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Deuxième Gouvernement Provisoire du Manitoba, 7 Février 1870, La Grande Convention Débats.

La Grande Convention

Douzième jour

Salle du conseil, Upper Fort Garry

Lundi 7 février 1870

Deux heures de l'après-midi—La séance reprend. Appel des présences. Lecture du procès-verbal.
Les trois Commissaires canadiens, le Grand-vicaire Thibeault [sic], le Colonel DeSalaberry et M. Donald A. Smith sont présents, car on leur a demandé d'assister.
Le Président raconte les circonstances qui ont mené à l'établissement de cette liste et explique que l'on ne prétend pas que la liste soit complète. Elle n'exprime pas en termes définitifs le point de vue des délégués de la Convention sur les points abordés. Il faut donc la considérer comme plutôt incomplète, non seulement en ce qui concerne les choses qui manquent, mais aussi celles qui en font partie. Mais, poursuit le Président, j'espère qu'elle répondra suffisamment aux buts dans lesquels elle a été dressée, c'est-à-dire de vous transmettre, aussi clairement et précisément que possible dans les circonstances, le point de vue des membres de la Convention, en leur qualité de représentants du peuple, sur les grandes questions qui préoccupent tant l'esprit des hommes de cette Colonie.
M. Riel, en français— Nous devrions souhaiter la bienvenue au trois Commissaires du Canada. Nous sommes à présent en mesure de les traiter de la manière la plus juste et d'écouter ce qu'ils ont à nous dire. Nous sommes ici en tant qu'hommes honorables, pour traiter justement, pour faire connaître notre point de vue honorablement et pour recevoir en retour, je l'espère, le même traitement.
Les Secrétaires lisent, en anglais et en français, la Liste des droits qui a été présentée à M. Smith au cours de la matinée.
En réponse à une demande de M. Riel, les trois Commissaires s'adressent aux membres de la Convention.
Le Grand Vicaire Thibeault se lève au milieu des applaudissements et dit en français — J'ai été envoyé ici avec le Colonel DeSalaberry afin d'expliquer les choses et je puis vous assurer que je comprends ma responsabilité en cette affaire. Ma commission exigeait que je vienne ici afin d'expliquer les dispositions qui allaient être prises par le Gouvernement, avec M. McDougall. Mais, ayant constaté l'absence de M. McDougall, et étant obligé de par ma commission de venir dans ce pays, je suis venu. Nous avons rencontré les membres du Gouvernement provisoire et avons demandé de nous faire entendre. On nous a écoutés. Lorsqu'on nous a demandé quels étaient nos pouvoirs, nous avons répondu que nous n'avions pas le pouvoir d'étudier quoi que ce soit, ni celui de tirer des conclusions. Le Gouvernement du Canada nous fait confiance dans une certaine mesure (acclamations) et nous avons donc conseillé la démarche suivante, une démarche qui serait certainement bonne, selon nous, si les gens de ce pays pouvait l'adopter : à savoir, d'envoyer une délégation au Gouvernement canadien afin de traiter avec le Parlement canadien. Cette délégation devrait avoir les pouvoirs nécessaires pour négocier au nom de la nation (acclamations). Je dois dire, bien sûr, qu'il s'agit là plus d'un conseil que d'autre chose, mais d'un autre côté, je suis certain que la délégation serait bien reçue par le Gouvernement du Canada. Depuis que nous avons rencontré les membres du Gouvernement provisoire, nous n'avons rien fait dont il soit intéressant de parler maintenant. Nous avons uniquement jugé les événements et réfléchi à la bonne façon d'apaiser les habitants et d'établir l'ordre dans le pays (acclamations).
Le Colonel DeSalaberry, ayant été applaudi, déclare — Je suis conscient de l'honneur que vous m'avez fait en me convoquant à cette Convention. J'appuie tout ce que mon honorable ami le Grand Vicaire a dit et je n'ai rien d'autre à ajouter. Nous avons été envoyés ici sans pouvoir, simplement pour rencontrer les gens et leur faire part de notre opinion en ce qui concerne les conséquences du changement de Gouvernement proposé (acclamations).
