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Deuxième Gouvernement Provisoire du Manitoba, 1 Février 1870, La Grande Convention Débats.

La Grande Convention

Septième jour

Salle du conseil, Upper Fort Garry

Mardi 1 février 1870

Dix heures — Les délégués anglais et français sont rassemblés.
Le Président présente l'article 12 :
« 12. Que les forces armées nécessaires pour le pays soient composées pendant quatre ans de natifs de ce pays ».
M. Riel propose l'adoption de l'article.
M. Cummings – Qui sont les natifs de ce pays? Est-ce que cela inclut toutes les personnes nées ici – Indiens, Sang-Mêlé et tout le reste?
M. Riel — Je suis natif de ce pays et je dirais que cela inclut les habitants de ce pays sans distinction.
M. Bunn — Sans compter les Indiens?
M. Riel — Nous ne savons pas s'ils sont nés ici (rires).
M. Bunn— J'en ai vu au milieu de l'hiver qui étaient si jeunes que je pense qu'ils devaient être nés ici (rires).
M. Fraser — J'ai plusieurs objections à cet article. Je dis être natif de ce pays, mais je ne souhaite pas vraiment être soldat. En traversant la Colonie dans toutes les directions, on constate que les habitants forment une longue chaîne de liens familiaux. Dans ces circonstances, s'il se produisait des troubles dans un coin de la Colonie, comment pourrais-je, si j'étais militaire, être prêt à me battre contre mes cousins ou d'autres membres de ma famille, à droite ou à gauche? Que ferais-je si j'étais confronté à la possibilité d'avoir à combattre contre mon père, mon frère ou mon fils? Je ne le ferais pas. Je propose, sous forme d'amendement, « que les forces armées nécessaires pour la protection de la vie et des biens dans ce Territoire soient telles que le décidera la Puissance, de concert avec notre Législature locale ». Je suis prêt à admettre qu'aucun soldat étranger ne peut être aussi à même de traiter avec les Indiens, etc. que les natifs du pays, mais, même si nous avons un certain nombre de soldats étrangers, nous pouvons aussi avoir nos propres volontaires d'ici. À mon avis, les natifs de ce pays seraient les plus aptes à constituer la cavalerie qui garderait la frontière.
M. Riel déclare en français – selon la traduction de M. Ross — M. Fraser nous dit que les gens ont des liens de famille d'un bout à l'autre de la Colonie. Ce fait en soi, d'après moi, renforce notre point de vue actuel. Si ce n'était des relations qui existent entre les habitants de cette Colonie, il y aurait très probablement eu des troubles très graves ces derniers mois. Ce sont ces liens dont parle M. Fraser qui nous ont alors sauvés, et ils nous sauveront à l'avenir. En outre, si nous obtenons tout ce que nous voulons du Canada, il n'y aura aucune difficulté ni problème qui nécessite des troupes constituées d'autres gens que les nôtres. Nous ne sommes pas plus susceptibles de nous massacrer les uns les autres au cours des quatre années à venir que pendant ces quatre derniers mois. Encore une fois, des troupes étrangères pourraient avoir des préjugés ou agir injustement contre nous alors que nous ne faisons que chercher à obtenir nos droits. À n'importe quel moment, alors que nous réclamons nos droits, des troupes étrangères pourraient nous réprimer abusivement. Voilà pourquoi il vaudrait mieux avoir des soldats d'ici. Ayant parmi nous un Gouverneur qui représente le Canada, qui a une énorme influence et a peut-être tendance à favoriser les Canadiens, ne serait-il pas une bonne chose que nous ayons des troupes locales? De toute manière, nous pourrons nous passer de ces troupes dans quatre ans (acclamations).
M. Boyd appuie l'amendement de M. Fraser.
M. Flett déclare en français – Je ne pense pas que des soldats étrangers, en venant ici, nous feraient du mal ou seraient poussés par un esprit de vengeance. Il est juste possible que des émigrants soient poussés par ce genre de motif, mais quant à nous, nous avons vécu ensemble comme des frères depuis cinquante ans et nous ne voudrions pas lever la main les uns contre les autres. Je suis d'avis que nous ne serions pas de très bons soldats pour préserver l'ordre dans la Colonie.
M. Fraser — Je ne prévois pas de troubles de la part des natifs du pays, mais il pourrait venir des étrangers et des personnes qui ont des motifs néfastes. Ceux-ci pourraient chercher à avoir de l'influence sur certains secteurs de notre population, se regrouper et nous causer bien des problèmes. Si nous étions militaires, on nous demanderait peut-être d'intervenir si des émeutes se produisaient ainsi et aucun d'entre nous ne voudrait agir dans ces circonstances. C'est pourquoi je pense qu'il ne serait pas souhaitables que seuls des natifs de ce pays constituent les forces armées. Leurs services, alliés à ceux de troupes constituées de soldats britanniques et non de volontaires canadiens, pourraient être précieux, surtout s'il s'agissait de se battre contre des Indiens.
M. Riel — Bien entendu, si l'on constituait de telles troupes ici, elles seraient composées par moitié d'une partie de la Colonie et pour ce qui est de l'autre moitié, de l'autre partie de la Colonie. À mon avis, il ne serait pas nécessaire d'organiser une armée ordinaire dans le Nord-Ouest pour combattre les Indiens. J'espère que nous n'aurons jamais la malchance de devoir faire cela. Je pense qu'il serait injuste d'enrôler une telle armée pour toujours, mais le faire pour une période de quatre ans pourrait être bon pour les habitants de la Colonie, car cela les habituerait à la discipline militaire et aux manœuvres défensives.
