CONSEIL LEGISLATIF.
MERCREDI,
8 février 1865.
L'Hon. M. ROSS reprend le débat: Les hons. membres se
rappellent qu'hier soir j'ai fait une motion d'ajournement avec l'intention de répondre
aux observations de l'hon. membre pour la
division de Niagara, [ l'hon. M. CURRIE], qui a eu la parole pendant la
plus grande partie de la séance d'hier. L'hon. membre a fait un
discours très- remarquable du commencement à la fin. Il a
commencé par citer quelques passages du premier discours qu'il fit en cette
chambre, il y a deux ans, et dans lequel il approuvait fortement le
principe de la confédération entre le Canada et les provinces maritimes;
hier, encore, il a formulé de la façon la plus énergique son
approbation du projet. Mais certaines parties de son discours auraient
pu faire dire à ceux qui l'ont d'abord compté parmi les partisans et les
amis du projet: " mon Dieu! délivrez-nous de nos amis." ( Ecoutez !
écoutez !) Il a fait usage d'un singulier argument que je résume
ainsi: —décréditant tour-à-tour les provinces maritimes et le Canada il a
cherché à nous prouver que nous faisons une très-mauvaise
affaire en unissant notre destinée aux leurs, tandis que les provinces
avaient bien tort de rechercher notre alliance puisque nous sommes à
la veille d'une banqueroute. [Rires !] Pour répondre à l'hon. membre il
suffirait de prendre certaines parties de son discours, de les mettre
en regard et de lui faire voir
71 qu'elles jurent de se trouver accouplées. Il ne s'est
pas contenté d'employer l'ironie et le sarcasme, il a même contesté des
assertions faites par des hommes publics du Canada et des
autres provinces. Or, si nous avons un jour la confédération, nous devons
prendre garde au langage que nous employons et aux faits que nous
affirmons devant le public; c'est du moins mon opinion. Si on tolère
un langage comme celui que s'est permis hier l'hon. monsieur, il deviendra
impossible de maintenir l'harmonie et la bonne entente dans l'union
projetée. Mais je suis convaincu que la chambre condamnera
désormais ce langage, non-seulement chez l'hon. membre pour la division de
Niagara, mais chez tout autre. [Ecoutez !] L'hon. membre a commencé
ses attaques contre les hommes publics des provinces en citant un
discours prononcé dernièrement à Halifax par M. LYNCH, et en
cherchant à nous faire rire aux dépens de ce monsieur. Or, les assertions de
M. LYNCH n'étaient point de futiles inventions comme l'hon. membre l'a
prétendu. M. LYNCH a basé toutes ses assertions sur les rapports
officiels de nos départements publics, et si l'hon. membre veut bien
consulter le recensement de 1851, il trouvera à la page 32 un tableau
comparatif des produits du Canada et des Etats-Unis, duquel il appert
que pendant la dernière décade nos voisins ont augmenté de 48 par cent,
tandis que nous avons augmenté de 400 par cent; c'est précisement ce
que M. LYNCH a dit et ce dont l'hon. membre pour la division de
Niagara a nié l'exactitude.
L' Hon. M. CURRIE.—Cette augmentation a eu
lieu de 1841 à 1851, mais M. LYNCH a fait allusion à la décade suivante.
L'Hon. M. ROSS.—Pas du tout, M. LYNCH a parlé de
l'augmentation pendant dix ans, il a cité les documents officiels et ne
s'est pas trompé. L'hon. monsieur a probablement puisé ses
renseignements dans quelque journal et l'erreur qu'il a commise
devrait être un avis pour lui d' être, à l'avenir, plus scrupuleux
dans ses attaques contre les hommes publics. (Ecoutez !) Il s'est ensuite
permis de censurer le premier ministre du Nouveau-Brunswick qui, par
sa haute position et sa capacité, est parfaitement à l'abri
de pareilles diatribes. Ces faits suffisent pour établir mon opinion qu'il
est au moins de très-mauvais goût d'attaquer les hommes publics des
autres pays et principalement ceux des soeurs colonies, comme l'a fait
l'hon. membre.
L'Hon. M. ROSS.—L'hon. monsieur a contesté la véracité
des assertions, il a même nié les assertions qu'ils ont faites en qualité
d'hommes publics. L'hon. M. TILLEY a cité les chiffres de notre propre
ministre des finances, et l'hon. membre l'a représenté comme faussant
la vérité en vue de tromper ses auditeurs.
L'Hon. M. CURRIE.—Je voudrais bien savoir quand le
ministre des finances du Canada a dit que la moyenne des droits perçus
dans la province était de 11 pour cent ?
L'Hon. M. ROSS.—L'hon. membre trouvera cela
dans le discours du ministre des finances. Je ne me crois pas obligé de
citer des chiffres et de faire des calculs en ce moment, mais je
maintiens qu'en tenant compte de toutes les importations, y compris
les articles exempts de droits, l'hon. membre trouvera que le chiffre
indiqué est exact. Les importations de 1863 représentent un montant
de$45,964,493 et le chiffre des droits perçus est de $5,169,172 c'est-à-dire
précisément 11% du montant total. Je le répète, au lieu d'attaquer les
hommes publics les plus éminents comme l'hon. membre l'a fait, il eut
été mieux à lui de les défendre. [Ecoutez ! ] Ayant ainsi répondu aux
observations que l'hon. membre a faites sur la véracité
des assertions de MM. LYNCH et TILLEY, je passe à ce qu'il a dit pour
essayer d'établir que M. GALT se trompait. Il a fait allusion aux
chiffres concernant le tonnage des navires dans la confédération projetée
tels qu'indiqués par M. GALT, et s'est manifestement évertué
à mettre les rieurs de son côté. Le ministre des fianances a déclaré
qu'une fois l'union effectuée nous serions, à son avis, le troisième pays du
monde sous le rapport du tonnage des navires qui fréquenteront nos ports, bien qu'il
eût probabilité que la France fut notre
égale. L'Angleterre vient en premier lieu sous ce rapport, ensuite les
Etats-Unis et, en troisième lieu, la France ou la confédération projetée.
Voici son exposé :-
" Le tonnage
des navires du Canada, y compris la navigation des lacs, se
monte à neuf
millions de tonneaux; toutefois, une portion
considérable de ce tonnage
appartient aux
caboteurs qui souvent font des voyages d'aller
et retour en un seul jour. J'aime à dire que
le commerce entre le Canada et les Etats-
Unis fait valoir une grande
partie du tonnage
des lacs,
qui
se monte
à 6,907,000 tonneaux. Je ne
puis classer sous la même catégorie les navires
72
qui arrivent à Québec et à Montréal
et qui ne font
que deux ou trois voyages par
année. Le tonnage
des navires de long cours représente en Canada,
2,133,000 tonneaux; au Nouveau-Brunswick,
1,386,000 tonneaux; à la Nouvelle-Écosse,
1,432,000 tonneaux. En somme, le
tonnage des
navires de long cours est aujourd'hui,
sauf une
faible déduction, de cinq
millions de tonneaux."
