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Conseil Législatif, 10 Février 1865, Provinces de L'Amerique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

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CONSEIL LÉGISLATIF.

VENDREDI, 10 février 1865.
L'HON. M. MACPHERSON continue son discours d'hier, comme suit :—Par les observations que je fis hier devant cette chambre, j'ai voulu, honorables messieurs, motiver mon vote contre l'amendement de mon honorable ami, le député de Wellington, et en faveur des résolutions de Sir E. P. TACHÉ. J'ai déclaré que je croyais le projet   de confédération bien vu par la grande majorité du peuple de ce pays, et surtout par le plus grand nombre de mes commettants. J'ai dit en outre que ces résolutions étaient devant le pays depuis longtemps, depuis plusieurs mois, et que comme il n'existait rien qui put nous faire appréhender qu'elles seraient désapprouvées, soit en tout soit en partie, nous avions de justes raisons de croire que le peuple y adhérait ; que la presse les 151 avait reproduites en entier ; que pas une seule pétition n'avait été présentée contre la mesure, et que par conséquent nous étions en droit de conclure que le peuple est en faveur de la confédération. J'ai aussi fait part à cette chambre que l'automne dernier je m'étais souvent occupé à faire connaître le projet aux habitants de ma populeuse division électorale, et que dans chaque occasion j'ai pu entendre qu'on l'approuvait. Durant cette campagne, un de mes adversaires suggéra ce que je pourrais appeler la plus petite confédération,—celle du Haut et du Bas-Canada,—mais sa proposition fut rejetée et le projet actuel approuvé. ( Ecoutez ! ) A l'égard du changement que la constitution de notre chambre devra subir, j'ai dit que je ne le considérais pas comme enlevant aux électeurs leurs franchises car, bien que le principe électif dût être remplacé par le droit de nomination par la couronne, les membres de ce conseil seraient nommés sur la recommandation des députés à l'autre chambre du parlement, en un mot, à peu près de la même manière que celle adoptée pour le sénat des Etats-Unis,—deux sénateurs étant élus par la législature de chaque Etat —sauf la réserve en faveur du principe monarchique qui veut que le conseil législatif soit nommé par la couronne sur l'avis du gouvernement du jour. Si je considérais cette mesure comme enlevant au peuple une de ses franchises, j'éprouverais plus d'hésitation à voter pour elle, obligé que je suis, comme représentant, de veiller à la conservation de ces franchises. Un honorable conseiller a dit que la substitution du principe électif à la nomination par la couronne avait été demandée par le peuple ; mais cette assertion n'est pas fondée sur les faits historiques ; elle n'est pas exacte quant au Haut-Canada, ni non plus, je pense, pour le Bas. Le Bas-Canada a voulu une fois que les membres du conseil législatif fussent électifs, mais les hommes publics qui opérèrent cette réforme n'y furent nullement contraints : en cela ils obéirent plutôt aux traditions du pays. Quant au Haut-Canada, je suis sûr que loin de désirer cette réforme, ses habitants s'y montrèrent indifférents sinon opposés. Le parti libéral et réformiste du Haut-Canada était contre. Il est bien avéré que feu l'hon. ROBERT BALDWIN, qui fut si longtemps le chef de ce parti, s'est toujours montré hostile à ce changement. Ce que l'on sait aussi très bien, c'est que l'hon. monsieur, qui a été depuis bien des années et qui est encore le chef de ce parti (l'hon. M. BROWN), et qui, à cette heure, occupe dans le gouvernement le portefeuille de président du conseil, s'y est opposé jusqu'au dernier moment partout où il exerçait une influence, soit dans la presse, soit en parlement. Moi-même je l'ai vu voter contre la troisième lecture du bill. Peut-on, devant ces faits, affirmer encore que ces changements étaient désirés par le peuple ? (Ecoutez ! écoutez !) Après cela, j'ai dit que je regardais la mesure comme une de celles qu'on ne peut amender. Que si on permettait qu'elle le fût, neuf autres chambres réclameraient le droit d'en faire autant, et la conséquence en serait peut être que jamais elle ne deviendrait loi. J'ai ensuite donné mon adhésion aux mesures financières projetées, désaprouvant par là l'opinion de mon hon. ami de Port Hope ( M. SEYMOUR ), qui aurait voulu que le revenu des provinces dans le passé eût servi de base aux dettes que ces dernières apporteront dans la confédération. Comme notre système actuel de gouvernement ne doit pas se continuer, comme nous n'apporterons pas de revenus distincts dans le trésor, et que nous serons assujétis aux mêmes impôts et à un même tarif, la capitation est la base qui convient et non celle que veut mon hon. ami. (Ecoutez ! écoutez ! ) J'ai fait voir que la minime somme que la confédération aurait à donner pendant dix ans au Nouveau-Brunswick, serait un déboursé nécessaire dans les circonstances, et qu'elle ne devait pas un seul instant entrer en comparaison avec les avantages devant découler du futur régime. Selon l'hon. député de Niagara (l'hon. M. CURRIE), nos dépenses seront de beaucoup augmentées, mais moi je dis que cela dépendra de nous, qui continuerons à gérer nos propres affaires, et l'économie dans leur gestion dépendra de ceux qui en seront chargés. S'il se fait de grandes améliorations ; si le chemin de fer intercolonial se construit, ainsi que des havres sur le lac Huron,—et que l'on vote un crédis pour prolonger une voie ferrée jusqu'à ces havres, il sera impossible que tous cet travaux s'exécutent sans augmenter notre dépense actuelle ; mais ces améliorations, elles se feront chez nous, en Canada : nous jouirons des avantsages apportés par elles, et avec tout cela, il ne faut pas l'oublier, le pays aura voix délibérative dans la législature fédérale. Pour ma part, j'espère ne ces grandes améliorations se feront dans l'ouest simultanément avec le chemin de fer intercolonial, 152 bien que ce dernier soit seul spécifié dans les résolutions, l'élargissement des canaux n'étant mentionné que d'une manière générale. Si nous avons la confédération, hons. messieurs, il faut que le chemin de fer intercolonial se fasse, mais j'ai l'espoir que les améliorations de l'ouest se feront en même temps. (Ecoutez ! écoutez !) Je pense, hons. messieurs, que nous devrions nous guider, quant à notre vote, sur la prospérité que cette mesure apportera aux provinces, et si elle doit nous être avantageuse, nous devrions l'adopter sans retard inutile. Que peut-on demander de plus à ce projet ? ne nous paraît-il pas devoir mettre fin à ces difficultés des deux sections qui ont si longtemps agité le pays ? ne renferme-t-il pas en lui les moyens d'étendre notre influence sur un immense et fertile territoire ? ne nous ouvrira-t-il pas la voie à deux des plus beaux ports de l'Atlantique : St. Jean et Halifax ? ne nous donnera-t-il pas accès à la mer en toute saison ? ne nous ouvrira-t-il pas les mines houillières des provinces inférieures ? n'ajoutera-t-il pas un million près à notre population, et ne placera-t-il pas sous un même gouvernement quatre millions d'âmes ? (Ecoutez ! écoutez !) Mais si la mesure était rejetée, dans quelle position nous trouverions-nous ? Celle faite au Haut-Canada, je le pense, serait désespérée ; car toutes ces questions qui ont agité le pays et retardé son avancement seraient encore à régler ; la question de la représentation d'après le nombre renaîtrait avec plus de vigueur que jamais, bien que rien ne ferait présager qu'elle dût être réglée de longtemps, et l'agitation dont elle serait la cause ne pourrait vraisemblablement cesser qu'une fois cette réforme obtenue. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Vous savez aussi, hons. messieurs, quelle influence le projet arrêté par la conférence a eu sur notre crédit en Angleterre : celle d'opérer une hausse de 15 à 17 pour cent sur nos effets publics : eh! bien, que la mesure soit repoussée par le parlement, en Angleterre le retentissement de sa chute sera suivi d'un sentiment de malaise ; et les amis que nous comptons là désespéreront presque de nous voir jamais en position de fonder un crédit pour nos affaires financières ni de légiférer pour nous-mêmes d'une manière digne d'hommes d'état. Quelques hons. messieurs ont dit que ce serait avec crainte qu'ils prendraient sur eux de voter sur une question qui doit changer la constitution de la chambre sans consulter le peuple.
