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Conseil Législatif, 6 Février 1865, Provinces de L'Amerique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

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CONSEIL LÉGISLATIF.

Lundi, 6 février 1865
L'Hon. M. CAMPBELL.—Avec la permission de l'hon. membre qui a la parole (l'hon. M. Currie), je soumettrai quelques observations sur une portion du projet de confédération à laquelle allusion spéciale a été faite dans cette chambre et dont le pays s'est préoccupé. Je veux parler de la constitution du conseil législatif énoncée dans le projet. En exposant les raisons qui ont amené le gouvernement canadien et les autres membres de la conférence, — composée, comme en le sait, des hommes politiques les plus éminents de tous les partis,—à la décision qu'ils ont adoptée, je prie cette chambre de croire que cette décision n'a point été prise à la hâte, mais après une longue discussion et un sérieux examen du sujet. Le gouvernement du Canada n'a pas seul élaboré le projet de constitution indiqué dans les résolutions soumises à cette chambre. (Ecoutez !) Je m'explique: je ne veux pas
dire que le gouvernement ait hésité à adopter ce projet ; je veux constater ici que le projet de confédération était l'œuvre du gouvernement canadien et des délégués de toutes les autres provinces. C'est le fruit de délibérations, d'arrangements et de compromis entre diverses parties. En soumettant ces résolutions, le gouvernement n'est pas poussé à faire cette démarcbe par l'intérêt que chacun porte naturellement à ses propres œuvres ; mais je tiens à rappeler que ces résolutions sont l'œuvre des messieurs dont je viens de parler ; et si je me sens prêt à soutenir opiniâtrement cette mesure, c'est que j'apprécie les difficultés dans lesquelles un échec nous plongerait. La conférence ne pouvait faire davantage, et, plût à Dieu ! que les personnes qui aujourd'hui 22 combattent ce projet eussent été témoins des sérieux débats qui ont en lieu à Charlottetown, à Québec, avant d'arriver à un résultat définitif. Ce résultat développera, je l'espère, la prospérité des provinces intéressées, et les génératrons futures en garderont le souvenir avec gratitude. Suposons, pour un instant, que cette chambre, de même que l'assemblée, arrivent à une conclusion autre et rejette ces résolutions ; quelle en sera la conséquence? Les sacrifices et les compromis faits par les représentants des diverses provinces seraient donc inutiles ; la conduite des hommes éminents qui ont fait taire leurs querelles personnelles et leurs auimosités de parti pour accomplir ce grand œuvre, resterait donc sans fruits ; et cependant il n'y avait que ces hommes pour organiser et mûrir un pareil projet. J'ai donc le droit, ce me semble, en considérant les efforts qui ont été faits pour produire cette convention, et le peu de probabilité qu'une autre aurait de réussir si celle-ci était rejetée aujourd'hui, de demander à la Chambre de l'étudier et la peser avec un esprit de justice et de tolérance. Supposez, en effet, qu'un amendement au projet soit emporté ici, qu'un autre le soit ailleurs, et surtout si les dispositions concernant la constitution de la chambre sont modifiées, n'est-il pas certain que tout le plan échonerait, attendu que les provinces d'en-bas différeraient d'opinion avec nous sur ce point? Quand méme on insisterait assez fortement en Canada sur l'adoption du système électif pour que le gouvernement se vit obligé d'en demander l'application, quand même aurait lieu une nouvelle conférence, nous n'obtiendrions rien parce que, je le répète, les délégués des autres provinces arriveraient porteurs d'instructions contradictoires, et sur ce sujet, comme sur une centaine d'autres, il serait tout a fait impossible d'arriver de nouveau à réunir l'unanimité des voix. L'hon. député de Brock l'a très-bien dit l'autre soir, à la réussite de ce projet se trouve en grande partie attaché notre crédit à l'étranger; l'insuccès du premier aura pour résultat inévitable d'affecter le second. On a su, en effet, a l'étranger que nos hommes publics avaient mis de côté les querelles de parti afin de procurer au pays le calme et la prospérité ; l'on y a appris l'existence de la convention et les résultats auxquels  elle avait abouti, et on ne saurait nier tout le bien que ces choses nous ont déjà fait. Eh bien! non-seulement le manque de réussite du projet nous fera perdre ce premier résultat, mais il nous causera un tort plus que correspondant. [Ecouter ! écoutes !]
