réalité, M. l'ORATEUR, je pense qu'en présentant ce projet,
les ministres ont trop exigé en nous disant
de l'accepter tel quel, c'est-à-dire sans y
faire un seul amendement. (Ecoutez! écoutez!) C'est déclarer le document parfait
sous tous rapports, ou au moins aussi près
que possible de la perfection. Si nous devons
entreprendre de discuter cette question et
qu'il ne nous soit pas permis de l'amender
sur aucun point, si l'on juge que cela est
nécessaire pour l'adapter aux circonstances
dans lesquelles se trouve la province, je ne
vois pas, vraiment, pourquoi cette chambre
a été convoquée. (Ecoutez! écoutez!) Nous
avons bien entendu dire que les principaux
membres de l'opposition des autres provinces
avaient été invités à la convention pour y
discuter librement cette question, mais, je le
demande, M. l'ORATEUR, l'opposition du
Bas-Cauada a-t-elle été invitée par le gouvernement à prendre part à la conférence?
(Ecoutez! écoutez!) J'ai entendu dire à
l'hon. député de Montréal-Centre (M. ROSS)
765
que bien qu'il fut contre quelques-uns des
menus détails, il était prêt à voter pour
l'ensemble du projet plutôt que de le faire
rejeter. La question de notre loi scolaire
serait-elle donc un menu détail? Est-ce que
le partage de la dette entre le Haut et le
Bas-Canada passerait aussi au même rang?
Est-ce que les défenses du pays sont un
menu détail? Cependant, on vient nous
demander de voter pour cette mesure sans
que tous ces sujets aient été soumis à notre
considération (Ecoutez, écoutez!) Il vaut
mieux, dit l'hon. monsieur, voter sans connaître de ces détails, et laisser aux futurs
législateurs de corriger le résultat s'il est
mauvais. Eh bien! l'hon. membre pourra
voter, s'il le veut, sans renseignements sur
toutes ces questions, mais moi, je ne saurais
y consentir; mon caractère— et c'est peut- être de ma faute— est ainsi fait. Jamais,
en
cette chambre, je ne donnerai un vote sans
savoir ce que je fais, ou au moins sans avoir
fait de mon mieux pour le savoir. (Ecoutez!
écoutez!) Dans son habile discours qu'il
à prononcé à Sherbroke, l'hon. ministre des
finances a parlé des grandes difficultés qui entouraient la question des écoles. Il
a dit que
cette question était d'une telle importance qu'il
fallait dédier beaucoup de temps à son étude;
aussi a-t-il invité tous les hommes intelligents à prêter leur concours au règlement
de cette question. Si la plus minime de ces
questions est d'autant d'importance pourquoi
alors presser autant la chambre pour qu'elle
se hâte d'adopter la plus grande? Est-ce
que sa prise en considération demanderait
moins de temps que celle moins importante
que je viens de citer? Tout cela me semble
aussi logique que si l'on voulait construire
un édifice avant ses fondations. L'hon.
monsieur a parlé de la hausse que ce projet
avait déjà valu à nos effets publics en Angleterre; mais, sur ce point, il ne s'agit
pas de
réfléchir bien longtemps pour découvrir
combien il est facile d'opérer une fluctuation
favorable ou défavorable dans la valeur des
fonds publics. Les effets publics sont aujourd'hui à la hausse et demain à la baisse.
Un homme d'affaires peut avoir un endosseur
qui, pendant quelque temps, augmentera
sont crédit: nous avons ainsi essayé d'augmenter le nôtre par une alliance avec les
provinces maritimes. Il est, M. l'ORATEUR,
beaucoup d'autres moyens plus avantageux
de rehausser notre crédit, mais le préférable,
c'est celui de vivre dans la mesure de nos
ressources, de régler notre dépense sur nos
revenus et d'établir nos opérations financières
sur une base solide. Soyez assurés que les
banquiers d'Angleterre, pour mettre notre
crédit en valeur, se fieront plus à cette règle
d'économie bien entendue qu'à toute alliance
que nous pourrons contracter avec d'autres
provinces. (Ecoutez! écoutez!) On nous
dit encore, M. l'ORATEUR, que ce grand
projet doit mettre fin aux difficultés entre
les deux sections. Il se peut que je sois
très lent à comprendre, mais je dois avouer
que je ne puis voir cela, ainsi que l'ont
prouvé bien des scènes qui se sont passées
en cette chambre: le Haut et le Bas-Canada
sont en difficulté, et l'on compte régler leur
différend en formant une union avec des
provinces qui, entre elles, sont toujours à
couteau tiré! (Ecoutez! écoutez!) Depuis
longtemps, M. l'ORATEUR, le Haut-Canada
demande à être équitablement représenté en
parlement, et parce que nous allons avoir 17
députés de plus que le Bas-Canada à la
législature fédérale, on nous dit que toutes
les difficultés, pour le réglement desquelles
on demandait la représentation d'après le
nombre, vont disparaître, gràce à cette prépondérance de nombre; mais je ne puis
croire à ce résultat, d'autant qu'à la chambre
haute il y aura toujours égalité de représentation. A l'appui de cette opinion, je
vais citer le passage suivant de la brochure
due à la plume de l'hon. M. CAUCHON:—
"La constitution de 1840 n'a stipulé l'égalité
que pour la chambre basse. Supposons qu'il eût
pris fantaisie à la majorité du conseil législatif
d'adopter un projet de loi qui fut hostile aux intérêts du Bas-Canada; comme le Haut
et le Bas- Canada sont également représentés dans la chambre basse, ce bill y eût
été certainement repoussé,
et c'est à cette chambre seule que nous avons jusqu'ici demandé salut et protection
pour nos institutions, en tenant compte du bon vouloir des
représentants des races anglologues Bas-Canadiennes. Pourquoi l'assemblée législative
est- elle le champ clos dela lutte que se livrent, depuis
quatorze ans, le Haut et le Bas-Canada, au sujet de
la réprésentation? C'est que là seul a résidé l'égalité et là seul se trouvait le
moyen de résoudre
le problème constitutionnel. Si donc, il la constitution actuelle, l'un substitue
des chambres
locales, et au-dessus d'elles, le parlement fédéral,
nous verrons dans celui-ci, précisément l'inverse
de ce que nous avons toujous observé dans notre
législature actuelle, c'est-à-dire, qu'advenant les
malentendus sociaux, la lutte sera transportée de
la chambre basse au conseil législatif, précisément pour la raison qu'elle se fait
aujourd'hui
dans la première."