Pourquoi une pareille crainte ? Pourquoi sommes-nous donc ici, si ce n'est pour y accepter la solidarité de nos actes ? Le peuple nous a députés ici pour cela, et afin que nous décidions de notre mieux sur toutes les mesures qui peuvent nous être présentées. De plus, je suis d'avis que la responsabilité de remettre l'adoption du projet, ou de la confédération elle-même, est beaucoup plus grande que celle de le sanctionner. (Ecoutez ! écoutez !) Si nous remettons la mesure, si nous adoptons un amendement à cet effet, —ce qui aura peut-être pour résultat d'aujourner à toujours la conféération—ma pensée est que notre conduite sera considérée des plus factieuses et des moins patriotiques. On a beaucoup parlé de la possibilité d'une rupture entre cette chambre et l'assembléenotre passé n'offre que peu de cas de ce genre, et encore n'avaient-ils rien de sérieux ; mais si l'amendement passe, je prévois une scission qui pourrait être extrêmement préjudiciable à cette chambre, peut être même assez pour lui enlever son influence sur ce pays. Supposons que ces résolutions soient votées dans l'autre chambre par une forte majorité,fait dont je doute peu—et que nous adoptions l'amendement ; supposons que toutes les législatures des provinces d'en-bas adoptent ces résolutions et que cette chambre seule les rejette, pensez vous que le parlement anglais, par l'attitude que nous aurons prise, se laissera circonvenir au point de repousser ce qui lui paraîtra le plus dans les intérêts de lAmérique Britannique ? Je conçois combien notre position serait alors fausse, car elle pourrait avoir pour résultat de faire mettre de côté l'opinion et le vote de cette chambre. ( Ecoutez. ) Tant que cette mesure ne sera pas adoptée, il est impossible de s'occuper de la défense du pays, et pourtant tous reconnaissent que la situation exige que l'on y pourvoie sans retard. Devant un pareil état de choses, et sous des circonstances reconnues graves par tous les hommes bien pensants, est-il patriotique, hons. messieurs, est-il sage de retarder inutilement l'adoption de ces résolutions ? Il se peut que dans leurs détails elles ne soient pas conformes aux vues de tous ces hons. messieurs, mais ils doivent voir que collectivement elles tendent à un but avantageux ; ils ne peuvent faire autrement que d'admettre l'importance qu'il y a de les adopter sans délai, et que si elles doivent recevoir la sanction du parlement impérial à sa prochaine session, il n'y a pas de temps à perdre. (Ecoutez ! écoutez ! )
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Un hon. conseiller a dit que le peuple n'était pas content du projet, moi, au contraire, je pense qu'il rencontre parfaitement ses vues. Il y a longtemps qu'il a été mis au fait de ce projet et il est doué d'assez d'intelligence qu'il n'eût pas manqué de faire connaître s'il le désapprouvait. Comme preuve de ce que j'avance, je vais lire deux ou trois extraits d'un procès-verbal du conseil des comtés d'York et Peel que j'ai reçu hier. Ces comtés envoient quatre députés à l'autre chambre du parlement et renferment partie de trois des divisions représentées en cette chambre—Midland, Peel et York. M. GRAHAM, membre du conseil, a proposé la nomination d'un comité spécial chargé de préparer une requête à la législature, demandant que le peuple soit consulté avant l'adoption du projet de confédération ; voyons maintenant ces extraits :-
M. GRAHAM (de Vaughan).-Je déclare n'avoir pas introduit cette résolution dans un but politique. Le gouvernement est composé d'hommes de différentes nuances politiques, et la question qui nous occupe n'appartient à aucun parti en particulier. Le parlement actuel n'a pas été élu pour régler cette question, et il ne peut, par conséquent, se prononcer pour ou contre le projet sans en référer au peuple. Sur des questions beaucoup moins importantes on a consulté le pays, pourquoi ne pas le faire quand la mesure dont il s'agit est de la plus haute importance ? Le procureur-général a dit en chambre qu'il fallait que le projet fut adopté sans amendement, eh ! bien, je pense, moi, qu'il est nécessaire de l'amender au moins en ce qui concerne le Haut-Canada.
M. HARTLEY. —Je pense que le projet est maintenant bien connu par le peuple dans chacune de ses dispositions qui peuvent l'intéresser. Dans la division même représentée en partie par l'auteur de la résolution, les habitants se sont prononcés en faveur de la confédération en élisant l'hon. W. P. HOWLAND ; et à chaque élection qui a eu lieu depuis que le projet a été proposé, tous les candidats élus s'étaient déclarés en faveur. Je pense de même que le proc.-gén. était logique en disant qu'il fallait que ces résolutions fussent adoptées sans amendement.
M. GRAHAM (de Gore). — Quelques membres imputent à cette résolution un but politique ; mais que cette imputation soit ou non fondée, la résolution est maintenant devant le conseil, il faut qu'il l'adopte ou la rejette. La question de la confédération est entre les mains de meilleurs juges que nous ; à eux donc de décider si elle sera ou non avantageuse pour le pays. Les représentants du peuple savent quelles sont les ressources des provinces et ce qui conviendrait le mieux à leur et développement, et je conclus de là que c'est à eux à decider cette question. Quant à l'appel au peuple, je ne vois pas ce qui pourrait en résulter de bon. Les résolutions adoptées par la conférence de Québec au sujet de la confédération sont entre les mains du peuple et de ses représentants, et c'est à ces derniers de décider pour ou contre, puisqu'ils sont en mesure d'en juger exactement. Je ne puis m'imagiuer quelles raisons pourraient avoir nos hommes d'état de sacrifier les intérêts du pays ; leurs intérêts ne sont-ils pas les mêmes que les nôtres ? Pourquoi donc supposer qu'ils pourraient travailler à leur encoutre ? Quant à soumettre cette question au peuple, je pense que ses députés ont eu dans la vacance assez de temps pour connaître son opinion sur le projet, et qu'ils se sont rendus à Québec parfaitement décidés à régler cette question sans faire subir au pays les dépenses d'une élection générale. Un appel au peuple occasionnerait une dépense inutile, et je voterai par conséquent contre la résolution.
La motion mise aux voix, le conseil l'a rejetée par une majorité de 25 contre 6.
Ce que je viens de lire, hons. messieurs, est l'expression de l'opinion du conseil municipal d'York et Peel, et j'ai l'espoir que cette chambre se rendra à son désir en décidant de la mesure sans recourir à. aucun expédient qui puisse retarder son adoption. (Ecoutez ! écoutez !) Ce projet est considéré d'une si grande importance en Angleterre et dans notre pays, que le vote qui va en décider sera regardé comme une preuve que nous voulons rester sous la puissance britannique et perpétuer notre allégeance à notre bienaimée Souveraine, ou comme une preuve d'indifférence pour le danger que nous courons d'être absorbés par un autre pays. Cette conclusion est peut-être injuste, mais notre histoire renferme des exemples récents de la manière dont se forment ces conclusions à l'étranger. Je me souviens d'un vote qui, pour n'avoir pas été compris, a été très préjudiciable à cette province. Je veux parler de l'acte de milice rejeté en 1862, et il n'y a aucun doute que le rejet de cette loi a donné lieu à l'opinion qui prévaut en An gleterre—que les Canadiens ne veulent pas pourvoir eux-mêmes à leurs défenses. Rien de plus injuste que cette opinion à l'égard de notre peuple ; rien de plus injuste même pour la majorité de ceux qui ont voté contre cette loi, mais ce n'en est pas moins la conviction à laquelle on en était venu, et malgré tout le temps qu'elle a mis à se modifier, elle n'est pas encore entièrement détruite. Je pense que de diverses manières ce vote a coûté au pays beaucoup d'arge t. (Ecoutez ! écoutez !) Pour terminer, laissez- moi seulement vous dire que nous ne pouvons rester plus longtemps dans la position où nous son mes ; il faut que nous avancions de quelque côté, et je pense que nous prenons la bonne voie avec la confédération. Je pense exactement comme notre hon. et 154 digne premier ministre : nous sommes au sommet d'un plan incliné, et si nous n'adoptons pas la confédération, nous le descendrons insensiblement et malgré nous, et au bas s'ouvrira cette immense gouffre : les dettes, la démocratie et la démagogie. (Applaudissements !)