M. Riel — Sans aller plus loin dans les détails, j'aimerais entendre de la bouche de M. Smith ce qu'il est en mesure de nous garantir — quel pouvoir il a pour répondre aux exigences que nous avons exprimées au nom des habitants de la Rivière-Rouge. À ce stade de nos délibérations, il est important de ne pas se fier uniquement à une opinion. Nous ne nous contenterons pas de ce que M. Smith pense, nous voulons savoir ce qu'il peut garantir. Je veux quelque certitude et non l'expression d'une opinion sur ce que nous demandons. Nous avons à présent la possibilité de présenter des exigences. Dans quelle mesure le Commissaire peut-il garantir au nom du Gouvernement canadien que nous obtiendrons ce que nous voulons?
M. Ross — Les choses seraient sans doute plus faciles si nous examinions la Liste des droits article par article afin d'obtenir une réponse de la part de M. Smith sur chacun de ces articles.
M. Riel — J'aimerais tout d'abord que M. Smith nous dise, sans entrer dans les détails, s'il est en mesure de nous accorder ce que nous voulons. Peut-il, en sa qualité de Commissaire, garantir un seul article de la liste? Nous avons vu sa commission. Elle ne contient aucune restriction. S'il peut nous en accorder un, il peut aller plus loin.
M. Smith se lève sous les acclamations et dit — D'après la façon dont la question est posée, je trouve très difficile d'y répondre. Je pense que j'ai sans doute le pouvoir de vous donner une assurance — autant que l'on puisse donner une assurance en ce qui concerne une chose qui ne s'est pas encore produite — sur certains articles, mais, d'un autre côté, je ne peux pas vous garantir le tout. Vous avez eu les termes exacts de ma commission sous les yeux. De plus, avant de partir, j'ai consulté le Gouvernement et je connais son point de vue généralement (bravos). Je suppose que cette question n'a pas besoin d'autre réponse. Si l'on me permet d'expliquer mon point de vue sur ce que le Gouvernement canadien serait prêt à faire pour ce pays, je serai très heureux de le faire.
M. Riel — Votre commission vous permet-elle même de nous garantir un seul article de la Liste des droits?
M. Smith — Je pense que la nature de ma commission est telle que je peux vous donner l'assurance — vous garantir complètement, dans la mesure où l'on peut donner une telle garantie — que le Gouvernement du Dominion présenterait le droit en question au Parlement de façon à ce qu'il soit accordé. Ceci serait vrai dans certains cas —
M. Riel — Dans certains cas!
M. Smith — En ce qui concerne la totalité des droits, tels qu'ils m'ont été présentés, je ne peux absolument pas répondre.
M. Riel — Donc, vous ne pouvez même pas nous garantir un seul article de la liste?
M. Smith — J'ai essayé d'expliquer aux membres de la Convention que je crois que mon pouvoir est suffisant pour que je puisse garantir— autant que l'on puisse garantir quelque chose qui n'a pas été présenté au Parlement — certains articles de cette liste.
M. Riel — J'aime bien le mot « croire », mais je préférerais entendre « Je suis certain ».
M. Smith — Je peux dire que j'ai la conviction. Il s'agit là d'un mot fort. On ne peut pas avoir de certitude lorsqu'une chose ne s'est pas encore produite.
M. Riel — Alors, votre mandat de Commissaire ne s'est pas encore produit ici?
M. Smith — Mon mandat de Commissaire s'est certainement « produit », comme vous le dites. Mais quand j'ai quitté le Canada, nous ne savions presque rien de la situation dans ce pays. En conséquence, le Gouvernement ne pouvait certainement pas me montrer certains articles et me communiquer sa politique à ce sujet. Il ne savait pas quels étaient les désirs des habitants, ni ce que ceux-ci considéraient comme étant leurs droits. La première Liste des droits m'est arrivée entre les mains, cela est vrai, mais pas au Canada. Si j'avais eu cette liste entre les mains à Ottawa,— si j'avais pu passer en revue les différents articles et dire « Voici, messieurs, le premier article; accorderez-vous ce droit? », j'aurais alors pu avec certitude me prononcer sur les différents articles.
