MARDI, 14 février 1865.
L'HON. SIR N. F. BELLEAU.—La
discussion sur le plan de confédération est
déjà bien avancée, et il reste peu de chose à
dire, car toutes les objections que l'on a
contre ce plan ont été faites d'un côté et
combattues de l'autre. Cependant, je me
permettrai de faire quelques remarques sur
certaines de ces objections que l'on a renouvelées hier encore. Depuis trois ans,
le
pays se trouve spectateur d'un état de choses
que beaucoup de personnes ont désigné
sous le nom d'anarchie gouvernementale,
tant les gouvernements se sont rapidement
succédé au timon des affaires. C'était un
conflit qui grandissait tous les jours entre
les partis politiques,—conflit qui menaçait
d'entraver complétement la marche des
affaires publiques, et qui appelait nécessairement l'attention de nos hommes d'état
sur
les moyens de remédier à cet état de choses.
Les hommes influents du pays ont donc fini
par se réunir et ont décidé que le remède
qu'il nous fallait était la confédération des
provinces de l'Amérique Britannique du
Nord. Il n'est pas étonnant que se plan
184ait attiré l'attention de nos ministres actuels,
car il n'était pas nouveau, et la question
avait été déjà présentée à plusieurs reprises
devant le pays. L'on trouve dans la confédération de ces provinces une réunion d'éléments
qui donnent l'espérance et le germe
d'une puissance qui prendra un jour sa place
parmi les nations du globe. Et, à propos
de cette confédération des provinces de
l'Amérique Britannique du Nord, je ne
puis m'empêcher de me rappeler la fable
des faisceaux, que j'ai apprise étant
enfant, et qui s'applique parfaitement
au cas actuel. Cette fable nous rapporte
que des faisceaux réunis étaient assez
forts pour résister à tous les efforts faits
pour les briser, mais que divisés ils se
brisaient au premier choc. Il me semble
que la leçon que nous donne cette fable est
très applicable à la question de la confédération : séparés, nous sommes faibles,
unis
nous serons forts. Le commerce, la population, les industries, les progrès, en un
mot
tous les éléments qui sont nécessaires pour
faire une nation puissante se trouvent dans les
colonies réunies ; mais tout cela devient
peu important si on le laisse à l'exercice de
chaque colonie isolée. Et non-seulement la
réunion de ces éléments ferait de la confédération une grande puissance parmi les
autres nations du globe, mais on trouverait
encore dans sa population un nombre de
bras suffisant pour nous permettre de
repousser l'agression de l'étranger, avec
l'aide de la Grande-Bretagne. Je ne suis
pas de cette école qui dit que dans le cas
d'une agression de la part des Etats-Unis,
ce que nous aurions de mieux à faire serait
de rester inactifs et les bras croisés. Ces
idées ne sont les miennes. Elles peuvent
flatter les opinions ou les désirs des personnes
qui ont des penchants républicains et annexionistes, des anti-canadiens, qui ne sont
rien moins que les adversaires du système
monarchique en ce pays. Je ne suis pas de
ceux qui se posent en adeptes de l'école
répubicaine et annexionniste, car je ne vois
chez eux aucune des aspirations nationales
dont tout homme est toujours fier. Après
ces quelques mots pour montrer la nécessité
de la confédération et qu'elle produira, dans
ses résultats prochain, un peuple nouveau et
puissant, je vais examiner quelles sont les
conditions du projet, et aussi si le Bas-Canada
y trouvera la protection nécessaire à ses
intérêts. La première chose sur laquelle
mon esprit s'est porté a été de savoir
quelles garanties les institutions du Bas-
Canada, ses lois, sa religion, sa croyance, et
son autonomie, trouveraient dans la confédération. Je trouve la garantie de toutes
ces
choses dans l'article du projet qui donne au
Bas-Canada le gouvernement local de ses affaires, c'est-à-dire le contrôle de toutes
les questions qui se rattachent à ses institutions, à
ses lois, à sa religion, à ses industries et à
son autonomie. N'êtes-vous pas tous prêts,
hons. messieurs, et surtout vous, les membres
du Bas-Canada, à faire quelques sacrifices
pour arriver à avoir le contrôle de toutes les
choses dont je viens de parler, et qui se
trouvent toutes dans les attributions du gouvernement local ? Est-ce que vous n'êtes
pas
tous prêts à faire quelque sacrifices pour
voir se terminer les luttes et les combats qui
ont eu lieu depuis quelques années, au grand
danger du Bas-Canada et de ses institutions
—danger qui pourrait exister et surgir
encore aujourd'hui et devenir très réel, si
les amis qui ont soutenu ces luttes se lassaient ou se décourageaient et laissaient
le
champ libre à leurs adversaires. Si nous
persistons à vouloir trop obtenir, si nous ne
voulons faire aucun sacrifice, nous pourrions
perdre tout le fruit de ces luttes et les avantages que l'on nous offre aujourd'hui.
Pour
ma part, la seule considération que nous
aurons le contrôle de nos affaires dans le
Bas-Canada, avec la confédération, m'engagerait à voter en faveur du projet qui nous
est présenté, lors même qu'il ne nous offrirait pas d'autre avantage. Mais, sans entrer
dans les détails, je veux seulement répondre
à certaines objections et prouver qu'il
est de notre intérêt d'adopter ce plan.