En faisant cet exposé l'hon. ministre des
finances a adopté la méthode
suivie en Angleterre, aux Etats-Unis et dans tous les
grands pays maritimes, pour indiquer le tonnage total des navires qui fréquentent
les
ports de ces pays. Il importe peu de distinguer les navires au long cours des caboteurs;
du fait qu'un navire est employé, ne fût-ce
que comme traversier, pour importer ou
exporter des marchandises, il résulte que son
tonnage est imputable au commerce des
pays entre lesquels ou pour lesquels on l'emploie. (Ecoutez !) Mais l'hon. membre
a
semblé insinuer que l'exposé du ministre
des finances était inexact en ce qui concerne les navires qui fréquentent les lacs
canadiens, et donné dans le but d'induire le public en erreur pour lui faire
croire que la confédération occupera, par
le chiffre du tonnage, une place éminente
parmi les puissances maritimes. M. GALT
a calculé le tonnage des navires de long
cours et l'a ajouté à celui des
navires qui
fréquentent les lacs pour obtenir le tonnage
total des navires dans l'union projetée. Ces
deux catégories ont toujours été parfaitement
distinguées dans tous les tableaux publiés par l'hon. ministre ou son département
et dans tous les discours qu'il a
prononcés. Ainsi, l'hon. membre s'est prévalu de sa position pour lancer de la boue
à nos hommes d'état les plus éminents et
pour essayer de ternir la réputation de nos
hommes publics les plus
distingués. Je le
répète encore, car je ne saurais trop insister à
cet égard auprès de la chambre, nous devons
mettre fin à ces procédés ; la réputation de
nos hommes publics est une propriété nationale que nous ne devons pas, à la légère,
laisser attaquer ou avilir. Si nous devons
entrer dans la confédération, songeons du
du moins à nous présenter avec une bonne
réputation. (Ecoutez !) L'hon. membre est
allé chercher des vieux numéros du Globe
et d'autres journaux dans lesquels, grâce
a
l'effervescence durant laquelle
les publications ont paru, il a trouvé des citations peu
flatteuses pour les ministres canadiens qui
s'occupent aujourd'hui de la confédération.
Je n'ai pas mission de défendre ici les hons.
MM. BROWN et McDOUGALL, ses anciens
chefs qu'il a violemment attaqués, je n'entreprendrai pas non plus de revenir sur
le passé,
mais je dois dire que ces messieurs se sont
mis à l'œuvre avec le ferme propos de mettre
fin aux graves difficultés qui ont si longtemps
pesé sur notre pays. Ils ont agi aussi avec
l'approbation de leurs amis politiques dont
ils ont demandé l'avis ; au lieu de leur faire
des reproches, ce serait le moment de
les traiter avec confiance et générosité.
Jusqu'à présent j'avais toujours
écouté l'hon.
membre avec un certain plaisir, et même
dans le discours que je réfute
en ce moment,
il a fait preuve d'une grande capacité, mais
le manque de logique, des contradictions
incessantes, et le ton déplorable de ce
discours en font un document unique dans
les annales de la législature canadienne. En
le lisant, j'ai songé aux canons PARROTT,
employés devant le fort FISHER,
dont six
ont légèrement blessé deux soldats ennemis,
mais ont tué ou blessé dangereusement
environ cinquante des canonniers qui servaient les pièces. Je suis sûr que l'hon.
membre n'a fait que des blessures très-
légères à l'hon. M. TILLEY
ainsi qu'à M.
LYNCH, et que les plus maltraités ont
été ses amis personnels. (Ecoutez ! et
rires !) J'aborde maintenant de plus
près la grande question, celle
de la
confédération du Canada avec les autres
colonies de l'Amérique Britannique du
Nord; c'est une question de laquelle
dépendent le bonheur et la prospérité de ce
pays pour le présent et dans un long
avenir. L'hon. membre pour la division
de Niagara a-t-il lu les débats qui ont
précédé l'établissement de la république
américaine après la déclaration d'indépendance? Je veux surtout parler des débats
dans les conseils de la Virginie qui jouait
alors vis-à-vis des autres
colonies un rôle
analogue à celui du Canada vis-à-vis des
provinces maritimes. S'il a lu les discours des
MADISON, MARSHALL, RANDOLPH,
HENRY,
LEE et autres, il
n'y a certes pas trouvé un
seul passage où soient exprimés des sentiments analogues à ceux dont il
nous faisait
part hier. Ces grands patriotes se réunirent
évidemment avec un sens profond de l'importance de leur œuvre, et au lieu d'apporter
dans le débat ces petites animosités de clocher
qui ne peuvent qu'entraver et
détruire l'harmonie, ils agirent en hommes sérieux (ils
ont mérité par là le titre de grands hommes)
et se mirent à l'œuvre avec la ferme intention de mener leur entreprise à bonne fin.
La confédération qu'ils établirent en 1781
73
ne fonctionna point d'une manière satisfaisante. Ils restèrent pauvres sans nom à
l'étranger et sans prospérité intérieure,
aussi,
en 1789, ils adoptèrent la constitution
qui
a duré jusqu'à la malheureuse guerre dont
nous sommes témoins aujourd'hui, et qui
régit encore les Etats du Nord. En parlant
de la constitution élaborée par les délégués,
l'hon. membre pour la division de Niagara a
dit que c'était un non-sens ; qu'elle n'était
ni législative ni fédérative, mais une sorte
de projet amphibie entre les deux, une
élucubration sans précédent dans l'histoire;
c'est du moins ainsi que j'ai compris le sens
de ses paroles. Or voici ce qui arrive: malgré
le suprême et savant arrêt de
l'hon. membre,
l'œuvre des délégués a reçu
l'approbation des
hommes d'état et des publicistes les plus
éminents d'Angleterre; c'est pour nous une
consolation. Si les délégués réunis à Québec
et qui ont élaboré ce projet
étaient incompétents, d'autres auraient-ils fait mieux ? car,
en définitive, malgré les observations de
l'hon. membre, il me semble que les témoinages désintéressés que je viens de mentionner,
venant surtout des régions que j'ai
indiquées, auront un certain poids en Canada.
(Ecoutez !) Mais si l'hon. membre veut
absolument que ce soit une constitution
amphibie que ne nous a-t-il suggéré quelque
chose de mieux? Son patriotisme ne lui
faisait-il pas un devoir de faire part à
son
pays de ses hautes lumières? Inutile de
citer les anciennes républiques. Elles ont cessé
d'exister: c'est une preuve que leurs constitutions n'étaient pas adaptées à
leurs besoins.
L'hon. membre aurait pu citer la Suisse, la
Hollande ou la constitution des Etats-Unis en
1781 et 1789, la chambre aurait pu les comparer avec celle qu'on nous propose et arriver
peut-être à cette conclusion que la nôtre est
celle qui assure le plus de liberté à
nos concitoyens et la plus grande stabilité politique
au pays. Quant à la Suisse notre génération
a vu y éclater une guerre civile et cette
république s'est vue à deux doigts de sa
ruine. L'histoire est la pour nous dire
comment a disparu la république
des Pays-
Bas. Pendant la guerre avec PHILIPPE
II,
les provinces qui composaient la république
n'avaient point cette centralisation de pouvoir qui assure la stabilité d'un gouvernement,
surtout lorsque le pays est attaqué du
dehors. Deux des provinces, Gueldeland et
Over-Yssel, se basant sur leurs droits d'état,
refusèrent de se mêler en aucune façon à la
lutte. Des cinq autres, la Hollande fut
toujours obligée fournir le plus
fort contingent; c'est ainsi que cette république
devint une monarchie. Les mêmes
vices
existaient dans la constitution américaine.
de 1781 ; à peine était-elle
adoptée qu'elle
fut reconnue inefficace par l'absence totale
d'unité d'action entre les treize états
; c'est
alors que le général WASHINGTON
demanda
et obtint le pouvoir dictatorial pour continuer la lutte avec l'Angleterre. Les difficultés
entre le Nord et le Sud sont nées de la
question des " droits d'état," et si dans
la constitution américaine il s'était trouvé
certaines clauses introduites dans la nôtre,
les Etats-Unis ne seraient probablement pas
en guerre et l'union aurait été maintenue.
