ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.
MERCREDI, 8 février 1865.
L'ordre du jour pour la reprise des
débats
sur la résolution au sujet d'une union des
colonies de l'Amérique Britannique du
Nord ayant été lu,
L'Hon. GEORGE BROWN se lève et
dit :—M. l'ORATEUR,—C'est avec un sentiment de satisfaction que je me lève pour
adresser la parole à cette
chambre en
cette occasion. Une lutte de réforme constitutionnelle qui a absorbé la moitié de
la durée d'une vie humaine—l'agitation
du pays, de violents débats dans cette
chambre—la discorde, des contestations sans
merci ni trêve pendant plusieurs
années,
vont trouver une fin dans le grand projet
qui nous est actuellement soumis. [Applaudissements.] Dans leurs discours d'hier
soir, les procureurs-généraux pour le Haut
et le Bas-Canada ont tenu à
préciser que
ce projet d'union de l'Amérique Britannique, sous un seul gouvernement, diffère
essentiellement de la " représentation basée
sur la population " aussi bien que de
" l'autorité collective ;"—pourtant, ce n'est
rien autre chose que le projet inclus dans
le programme du gouvernement dont ils
faisaient partie en 1858. Il est juste,
monsieur l'ORATEUR,
que mes hons. amis
aient la large part d'honneur
qui leur
revient dans la présentation de cette mesure
à la chambre, mais, en les écoutant, je n'ai
pu m'empêcher de faire la
réflexion que si
cette mesure est bien celle de 1858, ils ont
admirablement réussi à la
séquestrer des
regards du monde jusqu'à
présent, [Ecoutez!]—et je regrette vivement que nous
ayons attendu jusqu'à 1864 pour
voir mûrir
le mystérieux projet de 1858 . [Ecoutez! et
rires.] Peu m'importe à qui
appartient l'honneur de ce projet; il contient à mon avis
l'essence de toutes les recommandations
faites depuis dix ans en vue de mettre fin à
nos dificultés. Je n'éprouve plus
qu'un
sentiment de joie et de reconnaissance en
songeant qu'il s'est trouvé en Canada des
hommes d'une position influente, doués
d'assez d'énergie et de
patriotisme, pour
mettre de côté l'esprit de parti
politique
et toutes leurs considérations personnelles,
et s'unir dans l'accomplissement
d'un projet
si rempli d'avantages pour tout
le pays. [Applaudissements.] Dans l'état où se trouvait
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alors l'opinion publique, ce fut un trait
de bravoure pour plusieurs membres de
cette chambre que de voter la formation du
comité constitutionnel proposé par moi à
la dernière session ; — ce fut un trait
de bravoure pour plusieurs membres de
ce comité que de parler et de voter librement ;—ils furent encore plus braves en
signant le rapport publié par ce comité ;—
mais cent fois plus braves furent les minis-
tres actuels en s'exposent aux interprétations
erronées et aux soupçons sans nombre qui
attendaient cet acte de leur part et en entrant
dans le même gouvernement. Je l'avoue,
une coalition aussi inattendue demandait
une justification plus qu'ordinaire. Mais,
personne ne le niera, chacun de nous a reçu
leine justification et ample récompense pour
la part qu'il a pu prendre dans le projet que
l'on discute aujourd'hui. (Applaudissements.) Sept mois a peine se sont écoulés
depuis la formation du ministère ooalisé,
et
voilà que nous soumettons au pays
un projet
bien considéré et bien mûri pour la création
d'un nouvel empire,—projet qui a reçu,
chez nous et a l'étranger, l'approbation presqu'universelle.
L'HON. M. BROWN—Mon
hon. ami
semble différer d'opinion, mais est—il possible
de ne pas céder à l'évidence? Le projet n'a-
t-il pas été admis et approuvé par les gouvernements de cinq colonies différentes.
N 'a-t-il pas reçu l'approbation presqu'universelle de la presse du Canada? Ne puis-je
pas dire la même
chose des électeurs canadiens ? (Cris de—écoutesl non !
non ! !)
Mon hon. ami dit " non," mais je repète
mon atiirmation. Depuis que la coalition
est formée et que le projet d'union fédérale
est annoncé, nous n'avons en rien moins que
vingt-cinq élections parlementaires, quatorze
dans la chambre haute et onze dans la
chambre basse. Parmi les premières, trois
candidats seulement ont osé se
présenter en
opposition au projet ministériel ; deux
ont été battus, un seul a réussi à se
faire élire. (Ecoutez !) Sur les
onze
élections de a chambre basse un seul
candidat s'est présenté en opposition au
projet, et je ne désespère pas encore de le
voir voter pour la contédération. (Ecoutez !)
De ces vingt-cinq élections, quatorze
ont eu
lieu dans le Haut-Canada et pas un seul candidat ne s'est présenté contre notre projet.
Il ne faut pas oublier non plus l'immense
étendue de pays qu'embrsssent ces vingt-
cinq colléges électoraux. Les
onze élections
pour la chambre basse ne
représentent, il
est vrai, qu'un nombre égal de comtés, mais
aux quatorze élections pour la
chambre
haute, plus de quarante comtés
ont pris part.
(Ecoutez !) Des 180 colléges électoraux
qui forment la division du Canada pour la
représentation en cette chambre,
non moins
de cinquante ont été appelés à se
prononcer
sur le projet, et quatre candidats seulement
se sont hasardés à y faire de l'opposition.
(Applaudissements.) N 'avais-je donc pas
raison de dire que les électeurs du Canada
s'étaient prononcés de la manière la plus
formelle en faveur du projet? (Ecoutez !)
Et niera-t-on que le peuple et la presse de
la Grande-Bretagne l'ont reçu avec des
acclamations d'approbation? que le gouvernement anglais la cordialement approuvé et
accepté? bien plus, que la presse
et les
hommes publics des Etats-Unis
même en
ont parlé avec un degré de
respect qu'ils
n'ont jamais accordé à aucun
mouvement
colonial? J'ose afiirmer M.
l'Orateur,
qu'aucun projet d'une égale importance qui
ait jamais été soumis au monde, n'a été reçu
avec de plus grands éloges, avec une approbation plus universelle, que la mesure que
nous avons maintenant l'honneur de soumettre a l'acceptation du parlement canadien.
Et l'on ne pouvait en faire un plus grand
éloge, je crois, que celui que j'ai entendu, il
y a quelques semaines, de la part d'un des
principaux hommes d'état anglais, lequel disait que le système de
gouvernement que nous
proposions lui paraissait être un heureux
mélange des meilleures parties des constitutions anglaises et américaines.
Et
notre attitude en ce moment en Canada,
M. l'Orateur, peut à bon droit attirer la
sérieuse attention des autres pays. Voici
un peuple composé de deux races distinctes,
parlant des langues différentes, dont les institutions religieuses, sociales, municipales
et
d'éducation sont totalement différentes
; dont
les animosités de section à section étaient
telles qu'elles ont rendu tout gouvernement
presqu'impossible pendant plusieurs années;
dont la constitution est si injuste au point
de vue d'une section qu'elle
justifie le
recours à toute espèce de moyens
pour y
remédier. Et cependant, M. l'Orateur,
nous sommes ici siégeant, discutant patiemment et avec calme, afin de trouver un moyen
de faire disparaître pour toujours ces griefs
et ces animosités. (Ecoutez !) Nous cher
84chons à régler des difficultés plus grandes
que celles qui ont plongé d'autres pays dans
toutes les horreurs de la guerre civile. Nous
cherchons à faire paisiblement et d'une
manière satisfaisante ce que la Hollande et
la Belgique, après des années de luttes,
n'ont pu accomplir. Nous cherchons, par
une calme discussion, à regler des questions
que l'Autriche et la Hongrie, que le Danemark et l'Allemagne, que la Russie et la
Pologne n'ont pu qu'écraser sous le talon de
fer de la force armée. Nous cherchons à
faire sans intervention étrangère, ce qui a
arrosé de sang les belles plaines d'Italie.
Nous nous efforçons de regler pour toujours
des différends à peine moins importants que
ceux qui ont déchiré la république voisine et
qui l'exposent aujourd'hui à toutes les horreurs de la guerre civile. [Ecoutez !]
N'avons-
nous donc pas raison, M. l'ORATEUR, d'être
reconnaissants de ce que nous avons trouvé
une solution plus avantageuse que celle qui
a produit de si déplorables résultats dans
d'autres pays ?—Et ne devrions-nous pas tous
nous efforcer de nous élever à la hauteur de
la circonstance, et chercher sérieusement à
traiter cette question jusqu'à la fin avec la
franchise et l'esprit de conciliation qui ont,
jusqu'à présent, marqué la discussion ?
(Ecoutez ! écoutez !) La scène qu'offre cette
chambre en ce moment, j'ose affirmer, a
peu de parallèles dans l'histoire. Cent ans
se sont écoulés depuis que ces provinces sont
devenues, par la conquête, partie de l'empire britannique. Je ne veux pas faire de
vantardise—je ne veux pas pour un instant
évoquer de pénibles souvenirs,—car le sort
fait alors à la brave nation française, par la
fortune de la guerre, aurait bien pu être le
nôtre sur ce champ de bataille mémorable.
Je ne rappelle ces anciens temps que pour
faire remarquer que les descendants des
vainqueurs et des vaincus de la bataille de
1759 siègent ici aujourd'hui avec toutes
les différences de langage, de religion, de
lois civiles et d'habitudes sociales presque
aussi distinctement marquées qu'elles 1'étaient
il y a un siècle. (Ecoutez !) Nous siègeons
ici aujourd'hui et cherchons à l'amiable à
trouver un remède à des maux constitutionnels et à des injustices dont se plaignent,—
les vaincus ? Non, M. l'ORATEUR, mais
dont se plaignent les conquérants ! (Aplaudissements des franco-canadiens !) Ici siègent
les représentants de la population anglaise
qui reclame justice—justice seulement ; et
ici siégent les représentants de la population
française qui délibèrent dans la langue française sur la question de savoir si nous
l'obtienrons. Cent ans se sont écoulés depuis la conquête de Québec, mais voici que
les enfants
des vainqueurs et des vaincus siégant côte-
à-côte, tous avouant leur profond attachement
à la couronne britannique,—tous délibérant sérieusement pour savoir comment
nous pourrons le mieux propager les
bienfaits des institutions britanniques,- comment on pourra établir un grand peuple
sur ce continent en relations intimes et cordiales avec la Grande-Bretagne. (Applaudissements.)
Dans quelle page de l'histoire, M.
l'ORATEUR, trouverons-nous un fait semblable ? Ce trait ne restera-t-il pas comme
un
monument impérissable de la générosité de
la domination anglaise ? Et ce n'est pas en
Canada seulement que l'on voit ce spectacle.
Quatre autres colonies sont en ce moment
occupées, comme nous le sommes, à témoigner de leur attachement inébranlable à la
mère-patrie, et à délibérer avec nous sur les
moyens les plus propres à prendre pour
accomplir la mission importante qui leur est
confiée et favoriser le développement des
abondantes ressources de ces vastes possessions. Et l'œuvre que nous avons proposée
de concert peut à bon droit éveiller l'ambition et l'énergie de tout bon
patriote de l'Amérique Britannique. Jetez,
M. l'ORATEUR, un coup-d'œil sur la
carte du continent d'Amérique, et voyez
cette île (Terreneuve) qui commande l'embouchure du noble fleuve dont le cours traverse
notre continent presque dans toute sa
longueur. Eh bien, messieurs, cette île égale
en étendue le royaume de Portugal. Passez
le détroit et abordez sur la terre ferme ;
vous vous trouvez sur les rives hospitalières
de la Nouvelle-Ecosse, pays aussi grand que
le royaume de la Grèce. Voyez ensuite la
sœur province du Nouveau-Brunswick,
dont l'étendue égale celle du Danemark et
de la Suisse réunis. Remontez le St. Laurent
jusqu'au Bas-Canada,— pays aussi considérable que la France. Continuez jusqu'au
Haut-Canada —contrée mesurant vingt mille
milles carrés de plus que la Grande-Bretagne et l'Irlande réunies. Traversez le
continent jusqu'aux côtes du Pacifique, et
vous vous trouvez sur le sol de la Colombie
Anglaise, véritable terre promise—égale en
étendue a l'empire d'Autriche. Je ne parle
pas ici des immenses territoires sauvages
situés entre le Haut-Canada et le Pacifique,
dépassant en étendue l'empire de Russie, et
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qui, d'ici à longtemps, je l'espère, seront
ouverts à la civilisation sous les auspices de
la confédération de l'Amérique Britannique du Nord. (Applaudissements.) Eh
bien, M. l'ORATEUR, le projet hardi
que vous tenez en vos mains ne tend
à rien moins que de concentrer tous ces
pays en un seul—les organiser sous un
même gouvernement, protégé le drapeau
britannique, et fort de la noble et cordiale
sympathie de nos co-sujets habitant le pays
qui nous a donné le jour. (Applaudissements.) Notre projet a pour but d'établir
un gouvernement qui s'appliquera à diriger
l'immigration européenne vers cette moitié
septentrionale du continent américain—qui
s'efforcera d'en développer les immenses
ressources naturelles, et qui s'évertuera à y
maintenir le liberté, la justice et le christianisme.
L'HON. M. BROWN.—L'hon. député de
Hastings Nord demande quand toutes ces
choses pourront s'accomplir ? M. l'ORATEUR,
il peut arriver qu'un grand nombre de ceux
qui m'écoutent aujourd'hui ne voient point
s'accomplir le grand but de cette confédération. Personne n'imagine qu'une œuvre
semblable puisse s'accomplir dans un mois
ou dans une année. Ce que nous proposons
aujourd'hui c'est de jeter les bases de cette
œuvre, de mettre en jeu la machine gouvernementale qui, nous l'espérons, fonctionnera
un jour, depuis les côtes de l'Atlantique jusqu'à celles du Pacifique. Et nous nous
flattons
que notre système, tout en étant admirablement adapté à notre situation actuelle,
est
susceptible d'une expansion graduelle et efficace dans l'avenir et à réaliser tous
les grands
objets qu'il a en vue. Mais si l'hon. membre
veut simplement se rappeler ne lorsque les
Etats-Unis se séparèrent de la mère-patrie,
et pendant plusieurs années après cette époque, leur population était loin d'être
ce qu'est
aujourd'hui la nôtre ; que leurs améliorations
intérieures n'avaient pas encore acquis le
degré de développement où en sont arrivées les
nôtres aujourd'hui ; et que leur commerce
à cette époque n'attaignait pas le tiers de ce
qu'est le nôtre, je pense qu'il s'apercevra que
nous ne sommes pas aussi éloignés du but
qu'on pourrait se l'imaginer à première vue.
( Écoutez ! écoutez !) Et il s'affermira dans
cette conviction s'il veut se rappeler que ce que
nous proposons de faire le sera avec la sympa
thie cordiale et le concours de cette grande
puissance à laquelle nous avons le bonheur d'appartenir. (Ecoutez ! écoutez ! Tels
sont,
M. l'ORATEUR, les objets que la conférence de l'Amérique Britannique du Nord
s'est engagée en octobre dernier de réaliser. Et n'avais-je pas le droit de dire
que ce projet est bien propre à surex-
citer l'ambition et à doubler l'énergie de
chacun des honorables membres de cette
chambre ? Ce projet ne nous élève-t-il pas
au-dessus de la politique mesquine du
passé et ne nous offre-t-il pas des objets
et des intérêts dignes de mettre en action
toutes les ressources intellectuelles et l'esprit d'entreprise que nous possédons
au
milieu de nous ? [ Applaudissements.] J'admets facilement que la question est d'une
haute gravité, et qu'elle doit être examinée
avec soin et dans toutes ses parties avant
que d'être adoptée. Loin de moi toute idée
d'empêcher la critique la plus stricte, ou de
douter un seul instant de la sincérité ou du
patiotisme de ceux qui croient de leur devoir
de s'opposer à la mesure. Mais dans l'examen d'une question à laquelle se rattachent
les destinées futures de la moitié de ce
continent, ne doit-on pas faire taire les murmures inutiles ? l'esprit de faction
ne doit-
il pas être banni de nos débats ?—ne devons-
nous pas discuter ici les arguments qui nous
sont présentés, avec la bonne foi et la sincérité qui doivent prévaloir chez des hommes
unis ensemble par des intérêts communs,
marchant vers un même but, et fiers de leur
pays commun ? [Ecoutez ! écoutez et applauissements.] Quelques honorables députés
semblent s'imaginer que les membres du
gouvernement ont un plus grand intérêt que d'autres à la réalisation de ce projet,
—mais
quel intérêt aucun de nous peut-il avoir qui
ne soit commun à tout citoyen de ce pays ?
Quel est le risque amemé par cette confédération que nous n'encourons pas aussi
pleinement qu'aucun de vous ? Quelle considération pourrions-nous avoir de présenter
ce
projet, si ce n'est notre conviction aussi sincère que profonde qu'il tournera à l'avantage
solide et durable de notre pays ? (Ecoutez !
écoutez ! ) Il est une considération M.
l'0RATEUR, qu'on ne saurait bannir de cette
discussion, et que nous devons, je pense, ne
pas perdre de vue dans tout le cours des
débats. Le systême constitutionnel du
Canada ne peut restez ce qu'il est aujourd'hui. (Ecoutez ! écoutez ! ) Il faut trouver
un remède à cet état de choses. On ne peut
rester dans la position où nous sommes, de
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méme, non plus, on ne peut retourner à ces
temps d'hostilité et de désaccord entre les
deux sections, en un mot, aux crises ministérielles a perpétuité. Les événements des
derniers huit mois ne doivent pas être oubliés, pas plus que les faits reconnus par
les
hommes de tous les partis. La justice que
réclame le Haut-Canada, il faut qu'il l'ait,
et qu'il l'ait maintenant. Je dis donc que
tous ceux qui élèvent la voix contre cette
mesure doivent avoir à l'avance réfléchi aux
conséquences périlleuses de son rejet. J'affirme que tout homme qui veut le bien du
pays ne doit pas voter contre ce projet s'il n'a
a offrir quelque mesure plus propre à mettre
fin aux maux et à l'injustice dont le Canada
est depuis si longtemps menacé. [Ecoutez !
écoutez !] Et non-seulement il faut que la
mesure que l'on proposera en remplacement
de celle-ci soit préférable, mais il faut encore
qu'elle uisse être adoptée. [Ecoutez ! Ecoutez !] Il me semble entendre dire a l'honorable
ami que je vois devant moi, et pour les
opinions duquel j'ai le plus profond respect:
" M. Brown, vous avec eu tort de régler
ainsi cette partie du projet ; voilà comment
vous auriez dû la rédiger. — Eh ! bien, mon
cher monsieur, pourrais-je répondre, je suis
tout a fait de votre avis, mais cela ne se pouvait. Que nous demandions une réforme
parlementaire pour le Canada seul ou une union
avec les provinces maritimes, il faut consulter les vues des franco-canadiens aussi
bien
que les nôtres. Ce projet peut étre adopté,
mais nul autre qui n aurait pas l'assentiment
des deux sections ne pourrait l'être."
'
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER.—[Ecoutez ! écoutez ! Là est toute la question !]
L'HON. M. BROWN.—Oui, c'est la toute
la question. Toute constitution parfaite est
encore a naitre ; l'œuvre du plus sage n'est
jamais sans imperfection, et nul projet de ce
genre ne saurait étre exempt de critique,
quelle que soit la somme de talent, de sagesse
et d'intégrité apportée a son élaboration.
Les auteurs de ce projet ont eu d'immenses
dificultés à surmonter ; nous avons eu à
lutter contre les préjugés de race, de langue
et de religion,—contre les rivalités du commerce et les jalousies créées par les divers
intérêts de localité. Afirmer après cela que
notre projet est sans défaut serait folie.
C'est une oeuvre pour laquelle chacun a fait
sa part de concessions ; il n'est pas un de
ses trente-trois auteurs qui n'ait eu, sur
quelques points, à mettre de côté ses opinions ; et quant a moi, j'admets librement
avoir lutté pendant plusieurs jours dans le
but d'en faire amender certaines parties. Or,
M. l'ORATEUR,—tout en admettant les difficultés que nous avons eu à surmonter et
les défectuosités de la mesure—je déclare
donner, sans réserve, ni hésitation, mon appui
cordial et zélé à l'ensemble du projet. (Ecoutez ! écoutez !) Je le crois destiné
à accomplir
tout et même plus que tout ce que nous
avons désiré pendant la longue lutte que
nous avons soutenue pour obtenir une réforme parlementaire. Je crois que, tout en
garantissant la sécurité des intérêts locaux, il
conservera au peuple toute sa liberté à l' égard
des matières générales ; je crois qu'il resserrera les liens qui nous unissent à la
Grande-
Bretagne et jettera les fondements solides
d'une grande et prospère nation; (Applaudissements) et si la chambre veut me permettre
de compter plus qu'à l'ordinaire sur
son indulgence, je suis convaincu que je pourrai clairement démontrer que ce sont
là les
résultats que nous attendons de la mesure.-
Ce projet, M. l'ORATEUR, peut être envisagé
de deux manières: d'abord au point de vue
des maux existants auxquels il doit remédier,
ensuite quant aux nouveaux avantages qu'il
nous assurera comme peuple. Commençons
par la première. Il met fin à l'injustice du
système actuel de représentation en parlement. (Ecoutez ! écoutez !) Le peuple du
Haut-Canada s'est plaint amèrement de ce
que la population du Bas ait autant de représentants que lui, bien qu'il compte quatre
cent mille âmes de plus, et que sa part de
contribution au revenu soit de trois ou
quatre louis contre un versé par sa sœur
province, eh ! bien, M. l'ORATEUR, la mesure devant nous met fin à cette injustice
;
elle fait disparaitre la ligne de démarcation
entre les deux sections sur toutes les matières
d'un intérêt commun à la province ; elle
donne la représentation d'après le nombre
dans la chambre d'assemblée, et pourvoit
d'une manière simple et facile au remaniement de la représentation après chaque recensement
décennal. (Applaudissements.) A
la constitution proposée par la chambre
basse, je n'ai encore entendu que deux objections. On a dit que jusqu'après le recensement
de 1871, le nombre des députés serait
le même qu'à présent ; mais c'est là une
erreur : le Haut-Canada, dès le début, aura
82 représentants et le Bas 65, et selon l'augmentation qne fera connaître le dénombrement
de 1871 se fera alors le remaniement.