M. Sutherland — Je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il est juste de donner aux jeunes hommes qui désirent poursuivre la profession de soldat la possibilité de le faire, mais d'un autre côté, je doute que nous puissions nous permettre de consacrer un grand nombre d'entre eux à la protection immédiate de la Colonie, sans parler des vastes étendues du Nord-Ouest dans lesquelles les émigrants vont s'éparpiller (acclamations). Il me semble que si nous avons besoin de troupes, ce sera dans les quatre ans qui viennent. Il faudra des postes militaires le long de la frontière – sans doute près des montagnes – probablement un à l'est d'ici, un près de la Colonie et un ou deux de plus vers l'ouest. Je ne pense pas que nous puissions trouver le nombre nécessaire de jeunes hommes dans la Colonie pour remplir ces fonctions de façon efficace (acclamations). Nous pourrions peut-être trouver 200 ou 300 hommes pour former une cavalerie, mais c'est à peu près tout. Les autres hommes préféreraient s'occuper de leurs fermes. À l'heure actuelle, nous sommes déjà à peine assez nombreux pour travailler durant certaines saisons et si, au moment des récoltes, nous sommes nombreux à ne pas pouvoir travailler dans les champs, la perte sera très grande non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour la communauté (bravos). Il s'agit là de quelque chose que nous pourrions peut-être faire lorsque nous avons une surabondance de grains dans la Colonie, mais nous ne verrons sans doute pas cela avant de nombreuses années (bravos). Je pense que nous devrions demander des troupes immédiatement – des troupes de ligne, pas des volontaires. Ces derniers, selon moi, ne seraient pas d'un grand secours car lorsqu'on a le plus besoin d'eux, ils pourraient être en train de cultiver leurs terres et avoir très peu de temps libre. Pour ma part, je peux dire que je n'avais jamais vu de shilling en argent avant de voir des troupes de ligne ici, et certains de ces shillings en argent sont encore ici. Il ne fait pas de doute que c'est l'occasion de demander des troupes. Nous les obtiendrons sans doute sans payer quoi que ce soit. Après cela, il est très probable que l'on nous demande de contribuer à leur entretien.
M. O'Donoghue — Je remarque que certains de ces messieurs pensent que l'Angleterre va envoyer des troupes ici. Laissez-moi dire que c'est contraire à la politique récente de l'Angleterre d'envoyer des troupes dans ses Colonies. Elle a retiré toutes ses troupes du Canada et ne les y renverra pas si le Canada ne paie pas plusieurs milliers de dollars pour chaque régiment. C'est une grosse erreur de penser que l'Angleterre, alors qu'elle ne tire aucun avantage du Dominion, va envoyer des troupes ici. Elle a déjà refusé de le faire et nous faisons partie du Dominion. En ce qui concerne les gens d'ici, pour ma part, je dois dire que je pense qu'il serait plutôt dangereux d'avoir des troupes étrangères ici. Il y aurait un danger de confrontation entre ces troupes et les gens, tandis que sans elles, je ne vois pas de danger de confrontation entre les habitants. Étant donné les liens serrés qui existent entre eux et le fait qu'ils ont un intérêt commun, je pense qu'ils seront toujours unis pour défendre cet intérêt (bravos). Je ne suis pas d'accord pour dire qu'il y aura un grand nombre de gens qui viendront ici influencer une partie de la Colonie contre une autre et entraîner une éruption de violence. Et quant aux Indiens, je ne prévois aucune difficulté avec eux. Notre peuple, d'après moi, sait mieux que personne traiter avec les Indiens et peut bien mieux protéger le Territoire en général que des troupes étrangères. Dans les années qui viennent, je ne pense pas qu'il sera nécessaire d'avoir de garnisons dans l'intérieur du pays et, dans la Colonie, les gens sont tout à fait capables de se défendre.
M. Sutherland — Je ne suis pas d'accord avec M. O'Donoghue lorsqu'il dit que l'Angleterre n'enverra pas de troupes. Il est vrai que les troupes se sont retirées du Canada, mais il a 656 000 volontaires et sera capable de se défendre dans des circonstances ordinaires. Dans le Nord-Ouest, nous avons une frontière beaucoup plus étendue à défendre qu'au Canada. Nous allons nous trouver dans une nouvelle situation. Tous les Indiens le sauront et ils commenceront immédiatement à s'occuper de leurs intérêts. Et même s'il n'y avait pas d'Indiens autour de la Saskatchewan, je pense, comme je l'ai dit, qu'il faudra des troupes dans les quatre ans. Les minéraux précieux de cette région attireront de nombreux émigrants et, sans troupes, il ne sera pas du tout facile de maintenir l'ordre là-bas. Je pense que l'Angleterre estimera qu'il est dans son intérêt de garder une frontière si vulnérable et étendue. Il est bien connu que, ces derniers temps, sa politique en ce qui concerne les Colonies a beaucoup changé. Il n'y a pas très longtemps, comme nous l'avons bien vu, sa politique était de couper les liens avec ses Colonies et de les livrer à elles-mêmes, mais elle a compris que cette politique n'était pas sage et est en train de l'abandonner peu à peu. Je m'attends donc à ce que l'Angleterre envoie des troupes ici. Nous ne pouvons pas protéger nous-mêmes une frontière si étendue.