L'HON. M. BOULTON.—Je me réjouis de ce que cette chambre ait maintenant l'avantage de compter au nombre de ses membrers l'hon. monsieur qui vient de se faire entendre, et qui, par ses lumières et ses vues vraiment patriotiques, saura si bien contribuer à l'expédition des nombreuses et importantes questions qui viennent devant nous, et cela d'une manière digne de cette chambre et avantageuse pour le pays. Relativement à la mesure en délibération, je dois dire que les principes qu'elle renferme me la font admirer. Je suis résolûment en sa faveur, et bien loin de penser qu'elle puisse mettre en péril les intérêts de la province, je la crois plutôt éminemment propre à sa prospérité et à son bien-être. Je ne suis plus un jeune homme, je compte aujourd'hui plus de cinquante ans, durant la plus grande partie desquels j'ai occupé un siége dans l'une ou l'autre de ces chambres, et je n'ai jamais eu connaissance que la législature ait été saisie d'un projet d'une aussi haute importance. Il se peut que je ne vivrai pas assez longtemps pour le voir devenir loi ; mais je désire qu'il soit adopté et j'espère qu'il le sera. Si mes souhaits s'accomplissent, je suis persuadé qu'il réalisera toutes les espérances de ses auteurs et qu'il en resultera d'immenses avantages, non- seulement pour les colonies, mais aussi pour l'empire. Durant toute ma carrière parlementaire, je puis sans crainte affirmer que j'ai toujours été mu par le désir sincère de donner ma voix à la bonne cause, et, cependant, j'ai à me reprocher deux ou trois votes, surtout celui que je donnai contre l'union du Haut et du Bas-Canada. Dans ce cas comme dans les autres je reconnus mon erreur, mais je m'en consolai par la certitude que j'avais d'avoir ainsi agi avec indépendance et selon ma conscience, n'ayant pas même voulu céder aux plus vives instances du meilleur de mes amis, qui était alors procgén. du Haut-Canada, et qui, en cette circonstance, était de l'avis contraire au mien. Je reconnus plus tard la sagesse de cette mesure ; j'étais aise alors que mes craintes ne se tussent pas réalisées et heureux des grands avantages qu'elle avait value aux deux sections du pays. Quant à l'union aujourd'hui proposée, je crois que toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord en retireront d'immenses avantages, et qu'elle réalisera les vœux que je fais pour leur prospérité. J'ai souvent traversé l'Atlantique ; j'ai beaucoup voyagé en Angleterre et aux Etats-Unis ; mais, je l'avoue à ma honte, ce n'est que l'été dernier que j'ai visité les provinces inférieures que l'on veut réunir au Canada. Cette indifférence à l'égard des sœurs-colonies n'est pas pardonnable, je le pense, chez un législateur, et j'ai l'espoir que les autres hons. conseillers se feront un devoir d'acquérir par eux-mêmes les renseignements si nécessaires à la position qu'ils occupent. Comme je viens de le dire, je suis allé l'été dernier dans ces provinces, et j'y étais à peine arrivé que déjà mes opinions à leur égard s'étaient sensiblement modifiées. Je ne m'attendais pas à trouver une aussi belle ville à St. Jean, Nouveau-Brunswick, ni à en voir une comme Halifax. Je m'étais fait à l'idée que le peuple y était pauvre, mais au contraire j'ai vu là des marchands faisant de grandes affaires et chez lesquels on pouvait reconnaître autant d'esprit d'entreprise que chez ceux du Canada. De plus, ces provinces se distinguent par l'attachement le plus dévoué à l'empire britannique et par leur loyauté envers la couronne d'Angleterre, —sentiments que je n'ai pu observer sans éprouver beaucoup de joie, et qui, j'en ai l'espérance, se perpétueront et grandiront même avec la confédération. (Ecoutez !) Lorsque je représentais un collége du Haut-Canada et que j'avais à me faire réélire, toujours j'ai hissé mon drapeau qui a pour exergue : "Suprématie britannique." (Ecoutez ! écoutez !) Ce sentiment sera toujours celui du pays. Relativement aux allégations de quelques hons. membres, qui prétendent que le peuple ignore les mérites de la mesure proposée, je puis dire, au nom de la localité d'où je viens, qu'elles sont on ne peut plus erronées. Ce projet a plus ou moins occupé l'attention du peuple pendant plusieurs années et surtout dans ces derniers temps. A l'appui de la confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord, je pourrais citer l'opinion de beaucoup d'hommes d'état distingués de l'Angleterre, tels que le feu comte DURHAM et le feu chevalier WILMOT HORTON, qui occupait, il y a bien des années, le poste de sous-secrétaire d'état, mais je ne veux m'arrêter qu'à celle d'un de mes amis, 155 membre distingué de l'autre chambre, M. MORRIS, le fils de feu l'hon. WM. MORRIS, qui fut pendant nombre d'années mon collègue à la chambre d'assemblée du Haut- Canada. Dans une brochure par lui publiée en 1858, M. MORRIS, le député actuel de Lanark sud, s'est formellement prononcé en faveur de l'union des provinces, et dans cette brochure, dont je vais faire deux extraits, se trouve citée l'opinion de M. SEWARD, actuellement Secrétaire d'Etat du gouvernement des Etats-Unis sur le sort réservé au Canada :
" Ce jour," dit l'auteur, " est très éloigné, j'en ai l'espoir ; et quelque révolution que subisse le vieux monde, je suis convaincu que la connexion de notre pays avec l'empire, loin d'être ébranlée, ne fera que se resserrer par la puissance de l'Angleterre ; et les milliers d'hommes au cœur généreux qui auront grandi sous sa protection salutaire, ne cesseront d'avoir pour elle des sentiments de vive affection et de loyauté, et sauront, dès que leur liberté sera en danger, se trouver au premier rang à côté des armées de l'Angleterre. Quant au sort futur de ces colonies de l'empire, le champ des prévisions en est vaste, et a occupé et ne cesse encore d'occuper bien des esprits. "
Voyons, entre autres, ce que pense de nous le sénateur SEWARD :
" Ainsi que la plupart de mes compatriotes, je n'avais jusqu'ici considéré le Canada, ou, pour parler plus exactement, l'Amérique Anglaise, que comme une simple lisière de pays située au nord des Etats-Unis, facile à détacher de l'empire, mais incapable de se gouverner et qui, par conséquent, devait tôt ou tard faire partie de l'union fédérale, sans changer ou modifier sa condition ou son développement ; mais j'ai renoncé à cette opinion, qui me paraissait entachée du préjugé national. Je vois aujourd'hui dans l'Amérique Britannique du Nord,— laquelle traverse le continent depuis les rives du Labrador et de Terre- neuve jusqu'au Pacifique, occupe une étendue considérable de la zone tempérée, et est traversée comme les Etats-Unis par des lacs, et de plus par le majestueux St. Laurent,—une région assez vaste pour le siége d'un grand empire. "