[L'HON. M. CAMPBELL donne ici un grand développement à cette idée afin de démontrer les bons résultats qui seront le fruit de l'adoption du projet de confédération et les maux qui suivront son rejet.]
Ce n'est nullement mon intention de suivre mon honorable ami, le Premier, dans la discussion des mérites du project en général ; la manière habile avec laquelle il l'a fait ne peut qu'avoir produit une impression prefonde sur tout auditeur impartial, (Ecoutez  ! écoutez !) C'est pourquoi, je reviendrai à ce que je disais en commençant et vais essayer d'entrer dans les raisons qui ont engagé la conférence a constituer la chambre haute telle qu'elle l'a fait. La première et la principale a été de donner à chacune des provinces un moyen de protection suffisante pour ses intérêts locaux,—garantie qu'on craignait ne pas devoir trouver dans une chambre composée d'une députation basée sur le chiffre de la populaticn. Le nombre des membres du conseil législatif sera défini, et ils seront élus a vie au lieu de sortir de l'élection populaire. Afin d'assurer les conditions d'égalité de cette chambre, nous avons divisé la confédération en trois grands districts, savoir .—le Haut-Canada, le Bas- Canada et les Provinces Maritimes ;— et chacun de ces districts devra envoyer 24 députés au conseil législatif. Dans le Haut- Canada, ainsi qu'il a déjà été dit, la population s'est accrue trés-rapidement, et ira probablement en s'augmentant plus vite que dans le Bas-Canada ou es autres provinces. En donnant le système électif au conseil législatif, l'on risque de voir arriver le jour où cette province se croira en droit de demander une augmentation de représentation dans le conseil et n'hésitera pas a se lancer dans une agitation à ce sujet. Elle s'opposera, peut- être, aux primes accordées aux pêcheries des provinces maritimes et à la construction des fortifications considérables qu'il faudra y faire, et réclamera, afin de réussir dans son opposition, une représentation dans le conseil plus en proportion de sa population. C'est en présence de ces éventualités possibles que les délégués ont songé qu'il était peu sûr de con fier leurs intérêts a une chambre élective. Il fut décidé en conséquence que, dans une des branches de la législature, un nombre déterminé de membres seraient nommés par la couronne afin d'établir ainsi un contre-poids à l'autre chambre où le principe de la représentation d'après la popu 28lation serait reconnu. On me dira qu'on aurait bien pu limiter le nombre tout en gardant le système électif. Je ne prétends pas que le project soit sans défaut, mais c'est le meilleur qu'on pouvait adopter. Les provinces maritimes redoutaient leur inférionté numérique, n'ayant que 800,000 habitants contre plus de deux fois ce nombre dans le Haut- Canada seul. Il était donc essentiel de leur accorder une garantie en fixant la représentation dans le conseil. La conférence se pénétra du sentiment que son œuvre aurait à traverser des siècles et, sachant combien la doctrine de la représentation d'après la population avait jeté de trouble dans la chambre des communes du Canada, elle chercha à éviter ce ferment de discorde dans la confédération. Et cette précaution me semble inspirée par la justice et la sagesse. Pour le prouver, supposons un instant que le principe électif soit maintenu et que la limite du nombre des membres, dans le conseil, c'est-à-dire 24 pour chacune des grandes sections de la province, soit aussi fixée. Supposons de plus que la population du Haut-Canada augmente dans de mémes proportions que par le passé, que sera dans 50 ans la population des divisions de Saugeen, Tecumseth et Eastern, qui comptent aujourd'hui 180,000, 90,000 et 60,000 âmes respectivement? N'est-il pas possible, ou mieux, n'est-il pas infiniment probable que ces grands colléges électoraux, venant un jour à se comparer avec les divisions de l'Ile du Prince-Edouard qui auront alors de 20 à 25 mille âmes, demanderont un surplus de représentation ? Qui prétendra qu'avec une chambre haute élective la constitution peut étre