M. Boyd — Je suis d'accord avec l'amendement de M. Fraser et je pense que nous devrions réfléchir soigneusement à cette question. Les nations du vieux monde grognent en ce moment à cause des grandes armées permanentes qu'il faut entretenir. À cause de ces armées, beaucoup d'hommes se trouvent loin des secteurs du pays producteurs de richesses. Examinons notre situation. Pouvons-nous envisager d'établir des garnisons dans un pays si vaste, avec une frontière très étendue, en faisant appel à nos ressources limitées? N'oublions pas que, pour constituer une armée, on ne prend pas les hommes qui sont vieux et faibles, mais les meilleurs hommes du pays (bravos). Ainsi, si nos troupes étaient recrutées ici, nos meilleurs hommes ne pourraient pas participer à la production de richesses. Par contre, si l'on nous envoie des troupes, il y a des avantages, l'un d'entre eux étant que ces personnes représentent des consommateurs supplémentaires pour la communauté. Elles donneront un élan considérable à tous les secteurs. Leur arrivée sera en fait positive pour tous. Je suis également en train de penser qu'il peut être anticonstitutionnel pour nous de nous immiscer dans les décisions du Gouvernement impérial en ce qui concerne l'envoi de troupes là où celui-ci le décide. Et il y a une autre question : les gens de ce pays sont-ils capables de devenir des soldats en si peu de temps? En vérité, un soldat en service devrait être une simple machine. Et je vous le demande : les gens de ce pays ne sont-ils pas trop indépendants pour choisir ce genre de vie? (bravos). Pour faire partie d'une cavalerie non permanente, il n'y aurait pas de gens mieux adaptés, mais à mon avis leur constitution les rend inaptes à former une armée permanente. Encore une fois, la paie d'un soldat permanent n'est pas comparable à ce que nos jeunes sont habitués à toucher et si le Canada peut avoir des soldats semblables pour moins cher, nous ne pouvons pas insister pour qu'il engage nos gens à un prix plus élevé.
M. Kenneth McKenzie — Je ne pense pas que nos gens, qu'ils soient fermiers ou chasseurs, aimeraient abandonner leur travail et se plier à la discipline rigide de la vie militaire. Encore une fois, supposons que des personnes qui vivent au Canada et ont un gros capital souhaitent venir s'installer ici. L'une des premières questions qu'elles poseraient porterait sur le genre de protection que nous pouvons leur offrir et, sans mettre en doute la bravoure des gens d'ici, je pense que nous sommes trop peu nombreux pour les protéger. Si nous avions une loi précisant que seuls les natifs de ce pays ont le droit de devenir soldats, ce serait bien étrange. Tout homme ayant des attaches dans ce pays devrait avoir le droit de se défendre et de défendre son pays d'adoption si l'occasion se présente. De plus, j'affirme que nous ne devons rien faire qui mettrait en péril les sentiments plus positifs qui règnent de nouveau. Lorsque cette question sera réglée, je crois que nous nous serrerons les mains et que nous serons encore plus proches qu'avant (acclamations). Je déclare donc : que l'on nous envoie les troupes nécessaires de l'étranger.
M. Sutherland — J'insiste encore pour dire qu'il est essentiel que ayons une bonne protection et la meilleure sécurité possible pour nos vies et nos biens. Aucune personne bien nantie ne viendra ici si nous ne pouvons lui offrir une telle sécurité. Et j'ai bien peur que si nous nous montrons exclusifs sur ce point – en faveur des natifs de ce pays – les personnes en question se méfieront peut-être de nous.
M. Riel — C'est le comble. L'idée que des hommes bien nantis ne viendraient pas ici, qu'ils trouveraient que c'est risqué et dangereux parce que nous avons des troupes constituées de natifs du pays remet en question l'honnêteté de nos soldats et de nos gens! Jusqu'à maintenant, nous avons uniquement appris l'honnêteté et si des hommes riches arrivaient ici avec leurs coffres, ils seraient aussi bien protégés par des soldats natifs de ce pays que par des troupes britanniques (acclamations).
M. K. Mackenzie — Nos troupes formées de natifs du pays seraient sans doute honnêtes, mais seraient-elles assez nombreuses pour repousser des bandits ou des Indiens?
M. Riel en français, interprété par M. Ross — Je reste sur ma position : je suis d'avis que c'est la seule façon de nous défendre comme il faut et sans danger. S'il y avait des soldats étrangers ici, il pourrait y avoir des interférences indues; nos gens ne seraient peut-être pas traités avec respect et ils ne pourraient pas avoir la position qui devrait être la leur autrement. Vous dites que nos gens sont trop indépendants pour être de bons soldats, mais nous avons souvent vu ce qu'ils peuvent accomplir. Ils sont capables d'endurer toutes sortes d'épreuves avec calme et patience, et, durant les événements récents, l'ordre a été préservé d'une façon totalement inattendue. Avec de telles troupes, composées en partie de nos deux peuples, et la présence des deux forts, nous pourrions résister vaillamment. Et en ce qui concerne la nécessité d'avoir une armée pour protéger la frontière, c'est absurde. Cela n'a aucun sens pratique. Il s'agit d'un service que tous les soldats de tous les régiments d'Angleterre ne pourraient pas suffire à accomplir.
M. Fraser — Je sais bien que les hommes de ce pays seraient de bons soldats, mais je crois que nous devons garder fermement à l'esprit que, quelles que soient les troupes que nous aurons ici – qu'elles soient britanniques ou de ce pays – elles ne doivent pas être l'instance dirigeante du pays (bravos et acclamations). Elles n'auront pour tâche que de soutenir le Gouvernement du pays. Les soldats seront uniquement des sujets du Gouvernement et, avec un bon Gouvernement, la nationalité de nos troupes importe peu, d'une certaine manière. Ayons donc des soldats d'ici, bien sûr, mais ajoutons aussi des troupes britanniques.
M. Riel (en français) — Quel est l'avantage d'avoir quelques centaines de soldats? Pour ma part, je ne veux pas être plus britannique que nécessaire. Quels avantages les troupes britanniques nous ont-elles apportés auparavant? Elles nous ont amené quelques shillings, mais elles nous ont aussi amené des vauriens.
