EN
🔍

Assemblée Législative, 16 Février 1865, Provinces de L'Amerique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

248

ASSEMBLÉE LÉGISLATIVE.

Jeudi, 16 février 1865.
L'HON. A. A. DORION— M. l'ORATEUR, j'aurais désiré adresser la parole à la chambre en français, ce soir ; mais comme un grand nombre de membres ne comprennent pas cette langue, et d'un autre côté, comme presque tous les membres franco-canadiens comprennent l'anglais, j'espère que l'on m'excusera si je m'exprime dans cette langue. En me levant en cette occasion pour adresser la parole à la chambre sur l'importante question qui nous est soumise, je dois dire que je le fais avec un embarras plus qu'ordinaire, non seulement à cause de l'importance du sujet de nos délibérations, mais encore parce que je me vois forcé de différer d'opinion avec un grand nombre de ceux avec lesquels j'ai été habitué à marcher depuis que je suis entré dans le vie publique. Cependant, M. l'ORATEUR, lorsque je considère les questions soulevées par les résolutions soumises par le gouvernement, je trouve que, soit qu'elles aient un caractère purement politique,- comme la proposition de restreindre l'influence et le contrôle du peuple sur la législation du pays en substituant une chambre nommée par la couronne au conseil législatif électif,—ou qu'elles soient d'une nature 249 purement commerciale, comme celle qui a rapport au chemin de fer intercolonial, ou soit sur la plus importante question de la confédération elle-méme,—j'entretiens encore les mêmes opinions que celles que je partageais en commun avec d'autres membres qui, depuis, ont changé les leurs sur ces sujets. (Ecoutez ! écoutez !) Et comme je n'ai entendu, depuis l'ouverture des débats, donner aucune raison pour justifier le changement que l'on propose d'introduire dans la constitution de la chambre haute, qui n'ait pas été pleinement discutée en 1856,— lorsqu'il a été décidé, par une immense majorité de cette chambre, que le système électif devait prévaloir ; —comme je n'ai entendu donner aucune raison pourquoi nous devons engager notre crédit ou nos ressources pour la construction du chemin de fer intercolonial, même avant d'avoir aucune estimation de co qu'il coûtera, qui n'ait pas été présentée en 1862, lorsque la question est venue devant le pays,—ni aucune raison pour justifier une union intercoloniale, qui n'ait pas été donnée en 1858, lorsque le ministre des finances actuel a attiré l'attention des autorités impériales sur cette question, —je ne vois pour quel motif ces différents sujets, qui étaient alors presque universellement répudiés, devraient être regardés aujourd'hui d'un œil plus favorable par le peuple de ce pays. Je ne vois pas pourquoi ces mesures naguère si généralement repoussées seraient aujourd'hui vues avec plus de faveur lorsqu'elles sont réunies en un seul projet et accompagnées de nouvelles charges style sur le peuple ; je ne puis comprendre pourquoi, moi et d'autres membres de cette chambre changerions nos opinions simplement parce que d'autres ont chargé les leurs, lorsque nous ne croyons pas, consciencieusement, que ce changement serait à l'avantage du pays. Je dis donc que j'ai parfaitement le droit d'avoir aujourd'hui les opinions que j'ai toujours entretenues. (Ecoutez !) Ce projet est soumis pour deux motifs : d'abord, à cause de la nécessité de faire face aux dificultés constitutionnelles qui sont survenues entre le Haut et le Bas-Canada, à raison de la demande toujours croissante de la part du Haut-Canada pour obtenir la représentation basée sur la population—et, en second lieu, à cause de la nécessité de mettre le pays sur un meilleur pied de défense qu'il n'est aujourd'hui. Ce sont là les deux seuls motifs que l'on nous ait donné pour justifier les propositions qui nous sont soumises, et je vais tâcher d'expliquer mes vues et opinions sur ces deux sujets, ainsi que sur le projet en général.—J'espère qu'en parlant de la première question, l'on permettra de remonter un peu à l'origine de l'agitation qui a en lieu à propos de la représentation basée sur la population, car je me le dois à moi-même, et je le dois à mes commettants et au pays. L'on s'est servi de mon nom sous différents prétextes. L'on a dit parfois que j'étais entièrement favorable à la représentation basée sur la population ; en d'autres temps, on a dit que j'étais entièrement favorable à la confédération des provinces ; et je vais maintenant essayer de dire aussi explicitement que possible quelles ont toujours été et quelles sont encore mes opinions sur ces sujets. (Ecoutez !) La première fois qu'il a été question de représentation basée sur la population en cette chambre, de la part du Haut-Canada, c'est, je crois, durant la session de 1852, alors que le parti conservateur s'en empara, et que Sir ALLAN MAONAB, proposa des résolutions en faveur de ce principe. Nous voyons qu'à cette époque tout le parti conservateur était en faveur de ce changement constitutionnel. La question avait été agitée auparavant de la part du Bas-Canada, mais les membres du Haut- Canada s'y étaient tous opposés. Je pense que deux votes ont été pris en 1852, et dans l'une de ces occasions, l'hon. procureur- général Ouest (M. J. A. MACDONALD) a voté en faveur du principe. La question était survenue d'une manière incidente. En 1854, la coalition MACNAB-MORIN eut lieu, et l'on n'entendit plus parler de représentation basée sur la population de ce côté, c'est-à- dire, de la part du parti conservateur qui, depuis cette époque, s'y est constamment opposé. Elle fut cependant reprise par l'hon. président du conseil actuel (M. BROWN), qui, apportant au service de cette cause l'énergie et la vigueur qui le distinguent, fit une telle agitation en sa faveur qu'elle nous menaçe presque d'une révolution. À mesure que l'agitation augmentait dans le pays, le vote de cette chambre s'accrut en proportion, et j'ai plus d'une fois exprimé mon opinion sur ce sujet. Je n'ai jamais éludé la question ; je n'ai jamais hésité a dire qu'il fallait faire quelque chose pour satisfaire class aux justes réclamations du Haut-Canada, et qu'en principe la représentation basée sur la population était juste. Mais en même temps j'ai toujours dit qu'il y avait des raisons qui empêchaient le Bas-Canada de pouvoir y 250 consentir, et j'engageais les représentants du Bas-Canada à se montrer prêts à répondre aux demandes du Haut-Canada en faisant une contre-proposition ; et, en 1856, lorsque le parlement siégeait à Toronto, je suggérai pour la première fois que l'un des moyens de surmonter les difficultés seraient de substituer à l'union législative actuelle une confédération des deux Canadas, au moyen de laquelle les questions locales seraient soumises aux délibérations des législatures locales, avec un gouvernement central ayant le contrôle sur les questions commerciales et autres questions d'intérêt commun en général. Je dis que, considérant les différences de race, de religion, de langage et de lois qui existaient dans les deux sections du pays, c'était là le meilleur moyen de faire disparaître ces difficultés,—c'est-à-dire, de laisser à un gouvernement central les questions de commerce, de banque, de cours monétaire, de travaux publics d'un caractère général, etc , et de laisser à la décision des législatures locales, toutes les questions locales. En même temps, je disais que si ces vues n'étaient pas acceptées, je serais certainement en faveur de la représentation basée sur la population, avec des conditions et garanties qui protégeraient les intérêts de chaque section du pays et conserveraient au Bas-Canada les institutions qui lui sont chères. (Ecoutez.) Ce discours a été torturé et tourné en tous sens. Je l'ai vu cité pour prouver que j'étais en faveur de la représentation basée sur la population pure et simple ; je l'ai vu cité pour prouver que j'étais en faveur de la confédération des provinces, et pour prouver beaucoup d'autres choses, suivant les besoins de l'occasion en de ceux qui le citaient. (Ecoutez ! et rires.) La première fois que la question a été mise à une épreuve pratique, ç'a été en 1858. Lors de la résignation du gouvernement MACDONALD-CARTIER, le gouvernement BROWN-DORION fut formé, et it fut convenu entre ses membres que la question constitutionnelle devait étre abordée et réglée, soit au moyen d'une confédération des deux Canadas, soit par la représentation basée sur la population avec des contrepoids et garanties qui assureraient la foi religieuse, les lois, la langue et les institutions particulières de chaque section du pays contre tout empiètement de la part de l'autre. Ce sujet se présents de nouveau à la fin de 1859, lorsqu'eût lieu la Convention de Toronto. Je dois dire, cependant, que lorsque l'hon. président du conseil insistait aussi fortement pour que la représentation basée sur la population fut prise comme moyen de régler la question constitutionnelle, je voyais, d'un autre côté, la difiiculté de l'accepter, méme avec ces contrepoids et garantie, et je proposai la confédération des deux provinces. Mais notre administration fut de si courte durée que nous n'eûmes pas le temps de discuter la question à fond. Cependant, il avait été entendu que si nous pouvions en arriver à une décision sur l'un des deux modes, le résultat de nos délibérations serait présenté comme la solution des maux dont se plaignait le Haut-Canada ; mais il était bien entendu aussi que je ne m'engageais pas à faire passer une pareille mesure dans la chambre sans être sûr que je serais supporté par une majorité du Bas- Canada. Je n'aurais jamais voulu essayer de faire un changement dans la constitution du pays sans m'assurer si la population de la section de la province que je représentais était en faveur d'un pareil changement. (Ecoutez !) Mais pour en revenir à la Convention de Toronto, je dirai que j'avais été invité à y assister, mais bien que je ne pus le faire, certaines communications furent échangées ; une assemblée des membres libéraux du Bas-Canada eut lieu, et un rapport fut fait à la suite de cette réunion, signée par l'hon. ministre de l'agriculture (M. MCGEE), l'hon. M. DESSAULLES, l'hon. M. DRUMMOND et moi-même. Ce document fut publié afin d'exposer les vues et opinions que nous entretenions sur le règlement des difficultés. De prétendus extraits de ce document comme de mon discours ont été donnés et falsifiés, dans la presse et ailleurs, pour prouver toute espèce de choses comme étant mes vues ; mais je puis démontrer clairement que la proposition qu'il contient était exactement la même que celle qui avait été faite en 1858, savoif : la confédération des deux provinces, avec une autorité collective pour la régie des affaires générales de toutes deux. A cette époque, de même qu'à l'époque de la formation du ministère BROWN-DORION, plusieurs suggestions furent faites pour mettre à effet le plan de confédération des deux Canadas. Quelques-uns pensaient qu'il vaudrait mieux former deux législatures distinctes : une législature locale pour le Bas-Canada, une autre semblable pour le Haut-Canada, et une législature générale pour les deux. D'autres suggéraient l'idée que la même législature pourrait répondre à 251 tous les besoins ; que le même corps pourrait se réunir et délibérer sur les questions d'intérêt commun, et que les membres de chaque section pourraient alors se séparer et discuter toutes les affaires locales. D'autres disaient encore que l'on obtiendrait le même résultat en n'ayant qu'une seule législature, mais en insistent pour qu'aucune loi affectant exclusivement l'une ou l'autre section de la province ne pût être passée a moins de réunir en sa faveur une majorité des représentants de la section qu'elle affecterait. Ces trois plans furent suggérés: le premier était d'avoir deux corps législatifs distincts, l'un pour les affaires générales, l'autre pour les affaires locales ; le second était d'avoir une seule législature, dont les parties auraient le droit de siéger séparément sur les affaires locales, après que les affaires générales auraient été expédiées ; le troisième était de n'avoir qu'un seul corps, mais de décréter qu'aucun acte de législation d'une nature locale n'aurait d'effet sans le consentement d'une majorité des représentants de la province intéressée. (Ecouter!) Le document dont j'ai parlé tout a l'heure, et publié en octobre 1859, contenait ce qui suit sur le sujet :
" Votre comité s'est donc convaincu que, soit que l'on considère les besoins présents ou l'avenir du pays, la substitution d'un gouvernement purement fédéral à l'union législative actuelle offre la véritable solution de nos diflicultés, et que cette substitution nous ferait éviter les inconvénients tout en conservant les avantages que peut avoir l'union actuelle. La proposition de former une confédération des deux Canadas n'est pas nouvelle. Elle a été souvent agitée dans le parlement et dans la presse depuis quelques années. L'exemple des Etats voisins, où l'application du système fédéral a démontré combien il était propre au gouvernement d'un immense territoire, habité par des peuples de différentes origines, croyances, lois et coutumes, a en sans doute suggéré l'idée ; mais ce n'est qu'en 1856 que cette proposition a été énoncée devant la législature, par l'opposition du Bas-Canada, comme offrant, dans son opinion, le seul remède efficace aux abus produits par le système actuel."
Le document disait plus loin :
" En définissant les attributions des gouverne ments locaux et du gouvernement fédéral, il faudrait ne déléguer à ce dernier que celles qui seraient essentielles aux fins de la confédération, et, par une conséquence nécessaire, réserver aux subdivisions des pouvoirs aussi amples et aussi variés que possible. Les douanes, les postes, les lois pour régler le cours monétaire, les patentes et droits d'auteurs, les terres publiques, et ceux d'entre les travaux publics qui sont d'un intérêt commun pour toutes les parties du pays, devraient être les principaux, sinon les seuls objets dont le gouvernement fédéral aurait le contrôle, tandis que tout ce qui aurait rapport aux améliorations purement locales, à l'éducation, à l'administration de la justice, à la milice, aux lois de la propriété et de police intérieure, serait déféré aux gouvernements locaux, dont les pouvoirs, en un mot, s'étendraient à tous les sujets qui ne seraient pas du ressort du gouvernement général."
L'Hon. Proc.-Gén. MACDONALD — Quel est le document que cite mon bon ami?
L'Hon. A. A. DORION— Je traduis du document publié par les libéraux du Bas- Canada en 1859. Il continue:
" Le système que l'on propose ne pourrait aucunement diminuer l'importance de cette colonie ni porter atteinte à son crédit, tandis qu'il offre l'avantage précieux de pouvoir se prêter à toute extension territoriale que les circonstances pourraient, par la suite, rendre désirable, sans troubler l'économie générale de la confédération."