Nous trouvons, M. I'Oaarsua, dans ces
lignes écrites par un des plus rudes adver
766
saires du principe de la représentation d'après
le nombre, de très bonnes raisons pour
conclure que le surcroît de représentation
qui nous sera accordé dans la chambre basse
ne servira de rien, attendu que ce principe
de stricte justice n'est pas reconnu par la
constitution du conseil législatif. Je pourrais
me tromper, je le désire même, mais je n'en
pense pas moins que, si ce projet est mis à
exécution, avant que six mois ne s'écoulent
on verra se renouveler dans la législature
fédérale les mêmes difficultés qui existent
aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) De plus,
l'injuste représentation du Haut-Canada dans
la chambre haute devra subsister toujours;
il ne pourra obtenir qu'elle soit augmentée
d'un seul membre, quelque grande que puisse
être la prépondérance de sa population sur
celle des autres parties de la confédération.
Et, ainsi que le dit M. CAUCHON, cette
égalité de voix servira de contrepoids à la
législation de la chambre basse. Comme
corollaire de ce sujet, il est une autre disposition de la mesure que l'on ne peut
voir
qu'avec peine, et qui, je le pense, est destinée
à nous faire rétrograder. Le sens d'éligibilité du conseiller législatif est maintenant
de $8,000, mais on va le réduire à $4,000,
et c'est la, à mon avis, un pas rétrograde.
Pour l'Isle du Prince-Edouard et Terreneuve
le cens pourra être basé indifféremment sur
la propriété mobilière ou immobilière, ou. en
d'autres termes, les conseillers législatifs de
ces provinces pourront être des colporteurs
de bijouterie ou d'autres marchandises, dont
le fonds de commerce pourra disparaître dans
un incendie pendant qu'ils assisteront à une
session, et que cet accident rendra inhabiles
à siéger. (Ecoutez! écoutez!) Mais cette
disposition aura une conséquence encore pire
que cette dernière, en ce sens qu'elle aura
l'effet d'ouvrir les portes de la chambre
haute à une classe d'aventuriers besogneux
qui, en temps de crise ne seront guère
difficiles à gagner, et qui, pour mettre
leur conscience en repos, sauront trouver une
excuse, pour le vote qu'ils donneront, dans
les circonstances où ils seront. Je suis
encore adverse à ce projet, M. l'ORATEUR,
par rapport à la complication et à l'immense
dépense auxquelles vont donner lieu les
gouvernements locaux. On a affirmé, je le
sais, que ce système ne nous coûterait pas
plus que celui qui nous régit actuellement,
mais je renonce entièrement à faire de l'opposition si l'on me prouve qu'il n'y perdra
pas l'homme qui doublera ou même augmen
tera le personnel de ses employés sans en
même temps augmenter son capital et le
cercle de ses affaires. Je vois dans ce projet
l'introduction — et l'augmentation rapide —
d'un grand nombre de consommateurs, mais
rien qui puisse produire une augmentation
correspondante dans la production. Si en
cela je fais erreur, j'erre en bonne compagnie,
car, sur ce point, je vais citer les lignes
suivantes de M. CARDWELL, le ministre des
colonies, et par lesquelles on peut voir que
nous professons tous deux les mêmes vues:—
"Une partie très importante de cette question
a trait à la dépense que doit entraîner le fonctionnement du gouvernement central
et des gouvernements locaux. Le gouvernement de Sa
Majesté ne peut qu'exprimer l'espoir le plus ardent
que les arrangements qui seront adoptés sous ce
rapport, ne soient pas de nature à accroître, au
moins à un degré considérable, la dépense totale,
ou à augmenter matériellement les impôts, et par
là à retarder l'industrie intérieure ou tendre à
imposer de nouvelles charges au commerce du
pays."
Maintenant, M. l'ORATEUR, comme Haut- Canadien (on me pardonnera de faire cette
distinction), je réclame contre la grande
injustice qui va être faite au peuple du
Haut-Canada en lui imposant la lourde
dépense à laquelle il va être tenu de subvenir
pour le maintien du gouvernement général.
Dans l'habile discours qu'il a fait à Sherbrooke, l'hon. ministre des finances a dit
que
lorsque la population canadienne aurait atteint le chiffre de cinq millions,—c'est-à-dire
lorsqu'elle sera plus nombreuse que celle
qui sera comprise dans la confédération
projetée,—la part du revenu pour les final
publiques ne serait pas d'un son plus élevée
qu'à présent. Un hon. monsieur a dit en
cette chambre qu'il n'en coûtait pas plus
pour gouverner un peuple de cinq millions
qu'un de trois. Cela peut être vrai, mais
avec un million de piastres, on ne fera pas
autant d'améliorations dans le Haut-Canada
qu'avec cinq millions, car c'est à cette dernière somme que cette section aurait justement
droit. Je m'oppose encore à ce projet
parce que, tout en contribuant pour la plus
grande part au revenu général, le Haut- Canada aura aussi à contribuer dans les
mêmes proportions pour les travaux de
défense et autres entreprises publiques
qui se feront dans les provinces inférieures
et dans le Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!)
Je réclame de même contre le retard indéfini
que l'on apporte à l'ouverture du territoire
du Nord-Ouest, et à la colonisation des
767
vallées de la Saskatchewan et à l'amélioration de nos voies de navigation artificielle.
(Ecoutez! écoutez!) Il est aussi une différence très marquée dans la phraséologie
de
deux des clauses de ce projet, différence qui
a dû étonner tous ceux qui les ont lues.
L'une déclare que le chemin de fer intercolonial sera construit. Il ne peut y avoir
aucune erreur ni aucun doute a cet égard.
Le langage est précis: il doit être construit
immédiatement. (Ecoutez! écoutez!) L'autre
clause (la 69me) est ainsi conçue:—
"La convention considère les communications
avec le territoire du Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au développement
du Grand- Ouest avec la mer, comme étant de la plus haute
importance pour les provinces confédérées, et
comme devant mériter l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra
l'état des
finances."
(Ecoutez! écoutez!)
C'est certainement là le langage le plus
ambigu qu'il soit possible d'employer à
l'égard de cette grande entreprise. On y
remédie, toutefois, en nous disant que l'ouverture du territoire du Nord-Ouest se
fera
simultanément avec la construction du chemin de fer intercolonial; mais nous voyons
que dans les provinces inférieures l'hon. M.