Comme on vient de le voir, l'hon. M. SEWARD ( qui est connu pour le premier homme d'état du gouvernement américain ) a changé d'opinion à l'égard de notre pays, de la puissance duquel on ne saurait douter, qui est destiné, par ses immenses ressources, à devenir beaucoup plus puissant. Je pense que si nous avons foi en nous-mêmes, nous serons capables de nous gouverner, surtout si dans nos efforts—supposé le cas où il faudrait en faire—nous sommes sûrs d'être secondéspar les sympathies, la coopération et l'appui de l'empire. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Il est évident que puisque le projet de confédération est bien vu en Angleterre, nous recevrons de ce pays toute l'aide dont nous pourrons avoir besoin. Je regrette de ne pouvoir appuyer mon opinion sur des statistiques, mais d'autres hons. membres, beaucoup plus compétents que moi, ont déjà pris ce soin, et nul doute que d'autres en feront autant. Sous ce rapport, je suis également convaincu que nous ne perdrons rien avec la fédération, qu'au contraire notre revenu augmentera considérablement. Les provinces maritimes ont des ressources qui nous manquent, entre autres leurs mines houillières et aurifères, qui seront pour nous d'une grande valeur, attendu qu'avant longtemps nous serons obligés de recourir à ce combustible que nous n'avons pas chez nous. Il me fait vraiment peine de voir que nous ayons eu si peu de relations commerciales avec ces provinces, qui ont constamment besoin de grands approvisionnements d articles que nous avons à vendre, mais qui leur viennent d'ailleurs. Je pense que cet état de choses changera avant longtemps et que nous y gagnerons beaucoup. Sous tous les rapports la confédération est a désirér mais j'avoue qu'il ne me plairait pas de voir adopter ce projet si j'entrevoyais la moindre probabilité qu'elle dût conduire à une séparation d'avec l'empire. ( Ecoutez ! ) L'Angleterre a beaucoup fait pour nous ; elle s'est trompée quelque fois, mais à tout prendre nous avons été cordialement et généreusement traités par elle. Par la garantie de son gouvernement donnée à des emprunts, elle nous a beaucoup aidé, et ce fait même a donné un grand poids à notre crédit, à l'aide duquel nous avons pu exécuter nos gigantesques et utiles travaux publics. J'ai eu souvent lieu d'être étonné de l'apathie que nous avons montrée pour nos propres défenses, mais le temps est venu de faire quelque chose à cet égard, et nous y sommes obligés ; le peuple d'Angleterre ne s'est pas trompé en disant que nous étions capables aujourd'hui, au moins dans une certaine mesure, de pourvoir à notre protection. Il ne s'attend pas que dans le danger nous pourrons lutter seuls, mais il veut que nous apportions notre contingent de défense. Ce devoir accompli, nous n'aurions plus rien à craindre, et l'union nous permettrait d'agir avec plus de cohésion qu'on ne le pourrait sans elle. Il pourrait bien y avoir encore parmi nous des partisans de l'annexion aux Etats-Unis, mais leur nombre est très limité, si toutefois il en existe. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Il y a quelques années, ce sentiment me paraissait prévoir jusqu'à un certain point ; mais la 156 guerre actuelle de nos voisins n'est pas loin de l'avoir fait complétement disparaître. Je déplore cette guerre fraticide et je verrais avec peine la rupture de nos relations paisibles avec eux. J'espère que nous continuerons à vivre dans les mêmes termes d'amitié et que si nous avons la guerre ce ne sera pas nous qui l'aurons provoquée. Ce peuple est grand et fort, mais j'espère qu'il continuera à nous traiter aussi amicalement que par le passé, bien qu'il ne puisse nier qu'il ait montré récemment une toute autre disposition en voulant abroger le traité de réciprocité, contre lequel, il y a deux ou trois ans, on ne pût trouver de motifs pour le faire abroger. Je crois, cependant, que cette disposition à notre égard changera et que le traité ne sera pas aboli. Si au contraire il l'était, nous n'en serions pas complétement ruinés, car nos relations avec les sœurs provinces parviendront en grande partie à réparer cette perte. Malgré cela, nous pourrions peut-être encore passer par les Etats-Unis, sinon nous devrons nous contenter de nos propres voies de communication. Après cela, il ne me reste plus qu'à souhaiter le rejet de l'amendement de l'hon. député de Sherbrooke ( M. SANBORN ), et l'adoption de la mesure dans toute sa plénitude. La constitution de la législature fédérale a été adoptée par une réunion de nos premiers hommes politiques, dont quelques uns étaient opposés à ce que les chambres hautes fussent électives, entre autres l'honorable président de l'exécutif. ( l'hon. M. BROWN. ) Quant au peuple, je crois sincèrement qu'il ne désire pas que le principe électif soit maintenu pour les conseils législatifs. Je ne doute pas non plus que la couronne fera de judicieuses nominations,—elle a déjà fait ses preuves à cet égard,—et bien qu'elle ait pu se tromper quelquefois, je consens volontiers à m'en rapporter à elle. Je suis bien aise de donner au peuple tout le pouvoir qu'il peut raisonnablement demander, mais il est avéré que le pouvoir ainsi conféré a dégénéré en abus dans bien des cas, au nombre desquels on peut citer plusieurs municipalités dont la ruine est presque complète, de ces municipalités qui ont contracté des emprunts qui, au lieu d'être employés à des fins publiques, sont restés en grande partie dans le gousset des emprunteurs. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Je désire empêcher que de pareils faits se renouvellent. On espérait de grands avantages de la loi du fonds d'emprunt municipal ; de grandes améliorations furent projetées, quelques-unes furent exécutées, mais les municipalités qui laissèrent les leurs à l'état de projet et gaspillèrent l'argent obtenu du fonds, en sont aujourd'hui à demander au gouvernement des délais pour l'intérêt de leur emprunt. Par ces observations, je ne veux blesser personne ; mais si elles avaient paru blessantes, je demanderais qu'on me pardonnât en faveur de mon intention. J'ai fourni une assez longue carrière parlementaire, surtout comme député à l'autre chambre, et ayant toujours agi avec indépendance, je crois avoir acquis ce droit de dire que les hommes publics devraient se faire un devoir de toujours agir selon leurs convictions, et non d'après les conseils et les sollicitations d'amis. Tout en me promettant d'observer ce précepte, je termine en exprimant l'espoir qu'une forte majorité adoptera les résolutions. ( Applaudissements. )
HON. M. AIKINS.—Je ne pense pas, hons. messieurs, que ce qui s'est passé dans le conseil des comtés d'York et Peel et qui vient d'être relaté par l'hon. membre pour la division Saugeen, puisse être interprété dans le sens de cet hon. monsieur, qui a donné à entendre qu'une grande majorité de ce conseil s'était déclarée contre l'appel au peuple au sujet de la confédération des provinces dont le rejet est maintenant devant la chambre. Je connais personnellement la plupart des membres de ce conseil, et je pense qu'une nouvelle lecture du procèsverbal, que l'hon. membre a cité, fera connaître l'affaire sous un jour différent.
L'HON. M. MACPHERSON.—Je l'ai lu en entier ce procès-verbal.  