durable? C'est la crainte de ce danger qui décida la conférence à adopter le principe de nomination dans la chambre haute comme seul moyen de prévenir de malheureux résultats. Pour ma part, j`approuve entièrement cette décision. La principe électif porte en lui le germe du doute sur la sécurité des provinces maritimes, et je suis bien aise qu'on ait trouvé moyen de faire disparaître cette appréhonsion. Tout le monde sait que même aux Etats-Unis, où règne une disposition générale à tout soumettre à la décision populaire, le principe de limiter le nombre des membres de la chambre haute est si amplement reconnu par la constitution que jamais on a cherché à le modifier. Et ci cela était considéré nécessaire dans un pays aussi dense que les Etats-Unis, combien plus il le serait dans une confédération, dont quelques unes des sections sont séparées des autres par de longues et étroites lisières de terre ou par de vastes estuaires, et qui n'ont qu'une petite représentation dans la branche populaire et cherchent à obtenir l'égalité de représentation surtout dans la chambre haute pour le maintien de leurs droits, institutions et intérêts locaux. Je suis aise que cette décision ait été adoptée ; elle ajoute encore au respect que je portais aux membres à vie de cette chambre. Dans la loi qui a rendu le conseil électif, il ne pouvait y avoir de plus sage disposition que celle qui conservait le siége des membres nommés par la couronne. J'ai toujours reconnu ce qu'avait ici d'avantageux la présence de ces hons. membrès. Si le système électif eut tout-à-faît prévalu, si l'on avait fait disparaître les anciens conseillers et composé le conseil de 48 nouveaux membres, le pays y eut perdu grandement ; mais les anciens membres ont conservé leurs siéges et les nouveaux sont venus par 12 à la fois de deux ans en deux ans, de sorte que le changement d'un système à l'autre a pu s'effectuer sans entraves sérieuses. Les membres nommés la couronne ont conservé leur influence, et le calme et la
gravité qu'ils savaient apporter dans les délibérations devinrent insensiblement une habitude chez les membres électifs, et cela au grand avantage de la chambre. Nous, les membres élus, nous avons acquis l'esprit et l'instruction que les conseillers nommés par la couronne pouvaient si bien nous inculquer, tellement que nous avons pu remplir nos devoirs d'une manière qui nous eut été impossible si nous avions été laissés à nous- mémes. Si les membres à vie eussent été privés de leurs siéges, il n'est pas probable que beaucoup, que même quelques-uns d'entre eux, eussent cherché à les briguer de nouveau, car ils étaient riches pour la plupart, d'une position élevée, et doués d'une grande susceptibilité, et ce fait ajouté à leurs habitudes d'ordre et de tranquillité les rendaient impropres ou peu enclins aux luttes qui sont la conséquence inévitable d'une élection. Sous un système électif, ces hons. messieurs n'eussent certainement pas eu de sièges, et le pays eut perdu les services qu'ils peuvent lui rendre, mais étant nommés par la conronne, ils seront sur le même pied que les autres membres de cette chambre et partageront la représentation avec ceux élus pour le conseil législatif du parlement fédéré. (Ecoutez! écoutez !) Abordant maintenant un autre sujet, je ferai remarquer ue quelques personnes ont demandé ce qu'il adviendrait si les deux chambres de la con 24fédération tombaient en désaccord ? J'ai déja fait observer que le conseil législatif était par sa nature destiné à servir de contrepoids à l'assemblée, mais un pareil contrepoids n'impliquait pas nécessairement l'idée de lutte. Je ne pense pas qu'il soit