M. Ross — J'ai essayé d'étudier les arguments avancés par les deux côtés et je dois dire franchement que je ne trouve pas que l'on ait établi le bien-fondé de l'article en question. Il me semble que la décision la plus sage serait de rayer cet article complètement et de ne pas demander de troupes. Je ne vois pas la nécessité d'aborder le sujet. Il vaut mieux laisser les autorités canadiennes et notre Législature locale régler cette question de troupes, comme elles le feraient certainement. Si nous devons avoir des troupes de ligne, c'est le Gouvernement impérial, et non le Canada, qui doit les envoyer. Ce Gouvernement agira de concert avec la Législature locale, qui, à son tour, prendra des mesures compatibles avec le point de vue des habitants du Territoire. En demandant des troupes britanniques, je pense que nous demandons quelque chose que le Canada n'a pas le pouvoir de nous accorder. Si la demande est renvoyée au Gouvernement impérial, je crois que celui-ci la considèrerait comme très déraisonnable et voici pourquoi : La Reine a le droit – c'est en fait une de ses prérogatives – d'envoyer ses troupes dans n'importe quelle partie des dominions britanniques et, bien que ces derniers temps on ait plutôt eu tendance à retirer les troupes des Colonies, cela ne s'est produit que lorsque la présence de ces troupes n'était pas nécessaire. Prenons l'exemple du Canada. Le Dominion est parfaitement capable de s'occuper de ses propres affaires et, bien entendu, le maintien de troupes parmi des gens qui n'en ont pas besoin représenterait une dépense inutile. Mais, bien que l'on ait retiré des troupes britanniques du Canada à cause de cela, je pense qu'elles ne sont pas toutes parties. Je pense, comme je l'ai dit, que nous demanderions là quelque chose qui ne peut pas nous être accordé, et quelque chose qui, même si l'on pouvait nous l'accorder, ne serait pas souhaitable. Ce n'est pas souhaitable, à cause de notre population peu nombreuse, car cela empêcherait un grand nombre de personnes d'avoir des occupations utiles et, en les transformant en soldats, cela les condamnerait à une vie d'oisiveté et les rendrait inaptes aux occupations ordinaires de la vie. Je suis d'accord pour dire qu'il est injuste pour notre pays d'interrompre ainsi les activités d'un grand nombre de nos hommes valides. Nous perdons alors les avantages de leur travail productif et les mettons dans une situation telle qu'ils adopteront presque inévitablement l'habitude d'être désœuvrés et paresseux (acclamations). En outre, l'argument selon lequel en constituant une armée avec nos gens nous les armons contre leurs propres frères est très valable, et nous pouvons tous imaginer quels sentiments terribles ceci créerait dans les familles. S'ils refusaient de remplir leurs fonctions à cause de liens familiaux, il est évident que cela rendrait de telles troupes inefficaces. Et il y a aussi la question difficile de la paie. Nous avons déclaré ailleurs que le Canada devait payer toutes les dépenses militaires et civiles, mais rien ne dit combien il doit payer pour ce service militaire. Le Canada dira peut-être : Oui, nous paierons les dépenses militaires. Lorsque vous organiserez votre armée, nous vous donnerons six pence ou un shilling par jour. Qui contrôlera cela? Même pour deux shillings par jour, nos gens y perdraient. Et le Canada paierait-il nos gens davantage que d'autres qui pourraient rendre le même service? Si nous n'avons aucun contrôle sur cette question de paie, il est très probable que nous n'aurons aucunes troupes. Si nous pouvions fixer nous-mêmes le taux et décider qu'il serait de deux livres par jour, disons, nous pourrions très probablement avoir des troupes très nombreuses (rires). Il n'existe aucune objection en ce qui concerne l'établissement de troupes formées de natifs de ce pays, car nous n'avons rien à craindre les uns des autres. La vraie question est la suivante : Voici un nouveau Gouvernement qui s'établit sous les yeux des Indiens. Le moment est venu pour eux de se séparer de leurs terres et il faudra sans doute bien leur montrer notre force afin de les impressionner. Pour cela, nous aurions besoin de plus de troupes que ce que nous pourrions former nous-mêmes dans le Territoire. Je suggère que l'on radie cette article entièrement.
M. Bunn, appuyé par M. G. Gunn, propose, sous forme d'amendement, que l'on radie l'article.
Le Président — Au cours de la discussion qui a eu lieu, on a dit qu'il était possible que vous surestimiez l'importance de cette question. Je ne peux vraiment pas être d'accord avec ce point de vue, car je pense qu'il serait très difficile pour vous d'exagérer l'importance de cette question. C'est principalement pour faire part de mon accord avec les recommandations contenues dans la motion de M. Bunn que je m'exprime. Il me semble que c'est une ligne de conduite raisonnable et appropriée, une ligne de conduite que, dans l'intérêt de ceux qui nous ont envoyés ici ainsi que dans notre propre intérêt, nous devrions adopter, selon moi. Le discours de M. Ross, à mon avis, a de quoi attirer l'attention. Malgré sa brièveté, il contenait à peu près toute l'essence de la question. Il nous a dit qu'il fallait examiner la question sous deux aspects : d'abord, en établissant dans quelle mesure l'objet de la résolution est souhaitable en lui-même, puis dans quelle mesure il était réalisable. Ce sont là les deux aspects principaux de la question, à mon avis. La proposition est que nous n'ayons pendant quatre ans aucunes troupes, à part celles que nous pouvons former à partir d'ici. Ceci serait une décision extraordinaire de votre part car, alors que dans toutes les Colonies de l'empire britannique les habitants sont heureux d'avoir une aide militaire lorsqu'ils peuvent l'obtenir et la demande avec insistance et impatience lorsqu'ils n'arrivent pas à l'obtenir, comme c'est le cas en Nouvelle-Zélande, la proposition actuelle prévoit que nous demandions qu'aucun soldat ne soit envoyé dans notre Territoire. Nous envisageons d'être gouvernés par la Reine et pourtant, en adoptant cette proposition, nous dirions à Sa Majesté : Pendant