On a aussi objecté que, bien que ces résolu
87tions prescrivent que le parlement actuel
du Canada établirait les divisions électorales pour la première organisation du
parlement fédéral, elles n'indiquaient pas
à qui devait être conféré le pouvoir de
répartir les colléges électoraux. Il n'existe
aucun doute a cet égard ; le parlement
fédéral aura naturellement plein pouvoir
de déterminer le mode d'élection de ses
membres. Mais, diront les haut-canadiens,
pour la constitution de la chambre basse, c'est
fort bien, mais c'est celle de la chambre
haute qui nous paraît susceptible d'objections :—et d'abord la représentation du
Haut-Canada doit-elle y être plus nombreuse
que celle du Bas-Canada ?
L'HON. M. BROWN.—L'hon. député de
Hastings Nord est de cet avis ; mais il est
en faveur d'une union législative, et sa
demande pourrait n'être pas dénuée de justesse si, par le fait, nous eussions eu à
former
une union de cette sorte. Or, l'essence de
notre convention est que l'union sera fédérale
et nullement législative. Nos amis du Bas-
Canada ne nous ont concédé la représentation d'après la population qu'à la condition
expresse qu'ils auraient l'égalité dans le
conseil législatif. Ce sont là les seuls termes
possibles d'arrangement et, pour ma part, je
les ai acceptés de bonne volonté. Du moment
que l'on conserve les limites actuelles des
provinces et que l'on donne à des corps locaux
l'administration des affaires locales, on reconnaît jusqu'à un certain point une diversité
d'intérêts et la raison pour les provinces
moins populeuses de demander la protection
de leurs intérêts par l'égalité de représentation dans la chambre haute. D'honorables
députés diront peut-être que cette égalité
sera l'obstacle sur lequel viendra se briser
dans la chambre haute la juste influence que
le Haut-Canada devra exercer par sa majorité
dans la chambre basse sur la législation
générale du pays. J'admets la vérité de cette
objection jusqu'à un certain point, mais on
se rappellera que cet obstacle disparaîtra
plus ou moins lorsqu'il s'agira de mesures
financières. (Ecoutez ! écoutez !) Nous avons
payé jusqu'ici une proportion excessive
d'impôts sans que nous ayions eu peu ou
point de contrôle sur leur dépense ; le projet
actuel nous remet en possession, dans la
chambre basse, de notre influence qui nous
livre les cordons de la bourse. Si, à raison
de la concession que nous avons faite de
l'égalité de représentation dans la chambre
haute, nous ne pouvons forcer le Bas-Canada
à subir une législation contraire à ses intérêts, nous aurons du moins ce que nous
n'avons jamais eu jusqu'ici, le pouvoir de
l'empêcher de faire ce que nous regardons
comme des injustices à notre égard. Je
crois le compromis juste et je suis persuadé
que son exécution sera facile et ne blessera
aucun intérêt. (Ecoutez ! écoutez !) On a
dit que la couronne ne devrait pas nommer
les membres de la chambre haute, mais que
leur élection devrait être laissée au peuple.
Mon opinion est assez connue sur cette
question. Je me suis toujours déclaré l'adversaire d'une seconde chambre élective,
et
je le suis encore, persuadé que deux chambres
constituées de la même manière sont incompatibles avec les principes de la constitution
anglaise. J'ai voté presque seul lorsque le
conseil fut rendu électif , mais j'ai pu me
convaincre qu'un grand nombre des partisans de ce dernier système avaient regretté
une pareille mesure. Il est bien vrai que
les craintes qu'on exprima alors sur ce changement constitutionnel ne se sont pas
réalisées—(écoutez, écoutez !) ;—et je veux
bien admettre que le système électif a porté
au conseil des hommes de caractère et de
réputation, mais l'ancien système avait le
même résultat. Mandataires du peuple ou
de la couronne, les hommes qui ont composé
jusqu'ici le conseil législatif ont été de ceux
qui eussent fait honneur à n'importe quelle
législature au monde. Ce que l'on craignait
le plus lors du changement précité fut de
voir les conseillers législatifs se faire élire
sous l'influence de l'esprit de parti, et
réclamer le contrôle des mesures financières tout aussi bien que la chambre
basse :—ces appréhensions ne se sont pas
encore réalisées à un degré inquiétant.
Mais est-il impossible de les voir avant
peu réclamer ce droit ? N'entendons-nous
pas aujourd'hui même des murmures qui
nous font présager qu'ils se préparent à le
réclamer bien vite ? N'oublions pas que les
conseillers élus par le peuple ne sont entrés
que graduellement dans la chambre haute, et
que la grande majorité des anciens membres
nommés par la couronne ont conservé toute
leur influence pour maintenir les usages du
conseil, le vieux style des débats et les anciennes barrières contre les empiétements
et
les priviléges des communes. Mais ces anciens
conseillers s'en vont graduellement, et lors-
qu'enfin le conseil législatif ne sera plus com
88posé que de membres élus, qui peut affirmer
qu'alors il ne réelamera pas le contrôle des
mesures financiêres ?—contrôle que cette
chambre regarde comme privilége exclusif.
Ne pourrait-il pas à juste titre affirmer qu'il
représente le peuple aussi bien que nous, et
que le maniement des deniers publics lui
appartiente aussi bien qu'à nous ? [Ecoutez !]
L'on dit qu'il n'en a pas le pouvoir. Mais
qu'est-ce qui peut l'empêcher de le faire ?
Supposons que nous ayons une majorité conservatrice ici, et une majorité réformiste
là—ou une majorité conservatrice à la
chambre haute et une majorité réformiste
ici, —qu'est-ce qui empêcera l'antagonisme
entre les chambres ? On peut dire que ce
serait inconstitutionnel—mais qu'est-ce qui
epêchera les conseillers (surtout s'ils
sentent que dans le conflit du moment ils
sont soutenus par le pays) d'exercer tous les
pouvoirs qui nous appartiennent ? Ils
pourraient amender une mesure financières
et de fait toutes nos mesures s'il le voulaient,
et arrêter tout le mécanisme du gouvernement. Et que pourrions-nous faire pour les
en
empêcher ? Mais, en supposant même que
cela n'ait pas lieu, et que la chambre haute
élective continue à être guidée par la sagesse
qui a jusqu'ici marque ses delibérations,—
je pense encore, cependant, que l'élection de
membres pour d'aussi vastes districts que
ceux qui forment les colléges électoraux de
la chambre haute, ont devenue un inconvénient réel. Je le dis d'après mon expérience
personnelle, ayant pendant longtemps pris
une part active dans les luttes électorales du
Haut-Canada. Nous avoue éprouvé de plus
grandes difficultés à persuader aux candidats
de se présenter pour les élections de la
chambre haute, qu'à en obtenir dix fois
autant pour la chambre basse. Les divisions
sont si vastes, qu'il est difficile de trouver
des hommes qui consentent à entreprendre
le travail d'une pareille lutte, qui soient
suffisamment connus et assez populaires
dans d'aussi grands districts, et qui aient
assez d'argent (écoutez ! écoutez !) pour
payer les énormes comptes faits, non pas
dans un but de corruption—ne penses pas
que je veuille dire cela pour un instant—
mais les comptes qui sont envoyés après
que la contestation est terminée et que
les candidats sont obligés de payer s'ils
espèrent jamais se faire réélire ( Ecoutez !
écoutez !) Mais d'hons. messieurs disent:
" Tout cela est très bien ; mais vous enlevez au peuple un pouvoir important qu'il
possède maintenant." Eh bien ! c'est une
erreur. Nous n'en voulons rien faire. Ce
que nous proposons, c'est que les membres
e la chambre haute soient choisis parmi
les meilleurs hommes du pays par ceux qui
possèdent la confiance des représentants du
peuple dans cette chambre. Nous proposons
que le gouvernement du jour, qui ne vit que
e l'approbation de cette chambre, fasse les
nominations et soit responsable au peuple
des choix qu'il aura faits. (Ecoutez ! écoutez !) Il ne pourrait se être fait une
seule
nomination à propos de laquelle le gouvernement ne pourrait être censuré, et que les
représentants du peuple en cette chambre
n'auraient pas l'occasion de condamner. Pour
ma part, j'ai soutenu le principe de la nomination en opposition au principe électif,
depuis mon entrée dans la vie publique, et
je n'ai jamais hésité en présence du peuple
à dire mon opinion de a manière la lpus
formelle, et cependant je n'ai jamais trouvé
un seul comté dans le Haut-Canada, ou
une seule assemblée publique qui ait
declare sa désapprobation de la nomination la couronne, et son désir de voir
les conseillers législatifs élus par le peuple.
Lorsque le changement eut lieu, en 1865, il
n'y eut pas une seule pétition d'envoyée par
le peuple en sa faveur,—ce changement fut en
quelque sorte imposé à la législature. La
véritable raison de ce changement fut,
qu'avant l'introduction du gouvernement
responsable dans ce pays, et sous le règoc
du vieux système oligarchique, la chambre
haute faisait à la branche populaire une
guerre constante et systématique, et rejetait
toutes les mesures ayant une tendance
libérale. Le résultat fut un dans les
fameuses quatre-vingt-douze résolutions l'inauguration du principe électif dans la
chambre haute fut déclaré indispensable.
Tant que M. ROBERT BALDWIN resta dans la
vie publique on ne put y arriver, mais aussitôt
qu'il en sortit, le changement fut consommé !
Main on dit que si les membres doivent
être nommée à vie, le nombre n'en devrait
pas etre limité — que , dans le cas d'un conflit
entre les deux chambres de la législature,
on devrait avoir le pouvoir de surmonter
cette difficulté au moyen de la nomination
de nouveaux membres. Il peut se faoire que
sous le systéme britannique, dans le cas
d'une union législative, cette disposition
serait légitime, mais les hons. membres de
la chambre haute doivent voir que la limitation des membres de la chambre haute se
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trouve être la base du pacte sur lequel
repose ce projet. (Ecoutez ! écoutez !) Il est
parfaitement évident, comme l'ont très bien
démontré les représentants du Bas-Canada à
la conférence, que si on permettait que le
nombre des conseillers législatifs put être
augmenté, on leur enlèverait par là même
toute la protection qu'ils trouvaient dans
la chambre haute, mais on a dit que, tout en
ne donnant pas à l'exécutif le pouvoir d'augmenter la représentation de la chambre
haute afin de ne pas s'exposer a un conflit,
on pourrait limiter la durée du mandat des
membres nommés. J'ai été moi-même en
faveur de cette proposition, je pensais qu'il
serait bien de pourvoir à un changement plus
fréquent dans la composition de la chambre
haute, qui diminuerait le danger de voir
cette chambre composée en grande partie
d'honorables membres dont le grand âge
pourrait nuire à l'exercice efficace de leurs
devoirs publics. Cependant, l'objection qu'on
faisait à cette proposition était très forte.
On disait ceci: "supposons que vous les
nommiez pour neuf ans, quelle sera la conséquence ? Pendant les trois ou quatre dernières
années de leur service ils auront devant
les yeux l'expiration de leur mandat, et se
tourneront avec anxiété du côté du gouvernement alors au pouvoir pour obtenir la faveur
de se faire nommer de nouveau ; la conséquence sera qu'ils se trouveront entièrement
sous l'influence de l'exécutif." On a voulu
faire de la chambre haute un corps parfaitement indépendant, un corps qui serait dans
la meilleure position possible pour étudier
sans passion les mesures de cette chambre,
et défendre les intérêts publics contre toute
tentative de législation hâtive ou entachée
d'esprit de parti. On a maintenu qu'un conflit
n'était pas à craindre. On nous a rappelé
comment le système de nomination à vie a
fonctionné dans les années passées, depuis
l'introduction du gouvernement responsable ;
on nous a dit que ce dont on se plaignait
alors n'était pas que la chambre haute eut
été un corps qui entravait trop la législation et qui cherchait trop à restreindre
les
vœux populaires mais qu'au contraire elle
reflétait trop fidèlement cette opinion populaire, et il n'y a pas le moindre doute
que
telles étaient en effet les plaintes qu'on nous
formulait alors, (écoutez ! écoutez !) et j'admets facilement que s'il fut jamais
un corps à
qui nous pourrions sûrement confier ce pouvoir
que nous proposons par cette mesure de conférer aux membres de la chambre haute,
c'était le corps qui forme en ce moment le
conseil législatif du Canada. Les quarante-
huit conseillers du Canada seront choisis
parmi les membres de la chambre actuelle.
Aujourd'hui il y en a trente-quatre pour
une section, et trente-cinq pour l'autre. Je
crois que sur ces soixante-et-neuf conseillers,
il s'en trouvera quelques-uns qui préfèreront
ne pas revenir dans la vie publique, d'autres,
malheureusement, accablés par l'âge et les
infirmités, n'auront peut-être pas la force de
le faire, et il s'en trouvera d'autres enfin qui
pourront refuser de se conformer à la loi qui
régit l'éligibilité. Il est parfaitement évident
que lorsque vingt-quatre membres auront
été choisis pour le Haut-Canada et le même
nombre pour le Bas-Canada, un faible nombre
de ceux de la chambre actuelle se trouveront
à la vérité exclus de la chambre fédérale, et
j'avoue que j'espère avec assez de confiance
qu'on finira peut-être par trouver pour tous
ceux qui pourraient le désirer, une position
honorable dans la législature du pays.
(Ecoutez ! écoutez !) Et, après tout, la crainte
d'un conflit n'est-elle pas une crainte futile ?
Est-il probable qu'un corps comme celui de
la chambre haute, nommé à vie et agissant
comme il le fera sur sa responsabilité personnelle, et non sur une responsabilité
de parti, ayant comme il le devra un intérêt
profond à la prospérité du pays, et désireux
de conserver l'estime de ses concitoyens,
adopterait une ligne de conduite capable de
mettre en péril toute une organisation politique ? La chambre des pairs anglais ne
va
jamais jusqu'à résister à la volonté du peuple ;
pourquoi craindrait-on que notre chambre
haute se mît témérairement en opposition
avec le vœu populaire ? S'il est quelque
crainte que nous dussions appréhender à ce
sujet, n'est-ce pas au contraire de voir les
conseillers en venir à partager sans restriction les sentiments populaires du moment
?
Nous avons, en tout cas, la satisfaction, quant
à ce qui regarde la composition première du
conseil, de nous attendre à la voir se former
d'hommes en qui nous avons toute confiance.
Ecoutez ! écoutez !) On a prétendu qu'à
l'endroit du Bas-Canada la constitution de la
chambre haute maintient les divisions électorales d'aujourd'hui, tandis que celles
du
Haut-Canada sont abolies, et que, pendant
que les membres du Bas-Canada doivent
siéger au conseil comme représentant les
divisions où ils demeurent ou dans lesquelles
ils possèdent leur cens d'éligibilité, il en sera
tout autrement pour le Haut-Canada. Cette
90
différence de situation est exacte en tous
points, et on a dû l'accepter afin de se prêter
aux exigences de la position particulière du
Bas-Canada. Nos amis du Bas-Canada sachant qu'ils avaient à protéger des intérêts
canadiens-francais et des intérêts anglais,
ont cru que le maintien des divisions électorales actuelles sauvegarderait les intérêts
distincts de tous. De notre côté, en Haut-
Canada, nous n'avons rien vu dans tout
cela qui pût nous empêcher de les laisser
régler cette question eux-mêmes, et de
conserver leurs collèges électoraux actuels
du moment qu'ils le voulaient ainsi. En
ce qui concerne l'ouest nous n'avions aucun
intérêt spécial a protéger ;—nous n'avions
point à concilier des diversités d'origine
et de langue,—et nous sentions que les
vrais intérêts du Haut-Canada demandaient que ses hommes les plus capables
fussent envoyés au conseil législatif sans
considération du lieu de leur résidence et de
la partie du pays dans laquelle étaient situées
leurs propriétés. (Ecoutez !) Le grand défaut de la constitution américaine, son plus
grand défaut après celui du suffrage universel, est, selon moi, qu'en vertu de la
constitution les députés du peuple doivent résider
dans les collèges électoraux qu'ils représentent. (Ecoutez !) Il en résulte qu'un
homme
public—eût-il les plus rares talents et la position la plus élevée,—fût-il, dans la
vie
publique, un des plus brillants soutiens de
son pays, ne peut obtenir un siége dans le
congrès s'il n'appartient pas au parti populaire qui prédomine dans sa division à
l'époque des élections. Nous voyons sans cesse
les hommes les plus éminents de la république, les noms les plus illustres dans les
annales politiques, bannis de la législature
du pays parce qu'ils ont eu contre eux une
majorité dans la division électorale où ils
résident. Je pense que le système anglais
est bien préférable : il donne aux hommes
publics l'occasion de se former à la vie
parlementaire, en leur assurant que s'ils
se rendent dignes de la confiance publique et se font une position dans le pays, ils
trouveront toujours des collèges électoraux
à leur disposition quelle que soit leur couleur politique. (Applaudissements !) Qu'on
s'y prenne comme on voudra pour former
des hommes politiques, tel est assurément le
moyen de créer de vrais hommes d'état. Mais
on objecte encore que le cens d'éligibilité
pour les membres de la chambre haute de
l'Ile du Prince-Edouard et de Terreneuve
pourra consister en biens meubles ou immeubles tandis que dans les autres provinces
il
consiste en immeubles seulement : mais il
nous importe peu de savoir quelle est la base
du cens d'éligibilité de nos amis de l'Ile du
Prince-Edouard et de Terreneuve. En
Canada les propriétés foncières abondent,
tout le monde peut en posséder et chacun
admet que c'est la meilleure base qu'on puisse
adopter pour le cens d'éligibilité si on exige
des titres à cet égard. Mais à Terreneuve
il conviendrait peu d'établir une semblable
règle. A peine si on a commencé l'arpentage
du domaine public ; la population se compose
presqu'entièrement de traficants et de pêcheurs, et vouloir prendre la propriété foncière
comme base du cens d'éligibilité serait
exclure du conseil législatif les hommes les
plus éminents de la colonie. Une grande
étendue de l'Ile du Prince-Edouard appartient à des propriétaires non-résidants
et est affermée par les colons. Cet état
de choses a produit des dissensions très
anciennes, et i1 serait difficile de trouver des
propriétaires fonciers acceptables au peuple
comme membres de la chambre haute. N'oublions pas que pour un membre de Terre-
neuve ou de l'Ile du Prince-Edouard se
rendre à Ottawa, serait une chose bien
plus difficile pour lui que pour nous. Il
devra non seulement sacrifier son temps
mais même le confort et l'avantage de
vivre près de ses foyers ; il est donc à désirer
que nous fassions tout notre possible pour
avoir les hommes les plus distingués et les
plus indépendants de ces colonies. (Ecoutez !) On objecte aussi que les résolutions
n'indiquent pas comment les conseillers législatifs seront choisis pour le premier
parlement fédéral, cependant il ne peut exister
de doute à cet égard. L'article 14ème est
ainsi conçu :
" Les premiers conseillers 1égislatifs fédéraux
seront choisis dans les conseils législatifs actuels des diverses provinces. .....
à la recommandation du gouvernement général, et sur la
présentation des gouvernements locaux respectifs.
Or, cette clause veut simplement dire que :
les gouvernements actuels des diverses provinces choisiront dans les corps législatifs
existant alors —d'autant qu'ils trouveront
des députés capables et prêts à accepter—
les membres qui devront composer le conseil
législatif fédéral,—qu'ils soumettront les
nes noms ainsi choisis au conseil exé
91cutif de l'Amérique Britannique alors constituée—et sur l'avis de ce corps les conseillers
législatifs seront nommés par la couronne. ( Ecoutez !) Tout ceux qui ont pris
part au pacte du mois de juillet dernier ont
montré, depuis le commencement jusqu'à la
fin, un tel esprit d'impartialité que, pour ma
part, je ne doute pas un instant que pleine
justice sera rendue au parti qui pourra être
en minorité dans le gouvernement sans avoir
jamais une position analogue dans le pays ou
dans la chambre. Je fais allusion ici aux
deux Canadas.