(Ecoutez !) Mais l'hon. membre a ajouté
que ce projet a surpris tout-à-coup
le
pays. Sur quoi, je le demande,
est fondée
une pareille assertion ? Cette chambre
sait bien que feu le juge en chef SEWELL,
honoré de l'amitié du duc de KENT,
père
de Sa Majesté la reine, adressait, dès
1814, une lettre au noble duc lui
recommandant l'union. Ce fait est consigné dans
le rapport de lord DURHAM.
Dix ou douze
ans plus tôt, l'hon. M. UNIACKE, de la
Nouvelle-Ecosse, avait fait cette
recommandation de temps à autre jusqu'à ce que
l'importance et l'opportunité de ce projet
fussent ouvertement recommandées par les
hommes publics les plus éminents de toutes
les colonies. De ce nombre, je mentionnerai
l'archidiacre STRACHAN, aujourd'hui le vénérable et très -révérend évêque de Toronto,
dont
les opinions éclairées sur les grandes questions publiques ont toujours commandé le
plus
haut respect. Dans une lettre adressée à
CHARLES BULWER, l'habile secrétaire de
lord DURHAM, en 1838, il s'exprimait ainsi:
" Il me reste à ajouter
que je ferai tout en mon
pouvoir pour favoriser les heureux résultats de
l'administration de Lord DURHAM ; et si M. PITT
regarde comme une des gloires de
sa vie la
constitution qu'il a donnée aux Canadas, quelle
gloire n'est pas réservée aux hommes d'état qui
doteront d'une constitution libre toutes les colonies de l'Amérique Britannique du
Nord, pour en
faire un seul territoire, un seul royaume et une
seule nation sous la protection du gouvernement
anglais, assurant: ainsi non
seulement leur propérité mais les mettant à l'abri
de tout danger
d'invasion !"
Cette union est formellement recommandée
dans le rapport de Lord DURHAM,
si souvent
cité; l'hon. membre l'a cité lui-même hier.
Or, voici ce que le noble lord écrivait à
ce
sujet:
" Quelle liaison inséparable
d'intérêts je trouvai
dans les provinces de V. M. dans l'Amérique
du
74
Nord, jusqu'à quel point se ressemblent
les maux
que j'y constatai et qui demandent les mêmes
remèdes,—tel est le grave sujet que j'aurai à discuter pleinement avant de terminer
ce rapport."
Et plus loin :-
" A mon arrivée au Canada, je
songeai immédiatement à une union fédérale, et c'est en vue
de
ce projet que je discutai une mesure générale
pour le gouvernement des
colonies, avec les députations des provinces maritimes, les hommes les
plus marquants et certains corps
publics des deux
Canadas."
" Mais je fus encore plus
convaincu des grands
avantages d'un gouvernement uni
lorsque je vis
les hommes les plus distingués des diverses colonies appuyer un projet qui allait
donner à
leurs
patries une existence nationale."
Lord DURHAM,
après s'être prononcé dans
son rapport en faveur d'une union législative,
et faisant allusion à l'influence des Etats-
Unis qui nous entoure de tous côtés, ajoute :
" Si nous voulons arrêter le développement de
cette influence, le seul moyen est de donner aux
colons de l'Amérique du Nord une nationalité
en faisant, des petites sociétés sans importance
actuelle, un peuple ayant en vue son développement national et fier d'un pays qu'il
ne voudra
jamais voir absorber par un puissant voisin.
" Une union défensive contre les
ennemies du
dehors est le lien qui unit tous les grands
empires
du monde; or, s'il est un cas
dans lequel une semblable union est nécessaire, c'est celui de toutes
les colonies."
Tout citoyen des provinces de l'Amérique
Britannique du Nord devrait lire la partie
de ce remarquable rapport qui a trait à leur
union. Les arguments en faveur de cette
union y sont irrécusables. [Econtez!écoutez !]
Je dirai franchement, comme plusieurs autres
membres l'ont déclaré avant moi, que si une
union législative eût été possible je l'aurais
préférée, mais le Bas-Canada n'y
aurait
jamais consenti.
L'Hon. M. ROSS.—Mon hon. ami le premier ministre nous
déclare que les provinces maritimes n'auraient pas accepté non
plus l'union législative. Il doit être certain du fait, car il a
présidé aux délibérations de la conférence. C'est à une date récente, à
l'époque des dificultés toujours croissantes entre le Haut et le
Bas-Canada et si bien décrites par l'hon. premier ministre dans son
discours,—que l'hon. M. GALT proposa un plan de fédération pour résoudre ces
difficultés, et fit à ce sujet en parlement un discours
si remarquable. Plus tard, en 1858,
l'hon. ministre accepta un portefeuille à la condition expresse qu'on
s'occuperait de cette question. Il est bien connu qu'il insista
tellement sur ce point qu'à la fin de la session de 1858 le
gouverneur-général, Sir E. HEAD, y fit allusion et qu'il fut décidé
qu'on s'adresserait au gouvernement impérial pour obtenir l'autorisation de
négocier avec les provinces maritimes. Peu après trois membres du
gouvernement, les hons. MM. CARTIER, GALT et moi-même, partîmes pour
l'Angleterre, et le 25 octobre 1858 nous mettions notre requête devant le
secrétaire d'état pour les colonies, Sir E. B. LYTTON ; mais des
difficultés inattendues et à nous étrangères intervinrent et causèrent du
délai. Le ministère de lord DERBY fut battu et la question demeura en
suspens. Mais il est inexact de dire que le projet était inconnu et a
surpris tout-à-coup le pays. A la fin de la dernière session, il était
expressément mentionné dans le discours du trône, et les hons. MM. BROWN,
McDOUGALL et MOWAT acceptèrent des portefeuilles à la condition
expresse qu'on entrerait en négociations au sujet de la fédération.
Les hons. MM. BROWN et MOWAT furent réélus par acclamation, avec le
nouveau programme; l'hon. M. McDOUGALL perdit son élection, mais
il a été élu depuis par acclamation dans un autre collége. Au lieu
d'être décriés et assaillis pour le rôle qu'ils ont joué, ces messieurs
doivent être honorés pour leur patriotisme. Il n'y a pas eu de
surprise, car les résolutions furent adressées à tous les membres
de la législature quelque temps après leur rédaction définitive, avant
que les journaux en eussent communication, et je suis encore à me
demander comment on aurait pu les rendre plus notoires. L'opposition, il est
vrai, n'a pas tenu d'assemblées publiques pour considérer le projet,
mais qui ne sait qu'elle en agi ainsi que parce que la majorité
s'était déclarée trop fortement en faveur de la confédération. ( Ecoutez!)
L'erreur ou le manque de bonne foi de l'honorable préopinant se
découvre ensuite en portant la puissance militaire des provinces d'en-bas à 65,000
hommes, c'est-à- dire qu'il limite à
ce chiffre le nombre d'hommes qu'elles peuvent fournir en état de
porter les armes.
L'Hon M. CURRIE.—Non! j'ai dit 128,000, dont 65,000
seulement peuvent servir, le reste étant engagé dans des occupations maritimes.
L'Hon. M . ROSS.—Pourquoi alors l'hon.
75 préopinant n'a-t-il pas franchement donné le chiffre
de ces populations d'après le recensement et lequel ne doit pas
être loin à l'heure qu'il est d'un million d'âmes ?
