CONSEIL LÉGISLATIF.
VENDREDI, 17 février 1865.
L'HON. M. CURRIE—Hons. messieurs- Du consentement de mon hon. ami ( M.
DICKSON ) qui a le droit de la parole après
avoir demandé l'ajournement des débats, je
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me lève pour proposer la résolution qui se
trouve déjà depuis quelque temps sur les
avis de motion du journal de cette chambre.
Cette proposition se recommande d'elle-
même au bon sens et au jugement impartial
de mon hon. auditoire, et je serais surpris
qu'elle rencontrât la moindre opposition des
membres du gouvernement de cette chambre
de la législature. ( Ecoutez ! écoutez !) Je
propose donc qu'il soit résolu :
" Que sur une question d'une aussi grande
importance que celle de la confédération projetée
du Canada et de certaines autres colonies anglaises, cette chambre se refuse à assumer
la
responsabilité de consentir à une mesure qui renferme tant de graves intérêts, sans
que l'opinion
publique ait loccasion de se manifester d'une
manière plus solennelle. "
Le but de cette résolution n'est ni la destruction ni la défaite des résolutions devant
la chambre. Je demande simplement que
le vote des résolutions soit remis jusqu'à ce
que le peuple de ce pays fasse connaître son
opinion à ce sujet plus qu'il ne l'a pu jusqu'à ce jour. Dans mon premier discours
sur la question qui nous occupe, j'eus l'honneur de vous dire, hon. messieurs, que
je
n'étais pas opposé à la confédération des
provinces anglaises en elle-même, mais seulement à plusieurs des détails contenus
dans
les résolutions sur lesquelles on nous demande de baser une adresse à Sa Majesté.
L'hon. monsieur ( M. ROSS ) qui prit la
parole après moi dans cette occasion, prétendit, entr'autres choses, que j'avais essayé
de décrier les provinces d'en-bas ainsi que
le crédit du Canada. Eh ! bien, j'en appelle
aux hons. membres qui eurent la complaisance de m'écouter alors et je les prie de
me
montrer un seul mot, dans ce que j'ai dit,
qui pût faire tort à la réputation du peuple
des provinces maritimes. Au contraire, loin
de les avoir décriées, j'ai cru leur faire de
grandes louanges ; loin d'essayer de rabaisser le caractère de leurs hommes publics,
je
n'ai prononcé qu'un seul nom, et c'est celui
de l'hon. M. TILLEY, que j'ai cru devoir
placer au premier rang parmi les hommes
d'état les plus éminents de l'Amérique Anglaise. ( Ecoutez ! écoutez !) Quant un
reproche d'avoir tenté de faire tort au crédit
du Canada, j'ai en effet mérité cette accusation, si c'est faire tort au crédit de
ce
pays que d'avoir dit la vérité, d'avoir exprimé les convictions d'un esprit impartial,
et
d'avoir constaté ce qui se trouve dans les
comptes publics du Canada. Mon hon.
contradicteur est encore allé plus loin et a
dit que mon discours manquait tellement de
logique qu'il ne valait pas la peine d'être
pris en considération.
L'HON. M. CURRIE—L'hon. monsieur
n'a pas voulu dire autre chose ; et voilà
néanmoins qu'à mon grand étonnement il
croit nécessaire de me répondre par quatre
colonnes de discours sans réussir toutefois
à ébranler une seule des propositions que
j'avais eu l'honneur d'émettre. J'ai été
ensuite accusé d'avoir révoqué en doute les
faits exposés par nos hommes publics.
L'HON. M. CURRIE—L'hon. député de
Toronto dit : écoutez ! écoutez ! mais je
demande s'il n'est pas du devoir de tout
membre de cette chambre de corriger les assertions fausses et erronées qu'on livre
au public ?
Ai-je outrepassé mes obligations en essayant
de rectifier des rapports sinon faux du moins
très évidemment incorrects ? Puisque mon
hon. ami, le député de Toronto ( M.
Ross ) a cru devoir me le rappeler, j'affirme
que l'on doit regretter qui ait été fait
certains exposés en ce pays et qu'on les ait
ensuite envoyés à l'étranger, lesquels au lieu
de rétablir notre crédit lui ont fait un grand
tort. ( Ecoutez ! écoutez !) Peut-être ne
me serait-il pas possible de citer rien de plus
fort à ce sujet que le prospectus flamboyant
répandu partout sous les auspices de mon
hon. ami de Toronto, qui promettait aux
capitalistes crédules d'Angleterre des dividendes de 11 1/2 pour cent sur les parts
qui
seraient souscrites dans la compagnie de
chemin de fer, le Grand Tronc !
L'HON. M. CURRIE—Non ; l'hon.
membre ne fut pas si réservé que cela
( on rit ) : c'était bien 11 1/2 pour cent. On
m'a accusé d'avoir révoqué en doute les
assertions de l'hon. M. TILLEY ; j'ai dit
en effet que l'hon. M. TILLEY avait, dans
une assemblée publique qui avait eu lieu,
je crois, à St. Jean du Nouveau-Brunswick,
prétendu que le tarif du Canada n'était en
réalité que de 11 pour cent : est-ce que
mon hon. ami de Toronto serait du même
avis ?
L'HON. M. ROSS—J'ai dit que la
moyenne des droits sur les importations de
ce pays, en y comprenant les articles admis
en franchise, était de 11 pour cent.
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L'HON. M. CURRIE—Il ne me reste
plus qu'à reconnaître ce procédé nouveau d'établir le tarif d'un pays, et qui
consiste à prendre d'abord tous les articles
frappés de droits, puis ensuite d'y ajouter
ceux admis en franchise, et à répartir sur le
tout la moyenne des droits. Cette méthode
peut être très-utile, mais elle est ni exacte,
ni honnête suivant moi.
L'HON. M. ROSS—C'est absolument ce
que l'hon. M. TILLEY à fait, et je n'ai pas
agi autrement.
L'HON. M. CURRIE—Mon hon. ami ne
nous a-t-il pas dit que le ministre actuel des
finances du Canada avait établi à 11 pour
cent le tarif de cette province ? J'ai demandé
à mon hon. ami de nous indiquer l'époque
où cela a été dit ?
L'HON. M. ROSS—J'ai dit qu'en prenant
les exposés fournis par l'hon. M. GALT au
sujet du tarif et le montant des importations
des articles frappés de droits et admis en
franchise, et en répartissant sur le tout une
moyenne de 11 pour cent, l'hon. M. TILLEY
avait basé ses calculs sur les chifres mêmes
de l'hon. M. GALT.
L'HON. M. CURRIE—Voici ce que dit le
compte-rendu des débats : " l'hon. M. TILLEY
( c'est l'hon. M. ROSS qui parle ) s'est servi
des chiffres mêmes donnés par notre ministre
des finances " ; or ceci est inexact parce
que l'hon. M. TILLEY se servit en cette
circonstance de statistiques qui lui avaient
été fournies par le contrôleur du Nouveau-
Brunswick.
L'HON. M. ROSS— Le contrôleur du
Nouveau-Brunswick n'a pu donner les statistiques du commerce du Canada.
L'HON. M. CURRIE—Mon hon. ami ne
se rapellera-t-il pas que, pour donner une
sanction officielle à l'assertion de l'hon. M.
TILLEY, il a dit qu'après que le contrôleur
de la province eut compulsé notre tarif, il en
était venu à la conclusion qu'il n'était que
de 11 p. cent ? Voici ce que rapporte le
compte-rendu :-
" L'hon. M. TILLEY a cité les chiffres de notre
propre ministre des finances, et l'hon. membre
l'a représenté comme faussant la vérité en vue
de tromper ses auditeurs. "
Je voudrais bien savoir quand le ministre
des finances du Canada a dit que la moyenne
des droits perçus dans la province était de
11 pour cent ? Comme je témoignais alors
un vif désir de savoir à quelle époque le
ministre des finances du Canada avait
prétendu que la moyenne des droits de
douane de cette province n'était que de 11
pour cent, il ( l'hon. M. ROSS ) manifesta la
volonté de n'être plus interrompu, et je dus
cesser de l'interrompre sans en avoir pu
obtenir la réponse à ma question. Mais, si
l'hon. député de Toronto veut se rappeler le
discours prononcé l'autre jour seulement à
Sherbrooke par l'hon. M. GALT, il verra que
le ministre des finances établit à 20 p. cent
le tarif du Canada.
L'HON. M. ROSS—Cette assertion du
ministre des finances n'embrasse pas les
articles admis en franchise ; voilà tout.
L'HON. M. CURRIE—En effet :—mais
alors je dis que, s'il avait pris la valeur des
articles frappés de droits telle que la donne
les tablaux du commerce de 1863,—les
dernières statisques annuelles que l'on ait de
complètes, — au lieu de fixer notre tarif
à 20 pour cent seulement, il aurait
trouvé que la moyenne réelle des droits
prélevés aux douanes du Canada en 1863
a été de 22 1/2 pour cent. ( Ecoutez ! écoutez !)
Mon hon. ami de Toronto est ensuite venu
au secours de M. LYNCH, de Halifax ; puis,
non content de cela, il est accouru défendre
le président actuel du conseil ( l'hon. M.
BROWN ) ainsi que le secrétaire provincial
( l'hon. M. MCDOUGALL). J'avoue que le
spectacle m'a amusé quelque peu et surpris
encore plus de voir l'hon. député de Toronto
devenir l'apologiste et le champion de ces
hon. messieurs qui sont très capables, je
crois, de se défendre même sans l'aide de
mon hon. ami. ( Ecoutez ! écoutez!) Il a
parlé encore de l'utilité et de la nécessité où
nous étions de connaître les ressources
financières et la quote-part de revenu des
provinces avec lesquelles le Canada était sur
le point de contracter une union. Comme
j'avais dit que nous possédions des travaux
publics d'un grand prix et d'une haute importance, dont quelques une produisaient
d'assez forts revenus, l'hon. député de
Toronto à cru nécessaire de répondre que
les provinces maritimes se trouvaient elles
aussi dotées de travaux publics d'une nature
profitable ; que le Nouveau-Brunswick avait
dépensé huit millions de piastres en construction de chemins de fer, la Nouvelle-
Ecosse six millions, et que ces travaux
donnaient un bénéfice net annuel de $140,000, ou $70,000 chaque, lequel appartiendrait
au gouvernement général. Lorsque de telles
assertions se font en chambre, elles n'y
restent pas et se répandent en dehors, c'est
pourquoi il semble que ceux qui les font
devrait être bien convaincus de leur exactitude et de leur véracité.
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L'HON. M. CURRIE—J'avoue que ces
assertions me surprirent beaucoup et je restai
étonné d'abord de voir que ces provinces
avaient autant dépensé pour la construction
des voies ferrées, puis de ce que ces voies
ferrées fussent plus profitables que celles du
Canada. Or, que trouve-t-on dans les derniers comptes publics de ces provinces ?
Nous voyons que les chemins de fer du
Nouveau-Brunswick ont coûté $4,275,000,
ceux de la Nouvelle-Ecosse $4,696,288 ; et
que les premiers ont payé en 1862 $21,711,
et les seconds $40,739 de benéfice net, ce qui
donne réuni un revenu assez mince de
$62,450 pour les deux provinces, au lieu de
$140,000, comme le prétend mon hon. ami
de Toronto. D'un autre côté, on voudra
bien se rappeler que ces voies ferrées étaient
neuves ou du moins comparativement neuves,
et que pour celui qui prend la peine d'examiner les statistiques officielles de ces
provinces il est évident que les frais de
réparation de ces chemins de fer, de même
que de tous les autres, va s'augmentant
d'année en année.
L'HON. M. ROSS—La chambre se rappellera que les chiffres dont je me suis servi
m'ont été fournie pendant que je parlais.
L'HON. M. CURRIE—Je crains bien que
ce genre d'erreur ne se soit propagé durant
tout le cours de cette discussion. ( Ecoutez !
écoutez !) Nos hommes publics ont montré
certainement trop de négligence dans leurs
statistiques sur la prospérité du Canada, et
sur la richesse, l'étendue et les ressources
des provinces maritimes. Jetons maintenant
les yeux sur nos travaux publics que mon
hon. ami essaie de rapetisser et de décrier.
L'HON. M. ROSS—Je n'ai jamais prétendu pareille chose ; j'ai dit au contraire
qu'ils étaient indirectement d'une grande
valeur au pays.
L'HON. M. CURRIE—Oui et directement aussi ; car je découvre dans les comptes
officiels de la province que le revenu net de
nos travaux publics pour 1863,—qui tous
doivent revenir au gouvernement confédéré,—
s'est élevé à $303,187, et le coût à $25,931,168. C'est là une partie de la mise que
le
Canada se prépare à verser dans le fonds
commun de la confédération, du moins en
ce qui regarde les travaux publics. ( Ecoutez !
écoutez !) Je terminerai les observations
que j'avais à faire sur le discours de
mon hon. ami de Toronto en réponse aux
quelques mots que j'ai adressés l'autre jour
à la chambre, en me contentant d'exprimer
le regret d'avoir non seulement déplu à mon
hon. ami par mes assertions, mais encore par
mon style et la façon dont j'ai parlé.
L'HON. M. ROSS—Je n'ai signalé que
le caractère et le sens de vos paroles.
L'HON. M. CURRIE—L'attention que
m'a accordée alors cette hon. chambre et la
manière dont mes raisons ont été accueillies
et par mes amis et par mes adversaires
politiques, devraient me porter à croire que
je n'ai pas dépasser les bornes de la convenance, et que je n'ai violé les règles
parlementaires ni par le ton ni par le caractère
de mes paroles. Cependant, si je l'ai fait,
je le regrette et je puis prendre la liberté
d'espérer que, lorsque mon pays aura fait
pour mon éducation politique le quart de
ce qu'il a fait pour celle de mon hon. ami
de Toronto, si je n'ai pas encore la politesse et
les manières d'un CHESTERFIELD ni l'éloquence d'un PITT, je pourrai néanmoins traiter
mes collègues avec courtoisie et convenance.
( Ecoutez ! écoutez !) Mais laissons ces vétilles
pour nous occuper de la forte pression
que l'on fait peser, d'un côté ou de l'autre,
sur les députés du Canada et sur le peuple
lui-même pour leur faire adopter ce projet
important sans leur donner le temps de
la réflexion et de la délibération que
demande une question de cette importance. Ma conviction est que cette pression
ne vient pas du peuple ; elle ne part pas non
plus de cette branche de la législature, ni
de l'autre, mais je crois, ainsi que je l'ai déjà
dit, qu'elle vient d'ailleurs ; je crois que c'est
du dehors que l'on nous presse d'adopter cette
mesure plus vite, je le crains, que ne le veut
le bien du pays. Il se peut que les hommes
d'état et qu'une grande partie du peuple
anglais désirent vivement voir la réalisation
de ce projet et que la presse anglaise en général
lui donne son approbation : mais lorsque
tous viendront à comprendre ce projet, lorsque
les porteurs de nos effets publics sauront
que la confédération signifie plus de dettes,
plus d'impôts et moins de crédit public, on
entendra alors une autre voix traverser
l'Atlantique. Lorsque l'industriel anglais
saura que la confédération signifie un tarif
plus élevé sur les manufactures anglaises,
nous verrons encore l'expression d'une autre
opinion traverser l'Atlantique. ( Ecoutez !
écoutez !) Lorsque je quittai ma division, hons.
messieurs, je ne pensais pas que cette mesure
allait être imposée au pays en la manière que
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je vois le gouvernement du jour chercher
à le faire. Je crois que nous devrions
attendre avant de voter ces résolutions, et
que nous devrions avoir besoin d'obtenir
auparavant plus de renseignements sur ce
sujet. Avant d'abolir nos constitutions
locales, avant de décréter la ruine de toute
la constitution, nous devrions, ce semble,
savoir un peu ce que nous aurons pour
remplacer ce que nous détruisons. Est-ce
qu'aucun de mes hons. auditeurs savait
au moment de quitter ses foyers que tout
le projet nous serait soumis, qu'on nous
demanderait de le juger, ou du moins
de l'examiner comme un tout inséparable ?
M'est avis qu'il faut prendre garde lorsqu'on accepte la moitié d'une mesure
jusqu'à ce que l'on sache quelle est l'autre
moitié. ( Ecoutez ! écoutez !) Mes hons.
auditeurs doivent se rappeler avec quelle
précaution le parlement anglais s'occupa de
régler en 1839 les intérêts du Canada. Il y
avait à cette époque grand besoin d'une nouvelle constitution pour le Canada et en
particulier pour le Bas-Canada ; et lorsque le
gouvernement d'alors introduisit, sous une
forme assez semblable à celles qui sont actuellement devant la chambre, ses résolutions
basées sur le principe d'une union
législative, le chef de l'opposition, lord
STANLEY, demanda que toute la mesure fût
introduite. Telle fut la force de l'opinion en
dedans comme en dehors du parlement que
le ministère dût retirer ses résolutions et présenter toute la mesure. ( Ecoutez !
écoutez !)
Devons-nous montrer moins de sollicitude
pour nos droits constitutionnels ;—devons-
nous porter moins d'attention à nos intérêts
comme à ceux de nos enfants et petits
enfants, qu'un peuple qui législate pour
nous à plus de treize cents lieues de
distance ? On veut aussi dans ces résolutions
que nous engagions la province, à quoi ? à
construire le chemin de fer intercolonial, et
cela sans savoir, ainsi que je le disais l'autre
jour, où il doit passer et ce qu'il doit coûter.
Pourquoi ne pas nous communiquer le rapport de l'ingénieur chargé d'explorer la route
où doit passer ce chemin de fer ? Pourquoi
ces retards ? Pourquoi essayer de faire passer
précipitamment cette mesure par la législature
et nous laisser dans l'obscurité sur cette grande
entreprise ? Il pourrait bien se faire qu'on
gardât le rapport pour favoriser le projet de
confédération sinon ici du moins ailleurs.
L'HON. M. CAMPBELL—Mon hon.
ami va trop loin. Le rapport n'a pas encore
été fait ; comment peut-on dès lors accuser
le gouvernement de le retenir par devers
lui ?
L'HON. M. CURRIE—C'est vrai ; le
gouvernement, d'ailleurs, a bien assez des
accusations vraies qu'on porte contre lui,
sans encore lui en imputer de fausses. Je
ne veux pas faire d'assertions fausses, mais
je dirai que j'ai de bonnes raisons d'être
surpris de voir le gouvernement introduire
cette mesure et la proposer à la chambre
avant de connaître lui-même ce qu'il en
coûtera, (écoutez ! écoutez !) et demander
à cette chambre de s'engager avec le pays
à faire une entreprise dont il ne connaît pas
lui-même le coût. ( Ecoutez ! écoutez !)
Cependant, si le rapport n'est point prêt, les
journaux ont répété que l'exploration du
tracé était finie ou sur le point de l'être, et
par conséquent on peut en obtenir communication avant peu : pourquoi dès lors tant
de hâte et d'anxiété à faire voter les
résolutions avant de l'avoir ? Et puis, pourquoi le gouvernement n'introduit-il pas
les
bills sur les écoles qui ont été promis ? Pourquoi ne pas mettre le peuple ou le parlement
en état de juger des projets de loi sur l'éducation dans le Bas et le Haut-Canada
avant le
vote des résolutions ? En vérité, je ne vois pas
l'utilité de tenir ces choses dans l'ombre et
je ne crois pas que le gouvernement ait
aucune raison de ne pas les règler de suite.
Hons. messieurs, une autre question sur
laquelle on aurait encore dû nous éclairer
est celle de la division ou répartition de la
dette publique. En ouvrant les comptes
publics que chacun de nous a reçus à
l'ouverture de la session, on voit que le
passif de cette province ne s'élève pas à
moins de $77,203,282. Mais comme il est
réglé que le Canada n'a le droit de porter
au débit de la confédération qu'une dette de
$62,500,000, nous avons le droit de savoir
qui paiera les autres $15,000,000 ? Quelle
sera la partie afférente au Haut-Canada ?
( Ecoutez ! écoutez ! ) Considérons un moment le pouvoir que nous déléguons au parlement
confédéré en votant les présentes résolutions et en fesant passer par la législature
impériale une loi qui les contienne. Nous
lui donnons d'abord le pouvoir d'établir des
impôts locaux sur chaque province séparée.
Or, j'aimerais à savoir comment on exercera
ce droit ; j'aimerais à savoir si ce sera une
taxe par tête, ou une taxe par acre sur
les terres des provinces, ou bien encore si
ce sera un impôt sur la propriété en général
278
de chaque province ? Quel est celui de
mes hons. auditeurs qui ne serait pas bien
aise d'étre éclairé sur tous ces points avant
de voter ce projet? (Ecoutez ! écoutez !)
Une autre question très importante est
celle des défenses du pays, laquelle depuis
quelques mois a pris un aspect qu'elle n'avait
jamais eu jusqu'ici dans l'histoire du pays.
Je demande à la chambre la liberté de lire
sur cette questions un extrait d'un rapport
qui méritera plus tard d'être classé parmi
les pièces d'état les plus remarquables. Je
veux parler d'un memorandum du conseil
exécutif en date du mois d'octobre 1862,
rédigé par le ministère MACDONALD-SICOTTE.
Quelles que aient été les fautes de ce gouvernement, quels que reproches qu'on ait
eus
à lui faire sur d'autres sujets, je crois qu'il
n'y a eu à l'époque qu'une seule voix dans
l'opinion publique pour approuver la position
digne qu'il prit sur cette question. On lit
dans ce memorandum le passage suivent :-
" La manière dont a été accueilli le projet du
chemin de for intercolonial est la preuve qu'ils
sont disposés à faire tout en leur pouvoir pour se
conformer aux recommandations du gouvernement impérial. Leur conduite dans cette affaire
doit les mettre à l'abri de toute imputation. En
même temps,- ils insistent à dire qu'ils sont et
doivent etre réputés les meilleurs juges du degré
de pression que peut supporter le crédit de la
province. Ils sont prêts, sous certaines conditions, à charger ce crédit des responsabilités
qu'entrainera le chemin de fer intercolonial, mais
ils ne sont pas disposés à prodiguer les deniers
publics pour édifier un système militaire contraire
aux goûts du peuple canadien, en disproportion
avec ses ressources, et que n'exige point la situation telle ne le connaissent es
conseillers de
Votre Excellence."
C'est-à-dire, l'armement et la mise en service
actif de 50,000 hommes.
" Sa Grâce, tout en promettant une aide généreuse, prétend que quel que soit le corps
de
troupes régulières qu'on envoie, il ne saurait être
suffisant pour défendre la province, et que c'est
sur son peuple même qu'un tel pays doit principalement compter. Les conseillers de
Votre Excellence ne seraient pas fidèles à leurs propres convictions et trahirsient
la confiance placée en eux,
s'ils taisaient que c'est leur croyance que, sans
des secours très—considérables, le peuple de cette
province, en dépit de tous les efforts et de tous
les sacrifices dont il est capable, ne serait pas en
état de repousser avec succès et pendant longtemps une invasion de la république voisine.
Il
se repose jusqu'à un certain point pour cette
protection sur le fait que, dans aucun cas imaginable, il ne provoquera la guerre
avec les Etats-
Unis, et que conséquemment si le Canada devenait
le théâtre d'hostilités par suite de la politique
impériale,—tout en faisant avec enthousiasme ses
efforts pour défendre le sol,—il serait néanmoins
obligé de compter surtout pour sa protection sur
les ressources de l'empire. Et en pareil cas, vos
conseillers pensent qu'ils pourraient, avec droit,
espérer d'être assistés dans l'œuvre de la défense
de toute la puissance impériale. Il est superflu,
en face de son histoire, de protester de la disposition du peuple canadien à prendre
sur lui toutes
les consequences que peut entrainer son état de
dépendance de l'empire. Bon dévouement s'est
trop souvent manifesté pour qu'on puisse le
déprécier ou le révoquer en doute. Le Canada a
fait des sacrifices qui doivent le mettre hors de la
portée du soupçon, et que le gouvernement de Sa
Majesté devrait regarder comme une garantie de
sa fidélité. Nulle partie de l'empire n'est exposée
aux maux et aux sacrifices qu'aurait inévitablement à supporter cette province, en
cas de guerre
avec les Etats-Unis: aucune combinaison probable de troupes régulières et de milice
ne saurait
protéger notre sol contre des armées d'lnvasion,
et la fortune la plus inespérée ne pourrait préserver nos riches districts de devanir
le théâtre
d'une erre qui paralyserait notre commerce et
notre ndustrie, dévasterait nos champs, nos villes
et nos villages, et ferait peser les calamités de la
guerre sur des foyers qui jouissent aujourd'hui
des bienfaits de la paix, et tous ces maux seraient
la conséquence d'évènements auxquels le Canada
n'aurait en aucune part."
Ce langage, hons. messieurs, n'est pas seulement celui des hommes politiques du Canada
d'autrefois ;—on se rappelle ce qui a été dit
et écrit dans les provinces maritimes par des
hommes qui occupent aujourd'hui des postes
élevés sous le gouvernement impérial. Je
citerai, entr'eutres, l'hon. JOSEPH HOWE, qui
déclarait qu'on ne devait pas s'attendre à
nous voir nous défendre nous-mêmes contre
un pouvoir étranger, parce que nous n'avions
de voix ni dans la déclaration de la guerre ni
dans les négociations de paix,—et que tout
en étant prêts comme jadis à faire face à
l'ennemi au risque de notre vie et de nos bien,
nous ne voulions pas comme colons assumer
une responsabilité qui n'appartenait qu'à
notre métropole. Or, en quoi de tels sentiments correspondent—ils avec les vues du
gouvernement d'aujourd'hui sur la même
question ? Je tiens a la main en ce moment
l'extrait d'un discours prononcé par l'un des
membres les plus éminents du cabinet dans
une resemblée publique qui a en lieu récemment à Toronto—que dit cet hon. monsieur?
Parlant de la conférence tenue à Québec, il
ajoute quo-
" Les délégués résolurent à l'unanimité de mettre
sous le plus bref délai possible les provinces unies
de l'Amérique Britannique du Nord sur un pled
de défense complète "
J'ignorais que le gouvernement anglais eut
jamais secoué le joug de la défense de cette
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province, et voilà un des membres haut
placés dans l'exécutif canadien qui nous
apprend que cette conférence, tout arbitraire
quelle était, et en vertu d'une résolution
qui ne nous est pas communiquée, promet
de mettre la province en état parfait de
défense : qu'est-ce que cela signifie ? Rien
autre chose qu'une dépense de quatre à
cinq millions de piastres de plus par année,
ou bien cette assertion ne voulait rien dire.
L'hon. ministre continue en disant que-
" La conférence de Québec ne se sépara point
avant de s'engager à mettre les défenses navales
et militaires des provinces unies dans l'état le plus
complet et le plus satisfaisant. "
C'est pourquoi, avant d'aller plus loin dans
la discussion de ce projet, avant de donner
notre vote, j'affirme que nous devrions en
savoir davantage sur un sujet aussi vital.
( Ecoutez ! écoutez !) On pourra peut-être
arguer qu'il n'est pas besoin de soumettre la question au peuple ni de lui donner
le temps d'examiner les choses : mais tous
les hon. membres qui ont pris la parole dans
cette chambre sur cette question n'ont-ils
pas été unanimes à convenir qu'elle était la
plus importante qui ait jamais été agitée
devant aucune législature des colonies anglaises ? Et cependant ces hons. messieurs
ne veulent pas que le peuple ait plus
de temps pour refléchir sur cette importante question, bien que la loi de ce pays
exige que toutes les fois qu'une municipalité contracte des engagements pour plus
d'une année quelque minces qu'ils soient, elle
soumettra ses réglements à l'approbation des
contribuables. ( Ecoutez. ) D'hons. orateurs
ont donné comme raison de ne pas en appeler
au peuple, est que nous avons eu, depuis
le projet de confédération du gouvernement,
grand nombre d'élections pour cette chambre
qui toutes ont donné des résultats favorables
à la question. Je demanderai quel est de
fait le chiffre réel des élections qui ont eu
lieu depuis que le projet est imprimé et
publié ? J'aimerais à voir se lever ceux de
mes hons. auditeurs qui ont été élus et
envoyés ici pour voter le projet depuis qu'il
a été divulgué. Oui, nous avons eu une
élection en Haut-Canada depuis cette époque :
c'est celle dont a parlé hier mon hon. voisin
( M. SIMPSON ) et qui s'est faite dans Ontario
Sud, comté que représentait l'un des ministres
auteurs du projet actuel, le vice-chancelier actuel du Haut-Canada, l'hon. M.