M. Riel — Puisque vous avez quitté le Canada après le Grand Vicaire et le Colonel DeSalaberry, vous avez peut-être reçu plus de pouvoir, étant donné que le Gouvernement canadien était alors sans doute mieux informé sur les événements qui ont eu lieu dans ce pays. Votre pouvoir en tant que Commissaire est-il plus grand que celui des deux autres Commissaires?
M. Smith — J'ai le sentiment qu'il est différent de celui des autres dans un certaine mesure. Laissez-moi dire à présent que je suis enchanté de rencontrer ces messieurs, mes co-Commissaires. Comme eux, je ne peux avoir qu'un seul souhait, celui d'arriver le plus vite possible à un règlement satisfaisant pour le pays et le Canada,— car je crois vraiment que les intérêts des deux pays sont identiques (acclamations). Ces messieurs ont quitté le Canada avant moi, mais l'intention, quand j'ai quitté Ottawa, était que je les rattrape et que nous fassions la plus grande partie du chemin ensemble. Mais une affaire m'a retenu et ils sont arrivés avant. Je dois ajouter que j'ai accepté cette commission avec une certaine hésitation. J'ai recommandé d'autres personnes en qui j'avais entièrement confiance, mais ai dû finalement accepter ces fonctions moi-même.
M. Riel — Je suis content de vous entendre dire que vous croyez que votre commission vous donne peut-être un peu plus de pouvoir que celui de ces deux autres messieurs. Montrez-nous donc alors que vous avez plus de pouvoir. Ils ne peuvent rien nous garantir. Si votre pouvoir est plus grand, vous pouvez garantir quelque chose.
M. Smith — Je me ferai un plaisir de vous dire les points de la liste que je peux garantir.
M. Riel — Vous pouvez donc nous garantir certains articles, dans le vrai sens du mot « garantir ».
M. Smith — Oui; mais auriez-vous la bonté d'expliquer ce que vous entendez par « garantir »?
M. Riel — Un engagement selon lequel le Gouvernement canadien sera prêt à sanctionner par une loi adoptée au Parlement ce qui, selon vous, nous sera accordé.
M. Smith — Le Gouvernement ne manquera pas de présenter la chose au Parlement, mais c'est le Parlement qui prend la décision finale.
M. Riel — Vous êtes embarrassé. Je comprends que vous êtes un gentleman et ne souhaite pas vous pousser. Je constate que le Gouvernement canadien ne vous a pas donné toute l'assurance qu'il aurait dû vous mettre entre les mains. Cependant, nous écouterons ce que vous avez à dire, même si nous comprenons que vous ne pouvez pas nous accorder ni nous garantir quoi que ce soit, de par la nature de votre commission.
Le Président s'adresse ensuite à M. Smith en ces mots :— Je suis convaincu que vous agirez consciencieusement envers les habitants de la Rivière-Rouge et le Gouvernement du Canada en votre qualité de Commissaire (acclamations). Nous comprenons parfaitement la difficulté, la délicatesse et les responsabilités de vos fonctions, et, étant donné que nous avons le sentiment que vous traitez avec nous avec conscience, nous ne serons pas surpris si, devant les exigences fortes qui sont présentées, vous vous arrêtez pour considérer si vos pouvoirs vous permettent de parler avec toute l'assurance positive que souhaiteraient certainement les membres de la Convention (acclamations).