L'Hon. Sir E. P. TACHÉ .—Avec la permission de mon hon.
ami, M. ROSS, je ferai connaître ce que m'a appris mon expérience de la question.
Ayant pendant quelque temps été attaché au bureau
de l'adjudant général, j'ai pu examiner les rapports si corrects de la
milice du Bas- Canada, et j'ai toujours trouvé que sur un
chiffre total d'une population donnée le cinquième de ce chiffre représente
le nombre exact des hommes de 18 à 60 ans en état de porter les armes.
C'est aussi le cas pour tous les pays du monde, car cette loi est
aussi uniforme et constante que celle qui détermine la proportion des deux
sexes, laquelle dans les pays chrétiens est de 21 hommes et une
fraction contre 21 femmes, et donne le contraire pour les pays livrés à la
polygamie, c'est-à-dire 21 femmes et une fraction contre 20 hommes.
Ayant pris d'ailleurs la peine de vérifier le fait pour le Canada,
j'ai trouvé que le cinquième de notre population représentait le chiffre
exact de nos milices, et l'hon. conseiller (M. CURRIE pourra s'en
convaincre lui- même en s'adressant à l'adjudant général
L'Hon. M. CURRIE.—Je n'ai fait en tout ceci que me
servir des chiffres qui m'ont été fournis par un collègue de l'hon.
premier.
L'Hon. Sir. E. P. TACHÉ.—Eh bien! mon collégue est en
contradiction avec moi sur ce sujet. Le chiffre de la milice du
Haut-Canada, d'après le dernier recensement, est de 280,000, qui multiplié
par 5 donne celui de la population, à une petite différence près.
L'Hon. M. ROSS.—Je crois tout à fait inutile de rien
ajouter à la réponse que vient de faire à l'honorable préopinant l'honorable premier,
sinon que d'après cette règle de proportion
le million de population des provinces d'en-bas devrait donner 200,000
hommes en état de porter les armes au lieu de 65,000, les pêcheurs ou les
marins étant sujets au même service que le reste de la
population. J'espère que jamais nous n'aurons besoin d'appeler sous les
drapeaux toute |a milice de la confédération, mais qui ne sait que le
moyen d'éviter le danger est de s'y préparer. (Ecoutez! écoutez!) L'honorable préopinant
est ensuite entré dans la discussion du
projet du chemin de fer intercolonial, lequel semble particu
lièrement lui inspirer une horreur profonde. Je lui répondrai en
extrayant du rapport de lord DURHAM le passage suivant sur le même
sujet:
" La construction d'une bonne route entre
Québec et Halifax établirait des relations entre
ces provinces et rendrait l'union absolument
nécessaire entr'elles. Diverses
explorations ont
démontré qu'il serait facile de
lier ces deux points
par un chemin de fer ......... La construction d'un
chemin de fer entre Québec et Halifax
ne pourrait
manquer de modifier la condition particulière
des
Canadas. C'est ainsi qu'au lieu d'être privés
pendant six mois de communications directes
avec l'Angleterre ils auraient en hiver une ligne
de communication bien supérieure à
celle de l'été."
Ces paroles frappèrent plus tard l'esprit
des membres du ministère LAFONTAINE
-
BALDWIN, dont M. HINCKS
et l'hon. premier actuel formaient partie, et ce fut
de leur
temps que la législation des chemins de fer
fit son premier début en Canada et, à la
dernière session, j'ai eu occasion de citer le
préambule de l'acte de 1851, qui suit:-
"Attendu qu'il
est de la plus haute importance
pour le progrès et le prospérité de cette
province
qu'un grand
tronc de chemin de fer soit construit
dans toute sa longueur, et depuis la frontière Est
d'icelle, à travers les provinces
du Nouveau-
Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse, jusqu'à la
cité et au port d'Halifax, et
qu'il est expédient
que tous les efforts possibles soient faits pour
assurer la construction du dit chemin de fer,
etc."
La dernière clause de l'acte :-
" Autorise le gouvernement d'alors à négocier
avec le parlement impérial, le
Nouveau-Brunswick
et la Nouvelle-Ecosse, la construction de la ligne
et à faire des démarches pour obtenir la garantie
impériale."
Cette loi, hons. messieurs, est encore en
force, et ça toujours été le
plus vif désir de
tous les hommes publics canadiens depuis
sa passation de faire construire le chemin
de fer d'Halifax. Tous les gouvernements
n'ont en à ce sujet qu'une seule
voix, et l'administration MACDONALD-SICOTTE
a même
pris des mesures à cette fin, que des
circonstances subséquentes
vinrent suspendre en même temps que toute législation.
L'hon. M. Brown lui-même a
inscrit cette
question dans la constitution, et n'a pas
hésité à dire dans une grande assemblée à
Toronto que lors même que le projet de confédération contiendrait une demi-douzaine
de chemins de fer intercoloniaux il n'en serait
pas moins l'un des partisans les plus dévoués.
(Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, j'ai la
certitude morale
que si la question était dis
76cutée comme elle doit l'être en
Haut-Canada
les neuf-dixièmes de la population lui seraient
favorables. C'est qu'en effet, ce chemin de
fer nous est indispensable et que nous
ne saurions nous en passer. Le Haut-
Canada seul, sans parler du
Bas-Canada,
en a un besoin absolu, et ceci
est si
bien compris dans les provinces maritimes que l'on voyait dernièrement l'un
des adversaires politiques de l'hon. M.
TILLEY, (l'hon. M.
SMITH,) dire qu'il était
tout à fait oiseux pour le
Nouveau-Brunswick
de s'occuper de ce chemin parce que le Haut-
Canada sera obligé de le construire pour lui-
même. On sait que l'on en a de beaucoup
exagéré le prix ; eh bien ! M. BRYDGES, à
qui l'on doit reconnaître une certaine dose
d'expérience en pareille matière, a offert d'en
entreprendre la construction au
nom d'une
compagnie anglaise pour £3,500,000 sterling.
Voilà des chiffres que tout le
monde peut saisir, et, une fois la réciprocité avec les Etats-
Unis disparue, le Haut-Canada fera bien d'encourir seul les frais de ce chemin, même
dans
le cas où les autres provinces refuseraient
d'y contribuer. Un tel refus
d'ailleurs n'est
pas à craindre, attendu que ce chemin de fer
est tout aussi nécessaire aux autres provinces
et qu'il est de l'avantage mutuel de toutes
qu'il se fasse. Le Nouveau-Brunswick, pour
ouvrir l'intérieur de son territoire qui, au
rapport de quelques ingénieurs, est un des
plus beaux du monde, n'en a pas moins besoin
qu'Halifax pour alimenter son port de fret
lorsque ceux de Québec et de Montréal se
trouvent fermés. Il y a trois ans que
la construction en aurait dû être commencée, car aujourd'hui il serait
terminé et nous n'aurions pas entendu parler de l'abrogation du traité de réciprocité
(Ecoutez! écoutez !) L'honorable préopinant a demandé, dans le cours de ses remarques,
pourquoi l'appel au peuple, qui se
fait dans le Nouveau-Brunswick, n'avait-il
pas également lieu en Canada? On a déjà
répondu à cette objection, en disant que
comme le terme du parlement dans cette colonie expirait le ler juin et que les députés
seraient alors obligés de retourner devant le
peuple pour lui rendre compte de leur conduite pendant les quatre années précédentes,
on avait cru, vu les circonstances, préférable
d'anticiper cette date de trois ou quatre
mois. Dans la Nouvelle-Ecosse et Terre-
neuve, où les élections sont de date assez
fraîche, il ne doit pas y avoir
de dissolution.