probable que les deux branches de a législature puissent jamais en venir à des difficultés sérieuses sur des sujets d'une importance mineure, et cela pour le seul plaisir de s'engager dans une lutte pour ainsi dire corps-à-corps ; d'ailleurs, elles ne l'oseraient pas. Je ne sache pas qu'un semblable état de choses se soit produit depuis fort long- temps. Cette chambre avait repoussé le projet de loi concernant les colons (squatters) à sept ou huit reprises différentes, mais cela n'avait pas rompu la bonne harmonie entre les deux chambres. Au contraire, il en était résulté les plus heureuses censéquences. L'hon. député à vie de Cobourg (L'hon. M. BOULTON), que je n'ai pas le plaisir de voir à son siége, avait, par la puissance de son argumentation, convaincu la chambre que ce projet de loi ne tendait à rien moins qu'au bouleversement des droits de propriété, et d'année en année nous avons pu voir la mesure se dépouiller graduellement de ses aspérités les plus saillantes, à tel point qu'aujourd'hui il serait difficile d'y trouver une seule disposition contraire aux intérêts publics. Je ne me rappelle pas qu'il se soit présenté, à part cette circonstance, un seul cas de dissentiment entre les deux chambres. Le seul danger possible, le seul qui pourrait compromettre la bonne entente qui existe aujourd'hui, se trouve dans la possibilité qu'une chambre empiète sur les prérogatives de l'autre ; or, ce danger, s'il existe aucunement, serait beaucoup plus grand encore si le conseil législatif était électif. (Ecoutez ! écoutez !) Si les membres étaient éligibles, ils pourraient fort bien dire : " nous sortons du vote populaire tout aussi directement que les membres de l'assemblée; et, conséquemment, notre autorité doit être non-seulement aussi ample et aussi complète que la leur, mais plus encore car chacun de nous, nous représentons 1000 électeurs, et eux n'en représentent que 800 ; nous avons donc autant qu'eux le droit de prendre l'initiative des lois de finance."     Rendez le conseil purement électif, et je suis prêt à vous affirmer que l'agitation dont je parle ne tardera pas à se faire jour. L'on n'a pas encore osé soulever la question dans cette chambre, mais il est bien connu qu'elle a été librement discutée dans les couloirs, et si le sujet n'a pas encore été porté à l'attention publique, c'est que ceux qui en ont assumé l'initiative savaient bien qu'ils ne pouvaient pas compter sur les membres à vie. (Ecoutez ! Ecoutez l) Que le conseil propose une fois de s'occuper de l'impôt, l'on est sûr qu'avant longtemps le système électif l'y contraindra, et aussitôt l'esprit de l'assemblée se tournera à la résistance. C'est ainsi que les scissions seraient provoquées, et avec un conseil électif ce danger pourrait se présenter très-fréquemment. En Angleterre, où la chambre haute est composée d'une classe d'hommes distincte de celle des communes, et dont les intérêts diffèrent généralement de ceux du peuple, les seissions entre ces deux branches ont la même été peu fréquentes, si peu que depuis plusieurs siècles il n'y en a eu qu'une qui fut très sérieuse ; mais lorsqu'adviennent de ces diflicultés, la couronne les fait disparaître en nommant un nombre suffisant de pairs dont les vues politiques s'accordent avec celles du gouvernement. De plus, le droit de siéger dans la chambre des lords étant héréditaire, le fils y apporte d'ordinaire la politique du père, et voila comment il se fait que l'esprit de ce corps a toujours été assez bien compris ; mais quelque soit son caractère et son inaccessibilité aux influences populaires, il a tout de même appris à respecter la volonté du peuple jusqu'au point de savoir quand il doit lui faire des concessions. Je ne prétends pas dire qu'il se courbe à la première exigence, qu'il fait immédiatement droit à toute demande ; je ne pense pas non plus que toute chambre haute doive ainsi se soumettre, ni qu'elle doit n'être que le simple reflet de l'opinion de l'autre branche ; je suis, au contraire, d'avis que lorsqu'elle est convaincue de l'injustice d'une mesure proposée, son devoir est de la repousser toujours, et qu'en prenant cette attitude, elle est sûre de trouver un appui dans l'opinion publique, qui finit ordinairement par se ranger du côté de la justice. Mais, dans un pays comme le nôtre, il est beaucoup moins à craindre que les divergences d'opinions entre les chambres législatives soient aussi fréquentes qu'entre la chambre des lords et les communes en Angleterre, et la raison