L' HON. M. BROWN.—L`hilarité de mon
hou. ami ne m'empêchers pas de répéter mon
affirmation. J'ai toujours été présent au
conseil et a la conférence, j'ai suivi la discussion, j'ai pu pénétrer les sentiments
de
ceux qui siégeaient avec moi, et je n'ai pas
l'ombre d'un doute ne pleine justice sera
rendue dans le choix des premiers conseillers
fédéraux, non seulement a ceux qui marchent
ordinairement avec moi, mais encore aux
partisans de mon bon. ami le membre Pour
Hochelaga. (Écoutez !) Monsieur l'ORM'EUR,
je crois avoir répondu a toutes les objections
qu'on a soulevées centre le projet de constitution de la législature fédérale. Et
peut-on
y faire une objection bien fondée ? Ce projet
rend justice à. tous les partie, il remédie
aux vices du système actuel, et je suis persuadé que l'application ou sera facile
et
satisfaisante pour la grande masse du peuple.
Je vais plus loin: uand méme toutes ces
objections seraient va ables elles disparaissent
en vue des maux dont le projet nous délivre,
en vue des difficultés qui entravent jusqu'à
présent toute réforme parlementaire en
Canada. (Applaudissemeuts.) Les hon. MM.
qui épuisent leur énergie à. trouver des
taches dans la nouvelle constitution ent-ils
réfléchi un instant aux injustices eriantes qui
existent dans la constitution actuelle. Depuis
six mois l'opinion publique a fait un grand
pas en ce qui concerne la représentation d'après la population, mais où en étions-nous
une
semaine avant la formation du ministère
actuel ? Il n'y a pas longtemps que l'hon. memre pour cel (M. HILLYARD CAMERON)
proposait de donner un membre de plus au
Haut-Canada, et sa proposition fut rejetée.
Rappeles-vous qu'il n'y a que quelques
semaines, l'hon. député 'Hochelaga, (l'hon.
M. Dorion), qui dirige maintenant la croisade contre cette mesure, a déclaré publiquement
que le Haut-Canada n'avait droit
qu'à. cinq ou six membres additionnels,
et qu'avec ce nombre les haut-canadiens
serment satisfaits d'ici à bien des années.
(Ecoutez ! écoutez !) Et après avoir réfléchi
a tout cela, laissons celui qui est disposé à
critiquer cette mesure de réforme parlementaire justifier, s'il le peut, sa conduite
auprès
des mille francs-tenanciers désafi'ranchis du
Haut-Canada, qui nous demandent justice.
(Applaudissemeuts.) Pour ma part, M.
l'ORA'I'EUR, je dis, sans hésiter, que la
complète justice que cette mesure doit assurer pour toujours au peuple haut-canadien,
seulement sous le rap crt de la représentation parlementaire, fait plus que contrebalancer
tous les défauts qu'on lui prête.
(Applaudissements prolongés.) De plus,
M. l'ORATEUR le second avantage de ce
projet c'est ne dans une grande mesure il
met fin a l'injustice dont le Haut-Canada a
eu it se plaindre en matières de finance.
Nous autres haut-canadiens, nous avons en
a nous plaindre de ce que nous avions moins
de contrôle que le peuple du Bas-Canada
sur l'impôt et l'emploi des deniers publics,
et cela bien que nous eontribuions pour lus
que les trois-quarts de tout le revenu. Eh !
bien, M. l'ORATEUR, le projet que nous
avons remédie a cela. Cette absurde ligue
de séparation des provinces n'existe plus en
ce qui concerne les matières d'un intérêt
général; nous avons dix-sept membres de
les en chambre qui tiennent les cordons de
a bourse, et les contribuables du pays, partout où ils se trouvent, auront leur juste
part de contrôle sur le revenu et la dépense.
(Ecoutez ! écoutes !) Nous avons aussi eu a
nous plaindre de ce que d'immenses sommes
étaient prises de la caisse Publique pour des
fins locales du Bas-Canada auxquelles le
peuple haut-canadien n'était nullement intéressé, bien qu'il eût a en fournir les
trois
quarts, et ce projet, M. l'ORATEUR, remédie
encore a cela. Toutes les affaires locales
doivent être bannies de la législature générale ; les gouvernements locaux seront
chargés des afi'aires locales, et si nos amis du
Bas-Oanada jugent a propos de faire trop
de dépenses, eux seuls en porteront le
fardeau. (Ecouter! écoutes !) Nous n'aurons lus it nous plaindre qu'une section
fournit les fonds et que l'autre les dé suse.
Dorénavant, ceux qui contribueront éponseront, et ceux qui dépenseront plus qu'ils
ne le doivent, en supporteront la peine.
(Ecoutez ! écoutez ! Quand même nous
n'aurions qu'accompi cela, se serait deja
92
beaucoup, car si nous faisons la revue de
nos actes des quinze dernières années, je
crois que l'on admettra que l'agiotage,
exercé sur la plus grande échelle, était
local, et que nos luttes les plus violentes
ont surgi des difficultés locales qui ont
réveillé, dans chaque section, les jalousies
les plus enracinées. (Ecoutez ! écoutez !)
Quand par une section et pour des fins légitimes une somme était demandée, il fallait
donner à l'autre une somme équivalente
comme compensation, et nous y trouvions
naturellement à redire parceque cela donnait
lieu à des dépenses inutiles qui augmentaient
d'autant la dette publique ; eh ! bien, M.
l'0RATEUR, ce projet met fin à cela. Chaque
province devra elle-même juger de ses
besoins et y pourvoir par ses propres ressources. ( Ecoutez ! écoutez !) Cependant,
M. l'ORATEUR, bien qu'il soit vrai que les
affaires locales seront séparées et les dépenses
locales supportées par les gouvernements
locaux, nous avons fait exception au principe
en établissant une subvention de 80 centins
par tête qui sera prise du trésor fédéral et
accordée aux gouvernements locaux pour les
fins locales ; je ne crains pas d'admettre, néan moins, que j'eusse même aimé qu'il
en fut
autrement. J 'espère ne pas commettre d'indiscrétion en disant que j'ai été dans la
conférence l'un des avocats les plus ardents à
vouloir que les gouvernements locaux fissent
face à toutes leurs dépenses au moyen de la
taxe directe, et mon opinion fut partagée par
des libéraux de toutes les provinces. Une
seule difficulté s'opposait néanmoins à l'exécution de notre projet, difficulté qui
a fait
échouer bien des choses en ce monde, c'était
l'impossibilité de la chose. (Ecoutez !—on rit).
Nous ne pûmes faire triompher nos idées
dans la conférence pas plus que nous
l'aurions pu dans les législatures provinciales.
Nos amis du Bas-Canada ont surtout une
horreur profonde de la taxe directe, et je ne
crains pas de dire que si le projet de confédération l'eut décrétée mes honorables
amis
de la gauche eussent eu de bien plus belles
chances de lui faire de l'opposition qu'ils
n'en ont aujourd'hui. (Rires et applaudissements.) Cette répugnance n'a pas été partagée
seulement par le Bas-Canada, car toutes les
provinces du golfe l'épouvaient aussi. La
raison de tout cela vient de ce que ces dernières provinces n'ont pas un système municipal
organisé comme celui du Haut-Canada,
lequel remplit plusieurs des fonctions d'un
gouvernement, leur gouvernement faisant à
lui seul tout ce que font nos conseils municipaux et le parlement. C'est pourquoi,
leur demander d'abandonner au gouvernement fédéral les revenus de leurs douanes et
de taxer leurs populations pour le soutien
de leur gouvernement local ont été diminuer
de beaucoup les chances de succès de notre
projet. (Ecoutez ! écoutez !) Je dois dire,
cependant, que si nous ne pûmes réussir à
résoudre cette question dans le sens que je
croyais le meilleur, nous avons fait ce qui
restait de mieux à faire. Deux moyens
s'offraient à nous d'en arriver à une solution,
le premier de laisser aux gouvernements
locaux certains revenus indirects réservés
d'abord au gouvernement fédéral, le second
de distribuer aux premiers une part des
deniers perçus par ce dernier, et il fut
demandé aux représentants des divers gouvernements de nous dire quelle somme il
faudrait à chacun sous le nouveau régime.
Le chiffre fut d'abord fixé pour toutes les
provinces à environ cinq millions, montant
qu'il était impossible d'accorder. La difficulté venait de ce que quelques-uns de
ces
gouvernements sont beaucoup plus coûteux
que les autres, par suite de l'étendue du
territoire et de la décentralisation des populations,—causes qui nécessitaient par
tête, pour
le soutien des gouvernements locaux, une
somme nécessairement plus considérable que
dans les pays habités par une population
plus dense et plus compacte. Cependant,
comme toute subvention puisée dans la caisse
fédérale pour des fins locales doit être accordée
à toutes les provinces en proportion de leur
population, il s'ensuit que pour $1000 données par exemple au Nouveau-Brunswick,
nous devons en donner $1800 a la Nouvelle-
Ecosse, $4000 au Bas-Canada et $6000 au
Haut-Canada. Un tel procédé ménerait à
retirer du trésor public des sommes beaucoup
trop considérables pour les besoins des gouvernements locaux. Nous avons donc adopté
le mode suivant : nous avons formé un
comité des ministres des finances, en invitant
chacun d'eux à reviser sa liste de dépenses,
élaguant tous les services inutiles et réduisant tous les items au chiffre le plus
modeste.
Par ce moyen nous avons réduit le montant
total des subventions annuelles pour les gouvernements locaux à $2,680,000, dont le
Bas-
Canada recevra $880,000 et le Haut-Canada
$1,120,000. Mais on a dit qu'en outre de
quatre-vingts centins par tête, le Nouveau-
Brunswick recevra du trésor public, en vertu
de ces dispositions, un octroi annuel de
93
$63,000 pendant dix ans. Cela est parfaitement exact. Après avoir fait les réductions
dont je viens de parler, on s'est aperçu que
le Nouveau-Brunswick et Terreneuve ne
pourraient faire fonctionner leurs gouvernements locaux avec la subvention individuelle
qui suffirait pour toutes les autres
provinces. Les besoins du Nouveau-Brunswick exigeaient $63,000 de plus par année,
en outre de la part proportionnelle qui lui
était accordée comme aux autres provinces,
et il fallait absolument trouver cette somme
ou renoncer à voir cette province entrer dans
l'union projetée. On se demanda alors s'il
ne vaudrait pas mieux accorder au Nouveau-
Brunswick une somme annuelle de $63,000
pendant un certain nombre d'années, durant
lesquelles ses revenus pourraient s'accroître,
au lieu d'augmenter la subvention de tous les
gouvernements locaux—ce qui aurait grevé le
trésor public d'une charge annuelle de plus
de huit cent mille piastres par année.
Nous en vimmes unanimement à la conclusion que la somme requise par le Nouveau-
Brunswick était trop faible pour former
obstacle à l'union ; de plus, il était évidemment absurde d'imposer au pays un fardeau
permanent de $800,000 pour éviter, pendant
dix ans, un paiement annuel de $63,000.
C'est ainsi que le Nouveau-Brunswick a
obtenu cette subvention additionnelle de
l'aveu et avec l'approbation chaleureuse de
toutes les parties. (Ecoutez !) Je dois dire
qu'il est très-possible que le Nouveau-
Brunswick se trouve en position de pouvoir
se passer de cette somme d'argent. La chambre n'ignore pas que le gouvernement fédéral
assumera les dettes des différentes provinces,
chaque province ayant le droit de lui imposer
un montant calculé à raison de $25 par tête
sur sa population. Si la dette d'une province vient à dépasser ce chiffre, elle devra
payer au gouvernement fédéral l'intérêt de
l'excédant. Mais si cette dette reste audessous de $25 par tête, la province dans
laquelle ce fait se produira devra recevoir
du gouvernementfédéral l'intérêt de la différence entre sa dette réelle et la dette
qu'elle
a droit de faire valoir. Toutefois, ces conditions dépendent de certains travaux publics
qui, s'ils sont exécutés, élèveront la dette
au-dessus de $25 par tête. Mais s'ils ne
sont pas exécutés le Nouveau-Brunswick
aura droit à un montant d'intérêt plus
considérable sur le trésor fédéral, et ces
deniers seront appliqués à l'extinction du
montant indiqué de soixante-trois mille
piastres de subvention additionnelle. (Ecoutez !) Il ne faut pas oublier, en ce qui
regarde le Nouveau-Brunswick, que cette
province apporte a l'union de vastes chemins
de fer avantageusement exploités à l'heure
qu'il est, et dont les revenus seront versés
au trésor fédéral. (Ecoutez !) Un arrangement analogue a été jugé nécessaire pour
l'Ile de Terreneuve, dont le territoire étendu
n'a encore qu'une population éparse. Il a
été jugé absolument nécessaire d'accorder à
son gouvernement plus de quatre-vingts
centins par tête pour lui permettre de fonctionner. Mais, en considération de cette
subvention additionnelle, Terreneuve cèdera
au gouvernement fédéral ses terres de la
couronne et ses mines, et, assurément, si les
rapports des géologues sont bien fondés,
cette convention sera aussi avantageuse pour
nous que pour les habitants de Terreneuve.
Je suis persuadé, M. l'ORATEUR, que la
chambre reconnaîtra que nous n'avons pas
à nous plaindre de la répartition des subventions locales. Mais si un seul doute existait
encore dans l'esprit de quelque hon.
membre, qu'il examine les tableaux du commerce des différentes provinces, et il verra
que la grande quantité des denrées imposables, consommées dans les provinces
maritimes, prouve qu'elles n'ont, dans
ces arrangements, que de justes avantages. Il ne faut pas perdre de vue que les
$2,630,000 réparties aux gouvernements
locaux par le trésor fédéral mettront fin à
toutes les réclamations pour les besoins
locaux ; et si, par une cause quelconque, cette
somme ne suffisait pas, les gouvernements
locaux devront combler les déficits au moyen
de la taxe directe imposée à leurs populations respectives. (Ecoutez !) Certains
hons. membres du Haut-Canada ne se font
pas scrupule de gloser à propos de cette
subvention annuelle, mais qu'il réfléchissent
combien nous payons aujourd'hui et leurs
murmures s'appaiseront aussitôt. La population du Haut-Canada paie aujourd'hui
plus des trois quarts du montant prélevé
par le gouvernement général pour les fins
locales en Canada ; de plus, au lieu de
recevoir en proportion de ce qu'elle fournit,
cette population ne reçoit pas la moitié
des deniers dépensés pour les fins locales.
Ce sera tout différent dans la confédération. Nous allons nous adjoindre une
population de neuf cent mille âmes qui contribuera au revenu, par tête, autant que
les
hauts-canadiens aujourd'hui, et dans la répar
94tition des subventions locales nous recevrons
notre part d'après la population. Nous
subissons aujourd'hui un état de choses bien
différent ! (Ecoutez !) Je vous avouerai, M.
l'ORATEUR, qu'un des arguments les plus
forts pour moi, en faveur de la confédération,
est que les idées d'économie des populations
des provinces maritimes auront en parlement
la plus salutaire influence sur nos hommes
publics et sur l'administration générale de
nos finances. On trouverait difficilement un
peuple plus économe : les premiers ministres et les juges-en-chef n'y reçoivent que
£600 par an, cours d'Halifax, et le reste de la
liste civile est calculé en proportion. (Ecoutez ! ) Mais, M. l'ORATEUR, i1 y a, dans
notre
système actuel, un grand vice auquel la confédération va remédier : c'est qu'elle
assure
aux populations de chaque province plein
contrôle sur leurs affaires locales. Dans le
Haut-Canada nous nous sommes plaints de
ce que, grâce à un trop petit nombre de
représentants, un parti battu dans les élections du Haut-Canada a été, pendant des
années, maintenu au pouvoir par les votes
du Bas-Canada, et que tout le patronage
local a été réparti par des gens qui ne possédaient point la confiance du peuple.
Or
le projet actuel remédie à ces inconvénients.
Le patronage local sera sous le cotrôle local,
et les vœux de la majorité, dans chaque section, seront accomplis en ce qui regarde
les
questions locales. (Ecoutez !) Nous nous
sommes plaints que notre système d'administration des terres ne convenait pas aux
populations de l'Ouest ; que nous aurions
dû avoir le système d'octroi gratuit ; que le
prix durement exigé d'un émigrant pour un
lopin de terre n'était rien en comparaison
de l'établissement parmi nous d'une famille
active et entreprenante ; et que notre système de chemins de colonisation était loin
d'être satisfaisant. Eh bien ! le projet
d'union remédie à tout cela. Chaque province aura le contrôle de ses terres de la
couronne, de ses forêts, de ses mines, et sera
libre d'adopter à. cet égard le mode de développement qu'elle jugera le plus convenable.
(Ecoutez !) Nous nous sommes plaints que
les travaux publics locaux de diverses
espèces—tels que chemins, ponts, débarcadères, cours de justice, prisons et autres
édifices étaient effectués sans justice et sans
prévoyance. Eh bien ! la confédération
pare à ces inconvénients. Tous les travaux
locaux seront construits aux frais des localités, avec leurs fonds respectifs. Il
en est
de même de tous les détails d'administration
locale et intérieure, compris dans la nouvelle
réforme. La population du Haut-Canada
aura plein contrôle sur les affaires locales,
et ne sera plus contrainte d'envoyer un
ambassadeur à Québec pour obtenir permis- '
sion d'ouvrir un chemin, de choisir un cheflieu de comté, ou de nommer un coroner.
Mais on me dit qu'en adoptant ce principe
de mettre les questions locales sous le contrôle des gouvernements locaux, on a fait
exception en ce qui regarde les écoles communes. (Ecoutez ! écoutez !) Or, l'article
qui a donné lieu à cette plainte est ainsi
conçu :
"6. L'éducation sera laissée aux gouvernements locaux sauf les droits et priviléges
que les
minorités catholiques ou protestantes dans les
deux Canadas posssèderont par rapport à leurs
écoles séparées au moment de l'union."
J'ai à peine besoin de rappeler à la chambre
que je me suis toujours opposé et que je continuerai de m'opposer au système des écoles
sectaires en tant que subventionnées par le trésor
public. Je n'ai jamais hésité sur ce point,
et n'ai jamais compris pourquoi tous les
habitants de cette province, à quelques
religion qu'ils appartiennent, n'envoient pas
leurs enfants aux mêmes écoles communes
pour y recevoir l'enseignement des diverses
branches d'instruction. Pour moi, la famille
et le pasteur sont les meilleurs instituteurs
religieux ;—c'est pourquoi, je ne conçois as
qu'on puisse faire la moindre objection
sérieuse contre les écoles mixtes du moment
où la foi religieuse de l'enfant est respectée
et que le clergé a pleine liberté de distribuer
l'enseignement religieux aux enfants de ses
ouailles. Cependant, quoique dans la conférence et ailleurs, j'aie toujours exprimé
ces
opinions et que j'aie invariablement voté
contre les écoles publiques séparées, je dois
cependant avouer que le système d'écoles
sectaires appliqué dans des limites restreintes,
comme il l'a été dans le Haut-Canada et
circonscrit particulièrement aux villes et aux
cités, n'a causé que peu de mauvais résultats
réels. Ce que l'on a craint ç'a été la reconnaissance pratique du principe des écoles
sectaires, car on a compris que dorénavant il
pourrait en aucun temps recevoir assez
d'extension pour troubler complétement toute
l'économie de notre systéme scolaire ; sur
quatre mille écoles que l'on compte dans le
Haut-Canada, il ne s'en trouve qu'une centaine qui soient séparées et elles sont toutes
95
catholiques. Du moment que l'on reconnaît
aux cathoiliques le droit d'avoir des écoles
séparées et d'en étendre le système, on doit
également le concéder aux anglicans, aux
presbytériens, aux méthodistes et à toutes
les autres sectes. Il n'y a pas un catholique
de bonne foi qui soutienne le contraire un
moment. Ainsi donc, le grand danger que
court toute notre économie d'instruction
publique c'est d'être envahie par le système
des écoles séparées qui peut se répandre de
proche en proche jusqu'à ce qu'un beau
jour le pays s'en trouve tout couvert, c'est
de voir les intérêts de la province sacrifiés
pour faire face à pareille exigence ; car un
tel système exigeant une légion d'instituteurs ne peut avoir pour effet que de grever
le budget d'une charge énorme. Tous les
honorables députés savent que l'acte passé
par cette chambre en 1863 fut regardé
comme le règlement final de cette question
si délicate et si chaudement disputée. Je
n'étais pas à Québec à cette époque, mais si
j'y eusse été j'daurais voté contre ce bill
parce qu'il facilitait davantage l'établissement
des écoles séparées . J'avais néanmoins cette
consolation de savoir qu'il avait été accepté
par les autorités catholiques romaines et
passé par le parlement comme compromis
définif de la question dans le Haut-Canada.
Cependant, lorsqu'on proposa d'introduire
dans le projet de confédération une disposition à l'effet de reconnaître ce pacte
de 1863
comme règlement définitif, et pour que nous
n'eussions plus, comme nous y avons été
obligés depuis 1849, à rester l'arme au bras
dans l'attente de nouvelles attaques contre
notre système d'écoles communes, je trouvai
que la proposition était de nature à ne pas
mériter qu'on le rejetât inconsidérément.
(Ecoutez ! écoutez !) J'admets qu'à mon
avis cela fait tache au projet dont la chambre
est saisie ; mais c'est une des concessions
ne nous avons dû faire pour assurer l'adopt on de cette grande mesure de réforme.