Ce mode d'en appeler au peuple me paraît
d'ailleurs bien plus américain qu'anglais, car
la constitution anglaise établit
parfaitement
la compétence des députés du peuple en
parlement à décider toutes les questions
d'intérêt public qui leur sont soumises.
C'est ainsi que lors de l'union de l'Angleterre
et de l'Ecosse, de même que lors de celle
de l'Angleterre avec l'Irlande, on n'en
appela pas au peuple, parce qu'il fut compris que les députés choisis par le peuple
pour le représenter avaient le
droit incontestable de juger de ces mesures. (Ecoutez!
écoutez !) Quoiqu'il en soit, les membres de
cette chambre qui viennent d'être élus ont
trouvé partout l'opinion publique en faveur
du projet, et l'hon. M. McPHERSON, qui
représente 180,000 âmes, a dit à cette
chambre qu'après avoir tenu des assemblées
dans toute sa division, il n'a pas trouvé une
seule personne qui s'y soit montrée hostile
une fois ses explications entendues. [Ecoutez ! écoutez !] Une autre prétention de
l'hon. député de Niagara est que le
projet n'avait pas été soumis à la chambre
d'une manière franche et ouverte
; je me
permets de différer d'opinion et je soutiens
que le moyen dont on s'est servi était le seul
convenable de nous le soumettre ainsi qu'au
peuple. En vérité, je ne saurais m'expliquer ce reproche, d'autant plus qu'on ne m'a
certainement pas prouvé le manque de gaucherie dont on se plaint [Ecoutez! ] L'honorable
préopinant s'est attaqué en outre aux
dispositions financières du plan de confédération et s'est appuyé d'une masse de statistiques
que je le soupçonne de ne
pas comprendre du tout. [ Ecoutez ! et rires.] La
question ayant été supérieurement traitée
hier soir par le ministre des finances, j'extrairai de son discours le passage suivant
dans lequel il explique les arrangements aux- quels on en est venu:
" Pour ce qui est du commerce de
ce pays, j'ai
pris les rapports de 1863. Les rapports du commerce du Canada, pour cette année, en
y prenant
les exportations et les importations conjointement,
démontrent un total de $87,795,000.
D'après le
recensement de 1861, ce commerce représente
$35 par individu. La valeur des importations et
des exportations du Nouveau-Brunswick, pour la
même année, a atteint $16,729,680, formant $66
par individu de sa population. Le commerce
total de la Nouvelle-Ecosse,
pour la même période,
se monte à $18,622 359, ou $56 par individu.
Dans l'Ile du Prince-Edouard, le
commerce d'importation et d'exportation s'est élevé $
3,055,568,
représentant $37 par individu de la population
de cette île. La valeur du commerce total de
Terreneuve est de $11,245,032 ou
$86 par individu. Tous ces chiffres réunis donnent pour le
commerce de toutes les provinces, un total de
$137,447,567. (Ecoutez! écoutes!)
77
Je trouve dans un autre discours du même
ministre, prononcé à Sherbrooke,
les chiffres
suivants sur le revenu et les dépenses de
toutes les provinces :-
|
Revenu. |
Dépenses. |
Nouvelle-Écosse...... |
$ l, l85,629 |
$ l,072,274 |
Nouveau-Brunswick ... |
899,991 |
884,613 |
Terreneuve (l862) . . . . |
480,000 |
479,420 |
Ile du Prince-Edouard. |
197,384 |
171,718 |
Canada ....... . . . . ..... |
9,760,316 |
10,742,867 |
Total, 1863 ..... . . . . . |
12,523,320 |
13,350,832 |
Total, 1864 ...... . . .. |
$14,223,320 |
$ 13,350,832 |
Surplus évalué, 1864 |
. . . . . . . . . . |
$872,488 |
Parmi les observations
remarquables que fit
l'honorable M. GALT
à la même assemblée
sur la dette des colonies, je trouve le tableau
suivant :-
DETTES DES COLONIES.
Dette de la Nouvelle-Ecosse (1868)… |
$4,858,547 |
" du Nouveau-Brunswick . . . .. .. |
5,702,991 |
" de Terreneuve(1862)……. |
946,000 |
" de l'Ile du Prince-Edouard . . . . |
240,673 |
Dette totale des provinces maritimes. |
$11,748,211 |
Dette du Canada. (1863) ............ ..... |
67,263,994 |
Grand total ..................... ..... |
$79,012,205 |
Puis, basant son raisonnement sur ces
données, M. GALT ajouta que la dette du Canada,
s'élevant à environ $27 par tête, il avait eu,
afin de transporter les dettes de
toutes les
colonies au compte de la confédération et
s'entendre à ce sujet avec les
autres colonies,
dont les dettes se montaient à
près de $25
par tête, à diminuer ou à
augmenter la proportion dans l'un ou l'autre cas. Comme le
premier de ces modes parut le meilleur, le
surplus ou l'excédent de notre proportion sur
$25 devra être porté au compte particulier
du Canada. Il expliqua ensuite que les
dettes de l'Ile du Prince-Edouard et de
Terreneuve donnant une proportion par tête
de moins de $25, il devra leur être fait une
remise nécessaire et suffisante pour rétablir
l'égalité entre elles et les autres colonies.
Pour l'information de l'hon. représentant de
Niagara, j'ajouterai les chiffres
officiels suivants, d'après lesquels on peut
voir que le
peuple des provinces matitimes contribue
largement au revenu.
IMPÔT PAR TÊTE (1863.)
Terreneuve ...... ….... .......... |
$3 53 |
Nouvelle-Ecosse...…...............…. |
2 46 |
Nouveau-Brunswick..................... |
2 81 |
Ile du Prince-Edouard . .............. . |
1 69 |
Canada................................... |
1 85 |
Et tout bien considéré, je pense que
l'arrangement proposé est équitable sous tout
rapport, et qu'il a été arrété avec la conviction que chaque province y trouverait
cette
équité et cette justice qu'elle
est en droit
d'attendre. Nul hon. membre ne doit
désirer pour le Canada de plus grands
avantages que pour les autres provinces.
C'est l'esprit de justice qui a toujours présidé aux délibérations de la conférence,
et
s'il en eut été autrement, si ses membres
n'eussent été sous l'impression qu'ils devaient
se faire, pour le bien commun,
de mutuelles
concessions, il eut été impossible qu'ils arrivassent à un résultat. (Ecoutez! écoutez
!)
Le sujet abordé ensuite par
l'hon. membre
a été l'avoir des provinces inférieures, et il
a demandé avec emphase ce qu'elles avaient
à apporter dans la
confédération. Nous
avons, a-t-il dit, nos immenses canaux, mais
ces provinces, qu'ont-elles? Elles ont des
chemins de fer construits à
leurs frais. Le
Nouveau-Brunswick en a 200 milles, dont la
valeur égale huit millions de piastres, et la
Nouvelle-Ecosse 150 milles ou environ,
valant six millions de piastres,—cependant,
je ne suis pas sûr de
l'exactitude de ces
derniers chiffres.