Eh bien ! M. l'ORATEUR, je n'ai pas un seul mot de tout ceci à rétracter. J'ai encore les mêmes idées, les mêmes opinions. Je pense encore qu'une union fédérale du Canada pourrait s'étendre plus tard de manière à englober d'autres territoires a l'est ou à l'ouest ; qu'un paroil système est parfaitement adapté à la posibilité d'un accroissement de territoire sans troubler l'économie du gouvernement fédéral ; mais je ne puis comprendre comment cette phrase si claire peut avoir été interprétée par l'hon. président du conseil, ou par aucun des membres de l'autre chambre qui ont parlé sur le sujet, comme étant une indication que j'aie jamais été en faveur d'une confédération avec les autres provinces britanniques. Il n'y a absolument rien dans tout ce que j'ai dit ou écrit qui puisse être interprété comme démontrant que j'aie jamais été en faveur d'une pareille proposition. Au contraire, chaque fois que la question s'est présentée, je l'ai combattue. J'ai toujours dit qu'une pareille confédération ne pouvait causer que trouble et embarras ; qu'il n'y avait ni relations sociales, ni relations commerciales entre les provinces que l'on veut unir, en un mot qu'il n'y avait rien qui pût justifier leur union dans les circonstances actuelles. Nécessairement, je ne veux pas dire que je serai toujours opposé à la confédération. La population peut s'étendre et couvrir les forêts vierges qui existent aujourd'hui entre les provinces maritimes et le Canada, et les relations commerciales peuvent s'attendre de manière à rendre la confédération désirable.—Mes discours ont été parades dernièrement dans tous les journaux minitérials,  — 252 ils ont été tronqués, mal traduits et même faisifiés,—afln de faire croire au public qu'autrefois j'avais des opinions différentes de celles que j'ai maintenant. Un journal firançais a dit que " j'appelais de tous mes vœux la confédération ee provinces." Mais je dis ici, comme je l'ai dit en 1856, et comme je l'ai dit en 1861, que j'ai toujours été et que je suis encore opposé à la confédération. Je vois dans le Mirror of Parliament, qui contient un rapport de mon discours,—bien que ce rapport soit très mauvais,—que j'ai dit en 1861: " Il peut venir un temps où il sera nécessaire d'avoir une confédération de toutes les provinces ... mais le temps n'est pas encore arrivé pour un pareil projet." C'est la le discours que l'on a représenté comme signifiant que j'appelais la confédération de tous mes vœux, que rien ne me ferait plus plaisir. Eh quoi ! j'ai dit explicitement que bien qu'il pourrait arriver un temps où la confédération pourrait être nécessaire, elle n'était pas désirable dans les circonstances actuelles ! (Ecoutez !) En 1862, je n'étais pas en parlement. L'administration CARTIER-MACDONALD fut renversée, et mon hon. ami le député de Cornwall (M. J. S. MACDONALD) fut appelé à en former une nouvelle. Il s'adresse a l'hon. M. SICOTTE pour organiser la section bas- canadienne, tandis qu'il entreprenait lui- même de former celle du Haut-Canada. La question de la représentation basée sur la population se présenta de nouveau, et, cette fois, pour être réglée par le parti libéral du Haut-Canada, qui avait voté en sa faveur d'année en année ;—et lorsque j'arrivai à Québec, où j'avais été appelé par la voie du télégrapbe, je trouvai que la question était réglée, et que la politique du nouveau gouvernement était que la représentation basée sur la population était exclue du programme ministériel. (Ecoutez !) Le parti libéral du Haut-Canada,— à ma grande surprise, je dois le dire,—avait décidé que cette question n'était d'aucune importance, qu'il monterait au pouvoir exactement comme le arti conservateur l'avait fait auparavant dans une circonstance semblable, en 1854, et que les membres libéraux avait décidé de soutenir une administration qui avait clos cette question, c'est-à-dire une administration dont tous les membres s'étaient engagés à voter contre la représentation basée sur la population. (Ecoutez !)
M. Rankin — Non, non!
L'Hon. A. A. DORION—Si ce n'est pas le cas, j'ai été mal renseigné ; mais j'ai certainement compris que l'administration avait été formée avec l'entente que chacun de ses membres voterait contre la représentation basée sur la population chaque fois qu'elle se présenterait, et que le parti libéral du Haut-Canada supporterait cette administration ainsi formée. Dans tous les cas, le parti libéral du Haut-Canada a supporté pendant onze mois un gouvernement qui était engagé à exclure la représentation basée sur la population de la catégorie des questions libres, et à mettre cette question de côté.
M. MACKENZIE ( de Lambton )- Non, Non !
L'HON. A. A. DORION—J'entends un hon. membre dire que ce n'est pas le cas, ou qu'il n'a pas consenti à mettre de côté la question de la représentation basée sur la population ; mais s'il ne l'a pas fait alors, ne l'a-t-il pas fait depuis? Il a déclaré dans une assemblée publique, il y a quelques jours, que la représentation basée sur la population n'était plus le remède qu'il fallait au Haut- Canada. Les membres du Haut-Canada qui entrèrent dans l'administration MACDONALD- SICOTTE avaient certainement abandonné la représentation basée sur la population, puisque chaque membre de cette administration était obligé de voter contre cette question. L'hon. secrétaire provincial a dit publiquement à Ottawa, en janvier 1864, qu'elle avait été abandonnée par le parti libéral lors de la Convention de Toronto en 1860, et bien qu'il ait été a cette époque ouvertement attaqué par le Globe et par les membres du parti qui regardent le Globe comme leur évangile politique, il a aujourd'hui la satisfaction de voir l'hon. membre pour Lambton et quelques autres, qui autrefois avaient des opinions très-exclusives sur cette question, reconnaître, comme ils l'ont fait à une assemblée publique qui a eu lieu à Toronto il y a environ trois semaines, qu'eux aussi considéraient que la représentation basée sur la population appliquée au Canada n'était pas un remède pour le Haut-Canada, que ce n'était pas une mesure sur laquelle les libéraux devaient insister, et qu'elle avait été on devait ȇtre abandonnée. (Écoutez et rires.) Oui, la question a été en effet abandonnée lorsque, en novembre 1859, six cents délégués de toutes les parties du Haut-Canada se rendirent à la Convention réformiste de Toronto, et convinrent de demander une confédération des deux provinces, en donnant a chacune d'elles une législature locale, avec quelque autorité collective pour les affaires générales communes a toutes deux.  L'hon. 253 membre qui est à ma gauche était présent à cette convention.
L'HON. M. HOLTON—Oui, j'y étais.
L' HON. A. A. DORION—Et l'hon. membre m'a dit qu'il n'avait jamais vu une réunion d'hommes plus respectables, plus instruits et plus intelligents, pour discuter les questions publiques. Mais ce projet n'a pas attiré beaucoup d'attention en dehors de la Convention. Il n'a eu aucun effet sur l'esprit public. Peu de temps avant, en 1858, le ministre des finances actuel, qui siégeait alors sur les bancs du centre, avait fait un discours de deux ou trois heures, dans lequel il avait exposé et avocassé, avec toute la force et l'habileté qui le distinguent, la confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord. Il fut alors secondé par l'hon. ministre de l'agriculture; et plus tard, en devenant membre de l'administration CARTIER-MACDONALD, il se rendit en Angleterre et attira l'attention du gouvernement impérial sur le projet de la confédération de toutes ces provinces. L'hon. ministre des finances ne reçut pas une réponse très encourageante, et celle qu'il reçut du pays le fut encore moins. Il ne reçut pas mȇme de réponse à son discours, malgré toute l'habileté qu'il y avait déployée.
L' Hon. M. HOLTON—Il n'a jamais osé proposer de résolution au parlement.
L HON. A. A. DORION — Bien que l'administration fût formée avec l'entente d'effectuer la confédération de toutes les provinces, et que ce fût là le principal article de son programme, elle n'a jamais osé soumettre la question au parlement. (Ecoutez !) Plus tard, en 186l, l'hon. membre pour South Oxford proposa une motion basée sur la résolution adoptée à la Convention de Toronto; je parlai et votai en faveur de sa motion. Elie s'accordait parfaitement avec un avis que j'avais donné en 1856, et qui a été lu ici, il y a quelques jours, par l'hon. président du conseil, et avec mes déclarations souvent réitérées que j'étais pret à adopter quelque mesure qui serait de nature à faire disparaître les difficultés existantes, sans faire d'injustice à l'une ou l'autre section. Mais tout en étant prêt à rendre justice au Haut-Canada, j'ai toujours déclaré que je ne voulais pas le faire en sacrifiant les intérêts du Bas-Canada, ou en le mettant dans la position d'avoir à mendier quelque justice de la part de l'autre province. (Ecoutez !) J'ai toujours dit que la différence de religion entre les populations des deux provinces, de meme que la différence de leur langue, de leurs lois, et même de leurs préjugés,—car il y a des préjugés qui sont respectables et qui doivent être respectées,—empêcherait tout membre du Bas-Canada représentant un comté français de voter pour la représentation basée sur la population pure et simple, et par là de placer la population du Bas-Canada dans la position d'avoir à se fier, pour la protection de ses droits, à la population du Haut-Canada qui aurait par ce moyen la majorité dans la législature. (Ecoutez !) Il se fait actuellement un mouvement, parmi la population protestante anglaise du Bas-Canada, pour obtenir quelque protection et garantie pour ses établissements d'éducation dans la province, dans le projet de confédération, s'il était adopté ; et loin de l'en blâmer, je la respecte davantage à cause de l'énergie qu'elle déploie pour la protection de ses intérêts distincts. Je sais que les majorités sont naturellement aggressives, et combien la posseseion du pouvoir engendre de despotisme, et je puis comprendre comment une majorité maintenant animée des meilleurs sentiments envers la minorité, pourrait, dans six ou neuf mois d'ici, vouloir abuser de son pouvoir et empiéter sur les droits de cette minorité. Nous savons aussi quel mécontentement une pareille conduite produirait. Je crois qu'il n'est que juste que la minorité protestante soit protégée dans ses droits pour tout ce qui lui est cher comme nationalité distincte, et qu'elle ne devrait pas être laissée à la discrétion de la majorité sous ce rapport. Pour cette raison je suis prêt à rendre à mes concitoyens protestants du Bas-Canada la plus ample justice, et j'espère voir leurs intérêts comme minorité garantis et protégés dans tout projet qui pourra être adopté. Avec ces vues sur la question de la représentation, je me suis prononcé en faveur d'une confédération des deux provinces du Haut et du Bas-Canada, comme étant le meilleur moyen de protéger les divers intérêts des deux sections. Mais la confédération que je demandais était une confédération réelle, donnant les plus grands pouvoirs aux gouvernements locaux, et seulement une autorité déléguée au gouvernement général,—différant totalement sous ce rapport de celle qui est aujourd'hui proposée, et qui donne tous les pouvoirs au gouvernement central, en réservant aux gouvernements locaux le moins de liberté d'action possible.  Il n'y a rien dans tout ce que j'ai 254 jamais dit ou écrit qui puisse être interprété comme favorisant une confédération de toutes les provinces. Je m'y suis toujours opposé. Je ne crois pas commettre d'indiscrétion en disant que dans les conversations que j'ai eues avec le président du conseil avant son entrée au pouvoir,—puisqu'il en a parlé lui-méme dans un discours qu il a fait lors de sa réélection pour South Oxford,— j'ai positivement refusé d'appuyer aucune proposition pour la confédération de toutes les provinces. Dans ce discours, le président du conseil disait:
"Avant que les négociations ne fussent entamées, j'invitai les bon. MM. DORION et HOLTON à agir, mais ils refusèrent. J'éprouvai tout le chagrin de ce refus, mais ils ne me laissaient aucune ressource. Lorsque le gouvernement ne posa la question, je lui répondis que je voulais avoir six membres—quatre du Haut et deux du Bas-Canada. Lorsqu'il me demanda combien de partisans j'amènerais du Bas-Canada, je répondis que puisque M. DORION n'agissait pas, je ne pouvais en amener aucun."
Ainsi, monsieur, j'ai la meilleure preuve possible pour réfuter l'accusation que j'étais en faveur de la confédération de toutes les provinces, dans le fait que, avant même qu'il fût question de savoir qui entrerait dans le gouvernement, j'ai déclaré, et cela en présence de plusieurs membres ici présents, que je ne voulais avoir rien à faire avec cette question, parce que je ne croyais pas qu'il serait de l'intérêt du pays d'avoir une pareille confédération, au moins quant à présent. (Ecoutez !) Maintenant, monsieur, je crois avoir démontré que je n'ai favorisé ni la représentation basée sur la population pure et simple, ni la confédération de toutes les provinces. Et lorsque les hon. messieurs disent que la nécessité de régler la question de la représentation a été la cause de ce projet de confédération, ils commettent une grave erreur. Rien n'est plus éloigné de la vérité. (Ecoutez !) La question de la représentation était presque entièrement abandonnée ; elle était usée ; il n'y avait pas d'agitation à ce sujet, et il y en avait certainement moins qu'il n'y en avait eu à aucune époque depuis dix ans. Le député de South Oxford, après avoir adopté les vues de la Convention de Toronto, persistait encore à demander la représentation basée sur la population ; mais les idées étaient tellement changées qu'il put à peine soulever un débat sur la motion qu'il fit durant la dernière session pour obtenir un comité chargé d'examiner les dificultés constitutionnelles.
Il y avait une autre cause de ce plan de confédération auquel on a donné pour prétexte la question de la représentation basée sur la population. Elle n'est pas aussi bien connue, mais elle était beaucoup plus puissante. En 1861, M. WATKIN fut envoyé d'Angleterre par la compagnie du chemin de fer du Grand Trone. Il vint dans le but bien arrêté de faire une forte demande d'aide pécuniaire ; mais dans l'état où se trouvait alors l'esprit public, il s'aperçut bien qu'il ne pouvait pas espérer l'obtenir. Pensant que s'il pouvait seulement mettre quelque nouveau projet sur le tapis qui pourrait donner un prétexte décent à un gouvernement bien disposé, il obtiendrait tranquillement l'aide dont il avait besoin, il partit immédiatement pour les provinces d'en-bas et revint après y avoir engagé les gens à ressusciter la question du chemin de fer intercolonial.  Il trouva facilement des gens prêts à travailler en faveur de ce chemin, pourvu que le Canada en payât la façon. (Ecoutez ! et rires.) Une réunion de délégués ont lieu ; des résolutions furent adoptées, et une demande fut faite au gouvernement impérial pour en obtenir une forte contribution, sous forme d'indemnité pour le transport des troupes sur le chemin. M. WATKIN et M. VANKOUGHNET, qui était alors membre de l'administration, passèrent en Angleterre à propos de ce projet ; mais les autorités impériales n'étaient pas disposées à accorder l'aide réclamée, et elles rejetèrent les propositions qui lui étaient faites. M. WATKIN, bien que déçu dans ses espérances, n'abandonna pas son projet. Il revint en Canada, et à force de persévérance il persuada mon hon. ami qui siége à ma droite (M. J. S. MACDONALD) et d'autres membres de son cabinet, de partager ses vues sur les avantages du chemin de fer intercolonial. Je ne pense pas le moins du monde que mon hon. ami soupçonnût les motifs qui faisaient agir les employés du Grand Tronc, et que leur but était de faire une nouvelle trouée dans le coffre public pour le Grand Tronc (rires) ; mais c'était là en réalité l'origine de la reprise du projet du chemin de fer intercolonial.
L'Hon. J. S. MACDONALD—Nous avons trouvé le projet tout prêt ; il nous avait été laissé comme un legs de l'administration CARTIER-MACDONALD.