M. Smith – Je vais maintenant tourner mon attention vers la Liste des droits. Je n'ai pas été en retard, mais le temps limité qui m'a été donné pour réfléchir à ces articles ne m'a permis que de prendre note de quelques idées. Deux heures, cela est très court pour examiner un document qui a retenu l'attention des membres de cette Convention pendant onze ou douze jours environ. En ce qui concerne l'article un, les délégués avaient déjà été prévenus du fait que le Gouvernement du Dominion avait pris un décret en conseil en vue de la poursuite des droits actuellement en vigueur dans le Territoire pendant au moins deux années, et je suis convaincu que le Gouvernement sera prêt à recommander au Parlement les mesures qui correspondent aux souhaits exprimés dans cet article par les membres de la Convention. L'article est le suivant :—
« 1. Qu'étant donné la position actuellement exceptionnelle du Nord-Ouest, les droits sur les marchandises importées dans le pays continuent d'être imposés au taux actuel (les spiritueux exceptés) pendant trois ans et plus, jusqu'à l'existence d'une communication ininterrompue par chemin de fer entre la Colonie de la Rivière-Rouge et St. Paul, et par bateau à vapeur entre la Colonie de la Rivière-Rouge et le Lac Supérieur. »
L'article 2 est le suivant :—
« 2. Que tant que ce pays demeure un Territoire de la Puissance du Canada, il n'y ait aucune autre taxe directe, si ce n'est celles qui pourraient être imposées par la Législature pour des intérêts municipaux ou autres. »
Article 3 : « Que pendant la période où ce pays sera un Territoire de la Puissance du Canada, toutes les dépenses militaires, civiles et autres dépenses publiques liées à l'administration générale du pays, ou ayant été jusque-là payées par les fonds publics de la Colonie, qui dépassent les droits perçus mentionnés ci-dessus, soient payées par le Gouvernement du Canada. »
J'ai mis ces deux articles ensemble car je pense qu'une réponse peut s'appliquer aux deux. Ma réponse est la suivante — Je pense que le Gouvernement canadien demandera au Parlement du Dominion d'accorder ce que demandent ces articles, afin de répondre aux demandes des membres de la Convention et de leurs électeurs.
L'article 4 de la liste est le suivant :—
« 4. Que, tandis que les dépenses publiques de ce Territoire seront prises en charge par le Canada, le pays soit gouverné sous l'égide d'un Lieutenant-Gouverneur du Canada et d'une Législature dont trois membres, choisis parmi les dirigeants de ministères du Gouvernement, seront nommés par le Gouverneur Général du Canada. »
À ceci, je réponds — Lorsque j'ai eu l'honneur de m'entretenir avec des membres du Gouvernement canadien, ceux-ci m'ont assuré qu'ils souhaitaient connaître les volontés des habitants du Territoire en ce qui concerne la composition de la Législature locale et qu'ils avaient l'intention, dès que le Nord-Ouest ferait partie de la Confédération, de veiller à ce que les deux tiers au moins des membres du Conseil soient choisis parmi les résidents. Ils m'ont chargé d'assurer les habitants de cela. Pour le moment, les conseillers de l'ancien Gouvernement garderont leurs sièges,— je veux parler du Gouvernement de la Compagnie de la Baie d'Hudson qui, lorsque j'ai quitté Ottawa, était le seul Gouvernement que le Canada connaissait. C'est ce Conseil qui aurait dû recommander au Gouvernement du Dominion tout changement qu'il estimait nécessaire pour que le Gouvernement local corresponde aux souhaits de la communauté. Ces recommandations seraient proposées au Parlement sous forme de projet de loi.
M. Riel, (indigné) — Ce n'est qu'à cause de la présente Convention que je tolère la liberté que vous prenez en faisant une telle déclaration.
Le Président — Je crois qu'il y a un malentendu.
M. Smith — Je serai au regret de dire des choses offensantes, mais, selon moi, ce que j'ai dit ou ce que j'avais l'intention de dire n'a pas besoin d'être corrigé. Je parle au nom du Gouvernement, en fonction de ce qui m'a été expliqué, et non de mon opinion sur la question en ce moment. Je parle de —
M. Riel — ce qui n'existe plus.
M. Smith — Des instructions que j'ai reçues alors, et j'en parle uniquement pour montrer les raisons qui m'ont poussé à faire ce que j'ai fait après.