en est simple, car nos conseillers législatifs ne sortirarent pas d'une classe de société aussi différente de la population que celle des pairs de la nation anglaise par rapport au peuple de cette nation. Les lords ont des idées de caste et de priviléges étrangères à notre peuple, et la sympathie réciproque qui existe ici entre 25 toutes les classes se ferait également sentir chez les conseillers législatifs et les députés à l'assemblée. Ces deux corps seraient également assujétis aux influences populaires et plus ou moins contrôlés par elles. Bien que nommé par la couronne, les intérêts du conseiller législatif seraient identiques à ceux de la masse, et la législation qui serait avantageuse pour cette dernière le serait également pour lui, et comme les pairs d'Angleterre, il n'aurait pas à veiller à la protection de biens, priviléges, immunités et titres héréditaires. A l'égard des autres, il se ressentirait des changements sociaux et le but et les aspirations de son entourage seraient les mêmes pour lui. Les choses étant ainsi, il n'est pas probable que ses opinions fussent assez opposées à celles des autres hommes pour rendre un conflit sérieux à craindre entr'eux,--ou plutôt entre le conseil et la chambre d'assemblée. D'ailleurs, les changements que le temps devrait inévitablement apporter dans la composition d'un corps comme celui du conseil législatif, suffiraient à eux seuls pour empêcher un antagonisme grave de durer longtemps entre lui et l'autre chambre, dans le cas où malheureusement il viendrait à éclater. Le décès, la résignation et la perte de siéges pour une cause ou l'autre, amèneraient ce résultat et permettraient au gouvernement du jour de reconstituer le conseil de manière à le mettre plus d'accord avec l'opinion publique. Qu'on veuille bien remarquer que je ne dis pas que le conseil législatif doive être toujours le miroir de l'opinion publique, mais bien qu'il est désirable de ne pas le voir la fronder constamment et impunément. J'aimerais à voir cette chambre se former d'hommes graves, réfléchis, conservateurs, et veillant avec un grand soin et ne pas laisser devenir lois des mesures qui n'auraient pas pour but le bien public. C'est pourquoi, je ne croirais ni bon ni désirable d'opérer dans la composition du conseil législatif des changements plus rapides que ceux que je viens d'indiquer. L'histoire du conseil législatif actuel prouve, d'un autre côté, combien sont plus fréquents, qu'on ne le penserait d'abord, ces changements, soit parmi les députés à vie soit parmi ceux qui ont été élus. D'après le système électif d'aujourd'hui, douze députés sortent et douze autres entrent tous les deux ans : en supposant, maintenant, qu'il éclate une lutte entre les deux branches de la législature et qu'il soit jugé à propos de mettre le conseil d'accord avec les représentants du peuple, il pourrait fort bien se faire que l'élection ramenât les mêmes deputés, non à cause de la valeur de leurs opinions politiques sur la question qui fait la difficulté, mais parce qu'ils sont riches, occupent une haute position ou ont fait preuve de plus d'activité que leurs concurrents. L'un pourrait-étre réélu parcequ'il est riche et que sa position commande une large influence, un autre parce qu'il est habile dans la lutte électorale, d'autres pour des causes également étrangères à la question politique qui partage les deux chambres du parlement. Mais supposons que douze siégea soient à la disposition du gouvernement et qu'il y ait antagonisme irréconciliablc entre les deux chambres, le gouvernement ne peut- il pas mettre fin sur le champ et complètément à la lutte en nommant douze membres dont les opinions s'accordent mieux avec les vues de l'administration et les intérêts du pays? Il le peut sans aucun doute. Or, voici les changements qui ont eu lieu depuis huit ans parmi les membres it vie; lorsque cette chambre fut rendue élective, elle avait 40 de ces membres; deux ans plus tard, lors de l'appel nominal, ce nombre se trouvait réduit à 31 ; deux ans apres à 26. et encore deux ans plus tard à 24 ; aujourd'hui, il reste 21 membres à vie dont un est sérieusement malade. Dans ces huit ans leur nombre a diminué de moitié.   