MOWAT. Or, quel a été le langage des
candidats dans cette élection ? Tous deux,
ainsi que l'a dit mon hon. ami se sont engagés,
en sollicitant les suffrages des électeurs, à voter
en chambre l'appel au peuple sur la question
qui nous occupe à l'heure qu'il est. ( Ecoutez ! écoutez !) C'est là la dernière élection
qui ait eu lieu dans le Haut-Canada. Je ne me
cache pas que plusieurs de mes hons. auditeurs,
en se présentant de nouveau aux suffrages de
leurs divisions l'automne dernier, se sont
déclarés dans leurs manifestes électoraux
pour l'union des provinces de l'Amérique du
Nord. Mais quel est l'homme de jugement
dans cette chambre qui ne dirait pas la même
chose ? Je suis pour ma part aussi favorable
à cette confédération aujourd'hui que je l'ai
jamais été, et je défie qui que ce soit
d'avancer qu'à aucune époque de ma vie
publique j'ai jamais dit que ce soit au
contraire. ( Ecoutez! écoutez !) Mais, hons.
messieurs, lorsque je jette les yeux sur le
projet actuel que je regarde comme imparfait,
je sens que je dois m'y opposer, non
parce que c'est un projet de confédération de
l'Amérique du Nord, mais parce qu'il renferme en lui-même les germes de sa propre
destruction. C'est pourquoi l'amendement
mis devant cette chambre n'a pas pour but
de renverser le plan ministériel, et j'espère
bien qu'avant la clôture des débats le gouvernement verra la convenance d'accorder
le
délai qu'on y demande. En supposant que
le gouvernement retarde d'un mois sa mesure,
quel mal peut-il en résulter ? Car si le projet
est bon , s'il est aussi désirable que les divers
gouvernements provinciaux le prétendent,
un délai d'un mois ne pourra certainement pas l'anéantir. Si, au contraire, il est
mauvais, s'il porte avec lui un principe de
mort, il vaut mieux qu'on le sache aujourd'hui
plutôt que demain alors que la mesure fera
partie d'une loi sur laquelle nous n'aurons
plus aucun contrôle. Pour prouver ce que
je pense de la question, je dis ceci :—donnez
un délai raisonnable,—permettez aux électeurs que je représente de faire connaître
leur
opinion ; et s'ils déclarent que la mesure
doit être adoptée telle qu'elle est, je cesserai
mon opposition et, au lieu de tout faire pour
l'empêcher de passer, je m'abstiendrai de soulever le moindre obstacle. " Mais, disent
d'hon. conseillers, qui dit délai dit renversement de la mesure !"—Si la mesure est
bonne ; si elle se recommande d'elle-même
à l'approbation du peuple, défendue qu'elle
est par les hommes les plus éminents du
parlement, je répète qu'elle ne court aucun
risque. Dans la supposition qu'il nous soit
280
accordé un mois de délai, nous serons encore
plus avancés alors que les provinces maritimes. Si je ne me trompe, en effet, les
brefs d'élection sont rapportables dans le
Nouveau-Brunswick le 25 mars.
L'HON. M. CURRIE—Alors, ce sera le
21 ou le 22 mars que la législature de cette
colonie siégera.
L'HON. M. CAMPBELL — J'ai mal
compris mon hon. ami ; j'ai voulu dire que
la législature suivant toute probabilité pourra
s'assembler le 8 ou le 9 mars.
L'HON. M. CURRIE—Alors, c'est qu'on
se prépare à précipiter les choses dans cette
province autant qu'en Canada, dont le peuple
n'a pas eu comme celui du Nouveau-Brunswick l'occasion de se prononcer sur le projet
de la confédération. La population de cette
dernière province me paraît comprendre très
bien toute l'importance de la question et
j'espère que son jugement sera réfléchi, car
elle ne se prononcera qu'après avoir eu le
temps et la facilité de discuter la mesure
sous toutes ses faces. Mon hon. ami de la
division Western (M. MCCREA) m'a réellement étonné l'autre jour en disant que le
conseil législatif électif n'avait été ni demandé
ni désiré par le peuple, car je me rappelle que
le conseil, lorsque la nomination appartenait
à la couronne, a été l'un des griefs permanents
du Bas comme du Haut-Canada.
L'HON M. CURRIE — J'assure mon
hon. ami qu'il est dans l'erreur en disant
qu'il ne fut pas adressé des requêtes en
faveur du conseil législatif électif à l'époque
du changement. Il n'a qu'à ouvrir les journaux du parlement pour se convaincre du
contraire ;—il verra encore une requête de
la ville de Cobourg demandant de baser
la représentation dans les deux chambres
d'après le chiffre de la population. Dans son
ignorance des faits, mon hon. ami a fait une
assertion sur laquelle il n'a pas eu le temps
de réfléchir avant de l'exprimer dans cette
chambre, quoique à d'autres égards il ait
traité le sujet avec beaucoup d'habileté sans
cependant avoir le succès qu'il remporte
toujours lorsqu'il défend les bonnes causes.
( On rit. ) Il a prétendu, d'un autre côté,
qu'un conseil nommé par la couronne serait
plus responsable au peuple qu'il ne l'est
aujourd'hui: voilà assurément quelque chose
de nouveau pour moi. S'il en est ainsi,
pourquoi ne pas dès lors appliquer ce système
à l'autre branche de la législature ? Je suis
convaincu que dans ce cas le gouvernement
coulerait des jours beaucoup plus heureux
et beaucoup moins agités que celui d'aujourd'hui, tout composé d'hommes distingués
qu'il est. ( Rires. ) Mais, dit mon hon. ami,
le peuple est en faveur du projet car il a eu
tout le temps désirable pour tenir des assemblées et adopter des requêtes. Je lui
répondrai en lui demandant jusqu'à quel
point la plupart des membres mêmes de cette
chambre connaissaient la mesure avant de
descendre à Québec ? La connaissions-nous
autant qu'aujourd'hui ?
L'HON. M. CURRIE—Un autre hon.
membre dit " non. " Quant à moi j'avoue
que même le discours de l'hon député de
Toronto m'a appris quelque chose que je ne
savais pas auparavant. Le pays a attendu
que la question fût discutée en parlement et
que tout le projet fut présenté afin de le juger
dans son ensemble ; malheureusement, le
conseil n'en a qu'une partie devant lui. Je
n'ai pas eu le plaisir d'entendre toutes les
remarques de mon hon. ami de Montréal
[ M. FERRIER ], mais ce que j'en ai entendu
m'a vivement intéressé. Je parle de ce qui
se rapportait à la crise ministérielle du mois
de juin dernier. J'avais cru que le célèbre
memorandum que le gouvernement a depuis
répudié en grande partie, renfermait toutes
les explications ; mais la scène décrite si
brillamment par l'hon. membre et dans
laquelle le président du conseil rencontre le
proc.-gén. du Bas-Canada....
L'HON. M. FERRIER—Je n'ai pas dit
que je l'avais vue : j'en ai seulement entendu
parler.
L'HON. M. CURRIE—Lorsque l'hon. M.
CARTIER reçut dans ses bras l'hon. M.
BROWN. ( Rires. )
L'HON. M. CURRIE—Et que l'hon. M.
BROWN jura une allégiance éternelle à l'hon.
M. CARTIER. ( Rires. )
L'HON. M. FERRIER :—Je ne faisais que
répéter les on-dit du jour, et j'ai dit que je
ne savais rien autre chose que ce que avais
entendu dans les rues.
281
L'HON. M. CURRIE— Alors j'ai mal
compris mon hon. ami, mais j'avais cru qu'il
avait assisté à cette scène touchante. ( Rires. )
Tout cela n'empêche pas cependant mon
hon. ami d'avoir dit ici des choses toutes
nouvelles pour moi et qui doivent l'avoir été
également au dehors, lorsqu'il a déclaré, par
exemple, que le chemin de fer Grand Tronc
ne coûtait que très peu de chose au Canada.
L'hon. monsieur a paru, en même temps, me
prendre pour un ennemi du Grand Tronc ; mais
jamais de ma vie je n'ai dit quoique ce soit
contre ce chemin de fer, comme tel. Bien
plus, je crois qu'il n'est personne qui apprécie
plus que je ne le fais les grands avantages
commerciaux qu'en retire le pays ; mais j'ai
profité de l'occasion, et le ferai encore au
besoin, de parler de quelques uns des actes
qui se rapportent à cette entreprise. Qu'on
appelle l'attention de cette chambre sur ce
chemin de fer aussi bien que sur toute autre
entreprise publique,— et j'y donnerai comme
par le passé toute la considération que de tels
travaux méritent. J'espère que le jour n'est
pas loin où le chemin de fer Grand Tronc sera
ce qu'il doit être, c'est-à-dire une entreprise
entièrement commerciale et que tout le monde
regardera avec plaisir.
L'HON. M. FERRIER—C'est une entreprise exclusivement commerciale à l'heure
qu'il est.
L'HON. M. CURRIE—Mon hon. ami a
prétendu que ce chemin de fer coûtait peu
au pays :—pourquoi, faut-il, hélas ! que les
comptes publics ne disent pas la même chose
et ne confirment pas les assertions de mon hon.
ami ? En regardant à l'actif de la province,
on trouve un compte contre le Grand Tronc
de $15,142,000 pour débentures, à part ce
petit article de $100,000 qui a servi à racheter les bons de la cité de Montréal.
Il y a
encore autre chose au sujet des lignes d'embranchement.
L'HON.M. CURRIE — Mon hon.ami pour
la division d'Erié ( M. CHRISTIE) a admis
au commencement de cette discussion que le
plan de confédération pèchait beaucoup par
les détails. En admettant cela, et c'est un
point capital, il est fort à craindre que la
mesure ne fonctionne pas aussi paisiblement,
aussi harmonieusement ni avec autant d'avantages que ses auteurs l'espéraient. Je
dois
dire, à ce propos, que dans mon opinion ces
messieurs étaient parfaitement convaincus
des avantages du nouveau plan et qu'ils l'ont
élaboré en vue de la prospérité actuelle et
future du pays et avec le sincère désir de
tirer le meilleur parti possible des circonstances. Leur grande erreur a été selon
moi
de faire trop de concessions, de la part du
Canada, aux provinces maritimes, afin d'amener ces dernières à adopter immédiatement
le
projet. Si les détails de la mesure sont
tellement défectueux, pourquoi ne pas la
rejeter ? Mon hon. ami a parlé de l'état du
pays avant la formation du présent ministère
en des termes qu'il ne saurait justifier. Il
nous a dit que le pays était dans un état de
confusion et d'anarchie. Pour ma part, hons.
messieurs, je n'ai rien vu de cette anarchie et
bien peu de cette confusion. On a vu dans
d'autres pays ce que nous avons eu ici. Des
gouvernements faibles toujours préoccupés de
se maintenir mois par mois au pouvoir et sans
cesse harcelés par une opposition puissante
et infatigable. Mais, hons. messieurs, peut-
on nous garantir qu'en accordant 17 membres
de plus au Haut-Canada et 47 membres aux
province du golfe, cela nous mettra désormais à l'abri de pareils inconvénients ?
L'hon.
membre pour Wellington ( M. SANBORN ) a
très-bien défini la position en disant
qu'un peu plus de patriotisme et un
peu moins d'amour pour l'intérêt de
parti, de la part de nos hommes publics,
nous aurait évité l'état de confusion mentionné par mon hon. ami pour la division
d'Erié. Cet hon. monsieur, pour justifier
l'appui qu'il veut donner au projet, a mentionné les résolutions adoptées par la convention
de Toronto en 1859, et nous a dit
que j'étais un des délégués à cette couvention ; mais, malgré cela, je n'ai pris aucune
part aux délibérations dont je n'ai aucune
connaissance que par les journaux. De plus,
l'hon. monsieur a eu soin de ne lire qu'une
partie des résolutions. Or, ces résolutions
contenaient le principe sur lequel s'est établi
le gouvernement actuel qui n'a été formé
que pour mettre en pratique les dispositions
prises par cette convention. Un comité fut
nommé par la convention de Toronto à l'effet
de rédiger une adresse au public. Cette
adresse fut soumise au comité exécutif et
examinée le 10 février 1860, et publiée
comme l'adresse de la convention dont
l'hon. membre pour Erié était membre et
même un des vice-présidents. Or, que
disait cette adresse ? " Que la convention
ne reconnaissait point au parlement le
droit de changer la constitution ou de
nous en donner une nouvelle sans consulter
282
l'opinion publique. " Et que proposait la
convention pour assurer au peuple le droit
de se prononcer sur une question aussi
importante que celle de l'adoption d'une
nouvelle constitution ? Voici ces propositions
imprimées en gros caractères, et je suis persuadé que mon hon. ami les a souvent lues
en parcourant sa vaste et prospère division.
L'HON. M. CURRIE—Mon hon. ami
me permettra de rectifier son assertion.
L'assemblée eut lieu le 28 septembre 1859 ;
elle était présidée par feu l'hon. ADAM
FERGUSSON ; et mon hon. ami, le membre
pour la division Erié, et M. D. A. MCDONALD, agissaient comme vice-présidents.
Cette assemblée nomma un comité spécial
pour rédiger une adresse aux électeurs du
Haut-Canada sur l'état politique de la province, à l'appui des résolutions alors adoptées.
Un projet d'adresse fut soumis au comité
exécutif.
L'HON. M. CURRIE—Elle fut publiée,
telle que je l'ai ici, au mois de février 1860.
Voici une des clauses de cette adresse :
" Garantir ces droits par une constitution écrite,
ratifiée parle peuple et qu'on ne s'aurait altérer
sans sa sanction formelle. "
J'ai bien peur que l'hon. membre pour la
division d'Erié n'éprouve une certaine
difficulté à justifier son attitude actuelle par
des arguments tirés de l'adresse ou des
résolutions de la convention de Toronto.
L'hon. monsieur n'aurait jamais songé à
présenter un projet comme celui-ci aux
membres de cette convention. Mais, lors
même qu'un pareil projet eût été présenté,
pensez-vous qu'on n'aurait pas demandé en
même temps l'appel au peuple ? Pensez-
vous, hons. membres, que la convention eût
approuvé le projet dans sa forme actuelle ?
Mon hon. ami, tout plein d'ardeur qu'il est
aujourd'hui, n'aurait pas alors consenti à
cette alternative. Je dirai plus, c'est que
le gouvernement actuel, soutenu par une
large majorité dans les deux chambres et
composé des hommes les plus habiles du
parlement, n'oserait jamais faire de ces résolutions une mesure du gouvernement et
demander l'appui de la législature pour les
faire passer sous cette forme. Mon hon.
ami a dit encore que le projet était parfaitement connu de tout le pays. Il est bien
vrai, hon. messieurs, que le texte des résolutions a été répandu à profusion dans
les
deux provinces ; mais où et quand ont-elles
été discutées si ce n'est dans le Bas-Canada,
où quinze comtés ont tenu des assemblées
pour les rejeter ? Dans le Haut-Canada
il n'y a eu aucune discussion à ce sujet, si
ce n'est à Toronto, et, là encore, elle a été
très-bornée et la seule conclusion pratique
qu'on en ait tiré est que Toronto, comme
Québec, serait le siége d'un des gouvernements locaux. Mon hon. ami pour la division
d'Erié a prétendu que le choix des délégués
à la convention n'avait pas été arbitraire, et
il est d'accord en cela avec mon hon. ami de
Montréal. Or, une simple lecture des
résolutions et des dépêches qui les accompagnent établit le fait contraire : et qui
les
à délégués pour agir comme ils l'ont fait ?
Le gouvernement, par l'essence même de sa
formation, était-il autorisé à faire ce traité ?
La formation même du gouvernement me
fournit la réponse : le gouvernement a
promis à la population haut-canadienne de
régler les difficultés qui existent actuellement entre le Haut et le Bas-Canada. Il
devait former entre ces deux provinces une
fédération dans laquelle les autres provinces
pourraient ultérieurement entrer si elles le
jugeaient convenable. Tel est le principe de
la formation de ce gouvernement,—principe
que les ministres ont fait valoir devant leurs
électeurs respectifs. A l'appui de cette
assertion, il me suffira de citer certains
passages du discours de Son Excellence le
gouverneur-général à la fin de la dernière
session du parlement. Vers la fin de ce
discours il est dit :
" Le temps est arrivé où une question constitutionnelle qui a agité la province pendant
plusieurs années, est mûre pour un règlement. "
A quelle province est-il fait allusion dans ce
passage ? Evidemment, le Canada.
" C'est mon intention pendant la vacance, "
continue Son Excellence, " de joindre mes efforts
à ceux de mes ministres pour aviser à cette fin à
un plan qui sera mis devant le parlement à sa
prochaine session."
Or, messieurs, où est le plan ? où est la
mesure promise par le discours du trône ?
" En mettant fin à vos travaux parlementaires,"
continue Son Excellence, "je désire vous faire
sentir l'importance de faire servir l'influence que
283
vous tenez de la confiance de vos co-sujets à
assurer au projet qui pourra être proposé dans ce
but une considération calme et impartiale tant
dans le parlement que par tout le pays."
Or, que veut dire cette phrase ? Si elle a
un sens elle indique que le gouvernement
s'engage à proposer une mesure qui devra
réaliser la confédération du Haut et du Bas-
Canada. Mais voilà que ces hons. messieurs
nous disent qu'ils " ont soumis à la chambre
un plan plus complet. " Et qui leur a
demandé cela ? On a dit que la chambre ne
fesait pas de différence entre les deux projets.
Cependant cette différence est considérable,
car si les résolutions ne concernaient que le
Haut et le Bas-Canada la chambre aurait
pu y faire des amendements. Mais non, les
ministres ont pris les députés du peuple à la
gorge en leur disant : " Voici un traité qu'il
faut accepter ou rejeter entièrement. " Ils
les ont avertis qu'en essayant de faire
changer un mot à la constitution proposée
ils risquaient leur réputation s'exposant à
passer pour des " sécessionistes " ou quelque
chose de pis encore. Or, si le gouvernement
avait été fidèle à sa promesse nous serions
aujourd'hui occupés à discuter avec calme
et d'un commun accord avec l'administration
une mesure qui serait avantageuse aux deux
provinces. Et pourquoi le gouvernement
persiste-t-il à s'abriter derrière ces résolutions—résolutions qui, telles qu'on nous
les
a présentées, sont complétement insoutenables et n'indiquent qu'une suite de concessions
faites par le Canada aux provinces
maritimes sans aucune compensation de la
part de ces dernières ? Or, je défie toute
preuve contre l'exactitude de cette assertion.
Et comment était composée la conférence ?
Toutes les provinces y ont envoyé des représentants des deux partis, à l'exception
du
Bas-Canada qui n'y a pas délégué un seul
membre du parti libéral. ( Ecoutez !) Le
gouvernement des provinces maritimes a eu
la magnanimité de s'entendre avec les chefs
de l'opposition, mais nos ministres ont complétement mis de côté le parti libéral
du
Bas-Canada. ( Ecoutez !) Mon hon. ami
pour la division d'Erié me dit qu'il est
fortement opposé aux détails du projet.
L'HON. M. CHRISTIE—Je demande
pardon à l'hon. monsieur, j'ai seulement dit
que j'étais opposé à l'abandon du principe
électif.
L'HON. M. CURRIE—Si l'hon. membre
a les mêmes sentiments que moi à cet
égard, il s'opposera jusqu'au dernier moment
à l'abandon de ce principe. Comme lui, je
dois à ce principe le siége que j'occupe dans
cette chambre, et je combattrai longtemps
avant de voter pour une mesure qui enlève
au peuple le droit de m'envoyer ici comme
son représentant. L'hon. monsieur nous a
dit que tout le pays était en faveur de la
confédération. Je n'en doute pas, mais bien
des gens en Canada sont opposés aux détails
du projet. L'hon. monsieur a également
prétendu que le pays comprenait parfaitement la mesure. Cela est une erreur, et je
n'en veux pour preuve que ce qui s'est
passé hier dans cette chambre. Un des
marchands les plus intelligents du Haut-
Canada, l'hon. membre pour la division
d'Ottawa ( M. SKEAD ) nous a dit que depuis
24 heures seulement il comprenait le plan
soumis à cette chambre. Et on nous dira
sérieusement que le pays comprend la
mesure ! Sait-on, par exemple, ce que
coûtera le fonctionnement du système? Les
hommes influents du pays ont déclaré en
diverses circonstances que les subventions
locales seraient plus que suffisantes pour
faire fonctionner les gouvernements locaux.
Or, il faut juger de l'avenir par le passé.
Examinons, par exemple, les comptes publics
du Haut-Canada en l838 ; j'y trouve que,
pour une population de 450,000 âmes, on
dépensait $885,000 par année. On me dira
qu'à cette époque le Haut-Canada payait la
milice et les frais de perception des douanes
et d'autres petits items qui seront laissés à
la charge du gouvernement fédéral. Or, que
coûta la milice en 1838 ? La somme insignifiante de £649 19s. 11 1/2d. Il fut perçu
£317 15s. pour honoraires et commissions,
en sorte que le coût total de la milice pour
le Haut-Canada fut de £832 4s. 11 1/2d.
Maintenant pour les douanes : les frais de
perception des douanes pour le Haut-Canada,
en 1838, se montèrent à £2,792 l4s 2d,
c'est-à-dire environ la moitié, à peine la
moitié de ce qu'il en coûte aujourd'hui pour
percevoir les douanes dans le seul port de
Toronto. J'en viens au Bas-Canada ; sa population était alors de 650,000 et les frais
du
gouvernement de $573,348. Jamais peuple
ne fut gouverné aussi économiquement que
le Bas-Canada avant l'union. ( Ecoutez !)
Et, en supposant qu'on puisse le gouverner
à aussi bon marché que par le passé, il
faudra $980,000 pour gouverner cette section du pays sans compter l'intérêt d'une
partie de la dette qui lui sera imposée. On
nous a dit que dans le Haut-Canada nous ne
284
saurions que faire de tout l'argent destiné à
la législature locale. ( Rires. )
L'HON. M. CURRIE — Vous devez l'avoir
lu dans les discours prononcés à la chambre
basse, et, en particulier, dans ceux de l'hon.
M. BROWN. Or, si nous pouvons gouverner
le Haut-Canada aussi économiquement après
qu'avant l' Union, il nous faudra $2,170,000
par année, ou $1,054,000 de plus que la
subvention locale. Personne ne prétendra
que nous serons, à l'avenir, plus économes
des deniers publics qu'aux premiers jours de
notre histoire. On a prétendu que le pays
connaissait parfaitement ces résolutions et
était prêt à les juger d'une façon impartiale.
Les membres du cabinet ont mauvaise grâce
à faire une pareille assertion. Voici ce
dont cette chambre a été témoin : on demandait à l'hon. commissaire des terres de
la
couronne comment seraient nommés les
membres des conseils législatifs des diverses
provinces ? L'hon. commissaire nous informa
qu'ils seraient nommés par les gouvernements locaux, et ce renseignement fut confirmé
par l'hon. premier ministre qui a eu
l'honneur de présider aux délibérations de la
conférence de Québec.
L'HON. M. CURRIE—J'ai cru qu'il avait
confirmé la déclaration de l'hon. commissaire
des terres de la couronne. En tous cas, il
écouta cette déclaration sans la contredire.
Mais qu'arriva t-il ? Après qu'on eût fait
comprendre à l'hon. commissaire des terres
l'absurdité d'une semblable disposition, il
demanda un jour pour répondre à la question
qui lui était faite, et le lendemain il nous
apportait une réponse toute différente. Quelques jours plus tard, on s'occupait du
droit
d'exportation sur les minéraux de la Nouvelle-
Ecosse, et j'ai cru entendre dire à l'hon.
commissaire des terres que tous les charbons
et minéraux exportés en pays étrangers seraient sujets à un droit. Mais, d'après les
explications données ultérieurement par
l'hon. monsieur, j'ai compris que le droit
d'exportation s'appliquerait à tous les charbons et minéraux exportés de la Nouvelle-
Ecosse. Mon hon. ami nous a expliqué la
nature de ce droit d'exportation, et que nous
a-t-il dit ? que ce n'était qu'un droit régalien ! Le droit d'exportation ne s'appliquera
qu'au charbon qu sortira du pays. A
la Nouvelle-Ecosse, il y a aujourd'hui un
droit régalien qui sera remplacé par le droit
d'exportation, et voici ce qu'y gagnera cette
province : sur le charbon nécessaire à sa
consommation elle n'aura pas de droits,
mais les charbons qu'elle enverra en Canada
seront sujets à un droit d'exportation.
L'HON. M. ROSS—Mon hon. ami doit
comprendre que si toutes les terres de la
couronne des diverses colonies eussent été
placées à la disposition du gouvernement
général, le gouvernement général en aurait
retiré tous les revenus. Mais elles ont été
laissées aux gouvernements locaux et, de
même que dans le Haut-Canada nous aurons
les droits sur les bois, la Nouvelle-Ecosse
se fera un revenu de ses charbons.
L'HON. M. CURRIE—Une personne
étrangère à la question pourrait croire,
d'après les paroles de mon hon. ami, que la
confédération va nous apporter des revenus
tout nouveaux. Mais les terres de la couronne
appartiennent actuellement au Haut et au
Bas-Canada et nous avons droit au revenu
qu'elles peuvent produire.
L'HON. M. ROSS —Précisement, comme
la Nouvelle-Ecosse a droit au revenu de son
charbon.
L'HON. M. CURRIE—Mais vous lui
accordez un privilége que vous niez aux
autres provinces, celui d'imposer des droits
d'exportation. Hons messieurs, j'aborderai
maintenant une autre question que le pays
semble ne pas bien comprendre, je veux
parler de la répartition de la dette publique.
J'ai déjà dit et je le répète que le revenu
est la vraie base qui devrait régler la position
de chaque province dans la confédération en
ce qui concerne sa dette. Et je pense que
mon hon. ami pour la division de Saugeen
(M. MACPHERSON) a exprimé une opinion
analogue à cet égard.
L'HON. M. CURRIE—Et pourquoi non ?
Les tableaux du commerce de la Nouvelle-
Ecosse, du Nouveau-Brunswick et de l'Ile
du Prince-Edouard sont ici à la bibliothèque,
et un comptable expérimenté pourrait, après
24 heures de travail, nous dire exactement
ce que chaque province devra, d'après son
commerce, contribuer au revenu général
avec notre tarif actuel.
L'HON. M. CAMPBELL—L'hon. monsieur ne voit pas que lorsque les différents
tarifs auront été rendus uniformes, ils
285
ne produiront pas les mêmes revenus
qu'aujourd'hui.
L'HON. M. CURRIE—Je comprends très
bien que vous donnez aux provinces maritimes des priviléges que nous n'aurons pas.
Les hon. ministres nous parlent des importations que nous ferons des provinces maritimes.
En 1863 les importations de charbon
de la Nouvelle-Ecosse se sont montées, en
tout, à $67,000. Ils ont aussi parlé du
commerce des pêcheries, mais pourquoi aller
chercher du poisson sur ces côtes, quand
nous pouvons dans nos eaux prendre le plus
beau poisson du monde ! De plus, la confédération ne nous donnera, pour les pêcheries,
aucun privilége que nous n'ayons à présent.
Aujourd'hui nos pêcheurs peuvent pêcher
dans le golfe aussi bien qu'ils le pourront
après la confédération. Nous aurons droit à
ces pêcheries non pas comme membres de la
confédération mais comme sujets anglais.
Mais je reviens au commerce de ces provinces ;
nous ne retirons que peu ou point de droits
du commerce des provinces maritimes, de
plus les revenus de ces provinces se composent
en grande partie des exportations de l'une à
l'autre qui seront perdues pour le gouvernement fédéral, vu qu'il ne pourra percevoir
ces droits que sur les marchandises importées
des pays étrangers. On nous a dit aussi que,
dans la confédération, notre tarif serait
considérablement réduit. Je suis fâché
qu'on ait fait cette déclaration, car elle ne
saurait être exacte. Si on a parlé de cette
réduction du tarif, c'est évidemment pour
influencer la législature de Terreneuve et
des autres provinces. Mais si le tarif est
diminué les Canadiens peuvent être convaincus qu'il leur faudra prélever 4 ou 5
millions de piastres par d'autres moyens.
Le tarif étant réduit on aura donc une taxe
sur les terres. J'en suis maintenant à
l'injuste répartition de la dette. J'ai toujours
cru que le revenu était la vraie garantie
qu'un pays peut fournir de payer sa dette.
