Deuxième jour
Tribunal, Upper Fort Garry
Mercredi 26 janvier 1870
Une heure de l'après-midi — Les représentants anglais et français sont à nouveau assemblés
pour s'occuper des affaires choses à régler.
Le
Juge Black déclare qu'en sa qualité de Président, il sera en grande partie dans l'impossibilité
de remplir ses fonctions en tant que l'un des représentants de la paroisse de St.
Andrew's.
[
M. T. Bunn recommande instamment?] que le Président, qui qu'il soit, ait tous les privilèges
d'un représentant.
M. Riel dit que les délégués français ont bien compris la requête et n'ont aucune objection.
Le Juge Black est alors élu Président à l'unanimité, sachant qu'il aura l'entière
liberté d'exercer tous les privilèges d'un représentant.
Le
Président remercie l'assemblée et déclare qu'étant donné la grande importance et le sérieux
des questions à examiner, il espère que tous les délégués se pencheront sur ces questions
avec le même esprit unanime dont ils ont fait preuve pour leur premier vote et qu'aucune
remarque personnelle négative ne serait permise.
M. Bunn propose que M. W. Coldwell soit nommé Secrétaire de la Convention , appuyé par
M. McKenzie.
M. Riel n'a pas d'objection à cette nomination, mais suggère que l'on nomme deux Secrétaires,
l'un pour les Anglais, l'autre pour les Français, ou bien que l'on choisisse quelqu'un
qui a une excellente connaissance des deux langues.
M. O'Donoghue propose, sous forme d'amendement, que l'on nomme deux Secrétaires et que le deuxième
soit Louis Schmidt.
Les délégués s'entendent pour dire que M. Bunn devrait modifier sa motion afin d'incorporer
celle de M. O'Donoghue, ce qui est fait.
R. Tait appuie la motion, qui est mise aux voix et adoptée.
M. Bunn, appuyé par
M. Boyd, propose que l'on nomme deux interprètes, soit M. Riel du côté des Français, pour
traduire du français vers l'anglais, et M. Jas. Ross du côté des Anglais, pour traduire
de l'anglais au français.
M. O'Donoghue propose, sous forme d'amendement, que M. Riel traduise de l'anglais au français et
M. Ross du français à l'anglais.
M. Bunn étant d'accord avec l'amendement de M. O'Donoghue, celui-ci est mis aux voix et adopté.
Suite à une motion de
M. Bunn, une liste d'appel est dressée, avec les noms des délégués français et anglais, et
remise aux Secrétaires. Il est résolu que l'on fera l'appel à chaque séance.
Les délégués suivants sont présents :
Représentants français
St. Paul's — M. W. Thibert, Alexandre Pagee, Magnus Birston.
St. Francois Xavier — Xavier Pagee, Pierre Poitras.
St. Charles (contesté) — A. McKay, J.F. Grant.
St. Boniface — W.B. O'Donoghue, Ambroise Lepine, Joseph Genton, Louis Schmidt.
St. Vital — Louis Riel, Andre Beauchemin.
St. Norbert — Pierre Parrenteau, Norbert Laronce, B. Touron.
Point Coupee — Louis Lascerte, P. Delorme.
Oak Point — François Nolin, C. Nolin.
Point A Grouette [sic] — George Klyne.
Représentants anglais
St. Peter's — le Rév. Henry Cochrane, Thomas Spence.
St. Clement's — Thomas Bunn, Alexander McKenzie.
St. Andrews — le Juge Black, Donald Gunn, Sen., Alfred Boyd.
St. Paul's — D Bird.
Kildonan — John Fraser, John Sutherland.
St. John's — James Ross.
St. James' — George Flett, Robert Tait.
Headingly — John Taylor, W. Lonsdale.
St. Mary's — Kenneth McKenzie.
St. Margaret's — William Cummings.
St. Anne's — George Gunn, D. Spence.
Winnipeg — Alfred H. Scott.
Quelqu'un fait alors remarquer que certaines des élections ont donné lieu à contestation
— dans la ville de Winnipeg et l'un des districts français – et l'on décide que chaque
groupe devrait régler ses propres cas d'élections remises en question.
M. Bunn propose que l'on suspende la séance pendant une heure et demie pour que chaque groupe
s'occupe de ses propres cas d'élections remises en question.