L'HON. M. AIKINS—C'est égal, je vais le lire à mon tour et en tirer de nouvelles conclusions. ( L'hon. membre lit de nouveau ce procès-verbal, et fait remarquer qu'il n'y a rien dans le discours des membres du conseil des comtés qui démontre qu'ils fussent opposés à l'appel au peuple. ) Les membres du conseil de comté ne sont pas élus dans un but politique mais pour administrer les affaires de la municipalité. Toute profession de foi politique qu'ils peuvent faire ne peut donc être que l'expression de leur opinion particulière, et quelque droit au respect qu'aient ces messieurs composant ce conseil, elle ne saurait être regardée comme l'expression du désir de leurs mandataires sur ce sujet. Je maintiens en outre que le vote du conseil n'était pas même l'expression de l'opinion des membres, car nous voyons par le procès 157verbal que plusieurs d'entre eux s'opposèrent à la motion pour l'appel au peuple simplement parce que la question n'était pas de leur ressort vu son caractère politique, et votèrent contre sans se prononcer sur son mérite réel. Parmi eux se trouvaient les messieurs réellement opposés à l'appel au peuple, qui avec d'autres formaient la majorité dont l'hon. monsieur a parlé d'un air si triomphant. ( Ecoutez ! écoutez !) A part de l'expression de l'opinion du conseil des comtés qui, à mon avis, ne doit pas compter, quel ne soit l'interprétation qu'on lui donne, je m'oppose à ce que les résolutions soient soumises au parlement et que l'on presse cette chambre de les adopter de la même manière que pour l'adresse en réponse à la harangue du trône. On veut qu'elles soient adoptées ou rejetées en bloc, sans modification ou amendement, tout comme si leur adoption ou leur rejet devait décider du sort du gouvernement. On croit savoir que le cabinet s'est engagé envers les autres gouvernements à maintenir intactes ces résolutions, et si cela était, il serait logique que leur passation ou leur rejet fut pour lui une question de vie ou de mort. Les ministres s'opposent à toute expression d'opinion à l'égard de ces résolutions autre que celle que peuvent renfermer les discours des hon. membres, c'est-à-dire qu'elles ne peuvent être changées, modifiées ou amendées sous aucun rapport, et c'est à cette condition que l'on demande aux chambres de les prendre en délibéré ! Je vous le demande : à quoi cela servira-t-il, si nous ne pouvons en venir à nos conclusions ni leur donner force de loi tout en y faisant les amendements que nous croirons à propos ? Je suis ici le député, sinon d'un des plus grands, au moins d'un des plus intelligents colléges électoraux du Haut-Canada, et je dis, sans hésitation aucune, que le peuple est en général favorable au principe des résolutions, ou, si on l'aime mieux, en faveur de la confédération du Canada et des provinces inférieures, mais je ne crois pas qu'il adhere à tous les détails du projet. En proposant les résolutions, l'hon. premier ministre a dit qu'elles vaudraient au Canada deux avantages spéciaux : la puissance et la stabilité, et que, par contre-coup, elles mettraient fin aux difficultés contre lesquelles la province a eu à lutter pendant ces dernières années. Il a aussi déclaré que si cette union ne s'accomplissait pas, nous courrions le danger d'être contraints par la force à faire partie des Etats-Unis ; que si ce n'était pas la force qui nous y contraindrait, insensiblement nous finirions par être absorbés par ce pays ; que nous sommes au sommet d'un plan incliné qui nous y conduira indubitablement, bon gré malgré. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Si l'hon. premier ministre nous a par cela convaincus que l'union projetée nous donnerait réellement plus de force d'action, tout en nous mettant en mesure de mieux pourvoir à nos défenses, je suis prêt à reconnaître l'opportunité du projet. J'ai attendu avec hâte ses raisons et explications, car, pour voter les résolutions, j'en voulais de meilleures que celles que je connaissais déjà. J'ai hâte également, de les voir minutieusement analysées et scrutées, et je désire beaucoup qu'elles soient dans l'intérêt du Canada. Si en présentant ces résolutions le gouvernement eut déclaré qu'après examen et délibération, elles pouvaient être amendées en certains cas, j'eusse été aise de cette déclaration ; mais non :- il nous est permis de les discuter, mais non d'aller plus loin. On les a soumises, ainsi que je l'ai déjà dit, comme on le fait pour l'adresse en réponse au discours du trône, dont tout amendement est regardé comme motion de non-confiance ; je ne puis voir, naturellement, qu'il soit utile de les discuter. Cependant, avant de voter, je désire savoir combien coûtera le chemin de fer intercolonial. Il n'y a que peu de temps, le public haut-canadien était adverse à cette entreprise ; si donc il a été donné de nouvelles explications au sujet de ce projet, je serais aise de les connaître. J'aimerais aussi à savoir quelle sera sa route et combien de millions il va coûter ; après cela, si sa construction m'est démontrée comme devant être d'un avantage réel pour le pays, j'y consentirai volontiers. Il est encore d'autres points sur lesquels je tiens à me renseigner, celui, par exemple, qui concerne la part de dette que le Haut et le Bas-Canada seront respectivement tenus de payer, c'est-à-dire si les 62 1/2 millions de dettes dont la confédération devra se charger seront répartis d'après le chiffre des deux populations, et si, en sus de sa part, le Bas-Canada sera tenu de se charger du montant payé pour le rachat de la tenure seigneuriale ? A mon avis, ces questions doivent être élucidées avant l'adoption du projet.
L'HON. M. CAMPBELL.—Le gouvernement ne veut nullement refuser aucune information que la chambre peut désirer ; il est au contraire désireux de lui donner tous ceux dont il peut disposer ; mais les ques 158tions que vient de soulever l'hon. membre ne sont pas encore soumises aux délibérations de cette chambre. Quant à la dette créée pour la tenure seigneuriale, le Bas-Canada seul devra s'en charger. Pour ce qui est des cinq millions réservés pour une certaine partie de la dette, il en sera fait une juste répartition entre le Haut et le Bas-Canada, et je saisis cette occasion de déclarer que le parlement sera mis à même de juger des dispositions que le cabinet pourra proposer à l'égard de cette répartition, et alors cette chambre pourra se prononcer à ce sujet.
L'HON. M. AIKINS.—Ce que vient de dire l'hon. commissaire des terres de la couronne me plaît infiniment, mais je ne conçois pas comment nous pourrons avoir lieu de considérer aucune de ces résolutions si nous votons maintenant la proposition essentielle.
L'HON. M. CAMPBELL—L'occasion vous en sera donnée lorsqu'il s'agira de régler le partage de ces cinq millions de dettes entre le Haut et le Bas-Canada, et lorsque des projets de loi ou propositions seront mis à cette fin devant le parlement. L'intention du gouvernement est de présenter des propositions qu'il croit également équitables pour les deux sections du pays, et le parlement aura alors la faculté de se prononcer sur le projet.
L'HON. M. AIKINS.—J'admets volontiers la sincérité du gouvernement dans cette question ; mais avant de voter pour la confédération, j'aimerais à savoir, et la chambre aussi, j'en suis sûr, non seulement ce que coûtera le chemin de fer intercolonial, mais encore comment sera partagée cette partie de la dette entre le Haut et le Bas-Canada. Il me paraît très important que nous ayons tous ces renseignements avant d'être appelés à voter ces résolutions.
L'HON. M. CAMPBELL—L'hon. monsieur me permettra de lui faire remarquer que la question du chemin de fer intercolonial sera du ressort du gouvernement fédéré. Cette chambre ne peut que s'enquérir de quelle manière seront répartis les cinq millions de dette entre les deux sections, et sur ce point, chaque membre aura l'opportunité de se prononcer pour ou contre la proposition du gouvernement. La question du chemin de fer intercolonial est tout à fait en dehors de notre contrôle, la législature fédérale seule devant en être saisie.
L'HON. M. AIKINS—Je sais parfaitement que cette voie ferrée doit être construite par le gouvernement général, mais ce que j'ignore et voudrais savoir, c'est le chiffre de son prix de revient. A mon sens, et selon l'idée d'hons. membres, cette question est des plus importantes, elle est la clef de voûte, pour ainsi dire, de toute l'affaire, et je sais qu'elle me touche de très près. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Cela dit, passons au sujet de la constitution de cette chambre. L'hon. monsieur qui vient justement de s'asseoir, et qui vient de Cobourg, ( l'hon. M. BOULTON ) s'est plu à décrier le système électif, s'appuyant, pour le condamner comme mauvais en général et pour conclure qu'on devrait l'éliminer de la constitution de cette chambre, sur le fait que certaines municipalités du pays ont mal employé les fortes sommes qu'elles avaient obtenues du fonds d'emprunt ; or, je trouve étrange qu'un hon. membre juge d'un principe sur des données aussi mesquines, d'autant plus étrange que cet hon. monsieur se trouve être le représentant d'une municipalité fortement arriérée envers le fonds d'emprunt.
L'HON. M. BOULTON—Je n'ai pas voulu parler de la ville de Cobourg, mais seulement d'autres municipalités dont les conseillers ont gaspillé l'argent obtenu du fonds d'emprunt, tout en mettant de fortes sommes dans leur gousset. Cobourg a dépensé ces fonds dans de grands travaux publics ; et a agi honnêtement.
L'HON. M. AIKINS—Fort bien ; mais je ne vois pas pourquoi je me serais abstenu de citer Cobourg comme étant dans le même cas que les municipalités qui ont manqué à leurs obligations, surtout après avoir entendu l'hon. monsieur attaquer le principe électif justement parceque ces municipalités avaient manqué à leurs engagements. L'hon. membre de la division de Saugeen a déclaré aussi que la nomination des conseillers législatifs par la couronne n'ôtait pas au peuple ses franchises.