TILLEY a affirmé que l'on n'avait pas sérieusement l'intention de commencer cette
entreprise à présent, et qu'une forte somme allait
d'abord être appliquée à l'amélioration des
défenses du Nouveau-Brunswick. Si l'on
vent me permettre de donner un exemple
du caractère incertain autant qu'évasif de
cette disposition du projet, je vais citer ce
qu'on lit au bas d'une caricature du Punch
que j'ai maintenant devant moi. Cette caricature a trait à une dépêche de la Russie
sur les affaires de la Pologne. L'Angleterre,
la France et l'Autriche, qui examinent cette
dépèche, s'expriment ainsi:—
L'Angleterre.—On dirait que cela signifie—
Eh? Hum!
La France.—Je pense que cela veut dire—
Eh? Ah!
L'Autriche.—Je soupçonne que cela signifie—
Eh? Ho!
Ensemble—Nous ne savons pas ce que cela
signifie.
M. JOHN MACDONALD—L'ignorance
dont je fais preuve doit m'être pardonnée,
vu que chez les ministres mêmes on eu
montre tant à l'égard du projet. (Ecoutez!
écoutez!) Je me figure à la première session
de la législature fédérale, de quelle manière
serait reçue la question de l'ouverture du
territoire du Nord-Ouest. Le Nouveau- Brunswick dira: "Oh! nous ne pouvons
songer à cette entreprise tant que le chemin
de fer intercolonial ne sera pas fini et tant
que les travaux de défense de cette province
ne seront pas terminés." La Nouvelle- Ecosse dira: "Cette entreprise se fera
quand les finances le permettront;" et lorsque
ce dispositif de la constitution sera rappelé
aux autres provinces, toutes s'accorderont
pour dire: "Nous n'en comprenons pas la
signification." (On rit) Je m'oppose à ce
projet, M. l'ORATEUR, par rapport au fardeau
qu'il va imposer un pays pour les travaux
de défense. (Ecoutez! écoutez!) L'hon.
ministre de l'agriculture, et d'autres après
lui, ont parlé avec emphase de l'immensité
du territoire qui appartiendra à cette confédération, et qui, d'après eux, embrassera
une
étendue de quatre mille milles d'un océan à
l'autre; mais croira-t-on, dans le Haut et le
Bas-Canada, qu'avec une population moins
nombreuse que celle de la cité de Londres,
nous serons capables de défendre une frontière de cette étendue,—un territoire aussi
vaste, dit-on, que le continent d'Europe?
(Ecoutez! écoutez!) C'est là une anomalie
qui ne se voit dans aucun autre pays du
monde. Je regarde cette augmentation de
territoire que nous donnera la confédération
plutôt comme une source de faiblesse que
comme un élément de force. Selon moi,
charger ce pays du fardeau des défenses,
c'est tout comme si l'on conférait à un souverain tous les attributs extérieurs de
la
royauté et qu'on ne lui accorderait qu'une
piastre par jour pour soutenir la dignité de
sa cour; c'est comme si l'on devait s'attendre
que l'engin d'un des petits bacs à vapeur
qui font le service de ce côté à la Pointe- Lévis serait capable de remorquer le Great
Eastern dans la traversée de l'atlantique.
(Ecoutez! écoutez!) Je n'ai pas oublié,
M. l'ORATEUR, la sollicitude dont l'Angle- terre fait preuve à l'égard de toutes ses
colonies; je n'ai pas oublié tout ce qu'elle a
fait pour les protéger et développer leurs
ressources; mais quand nous voyons—ainsi
que nous l'a appris le télégramme de ce jour
—que le gouvernement impérial est à la
veille d'affecter £50,000, ou £200,000, si
nous acceptons la rectification faite ce soir
par le gouvernement, aux défenses de ce
pays, avec tout le sérieux possible je me
demande que fera cette bagathle pour la
768
protection d'une frontière exposée comme
l'est la nôtre?
L'
HON. M. BROWN—Ce n'est pas que je
veuille interrompre mon hon. ami; mais,
après avoir entendu dire que ces £200,000
devaient être affectés seulement aux défenses de la cité de Québec, je ne puis
comprendre qu'il accuse ici le gouvernement
impérial de ne vouloir accorder que cette
somme pour la défense de tout le pays.
L'
HON. A. A. DORION—Dans le rapport des débats de la chambre des lords, il
est distinctement déclaré que c'est là tout
ce que le gouvernement impérial se propose
de donner.
L'
HON. M. BROWN—J'en demande pardon
à l'hon. préopinant, mais ce qu'il dit n'est
pas exact. De grands travaux de défense se
poursuivent actuellement à Halifax et St.
Jean; et, à part du crédit qu'il veut affecter
à des travaux de fortification à Québec, le
gouvernement impérial s'occupe actuellement du chiffre de la dépense qu'il compte
faire à cet égard pour les autres parties du
Canada.
L'
HON. A. A. DORION—Dites: seulement pour la défense navale, et vous serez
plus près de la vérité.
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
peut ne pas ajouter foi à mon assertion,
mais je suis sûr que l'hon. député de
Toronto me croira, en je lui dis que le gouvernement impérial s'occupe actuellement
de la question des défenses de cette province, à Montréal et au-delà.
M. JOHN MACDONALD—Je savais,
certainement, que les £200,000 que l'on se
propose de voter, le seront pour des travaux
de défense à Québec.
L'
HON. M. BROWN—L'hon. monsieur
n'aurait pas dû dire, alors, que cette somme
serait pour les défenses de tout le pays.
M. JOHN MACDONALD—Je suis libre
de dire qu'en cela je me suis trompé et que
cette somme sera pour les défenses de
Québec.
L'
HON. M. BROWN—C'était tout de
même
très mal de répéter cette fausse assertion.
M. JOHN MACDONALD—Eh bien!
j'apporte un autre tempérament à la question: je suppose le cas où le gouvernement
impérial n'accorderait que cette somme,
d'où nous viendront les fonds nécessaires,
dans le danger imminent qui, dit-on, nous
menace, pour mettre toutes les parties de la
province en état de résister à une agression,
et qui devra les prélever? Pour prouver
que ce pays est en mesure de mettre et
maintenir une année sur pied, l'hon. député
de Lambton a cité l'autre soir le Danemarck,
qu'il dit être capable de maintenir une
armée de 20,000 hommes. Le choix de cet
exemple n'était certainement pas heureux,
et chacun a dû penser que les récents malheurs de ce pays étaient justement de nature
a ôter toute valeur à son exemple. (Ecoutez!