L'une des premières objections soulevées
l'a été par l'hon. représentant de la division
Wellington ( M. SANBORN ). Il a dit qu'il
ne pouvait pas voter pour la confédération,
parce qu'il n'avait pas mandat de ses électeurs
de changer la constitution de son pays. Mais
tandis qu'il disait cela, ce même membre
proposait de changer la constitution qu'il
prétend n'avoir pas mandat de changer dans
un sens. Voici la résolution qu'il a proposé
en amendement :
" Le Haut-Canada sera représenté dans le conseil législatif par 24 membres élus, et
le Bas-
Canada par 24 membres élus, et les provinces
maritimes par 24 membres correspondant aux 24
membres élus dans chaque section du Canada ; la
Nouvelle-Ecosse devant avoir dix membres, le
Nouveau-Brunswick dix, et l'Ile du Prince-
Edouard quatre ; et les membres actuels du conseil législatif du Canada, à vie et
élus, seront
185
membres du premier conseil législatif du parlement
fédéral ; les membres nommés par la couronne
resteront membres à vie, et les membres élus resteront membres pour huit ans à compter
de leur
élection, à moins de décès ou autre cause, auquel
cas leurs successeurs seront élus par les mêmes
colléges et électeurs. "
Eh bien ! hons. messieurs, si l'hon. représentant de Wellington n'a pas mandat de
changer la constitution de ce pays, il n'a pas
non plus le droit d'y faire l'amendement
qu'il propose et qui est rempli de contradictions. L'hon. membre a dit qu'il n'aurait
pas d'objection à voter pour la confédération
après que ses électeurs auraient été consultés,
bien qu'il n'ait pas beaucoup de foi dans la
maxime : Vox populi, vox Dei. L'hon.
membre a dit que sa règle de conduite a été :
Salus populi suprema les est ; mais il n'y a
pas de doute qu'il dirait salus meus suprema
lex est, s'il était choisi pour être membre à
vie ; il n'aurait pas alors de scrupule de changer
la constitution. Ce même argument a été
endossé par l'hon. membre pour Lanaudière
( M. OLIVIER ). Eh bien ! Je crois que cet
hon. membre ne pourra pas sortir facilement
du dilemme dans lequel je vais le placer. Il
a aussi dit qu'il n'avait pas reçu mandat de
ses électeurs pour changer la constitution.
S'il n'a pas reçu ce mandat, il devra voter
contre l'amendement qui est proposé et qui
tend à changer la constitution. Si on est
réellement sérieux en faisant cette objection,
pourquoi les membres qui veulent consulter
leurs électeurs ne résignent-ils pas leurs
siéges pour se faire réélire sur cette question,
au lieu de vouloir mettre le feu aux quatre
coins du pays par une dissolution ? Mais
non, ils se croisent les bras et disent qu'une
dissolution ne les regarde pas, puisque le
conseil n'en serait pas affecté. Ils ne sont
donc pas sérieux en demandant un appel au
peuple. L'hon. membre pour Grandville ( M.
LETELLIER DE ST.-JUST ) a aussi dit quelque chose dans le même sens. Lui aussi je
l'invite à remettre son mandat et à consulter
ses électeurs ; mais comme il a déjà essayé
dernièrement dans deux places importantes
de sa division, il sait que le sol tremble sous
ses pieds ; je ne pense pas qu'il tente l'aventure, car il pourrait s'en mal trouver.
L'HON. SIR N. F. BELLEAU.—Je
n'irai pas moi-même, mais d'autres iront, et
je puis vous prédire que vous resterez sur
le carreau.—J'espère donc que nous n'en
tendrons plus parler de ce manque d'autorité pour changer la constitution, car c'est
seulement un moyen détourné de faire
tomber le plan de confédération par pur
esprit de parti. On a encore dit que les
électeurs étaient pris par surprise et qu'ils
ne savaient pas ce dont il s'agit, qu'ils ne
connaissaient pas le plan de confédération
avant qu'il ne fut discuté ici. Mais ceux
qui se sont occupés des affaires publiques
depuis 1858 ne peuvent pas dire cela, car la
question a été soumise à la discussion et au
pays à plusieurs reprises depuis cette époque,
et toujours par des actes officiels. Personne
n'a oublié le célèbre discours prononcé par
l'hon. M. GALT, en 1858, lorsqu'il s'est
rallié au ministère CARTIER-MACDONALD,
dans lequel il se déclarait en faveur de
la confédération des provinces. On n'a
pas oublié que MM. GALT, CARTIER et
ROSS ont fait alors un voyage en Angleterre
afin de soumettre au ministre des colonies
leurs vues sur le sujet de la confédération.
Il est vrai que depuis cette époque jusqu'à
l'année dernière, il n'en a pas été beaucoup
parlé, parce qu'il y a eu un changement
de gouvernement en Angleterre et qu'il a
fallu tout recommencer ce qui avait été fait.
Mais si en Angleterre on n'en parlait pas, la
question n'était pas enterrée ici. Personne
n'a oublié le discours du trône prononcé à
Toronto par SIR EDMUND HEAD en 1859,
dans lequel il parlait de la nécessité de
l'étudier et de la soumettre au pays. On
ne pouvait certainement pas prendre un
meilleur moyen de la soumettre au peuple.
Ensuite, la question a été agitée dans la
chambre d'assemblée à plusieurs reprises,
jusqu'à l'instant où les gouvernemente se
succédant comme des éclairs, il a fallu recourir à une coalition afin de mettre fin
à
l'anarchie qui régnait dans les affaires politiques du pays. Cette coalition a été
fondée
sur le principe de la confédération. Les
membres de ce gouvernement ont eu l'occasion, par un concours de circonstances
heureuses et exeptionnelles de se réunir à
la conférence de Charlottetown, pour discuter
la question et parler un peu d'une confédération générale. Ils se sont ensuite réunis
à Québec avec tous les délégués des
provinces d'en-bas, et le résultat de leurs
travaux a été le plan qui nous est soumis
aujourd'hui. Mais il a plus, car avant
que le ministère actuel se soit occupé du
plan avec les délégués des provinces du
golfe, Son Excellence en avait parlé dans
186
son discours et avait dit qu'il était absolument nécessaire d'en venir à une conclusion.