L'Hon A. A. DORION—C'est vrai. Le gouvernement MACDONALD-SICOTTE trouva la chose tellement avancée qu'un arrangement avait été fait pour la réunion des délégués 255 des différentes provinces, pour reprendre en considération un nouveau projet de chemin de fer, le premier projet ayant échoué. Lors de cette réunion de délégués, qui eut lieu en septembre 1862, on adopta un nouveau plan pour la construction du chemin de fer intercolonial par lequel le Canada devait payer cinq-douzièmes, et les autres provinces sept-douzièmes du coût. Mais cet arrangement fut tellement impopulaire, lorsque les conditions en furent connues, que si on eût pris un vote, il n'y aurait pas eu dix sur cent de toute la population de Sandwich à Gaspé, qui se seraient prononcés en sa faveur, bien que le Canada ne dût payer que cinq-douzièmes des dépenses. (Ecoutez !) Ce projet n'ayant pas réussi, il fallait trouver quelque autre plan pour donner aide et secours à ce malheureux Grand Tronc, et la confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord se présenta d'elle-même aux officiers du Grand Tronc comme étant le moyen le plus sûr d'entraîner avec lui la construction du chemin de fer intercolonial (Eooutez ! et rires. ) Telle a été l'origine de ce projet de confédération. Les gens du Grand Tronc sont au fond de l'affaire, et je vois qu'à la dernière assemblée des actionnaires de la compagnie, M. WATKIN les a d'avance félicités sur la brillante perspective qui s'ouvrait devant eux, par l'accroissement de valeur qu'obtiendront leurs actions et leurs bons, grâce à l'adoption du projet de confédération et à la construction du chemin de fer intercolonial comme partie de ce projet. (Ecoutez !) Je répète, M. l'ORATEUR, que la représentation basée sur la population a été l'une des moindres causes de ce projet Le gouvernement CARTIER-MACDONALD a été blâmé par la chambre et renversé parce qu'il avait pris, sans autorisation, $100,000 dans le coffre public pour payer une dette du Grand Tronc, à une époque où, depuis une ou deux sessions, il n'y avait pas eu de vote sérieux sur la question de la représentation. Ceux qui l'avaient demandée le plus bruyamment l'avaient laissée tomber. J 'ai été accusé avoir voulu vendre le Bas-Canada, accorder la représentation basée sur la population, et détruire les institutions du Bas-Canada. Il est vrai, M. l'ORATEUR, que je n'ai jamais insulté le Haut-Canada comme l'ont fait quelques- uns de ceux qui m'ont attaqué. Je n'ai jamais comparé la population du Haut- Cauada à autant de morues du golfe. J'ai prouvé, au contraire, quej'avais toujours été prêt à faire droit aux justes réclamations du Haut-Canada, sans toutefois sacrifier les droits du Bas-Canada. (Ecoutez !) Mais du moment que le gouvernement s'est, vu après sa défaite, dans l'obligation ou de résigner ou d'en appeler au peuple, les messieurs de l'autre côté de la chambre, sans qu'il y eût la moindre agitation sur cette question, se préparèrent à embrasser leur plus violent adversaire, et se dirent à eux-mêmes: " Nous allons tout arranger ; nous allons oublier nos diiférends passés, pourvu que nous conservions nos portefeuilles."
L'HON. Proc.Gén. MACDONALD — Ecoutez! écoutez !
L'HON. A. A. DORION—J'entends une voix qui est bien connue dans cette chambre, —la voix de l'hon. proc.—gén. Ouest,—qui dit écoutez ! écoutez ! Mais qu'elle a été la [?] l'hon. membre, l'année dernière, lorsque l'hon. membre pour South Oxford fit nommer un comité auquel fut renvoyée la dépêche écrite par ses trois collègues, l'hon. ministre des finances, le proc.-gén. Est, et l'hon. M. Ross, qui n'est plus ministre aujourd'hui.  Il a voté contre la nomination du comité, et dans le comité il a voté contre le principe de la confédération. (Ecoutez !)
L'Hon. Proc.—Gén. MACDONALD — Ecoutez ! écoutez!
L'HON.  A. A. DORION—Le dernier vote pris dans ce comité le fut vers le milieu de juin, le jour même du vote qui a renversé le ministère, et l'hon. procureur-général  Ouest vota contre le principe de la confédératicn de toutes les provinces, conformément à l'opinion qu'il avait maintes et maintes fois exprimée en cette chambre, qu'il était opposé a toute confédération quelconque. (Ecoutez !) Quand je dis que les hon. messieurs ne s'aperçurcnt que la confédération était une panacée pour tous les maux, un remède à tous les griefs qui pesaient sur le pays, que lorsque leurs portefeuilles furent en danger, c'est que j'arrive à cette conclusion d'après des faits qui sont bien connus de cette chambre. (Ecoutez !) Mais, monsieur l'ORATEUR, il serait peut-être bien peu important que j'aie été autrefois en faveur ou contre la confédération, ou que l'hon. proc.-gén. y ait été favorable ou opposé, si le projet qui nous est proposé était équitable, ou de nature à satisfaire les désirs du peuple de ce pays : mais, comme je l'ai déja dit, ce projet n'était demandé par aucune partie, quelqu'insigni fiante que ce soit, de la population.  Il n'est 256 pas soumis à la chambre comme un projet demandé par le peuple : c'est un moyen adopté par des gens qui sont dans l'embarras et qui veulent en sortir. Les membres du gouvernement CARTIER-MACDONALD ne pouvaient pas en appeler au pays après leur défaite sur la question de savoir s'ils étaient justifiables d'avoir pris $100,000 du coffre public, en sus des millions qu'ils avaient déjà pris sans le consentement du parlement. Il leur fallait donc on abandonner leurs portefeuilles, ou par quelque moyen éluder la question sur laquelle ils avaient été battus. Ils ont mieux aimé abandonner toutes leurs opinions antérieures et se joindre à. l'hon. membre pour South Oxford et proposer un plan de confédération. (Ecoutez !) Je viens maintenant à un autre point, savoir : le projet qui nous est présenté est-il le même que celui qui nous a été [?] l'administration lorsqu'elle à été formée ? Cette question pourrait n'être que d'une légère importance, si la manière dont cette constitution a été préparée n'avait pas eu un très malheureux effet sur le projet lui-même ; mais la chose est d'autant plus grave, que l'on nous dit sérieusement que ce projet, tout inacceptable qu'il soit, ne peut être amendé le moins du monde, et qu'il est soumis comme étant un traité fait entre le gouvernement de ce pays et les délégués des gouvernements de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau- Brunswick, de Terreneuve et de l'Ile du Price-Edouard ; que, comme tel, il ne peut être ni changé ni altéré sur aucun point. (Ecoutez !) Cela veut dire tout simplement que les provinces d'en-bas nous ont fait une constitution et qu'il nous faut l'adopter telle qu'elle est. Ce fait paraîtra encore plus frappant si l'on considère que, comme l'a dit l'hon. membre pour Hastings (M. T. C. WALLBRIDGE), dans la conférence, les votes ont été pris par province, en mettant le Haut et le Bas-Canada, avec leurs 2,500,000 habitants, sur le même pied que l'Ile du Prince-Edouard avec ses 80,000 âmes,—sur le même pied que le Nouveau-Brunswick avec ses 250,000,—et sur le même pied que la Nouvelle-Ecosse avec ses 330,000 âmes.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD - Vous vous trompez entièrement.
L'HON. A. A. DORION—La chose a été admise par l'hon. président du conseil, l'autre soir.
L'Hon. Proc.-Gén MACDONALD- Oh ! non !
L'HON. A. A. DORION — C'est le champion de la représentation basée sur la population qui l'a dit. C'est lui qui est allé à l'Ile du Prince-Edouard et qui lui a demandé de nous préparer une constitution.—(Ecoutez ! et rires.)  Mais afin de faire voir que je ne me trompe pas dans ce que je dis, qne ce projet n'est pas celui qui nous a été annoncé lors de la formation de l'administration,—afin de prouver que l'on ne se proposait pas alors d'amener une pareille mesure, je vais citer les déclarations faites au nom du gouvernement lors des négociations qui ont eu lieu lorsqu'il a été formé. Je lis ce qui suit dans le Morning Chronicle du 23 juin :
MEMORANDUM. ( Confidentiel.)
"Le gouvernement est prêt à déclarer qu'immédiatement après la prorogation, il s'occupera de la manière la plus sérieuse de la négociation pour une confédération de toutes les provinces britanniques de l'Amérique du Nord.
" Que, avenant l'insuccès de ces négociations, il est prêt à s'engager à proposer une mesure législative, à la prochaine session du parlement, en vue de remédier aux difficultés existantes, en recourant au principe fédéral pour le Canada seul, accompagné de dispositions qui permettront aux provinces maritimes et au territoire du Nord- Ouest de s'incorporer ci-après dans le systéme canadien.
" Que, pour la poursuite des négociations et régler les détails de la mesure législative promise, il émanera une commission royale composée de trois membres du gouvernement et de trois membres de l'opposition, dont l'un sera l'hon. M. BROWN, et le gouvernement s'engage à employer toute l'influence de l'administration pour assurer à la dite commission les moyens d'avancer le grand objet en vue."
Ce fut là le premier mémorandum communiqué a l'hon. membre pour South Oxford. Cc mémorandum proposait le plan qui est maintenant devant la chambre ; l'hon. membre pour South Oxford l'ayant repoussé, on en vint à un compromis que l'on trouve dans le second mémorandum qui a été lu à la chambre, et qui est comme suit :
" Le gouvernement est prêt à s'engager à présenter une mesure, à la prochaine session, pour faire disparaître les difficultés existantes en introduisant le principe fédéral en Canada, accompagné d'une disposition qui permettra aux provinces maritimes et au territoire du Nord-Ouest de s'incorporer dans le même système de gouvernement.
" Et le gouvernement cherchera, en envoyant des représentants aux provinces inférieures et en Angleterre, à gagner l'assentiment des intérêts, qui sont hors du contrôle de notre législation, à 267 la mesure qui permettra à toute l'Amérique Britannique du Nord de s'unir sous une législature générale basée sur le principe fedéral."
Il y a une immense différence entre ces deux propositions. La première était que le gouvernement chercherait à obtenir une confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, et que s'il ne réussissait pas il proposerait une confédération des deux Canadas, et cela fut rejeté ; la seconde, qui fut acceptée par le président du conseil, engageait le gouvernement à soumettre une mesure pour la confédération des deux Canadas, avec des dispositions pour permettre l'admission des autres provinces lorsqu'elles jugeraient à propos d'y entrer.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD — Lorsqu'elles seraient prêtes.
L' HON. Pro.-Gén. CARTIER—Tout cela est accompli.
L'HON. A. A. DORION—Mais, monsieur l'ORATEUR, l'on peut me demander, en admettant tout cela, en admettant que le projet qui nous est soumis n'est pas celui qui nous avait été promis, quelle différence peut faire l'admission immédiate des provinces dans la confédération. Je vais tâcher de l'expliquer. Lorsque les ministres ont consenti à laisser prendre dans la conférence les votes par provinces, ils ont donné un grand avantage aux provinces maritimes.—Ce mode de procédure a eu pour résultat la mesure la plus conservatrice qui ait jamais été soumise à la chambre. Les membres de la chambre haute ne doivent plus être élus, mais nommés, et nommés par qui ? par un gouvernement tory ou conservateur pour le Canada, par un gouvernement conservateur dans la Nouvelle— Ecosse, par un gouvernement conservateur dans l'Ile du Prince-Edouard, par un gouvernement conservateur dans Terreneuve !—Le seul gouvernement libéral intéressé dans la nomination des conseillers étant celui du Nouveau-Brunswick, où il y a une administration libérale, dont le sort dépend du résultat d'élections qui se font maintenant dans cette province ! Un pareil projet n'aurait jamais été adopté par la représentation libérale du Haut-Canada! Les habitants du Haut- Canada, au nombre de 1,400,000, avec les 1,100,000 du Bas—en tout 2,500,000—ont été contrôlée par les 900,000 habitants des provinces maritimes. Ne nous a-ton pas dit en propres termes que c'étaient les provinces d'en-bas qui ne voulaient pas de conseil législatif électif ? Si, au lieu d'inviter à une conférence les délégués des provinces d'en-bas, notre gouvernement eût fait ce qu'il s'était engagé de faire, c'est-à-dire, s'il eût lui-même préparé une constitution, il n'aurait jamais osé faire une proposition comme celle qui nous est soumise ;- il n'aurait jamais proposé un conseil législatif nommé à vie, avec un nombre de membres limité, et qui serait nommé par quatre gouvernements torys. En portant à 15 ou 20 ans la moyenne du temps que chaque membre du conseil occupera son siége, il faudra un siècle avant que sa composition ne puisse être changée ! L'on aura un conseil législatif qui sera à jamais—au moins en ce qui regarde cette génération et la suivante— contrôlé par l'influence qui domine ajourd'hui dans notre gouvernement et dans ceux des provinces matimes.  Et va-t-on croire que, comme on le promet dans le document qui nous est soumis, un gouvernement comme celui que nous avons s'occupera faire représenter l'opposition dans le conseil? (Ecoutez ! et rires.) Je remercie les délégués de leur sollicitude à l'endroit de l'opposition, mais je ne compte guères sur leurs promesses.  N'avons-nous pas entendu l'hon. procureur-général Ouest dire l'autre jour en se tournant vers ses partisans: " Si j'avais à recommander des nominations, je conseillerais de choisir les plus qualifiés,—mais, comme de raison, dans mon parti ?" (Ecoutez !) Il en sera ainsi, monsieur;  et si ce précieux projet est mis à exécution, nous aurons un conseil législatif divisé de la manière suivante : pour le Haut-Canada nous aurons probablement des libéraux dans la proportion de 3 à 9, car je suppose que l'hon. membre pour Oxford Sud (M . BROWN) a fait assez de sacrifices pour mériter au moins cette concession, et comme ses amis composent un quart du conseil exécutif, je suppose que nous aurons aussi un quart de libéraux parmi les conseillers législatifs du Haut-Canada.
L'HON. Proc.-Gén.  MACDONALD— Ecoutez! écoutez.
L'HON. M. HOLTON—Juste 25 pour cent.
L'HON. A. A. DORION—Oui, exactement 25 pour cent. Ensuite nous aurons pour la Nouvelle Ecosse, 10 conservateurs, de l'Ile du Prince-Edouard, 4 de plus, et 6 de Terreneuve.  Ainsi, nous aurons 18 conservateurs des provinces d'en-bas, lesquels, ajoutés à 86 du Canada, formeront 54 conservateurs contre 22 libéraux, en supposant 258 que les 10 conseillers du Nouveau-Brunswick seront tous libéraux. Maintenant, en supposant que la moyenne des décès s'élève à trois pour cent par année, il faudra près de 30 ans pour amener un ehangement dans le caractère de la majorité du conseil, en supposant que toutes les additions qui y seront faites soient prises dans les rangs libéraux. Mais cela ne sera guères possible. Dans quelques-unes des provinces d'en-bas, il y aura de temps à autre des gouvernements conservateurs, et il pourrait aussi y avoir parfois un gouvernement conservateur en Canada, (écoutez! et rires,) en sorte que la génération actuelle passera certainement avant que les opinions du parti libéral puissent prévaloir dans les décisions du conseil législatif.