écoutez!) Mais à l'égard du projet, ou plutôt
de ses dispositions qui sont dévantageuses
au Haut-Canada et à ses intérêts, les députés
Haut-Canadiens disent: "Laissez s'établir
la confédération, et plus tard nous remédierons à toutes ces choses;" eh bien! je
dis à ces hon. membres que s'ils adhèrent à
ce traité avec l'intention d'en éluder plus
tard la lettre et l'esprit, ils manquent à ce
qu'ils doivent aux deux Canadas et aux
sœurs provinces. (Ecoutez! écoutez!) Je
ne veux pas participer à un traité avec l'intention de ne pas m'y soumettre dans un
certain temps, et c'est parce que je veux
faire ce qui est bien que j'indique toutes les
dispositions du projet que je crois vicieuses,
et qui, si elles ne sont pas modifiées, m'empêcheront de voter pour la mesure. (Ecoutez!
écoutez!) Ce serait un manque de foi de la
part du Haut-Canada de venir dire quelques
années après: "Nous voulons que notre
représentation soit augmentée; nous voulons
une plus forte somme pour nos fins locales,"
et cela, quand de leur plein gré ses représentants auraient accepté le document que
nous sommes appelés à sanctionner. Pourquoi, M. l'ORATEUR, le Bas-Canada a-t-il
refusé pendant si longtemps une augmentation de représentation à la section Ouest
de
la province? Simplement parce que le traité
de 1840, stipulait l'égalité de représentation
pour les deux sections. (Ecoutez! écoutez!)
Je suis très chagrin de voir que le gouvernement veut imposer cette mesure au peuple
avant de s'être assuré s'il l'approuve ou non.
(Ecoutez! écoutez!) Dans le discours de
l'hon. ministre des finances,—dont j'ai déjà
parlé,—une de ses plus fortes assertions était
que l'acte d'union de 1840 avait été imposé
au peuple sans son consentement. (Ecoutez!)
A cela, M. l'ORATEUR, j'ajouterai que le
peuple intelligent du Nouveau-Brunswick a
rejeté cette mesure, que repoussent aussi
l'Ile du Prince-Edouard et la Nouvelle- Écosse, et que tous les jours nous recevons
contre elle des pétitions de toutes les parties
du Bas-Canada, (écoutez! écoutez!); et
769
cependant, en dépit de toute cette opposition,
le gouvernement persiste à vouloir l'imposer
au pays. On nous dit aussi que le rejet de la
mesure par le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et l'Ile du Prince-Édouard ne
fera aucune différence, bien qu'ils aient été
traités ici sur un pied d'égalité, l'Ile du
Prince-Edouard ayant eu le même nombre
des représentants à la convention que le
Haut et le Bas-Canada, et toutes ces concessions leur ayant été faites pour obtenir
leur concours. On nous dit que ce document n'est composé que de concessions,
mais jusqu'ici je n'ai pu voir qu'aucune
concession ait été faite au Haut-Canada;
on n'en fait qu'aux provinces maritimes.
Je le répète, les délégués des provinces inférieures, qui étaient à la conférence
en
nombre égal à ceux du Canada, doivent ne
plus compter maintenant, et si le peuple du
Canada, qui représente les trois quarts de
toute la population, le décide, le projet sera
adopté. (Ecoutez! écoutez!) On nous dit
aussi que le danger d'une guerre est pour nous
imminent. Quant à moi, il ne me paraît pas
aussi certain; le gouvernement a présenté
un bill relatif aux aubains, qu'une grande
majorité de la chambre a adopté parce
qu'elle le croyait alors nécessaire pour assurer
la paix au pays, et il recevra ainsi l'appui
de la chambre pour toute mesure qui pourra
ajouter à notre sécurité; mais, M. l'ORATEUR, si ces résolutions étaient adoptées
ce
soir, en quoi ajouteraient-elles à la paix et
à la sécurité dont nous jouissons? Quelles
facilités de communication avec les provinces inférieures nous donnent-elles de
plus jusqu'à ce qu'il soit possible de construire le chemin de fer intercolonial?
Il
s'écoulera bien des années avant que cette
colossale entreprise puisse s'achever, et d'ici
là, toute la question de l'union pourrait être
discutée; on pourrait tenir compte des
objections qui y sont faites et consulter la
volonté du peuple à son égard. Ainsi, au
lieu de presser en toute hâte l'adoption
d'une mesure qui pourrait ne produire que
des fâcheux résultats, on pourrait la remplacer par une autre plus avantageuse et
qui
rencontrerait l'approbation du peuple.
M. JOHN MACDONALD—A l'égard
du chemin de fer intercolonial, il se peut
que je diffère de beaucoup d'autres, car,
non seulement je désire qu'il soit construit,
mais je voudrais qu'on le commençât dès
à présent. Je dirai plus: je voudrais que
ce parlement accordât, comme la part de
contribution de ce pays, une somme suffisante pour engager des hommes d'affaires à
entreprendre sa construction, tant je suis
convaincu que cette entreprise serair on ne
peut plus avantageuse au commerce. Telle
est mon idée à l'égard du chemin intercolonial. Nous devrions savoir dès maintenant
quel sera son prix de revient, quelle
sera notre part de ce prix, et une fois construit on pourrait en confier l'exploitation
à
des hommes versés dans les affaires, et en
mesure de nous donner les meilleures garanties possibles qu'il sera bien exploité.
(Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas de ceux qui
ne veulent pas faire la part des difficultés
que les hon. ministres ont eu à surmonter.
Quelque soit le nombre de ceux qui ont
retiré leur confiance au gouvernement, je
n'en dois pas moins dire que la mienne lui
est assurée comme auparavant; mais, M.
l'ORATEUR, que cette confiance ait été forte
ou faible, je dois voter sur cette question
selon ma conscience et mon devoir. C'est
ainsi que j'ai toujours fait depuis que j'ai
l'honneur d'être député à cette chambre, et
c'est ce que je compte faire tant que je resterai
dans la vie publique. Je suis loin de vouloir ôter aux hon. messieurs leur mérite.
Je
crois n'en s'efforçant de couper court à
nos difficultés constitutionnelles, ils ont agi
en toute sincérité; et, sous ce rapport, je
souhaite que leurs efforts soient couronnés
de succès. Et si enfin de compte, ils obtiennent ce grand résultat, s'ils réussissent
à bannir de cette chambre la lutte et le
discorde, et à augmenter notre prospérité
commerciale, personne plus que moi ne
s'empressera de reconnaître son erreur, personne plus que moi ne s'empressera de
de leur témoigner toute la gratitude à laquelle ils auront justement droit de la part
de tous. (Applaudissements.)
M. McKELLAR—Il est déjà bien tard,
et je n'ai pas l'intention de parler longuement.