Et en outre, les journaux importants de cette
province et des provinces d'en-bas discutent
la question depuis longtemps ; tous les détails
en ont été examinés sous toutes ses faces
jusqu'à satiété. En présence de tous ces
faits, je me demande comment on peut dire
que le peuple ne sait pas à quoi s'en tenir ?
Non ; c'est seulement un prétexte dont on
se sert pour faire tomber le projet. Mais un
autre fait qui prouve que le peuple n'a pas
été pris par surprise, à propos de cette question, c'est que depuis dix mois il y
a eu douze
élections de conseillers législatifs, et on ne
peut pas dire que quand elles ont été faites
il ne s'agissait pas de confédération. Ce serait
dire une chose fausse à la face du soleil.
L'hon. membre pour Lanaudière ( M. OLIVIER ) disait hier qu'un journal de Montréal
avait dit qu'il s'était prononcé contre la confédération, et il s'est empressé de
contredire
ce fait. Mais je dois dire que quand il a paru
devant ses électeurs et qu'il a parlé de pas
rétrogrades, quand il a dit que pour lui il
croirait retourner en arrière s'il votait contre
l'élection des membres de cette chambre, je
crois qu'il était inutile pour lui de dire qu'il
ne s'était pas prononcé contre la confédération.
L'HON. SIR. N. F. BELLEAU.—Les
détails et le principe. Je dis donc que dans
les élection qui ont eu lieu, à moins que les
membres élus n'aient pas voulu faire leur
devoir, ils ont dû parler de confédération et
surtout de la manière dont serait traité le conseil législatif dans cette confédération.
Et si
l'on est entré dans ces détails, le peuple sait
ce dont il s'agit.— Et non seulement il y a
eu des élections, mais encore il y a eu des
assemblées publiques en grand nombre dans
tout le pays,—c'est-à-dire partout où les
adversaires de la confédération ont pu en
faire sans danger pour eux,—et partout dans
ces assemblées on ne s'est pas fait tirer
l'oreille pour parler de confédération, et dans
un sens le plus défavorable possible. Il est
vrai qu'on n'y représentait pas les choses sous
leur vrai jour, mais le peuple savait toujours
de quoi il s'agissait. L'hon. membre pour Wel
lington ( M. SANBORN ) s'est appuyé fortement
sur les dangers que pourrait courir la minorité des protestants dans la législature
locale
du Bas-Canada. Il craint qu'ils ne soient pas
protégés suffisamment par la majorité catholique sous le rapport de leur religion
de leurs
écoles et peut-être de leurs propriétés. Je
suis étonné d'entendre un pareil langage
dans la bouche d'un homme qui, comme lui,
représente une division dont plus de la moitié
de la population est canadienne-française
et catholique, car ce fait seul est la preuve
de la libéralité de nos compatriotes. J'ai
entendu cela avec peine ; mais je puis lui
dire que la minorité protestante du Bas-
Canada n'a aucune crainte à avoir de la majorité catholique : sa religion est garantie
par les traités ; et ses écoles et les droits qui
peuvent y être rattachés devront être reglés
par une législation qui aura lieu plus tard ;
et lorsque cette législation sera soumise aux
chambres, les membres qui craignent si fort
aujourd'hui pour les droits de la minorité
protestante auront l'occasion de les protéger ;
ils pourront alors faire valoir leurs raisons et
ils pourront insister pour que les protestants
ne courent aucun danger. Mais en supposant, même que les protestants soient lésée
par la législature locale du Bas-Canada, ne
pourront-ils pas avoir la protection de la législature fédérale ? Et le gouvernement
fédéral n'exercera-t-il pas une stricte surveillance sur les actes des législatures
locales
sur ces matières ? Pourquoi chercher à faire
naître des craintes imaginaires dans le Bas-
Canada ? Je dis
imaginaires, parce que l'on
connait parfaitement la libéralité des habitants du Bas-Canada,—libéralité dont ils
ont
donné la preuve il y a très longtemps déjà
en décrétant l'émancipation des juifs avant
qu'aucune autre nation du monde n'y ait
songé.—Non, loin de vouloir oppresser les
autres populations, tout ce que les Canadiens-
Français demandent, c'est de vivre en paix
avec tout le monde ; ils veulent bien qu'elles
jouissent de leurs droits, pourvu qu'elles
vivent en paix ensemble. ( Ecoutez ! écoutez !)