Or, d'après les tableaux publiés par le
ministre des finances, le Nouveau-Brunswick, avec un revenu de $1,000,000 entrera
dans la confédération avec une dette de
$7,000,000, tandis que le Canada, avec
son revenu de $11,500,000 aura une dette
de $62,500,000. Est-ce juste ?—Est-ce
admissible ?—Est-ce même honnête ? En
prenant pour base le revenu, le Canada,
au lieu d'une dette de $62,500,000 aurait
droit d'apporter dans la confédération une
dette de $80,000,000, beaucoup plus forte
que sa dette actuelle. On prétend aussi que
le pays comprend parfaitement le mesure et
en est satisfait. Pourquoi donc ces pétitions
qui arrivent tous les jours à la chambre ?
Et qui m'assure que nos populations, surtout
du Haut-Canada, seront satisfaites du projet
lorsqu'elles en connaîtront tous les détails ?
Par exemple, la petite Ile du Prince-Edouard,
avec une population de 80,857 âmes, c'est-à-
dire moindre que celle d'un des colléges
électoraux représenté dans l'autre branche
de la législature, reçoit $153,728, et sera
délivrée d'une dette de $240,633.
L'HON. M. CURRlE—Elle apporte les
droits de douane et d'accise d'après le même
tarif et d'après les mêmes lois qu'en Canada.
L'HON. M. CURRIE—Je trouve le revenu
total de l'Ile fixé à $200,000. Mais n'allez
pas croire, hon. messieurs, que toute cette
somme sera pour le gouvernement fédéral,
qui n'aura que la part provenant des droits
d'accise et de douane sur les marchandises
importées des pays étrangers.
L'HON. M. CURRIE—Mon hon. ami ne
prétendra pas que la population de cette
petite île,—population frugale et industrieuse, il est vrai,—fournit, par tête, au
revenu
plus que la population du Haut-Canada.
Parlons maintenant de Terreneuve. Sa population est de 122,600 âmes—c'est-à-dire qu'elle
est moindre que celle de Huron, Bruce et
Grey , et moindre que celle du collége électoral représenté par mon hon. ami pour
Saugeen ; néanmoins, elle recevra constamment $369,000 par année et sera délivrée
d'une dette de $946,000.
L'HON. M. CURRIE—Mon hon. ami ne
prétend pas que Terreneuve n'a d'autres
sources de revenu que les douanes et
l'accise.
286
L'HON. M. CURRIE—Terreneuve recevra
$106,000 par année, non seulement cette
année mais toujours. Elle recevra aussi
constamment 80 centins par tête. En outre
elle recevra à l'avenir un bonus de $165,000
par année,—comment mon hon. ami explique-
t-il cela ? Car enfin cette somme capitalisée
représente $3,000,000 ;—il fait bon, à ce
prix, entrer dans la confédération. Or, pourquoi reçoit-elle cette somme énorme ?
Mon
hon. ami nous dit que c'est en retour des
riches terres de la couronne et des minéraux
qu'elle remet au gouvernement général. Mais
je ne sache pas que jusqu'à ce jour on ait retiré
de l'île une seule tonne de charbon. Et quels
autres minéraux peut-elle fournir ? Aucun.
Ses terres de la couronne n'ont aucune
valeur, du moins n'ont-elles rien produit
depuis plusieurs années. Nous donnerons
donc à Terreneuve $3,000,000, ou $165,000
par année, pour des terres qui n'ont pas de
valeur. J'exagère peut-être un peu, mais je
suis sûr qu'une loi cède gratuitement ces
terres à toute personne qui veut aller s'y
établir pour cinq ans. Et voilà les riches
terrains pour lesquels nous allons donner
$3,000,000 ! Mais mon hon. ami le commissaire des terres de la couronne nous dira
peut-être que ces terres et minéraux, si peu
de valeur qu'ils aient pour Terreneuve, vaudront $3,000,000 pour la confédération,
et
que l'île n'ayant pas d'autre source de revenu
doit recevoir, en retour, cette subvention.
Mais pourquoi Terreneuve n'a-t-elle pas
d'autre source de revenu ? Pourquoi
n'y a-t-on pas pris les moyens que nous
avons employés nous-mêmes pour créer
un revenu ? Et nous allons nous taxer
pour lui fournir $165,000 par année !
Hons. messieurs, j'ai déclaré que l'annonce
du projet de confédération avait surpris le
pays. Je crois que cette déclaration était
fondée. Avant de nous réunir ici nous
n'avons eu que peu d'explications sur la
partie financière du projet—point important.
Je ne suis pas de ceux qui, favorables en
principe à la confédération, y renonceraient
pour un item de quelques centaines de
piastres. Je prétends ceci, c'est que si la
base du projet est injuste en ce qui concerne
certaines parties contractantes, l'édifice qu'on
veut élever tombera au seul souffle de
l'opinion publique. Nous avons dû penser,
en venant ici, qu'on nous soumettrait la
mesure promise à la fin de la dernière
session, mais c'est une toute autre affaire. Or,
supposons que la mesure soit adoptée ici et
que les autres colonies la rejettent, quelle
sera la conséquence ? Si j'ai bien compris,
le consentement de toutes les provinces est
nécessaire et si une seule refuse, la mesure
tombe à plat. Le Canada demandait la
mesure promise qui devait mettre fin aux
difficultés entre les deux sections de la
province. Mais la conférence de Québec a
totalement changé notre position : on nous
apporte un traité que nous devons adopter
à
priori sans y rien changer. Peu importent les
détails, notre discussion n'est qu'une comédie.
Même le délai raisonnable que je demande
aujourd'hui sera refusé, je le crains bien,
par le gouvernement. Hons. messieurs,
pour vous faire voir combien il est nécessaire que la mesure soit juste et équitable
envers tous ceux qui y sont concernés, je
citerai les paroles d'un homme d'état distingué, une des gloires du Canada. Voici
ce qu'il disait :
" Les populations du Canada n'approuveront
aucune mesure qui contiendra le moindre germe
d'injustice à l'égard de la moindre fraction du
pays ; et si, dans la mesure soumise aujourd'hui,
un tel germe d'injustice existe, le succès du projet
sera gravement compromis. "
Voilà ce que disait, il y a quelques mois,
l'hon. ministre des finances. Je découvre,
dans le projet de confédération, des injustices flagrantes à l'endroit de certaines
parties contractantes, et voilà pourquoi j'y
suis opposé. On me dira qu'il n'appartient
pas à cette branche de la législature d'entraver le projet, mais en cela je suis d'accord
avec l'un des membres représentant un des
plus grands colléges électoraux du Canada,
( l'hon. M. MACPHERSON ), quand il nous
dit :
" Bien que la constitution interdise au conseil
législatif de voter des deniers ou d'affecter des
deniers à quelque objet, il lui reste la faculté de
défendre avec zèle vos intérêts, et vous préserver
d'une législation hâtive et irréfléchie, et d'empêcher le gaspillage des deniers publics.
"
L'HON. M. CURRIE—Je partage entièrement les vues que l'hon. membre pour
Saugeen a exprimées devant ses électeurs à
ce sujet, et, le moment venu, j'espère que
l'hon. membre sera fidèle à sa profession de
foi. Or, qu'arrive-t-il aujourd'hui ? Le
projet est manifestement injuste vis-à-vis
de la section de la province représentée par
cet hon. monsieur. Nous nous engageons à
287
construire le chemin de fer intercolonial
sans savoir s'il coûtera quinze, vingt ou
trente millions de piastres. La seule évaluation que nous ayons eue a été mentionnée
par l'hon. membre pour Toronto, qui nous a
dit que M. BRYDGES offrait de le construire pour dix-sept millions et demi de
piastres.
L'HON. M. CURRIE—Si l'hon. membre
persiste dans cette opinion, il peut s'attendre
à recevoir de rudes leçons au sujet des priviléges de la chambre. Ne devons-nous pas,
en législateurs honnêtes, mettre le pays à
l'abri des désastreux effets d'une législation
hâtive et irréfléchie ? Ne peut-on pas appliquer ces deux epithètes au mode de procéder
qu'adopte aujourd'hui le gouvernement ?
L'HON. M. MACPHERSON —Je ne me
place pas à ce point de vue et voici pourquoi ; mes électeurs ont examiné la question
et sont parfaitement convaincus que cette
mesure doit etre adoptée.
L'HON. M. CURRIE—On nous a dit
que tout le projet reposait sur un système
de concessions mutuelles. Or, quelles concessions a-t-on faites au Canada ? Quelles
concessions a-t-on faites, en particulier, au
Haut-Canada ? On comprendra pourquoi le
Canada a tout cédé quand on saura que la
petite colonie de l'Ile du Prince-Edouard,
avec sa population de quatre-vingt mille
âmes, a eu voix égale dans la conférence
en face du Haut-Canada, avec son million
et demi, et le Bas-Canada, avec un million
et un quart d'habitants. ( Ecoutez !) C'est
ainsi qu'a commencé le système des concessions de la part du Canada. Nous lui avons
aussi cédé le droit de nous enlever le
conseil législatif électif. ( Ecoutez !) Je
défi aucun hon. membre de cette chambre
d'établir que ce n'est pas à l'instigation des
provinces maritimes que le principe électif
a été abandonné. J'en appelle à ce qu'a dit,
sur ce point, l'hon. ministre des finances
dans son fameux discours à Sherbrooke.
C'était une seconde concession. Mais voyez
la constitution qu'on nous propose ! Les
provinces maritimes n'ont, ensemble, qu'une
population de 700,000 âmes. Cela pourrait
faire croire qu'elles se seraient contentées,
dans le conseil législatif, d'une représentation égale à celle du Haut-Canada, dont
la
population est double, et à celle du Bas-
Canada, dont la population est aussi presque
double. Mais non, au lieu de 24 membres,
il leur en a fallu 28. Voilà trois concessions importantes et distinctes faites par
le
Canada aux populations des provinces maritimes. De plus, notre part de la dette dans
la confédération, sera seulement de $62,000,000 au lieu de $82,500,000, comme
c'est notre droit. En outre, nous assumons
un fardeau de $15,000,000, et nous leur
donnons, en entrant, un bonus annuel que,
nous aurons à prélever dans le Haut-Canada
au moyen de la taxe directe.
L'HON. M. MCCREA—La raison de
cela est que les provinces maritimes nous
aideront à payer notre dette.
L'HON. M. CURRIE—Mon hon. ami
pour la division Western dit qu'elles nous
aideront à payer les dettes de la confédération. Mais ce n'est pas une raison pour
que
nous leur fournissions de quoi payer leur
dette locale. Et n'est-il pas absurde d'accorder à chaque province tant par tête d'après
sa population pour défrayer les dépenses des
gouvernements locaux ? Tout le monde sait
que la population des provinces maritimes
n'augmentera pas à beaucoup près aussi vite
que celle de cette province. L'accroissement
de notre population fera donc que nous
paierons beaucoup plus que nous ne recevrons.
C'est une quatrième concession. La cinquième
est faite au Nouveau-Brunswick. Nous lui
donnons un bonus de $630,000, et nous construisons le chemin de fer intercolonial
en
faisant croire au peuple que ce chemin traversera toutes les villes du pays. La Nouvelle-
Ecosse a le droit d'imposer un droit d'exportation sur ses charbons ou autres minéraux
envoyés dans le Haut-Canada ou ailleurs.
Terreneuve reçoit un petit cadeau de trois
millions de piastres, ( en capitalisant la
subvention annuelle comme je l'ai dit plus
haut ), pour l'engager à s'unir à nous. Mon
hon. ami pour Port-Hope nous a parlé des
écoles communes du Canada ; à ce sujet on
enlève, parait-il, d'un trait de plume un
montant d'un million et un quart de piastres,
—c'est encore, je suppose, une concession
faite aux provinces maritimes. Et que nous
donne-t-on en retour ? Rien de ce qui nous
reviendrait de droit. Le Haut-Canada aura
17 membres de plus dans la chambre basse,
c'est justice, mais les provinces maritimes
nous en amèneront 47. On nous dit qu'on
évitera ainsi les petites majorités. Et si tout
va bien, nous aurons toujours, sous la nouvelle constitution, un gouvernement fort
comme celui dont le ciel nous gratrifie
288
en ce moment. D'hon. membres ont
dit que le peuple comprenait parfaitement la question. Pourquoi craindre alors
de lui donner encore quelques mois pour
l'examiner plus amplement ? Un peu de
prudence et de précaution vaudrait mieux,
ce me semble, qu'une précipitation dont le
pays saura bien se plaindre plus tard lorsqu'il s'apercevra de l'injustice énorme
qu'on
lui a faite. ( Ecoutez !) Un fait extraordinaire
est la variété infinie des raisons qu'on donne
pour appuyer la confédération. Les uns la
désirent parce qu'elle crééra sur le continent
une nationalité nouvelle et indépendante.
D'autres parce qu'elle cimentera l'union des
colonies. Enfin un troisième parti appuie
les résolutions parce que tout le système est
si injuste que le peuple dégoûté bientôt, ne
tardera pas à entrer dans la république
Américaine. Pour ma part, je me fais l'idée
suivante de ces résolutions : ce sont autant
de harts et elles vont servir à faire des colonies
un immense et informe radeau qui, dans
peu, s'en ira à la dérive vers la confédération
américaine ! ( Ecoutez ! et rires. )
L'HON. M. DICKSON—Hon. messieurs,
après quinze jours de discussion, lorsque le
sujet est presque épuisé, chacun sait combien
est difficile la tâche de prendre la parole ;
mais si je me suis abstenu de parler avant
aujourd'hui, c'est que je voulais borner mes
observations en principe de l'amendement
présenté par mon hon. et savant ami de la
division de Niagara. Je vais d'abord dire
quelque mots qui me sont suggérés par la
première partie du discours que l'hon.
chevalier et premier ministre a prononcé en
soumettant le projet aux délibérations de
cette chambre. Cet hon. monsieur nous a
dit que l'état de choses qui a existé durant les
vingt-cinq mois qui précédèrent la formation
du cabinet TACHÉ-MACDONALD avait nécessité l'initiative de mesures énergiques pour
mettre fin à nos difficultés politiques. Ces
difficultés, messieurs, qu'étaient-elles ? c'est
que l'un après l'autre cinq gouvernements
se sont succédé, que tous étaient incapables
d'administrer les affaires publiques, si bien
qu'ils eurent à résigner ou à rester avec une
si faible majorité dans la chambre basse
qu'ils ne pouvaient administrer les affaires du
pays d'une manière satisfaisante. Le gouvernement TACHÉ-MACDONALD s'est trouvé
dans la même position que les cinq qui le
précédèrent, et il allait en appeler au pays,
lorsqu'une voix se fit entendre au loin.
Quelle était cette voix et d'où venait-elle ?
Cette voix était celle d'un grand homme,
sollicitant la faveur de verser de l'huile sur
les flots agités de la politique. ( Ecoutez !
écoutez !) La permission demandée fut accordée ; l'huile fut versée, et l'effet en
fut miraculeux, car à la tempête succéda le calme ;
mais la surprise ne fut pas peu grande
lorsque peu de temps après on découvrit
que cette huile magique venait directement
des puits de Bothwell . ( Hilarité générale et
prolongée. ) Ainsi que nous l'a appris l'honorable et vaillant chevalier, le gouvernement
reçut une communication du vrai chef de
l'opposition ; car, à n'en pas douter, il en
était le véritable chef, et grâce à son apostasie,
l'individu qui avait fait entendre cette voix
se trouve aujourd'hui le véritable chef du
parti ministériel. ( On rit. ) Cet homme
sincère désirait faire des ouvertures dans le
but, comme nous l'a dit l'honorable et
vaillant chevalier, de mettre fin aux
difficultés existantes. Il est, dit-on, entré
dans le gouvernement pour régler cette
seule question d'une nouvelle existence
politique, et de ce, nous sommes justifiables d'inférer qu'après ce réglement il
va se retirer de l'administration ou y occuper
un plus haut poste. Eh ! bien, messieurs,
quelles difficultés a-t-on reglées jusqu'ici ?
aucune ; on a le projet dont la chambre est
saisie et qui doit, paraît-il, mettre fin à
toutes les difficultés et dissensions qui ont
affligé le pays depuis ces vingt-cinq dernières années ; mais d'où vient ce remède
?
de l'individu même qui, plus qu'aucun autre
a été le fauteur de ces difficultés. ( Ecoutez !
écoutez !) Parlant de lui, l'hon. monsieur
a dit une fois qu'il était une impossibilité
comme homme d'état, mais il paraîtrait
qu'aujourd'hui il n'en est plus une. Après
que l'huile eut été jetée sur les eaux agitées,
le moment de faire de petits et délicats
arrangements entre le gouvernement et ce
monsieur, dont on entendait toujours la voix
lointaine, ne tarda guère à se présenter. Or,
quels furent ces arrangements ? Le croiriez-
vous ? l'hon. monsieur persista à vouloir
se tenir à l'écart ; pour aucune raison au
monde il ne voulait faire partie du gouvernement. ( Ecoutez ! écoutez !) Non, cent
fois non ; il ne le voulait pas. ( Hilarité. )
Ce que voyant, les membres du gouvernement lui dirent: " Mais il faut que nous
vous ayons parmi nous ; nous connaissons
trop bien la force que vous pouver nous
apporter pour que l'on consente à ce que
vous vous teniez à l'écart. " Eh ! bien, il est
289
étonnant de voir de quels sacrifices les
hommes publics sont parfois capables !
( Rires ). En vérité, messieurs, il est surprenant de voir à quels sacrifices ils
se dévouent
pour le bien de leur pays ! ( On rit. ) Nous
en avons ici un exemple très frappant ; un
exemple des sacrifices que le patriotisme
peut suggérer à un homme pour le salut de
son pays. ( Hilarité. ) Car, à la suite du
dernier des petits arrangements dont j'ai
parlé, le monsieur dont la voix se faisait toujours entendre crut devoir pousser son
dévouement jusqu'à accepter un portefeuille.
( On rit. ) Ce sacrifice étant consommé, il crut
nécessaire de l'appuyer sur un principe,
mais là était le point difficile. Quel principe était susceptible de s'étirer jusqu'à
ce cas? ( On rit !) Malgré la difficulté,
cependant, quelque génie inventif vint à son
secours et lui suggéra de recourir au principe homéopathique. En effet, il entra au
gouvernement à cheval sur ce principe, après
avoir pris une dose infinitissimale de gritisme.
( Hilarité prolongée. ) Et voilà comment il
se fait que nous avons aujourd'hui un gouvernement composé de trois ultra-réformistes
et de neuf conservateurs. L'hon. monsieur
dont je viens de parler se réprésenta à ses
électeurs, qui lui redonnèrent son siége en
cette chambre. Mon hon. ami de Toronto
dit qu'il a été réélu par acclamation, eh !
bien, lorsque nous considérons que cet homme
a été pendant des années le chef et le génie
d'un grand parti politique composé de la
majorité des représentants du Haut-Canada ;
quand nous considérons sa haute intelligence
et l'influence qu'il exerçait avec la plume
qu'il maniait avec tant d'énergie, il n'est pas
du tout surprenant qu'il ait été réélu par
acclamation. Il fait aujourd'hui partie du
cabinet, et ici je me permettrai une petite
digression sur la position actuelle du gouvernement. Vous devez vous rappeler, hons.
messieurs, que nous jouissons ou plutôt que
nous avons joui d'un système de gouvernement qui compte en ce pays un grand nombre
d'admirateurs, mais que quelques hons. messieurs admirent encore plus que la généralité
du peuple. Ce système est connu sous le
nom de gouvernement responsable, et si je
comprends bien la valeur de ces mots, on
entend par eux que le gouvernement du pays
doit fonctionner selon les vues bien comprises
du peuple exprimées par ses députés à l'assemblée législative. ( Ecoutez ! écoutez
!) Cela
étant admis, je puis donc objecter au gouvernement actuel pour la raison qu'il n'a
pas
été formé selon ce principe, pour la raison
qu'il n'émane pas de la volonté du peuple.
Je ne puis avoir pour lui le même respect
que j'avais avant que trois de ses membres
conservateurs du Haut-Canada se fussent
retirés pour faire place à trois ultra-réformistes ; car alors tous les ministres,
qui étaient
des hommes conséquents et dont les talents
pouvaient être avantageusement comparés à
ceux des membres d'aucune administration
qui a pu être chargée des affaires de cette
province ou de toute autre, appartenaient au
même parti. Tous étant d'accord sur les principales questions politiques, ceux mêmes
qui
leur étaient opposés ne pouvaient s'empêcher
de ressentir pour eux un profond respect
motivé par leur sincérité, honnêteté et fidélité comme conservateurs et comme hommes,
je le crois, professant des principes de saine
politique. Mais l'introduction des trois autres
membres a changé du tout au tout le caractère
du gouvernement, et la première œuvre à
laquelle cette alliance impie met la main,
bien entendu à l'instigation du chef à la
voix lointaine, est à l'effet de renverser notre
constitution. ( Ecoutez ! écoutez !) Lorsqu'une
grande question vient devant cette chambre,
et que, comme celle-ci, elle est destinée à
rayer de nos lois toute une constitution pour
lui en substituer une autre, je pense, hons.
messieurs, que vous conviendrez avec moi
que c'est là une des plus importantes mesures
qui puisse émaner d'aucun gouvernement de
la terre. ( Ecoutez ! écoutez !) Eh ! bien, je
demande à ceux qui désirent ardemment de
voir fonctionner le gouvernement responsable
dans toute son intégrité si nous avons là une
administration qui puisse être reconnue
comme l'expression de la volonté bien comprise du peuple ? Un gouvernement qui se
dit responsable devrait directement émaner
des élections et non pas être l'œuvre des
ministres. ( Ecoutez ! écoutez !) Je vous le
demande, est-ce qu'à la dernière élection
générale le peuple de l'une ou l'autre section
de la province savait quelque chose de ce
projet ? En élisant ses représentants, avait-il
la moindre idée qu'ils auraient à se prononcer
sur cette question ? La chose me paraît
impossible, d'autant que la mesure est
l'œuvre de l'individu dont j'ai parlé et
qu'elle ne date que de la crise dans
laquelle s'est trouvé le gouvernement TACHÉ-
MACDONALD. A la dernière élection générale, le peuple ignorait que la législature
allait être saisie d'une semblable mesure.
Hons. messieurs, je ne me fusse pas levé
290
pour dire un seul mot, si le sujet soumis à nos
délibérations ne nécessitait qu'une mesure
ordinaire pouvant être passée à cette session
et révoquée à la prochaine s'il y avait lieu ;
mais si elles sont adoptées par toutes les
législatures, ces résolutions vont faire partie
d'un acte impérial, et tout changement que
le peuple de ce pays pourra désirer sera loin
de pouvoir s'obtenir facilement. La puissance qui établira la confédération en passant
l'acte à cet effet sera la seule par laquelle
tout changement pourra être effectué. Ainsi
donc, après avoir adopté ces résolutions,
nous n'aurons pas le pouvoir de les modifier
en quoi que ce soit. Voilà, messieurs, une
des raisons pour lesquelles je me suis abstenu
d'adresser la chambre jusqu'au moment où
serait proposée la résolution que vient justement de présenter mon hon. ami de la
division de Niagara, et je prends cette occasion
de dire que je ne pense pas que l'observation faite par un hon. membre, qu'il serait
inconsidéré de la part de cette chambre de
suggérer la dissolution de l'assemblée, puisse
influer sur le sort de l'amendement qui est
devant nous, car, messieurs, il ne comporte
rien de pareil. Nous demandons un délai,
et nous sommes entièrement de l'avis que
vous remettiez la mesure jusqu'après la prochaine élection générale. Si le gouvernement
croit que ce délai nuira à la mesure,
la constitution lui offre un moyen d'obvier
à ce danger,—un moyen que les convenances
m'empêchent de lui indiquer plus clairement.
Ce n'est pas un délai d'une semaine ou d'un
mois que je veux: il en faut un beaucoup
plus long. Je crois que la question doit
être soumise à l'approbation du peuple,
mais non pas selon la méthode du colportage,
c'est-à-dire en allant de porte en porte pour
connaître l'opinion des électeurs. Si nous
ne pouvons obtenir que le peuple se prononce sur ce projet par la voie des élections,
je n'ai que faire d'un délai. Je ne veux
pas que l'opinion du peuple soit consultée à
moins qu'on ne le fasse de manière à ce
que l'on puisse se fier à l'expression de cette
opinion. Si un hon. monsieur consulte une
partie de sa division où les électeurs sont
opposés au projet, tandis que dans l'autre
ils sont en faveur, il ne sera pas plus avancé
que s'il n'avait rien fait. Je ne suis pas non
plus d'avis de faire voter les électeurs par
" oui " ou " non " sur la mesure, ainsi que
cela se pratique pour une loi de tempérance.
( on rit ). Je veux que l'on recoure au moyen
que nous offre la constitution anglaise, où à
rien du tout. Je ne souris pas à l'idée de
voir les hons. membres aller de porte en
porte demander à leurs commettants : " Etes-
vous pour la confédération ?" ( on rit. )
J'aimerais autant les voir colportant des
horloges en bois. ( Nouvelle hilarité ). Je le
répète, hons. messieurs, tout le projet est
sorti du cerveau fécond d'un seul individu.
Cet individu a suggéré le projet au gouvernement ; ce dernier s'est adjoint cet individu,
qui a proposé le moyen arbitaire dont nous
sommes témoins de faire adopter cette mesure avec l'assistance de ses adhérents, et
c'est ce qui va avoir lieu. Je le répète
encore, tout cela nous vient de l'individu
qui, pendant assez longtemps n'a fait que
semer le trouble et la discorde, mais qui, s'il
le peut, compte maintenant recueillir de
meilleurs fruits. Il se peut que ce soit
involontaire de sa part, mais je crois qu'il
nous prépare là des difficultés du genre le
plus grave. Il se peut, cependant, que
cette mesure soit trouvée une des plus avantageuses qui ait encore été présentée à
la
législature, et si cela était, l'hon. député
d'Oxford Sud en aura tout le mérite, car
c'est à son initiative qu'elle doit d'avoir été
produite ; mais si au contraire, tel que je le
crains, elle doit avoir pour le pays les conséquences les plus désastreuses, et si
elle
n'est pas soumise au peuple constitutionnellement, cet hon. monsieur méritera et subira
la plus amère des condamnations. ( Ecoutez !
écoutez !) Cela dit, je passe à la mesure
elle-même, et veux faire connaître l'attitude
que je compte prendre à son égard. Lorsqu'on proposa de changer le caractère de la
constitution de cette chambre, je fis tous les
efforts en mon pouvoir pour empêcher que
cette proposition ne devînt loi, mais tous ces
efforts, joints à ceux de quelques hons.
collègues, ne serviront de rien, et nous
dûmes nous contenter de faire inscrire le
protêt suivant :-
" Premièrement.—Parce que l'acte d'union
donné au peuple du Canada, en ce que sa position
coloniale pouvait le permettre, une constitution à
peu près semblable à celle sous laquelle la Grande-
Bretagne a atteint sa grandeur au milieu des
nations, et que le conseil législatif, comme partie
intégrante de cette constitution, a été dès lors
établi sur sa base actuelle pour servir de frein
aussi bien contre l'action trop précipitée de la
branche populaire, que contre l'influence indue de
la couronne.
" Secondement.—Parce que l'introduction du
principe électif dans la constitution de la chambre
haute, donne une prépondérance dangereuse à
l'élément populaire, diminue l'influence salutaire
291
de la couronne, et fait disparaître cette balance
qui a maintenu l'équilibre entre les deux pouvoirs
depuis que des institutions représentatives ont
été introduites dans cette colonie.
" Troisièmement—Parce que la mesure actuelle
tend à l'anéantissement de la responsabilité exécutive ; à l'adoption d'une constitution
écrite ; à
l'élection de l'officier le plus haut placé de la couronne ; et à la séparation du
Canada de la mère-
patrie.— ( Signé,) P. B. DE BLAQUIÈRE, JOHN
HAMILTON, GEORGES J. GOODHUE, WM. WIDMER,
JAMES GORDON, J. FERRIER, R. MATHIESON, G. S.
BOULTON, et WALTER H. DICKSON. "
Ainsi donc, hons. messieurs, le changement
eut lieu en dépit de tout ce ne nous avons
pu faire. Je repoussai alors le changement
projeté d'après la propre idée que je m'en
étais faite, car, ainsi que plusieurs hons.
messieurs, je n'avais pas de commettants à
consulter, et c'est encore de la même
manière que je m'oppose au projet en discussion. Je n'objecte pas aussi fortement
aux détails de la mesure que certains hons.
messieurs, parce que je tiens compte du
nombre de personnes qui ont pris part à la
conférence et de la capacité de ces personnes ;
je ne voudrais pas, par conséquent, avoir la
témérité de prendre la parole pour indiquer
une erreur ici, une erreur là, quand même
je trouverais réellement des erreurs dans ces
détails, à moins donc d'être convaincu que
non seulement je possède un jugement plus
sain qu'elles, mais encore que je suis plus
qu'elles au fait de toutes les circonstances
qui ont donné lieu à la question, soit directement ou indirectement. Mais, hons. messieurs,
laissez-moi vous demander qui va le
plus se ressentir de ces changements ? Le
peuple canadien, et cela étant, il me semblerait juste que nous ayions au moins le
droit de nous prononcer sur ce qui nous concerne aussi directement. ( Ecoutez ! écoutez
!)