quatre ans, nous vous priverons du pouvoir sur lequel repose principalement l'efficacité des Gouvernements du monde entier. Ceci est comparable à une situation où l'on demanderait à une personne de faire un travail, tout en lui disant qu'elle n'aurait pas les meilleurs outils pour accomplir cette tâche. Est-ce bien raisonnable? Si nous désirons être bien gouvernés, devrions-nous mettre des obstacles sur le chemin? Nous savons qu'il est souhaitable qu'un Gouvernement fasse aussi peu appel à ses troupes que possible, mais, malheureusement, l'humanité est telle qu'il est impossible de gouverner des communautés correctement sans une présence militaire. Donc, étant donné que ceci est nécessaire pour la protection de la vie et des biens et pour créer le climat de confiance sans lequel personne ne se lancerait dans une entreprise importante, étant donné que c'est le cas, pourquoi nous priverions-nous de ce que d'autres pays estiment si important? Pourquoi ferions-nous cela? Y a-t-il une raison? Je n'en vois aucune. Le fait de demander qu'aucunes troupes ne nous soient envoyées est directement incompatible avec la prérogative exercée par la Reine dans tout l'Empire. Dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1867, qui définit les conditions dans lesquelles la Confédération du Dominion a été établie, ce pouvoir est expressément réservé à la Reine, pour qu'il n'y ait aucun doute à ce propos. La loi prévoit expressément que le commandement en chef de toute la milice terrestre et navale et de toutes les forces terrestres et navales est dévolu à la Reine. C'est une prérogative à laquelle consentent volontiers tous ses sujets. C'est une prérogative qu'aucun de ses sujets ne voudrait lui ôter, et qu'au contraire, ils veulent ardemment protéger et respecter. Et, à mon avis, il serait tout aussi raisonnable de s'attendre à ce que la Reine dépose son sceptre ou à ce que la Chambre des communes d'Angleterre renonce à contrôler les deniers publics que d'escompter que la Reine d'Angleterre promettra que, quoi qu'il arrive, elle n'enverra aucunes troupes dans le Territoire. La Reine ne pourrait pas faire cela et ne le ferait pas. Le principal objectif de tout Gouvernement est sans aucun doute la protection de la vie et des biens. Sur quoi cette protection s'appuie-t-elle en majeure partie? Sur le pouvoir naval et militaire. Alors pourquoi devrions-nous nous présenter comme une communauté qui souhaite être privée de ce grand avantage? Pourquoi seriez-vous si méfiants à l'idée que des troupes soient envoyées dans ce pays? N'avons-nous pas eu les troupes de Sa Majesté ici auparavant et n'est-il pas vrai que cette Colonie n'a jamais vécu une période aussi prospère, aussi paisible et aussi heureuse que lorsque les troupes de Sa Majesté étaient parmi nous (acclamations)? Je vous le demande à tous : Y a-t-il quoi que ce soit dans la conduite des troupes dans leur ensemble qui vous pousse à avoir peur de les voir ici de nouveau? Non. Elles ont amené la prospérité dans le pays et fait régner un climat de sécurité que les gens n'ont quasiment jamais retrouvé depuis leur départ. Dans ce cas, pourquoi devriez-vous craindre les troupes? Vous pourriez peut-être dire que vous craignez que le Gouvernement auquel vous proposez de vous soumettre ne fasse quelque chose contre vous, mais vous envisagez un Gouvernement responsable et aucun Gouvernement responsable ne persisterait dans une direction qui serait de toute évidence opposée aux intérêts généraux et aux souhaits de la communauté. En ce qui concerne les intentions du Canada envers ce pays, vous en savez tous autant que moi et, ayant entendu tout ce que vous avez vous-même entendu dire en public, je suis parfaitement convaincu que le Canada a l'intention d'adopter envers ce pays une politique juste et bénéfique et de garantir les droits de chacun. En ce qui me concerne, donc, je ne pense pas du tout qu'il soit nécessaire de présenter au Gouvernement canadien une soi-disant Liste des droits officielle. Je fais suffisamment confiance au Canada pour être convaincu que ses intentions envers ce pays sont justes et qu'en assumant la tâche de le gouverner, elle vous garantira pratiquement la promotion de vos droits. Le Canada en a déjà assez dit pour vous donner l'assurance très ferme que vos droits en tant que sujets britanniques seront respectés comme il se doit et, pour ma part, je ne vois aucune raison de ne pas inviter le Canada à prendre les rênes du Gouvernement le plus vite possible afin de mettre fin à cette période de distraction et de troubles qui pèse si lourd dans l'esprit de chacun et endommage tous les intérêts du pays (acclamations). M. Fraser a fait une remarque qui mérite votre attention. Il a fait remarquer que les troupes n'étaient pas un organisme indépendant, mais au contraire un organisme qui relevait du Gouvernement et, étant donné que le principe de la responsabilité ministérielle est tout à fait susceptible de faire partie de la constitution libérale qui vous a été promise, pourquoi craindre les troupes? Je ne dis pas que je souhaite que l'on fasse appel au service des troupes dans ce pays, même si elles étaient ici, ni que je pense que la probabilité qu'elles soient mises en service actif soit forte, mais leur présence est un grand avantage. Le fait qu'elles soient ici préserverait la paix et, sans cette présence, je pense qu'en tant que communauté nous ne pourrions avoir ni paix ni prospérité. Et, encore une fois, si vous pensez toujours que les troupes pourraient être utilisées contre vous, je vous conjure d'examiner le message de Sa Majesté, dans lequel elle vous assure non seulement que son Gouvernement n'entravera pas vos droits et ne les rejettera pas, mais encore qu'il utilisera tout le pouvoir de Sa Majesté pour empêcher d'autres personnes de les entraver ou de les rejeter. Mais comment le Gouvernement peut-il faire cela si vous l'empêchez d'envoyer des troupes ici? Nous enlèverions ainsi à la Reine l'arme qui permettrait le mieux à son Gouvernement de nous défendre. Examinons de plus près l'une des déclarations faite par le distingué représentant de Sa