L'HON. M. MACPHERSON—L'hon. préopinant fait erreur : j'ai dit que les nominations se feraient sur la recommandation des députés à l'autre chambre, et que ce changement n'équivalait pas à un désaffranchissement.
L'HON. M. AIKINS—Si l'hon. monsieur n'était pas aussi susceptible, il se serait épargné la peine de cette explication.
L'HON. M. MACPHERSON —Je n'aime pas à être mal interprété.
L'HON. M. AIKINS—Il n'était assurément pas dans mon intention de mal inter 159préter l'hon. monsieur en quoi que ce soit ; après avoir entendu ses remarques sur ce point, chacun, je pense, a dû comprendre qu'après le changement de constitution projeté, le peuple serait encore nanti du pouvoir de nommer à cette chambre.
L'HON. M. MACPHERSON—Non, pas directement ; mais par l'intermédiaire de ses députés.
L'HON. M. AIKINS.—L'hon. monsieur dit que par la voie de ses représentants le peuple aura le pouvoir de faire ces nominations ; eh ! bien, après avoir lu la l4me résolution, j'ai compris, moi, qu'une fois la première nomination accomplie, il n'aura plus rien à faire avec cette chambre. ( Ecoutez ! écoutez ! ) D'ailleurs, de quels représentants veut parler l'hon. monsieur, si ce n'est des membres du cabinet, qui auront le pouvoir de faire ces nominations, ou plutôt la couronne elle-même ?
L'HON. M. MACPHERSON.—Sur la recommandation des représentants du peuple.
L'HON. M. AIKlNS.—Oui, sans doute, à cette différence près que le peuple n'aura rien à y voir. Il est visible que nous voulons revenir à l'ancien principe d'après lequel toutes ces nominations se faisaient par la couronne. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Eh ! bien, quoique je sois peut-être pour la nomination par la couronne—je remets cependant à plus tard pour me prononcer sur ce dernier point. Voici quelle sera ma position, si je vote pour ces résolutions : il se trouvera que mon vote, ainsi que celui de chaque membre, sera à l'effet de nous donner un siége en cette chambre pour aussi long de temps qu'il plairait à la Providence de nous le laisser. ( Ecoutez ! écoutez ! ) J'ai été envoyé ici, hons. messieurs, pour veiller à la conservation de certains intérêts, pour représenter certaines classes et pour faire valoir les vues de mes mandataires selon qu'elles se trouvent être d'accord avec mon propre jugement, mais non pas pour changer la constitution sous laquelle j'ai été député, ni pour enlever au peuple son privilége d'envoyer à ce conseil celui qui possède sa confiance. Il ne me paraît pas juste que par leur vote les membres ce cette chambre déclarent leur siége inamovible. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Les raisons données à l'appui du changement projeté sont variées et jusqu'à un certain point contradictoires. Un membre du cabinet nous a dit que c'était parce que les provinces maritimes étaient opposées à ce que cette chambre fut élective, et le Canada, lui, le plus populeux et le plus influent des provinces, devra se soumettre à cette exigence et renoncer à un principe qu'il a solennellement adopté, et dont l'action n'a été nullement nuisible à nos intérêts. Nous voyons un autre honorable monsieur qui a fortement lutté autrefois contre le principe électif, et qui y est encore opposé aujourd'hui pour la raison, que depuis ce temps, certaines municipalités ont emprunté beaucoup plus qu'elles ne peuvent rendre ! ce sont des raisons extraordinaires en quelque sorte, et j'espère que la chambre les prendra pour ce qu'elles valent. Avant que le changement projeté ait lieu, je pense, hons. messieurs, je pense que nous ne devons pas déclarer par notre vote que nous avons droit à un siége permanent en cette chambre sans au moins demander au peuple s'il y consent ou non ; et, en suggérant cette ligne de conduite, on ne saurait y trouver à redire, lorsque nous savons que si les membres nommés par la couronne devront rester dans cette chambre, un grand nombre des conseillers élus devront y rester aussi.
L'HON. M. ROSS—Que feriez-vous étant convaincu que l'opinion publique est en faveur du changement ?
L'HON. M. AIKINS — Ma réponse à l'hon. monsieur sera très facile. Si je ne représente pas l'opinion de mes commettants sur un sujet d'une aussi grande importance que celui-ci, il est une chose que je puis faire; remettre mon manat. ( Ecoutez ! Ecoutez ! ) Telle est la décision que je me ferais un devoir de prendre en pareil cas. ( Ecoutez ! écoutez !) Quant à ce projet, je pense que sa réussite dépend beaucoup des résolutions elles-mêmes. Si elles doivent servir de base à une nouvelle constitution, toutes à mon avis, doivent être soigneusement examinées et discutées, et dans cette chambre ainsi que dans l'autre le gouvernement ne devrait pas empêcher les députés d'exprimer leurs opinions sur les mérites de la question. ( Ecoutez ! ) Beaucoup d'hons. messieurs ont dit que le peuple était favorable à ce projet ; moi aussi je le crois en faveur d'un projet de confédération, mais je pense qu'il dépend entièrement des détails de ce projet qu'il lui donne ou refuse son adhésion. Je n'hésite nullement à faire connaître l'opinion de mon collége sur ce sujet. Presque tous les jours je me trouve d'ordinaire en relation avec mes électeurs, et j'ai eu aussi de nombreuses occasions de 160 connaître leur opinion sur différents sujets. et je crois que la majeure partie d'entre eux n'en a point d'arrêtée et de définie sur ce projet. Ils sont en faveur d'une confédération, mais ils n'ont nulle idée des détails du plan proposé. S'ils savaient que par cette mesure l'impôt et les dépenses publiques seront considérablement augmentés, à coup sûr ils seraient contre. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Je pense donc que nous qui sommes ici pour veiller à la protection des intérêts publics, nous devrions avant de prendre la responsabilité des votes examiner et analyser avec soin ces résolutions, afin de pouvoir, autant que possible, juger des résultats qu'elles donneront. Je ne crains pas de l'affirmer, jamais le peuple canadien n'a plus souffert qu'à présent. ( Ecoutez ! écoutez ! ) La gêne des particuliers, la dette municipale et nationale font aux agriculteurs la position la plus difficile. Durant les cinq dernières années, la valeur de la propriété est tombée de 20, 30, 40, 50 et même 60 pour cent ; les récoltes, pendant cette période, ont toujours aussi diminué en valeur et en quantité. D'un autre côté, le peuple est mécontent de la manière dont le pays a été gouverné depuis huit ou dix ans, et il n'y a par conséquent pas lieu de s'étonner si on le trouve prêt à accepter tout changement à l'aide duquel il croira pouvoir mettre fin à ses difficultés présentes ; mais nous qui sommes ici pour veiller à ses intérêts, pour rechercher son bien-être, nous ne devons pas, quand même nous serions tous du même parti, nous hâter d'adopter aucun projet de n'importe quel gouvernement sans s'être, au préalable, mis en mesure de juger de ses conséquences. ( Ecoutez ! écoutez ! ) On croit que le public est bien au fait de cette mesure ; je m'inscris en faux contre cette assertion ; le peuple ne le connaît pas dans toutes ses conséquences, et s'il est quelque chose que je regrette, c'est qu'on n'en ait pas fait une mesure de parti. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Il se peut qu'aucun parti n'aurait pu la faire passer comme telle, mais je le regrette parce que cela eut été mieux ; parce que ses mérites et démérites eussent été ainsi mieux connus. Nos hommes publics se fussent rangés d'eux- mêmes d'un côté ou de l'autre, soit pour le favoriser ou s'y opposer ; ils eussent montré ses défauts et ses qualités ; toute la question eut été ainsi élucidée, et si après cette lutte le projet eut été adopté, il aurait été aussi parfait que possible. Mais qu'avons-nous au lieu de cela ? d'un bout du pays à l'autre, c'est à peine si vous voyez un journal qui n'est pas rempli de louanges à l'égard du projet. Pourquoi cela ? Parce que les premiers hommes publics du pays ont jugé à propos d'opérer une fusion ; les principaux journaux de chaque parti applaudissent maintenant à cette fusion et au projet venu à sa suite,—et les petites feuilles, elles, font de leur mieux pour se mettre à l'unisson de ce concert.