M. Riel — Poursuivez.
M. Smith — J'ai mentionné auparavant que j'avais été en communication verbale avec le Gouvernement en ce qui concerne bien des points, et j'essaie d'agir en fonction de cela.
M. Riel — Cette question est d'une telle importance capitale que nous ne pouvons que nous fier à votre commission. Nous croyons tous sur parole un gentleman, mais dans un cas si grave, nous devons avoir quelque chose de plus solide.
M. Smith — Ce qui a été entendu entre le Gouvernement et moi-même est très précis : il s'agissait du fait que le Conseil de ce pays, tel qu'il avait été constitué en premier lieu, serait remplacé le plus vite possible par une Législature dont les représentants seraient choisis par le peuple. Sachant cela, je n'ai pas hésité à dire qu'à mon avis le Gouvernement du Dominion allait demander au Parlement de faire en sorte que le pays ait un Gouvernement libéral tant qu'il sera un Territoire. Le cinquième article est le suivant :—
« 5. Qu'après l'expiration de cette période exceptionnelle, les affaires locales du pays soient gouvernées, comme le sont actuellement celles des Provinces de l'Ontario et du Québec, par une Législature élue par le peuple et un Conseil des ministres qui en relèvera, sous l'égide d'un Lieutenant-Gouverneur nommé par le Gouverneur Général du Canada. »
En ce qui a trait à cet article, le Gouvernement canadien m'a donné l'assurance la plus claire que cela serait ainsi. L'article 6 est le suivant :—
« 6. Qu'il n'y ait aucune ingérence du Parlement de la Puissance dans les affaires locales de ce Territoire, à l'exception de ce qui est permis dans les Provinces confédérées, et que ce Territoire profite sans restriction des mêmes privilèges, avantages et aide pour ses dépenses publiques que les autres Provinces de la Confédération. »
Je pense que le Gouvernement du Dominion sera libéral en la matière. L'article 7 est le suivant :—
« 7. . Que tant que le Nord-Ouest demeure un Territoire, la Législature ait le droit d'adopter toutes les lois qui concernent le Territoire, le veto du Lieutenant-Gouverneur pouvant être renversé par un vote des deux-tiers des représentants. »
Cet article soulève certaines questions constitutionnelles, et il serait présomptueux et impardonnable de ma part de les traiter sommairement. Mais je répète sans équivoque que le Gouvernement du Dominion sera extrêmement attentif aux souhaits des membres de la Convention en ce qui concerne ce point et tous les autres points relatifs au Gouvernement du pays. Je suis par conséquent entièrement convaincu que la décision prise sera acceptable aux yeux des habitants. L'article 8 est le suivant :—
« 8. Une loi sur le homestead et le droit de préemption. »
Le Gouvernement canadien m'a déjà fait savoir, afin que je le transmette aux habitants de la Colonie, que tous les biens que possèdent les résidents dans un esprit de paix leur seront laissés, et que l'on adoptera une politique très libérale en ce qui concerne les terres pour la colonisation future de ce pays. Tous les privilèges dont jouissent dans ce domaine les habitants de l'Ontario ou du Québec seront accordés à ceux de ce Territoire. L'article 9 énonce :—
« 9. Que tant que le Nord-Ouest demeure un Territoire, la somme de 25 000 $ par an soit affectée aux écoles, aux routes et aux ponts. »
En ce qui concerne cet article, il serait peut-être préférable que je ne mentionne pas de somme particulière, mais je suis tout à fait certain que l'on accordera une somme dépassant même celle qui est indiquée, pour les fins exposées. Je peux donner l'assurance que ceci sera fait.