Je ne puis m'empêcher de faire une remarque
à propos des protestants du Bas-Canada et de
la libéralité dont a fait preuve envers eux la
population française et catholique. L'on
craint que nous nous entendions pour leurs
faire subir quelques injustices. Je ne sais
si je dois le dire, mais le fait est que les
Canadiens-Français ont toujours vécu plus
d'accord avec les Anglais protestants qu'avec
les Irlandais, qui ont pourtant la même
religion et la même croyance qu'eux. Si
cet accord a toujours existé, qu'ont-ils à
craindre ? L'hon. membre pour Lanaudière ( M. OLIVIER ) a dit que le plan de
confédération n'était pas nécessaire, et en
cela il était d'accord avec l'hon. membre
pour Grandville ( M. LETELLIER ). Il a dit
187
qu'il aurait été possible de régler les difficultés dont nous avons eu le spectacle
sans
recourir à la confédération, parce que beau-
coup de ces difficultés étaient survenues à
cause de la haîne que portaient certains
hommes à d'autres. Eh bien ! pour ma part
je ne crois pas que le mobile d'action de nos
hommes politiques était la haîne qui les animait les uns contre les autres. Quand
j'ai
vu les luttes qui ont eu lieu dans la chambre
d'assemblée, quand j'ai vu les votes de non-
confiance qui ont été proposés, j'ai toujours été satisfaitque ceux qui les proposaient
donnaient de bonnes raisons pour le
faire. Mais je ne savais pas qu'il existait
des haînes et des jalousies personnelles entre
ces hommes, et qu'avec leur disparition les
difficultés s'arrangeraient facilement. Mais
on dit cela parce qu'on n'a pas de bonnes
raisons à faire valoir contre la confédération.
Le même hon. membre a aussi dit que les
minorités du Haut et du Bas-Canada voulaient
savoir le sort qu'on leur réservait avant de
voter la confédération. S'il avait voulu
réfléchir un peu, il aurait appris que le sort
des minorités sera réglé par la loi, que leur
religion est garantie par les traités, et qu'elles
seront protégées par la surveillance du gouvernement fédéral, qui ne permettra jamais
que la minorité d'une partie de la confédération soit inquiétée par la majorité. L'hon.
membre voudrait aussi que les gouvernements
locaux eussent de plus grands pouvoirs que
ceux qu'il est proposé de leur donner, et que
le gouvernement fédéral en ait moins. En
l'entendant, il semble que l'histoire des
peuples est parfaitement inutile pour certains
individus. Il ne devrait pourtant pas ignorer
que c'est à l'occasion des droits des états
particuliers que la guerre civile existe aujourd'hui aux Etats-Unis ; et cependant,
il
voudrait implanter dans ce pays le même germe
de discorde. Il voudrait voir plus de pouvoir
en bas et moins d'autorité en haut. Pour
moi, je dis tout le contraire, si nous voulons
avoir un gouvernement fort qui sache se
faire respecter quand ce sera nécessaire.
L'hon. membre a aussi dit qu'il n'avait pas
confiance dans l'exercice des pouvoirs du
gouvernement fédéral, parce qu'il serait
entouré d'une coterie.
L'HON. M. OLIVIER—Je n'ai pas dit
que cela serait, mais que théoriquement cela
pouvait-être, et que s'il était entouré d'une
coterie, les droits du Bas-Canada se trouveraient en danger.
L'HON. SIR N. F. BELLEAU—Cela ne
fait pas de différence ; car il a dit qu'il craignait que le gouvernement ne fût entouré
d'une coterie. Mais n'est-ce pas la représentation nationale qui entourera le gouvernement
fédéral ? Est-ce une coterie ? Dire que notre
gouvernement sera une coterie, c'est ravaler
les institutions du pays. Dans tous les cas,
le gouvernement serait reponsable aux chambres. Ne perdons jamais de vue que notre
représentation nationale avisera toujours le
gouvernement fédéral, que le Bas-Canada
soit représenté dans le gouvernement fédéral
par une unité ou une dualité ; le nombre
n'y fait rien. Ce qui importe c'est que
cette unité ou cette dualité représente
dans le conseil exécutif la représentation
nationale, qui sera composée de 65 membres
dans la législature fédérale. Et l'on appelle
cela une coterie ! J'insiste un peu sur cette
partie de mes remarques, parce que l'on
oubli le jeu du gouvernement responsable
dans la législature fédérale. Je demande aux
membres du Bas-Canada de faire attention à
ceci : supposons qu'il s'agisse de faire passer
une loi dans la législature fédérale qui puisse
être inquiétante pour le Bas-Canada, nos
65 représentants à la chambre des communes
discutent cette loi, et décident qu'ils doivent
s'y opposer. Aussitôt ils communiquent
avec les membres du gouvernement qui
représentent le Bas-Canada et leur disent
qu'ils ne veulent pas de cette loi, et que s'ils
la font passer, ils se coaliseront avec la minorité qui existe toujours dans le gouvernement
responsable et qu'ils renverseront le ministère. Voila l'effet de notre influence
dans
le gouvernement fédéral ; et si l'on ne perdait pas cela de vue, on n'aurait aucune
crainte. L'influence du Bas-Canada fera et
défera les gouvernements à sa guise quand
ses intérêts seront en jeu ou froissés. Et si
l'on comprenait bien l'importance de la responsabilité du gouvernement fédéral, on
ne
manifesterait pas de craintes pour nos institutions. L'hon. membre a aussi dit qu'il
ne
voulait pas faire un pas rétrograde, à
propos de l'élection des conseillers législatifs. A cela, je dois répondre que le
principe
électif appliqué au conseil législatif devient
inutile en présence de la force numérique du
Bas-Canada dans le parlement fédéral, car ce
sera la chambre des communes qui fera et
défera les ministères. Pourquoi avoir le
principe électif pour le conseil, lorsque nous
l'aurons pour la chambre des communes, que
nous aurons le gouvernement responsable, et
que le gouvernement fédéral sera composé de
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membres élus par le peuple ? L'hon. membre a dit qu'il voulait marcher avec l'intelligence
du peuple, et non pas aller en arrière.