L'HON. M. CAMPBELL—Tous sont l'écho de l'opinion publique.
L'HON. M. AIKINS.—De l'opinion publique, vraiment ? Eh ! bien, je répète à l'hon. monsieur que le peuple n'a pas pu suffisamment juger de la mesure, et qu'ici nous devrions exercer le droit d'exprimer notre entière opinion à ce sujet. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Ainsi que je l'ai déjà déclaré, je suis pour une confédération de ces provinces qui sera établie sur de justes bases, et tout ce que je désire, c'est qu'il nous soit permis d'examiner toutes ces résolutions et d'amender au besoin celles qui paraîtront imparfaites sous quelque rapport. (Bien ! très bien ! ) J'adhère cordialement à certaines parties de l'amendement proposé, et lorsque la discussion en aura fini avec lui, comme les autres honorables je me déciderai sur ce que j'aurai à faire. ( Ecoutez ! écoutez ! )
L'HON. M. REESOR.—Personne ne se levant pour continuer les débats, je demande la liberté de m'enquérir auprès de l'hon. commissaire des terres de la couronne pourquoi, en vertu du projet de confédération, certains droits d'exportation seront perçus par le gouvernement local du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse, quand, au Canada, ils seront perçus par le gouvernement général ? Ce privilége forme partie de la 43me résolution, dont suit les termes : " La taxation directe dans le Nouveau- Brunswick et l'imposition de droits sur l'exportation du bois carré, des billots, mâts, espars, madriers et bois sciés, et dans la Nouvelle-Ecosse du charbon et des autres minéraux. " Ce sont là, ce me semble, des articles en très grande demande qui se trouveront ainsi sujets à l'imposition de ces gouvernements locaux, car ils entrent pour une grande part dans les exportations du pays. On semble par là avoir donné une préférence aux provinces inférieures quant au droit d'impôt. ( Ecoutez ! écoutez! ) De plus, et tel que l'a dit le président du conseil, on voit plus loin figurer une somme de $68,000 qui devra être donnée 161 chaque année et pendant dix ans, comme gratuité au Nouveau-Brunswick. Quand ces faits seront pris en considération, à coup sûr on ne pourra faire autrement que d'avouer que nos hommes publics qui faisait partie de la conférence ont agi un peu à la légère. On verra que pour ôter toute objection aux provinces maritimes, ils n'ont pas regardé à ce qu'il en pourrait coûter au Canada. Il s'ensuivrait donc que parce que le Canada est la plus grande de ces colonies, il doit consentir à tout ce que les autres demandent. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Il semble aussi étrange que ces messieurs ait adopté un projet qui engage le gouvernement à construire le chemin de fer intercolonial, sans définir ou sans savoir quel en sera le coût. ( Ecoutez !)
L'HON. M. CAMPBELL. —Il est en quelque sorte difficile à un membre du cabinet de répondre sur le champ aux questions que vient de faire l'hon. membre ; mais quant à la première, je n'éprouve pas le même embarras. La chambre sait comme moi que sans la confédération les terres de la conronne resteront sous le contrôle de chaque province, et que cela a été jugé nécessaire afin que chacune d'elle trouvât là les fonds requis pour le fonctionnement de son administration locale. Au Nouveau-Brunswick, les droits ne sont pas prélevés comme en Canada, dans les forêts, mais aux ports et comme droits d'exportation,—cette manière d'obtenir le revenu sur ces bois étant plus commode et moins dispendieuse pour cette province—et l'hon. monsieur verra que si nous ne permettons pas au gouvernement local du Nouveau-Brunswick de percevoir ces droits de cette manière, le revenu provenant au Canada des droits sur coupes ( stumpage dues) sera perdu pour le Nouveau- Brunswick. Dans ce fait se trouve le motif de l'exception qu'il vient de citer. La même chose a été faite pour la Nouvelle-Ecosse, en lui accordant un droit sur la houille, c'est-à-dire le percentage du produit des mines réservés pour l'usage du gouvernement, lequel sera perçu comme droit sur l'exportation de l'article. Si le droit d'exportation est aussi réservé au gouvernement local comme source de revenu, c'est qu'il est nécessaire dans les deux cas qu'il ait l'avantage de son revenu territorial de même que les gouvernements locaux du Canada, qui percevront le revenu d'une manière différente. Au premier abord, il peut paraître que cet article donne aux provinces inférieures des avantages que n'auront pas les gouvernements locaux d'ici, mais ce n'est pas le cas. ( Ecoutez ! écoutez !) Quant à la subvention annuelle de $63,000 au Nouveau- Brunswick pour une période de dix ans, on l'a jugée necessaire, parceque durant ce temps, cette province serait incapable, avec son revenu local, d'exécuter les entreprises qu'elle a commencées. C'est avec peine que j'ai entendu l'hon. monsieur déclarer que les représentants canadiens avaient dû se montrer faciles dans l'acceptation des conditions auxquelles les provinces maritimes consentiront à entrer dans l'union ; tout ce que j'ai à répondre, c'est que j'aurais voulu voir à la conférence les hons. messieurs qui trouvent ainsi à redire, et ils auraient vu si nous étions faciles ou non. Je dois dire de plus à mon hon. monsieur, dont j'ai le plaisir d'être l'ami depuis quelques années, que s'il eut parfaitement connu les représentants du Canada en cette occasion, il se serait bien gardé aujourd'hui de lâcher cette imputation. ( Écoutez ! écoutez !) Les $63,000 ont été accordées au Nouveau-Brunswick parce qu'on a vu qu'avec le revenu local qui lui était affecté il lui serait impossible de faire face à ses engagements. Cette province, voyant que son revenu aurait été trop restreint pour subvenir aux obligations quelle se trouve avoir contractées, n'aurait pas, naturellement, voulu entrer dans l'union sans cela. Ces obligations qu'elle se trouve avoir ainsi contractées sont pour des chemins de fer. Plutôt que de prendre des actions ou autres garanties sous forme d'encouragement à ces entreprises de chemin de fer, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a préféré faire don une fois pour toute d'une certaine somme. Toute compagnie construisant une voie ferrée avait ainsi droit à une certaine somme prise dans les fonds publics ; —c'est de cette manière que cette province s'est fait des obligations qu'il lui faut nécessairement liquider, et comme elle a cédé tous ses revenus ordinaires au gouvernement général, il a bien fallu que ce dernier s'en chargeât. Je dois en outre ajouter que ces chemins de fer, cédés avec d'autres travaux publics au gouvernement général, ne sont pas sans valeur et pourront contribuer au revenu général. Je ne me souviens pas exactement de la somme, mais elle s'élève à environ $6,000 ou $8,000 par année.
L'HON. M. CURRIE — Cela fait justement trois huitièmes d'un pour cent de leur prix de revient.
L'HON. M. CAMPBELL Peu importe ; 162 j'ai dit qu'ils donnaient un revenu sans en mentionner le chiffre, et en donnant cette somme nous savons que nous en retirerons toujours une partie. Sans cet arrangement, le projet devenait impossible, et de plus, il y a toute probabilité que ces travaux deviendront plus productifs Je comprends que quelques messieurs disent qu'on aurait pu, dans ce cas, donner un équivalent aux autres provinces, mais nous savons tous combien ce système d'équivalents est nuisible aux finances. (Ecoutez ! écoutez !) On aurait pu donner une pareille somme aux autres provinces, mais cela eut semblé une prodigalité que le pays n'aurait pas vu d'un bon oeil. (Ecoutez ! écoutez !) Si la conférence a décidé de lui affecter cette somme, c'était, il n'y a pas à en douter, pour obtenir la confédération.