Des changements presqu'aussi considérables ont en lieu parmi les membres électifs: sur 48, il y a en 24 déplacements occasionnés par des décès ou autres causes; or, les membres élus entrant par nombre de douze, tous les deux ans, chacun d'eux n'a siégé en moyenne que quatre ans. Ces faits démontrent combien il est opportun, même pour les hommes plus jeunes que les membres à vie en général, que le gouvernement puisse maintenir la composition de la chambre en rapport avec les intérêts du pays et prévenir de fâcheux malentendus entre les deux chambres. Je pourrais aller plus loin en d nnant un état détaillé des changements survenus par suite de décès, d'acceptation de charges publiques, de défaites dans les élections, mais il n'est pas nécessaire de spécifier aussi miautieusement tous ces détails. Ces changements modifient jusqu'à un certain point la composition de la chambre, et ce sera la même chose dans l'avenir. La conférence a pris toutes ces choses en considération et en a conclu sagement, à mon avis, qu'avec le système nominatif les chances de rivalité entre les deux chambres devenaient beaucoup moindres, que la facilité de rétablir l'hab 26monic entre les deux chambres serait toujours prompte et efficace, et qu'un conflit entre les deux branches de la législaturc générale n'était pas tellement à craindre que cela pût mettre obstacle au principe de nomination, qui offre tant d'autres avantages, que j'ai essayé de faire ressortir en commençant mes observations. J'ai donc la ferme espérance que cette chanbre partagera les vues que je viens d'exprimer et accueillera la mesure qui lui est soumise comme étant la plus avantageuse aux intérêts du Canada et des autres provinces. De plus, en formant cette union, nous le lèguerons à la postérité une constitution analogue à celle de l'empire sous la protection duquel nous avons le bonheur de vivre -- et qui perpétuera, j'en suis convaincu, notre union avec l'Angleterre pour 'notre propre avantage et le sien. (Ecoutez! et applaudissemcnts.)
L HON. M. VIDAL.—J'aimerais à savoir de l'hon. préopinant pourquoi le choix des conseillers législatifs du Bas-Canada doit, d'après le projet de confédération, être laissé au gouvernement local de cette province, et qu'il n'en est pas ainsi pour le Haut-Canada et les provinces maritimes ?
L'HON. M. CAMPBELL—Il a été décidé qu'il en serait ainsi afin de sauvegarder les intérêts des anglo-canadiens du Bas-Canada, qui craignaient de n'avoir pas anses de moyens de protection autrement.
L'HON. M. RYAN.—Je sens de mon devoir de m'opposer à ce mode comme propre à éterniser les distinctions de nationalité et de religion ; je crois qu'il vaut mieux abandonner ce choix sans réserve à la couronne.
Un grand nombre de questions sont ensuite faites à l'hon. M. CAMPBELL sur divers points de détail, entr'autres celle de savoir : si les gouvernements locaux seraient organisés avant que la confédération ne devint une loi définitive. On se plaint des contradictions de la résolution à ce sujet, qui suppose en force une partie du projet dépen ant de l'action des gouvernements qui n'existeront pas encore.
L'HON. M. CAMPBELL promet de donner une explication sur ce point a la prochaine séance du conseil législatif.
L'HON. M. SANBORN.—Comme il est près de six heures, je n' ai guère le temps de parler très au long. Je dirai, cependant, que je ne repousse pas le projet en totalité, mais je dois déclarer que si nous abandonnons le principe électif, tel qu'appliqué au conseil législatif, c'est faire un pas en arrière et une démarche très-imprudente. Je pourrais, à l'appui de ce que j'avance, citer l'opinion qu énonçait le premier ministre il y a deux ans ; il me semble bien étrange qu'il ait si subitement changé sa manière d'envisager la question.
Six heures sonnant, les débats sont ajournés au lendemain.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

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