Pour
ma part, je n'éprouve pas la moindre hésitation à l'accorder comme une des conditions
du projet d'union, lequel doit être doublement acceptable aux yeux des honorables
messieurs en face de moi et qui furent les
auteurs du projet de loi de 1863. (Applaudissements.) Mais on a dit que bien que
cet arrangement serait peut-être équitable
pour le Haut-Canada, il n'en était pas ainsi
quant au Bas, attendu qu'il existait des
causes dont la population anglaise avait eu à
se plaindre depuis longtemps et qu'il serait
nécessaire de faire quelques amendements
à l'acte scolaire actuel pour leur assurer
justice égale. Eh ! bien, lorsque cette
question fut soulevée, tous les partis dans
le Bas-Canada se montrèrent prêts à la
régler d'une manière franche et conciliatrice,
c'est-à-dire avec l'intention bien arrêtée de
faire disparaître toute cause d'injustice qui
pourrait exister, et c'est avec cette entente
que la clause concernant l'instruction publique a été adoptée par la convention.
M. T. C. WALLBRIDGE.—C'est détruire le pouvoir des législatures locales que
de légiférer sur ce sujet.
L' HON. M. BROWN.—J'aimerais à savoir
où est le pouvoir que l'hon. monsieur a de
légiférer aujourd'hui sur ce sujet ? Qu'il
présente un projet de loi pour annuler le
pacte de 1863 et pour révoquer les actes des
écoles sectaires du Haut-Canada, et il verra
combien il aura de votes en sa faveur. Sur
les 180 membres de cette Chambre, en trouve-
rait-il 20 qui voulussent voter pour sa mesure ?
Si l'hon. monsieur eut lutté comme moi pendant quinze ans pour empêcher le système
scolaire du Haut-Canada d'être envahi
davantage par l'élément sectaire, il aurait
bientôt senti la nécessité d'accepter un compromis aussi modéré. Et que dit l'hon.
monsieur quant a laisser la population anglaise
du Bas-Canada sous le pouvoir illimité de la
législature locale ? Les écoles communes
du Bas-Canada ne sont pas comme celles du
Haut : ce sont presque toutes des écoles
catholiques romaines, mais non sectaires.
Est-ce que l'hon. monsieur voudrait que les
protestants du Bas-Canada se prévalussent
des institutions catholiques romaines ou
qu'ils laissassent leurs enfants sans instruction ? (Ecoutez ! écoutez ! applaudissements.)
Je suis encore en faveur e ce projet, M.
l'ORATEUR, parce qu'il va mettre fin à la
discorde du Haut et du Bas-Canada. Il fait
disparaître la ligne de démarcation entre les
provinces, en ce ni concerne les affaires
générales du peuple ; il nous met tous au
même niveau, et les membres de la législature
fédérale se reuniront enfin comme citoyens
d'un même pays. Les questions qui d'ordinaire excitaient entre nous les sentiments
les plus hostiles sont enlevées à la législature
générale et soumises au contrôle des corps
locaux. Personne maintenant n'aura plus
à craindre l'insuccès dans la vie publique
pour la raison que ses vues, populaires dans
sa section, ne l'étaient pas dans l'autre, car
il n'aura plus à s'occuper de questions parti
96culières a une section ; et les occasions pour
le gouvernement de faire de la propagande en
flattant les préjugés locaux seront grandement
diminuées si elles ne disparaissent pas entièrement. Qu'est-ce qui a fait que dans
ces dernières années, des hommes, reconnus dans une
section comme éminemment capables, fussent
totalement impopulaires ? Ce n'a pas été
nos vues sur le commerce, l'immigration, la
colonisation des terres, les canaux, le tarif,
ni sur aucune autre des grandes questions
d'un intérêt national. Non, M. l'ORATEUR,
c'est à notre opinion quant au principe d'affecter des deniers publics à des fins
locales, telles
que la confection de chemins locaux, de
ponts ou de quais,—quant à la constitution en
corporations d'institutions ecclésiastiques,—à
l'octroi de deniers pour des fins sectaires,—à
l'intervention dans notre système scolaire, et
à d'autres causes analogues auxquelles on
peut principalement attribuer les discordes
du Haut et du Bas-Canada—que nos hommes
publics, les plus fidèles aux vues d'une section, doivent d'être impopulaires dans
l'autre.
Le jour où cette mesure deviendra loi, sera
un des plus heureux pour le Canada, car tous
les sujets de discorde seront bannis de la législature. (Ecoutez !) Mais, M. l'ORATEUR,
je
suis encore en faveur de ce projet, parce
qu'il fait disparaître les doutes que nous
entretenions sur la stabilité de notre condition (mouvements prolongés d'adhésion
et
applaudissements ironiques de l'hon. M.
HOLTON). J'entends l'hon. député de Chateauguay s'écrier (écoutez ! écoutez !) d'un
singulier ton de crédulité ; mais il est
le dernier qui devrait avoir quelques doutes
à ce sujet. N'a-t-il pas reconnu depuis déjà
des années la nécessité absolue de changements constitutionnels pour rétablir en
ce pays la paix et la prospérité ? N'a-t-il
pas lutté lui-même pour en arriver là ?
Est-il resté étranger aux sentiments d'hostilité et d'animosité qui ont envahi cette
chambre et tout le pays ? N'est-il pas un
des signataires du rapport de mon comité
de la dernière session dans lequel nous déclarions qu'une union fédérale était la
seule
solution de nos troubles politiques et
constitutionnels ? Est-ce que l'hon. député
serait sous l'impression que ce malaise
n'était pas connu aux Etats-Unis et que
ceux-ci n'espéraient pas toujours voir l'annexion s'accomplir une année ou l'autre
?
Peut-il douter un moment que nos discordes
soient restées ignorées en Angleterre et
n'aient pas fait sentir leur influence maligne
sur les capitalistes et les émigrants ? Croit-il
qu'à l'étranger comme ici on n'a pas compris
que le Haut-Canada achevait de rester courbé
sous le joug qu'on lui imposait, et que personne ne pouvait dire ce qui arriverait
si les
relations futures des deux sections du pays
ne subissaient pas des modifications essentielles ? Aussi, lorsqu'il nous sera donné
de voir la mesure actuelle votée,—la justice
faite aux deux provinces, tout le monde
placé sur un pied égal, les intérêts locaux
abandonnés au contrôle de chaque localité,
les dépenses locales supportées par chacun,—
est-ce qu'il n'en résultera pas pour tous un
sentiment de sécurité et de stabilité que nous
avons cessé depuis longtemps de connaître et
dont nous n'aurions pu jouir sous l'état actuel
des choses ? (Aplaudissements.) Au point
de vue canadien, au point de vue de la
[?]
tion des maux existants, je n'hésite pas à
dire, M. l'ORATEUR, que le projet qui nous
est aujourd'hui soumis est le remède sage et
efficace qui fera disparaître les griefs et les
injustices dont souffre la province depuis si
longtemps. (Applaudissements.) J'irai plus
loin, et je dis que quand même toutes les
objections que l'on a soulevées contre notre
projet d'union avec les provinces maritimes seraient vraies à la lettre, je n'en voterais
pas moins son adoption, parce que je le
regarde comme le prix d'une mesure
de réforme constitutionnelle en Canada,—
mesure aussi juste que complète. (Applaudissements.) Mais, M. l'ORATEUR, loin que
les objections que l'on apporte au projet de
confération soient fondées, loin que l'union
avec les provinces du golfe soit un obstacle à
cette mesure je trouve que c'est le couronnement de tout l'édifice. (Applaudissements
redoublés.) Je n'ai pas la prétention, M.
l'ORATEUR, d'avoir, pendant les dernières
années, plaidé l'union immédiate des colonies
de l'Amérique Britannique. Je sentais
bien et j'ai toujours dit que tel était l'avenir
certain de toutes ces colonies ; nul homme
d'état ne songera à le nier. Mais j'ignorais
si le moment favorable était arrivé. Je
connaissais peu les provinces maritimes et
leurs populations ; les négociations relatives a
l'union devaient être, selon moi, difficiles et prolongées, et je n'osais voir dans
une mesure si
éloignée et tellement incertaine un remède
pratique aux vices constitutionnels qui
gagnaient de plus en plus du terrain en
Canada, remède que notre législature pouvait appliquer seule et immédiatement.
Mais aujourd'hui, M. l'ORATEUR, tout est
97
changé, les circonstances ne sont plus du tout
les mêmes. Un changement notable s'est
opéré en Angleterre au sujet des relations
des colonies avec la mère-patrie.—Les Etats-
Unis sont devenus une grande puissance
guerrière, nos relations commerciales avec
cette république sont sérieusement menacées
et tout citoyen de l'Amérique Britannique
doit aujourd'hui résoudre d'une manière
pratique le problème suivant : " comment
agir dans les nouvelles relations que nous
allons contracter ? Devons-nons continuer
une lutte séparée ou nous unir cordialement
pour étendre notre commerce, développer
les ressources de notre pays et défendre
notre territoire ? " Mais il y a plus : depuis
la dernière session un grand nombre des
membres ici présents ont eu des renseignements tout nouveaux sur les provinces maritimes.
Nous avons visité et
examiné ces pays, nous nous sommes mis
en rapport avec leurs habitants et nous avons
trouvé en eux une population intelligente
habituée à une vie active et frugale ;—nous
avons étudié leur administration publique
et cet examen a été satisfaisant ;—nous
avons discuté avec leurs hommes d'état un
plan d'union et nous n'avons constaté aucune
difficulté insurmontable à ce projet dont
l'application ne demande aucun retard. Nous
n'avions jamais examiné la question au point
de vue d... nous pouvons le juger aujourd'hui, et, si la chambre veut bien me le
permettre je crois pouvoir lui soumettre des
arguments inattaquables, établissant que
l'union de toute l'Amerique anglaise doit
être acceptée promptement et sans nulle
répugnance par toutes les provinces. (Applaudissements.) M. l'ORATEUR, la première
raison pour laquelle je suis en faveur de
l'union des colonies anglaises de l'Amérique
est que cette union fera de plusieurs
colonies dont l'attitude isolée est peu
imposante, un grand peuple, une forte
nation. (Applaudissements.) Les populations réunies du Canada, de la Nouvelle-
Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terre-
neuve et de l'Ile du Prince-Edouard forment
un total de près de quatre millions d'âmes.
Sur les quarante-huit royaumes qui comporent l'Europe, onze seulement ont une
population plus considérable que celle de ces
colonies réunies (Ecoutez !) ; de ces derniers, trois ont des populations si peu
supérieures à la nôtre qu'avant le prochain
recensement, en 1871, notre population sera
égale à celle du neuvième royaume d'Europe.
( Ecoutez ! ) En 1864, les revenus publics des
provinces unies se sont élevés à $13,260,000
et leurs dépenses à $l2,507,000. Ces chiffres
peuvent sembler forts, néanmoins les taxes
de l'Amérique Britannnique,—en supposant
même que nos charges actuelles ne diminuent
pas,—et, à mon avis, cette réduction est
assurée,—seront, par tête, de un tiers de
moins que celle de l'Angleterre et de la
France. Il n'y a, en Europe, que cinq
ou six pays où la taxe individuelle soit
moindre que la nôtre, et ce ne sont que des
principautés sans importance et où la civilisation est peu avancée. (Ecoutez !) Les
importations et exportations des provinces
unies formaient, en 1863, les totaux suivants :
Importations ................... |
$70,600,963 |
Exportations . . . . . . . |
66,846,604 |
Commerce total ....... |
$137,447,567 |
Je désirerais, M. l'ORATEUR, rappeler à
mes honorables auditeurs le fait qu'en 1793,
c'est-à-dire, plusieurs années après que les
Américains eurent conquis leur indépéndance
et formé un gouvernement à eux, le chiffre
de leurs importations et exportations ne
s'élevait pas au tiers du nôtre en ce moment.
(Applaudissements.) En Europe même, on
trouve peu d'Etats, même parmi ceux qui
ont une population plus considérable que
celle de ces provinces qui peuvent se vanter
d'avoir un commerce aussi considérable que
le nôtre, (Ecoutez ! ) Quant à nos ressources
agricoles, je trouve que le gouvernement de
nos colonies a concédé à des particuliers
l'énorme quantité de 45,638,851 acres,
dont 13,128,229 seulement sont en culture,
et 82,510,625 acres restent à défricher.
Ces quarante-cinq millions d'acres sont tous
des terres choisies, la plupart, l'ayant été
dans les premiers temps de la colonie ; c'est
pourquoi, si nos produits agricoles sont si
considérables aujourd'hui que ne seront-ils
pas lorsqu'il y aura trente-deux millions
d'acres de plus en culture ? Que ne seront-ils
pas lorsque les immenses étendues de terres
possédées aujourd'hui par le gouvernement seront peuplées de courageux colons ?
(Ecoutez !) La valeur des produits agricoles
de l'Amérique Britannique du Nord s'élève,
d'après le recensement de 1861, à $120,000,000 : —en ajoutant à ce chiffre les produits
des jardins et les travaux faits par les
colons sur les terres nouvelles, il sera facile
de porter à $150,000,000, la valeur des produits réels de notre agriculture, (Ecoutez
!
98
écoutez !] On a estimé à $550,000,000, en
1861 la valeur cotisée, et non la valeur réelle,
de nos métairies ou terres cultivées. [Ecoutez.]
Si je passe ensuite aux ressources minérales
des provinces unies, quel vaste champ pour
l'industrie que les grandes houillères de la
Nouvelle-Ecosse, que les mines de fer des
autres provinces, que les régions cuprifères
si riches des lacs Huron et Supérieur et des
cantons de l'est du Bas-Canada, et que les
mines d'or de la Chaudière et de la Nouvelle-
Ecosse ! Faites parcourir maintenant à votre
imagination les immenses espaces compris
entre nos frontières de l'extrême ouest jusqu'aux montagnes rocheuses, et dites moi
quelles sources de richesses inépuisables ne
renferment pas ces solitudes presque infinies,
en fourrures, en mines de toute espèce et
en fertilité native ? [Ecoutez ! écoutez !]
Mais il est encore un autre élément de prospérité que nous ne devons pas laisser passer
sous silence ; on rapporte que le président des
Etats-Unis a récemment déclaré que le produit des sources de pétrole de ce pays
pourra à lui seul payer en six ans toute la
dette nationale de la république. Eh ! bien,
M. l'ORATEUR, nous aussi nous avons des
sources d'huile et tous les jours nous apprenons qu'on en découvre de nouvelles
(Ecoutez ! écoutez !); si nos voisins peuvent
avec cette ressource acquitter la dette énorme
qu'ils doivent, ne pouvons-nous pas espérer
que le revenu provenant de notre industrie
ne sera pas augmenté par l'exploitation de
nos terrains huiliers ? [Ecoutez ! écoutez !]
Une autre branche considérable de l'industrie britannique américaine, c'est le commerce
des bois de construction. En 1862, nos moulins a scies ont fabriqué rien moins ne
772,000,000 de pieds de bois, et le total des
exportations de cet article s'est élevé à quinze
millions de piastres. [Ecoutez ! écoutez !]
L'importance des intérêts manufacturiers des
provinces augmente aussi rapidement ; les fabriques d'instruments aratoires, les filatures
de laine et de coton, tanneries et fabriques de
chaussures, fonderies et laminoirs, manufactures de lin et moulins à papier, et beaucoup
d'autres industries profitables exploitées sur une
grande échelle s'établissent parmi nous avec
une vigueur étonnante. [Ecoutez ! écoutez !]
A tout cela nous pouvons ajouter nos 2,500
milles de voies ferrées, 4,000 milles de télégraphe, et le plus beau système de navigation
artificielle du monde, qui je l'espère, sera
sous peu amélioré de beaucoup. (Applaudissemenents.) Ce sont la, M. l'ORATEUR, quelques exemples du spectacle qu'offrira l'industrie britannique américaine lorsque l'union
sera un fait accompli, et jemande à n'importe
quel député si avec cette union nous n'occuperons pas une position marquante aux yeux
de l'univers, et si notre prestige ne sera pas
mille fois supérieur à celui que nous exerçons
comme provinces séparées. (Ecoutez ! écoutez !) Quand ceux qui se proposent d'émigrer
en Amérique connaîtront les pêcheries et les
ressources minières de la Nouvelle-Ecosse,
l'étendue de la construction navale au Nouveau-Brunswick, le commerce de bois du Bas-
Canada et la prospérité agricole du Haut,
quand ils apprendront que toutes ces richesses
et beaucoup d'autres sont à la portée des
populations de l'Amérique Britannique,
quand ils sauront sur quelle échelle se fait
le commerce avec les pays étrangers, ils
seront naturellement portés à venir parmi
nous. Je suis persuadé que cette union
inspirera une nouvelle confiance dans notre
stabilité et exercera l'influence la plus avantageuse sur toutes nos affaires. Je
suis
persuadé que cette union fera monter nos
fonds, attirera vers nous des capitaux et
assurera l'exécution de toutes les entreprises
utiles ; ce que j'ai vu en Angleterre, il y a
quelques semaines, suffirait pour me convaincre de tout cela. Partout, se manifestait
dans toutes les classes de la société, la satisfaction avec laquelle la nouvelle du
projet de
confédération avait été reçue ! tout le monde
s'intéressait à son succès. Je citerai un
fait particulier. Peu avant le mois de novembre dernier, nos fonds avaient considérablement
baissé, l'hon. ministre des finances
en a donné la raison l'autre soir, parceque
la guerre menaçait nos frontières, l'avenir de
la province semblait très-incertain et on
craignait de nous voir en difficultés avec nos
voisins. Nos débentures à cinq pour cent
baissèrent jusqu'à 71, mais le jour où les
résolutions que nous discutons en ce moment
parvinrent en Angleterre ils montèrent de
71 à 75. Ces résolutions furent publiées
dans les journaux de Londres avec les commentaires les plus élogieux, et l'effet fut
tel
sur l'opinion publique que les valeurs canadiennes montèrent de 75 à 92. (Ecoutez
!)
L'HON. M. BROWN.—Je répondrai tout
à.l'heure à la question de l'hon. membre.
Nos fonds ont monté de 17 pour cent à la
publication des détails du projet. Or, je
déclare que rien ne prouve plus clairement
99
quel effet cette union peut avoir sur notre
position dans le monde politique. (Ecoutez !)
L'hon. membre pour Chateauguay demande
" pourquoi nos fonds ont baissé depuis ; " je
vais le lui dire: ils sont restés à 91 ou 92
jusqu'à la nouvelle qu'une excursion était
partie du Canada pour ravager les Etats-
Unis, que les maraudeurs avaient été
arrêtés, amenés devant un tribunal canadien, et que sur des objections purement techniques,
non-seulement ils avaient
été libérés, mais que l'argent volé aux
banques des Etats-Unie avait été remis
aux voleurs. L'effet de cette nouvelle, conjointement avec l'ordre du général DIX,
fut
de faire baisser une fonds de 11 pour cent
dans un seul jour. (Ecoutez !) Mais, comme
me le suggère mon hon. ami le ministre des
finances, c'est une nouvelle preuve en faveur
de l'argument que je soutiens, car cette
excursion n'aurait pas eu lieu si toutes les
provinces avaient été unies, comme elles se
proposent de le devenir, non-seulement pour
des fins commerciales, mais pour leur commune défense. (Ecoutez !)M. l'ORATEUR,
un second motif pour lequel je suis fortement
en faveur de l'union est qu'elle fera disparaitre les barrières commerciales qui nous
séparent et nous ouvrira un marché où se
rencontreront librement quatre millions
d'hommes. (Ecoutez !) N'est-ce pas au libre
échange d'un état à un autre que les Etats-
Unis doivent le merveilleux progrès matériel
qui les distingue ? N'est-ce pas la vaste
étendue de leur marché national qui a fait
progresser si rapidement toutes les branches
d'industrie en créant une demande illimitée
pour tous les produits de consommation journalière et stimulant ainsi l'activité et
l'énergie des producteurs ? Je vous avoue, M.
l'ORATEUR, que cette seule idée d'ajouter
près d'un million de consommateurs a notre
population actuelle fait disparaitre pour moi
toutes les objections de détail qu'on a soulevées contre le projet d'union. En face
des
avantages qui vont en résulter pour nos agriculteurs et nos fabricants, que deviennent
les
spécieuses considérations financières que les
hons. membres de la gauche sont allés
chercher dans leur imagination ? Toutes les
nations du monde ne demandent qu'a étendre
leurs domaines, elles dépensent des sommes
considérables et soutiennent parfois des
guerres prolongées pour acquérir de nouveaux territoires encore inexplorés et inhabités.