M. Riel appuie cette motion, qui est adoptée.
Le Président demande instamment aux délégués d'être ponctuels aux réunions.
La séance est suspendue à deux heures trente de l'après-midi.
Quatre heures — Francois Nolin, M. A.H. Scott et M. A.G.B. Bannatyne (ayant participé
à l'élection qui faisait l'objet d'une remise en question à Winnipeg) sont absents
à l'appel.
On prend des dispositions pour se pencher plus tard sur les élections remises en question
et pour passer entretemps aux autres points à examiner.
Le
Président déclare que, maintenant que ces dispositions ont été prises, il faut passer au sujet
défini par la résolution adoptée au cours de l'assemblée publique récente, c'est-à-dire
la commission de M. Smith, et décider ce qu'il convient de faire pour le bien du pays.
M. Riel traduit en français les remarques du Président.
M. Bunn pense qu'il est nécessaire de régler d'abord un autre point : selon lui, il y a de
bonnes raisons pour que la séance ne soit pas publique et il propose donc instamment
de tenir la réunion à huis clos.
Le
Président dit que la salle est trop petite pour que le public puisse être présent et que les
Secrétaires transmettront les délibérations au complet.
M. Riel traduit la motion en français et déclare que, pour sa part, il ne pourra pas voter
pour une réunion à huis clos car il connait certaines estimables messieurs « d'en
bas » qui veulent être présents.
M. Bunn affirme qu'il aimerait inviter tout le public si cela était possible. Cependant,
si on laisse entrer une personne, on ne peut pas savoir combien d'autres voudront
être présente. La motion a été proposée pour éviter le désordre et l'encombrement.
M. Ross veut que la séance se déroule à huis clos pour des raisons semblables et aussi parce
que si on laisse entrer certaines personnes et pas d'autres, cela semblera injuste.
Les délibérations seront suffisamment diffusées parmi le public par l'intermédiaire
des Secrétaires et du journal local.
M. O'Donoghue veut laisser les portes ouvertes parce que la dernière fois, lorsque la séance s'est
déroulée à huis clos, un grand mécontentement a régné. On pourrait prendre des mesures
pour éviter l'encombrement.
M. Boyd souhaite demander si des journalistes étaient présents à la dernière réunion. S'il
n'y en avait aucun, il y avait une bonne raison de laisser les portes ouvertes. Cette
fois, il y a un journaliste et deux Secrétaires.
À l'issue d'autres discussions,
M. O'Donoghue propose, sous forme d'amendement, que l'on laisse entrer les membres du public qui
peuvent trouver place dans un espace à délimiter – à une distance de dix pieds du
bord de la salle.
M. John Frazer propose, sous forme d'amendement, que l'on ne laisse entrer que le clergé de la Colonie.
M. Lépine est d'avis qu'il faut tenir la séance à huis clos, tout en étant prêts à ouvrir les
portes si des membres du clergé se présentent.
M. Fraser propose alors que la Convention délibère à huis clos, sauf pour ce qui est des membres
du clergé de toutes confessions, qui peuvent être présents s'ils le désirent.
M. McKenzie appuie la proposition, qui est mise aux voix et adoptée.
Le
Président dit qu'en ce qui concerne le principal sujet à l'étude, la question qui se pose est
comment examiner la commission de M. Smith?
M. Riel propose que l'on fasse venir les documents de M. Smith, que ceux-ci soient remis
dans les mains du Président et lus, et que les délégués décident du moment où il convient
de faire venir M. Smith. Il propose aussi que l'on confie à M. Bunn et M. Lepine la
charge de demander ses documents à M. Smith au nom de la Convention.
M. Taylor appuie la motion, qui est mise aux voix et adoptée.
M. Bunn et
M. Lepine quittent la salle pour demander ses documents à M. Smith. Ils reviennent rapidement,
avec plusieurs documents sous enveloppe adressés au Président de la Convention.
Les Secrétaires brisent le sceau et présentent les documents au Président.
Une lettre adressée au Président par M. D.A. Smith, qui accompagne les documents,
est lue en anglais et en français. Il indique qu'à la lettre au Président sont joints
six documents distincts.