Ce sont là de grands mots : l'intelligence du
peuple ! le progrès ! mais pour ma part je ne
crains pas de dire que le peuple fera volontiers le sacrifice de l'élection des conseillers
législatifs, en vue du contrôle de toutes les
choses dont j'ai parlé tantôt. L'hon. membre a dit que le principe électif aurait
été
la protection du Bas-Canada. Je comprends
que c'est le cas dans une chambre qui peut
faire et défaire les ministères, mais dans une
chambre inamovible, je demande quelle en
est l'importance ? La protection du Bas-
Canada n'est pas dans le principe électif,
mais dans la responsabilité des membres du
gouvernement fédéral à la chambre des communes. Permettez-moi d'ajouter un mot à
propos d'élection, puisqu'il n' y a que cela qui
puisse guérir tous les maux de l'humanité. Il
ne faut pas fermer les yeux à l'évidence.
Depuis que l'on a réuni plusieurs comtés
ensemble pour faire des divisions électorales,
voit-on des personnes indépendantes de fortune et de caractère, sans besoin de faire
de
la politique une industrie, chercher à entrer
dans le conseil législatif ? J'avoue que les
élections qui ont eu lieu jusqu'ici au conseil
législatif ont produit un excellent résultat,
les membres qui nous sont venus de l'élection lui ont donné un lustre nouveau. Mais
aujourd'hui n'est-il pas devenu presque
impossible de faire présenter un homme
indépendant, car les contestations électorales dans les grandes divisions ont dégoûté
un grand nombre de personnes qui feraient
honneur à leur pays et qui ne veulent pas
risquer leur fortune dans une élection. Et
si l'on voit déjà se produire ce résultat,
qu'est-ce que ce sera plus tard ? Nous
verrons les intrigants politiques chercher à
se saisir des divisions pour vivre de la politique, avec la politique et par la politique.
Nous verrons ici ce que nous avons vu dans
d'autres pays : des gens qui entreront dans
la politique afin de s'en faire un bouclier
contre leurs créanciers en s'abritant derrière la loi. On les verra s'emparer de cette
chambre et en chasser l'honnêteté et l'honneur. Je le répète, ceux qui font aujour
d'hui partie de cette chambre, sont des
hommes honorables et qui font honneur à
leur pays, mais avec le temps ils seraient
remplacés par les intrigants politiques. Une
autre et dernière objection a été celle-ci :
c'est qu'avec la confédération on n'augmen
tera pas les moyens de défense ou la force
du pays. Mais si on réfléchissait bien, on
ne dirait pas cela, car il est évident qu'avec
les moyens de communication que nous possédons aujourd'hui, et avec le chemin de
fer intercolonial, si une partie du Haut-
Canada était envahie par l'ennemi, toutes les
forces de la confédération pourraient être
dirigées sur le point menacé en fort peu de
temps, et nous pourrions ainsi faire sentir à
l'ennemi qu'étant unis nous serions forts. Il
faut ne savoir clair pour dire le contraire. On dit encore que pour augmenter
les moyens de défense du pays, il aurait
fallu construire le chemin de fer du Nord ;
mais que, puisque le gouvernement ne l'a
pas fait, ses membres ne valent rien et sont
des renégats.
L'HON. SIR N. F. BELLEAU.—Non,
c'est vrai, vous n'avez pas dit le mot, mais
vous avez exprimé la pensée. Suivant l'hon.
membre, le chemin de fer du Nord sauverait
le pays. Mais je crois que l'hon. membre demeure quelque part dans le nord, sur la
ligne
de ce chemin. ( Ecoutez ! et rires. ) Je crois que
sa devise est aussi :
Salus meus suprema lex
est. Tout pour moi, rien pour les autres !- Le chemin de fer du Nord a eu et pourrait
avoir ses avantages, et, comme moyen de communication, je voudrais le voir construire
;
mais pour le moment sa construction coûterait
trop cher. Et quand les défenses militaires que
le gouvernement actuel se propose de construire pour la protection du chemin du sud
seront terminées, le chemin du nord ne sera
pas nécessaire. L'hon. membre a aussi dit qu'il
voudrait que les habitants du pays pussent réfléchir et étudier le projet de confédération,
et
qu'il ne voyait pas pourquoi on voulait en presser la passation aussi vivement. J'ai
déja dit
qu'un plan avait été soumis à la mère-patrie
il y a quelques années, mais qu'un changement de ministère anglais était venu mettre
la chose à néant. Aujourd'hui la même
chose pourrait bien arriver ; et si l'on
regarde l'âge du premier ministre en Angleterre, et le peu de stabilité qu'aurait
son
gouvernement s'il venait à mourir, l'on verra
qu'il faut se hâter. C'est là une raison suffisante de presser la mesure, pour ceux
qui
croient qu'elle est destinée à sauver le pays.
Une dernière remarque, et je termine. L'hon.
membre ( M. OLIVIER ) nous a conjuré de
ménager la susceptibilité de nos voisins et de
ne pas leur porter ombrage en faisant une
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confédération qui pourrait leur fournir le
prétexte de mettre à effet la doctrine MONROE.
Eh bien ! je crois que c'est là une bien
pauvre raison, quand il s'agit de la législation la plus importante qui se soit jamais
faite sur ce continent à propos du Canada,
et que cette mesure convient en tout point
au pays. Vouloir entraver cette mesure par
des considérations de cette nature, c'est faire
preuve de pusillanimité, et j'avoue que j'ai
presque la rougeur sur le front en entendant de semblables paroles sortir de la bouche
d'un canadien-français. ( Applaudissements. )
L'HON. M. LETELLIER DE. ST. JUST.