L'HON. M. ROSS—Combien rapportent nos canaux ? ils
forment pourtant un avoir considérable ; mais il ne s'agit pas de cela ;
bien qu'ils donnent peu de revenu, ils diminuent
considérablement le prix de transport. Je me souviens du temps où le fret
d'un baril de farine de Toronto à Montréal était d'une piastre, tandis
qu'aujourd'hui il n'est que de dix deniers ;—un quintal de marchandises coûtait
aussi une piastre de transport, et ne coûte maintenant
qu'un chelin. C'est de cette manière que les grands travaux publics
sont profitables à un pays. Quant au revenu des voies ferrées des provinces maritimes,
les profits nets—non les recettes
brutes—sont portés, je crois, à $140,000 ; $70,000 au Nouveau-Brunswick,
et $70,000 à la Nouvelle-Ecosse,—ce qui peut compter pour quelque
chose. Le canal Welland, dont parle tant l'hon. monsieur, ne
rapporte pas même assez pour payer l'intérêt de son prix de revient, et si,
comme nous l'apprend la presse américaine, le canal sur le côté
américain du Niagara se construit, la principale source de son
revenu lui sera enlevée, et loin d'être ensuite le plus productif des
canaux, il sera celui qui rapportera le moins de tous ceux qui se
relient
78 à la navigation du St. Laurent. N'allez pas croire,
cependant, que je veuille déprécier la valeur du canal Welland; je
suis le premier à reconnaître son utilité, tout en espérant qu'elle ne
fera qu'augmenter. (Ecoutez! écoutez !) L'hon. membre, qui habite sur
les bords du canal Welland, a tout naturellement demandé comment allaient être élargis
les canaux, eh! bien, comme ils doivent
être la propriété du gouvernement général, c'est à ce dernier
qu'il incombera d'affecter un crédit à ces travaux lorsque le commerce
l'exigera. (Ecoutez !) Quant à l'impôt local, toutes les provinces
seront sur un pied d'égalité, et partant, rien de plus juste. Si le
Haut-Canada est beaucou plus riche que les autres parties de
confédération et qu'il lui faille plus que les 80 centins par tête
alloués à toutes les provinces, ce sera d'autant mieux et une preuve qu'il
se ressent d'autant moins de l'impôt. (Ecoutez!) L'hon. membre a
attaqué la constitution projetée du conseil législatif et insisté non
seulement à ce qu'il reste électif, mais encore à ce que le principe de la
représentation d'après le nombre prévalut. Mais qui a jamais entendu
parler que sous une constitution fédérale la chambre haute put
être formée sur ce principe? Si cela pouvait logiquement s
faire, le meilleur moyen serait de n'avoir qu'une chambre, car deux
chambres élues sur le principe de la représentation d'après le
nombre ne feraient que se combattre l'une l'autre, et ainsi placé
entre elles deux, le gouvernement serait dans l'impossibilité de ne rien
faire. En pareil cas, les plus forts feraient la loi aux plus faibles!
Ce principe a été complétement étudié avant l'adoption d'une constitution
pour les Etats-Unis, d'après laquelle il est bien connu que les plus
petits Etats sont représentés au sénat par le même nombre de sénateurs
que les plus grands, c'est-à-dire par deux sénateurs. Le même principe a
été suivi pour ce projet et pour la raison: protéger les plus faibles
contre les plus forts. [Ecoutez !] Le sujet discuté ensuite par l'hon.
membre a trait aux écoles communes et au fonds que devait créer l'acte
de 1849, mais, comme il en a été informé, une des dispositions de
cette loi—celle concernant ce fonds,—n'a jamais été mise à effet. Quant aux
autres, mon hon. ami le commissaire des terres de la couronne, a déjà
dit que le million d'acres de terre avait été réservé, qu'un fonds se
créait d'année en année, et que le
parlement vote chaque année un crédit d'environ $100, 000
pour le soutien des écoles. Le Haut-Canada n'a donc souffert aucune
injustice sous ce rapport. (Ecoutez !) L'hon. membre a terminé ses
observations par une sombre peinture de la condition du Canada. A
l'entendre, notre pays serait à la veille de la
banqueroute, et un nombre de délégués
(sous
leur propre autorité) se sont
réunis pour
élaborer ce projet qui devra encore ajouter
à ses embarras. Cette dernière
assertion
surtout est bien loin de la vérité, car nous
savons tous que le gouvernement a été
expressément formé pour qu'il étudiât
et
préparat ce projet qui doit mettre fin
à toutes
ces crises politiques qui ont tant nui à la
législation du pays. Pour parler
ainsi, il
faut, je le crois, que l'hon. membre se
soit trouvé excité au point de ne plus
savoir ce qu'il disait. (Ecoutez ! écoutez !)
Je vais terminer en citant un extrait du
discours remarquable prononcé par M.
l'0RATEUR, (l'hon. U. J. TESSIER),
à une
assemblée publique tenue à Québec
en 1858,
alors que les trois délégués
étaient en Angleterre au sujet de la confédération :
" En 1849
et 1852, notre parlement a passé des
lois ayant pour but de donner une certaine garantie à la construction de cette
voie (le chemin de
fer intercolonial). Comme membre de la législature canadienne, j'ai promis mon appui
le plus
cordial à cette entreprise, et
quant à une nationalité canadienne, distincte de la nationalité anglaise
ou française, et formée, comme
on l'a dit, des
meilleurs éléments, cela entre tout à fait dans
mes vues. Je désire ardemment qu'un empire
canadien se forme dans
l'Amérique du Nord par
une union fédérale de toutes les
colonies reliées
ensemble par le chemin de fer intercolonial, sous
lequel nous pourrions contrebalancer,
sur ce continent, la force envahissante des Etats-Unis."
J'ai cité cet habile discours à l'effet de faire
connaître les vues éclairées de cet hon.
monsieur sur ce sujet, vues que partageaient
beaucoup d'autres hommes publics distingués. J'en ai fini avec le discours de
l'hon. membre de Niagara, et je n'ai plus
qu'à exprimer l'espoir que l'important sujet
devant la chambre sera complétemcnt discuté jusqu'à ce que les
véritables mérites du
projet soient parfaitement connus. Je suis
convaincu qu'il sera discuté avec calme et
dignité, et avec les excellentes dispositions
que les hons. membres apportent d'ordinaire
à l'examen des matières soumises à leur
décision. (Ecoutez ! écoutez ! et applaudissements). Tout me porte à croire que cette
chambre couronnera cette oeuvre si noble en
adoptant ces résolutions. (Ecoutez ! écoutez!)
79
L'HON. M. ALEXANDER. —Je suis sûr que les membres du
gouvernement désirent que cette grande question soit discutée aussi
librement et complétement que possible; je suis sûr qu'ils verront avec
plaisir aucun membre de cette chambre signaler franchement
les détails qui lui semblent défectueux; je suis sûr enfin que les
recommandations faites par les hons. MM. qui représentent les
divisions de Victoria et Wellington seront dûment pesées par
l'administration actuelle ainsi que toute recommandation faite à bonne
intention. Quelques membres des deux branches de la législature semblent
totalement opposés au projet de confédération. Ils
prétendent les changements constitutionnels proposés sont imprudents
et remplis des plus grands dangers. L'hon. membre pour la division de
Niagara (l'hon. M. CURRIE) me semble être de ce nombre, si j'en juge
par l'appel énergique qu'il a fait à cette chambre contre le
projet entier, et je vais essayer de répondre à quelques uns des arguments
par lui présentés avec autant d'habileté que de force. Il
récuse dés l'abord la manière dont la convention a été formée; il
n'ajoute aucune foi à ses délibérations. Il soutient audacieusement que l'union
sera désavantageuse et préjudiciable aux
provinces-unies. Il s'appuie sur des calculs préparés à l'avance
pour montrer que nos charges se trouveront augmentées de
$3,000,000 par année—augmentation qui accablera l'industrie de la
province du Canada. Je ne puis m'expliquer où il a trouvé des chiffres
pour arriver à une telle conclusion. Il est facile de nous faire une
juste idée de ce que sera la position financière des gouvernements
fédéral et locaux projetés. En évaluant le revenu total de ces
provinces d'après les rapports de 1863 nous trouvons que le gouvernement
général aura à sa disposition un revenu net, après avoir payé une
subvention de quatre- vingts centins aux gouvernements locaux,
de $9,648,108 ; de plus, les calculs les plus probables démontrent que
les dépenses du gouvernement général n'excéderont pas $9,
000,000. Il va sans dire que certains octrois d'argent ne sont pas compris
dans les dépenses ordinaires. Nous devrons, par exemple, construire le
chemin de fer intercolonial et élargir et creuser les canaux du St.