M. A. MACKENZIE—Cela ne fait pas de différence !
L'HON. A. A. DORION—L'hon. membre pour Lambton dit que cela ne fait pas de différence ! L'hon. membre est prêt à tout accepter ; mais pour ceux qui ne sont pas si bien disposés, voici quelle est la différence : c'est que nous allons être liés par cette constitution qui permettra au conseil législatif d'entraver toutes les mesures de réforme qui seront désirées par le parti libéral. Si l'hon. membre pour Lambton pense que cela ne fait pas de différence, je me permettrai de différer d'opinion avec lui, et je pense que le parti libéral en général en différera aussi. Le gouvernement dit qu'il lui a fallu introduire dans le projet certaines dispositions qui ne lui plaisaient pas, afin de s'entendre avec les délégués des provinces d'en-bas, et qu'il s'est engagé envers elles à faire adopter le projet par la chambre sans amendement. L'hon. membre ne voit-il pas qu'il y a une différence maintenant? Si les deux Canadas étaient seuls intéressés, la majorité ferait ce qu'elle voudrait, examinerait minutieusement la constitution, en ferait disparaître toutes les dispositions qui ne lui couviendraient pas, et une proposition comme celle relative au conseil législatif n'aurait aucune chance d'être adoptée :—il y a trop peu de temps que cette chambre a voté, par une écrasante majorité, la substitution d'un conseil électit à un conseil nommé par la couronne. De fait, la chambre nommée par la couronne était tellement tombée dans l'opinion publique,—je ne dis pas que ce fût la faute des hommes qui la composaient,—mais toujours est-il qu'il en était ainsi et qu'elle n'exerçait plus aucune influence. Il était même difficile d'y réunir un quorum. Un changement était devenu absolument nécessaire, et à venir jusqu'à aujourd'hui le système électif a bien fonctionné ; les membres élus sont égaux, sous tous les rapports, aux membres qui étaient ci devant nommés à vie. Eh bien ! c'est juste au mement où l'intérêt commence à s'attacher aux procédés de la chambre haute, que l'on va changer sa constitution pour revenir à celle que l'on a condamnée il y a encore si peu de temps! J'ai dit revenir à l'ancienne constitution. Je me trompe, M. l'ORATEUR, on va substituer à la constitution actuelle une constitution pire que l'ancienne, et telle qu'il est impossible d'en trouver ailleurs une semblable. La chambre des lords, toute conservatrice qu'elle soit, se trouve tout à fait à l'abri de toute influence populaire, il est vrai, mais le nombre de ses membres peut être augmenté sur la recommandation des aviseurs responsables de la couronne, s'il en est besoin, pour assurer le concours des deux chambres ou our empêcher une collision entre elles. La position que ses membres y occupent établit une espèce de compromis entre l'élément populaire et la couronne. Mais la nouvelle chambre de la confédération formera un corps parfaitement indépendant—ses membres seront nommés à vie, et leur nombre ne pourra pas être augmenté ! Combien de temps fonctionnera ce système sans amener une collision entre les deux branches de la législature ? Supposons le cas où la chambre basse se composerait en grande partie de libéraux : combien de temps se soumettre-t- elle à la chambre haute, nommée par des gouvernements conservateurs qui auront profité de leur majorité temporaire pour opérer un changement comme celui que l'on projette? La constitution anglaise a été adoptée dans quelques pays, et là où il y avait une noblesse, comme en France, en 1830, les membres de la seconde chambre ont été choisis parmi cette noblesse.  En Belgique, où la constitution est en quelque sorte un fac simile de la constitution anglaise, mais où il n'y a pas d'aristocratie, on a adopté le principe électif pour la chambre haute, mais l'on n'a fixé nulle part le nombre des membres d'une manière immuable, à moins que le choix ne se fît par l'élection. Un grand nombre de membres de cette chambre doivent se rappeler parfaitement la longue persistance dc la chambre des lords à refuser la réforme parlementaire demendée par le peuple anglais, et quelles sérieuses diffcultés cette 259 résistance faillit entraîner à sa suite. Enfin, en 1832, l'agitation devint telle que le gouvernement résolut de nommer un nombre suffisant de pairs pour assurer la passation du bill de réforme. Les membres de la chambre des lords furent placés dans l'alternative de choisir entre la concession du bill de réforme et la perte de leur influence, par suite de la nomination d'un nombre indéfini de nouveaux pairs. Ils préférèrent consentir à la première de ces mesures et ils mirent ainsi fin à une excitation qui aurait pu produire une révolution, si elle n'avait pas été arrêtée à temps. L'influence de la couronne y fut exercée dans le sens des vues du peuple ; mais ici nous n'aurons aucun tel pouvoir pour modifier l'action de la chambre haute, dont la composition ne pourra être changée, si ce n'est par l'action lente de la mort qui pourra frapper ses membres. J'ose prédire, M. l'ORATEUR, qu'avant longtemps nous nous trouverons placés dans une impasse, et que nous verrons une excitation telle qu'il ne s'en est jamais produit jusqu'à présent dans ce pays. (Ecoutez! écoutez !) Je dis que si cette constitution eût été faite par les membres de notre gouvernement, nous pourrions changer quelques-unes de ses dispositions. Et je ne pense pas qu'il se trouve un seul membre du parti libéral en cette chambre qui oserait se présenter devant ses commettents et leur dire : " Je pouvais laisser le conseil électif, mais j'ai préféré enlever au peuple son influence et son contrôle sur la chambre haute, et j'ai créé un corps entièrement indépendant, dont les membres seront nommés pour la vie par les gouvernements actuels des diverses provinces." Mais non, la constitution a la nature d'un pacte, d'un traité, et ne peut pas être changée! (Ecoutez !) Mais, M. l'ORATEUR, la composition du conseil législatif devient d'une plus haute importance si nous considérons que les gouverneurs des différentes provinces seront nommés par le gouverneur- général, pour cinq ans, et ne pourront être changés à moins de raisons suffisantes. Maintenant, je suis à peu près convaincu que nous n'aurons rien de tel que le gouvernement responsable dans nos législatures locales.
M. DUNKIN—Il ne saurait en avoir.
L'HON. A. A. DORION—Il pourra y avoir deux, trois ou quatre ministres, choisis par les lieutenants-gouverneurs, qui seront chargés de l'administration des affaires du pays, comme cela se faisait au temps d'un Sir FRANCIS BOND HEAD, d'un Sir JOHN COLBORNE, ou d'un Sir JAMES CRAIG. Nous aurons des gouvernements dont le chef sera nommé par le gouverneur-général, des ministres nommés par les lieutenants-gouverneurs sans responsabilité au peuple. .S'il n'en doit pas être ainsi pourquoi alors les ministres ne nous laissent-ils pas connaître leur plan ? ( Ecoutez ! ) Cette chambre, M. l'ORATEUR, va-t-elle voter une constitution qui détruit le principe électif dans la chambre haute avant de connaître quelle espèce de législature locale nous aurons? Supposons qu'après avoir adopté le plan principal, le gouvernement vienne avec un projet de constitutions locales, et que ce projet ne soit pas acceptable aux deux sections de la province : ne pourra-t-il pas arriver alors que la majorité du Bas-Canada s'unisse à la minorité haut-canadienne et impose à cette section une constitution locale à laquelle une grande majorité du peuple du Haut-Canada serait opposée, et qu'il en soit ainsi pour la constitution locale du Bas-Canada? Le projet entier, M. l'ORATEUR, est absurdc du commencement à la fin. Il est tout naturel qu'avec des vues comme celles qu'entretiennent les hon. messieurs de l'autre côté de la chambre, ils désirent donner autant de pouvoir que possible à la couronne: c'est le propre du parti conservateur dans tous les pays ;— c'est là exactement ce qui distingue les tories des whigs et des libéraux.  Les torics favorisent le pouvoir de la couronne ; d'un autre côté, les libéraux cherchent à étendre le pouvoir et l'influence du peuple. Les instincts des hon. messieurs de la droite, que nous prenions l'hon. proc.-gén. Est ou l'hon. proc.-gén. Ouest, les font toujours agir dans le sens du pouvoir. Ils croient que le pouvoir n'est jamais assez fort et qu'il doit être soutenu et même augmenté, tandis qu'ils sont d'opinion que l'influence du peuple doit être diminuée autant que possible,—et la constitution qu'ils nous proposent indique leurs dispositions. Avec un gonverneur-général nommé par la couronne ; avec des gouverneurs locaux aussi nommés par la couronne ; avec des conseils législatifs dans la législature générale et dans toutes les provinces dont les membres seront aussi nommés par la couronne et à vie, avec un nombre fixe, nous nous trouverons avec la constitution la plus conservatrice qui ait jamais été implantée dans aucun pays régi par un gouvernement constitutionnel. L'ORATEUR du conseil législatif doit aussi 260 être nommé par la couronne : c'est un autre pas rétrograde et un peu de patronage de plus pour le gouvernement. Nous avons tous entendu parler d'un discours prononcé dernièrement dans l'Ile du Prince-Edouard ou le Nouveau-Brunswick, — j'ai oublié lequel,—où l'on énumérait les avantages que l'on avait fait miroiter aux yeux des délégués, pendant qu'ils étaient ici, sous forme de nominations en perspective, comme celles de juges de la cour d'appel, d'orateur du censeil législatif, et de gouverneurs locaux, (écoutez !) comme étant l'une des raisons de l'unanimité qui a régné parmi les membres de la conférence.
L'HON. M. HOLTON—Ils ont divisé toutes ces bonnes choses entre eux. (Ecoutez.)
L'HON. A. A. DORION—Je n'accuse pas les hon. messieurs d'avoir offert ces appûts- je ne mentionne que ce que j'ai lu dans un discours sur ce sujet.
L'HON. M . HOLTON—C'était un discours de l'un des délégués ! Ecoutez !)
L'HON. A. A. DORION — J'en viens maintenant à un autre point. L'on dit que cette confédération est nécessaire afin d'établir de meilleurs moyens de défense pour ce pays. Il peut y avoir des gens qui pensent qu'en additionnant deux et deux ensemble, on obtiendra cinq ; mais je ne suis pas de ceux- là. Je ne puis découvrir comment, en ajoutant les 700,000 ou 800,000 âmes des provinces d'en-bas aux 2,500,000 habitants du Canada, on peut les multiplier de manière à en faire une force pour défendre le pays beaucoup plus grande que celle que l'on a aujourd'hui. Nécessairement, nos relations avec l'empire britannique sont le lieu au moyen duquel toutes les forces de l'empire peuvent être réunies pour la défense. (Ecoutez !) Mais la position que nous fera la confédération est bien évidente : vous ajouterez quatre ou cinq cents milles de frontières à celles que vous avez déjà, et une étendue de pays dans une proportion incommensurablement plus grande que l'augmentation de population que vous aurez obtenue, et s'il y a là quelque avantage pour la défense du pays, ce sera au profit des provinces d'en-bas, mais non pour nous. Nous sommes sur le point d'encourir de très- grandes dépenses pour mettre le pays en état de défense,—la chose a été formellement annoncée par le président du concil dans un discours à Toronto,- et comme le Canada doit contribuer les dix douzièmes de toutes les dépenses, les autres provinces n'en payant que deux douzièmes, il s'ensuit que le Canada aura à payer aussi les dix douzièmes de ces dépenses qui seront beaucoup plus considérables que si nous restions seuls, puisqu'il nous faudra défendre la grande étendue de territoire que l'on ajoutera au nôtre. Je trouve ce qui suit dans le discours de l'hon. président du conseil :
" Je ne puis terminer sans dire un mot de quelques autres sujets qui ont reçu l'attention serieuse de la conférence. Et le premier point sur lequel je désire attirer l'attention est le fait que les délégués ont unanimement résolu que les provinces unies seront placées le plus tôt possible en état de défense complète. Les attaques qui ont été faites contre nous ont créé l'impression que ces provinces sont dans un état de faiblesse et de débilité ; si donc nous voulons faire disparaître cette fausse impression et nous placer sur un pied ferme et solide aux yeux de l'Union, nous devons mettre notre pays dans un tel état de défense que nous puissions regarder bravement l'ennemi en face. C'est un plasir pour moi de pouvoir dire,—et je suis convaincu que ce sera un plaisir pour tous ceux qui sont ici présents de l'entendre dire,—que la conférence de Québec ne s'est pas séparée sans prendre l'engagement de mettre les provinces unies dans l'état de défense le plus complet et le plus satisfaisant, tant sur terre que sur mer."
L'HON. M. HOLTON—Où est cettc résolution ? (Ecoutez !)
L'HON. A. A DORION—Il paraît donc que ce que nous avons à faire, c'est d'avoir une force armée et une marine qui soient sur le pied le plus complet et le plus satisfaisant. Maintenant, je vois par ces résolutions que le gouvernement général aura le contrôle de l'armée et de la marine ; mais le coût de ces dépenses n'est pas mentionné. Eh bien ! si le gouvernement général doit pourvoir aux dépenses nécessaires pour défendre toutes les provinces, il nous faudra accroître notre milice, former une marine et payer cinq fois plus que toutes les provinces inférieures ensemble ne paieront pour toutes ces dépenses, tout en n'obtenant aucun accroissement dans nos moyens de défense en ce qui regarde le Canada. (Ecoutez !) Prenez la ligne qui divise le Nouveau-Brunswick du Maine, et vous verres qu'elle sépare d'un côté 250,000 habitants répandus sur un vaste territoire, et de l'autre côté 750,000 habitants qui forment une population compacte et puissante. Il faudra que le Canada défende ces 250,000, et il il lui faudra employer ses ressources pour trouver les moyens de défendre cette immense fontière. (Ecoutez !) Et si la rumeur n'est pas en défaut, le chemin de fer intercolonial—cette prétendue nécessité militaire—ne doit pas 261 suivre la ligne tracée par le major ROBINSON le long de la rive sud du St. Laurent. Des journaux généralement bien informés ont dit ne l'on avait trouvé une nouvelle route qui devait contenter—si elle ne mécontente pas—tout le monde ; et, pendant que j'en suis sur ce chapitre, je dois dire qu'il est très singulier que nous soyons appelés à voter ces résolutions et à nous engager à payer les dix-douzièmes du coût de ce chemin de fer, sans que nous sachions s'il y en aura dix milles ou cent milles sur le sol canadien,   et sans savoir s'il coûtera 10 millions ou 20 millions.
L'HON. M. HOLTON—Il coûtera plutôt $40,000,000.