(Ecoutez !) Certains pays emploient
tous les moyens pour diriger l'émigration
vers leurs côtes: passages gratuits, concessions gratuites de terrains, provisions,
outils,
tout est fourni a l'émigrant. Nous-mêmes
avons des agences importantes d'immigration,
et nous sommes satistaits quand nos dépenses
annuelles considérables ont amené parmi nous
quinze ou vingt mille colons. Or, M. l'ORATEUR, il s'agit d'une proposition qui, en
un
jour, ajoutera à notre population un million
d'âmes et à notre domaine de riches territoires
en nous donnant de plus tous les avantages
d'un commerce étendu et prospère dès à
présent. Et, parceque certains d'entre nous
voudraient voir de légers détails réglés différemment, nous hésiterions a accepter
cette
alliance ! (Ecoutez !) Les hons. membres
ont-ils oublié que les Etats-Unis payèrent
vingt millions en or pour voir la Louisiane
incorporée à la république lique ? Et qu'était la
Louisiane pour les américains comparativement a l'importance des provinces maritimes
pour le Canada ? Une question : si les
Etats-Unis nous offraient aujourd'hui l'Etat
du Maine, quelle somme ne donnerions-nous
pas pour réaliser cette précieuse addition a
notre territoire ? (Ecoutez !) Je pourrais
faire la même question au sujet du Michigan, de l'Iowa et du Minnesota ; ces
Etats, il est vrai, forment partie d'un pays
étranger, ma s voici qu'un peuple sujet du
même souverain que nous, aimant la même
patrie, ayant les mêmes lois et les mêmes
institutions, les mêmes mœurs, les mêmes
sentiments, veut s'unir avec nous pour les
fins commerciales, pour la défense de notre
commune patrie, et pour aider au développement de nos vastes ressources, et nous
hésitons à accepter cette offre ! Aujourd'hui,
qu'un canadien aille à la Nouvelle-Ecosse ou
au Nouveau-Brunswick, il se trouve en pays
étranger et la même chose est vraie pour les
habitants de ces deux provinces qui voyagent
en Canada La douane vous arrête aux
frontières, vous retarde et vous fait payer
les droits, or, en quoi consiste le projet
actuel ? On nous propose de renverser toutes
ces barrières, on veut que le citoyen d'une
des provinces soit citoyen de toutes les
autres ; on veut que nos agriculteurs, nos
fabricants, nos artisans, puissent placer librement leurs produits dans chaque ville
et
villages des provinces maritimes, et que les
habitants de ces provinces apportent librement à notre population de trois millio
s,
leur poisson, leur charbon et les produits des
Indes Occidentales; on propose que les cours
de justice, les écoles, les carrières libérales
100
ou industrielles soient également ouvertes à
tous. (Ecoutez ! écoutez !) En troisième
lieu, M. l'ORATEUR, je demande la confédération parce qu'elle nous rendra la troisième
puissance maritime du monde ; je
recommande ce point aux hon. membres de
l'opposition. (Ecoutez ! écoutes !) Quand
cette union sera accomplie, deux pays seulement, l'Angleterre et les Etats-Unis, auront
une influence maritime supérieure à la nôtre.
En 1863, non moins de 628 navires ont été
construits dans l'Amérique Anglaise, et ce
chiffre représente non moins de 230,312
tonneaux. (Ecoutez ! écoutez !) (Ci-suit le
tableau de ces constructions:
|
VAISSEAUX. |
|
TONNAUX |
En Canada....... .... |
158 |
avec.... |
67,209 |
A la Nouvelle-Ecosse. . . . |
207 |
" ..…. |
46,862 |
Au Nouveau—Brunswick… |
137 |
" .... |
85,260 |
A l'Ile du Prince-Edouard. |
100 |
" ...... |
24,991 |
A Terreneuve ............... |
26 |
" .... |
6,000 |
Total . ......... |
628 |
........ |
230,312' |
Maintenant, M. l'0RATEUR, en 1861,—
l'année qui précèda la guerre civile— tous
les navires construits dans le vaste pays des
Etats-Unis qui compte 30 millions d'habitants, n'ont donné collectivement que 233,193
tonneaux, seulement trois mille tonneaux
de plus que les provinces britanniques
américaines. (Ecoutez ! écoutez !) Je n'hésite pas à affirmer que si le peuple de
l'Amérique Anglaise s'unit cordialement pour
favoriser les intérêts de la navigation et de la
construction des navires, il ne s'écoulera que
peu d'années avant que nous surpassions nos
.voisins dans cette branche lucrative d'industrie. (Applaudissements)
L'HON. M. HOLTON. — Des navires
construits durant cette année, combien nous
en reste-il maintenant ?
L'HON. M. BROWN.—De ceux construits
en 1861 par les Américains, combien leur en
reste-il ? Pourquoi mon hon. ami se plaît-il
autant à décricr l'industrie de son pays ? Si
nous n'avons pas les navires, c'est que nous
les avons vendus, que nous en avons reçu le
prix et que nous sommes prêts à en construire
de nouveaux. En 1863, nous avons vendu
des navires construits par nos ouvriers pour
la forte somme de 89,000.000 en or. (Applaudissements.) Mais si mon hon. ami de
Chateauguay veut bien le permettre, je vais
l'endoctriner au sujet de la propriété des
navires.
L'HON. M. BROWN.—Ah ! mon hon.
ami n'a pas besoin qu'on l'instruise, eh ! bien,
voudrait-il nous dire le tonnage des navires
que possède actuellement l'Amérique Anglaise ?
L'HON. M. HOLTON.—Je sais que la
plupart des navires dont parle mon hon. ami
pour démontrer que nous allons devenir une
grande puissance maritime, ont été vendus
à l'étranger. Construire des navires est une
bonne chose et les vendre en est une meilleure, mais cela ne prouve pas ne nous
soyions une grande puissance maritime.
L'HON. M. BROWN.—Mon hon. ami
sait bien que gâteau mangé ne compte plus
dans la huche Si nous avons reçu 89,000.000
pour une partie des navires qu'on a construit en 1863, il est clair que nous ne peuvons
avoir aussi ces derniers. Il ne faut pas
être bien savant pour trouver cela. (On rit.)
Mais je vais faire connaitre le nombre de
navires possédés en ces provinces. J 'ai en
main un état des navires possédés et enregistrés dans l'Amérique Anglaise, lequel
embrasse les dates les plus récentes, et je
vois que réunies, les provinces n'ont rien
moins que 8,580 navires, représentant non
moins que 932,246 tonneaux.
L'HON. M. BROWN.—Pourquoi donc
mon hon. ami est-il aussi enclin à tout déprécier ? C'est donc un fait bien déplorable
que de posséder des navires de rivière ?
Personne mieux que lui ne sait quand il
faut vendre et acheter, et si je ne fais pas
erreur, il a été un temps où mon hon. ami
ne trouvait pas mauvais d'être propriétaire
de navires et de vapeurs sur nos lacs et
rivières. (Ecoutez ! écoutez ! et rires.) Me
tromperais-je si je croyais qu'il a gagné la
fortune qu'il a su se faire, dans le commerce
des lacs ? et lui appartient-il, par pur esprit
de parti, de déprécier une branche aussi
importante de notre industrie nationale ?
Qu'importe où le navire vogue, s'il est bon et
solide, et parmi tous ces bâtiments il s'en
trouve un si grand nombre qui sont à vapeur
que leur valeur peut étre avantageusement
comparée à celle des navires de mer. Le 31
décembre
101
|
NAVIRES |
TONN'X. |
1864, le Canada avait...…. .... |
2,311 |
. . 237,187 |
1863, la Nouvelle-Ecosse ......... |
3,539 |
.. 309,554 |
1863, le Nouveau-Brunswick... . |
891 |
. . 211,680 |
1863 l'Ile du Prince-Edouard. . |
360 |
. . 34,603 |
1863, Terreneuve ................... |
1,429 |
..39,603 |
Total ..... |
8,530 |
932,246 |
Il est bien vrai, M. l'ORATEUR, que les
Etats-Unis ont une marine marchande beaucoup plus considérable que celle-ci, et que
celle de la Grande-Bretagne l'est encore
davantage, mais il est de même également
vrai que le pays qui figure au troisième rang
sous ce rapport c'est la France ; et qui, malgré ses trente-cinq millions d'habitants,
un
grand commerce étranger, et de vastes côtes
maritimes, sa marine marchande ne compte
que 60,000 tonneaux de plus que l'Amérique
Anglaise ( Ecoutez ! écoutez !) En 1860, cette
marine de la France ne donnait que 996,124
tonneaux. Je dis donc que même en fait de
navires, la confédération britannique américaine occupera dès le début une place marquante
parmi les états maritimes du monde,
et lorsque tous ses navires hisseront un
pavillon distinctif à côté des couleurs nationales de l'Angleterre, il y aura peu
de mers
sur lesquelles il ne flottera pas. Laissez-moi
mentionner ici un fait dont j'ai eu connaissance pendant mon récent séjour dans les
provinces d'en-bas, un fait d'une grande
importance et dont nous profiterons, je
l'espère, nous dont le pays est situé plus à
l'intérieur. J'ai appris qu'à l'exemple des
îles britanniques, un système d'entreprise à
fonds social pour la construction de navires
existait dans plusieurs parties des provinces
maritimes. Des navires s'y construisent et
y sont navigués au moyen de petites souscriptions, c'est-à-dire par des seizièmes,
trente-deuxièmes ou soixante-quatrièmes de
part, et toutes les classes du peuple
peuvent ainsi exploiter cette industrie dans
la mesure de leurs moyens. La plupart des navires ainsi construits sont
vendus, mais une partie qui va chaque
année en augmentant, est exploitée pour le
commerce et avec profit par les constructeurs à fonds communs. ( Ecoutez ! écoutez
!)
J'ai été aise de m'entendre dire que ces
clippers, dont en entend souvent parler
comme faisant des voyages extraordinaires
de la Chine, des Indes et de l'Australie aux
ports anglais, étaient des navires construits
et possédés au Nouveau-Brunswick d'après
le système d'entreprise à fonds social.
( Ecoutez! écoutez !) Voilà pour les propriétaires et constructeurs de navires ; voyons
maintenant quelle sera la force des provinces
unies sous le rapport des marins. Selon le
recensement de 1861, le nombre des matelots
et pêcheurs se décompose ainsi :
En Canada…...........…. |
5,953 |
A la Nouvelle-Ecosse .......... |
19,637 |
Au Nouveau-Brunswick.......... |
2,765 |
A l'île du Prince-Edouard… .. . . |
2,318 |
A Terreneuve........... |
38,573 |
Total… .. |
69,256 |
Qu'on envisage cette statistique au point
de vue de l'industrie, de notre force comme
puissance maritime, ou de notre défense dans
le cas de besoin, ce fait seul que l'Amérique
Anglaise aurait une force combinée de 70,000
marins me semble parler beaucoup en faveur
de l'union. ( Ecoutez ! écoutez !) Jetons à
présent un regard sur le produit du labeur
d'une partie de ces hommes,—les pêcheurs.
D'après les états les plus récents que j'ai pu
me procurer, je vois que le produit collectif
de nos côtes maritimes et lacs, pour les
années désignées, donnent les chiffres suivants :
Haut-Canada, 1859 .............. |
$ 380,000 |
Bas-Canada, 1862.….… . . . . . |
703,895 |
Nouvelle-Ecosse, 1861. ........ . |
2,072,081 |
Nouveau-Brunswick, 1861.… |
518,530 |
Terreneuve, 1861 ...... . . . . . |
6,317,730 |
Total |
$10,022,236 |
(Ecoutez ! écoutez ! ) Je n'ai pu trouver
aucune estimation concernant l'Ile du Prince
Edouard, mais je pense que pour cette province la somme peut être portée à environ
$200,000 au moins ; mais peu importe quel
soit le chiffre de cette dernière, il n'en est
pas moins vrai que dans aucune partie de
l'univers le commerce des pêcheries n'est
aussi grand que le serait celui des provinces
unies. Et il va de soi que ces estimations
sont très éloignées du chiffre réel, car il est
bien entendu que les inspecteurs de pêcheries n'ont pu insérer dans leurs rapports
la
quantité de poisson pris par les particuliers
pour leur propre usage. ( Ecoutez ! écoutez !)
Remarquons aussi combien est grande la
part des pêcheries dans le commerce des provinces à l'étranger . Ci-suit le tableau
de ces
exportations en 1863 :
102
Du Canada . . . . . . ....................... |
$ 789,913 |
De la Nouvelle-Ecosse. . . ..... |
2,390,661 |
Du Nouveau-Brunswick (1802).......... |
303,477 |
De Terreneuve. . . . ............ |
4,090,970 |
De l'ile du Prince-Edouard… |
121,000 |
Total des exportations . . .... . |
$7,696,021 |
Ajoutez à cette somme neuf millions de
piastres reçues la même année pour les nouveaux navires, et nous aurons $16,696,021
pour les exportations du poisson et la vente
de nos navires à l'étranger. (Ecoutez ! écoutez !) Avec ces faits devant nous, qui
ne sont
que le résultat d'un commerce partiellement
développé, ne pouvons-nous pas sans crainte
en augurer de meilleurs, lorsque par un mouvement énergique et combiné une nouvelle
impulsion aura été donnée à ces industries
importantes ? Mais il reste encore une plus
forte comparaison à établir. Le ministre des
finances a abordé ce sujet hier soir, mais il
a à peine rendu justice à notre position, car
il a exclu totalement notre navigation intérieure. Je veux parler de l'état relatif
aux
navires entrant dans nos ports et en sortant
chaque année. Chacun comprend, comme de
raison, que ces entrées et sorties de nos ports
sur les lacs sont répétées maintes et maintes
fois dans les rapports. Le cas est le même,
par exemple, pour les bateaux passant entre
les rives américaines et canadiennes, qui
transportent des passagers et de petites quantités de marchandises. Il serait injuste
d'inscrire le tonnage de ces bateaux chaque fois
qu'ils entrent dans un port ou qu'ils en
sortent au chapitre du commerce étranger.
On compte néanmoins un grand nombre de
navires engagés dans le commerce intérieur,
et le fret entre les deux pays est très considérable ; le seul moyen convenable est
de
constater le mouvement de la navigation
intérieure et celui de la navigation océanique. C'est ainsi qu'en 1863, on trouve
que
le tonnage entre le Canada et les ports
étrangers s'est élevé aux chiffres suivants :
|
Entrée. |
Sortie. |
Total. |
Canada..... |
1,041,309 |
1,091,895 |
2,133,204 |
Nouvelle-Ecosse .... |
712,939 |
719,915 |
1,482,854 |
Nouveau-Brunswick . |
659,258 |
727,727 |
1,386,985 |
Ile du P.-E, 1862 ...... |
69,080 |
81,208 |
150,288 |
Terreneuve..…. ...... |
4 156,578 |
148,610 |
305,188 |
|
2,689,184 |
2,709,355 |
5,408,519 |
Navigation intérieure. Canada .................... |
3,538,701 |
3,363,482 |
6,907,133 |
Tonnage total... |
6, l77,865 |
6,137,737 |
12,315,652 |
Or, M. l'ORATEUR, les Etats-Unis occupent
la même position que nous au sujet de la
navigation intérieure ; comme nous ils la comprennent dans leurs tableaux officiels.
Quelle
différence croyez-vous qu'il existe entre leur
tonnage et le nôtre ? La voici ;—le leur est
de seize millions et le nôtre de douze, c'est-
à-dire qu'il n'y a pas quatre millions de différence entre les deux pays, (Ecoutez
! écoutez), et qu'ils ont une avance sur nous de
soixante-dix ans. Le chiffre total du tonnage
de la France ne donne pour une seule année
que 8,456,784 tonneaux, ou quatre millions
de moins que les provinces anglaises de l'Amérique du Nord. N'aurons-nous pas raison,
une fois la confédération accomplie, de nous
compter comme la troisième puissance maritime du monde entier, et ne pourrons-nous
pas espérer de nous élever encore plus haut
quand les jours de jeunesse de ce pays seront
passés pour faire place à ceux de la force et
de la virilité ? Je demande a mes hons.
auditeurs de vouloir bien réfléchir sur l'effet
que devront produire ces chiffres lorsqu'ils
seront ainsi alignés dans nos rapports officiels
de commerce en comparaison de tous ceux
des grands pays maritimes. Est-ce qu'ils
n'auront pas pour effet de fortifier notre
position à 'étranger ? Ne nous donneront-ils
pas de l'influence et du poids aux yeux du
monde entier lorsqu'on apprendra que l'Amérique Anglaise entre pour une part si considérable
dans le commerce du globe ? Si mes
hons. auditeurs considèrent l'importance
essentielle qu'il y a pour le Canada, à cause
de sa position géographique, d'exercer une
juste influence sur le contrôle d'un intérêt
maritime aussi précieux, ils en viendront à
la conclusion qu'ils sont méprisables les
arguments dont on s'est servi pour amoindrir
les avantages de l'union. (Applaudissements.) En quatrième lieu, je suis en faveur
d'une union des provinces parce qu'elle
donnera un nouvel essor à l'immigration en
ce pays. Elle nous mettra en évidence de
nouveau, attirera l'attention sur les ressources de notre sol et fera prendre la route
de nos rivages a un flot d'immigration plus
considérable ne tout ce que nous avons eu
auparavant. J'étais en Angleterre lorsque la
nouvelle fut rendue publique des évènements
qui se préparaient en Canada et je pus être
témoin de l'impression favorable qu'elle y fit.
De fait, vous ne pouviez faire un pas à l'étranger, vous ne pouviez aller nulle part
dans aucune classe de la société où il s'agissait du Canada ou des provinces anglo-américaines
sans
entendre parler de la confédération projetée
avec presque de l'enthousiasme. C'est pour
103quoi j'affirme qu'il ne faut pas retarder le
projet, mais le pousser avec vigueur et le
voter en plus tôt. Je n'hésite pas à dire
non plus qu'il donnera une nouvelle et forte
impulsion à entreprises industrielles, qu'il
fera ouvrir nos terres et diminuera les frais
de transport de nos produits aux ports océaniques. Une fois l'union consommée, j'espère
que nous aurons une nouvelle immigration
et un nouveau système de colonisation, que
nous saurons exactement la quantité de terres
ne nous possédons afin d'en remettre la
liste entre les mains de chaque immigrant,
que les prix insignifiants que nous avons
exigés jusqu'ici cesseront de l'être et qu'aux
colons de bonne foi, à ceux qui viennent
s'établir au milieu de nos forêts avec leurs
familles, il ne sera rien demandé autre chose
qu'une résidence de quelques années et un
certain montant d'améliorations au sol.
L'HON. M. HOLTON. — Malheureusement pour votre argumentation, les terres
appartiendront aux gouvernements locaux.
L'HON. M. BROWN.—Tant mieux ; car
mon hon. ami aura l'administration de ses
terres dans le Bas-Canada et nous nous aurons
la nôtre. Et puisque l'occasion s'en présente,
je dirai qu'il est peu d'hommes doués d'un
peu de clairvoyance dans le Haut-Canada
qui ne croient pas qu'il soit plus avantageux
de profiter de l'industrie d'un colon sur 100
acres de terre qui lui ont été donnés gratuitement que d'en retirer $150, laquelle
obligation
l'obsède et le tourmente peut être plusieurs
années tout en retardant le progrès du pays.
C'est de cette question de l'immigration que
dépend, suivant moi, le succès futur du grand
projet que nous discutons en ce moment. En
effet, il n'y a pas de problème social, politique ou financier que présente cette
union
qui ne trouve sa solution la plus naturelle
ans un accroissement considérable de l'immigration. Plus notre population sera nombreuse
plus seront grandes nos productions,
plus s'accroîttront nos exportations et plus
nous pourrons développer les ressources de
ce pays. Plus il y a de contribuables, plus ils
sont nombreux et plus aussi les taxes sont
légères. Est-ce que la véritable solution du
probléme de la défense de ce pays ne se
trouve pas toute entière dans la question de
l'immigration ? Peuplons nos terres incultes,
doublons notre population et nous nous trouverons par ce moyen en état de repousser
promptement et efficacement tout envahisseur qui ôserait fouler notre sol dans un
but
hostile. (Ecoutez ! écoutez !) Cette question
de l'immigration m'amène naturellement à
parler des territoires du Nord-Ouest (Econtez !
écoutez !). Les résolutions que nous discutons en ce moment reconnaissent la
nécessité
immédiate de mettre ces grands territoires
sous la confédération et de les ouvrir à la
colonisation. Mais on me dit que pendant
que la construction du chemin de fer inter-
colonial fesait partie du projet comme condition indispensable, on avait semblé reléguer
dans l'oubli l'ouverture du grand ouest et
l'élargissement de nos canaux : rien de plus
injuste qu'une telle assertion. Voyons ce
que déclarent les résolutions :-
" Le gouvernement général devra faire compléter sans délai le chemin de fer intercolonlal,
de la Rivière-du-Loup à Truro, dans la Nouvelle-
Ecosse, en le faisant passer par le Nouveau-Brunswick."
" La convention considère les communications
avec les territoires du Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au développement
du commerce du Grand-Ouest avec la mer comme étant
de la plus haute importance pour les provinces
confédérées, et comme devant mériter l'attention
du gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra l'état des finances."
On le voit, la confédération est engagée à
s'occuper de ces deux entreprises. Je doute
s'il y avait dans la conférence un seul homme
qui n'envisageât l'ouverture des territoires
du nord-ouest et l'amélioration de notre
système de canaux comme étant tout autant
de l'intérêt des provinces maritimes que du
Haut-Canada. L'un d'entr'eux a été jusqu'à
prétendre que celles là étaient encore plus
intéressées, parcequ'elles voulaient expédier
leurs produits dans l'ouest, qu'elles avaient
autant besoin que nous d'un pays situé à
l'intérieur et qu elles visaient à être l'entrepôt
de ce grand territoire. La seule différence,
honorables messieurs, qu'il y ait dans la solution des deux questions est celle-ci,
à savoir :
que tandisque la première devra être
réglée sur le champ la seconde le sera aussi-
tôt que le permettra l'état des finances.