M. Riel — Une assurance verbale?
M. Smith — Une assurance aussi forte que celle que je peux donner à n'importe quel autre sujet. Le dixième article indique :—
« 10. Que toutes les bâtisses publiques soient à la charge du Trésor de la Puissance. »
À ceci, je peux répondre que le Gouvernement du Dominion paiera les coûts associés à tous les bâtiments publics nécessaires pour les affaires générales du Territoire; je peux promettre ceci en toute sécurité (acclamations). L'article 11 précise :—
« 11. Qu'il soit garanti qu'une communication ininterrompue par bateau à vapeur jusqu'au Lac Supérieur sera achevée dans les cinq ans, de même qu'un raccordement par chemin de fer à la ligne de chemin de fer américaine, dès que celle-ci aura atteint la frontière internationale. »
Je n'hésite pas à donner cette assurance, car les travaux du trajet jusqu'au Lac Supérieur, qui progressent très bien depuis le début de l'été, seront certainement terminés dans les temps précisés. En ce qui concerne le chemin de fer jusqu'à Pembina, il sera sûrement construit peu après que la ligne américaine aura atteint cet endroit. Si je puis me permettre une remarque au sujet de cet article, je dirais que je n'hésiterais pas à faire une promesse personnelle. J'ai vu un certain nombre d'hommes importants ayant des liens avec de grandes entreprises en Angleterre aussi bien qu'au Canada. Les points abordés dans cet article ont été discutés et je sais que tous sont très impatients que l'on entreprenne ces travaux car ils savent que ce sera dans leur propre intérêt. C'est pour cela que je suis persuadé qu'une entreprise privée se chargera dans peu de temps de mener à bien les travaux dont il est question ici. Peu avant de quitter le Canada, j'ai moi-même fait des affaires avec des hommes comme M. Hugh Allan, M. A. Allan, de la compagnie de bateaux à vapeur, M. King, Président de la Banque de Montréal, M. Redpath, propriétaire de l'un des plus grands établissements du Canada et d'autres hommes importants de là-bas. Nous avions pour objectif d'établir une compagnie de matériel roulant. Au début, nous avons eu, je crois, une contrat portant sur 500 wagons. Et un beau jour, j'espère que les habitants de Winnipeg verront certains de ces wagons arriver dans la prairie (acclamations). J'espère que vous les verrez arriver pleins d'objets fabriqués au Canada et qu'ils repartiront remplis des produits en surplus de ce pays. Bien que j'aie certains liens avec la Compagnie de la Baie d'Hudson, je dois aussi dire que j'ai été très engagé dans les entreprises publiques. De par mes rapports avec certains personnages importants, j'ai établi des liens avec d'autres entreprises. J'ai des intérêts considérables dans une grande filature de laine en Cornouailles. Certaines de nos couvertures sont déjà arrivées ici et il y en aura sans doute beaucoup plus, car elles sont de meilleure qualité et moins coûteuses que les autres. J'espère voir des hommes venir ici, établir de telles manufactures, utiliser votre laine et faire circuler plus d'argent en ce lieu (acclamations). Ils le feront certainement dès qu'ils estimeront que c'est à leur avantage (acclamations).