L'HON. A. A. DORION—En 1862, lorsque cette question était devant le pays, quel était le cri des hon. messieurs de l'autre côté ?— C'était que le gouvernement MACDONALD- SICOTTE s'était engagé à construire un chemin de fer sans connaître le montant auquel il s'était lié, et ceux qui criaient le plus fort contre le projet sont ceux-là mêmes qui, aujourd'hui, ont entrepris de construire le chemin sans savoir où il passera ni ce qu'il coûtera ( Ecoutez !) Ce fût là, si je me rappelle bien, le fond d'un discours fait par l'hon. proc.-gen. Ouest à Otterville. A cette époque, je me suis contenté de dire quelles étaient mes objections à ce projet, et de me retirer du gouvernement ; mais mes collègues furent attaqués sans mesure parce qu'ils s'étaient liés à cette entreprise et à payer les sept douzièmes de ce qu'elle coûterait ; et aujourd'hui ceux-là mêmes qui les attaquaient ainsi viennent demander à la chambre d'en payer dix douzièmes, et cela sans savoir si l'entreprise est possible ou non. ( Ecoutez !) Nous avons entendu dire depuis quelque temps que l'ingénieur, M. FLEMING, est prêt à faire son rapport. Pourquoi n'est-il pas soumis ? Pourquoi le retient-on ? Les représentants du peuple en cette chambre montreront un grand oubli de leurs devoirs s'ils n'insistent pas pour avoir ce rapport et des explications complètes sur tout ce qui se rattache à cette entreprise, de même que sur les projets de constitution des gouvernements locaux, avant de voter les résolutions qui sont devant eux. ( Ecoutez !) Il est impossible de croire de bonne foi que ce chemin de fer intercolonial contribuera le moins du monde à la défense du pays. Nous avons dépensé une forte somme d'argent,et personne ne l'a votée plus volontiers que moi,—pour ouvrir un chemin militaire entre Gaspé et Rimouski ; et ce chemin, dans le cas d'hostilités avec nos voisins, sera d'un bien plus grand service pour le transport des troupes, des canons et de toute espèce de matériel de guerre, qu'aucun chemin de fer, qui suivrait la même route ou une ligne plus au sud, ne pourrait l'être. Ce chemin ne peut pas être détruit ; mais un chemin de fer, qui ne se trouverait éloigné, en certains endroits, que de 20 à 30 milles de la frontière, ne serait d'aucune utilité quelconque, à cause de la facilité avec laquelle il pourrait être attaqué et détruit. Un ennemi pourrait en détruire des milles et des milles avant qu'il ne fût possible de le protéger, et en cas de guerre ce ne serait qu'un piège pour les troupes qui y passeraient, à moins que nous n'ayons toute une armée pour le garder. ( Ecoutez !) Nous avons tant entendu parler de cette question de milice et de défense, depuis deux ou trois ans, que je crois qu'il est temps que nous ayons enfin des explications claires à ce sujet. ( Ecoutez !) Nous avons entendu l'autre jour l'hon. membre pour Montréal Ouest ( M. MCGEE)—et je suis toujours heureux de le citer, parce qu'il est si exact,—nous dire qu'en moins d'un an l'armée des Etats du Nord s'était accrue de 9,000 hommes qu'elle était au commencement de 1861, à 8,000,000, et qu'en moins de quatre ans le gouvernement américain avait pu mettre sur mer une flotte égale en nombre—je ne dis pas en armement ou en valeur—à toute la force maritime de l'Angleterre. L'hon. membre aurait pu aller plus loin et faire voir que dans une période de quatre ans, les Etats du Nord avait appelé au service actif 2,300,000 hommes,—c'est-à-dire à peu près autant de soldats que nous avons d'hommes, de femmes et d'enfants dans les deux Canadas réunis,—et cela sans diminution apparente de la population qui se livre à l'agriculture et à l'industrie. L'on nous dit qu'en face de ces faits, il est de notre devoir de nous mettre en état de défense. Eh bien ! monsieur, je le dis ici avec conviction : nous sommes tenus de faire tout en notre possible pour protéger le pays, mais nous ne sommes pas obligés de nous ruiner dans l'expectative d'une invasion que nous ne pourrions pas repousser si elle avait lieu, même avec tous les secours que l'Angleterre pourrait nous procurer. Les batailles pour la défense du Canada n'auront pas lieu sur nos frontières, mais en pleine mer et auprès des grandes villes sur les bords de l'Atlantique. Ce ne serait rien moins qu'une 262 folie pour nous d'épuiser nos ressources par une dépense de quinze à vingt millions par année pour lever une armée de 30,000 à 50,000 hommes dans le but de résister à une invasion. Ce que le Canada a de mieux à faire, c'est d'être paisible, et de ne donner aucun prétexte de guerre à nos voisins. ( Ecoutez !) Que l'opinion publique de ce pays force la presse à cesser ses attaques contre le gouvernement des Etats-Unis, et ensuite si la guerre surgit entre l'Angleterre et les Etats, elle aura lieu sans qu'il y ait de notre faute,—et si nous avons à y prendre part, nous le ferons courageusement en aidant l'Angleterre dans la mesure de nos forces et de nos ressources ; mais en attendant, il est parfaitement inutile pour nous de lever ou d'entretenir aucune espèce d'armée permanente.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD— L'hon. membre me permettra-t-il de lui demander comment nous pourrons aider l'Angleterre à combattre sur la mer si nous n'avons pas de marine ?
L'HON. A. A. DORION—L'hon. membre pour Peterborough ( Col. HAULTAIN ) a dit l'autre jour, et avec raison, je crois, que la place de nos milices devait être derrière les fortifications de nos places fortes, où elles seraient là de quelque utilité. Il n'y a aucun doute de cela ; mais, monsieur, il est absurde de parler de défendre le pays avec une force comme celle que nous pourrions entretenir, lorsque nous avons devant les yeux l'exemple récent d'un pays, en Europe, qui possédait une armée régulière de 30,000 hommes, et qui a été effacé de la carte du globe par une armée d'invasion de 75,000 à 80,000 hommes. Le royaume de Danemark ne consiste plus que de deux petites îles,—beaucoup moins grandes que certains de nos grands comtés ; et ce démembrement a eu lieu nonobstant son armée permanente de 80,000 hommes et que toute la population fût enthousiaste pour la guerre. ( Ecoutez !) Je n'emploie pas cet argument pour chercher à démontrer que nous ne devons rien faire à propos de notre milice ; je veux bien que nous fassions des sacrifices, s'il est nécessaire, afin de l'organiser sur un bon pied ; mais je suis fortement opposé à une armée permanente, et je ne pense pas que nous pourrions maintenant soutenir une armée qui serait de quelqu'utilité contre celle que l'on pourrait lancer contre nous—dans le cas d'une guerre avec nos voisins. Nous avons envoyé 2,000 hommes sur les frontières, dont les services nous coûteront, pour un an, $1,500,000 ; et à ce prix , 50,000 hommes nous coûteraient plus de $30,000,000. Eh bien! si tout le poids de la défense doit retomber sur nous, je demande un peu que ferait une pareille armée ? ( Ecoutez !) Maintenant, M. l'ORATEUR, lorsque j'examine les dispositions de ce projet, j'en trouve encore une qui est parfaitement inacceptable. C'est celle qui donne au gouvernement général le contrôle sur tous les actes des législatures locales. Quelles difficultés ce système ne fera-t-il pas surgir ?— Sachant que le gouvernement général sera un gouvernement de parti, ne pourra-t-il pas, par esprit de parti, rejeter des lois passées par les législatures locales et réclamées par la grande majorité de ceux qu'elles devront affecter ? Ce pouvoir conféré au gouvernement général a été comparé au véto qui existe en Angleterre à l'égard de notre législation ; mais nous savons que les hommes d'Etat anglais ne sont pas mus par les préjugés et les jalousies qui existent dans les colonies. Lorsqu'une loi adoptée par une législature coloniale leur est envoyée, si elle n'est pas en contradiction avec la politique de l'empire en général, elle n'est pas désavouée, et surtout depuis quelques années le gouvernement impérial a eu pour principe de laisser les colonies faire ce qu'elles désirent sous ce rapport, pourvu que leurs vœux soient exprimés d'une manière constitutionnelle. Aussi leurs décisions inspirent maintenant plus de confiance qu'autrefois et elles sont généralement respectées. La règle d'après laquelle ils paraissent agir, c'est que le moins ils entendent parler   des colonies, le mieux c'est. ( Ecoutez !) Mais voyez quelle différence il y aura lorsque le gouvernement général exercera son véto sur les actes des législatures locales. Ne voit-on pas qu'il est très-possible qu'une majorité dans un gouvernement local soit opposée au gouvernement général, et que dans ce cas la minorité demandera au gouvernement général de désavouer les lois décrétées par la majorité ? Les hommes qui composeront le gouvernement général dépendront de l'appui de leurs partisans politiques dans les législatures locales, qui exerceront toujours une grande influence dans les élections, et pour conserver leur appui, ou dans le but de servir leurs amis, ils opposeront leur véto à des lois que la majorité de la législature locale trouvera bonnes et nécessaires. ( Ecoutez !) Nous savons jusqu'à quel point est parfois 263 poussé l'esprit de parti à propos de simples affaires locales ou d'une importance triviale ; et nous verrons souvent une opposition si violente dans les législatures locales, que tous les efforts de la minorité seront exercés pour induire ceux qui formeront la majorité dans la législature générale à empêcher toute législation qu'ils n'approuveront pas, quoi- qu'elle soit désirée par la majorité de leur section. Quel sera le résultat d'un pareil état de choses, si ce n'est un esprit d'animosité accompagné de récriminations et d'une agitation dangereuses ? ( Ecoutez !) Je vois ensuite qu'à part des diverses sommes qui doivent être payées par le gouvernement général aux gouvernements locaux, il y a des dispositions en faveur du Nouveau- Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse qui doivent frapper la chambre comme étant d'une nature assez extraordinaire. Dans le document qui a été envoyé aux membres de cette chambre par l' hon. secrétaire provincial, et qui était marqué " privé," il parait y avoir eu une erreur. Il y était dit que le gouvernement général ne pourrait pas imposer de droits d'exportation sur le bois carré, les billots, les mâts, les espars, les madriers et le bois scié ; mais que les gouvernements locaux auraient le droit d'imposer des droits d'exportation sur ces articles. Il parait que cette disposition était trop favorable au Bas- Canada, car elle lui aurait permis d'imposer des droits d'exportation sur le bois du Haut- Canada.
L'HON. M. HOLTON—Comme le fait le Nouveau-Brunswick sur le bois américain.
L'HON. A. A. DORION—Et par ce moyen il aurait pu prélever un revenu suffisant, au dépens du Haut-Canada, pour défrayer ses dépenses locales. Cette erreur parait avoir été corrigée, car sous ce rapport les résolutions qui sont devant la chambre ont été changées, mais guères amendées.
L'HON. M. HOLTON—Changées dans un sens hostile au Bas-Canada.
L'HON. A. A. DORION—L'article des résolutions dont je parle se lit maintenant comme suit : que le gouvernement général aura le pouvoir de faire des lois pour " l'imposition ou le règlement des droits de douane sur les importations et les exportations,- excepté sur les exportations du bois carré, des billots, des mâts, des espars, des madriers et du bois scié du Nouveau-Brunswick, et du charbon et des autres minéraux de la Nouvelle-Ecosse. " C'est-à-dire que le gouvernement général pourra imposer une taxe à son profit sur tous les bois et minéraux exportés du Haut et du Bas-Canada, mais non pas sur ceux exportés du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse. ( Ecoutez !) Ensuite, nous trouvons parmi les pouvoirs accordés aux législatures locales, celui de passer des lois pour imposer des taxes directes. ( Ecoutez !) C'est là le premier pouvoir qu'elles auront, et je n'ai aucun doute qu'avant plusieurs mois après leur organisation, elles se trouveront dans la nécessité d'y recourir. Mais en outre, je vois que le Nouveau- Brunswick et la Nouvelle-Ecosse, qui sont sans doute les enfants gâtés de la confédération, ont des pouvoirs qui ne sont pas accordés aux autres provinces. Le Nouveau-Brunswick aura le pouvoir d'imposer un droit d'exportation sur les bois, et la Nouvelle- Ecosse sur le charbon et autres minéraux pour leurs besoins locaux,—en sorte que tandis que nos bois et minéraux exportés du Haut et du Bas-Canada seront taxés par le gouvernement général pour les besoins généraux, les bois du Nouveau-Brunswick et les minéraux de la Nouvelle-Ecosse ne seront taxés que par les gouvernements de ces provinces et pour des objets locaux. ( Ecoutez !) C'est là l'un des résultats de la conférence, dans laquelle, comme de raison, le Nouveau-Brunswick comptait autant que le Haut et le Bas-Canada, et dans laquelle la Nouvelle-Ecosse et les autres provinces inférieures avaient la prépondérance. ( Ecoutez !) Entre autres pouvoirs accordés au gouvernement général, je vois qu'il aura le contrôle sur l'agriculture, l'immigration et les pêcheries. L'hon. membre pour Lambton (M. MACKENZIE ) demandait hier s'il était possible qu'un acte relatif à l'agriculture, passé par la législature locale, pût être affecté par le gouvernement général. Il est certain que l'agriculture, l'immigration et les pêcheries seront placées sous le contrôle des législatures locales et de la législature fédérale, car la 45e résolution dit :
" Pour tout ce qui regarde les questions soumises concurremment au contrôle du parlement fédéral et des législatures locales, les lois du parlement fédéral devront l'emporter sur celles des législatures locales. Les lois de ces dernières seront nulles partout où elles seront en conflit avec celles du parlement général. "
Quelle sera l'opération de cette disposition ? La législature locale passera une loi, qui sera ensuite soumise au gouvernement général ; ce dernier y mettra son véto, et si pour quelque raison cela n'a pas lieu la 264 législature passera une loi contraire, et vous aurez immédiatement un conflit. ( Ecoutez !)
L'HON. M. HOLTON—Alors ils se battront. ( Rires.) Il n'y aura plus de difficultés sectionnelles alors !
L'HON. A. A. DORION—Oh ! non ; pas la moindre ! Je puis peut-être maintenant passer à la question financière du projet. Je n'essaierai pas de suivre le ministre des finances dans ce que j'admets avoir été l'habile exposition, ou plutôt l'habile manipulation des chiffres qu'il a faite 1'autre jour. Quand cet hon. monsieur a pu prouver à la satisfaction des BARING, des GLYNN et des principaux financiers anglais, que les placements qu'ils feraient dans le Grand Tronc leur rapporteraient au moins 11 pour cent, il n'est pas étonnant qu'il puisse faire voir à cette chambre que les finances de la confédération seront dans une condition très prospère, et que nous aurons chaque année un surplus d'au moins un million. ( Rires.) D'après ce que je savais de ses prophéties antérieures, je pensais qu'il porterait ce surplus à onze ou douze millions au moins, mais il a été assez modeste pour ne le porter qu'à un million seulement ! Mais comment arrive-t-il même à ce surplus ? Il prend, en premier lieu, le revenu de Terre- neuve pour 1862. J'ai eu la curiosité d'en chercher la raison, et je trouve que le revenu de 1862 a été le plus élevé qu'il y ait, excepté 1860. ( Ecoutez !) Ensuite il a pris le revenu du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle- Ecosse et du Canada pour 1863—encore les chiffres les plus élevés. ( Ecoutez !) Mais avec tout cela, il se trouve encore un déficit de $827,512. Même en supposant qu'au 31 décembre il avait un surplus d'un million ou d'un million et demi, je serai agréablement surpris si, à la fin de l'année courante, ce million et demi ne se trouve pas réduit à un demi million ou peut-être moins, grâce aux dépenses pour la milice et à la diminution des revenus. ( Ecoutez !) Voici donc le langage qu'il tient au pays pour lui faire adopter le projet de confédération : " J'aurai un million dont je ne saurai que faire, et je réduirai les droits à 15 pour cent." Mais l'hon. monsieur oublie qu'il lui faut pourvoir à la construction du chemin de fer intercolonial, ainsi qu'à l'entretien de cette force de terre et de mer que nous allons lever pour la défense du pays. ( Ecoutez ! écoutez !) Il oublie tout cela, et comme il éblouissait autrefois les futurs actionnaires du Grand Tronc en leur montrant des dividendes de 11 pour cent sur leurs placements, il vient éblouir de la même manière le peuple des diverses colonies en lui faisant espérer qu'aussitôt la confédération obtenue, les droits de douanes vont être réduits à 15 pour cent. ( Ecoutez! écoutez !) Je vois dans les résolutions qui nous sont maintenant soumises quelques propositions sur lesquelles je désire attirer l'attention de la chambre. La première comporte que la confédération devra pourvoir à la construction du chemin de fer intercolonial, qui coûtera certainement vingt millions de piastres, dont l'intérêt, à 5 pour cent, s'élèvera à une somme d'un million par année. ( Ecoutez ! écoutez !) Ensuite, nous sommes tenus de payer à Terre- neuve $150,000 par année pour le prix de ses terres minières, tandis que dans les autres provinces toutes les terres publiques sont abandonnées aux gouvernements locaux. Mais ce n'est pas tout, car pour administrer ces précieux terrains, il nous faudra établir à Terreneuve un département des terres de la couronne, sous la direction du gouvernement général ; et si quelque hon. membre désire connaître quelque chose du coût probable d'un pareil établissement, il n'a qu'à examiner un rapport qui nous a été soumis hier soir : il y verra qu'il n'y a pas moins de soixante ou soixante-dix officiers au département des terres de la couronne, et que quelques huit ou dix nouvelles nominations ont été faites dans ce département depuis le mois de mars dernier, époque à laquelle fut formé le gouvernement actuel. ( Ecoutez! écoutez !) Ce rapport est aussi très intéressant à d'autres points de vue. Il démontre que durant cette période il n'y a pas un seul département du gouvernement dont le personnel n'ait été augmenté, excepté celui du proc.-gén. Est, qui se contente encore des trois employés qui y étaient lors de son retour au pouvoir. ( Ecoutez !) Ce rapport fait voir le nombre de nouveaux employés qui ont été nommés depuis l'année dernière dans tous les départements—et plusieurs d'entre eux ont été pris dans cette chambre et nommés à des emplois publics afin de faire place ici à d'autres.