—Hons. messieurs :—Après le discours que
l'on vient d'entendre, j'espère ne l'on me
permettra de dire un mot, car j'ai été parfaitement étonné de l'entendre prononcer
par l'hon. membre qui vient de s'asseoir ;
et si je voulais y répondre, je pourrais me
contenter de dire :
J'ai vu Roland dans sa colère,
User la force de son bras,
Pour déraciner de la terre,
Des arbres qui ne tenaient pas.
Quand j'entends un membre se lever pour
dire que nous, les conseillers élus par le
peuple, ne sommes rien parce que nous
n'avons pas le gousset aussi bien garni que
certains hons. membres, j'ai bien le droit, je
crois, de m'étonner d'un pareil langage ; car
il doit nous être permis de croire que ce n'est
pas précisément le montant d'argent que
possède un homme qui fait sa valeur. Il y
a la noblesse de l'éducation et du cœur,
comme il y a l'aristocratie de l'argent, et,
pour ma part, je pense que la première vaut
bien la dernière. Dans tous les pays du
monde, l'éducation a produit le dévouement
à la patrie, tandis que la richesse seule n'a
souvent produit que la lésinerie. L'hon.
membre prétend que si l'on conserve l'application du principe électif au conseil légisatif,
l'on verra bientôt tous les intrigants
qui cherchent à vivre par la politique et de
la politique, chasser les hommes de mérite
du milieu de nous et contrôler les affaires
du pays. Pour ma part, je ne crains nullement ce résultat, car je sais qu'il y a
trop de bon sens chez le peuple pour
qu'il consente jamais à servir de marche-pied aux intrigants politiques qui ne
chercheraient que leur avancement et
leur fortune personnelle dans les affaires
publiques. Je sais bien que quelques intrigants sont parfois parvenus à s'imposer
au
peuple au moyen de belles promesses et de
dehors hypocrites : mais leur vie politique
n'a pas été de longue durée, et les résultats
de l'élection des conseillers législatifs par le
peuple sont là pour prouver que les craintes
de l'hon. membre sont parfaitement dénuées
de fondement. D'ailleurs, je pense que les
résultats produits jusqu'ici par le principe
électif appliqué à cette chambre, et l'élection
des membres qui y siègent aujourd'hui, sont
satisfaisants, et ne font pas déshonneur à
cette hon. chambre. Au moins, je ne l'ai
pas encore entendu dire. L'hon. membre
prétend qu'il n'est pas nécessaire que le
conseil législatif soit électif, parce que cette
chambre est destinée, ou a pour mission de
servir de contrepoids entre l'exécutif et la
chambre basse. Mais ce fait existe aujourd'hui, et quand chacun le reconnait, quand
personne ne se plaint du système actuel , on
vient nous dire qu'il faut enlever cette prérogative au peuple pour la remettre à
la
couronne ! Eh bien ! je dis que c'est là vouloir rétrograder et faire un pas en arrière.
Est-ce parce que certains membres de ce
conseil n'ont jamais pu se faire élire dans
aucun comté quelconque, qu'ils voudraient
priver le peuple du droit d'élire ses représentants ? Mais en donnant à la couronne
le
droit de nommer les conseillers législatifs,
pense-t-on que l'on s'assurera les services
d'hommes plus capables, plus intègres, plus
honorables qu'en les laissant élire par le
peuple ? Lorsque l'on a rendu le conseil
législatif électif ceux qui ont préparé la loi
pensaient comme l'hon. membre ( Sir N. F.
BELLEAU ) qu'un homme riche devait avoir
plus de talents et plus de capacités qu'un
homme peu fortuné, et, afin que le peuple
ne pût pas se tromper dans son choix, ils ont
décrété que tout membre élu au conseil
législatif devait posséder au moins £1000
en propriétés foncières ; mais aujourd'hui,
dans le plan de confédération, on réduit ce chiffre de moitié, ce qui est avouer
que la possession de la richesse n'est
pas une qualité indispensable au talent.
L'hon. membre a voulu justifier la hâte avec
laquelle on veut faire passer le projet de
confédération, en disant que lord PALMERSTON est bien vieux et que son gouvernement
chancelle. Ainsi, parce que le premier
ministre anglais est vieux, il nous faut avaler
la pilule sans avoir même le temps de regarder
si elle nous convient. Il faut avouer que
c'est là un pauvre argument. Quant à la
crainte de voir rejeter le projet de confédé
190ration en Angleterre, si le gouvernement
impérial venait a changer de personnel, je
crois qu'elle est parfaitement chimérique,car si a confédération convient aujourd'hui
a l'Angleterre et aux intérêts anglais, elle
leur conviendra tout aussi bien dans huit
ou dix mois qu'à. présent. Si la chose est
utile au point de vue anglais, elle aura lieu,
quel que soit le gouvernement qui sera au
pouvoir Laissons donc au peuple le temps
de la juger. L'hon. membre a dit n'il y
avait eu douze élections au conseil législatif
depuis qu'il est question de confédération ;
mais ces élections n'ont pas en lieu depuis
que le projet est préparé, et par conséquent
le peuple n'en a pas connu les détails et ne
pouvat pas les connaître. Le résultat de
ces douzes élections n'a été ni favorable ni
contraire au plan de confédération, car il
n'était pas connu alors. On dit que parce
que le projet a été distribué dans le pays, il
doit être connu Mais comment peut-il
l'être, surtout dans les détails, quand tous
les jours on voit le gouvernement fort embarrassé de donner des explications ou refuser
de les donner sur certains points ? quand on
voit un ministère dire dans une chambre,
par exemple, que l'indemnité seigneuriale
sera payée par le Bas-Canada seul, tandis
que ans une autre chambre on dit que cette
dette sera partagée entre les deux provinces ?