Majesté, le Gouverneur Général du Canada. Son Excellence vous a dit que vous pouvez être certains que l'ancienne formule selon laquelle on agira conformément à la morale et au devoir dans tous les cas sera observée. D'après moi, ceci est une très bonne assurance. Mais à quoi servirait cette assurance – même si elle est sincère – si vous dites au représentant de Sa Majesté : « Très bien, vos intentions sont bonnes, mais de notre côté, nous allons faire en sorte que vous n'ayez pas les seuls moyens qui vous permettraient de vraiment mettre en pratique ce que vous avez garanti ». En bref, vous enlèveriez toute valeur à ces mots en adoptant ce point de vue. Je vous conjure donc instamment de considérer favorablement la proposition contenue dans l'amendement de M. Bunn, c'est-à-dire que vous ne devriez rien préciser en ce qui concerne les troupes de ce pays. Vous devriez laisser le Gouvernement du Canada prendre les dispositions qu'il estime être les meilleures pour le pays dans ce domaine. Si vous disiez à la Reine ou au Dominion qu'il faut expressément exclure les moyens dont dépendent largement la paix et la prospérité publiques, vous adopteriez une position non seulement hors de l'ordinaire, mais aussi intenable, une position qui serait en fait suicidaire de votre part. Vous me voyez ici tel que je suis, ayant à cœur autant que n'importe qui, né ici ou pas, les intérêts de ce pays et quand je considère cette période importante de l'histoire du pays, qui met à votre portée des privilèges précieux, je ne peux que me préoccuper que vous ne fassiez rien pour mettre en péril l'achèvement de dispositions qui, selon moi, seront pleinement à l'avantage de ce pays et de son peuple. Veillons donc à ne pas perdre cette occasion en demandant quelque chose qui, bien que souhaitable, n'est pas pratique. Soyons prêts, en tant que sujets britanniques, à faire notre devoir pour défendre le pays lorsqu'il le faudra – car c'est un devoir qui revient à tous les citoyens – et soyons prêts en même temps à accueillir toute aide militaire que les Gouvernements pensent qu'il est nécessaire de nous envoyer, afin de nous permettre de jouir de la paix et de la prospérité (acclamations).
M. Bunn ayant rédigé son amendement, celui-ci est alors mis aux voix sous la forme suivante : Il propose que l'on remplace l'amendement de M. Fraser par « L'article 12 est radié ». — Adopté — Oui, 23; Non, 15.
La motion de M. Riel est alors mise aux voix et défaite — Oui, 16; Non, 23.
La séance est suspendue pendant une heure à deux heures.
Trois heures de l'après-midi — La séance de la Convention reprend.
L'article 13 est présenté :
« 13. Que les langues française et anglaise soient communes dans la Législature et les cours, et que tous les documents publics, ainsi que les actes de la Législature, soient publiés dans les deux langues ».
Le Président, appuyé par M. Bunn, met cet article aux voix et il est adopté.
« 14. Que le Juge de la Cour Suprême parle le français et l'anglais. » — Adopté.
« 15. Que des traités soient conclus entre la Puissance et les différentes tribus indiennes du pays ».
M. Bunn suggère que l'on ajoute les mots « dès que possible » à l'article.
M. Ross suggère que l'on ajoute en plus les mots : « dans le but de satisfaire leurs revendications en ce qui concerne le territoire de ce pays ». M. Ross poursuit en disant que la question des rapports avec les Indiens est considérée par le Gouvernement impérial comme un point très important et qu'en conséquence, celui-ci a beaucoup insisté à ce sujet auprès du Gouvernement canadien. Le comte Granville a déclaré : « Je suis convaincu que votre Gouvernement n'oubliera pas de s'occuper de ceux qui seront bientôt exposés à de nouveaux dangers, qui seront, au nom du progrès et de la civilisation, privés des terres qu'ils avaient coutume de considérer comme les leurs et enfermés dans des endroits auxquels ils ne sont pas habitués. Ce sont-là des choses qui ne m'ont pas échappé lorsque j'ai été en rapport avec les délégués canadiens et la Compagnie de la Baie d'Hudson. Je suis certain que les anciens habitants du pays seront traités avec toute la sollicitude et tout le respect qu'on leur doit, afin de leur montrer que leur nouveau Gouvernement fait preuve de sentiments amicaux envers eux ».
M. Riel, demande en français, selon l'interprétation de M. Ross — Les Indiens sont-ils les seuls à revendiquer le pays? Nous demandons au Gouvernement du Canada de traiter avec les Indiens et je vous demande – sans donner d'opinion – de bien vouloir réfléchir à la question : devrions-nous l'exposer sous cette forme? Les Indiens sont-ils les seuls à avoir des revendications territoriales qu'il faut régler? Si c'est le cas, d'accord, mais s'il existe des raisons de traiter avec les Sang-Mêlé, cet article est trop général. J'ai entendu parler de Sang-Mêlé ayant maintenu une position de supériorité et de conquête contre les incursions des Indiens dans certaines parties du pays. Si tel est le cas, on peut peut-être tenir compte de cela pour établir les droits des Sang-Mêlé contre les Indiens. Mais il ne s'agit-là que d'une suggestion de ma part, pour votre considération. L'article, je suppose, fait allusion à une entente avec les Indiens de tout le Territoire. N'est-ce pas trop libéral, je vous le demande?
M. Flett demande en français où se sont produits ces combats entre Métis et Indiens. Était-ce en territoire britannique ou américain?
M. Poitras (en français) — En majeure partie, je suppose, en territoire américain (bravos).
M. Flett — Pour ma part, je suis un Sang-Mêlé, mais je ne songerais même pas à faire valoir les revendications territoriales que je pourrais avoir par rapport à un pauvre Indien de ce pays (bravos). Laissons les Indiens revendiquer ce qu'ils peuvent; cela n'enlèvera rien à nos revendications justifiées. Notre position est celle d'hommes civilisés et nous réclamons les droits qui reviennent à des hommes civilisés. Quant au pauvre Indien, bien entendu, laissons-le obtenir tout ce qu'il peut. Il en a besoin, et si nous pouvons l'aider dans cette entreprise, faisons-le avec bonne humeur (acclamations).