L'HON. M. HOLTON—Oh ! il n'y en a que quatre. ( Rires.)
L'HON. A. A. DORION—De plus, le Nouveau-Brunswick va recevoir un subside spécial de $63,000 par année pendant dix ans. Cette somme est donnée à cette province pour subvenir à ses dépenses locales et lui permettre d'échapper à la nécessité de recourir à la taxe directe.
265
L'HON. M. HOLTON— Nécessairement, elle ne peut pas imposer de taxes directe, parce qu'elle n'a pas d'institutions municipales. ( Rires.)
L'HON. A. A. DORION—Eh bien ! je vois dans un discours prononcé par M. TILLEY, premier ministre du Nouveau-Brunswick, que cet octroi de $63,000 par année, et les 80 centins par tête payés pour les besoins du gouvernement local, donneront au Nouveau- Brunswick $34,000 par année de plus que ce qu'il a besoin pour subvenir à toutes ses dépenses locales actuelles. (Ecoutez !) L'on trouverait tout le discours de M. TILLEY très-instructif si je pouvais tout le lire, mais je crains de fatiguer la chambre. ( Cris de continuez ! continuez !) Après avoir parlé des différents avantages qui seront conférés au Nouveau-Brunswick par la confédération, M. TILLEY dit :  
" Mais à part tous ces avantages, nous recevrons pendant dix ans un subside de $63,000 par année. Nos dépenses locales, additionnées ensemble, s'élèvent à $320,630 ; et nous recevrons du gouvernement général, sans accroissement de taxe, $90,000 au lieu de nos droits d'exportation ( ce devrait être " droits d'importation") et notre subside spécial de $63,000 par année pendant 10 ans, faisant en tout $354,637 , ou $34,000 de plus que tous nos besoins actuels. Ce sont là les principaux points qu'il faut examiner. " ( Ecoutez !)
L'on se rappellera de plus que M. TILLEY a déclaré que sans le chemin de fer intercolonial, pas de confédération ! Et le Canada et les ministres canadiens se sont montrés prêts à lui accorder tout ce qu'il demandait : chemin de fer, subside et bonus. ( Ecoutez !) Mais il n'y a pas que le Nouveau-Brunswick qui doive avoir quelque chose au-delà de tous ses besoins. J'ai ici un extrait de l'Examiner de Charlottetown ( Ile du Prince- Edouard ), dans lequel M. WHELAN, son rédacteur, qui était aussi l'un des délégués à la conférence de Québec, résume les avantages qu'obtiendra l'Ile du Prince-Edouard à peu près comme M. TILLEY le fait pour le Nouveau-Brunswick. Il dit :
" Par cet arrangement, la dette de l'Ile du Prince-Edouard sera garantie au montant de $2,025,000—dont l'intérêt, à 5 pour cent, sera de $101,250.
" Ajoutez à cela la proportion que la confédération donnera à chaque province pour le soutien de son administration locale, au taux de 80 centins par tête, faisant pour la population de l'Ile du Prince-Edouard, qui est de 81,000, la somme de $64,800 ; nous avons alors un total de $166,050, que l'Ile du Prince-Edouard recevra annuellement.
" Déduisez de cette somme $12,000 pour l'intérêt à 5 pour cent sur notre dette de £75,000 courant, ou $240,000 et la balance en notre faveur sera de $l54,050, somme qui dépasse de près de quarante-huit mille piastres le coût actuel de notre administration locale, le gouvernement central prenant sur lui le paiement de certaines dépenses générales. " ( Ecoutez! écoutez !)
Les dépenses générales dont il parle sont les salaires du gouverneur, des juges, etc., que paiera le gouvernement général. Ainsi, monsieur l'ORATEUR, nous voyons MM. WHELAN et TILLEY, deux des délégués, qui se félicitent de la bonne affaire qu'ils ont faite aux dépens du Canada, et qui cherchent à faire accepter le projet de confédération en montrant que le Nouveau-Brunswick aura $34,000 de plus que ses besoins, et l'Ile du Prince-Edouard $48,000. Je conseillerais au ministre des finances, lorsqu'il aura besoin d'argent, d'aller à ces provinces et d'emprunter ce surplus que nous leur aurons payé ; elles consentiront sans doute à nous le prêter à des conditions favorables. ( Rires.) J'ai fait un petit calcul pour voir quelle proportion le Haut et le Bas- Canada auront respectivement à supporter de ces nouvelles charges.—$63,000 par année données pendant dix ans au Nouveau-Brunswick formeraient un capital, à 5 pour cent, de près de $350,000.
L'HON. M. HOLTON — Plus près de $400,000.
L'HON. A. A. DORION—Mon calcul est plutôt au-dessous qu'au-dessus de la réalité ; mais prenons $350,000 comme valeur capitalisée de cette annuité pendant dix ans. Cela nous donne un intérêt de $17,500 par année. Maintenant, supposons que l'accroissement du territoire qu'il faudra défendre sous la confédération augmente les dépenses de la milice au montant d'un million par année,—et c'est là, je crois, une estimation très raisonnable, surtout s'il faut mettre à effet les projets grandioses de la conférence à propos d'une armée et d'une marine, tel qu'expliquées par l'hon. président du conseil à son auditoire de Toronto ;—ajoutez ensuite l'intérêt de la somme requise pour construire le chemin de fer intercolonial, à 5 pour cent, sur $20,000,000, $1,000,000 de plus, qui s'accroît de $150,000 d'indemnité que l'on doit payer à Terreneuve pour ses " précieuses terres minérales." Ensuite nous avons à payer les gouvernements locaux au taux de 80 centins par tête, en tout $3,056,849 ; l'intérêt sur la dette de la Nouvelle-Ecosse, $8,000,000, s'élèvera à $400,000 ; sur celle du Nouveau-Brunswick, 266 $7,000,000, à $350,000 ; sur celle de Terreneuve, $3,250,000, à $162,000 ; et sur la dette de l'Ile du Prince-Edouard, $2,021,425, à $101,071. En ajoutant toutes ces sommes ensemble, nous voyons que la dépense annuelle, en sus, il faut bien le remarquer, des charges que nous supportons maintenant, sera de $6,237,920, ( écoutez !) représentant un capital de $124,758,400. La part du Canada dans cette dépense sera de $1.89 par tête, s'élevant à $4,725,000. Cela est tout à fait à part de la dette de $62,500,000 avec laquelle le Canada entrera dans la confédération. La part du Haut-Canada, d'après sa population, sera de $2,646,000 ; et celle du Bas-Canada de $2,079,000 ; mais les haut-canadiens prétendent depuis longtemps qu'ils paient plus des deux tiers de la dépense, et le Globe disait il y quelque temps que c'était là la proportion il y a dix ans et qu'aujourd'hui la disproportion est beaucoup plus grande. L'on peut donc, d'après l'organe du président du conseil, prendre au moins cette proportion des deux tiers pour le Haut-Canada, et d'un tiers pour le Bas. Le Haut-Canada aurait donc à payer $3,183,334 sur cette dépense additionnelle de $4,725,000, et le Bas-Canada $1,591,667. Ce calcul est fait dans la supposition que les provinces maritimes paieraient leur proportion de ces dépenses comme si elles étaient divisées également d'après la population des provinces-unies,— c'est-à-dire que les provinces maritimes paieraient par tête une somme moindre que le Haut-Canada et plus grande que le Bas-Canada. J'ai bien quelques doutes à ce sujet, et je crois que la ville de Montréal paie un peu plus de droits sur les importations que l'Ile du Prince- Edouard et l'Ile de Terreneuve réunies ; je crois aussi que la population du district de Montréal paie beaucoup plus par tête que celle du Nouveau-Brunswick ou de la Nouvelle-Ecosse.
M. A. MACKENZIE—Parlez vous de la consommation locale ?
L'HON. A. A. DORION—Je veux dire que les habitants de la ville de Montréal paient beaucoup plus que les habitants d'aucune autre partie des provinces que l'on propose de réunir et que le district de Montréal consomme autant qu'aucune section de pays de même étendue et de même population. On nous a dit depuis dix ans que le Haut-Canada voulait avoir la représentation basée sur la population seulement parce que le Bas-Canada dépensait en prodigue l'argent de la province, dont les deux tiers sortaient de la poche des habitants du Haut- Canada. On nous a dit que ce n'était pas pour se mêler des institutions, de la langue et des lois du Bas-Canada, mais seulement sur donner aux habitants du Haut-Canada le contrôle qu'ils devaient avoir par leur nombre sur les finances du pays. C'était là la seule chose qu'elle devait leur faire gagner.
M. A. MACKENZIE —Non ! non !
L'HON. A. A. DORION—L'hon. membre se rappellera peut-être une lettre écrite par l'hon. membre pour Montréal Ouest ( M. MCGEE ) à " mon cher ami MACARROW," de Kingston. C'était à la veille de l'élection générale de juin 1861. Elle avait pour but d'encourager le peuple du Haut-Canada à s'unir pour renverser cette mauvaise administration qui était la plaie du pays, ( écoutez ! et rires,) l'administration CARTIER- MACDONALD. Les raisons qu'il donnait à l'appui de son appel étaient comme suit :-
" Premièrement.—Parce qu'ils ( les ministres ) ont collectivement violé la constitution, et insulté au sens moral du pays, par le double shuffle et les doubles serments de 1858.
" Secondement.—Parce qu'ils ont violé la constitution en permettant des paiements, en accordant des avantages pécuniaires et en donnant ou procurant des contrats lucratifs à des membres du parlement, leurs partisans, comme le prouvent les paiements, octrois et contrats faits ou donnés à M. TURCOTTE, M. MCLEOD, M. BENJAMIN M.A. P. MACDONALD et M. MCMICKEN.
" Troisièmement.— Parce qu'ils ont violé la constitution en gardant pendant trois sessions MM. ALLEYN, DUBORD et SIMARD, comme représentants de Québec avec une prétendue majorité de 15,000 voix.
" Quatrièmement.— Parce qu'ils ont violé la constitution en justifiant la vente des emplois publics, dans le cas du shérif MERCER, et en retenant l'hon. Col. PRINCE dans la chambre haute comme leur partisan actif, après que sa charge eût été créée et sa commission émanée, comme juge du district d'Algoma.
" Cinquièmement.—Parce qu'ils ont violé la constitution en gardant JOSEPH C. MORRISON dans le cabinet, comme ministre de la couronne, après qu'il eût été trois fois repoussé par le peuple.
" Sixièmement.—Parce qu'ils ont violé la constitution en abandonnant à Sir EDMUND HEAD seul le soin de représenter le peuple du Canada lors de la mémorable visite de S. A. R. le PRINCE DE GALLES.
" Septièmement.—Parce qu'ils ont continuellement et systématiquement violé la constitution en dépensant d'immenses sommes d'argent, s'élevant en tout à plusieurs millions de piastres, sans l'autorisation du parlement."
Je conseillerais à l'hon monsieur de coutinuer cette correspondance et d'y ajouter les $100,000 payées sans autorisation pour 267 la compagnie du Grand Tronc, ainsi que l'affaire de la lettre de change sur la banque du Haut-Canada.
M. POWELL— La confédération vaut tout cela ! ( Rires. )
L'HON. A. A. DORION—Le ministre de l'agriculture continuait ainsi :
" L'on admettra que cet acte d'accusation expose des délits graves et des abus de confiance qui devraient être punis par le peuple, maintenant que les coupables se présentent pour subir leur jugement. Quelles que soient les différences d'opinion qui peuvent exister parmi l'opposition, soit chefs en simples membres, sur la nature et l'étendue des réformes constitutionnelles réclamées dans notre forme de gouvernement actuelle, il n'y a pas de différence sur ce point : qu'il faut trouver immédiatement quelque remède aux dépenses extravagantes qui démoralisent journellement nos hommes publics, appauvrissent le pays et retardent son accroissement naturel...… Nous avons besoin en premier lieu d'un gouvernement honnête, d'un gouvernement réellement responsable qui, excepté dans les cas les plus évidents de nécessité, comme l'invasion du sol, ne gaspillera pas l'argent du peuple, sous aucun prétexte quelconque, sans l'autorisation des représentants du peuple. "
En bien ! M. l'ORATEUR, c'était là l'avis donné au Haut-Canada en 1861 par l'un des chefs ; le ministre actuel de l'agriculture.
L'HON. M. MCGEE—Qu'a à faire cela avec l'union des provinces ?
L'HON. A. A. DORION—Cela a beaucoup à faire avec la question. Cela montre que la représentation basée sur la population était demandée comme remède aux maux financiers du système actuel de gouvernement. Suivant cet avis, le Haut-Canada donna une forte majorité contre le gouvernement du jour, et les membres élus, après avoir renversé l'administration CARTIER- MACDONALD, soutinrent un gouvernement qui repoussait la représentation sur le nombre, abandonnèrent au moins pour un tems cette question et reconnurent par là que la question financière l'emportait sur l'autre en importance. J'ai fait voir, je crois, la proportion qu'aurait à payer le Haut-Canada dans l'accroissement de la dépense qui devra résulter immédiatement de l'adoption du projet de la confédération. Comme ce projet est proposé pour parer aux difficultés financières entre le Haut-Canada et le Bas-Canada, et libérer le Haut-Canada de ce qu'il paie pour le Bas- Canada de plus que celui-ci contribue au revenu, voyons ce qu'il paie de plus que sa proportion.—Le total de la dépense ordinaire de la province, à part l'intérêt sur la dette publique, les frais de législation, la milice, la subvention des vapeurs transatlantiques, la perception du revenu, et les autres dépenses qui devront être payées par le gouvernement général si la confédération a lieu, ne s'élève pas à plus de $2,500,000, ou $1 par tête de toute la population. Donc, en supposant que le Haut-Canada paie les deux tiers de cette somme, ou $1,666,666, et que le Bas-Canada en paie un tiers ou $833,344, le Haut-Canada ne paierait que $266,666 de plus que sa part répartie d'après la population. Et c'est, je le répète, pour se débarrasser de cette dépense d'une couple de centaines de milliers de piastres que les membres Haut-Canadiens du gouvernement proposent que leur section du pays se charge d'un surcroît annuel de dépenses de $3,181,000, qui ne rapporteront absolument rien ! ( écoutez !) et de charger le Bas-Canada d'un surcroît de dépenses de $1,500,000 à $2,000,000 par année, le montant dépendant de la proportion qu'ils contribuent respectivement aux revenus du pays. Et, M. l'ORATEUR, ceci n'est que la dépense immédiate et nécessaire qui retombera sur le peuple du Canada dès le commencement Il n'y a pas un seul denier dans cette estimation qui soit pour les sections de la confédération. ( Ecoutez !) Mais, monsieur, à propos des dépenses du pays, j'aurais dû dire plus tôt que ce projet propose une union, non-seulement avec la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard et Terreneuve, mais encore avec la Colombie Britannique et l'Ile de Vancouver. Bien que je n'aie pu obtenir l'information que j'ai demandée au gouvernement,—car il ne paraît pas être très disposé à donner des informations,—je crois comprendre qu'il existe des dépêches informant le gouvernement que des résolutions ont été passées dans la législature de la Colombie, demandant son admission immédiate dans la confédération. Je dois avouer, M. l'ORATEUR, que ça a l'air d'une farce de parler comme d'un moyen de défense d'un projet pour unir tout le territoire qui s'étend depuis Terreneuve jusqu'à l'Ile de Vancouver, entre lesquels il y a des milliers de milles qui sont sans communication, excepté à travers les Etats-Unis ou en tournant le cap Horn. (Oh ! oh!)