Cela me semble une manière logique d'envisager la question ; je revendique aussi pour
moi
le droit d'exercer mon propre jugement dans
la mesure des facultés que la Providence à
bien voulu me donner, car je crois de mon
devoir de me prononcer et d'inscrire mon
vote selon que ma conscience me guide, et
cela afin que tant que je vivrai je puisse
être satisfait de la conduite que j'aurai tenue
comme membre de ce conseil. ( Ecoutez !
écoutez !) Jamais je ne croirai que certains
hons. membres qui se sont prononcés contre
la continuation du système électif appliqué
à cette chambre ont pu le faire avec la même
satisfaction qu'ils éprouvèrent jadis en plaidant en faveur de l'introduction de ce
système. Je me souviens parfaitement d'avoir
dit, lorsque je reconnus que l'on était
déterminé à appliquer le principe électif à
cette chambre : messieurs, si ce principe est
bon dans un cas, il doit l'être dans l'autre ;
rendons aussi la charge de l'orateur élective. Non, non, cela ne ferait pas, me fut-il
répondu. C'est du républicanisme que vous
voulez-là. On ne voulut pas consentir à ce
que cette charge devint élective ; le gouvernement eut perdu là une occasion d'exercer
son patronage. Depuis ce temps les fonctions
d'orateur sont devenues électives, et la
chambre doit en conséquence admettre que
j'avais alors raison. Je m'opposais à ce que
cette chambre devint élective, mais une
majorité réussit à lui appliquer ce principe,
et voilà maintenant que l'on veut reconférer
à la couronne le droit de nommer à ce
conseil ; de sorte que lors du premier changement j'avais aussi raison de m'y opposer.
( Ecoutez ! écoutez! et rires. ) Lorsqu'il fut
proposé d'accorder trois millions au chemin
de fer Grand Tronc, je vis qu'au fond de tout
cela existait un but politique, et je votai
contre ce crédit. Je m'opposai de même aux
octrois faits aux voies ferrées d'Arthabaska
et de Port Hope à Peterboro, parce que je
considérai que c'étaient là autant de moyens
commodes d'acquérir des adhérants en
chambre sous le prétexte d'obtenir des
fonds pour le Grand Tronc. Ces embranchements furent dénommés voies d'alimentation
(feeders ), mais moi je les ai appelés
des gouffres ( suckers), trouvant que cette
qualification leur allait beaucoup mieux.
( On rit. ) Et je me sens fier d'avoir tenu
cette conduite à l'égard de ces questions.
Je suis prêt à admettre qu'au point de vue
matériel le Grand Tronc est très avantageux
à la province, mais je crois qu'on paie un
peu trop cher le siflet qu'il fait entendre.
( Hilarité. ) Sachant combien nous a coûté
cette voie ferrée qui traverse la plus belle
partie du pays, je suis disposé à me montrer
très prudent à l'égard de la construction du
chemin de fer intercolonial. ( Ecoutez!
écoutez !) J'ai été souvent à même de
connaître la valeur des renseignements de
mon hon. ami ( M. Ross), et j'aime à me
tenir assez près de lui, car si je sors de la
voie, il a cette heureuse faculté de pouvoir
m'y remettre. Je lui demanderai donc si
dans ses observations de cette après-midi, il
a ou non voulu dire que depuis l'Union le
peuple n'avait pas demandé que la chambre
haute devint élective ?
L'HON. M. ROSS—J'ai dit que le peuple
292
du Haut-Canada, généralement, n'avait pas
demandé ce changement : je sais très bien,
par exemple, que dans le Bas-Canada ce sujet
a donné lieu à une agitation.
L'HON. M. DICKSON—Bien ; on voit
dans les journaux du conseil législatif de
1855, que le 21 mai, lorsque la seconde
lecture du bill pour rendre cette chambre
élective fut refusée, les lignes suivantes
furent inscrites par huit hons. membres
comme étant les motifs de leur dissentiment
sur ce vote :-
" Parce que l'opinion publique s'est depuis
longtemps et à différentes reprises exprimée sur
la nécessité de rendre cette branche de la législature élective ; parce que le vote
presque unanime
de l'assemblée législative, sans égard aux partis,
a, d'une manière non équivoque, ratifié cette
expression du sentiment populaire ; parce que
l'opposition de cette chambre au vœu universel
des habitants du Canada, sans être appuyée par
un parti, soit dans l'autre branche de la législature ou en dehors d'icelle, est sans
précédent et
de nature à causer les plus sérieuses appréhensions. "
Le premier, hons. messieurs, qui signa ce
protêt, fut l'hon. JOHN ROSS; le deuxième,
mon hon. et vaillant ami Sir E. P. TACHÉ ;
les hon. MM. PANET, BELLEAU, ARMSTRONG, PERRY, LÉGARÉ et CARTIER
venaient après eux. Après avoir pu observer comme je l'ai fait les heureux résultats
de l'application du principe électif à cette
chambre, je ne puis faire autrement que
d'exonérer tous ces messieurs d'avoir voulu
introduire ce système ; mais ce que je ne
saurais comprendre, c'est qu'ils aient pu
craindre que le refus d'appliquer ce principe
serait la cause de résultats fâcheux, et qu'à
dix ans de distance, pendant lesquels ce
principe a été mis en pratique avec un heureux succès, ils veuillent que l'on revienne
au
système trouvé alors si défectueux et dont le
peuple ne voulait plus. ( Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. ROSS —J'étais alors membre
du gouvernement et je cherchais à faire
prévaloir sa politique.
L'HON. M. DICKSON —De ce, je puis
donc inférer que l'hon. monsieur n'exprimait
pas alors ses propres sentiments, mais seulement ceux du gouvernement dont il faisait
partie. Je n'ai jamais été membre du gouvernement, et il est probable que pour cette
raison on me pardonnera de n'avoir pas
compris que l'hon. monsieur avait deux
manières de voir dont il usait à tour de
rôle, selon que les circonstances l'exigeaient.
( Hilarité. ) Revenons maintenant au sujet de
l'amendement. Je désire et demande, pour
d'autres motifs que ceux que j'ai déjà fait
connaître, que la discussion du projet soit
remise à plus tard. Dans ses observations
d'hier, mon hon. ami le vaillant chevalier, a
crié de l'incendie du parlement, et comme
lui je déplore sincèrement cet acte de vandalisme ; mais il a ajouté que si les conservateurs
du conseil législatif eussent eu un peu
de prudence et le courage de leurs opinions,
ils auraient remis à une autre année le projet
de loi des indemnités de la rébellion, ce qui,
en toute probabilité, eut empêché la perpétration des actes scandaleux qu'il a cités.
Eh ! bien, hons. messieurs, je vous demande
d'adopter cette opinion de l'hon. chevalier
et d'agir en conséquence à l'égard du projet
sur lequel nous délibérons. ( Ecoutez ! écoutez ! et rires. ) Vous ne savez pas quelles
désastreuses conséquences pourront découler
de ce vaste projet si on l'adopte sans consulter
le peuple selon la constitution. J'entretiens
l'espoir que vous laisserez peser de tout son
poids —sur la question d'ajourner l'adoption
de ce projet—le puissant argument de l'hon.
chevalier. ( Ecoutez ! écoutez !) Il s'agit ici,
messieurs, non pas de voter quelques milliers
de louis, mais d'opérer une révolution. Une
révolution peut aussi bien se faire par l'exercice du pouvoir politique que par la
force
physique : dès que le gouvernement d'un
pays est bouleversé, peu importe à laquelle
de ces causes est dû ce bouleversement ;
ce n'en est pas moins une révolution, et
l'effet est le même pour le pays. La proposition qui nous est faite a pour but de
remplacer notre constitution par une autre qui
peut être meilleure ou beaucoup moins bonne.
Voyant qu'il ne s'en faut que cinq minutes
pour six heures, je vais me hâter de conclure.
( Cris de " parlez ! parlez !" ) Eh ! bien,
puisque les hon. messieurs paraissent le
désirer, je ferai quelques nouvelles observations à la reprise de la séance après
dîner.
—Un message est reçu de l'assemblée, et le
conseil ajourne jusqu'à huit heures, p.m.
A la reprise de la séance-
L'HON. M. DICKSON continue en ces
termes :—La grande raison qui me porte à
demander un délai se comprend sans peine, car
par l'adoption des résolutions présentées par
le cabinet, on va changer la constitution du
pays sans consulter le peuple qui est le principal intéressé. Je n'ai pas encore entendu
une seule observation des ministres ni
d'aucun hon. membre qui démontrât la nécessité de hâter ainsi la passation de cette
293
mesure, qui devrait être retardée jusqu'aux
prochaines élections générales, et en disant
cela, je prie les hons. messieurs de remarquer
que je ne suggère nullement la dissolution
de l'autre branche de la législature ; mais s'il
y a réellement nécessité de se hâter, la constitution offre au gouvernement le moyen
de recourir sans retard à l'appel au peuple.
Mon hon. ami d'en face dit que sans en
appeler au pays ou a bien enlevé à la couronne
la prérogative de nommer à cette chambre,
et que l'on peut encore faire de même pour
reconférer à la couronne cette prérogative
sans qu'il en résulte aucun mal. Messieurs,
nous avons fait là une expérience qui a bien
réussi, pourquoi alors ne pas nous y tenir ?
En cette circonstance, nous avons perfectionné la constitution ; or, que propose-t-on
de faire aujourd'hui ? D'enlever au peuple
un pouvoir sans aucunement le consulter.
Eh ! bien, je dis avec force que ce n'est pas
ainsi qu'il faut en agir. Ce pouvoir qui
lui à été conféré et qui ajoute à ses
franchises politiques, il ne l'a jamais demandé, et vouloir le lui ôter aujourd'hui,
sans presque le prévenir, serait insulter à
sa dignité. N'est-ce pas là le principe fondamental du régime sous lequel nous vivons,
que le peuple, par l'intermédiaire de ses
députés, doit être consulté sur la composition de son gouvernement ? Quant à l'entente
entre électeurs et représentants à l'égard de
ce projet, il n'en existe aucune, et si j'ai
demandé ce délai c'est que je pense qu'il
n'y a nullement lieu de se hâter. La constitution donne les moyens de connaître les
vues du peuple, et le devoir du gouvernement est de s'en servir. D'hons. messieurs
disent : " Oh ! ne travaillez donc pas à
faire faire des élections générales avant le
temps voulu ; nous en avons eu assez depuis
cinq ans. " Or, hons. messieurs, que comptet-on faire une fois ces résolutions passées
?
Est-ce que leur adoption ne donnera pas
lieu à une nouvelle élection avant 18 mois ?
Il est une autre observation que je désire
faire à l'égard des hons. membres qui
veulent connaître l'opinion de leurs commettants en allant de porte en porte leur
demander s'ils souscrivent à la première
résolution, à la seconde, et ainsi de suite
pour toutes les autres. Je ne crois pas que
ce serait là un bon moyen de connaître les
vues de vos électeurs. La bonne manière
d'obtenir ces renseignements, pour un député,
serait de réunir ses commettants dans la
grande salle de quelque hôtel ou autre
édifice, et de leur soumettre tout le projet,
tout en faisant des commentaires conformes
à ses opinions sur les divers articles qui le
composent. En ce faisant, il parviendrait
à leur inculquer ses propres vues. Je n'ai
encore entendu qu'un seul membre qui ait
mentionné le fait d'avoir reçu les résolutions
et de les avoir remises immédiatement dans
leur enveloppe — parce qu'elles portaient la
suscription de " personnelle "—et cela sans
chercher à connaître l'opinion de ses électeurs à leur sujet. J'entretiens l'espoir
que
l'on trouvera quelque moyen de mettre à
effet l'amendement proposé par mon hon.
ami de la division de Niagara. Cet amendement ne fait qu'énoncer :
" Que sur une question d'une aussi grande
importance que celle de la confédération projetée
du Canada et de certaines autres colonies anglaises,
cette chambre se refuse à assumer la responsabilité
de consentir à une mesure qui renferme tant de
graves intérêts, sans que l'opinion publique ait
l'occasion de se manifester d'une manière plus
solennelle. "
Ainsi, hons. messieurs, à ceux qui veulent
prendre la responsabilité de priver le peuple
d'une occasion de se prononcer sur une question aussi grave que celle d'un changement
de constitution, de voter contre l'amendement, à ceux qui veulent le contraire de
voter
pour son adoption ! Cet amendement exprime
bien mes vues, et comme je ne me guide que
d'après mon propre jugement, n'ayant pas
de mandataires à consulter, je voterai pour
l'affirmative. S'il est rejeté, le cabinet n'en
persistera que plus à faire adopter son
grand projet de confédération sans consulter
le pays, mais il va sans dire que sous le
système actuel de gouvernement responsable il sera aussi tenu d'en prendre la responsabilité.
L'HON. M. CAMPBELL—Hons. messieurs.—J'aimerais à pouvoir continuer les
débats sur le ton et avec le même esprit qui
ont marqué le discours de mon hon. ami qui
vient de s'asseoir. J'envie beaucoup mon
hon. ami pour la possession de cette heureuse
faculté qui lui permet d'amuser et d'instruire
la chambre en même temps. Je regrette un
peu d'avoir à attirer l'attention des hons.
membres sur ce qui est peut-être plus
important au point de vue des affaires et
moins intéressant que les remarques qui eut
été faites par mon hon. ami. Je dois dire
que je regrette beaucoup que mon hon. ami
ait cru qu'il était de son devoir d'appuyer
l'amendement particulier qui est maintenant
294
en discussion, parce qu'il est évident pour
moi, comme il doit l'être pour tous les hons.
membres présents, que mon hon ami, tout
en appuyant l'amendement, partage des
opinions tout à fait différentes de celles qui
ont été énoncées par l'hon. représentant de
Niagara, qui l'a proposé. Mon hon. ami dit :
" Si l'on doit avoir du délai, que ce soit un
délai sérieux ; que ce soit un délai qui entraînera
la dissolution du parlement ; un délai qui puisse
permettre au peuple de se prononcer, mais seulement de la manière reconnue par la
constitution
anglaise. "
Je puis respecter ce sentiment. Il y a
quelque chose de réel dans un argument
basé sur ce principe. Je lui rends la justice
de croire qu'il exprime cette opinion avec le
sincère désir que le délai ne nuise pas au
projet, mais qu'il soit adopté par le peuple
lorsqu'il lui sera soumis. Cependant, hons.
messieurs, comparez cette opinion avec l'idée
suggérée par l'hon. membre qui a proposé
cette résolution. Que veut-il ? Non pas qu'il
y ait un délai tel qu'il puisse permettre au
peuple de s'exprimer de la manière que le font
la Grande-Bretagne et toutes ses colonies,
mais de cette manière qui, comme l'a si bien
dit mon hon. ami ( M. DICKSON ), ressemble
plutôt au colportage d'horloges qu'à rien de
ce qui se rattache aux procédés constitutionnels anglais ? Que dit l'hon. membre ?
Il dit : donnez-nous vingt jours ou un mois.
L'HON. M. CURRIE— J'ai dit que c'était
là le délai le moins long que je voulais
demander.
L'HON. M. CAMPBELL—Que pourriez-
vous faire durant ce délai de vingt jours ou
d'un mois ? Est-il possible que le peuple se
prononce d'une manière constitutionnelle en
vingt jours ou un mois ? L'hon. membre
sait très bien que cela n'est pas possible, et
que sous aucun système de gouvernement,
la législature ne pourrait sanctionner un plan
comme celui qu'il a suggéré. Le peuple de
l'Etat de New-York, ou d'aucun autre Etat
de l'Union, sanctionnerait-il un pareil acte ?
Au contraire, il adopterait de suite le moyen
de faire soumettre le projet à un vote direct
du peuple. Si vous adoptez le moyen constitutionnel anglais, il faudra alors une dissolution
du parlement ; mais si vous adoptez
le système américain, le peuple sera appelé
à voter par " oui ou non " sur le projet tel
qu'il est. Qu'on s'exprime d'une manière
ou d'une autre, franchement et constitutionnellement, selon notre système de gouvernement—mon
hon. ami ne demande pas cela.
Il veut faire ajourner la question, d'une
manière ou d'une autre, pendant vingt jours
ou un mois, et je suis fâché de voir que mon
hon. ami qui a parlé en dernier lieu ait cru
devoir adopter un plan si contraire à ce que
je sais être ses opinions sur ce qui est juste
et convenable, d'après les idées constitutionnelles et britanniques qu'il professe.
Je
suis fâché qu'il ait été induit à adopter un
plan qu'il ne préconise évidemment pas pour
les mêmes motifs que ceux qui font agir
mon hon. ami de Niagara.
L'HON. M. DICKSON—J'approuve la
résolution telle qu'elle est, et je maintiens
les idées que j'ai énoncées. J'ai toujours
prétendu qu'une élection générale était le
moyen constitutionnel convenable pour connaître l'opinion du peuple, et j'ai dit expressément
que je ne tenais pas à avoir un délai
de quelques jours.
L'HON. M. CURRIE—Tout ce que j'ai
suggéré, c'est que le gouvernement pourrait
au moins donner vingt jours ou un mois,
s'il ne voulait pas accorder davantage.
Comme de raison, je désire obtenir ce que
mon hon. ami, ( M. DICKSON ), a demandé.
L'HON. M. CAMPBELL —J'espère qu'au
contraire l'hon. membre retirera son appui
à l'amendement lorsqu'il verra qu'il n'est
pas d'accord avec son auteur, qui suppose,
évidemment, que l'on recourra à d'autres
moyens que ceux connus de la constitution
anglaise pour connaître les vues du peuple,
comme ceux, par exemple, que les membres
pourraient prendre en allant de porte en
porte, en tenant des assemblées, et en se
rendant agréables à leurs commettants par
leur hospitalité, etc. Je suis très-certain
que ce n'est pas là l'idée de l'hon. membre en
face de moi. Je suis également persuadé
que ce n'est pas non plus celle d'aucun hon.
membre qui désire la confédération des provinces. Il ne saurait vouloir que ces résolutions—vu
leur importance majeure et la
nécessité où l'on se trouve d'en venir à une
prompte décision à leur égard—soient mises
de côté en attendant que mon hon. ami de
Niagara ait été frapper à chaque porte de
sa grande division pour connaître les vues
de ses électeurs sur chacune d'elles. Mon
hon. ami est chargé de représenter ses mandataires dans cette chambre, et il est à
supposer qu'il est bien capable, au point de
vue de l'intelligence et du jugement,
de remplir ce devoir lorsqu'il est appelé à
dire si, dans son ensemble, le projet sera ou
non avantageux au pays ; ( écoutez ! écoutez !)
295
mais il semble ignorer tout cela. Il nous
paraît ne pas vouloir se prononcer sur cette
mesure. Il ne veut pas dire s'il l'a trouvée
assez défectueuse pour voter contre. S'il
ne peut prendre une décision, il devrait
alors résigner et donner sa place à quelqu'un
de plus décidé. Mais considérez donc la
position d'un homme qui vous dit :
" Je n'ai pas d'opinion à moi ; si les électeurs
que je représente sont pour le projet, je n'aurai rien à dire. Bien que je le désapprouve,
je
voterai en sa faveur pour plaire à mes électeurs. "
Qu'il donne à ses mandataires le bénéfice de
son jugement, et après avoir réfléchi qu'il y
a cinq provinces et un nombre infini d'électeurs à consulter, il verra, messieurs,
que ce
qu'il désire ne saurait être mieux constaté
que par cette chambre. Il dit que ses commettants ne l'ont pas chargé de changer la
constitution ; cela est vrai, mais ils lui ont
imposé le devoir d'exercer son meilleur
jugement sur tout sujet soumis à cette
chambre. Nous ne sommes pas ici expressément pour modifier la constitution ; nous
n'avons pas le pouvoir de la changer quand
nous voulons, mais nous avons un devoir
sacré à remplir : celui d'exprimer nos vues
à l'égard de tels changements qui peuvent
être jugés avantageux pour le pays. ( Ecoutez ! écoutez !) Est-ce que ces résolutions
changent la constitution ? Pas du tout. Elles
ne font qu'affirmer que ces changements
sont à désirer. Les autorités impériales
seules peuvent changer la constitution. En
cela nous nous tenons dans les limites de
notre mandat. Nous n'avons pas le pouvoir
d'amender la constitution, mais nous avons
celui d'exprimer nos vues dans une adresse
à Sa Majesté—qu'il est question de faire
adopter par toutes les législatures—déclarant
que tels et tels changements seraient, selon
nous, avantageux au pays. En cela nous ne
faisons que remplir le devoir qui nous est
imposé. Nous donnons à nos commettants
le bénifice de notre expérience et de nos
convictions honnêtes sur les sujets soumis à
nos délibérations. Cette chambre n'a-t-elle
pas déjà adopté des résolutions qui avaient
pour but de modifier la constitution ? A-t-on
dit alors qu'il ne lui appartenait pas de
discuter ces résolutions ? Il paraît que non.
Le premier changement demandé était à
l'effet de permettre l'usage de la langue
française dans la chambre du parlement.
Les hon. membres auraient pu dire alors
qu'ils n'avaient pas le pouvoir de demander
cette permission, mais l'idée ne leur en est
jamais venue.
L'HON. M. CAMPBELL—Je n'avais pas
alors l'honneur d'avoir un siége en cette
chambre, mais je suis heureux d'entendre
dire que cette résolution fut unanimement
adoptée. Le changement réclamé ensuite
avait trait à la composition de ce conseil,
dont tous les membres étaient autrefois
nommés à vie, et qui, en 1856, devint électif.
N'était-ce pas là changer la constitution ?
Cependant, personne ne songea à représenter
alors que cette chambre n'avait pas le droit
de passer une semblable résolution. Nous
sommes pourtant aujourd'hui dans la même
position, et il me semble futile et illogique
de prétendre que nous n'avons pas le pouvoir
de faire ce que l'on se propose en passant ces
résolutions, c'est-à-dire de prier la Reine de
vouloir bien changer la constitution de cette
province, de manière à ce que nous soyons
unis sous un seul gouvernement avec les
autres provinces de l'Amérique Britannique
du Nord. Je suis parfaitement convaincu
qu'après avoir refléchi, les hons. messieurs
reconnaîtront qu'ils n'outrepasseront aucunement les pouvoirs à eux confiés par leurs
mandataires. Mon hon. ami de Niagara
suggère cet amendement dans un but peu
élevé comparativement aux motifs qui portent
l'hon. membre vis-à-vis de moi à lui donner
son appui. Il se dit en faveur de l'union
mais opposé à quelques uns des détails du
projet. Cela me fait peine de voir un hon.
membre, qui avoue être favorable à l'union,
s'appuyer sur une objection à certains détails
pour s'y opposer. Est-ce que mon hon. ami
propose sérieusement de soumettre au pays
tous ces détails divers ? Pense-t-il, réellement, que le peuple pourra bien juger
de
tous ces détails ? Tout ce qu'il pourrait
obtenir serait l'expression de l'opinion générale en faveur de la confédération. Nous
sommes tous convaincus qu'elle serait dans
ce sens. Je crois que nous ne comptons
que deux ou trois membres de cette chambre
qui soient réellement contre la confédération.
Consultez dix mille habitants du pays, et
vous en trouverez neuf sur dix pour l'union.
L'HON. M. CAMPBELL—Eh ! bien, je
me soumets à l'opinion des hon. membres du
Bas-Canada, car je ne puis prétendre connaître aussi bien qu'eux les sentiments de
296
leurs mandataires. Quant au Haut-Canada,
par exemple, je suis en mesure de pouvoir
en parler aussi bien que nul autre représentant, et je n'hésite pas à dire que là
le peuple
est presque unanime pour la confédération.
Je suis convaincu que si la question était
soumise par la voie d'une élection générale,
tout le Haut-Canada voterait en masse pour
la mesure.
L'Hon. M. CAMPBELL—Mon hon. ami
de Niagara dit par ironie : écoutez ! écoutez !
Mon hon. ami trouve à redire sur toute assertion qui peut se faire ; il cherche à.
répandre
le doute sur les calculs présentés en faveur
de la mesure ; il a recours à tous les moyens
d'opposition que son imagination peut inventer ou que son habileté lui permet de trouver,
si bien que j'ai de la peine à comprendre
comment cet hon. monsieur peut être en
faveur du projet, lui qui saisit toute occasion
de l'attaquer, et qui, quand on l'accuse d'hos
tilité, se retranche derrière de prétendues
objections à ses détails. (Ecoutez écoutez !)
Cela me fait croire que ses sentiments ne
sont pas sincères, et qu'il veut détruire
les véritables fondements sur lesquels
repose la confération, non pas peut-être
parce qu'il est opposé au principe fédératif même, ni parce que celle projetée n'est
pas selon ses goûts, mais seulement pour le
plaisir d'apporter des entraves au succès de
ceux qui se sont honnêtement dévoués à
l'œuvre qui est maintenant soumise à la
chambre. S'il était donné au peuple de pouvoir exprimer son opinion ainsi que nous
pouvons exprimer la nôtre ce soir, j'affirme,
hons. messieurs, qu'il adhérerait spontanément à la première résolution. (Écoutez
!
écoutez !) aintenant, messieurs, puisqu'il
est entendu que nous sommes tous en faveur
de l'union, comment allons-nous en régler les
détails ? Est-il possible que les quatre millions
d'âmes des provinces qui doivent entrer dans
l'union puissent s'entendre pour le règlement
de ces détails ? Certainement non ; et ceux
qui prétendent que le projet devrait émaner
du peuple en connaissent très bien l'impossibilité. Eh ! bien, alors, les parlements
de ces
provinces pourraient-ils, réunis ensemble, convenir d'un projet de confédération ?
Pour
faire adopter le projet par cette chambre,
voyez les difficultés auxquelles nous sommes
en butte sur chaque point de ses détails, et
jugez ensuite si, pouvant se réunir ensemble,
les parlements de toutes les provinces
pourraient parvenir à régler les détails d'une
confédération. Le seul moyen pratique- et c'est celui-là que nous avons choisi—se
trouve dans la réunion de délégués chargés
de rédiger des résolutions sur le sujet, et
d'après lesquelles l'acte constituant 'union
doit être édicté. D'hons. messieurs ont
demandé qui avait autorisé ces délégués à se
réunir pour préparer ces résolutions, et pourtant ils savaient très bien que notre
gouvernement actuel a été formé dans le véritable
but d'élaborer et de soumettre un projet de
ce genre. Sur ce point encore mon hon.
ami de Niagara s'esquive en alléguant que
le cabinet ne se proposait de préparer un
projet de fédération que pour le Canada seulement, et que l'idée de faire entrer toutes
les provinces dans cette confédération n'était
que secondaire ; mais l'hon. membre sait
mieux que personne que cette allégation
n'est qu un prétexte. Nous savions tous
que le cabinet ferait tous les efforts pour
surmonter les difficultés qui entravaient la
marche du gouvernement Canadien, soit à
l'aide de l'un ou de l'autre projet. L'hon. monsieur a cité la partie du discours
du trône à
la lôture de la dernière session qui a trait à
l'établissement d'une union fédérale des deux
sections de cette province, et non à celle de
toutes les provinces. Pourquoi donc n'a-t-il
pas consulté et cité aussi le iscours du trône
à l'ouverture de cette session ; il eut trouvé
dans les lignes qui vont suivre de quoi
rendre inutile son allégation :-
" A la clôture de la dernière session du parlement, je vous informai que j'avais intention,
de
concert avec mes ministres, de préparer et de
vous soumettre une mesure pour la solution du
problème constitutionnel dont la discussion agite la province depuis quelques années.
Une considération attentive de la position générale de
l'Amérique Britannique du Nord a porté à conclure que les circonstances des temps
offraient
l'occasion, non simplement de régler une question
de politique provinciale, mais de plus de créer
simultanément une nouvelle nationalité."