quand on voit les ministères demander du
temps pour répondre à chacune des questions
qui sur sont faites sur ce plan ? Comment le
peuple peut-il connaitre a constitution du
gouvernement et des législatures locales, lorsque
les ministres eux-mêmes paraissent n'en
nen savoir ? Comment peut-il savoir comment sera répartie la balance de $5,000,000
de dette dont le Canada sera chargé, lorsque
ceux qui ont préparé le plan ne le savent
pas eux-mêmes ? Et il y a une foule d'autres
détails importants qu il faudrait connaître
avant de pouvoir se prononcer sur le mérite
de la mesure,—conne le projet de loi sur
l'éducation, les mesures de défenses, le chemin de fer intercolonial, etc. On nous
dit
bien, par exemple, que les protestants du
Bas-Canada et les catholiques du Haut seront
protégés en ce qui regarde leur système
d'écoles ; mais on ne nous en donne pas de
garantie ; et si l'on adopte le projet de confédération avant que ces quest ons ne
soient
réglées, qui nous dit que le gouvernement
aura une majorité aussi complaisante pour
régler ces questions que pour voter la confédération ? Il y a une autre partie du
projet
qui est très importante et sur laquelle nous
avons droit de recevoir des explications avant
de le voter, c'est celle qui a rapport aux
mesures de défenses du pays. Il serait important de savoir quelle espèce de défenses
on veut organiser, et quelle dette nous encourrons à ce sujet. Pourquoi ne pas nous
faire
connaitre le pourquoi et le parceque de toute
l'affaire afin de nous mettre à même de juger
sainement de la mesure ? Ce sont là des
détails que nous devrions savoir,
L'HON. M. LETELLIER de ST. JUST.
—On dit qu'il y a dans l'union fédérale un
moyen de former un grand peuple et de nous
mettre en état de prendre place parmi les
nations du globe. Mais si l'on introduit dans
ce peuple, au moyen de la constitution
même, des ferments de discorde, croît-on
qu'il ne vaudrait pas mieux vivre séparés,
comme nous le sommes aujourd'hui, que de
vivre ensemble avec la désunion dans notre
sein ? On a dit encore qu'en entrant dans la
confédération, il nous faudrait réduire nos
droits d'importation, afin que notre tarif
puisse s'accorder avec celui des provinces
d'en-bas. Mais, par suite de cette déclaration, il nous faut examiner contre qui la
réduction de ces droits va frapper. Pour
moi, je pense que la lacune que produira
cette réduction de droits dans nos revenus,
devra être comblée par l'agriculture et l'industrie du Canada. En faisant cette confédération
pour surmonter des difficultés
secondaires, nous allons faire l'affaire des
marchands anglais en réduisant les droits
d'importation de moitié. Et qui fournira la
balance qu'il nous faudra trouver pour faire
face aux dépenses ? Ce sera l'agricultenr et
l'industriel de ce pays, au moyen de la taxe
directe. Les provinces d'en-bas ne sont pas
des pays agricoles, et l'on dit que nous
échangerons nos farines contre les produit:
de leurs mines et de leurs forêts. Mais je
crois que ce n'est pas en décrétant des mesures politiques que l'on fait changer le
cours du commerce. Que l'Angleterre abandonne aujourd'hui le Canada, et même avec
la confédération nos produits iront toujours
en Angleterre. parce que c'est le marché le
plus avantageux pour nous. et qu'il continuera toujours de l'être. Il en sera de
même pour le Nouveau-Brunswick et la
Nouvelle-Ecosse ; c'est-à-dire, que les produits de leurs mines continueront a rechereher
les marchés des Etats-Unis, parce que
191
ces provinces sont aujourd'hui en relations
commerciales avec eux. Ces provinces suivront les lois générales des transactions
commerciales en allant aux Etats-Unis,
exactement comme nous allons en Europe pour y
chercher les marchandises dont nous avons
besoin et les échanger contre nos produits.
Mais revenant a la question du tarif, je dis
qu'il faut arriver à la conclusion que le
déficit créé par son abaissement retombera
sur l'agriculture et l'industrie du pays, et
qu'on leur fait une position inférieure dans
la confédération. Si on réduit les droits
d'importation de 20 à 11 pour cent, l'on fait
perdre tout leur profit a nos manufactures
canadiennes, et l'on empêche les capitalistes
de venir s'établir en Canada Ce sera là
une conséquence immédiate de la confédération. J'ai entendu dire que les protestants
du Bas-Canada devaient se trouver satisfaits
pour l'avenir, parce que nous avons toujours
agi avec libéralité envers eux. Mais ce
nest pas la une garantie pour eux, comme
nous ne nous contenterions pas nous-mêmes
d'une simple promesse d'agir libéralement,
si nous croyions nos intérêts ou nos institutions menacée par une majorité différente
de
race et de religion ; et, dans tous les cas, ce
n'est pas là le moyen d'assurer la paix du
pays. En posant ce principe, il faudrait
dire aux catholiques du Haut-Canada qu'ils
doivent être satisfaits du sort qu'on leur
fait. Quand on fait une constitution, il
faut d'abord régler les questions politiques
et religieuses qui divisent les populations
pour lesquelles cette constitution est faite,
parce que l'on sait que ce sont les différends
religieux qui ont causé les plus grands
troubles et les plus grands maux qui ont
agité les peuples dans le passé. Il faut
savoir les prévenir pour l'avenir. Quand
on voit un homme comme l'hon. membre
(Sir N. F. BELLEAU) qui avoue que nous
ne nous accordons pas avec les Irlandais,
malgré la similitude de nos croyances, il est
permis de prévoir des difficultés avec les
populations de races et de croyances différentes. On nous dit de voter d'abord la
confédération, et que les détails seront
réglés plus tard ; que l'on viendra avec une
mesure pour régler ensuite les difficultés
sectionnelles ou sectaires. Je veux bien croire
que l'on présentera une mesure a cet effet,
mais si la majorité ne veut pas l'adopter, il
nous faudra donc rester avec les germes
de troubles et de différends que la chambre
n'aura pas pu faire disparaitre ? L'on de
mande aussi quelle espèce de gouvernement
local nous aurons ; mais le gouvernement
n'en veut rien dire avant que a confédération ne soit votée. Quelle espèce de constitution
et quel gouverneur aurons-nous?