M. Riel demande la permission de faire quelques observations. Il souhaite demander aux délégués
d'examiner M. Smith en sa qualité de Commissaire. Dans cette salle, ils ne sont confrontés
à aucun membre du public en colère. Les hommes présents sont tous amis et cherchent
à être justes. En conséquence, il pense que l'examen des documents devrait porter
uniquement sur la commission de M. Smith. Les documents peuvent être lus, mais il
estime que l'on ne devrait prendre aucune mesure à leur propos.
M. Ross propose que l'on passe à la lecture des documents qui sont entre les mains du Président.
M. Riel appuie la proposition, qui est adoptée.
M. Bunn propose que l'on lise les documents séparément en anglais et en français.
M. Nolin appuie la motion, qui est adoptée.
Le document n 1, adressé par l'Honorable Joseph Howe à Maître Donald A. Smith, est
alors lu en anglais et en français.
M. Riel dit que jusqu'à lors ces documents ne sont parus qu'en anglais et qu'il souhaite
obtenir les documents le soir même afin qu'ils soient traduits en français.
Le
Président déclare qu'il se pliera à la décision des délégués, mais qu'évidemment, étant donné
la façon dont les documents ont été obtenus, il faudrait consulter M. Smith. Il est
important que ces documents soient traduits en français le plus vite possible.
Les délégués décident de laisser la question de côté jusqu'à ce que les délibérations
soient plus avancées.
Le document n 2, adressé par Sir John Young à M. Smith et daté du 12 décembre à Ottawa,
est lu à son tour.
Le document n 3, daté du 6 décembre à Ottawa et adressé par Sir John Young au Gouverneur
Mactavish est lu.
Puis les documents suivants sont aussi lus : le document n 4 de Sir John Young, daté
du 26 novembre et contenant un message télégraphié de la Reine; le document n 5, adressé
par l'Honorable J. Howe à l'Honorable W. McDougall et daté du 7 décembre; le document
n 6, adressé par le Sous-secrétaire d'état pour les Provinces à l'Honorable W. McDougall
et daté du 28 septembre.
M. Ross déclare qu'il aimerait que l'on trouve une façon de remettre ces documents entre
les mains de leurs amis français. Il n'est pas vraiment juste de demander à ceux-ci
de faire appel à des moyens secondaires pour obtenir une traduction de ces documents
importants. Il est d'avis que M. Smith ne refuserait pas que l'on remette les documents
à leurs amis français pour qu'ils soient traduits. Le fait d'avoir remis les documents
au Président, comme l'a fait M. Smith, n'était certainement qu'une question de formalités.
Il (Ross) suggère que l'on envoie deux délégués demander à M. Smith s'il consent à
se séparer de ces documents temporairement afin qu'ils soient traduits.
M. Riel pense que le Président est tout à fait en droit de transmettre les documents comme
on le lui demande.
M. Ross propose que l'on donne immédiatement les documents à M. Riel en vue de leur traduction,
et que les documents soient retournés le lendemain lorsque la Convention reprendra.
Le
Président dit qu'il songe à adresser une lettre officielle à M. Smith, lui faisant savoir que
les représentants français désirent disposer de ces documents. Avant de mettre la
motion aux voix, il demande que l'on réfléchisse à cette suggestion.
M. Riel est d'avis que la proposition devrait être présentée aux délégués.
La motion est adoptée à l'unanimité.
Le Président remet alors les documents au Secrétaire français.
M. Bunn propose que l'on suspende les délibérations jusqu'au lendemain à dix heures trente.
La séance est levée à sept heures quarante du soir.
Tout de suite après, les délégués anglais se réunissent pour examiner la question
de la contestation relative à l'élection dans la ville de Winnipeg et, après discussion,
adoptent à l'unanimité la résolution suivante :
M. James Ross, appuyé par
M. Thos. Bunn, propose qu'étant donné qu'il semble que le seul candidat choisi à l'occasion d'une
assemblée publique dans le ville de Winnipeg est M. Scott et étant donné que les objections
soulevées par M. Bannatyne sont telles que, si elles s'avéraient fondées, elles exigeraient
une nouvelle élection – et que M. Bannatyne lui-même a affirmé qu'il ne prendrait
pas part à une nouvelle élection, nous, les délégués décidions d'accepter M. Scott
comme le représentant de la ville de Winnipeg.