Ainsi, mon hon. ami prétend que nous
avons eu tort de saisir l'occasion qui s'est
offerte d'essayer d'unir en une nation ces
provinces sous le gouvernement d'une vice-
royauté émanant de la couronne britannique,
et pourtant, tout hon. membre devrait au
contraire avouer que non seulement nous
avions le droit de nous réunir ainsi, mais
encore que nous n'avons fait que tenir la
promesse faite à la législature à la fin
de la dernière session du parlement. En
vérité, messieurs, je suis surpris autant
297
que chagrin de ce que mon hon. ami,—que
je sais bon patriote et fidèle sujet de Sa
Majesté,—n'ait pas senti qu'il était de son
devoir de s'unir à nous pour atteindre le but
qui nous est le plus cher, en un mot, pour
resserrer davantage ces liens qui nous unissent
à la mère-patrie et mieux perpétuer les institutions anglaises sur ce continent. (Ecoutez
!
écoutez !) Mon hon. ami ne voit dans tout
le projet que concessions aux provinces maritimes ; eh! bien, qu'il aille dans aucune
partie des provinces inférieures, et qu'il
écoute ce qui s'y dit contre le projet, et il
verra que le seul argument de ceux qui,
comme lui, ne réfléchissent pas à la nécessité de faire des concessions lorsqu'il
s'agit
du bien commun, ne tend à rien moins qu'à
affirmer que ces provinces ont tout concédé au
Canada. Il entendra dire à quelques uns :
"nous allons nous unir à une province très
supérieure à nous sous le rapport de la popu
lation et des richesses, et dont les hommes
publics, par leur habileté, sont en mesure
de commander une plus grande influence
que les nôtres." A les entendre, on croirait
que ces provinces vont être reléguées au
second plan, et que tout ce qu'elles pourront
désirer sera à peine écouté. Oubliant ce qu'il
doit au gouvernement et ses devoirs de
citoyen envers son pays, mon hon. ami ne
songe qu'à trouver défectueux les détails d'un
projet qu'il croit être avantageux pour le
pays ; non seulement il se plaint de ce que
le peuple canadien n'a pas été consulté
mais il trouve encore que sur tous ces points
les intérêts du Canada ont été sacrifiés.
Oublie-t-il que tous les membres du cabinet
aiment leur pays, et qu'ils y ont des intérêts
aussi chers que ceux du reste du peuple ?
Est-il à présumer que mon hon. ami le
premier ministre voudrait sacrifier tout ce
qui est cher à sa race et au peuple de cette
province ? Est-il à croire qu'aucun de nous
voulût délibérément faire abandon d'un
avantage que nous aurions pu conserver ?
Si mon hon. ami pouvait être amené à juger
la mesure avec cet esprit de libéralité ne
que devrait savoir apporter tout homme public,
il admettrait que, bien que nous ayons cédé
quelques choses, nous avons fait pour le
mieux dans l'intérêt du pays. Qu'il se
trouve, ainsi que nous l'avons été, assiégé
par mille intérêts divers : particularités ici.
préjugés la, et grands intérêts d'un autre
côté, et qu'il produise ensuite, s'il le peut,
un projet dont l'ensemble soit plus avantageux au peuple de cette province ou qui,
en général, promette plus au pays que la
mesure actuellement sur le bureau de cette
chambre ! Qu'il fasse cela, et je lui pardonnerai
le manque de libéralité dont il s'est rendu
coupable envers ceux qui ont travaillé de
leur mieux à. l'élaboration du projet sur
lequel nous avons à décider. (Ecoutez !
écoutez !) Je pourrais lui pardonner tout à
fait si, comme mon hon. ami en face de moi
il ne voulait que retarder l'adoption du
projet jusqu'après une élection générale :
mais loin de là il met tout en œuvre pour
préjuger la chambre contre la mesure. J Je
pense que, pour obtenir son rejet, il est disposé à tout ; et je pars de là pour dire
qu'il
n'est guère facile de le croire un partisan
sincère de la confédération. Il est bien
facile de dire : je suis en faveur du projet,
mais opposé à. quelques-uns de ses détails ;
mais est-ce que chacun de ces dé ails n'a pas
été pesé, discuté, autant que faire se peut,
sur tous ses points, par des hommes intelligents et aussi bien renseignés sur le sujet
que n'importe quel hon. membre de ce
conseil? Tous ceux qui m'entendent savent
très bien qu'il n'était pas possible d'arriver
à un projet sans défaut. Quand même un autre
projet eût été présenté à cette chambre, voire
même celui de mon hon. ami, s'il eut été capable d'en soumettre un infiniment supérieur
à celui que nous discutons, quelqu'un croit-
il que certains hons. conseillers lui auraient
donné leur appui ? Les résolutions peuvent
bien être défectueuses ici et là, mais les hons.
messieurs doivent tenir compte des circonstances qui ont donné lieu à leur origine
et
juger d'après elles si cette chambre doit ou
non les adopter dans leur ensemble. D'hons.
messieurs ont aussi demandé ce que le
Canada allait gagner à. une confédération ;
eh ! bien, à mon tour je demande si le
Canada ne trouvera pas avantageux de voir
disparaître les obstacles que créaient aux
relations entre les provinces, les droits de
douane,—obstacles dont la disparition aura
l'effet de développer le commerce du St.
Laurent? Pourra-t-on dire que le peuple
des provinces maritimes ne trouvera pas
qu'il doit gagner à l'ouverture d'un commerce
avec ces trois millions d'âmes qui habitent
le long du St. Laurent et des lacs ? Tout sujet
Anglais qui veut maintenir notre alliance
avec la mère-patrie peut-il dire :—" Je
préfère que nous restions seuls, être Haut-
Canadien et laissé à moi seul, et que les
habitants des autres colonies fassent de
même ?" Mon hon. ami demande aussi quel
298
sera le surcroît de force militaire que nous
apportera la confédération ? Prétendrait-il
nier qu'il y ait plus de force dans l'union
que dans l'isolement ? Quelqu'un peut-il
prétendre que huit cents ou mille hommes
d'un régiment sont aussi forts débandés que
formés en rangs et dirigés par l'intelligence
d'un homme ? La même chose peut se dire
de ces provinces, dont les forces sont comparativement faibles par suite de leur isolement.
Si nous pouvions dire aux Etats-Unis que
nous avons quatre millions d'âmes pour
garder nos frontières et repousser une
invasion, est-ce que nous n'aurions pas là
une grande force ? Un gouvernement serait-
il alors embarrassé, dans le besoin, de faire
un appel aux armes ? C'est dans l'union
des provinces que l'on acquerra une force
immensément supérieure à celle que le
Canada seul pourrait montrer sur le champ
de bataille, et c'est d'après cette force que
le gouvernement pourrait juger des résultats
qu'il pourrait possiblement obtenir en l'appelant au service actif. Comment donc des
hommes peuvent-ils s'éloigner de tout ce
qui est vrai, utile et patriotique jusqu'au
point de s'opposer à l'union des moyens de
défense et à un projet qui est vraisemblablement le seul qui nous permettra de maintenir
pendant longtemps cette alliance avec la
Grande-Bretagne à laquelle nous tenons tant ?
Dans le cours de ses observations, mon hon.
ami de Niagara a cherché à mettre en doute
une ou deux de mes assertions, surtout celle qui
avait trait aux terrains miniers de Terreneuve.
J'ai dit que je pouvais convaincre la chambre
que Terreneuve avait des minières d'une
assez grande richesse. Je n'occuperai pas
le temps de la chambre à le lire, mais j'ai à
la main un exemplaire du rapport publié en
1840 sur cette colonie, et qui dit que les
minérais de ces terrains sont la galène, le
gypse, le marbre, l'or, le fer, le cuivre, etc.
Il s'y exploite aussi de vastes mines de plomb,
et le professeur SHEPPARD dit avoir vu 3,500
livres de pure galène sortir d'une veine ouverte
par l'explosion d'une simple mine. Dans ce
rapport, il est dit aussi que ces mines sont avantageusement situées, car elles peuvent
être
approchées de très près par des navires tirant
12 ou 16 pieds. Ce rapport prouve que mon
hon. ami se trompait en supposant que
Terreneuve ne récélait pas de minéraux de
valeur. Supposons qu'en réalité il ne se
trouve pas là de minéraux ; supposons que
nous donnions à la province de Terreneuve
$150,000 par année simplement pour faire
entrer cette Ile dans la confédération, ne
vaut-il pas mieux avoir l'union de toutes les
provinces plutôt que de se refuser à cette
condition ? A entendre quelques hons.
messieurs, en supposerait que les diverses
sommes ne devront annuellement toucher
ces provinces maritimes ne seront payées
que par le Canada seul, et pourtant il n'en
est rien, car c'est la confédération qui leur
donnera ces sommes, auxquelles leur population contribuera dans la mesure de la
subvention qui est faite à elles comme au
Canada. Mon hon. ami, sait-il ce que
Terreneuve doit apporter à la confédération
en retour des $150,000 ? Ses terres et tout
son revenu général. En 1862, le revenu
brut de cette province atteignait le chiffre de
$480,000, sur lesquelles seulement $5,000
provenaient de sources locales, et l'on calcule
que son revenu versera $430,000 par année
dans la caisse générale, dont elle tirera à son
tour $369,200 par année pour subvenir à ses
dépenses locales. Y a-t-il là de quoi trouver
beaucoup à redire ? En sus des $430,000
que Terreneuve va donner à la confédération,
desquelles il faut déduire ces $369,000 qu'elle
en recevra, le gouvernement fédéral touchera
le revenu territorial complet de cette province. Il en est ainsi pour toutes les provinces.
Chacune d'elles contribuera au revenu général de la confédération pour une
plus forte somme que celle qui lui est
affectée, de manière à ce que le revenu de
tout le pays se trouvera avoir un surplus.
Il est évident que l'hon. député de Niagara donne plus de portée à son amendement
que mon hon. ami en face de moi, bien qu'il
l'ait habilement appuyé ; on voit que par
cet amendement il ne veut qu'obtenir un
délai, afin qu'à la suite d'une dissolution du
parlement le peuple ait l'occasion de se pro
noncer. Cependant, messieurs, comment
arriver à cette dissolution d'une manière
constitutionnelle ? Supposons le cas où le
projet serait adopté par une forte majorité
dans deux chambres, de quelle manière,
je vous le demande, pourrait-on obtenir une
dissolution sous notre système actuel de
gouvernement ? D'après la constitution, une
dissolution ne peut avoir lieu que lorsque
le cabinet ne peut faire adopter par le
parlement une mesure dont il est l'auteur
responsable. Appuyé comme l'est le gouvernement par les deux tiers des représentants,
de quelle manière une dissolution du
parlement est-elle possible, puisqu'elle ne
pourrait que plaire à une petite minorité ?
299
Ce serait demander beaucoup trop, quand
même la chose serait possible. Qu'est-ce
que veulent, d'ailleurs, les hons. messieurs
qui demandent le renvoi du projet au
peuple ? Ce qu'ils veulent, c'est que les
ministres mettent de côté la manière de
procéder qu'ils savent être la plus juste
comme la plus sûre au point de vue
de la constitution britannique, et cela,
pour recourir au système américain à l'aide
duquel on obtiendrait l'assentiment ou la
désapprobation du peuple à l'égard de ce
projet. A quelle conclusion pourrions-nous
en venir avec cette manière de procéder ?
Serait-il possible que quelque hon. membre
voulût donner au peuple l'occasion de se
prononcer en disant oui ou non à chaque
article de ces résolutions ? Je suis convaincu
que ce n'est pas là ce que veut mon hon. ami
de Niagara puisqu'il ne demande qu'un mois
de délai ; et mon hon. ami d'en face non
plus, car il connaît et vénère trop la constitution pour seulement songer à recourir
à
cette voie. De ce, il faut donc conclure que
le désir de ceux qui, par la voie d'amendements, s'opposent à l'adoption du projet,
est de le faire tomber, et que c'est dans ce
but qu'ils proposent ces amendements.
( Ecoutez ! écoutez !) D'après ce que j'ai pu
savoir l'adoption de l'amendement pourrait
grandement contribuer à faire tomber la
mesure, car il faudrait qu'il fut adopté
par les deux branches de toutes les autres
législatures et ensuite par le parlement
impérial. Or, les autres législatures attendent la décision de cette chambre : elles
désirent savoir si le conseil législatif du
Canada adhère au projet ; elles désirent
savoir si vous allez mettre de côté de
futiles objections à de minimes matières
de détails ; si vous allez faire abandon
de vos vues particulières sur tel et tel
point, et si vous allez donner votre appui à
l'ensemble du projet. Toute personne qui aura
réfléchi admettra que dans ces circonstances
exceptionnelles il n'y a qu'une conduite à
tenir. Voulez-vous une union de toutes les
provinces britanniques américaines ou rester
comme vous êtes ? Il ne s'agit que de cela.
Pour ma part, je crois que sans cette fédération notre connexion avec la mère-patrie
court rixe de ne durer guère longtemps.
Que disent de nous les hommes publics de
l'Angleterre depuis plusieurs années ? N 'avons-nous pas vu qu'ils affirmaient, avec
une véhémence qui augmentait d'année en
année, que nous négligions nos devoirs à
l'égard des défenses du pays. Si, sous des
circonstances en dehors de notre contrôle,
il arrivait que la Grande-Bretagne entrât en
guerre avec les Etats-Unis, nos destinées
n'en seraient pas moins liées à celles du
grand empire dont nous faisons partie, et il
est par conséquent de notre devoir de faire
un peu plus que ce que nous avons fait
jusqu'ici en face des éventualités qui pourraient surgir d'une cause ou d'une autre
;
Supposons, par exemple, que l'été dernier,
une force armée des Etats-Unis soit venue au
Canada à la poursuite des pillards qui se
sont réfugiés de ce côté des lignes, ainsi que
cela aurait pu avoir lieu si l'ordre du général
DIX n'avait pas été révoqué ; supposons
que, comme partie du grand empire, nous
aurions jugé que l'intégrité de notre territoire n'avait pas été respectée, que la
Grande-
Bretagne eût partagé les vues de notre
gouvernement sur ce fait, et qu'elle eût
déclaré la guerre aux Etats-Unis parce
qu'ils se seraient permis d'exercer, dans
une de ses provinces, des droits auxquels
ne peut prétendre une puissance étrangère,
d'où serait alors venue la cause de la guerre?
De la revendication du droit de cette province à maintenir sa position comme partie
intégrante de l'empire britannique. Supposons encore que la cause d'une guerre avec
cette nation eût pris naissance dans une
autre colonie, nous n'en serions pas moins
obligés, avec l'empire, de soutenir son intégrité, quitte à succomber ou à sortir
avec
lui victorieux de la lutte. Dirons-nous que
nous ne voulons pas contribuer à notre
défense autrement que par le moyen de
volontaires, et que pour le reste nous laissons à la mère-patrie de faire pour nous
ce
que la prudence lui suggérera? Serait ce
là le sentiment dont un hon. membre
devrait faire preuve, soit à l'égard de
cette question ou de toute autre ? Je ne
puis croire, assurément, qu'aucun de nous
consentirait à rester les bras croisés, sachant
qu'il doit la protection dont il jouit aux
armes et à l'argent de l'Angleterre. Même
mon hon. ami de Niagara, j'en suis sûr,
répudierait la lâche indifférence que l'expression de ce sentiment comporterait. Cependant,
il est d'avis que cette chambre ne
doit pas adopter ces résolutions ; qu'elles
doivent être remises indéfiniment, et que les
colonies doivent rester dans la position isolée
où elles se trouvent aujourd'hui. Mais moi,
au contraire, je pense que les intérêts
et la destinée de ce pays dépendent de
300
l'accomplissement du projet de confédération.
Supposons, ainsi que beaucoup le désirent
avec ardeur, que la guerre fratricide des
Etats-Unis soit à la veille de finir, et que,
dans un temps donné, le Nord et le Sud se
réconcilient, je suis positif que l'intégrité
de ces provinces dépendra alors de ce que
l'union sera ou ne sera pas un fait accompli.
Si on remet aujourd'hui le projet à plus
tard, on peut dire qu'il est indéfiniment
remis. Depuis des années on s'est évertué
à obtenir des provinces inférieures leur consentement à une union avec le Canada,
et si
le projet est maintenant rejeté, Dieu sait si
plus tard elles voudront y consentir. De la
décision de cette chambre va dépendre celles
des législatures de la Nouvelle-Ecosse, de
Terreneuve et de l'Ile du Prince-Edouard.
Si vous adoptez un amendement, ce sera
pour elles un indice que le peuple du Canada
n'est guère porté pour le projet. Hons.
messieurs, êtes-vous prêts à prendre sur vous
de déclarer que le Canada est adverse à la
confédération ? Réfléchissez-y bien, car nous
ignorons tous quand une autre occasion aussi
heureuse que celle-ci nous sera donnée d'accomplir cette œuvre grandiose. Ceux d'entre
vous qui connaissent les difficultés et les
objections que l'on a éprouvées, les intérêts
mesquins des diverses sections de cette province et des autres qu'il a fallu satisfaire,
sont forcés d'avouer que nous avions fait un
grand pas vers le progrès lorsque la mesure
a été amenée où elle en est. Cette occasion
perdue, quand pourrons-nous réunir une
seconde fois les représentants des diverses
provinces pour traiter de cette question ?
Quand les gouvernements des provinces
concernées pourront-ils mettre sur le bureau
de leur législature un projet aussi complet
que celui-ci dans tous ses détails ? Il est
impossible de prévoir quand un concours de
circonstances aussi heureuses se reproduira.
Mon hon. ami de Niagara dit en outre :
" Vous ne nous avec pas donné ce projet en
détail ; vous ne nous l'avez pas donné en entier.
La chambre n'a pas devant elle la constitution
projetée qui doit régir le Haut et le Bas-Canada.
Vous ne nous avez pas fait connaître quels seront
les droits et pouvoirs des législatures locales."
Eh ! bien, hons. messieurs, tout ce que je
puis répondre à cela, c'est qu'il eut été non
seulement impossible mais encore inutile que
le gouvernement eut apporté ce projet en
même temps que celui dont la chambre va
décider. Tant que cette mesure ne sera pas
adoptée par nous et par les autres provinces;
tant que nous ne saurons pas si nous allons
oui ou non faire partie d'un gouvernement
confédéré, il n'y aura pas non plus lieu
d'introduire le projet relatif aux législatures
locales. Je vous le demande, hons. messieurs,
serait-il raisonnable ou même possible que
ce projet fut adopté sans la sanction des deux
branches de la législature ? D'un autre côté,
quel que puisse être ce plan de constitution
du Haut et du Bas-Canada, est-ce une chose
que les ministres de la couronne peuvent
porter sur eux et mettre en force sans la
sanction du parlement ? Non, c'est une
mesure qui sera plus tard présentée à cette
chambre, qui sera discutée et sur laquelle
nous aurons à nous prononcer avant qu'elle
ne devienne loi. En temps opportun, ceux
qui ne partagent pas les vues du gouvernement sur les constitutions de ces provinces
auront une ample occasion d'exprimer leurs
opinions et de chercher à les faire prévaloir.
Je puis en dire autant des objections faites
au chemin de fer intercolonial. A l'égard
de cette voie ferrée, il a été dit que c'était
une entreprise à laquelle on n'aurait jamais
dû consentir ; cependant, hons. messieurs, il
est de toute certitude que sans elle l'union
sera impossible, et ceux qui croient à l'importance et à la nécessité d'une confédération
doivent savoir aussi que ce chemin de
fer est la condition indispensable de son
accomplissement. Mais, messieurs, le gouvernement ne peut de lui-même construire
cette voie ; pas plus que les gouvernements
des autres provinces, il n'a ce pouvoir. Cette
entreprise sera du ressort du parlement
fédéral, lequel décidera à quelles conditions
nous aurons à l'exécuter. Avant que le
chemin de fer intercolonial ne soit construit
ou que les constitutions du Haut et du Bas-
Canada ne soient adoptées, la discusion de ces
sujets aura eu ses coudées franches. Le
premier sera soumis au parlement fédéral ;
le second au parlement actuel de ce pays,- mais dans le cas seul où les résolutions
maintenant devant la chambre seront adoptées,
attendu qu'il n'appartient qu'à la législature
canadienne de décider en premier ressort sur
ces constitutions. Je ne suis pas un de ceux
qui, dans un but mesquin, voudrait s'abriter
derrière les résolutions que la chambre a
devant elle ; mais je dirai que l'amendement
sur lequel nous délibérons doit étre repoussé :
que tout hon. membre qui est vraiment favorable à ce projet, qui croit à la nécessité
d'une confédération des provinces, ne sera
pas vu votant pour cet amendement qui
301
apportera un obstacle peut-être insurmontable à la réalisation du projet. Que l'on
considère depuis combien d'années ce
changement de gouvernement est projeté.
Comme a su le faire remarquer l'hon.
membre dont le siége est près du mien, c'est
une mesure dont il est depuis longtemps
question. Il nous a démontré que depuis
très longtemps elle avait attiré l'attention de
presque tous ceux qui ont quelque intérêt
dans les affaires publiques de ce pays. Pour
corroborer l'assertion de mon hon. ami, je
n'ai qu'à citer une des résolutions proposées
en cette chambre, il y a plusieurs années, par
un hon. membre de mes amis que chacun de
vous est aise de voir à sa place accoutumée,
je vous parle de mon hon. ami M. MATHESON. En 1855, il propose une série de résolutions
contre le principe électif, et ainsi
qu'on va le voir, la dernière est conçue dans
un langage prophétique dont l'expérience
nous a appris à connaître la vérité.
8 Résolu,—Que le sujet d'une union de toutes les
provinces britanniques américaines ayant occupée
l'attention du public depuis des années, il
serait manifestement inopportun de compliquer
les arrangements futurs en changeant la constitution d'une de ces provinces, changement
qui
n'est pas demandé et qui de l'avis de cette chambre
ne serait pas acceptable pour les autres. Le conseil est en conséquence d'opinion
que tout acte à
ce sujet serait prématuré autant qu'inopportun."
Mon hon. ami entrevoyait alors ce qui est
à la veille de se réaliser, une union de ces
provinces ; il présageait aussi que le système
électif, s'il était appliqué à cette branche de
la législature, pourrait créer des difficultés.
Il est en effet une difficulté, mais il faut la
surmonter ; il est un obstacle, mais il faut le
franchir. Les objections personnelles soulevées par mon hon. ami de la division de
Niagara sont des moins valables. Ce n'est pas
ce que mon hon. ami près de moi ou mon hon.
ami devant moi ont pu dire ou penser autre-
fois qu'il s'agit maintenant de considérer.
Nous sommes tous plus ou moins exposés à
ces sortes d'attaques ; mais heureusement
pour moi, il y a trop peu longtemps que je
me suis jeté dans la vie publique, où je n'ai
encore joué qu'un rôle bien peu marquant,
pour être exposé, autant que beaucoup
d'autres, à ces accusations. Je crois, néanmoins, que nous devons passer par dessus
toutes ces choses. Quant à moi, je suis
disposé à oublier tout ce qu'un hon. membre
peut avoir fait en d'autres circonstances pour
ne m'occuper que de la question de savoir si
la confédération projeté est à désirér ; si
nous la désirons par affection pour les institutions monarchiques ; comme sujets de
l'empire britannique et pour perpétuer notre
alliance avec l'Angleterre ? En ce faisant,
nous renonçons à nos objections sur ce point
et sur tout autre pour assurer le succès du
principe Voilà bien des années que cette
confédération est demandée, et jamais elle n'a
été aussi près de s'accomplir qu'à présent ; jamais elle fut à l'état de possibilité
comme aujourd'hui. Après des années d'anxiété, de
troubles et de difficultés, la réalisation du
projet est jugée possible, et parce que j'y
trouve à redire sur tel ou tel point, dois-je
m'évertuer à le faire rejeter ? Il est bien
certain qu'au début les rouages du système
fédéral ne fonctionneront pas parfaitement,
mais, comme pour toute autre chose, on
parviendra, avec le temps, à remédier à leurs
défauts. Il en a été ainsi à l'égard de
l'union de 1840. Les Bas-Canadiens eurent
à se plaindre de ce que la langue française
était exclue du parlement provincial ; ce
grief, qui faisait en même temps l'office
d'entrave, donna lieu à des remontrances,
et qu'en est-il résulté ? Ces remontrances
eurent l'effet de faire réparer cette injustice,
car l'usage des deux langues fût ensuite
permis. Plus tard, le peuple voulut que
cette chambre devint élective. On a eu
peut-être tort de satisfaire à cette volonté,
mais il n'en a pas moins obtenu le changement qu'il demandait. Qu'est-ce qui empêcherait
que la même chose pût se faire sous
la confédération ? Il sera fait droit à toute
demande de changement devenu nécessaire.
A mon sens, il serait inconsidéré autant
qu'impolitique de rejeter le projet, parce
que sur tel ou tel point, ou dans tel détail,
il ne rencontre pas exactement nos vues.
Est-il une union entre deux pays, ou même
une simple association de deux individus, qui
ait pu durer sans qu'il y ait eu concessions de
part et d'autre ? Que les hons. messieurs qui
ont eu le bonheur de se lier conjugalement, et
qui, naturellement, peuvent parler par expérience, nous disent si une union peut être
heureuse ou durable sans que les conjoints
se fassent de mutuelles concessions ? ( Ecoutez ! écoutez ! et rires.) Si vous voulez
l'union, il faut se résigner volontiers aux
concessions et à ne pas persister dans l'obtention de ce qui peut paraître mieux que
ce qui nous est offert. Sans cela, toute
union est impossible et le sera toujours. Ce
qu'il faut c'est de la tolérance et des
concessions. J'ai l'espoir et la conviction
302
que dans le cas présent cette opinion sera
celle de la législature de ce pays. Je
crois aussi que la confédération est reconnue
par tous comme absolument nécessaire, et
qu'au lieu d'insister sur tel ou tel point, on
se plaira plutôt à se figurer l'époque où ce
pays aura une population de quatre millions
d'âmes, un grand commerce et une marine
qui en feront une puissance de quatrième
rang. ( Applaudissements. ) Je suis pourtant
étonné qu'un hon. membre du Bas-Canada
soit adverse à cette union, d'autant plus que
par elle le peuple bas-canadien va rentrer en
possession de la contrée qui a appartenue
autrefois à sa race, et où se parle encore la
langue française ! Je crois que pour les
franco-canadiens de même que pour nous,
l'avenir est rempli de promesses, sur la réalisation desquelles on peut compter en
toute
confiance ; et parce que nous ne pouvons pas
obtenir la modification d'un détail d'une
importance mineure, allons-nous renoncer à
d'aussi belles espérances ? Je compte que
les hons. messieurs qui appuient la mesure
verront comme moi le danger qu'il y aurait
à remettre son adoption, et qu'ils repousseront cet amendement, lequel n'est fondé
que sur la présomption que son auteur et
ceux qui l'appuient ne sont pas prêts à se
prononcer, et qui, pour cette raison, demandent qu'on leur donne le temps d'aller
de
porte en porte s'enquérir de ce que les
électeurs pensent du projet sur lequel nous
sommes à cette heure appelés à rendre une
décision. La confédération est l'œuvre qui
doit sauver le pays ; eh ! bien, renonçons
alors à nos petites objections, et votons pour
elle. ( Applaudissements. )
L'HON. M. SEYMOUR—L'hon. commissaire des terres de la couronne a raison
de supposer que je suis opposé à la confédération, et je le suis surtout à celle qui
est
basée sur les résolutions adoptées à la
convention de Québec. Je ne dis pas que
je serais hostile à une union législative
conçue dans des conditions suffisantes d'équité et de justice, mais je suis opposé
à la
confédération dans les termes sous lesquels
elle est présentée à la considération de cette
chambre. Mon hon. ami a dit que toute union
supposait de la tolérance et des concessions
mutuelles ; il me semble que dans le cas actuel
la tolérance et les concessions n'ont été manifestées que d'un seul côté, et qu'elles
ont été
loin d'être réciproques. Il doit y avoir des
concessions mutuelles entre ceux qui forment
des associations ; mais il ne faut pas que le
même individu soit le seul à les faire, comme
le Canada l'a été dans la confédération.
Mon hon. ami, en dépit de toute son éloquence et de sa capacité, n'a pu détruire une
seule des objections soulevées par mon hon.
ami le député de Niagara ( M. CURRIE. ) Il
a trouvé plus simple de les passer sous silence
lorsqu'il a vu qu'il ne pouvait y répondre.
Mon hon. ami s'est écrié : " Est-ce que
l'usage de la langue française n'a pas été
un changement apporté à la constitution ? "
Ce droit, hons. messieurs, a été reconnu, je
confesse, par l'administration conservatrice
du jour, et ainsi que l'a dit mon hon. ami en
face de moi ( M. BOULTON ) il l'a été à l'unanimité. Personne ne s'y opposa parce
que tout
le monde comprenait que c'était reconnaître
un droit incontestable et inaliénable à nos
concitoyens d'origine française. Mais, je
vous le demande, un tel acte peut-il être
comparé aux résolutions qui nous sont
proposées en ce moment, à un changement
aussi radical de la constitution que celui-ci
et destiné non seulement à régler nos destinées, mais encore celles de nos enfants
et de
nos arrière-petits enfants ? Un changement
connue celui qu'on nous propose peut-il
réellement être comparé à celui de la reconnaissance de l'exercice de la langue française?