M. Poitras — Il est vrai que les batailles dont il a été question ont eu lieu en territoire américain, mais si cela n'a pas été le cas, ces hostilités se seraient déroulées sur notre sol. Pour ma part, je ne souhaite en aucun cas priver les Indiens d'avantages (acclamations).
M. Ross — En tant que Sang-Mêlé de ce pays, je suis naturellement très désireux d'obtenir tous les droits qui reviennent à juste titre aux Sang-Mêlé. Je comprends bien que nous pouvons obtenir un certain genre de droits en nous mettant au même niveau que les Indiens. Mais dans ce cas, nous devons décider d'abandonner nos droits d'hommes civilisés. De fait, nous devons choisir un bord ou l'autre; nous devons soit être indiens et revendiquer les privilèges qui en découlent – certaines réserves territoriales et un dédommagement annuel sous forme de couvertures, de poudre et de tabac (rires) – soit nous considérer comme des hommes civilisés et revendiquer nos droits en conséquence. Nous ne pouvons pas nous attendre à jouir aussi bien des droits et privilèges des Indiens que de ceux des hommes blancs. Étant donné les progrès que nous avons faits et la position que nous occupons, nous devons revendiquer les droits et privilèges que réclament les hommes civilisés des autres pays.
M. Thibert — Les droits demandés par les Sang-Mêlé n'ont pas nécessairement besoin d'être confondus avec ceux des Indiens. Il est tout à fait possible que les deux catégories de droits soient séparées et simultanées. Je pense personnellement que l'on devrait donner des réserves de terres aux Sang-Mêlé pour satisfaire leurs droits.
M. Riel (en français) — Les Sang-Mêlé ont acquis certains droits par la conquête. Il ne faut pas les confondre avec les droits des Indiens. La Grande-Bretagne a elle-même acquis la plupart de ses possessions par la conquête. En conclusion, il propose que l'on adopte l'article en ajoutant les mots : « aussitôt que possible ».
Le Révérend H. Cochrane appuie la motion, qui est adoptée.
Article seize :—
« Que nous ayons trois ou quatre représentants au Parlement de la Puissance ».
M. D. Gunn — Je pense que nous sommes trop ambitieux. Avec une population de 12 000 personnes, nous demandons quatre représentants au Parlement canadien, tandis que nous refusons de donner au Dominion plus de trois représentants à notre Législature alors qu'il a plus de 4 000 000 d'habitants. Si nous obtenons deux représentants, nous devrions nous en contenter.
M. Ross — Lorsque la question a été examinée en comité, nous ne nous sommes pas beaucoup préoccupés du nombre. Nous avons laissé la décision aux membres de la Convention. Si l'on considère notre population, nous n'aurions même pas droit à un représentant, mais je ne pense pas qu'il faille décider en fonction de la population. Nous avons un vaste pays et sommes en mesure de négocier. Nous demandons plus que ce qui nous revient de droit, mais en même temps, soyons raisonnables. En ce qui concerne la garantie relative aux droits de ce pays, nous pouvons avoir deux, trois ou quatre députés au Parlement du Dominion, cela importe peu. Dans une vaste assemblée comme celle-là, notre contingent ne comptera pas beaucoup. L'objectif principal de la présence de ces personnes, je pense, sera de faire connaître nos désirs au peuple canadien. Étant donné que nous n'accordons au Canada que trois membres à notre Législature, nous devrions nous satisfaire d'en avoir deux là-bas.
M. D. Gunn, appuyé par M. Ross, propose sous forme d'amendement que l'on envoie seulement deux représentants.
M. Riel déclare en français, d'après l'interprétation de M. Ross — Je pense que quatre valent mieux que deux. Si nous n'envoyons que deux représentants, on pourra les dominer, les soudoyer ou les tromper. Il me semble qu'il est plus sage et plus sûr d'avoir de nombreux conseillers.
M. K. McKenzie — Je suggère que, lorsque notre population augmentera [de] 10 000, nous ajoutions un membre. Ainsi, si notre pays prospère, comme je pense qu'il le fera, nos trois ou quatre représentants deviendront peut-être vingt.
Le Président — Quel que soit le chiffre adopté par les membres, il ne fait aucun doute qu'il faudra le modifier à l'avenir pour que la représentation soit juste et équitable. Ce qu'il est important d'accomplir à présent, c'est de faire admettre le principe de notre représentation au Parlement canadien. En ce qui concerne l'ajout de représentants, je suppose que cela aurait lieu tous les dix ans, comme dans les autres Provinces.
M. Ross — J'ai calculé que la proportion est d'un député au Parlement du Dominion pour 23 000 habitants environ.
M. Riel — Dans ce cas, nous aurions à peu près les trois quarts d'un représentant (rires).
M. Flett — Je pense que le pays devrait avoir trois ou quatre représentants au moins. Le Nord-Ouest est un pays riche et vaste, et nous devrions avoir de nombreux représentants.
M. Fraser, appuyé par M. Sutherland, propose que nous ayons 3 ou 4 représentants.
M. George Gunn demande instamment qu'en prenant une décision au sujet des représentants du pays, l'on n'oublie pas les intérêts de l'intérieur du pays. Il indique qu'il y a de nombreuses communautés éparpillées ici et là, comme White Fish Lake, Lac La Biche, Victoria et Fort Pitt. Beaucoup d'hommes libres qui vivent de la chasse sont installés dans ces régions et ils devraient être représentés par quelqu'un qui connait les intérêts de toute la région. Il serait très utile de consacrer une certaine somme d'argent à l'établissement de routes, etc. dans cette région.
M. D. Gunn indique également que de nombreux hommes civilisés sont stationnés à Moose Factory, York Factory, Oxford House et Mackenzie's River. Par égards aux sentiments exprimés, M. Gunn retire son amendement.
M. Ross dit qu'il appuie le retrait de l'amendement de M. Gunn puisqu'il semble que les membres de la Convention souhaitent que l'on demande plus de deux représentants.