M. Riel — Je pensais que le Canada allait faire de la spéculation sur notre pays.
M. Smith — Il s'agit d'affaires, et je suis sûr que les gens d'ici seraient ravis de voir ce genre d'hommes venir s'installer parmi eux (acclamations). Le douzième article est le suivant :—
« 12. Que les langues française et anglaise soient communes dans la Législature et les cours, et que tous les documents publics, ainsi que les actes de la Législature soient publiés dans les deux langues. »
À ce sujet, je dois dire que ce point est si évidente qu'il est certain que ce droit sera accordé. Article 13 :—
« 13. Que le Juge de la Cour Suprême parle le français et l'anglais. »
La réponse donnée au sujet de l'article précédent vaut aussi dans ce cas. Le quatorzième article dit :—
« 14. Que des traités soient conclus entre la Puissance et les différentes tribus indiennes du pays dès que possible. »
Étant tout à fait sensible à la nécessité de faire ceci, le Parlement du Dominion ne manquera pas de saisir rapidement une occasion de traiter cette affaire en vue de mettre fin, d'une manière équitable, aux revendications des Indiens, pour que les colons puissent obtenir des titres nets et incontestables. Le quinzième article est le suivant :—
« 15. Que nous ayons quatre représentants au Parlement du Canada – un au Sénat et trois à l'Assemblée législative. » Les membres de la Convention ne s'attendront pas à ce que je puisse me prononcer clairement sur le nombre de représentants devant être élus dans le Territoire pour le Parlement canadien, mais je puis promettre que l'on tiendra compte de façon complète et libérale des circonstances et des exigences du pays en fixant le nombre de ses représentants. Le seizième article est le suivant :—
« 16. Que toutes les propriétés, tous les droits et privilèges dont nous avons joui jusqu'à maintenant soient respectés, et que l'arrangement et la confirmation de tous les us, coutumes et privilèges soient laissés sous le contrôle de la Législature locale. » Au nom du Gouvernement canadien, ainsi que du représentant de Sa Majesté en Amérique du Nord britannique — et aussi, directement, au nom de la Reine — l'assurance a été donnée à tous que les propriétés, droits et privilèges dont ont joui jusqu'à présent les habitants du Territoire seront respectés. Et je suis sûr que le Gouvernement du Dominion recommandera avec plaisir à la Législature locale qu'elle reconnaisse et facilite les coutumes, usages et privilèges locaux. Le dix-septième article indique :—
« 17. que la Législature du Territoire contrôle entièrement toutes les terres à l'intérieur d'une circonférence au centre de laquelle se trouve Upper Fort Garry et que le rayon de ce cercle soit égal à la distance entre la frontière américaine et le Fort Garry. »
En ce qui concerne cet article, ma connaissance du pays et de la façon dont cette concession pourrait toucher les travaux publics, etc., est trop limitée pour que je puisse exprimer une opinion ferme sur ce sujet. Je puis seulement dire que la question sera traitée en toute justice. Le dix-huitième article :
« 18. Que tout homme de ce pays (à l'exception des Indiens qui ne sont ni civilisés ni établis) ayant atteint l'âge de vingt et un ans, et tout étranger, s'il est sujet britannique, ayant résidé trois ans dans ce pays et possédant une maison, ait le droit de voter pour élire un député à la Législature du pays et au Parlement de la Puissance; de même, que tout étranger autre que sujet britannique ayant résidé dans ce pays pendant cette même période et jouissant de la propriété d'une maison, ait le même droit de vote, pourvu qu'il prête serment de fidélité. Il est entendu que cet article n'est sujet à amendement que de la part de la Législature locale exclusivement ».
Sans entrer dans les détails de l'article, je dirais que le droit de suffrage sera ajusté de manière à être tout à fait satisfaisant pour le public, qu'il soit natif de ce pays ou émigrant, et d'une manière qui soit propice au bien-être de tous. Le dix-neuvième article déclare :—
« 19. Que le Territoire du Nord-Ouest ne soit jamais tenu responsable d'une part quelconque de la somme de 300 000 £ versée à la Compagnie de la Baie d'Hudson, ni de quelque portion que ce soit de la dette publique du Canada contractée avant notre entrée dans la Confédération; et si par la suite on nous demande d'assumer notre part de cette dette publique, nous y consentons uniquement à condition que l'on nous accorde d'abord le montant dont nous devrions être responsables ».