Nul doute que cela est exact et en voici la
raison, c'est que l'argent est déjà trouvé
pour le chemin de fer intercolonial. L'on
doit savoir que l'administration MACDONALD-
SICOTTE, consentit à construire le chemin
de fer intercolonial et obtint la garantie impériale pour les bons nécessaires à l'entreprise,
de sorte que les fonds sont disponibles
à un faible intérêt. Nous savons où trouver
l'argent à un taux raisonnable pour nos ressourses et nous pouvons immédiatement
commencer un ouvrage que la confédération
104
rend absolument nécessaire. Mais nous
n'avons pas les mêmes garanties pour l'autre
grande entreprise. D'accord avec tous les
membres de la conférence et comme avocat
toujours chaleureux de l'ouverture des vastes
régions de l'ouest, et de l'agrandissement de
nos canaux, j'ai cru qu'il serait de la dernière imprudence de signer un document
par
lequel il serait déclaré qu'à tout risque, et
au moment où nos bons étaient cotés à 75
ou 80 pour cent, nous commencerions, sans
différer un instant, aucune grande entreprise
publique. (Ecoutez !) Les hons. membres
de l'opposition ont tort de croire que les
trente-trois délégués à la conférence étaient
autant de charletans. Ce qui est dit dans
les résolutions a été délibérement adopté, en
donnant aux mots leur sens véritable et sans
nulle «intention d'en imposer à personne.
Les deux entreprises seront commencées
aussitôt que l'état de nos finances le permettra et l'on verra que les membres du
cabinet,
tant du Haut que du Bas-Canada, ont agi
avec le sincère désir d'appliquer dans son
vrai sens tout l'ensemble du projet.
L'HON. M. BROWN.—Lors de mon
dernier voyage en Angleterre, je fus chargé
de négocier avec les autorités impériales
pour l'ouverture des territoires du Nord-
Ouest. Dans quelques jours seront soumis
à la Chambre des documents à ce sujet
et l'on verra alors si le gouvernement
est sérieux sur ce point. M. l'ORATEUR,
les hons. MM. qui formaient la conférence de Québec ne se sont pas mis à
l'œuvre avec la mesquine idée de leur avantage personnel, mais avec un sens profond
de la grandeur de leur mission et un sincère
désir de rendre à tous justice, persuadés, en
outre, que ce qui serait à l'avantage d'une
des sections profiterait nécessairement à
l'union entière. (Applaudissements. ) J'ai
toujours cru que l'ouverture du Nord-Ouest
était une entreprise chère à mes hons. amis
du Bas-Canada. Il y a quelques années,
alors qu'on agitait cette question, j'étudiai à
fond cette vie du Nord-Ouest ; j'eus occasion
de lire les intéressantes relations des voyages
dans le Nord-Ouest aux temps anciens, et
l'histoire des luttes pour la prédominance
commerciale dans les vastes regions des
pelleteries. Une impression m'est restée
de ces lectures, c'est que les canadiens-
français ont encore droit d'être fiers du
rôle qu'ils ont joué dans les aventures
de cette époque. Rien peut-être n'a
plus contribué à leur donner un caractère national que les habitudes vigoureuses,
la patience, l'aptitude aux expéditions lointaines qu'ils ont acquises dans l'ouest
en faisant le commerce des pelleteries. (Ecoutez !)
C'est donc à juste titre qu'ils attendent avec
anxiété la réalisation de cette partie du projet
dans le ferme espoir que le trafic du Nord-
Ouest sera ouvert encore aux hardis traiteurs et voyageurs canadiens. (Ecoutez ! )
L'an dernier, la compagnie de la Baie d'Hudson a exporté de ce territoire pour £280,000
strg. ($l,400,000) de fourrures qui ont été
passées en contrebande par les régions glaciales de la Baie James, afin de faire durer
quelque temps encore le préjugé que l'aridité
du pays et les difficultés de la route rendent
impossible le transport des marchandises par
la voie naturelle du St. Laurent. Mais le
transport de ces marchandises en traversant
notre territoire devra avant peu se faire
comme au bon vieux temps ( Ecoutez !
écoutez !) ; et quand les vastes et fertiles
plaines du territoire de la Saskatchewan
seront ouvertes à la colonisation et à la culture, je suis persuadé ne nos ressources
agricoles seront considérablement augmentées et,
de plus, que ces régions vont nous offrir des
richesses minérales et autres dont aujourd'hui nous n'avons même pas idée. (Ecoutez
!)
A propos d'immigration, je ne saurais trop
représenter à cette chambre que les provinces maritimes sont généralement appréciées
d'une manière très-désavantageuse en ce qui
concerne leurs ressources respectives. Quand
un Européen veut émigrer vers l' Amérique
du Nord il prend des renseignements spéciaux
sur le Nouveau-Brunswick, l'Ile du Prince-
Edouard, la Nouvelle-Ecosse, le Haut et le
Bas-Canada. Si, d'aventure, il rencontre un
citoyen de ces provinces, ce dernier lui fait
un tableau enchanteur des richesses de sa
section au grand détriment de toutes les
autres ; le pauvre homme quitte son interlocuteur en n'emportant qu'une masse d'idées
confuses. Au contraire, s'il veut émigrer à
la Nouvelle-Galles-du-Sud ou à la Nouvelle-
Zélande il ne peut consulter qu'un rapport officiel, et on lui offre de payer son
passage. Un grand nombre d'émigrants et
les fonds qu'ils emportent avec eux sont ainsi
dirigés vers un pays beaucoup plus lointain
et qui n'offre pas les mêmes avantages que
l'Amérique du Nord. Mais combien les cho
105ses seront différentes lorsque toutes les provinces seront unies et offriront à l'émigrant
une si grande variété d'industries lucratives !
En feuilletant certaines statistiques des
Etats-Unis, j'ai découvert un curieux calcul
fait par le gouvernement de ce pays au sujet
de l'immigration. D'après le recensement de
1861, la population des Etats-Unis dépassait
trente millions ; dans le calcul dont je viens
de parler on voulait savoir ce que serait
devenue la population sans immigration
et laissée à son accroissement naturel. Or,
voici la solution du problême : si les Etats-
Unis avaient reçu des émigrants jusqu'en
1820 et cessé d'en avoir alors, au lieu de
trente millions, la population serait aujourd'hui de 14,601,485. (Ecoutez !) Si l'immigration
avait cessé en l810 la population ne
serait aujourd'hui que de 12,678,562 ; si
l'immigration avait cessé en 1800 la population actuelle serait de 10,462,944 ; et
si elle
s'était arrêtée en 1790, au lieu de trente
millions d'habitants les Etats-Unis n'en
compteraient aujourd'hui que 8,789,969.
(Ecoutez !) Voilà, M. l'ORATEUR, des faits
précieux qui doivent donner à. réfléchir à
tout citoyen de l'Amérique Britannique. Si
nous désirons le progrès du pays nous devons
tout mettre en oeuvre pour attirer les émigrants vers nous ; et je ne vois pas de
meilleur moyen d'atteindre ce but que d'unir ces
cinq provinces et de nous présenter aux yeux
du monde dans l'attitude avantageuse que
nous aurons nécessairement une fois unis.
(Applaudissements.) Mais, en cinquième
lieu, M. l'ORATEUR, je suis en faveur de la
confédération parce qu'elle nous mettrait à
même de voir sans alarmes l'abrogation du
traité de réciprocité au cas où les Etats-Unis
insisteraient sur cette abrogation. (Écoutez !)
Je crois le gouvernement américain trop
sage pour abroger ce traité. Mais il est
toujours bon d'étre préparé aux éventualités,
et je n'hésite pas a dire que s'il le révoque
et que notre confédération de l'Amérique
Britannique existe, notre commerce trouvera
un débouché tout aussi avantageux que celui
que nous avions sur les marchés des Etats.
Jamais jusqu'ici je n'ai osé faire cette assertion, car je sais combien est grande
la tâche
de changer en un jour les relations commerciales d'un pays comme celui-ci. Lorsqu'une
fois le commerce a pris une direction particulière, toute déviation de cette voie
embarrasse pour un temps les hommes d'affaires
et est pour eux en particulier la cause de
dommages sérieux dont toute la société se
ressent quelquefois. En 1847, le Canada a
subi un changement analogue, et l'effet sera
le même en 1866 qu'en 1847, si le traité de
réciprocité est aboli. Nos intérêts agricoles
étaient précédemment sauvegardés par la législation protectrice de la Graude-Bretagne,protection
qui disparut soudainement en
1847. Nous en avons souffert sérieusement
pendant quelques années, mais dégré par
degré de nouvelles voies furent ouvertes à
notre commerce ; le traité de réciprocité fut
négocié, et depuis 1847 nous avons été plus
prospères que jamais nous l'avions été auparavant, et je suis persuadé qu'il en sera
de meme si le traité de réciprocité est aboli.
Ce traité a été pour nous incontestablemement
profitable,—mais il l'a été davantage pour
les américains,—cependant, s'il devait finir
dès demain, nous en souffririons certainement—je suis convaincu que le résultat définitif
serait l'ouverture de nouveaux marchés
étrangers pour nous aussi avantageux, et sur
lesquels nous pourrions asseoir notre commerce sur des bases aussi solides qu'à présent.
Un examen minutieux du fonctionnement
du traité de réciprocité a amené la découverte de faits d'une importance vitale quant
au mérite de la question, et desquels on n'a
jamais vu que des orateurs ou écrivains
américains aient fait la moindre mention.
En parlant du traité, nos voisins ne font que
nous demander quels sont les articles qu'ils
importent du Canada et quels sont ceux que
nous prenons chez eux. Toute leur argumentation se résume à l'achat et à la vente
de denrées au Canada. Ils se gardent bien
de souffler mot de ce qu'ils achètent et
vendent aux provinces maritimes ; ils ne
disent rien de l'immense commerce de transport dont ils ont le monopole par toutes
ces
provinces ; rien de l'immense revenu qu'ils
retirent de nous par notre trafic sur leurs
chemins de fer et canaux, et rien non plus
des immenses bénéfices qu'ils retirent en
faisant la pécbe dans nos eaux, et que le
traité leur assure. (Ecoutez ! écoutez !) Non,
M. l'ORATEUR, on ne les entend parler que
des importations et exportations du Canada,
ils gardent le silence sur toutes les autres
parties du traité, Mais on ne doit pas perdre
de vue que si le traité est aboli et que cette
union se réalise, la cessation de la réciprocité
avec le Canada signifiera également que la
réciprocité cesse avec toutes les provinces
de l'Amérique anglaise ; que le droit pour
les américains de pêcher dans nos eaux
cesse, que leur droit à l'usage de nos canaux
106
cesse, et de même quant à la navigation du
St. Laurent. Cela impliquera aussi que nous
retirerons de leur mains le lucratif commerce
de transport qu'ils font actuellement pour
nous. (Ecoutez ! écoutez !) Il faut également
se rappeler que la grande quantité de produits agricoles que les Etats-Unis se procurent
chez nous n'est pas pour leur
consommation, car la plus grande partie
est achetée pour être expédiée sur les
marchés de la Grande-Bretagne et des
Indes Occidentales. (Ecoutez ! écoutez !)
Il se font les simples agents à commission et les expéditeurs dans ces transactions
desquelles ils retirent d'immenses bénéfices.
Mais il a plus : une grande portion de ces
achats dont ils font tant de parade est destinée a l'exportation dans les provinces
maritimes de l'Amérique Britannique du Nord ;
de cette façon, ils accaparent tous les profits
du transport a l'intérieur et des droits de
commission. (Ecoutez !) Les tableaux du
commerce des provinces du golfe indiquent
que les américains non-seulement envoient
une grande partie de leurs produits agricoles
dans ces provinces, mais encore une portion
considérable de ce qu'ils tirent du Canada,
ayant ainsi le double avantage de diriger le
trafic, en traversant les Etats-Unis, vers la
côte de l'océan et vers les provinces maritimes. (Ecoutez !) J'ai ici une liste des
articles que les provinces maritimes ont
achetés des Etats en 1863 et qu'elles
auraient pu se procurer au Canada. Je
n'en donnerai pas lecture pour ne pas
retenir trop longtemps la chambre, mais les
membres qui le désirent peuvent la consulter. En résumé, les provinces ont acheté
pour
$4,447,207 de céréales, et pour $669,917 de
viande fraîche et salée, et le total des produits
qu'elles auraient pu avoir chez nous à des
conditions beaucoup plus avantageuses s'élève à plus de sept millions de piastres.
(Ecoutez !) Les américains auront par conséquent à réfléchir qu'en abrogeant le traité
de réciprocité ils perdront non seulement ces
sept millions de piastres qu'ils reçoivent aujourd'hui pour leurs produits mais tous
les
bénéfices du commerce de transit. Or, si
l'union se réalise, ces produits suivront la
voie naturelle du St. Laurent au grand
avantage de nos cultivateurs et de l'accroissement de notre commerce maritime. (Ecoutez
!) Jusqu'à présent les américains ont eu
une large part de notre commerce de transit ;
ils nous apportent nos marchandises, même
les produits de l'industrie européenne ; ils
ont transporté nos produits en Europe et
dans les provinces maritimes ; or, un des caractères les plus importants de cette
union est
que, dans nos relations commerciales avec les
Etats-Unis, ce sera désormais dent pour dent
et œil pour œil, et que nous réussirons à
arrêter ces extravagances et à faire prendre
à notre commerce le cours naturel de nos
grandes communications par eau. Loin de
moi l'idée de recommander un système commercial prohibitif, au contraire l'avenir
de
notre pays demande impérieusement le libre
échange. Demain je serais prêt a ouvrir
librement aux Etats-Unis tous nos marchés et
toutes nos voies de communication par eau,
mais à la condition qu'ils en fissent autant.
Mais si, malgré les avantages évidents qu'ils
retirent du traité de réciprocité, ils viennent
nous dire que, par un sentiment hostile, ils
sont déterminés à y mettre fin,— je regretterais du fond du coeur que les Etats-Unis
fissent
un si mauvais usage de la liberté qu'ils
viennent d'acheter si chèrement ;—mais, en
même temps, je trouve que nous avons un
système, un bon système à nous pour parer
aux vexations qu'ils nous préparent. Je dirai
quelques mots de l'abrogation de ce traité en
ce qui concerne les pêcheries américaines.
En 1851 des navires américains, représantant un tonnage total de 129,014 tonneaux,
faisaient la pêche sur nos côtes, mais en 1861,
sous l'opération du traité de réciprocité ce
tonnage s'était élevé a 192,662 tonneaux,
c'est-à-dire une augmentation, dans dix ans,
de 68,000 tonneaux ou de 50 pour cent.
(Ecoutez !) L'abrogation du traité nous rendra tout le bénéfice de cette augmentation
et
plus que cela parce qu'il sera bien difficile
à braconner sur nos pêcheries lorsque
toutes les provinces-unies seront déterminées
à protéger le golfe. Les pêcheries peuvent
prendre un développement que nul ne saurait prévoir aujourd'hui. Mais songeons
un instant à la quantité de poisson que
prennent dans nos eaux les pêcheurs américains et ceux des autres nations, songeons
à nos avantages actuels, et il devient évident qu'en encourageant avec unanimité ce
commerce, nous pouvons lui faire prendre
un accroissement considérable. (Ecoutez ! )
En résumé, M. l'ORATEUR, je conclus que
si le traité de réciprocité avec les Etats-
Unis est abrogé, et si nous sommes forcés
de trouver de nouveaux débouchés pour
notre commerce, l'union nous offre des avantages désirables à cet égard, et toute
opposition qu'on peut faire à ce projet est en
107
face de ces faits de la dernière insignifiance.
(Ecoutez !) Mais sixièmement, M. l'ORATEUR, je suis en faveur de la confédération
parce qu'en cas de guerre elle mettra les
colonies à même de mieux se défendre, et de
prêter à l'empire une assistance plus efficace
que si elles restaient isolées. Je ne suis
pas de ceux pour qui la guerre est un cauchemar de toutes les nuits ; je ne crois
pas
qu'il soit nécessaire d'armer ce pays sur une
très-grande échelle ; je n'ai jamais douté
que le courage militaire ne soit essentiel
dans de certaines bornes à l'existence d'un
grand peuple, mais j'ai pensé que le moment n'est pas arrivé où le Canada doit, en
toute sûreté , prendre le soin de sa propre
défense ; je crois que tant que nous sommes
en paix et que la mère-patrie nous couvre
de son égide, nous devons cultiver nos
champs, croître en nombre et en force, en
attendant le jour où nous pourrons sans
crainte rencontrer nos ennemis face à face.
Mais on admettra,——et inutile ici de fermer
les yeux à l'évidence,—que cette question
des défenses a, depuis deux ans, pris un aspect
tout nouveau. Le temps est venu,—et peu
importe en ceci quel soit le ministère au
pouvoir en Angleterre,——où l'Angleterre
exigera que ses relations militaires avec une
grande colonie comme le Canada soient
réglées sur de nouvelles bases. En cela, je
l'admets, elle a raison. On dira que dans
certaines demandes qu'on nous a faites on
n'a pas toujours tenu compte de notre position, et que ces demandes qu'on ne nous
permettait pas de discuter dans leurs details,
n'étaient ni justes ni opportunes. Sur ce
point je crois que lorsqu'une colonie est
sortie des difficultés premières et est en voie
assurée de progrès et de prospérité, il est
juste et raisonnable qu'elle songe à payer sa
part des frais de défense. Mais dans quelles
proportions ? C'est une grave question qui
demande à être discutée comme celle de
savoir quels secours une colonie peut réclamer de la mère-patrie en cas de guerre,—et
certes c'est sur ce terrain que le gouvernement impérial désire se placer pour régler
la question. (Ecoutez !) Je suis sûr qu'on
ne nous demandera que ce qui est juste et
les populations du Canada sont prêtes à l'accorder. (Ecoutez !) Dans mes conversations
avec les hommes publics des différents partis
en Angleterre, lors de mon dernier voyage,
je constatai que quelques-uns pensaient que
l'union du Canada avec l'Angleterre faisait
courir à la mère-patrie le danger d'une
guerre avec nos puissants voisins, et que le
système colonial imposait à la métropole des
charges aussi lourdes qu'injustes, —d'autres,
en plus grand nombre, pensaient que nous
n'avons pas mis assez d'énergie et de spontanéité dans l'organisation de nos milices,—
mais pas un seul, dans aucun camp politique,
n'hésita à déclarer qu'en cas d'une invasion
du Canada, l'honneur de la Grande-Bretagne
serait mis en jeu, et que toutes les forces de
l'empire devraient alors voler à notre secours.
(Ecoutez ! écoutez !) Mais à cette déclaration invariable et pleine de sens se trouve
jointe cette autre que nous sommes obligés
de contribuer aux charges de la défense en
temps de paix comme en temps de guerre,
non seulement cette province mais toutes les
colonies anglaises. Qui ne sait que l'empire
des Indes supporte maintenant tous les frais
de son administration militaire,—et que les
colonies d'Australie ont convenu de donner
£40 sterling par chaque soldat que la métropole y envoie ? Cette ligne de conduite
va
s'établissant graduellement,—et qu'il y ait
union ou non, chacune des colonies de
l'Amérique peut et doit s'attendre à se
voir obligée de partager dans la défense de
l'empire. Est-ce qu'on oserait nier la justice
d'un tel procedé ;—est-que que des colonies
aussi importantes que celles-ci ne devraient
pas d'enorgueillir de l'accepter et de s'y
soumettre de bonne volonté ? (Applaudissements.) C'est mon intime conviction que rien
n'est plus loin des idées du peuple canadien
que cette pensée de vouloir que l'Angleterre
se taxe pour lui rendre service ; c'est pourquoi, la question suivant moi se présente
sous la forme suivante :—" cette part que le
Canada et les autres provinces devront
prendre, dans un avenir assez proche, à la
défense de l'empire, sera-t-elle plus efficace
venant d'un seu peuple entreprenant, énerique, uni, que de cinq ou six petites populations
fractionnées entr'elles ?' (Ecoutez !
écoutez !) La réponse ne souffre pas d'objections. Mais, d'un autre côté, il n'y a
pas
que nos nouvelles relations avec la métropole
qui nous fassent un devoir de porter une
partie du fardeau de la défense, nos propres
relations avec la république voisine, relations
qui elles aussi ne sont plus les mêmes, nous y
obligent. Je ne suis pas de ceux qui croient
que les américains ont la moindre envie de
nous attaquer, et que le premier usage qu'ils
sont pour faire de leur nouvelle liberté sera
l'invasion d'une province paisible qui ne leur
a donné aucune raison d'en agir ainsi. Au
108
contraire, je pense qu'ils seront rassasiés de
la guerre pour longtemps, et qu'une lutte du
genre de celle qu'ils auraient à soutenir avec
l'Angleterre est la dernière qu'ils voudraient
probablement entreprendre. Mais cela n'empêche pas que le meilleur moyen d'éviter
la
guerre, c'est de s'y préparer. (Ecoutez !
écoutez !). Les américains sont devenus un
peuple guerrier :—ils possèdent de grandes
armées, une marine puissante, des approvisionnements immenses et le carnage de la
guerre a été sans alarmes pour eux ;—leurs
frontières se couvrent de travaux de fortifications, et à moins de vouloir rester
à leur
merci, il est de notre devoir de mettre le
pays sur un pied de défense. Qu'il y ait une
guerre ou non, nous ne pouvons plus hésiter
à protéger le pays par un système de défenses. L'on commence à découvrir que nos
frontières ne sont pas protégées et qu'il est
impossible de les défendre ; aussi, rien d'étonnant que le capitaliste s'en alarme
et que
l'immigrant n'ose, dans sa frayeur, venir
s'établir parmi nous. C'est pourquoi, même
en considérant la question de notre défense
au point de vue commercial, chacune des
colonies devra se hâter de chercher une
solution par des mesures promptes et énergiques. Quel moyen plus efficace et plus
économique d'atteindre ce résultat que l'union
proposée ? (Ecoutez! écoutez !) J'ai déjà
prouvé que la confédération nous donnerait
70,000 matelots capables de défendre nos
côtes de la mer et des lacs, voyons maintenant quelle serait la force militaire de
la
confédération sous un autre point de vue.