Laurent. En accordant, pour ces deux items, le montant de $25,000,000,
personne ne prétendra que nous ne pouvons pas trouver cette somme
à 4 pour cent avec la garantie impériale. Le trésor
fédéral se trouvera ainsi grevé d'une somme annuelle de $1,000,000
qu'il pourra, comme je vais le prouver, payer de la manière suivante : il dépend
de nous de savoir si nous pourrons faire
face aux dépenses ordinaires et payer l'intérêt de la dette
fédérale avec le montant déjà cité de $9,643,108. Or, la plupart des
négociants avoueront qu'avec la faculté d'imposer un tarif et des
droits d'accise uniformes dans tout le territoire des
provinces-unies nous prélèverons une somme suffisante pour payer cet item
considérable. Mais, comme je l'ai dit dans une autre circonstance, à
l'aurore de notre nouvelle nationalité nous devons agir avec les plus
grandes précautions et la plus stricte prudence. Tout agiotage public,
toutes dépenses extravagantes doivent être soigneusement évités et, si nous
agissons ainsi, je puis garantir à mon hon. ami de Niagara que ses
prévisions ne seront jamais réalisées. Malgré ses sinistres prédictions au
sujet de l'augmentation de notre dette, nous nous trouverons bientôt
dans une position plus avantageuse. Dans son habile et énergique discours, il a
voulu tirer parti de tout et n'a pas même oublié de
condamner l'attitude de l'hon. secrétaire-provincial à la
fameuse assemblée de Harrington. Je suis un de ceux qui ont voté contre le
bill des écoles séparées de M SCOTT. D'accord avec les électeurs
sérieux de Harrington j'apprécie trop hautement notre admirable
système scolaire du Haut-Canada, qui nous permet de répandre dans toutes les
parties du pays les bienfaits de l'éducation. Mais ce n'est pas en
considération de ce point qu'on veut rejeter la confédération, bien
qu'un grand nombre de gens aient des idées fort arrêtées à cet égard. Mon
hon. ami a insisté sur le montant qui devra être affecté à la milice.
Il sembe croire qu'une influence magique peut nous donner des
soldats en un jour; pour réaliser une faible économie il n'hésiterait
pas, il laisserait, sans hésiter, notre riche territoire et les foyers de
ses habitants à la merci d'un aggresseur impitoyable, et ne
calcule pas que le Canada aurait par le fait de l'invasion à payer sa
part d'une dette de trois mille milions de piastres, en outre de sa dette
actuelle. Le Haut-Canada a foi dans l'avenir d'un pays jeune comme le
notre. (Applaudissements). On n'y oublie pas qu'après plusieurs années
de déficit dans notre revenu et malgré d'assez mauvaises récoltes, nous
pouvons constater en ce moment une augmentation notable de notre
revenu. En consolidant de vastes
80 intérêts dont dépend notre avenir, nous prendrons un rang plus élevé parmi les nations,
notre population augmentera en
même temps que notre commerce et nos revenus, et si les grandes
améliorations que nous devons faire accroissent momentanément notre dette,
notre nouvelle prospérité nous fera trouver le fardeau bien léger. Une
foule de circonstances se réunissent pour nous faire voir
favorablement ce grand projet—fruit de la longue expérience et des
méditations profondes des hommes politiques les plus marquants de ces provinces. (Applaudissements.)
Nous
pouvons sans crainte l'accepter et le mettre à l'essai, comme le
meilleur moyen de parer aux difficultés qui ont entravé notre
législation. Il est vrai que, jusqu'à ce jour, nous avons été opposés à la
construction du chemin de fer intercolonial, parce que nous avions des
doutes sérieux sur la valeur commerciale de cette entreprise et sur
ses chances de prospérité. Mais tout le monde reconnaître que l'attitude
hostile prise par la république voisine, en ce qui concerne les
relations commerciales des deux pays, oblige notre prudence à nous assurer,
pendant l'hiver, une grande voie de communication avec
l'océan—route commune au commerce du monde entier. (Ecoutez !) Il y a
plus, nous nous trouverions alors dans une position beaucoup plus forte pour
renouveler ou modifier sur des bases équitables le traité
de réciprocité. Cette grande entreprise publique forme partie
essentielle du projet et le gouvernement nous donne l'assurance qu'on approfondira
et élargira les canaux du St. Laurent, en même
temps qu'on construira le chemin de fer intercolonial. Il ne
peut que résulter du bien de l'union, si justice est rendue à toutes les
parties contractantes. Dans la question des finances, la
proposition d'assumer les dettes des différentes provinces sur une
certaine base et d'im poser un tarif uniforme, avec certaines
stipulations raisonnables, est peut-être le meilleur moyen de ne point léser
tant d'intérêts divers. Nos délégués ont demandé, et nous
demandons aujourd'hui que la subvention payable par le
gouvernement général à chacune des provinces soit de 80 centins par
tête, le montant total devant être déterminé par les chiffres d'un
recensement qui se renouvellera tous les dix ans; cette demande semble juste et
équitable. Mais ce n'est pas le moment de m'étendre
sur ce point ni d'insister sur les détails qui offusquent aujourd'hui
mes commettants, je me réserve de le faire lorsque nous discuterons les
résolutions
seriatim. En terminant, je
ferai observer que les hommes les plus éclairés ne voient que
faiblesse et incertitude dans notre position actuelle où tout est morcelé,
tandis que l'union projetée leur apparaît comme la source de notre
importance, de notre sécurité et de notre force dans l'avenir et un gage que
notre crédit s'augmentera et que la confiance en nos ressources
amènera vers nous une d'être fiers de notre développement prodigieux
pendant les vingt-cinq dernières années, et nous pouvons entrer avec
confiance dans l'union projetée qui augmentera notre territoire, notre population
et notre puissance. Nous débutons dans la carrière
avec un trafic qui excède $137,000,000, des ressources que nous avons
à développer,—ressources inépuisables,—et nul obstacle ne s'oppose à
notre avancement matériel. (Ecoutez ! ) Nous devons comprendre qu'un si
vaste champ ouvert à l'activité humaine donnera à nos populations des
aspirations plus élevées et leur fera chérir ce que certaines personnes
peuvent encore appeler un rêve. L'empire Russe étend sa puissance de
la mer Noire au pôle nord. L'Amérique Britannique du Nord peut viser à
la domination du nord de ce continent, et ce nouvel empire se distinguera
par la sagesse et la stabilité de ses institutions en
s'efforçant de rivaliser avec les grandes nations dont nous tirons notre
origine, dans la pratique des mâles vertus et la diffusion d'une
civilisation supérieure partout où ses enfants iront planter leur tente.
(Applaudissements.)
L'HON. M . VIDAL.—Je partage cordialement
l'opinion de l'hon. monsieur qui a parlé en faveur d'une union des
provinces, et je crois avec l'hon. premier ministre que cette union
sera à l'avantage de toutes les provinces qui en formeront partie.