L'HON. M. SIMPSON—Je désire savoir de l'hon. commissaire si un navire chargé de céréales et expédié de Montréal à un port des provinces maritimes, serait assujetti à un droit d'exportation à la Nouvelle-Ecosse s'il revenait avec un chargement de houille ?
L'HON. M. CAMPBELL—Je ne le crois pas. Cependant, si l'hon. monsieur désire une information, je le prie de remettre sa demande à un autre jour. Si toutes ces questions ne sont pas faites pour entraver les délibérations, mais bien dans un but d'utilité, je me mettrai en mesure d'y répondre aussi amplement que possible. (Écoutez ! écoutez !) Je suis convaincu, d'ailleurs, que personne parmi les honorables membres ne voudrait faire de questions pour retarder le progrès de la mesure, mais seulement pour se renseigner sur certains points.
L'HON. M. SIMPSON — Jamais pareille idée ne m'est venue, et la question que je viens de faire m'a été suggérée par les explications que nous avons entendues. Cependant, comme je suis debout, je me permettrai d'en faire une autre. Je n'entends pas vouloir discuter sur la somme que le Haut-Canada doit donner au gouvernement général en vertu de c. projet, mais il me parait singulier qu'en faisant ces compensations, la conférence les ait données toutes aux provinces d'en bas. Pourquoi n'avoir pas pourvu à ce qu'il faut d'argent au Nouveau-Brunswick par une taxe directe, et les colonies auraient ainsi été mises sur un pied d'égalité. (Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. ROSS — Parce que ces chemins de fer du Nouveau-Brunswick contribueront au revenu du gouvernement général.
L'HON. M. SIMPSON— Comment donc, puiqu'ils ne rapportent rien ?
L' HON. M. ROSS — Ils rapportent quelque chose aujourd'hui, et plus tard ils rapporteront davantage. C'est à mon point de vue individuel que je parle ainsi, et je n'affirme rien sur d'autres données que celles à la disposition de la chambre.
L' HON. M. SIMPSON.—Et moi de même, bien que je trouve mon objection valable.
L' HON. M. ROSS. — Quant au droit d'exportation de la houille de la Nouvelle- Ecosse, on voit par les résolutions que l'équivalent donné au Haut-Canada pour ce revenu est le droit sur les bois de la couronne.
' L'HON. M. SIMPSON. -—Et puis, que dites-vous des droits de pêche donnés aux provinces maritimes ?
L' HON. M. ROSS.—On en parlera tout à l'heure. Je ne répond qu'à une question maintenant. C'est à la place du droit que nous prélevons sur les bois, et connue sous le nom de droits sur coupe (stumpage dues) que la Nouvelle-Ecosse est autorisée à prélever un droit d'exportation sur la houille. L'hon. monsieur secoue la tête, mais c'est le cas.
L'HON. M. SIMPSON.—Ce n'est pas sur la souche que nous prélevons des droits, mais à mesure que le bois carré passe par les glissoires.
L'HON. M. ROSS.—Bien ; ce n'est toujours pas un droit d'exportation ; mais au Nouveau-Brunswick, il paie un droit lorsqu'il est exporté, soit comme billots de sciage ou comme bois carré ; dans les deux cas il paie un droit au gouvernement local, et il me paraît que raisonnable que la Nouvelle- Ecosse jouisse d'un revenu de ses houilles, n'importe où elles sont exportées. (Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. M. MOORE.—Si la houille était exportée à l'étranger, je pourrais comprendre pourquoi un droit devrait être imposé, mais lorsqu'un navire se sera chargé de cet article dans un port de la confédération pour l'acheminer dans un autre port du même pays, cela ne paraît guère devoir être une confédération libre, si un droit doit être exigé sur le chargement. ( Ecoutez ! écoutez ! ) Une distinction semblerait alors exister, une colonie aurait ainsi une préférence sur l'autre dans les limites de la confédération. Si nous devons former une union, j'espèr que nous l'aurons de fait et non pas seulement de nom. Je désire savoir au juste si 163 un droit d'exportation sera prélevé sur les houilles de la Nouvelle-Ecosse, qu'elles soient à destination d'une autre partie de la confédération ou d'un pays étranger.
L'HON. M. CAMPBELL.—Le droit perçu sur les houilles dans la Nouvelle- Ecosse est analogue au droit sur coupe de bois en Canada, lequel est payé là où le bois est exporté. Il pourrait donc être juste que le charbon contribuât au revenu du gouvernement local de la Nouvelle-Ecosse, lorsqu'il est exporté dans une autre province. (Ecoutez ! écoutez! )
L'HON. M. REESOR. —Il est plusieurs autres dispositions du projet qui paraissent ambiguës, et avant que le temps de les discuter soit venu, il serait utile qu'elle fussent clairement expliquées, par exemple, dans le 11me article de la 29me résolution, il est déclaré que le parlement général aura le pouvoir d'édicter des lois concernant " tous les travaux qui, bien que situés dans une seule province, seront spécialement déclarés, dans les actes qui les autoriseront, être d'un avantage général. " D'après cette disposition, il semblerait que des travaux comme le canal Welland, qui contribue pour une très grande part du revenu, seront sous le contrôle du gouvernement général ; et si cela était, il y aurait là, assurément, une compensation suffisante —c'est-à-dire cinq fois plus grande—pour les chemins de fer donnés par le Nouveau-Brunswick, sans mettre en compte la subvention annuelle de $63,000, que l'on propose de faire à cette province.
L'HON. M. MACPHERSON.—Le prix de revient de ces travaux forme partie de la dette publique du Canada, au paiement de laquelle contribueront les provinces inférieures sous la confédération.
L'HON. M. CAMPBELL.—L'hon. membre verra qu'il est des travaux qui, bien que locaux par leur position géographique, sont généraux dans leur caractère et résultats. Ces travaux deviennent la propriété du gouvernement général. Le canal Welland est un de ceux-là, malgré sa position, parce qu'il est d'un intérêt général pour tout le pays et une des principales voies de communication entre les lacs de l'ouest et la mer. Dans les provinces maritimes, il peut se trouver d'autres travaux de cette nature, et il n'est pas sûr de dire que certains travaux n'appartiendront pas au gouvernement général parce qu'ils sont situés en une province.
L'HON. M. REESOR—Je ne m'oppose pas à ce que le gouvernement général ait le contrôle de ces travaux ; je trouve plutôt cette disposition sage ; mais je persiste à dire qu'il est injuste que l'on stipule expressément qu'une forte somme annuelle sera payée à une province en échange de certains travaux, tandis qu'on s'empare des canaux de Welland et du St. Laurent sans compensation aucune pour les provinces où ils se trouvent. Je pense que c'est payer les violons un peu trop cher. A l'égard du droit d'exportation sur les minerais de la Nouvelle- Ecosse, la réponse du commissaire des terres n'est pas non plus satisfaisante. Quels que soient les droits prélevés sur les minérais en Canada—et le Canada, bien qu'il ne renferme pas de houille, est riche en mines d'or, d'argent, de cuivre, de fer, etc.,—sous forme de droit régalien ou autrement, ils vont au gouvernement général, tandis que dans la Nouvelle-Ecosse ils sont laissés au gouvernement local.  
L'HON. M. ROSS—Non ; ils n'iront pas au gouvernement général.  
L'HON. M. REESOR.—Pourtant, il n'y a rien au contraire dans les résolutions, et vous pouvez être certains que l'on insistera à connaître n'importe quels revenus le gouvernement général pourra réclamer sous la constitution projetée.
L'HON. M. CAMPBELL—En parlant du canal Welland et d'autres, mon hon. ami a objecté à ce que certains travaux fussent considérés comme appartenant au gouvernement général par rapport à leur position géographique.
L'HON. M. REESOR. —Je ne dis pas qu'ils ne doivent pas devenir propriété du gouvernement général, mais bien qu'ils sont une suffisante compensation pour les travaux cédés par les provinces inférieures sans leur donner encore une somme de $63,000 par année à prendre sur le revenu général.
L'arrivée d'un message de l'assemblée législative interrompt ce débat, et la chambre ajourne ensuite sans le continuer.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

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