D'après le recensement de 1861, le nombre
d'hommes en état de porter les armes dans
l'Amérique anglaise se présente comme suit,
savoir:-
Hommes de 20 a 60 ans dans le |
|
|
|
Haut-Canada. |
308,955 |
" " |
Bas-Canada. |
225,620 |
" " |
la Nouvelle-Ecosse. |
67,367 |
" " |
le Nouveau-Brunswick. |
51,625 |
" " |
Terreneuve. |
25,532 |
" " |
l'ile du Prince-Edouard. |
14,819 |
|
Total .................. |
693,915 |
Avec une armée composée d'un nombre
aussi considérable d'hommes, avec des travaux de fortifications érigés sur les points
les plus saillants, et avec l'aide des troupes
anglaises qui viendraient à notre secours, qui
pourrait douter que nous ne puissions repousser avec succès l'invasion de notre sol
? En
septième lieu, M. l'ORATEUR, je suis en faveur
de cette union parce qu'elle nous donne accès
à la mer en toutes saisons. (Ecoutez ! écoutez !) Personne ne niera que la position
du
Canada, séparé comme il l'est de la mer
pendant tout l'hiver, soit loin d'étre avantageuse ;—mais supposez que les Etats-Unis
mettent à exécution leur menace insensée
d'abolir le système d'entrepôt en vertu
duquel nos marchandises traversent leur
pays en franchise, et notre position devient
encore plus embarrassante. De leur côté,
les provinces maritimes se trouvent tout-à-
fait séparées de nous :—or, la confédération
aura pour effet d'obvier à ces graves difficultés, et par le chemin de fer intercolonial
de nous assurer, en tout temps, un accès à la
mer à travers le territoire anglais. (Ecoutez ! écoutez !) J'avoue que comme entreprise
commerciale le chemin de fer intercolonial n'ait pas une grande valeur ;—il
peut avoir plusieurs défenseurs comme
ouvrage militaire : mais dans le cas d'une
union entre les provinces il devient d'une
nécessité absolue. (Ecoutez ! écoutez !) On
n'aurait que ce seul argument à faire valoir
en sa faveur, qu'il est la conséquence de la
confédération, que je serais prêt à en voter
la construction. On ne peut trop priser les
avantages qu'il donnera aux provinces maritimes ;—c'est ainsi qu'il fera d'Halifax
et de
St. Jean les ports océaniques de la moitié
de ce continent, qu'il assurera avant long-
temps à Halifax l'établissement d'une ligne
de vapeurs partant tous les six jours pour
un point rapproché des côtes de l'ouest de
l'Irlande, et qu'il fera affluer vers les
provinces d'en-bas un flot de voyageurs et
d'immigrants qui sans lui n'y seraient jamais
venus. Il me serait facile, M. l'ORATEUR,
d'accumuler ainsi pendant des heures arguments sur arguments en faveur du projet,
mais je m'aperçois que j'ai déja trop abusé de
la bonne volonté de la Chambre (cris :—non !
non ! continuez), et qu'il me faut terminer.
Je crois néanmoins avoir donné assez de
raisons pour convaincre tout homme de bonne
foi, et animé du désir de l'avancement de son
pays, que cette chambre doit voter avec unanimité et enthousiasme " l'union, toute
l'union et rien que l'union !" Avant de
reprendre mon siège, je ne puis cependant
résister à l'envie de répondre à une ou deux
objections générales que l'on a soulevées
contre le projet ; je vais le faire le plus
brièvement possible. Et d'abord, on a prétendu que l'union aurait dû être législative
au lieu d'être fédérale. S'il est une question
109
sur laquelle des hommes voulant sincèrement
le même but peuvent différer honnêtement
d'opinion, c'est bien celle-ci :—mais pour
ne parler que de la mienne, je crois que la
conclusion à laquelle on en est venu est la
plus sage. En effet, pour continuer l'union
législative actuelle, il nous eut fallu continuer
aussi le système actuel et injuste des taxes
pour les fins locales et nous résigner comme
par le passé aux petites guerres de province
à province. Est-ce que l'on peut croire qu'il
eut été possible à un corps d'hommes siégeant
à Outaouais d'administrer avec efficacité et
sagesse les affaires de paroisse de la Rivière-
Rouge, de Terreneuve et de tout le pays
intermédiaire ? Songez seulement à la difficulté de faire venir de si loin les personnes
chargées de faire passer une loi pour
former une ligne de division ou pour consttituer un club en corporation. Et même,
si cela était à désirer, serait-il possible à un
corps délibérant de s'acquitter de travaux
aussi nombreux ? Le parlement impérial, M.
l'ORATEUR, avec ces 650 membres, siége
pendant huit mois de l'année, et quand même
le nôtre siégerait trois ou quatre mois, comment pourrait-il parvenir à expédier mille
on douze cents mesures dont il serait saisi ?
L'année entière ne suffirait pas, et dans ces
colonies, quel est celui qui peut sacrifier tout
son temps aux devoirs de la vie publique ?
Mais il est une autre raison pour laquelle
l'union ne peut être législative : il eut été
impossible de la faire adopter. (Ecoutez ! écoutez !) Il fallait ou accepter une
union fédérale ou abandonner la négociation. Non seulement mes amis du Bas-
Canada étaient contre, mais les délégués
des provinces maritimes l'étaient aussi ;
nous n'avions pas à choisir, il fallait
l'union fédérale ou rien ; mais le projet
devant nous offre tous les avantages d'une
union législative joints à ceux d'une fédération. Nous avons mis à la charge des localités
toutes les questions que l'expérience nous a
appris à connaître comme étant de nature à
créer les jalousies et les discordes, et confié
au gouvernement général tous les pouvoirs
propres à assurer une administration efficace
des affaires publiques. (Ecoutez ! écoutez !)
En laissant au gouvernement général la nomination des juges et létablissement d'une
cour d'appel centrale nous avons assuré
l'uniformité de la justice par tout le pays.
(Ecoutez ! écoutez !) En conférant au gouvernement général le pouvoir de nommer les
lieutenants-gouverneurs et le droit de veto
sur toutes les mesures locales, nous avons
assuré qu'aucune injustice ne serait commise
sans appel de la législation locale. (Ecoutez !
écoutez !) Pour tout ce qui concerne les relations avec le gouvernement impérial et
les
pays étrangers, nous avons revêtu le gouvernement général des pouvoirs les plus amples.
Et finalement, toutes les affaires concernant
le commerce, les banques, le cours monétaire, et toutes les questions d'un intérêt
général ont été confiées sans restriction au
gouvernement général. En fait, la mesure
est exempte des défectuosités des systèmes
législatif et fédéral, et ne contient que ce
qu'il y a de bon dans les deux, de sorte que
je suis persuadé qu'elle sera efficace et satisfaisante pour tous. (Ecoutez ! écoutez
!)
Cependant, M. l'ORATEUR, l'on dit que la
mise à effet de ce projet de fédération va
donner lieu à des dépenses énormes. Sur
ce point, ce serait très inconsidéré de ma
part ou de celle de toute autre personne que
d'affirmer que les dépenses ne seront pas
considérables, car chacun sait qu'il dépend
de ceux qui l'administrent qu'un gouvernement soit peu ou beaucoup dispendieux ; or,
j'ai l'espérance que celui-ci, loin d'être plus
dispendieux que le système actuel, si l'on
use de la discrétion ordinaire, permettra de
faire immédiatement une économie considérable ; et une chose certaine, c'est qu'il
sera
totalement impossible de le rendre plus
dispendieux que ne l'est le système qui nous
régit présentement. (Ecoutez ! écoutez !)
Il est indubitable que de la manière
dont seront constitués les gouvernements
locaux dépendra le coût du fonctionnement
du système ; mais si nous adoptons, ainsi
que je l'espère, une simple et peu dispenieuse administration pour pour les fins locales,
je suis certain que le peuple canadien aura
moins à contribuer qu'aujourd'hui. Au point
de vue économique, j'attends d'heureux
résultats du fait de charger les localités du
fardeau de leurs dépenses et de l'influence
salutaire qu'exerceront en ce sens les représentants des provinces maritimes après
leur
union avec nous.
L'HON. M. HOLTON.—La chose n'est
guère croyable puisque au lieu du leur ce
sera notre argent qu'elles dépenseront.
L'HON M. BROWN .—L'hon. monsieur se
trompe du tout au tout, et je suis étonné de
lui entendre faire cette assertion. Il n'est
aucune partie de la confédération qui, par
tête, contribuera plus au revenu que les provinces maritimes. Si l'hon. monsieur eut
110
consulté le mouvement du commerce de ces
provinces et calculé l'effet de notre tarif s'il
leur était appliqué—ou même un tarif moins
élevé que le nôtre qui doit être diminué à
tout prix—il aurait vu qu'elles contribueront
pour leur bonne part au fardeau de la dépense.
(Ecoutez ! écoutez !) Mais, M. l'ORATEUR,
l'on me dit que l'arrangement relatif à la
dette est injuste, que nous avons imposé au
trésor fédéral la totalité des dettes des provinces maritimes, et seulement une partie
de
celles du Canada. Cette objection est dénuée
de fondement. La dette totale du pays est
de $67,500,000, mais sur cette somme, 5
millions sont répartis entre notre population, pour le paiement desquels certains
fonds locaux sont affectés. Si nous avions
mis à la charge du trésor fédéral les $67,500,000, il nous aurait fallu contribuer
à son
paiement en lui abandonnant nos revenus
locaux, ce qui, jusqu'à concurrence des 5
millions, fut revenu absolument au même ;
mais quant à la dette publique, dont le gouvernement fédéral se serait trouvé chargé
au
début, il n'en aurait pas été de même. En restreignant la dette du Canada à $62,500,000,
nous avons limité celle des provinces maritimes dans la même proportion, ou à $25
par
tête pour leur population ; mais si nous avions
jeté sur la confédération toute la dette des 67
millions et demi, il aurait fallu accroître
la part des diverses provinces maritimes,
et toute la dette eut été augmentée. (Ecoutez ! écoutez !) Mais en chargeant les gouvernements
locaux du Haut et du Bas-Canada
de ces 5 millions, leur imposons-nous un trop
lourd fardeau ? Bien au contraire, car avec
la dette nous leur donnons des sources
de revenus suffisantes pour y faire face. Les
gouvernements locaux du Haut et du Bas-
Canada n'auront pas seulement la subvention et d'autres ressources pour subvenir à
toutes leurs dépenses, mais encore un fort
surplus. Cependant, M. l'ORATEUR, l'on me
dit d'un autre côté que ce projet de confédération est probablement très bon, peut
être
justement ce qu'il faut au pays, mais que ce
gouvernement n'était pas autorisé par les
chambres à le négocier. L'hon. député de
Cornwall, (l'hon. JOHN S. MACDONALD,) a
surtout insisté sur cette objection, et je
regrette de ne pas le voir en ce moment à
son siége.
L'HON. M. BROWN .—Je suis étonné
d'entendre répéter cette inexactitude. Personne ne sait mieux que les hons. deputés
de
Chateauguay et de Cornwall que dans les
explications données à cette chambre, lors de
la formation du cabinet actuel, il fut distinctement déclaré qu'il était constitué
spécialement pour élaborer un projet d'union fédérale, et que durant la vacance il
prendrait
des mesures pour entamer avec les provinces
maritimes les négociations qui ont abouti a
ce projet.
L'HON. M. HOLTON.—Pour ouvrir des
négociations à cet effet mais non pas pour
adopter un plan définitif.
L'HON. M. BROWN.—Tout ce que nous
avone fait est sujet à l'approbation du parlement. L'hon. membre pour Cornwall devrait
être le dernier à soulever une pareille objection, car il était présent à un caucus
des
membres libéraux de l'Assemblée, il a entendu l'exposition de tous les projets du
gouvernement tels qu'ils sont présentés aujourd'hui, et ce fut lui-même qui fit motion
que je devais accepter un portefeuille pour
aider à leur mise à exécution. (Ecoutez !)
M. DUNKIN—On m'a dit plus—c'est
qu'on ne devait attenter en aucune façon
aux libertés de la chambre.
L'HON.M. BROWN.—Je puis affirmer
à mon hon. ami que, sous ce rapport, il n'a
jamais été plus libre qu'aujourd'hui. (Rires !)
Nous ne prétendons pas avoir lié la chambre
par aucun de nos actes ; tout membre est
libre de faire ses objections ; mais je dis que
nous avons reçu de la chambre l'autorisation
d'ouvrir les négociations et c'est une triste
prétention d'avancer le contraire. (Ecoutez !)
Nous n'avons rien fait qui ne l'ait t été par
tout gouvernement régi par une constitution
anglaise. Nous avons fait un pacte sujet a
l'approbation du parlement. Le gouvernement actuel est parfaitement lie au projet
;
mais les membres de la législature sont aussi
libres que l'air. J 'ai confiance que la
chambre adoptera presqu'unanimement le
projet dans son ensemble sans rien changer
aux détails, et comme le meilleur compromis qu'on puisse faire.
L'HON. M. BROWN —J'ai souvenance
d'un gouvernement formé de l'autre côté de
cette chambre, et l'hon. membre pour Hochelaga (l'hon. M. DORION) n'en a pas perdu
le souvenir, et ce gouvernement lit un traité
pour la construction du chemin de fer intercolonial. L'hon. membre pour Cornwall
111
était alors premier ministre, et il lui convient
peu d'objecter aujourd'hui à ce qu'il a fait
lui-même à une autre époque, mais l'hon.
monsieur a grandement tort de nous dénier
le pouvoir de faire ce traité avec les provinces
maritimes. Nous avions un pouvoir, et des
instructions spéciales pour le conclure.
L'HON. M. BROWN .—Non ; mais l'hon.
monsieur ne doit par ignorer que le pouvoir
de conclure des traités est une prérogative
royale ; or la couronne nous a spécialement
autorisés à conclure ce traité et a cordialement approuvé ce que nous avons fait.
(Ecoutez !) Mais on me dit, M. l'ORATEUR,
que les populations du Canada n'ont pas
examiné le projet, et que nous devrions en
appeler aux électeurs. Eh ! bien, on n'a
jamais rien insinué de plus faux à l'endroit
des électeurs canadiens. Ils étudient ce
projet depuis quinze ans et en comprennent
parfaitement toute la portée. (Ecoutez !)
Aucune question n'a jamais été si débattue
que celle des changements constitutionnels
en Canada. La question a été traitée sous
tous les points de vue, on l'a discutée à fond
et, si la chambre veut le permettre, je prouverai, l'histoire en main, combien cette
objection
est absurde. On s'occupait de l'union fédérale il y a trente ans, et voici une résolution
adoptée par les deux chambres du parlement
impérial en 1837 :
"Que les sujets de Sa Majesté habitant les
provinces du Haut et du Bas-Canada ont été assujétis à de grands inconvénients par
le manque de
moyens à leur disposition pour régler les questions relatives au commerce de ces provinces,
et
différentes autres questions qui les intéressent
également ; et qu'il convient que les législatures
de ces provinces respectivement soient autorisées
à prendre des dispositions pour régler ensemble
leurs interêts communs."
Je lis le passage suivant dans les instructions données à lord DURHAM, par le gouvernement
impérial en 1838 :
" Il est clair qu'il faut trouver un moyen de
satisfaire les justes demandes du Haut-Canada.
Votre seigneurie aura à s'entendre avec le comité
pour examiner si ce changement ne devrait par se
faire en constituant une autorité législative
collective qui déciderait de toutes les questions
intéressant à la fois les deux provinces, et à
laquelle on pourrait en appeler dans les cas extraordinaires pour régler les différends
entre les
partis adverses dans l'une et l'autre province,en conservant toutefois à chaque province
sa
législature distincte, avec plein pouvoir dans
toutes les questions d'intérêt purement local. Si
telle est votre opinion, vous aurez le temps d'examiner quelles devront-être la nature
et les limites
de ce pouvoir législatif, et tous les détails de
l'application d'un pareil projet."
Dans l'admirable rapport de lord DURHAM,
en 1839, je trouve le passage suivant :
" Le bill devrait pourvoir au cas où quelques-
unes des autres colonies de l'Amérique du Nord
désireraient, sur la demande de la législature et
avec le consentement de la législature unie des
deux Canadas, être admises dans l'Union d'après
les conditions qui pourraient être réglées entre
elles. Comme la simple union des chambres d'assemblée des deux provinces ne serait
pas prudente,
si on ne donnait pas à chacune la partie de la
représentation qui lui est due, on devrait nommer
une commission parlementaire pour faire les divisions électorales, et déterminer le
nombre des
membres à élire, sur le principe de donner la représentation, autant que possible,
en proportion
de la population. . . . ..... . . La même commission
formerait un plan de gouvernement local avec des
corps électifs subordonnés à la législature générale, et exerçant un entier contrôle
sur les affaires
locales qui ne tombent point dans le ressort d'une
législation générale. Le plan ainsi conçu devrait
être établi par un acte du parlement impérial de
manière à empêcher la législature générale d'empiéter sur les pouvoirs des assemblées
locales. On
devrait aussi établir pour toutes les colonies de
l'Amérique du Nord une autorité exécutive constituée d'après un système amélioré avec
une cour
suprême d'appel............"
Voici enfin ce que disait lord JOHN
RUSSELL, en 1839, en présentant le bill basé
sur le rapport de lord DURHAM :
" Le bill prescrit l'établissement d'un district
central à Montréal et dans le voisinage ; dans
cette ville siégera le gouvernement et se réunira
l'assemblée. Les autres parties du Haut et du
Bas-Canada seront respectivement divisées en
deux districts. On propose que les districts deviennent par la suite des districts
municipaux pour
l'imposition des droits et taxes et pour toutes
fins locales."
Je citerai maintenant les délibérations d'un
comité qui a fait grand bruit à l'époque sous
la dénomination de "Ligue de l'Amérique
Anglaise." J'ai ici les délibérations de la ligue
à la date du 8 novembre 1849, et entr'autres
noms que j'y trouve je remarque ceux de
l'hon. GEORGE MOFFATT, THOMAS WILSON,
l'hon. GEO. CRAWFORD, l'hon. ASA A.
BURNHAM, JOHN W. GAMBLE, M .
AIKMAN, de BARTON, OGLE R. GOWAN,
JOHN DUGGAN, l'hon. Col. FRASER, GEORGE
BENJAMIN, l'HON. P. M. VANKOUGHNET,
et le dernier mais non le moins remarquable,
l'hon. JOHN A. MACDONALD, qui, disent les
112
journaux du temps en cette circonstance sur le ton de la plaisanterie. Suit la
résolution de la ligue :
" Que la protection ou la réciprocité soit
concédée ou non, il est essentiel pour le bien
de cette colonie et de son gouvernement futur
qu'une constitution soit rédigée d'après les vues
du peuple et d'accord avec l'importance croissante
et l'intelligence du pays,—et que cette constitution établisse l'union des provinces
de l'Amérique
Britannique du Nord sur des bases également
avantageuses et justes, avec la concession de la
part de la métropole d'une plus grande part du
gouvernement représentatif."
J'arrive à 1856, époque de la résolution
et du discours de mon hon. ami, le ministre des finances, (l'hon. M. GALT) en
faveur d'une union de toutes les provinces
anglo-américaines ; comme la chambre les
connait très bien je n'en donnerai point lecture. Dans les délibérations de cette
chambre
je trouve, à la date du 25 avril 1856, un document très remarquable. C'est un avis
de
motion donné à. la chambre ; il contient ce
qui suit :-
Résolu—1. Que les inconvénients qui résultent
de l'union législative entre le Haut et le Bas-
Canada, rendent la dissolution de cette union
désirable.
Résolu—2. Qu'un comité soit nommé pour s'enquérir des moyens de former une nouvelle organisation
politique et législative des ci-devant provinces
du Haut et du Bas-Canada, soit en rétablissant
leurs anciennes divisions territoriales ou en divisant
chaque province pour former une confédération,
ayant un gouvernement fédéral et une législature
locale pour chacune des nouvelles provinces, et
pour aviser aux moyens de régler les affaires du
Canada-uni d'une manière équitable pour les
différentes parties de la province.
L'HON. M. BROWN.—Cet avis de motion
fut donné par mon hon. ami le député d'Hochelaga (l'hon. M. DORION). (Applaudissements.)
L' HON. A. A. DORION .—C'était un amendement à l'avis de motion de l'hon. député
de Sherbrooke qui ne me plaisait pas tout à fait.
L'HON. M. HOLTON.—Avis de motion
que cet hon. monsieur n'osa pas proposer de
sorte que la chambre ne pût se prononcer à
cet égard.
L' HON. M. BROWN.—Et je me rappelle
parfaitement que mon hon. ami (l'hon. M.
DORION fit un discours ; pendant qu'il
parlait, il tenait à la main cette méme proposition.