Quel gouverneur ? c'est peut-être là le grand
secret, car je crois que depuis quelques
temps l'idée ou l'espérance d'être gouverneur est entrée dans la tête de plus d'un
homme politique. Quel sera le salaire du
gouverneur ? De combien de membres sera
composé le gouvernement local ? Ce sont là
autant de questions sur lesquelles nous
sommes complétement dans l'ignorance et
sur lesquelles le gouvernement ne veut rien
dire. Et, à propos de la constitution des
gouvernements locaux, est-ce que, si la majorité du Haut-Canada veut nous imposer
ses idées, nous devrons nous y soumettre ?
Cela ne serait juste ni pour nous ni pour le
pays. L'hon. membre (Sir N. F. BELLEAU)
nous a dit que nous n'étions pas sincère en
demandant l'appel au peuple, parce que
nous savions qu'une dissolution ne nous
atteindrait pas. Ces paroles ne me surprennent pas de la part d'un homme qui n'a
jamais eu l'honneur d'être le mandataire
du peuple, et qui tient son siège de la
faveur de la couronne ; mais je ne vois pas
de quel droit il nous juge de cette manière.
En terminant, je proposerai l'amendement
suivant :
Que tous les mot après "Que,"dans la première
ligne, soient retranchés et que les suivants leur
soient substitués : " le débat sur l'adresse à Sa
Majesté au sujet de l'union des colonies de l'Amérique Britannique du Nord soit remis
jusqu'au
temps où le gouvernement aura fait connaître à
cette chambre . 1o les mesures qu'il se propose de
soumettre a la législature pour l'organisation des
gouvernements locaux et des législatures locales
dans le Haut et le Bas-Canada ; 2o le projet de
loi sur l'éducation qu'il se propose de soumettre
au parlement actuel pour la protection des minorités dans le Haut-Canada et dans le
Bas-Canada ;
3o la correspondance entre le gouvernsment impérial et le gouvernement du Canada relative
a
la défense de la province, et quelle mesure le gouvernement doit nous proposer pour
le même objet ;
4o de quelle manière le gouvernement se propose
de diviser, entre les provinces du Haut et du Bas-
Canada, la balance de notre dette provinciale
actuelle, après déduction des $62,500,000 payables
par le gouvernement fédéral, et quels seront les
items assignés à chacune de ces provinces ; 5o le
rapport de M. Fleming sur l'exploration du chemin
de fer intercolonial."
L'Hon. M. OLIVIER—Avant de procéder ou voter, je demanderait à l'hon.
membre (Sir N. F. BELLEAU) qui a pro
192posé à mon hon. ami (M. LETELLIER)
et à moi de résigner nos sièges si nous ne
voulions pas voter maintenant la confédération et soumettre la question à nos électeurs,
si la discussion sera remise jusqu'à ce que
nos élections soient faites ?
L'HON. Sir N. F. BELLEAU.—N'étant
pas membre du gouvernement, l'on comprend
que je ne puis répondre à cette question.
Je ne leur ai pas proposé de résigner, mais
j'ai dit que s'ils étaient sérieux dans leur
objection, ils pouvaient résigner et la soumettre à leurs commettants en se présentant
a la réélection.
L'HON. M. OLIVIER. —Je comprends
le but de l'hon. membre en nous donnant ce conseil, il voudrait nous voir nous
retirer de la chambre pendant le combat,
mais c'est un piége dans lequel nous ne
tomberons pas. On a dû être surpris que
je n'aie pas corrigé toutes les inexactitudes
de l'hon. membre lorsqu'il a parlé de ce
que j'avais dit ; mais j'ai préféré ne pas le
faire, car il m'aurait fallu relever presque
chacune de ses paroles pour les rectifier.
Comme il a défiguré et changé le sens de
presque tout ce que j'ai dit, je conçois que
rongeur a dû lui monter au front en terminant son discours.
Pour :—Les hons. MM. Aikins, Archambault,
Armstrong, Bennett, Bureau, Chaffers, Cormier,
Currie, A. J. Duchesnay, Flint, Leonard, Leslie,
Letellier de St. Just, Malhlot, Olivier, Perry,
Proulx, Reesor, Seymour et Simpson.—20.
Contre : —Les hons. MM. Alexander, Allan,
Armand, Slr N. F. Belleau, Fergusson Blair,
Blake, Boulton, Bossé, Bull, Burnham, Campbell,
Christie, Crawford, DeBeaujeu, Dickson, E. H. J.
Duchesnay, Dumouchel, Ferrier, Flint, Gingras,
Guévremont. Hamilton (Inkerman), Hamilton
(Kingston), Lacoste, McCrea McMaster, Macpherson, Matheson, Mills, Panet, Price, Prud'homme,
Read, Ross, Shaw, Skead, Sir E. P. Taché, et
Wilson,—38.
Et le conseil s'ajourne.