Je crois que le Gouvernement canadien n'a pas l'intention d'imposer au Territoire du Nord-Ouest de payer une partie quelle qu'elle soit des 300 000 livres, et je suis complètement convaincu qu'il sera poussé, dans tous les aspects de la question, par des motifs sages et justes et que, lorsqu'il organisera la répartition de la dette publique du Canada, le Territoire du Nord-Ouest ne sera pas tenu responsable de quelque chose d'injuste. En bref, je suis convaincu que cette question, comme les autres, sera traitée de façon tout à fait juste (acclamations). Ayant passé ces articles en revue, puis-je me permettre de dire quelques mots? Non seulement votre liste est-elle longue, mais elle contient bien des points d'une grande importance. En venant ici, je n'en avais aucune idée! Le Gouvernement du Canada non plus. Cependant, celui-ci m'a autorisé, en tant que Commissaire, à faire ce que je Jugerais bon de faire, selon l'état des affaires publiques du pays. D'autre part, on a également prévu que je ne pourrais peut-être répondre personnellement de façon à satisfaire les habitants du pays sur certains points qui pourraient être soulevés. Étant donné cette situation, et en tenant compte de la suggestion du très révérend Grand vicaire en ce qui concerne une délégation de ce pays qui irait au Canada, je vais maintenant, au nom du Gouvernement du Dominion — et avec son autorisation — inviter une délégation de résidents de la Rivière-Rouge à venir rencontrer le Gouvernement à Ottawa (acclamations). Une délégation formée de deux résidents de la Rivière-Rouge ou plus — selon ce qu'ils souhaitent — qui viendra discuter avec le Gouvernement et l'Assemblée législative, et expliquer les désirs des habitants de la Rivière-Rouge, ainsi que discuter de la représentation de ce pays au Parlement et prendre des mesures pour mettre cela en œuvre (acclamations). Étant donné cet état de chose, j'ai pensé qu'il était moins nécessaire que je me penche de très près sur ces questions. De la part du Gouvernement, je suis autorisé à offrir une réception des plus cordiales aux délégués de ce pays qui viendront au Canada (fortes acclamations). Je suis moi-même persuadé que le résultat sera de nature à contenter totalement les habitants du Nord-Ouest. C'est là, je le sais, le souhait du Gouvernement canadien (acclamations).
M. Riel en français, traduit par M. Flett, dit — Depuis que nous nous sommes réunis, on peut dire, dans une certaine mesure, que c'est la première fois que nous accomplissons quelque chose. Et il serait dommage d'en rester là, alors que tant d'autres choses devraient suivre. Je n'ai pas voulu interrompre M. Smith, mais il y a tout à fait de quoi discuter de ce qu'il disait. Il reste encore beaucoup à faire et j'espère que les membres de la Convention ne se fatigueront pas avant que tout ce qui devrait être fait le soit. Je ne puis que considérer avec grand respect les Commissaires, et particulièrement M. Smith, qui a accueilli la plupart de nos souhaits de manière positive et a invité une délégation à venir au Canada, avec l'assurance qu'elle sera reçu cordialement et qu'elle pourrait, pendant cette visite, conclure une entente définitive. Il nous reste à faire une bonne partie de notre travail, je vous le rappelle de nouveau, afin d'établir l'ordre, la paix et la sécurité dans le pays (acclamations).
Le Président — Je pense que je parle en notre nom à tous lorsque j'exprime ma satisfaction d'avoir eu le plaisir et l'honneur de rencontrer ici les trois messieurs qui nous ont fait la grâce de leur présence, le Grand Vicaire, M. Smith et le Colonel DeSalaberry (acclamations). Je crois que je vais prendre la séance en main pour dire aux trois messieurs combien nous leur sommes reconnaissants de cette entrevue et des explications qu'ils nous ont données, tout particulièrement parce que nous avons senti, de par la manière dont ils ont fait leurs déclarations, qu'il semblait y avoir, de la part de tous les trois, un désir simple et honnête de traiter avec nous d'une façon franche, juste et amicale. C'est pourquoi (en s'adressant aux Commissaires) je souhaite, de la part des délégués, vous offrir à chacun, messieurs, nos remerciements respectueux.
La séance est levée à sept heures trente, jusqu'au lendemain à dix heures.

Source:

Manitoba. La Grande Convention Debates. Édité par Norma Jean Hall. 2010. Numérisé par la Province du Manitoba.

Credits:

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Selection of input documents and completion of metadata: Gordon Lyall.

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