L'HON. A.A. DORION.-Je fis un discours
sur la proposition de l'hon. deputé de Haldimand M. MACKENZIE, et non sur la mienne.
L'HON. M. BROWN.—Cette distinction
ne signifie rien, car je n'ai pas l'intention
d'enchaîner mon hon. ami aux opinions qu'il
avait alors. Depuis 1856, on a de beaucoup
élucidé la question, et j'espère que n'écoutant que nos convictions sur ce qui est
le
plus avantageux au pays, aujourd'hui nous
agirons sans égard aux opinions que nous
aurions pu avoir à une autre époque.
(Ecoutez ! écoutez.) Mon hon. ami et quelques autres ayant avancé qu'il n'y avait
jamais eu en Canada d'agitation en faveur
de la confédération, j'ai cru de mon devoir
de lui prouver le contraire en lui' rappelant
ses propres actes. (Ecoutez ! écoutez !) La
seconde phase de l'agitation constitutionnelle
dans le même sens, fut la formation du cabinet BROWN-DORION, en 1858 : afin de
montrer à mon hon. ami de la gauche (l'hon.
M. DORION) combien lui-méme, moi et nos
dix collègues envisagions la position du pays
comme sérieuse par suite du refus qu'on
fesait de concéder des réformes constitutionnelles, je lirai le programme officiel
qui servit de base à la formation du gouvernement et que je trouve dans les journaux
du conseil législatif de 1858 :-
" Depuis quelques années, il s'est manifesté
dans le pays un violent sentiment d'antagonisme
entre les sections de la province, lequel a, surtout
dans cette session, grandement entravé l'administration et la législation du gouvernement.
La
dernière admistration n'a fait aucun effort pour
surmonter ces difficultés ou y remédier ; aussi, le
mai s'est-il accru dans une proportion remarquable. Les conseillers actuels de Son
Excellence
sont entrée au gouvernement avec la ferme résolution de proposer des mesures constitutionnelles
afin de faire rêgner entre le Haut et le Bas-Canada
cette harmonie si essentielle a la prospérité de
la province. Ils représentent respectueusement
qu'ils ont droit de réclamer toute l'aide que Son
Excellence peut constitutionnellement leur prêter
dans l'acomplissement de cette tâche si importante."
(Ecoutez ! écoutez !) Voilà donc un gouvernement formé il a sept ans dans le
but exprès d'accomplir ce que nous fesons
maintenant, disant distinctement au gouverneur-général que la paix et la prospérité
du pays se trouvaient mises en danger
par suite du retard apporté à l'application des remèdes constitutionnels,— et
cependant mea honorables amis de la
gauche qui rédigèrent avec moi ce document
113
prétendent que le temps n'est pas arrivé
de légiférer maintenant sur cette question.
(Ecoutez ! ecoutez !) J'en viens maintenant
à la fameuse dépêche adressée au ministre
des colonies par mes honorables amis le
ministre des finances, le proc.-gén. du Bas-
Canade et l'hon. M. JOHN ROSS, qui dit
que :—" Il s'est élevé de graves difficultés
à conduire le gouvernement du Canada "—
que " la population a progressé plus raidement dans le section ouest, et l'on réclame
maintenant en faveur de ses habitents une
représentation dans la législature, proportionnée à. son nombre" — que "la conséquence
en est une agitation grosse de grands
dangers pour le fonctionnement paisible et
harmonieux de notre système constitutionnel, et partant préjudiciable aux progrès
de
la province "—que " cet état de choses
empire d'année en année "—et que " le
gouvernement canadien en est venu à chercher un moyen de traiter ces difficultés de
manière à les faire disparaître" Quel devait
être l'état de l'opinion publique pour que le
gouvernement conservateur de 1858 se servit
d'un tel langage ; et comment peut-on
avancer que le peuple ne comprend pas ce
dont il s'agit aujourd'hui que sept années
se sont écoulées depuis la rédaction de ce
document? (Ecoutez écoutez!) Mais passons
à un autre document encore plus important,
à. un document qui entre dans les détails et
le mérite d'un projet absolument semblable
à celui qui est proposé en ce moment à
l'adoption de la chambre. Je veux parler du
manifeste lancé en 1859 par les membres
bas-canadiens du parti libéral de cette
chambre. (Ecoutez écoutez !) Comme il
est bien long, j'en ferai quelques extraits :-
" Votre comité s'est donc convaincu que soit
que l'on considère les besoins présents ou l'avenir
du pays, la substitution d'un gouvernement purement fédéral à l'union législative
actuelle offre la
véritable solution à nos difficultés, et que cette
substitution nous ferait éviter les inconvénients,
tout en concernant les avantages que peut avoir
l'union actuelle."...............................................................................
..............................................................................................................
" La proposition de fermer une confédération
des deux Canada n'est pas nouvelle. Elle a été
souvent agitée dans le parlement et dans la presse
depuis quelqes années. L'exemple des états
vosins où l'application du système fédéral a .
démontré combien il était propre au gouvernement
d'un immense territoire, habité par des peuples de
différentes origines, croyances, lois et coutumes,
en a sans doute suggéré l'idée ; mais ce n'est qu'en
1856 que cette proposition a été énoncée devant
la législature, par l'opposition du Bas-Canada
comme offrant, dans son opinion, le seul remède
efficace aux abus produits par le système actuel."
..............................................................................................................
" Par cette attribution de pouvoirs, le gouvernement fédéral n'aurait plus à s'occuper
de toutes
ces questions, d'une nature locale et sectionnelle,
qui, sous le présent système, ont été cause de tant
de luttes et de contentions."… . ... . . . .. .. …… ............................
" Votre comité croit qu'il est facile de prouver
que les dépenses absolument nécessaires pour le
soutien du gouvernement fédéral et des divers
gouvernements locaux ne devraient pas excéder
celles du système actuel, tandis que les énormes
dépenses indirectes que ce dernier système occasionne seraient évitées par le nouveau,—tant
à
raison des restrictions additionelles que la constitution mettrait à toute dépense
publique, qu'à
cause de la responsabilité plus immédiate des
divers officiers du gouvernement envers le peuple
intéressé à les restreindre.".......…. . .............................................
..............................................................................................................
" Le système que l'on propose ne pourrait aucunement diminuer l'importance de cette
colonie, ni
porter atteinte à son crédit, tandis qu'il offre l'avantage précieux de pouvoir se
prêter à toute
extension territoriale que les circonstances pourraient, par la suite, rendre désirable,
sans troubler
l'économie générale de la confédération."
Or, M. l'ORATEUR, quels étaient les
signataires de l'adresse ? Sous le responsabilité de qui ce manifeste a-t-il vu le
jour ?
Eh bien ! il était revêtu de la signature de
mon honorable ami vis-à-vis de moi (l'hon.
A. A. DORION), (Applaudissements et
rires), de l'hon. T. D. MCGEE, l'hon. L. T.
DRUMMOND et l'hon. L. A. DESSAULLES,
quatre des chefs les plus habiles et les
plus populaires dans le Bas-Canada du
parti libéral qui, aujourd'hui, fait une
opposition si violente aux résolutions soumises à cette chambre. (Ecoutez! écoutez
!) Ainsi donc, il est notoire que mon
honorable ami (l'hon. M. DORION) n'a pas
seulement voulu faire subir des changements
constitutionnels au pays, mais encore qu'il a
insisté sur le nécessité d'une union fédérale,
sur le principe que ce syetème était moins
dispendieux et plue propre à réunir dans
la confédération les provinces de l'Amérique
Britannique du Nord. (Applaudissements
et rires.) Eh bien ! malgré celà, six ans
après la promulgation de ce document mon
honorable ami se lève dans cette enceinte
et répudie l'union fédérale parcequ'elle sera
la cause de dépenses énormes, et qu'elle aura
l'effet de réunir dans la confédération les
autres provinces de l'Amérique Britannique
du Nord ! (Applaudissements prolongés).
114
L'HON. M. BROWN .—Je ne saurais le
dire au juste, mais mon honorable ami de
Châteauguay (l'hon. M. HOLTON) y reconnaîtrait peut-être son style. (Ecoutez !
et rires.) S'il en est ainsi, il a lieu d'être
fier, car le document est un chef-d'œuvre.
L'HON. M. BROWN—J'en arrive maintenant à la grande assemblée des réformistes
du Haut-Canada, connue sous le nom de
" Convention de Toronto, 1859, " à laquelle
570 délégués de toutes les parties de la province Ouest étaient présents. Voici les
deux
résolutions principales :
Résolu.—5. Que, dans l'opinion de cette assemblée, le remède le plus praticable aux maux
actuels
du gouvernement du Canada, se trouve dans la
création de deux ou plusieurs gouvernements
locaux, ayant le contrôle de toutes les matières
d'un caractère local et sectionnaire, et d'un gouvernement général qui dirigerait
toutes les choses
nécessairement communes aux deux provinces.
Résolu.—6. Que bien que les détails des changements, proposés dans la dernière résolution,
soient nécessairement le sujet d'arrangements
futurs, cependant cette assemblée croit qu'il lui
est impératif de déclarer qu'aucun gouvernement
général ne satisferait le peuple du Haut-Canada
qui n'aurait pas pour base la représentation
appuyée sur le nombre.
Telle est l'essence du projet qui nous est
soumis approuvé par la plus grande assemblée
politique qui ait jamais eu lieu dans le Haut-
Canada ; et on vient nous dire, après cela,
que nos électeurs ne comprennent pas la
question, que nous devons la leur expliquer,
mot par mot, à grands frais pour le pays et
au risque de compromettre tout le projet !
(Ecoutez !) Mais voyons la suite : il y eut
des élections générales en 1861, la lutte électorale fut des plus animées, et sur
les "hustings"
même on demandait surtout des changements
constitutionnels. Le ministère MACDONALD-
CARTIER fut renversé et remplacé par l'administration MACDONALD-SICOTTE. Mais la
lutte s'était tellement envenimée des deux
côtés au sujet des changements constitutionnels qu'il devint impossible de former
un gouvernement sans la condition expresse de
rejeter à priori toute motion relative à ces
changements.
L'HON. M. BROWN—Non, vraiment !
Je me borne à citer un fait pour montrer
comment la question a été discutée et com
bien tous les détails en sont compris. Au
bout d'un an le ministère MACDONALD—
SICOTTE commença à chanceler, et sa conduite, à l'endroit des changements constitutionnels,
avait tellement indigné la chambre
et le pays qu'il n'osa pas en appeler au peuple avant d'avoir complètement changé
sa
politique à cet égard et d'avoir remplacé par
des hommes plus favorables aux changements
constitutionnels les membres du cabinet qui
leur avaient imposé la triste mesure de l'année
précédente. Le gouvernement ainsi reconstruit (MACDONALD-DORION) en appela au
peuple en 1863 et tomba l'année suivante
uniquement parcequ'il avait hésité à aborder
franchement la question des changements
constitutionnels.
L'HON A. A. DORION.—Nous étions
soutenus par tous ceux qui étaient en faveur
de cette question.
L'HON. M. HOLTON—Mais nous serions
tombés immédiatement si nous l'avions
abordée.
L'HON. M. BROWN—Je suis obligé de
nier formellement cette assertion. Si vous
aviez suivi une politique ferme sur ce point
vous seriez peut-être encore au pouvoir à
l'heure qu'il est. (Ecoutez !) L'administration MACDONALD-DORION fut remplacée par
le ministère TACHÉ—MACDONALD qui bientôt
fut renversé par une majorité de DEUX VOIX
uniquement parce qu'il hésita aussi sur ce
point.
L'Hon. M. BROWN—Mon honorable
ami s'indigne et crie : " oh ! oh ! " cela me
surprend au dernier point. Je vais donner à
mon honorable ami la preuve la plus complète de l'exactitude de mon assertion,—
preuve tellement concluante que s'il refuse de
l'accepter je déclare d'avance qu'il est radicalement sceptique. En un seul jour l'administration
TACHÉ-MACDONALD a changé
une minorité de DEUX VOIX en une majorité
de SOIXANTE-DIX, et comment ? elle avait
mis la question constitutionnelle dans son
programme. (Bruits—et écoutez !) Peut-on
prouver d'une manière plus irréfragable
combien cette question a pris des racines
profondes dans 1'opinion publique, et mieux
établir la certitude que tous les membres de
cette chambre savent que leurs commettants
sont parfaitement au fait d'une question qui,
dans un jour, a opéré une telle révolution ?
Croyez-vous que ce puisse être une considération mal définie qui ait engagé l'opposition
115
du Haut-Canada, presque sans exception, à
mettre de côté ses raisons de parti et à
faire cause commune avec ses adversaires ?
Etait-il possible de douter de l'opinion du
peuple de ce pays sur la nécessité impérieuse
d'agir lorsqu'on voyait des hommes comme
ceux qui siégent sur les banquettes ministérielles obligés par leurs amis de s'unir
pour
régler cette question ? Pouvait-il y avoir une
meilleure preuve de la maturité de l'opinion
publique que la manière dont notre coalition
fut saluée chaleureusement et unanimement
par la presse de tous les partis et par les
électeurs pendant les élections qui ont eu
lieu depuis ? (Ecoutez ! écoutez !) J'oserai
même dire que jamais on n'a vu une aussi
grande mesure aussi bien comprise et approuvée par le peuple que celle qui se trouve
aujourd'hui soumise à notre considération.
(Ecoutez ! écoutez !) Le gouvernement anglais
l'approuve, le conseil législatif l'approuve,
cette chambre l'approuve presque à l'unanimité, la presse de tous les partis l'approuve,
et quoique le projet ait été directement soumis à cinquante comtés sur cent en Canada,
il n'y a en que quatre candidats qui aient osé
se présenter aux suffrages des électeurs
comme opposés a la mesure dans le Bas-
Canada, et deux seulement furent élus.
(Applaudissements.) Et c'est en présence
de tels faits qu'on veut nous dire, M. l'ORATEUR, que nous cherchons à surprendre
le
peuple, que le projet n'est pas compris du
public, que nous devons dissoudre la chambre
et cela à grands frais, et au risque de nous
voir enlever par la politique de parti le fruit
que nous sommes sur le point de cueillir !
(Ecoutez ! écoutez !) Nous ne craignons
pas les suites d'un appel au peuple. Je puis
ignorer jusqu'à un certain point les sentiments du Bas-Canada ; mais je connais parfaitement
ceux du Haut-Canada, et je n'hésite
pas à dire qu'il n'y a pas cinq députés de
cette chambre qui pourraient se présenter
devant leurs électeurs haut-canadiens avec la
moindre chance d'être reélus en se déclarant
contre la confédération. (Ecoutez ! écoutez !)
Et c'est parceque je connais parfaitement
1'opinion du peuple à ce sujet que je
presse la passation de la mesure le plus
possible. C'est parceque cette mesure remédiera à la plus criante des injustices ;
c'est parceque le contribuable rentrera
dans l'exercice de ses droits imprescriptibles ; c'est parceque nous devons voir le
commerce et l'industrie prendre un nouvel
essor, que je croirais faillir à la cause que
j'ai si longtemps défendue et trahir les intérêts les plus chers que je représente
en cette
enceinte, si je laissais passer une seule heure
inutilement sans nous rapprocher de son
adoption finale. (Applaudissements.) On a dû
à un concours de circonstances extrêmement
heureuses d'avoir pu faire accomplir un
aussi grand pas à la question, de même que
c'est à la suite de circonstances tout aussi
extraordinaires que la coalition actuelle fut
formée : et qui peut dire qu'elle ne viendra
pas se briser sur quelqu'obstacle ! Qui osera
affirmer que, l'esprit de parti renaissant
parmi nous avec sa violence des anciens
jours, il nous restera jamais une chance de
résoudre cette question avec la bonne foi et
l'entente nécessaires à une solution satisfaisante ? (Ecoutez ! écoutez !) C'était
au moment même où nous décidions d'étudier nos
changements constitutionnels que les provinces maritimes se préparaient de leur côté
à tenir une conférence pour régler la question
d'une union entre elles ; pouvait-on espérer
une occasion plus favorable de nous occuper
de l'union des colonies de l'Amérique Anglaise ? Dans le même moment, la guerre
fesait ses ravages chez nos voisins ;—on parlait de la possibilité d'une rupture entre
l'Angleterre et les Etats-Unis ; nous étions
menacés de l'abrogation du traité de réciprocité, et du système de transit de nos
marchandises en entrepôt sur le territoire américain ;
ajoutez à cela la position mal définie et incertaine de la compagnie de la Baie d'Hudson
et
le changement de l'opinion on Angleterre sur
les relations entre les grandes colonies et la
mère-patrie, et l'on comprendra que tout
concourait pour nous engager à fixer notre
attention sur la gravité des évènements et
sur la nécessité de nous unir dans un effort
suprême pour faire face à la situation en
hommes de cœur. (Ecoutez ! écoutez !)
Les intérêts embrassés par le projet d'union
sont considérables et variés, sans doute ; —
mais telle est la pression des circonstances
en ce moment sur toutes les colonies qu'à
moins de bannir l'esprit de parti, les considérations de localités et les objections
étroites,
et d'envisager la question sur son mérite
intrinsèque, nous ne pourrons jamais espérer
le faire plus tard. L'appel au peuple canadien
sur cette mesure ne signifie pas autre chose
qu'un retard d'un an à la solution de la
question ; qui peut dire dès lors que les cir constances actuelles seront encore les
mêmes ?
C'est pourquoi j'affirme, M. l'ORATEUR, que
celui qui s'efforce de faire ajourner cette
116
mesure pour des motifs quelconques, veut
aussi bien son rejet que s'il votait contre
son adoption même. (Ecoutez ! écoutez.)
Qu'il n'ait donc aucun malentendu sur
la manière en laquelle le gouvernement
présente cette mesure à la chambre. Nous
ne la présentons pas comme parfaite, mais
bien comme une mesure si avantageuse
au peuple du Canada que tout ce qu'on lui
impute de mal, à tort ou à raison, disparait
devant ses mérites. (Ecoutez! écoutez !)
Nous la présentons non pas exactement dans
la forme que nous Canadiens aurions aimé à
lui donner, mais dans la meilleure forme qui
pouvait être acceptée par les cinq colonies
qui doivent former l'union,—nous la présenton dans la forme adoptée par les cinq gouvernements
et par le gouvernement impérial,
et aussi comme nous pensons qu'elle le sera
par toutes les législatures des provinces.
(Ecoutez ! écoutez !) Nous demandons à la
chambre de l'accepter telle qu'elle le sera
présentée, car nous ne savons pas si les
modifications que nous pourrions y faire ne
la rendraient pas inacceptable ailleurs, et
une fois ces modifications commencées dans
quatre législatures différentes, qui peut dire
jusqu'où cela nous mènerait ? Tout membre
de cette chambre est libre de la critiquer
s'il le juge à propos, et de l'amender s'il en
est capable, mais nous le prévenons du danger que son amendement comporterait et
rejeterions sur lui toute la responsabilité des
conséquences. (Ecoutez ! écoutez !) Nous
croyons pouvoir faire adopter ce projet tel
qu'il est, tandis que nous ne pouvons dire
ce qu'il en serait s'il était amendé. (Ecoutez ! écoutez !) Que les hons. messieurs
ne traitent pas cette mesure comme un
critique sévère ferait d'une question abstraite, en s'efforçant de trouver des défauts
dans le but de montrer la subtilité de son
esprit ; non, abordons-la comme des hommes
qui n'ont d'autre mobile que la paix et le prospérité futures de leur pays.(Ecoutez
! écoutez !)
Pour la juger, reportons-nous à quelques
mois en arrière, considérons les maux et
l'injustice auxquels elle doit remédier ; reportons-nous aux années de discorde et
de
lutte que nous avons consacrées à la recherche
de ce remède ; jugeons-là comme le ferait
le peuple, si elle était rejetée, et si tous les
maux des années passées revenaient fondre
sur lui de nouveau. (Ecoutez ! écoutez !)
Que les hons. messieurs envisagent la question
à ce point de vue, et pas un d'eux n'osera
enregistrer son vote contre la mesure. La
destinée future de ces grandes provinces,
M. l'ORATEUR, va dépendre beaucoup plus
qu'on ne le croit de la décision que nous
allons rendre, car, c'est assurément notre
vote qui va décider du bien-être à venir de
quatre millions d'âmes. (Ecoutez ! écoutez !)
Saurons-nous nous mettre au niveau de la
circonstance ? Aborderons-nous cette discussion sans esprit de parti, sans animosité
personnelle et avec la ferme résolution de
remplir consciencieusement le devoir que la
Providence nous a imposé ? Il se peut, M.
l'ORATEUR, que quelques uns d'entre nous
viveront assez longtemps pour reconnaître
dans un grand et puissant peuple les résultats de cette mesure,— pour voir les forêts
qui noua entourent remplacées par de riantes
prairies et des villes prospères, et pour contempler, à l'ombre du drapeau anglais,
un gouvernement uni dont les pouvoirs s'étendront d'une
rive à l'autre ; mais quel est celui qui aimerait vivre alors s'il ne se rappelait
avec satisfaction la part qu'il aurait prise dans ces
débats ? M. l'ORATEUR, ma tâche est finie ;
je laisse à la chambre de prononcer son jugement avec l'espoir bien fondé qu'il sera
digne du parlement canadien. (L'hon. monsieur reprend son siége en milieu d'applaudissements
bruyants et prolongés.)