Non, assurément non. En vérité, c'est bien
là la plus étrange comparaison que j'aie
jamais entendue faire. Mon hon. ami a
ensuite parlé du changement dans la constitution du conseil législatif : mais est-ce
que
cette question n'a pas été agitée autant comme
autant dans l'opinion publique ? Le peuple
n'a-t-il pas fait connaître plus d'une fois son
opinion aux
hustings sur cette question ? Oui, il
l'a fait, et c'est parce qu'on a cru qu'il était
pour le changement que l'amendement constitutionnel fut mis à effet. Mon hon. ami
a ajouté que les délégués canadiens eurent
à faire face à mille difficultés dont ils furent
entourés dans le cours de la conférence. Je le
crois, mais à qui doivent-ils s'en prendre ?
N'est-ce pas à eux-mêmes qui permirent à l'Ile
du Prince-Edouard et à Terreneuve de s' y faire
représenter par autant de délégués que le
Canada ? Je suis loin de nier les difficultés
qu'ils eurent à vaincre et j'avoue qu'ils
durent être écrasés sous les demandes et les
exigences de ces délégués. L'hon. monsieur
a prétendu que la confédération était nécessaire pour renforcer la défense du pays.
Mais en quoi ? Quelqu'un de mes hons. auditeurs peut-il me dire de quelle façon ?
car
je n'ai pas entendu un seul mot qui ait pu
303
me convaincre comme je l'aurais voulu que
le projet actuel est destiné à rendre le pays
plus formidable,—à moins toutefois que ce
ne soit en le plaçant sous un seul et
même gouvernement. Est-ce que, hons.
messieurs, je n'ai pas démontré l'autre
jour quel était le sentiment des provinces d'en-bas au sujet de la défense du
pays ? Que faisaient-elles précisément dans
le même temps qu'on proposait au parlement
canadien de voter un crédit de plusieurs
millions pour organiser la défense du pays ?
On a vu le secrétaire du trésor de l'une de
ces provinces proposer de voter un crédit de
$20,000 ;—plus que cela, on l'a vu solliciter
son pardon aux chambres de ce qu'il leur en
demandait tant à la fois et pour un pareil
sujet ! ! ! Le premier ministre actuel de la
Nouvelle-Écosse, c'est-à-dire de la province
qui tient le deuxième rang en importance
parmi les colonies de l'Amérique Britannique
du Nord, ne s'est pas contenté de cela et a
été jusqu'à proposer de retrancher $l2,000
de cette somme et de ne laisser que $8,000.
Or, voilà des choses qui se passaient dans
une province qui vient après la nôtre en
importance, et à l'époque de l'affaire du
Trent,
c'est-à-dire dans un temps où le danger était
beaucoup plus sérieux qu'aujourd'hui Que
faisait le Nouveau-Brunswick de son côté,
pendant ce temps ? il votait $15,000 pour sa
défense. Eh ! bien, c'est avec de telles populations que l'on veut nous allier sous
le prétexte qu'elles contribueront à nous rendre
formidables ! Pensez-vous, hons. messieurs,
que ce sera en vous associant avec des provinces dont les chefs nourissent de pareils
sentiments que nous acccroîtrons nos forces?
Assurément non. Mon hon. ami, le commisaires des terres de la couronne, a aussi avancé
que sur la population du Haut-Canada, il s'en
trouvait 95 sur cent de favorables à la confédération. Il se trompe. Ayant eu déjà
l'honneur de représenter une partie des
électeurs de mon hon. ami, je puis prétendre
avec raison connaître autant l'opinion, non
pas simplement du peuple du Haut-Canada
en général, mais même de ses propres constituants, autant que lui. C'est pourquoi
j'affirme
que si mon hon. ami se présentait aujourd'hui
devant ses électeurs pour leur dire que le
Haut-Canada n'aura la confédération qu'à
condition de supporter pour les deux tiers
le coût du chemin de fer intercolonial, et
son entretien subséquent, que les chemins des
provinces du golfe devront devenir la propriété du gouvernement qui sera obligé à
l'avenir de les entretenir à ses propres frais,
et que le Haut-Canada doit avoir les deux
tiers de tout ce fardeau à supporter, j'oserai
contester l'exactitude de son assertion et lui
nier que 95 de ses électeurs sur 100 seront
en faveur de la confédération
L'HON. M. CAMPBELL —Exposez-leur
toutes les circonstances et je n'ai aucun
doute de pouvoir les convaincre.
L'HON. M. SEYMOUR—Mon hon. ami
fait erreur, et je suis certain que s'il ne devait
pas être l'un des conseillers à vie de la
chambre haute du parlement fédéral, il n'en
demanderait pas tant pour les convaincre.
L'HON. M. CAMPBELL —Mon hon. ami
va un peu trop vite : je puis l'assurer que
je n'ambitionne pas du tout un tel honneur.
L'HON. M. SEYMOUR—Mon hon. ami
est aujourd'hui au pouvoir mais libre à
lui de refuser de nouveaux honneurs. Mon
hon. ami représente un des collèges électoraux les plus intelligents du Haut-
Canada ; eh ! bien, quelle grace aurait-il
d'aller dire à ses électeurs qu'ils contribueront à la confédération en raison des
droits d'importation qu'ils paient ; qu'ils
contribueront en raison de leur richesse et
qu'ils ne recevront qu'en raison de leur
population ; qu'enfin quelque considérable
que soit leur population ils seront malgré
leur grande majorité, mis sur le même pied
que la population flottante des provinces
maritimes composée de pêcheurs et de fabricants de bois. Une doctrine de ce genre
n'est
nullement celle d'un conservateur. Je me
soumettrai à tout avant d'accepter un pareil
projet. En l'appuyant tel qu'il nous est
présenté je croirais trahir les intérêts du
pays. A chacun ses opinions ; telles sont les
miennes et j'y tiendrai. L'amendement de
mon hon. ami qui demande un delai est juste,
bien fondé et je ne vois pas comment on peut
s'y opposer dans une question dont dépendent les intérêts les plus chers du pays,
au
moment où nous allons passer une loi qui
intéressse encore plus les générations futures
que nous-mêmes. En vue de l'importance de
la mesure je ne vois pas comment les hons.
messieurs peuvent voter contre une proposi
tion si raisonnable. ( Ecoutez !)
L'HON. M. FERGUSSON BLAIR—
L'hon. commissaire des terres de la couronne
voudrait-il me donner quelques renseignements au sujet des législatures locales ?—Si
je l'ai bien compris la partie du projet relative à ces législatures ne sera pas soumise
à
la législature actuelle.
304
L'HON. M. FERGUSSON BLAIR—Si
j'ai bien compris mon hon. ami, il a dit
qu'il ne considérait pas comme opportun de
faire connaître les constitutions projetées
des législatures locales avant que la chambre
ne se soit prononcée d'abord sur le projet en
général de la confédération. En vérité, je
n'en vois pas la raison :—néanmoins, je ne
ferai pas de ma demande une proposition
pour entraver la marche du plan actuellement soumis.
L'HON. M. CAMPBELL—Mon hon.
ami de Brock peut raisonner juste, mais le
gouvernement a pensé qu'il était prématuré
de présenter aux chambres le projet des
constitutions locales avant qu'elles n'aient
d'abord voté les résolutions actuelles.
L'HON. M. FERGUSSON BLAIR - Mais ne pourrait-il pas arriver que plusieurs
membres de cette chambre, avant de se
décider à voter ces résolutions, eussent le
désir de connaître la nature des constitutions
locales qui doivent avoir une si grande
portée sur la solution de la question à l'ordre
du jour ?
L'HON. M. CAMPBELL—Je répondrai
à l'hon. conseiller que le parlement du
Canada aura tout le temps et toutes les
occasions désirables de se prononcer sur ce
sujet.
L'HON. M. CAMPBELL—Lorsque les
résolutions actuelles auront été votées.
Nous avons cru inutile de nous occuper des
constitutions du Bas et du Haut-Canada
tant que nous ne connaîtrions pas les vues
du parlement sur la confédération elle-
même. Une fois cette opinion exprimée,
ce sera alors notre devoir de donner toute
notre attention à cette question et d'exposer
au parlement les projets de constitution pour
les deux provinces.
L'HON. M. ROSS—Je ne connais pas
quelles peuvent être les vues du gouvernement à ce sujet, mais il me semble qu'il
aurait certainement manqué de sagesse en
soumettant maintenant aux chambres les
projets de constitution du Bas et du
Haut-Canada. Car il est fort possible que
des divergences d'opinion se manifestent
sur les principes de ces constitutions et
que ces divergences soient de nature à
entraîner la retraite de quelques uns des
membres du cabinet. ( Cris :— Ecoutez !
écoutez !) Remarquez bien que je fais
en ce moment une supposition : or, en prévision de ces probabiités, ne serait-il pas
absurde et impolitique de la part du gouvernement de plonger le pays dans l'agitation
sur cette question avant que de s'assurer si
les résolutions actuelles seront emportées ou
rejetées ? Une telle conduite serait indigne
du ministère. Je n'ai pas bien compris si
mon hon. ami a dit ou non que le projet
des législatures locales serait soumis aux
chambres après le vote des résolutions ; mais
je serais fâché qu'il l'eut déclaré ainsi et
que le gouvernement n'attendit pas pour cela
que les provinces du golfe se fussent prononcées. Il devrait retarder afin de voir
si
la confédération y réussira ou non ; car,
en supposant que les résolutions fussent
adoptées ici et qu'elles ne le fussent pas là,
tout le projet est réduit à néant, et on se
trouve, sans résultat aucun, avoir jeté le pays
dans le désordre et l'agitation, en lui fesant
discuter des mesures inutiles. Le ministère
devrait d'abord, suivant moi, faire triompher
le projet actuel autant que possible, et du
moment qu'il aurait pu y rallier les deux
provinces les plus considérables du golfe, il
ne lui resterait que bien peu à faire :—alors,
mais alors seulement, sera arrivé le temps
favorable à la discussion des constitutions
locales. C'est pourquoi, grand a été mon
étonnement de voir une telle proposition
venir de mon hon. ami ( M. FERGUSSON
BLAIR ), lui que j'ai entendu à l'ouverture
des premiers débats se déclarer en faveur des
résolutions actuelles dans un si excellent
discours : et je ne comprends pas pourquoi
en vérité l'hon. monsieur a témoigné le désir
de prendre connaissance du projet des législatures locales.
L'HON. M. FERGUSSON BLAIR—Je
ne l'ai fait que parce que j'ai cru qu'il n'était
que raisonnable que les hons. députés
apprissent, avant de voter pour ou contre la
confédération, de quelle nature seraient les
constitutions projetées des législatures locales.
( Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M CAMPBELL—Mon hon. ami
devrait ajouter ceci à ses remarques, à savoir
que les hons. membres auront en tous cas
pleine et entière occasion d'exprimer leur
opinion à ce sujet.
L'HON. M. VIDAL—Hons. messieurs :- Il vous paraîtra sans doute présomptueux de
la part de quelqu'un aussi peu au fait que
je le suis des discussions parlementaires
d'entrer en lice avec l'hon. commissaire des
terres de la couronne et d'oser lui contester
305
la validité de son raisonnement très-habile
contre l'amendement soumis à notre considération: cependant, toutes inégales que
soient les armes, je n'hésite pas à accepter
le combat, car je crois avoir de mon côté la
justice et la vérité dont la force ne peut
manquer de finir par triompher. J'ai prêté
une oreille très attentive au discours éloquent
de l'hon. monsieur et je ne puis lui refuser
mon approbation sur plusieurs points : mais
là où je diffère avec lui c'est lorsqu'il apprécie
les motifs de ceux qui supportent l'amendement de l'hon. député de Niagara
( M. CURRIE ) et qu'il les taxe de manquer
de sincérité,—que dis-je, de manquer de
loyauté envers la couronne et le pays.
L'HON. M. CAMPBELL—Je n'ai rien
dit autre chose que ceci, à savoir : que
j'hésitais à croire à la sincérité de ceux qui
tout en voulant une mesure lui fesaient
néanmoins la guerre sur les détails.
L' HON. M. VIDAL—C'était beaucoup
plus fort que cela, car j'ai entendu dire à
l'hon. député que les termes de la proposition
étaient tels qu'ils prouvaient à l'évidence
qu'elle n'avait été faite que dans le but de
renverser la mesure.
L'HON. M. CAMPBELL—Et je répète
qu'en effet il en est ainsi, ce qui n'est pas du
tout la même chose que ce que l'hon. député
vient de me reprocher.
L'HON. M. VIDAL—L'hon. monsieur a
fait la remarque que nous ne changerions
pas la constitution et que la proposition
principale demandait simplement à la chambre
de voter une adresse à Sa Majesté. Cela
est vrai à ne prendre que les paroles mêmes
de la proposition, mais je demande à mes hons.
auditeurs s'il est de bonne guerre d'essayer
de faire croire à la chambre que cette proposition de voter en effet une adresse,
n'aura
pas pour conséquence de changer la constitution ? Ne nous a-t-on pas dit en propres
termes que la métropole ne ferait rien tant
que le sujet en question n'aurait pas reçu
l'assentiment de la législature canadienne?
Je maintiens donc que la proposition principale, en dépit de sa modestie, n'est ni
plus ni
moins qu'une proposition a l'effet de changer
la constitution. La chose étant ainsi, elle
mérite que nous lui donnions notre plus
sérieuse attention, et qu'on nous laisse tout
le temps nécessaire pour la discuter librement et à fond. Les changements dont on
a parlé et que l'on a essayé de comparer à
celui-ci n'ont aucune analogie possible, et
je prétends, comme l'a fait mon hon. ami
( M. SEYMOUR ), que ce dernier est en
réalité une révolution ; et l'expression n'est
pas trop forte. Loin d'être, ainsi qu'on l'a
affirmé, un simple changement comme la
reconnaissance de l'usage de la langue française dans la législature ou même comme
la
modification plus importante du principe constitutif de cette chambre, cette proposition
a
pour but de changer de fond en comble
notre système et nos relations politiques et
de révolutionner les intérêts divers de ce
pays. Quelle que soit l'exactitude des assertions de mon hon. ami contre les hons.
membres
qu'il accuse de dissimuler leur hostilité au
principe de la mesure sous une guerre dirigée
contre les détails, je les repousse pour ma
part ; je ne veux aucunement m'abriter derrière les détails ; au contraire, mon vote
sur
l'amendement de l'hon. député de Niagara
est inspiré par les motifs les plus sincères et
les plus constitutionnels. Mais cela ne veut
pas dire que je m'accorde avec lui sur tous
les points en litige, car je ne suis pas certain,
en somme, de n'être pas plus prêt de m'entendre avec l'hon. commissaire des terres
de
la couronne.
L'HON. M. CAMPBELL—Je suis heureux d'entendre de telles paroles sortir de la
bouche de mon hon ami ; c'est pourquoi
j'aimerais à savoir de plus s'il est de l'opinion
de l'hon. député de Niagara lorsque celui-ci
demande un délai d'un mois ou plus ?
L'HON. M. VIDAL —Je répondrai à cette
question lorsque j'en viendrai à parler de ce
sujet. Qu'il me soit permis d'ajouter seulement
que loin d'être guidé dans la conduite que je
tiens en ce moment par une opposition factieuse, je suis animé au contraire par tous
les sentiments de loyauté envers la couronne
et envers le pays, et que mon but au lieu de
renverser la mesure est uniquement d'en
assurer le succès en lui donnant des bases
plus larges et plus solides. Combien sont
différentes et variées les opinions que l'on a
exprimées sur notre position envisagée au
point de vue du vote que nous devons
donner sur cette proposition ! D'un côté,
on nous dit que comme représentants du
peuple, nous avons pleinement droit de voter
comme bon nous semblera,—de l'autre, on
nous démontre qu'en ne votant pas dans tel
ou tel sens nous ne représentons pas le
peuple : comment réconcilier ces deux manières de voir ? On nous dit aussi, et c'est
le seul argument quelque peu plausible
que j'aie entendu sur ce sujet, que si nous laissons échapper l'occasion présente
d'unir les
306
provinces ensemble, il nous faudra attendre
longtemps avant qu'il s'en présente une autre
semblable. J'admets que l'occasion est une
chose que l'on a attendu depuis longtemps,
une chose dont nous devons tirer tout le
meilleur parti, et pour ma part ce sera l'objet
constant de mes efforts :—mais si la mesure
offre véritablement tous les avantages que
l'on a énumérés, je ne comprends pas qu'elle
puisse courir de danger à être retardée un
peu, car plus on aura de temps d'en discuter
le mérite, plus le peuple, suivant toute
raison, pourra se convaincre de son importance. Je ne puis me faire à l'idée que le
projet sera exposé à être renversé par le seul
fait qu'on donnera au peuple et à ses représentants plus de temps pour en étudier
les principes et les détails. Depuis l'ouverture des
débats, la question a été grandement élucidée
par les explications données dans cette
chambre et dans l'autre, et je suis certain
que les hons. membres de ce conseil saisissent
bien mieux qu'auparavant certains détails du
projet. Pour moi, après y avoir songé plus
d'une fois, et après avoir écouté avec attention les argumements des divers orateurs,
j'en
suis arrivé à être de plus en plus convaincu
de la grandeur et de l'importance des intérêts
qui se rattachent à la question, et à croire
qu'il est de notre devoir de ne procéder
qu'avec lenteur et précaution à opérer
un changement aussi grand que celui
qu'ont voulu les auteurs des résolutions,- un changement qui ne va à rien moins
qu'à
révolutionner, ainsi que je l'ai dit, tout notre
système de gouvernement. Pour réussir et
durer, la confédération devra d'abord être
fondée sur les principes de la vérité et de la
justice, et il faudra que le peuple puisse
comprendre et apprécier ces principes. Malgré tout ce qu'on en a dit dans cette
chambre, en dépit de toutes les assertions
qui ont été faites à l'effet de prouver que le
peuple était au courant de la question, je
n'en persiste pas moins à croire le contraire.
Je pense qu'en somme le peuple ne connaît
pas les détails de la mesure. Quelles lumières nouvelles ont été jetées sur le sujet
depuis que nous sommes assemblés ici ?
N'a-t-on pas vu des membres mêmes de la
conférence ignorer ce que certaines résolutions
voulaient dire ? N'est-il pas avéré que l'attention publique n'a eu pour les peser
aucun
raisonnement ni argument sérieux et tant
soit peu développés contre la question ? Et
cependant, il serait très essentiel que pour
bien juger de la mesure le peuple prit
connaissance des deux côtés de la question. On
ne devrait, ce me semble, pas plus lui cacher
la noble perspective qu'avec la confédération
il formera partie d'un grand pays, que le
prix auquel il achètera un si grand avantage ;
et il en devrait être d'autant plus instruit
que le mouvement ne vient pas de lui. Tous
les grands changements constitutionnels
doivent prendre naissance et de fait prennent
ordinairement naissance parmi le peuple ;
mais c'est une anomalie, car ici on nous propose d'adopter une constitution rédigée
par
un corps qui s'est donné lui-même les pouvoirs nécessaires à cette fin,—droit que
je lui
reconnais pleinement,—et qui nous la présente
comme parfaite, comme un document analogue à un traité et dont nous n'avons pas le
droit de changer le moindre détail.
L'HON. M. CAMPBELL—Mon hon. ami
met en doute la légitimité de nos actes ;
mais il me semble qu'il devrait savoir que le
parlement ayant sanctionné la formation
d'une administration dont le but et l'intention
expresse était de mener à bonne fin le projet
de confédération, le peuple a pu confirmer
ce qui avait été fait. Mon hon. ami est monarchiste et par conséquent il reconnait
qu'il y
a d'autres sources d'autorité que le peuple,
comme, par exemple, l'autorité royale, et à
ce sujet je prendrai la liberté de lui signaler
la dépêche écrite par le secrétaire d'Etat des
colonies. Il y trouvera entr'autres choses que
c'est :
" Avec la sanction de la couronne, et sur l'invitation du gouverneur-général, que
des délégués de
chaque province, choisis par les lieutenants-gouverneurs respectifs sans distinction
de partis, se
sont réunis afin de considérer des questions de la
plus haute importance pour tous les sujets de la
Reine, de quelque race et religion qu'ils soient,
qui résident en ces provinces, et en sont arrivés à
une conclusion qui doit avoir une influence des plus
grandes sur le bien-être futur de toute la société. "
Ainsi donc, c'est avec la sanction royale
que les délégués des autres provinces se sont
occupés de la question ; quant à nous, le
parlement nous avait autorisé à le faire
lorsqu'il avait donné son approbation au
ministère qui s'était formé avec l'intention
manifeste d'accomplir la confédération.
L'HON. M. VIDAL—J'ai déjà déclaré
d'une façon non équivoque que j'approuvais
entièrement la conférence et ses travaux,
c'est pourquoi je ne sais vraiment pas la
raison pour laquelle mon hon. ami a cru
nécessaire de donner les explications ci-
dessus. J'ai toujours reconnu sans la
307
moindre idée de doute, que la conférence
fut constituée d'une manière légale, convenable et suivant toutes les formes, et j'ai
décerné à ses membres tous les éloges
possibles pour l'intelligence et le zèle qu'ils
ont déployés en cette occasion à la défense
et à la sauvegarde des intérêts du pays.
Mais, je le répète, je maintiens que ce mouement ne part point du peuple lequel n'a
jamais fait de requête à ce sujet,—qu'en
conséquence il serait de notre devoir, avant
d'adopter cette mesure, de connaître son
opinion, et que l'amendement de mon hon.
ami, le député de Niagara doit recevoir mon
appui. Je pense qu'une fois les débats
actuels terminés dans les deux chambres et
publiés au long dans les rapports officiels, le
peuple pourra se former une opinion assez
exacte des avantages de la question, car il
aura en sa possession à peu près tout ce qui
peut être dit d'un côté comme de l'autre, et
si en dépit de tout il est incapable de
donner un bon jugement ce sera sa propre
faute. Si l'on ne se propose pas de consulter
le peuple, à quoi bon, je le demande, pour
cette hon. chambre de s'imposer une aussi
grande dépense—plus de $2,000—pour faire
tirer à un si grand nombre d'exemplaires
des rapports des débats ?—Si l'on veut faire
passer la mesure sans attendre l'expression des
sentiments populaires, pourquoi soumettre au
public des discours et des discussions qui
ne feront que l'agiter sans résultats ? J'irai
plus loin, et je dirai que non seulement le
projet n'a pas pris sa source dans la volonté
du peuple, mais qu'il a été conçu et rédigé
sans même la participation de ses représentants. Je ne croirais pas nécessaire d'en
appeler au peuple si ces résolutions étant
l'œuvre de notre propre gouvernement, nous
étaient proposées à l'instar de ses autres
mesures, et si elles étaient discutées et
votées à l'ordinaire, bien que néanmoins je
considère la chose désirable :—mais je mets
en fait que les députés du peuple n'ont pas
été consultés et qu'il ne leur a été laissé
aucun moyen de modifier les résolutions en
quoique ce soit ou d'influencer la législature
impériale sur l'union projetée. Mes hons.
auditeurs, j'en suis sûr, conviendront avec moi
que si après tout ce qui a été dit, le pays
s'opposait au changement proposé, si le
peuple en général venait à être persuadé
qu'on le lui fait payer trop cher, et que les
sacrifices qu'on exige de lui pour lui procurer les avantages de la mesure sont trop
considérables, il faudrait la mettre de côté.
( Ecoutez !) Est-ce qu'en vérité il y aurait
danger d'en appeler au pays ? Mais le danger
serait bien plus à craindre si on impose au
pays une mesure qu'il pourrait bien ne pas
approuver. ( Ecoutez !) Non, hons. messieurs,
il n'existe aucun danger à soumettre le projet
au peuple, parce que la grande majorité,
ainsi n'on l'a affirmé tant de fois, lui est
favorable. Il est probable que si, dans l'appel
au peuple, j'apercevais imminence de péril
pour la question, je n'insisterais pas aussi
fortement sur ce point ( écoutez ! et rires ) ;- mais, comme je suis d'opinion que
le changement est demandé par le pays en général,
je crois qu'il n'y a aucun risque de lui soumettre la question. Que deviennent dès
ce
moment les dangers de ce délai auquel on
tient tant ? Une chose qui m'a surtout frappé
dans l'éloquent discours de l'hon. commissaire
des terres de la couronne, c'est qu'il n'a pas
discuté le fond même de l'amendement. ll
a bien dit, il est vrai, qu'un délai serait
très préjudiciable et que nous nous exposions à perdre la mesure en temporisant,
mais comment l'a-t-il prouvé ? Moi, au contraire, je suis d'avis que le délai est
le salut
du projet, parce qu'il mettra le pays et la
législature en état de voir au fond de la
question, d'en peser tous les avantages ou
désavantages ( en supposant qu'elle en ait )
et de l'adopter certainement si le projet est
bon ou de le rejeter s'il est mauvais. Quant
à la manière de consulter le peuple en cette
circonstance, j'avoue qu'on peut différer
d'opinion. Qu'on ne croie pas me faire
changer d'avis en me reprochant d'être républicain, car les plaisanteries ou les railleries
ne m'arrêtent pas lorsque j'ai de bonnes
raisons pour appuyer ma conduite. De
quelles railleries n'ai-je pas été l'objet à
cause de mon adhésion à la cause de la
tempérance ; m'ont-elles fait changer d'avis?
Je crois que l'on peut faire prononcer le
peuple sur la question sans que le délai
mette le projet en danger. En supposant
que les débats se prolongent encore une
semaine ou deux dans les deux chambres, et
que les rapports officiels soient terminés peu
de temps après, il serait facile de prendre le
vote populaire directement et cela en toute
convenance et sûreté. Cette proposition de
faire voter directement une mesure au peuple
peut, de prime abord, sembler contre les coutumes anglaises, et nous répugner même
;mais ce ne sont pas les préjugés qui doivent
ici nous guider mais bien la raison et la
réflexion, et si nous pouvons trouver un
308
moyen de nous assurer correctement et
fidèlement de la volonté populaire, adoptons
ce moyen peu importe son nom. Suivant
moi, la meilleure manière de le faire, serait de
poser directement la question aux électeurs :
—" Voici la mesure ; l'approuvez-vous, oui
ou non ?—Ce n'est pas de discuter les amendements que nous devons leur demander, et
d'ailleurs comment réunir toutes les populations des provinces ensemble ? Comment
empêcher la confusion d'une telle discussion ? Voilà, comment la chose doit être
proposée au peuple, un oui ou un non et
rien de plus.
L'HON. M. ROSS—Comment ! vous refuseriez au peuple le pouvoir de modifier les
détails ?
L'HON. M. VIDAL—Oui, car c'est ainsi
qu'on en a agi avec cette chambre, et si l'on
a tort pour le peuple il en est d'autres qui
ont eu les premiers ce tort avec la chambre.
( Ecoutez !) Un autre motif qui me porte
à être en faveur de ce mode, c'est mon vif
désir de ne pas m'exposer au mécontentement de la chambre d'assemblée, dont les
députés pourraient nous adresser les reproches suivants, dans le cas où nous demanderions
une dissolution des chambres et de
nouvelles élections sur ce sujet : " Ce que
vous demandez est très-bien, nous le supposons ; mais ne gardez-vous pas vos siéges
et
vos mandats pendant que vous nous renvoyez
devant nos électeurs ? " Et puis, je ne vois
pas pourquoi nous n'attendrions pas aux
prochaines élections générales, c'est-à-dire,
dans deux ans d'ici, alors que le peuple
aura eu tout le temps possible de la réflexion
et de la discussion pour former son opinion,
sans compter que ce serait là le mode
constitutionnel par excellence. Cependant,
comme les ministres nous disent que nous
ne pouvons attendre, alors ayons un vote
direct du peuple sur le sujet., plutôt que de
hâter les élections générales. Je préférerais
ce moyen à une élection générale, parce que
dans celle-ci, d'autres influences sont en jeu
qui prennent leur source dans des motifs de
politique de parti. Qui ne sait, qu'en plusieurs endroits, la considération personnelle
du candidat l'emporte sur le penchant de
l'opinion des électeurs, que dans d'autres
une bourse bien garnie remportera la victoire, et qu'ailleurs ce seront les préjuges
de localité qui domineront toutes les autres
questions ? Avec le moyen que je propose,
c'est-à-dire en appelant le peuple à se prononcer directement sur la mesure, rien
de tel ne se produira, et les électeurs
n'auront que leur patriotisme pour inspirer
leur conduite. La chambre représentant le
peuple constitutionnellement, on ne saurait
trouver mauvais qu'après les élections générales elle décide la question ; néanmoins,
le
but à atteindre, c'est-à-dire, la constatation
de la volonté populaire se réaliserait beaucoup plus vite et à beaucoup moins de frais
par un vote direct. A quoi sert d'appeler
ce procédé
yankee ou
républicain ? N'a-t-il
pas été employé par Rome ancienne ?
L'HON. M. VIDAL —Ou bien, si vous le
voulez, impérial, car on y a eu recours en
France et au Mexique. On pourrait également y avoir recours ici avec l'assurance
que le vote serait ce qu'il doit être, car dans
quel but pourrait-on intervenir dans la
décision populaire, ou obtenir un vote qui ne
serait pas l'expression fidèle des volontés du
peuple ? ll nous serait facile de nous assurer
de l'opinion de tout le pays dans un court
espace de temps, plus qu'un mois peut-être,
mais encore assez tôt pour nous permettre
d'adopter la mesure dans le cours de cette
année. La législature du Nouveau-Brunswick ne devant pas se réunir sous peu, il
s'écoulera par conséquent du temps avant
qu'on y vote le projet ;—mais en supposant
que la chose se fasse plus vite, la mesure
devra être envoyée en Angleterre pour y
être soumise aux autorités impériales et en
attendre une décision finale. Or, le parlement anglais est assemblé en ce moment et
devra, suivant son ordinaire, rester en session cinq ou six mois : on voit donc que
nous avons tout le temps nécessaire de
prendre le vote du pays. En vérité, j'aimerais qu'on me donnât quelque bonne raison
pour me convaincre qu'il y a danger et
attendre, à part celle que l'on a hasardée au
sujet des éventualités qui pourraient bien
se produire en cas de guerre et que je ne crois
aucunement valable. Car combien de temps
s'écoulera-t-il une fois ces résolutions adoptées avant qu'elles ne recoivent leur
entière
exécution ? Douze mois, je crois : eh ! bien,
si nous pouvons attendre ces douze mois, qui
nous empêche d'attendre vingt-quatre mois
sans plus de danger ? Quelle force cette
mesure va-t-elle nous apporter sur le champ ?
La confédération va-t-elle nous donner un
soldat de plus, va-t-elle nous donner plus de
ressources financières, moins de frontières à
309
défendre et plus de puissance militaire ?
Mais on a dit que les provinces se trouvant
placées sous un seul gouvernement, toutes
les armées de l'Amérique anglaise obéiraient
à un même chef en cas de guerre. C'est
là le seul argument qui puisse s'appliquer
à cette face de la question :—mais peut-
on entretenir un seul moment l'idée que,
dans le cas où l'étranger envahirait le
Canada, le Nouveau-Brunswick ou la Nouvelle-Ecosse toute l'Angleterre ne frémirait
pas d'indignation et n'enverrait pas ses
armées à notre secours, soit que nous
gardions notre situation actuelle, soit que
nous nous unissions ? Je crois donc que
ces appréhensions sont futiles comme argument contre l'appel au peuple. ( Ecoutez
!)
Un hon conseiller a prétendu que la défense
du pays ne fera aucun progrès tant que la
confédération ne sera pas accomplie. Je ne
sais d'où part ce renseignement et s'il est
officiel ou non ; mais il n'en est pas moins
une annonce foudroyante.
L'HON. M. VIDAL—Je ne puis croire
et ne crois pas que le gouvernement anglais
nous laissera sans protection et sans défense,
même en supposant que la confédération ne
soit pas adoptée.
L'HON. M. CAMPBELL—Mais nous
pouvons fort bien présumer que le résultat
de nos délibérations sur le projet de confédération affectera plus ou moins les préparatifs
de défense que la métropole pourrait
faire en ce pays, et que notre état de défense
de même que nos dispositions à agir auront
tout également leur influence sur les actes
des autorités impériales.
L'HON. M. VIDAL—Cela peut être en
définitive, mais je parle d'évènements actuels,
et je suis sûr que le gouvernement de Sa
Majesté nous enverrait aujourd'hui tout le
secours dont nous pourrions avoir besoin.
L'HON M. MACPHERSON —S'il est un
fait évident pour tout hon membre c'est le
manque de progrès de nos défenses. Cette
question semble attendre la solution de
celle de la confédération, car rien ne se
fait.
L'HON. M. VIDAL—En effet, telle est
l'apparence des choses ; mais ce que je ne puis
concevoir, malgré les assertions contraires,
c'est que tout ce qui contribuera à notre
défense sous la confédération ne puisse pas
tout aussi bien nous être utile aujourd'hui.
( Ecoutez ! écoutez !) L'hon. commissaire des
terres de la couronne, en répondant à l'hon.
député de Niagara, a dit que les résolutions
présentes n'avaient aucunement pris le pays
par surprise : je pense le contraire. Il est
bien vrai que ce qui regarde le principe
même du projet n'affirme rien de nouveau
pour le peuple, mais c'est la plupart des détails qui ont pris le monde par surprise.
Jamais auparavant on avait songé à la nature
et au caractère des changements proposés.
L'HON. M. VIDAL—En effet, elle peut
l'être, et elle l'a été pour plusieurs. Ce fut
une surprise agréable de voir des hommes
de toutes les provinces et appartenant à des
partis politiques opposés se réunir et au
moyen de concessions mutuelles élaborer en
commun un projet comme celui qui nous est
soumis en ce moment. ( Ecoutez ! écoutez !)
On a fait ce qui devait être, et l'on se trompe
grandement lorsqu'on me donne comme
opposé à la confédération. Mais c'est aussi
parce que j'en apprécie tous les avantages et
que je veux empêcher le mal qui pourrait
résulter de son adoption trop prématurée
que je parle en ce moment comme je le fais.
( Ecoutez ! écoutez !) On a prétendu que l'on
n'en avait pas appelé au peuple lors de
l'union de l'Angletere et de l'Ecosse, et de la
Grande-Bretagne et de l'Irlande :—c'est-
vrai ; mais il est également hors de doute
que ces deux mesures furent votées par les
parlements de ces divers pays et que les
députés qui concoururent à ces résultats
représentaient les populations intéressées.
L'HON. M. ROSS—C'est précisément ce
qui arrive en ce moment pour nous.
L'HON. M. VIDAL—Je demande pardon
à mon hon. interrupteur de le contredire ;
qu'il me montre une seule partie du
projet actuel qui émane du parlement.
Est-ce qu'on ne nous dit pas au contraire
que si ce dernier vote un seul amendement
aux résolutions c'en est fait de la mesure ?
L'HON. M. ROSS—La conduite tenue
ici a été exactement la même que celle de
l'Angleterre : les négociations ont d'abord
eu lieu, ensuite est venue la sanction du
parlement.
L'HON M. FERGUSSON BLAIR - Les unions de l'Angleterre et de l'Ecosse et
de l'Angleterre et de l'Irlande ne furent
pas de simples négociations, mais plutôt des
traités.
L'HON. M. ROSS—Oui, mais ils furent
d'abord négociés, puis soumis au parlement.
310
L'HON. M. VIDAL—Comme je n'ai pas
l'intention de porter davantage la parole dans
le cours de la discussion, je parlerai d'une
question qui ne se trouve pas liée précisement à l'amendement actuel, mais sur
laquelle j'ai déjà dit quelque chose dans une
occasion precédente. Nous avons entendu
discourir longuement de la nouvelle constitution du conseil législatif ; et l'on a
prétendu entr'autres choses que ce furent d'abord
des nécessités politiques qui imposèrent le
système électif à des hommes qui n'en
étaient aucunement épris. Je crois qu'on a
établi ce fait d'une manière satisfaisante.
Il me conviendrait peu à moi, député élu, de
m'étendre sur le mérite ou l'excellence du
principe électif appliqué à la constitution
de cette branche de la législature ; et de
fait personne de nous, hons. messieurs, ne
saurait toucher à la question avec la même
indépendance d'esprit que si nous n'étions
pas conseillers élus. Cependant, j'attirerai
l'attention de cette chambre sur le fait que
pas un des maux que l'on redoutait de l'application du nouveau système ne s'est encore
produit, et je ne crois pas du tout raisonnable et encore bien moins nécessaire d'en
attendre de l'avenir. D'accord avec ceux
qui protestèrent contre ce système lorsqu'il
fut introduit, je ne le considérai pas alors
comme un progrès et je pense encore de
même. Je n'ai aucune prédilection pour
un conseil législatif élu et je lui préférerais
un conseil nommé par la couronne : mais je
me rappelle que je ne suis pas ici pour faire
triompher mes vues ou mes goûts personnels,
mais pour défendre les droits et priviléges
de mes électeurs ; et je rappellerai à mes
hons auditeurs qu'il y a une grande différence entre accorder et enlever un privilége.
( Ecoutez ! écoutez !) On peut octroyer un
privilége au peuple sans qu'il le demande, mais
il est dangereux de le lui ôter contre son consentement ou même lorsqu'on n'y est
pas invité. ( Ecoutez ! écoutez !) Je ne trouve pas
que le gouvernement canadien ait fait quoique
ce soit pour maintenir le principe électif, et
je ne vois rien qui me porte à croire que le
principe contraire lui ait été imposé par les
provinces d'en-bas. Quelques-unes des provinces maritimes ont peut-être désiré maintenir
la constitution de leur conseil législatif,
mais le changement de la nôtre a rencontré
assurément les vœux des membres du ministère, car rien ne fait voir qu'ils aient tenté
le moindre effort pour conserver au peuple
de ce pays le privilège dont il jouit aujourd'hui de choisir les membres de cette
chambre. ( Ecoutez !) Il y a encore dans le
projet certains autres détails repréhensibles
et dont le gouvernement canadien est responsable, et en m'exprimant ainsi je ne le
fais
pas comme son adversaire mais bien comme
son ami le plus sincère et le meilleur, comme
quelqu'un qui désire l'empêcher de commettre des erreurs. Ce n'est donc pas comme
adversaire de la confédération ou du ministère que je soutiens l'amendement de l'hon.
député de Niagara.
L'HON. M. ROSS—Mais cet amendement
est, je crois, un vote de non confiance?
L' HON. M. VIDAL—C'est en effet ce que
l'on a prétendu, mais rien n'établit qu'il en
soit ainsi ; cette déclaration est arbitraire.
Pour ma part, je ne puis accepter d'être
placé dans une telle alternative. Il est bien
vrai que le gouvernement peut dire :—" Vous
cesser de nous supporter si vous votez de
cette façon. "—Mais, de mon côté, je ne
puis faire le sacrifice de mes convictions pour
rester son ami.
L'HON. M. CAMPBELL—Mon hon. ami
voit bien que si tous nos amis en agissaient
ainsi il nous serait impossible de faire passer
n'importe quelle mesure.
L'HON. M. VIDAL—En limitant à cette
chambre la première nomination des conseillers législatifs, la conférence a enfreint
la
prérogative de la couronne et outrepassé ses
droits. Loin de moi de vouloir pour un
moment supposer aux délégués canadiens
seuls responsables du fait, des motifs bas ou
intéressés, et de croire qu'ils n'en ont agi ainsi
qu'afin de rallier à leur projet des votes de
cette chambre qu'ils n'auraient pas eus autrement : je ne puis cependant pas m'empêcher
d'ajouter que cette partie du projet me
paraît louche, et que plusieurs peuvent dire
comme l'hon. député de Wellington, ( M.
SANBORN ), que si ce n'est pas de la corruption cela lui ressemble beaucoup . Telle
n'est
pas néanmoins ma manière de voir. Je
pense qu'on a voulu par ce moyen rendre le
changement de système plus acceptable au
peuple en choisissant parmi ses représentants
dans cette chambre un certain nombre des
nouveaux membres du futur conseil législatif. (Ecoutez! écoutez !) Quant à la prétendue
impartialité de la 14e résolution,
j'avoue que je n'attache aucune importance
à ses dispositions ; car je crois que s'il n'était
pas compris que le choix sera fait en la
manière y désignée, rien n'empêcherait la
mesure d'être attaquée par une forte opposition de parti,—et c'est cela qu'on doit
éviter. ( Ecoutez !) Il me reste encore une
311
question à traiter se rapportant à ce détail
du projet et que je crois très-importante,
c'est celle de la déchéance du mandat de
vingt-un membres de cette chambre. Sans
doute, personne ne sait qui demeurera et
qui partira.
UNE VOIX—Il faudra les tirer au sort.
L'HON. M. VIDAL—Je ne parle pas du
mode par lequel on déterminera ce choix.
( Ecoutez !) Il y a parmi nous vingt-un conseillers à qui l'on devra dire de rester
chez eux ;
—les prendra-t-on parmi ceux qui tiennent leur
mandat de la couronne ou parmi les députés
du peuple ? Ce ne serait que juste, suivant
moi, que ceux qui ont été nommés par la
couronne fissent les premiers partie de la
nouvelle chambre :—l'élimination ne devra
dès lors porter que sur les membres élus,
dont près de la moitié se trouvera retranchée.
Or, n'est-ce pas placer les membres de cette
chambre dans une position très-anomale que
de les obliger à voter sur une telle mesure?
Il eut été, suivant moi, bien plus sage et
assurément plus conforme aux sentiments de
cette chambre de faire voter d'abord les résolutions dans l'assemblée législative
; du
moment que cette clause eut été acceptée par
une chambre qui représente plus particulièrement le peuple, il est certain que nous
aurions bien moins hésité à la passer. Mais
comme le contraire à été fait, je considère
de mon devoir envers ceux que je représente
d'élever la voix contre cette partie du projet ;
je n'ai pas le droit de concourir à les dépouiller d'un privilége quand même mon
vote devrait m'assurer ma nomination à vie,
car je trahirais les intérêts qui m'ont été
confiés. Je suis même convaincu que mon
hon. ami de Saugeen qui vient d'être envoyé
ici pour représenter cette division, admettra
qu'un grand nombre de ses électeurs voteraient dans la négative s'ils savaient que
le
projet de confédération actuel doit les forcer
à faire le sacrifice de leur député. ( Ecoutez ! et rires. )
L'HON. M. MACPHERSON—Je pense
au contraire qu'une grande majorité d'entr'eux voteraient dans l'affirmative. ( Rires.
)
L'HON. M. VIDAL—Je diffère d'opinion
avec mon hon. ami sur ce point. ( Ecoutez !)
Hons. messieurs, j'ai avancé que j'étais favorable au projet d'union et je l'affirme
encore,
quoique l'hon. commissaire des terres de la
couronne ait dit qu'il n'en pouvait être ainsi
et qu'en votant l'amendement on donnait le
coup de mort au projet lui-même. Je ne suis
pas de cet avis et je pense que ma conduite
au contraire est de nature à contribuer
beaucoup au succès de la confédération. Je
me regarde comme l'un de ses plus fidèles
partisans puisque je cherche à l'affermir sur
des bases solides, sur l'approbation du peuple,
et cela au prix d'un délai insignifiant. Il a
été dit beaucoup de choses inutiles pour
servir de préface à la mesure, et on nous a
fait des amplifications interminables sur les
difficultés de parti qui se rapportaient à la
question. En vérité, de si minces circonstances ne peuvent avoir amené la nécessité
d'un aussi grand changement constitutionnel.
Le peuple, pas plus que le représentant de Sa
Majesté, ne pourra croire que ces difficultés
provenaient de la source que lui ont assignée
quelques uns de nos hommes politiques. Car,
quelles sont les paroles de Son Excellence
dans un mémorandum communiqué à cette
chambre par le conseil exécutif, le 30 juin
dernier ?
" Il n'a été soulevé en parlement durant l'existence des divers cabinets qui se sont
succédé
depuis les élections de 1861, aucune question de
principes qui ait pu empêcher les hommes politiques
d'agir de concert pour le bien public. Le temps
est venu de faire appel au patriotisme des deux
côtés de la chambre pour faire cesser-
quoi ? leur conduite de partisans ? leurs
luttes politiques ? non-
" leurs dissidences particulières, et s'unir dans un
effort réciproque pour procurer l'avancement et le
bien-être du pays."
Un peu plus loin, Son Excellence revient
encore sur " l'absence de questions politiques qui pourraient les diviser, " et
ajoute clairement qu' " un tel état de
choses ne pouvait qu'être préjudiciable
aux meilleurs intérêts de la province."
Ainsi que je l'ai dit, le peuple était en voie
d'arriver bientôt à la même conclusion et
d'y remédier dans ses élections sans avoir
besoin pour cela de changements constitutionnels. Telles étaient donc les vues que
Son Excellence a communiquées à son
conseil dans un mémorandum, et je me réjouis
de les lui voir énoncer. Dans le cas où pareille
opinion eût été partagée par le public, je
n'hésite pas à dire que les maux dont nous
souffrions eussent pu être guéris radicalement
sans avoir besoin de recourir à la confédération. Déjà le peuple commençait à s'apercevoir
que les animosités personnelles inspiraient
la conduite de ses chefs, qu'on n'accordait
plus autant d'importance à l'inégalité de la
représentation, que personne même, amis ou
ennemis, n'en parlait plus, et, cependant, la
312
question de la représentation des deux parties
de la province suffisait, suivant moi, à l'introduction d'un pareil changement, et
à produire
un rapprochement entre des hommes d'état
pour tâcher de trouver une solution. Je
suis d'opinion que le projet actuel est peut-
être le meilleur sur lequel on puisse s'entendre,
aussi, suis-je prêt à en attribuer et reconnaître
tout le mérite à ses auteurs. Je suis satisfait
des neuf-dixièmes et plus peut-être du plan,
et je suis prêt à passer sur les quelques
défauts que j'y trouve pour le voir adopter
en entier. Je crois que le nom seul et le
prestige de cette grande mesure auront une
influence salutaire sur notre avenir, qu'ils
nous inspireront la fierté propre aux grandes
nations et ce patriotisme qu'il est si nécessaire d'avoir. ( Ecoutez !) L'union fédérale
raffermira notre crédit et c'est là un résultat
qui vaut la peine d'être obtenu même au prix de
quelques sacrifices. Je crois en outre que
lorsque la mesure sera complétée, elle aura
pour effet d'attirer ici l'émigration et d'accroître ainsi notre population. A l'heure
qu'il est,
nous ne réussions guère à attirer l'immigration de ce côté ou ne savons pas la retenir,
tandis
que si nous étions connus à l'étranger comme
étant un grand pays, nous offririons une carrière à cette partie entreprenante et
industrielle de la population qui constitue la force et
la richesse d'un état. L'union activera, en
outre, notre commerce et développera nos
ressources et notre industrie. Il est bien de
rappeler toutes ces considérations ; sans en
attendre tous les avantages que prophétisent
les avocats les plus enthousiastes de la confédération, elles n'en sont pas moins
dignes
de toute notre attention. ( Ecoutez !) Quant
à dire que les dépenses du gouvernement
sous le nouveau régime seront moins fortes,
je crois qu'on avance une fausseté, et que ce
sera une source de désappointement pour le
public s'il s'en aperçoit trop tard. Le
bon moyen et le seul rationnel eut été de
faire connaître les faits, d'avouer qu'au lieu
de diminuer sous la confédération les
dépenses du gouvernement seront plus fortes;
qu'à cela il faudra ajouter le coût des
travaux de défense qui doivent être construits, du chemin de fer intercolonial qui
forme partie du projet, et des autres améliorations sur les canaux dont on ne cesse
de
parler. La confédération sera dispendieuse
sans aucun doute : pourquoi ne pas l'avouer?
Pourquoi ne pas dire au peuple: " Voici de
grands avantages, mais ils devront nécessairement nous coûter beaucoup ! " Pour ma
part, je suis prêt à payer ces avantages au
prix qu'on en demande. Je ne me suis pas
attaché à analyser tous les chiffres dont
l'hon. député de Niagara a émaillé son
discours ; car la profusion et la confusion en
matière de chiffres dans un discours me
font absolument le même effet : je ne le
suivrai donc point sur ce terrain. Ma confiance dans les talents et la capacité financière
des hommes chargés de surveiller nos intérêts est telle que je n'accepte qu'avec beaucoup
de précaution les objections sous
forme de chiffres qu'on soulève contre la
mesure. Un des hons. orateurs qui m'ont
précédé, a remarqué que le doigt de Dieu
était visible dans le concours des éléments
contraires qui se sont réunis pour l'élaboration de ce projet : je le crois car j'aime
à
reconnaître l'action d'en Haut sur la vie des
individus comme des nations : je me réjouis
de voir tous les jours cette chambre demander
à Dieu de bénir ses délibérations et j'ai
foi qu'elles le sont. J'aurais la même
consolation si je voyais la question soumise
au peuple, car l'argument qui veut que
nous fassions connaître de suite notre
décision n'aguère de valeur, et ne nous
impose certainement pas l'obligation de
voter à la hâte le projet tel qu'il est.
( Ecoutez !) J'ai essayé, hons. messieurs,
de vous montrer que je ne m'étais inspiré
que du désir le plus sincère de favoriser
les intérêts de ce pays dans la conduite que
j'ai cru devoir tenir au sujet de cet amendement, et je me suis efforcé de désabuser
ceux
qui pensent qu'en agissant ainsi je me suis
laissé influencer par mon opposition à un
projet qu'au contraire je crois avantageux
au pays, mais dont je voudrais voir précisément les avantages confirmés par la sanction
populaire. Je pense probable, et peut-être
est-ce une certitude, que c'est la dernière
année que je siège comme député du peuple
dans les conseils de mon pays: mais je ne
veux pas que ma carrière, quelque courte
qu'elle ait été, soit souillée de la moindre
tache d'égoïsme, et c'est pourquoi je ne consentirai jamais à donner un vote qui pourrait
bien me faire nommer conseiller à vie, mais
qui en même temps dépouillerait ceux qui
m'ont élu du privilége d'avoir un représentant dans le conseil législatif. ( Applaudissements
!)
L'HON. M. BUREAU—Je n'ai pas l'intention de prendre part aux débats sur
l'amendement qui occupe maintenant cette
hon. chambre. Mais en vérité je ne serais
313
pas justifiable de passer sous silence la
déclaration que vient de nous faire l'hon.
membre pour Toronto (M. ROSS ). Il nous a dit
tout naïvement que si le ministère soumettait
un bill concernant l'organisation des gouvernements locaux, que ce serait mal, car,
dit-il, il
est probable qu'il surgira des difficultés à ce
sujet qui pourraient entraîner la résignation
de plusieurs membres du cabinet actuel.
L'hon. membre pour Toronto, dans ces quelques paroles, a donné le meilleur argument
pour justifier le délai que nous demandons;
mais ce n'était pas son intention. Dans un
autre sens, quelques autres hon. députés
ont été, dans mon opinion, d'une force et
d'une logique vraiment remarquables. Mais
est-il possible de faire une demande plus
essentiellement légitime que celle de l'hon.
député de Niagara ? Pour ma part, je ne le
crois pas. En effet, quoi de plus raisonnable
que le désir de connaître et de pouvoir juger
sainemement, entièrement et avec satisfaction pour soi et ses commettants, du plan
qu'on nous propose ? Cette chambre n'a-t-elle
pas le droit d'exiger du gouvernement actuel
qu'il lui soumette dans un délai raisonnable,
non seulement d'une manière générale, mais
surtout d'une manière détaillée, les différents
aspects de la constitution qu'on veut lui faire
voter avec une precipitation si imprudente
et si étrange ? Rappelons-nous qu'on ne
fait aucune difficulté quelquefois de donner
une session entière à la considération d'une
mesure secondaire : ainsi, l'année dernière,
on n'a pas essayer de passer un nouveau bill
de milice à la vapeur comme on veut le faire
aujourd'hui pour la mesure de la confédération ;
au contraire, on a pris le temps nécessaire
pour le mûrir et l'examiner sous toutes ses
faces. Cependant, quelle immense différence
existe entre ces deux mesures, sous le rapport
de l'importance et des conséquences solennelles qu'elles sont susceptibles d'entraîner?
Et puis, il n'y a pas à le nier, le plan que
l'on veut nous faire adopter n'est encore
qu'imparfaitement connu de la législature
canadienne, et le peuple en connait à peine
le premier mot, n'ayant pas encore eu le
temps d'en prendre connaissance, tant nos
ministres l'on entouré de mystère et de
secret. Je considère que l'hon membre pour
Toronto a montré un peu trop de zèle pour
la cause de ses amis en venant nous faire la
déclaration que la chambre a entendue avec
un étonnement bien marqué. Je suis prêt
à reconnaître qu'en cela il nous a rendu un
bien grand service. Je ne doute nullement,
en effet, comme nous l'a dit cet hon.
monsieur, que l'exposition de l'organisme
des gouvernements locaux à cette phase de la
discussion, serait, pour le ministère du jour,
une action imprudente, et qu'elle serait
grandement susceptible de lui susciter de
graves difficultés. Je suis aussi d'opinion
qu'une des moindres difficultés qu'il appréhende n'est pas celle de la distribution
ou de la répartition de la partie de la dette
publique que doivent supporter les différentes provinces. En effet, on peut fort
bien se demander s'il va être possible de
s'entendre sur en point. Avec un courage
digne d'une meilleure cause, le ministère
vient aujourd'hui nous dire : " Votez d'abord l'adresse, et après cela nous vous
soumettrons le plan de l'organisation des
gouvernements locaux." Mais voyez donc
la contradiction que le gouvernement commet en ceci, et combien sa conduite est
illogique ! Supposons pour un instant, que
cette mesure soulève des difficultés assez
graves, dans le gouvernement actuel, dans
le cours de la discussion sur les débats de
la mesure, pour qu'il lui faille résigner.
Qu'arrive-t-il ? L'adresse étant votée par
notre législature, on l'expédie en Angleterre,
et pendant que le gouvernement britannique
est occupé à la ratifier et à l'incorporer dans
un bill qui doit devenir notre constitution,
le ministère actuel succombe sur les débats
du plan concernant les gouvernements
locaux. Un nouveau gouvernement lui succède, un appel au peuple a peut être lieu
dans l'intervalle, et quand la nouvelle constitution nous arrive de la Grande-Bretagne,
nous avons un gouvernement et une legislature prêts à la rejeter avant sa promulgation.
Est-ce en présence d'une pareille perspective
que l'on doit se hâter d'accéder à la demande
du gouvernement et refuser le délai légitime
demandé par la motion maintenantt devant
cette hon. chambre ? J'ai donc cru ne pas
devoir laisser passer sous silence la déclaration de l'hon membre pour Toronto, car
je
considère qu'elle est de nature à nous convaincre que la précipitation est grandement
dangereuse dans une occasion aussi eminemment solennelle. La constitution d'un pays
ne doit pas être changée, de fond en comble,
sans que ceux qui sont préposés à la garde
des intérêts publics et de cette même constitution, aient eu le temps nécessaire de
voir
et de constater, d'une façon certaine, si un
pareil changement est nécessaire et demandé
par le peuple. (Ecoutez ! écoutez!)
314
L'HON. M. OLIVIER—Hon. messieurs :
—Je désire adresser quelques mots à cette
hon. chambre. Je n'ai certainement pas l'intention de revenir sur ce que j'ai déjà
dit
dans un discours précédent, mais dans cette
occasion, pressé par le temps, qui me faisait
défaut, j'ai dû laisser de côté certains aspects
du projet sur lesquels j'avais l'intention de
revenir lorsque la présente motion serait
soumise à cette chambre. Je savais en effet
que cette motion reviendrait devant nous, vu
qu'elle se trouvait alors inscrite sur les
minutes de nos délibérations. Avec ces
quelques observations préliminaires, hon.
messieurs, je viens considérer avec vous les
quelques particularités du projet que j'ai été
forcé de passer sous silence lors de mon
premier discours sur la mesure de la confédération qui nous est maintenant soumise.
Un incident bien remarquable, hon. messieurs, s'est produit à la séance de cette
après-midi. Une déclaration tout à fait
nouvelle pour chacun de nous, je pense,
est tombée des lèvres de l'hon. ministre des
terres de la couronne, qui n'a eu que cette
seule et unique raison à nous donner pour
motiver et exécuter la précipitation avec
laquelle son gouvernement veut faire passer
et adopter la nouvelle constitution :
" Nous désirons obtenir le vote de cette hon.
chambre pour l'offrir au Nouveau-Brunswick et aux
autres provinces maritimes qui désirent entrer
dans la confédération."
Voilà donc la vraie raison de cette précipitation incompréhensible et imprudente,
car je ne puis croire que la raison donnée
par l'hon. député qui siége immédiatement
devant moi ( Sir N. F. BELLEAU ), pour
expliquer cette précipitation, fût sérieuse.