L'HON. PROC.—GÉN. CARTIER—Il va être construit un chemin de fer intercolonial.
L'HON. A. A. DORION.—Oui, je suppose que c'est encore là une autre nécessité de la confédération à laquelle nous pouvons 268 nous attendre bientôt,—quelque prolongement de ce projet de Grand Tronc pour le profit et avantage de MM. WATKIN et Cie., ou de la nouvelle compagnie de la Baie d'Hudson dont ils font partie. En ce qui regarde le Bas-Canada, je n'ai pas besoin de m'arrêter à indiquer les objections qu'il doit avoir à ce projet. Il est évident, après ce qui a transpiré, que l'on a l'intention de former plus tard une union législative de toutes les provinces. Les gouvernements locaux, à part du gouvernement général, deviendront un tel fardeau, qu'une majorité de la population anglaise demandera au gouvernement impérial une union législative. ( Ecoutez !) Et je demande s'il y a quelque membre du Bas-Canada d'extraction française qui soit prêt à voter pour une union législative. L'hon. membre pour Sherbrooke a dit au diner donné aux delégués à Toronto, après avoir approuvé tout ce qui avait été dit par l'hon. président du conseil :
" Nous pouvons espérer que dans un avenir assez rapproché, nous consentirons à entrer dans une union législative au lieu d'une union fédérale comme celle qui est aujourd'hui proposée. Nous aurions tous désiré une union législative, et voir le pouvoir concentré entre les mains du gouvernement central, comme la chose existe en Angleterre, et étendant l'égide de sa protection sur toutes les institutions du pays ; mais nous avons vu qu'il était impossible de le faire de suite. Nous avons vu qu'il y avait des difficultés qui ne pouvaient être surmontées."
Les hon. membres du Bas-Canada sont avertis que tous les délégués désiraient une union législative, mais qu'elle ne pouvait avoir lieu immédiatement. Cette confédération est le premier pas vers son accomplissement. Le gouvernement britannique est prêt à accorder de suite une union fédérale, et lorsqu'elle aura eu lieu, l'élément français se trouvera complétement écrasé par la majorité des représentants anglais. Qui empêchera alors le gouvernement fédéral de faire passer une série de résolutions comme on le fait aujourd'hui pour les résolutions qui sont devant la chambre —sans les soumettre au peuple—demandant au gouvernement impérial de mettre de côté la forme fédérale de gouvernement et de nous donner, pour la remplacer, une union législative ? ( Ecoutez ! écoutez !) Il peut se faire que le peuple du Haut-Canada soit d'opinion qu'une union législative serait très-désirable, mais je puis assurer ses représentants que le peuple du Bas- Canada est attaché à ses institutions par des liens assez forts pour frustrer toute tentative de les lui enlever par un pareil moyen. Ils ne consentiront jamais, pour aucune considération quelconque, à changer leurs institution sreligieuses, leurs lois et leur langue. Un million d'habitants peuvent ne pas avoir une grande importance aux yeux du philosophe qui entreprend de rédiger une constitution du fond de son cabinet. Il peut être d'opinion qu'il vaudrait mieux qu'il n'y eût qu'une seule religion, une seule langue et un seul code, et il se met à l'œuvre pour créer un nouveau pacte social dont l'effet serait d'amener l'état de choses qu'il désire : l'assimilation complète de différentes nationalités. L'histoire de tous les pays démontre que la force même des bayonnettes n'a jamais réussi à opérer de tels changements. ( Ecoutez ! écoutez !) Nous avons l'histoire de la Grèce, dont la population, après avoir atteint le chiffre élevé de six millions, est descendue par suite de persécutions inouïes à sept cent mille, et s'est, après plusieurs siècles, levée contre ses persécuteurs pour revendiquer ses droits. ( Ecoutez ! écoutez !) L'histoire de la Belgique nous offre un exemple analogue. Elle fut unie à la Hollande dans la vue d'assimiler les deux pays, mais quinze ans s'étaient à peine écoulés après cette union, que les populations belges se levèrent en masse pour protester contre cette union et pour affirmer leur nationalité distincte. ( Ecoutez ! écoutez !) L'histoire du passé, M. l'ORATEUR, n'est pas la seule qui puisse nous fournir une leçon là-dessus : les circonstances dans lesquelles se trouvent placées les générations actuelles peuvent aussi nous servir de guide. Je suis surpris de voir l'hon. député de Montréal Ouest appuyer une mesure qui doit aboutir à une union législative, et dont l'objet est d'assimiler le peuple du Bas-Canada à la population dominante dans les provinces britanniques. Dans le pays même de l'hon. membre, ce système n'a eu d'autre effet que de créer un mécontentement général et de le porter à la révolte. Est-il désirable alors que nous adoptions dans ce pays-ci une mesure dont l'effet sera de déplaire à un million de ses habitants ? Vous pouvez vous assurer de ce qu'il en coûte pour écraser ainsi un peuple en vous reportant aux scènes qui se sont déroulées et qui se déroulent aujourd'hui de l'autre côté de la frontière, où un cinquième de la population des Etats-Unis s'est levé et a fait fondre depuis quatre ans plus de misères et de malheurs sur ce pays que des siècles d'une législation paisible et de compromis auraient produits. M. l'ORATEUR, 269 si l'on ose opérer une union législative des provinces de l'Amérique Britannique, il se produira nécessairement dans cette section de la province une agitation plus grande qu'à aucune autre époque de notre histoire. Vous verrez le peuple du Bas-Canada uni comme un seul homme pour résister par tous les moyens légaux et constitutionnels à cette tentative de leur arracher les institutions qu'il possède. Ses représentants iraient comme un seul homme au parlement, votant en corps, et ne se souciant que de protéger ses institutions et ses lois, auxquelles il est profondément attaché. Ils rendraient à peu près impossible le fonctionnement du gouvermement. Les quatre-vingt-dix membres irlandais de la chambre des communes en Angleterre,—qui compte près de sept cents membres,—ont réussi, en s'unissant, à faire sentir leur influence à l'occasion des octrois au collége de Maynooth et sur certaines autres questions. La même chose aurait lieu pour le peuple du Bas- Canada et il en résulterait inévitablement un état de choses vraiment déplorable. La majorité se trouverait forcée par la minorité à faire ce qu'elle n'aurait jamais pensé à faire sous d'autres circonstances. C'est là un état de choses si peu désirable que, bien que je sois fortement opposé à l'union fédérale projetée, je le serais encore plus à l'union législative. Ceux qui désirent une union législative peuvent maintenant se faire une idée des éléments discordants avec lesquels ils auraient à compter dans cette union, et des malheurs qu'ils amasseraient sur le pays en l'accomplissant. ( Ecoutez !) Je sais que la population protestante du Bas- Canada craint que, même avec les pouvoirs restreints laissés aux gouvernements locaux, leurs droits ne soient pas protégés. Alors, comment peut-on espérer que le Bas-Canada   puisse avoir une grande confiance dans le gouvernement général, qui aura des pouvoirs si immenses sur les destinées de leur section? L'expérience démontre que les majorités sont toujours aggressives et portées à être tyranniques, et il n'en peut être autrement dans ce cas-ci. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que le peuple du Bas-Canada, d'origine britannique, soit prêt à employer tous les moyens possibles pour empêcher qu'il ne soit pas placé dans la législature locale à la merci d'une majorité différente de la sienne. Je crois avec eux qu'ils ne doivent pas s'appuyer sur de simples promesses, pas plus que nous, Bas-Canadiens-Français, nous devons le faire relativement au gouvernement général, quelque parfaits que puissent être aujourd'hui nos rapports mutuels.
L'HON. M. MCGEE —C'est une magnifique doctrine à infuser dans la société. ( Ecoutez ! écoutez !)
L'HON. A. A. DORION—Quoi qu'en dise l'hon. membre, cette doctrine sert généralement de règle dans les rapports ordinaires de la vie et ce avec raison. Lorsque mon hon. ami fait un contrat, même avec un ami ou un voisin, ne prend-il pas le soin de lui donner une forme légale, d'y prévoir toutes les difficultés possibles et de le faire par écrit. S'il en agit ainsi pour la moindre transaction, pourquoi, lorsque nous sommes à prendre des engagements dont on ne peut prévoir le terme, ne ferions-nous pas de même ? ( Ecoutez ! écoutez !) L'hon. membre a lui-même reconnu cette règle en insérant dans les résolutions des garanties concernant les institutions d'éducation des deux sections du Canada. Les catholiques romains du Haut-Canada sont anxieux de voir leurs droits mis à l'abri des atteintes de la majorité protestante de leur section de la province, tout comme la minorité protestante du Bas-Canada demande des garanties permanentes. Je n'hésite pas à dire toute ma pensée sur ce projet. Je n'y vois autre chose qu'un nouveau projet de chemin de fer qui devra profiter à quelques-uns, et je ne saurais mieux en indiquer la nature et la valeur qu'en citant ce que pensait l'hon. président du conseil, relativement à la question de la confédération de toutes les provinces et à celle du chemin de fer intercolonial, peu de temps avant son entrée dans l'administration. L'on verra qu'il n'était pas encore alors devenu l'un des plus chauds partisans de ces deux mesures. Voici ce que disait son journal, le Globe, en janvier 1863 :
" Si notre gouvernement devait se lancer tête baissée dans ce projet de chemin de fer, dépenser une somme considérable pour son établissement et former immédiatement un pacte avec le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et l'Ile du Prince-Edouard, cette alliance et ce chemin se feraient en grande partie pour l'avantage du pouvoir qui domine à l'heure qu'il est dans cette province :—il est à peine nécessaire d'ajouter que nous voulons parler du Bas-Canada. La question importante pour le Haut-Canada—son union avec le territoire du Nord-Ouest—serait complétement mise de côté, Québec deviendrait la capitale de la conféderation, la représentation basée sur la population ne formerait pas partie de l'arrangement, et au lieu d'avoir une seule sangsue pour lui soutirer ses ressources, le Haut-Canada se trouverait à en avoir trois. Avant de contracter 270 de nouvelles alliances, le Haut-Canada devrait s'efforcer de régulariser les affaires de sa propre province, d'obtenir la représentation basée sur 1a population, et d'ouvrir le territoire du Nord-Ouest, afin que lorsque la fédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique s'accomplira, le Haut-Canada se trouve former la principale figure au centre de ce groupe d'Etats, avec ses annexes tant à l'Ouest qu'à l'Est. Même le partisan le plus ardent de l'union de toutes les provinces ne peut pas prétendre qu'il y ait absolue nécessité de hâter l'adoption du projet. Personne ne souffrira si les provinces restent telles qu'elles sont aujourd'hui ; il n'y a pas un seul intérêt matériel , soit dans le Haut ou dans le Bas-Canada, qui gagnerait par l'union. "
M. A. MACKENZIE—A quelle administration y faisait-on allusion ?
L'HON. A. A. DORION— Ce n'était pas à la mienne.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD—Eh bien ! à laquelle ?
L'HON. M. HOLTON—Je pense que le ministre de l'agriculture pourrait renseigner mon hon. ami.
L'HON. J. S. MACDONALD—L'hon. Proc.-Gén. a presque tous les membres de cette administration autour de lui. ( On rit. )
L'HON. A. A. DORION—En novembre 1863, le même journal disait, en parlant des provinces maritimes :
" Nous pouvons facilement vivre sans eux. Nous ne perdrions pas une piastre lors même que nous ne verrions jamais un homme ou une femme des provinces inférieures. "
Et encore:
" Toute tentative qui serait maintenant faite pour forcer le peuple du Canada à entrer dans une alliance avec les provinces d'en-bas, avant qu'il n'y soit prêt, faillirait et aurait l'effet de retarder indéfiniment le projet. L'idée de faire une dépense énorme sur un chemin de fer improductif, quand nous ne savons où trouver les moyens de subvenir à nos dépenses ordinaires du gouvernement, répugne au peuple de cette province et serait repoussée par toute société prudente et qui réfléchit. "
Le 15 octobre 1863, le même journal publiait encore ce qui suit :
" Le chemin de fer nous laissera exactement où nous sommes aujourd'hui. En été, lorsque la navigation est ouverte, nous pouvons expédier des produits par le fleuve et le golfe, et jusqu'à un certain point faire de la compétition aux Americains. Mais supposer qu'en hiver nous pouvons expédier de la fleur ou du blé par cette longue route de terre à meilleur marché que les Américains ne peuvent le faire de leurs ports de l'est, est une absurdité qu'aucun homme qui à quelque connaissance du commerce ne saurait commettre. "
De nouveau, le 17 octobre de la même année, on lisait ce qui suit dans la même feuille :
" La route passera en grande partie à travers un pays qui n'appartient pas au Canada, mais qui ne saurait, sous aucunes circonstances possibles, apporter aucun avantage ou profit, soit directement ou indirectement. "
Le 20 du même mois, on y lisait ce qui suit :
" Les partisans de la mesure n'agiraient pas avec sagesse s'ils se fiaient aux apparences actuelles. Le projet ministériel doit être opposé à toutes ses phases tant dans la presse que dans le parlement. "
Le 25 du même mois, il ajoutait ceci :
" Ça été avec de belles promesses de retranchement et d'économie dans la bouche que nos ministres ont pris les rênes de l'Etat ; mais trois mois s'étaient à peine écoulés qu'ils lançaient sur le marché un projet de chemin de fer généralement regardé, quand il en fut d'abord question, comme devant entraîner une dépense plus considérable que celle qu'on avait fixée pour le Grand Tronc lorsque sa construction fut décidée. "
Je concours parfaitement, M. l'ORATEUR, dans cette déclaration que d'entreprendre la construction du chemin intercolonial, sans savoir combien il coûtera, ou quelle route particulière il suivra, est une chose qu'aucun hon. membre de cette chambre ne saurait approuver s'il a quelque prudence, et qu'une telle proposition devrait être repoussée à chacune de ses phases. Je pense aussi que le projet entier, en faisant abstraction de le construction du chemin de fer, est encore pire que le projet de chemin lui-même et qu'on devrait l'opposer encore plus fortement. Ce n'est ni plus ni moins que la résurrection d'un projet qui à été rejeté par le peuple chaque fois qu'on le lui à présenté. Le coût seul de cette confédération devrait la faire rejeter. Lorsque les droits sur les importations furent augmentés de quinze à vingt et vingt-cinq pour cent, il fut déclaré que les habitants du district de Gaspé étaient incapables de payer des droits aussi élevés, et le résultat fut l'établissement d'un port franc à Gaspé. Pendant plusieurs années nous n'avons pas perçu un seul denier de cette section considérable du pays, mais d'année en année nous avons payé des sommes considérables pour l'ouverture de chemins, pour l'administration de la justice et pour entretenir une ligne de bateaux à vapeur entre Québec et la Baie des Chaleurs. On a plus gaspillé d'argent pour cette section de la province 271 que pour aucune autre, et cependant elle n'a fourni aucun revenu. On nous demande d'ajouter d'un seul coup à nos charges annuelles une somme de $6,237,920, formant le joli capital de cent vint millions de piastres, et tout cela pour ajouter à notre population 900,000 habitants dont la plus grande partie n'occupe pas une position meilleure, si toutefois elle est aussi bonne, que celle des populations du district de Gaspé. ( Ecoutez ! écoutez !) En 1841, M. l'ORATEUR, c'est-à-dire il y a environ 24 ans, le Bas-Canada entrait dans l'union actuelle avec le Haut-Canada, n'ayant qu'une dette de £133,000. Cette dette avait été créée par le conseil spécial, car la législature du Bas-Canada, sous l'ancienne constitution, ne devait pas un seul denier lorsqu'elle cessa d'exister. Cette dette fut contractée de 1837 à 1840. Depuis l'union il a été dépensé dans le Bas-Canada, pour le canal de Beauharnois, l'établissement du canal Lachine, les travaux du lac St. Pierre et le canal de Chambly, environ quatre millions de piastres. A part cela nous avons trois cent cinquante milles de chemin de fer du Grand Tronc, environ cent milles de moins que le Haut- Canada. En prenant la moitié de ce que ce chemin coûte à la province, seize millions de piastres, nous nous trouvons avec quatre millions pour canaux et huit millions pour chemins de fer, en tout douze millions de piastres qui ont été dépensées pour travaux publics dans le Bas-Canada, puis un autre million peut-être pour autres travaux de peu d'importance,—en tout treize millions de piastres.