Je crois, cependant, dans l'intérêt d'une partie
considérable du peuple haut-canadien, devoir attirer l'attention de la chambre sur
le fait qu'il y a quelques semaines une très
grande assemblée de citoyens de Toronto
a eu lieu, laquelle se composait, pour la plupart, je crois, de mandataires de l'honorable
député que l'on vient justement d'entendre.
Cet hon. monsieur a été invité à se rendre
à cette réunion pour y discuter la mesure
dont nous nous occupons. Il n'a pas cru,
770
cependant, devoir y aller, mais moi, qui y
suis allé, j'en suis revenu avec la conviction qu'en s'abstenant ainsi il n'avait
pas
fait preuve de cette courtoisie et de cette
attention que ses commettants sont en droit
d'attendre de lui. (Ecoutez! écoutez!)
Pourquoi, M. l'ORATEUR, n'a-t-il pas été à
cette assemblée y répandre les flots de
lumière avec lesquels il a ce soir failli nous
éblouir? (On rit.) Eh bien! dans la
métropole du Haut-Canada, où se trouvaient réunis plusieurs des hommes les
plus influents de cette section de la province, il a été fait une motion comportant
ce que veut actuellement cet hon. membre,
c'est-à-dire soumettre, avant son adoption,
cette mesure au vote populaire. A cette
assemblée, tenue dans la métropole du Haut- Canada, où se trouvaient des centaines
de
nos premiers hommes, en n'a pu, le croiriez- vous, trouver une seule personne qui
voulût seconder cette motion. (Ecoutez! écoutez!) Nous devrons tenir cet hon. monsieur
responsable de ne s'être pas rendu à cette
assemblée, où il aurait pu éclairer ses mandataires sur cet important sujet.
UN
HON. MEMBRE—Avez-vous bien
renseigé les vôtres sur cette mesure?
M. McKELLAR—Oui, la question a été
amplement discutée par eux. L'hon. député
des comtés d'Essex et Kent à la chambre
haute a été élu par acclamation, et pourquoi?
Parce que la coalition actuelle existait et
que le projet de fédération était en voie de
progrès. Dans sa profession de foi et dans
ses discours, cet hon. monsieur a ouvertement
déclaré qu'il était prêt à faire ce qu'il a fait
l'autre jour dans la chambre haute: voter
pour chaque clause de ces résolutions.
(Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de
Toronto (M. MACDONALD), cependant, n'a
point osé se rendre auprès de ses commettants, bien qu'ils fussent assemblées à peu
de distance du lieu où il demeure, et c'est
après avoir agi de la sorte qu'il vient ici
nous dire qu'il faut en appeler au peuple!
Si jamais une mesure présentée it cette
chambre a hautement été approuvée par le
peuple, c'est le projet sur lequel nous délibérens aujourd'hui. (Applaudissements
et
marques de désapprobation.) Si la presse,
nous a-t-on dit, favorise quasi sans exception
cette mesure, c'est qu'elle est subventionnée
pour cela, et jusqu'ici, cependant, on n'a
pu apporter une seule preuve à l'appui de
cette assertion. C'est lui faire un bien triste
compliment que de dire qu'elle peut-être
achetée, quand même cela pourrait être tenté.
La presse— celle qui n'est pas vendue –est
d'un bout à l'autre du pays en faveur du
projet. Dans les deux sections, et depuis
qu'il s'agit de cette mesure, nous avons aussi
eu des élections dans trente ou quarante
colléges.
M. McKELLAR—L'hon. député me
demande si ces élections étaient municipales;
je lui réponds que je n'ai pas voulu parler de
la petite municipalité de Cornwall, et que
par conséquent il n'a aucunement lieu de
s'alarmer. (Hilarité). Presque toutes les
élections qui se sont faites depuis ont été en
faveur de ce projet de confédération. (Ecoutez!) Je me proposais de parler assez longuement
des mérites de cette mesure, mais...
M. McKELLAR—Mais j'y renoncerai
volontiers si besoin est. Si sans plus de discussion on juge à propos de prendre le
vote,
pour ma part...
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER — Je prie
l'honorable monsieur de vouloir bien comprendre quelle est notre position quant à
ce sujet (Ecoutez! écoutez!) Il vient
de dire qu'il ne prenait la parole que pour
répondre à quelques objections de l'hon.
député de Toronto, et comme il ne parait pas
disposé à parler ce soir, il pourra parler un
autre jour. Il n'est que minuit et demi, et
nous pouvons très bien siéger jusqu'à deux
heures. (Oh! oh!) Il y a encore du temps
d'ici là, et comme nous savons très bien que
les hon. messieurs de l'opposition désirent
discuter cette mesure plus longuement, nous
sommes prêts à écouter ce qu'ils ont à dire.
L'
HON. J. S. MACDONALD—Autant
qu'aucun autre membre de cette chambre, je
suis prêt à siéger la nuit, mais vouloir que
la séance se prolonge tous les soirs après
minuit, c'est demander un peu trop. Jamais
je n'ai vu que cela avança la législation de
siéger après minuit.
M. McKELLAR—J'ai pris la parole
simplement pour faire connaître la conduite
étrange de l'hon. député de Toronto. J'occuperai peut-être demain l'attention de la
chambre; mais si je ne parlais pas ce serait
par rapport au danger que nous courrons de
voir ces débats se terminer promptement.
Pour le cas où je ne reprendrais pas la parole,
771
je saisis cette occasion de déclarer que je suis
en faveur des résolutions, auxquelles j'assure
mon appui cordial, et que je m'opposerai a
tout amendement qu'on voudra leur faire
subir. En agissant ainsi, je suis convaincu
d'être approuvé par mes électeurs. Si je
croyais que cette mesure ne rencontre pas les
vues du peuple canadien, je serais le dernier à
vouloir qu'elle fut mise aux voix avant qu'il
n'ait eu l'occasion de se prononcer à son égard,
mais sachant qu'elle est au contraire approuvée presque unanimement par lui, je
pense que le plustôt elle sera mise à effet le
mieux ce sera. (Ecoutez! écoutez!)
M. JOHN MACDONALD—Je n'ai aucun
doute que la population de Kent est mieux
favorisée que celle de Toronto en fait de
représentant, mais je dors dire à l hon. préopinant que s'il veut ne s'occuper que
des
intérêts de ses mandataires, je tâcherai d'en
faire autant pour les miens. Il y a cette
différence entre l'hon. monsieur et moi, c'est
que lorsque le projet a été d'abord annoncé,
il s'est de suite déclaré en faveur, tandis que
moi, j'ai cru qu'il fallait réfléchir un peu
avant d'en venir à une décision. Les débats
qui ont eu lieu en cette chambre, la diversité
d'opinions qui existe même entre les ministres
sur différents points me convainquent que ce
projet est loin d'être compris par tous, dans
le Haut comme dans le Bas-Canada; bien
que ce soit là ce que prétend l'hon. député
de Kent. Je suis persuadé d'avoir bien agi.
Tout ce que je puis dire, c'est que si l'hon.
monsieur se retire de la vie publique avec
une consience aussi nette que le sera la
mienne lorsque je me retirerai du parlement,
il n'aura rien à se reprocher de sa carriere
politique. (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. M. HOWLAND— Je désire faire
entendre quelques mots en réponse à ce qu'a
dit mon hon. ami le député de Cornwall,
(M. J. S. MACDONALD), afin que les
membres de cette chambre n'aient pas une
fausse idée de la conduite que j'ai cru devoir
adopter lorsque je me représenterai à mes
électeurs après avoir accepté la charge que
j'ai l'honneur d'occuper dans le gouvernement. D'après les observations de l'hon.
monsieur, je pense que l'on pourrait inférer
que j'avais accepté mon portefeuille à
certaines conditions, et que j'avais donné à
entendre que des amendements seraient faits
au projet devant la chambre. C'est là au
moins l'impression que j'ai gardée des paroles
de hon. ami, auquel je dois de la reconnaissance pour les paroles obligeantes dont
il
a fait usage à mon adresse. En retour, je
lui assure que je fais grand cas de son opinion
et de son amitié; mais, afin de détruire toute
fausse supposition à laquelle ses observations
peuvent avoir donné lien, je crois devoir
faire entendre quelques mots d'explication.
Sur cette importante question, j'ai fait franchement connaître mes vues à mes mandataires.
Je leur ai dit que si j'eusse été
délégué à la convention, il est certaines
parties du projet auxquelles je me serais
opposé ou que j'aurais essayé de faire modifier. Je leur ai en même temps appris que
ce projet avait le caractère d'un traité, et
que, pour cette raison, il nous fallait l'accepter ou le rejeter dans son entier.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. J. S. MACDONALD—Je suis
sûr que mon hon. ami ne m'accusera pas
d'avoir en volontairement l'intention de le
mettre dans une fausse position à l'égard de
ce fait. Ce que j'ai voulu dire, si toutefois
je ne me suis pas bien fait comprendre, c'est
que, somme toute, le projet n'est pas tel que
le désire le maître général des postes, c'est
qu'il a fait part à ses électeurs qu'il avait
des objections à ce projet, et j'ai conclu de
là que, puisque cette mesure ne satisfaisait
pas même certains ministres, il n'était pas
juste de refuser à l'opposition, qui en est
encore moins satisfaite, le droit d'enregister
ses objections dans nos annales. (Ecoutez!
écoutez!)
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER propose,
par voie d'amendement, que les débats soient
repris à la séance de demain, et que ce soit
le premier ordre du jour après les affaires
de routine.
"Que ces débats soient ajournés jusqu'à lundi
prochain, et qu'il soit vote une adresse à Son
Excellence, demandant qu'il lui plaise faire
mettre devant la chambre, dans l'intervalle, toutes
les informations soumises à la conférence ainsi
que toutes celles qui peuvent être venues en la
possession du gouvernement, touchant les divers
sujets importants mentionnés dans les résolutions
de la conférence; et, particulièrement, toutes les
informations relatives au chemin de fer intercolonial projeté, au coût de ce chemin,
à la distribution projetée des propriétés et des dettes passives
entre les différents gouvernements; à la nature, à
l'étendue et au coût des améliorations que l'on se
propose de faire à nos communications intérieures
par eau; aux droits du Canada au territoire du
Nord-Ouest, et aux sommes qu'il y aurait à dépenser pour ouvrir ce territoire à la
colonisation; au
772
montant que les provinces auraient à payer pour
la défense du pays, et à l'étendue et à la valeur
des terres publiques de Terreneuve, afin que cette
chambre soit en état de mieux juger de l'effet des
changements constitutionnels proposés sur les
intérêts matériels et la condition politique future
du pays."
A l'égard de cette motion, M. l'ORATEUR,
je me bornerai à dire que nous sommes
appelés à adopter les conclusions de la conférence des délégués réunis à Québec en
octobre dernier, et qu'il n'est que juste et
convenable que nous soyions mis en possession
des données sur lesquelles sont fondées ces
conclusions. Si nous avons un parlement
libre et que ses membres soient de dignes
représentants de libres sujets anglais, nous
devons insister pour que l'on nous donne
tous les renseignements sur lesquels sont
fondées ces résolutions. Je pense qu'on ne
peut raisonnablement refuser cette demande;
mais, d'un autre côté, je croirais être injuste
envers la chambre si je l'entretenais plus
longtemps sur cette question. (Ecoutez!
écoutez!)
M. A. MACKENZIE—Le temps mentionné est trop court. Il serait nécessaire
d'ajourner les débats pendant au moins deux
mois afin d'obtenir les renseignements demandés par cette résolution, dans laquelle
on a omis bien des choses importantes.
L'hon. membre aurait dû demander qu'on
nous fit connaître le nombre de locomotives
et de chars que l'on se propose d'employer
sur le chemin de fer, et la somme de trafic
qu'il donnera dans le cours d'une année.
(On rit.) A mon avis, cette proposition n'est
que ridicule (Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Je suis
surpris, M. l'ORATEUR, que l'hon. député de
Chateauguay ait proposé une motion comme
celle-ci, une motion qui n'a aucun rapport
avec la question devant la chambre. Selon
moi, les choses doivent être désignées par
leurs véritables noms, et je n'hésite nullement à dire que cette proposition, parce
qu'elle ne contient rien d'applicable à la
question, est à la fois irrégulière et absurde.
(Ecoutez! écoutez!)
L'
HON. A. A. DORION—C'est la seule
manière que nous puissions employer pour
obtenir une réponse du ministère. L'amendement propose que le début soit ajourné
jusqu'à lundi prochain, afin que le gouvernement puisse nous communiquer les renseignements
qu'il avait à l'epoque de la conférence
par laquelle ont été rédigées ces résolutions.
On ne saurait nier que l'hon. ministre des
finances et tous ses collègues ont consenti à
payer $150,000 pour les terres arides de
Terreneuve. Avant d'en arriver là, ils ont
dû s'assurer de la valeur et de l'étendue de
ces terres; nul doute aussi qu'avant de
convenir que la dette publique du Canada
formerait partie de la dette de la confédération, ils ont eu un état sur lequel ils
ont basé
cette convention. Si je me rappelle bien
j'ai vu dans les journaux que la conférence
s'ajourna pendant un jour ou deux afin de
permettre aux ministres des finances de
préparer un état des finances de leurs provinces respectives. C'est tout ce que nous
désirons. Nous voulons avoir ici les renseignements que ces messieurs avaient à leur
disposition lors de la conférence. Nous ne
supposons pas qu'ils aient abordé pareille
question avant des'être procuré des renseignements. Ils n'ont pas deviné sans calcul
que
la dette du Canada était de $62,500,000,
et que celles des autres provinces étaient de
tant et tant. Nous voulons, comme ces
hon. messieurs, être mis à même de bien
comprendre ces résolutions, et d'en venir à
une décision juste. Nous ne demandons pas
une heure de plus qu'il ne faut pour obtenir
ces renseignements, et les comparer avec le
projet. Les hon. ministres répondront que
la préparation des documents demandés
prendrait des mois. L'hon. membre pour
Lambton (M. A. MACKENZIE) semble avoir
bien pour de ces renseignements, qui pourraient empêcher la passation de la mesure.
Il devrait songer que nous n'avons point la
même confiance que lui dans le procureur- général du Haut-Canada et le ministre des
finances. (Rires!) Il connait ces messieurs
depuis longtemps, et la chambre a vu dans
ses dernières sessions quelle confiance il a
dans ces messieurs. Il avait une robuste
confiance en l'hon. ministre des finances
lorsqu'à la fin de la dernière session, il vota
pour la motion concernant les $100,000
transmises à la cité de Montréal pour le
paiement d'une dette du chemin de fer
Grand-Tronc; mais il nous pardonnera à
nous, qui n'avons jamais eu cette confiance
en l'hon. député de Sherbrooke depuis qu'îl
a été ministre des finances, d'exiger ces
petits renseignements avant que nous ne
votions pour le projet extravagant qui nous
est soumis. Nous voulons des renseignements
surtout à l'égard des finances, du chemin de
fer intercolonial et des terres de la couronne
dans Terreneuve, et, depuis que la question
préalable a été proposée, le seul moyen que
773
nous ayons de faire enregistrer notre
demande, c'est de la faire comme motion
sous forme d'amendement à la proposition
d'ajournement des débats.
L'
HON. M. GALT — L'hon. monsieur
entre dans le mérite d'une résolution au
sujet de laquelle une question d'order a
été soulevée.
L'
HON. A. A. DORION — J'ignorais
qu'une question d'ordre eut été soulevée.
Quelle est cette question d'ordre? J'ai
compris que l'hon. procureur-général du Bas- Canada s'était prononcé contre la production
des renseignements demandés.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER — Je ne
m'y suis pas opposé. M L'ORATEUR, va
décider si la résolution est ou non dans
l'ordre.
L'
HON. M. L'ORATEUR — Il est bien
connu que nul amedement à une motion
d'ajournement ne peut être proposé à moins
qu'elle n'ait trait au temps de l'ajournement.
La première partie de la motion est dans
l'ordre, ou plutôt elle le serait si le reste en
était détaché, mais je ne puis forcer son
auteur à la modifier. D'après mon jugement,
la motion est hors d'ordre.
L'
HON. M. HOLTON—En ce cas, M.
l'ORATEUR, je désire appeler de cette décision,
afin qu'elle soit enregistrée dans les journaux
de la chambre.
Les membres sont appelés et la décision
de l'hon. ORATEUR est maintenue à la suite
de la division suivante:—
POUR.—M. M. Alleyn, Ault, Beaubien, Bellerose, Biggar, Blanchet, Bowman, Bown, Brousseau,
Brown, Carling, Proc. Gén. Cartier, Cartwright, Cauchon, Chapais, Cockburn, Cornellier,
Cowan, Currier, De Boucherville, De Niverville,
Dickson, Dufresne (Montcalm), Dunsford, Evanturel, Galt, Gaucher, Gaudet, Gibbs, Haultain,
Higginson, Howland, Jones (Leeds Sud), Langevin, LeBoutillier, Mackenzie (Lambton),
Mackenzie (Oxford Nord), Magill, McConkey, McDougall, McGee, McKellar, Morris, Morrison,
Pinsonneault, Poulin, Powell, Robitaille, Rose
(Prince-Edouard), Scubie, Smith (Toronto Est),
Stirton, Street, Sylvain, Thompson, Walsh, Wells,
Willson et Wright (York Est).—59.
CONTRE.—M. M. Cameron (Ontario Nord),
Coupal, Dorion (Drummond et Arthabaska),
Dorion (Hochelaga), Dufresne (Iberville), For tier, Geoffrion, Holton, Houde, Labreche-Viger,
Laframboise, Lajoie, Macdonald (Cornwall),
O'Halloran, Paquet, Parker, Perrault, Rymal,
Scatcherd et Thibaudeau.—20.
La motion de l'hon. proc. gén. CARTIER
étant de nouveau mise aux voix,—
L'
HON. A. A. DORION prend la parole
en ces termes: M. l'ORATEUR: j'ai à la
main un amendement tout-à-fait conforme à
votre décision, car il n'a trait qu'au temps
où les débats seront ajournés. La manière
de procéder à la fois injuste et arbitraire que
le cabinet a malheuresement cru devoir
adopter, a empêché des hon. membres de
cette chambre de proposer des amendements
au projet; mais pour ma part je désire, car
c'est la volonté de toute la population du
district de Montréal, que la question de
savoir si le peuple sera consulté avant l'adoption définitive de la mesure par cette
chambre,
soit décidée. Je vois que dans 19 comtés
franco-canadiens, des résolutions ont été
adoptées dans ce sens, et que des pétitions
demandant que ce projet ne soit pas adopté
sans le soumettre à un vote du peuple, ont
été signées par quinze ou vingt mille habitants.
(Ecoutez! écoutez!) Je crois, M. l'ORATEUR,
qu'il eut été plus digne de la part du gouvernement et que l'on eut témoigné plus
de
respect au peuple, en permettant que le projet
lui fut soumis, vu surtout que le cabinet le
croit destiné à produire la plus grande prospérité, et, de plus, parce que nous sommes
d'opinion qu'il va plutôt mécontenter le pays
et créer peut-être un tout autre sentiment que
celui découlant du désir d'une union avec les
provinces inférieures; mais, non, il a préféré
nous baillonner, si bien que toute notre
liberté d'action se résume à pouvoir proposer
des amendements à la motion d'ajournement
des débats; mais si peu de liberté que nous
ayions, nous ne sommes pas moins déterminés
à en faire usage. Voici la teneur de la
motion que je présente sous forme d'amendement:—
"Que cette chambre est d'avis que les débats
sur cette résolution, qui a pour but le changement
radical des institutions et relations politiques de
cette province,— changements qui n'étaient pas
prévus par le peuple lors de la dernière élection
générale,—devraient être ajournés d'ici à un mois,
ou jusqu'à ce que le'peuple de cette province ait
eu l'occasion de se prononcer constitutionnellement à son sujet."
Comme on le voit, je ne fixe pas arbitrairement l'époque où il sera fait appel au
peuple. Si les ministres tiennent à ce que le
projet soit adopté le plus tôt possible, ils
n'ont qu'à faire faire les élections, sinon, ils
peuvent prendre leur temps. S'ils le veulent,
qu'ils dissolvent la chambre dès demain; nous
y sommes prêts; mais leur procédé à l'égard
de la chambre et quant à la question importante qu'ils lui ont soumise est aussi honteux
774
que contraire à la dignité de cette assemblée.
Après être solennellement convenus avec la
chambre que la discussion se poursuivrait
de la même manière que dans un comité
général, et que des amendements, comme de
juste, pourraient être proposés, ils se méfient
à cette heure de l'opinion du peuple, qu'au
début ils disaient être favorable à la mesure,
et ne veulent pas nous permettre de proposer des amendements. Ils craignent que la
question ne soit discutée et comprise par le
peuple, et en cela ils font certainement
preuve de perspicacité. N'ont-ils pas encore
tout frais à la mémoire la récente défaite de
l'hon. M. TILLEY,—défaite que lui ont fait
subir ses compatriotes, malgré ses dix années
de service comme chef du gouvernement du
Nouveau-Brunswick et son alliance avec les
chefs de l'opposition? (Ecoutez! écoutez!)
Ils peuvent bien craindre; ils savent trop
bien quel sort serait réservé à leur projet si
le peuple du Canada pouvait se prononcer.
Non contents de refuser l'appel au peuple,
ils vont même jusqu'à s'opposer à ce que
nous faisions connaître à la chambre et au pays
nos opinions. Nous sommes prêts à nous présenter devant nos électeurs avec cette question
,
et s'ils disent que le projet leur convient, je
m'inclinerai devant la volonté de la majorité;
mais, M. l'ORATEUR, vouloir qu'on se soumette à une délégation constituée de sa
propre autorité, à une association d'hommes
qui ne fut jamais autorisée ni par le parlement ni par le peuple de cette province
à se
réunir à des collègues d'autres provinces
pour élaborer une constitution pour le gouvernement du peuple, et venir ensuite nous
dire: "Il faut que vous acceptiez cette nouvelle constitution dans tous ses détails
sans
y faire ni changements ni amendements,
bien plus, on ne vous accorde pas même le
privilège d'en proposer pour qu'ils soient
insérés dans les journaux de cette chambre;"
vouloir qu'on se soumette à tout cela est une
exigence monstrueuse de la part du cabinet.
(Ecoutez! écoutez!) Je ne dis pas que dans
d'autres circonstances un appel comme celui
qui vient d'étre fait de la décision du président ont été demandé, mais dans le cas
présent, c'est le seul moyen qui soit laissé
à la minorité de faire connaître qu'elle a
demandé des renseignements très importants
au sujet de la mesure en discussion. Jusqu'à
ce que le peuple ait pu directement se prononcer sort par la voie d'une élection générale
soit au moyen de pétitions, je dis que la
gravité de la question exige que l'adoption
de la mesure soit retardée. Jamais gouvernement, fort ou faible, n'a encore agi aussi
arbitrairement que les hon. ministres qui le
composent actuellement.
M. M. C. CAMERON Le gouvernement
ayant voulu faire faire échec et mat à l'opposition à l'aide des moyens tyranniques
qu'il
a employés jusqu'ici pour faire réussir son
projet, il ne serait que juste, à mon avis,
que ses plans fussent déjoués, et c'est réellement ce qui va arriver si nous réussissons
avec cette motion. Je pense que les hon.
membres du cabinet admettront que le
peuple qui nous a députés ici est autant que
nous intéressé dans ce changement radical
qui va avoir lieu. Ils nous a envoyés ici
pour faire des lois sous l'égide de la constitution établie, mais non pour renverser
cette
constitution, et avant que ne soit perpétué
ce violent changement de constitution qui
va indubitablement nous plonger dans d'immenses dépenses on devrait au moins lui
demander s'il adhère ou non au changement projetéé. C'est là le motif qui me
fait seconder la proposition d'amendement,
et j'espère qu'elle recevra l'appui des hon.
députés qui, bien que partisans du cabinet,
ont déjà exprimé leur mécontement de ce
qu'on ait fermé la porte aux amendements
par la proposition de la question préalable.
L'
HON. Proc.-Gén. CARTIER—Relativement à cette motion, je dois, comme pour
l'autre, soulever la question d'ordre. Je dois
d'abord dire que l'assertion à l'effet de faire
croire qu'il ne sera plus possible de présenter
de motion en faveur de l'appel au peuple.
n'est qu'un leurre. L'hon. député de Peel
a donné avis à ce sujet, et sur cette proposition la chambre pourra voter d'une manière
regulière.
(L'hon. monsieur discute ici la question
d'ordre en donnant plusieurs raisons pour
prouver l'irrégularité de cette motion. Les
hon. MM. GALT, HOLTON, DORION, J. S.
MACDONALD et M. MORRIS prennent aussi
part à cette discussion.)
L'
HON. M. L'ORATEUR déclare la motion hors
d'ordre. En pareil cas, dit-il, la pratique veut
que l'ORATEUR retranche ce qu'il y a d'irrégulier dans la motion, et qu'il la mette
ensuite
aux voix si son auteur y consent; s'il n'y
consent pas, la motion tombe d'elle-même
Si l'hon. député d'Hochelaga permet que
l'on en retranche tout ce qui est étranger à
l' ajournement, elle sera mise aux voix, si non
je serai obligé de déclarer qu'elle n'est pas
dans l'ordre.
775
L'
HON. A. A. DORION refusant de
laisser modifier sa motion, elle est déclarée
hors d'ordre; l'amendement de l'hon. proc.- gén. CARTIER est ensuite adopté, et les
débats sont ajournés à demain à trois
heures.