M. Poitras propose, sous forme d'amendement, que l'on envoie quatre membres.
M. Scott appuie la motion.
M. O'Donoghue est d'avis que l'un des représentants devrait faire partie de la Chambre haute.
M. Ross — Le mot « Parlement » inclut les deux chambres et nous demandons à être représentés au Parlement du Dominion. Au Canada, la proportion de députés entre la Chambre haute et la Chambre basse est très différente. L'Ontario a vingt-quatre députés à la Chambre haute et quatre-vingt-deux à la Chambre basse; le Québec en a vingt-quatre à la Chambre haute et soixante-cinq à la Chambre basse; la Nouvelle-Écosse en a douze à la Chambre haute et dix-neuf à la Chambre basse; le Nouveau-B Brunswick en a douze à la Chambre haute et seize à la Chambre basse. Il est clair que la Chambre haute a beaucoup moins de représentants que la Chambre basse. Si nous avons trois représentants, nous pouvons en avoir un à la Chambre haute et deux à la Chambre basse.
À la suggestion de M. O'Donoghue, M. Poitras modifie son amendement ainsi : « Que jusqu'à ce que la population du pays nous donne droit à plus, nous ayons trois représentants au Parlement du Canada – un au Sénat et un à l'Assemblée législative ».
L'amendement est adopté, avec la répartition des voix suivante : Oui, 21; Non, 18.
L'article 17 est alors lu :—
« 17. Que toutes les propriétés, tous les droits et privilèges dont nous avons joui jusqu'à maintenant soient respectés, et que l'arrangement et la confirmation de tous les us, coutumes et privilèges soient laissés entièrement sous le contrôle de la Législature locale ».
M. Bunn, appuyé par D Bird, propose que l'on adopte l'article. — Adopté.
Dix-huitième article :—
« 18. Que le privilège de coupe de foins sur deux milles soit converti en propriété en fief simple ».
M. D. Gunn, appuyé par M. Lonsdale, propose l'adoption de l'article.
M. Scott — Ils garantiront peut-être la propriété en fief simple, mais ne préciseront pas le moment où cela sera fait. Je suggère que ce soit aussi vite que possible.
M. D. Gunn, appuyé par M. Ross, afin d'étoffer et d'éclaircir l'article, propose, sous forme d'amendement que tous les propriétaires de lots riverains qui ont jusqu'à maintenant eu le privilège de coupe de foins sur les deux milles qui s'étendent juste derrière leurs lots en aient la propriété totale et deviennent propriétaires en fief simple des deux milles en question.
Le Président — Nous semblons négliger une chose très importante en ce qui concerne ce point. Comme vous le savez, les droits de propriété des Indiens ont été abolis uniquement en ce qui concerne les bandes de terres de deux milles de long situées en bordure de la rivière. Nous demandons la propriété en fief simple des deux milles qui s'étendent au-delà de ces terres. Ne demandons-nous pas ainsi au Canada de nous octroyer une chose qu'il ne peut pas nous donner car elle ne lui appartient pas, tant qu'il n'a pas aboli le droit de propriété des Indiens? Il me semble que cela serait mieux, au lieu d'adopter cet article, de demander au Canada de maintenir ce privilège de coupe de foins jusqu'à ce que le droit de propriété des Indiens ait été aboli, et, à ce moment-là, de réexaminer la question avec la Législature locale, c'est-à-dire le peuple lui-même.
M. Ross — Je pense qu'il s'agit-là d'une question très importante et à régler rapidement, car bientôt il se peut que l'arpentage commence et nous nous trouverons avec des gens juste derrière nous. Si le droit de propriété des Indiens n'est pas aboli au-delà des deux milles, un beau jour, si nous manquons de précision, des étrangers pourraient venir s'asseoir au bout de nos terres et nous empêcher de jouir du privilège de coupe de foins ou au moins de l'utilisation des terres communales dont nous avons joui jusqu'à maintenant. Étant donné l'étroitesse de nombre de nos lots, je déclare qu'il est très important que nous ayons plus d'espace et que nous ne soyons pas à l'étroit, comme nous le serions si nous perdions le privilège de l'usage de ces deux milles. Enfermés dans leurs deux milles, ceux qui ont des lots étroits seront en très mauvaise position. Quelle que soit la façon dont nous les obtiendrons, je dis qu'il faut que nous ayons ces deux milles. Ils sont indispensables et c'est maintenant qu'il faut les demander. Bien entendu, lorsque nous demanderons ces terres au Canada, il faudra que celui-ci s'arrange d'abord avec les Indiens, avant de nous les donner.
M. Riel — Dans un sens, l'article précédent nous donne ce que nous demandons là et cet article est donc inutile. L'autre article est général et je pense qu'il couvre tout.
M. Ross — Cet article indique que nous voulons plus que l'ancien privilège de coupe de foins, qui peut être inclus dans l'article précédent. Nous voulons la propriété absolue des deux milles concernés par le privilège de coupe de foins.
M. Riel — On se demande s'il ne faudrait pas laisser cet article sans précision. Les quatre milles ne seront peut-être pas suffisants. En ce qui concerne la Liste des droits de façon générale, il serait peut-être judicieux de former un autre comité pour la revoir.
M. Ross — Je n'ai jamais pensé que la liste établie par le comité était définitive. J'avais l'intention de proposer l'établissement d'un comité pour rédiger les articles honorablement, mais, en attendant, je crois comprendre que la liste sera présentée à M. Smith pour qu'il donne son opinion.
M. Riel, appuyé par M. Fraser, propose qu'on laisse de côté cet article afin que les membres de la Convention l'examinent demain matin. — Adopté.
La séance est levée à sept heures du soir pour reprendre le lendemain matin à dix heures.

Source:

Manitoba. La Grande Convention Debates. Édité par Norma Jean Hall. 2010. Numérisé par la Province du Manitoba.

Credits:

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Selection of input documents and completion of metadata: Gordon Lyall.

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