L'hon. premier ministre a peut-être exagéré les choses en
disant que nous étions sur un plan incliné et que le rejet de la
confédération proposée nous conduirait aux Etats-Unis, mais les arguments qu'il
a fait valoir pour démontrer la nécessité de
quelque changement propre à nous mettre à l'abri des difficultés à venir
sont restés sans réponse et sont même, je crois, irrécusables. Mais ce
que je ne saurais approuver c'est la manière dont le projet a été
soumis au parlement, car, en définitive, on nous interdit de suggérer aucune
amélioration ou aucune modification aux détails. J
'admets avec tous les hons. membres que la question est de la plus haute
importance, que nous n'essayons pas seulement aujour
81d'hui de mettre fin aux animosités de parti, mais que
nous travaillons pour le bien-être et à la prospérité de nos descendants;
par suite, je ne saurais convenir avec l'hon. membre pour la division
de Brock (l'hon. M. BLAIR) que nous devons agir immédiatement et que tout délai
sera fatal. On a dit que le pays était
suffisamment préparé à ce changement ; telle n'est pas mon opinion. On
n'a point consulté les représentants du peuple sur les détails quand
le peuple même devrait pouvoir se prononcer. On présuppose que le plan
de confédération est parfait et on veut que la chambre l'adopte sans y
apporter aucune modification; on assure que les neufdixièmes
de la population sont en faveur du projet ; cela peut-être vrai pour
l'ensemble, mais bien des détails rencontreront de l'opposition. Il est regrettable
que les " résolutions" n'aient pas
été présentées de manière à permettre à la chambre d'exprimer ses vues
sur les détails inacceptables et de suggérer aux autorités impériales, qui
dresseront le projet de loi, les amendements qu'elle aurait jugés
désirables. L'hon. membre pour Wellington (l'hon. M. SANBORN) a fait
erreur en proposent son amendement;— à proprement parler, les résolutions ne
sont autre chose qu'une convention passée entre des parties étrangères
à la chambre, et dont on nous donne simplement avis ;par
suite, nous ne pouvons rien y changer, rien y modifier. Nous sommes dans
une fausse position; d'une part on nous invite à discuter librement
cette grande question, on demande notre avis et assistance, mais en
même temps on nous informe qu'aucun changement n'est possible, en
un mot on nous demande de voter les yeux fermés. Parmi les opinions
diverses au sujet du bien ou du mal que pourra produire la confédération, un fait
reste constant c'est que les dépenses
publiques seront de beaucoup augmentées. Sans trop spécifier, le
Canada, par exemple, devra maintenir deux législatures locales et
payer en outre sa part au budget du gouvememsnt fédéral; or, cette part ne
sera pas moindre que les dépenses actuelles. Quant au changement
proposé dans la formation du conseil législatif je pense avec
l'hon. membre pour division de Niagara (l'hon. M. CURRIE), que c'est
une mesure peu sage, car enfin de quel droit priver les électeurs de
leurs franchises sans même les consulter? Mes électeurs m'ont envoyé
ici pour légiférer en vertu de la constitution
actuelle, mais non pas pour changer cette constitution. L'expérience a
prouvé que le système électif était avantageux, pourquoi le changer,
pourquoi faire un pas en arrière?Le pays ne demande nullement
cela. On a beaucoup parlé du danger d'un conflit entre les deux
chambres électives: chose remarquable, avec le système actuel,
nous n'avons jamais eu cette difficulté, tandis qu'en Angleterre et en
Canada, avant l'introduction du système électif, la couronne a souvent
été appelée à régler des difficultés de ce genre en nommant des membres
additionnels. Or, quelle sera la position de la chambre sous la
nouvelle constitution? Ce sera le corps le moins responsable du monde; si un
conflit a lieu elle n'aura aucun moyen d'en sortir, car les chances de
décès, de résignation ou d'acceptation de charges ne seront
pas, bien qu'on en ait dit, suffisantes pour mettre le gouvernement à même
de surmonter ces embarras ; telle est, paraît-il, l'opinion du secrétaire des colonies
et, selon toutes
probabilités, il faudra laisser à la couronne la liberté absolue d'exercer
sa prérogative de nomination. Je n'entrerai pas dans de plus longs
détails puisque les " résolutions" doivent être discutées
seriatim—Je demanderai toutefois, en
terminant, à quoi va servir cette discussion puisqu'il s'agit seulement d'adopter
ou de rejeter, sans avoir le droit d'y faire
aucun changement, le projet qui nous est soumis.
L'Hon. Sir E. P. TACHÉ.—Je dois déclarer que le projet
doit être adopté ou rejeté dans son ensemble pour la raison qu'il est
le fruit des délibérations non seulement du gouvernement canadien, mais
aussi des autres provinces. Il ne suit pas de là que les députés qui
peuvent différer d'opinion sur certains détails, n'aient pas le droit de
faire inscrire leur dissentiment dans les journaux de cette chambre.
Si les amendements proposés sont emportés, la motion à l'effet de
proposer une adresse devra être retirée, mais, s'ils sont repoussés, alors
les députés qui les ont appuyés auront l'avantage de faire inscrire
leurs votes. Autrefois, avant qu'on eût adopté le système d'enregistrer les
voix pour et contre, il était d'usage pour les membres qui
s'opposaient à une mesure en particulier, d' entrer, conformément à la
pratique de la chambre des lords, un protêt sur les journaux, dans lequel
étaient assignées les raisons du dissentiment, et à l'heure qu'il est,
je ne sache pas qu'il existe de règle qui empêche d'avoir recours
82 à ce mode dans la présente occasion. Je terminerai en
disant que les honorables députés ont toute liberté de proposer des
amendements, et, par ce moyen, de faire connaître au pays les opinions
qu'ils entretiennent à ce sujet.
Cris de " ajournement !" " ajoumement !"
L'Hon. M. MOORE.—Comme l'on paraît se prononcer en
faveur d'un ajournement, je demanderai à la chambre de m'accorder
quelques minutes pour répondre à certaines observations faites par le député
(l'hon. M. VIDAL) qui vient de s'asseoir. Bien qu'en principe, je
partage l'opinion émise par l'hon. membre, il a, cependant, à mon
avis, tombé dans une erreur, c'est quand il a dit que la chambre n'avait pas
la faculté d'amender les résolutions, mais qu'elle devait les adopter
ou les rejeter dans leur ensemble. Il est vrai que le gouvernement
avait énoncé ce principe, mais je crois que la question peut-être modifiée comme
toute autre question soumise à la chambre. Mon hon.
ami a aussi dit que puisqu'il était impossible de modifier ou amender
le projet, c'était pure perte de temps que de le discuter. Je me permettrai
à cet égard de différer d'opinion avec l'hon. monsieur, et je
maintiens que non seulement il est utile, mais même qu'il est
essentiellement nécessaire que les détails d'une mesure aussi grave et
aussi importante pour le pays soient discutés à fond. Un examen calme et
approfondi du sujet est nécessaire, et j'ai l'espoir que
le gouvernement ne hâtera pas la passation de cette mesure de
manière à empêcher les représentants du peuple de se prononcer
franchement et sans entraves. Je crois aussi qu'il serait important que les
députés eussent le temps d'en conférer avec leurs mandataires. Je veux donc croire
que le gouvernement leur permettra
d'exprimer clairement leurs vues, quand mêmes elles auraient le
résultat de susciter des amendements au projet.
Les débats sont alors ajournés à demain.