En effet, comment ne pas trouver quelque
peu étrange la raison que voici, donnée par
l'hon. Sir N. F. BELLEAU :
" Le ministère tient à faire adopter de suite le
plan de confédération, parce que lord PALMERSTON,
qui est déjà vieux, peut mourir d'un jour à l'autre."
J'aime mieux accepter la raison de l'hon. commissaire des terres de la couronne que
celle
de son hon. ami, que je ne puis croire avoir
été autorisé à la donner. Ainsi donc, cette
chambre et le pays connaissent maintenant
le secret de cet empressement intempestif
du gouvernement, et je ne doute pas qu'il en
prenne note. Mais je me permettrai de demander à l'hon. commissaire des terres de
la
couronne, qui nous a donné une aussi étrange
raison, s'il veut s'exposer à tromper les
populations des provinces d'en-bas avec le
vote qu'il veut ainsi précipiter. Je lui demanderai s'il est désirable que cette chambre
donne sur-le-champ le vote en question,- vote qui aura indubitablement l'effet de
les
induire en erreur sur le sentiment et l'opinion du peuple de ce pays relativement
au
projet de confédération ? Eh bien ! hon.
messieurs, je n'hésite pas un seul instant
à déclarer devant cette chambre que le
fait seul de l'anxiété du ministère à vouloir
obtenir de suite un vote de cette chambre
sur cette importante mesure, est ce qui
devrait le plus nous mettre sur nos gardes,
et justement ce qui devrait le plus nous
engager à ne pas le donner ainsi à la légère et
d'une manière peu digne de législateurs
prudents et sages. En effet, hon. messieurs, notre vote aura une signification
qu'on chercherait en vain à diminuer ; nous
formons la première chambre de ce pays, et
quand on verra là-bas, aux provinces maritimes, que nous avons voté pour la mesure
telle qu'elle nous a été soumise, on croira
naturellement et avec raison que notre vote
a été donné avec parfaite connaissance de
cause, et que nous exprimons pleinement le
vœu et le sentiment populaires sur cette
importante question. On ne supposera jamais
que nous ayons mis de côté et négligé
d'interroger l'opinion de ceux que nous
représentons dans cette chambre ; on ne
croira jamais que le pays ait été aussi peu
consulté qu'il l'a en effet été. Je dis donc,
hon. messieurs, que le vote qu'on veut nous
faire donner aujourd'hui est de nature à
tromper le peuple des provinces d'en-bas,
tant sur l'opinion de cette hon. chambre que
sur celle de la grande majorité du peuple de
cette province, et que nous ne pouvons pas
le donner avec satisfaction pour nous-mêmes
non plus que pour ceux que nous représentons ici. J'ai déjà eu occasien de dire avant
aujourd'hui que le plan de confédération ne
nous avait pas été soumis en entier. Je suis
prêt a prouver cette assertion. Je maintiens
qu'une partie seulement du projet nous a été
soumise, et sous ces circonstances je demande
à cette hon. chambre s'il est prudent d'accepter et de sanctionner une mesure que
nous ne connaissons qu'imparfaitement ? En
acceptant et recevant de mes électeurs le
mandat de conseiller législatif, j'ai pris la
ferme détermination de ne jamais accepter
les yeux fermés les différentes mesures ou
projets qui pourraient être soumis à mon
approbation cette hon. chambre. Cette
315
résolution, je l'ai suivie jusqu'à présent, et
j'espère que jamais je ne l'oublierai dans le
cours de ma carrière politique. J'ai dit il y
a quelques instants, hon. messieurs, que le
plan de confédération ne nous avait pas été
soumis en entier : je vais maintenant essayer
de le démontrer. Par l'article 6 de la 43me
résolution, nous voyons que les législatures
locales auront le pouvoir de faire des lois
sur le sujet de l'éducation, sauf les droits et
priviléges que les minorités catholiques ou
protestantes posséderont par rapport à leurs
écoles séparées au moment de l'union. De
sorte que par cette résolution nous allons
affirmer que les minorités seront liées par
les lois d'école qui existeront au moment
que s'opèrera la confédération. D'un autre
côté, nous apprenons qu'il sera présenté un
bill pour protéger davantage les droits de
la minorité protestante dans le Bas-Canada,
sans que l'on sache si la même protection et
les mêmes avantages seront accordés à la
minorité catholique du Haut-Canada. Ces
lois d'école forment donc partie même du
projet que nous sommes appelés à voter ; et
si malheureusement, après que nous aurons
adopté ces résolutions, nous ne pouvions
obtenir justice pour la minorité du Haut-
Canada, ne serions-nous pas coupables d'avoir
voté ce plan sans le connaître en entier?
Nous avons donc le droit d'être sur nos
gardes. En effet, si, comme on le dit, la
mesure ne devait pas mettre en danger les
droits de la minorité catholique du Haut-
Canada, pourquoi nous refuserait-on, comme
on 1e fait, les détails et les renseignements
que nous voulons et désirons avoir avant de
nous prononcer sur son mérite ? Je maintiens que tout homme qui désire sincèrement
rendre justice aux minorités en question,
ne saurait voter comme on nous demande
de le faire. En l'absence des renseignements que nous avons le droit de
demander au ministère sur la nature des
garanties qui seront offertes par la nouvelle constitution aux minorités des deux
instants du Canada, je n'hésite pas un
instant à déclarer que cette hon. chambre
est justifiable et remplit un devoir sacré en
demandant le délai demandé par la motion
de l'hon. deputé de Niagara. S'il arrive
que le peuple soit appelé à se prononcer sur
le mérite de la mesure, il faudra de toute
nécéssité que nous, ses représantants, puissions
lui expliquer et lui exposer les détails de
cette même mesure. Nous avons donc raison
d'insister pour que ces renseignements nous
soient fournis. Le premier ministre me
permettra maintenant de lui faire une
question. Ne pourra-t-il pas arriver, après
que ces résolutions auraient été adoptées,
que la majorité protestante du Haut-Canada
s'allie à la minorité protestante du Bas-
Canada dans le parlement actuel, et enlève
à la minorité catholique du Haut-Canada
les droits qui devraient lui appartenir au
sujet de l'éducation de ses enfants? Si une
pareille éventualité se produisait, je le demande à l'hon. premier ministre, quel
moyen
resterait à la minorité lésée de se faire rendre
justice ?
L'HON. M. OLIVIER —L'hon. premier
ministre devrait nous faire connaître les
détails de la mesure à ce sujet. Je ne veux
pas dire que je suis contre toute confédération
possible, mais ce à quoi je ne consentirai
jamais, c'est de voter pour une confédération
dont je ne connais ni la nature exacte ni les
détails. L'article que j'ai cité plus haut,
hon. messieurs, est un de ceux sur lesquels
je tenais à appuyer ; je citerai maintenant
la résolution 67. Je vois par cette résolution
" que le gouvernement général devra remplir
tous les engagements qui pourront avoir été
pris, avant l'union, avec le gouvernement
impérial, pour la défense du pays." Eh !
bien, le croiriez-vous, on ne s'est même
pas donné la peine de dire par qui ces
engagements doivent être pris ! Non, on
se contente tout bonnement de constater
l'obligation plus haut mentionnée dans la
résolution, Eh! bien, je suppose le cas où
notre gouvernement se serait ainsi engagé
pour une somme de cinquante millions de
piastres, allons-nous et pouvons-nous affirmer
que cette obligation était nécessaire en
votant pour la mesure sans même connaître
la portée de cette obligation ? Maintenant,
si je passe à la résolution 68, j'y lis :
" Le gouvernement général devra faire compléter sans délai, le chemin de fer intercolonial,
de la Rivière-du-Loup à Truro, dans la Nouvelle
Ecosse, en le faisant passer par le Nouveau-
Brunswick."
Eh ! bien, hon. messieurs, je maintiens
qu'il y a encore ici une partie du plan que
nous ne connaissons pas. Nous ne savons pas
quel sera le coût de cette voie ferrée ainsi
indiquée dans la résolution que je viens de
citer ; nous sommes ici encore tenus dans la
plus compléte ignorance par le gouvernement
actuel. Un hon. membre de cette chambre
316
a déclaré que quand bien même le chemin
de fer intercolonial devrait coûter cinquante
millions de piastres, nous ne devrions pas
hésiter à favoriser sa construction, car
même à ce prix exorbitant le pays y trouverait son compte. Eh! bien, je vous le
demande, cette chambre agirait-elle avec
cet esprit de sagesse et de prudence qui doit
la caractériser en votant aveuglément une
dépense aussi énorme que celle-là ? Je ne
le crois pas, et, pour ma part, je n'hésite
pas un instant à dire que je refuserai. Je
sais bien, d'un autre côté, que l'établissement de cette immense voie ferrée ne saurait
coûter une aussi forte somme, mais je sais
aussi qu'il est généralement admis, tant dans
cette chambre qu'au dehors de la législature,
qu'elle ne pourra pas coûter moins qu'une
vingtaine de millions. Et puis, ne sait-on
pas encore qu'il est arrivé très-souvent que des
travaux publics dont on avait fixé le coût à
un million de piastres, par exemple, se sont
trouvés une fois complétés en avoir coûté
le double et quelquefois même plus que le
double ? Il peut en arriver de même pour
le chemin de fer intercolonial, qui, il n'y a
pas à se le cacher, coûtera certainement plus
que la somme que l'on suppose ; et je le répète,
cette chambre doit y songer à deux fois avant
de sanctionner une dépense aussi onéreuse
pour son trésor, déjà considérablement obéré,
et qui ne se trouvera guère dans une
position plus florissante lorsque les diverses
provinces britanniques de ce continent se
trouveront réunies sous la confédération. Je
demande donc avec raison qu'on fasse connaître les détails du plan avant de venir
nous
demander de le sanctionner. J'ai déjà dit
que je ne prétendais pas être contre toute
confédération des provinces ; que je pourrais
être pour une confédération qui ne serait pas
trop onéreuse pour ce pays ; mais on comprend qu'il m'est complètement impossible
d'être pour un projet de ce genre dont je ne
connais pas les détails ni l'ensemble. Il me
semble que le ministère n'aura pas le droit
de se plaindre si, sous ces circonstances,
nous votons contre son projet, que nous désirerions connaître entièrement afin de
former
à cet égard notre jugement et celui du peuple
que nous représentons. Je ne pense pas
qu'on puisse prétendre que cette chambre
n'a pas le droit d'exiger une chose aussi juste
et aussi raisonnable. Comme vous avez pu le
voir, hon. messieurs, si nous acceptons les
résolutions que l'on nous propose, nous nous
trouverons à mettre en danger les droits des
minorités dans les deux sections de la province ;
nous nous exposons à payer des sommes
énormes pour la construction d'un chemin
de fer qui serait peut-être d'une complète
inutilité pour la défense du pays. Il me
semble qu'avant de contracter des obligations aussi onéreuses, nous avons besoin de
refléchir mûrement et de bien peser toutes
les chances possibles d'éventualités aussi
sérieuses. Je n'ignore pas qu'il est certains
hon. membres de cette chambre qui ne se
rendront jamais aux raisons que je viens
d'énumérer ; aussi n'entreprendrai-je pas de
les convertir à mon opinion, car je sais que
tous mes efforts seraient inutiles. Le fait
que nous ne voulons pas accepter la mesure
qu'on nous propose sans auparavant la connaître, n'implique certainement pas, comme
on le dit et le supose, que nous soyons contre
toute idée de confédération. Une autre disposition du projet que nous ne saurions
approuver, c'est celle par laquelle la constitution du conseil législatif du parlement
fédéral
se trouve basée sur le principe nominatif au
lieu du principe électif, comme c'est le cas
aujourd'hui pour cette même branche de la
législature sous notre gouvernement actuel.
J'ai déjà eu occasion d'exprimer mon opinion
sur le changement constitutionnel qu'on voulait faire subir à notre conseil actuel
: ainsi,
je ne reviendrai point sur ce sujet. L'hon.
commissaire des terres de la couronne
a prétendu que nous nous trouvions autorisés par notre mandat actuel à voter
sur le renversement de constitution projeté. Je me permettrai de différer de
son opinion. Je connais la nature d'un
mandat, soit civil, soit politique : tous deux
ils entraînent à peu près les mêmes devoirs.
Eh bien ! quel est le mandat que nous
avons reçu de nos commettants ? Celui de
faire fonctionner la constitution actuelle au
meilleur de notre intelligence et de notre jugement. Tel est le mandat qui nous a
été
conféré, mais jamais nos électeurs ne nous
ont autorisé comme on le propose aujourd'hui, de détruire cette même constitution
et de faire une alliance politique avec les
autres provinces anglaises de ce continent.
L'exemple d'un pareil bouleversement constitutionnel, sans l'autorisation du peuple,
ne
se trouve dans aucune des pages de l'histoire.
On a déclaré dans cette enceinte que le
projet de confédération était connu d'une
partie du pays, et qu'il n'y avait aucun
inconvénient à en presser l'adoption. Je
me permettrai de différer encore des hon.
317
membres qui ont exprimé une pareille
opinion. Je pense que quand bien même
le projet serait, comme on le dit, connu
d'une partie du peuple de ce pays, ce ne
serait pas une raison pour en précipiter ainsi
l'adoption ; car le plan intéresse également le pays en général, et il ne suffit pas
qu'il soit acceptable à une certaine partie des
habitants de ce pays, mais bien à la grande
masse du peuple. D'ailleurs, si les assemblées
qui ont déjà eu lieu dans le Bas-Canada au
sujet de la confédération peuvent servir à
faire connaître l'opinion populaire relativement à cette question, au moins dans cette
section de la province, on peut dire sans
crainte qu'elle a été universellement condamnée dans 15 comtés. Oserait-t-on prétendre
que le Bas-Canada ne saurait compter
dans la confédération, et que le Haut-Canada
seul a droit de faire entendre sa voix ? que son
approbation ou désapprobation du projet
peut seule entraîner l'adoption ou le rejet
de ce même projet ? Assurément, je ne
pense pas qu'on ose jamais émettre une telle
prétention. Je ne connais qu'un seul comté
dans le Bas-Canada qui ait autorisé son mandataire à voter comme bon lui semblerait
sur
le projet en question. Je crois donc pouvoir
dire que la raison qui incite le gouvernement
à faire adopter cette mesure sans en soumettre tous les détails, c'est qu'il craint
que
ces détails ne soient connus du peuple, qui
ne pourrait faire autrement sans doute que
de les rejeter. Après lui avoir montré la confédération sous les dehors les plus brillants,
il craint de la lui laisser voir sous son véritable jour et telle qu'on veut la lui
imposer.
J'ai déjà dit que dans tout le Bas-Canada il
ne s'était trouvé qu'un seul comté qui avait
laissé à son représentant le privilége de voter
suivant son jugement sur la mesure actuelle
Dans tous les autres comtés où le peuple a
été appelé à se prononcer, le projet de
confédération a été formellement condamné.
L' HON. M. GUEVREMONT—Plusieurs
comtés se sont prononcés en faveur du
projet, le comté de Vaudreuil entre autres.
L'HON. M. OLIVIER—Je ne sache pas
que le comté de Vaudreuil ait voté en faveur
de la confédération. L'hon. député de
Saurel a aussi mentionné le comté de
Richelieu comme l'un de ceux qui n'avaient pas rejeté le projet de confédération.
L'HON M. GUÈVREMONT—L'assemblée en question n'a pas condamné la confédération : elle s'est simplement
prononcée en
faveur de certaines résolutions qui lui ont
été soumises, lesquelles demandaient que le
peuple fût consulté sur le changement constitutionnel projeté.
L'HON. M. OLIVIER—Il est bien vrai
que le comté de Richelieu n'a pas condamné
les détails de la mesure, et cela pour une
raison bien simple : c'est que le gouvernement ne les a jamais laissés connaître et
qu'il
persiste encore, à cette heure, à les laisser
ignorer au pays Mais l'hon. membre admet
que le comté de Richelieu a chargé son
mandataire de demander un appel au peuple.
Dire que le Bas-Canada est favorable au
projet de confédération, c'est avancer une
chose que les assemblées populaires qui ont
eu lieu depuis un mois ou deux démentent
de la manière la plus formelle. Je sais à
quoi m'en tenir sur l'expression de l'opinion
publique dans le district de Montréal ; quant
au district de Québec, les hon. membres qui
représentent ses différentes divisions voudront bien me dire s'il y a eu ou non des
assemblées en faveur de la confédération.
En attendant qu'on me démontre que le
projet y a été approuvé, je me permettrai
de penser que le district de Québec, de
même que celui de Montréal, n'approuve
pas la confédération projetée. Je ne veux
pas dire que le pays entier est contre toute
idée de confédération, mais je maintiens
qu'il ne saurait être en faveur d'un projet
dont il ne connaît pas les détails et dont
l'ensemble ne lui est pas connu. Le moyen
le plus efficace de pourvoir à la défense d'un
peuple et d'un pays, c'est que le peuple
soit attaché à la constitution du pays ;
vouloir lui imposer une constitution, c'est
tout simplement le pousser vers l'anarchie.
Or, nous sommes déjà assez entourés de périls
pour ne pas aggraver davantage notre position Faites en sorte que le peuple aime sa
constitution, et vous pouvez être assurés
qu'il saura la défendre quand elle sera
menacée. Mais ce n'est certainement pas en
procédant comme vous le faites que vous
arriverez à ce résultat. La raison donnée par
l'hon. commissaire des terres de la couronne
pour presser la mesure ne me parait pas
suffisante. Nous ne sommes pas ici pour
plaire aux provinces maritimes ou pour
législater dans leur intérêt, mais nous sommes
ici pour sauvegarder les droits de nos concitoyens : nous ne sommes pas venus ici
avec
l'idée préconçue d'empêcher tout projet
d'union ; nous sommes tous intéressés à la
prospérité et à la grandeur de notre pays. La
dernière fois que j'ai eu l'honneur d'adresser
318
la parole à cette hon. chambre, j'ai dit que
pour les questions qui intéressaient le plus le
Bas-Canada, la confédération projetée serait
une union législative ; c'est-à-dire, que nous
serions à la merci du Haut-Canada et des
provinces maritimes. J'ai exprimé cette
opinion de bonne foi, et si je me suis trompé
dans mes prévisions, j'espère que les hon.
membres du gouvernement voudront bien
m'éclaicir à ce sujet et me démontrer mon
erreur. On ne l'a pas fait dans l'occasion,
car je ne saurais accepter comme une réponse
satisfaisante les quelques explications données à cet effet par l'hon. membre qui
siége
devant moi. Je dis que le gouvernement
fédéral aura le pouvoir de déclarer que les
corporations religieuses, par exemple, n'auront pas le droit de posséder des propriétés
immobilières au-delà d'une certaine valeur,
plus qu'il ne leur en faudra pour les besoins
immédiats de leurs maisons. Il aura aussi
le pouvoir de décréter qu'il n'y aura aucune
relations entre l'Eglise et l'Etat. Je dis que
les pouvoirs du gouvernement fédéral seront
tels que le Bas-Canada ne sera qu'un zéro
dans les affaires qui l'intéressent le plus.
L'HON. SIR. E. P. TACHÉ — L'hon.
membre doit comprendre dans quel sens je
dis " oui." Il doit voir que je dis cela
ironiquement.
L'HON. M. OLIVIER—Si l'hon. chevalier dit cela ironiquement, tout ce que j'ai à
lui répondre, c'est que je regrette de voir
que, lorsque je m'informe sérieusement des
affaires du pays, lorsque je cherche à avoir
des éclaircissements sur une question aussi
importante, l'on ne puisse répondre sérieusement et que l'on n'emploie que l'ironie
pour
répondre. Je demande des informations
parce que j'avoue, moi, que je puis me
tromper dans l'opinion que je me forme sur
cette question ; mon opinion n'est pas infaillible, pas plus que les membres de la
conférence de Québec n'étaient infaillibles, pas
plus que les membres bas-canadiens du
ministère ne sont infaillibles ; et c'est
précisément à cause de cela que je voudrais
avoir des informations qui pussent m'éclairer
et me permettre de porter un jugement correct sur la question. Est-ce que ceux qui
ont
préparé ce projet ont la prétention de croire
qu'ils ne peuvent pas se tromper ? Quand je
m'informe des détails de ce projet au nom de
mes commettants, l'on répond ironiquement !
Mais je connais la valeur de ces réponses-là,
et je sais que c'est à l'ironie que l'on a recours
lorsque l'on est embarrassé de répondre
sérieusement et que l'on n'a pas de bonnes
raisons à donner. Je sais ce que c'est que
de discuter, et si je n'ai pas souvent discuté
dans cette hon. chambre, j'ai discuté au
barreau, et je sais parfaitement que ceux qui
n'ont pas de bonnes raisons à opposer aux
arguments de leurs adversaires cherchent à
changer le terrain de la discussion en la
faisant porter sur un point mineur et en se
servant de l'ironie. Si l'on refuse de donner
ici les explications que je demande, comment
pourrai-je donner à mes électeurs les informations qu'ils ont le droit d'attendre
de
moi ? Mais je vais en venir au principe de
nomination que l'on veut introduire dans la
nouvelle constitution du conseil législatif
fédéral. Quand j'ai entendu l'hon. chevalier
faire l'histoire des derniers moments du
conseil législatif nominatif, il m'a semblé que
c'était la plus forte condamnation possible
du projet actuel. En effet, il nous a dit
que les membres nommés à vie étaient des
hommes honorables qui, par leur position et
leur intégrité, avaient le droit de marcher la
tête haute, mais que, lorsqu'ils passaient dans
les rues, ils semblaient marcher la tête basse.
Pourquoi ?
L'HON. SIR E. P. TACHÉ—Je n'ai pas
dit qu'ils marchaient la tête basse dans les
rues. J'ai dit que c'était des hommes
honorables qui avaient le droit de marcher
la tête haute partout, mais qu'ils ne voulaient plus venir siéger au conseil à cause
des préjugés de l'opinion publique, qui avait
été faussée.
L'HON. M. OLIVIER—L'opinion unanime d'un pays ne se fausse pas ainsi, et
l'opinion du pays était unanime à condamner
le système de nomination par la couronne.
Et pour que l'opinion publique devienne
aussi unamine qu'elle l'était contre ce
système, il faut que ce soit le résultat d'un
travail lent et profond, et que la cause de
mécontentement soit réelle. Il faut que le
Bas-Canada, de même que le Haut-Canada,
ait souffert longtemps du système pour le
condamner comme ils l'ont fait. Et je regrette
beaucoup d'avoir entendu l'hon. chevalier
dire qu'il voulait revenir à ce système.
Peut-être qu'en avançant en âge on peut
changer ses vues et ses opinions ; mais il me
semble qu'on ne devrait pas les changer en
aussi peu de temps que l'hon. chevalier l'a
319
fait à propos de la constitution du conseil
législatif ; et il n'y a pas longtemps que le
document qui a été lu ce soir a été signé.
Je dis donc que le récit que nous a fait l'hon.
chevalier est la condamnation du système
que l'on veut introduire aujourd'hui. Après
ce que l'hon. chevalier a dit des conseillers
nommés par la couronne, avec quelle grâce
les nouveaux conseillers viendront-ils siéger
ici ? N'y aura-t-il pas un préjugé plus fort que
jamais contre eux, parce que l'on dira que
ceux qui auront voté pour le projet qui
nous est soumis, l'auront fait dans le but de
garder leur siége pour le reste de leur vie ?
Quel respect le peuple pourra-t-il avoir pour
une telle chambre ?
L'HON. M. OLIVIER—Ni pour un plat
d'or. Je demande si le gouvernement de
l'hon. chevalier m'a jamais compté parmi
ses solliciteurs ?
L'HON. M. OLIVIER—Je comprends
l'intention de l'hon. chevalier. Et quand on
dit ironiquement que je ne vendrais pas les
droits du peuple pour un plat de lentilles,
j'ai le droit de dire que je ne les vendrais
pas même pour un plat d'or, car jusqu'à
présent, Dieu merci ! pas un gouvernement
ne m'a jamais compté au nombre de ses
solliciteurs. Je vis de mon travail et je n'ai
pas besoin du gouvernement. J'ai remarqué
l'expression dont s'est servi l'hon. chevalier
quand il a parlé des derniers moments du
conseil législatif nommé par la couronne. Il
nous a dit que pour ramener le prestige du
conseil législatif, on avait été obligé de le
rendre électif. Mais ce n'était pas là la
seule raison de ce changement : il y avait un
motif également raisonnable pour que le
conseil devînt électif, et ce motif, c'est qu'en
faisant élire les conseillers, ils seraient
pris dans toutes les parties du pays, et
qu'en conséquence ils représenteraient l'opinion publique des différentes parties
du
pays. Il y a eu un temps, sous l'ancien
ordre de choses, où l'opinion de deux ou
trois homnes des villes de Québec et de
Montréal formaient l'opinion publique de tout
le Bas-Canada. Cela avait un mauvais effet,
car il faut que l'opinion publique des différentes parties du pays soit représentée
dans
cette chambre comme dans l'autre. C'est pour
atteindre ce but que le pays a été séparé en
divisions, et que l'on a exigé que les conseillers élus résidassent dans ces divisions
ou y
eussent des propriétés foncières au montant
de £2,000. Mais avec le système des nominations par la couronne, on pourrait choisir
comme autrefois des hommes dans les grandes
villes,—car il ne sera pas difficile pour eux
d'acquérir pour £1,000 de propriétés dans
les divisions,—et le pays ne se trouvera pas
également représenté au conseil. Une autre
raison pour laquelle le système électif est
préférable au système nominatif, c'est qu'à
chaque nouvelle élection le nouveau membre
élu représente l'opinion alors actuelle du
peuple, tandis que les conseillers nommés à
vie peuvent représenter quelquefois l'opinion
publique de vingt ans en arrière. Il est
désirable pour le progrès du pays que de
temps en temps il vienne dans cette chambre
des hommes qui représentent l'opinion
actuelle du pays.
L'HON. M. OLIVIER—Maintenant je
vais tâcher de répondre à une objection faite
par l'hon. commissaire de terres de la couronne ( M. CAMPBELL ) à la motion de l'hon.
membre pour Niagara ( M. CURRIE. ) Il a
prétendu que cette motion était en contradiction avec la position prise par l'hon.
membre qui a secondé la motion, parce qu'il
s'est déclaré en faveur de la confédération.
Pour ma part, je ne vois pas de contradiction dans l'action de l'hon. membre, car
il
demande seulement que du délai sort accordé
au peuple afin qu'il ait le temps de se prononcer sur la question. Il est indifférent
que ce délai soit accordé d'une manière
plutôt que d'une autre. Si le gouvernement
accorde ce délai, il lui restera à décider si la
question sera soumise au peuple au moyen
d'une élection générale ou autrement.
L'amendement de l'hon. membre pour Niagara ne propose aucun moyen particulier de
soumettre la question au pays ; tout ce qu'il
veut, c'est qu'elle soit soumise, et il laisse
au gouvernement le choix du moyen qui lui
paraîtra le plus convenable. Et c'est précisément la position que je prends moi-même
;
car j'ai dit aux membres qui ont l'air de
croire que je suis absolument opposé à la
confédération, que tel n'était pas le cas ; mais
320
je veux obtenir du délai pour avoir le temps
de savoir si le peuple est hostile ou favorable
au projet. Mais si le plan était soumis au
pays, il serait désirable qu'il le fût dans tous
ses détails, et non pas seulement dans l'état
dans lequel il est actuellement devant nous.
Je ne veux pas fatiguer la chambre, mais je
tenais à exprimer mes vues et à dire pourquoi je me propose de voter en faveur de
la
motion de l'hon. membre pour Niagara.
( Applaudissements. )
L'amendement proposé par l'hon. M.
CURRIE est alors mis aux voix et perdu sur
la division suivante :
Pour :—Les hon. messieurs Aikins, Archambault, Armstrong, Chaffers, Currie, Dickson,
A. J. Duchesnay, E. H. J. Duchesnay, Flint,
Leonard, Malhiot, Olivier, Perry, Proulx, Read,
Reesor, Seymour, Simpson, et Vidal,—19.
Contre : — Les hon. messieurs Alexander,
Armand, Sir N. F. Belleau, Bennett, Blake, Boulton, Bull, Burnham, Campbell, Christie,
Crawford,
DeBeaujeu, Dumouchel, Foster, Gingras, Guévremont, Hamilton (Inkerman,) Hamilton (Kingston,)
Lacoste, McCrea, McDonald, McMaster,
Macpherson, Matheson, Mills, Panet, Ross, Shaw,
Skead, Sir E. P. Taché, et Wilson.—31.