M. A. MACKENZIE—Parlez-nous donc du havre de Montréal.
L'HON. A. A. DORION—Le havre de Montréal paiera ses dépenses. Le gouvernement ne sera pas appelé à payer un seul denier de sa dette. La province n'a garanti qu'une très petite partie de cette dette, et n'aura jamais à en payer un seul sou, pas plus qu'elle n'aura à le faire pour la dette municipale de la de ville Montréal, dont l'intérêt est régulièrement payé tous les ans. Nous sommes donc entrés dans l'union avec £133,000 de dette. Nous en sortirons, si le projet de confédération passe, avec $27,500,000 ( notre part des $62,500,000 ), et tout ce que nous avons à montrer pour cette augmentation, ce sont des travaux publics au montant de douze à treize millions de piastres. Je ne fais point entrer en ligne de compte la dette du fonds d'emprunt municipal, ni le rachat de la dette seigneuriale, parce que si nous avons profité de ces mesures, nous aurons à payer ce qu'elles ont coûté en sus de notre part des $62,500,000. Si je fais quelque erreur en donnant ces chiffres, j'espère que les hon. messieurs de l'autre côté de la chambre me rectifieront. J'infère des explications qui nous ont été données l'autre jour par l'hon. ministre des finances, que le fait de mettre à la charge du Bas-Canada le rachat de la tenure seigneuriale, et d'un autre côté l'abandon par le Haut-Canada de l'indemnité qui lui avait été accordée comme compensation pour ce rachat, ne rendent pas nécessaire l'entrée de ces items en ligne de compte comme partie de la dette du Canada sous la confédération ;—que la charge pour le rachat de la tenure seigneuriale, l'indemnité aux townships en vertu de l'acte seigneuriale de 1859, l'intérêt sur cette indemnité, ce qui est dû au fonds d'éducation supérieure et au fonds d'emprunt municipal du Bas-Canada, s'élèvent en tout à environ $4,500,000, et devront étre payés par le Bas-Canada seul,—et que l'intérêt de cette somme à cinq pour cent, c'est-à-dire, $225,000, seront retenues sur les $880,000 que le gouvernement général devra payer au Bas-Canada pour des fins locales, ce qui laissera environ 60 centins par tête pour payer les dépenses du gouvernement local. Le Haut-Canada entra dans l'union avec une dette de £1,300,000 sterling. Immédiatement après l'union, l'on emprunta £l,500,000 sterling dont la plus grande partie fut dépensée dans le Haut-Canada ; malgré cela, cependant, le Haut-Canada sort de l'union en abandonnant son droit d'indemnité en vertu de l'acte seigneurial, et sans autre dette que son fonds d'emprunt municipal et sa part de la dette fédérale. Le Bas-Canada, au contraire, sort de l'union avec un fardeau de $4,500,000 de dettes locales, à part les $27,500,000 qui sont sa part de la dette fédérale,—et cela après avoir pendant près de vingt-cinq ans payé des droits considérables et cinq fois plus élevés que ceux qu'il payait avant l'union. Je serais très-surpris, M. l'ORATEUR, si un projet comme celui-ci, étant soumis au peuple, recevait son approbation. Et je maintiens qu'aucun projet de cette nature ne devrait être adopté par cette chambre avant que nous n'ayons eu de plus amples informations afin de nous permettre d'arriver à de justes conclusions. ( Ecoutez !) C'est autant dans 272 l'intérêt de la majorité que dans celui de la minorité que je fais cette demande.( Ecoutez !) Les hon. messieurs qui crient écoutez ! seraient peut-étre bien désappointés si, après que ce projet aura été adopté, les constitutions locales que l'on proposera n'étaient pas satisfaisantes. Je maintiens que les constitutions locales forment autant une partie essentielle du projet que la constitution générale elle-même, et qu'elles auraient dû être soumises à la chambre en même temps. ( Ecoutez !) Nous devrions aussi avoir un exposé exact des dettes qui doivent être attribuées au Bas et au Haut-Canada. ( Ecoutez !) Il serait bon que le Haut-Canada sût s'il devra payer les dettes de Port Hope, Cobourg, Brockville, Niagara et autres municipalités qui ont emprunté au fonds d'emprunt municipal, et il est important pour le Bas-Canada de savoir quelles sont les sommes pour lesquelles il devra se taxer. Nous devrions aussi avoir quelque espèce d'information au sujet du chemin de fer intercolonial,—quel en sera le coût et quelle route il suivra ;—et avant que ces faits ne soient devant la chambre, nous ne devrions pas prendre sur nous de passer ces résolutions. ( Ecoutez !) Beaucoup de membres de cette chambre, avant d'avoir entendu les explications qui ont été données, étaient et sont encore dans le doute sur la portée de plusieurs de ces résolutions. Dans la chambre haute, il a été dit que l'on ne savait pas quels seraient ceux qui devaient recommander la nomination des conseillers législatifs. Beaucoup pensaient que cette nomination devait être laissée aux gouvernements locaux, après que le projet aurait été adopté ; mais cela paraît être une erreur. Il y a beaucoup d'autres points que nous ne connaissons pas, particulièrement à l'égard de l'actif et du passif. Il y a une disposition qui dit que la nomination des juges de la cour supérieure sera laissée au gouvernement général, et que la constitution des cours sera laissée aux gouvernements locaux ; et je me demande ce que cela veut dire ? Veut-on dire que les gouvernements locaux pourront établir autant de cours qu'ils le jugeront à propos et fixer le nombre de juges dont elles seront composées, et que le gouvernement général devra les payer ? Un gouvernement local pourra-t-il dire : " Voici une cour composé de trois juges, nous en voulons cinq," et le gouvernement général devra-t-il en nommer cinq et les payer ? Je n'ai pas reçu de réponse à cette question, pas plus qu'à plusieurs autres. Je puis comprendre ce que l'on veut dire lorsque l'on parle de faire régler par le gouvernement général ce qui concerne le divorce, mais que veut-on dire par le réglement de la question du mariage ? Le gouvernement général doit-il avoir la faculté de mettre de côté tout ce que nous avons l'habitude de faire dans le Bas-Canada sous ce rapport ? Aura-t-il le droit de régler à quel degré de parenté et à quel âge les gens pourront se marier, ainsi que le consentement qu'il faudra obtenir pour rendre un mariage valable ? ( Ecoutez !) Toutes ces questions seront-elles laissées au gouvernement général ? Dans ce cas, il aurait le pouvoir de bouleverser l'une des plus importantes parties de notre code civil qui affecte plus qu'aucune autre toutes les classes de la société. Par exemple, l'adoption de la règle anglaise par laquelle les femmes à 1'âge de douze ans et les garçons de quatorze ans peuvent contracter mariage sans le consentement des parents, tuteurs ou curateurs, serait regardée par la grande masse du peuple du Bas-Canada comme une innovation excessivement repréhensible dans nos lois. Toute disposition permettant que ces mariages se fissent devant le premier magistrat venu, sans aucune formalité quelconque, serait également vue d'une manière très-défavorable. ( Ecoutez ! écoutez !) Eh bien ! n'y a-t-il aucun danger que de telles mesures ne soient emportées, lorsque nous voyons des opinions si diverses que l'on entretient dans les différentes provinces sur ce sujet ? Il est une autre question à laquelle je dois faire allusion avant de terminer. On nous dit que la division de la dette a été faite sur une base équitable. Nous avons donné au gouvernement, disons, $25 par tête de dette, c'est-à-dire, que dans les provinces où elle ne se montait pas à ce chiffre on l'a augmentée ; cette dette a été mise à la charge de la confédération et par ce moyen la confédération paiera aux provinces qui n'auront pas une dette suffisante la différence entre leur dette actuelle et la capitation de $25. ( On rit.) Cette capitation de $25, comparée à la dette de l'Angleterre, est une charge plus lourde pour notre population que ne l'est la dette impériale pour le peuple anglais, si l'on considère qu'en Angleterre la richesse par tête est beaucoup plus considérable, et que la dette anglaise ne porte que trois pour cent d'intérêt. ( Ecoutez !) Cette question de la dette publique doit être aussi examinée sous un autre rapport. Pour l'égaliser, les délégués l'ont augmentée en prenant pour base la 273 population actuelle des diverses provinces. Cette manière de procéder est assez équitable pour le présent, si l'on suppose que chaque province contribuera au revenu général dans une égale proportion ; ce serait encore équitable pour l'avenir si la population augmentait dans la même proportion ; mais il ne peut y avoir de doute qu'avec les avantages naturels que possèdent le Haut et le Bas-Canada, et l'étendue plus considérable de leurs terres arables, leur population et leur richesse augmenteront dans une proportion beaucoup plus grande que dans les provinces d'en-bas, et que dans dix ans cette proportion, qui aujourd'hui nous paraît équitable, aura considérablement augmenté pour le Haut et le Bas-Canada, tandis qu'elle aura diminué pour les provinces d'en-bas. ( Ecoutez !) Je dois demander pardon à la chambre de l'avoir retenue sur cette question , et je dois aussi remercier la chambre de m'avoir écouté avec tant d'attention. ( Voix : continuez ! continuez !) Je me bornerai à ajouter que je crains fortement que le jour où cette confédération sera adoptée ne soit un jour néfaste pour le Bas-Canada. ( Applaudissements.) Ce jour figurerait dans l'histoire de notre pays comme ayant eu une influence malheureuse sur l'energie du peuple du Haut et du Bas-Canada, ( écoutez ! écoutez !) car je la considère comme l'une des plus muuvaises mesures qui pouvaient nous être soumises, et s'il arrivait qu'elle fût adoptée sans la sanction du peuple de cette province, le pays aura plus d'une occasion de le regretter. ( Ecoutez !) Qui est-ce qui nécessite un pareil empressement ? Plus cette constitution est importante, plus elle doit être examinée avec soin. Je trouve, M. l'ORATEUR, qu'en 1839, lorsque lord JOHN RUSSELL mit devant la chambre des communes sa première mesure pour l'union des provinces, il exprima son intention de la soumettre à la chambre, de lui faire subir une seconde lecture et de la renvoyer à la session suivante, afin de donner au peuple du Haut et du Bas-Canada l'occasion de faire connaître ses vues en fesant les reptésentations qu'il jugerait devoir faire à cet effet. ( Ecoutez ! écoutez !) Et ce ne fut qu'à la session suivante, et après qu'il eût subi des modifications considérables, que l'acte d'union fut passé. Ce délai était parfaitement juste ; mais ici il semble que le peuple doive être traité avec moins de respect, moins d'égards par ses propres mandataires qu'il ne l'a été par le parlement anglais en 1840, lorsque la constitution du Bas-Canada était suspendue, et que la mesure actuelle va être passée avec une précipitation indécente. ( Ecoutez ! écoutez !) Quinze comtés du Bas-Canada ont fait des assemblées publiques et ont déclaré que la mesure ne devrait pas être adoptée avant de la soumettre au peuple. ( Ecoutez ! écoutez !) Dans le comté de Rouville, une seconde assemblée a eu lieu à la demande de l'hon. député qui représente ce comté, mais le verdict de cette assemblée a été encore plus emphatique que la première fois. ( Ecoutez ! écoutez !) Des assemblées ont eu lieu avec des résultats semblables dans les comtés de St. Maurice, Maskinongé, Berthier, Joliette, Richelieu, Chambly, Verchères, Bagot, St. Hyacinthe, Iberville, St. Jean, Napierville, Vaudreuil, Drummond et Arthabaska, ainsi que dans la ville de Montréal.
M. BELLEROSE—Parlez-nous donc de Laval.
L'Hon. A. A. DORION—Il est vrai qu'à Laval il y a eu une assemblée, mais elle n'a été annoncée qu'un jour avant l'assemblée, c'est-à-dire le vendredi,—et l'assemblée a eu lieu le lendemain ; malgré cela, l'hon. membre n'a pas osé proposer une résolution en faveur de la confédération ; il s'est contenté de se faire donner un vote de confiance. ( Ecoutez ! écoutez !) Ses amis n'ont proposé aucune résolution en faveur de la confédération. ( Ecoutez ! écoutez !) Je dois maintenant remercier la chambre pour la patience avec laquelle elle a écouté mes observations et, en terminant, je répéterai, en me servant des expressions que j'ai citées du Globe, que je crois devoir m'opposer à la mesure qui nous est soumise à chacune de ses phases, afin qu'elle ne soit pas adoptée avant d'avoir été soumise aux électeurs. ( Ecoutez ! écoutez !) (L'hon. membre prend son siége au milieu d'applaudissements chaleureux.)
Après une discussion relative au mode de continuer les débats, la chambre s'ajourne à dix minutes après minuit.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

Credits:

.

Selection of input documents and completion of metadata: Gordon Lyall.

Personnes participantes: