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Conseil Législatif, 3 Février 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

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CONSEIL LEGISLATIF.

VENDREDI, 3 février 1865.

L'HON. SIR E. P. TACHÉ propose " qu'une humble adresse soit présentée à Sa " Majesté, pour la prier qu'il lui plaise de " faire soumettre au Parlement Impérial, " une mesure ayant pour objet l'union des " Colonies du Canada, de la Nouvelle-Ecosse, " du Nouveau-Brunswick, de Terreneuve et " de l'Ile du Prince-Edouard, sous un même " gouvernement, la dite mesure devant être " basée sur les résolutions qui ont été adop" tées à la conférence des délégués de ces " colonies, tenue en la cité de Québec, le " 10 octobre 1864:"
1. Une union fédérale sous la couronne de la Grande-Bretagne aurait l'effet de sauvegarder les intérêts les plus chers et d'accroître la prospérité de l'Amérique Britannique du Nord, pourvu qu'elle puisse s'effectuer à des conditions équitables pour les diverses provinces. 
2. Le meilleur système de fédération pour les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, le propre, dans les circonstances, à protéger les intérêts des diverses provinces et à produire l'efficqcité, l'harmonie et la stabilité dans le fonctionnement de l'union, serait un gouvernement chargé du contrôle des choses communes à tout le pays, et des gouvernements locaux pour chacun des deux Canadas, et pour la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick et l'Ile du Price-Edouard, lesquels seraient chargée du contrôle des affaires locales dans leurs sections respectives; — des dispositions étant faites pour admettre dans l'union, à des conditions équitables, Terreneuve, le territoire du Nord-Ouest, la Colombie Anglaise et Vancouver. 3. En rédigeant une constitution pour le gouvernement général, la convention ayant en vue de resserrer autant que possible les liens qui nous unissent a la mère-patrie, et de servir les plus chers intérêts des habitants de ces provinces, désire, autant que le permettront les circonstances, prendre pour modèle la constitution britannique.
4. Le pouvoir ou gouvernement exécutif résidera dans le souverain du royaume-uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, et sera administré par le souverain ou le représentant. du souverain, suivant les principes de la constitution britannique.
5. Le souverain ou le représentant du souverain sera le commandant en chef des milices de terre et de mer.
6. Il y aura pour toutes les provinces fédérées une législature on parlement général, composé d'un conseil législatif et d'une chambre des communes.
7. Pour former le conseil législatif, les provinces fédérées seront considérées comme formant trois divisions: 1o. Le Haut-Canada; 2o. Le Bas-Canada; 3o. La Nouvelle-Ecosse, le Nouveau- Brunswick et l'Ile du Prince-Edouard —chaque division ayant un égal nombre de représentants dans le conseil législatif.
8. Le Haut-Canada sera représenté dans le conseil législatif par 24 membres, le Bas-Canada par 24, et les trois provinces maritimes aussi par 24, dont dix pour la Nouvelle-Ecosse, dix pour le Nouveau-Brunswick et quatre pour l'Ile du Prince- Edouard.
9. La colonie de Terreneuve aura droit d'entrer dune l'union projetée avec une représentation de quatre membres dans le conseil législatif.
10. Les conditions d'admission dans l'union, du territoire du nord-ouest, de la Colombie Britannique et de Vancouver, seront déterminées par le parlement fédéral et approuvées par Sa Majesté; en ce qui regarde l'admission et les conditions d'admission de la Colombie Britannique ou de Vancouver, il faudra le consentement de la législature locale.
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11. Les conseillers législatifs seront nommés à vie par la couronne, sous le grand sceau du gouvernement général; mais ils perdront leurs sièges par le fait d'une absence continue de deux années consécutives. 
12. Les conseillers législatifs devront être sujets ,     britanniques nés ou naturalisés, avoir au moins 30 ans, posséder et continuer à posséder en propriétés foncières, une valeur de $4,000, en sus de toute hypothèque, dettes et obligations; mais en ce qui a rapport a Terreneuve et à l'Ile du Prince- Edouard, la propriété pourra être réelle ou personnelle.
13. Le conseil législatif décidera toute question relative à l'éligibilité ou à l'inéligibilité de ses membres.
14. Les premiers conseillers législatifs fédéraux seront pris dans les conseils législatifs actuels des diverses provinces, excepté pour ce qui regarde l'Ile du Prince- Edouard. S'il ne s'en trouvait pas assez parmi ces conseillers qui fussent éligibles ou qui voulussent servir, le complément devrait nécessairement être pris ailleurs. Ces conseillers seront nommés par la couronne à la recommandation du gouvernement général, et sur la présentation des gouvernements locaux respectifs. Dans ces nominations, on devra avoir égard aux droits des conseillers législatifs qui représentent l'opposition dans chaque province, afin que tous les partis politiques soient, autant que possible, équitablement représentés.
l5. Le président du conseil législatif fédéral, jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé par le parlement, sera choisi parmi les conseillers législatif et nommé par la couronne, laquelle pourra, à volonté, lui conserver ou lui ôter sa charge. Il aura droit seulement à une voix prépondérante dans le cas d'une égale division des votes.
16. Chacun des vingt-quatre conseillers législatifs représentant le Bas-Canada dans le conseil législatif de la législature fédérale, sera nommé pour représenter l'un des vingt-quatre collèges électoraux nommés dans la cédule A du 1er ch. des Statuts Refondus du Canada, et ce conseiller devra résider ou posséder son cens d'éligibilité dans le collège dont la représentation lui sera assignée.
17. La représentation, dans la chambre des communes, aura pour base la population dont le chiffre sera déterminé par le recensement officiel fait tous les dix ans; et le nombre des représentants sera d'abord de l94, distribués comme suit
Haut-Canada... 82
Bas-Canada... 65
Nouvelle-Ecosse... 19
Nouveau-Brunswick... 15
Ile de Terreneuve... 8
Ile du Prince-Edouard... 5
18. Il ne pourra pas y avoir de changement dans le nombre des représentants des diverses provinces avant le recensement de 1871.
19. Immédiatement après le recensement de 1871 et chaque autre recensement décennal, la représentation de chacune des provinces, dans la chambre des communes sera répartie de nouveau en prenant pour base la population.
20. Pour les de ces nouvelles répartitions, le Bas-Canada n'aura jamais ni plus ni moins que 65 représentants, et chacune des autres sections recevra, à chaque telle nouvelle répartition, pour les dix années qui suivront, le nombre de membres auquel elle aura droit en prenant pour base de calcul le nombre d'âmes représenté, suivant le recensement alors dernier, par chacun des 65 membres du Bas-Canada.
21. Nulle réduction n'aura lieu dans le nombre des représentants élus pour une province quelconque, à moins que le chiffre de sa population n'ait décru de 5 pour cent, ou plus, relativement à la population totale des provinces fédérées.
22. En supputant, à chaque période décennale, le nombre de représentants auquel chaque section aura droit, on ne prendra en considération les fractions que lorsqu'elles dépasseront la moitié du nombre qui donnera droit à un représentant, auquel cas ces fractions auront, chacune, droit à un représentant.
23. Les législatures des diverses provinces diviseront respectivement celles-ci en comtés et en définiront les limites.
24. Les législatures locales pourront, de temps à autre, changer les districts électoraux pour les fins de la représentation dans la législature locale, et distribuer, de la manière qu'elles le jugeront convenable, les représentants auxquels elles auront respectivement droit.
25. Le parlement fédéral pourra, quand il le jugera convenable, augmenter le nombre des membres, mais il devra conserver les proportions alors existantes.
26. Jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé par le parlement fédéral, toutes les lois qui, à la date de la proclamation de l'union, seront en force dans les diverses provinces relativement à l'éligibilité ou l'inéligibilité des personnes à siéger ou à voter dans les assemblées législatives de ces provinces, ainsi qu'à la capacité ou à l'incapacité des électeurs, aux serments exigés des votants, aux officiers-rapporteurs ou à leurs pouvoirs et devoirs, aux élections, au temps que celles-ci peuvent durer, aux élections contestées et aux procédures y incidentes, aux vacations des sièges en parlement, à l'émission et à l'exécution des nouveaux brefs dans les cas de vacations occasionnées par d'autres causes que la dissolution du parlement; toutes ces lois s'appliqueront aux élections des représentants de la chambre des communes, suivant la province pour laquelle ces representants seront élus.
27. La durée de chaque chambre des communes sera de cinq ans, à compter du jour du rapport des brefs d'élection, à moins que le parlement ne soit dissous plus tôt par le gouverneur-général.
28. Il y aura une session du parlement fédéral au moins une fois par année, de manière qu'il ne devra jamais s'écouler plus de douze mois entre la dernière séance d'une session et la première séance de la session suivante.
29. Le parlement général aura le pouvoir de faire des lois pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement des provinces fédérées, (sans toutefois, pouvoir porter atteinte à la souveraineté de   l'Angleterre), et en particulier sur les sujets suivants:
l. La dette et la propriété publiques; 2. Le commerce; 3. L'imposition ou le règlement de droits de douane sur les importations et sur les 3 exportations, excepté sur les exportations du bois carré, des billets, des mâts, des espars, des madriers, du bois scié, du charbon et des autres minémaux;
4. L'imposition ou le règlement d'accise;
5. Le prélèvement de deniers par tous autres modes ou systèmes de taxation;
6. Les emprunts d'argent sur le crédit public;
7. Le service postal;
8. Les lignes de bateaux à vapeur ou d'autres bâtiments. les chemins de fer, les canaux et autres travaux qui relieront deux ou plusieurs provinces on se prolongeront au-delà des limites de l'une d'elles;
9. Les lignes de bateaux à vapeur entre les provinces fédérées et d'autres pays;
Les communications télégraphiqnes et l'incorporation des compagnies télégraphiques;
11. Tous autres travaux qui, bien que situés dans une seule province, seront spécialement déclarés dans les actes qui les autoriseront être d'un avantage général;
12 Le recensement;
13. La milice, le service militaire et naval, et la défense du pays:
14. Les amarques, les bouées et les phares;
15. La navigation et ce qui a rapport aux bâtiments (shipping);
16. La quarantaine;
17. Les pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur;
18. Les traverses entre une province et un pays étranger ou entre deux des provinces;
19. Le cours monétaire et le monnayage;
20. Les banques, l'incorporation de banques et l'émission du papier-monnaie;
21. Les caisses d'épargne;
22. Les poids et mesures;
23. Les lettres de change et les billets promissoires;
24. L'intérêt;
25. Les offres légales;
26. La banqueroute et l'insolvabilité;
27. Les brevets d'invention et de découverte:
28. Les droite d'auteur;
29. Les Sauvages et les terres réservés pour les Sauvages;
30. La naturalisation et les aubains;
3l- Le mariage et le divorce;
82. La loi criminelle, excepté la constitution des cours de juridiction criminelle, mais y compris la procédure en matière criminelle;
33- Toute mesure tendante à rendre uniformes les lois relatives à la propriété et aux droits civils dans le Haut-Canada, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Ile du Prince-Edouard et l'Ile de Terreneuve, ainsi que la procédure de toutes les cours de justice dans ces provinces. Mais nul statut à cet effet n'aura force ou autorité dans aucune de ces provinces avant d'avoir reçu la sanction de sa législature locale;
34. L'établissement d'une cour générale d'appel pour les provinces fédérées;
35. L'immigration;
36. L'agriculture;
37. Et, généralement, toutes les matières d'un caractère général qui ne seront pas spécialement et exclusivement réservées au contrôle des législatures et des gouvernements locaux.
30. Le gouvernement général et le parlement auront tous les pouvoirs dont ils auront besoin, comme portion de l'Empire Britannique, pour remplir, envers les pays étranger, les obligations naissant des traités qui existeront ou pourront exister entre la Grande-Bretagne et ces pays.
31. Le parlement fédéral pourra aussi, quand il le jugera convenable, créer de nouveaux tribunaux judiciaires, et le gouvernement général nommer en conséquence de nouveaux juges et de nouveaux officiers, si la chose parait avantageuse au public ou nécessaire à la mise en force des lois du parlement
32. Toutes les cours, les juges et les officiers des diverses provinces devront aider le gouvernement génêrai et lui obéir dans l'exercice de ses droits et de ses pouvoirs; pour ces objets, ils seront considérés comme cours, juges et officiers du gouvernement général.
33. Le gouvernement général nommera et paiera les juges des cours supérieures, dans les diverses provinces. et des cours de comté. dans le Haut-Canada, et le parlement déterminera leurs salaires.
34- Jusqu'à ce qu'on ait refondu les lois du Haut-Canada, du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de 'Terreneuve et de l'Ile du Prince-Edouard, les juges de ces provinces, qui seront nommés par le gouvernement général, seront pris dans leurs barreaux respectifs.
35. Les juges des cours du Bas-Canada seront choisis parmi les membres du barreau du Bas- Canada,
36. Les juges de la Cour d'Amirauté, qui reçoivent maintenant des salaires, seront payés par le gouvernement général.
37. Les juges des cours supérieures conserveront leurs charges durant bonne conduite, et ne pourront être déplacés que sur une adresse des deux chambres du parlement.
38. Chaque province aura un officier exécutif appelé lieutenant-gouverneur, lequel sera nommé par le gouverneur-général en conseil, sous le grand sceau des provinces fédérées, et durant bon plaisir: mais ce bon plaisir ne devra pas être exercé avant cinq ans accomplis, à moins qu'il y ait cause, et cette cause devra être communiquée par écrit au lieutenant-gouverneur immédiatement après sa démission, et aussi, par message, aux deux chambres du parlement, dans la première semaine de la première session qui suivra.
39. Les lieutenants-gouvernement des provinces seront payés par le gouvernement général.
40. La convention, en réglant ainsi les salaires des lieutenants-gouverneurs, ne prétend pas porter préjudice à la réclamation de l'Ile du Prince- Edouard auprès du gouvernement impérial pour le salaire maintenant payé à son lieutenant-gou verneur.
41. Les gouvernements et les parlements des di 4 verses provinces seront constitués en la manière que leurs législatures actuelles jugeront respectivement à propos de les établir.
42. Les législatures locales auront le pouvoir d'amender ou changer de temps à autre leurs constitutions.
43. Les législatures locales auront le pouvoir de faire des lois sur les sujets suivants:
1. La taxation directe, et l'imposition de droits sur l'exportation du bois carré, des billots, mâts, espars, madriers et bois sciés. et du charbon et des autres minéraux;
2. Les emprunts d'argent sur le crédit de la province;
3. L'établissement de charges locales, et la manière dont elles seront. tenues, la nomination et le paiement des officiers locaux;
4. L'agriculture;
5. L'immigration;
6. L'éducation, (sauf les droits et privilèges que les minorités catholiques ou protestantes dans les deux Canadas possèderont par rapport à leurs écoles séparées au moment de l'Union);
7. La vente et l'administration des terres publiques, moins celles qui appartiendront au gouvernement général;
8. Les pêcheries des côtes de la mer et de l'intérieur;  
9. L'établissement, l'entretien et la régie des pénitenciers et des prisons de réforme;
10. L'établissement, l'entretien et la régie des hôpitaux, des asiles, des lazarets et des institutions de charité quelconques;
11. Les institutions municipales;
12. Les licences de boutiques, d'auberges, d'encanteurs et autres licences;
13. Les travaux locaux;
14. L'incorporation de compagnies privées ou locales, excepté celles qui auront pour objet des matières assignées au parlement fédéral;
15. La propriété et les droits civils, moins ce qui est attribué au parlement fédéral;
16. Les punitions par amendes, pénalités, emprisonnement ou autrement, pour contravention aux lois qui sont de leur compétence législative;
17. L'administration de la justice, y compris la constitution, le soutien et l'organisation des cours de juridiction civile et criminelle, ainsi que la procédure en matière civile;
18. Et généralement toutes les matières d'une nature privée ou locale non-assignés au parlement général.
44. Le pouvoir de pardonner aux criminels, de commuer ou de remettre en tout ou en partie leurs sentences, ou de surseoir à leur exécution, lequel pouvoir appartient de droit à la couronne, résidera dans la personne des lieutenants-gouverneurs en conseil; mais ceux-ci devront se conformer aux instructions qui pourront leur être adressées, de temps à autre, à cet égard, par le gouvernement général, ainsi qu'aux lois du parlement général.
45. Pour tout ce qui regarde les questions sou mises concurremment au contrôle du parlement fédéral et des législatures locales, les lois du parlement fédéral devront l'emporter sur celles des législatures locales. Les lois de ces dernières seront nulles partout où elles seront en conflit avec celles du parlement général.
46. Les langues anglaise et française pourront être simultanément employées dans les délibérations du parlement fédéral ainsi que dans la législature du Bas-Canada, et aussi dans les cours fédérales et les cours du Bas-Canada.
47. On ne pourra taxer les terres ou propriétés qui appartiendront au gouvernement fédéral ou aux gouvernement locaux.
48. Tout bill qui aura pour but d'approprier une portion quelconque du revenu public, de créer de nouvelles taxes ou de nouveaux impôts, devra, suivant le cas, être présenté d'abord dans la chambre des communes fédérales ou dans l'assemblée législative locale, suivant le cas.
49. Tout vote, résolution, adresse ou bill des communes fédérales ou des assemblées législatives locales, qui aura pour but l'appropriation d'une partie quelconque du revenu, ou la création d'une taxe ou d'un impôt par un objet quelconque, devra, suivant le cas, être précédé d'un message du gouverneur-général ou du lieutenant-gouverneur, présenté durant la session même où sera passé tel vote, résolution, adresse ou bill.
50. Tout bill de la législature générale pourra être réservé en la manière ordinaire pour la sanction de Sa Majesté, et les bills des législatures locales pourront aussi, de la même manière, être réservés pour la considération du gouverneurgénéral.
51. Les bills de la législature générale seront sujets au désaveu de Sa Majesté, durant les deux ans qui suivront leur passation, comme l'ont été jusqu'à présent les bills passés par les législatures des dites provinces, et ceux des législatures locales seront sujets au désaveu du gouverneur- général durant les douze mois qui suivront leur adoption.
52. Outaouais sera le siège du gouvernement fédéral,—sauf l'exercice de la prérogative royale.
53. Sauf les mesures que pourront adopter par la suite les divers gouvernements locaux, le siège du gouvernement local du Haut-Canada sera Toronto, et Québec sera celui du gouvernement du Bas-Canada; rien n'est changé en ce qui regarde le siège de chacun des gouvernements locaux des autres provinces.
54. Tous fonds, argent en caisse, balances entre les mains des banquiers et toutes autres valeurs appartenant à chaque province, à l'époque de l'Union appartiendront au gouvernement général, excepté en ce qui est ci-dessous mentionné.
55. Les travaux et propriétés publiques de chaque province, dont suit l'énumération, appartiendront au gouvernement général, savoir:
1. Les canaux;
2. Les havres publics;
3. Les phares et jetées ou quais;
4. Les bateaux à vapeur, les cures-môles et les autres vaisseaux publics;  
5. Les améliorations des rivières et des lacs;
6. Les chemins de fer et actions de chemin de fer; les hypothèques et autres dettes des compagnies de chemin de fer;
7. Les routes militaires;   
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8. Les maisons de douane, les bureaux de poste et les autres édifices publics, excepté ceux qui seront réservés par le gouvernement général pour l'usage des législatures et des gouvernements locaux;
9. Les propriétés transférées par le gouvernement impérial, et connues sous le nom de. propriétés de l'ordonnance;
l0. Les arsenaux, les salles d'exercice. les habillements, accoutrements militaires, munitions de guerre, etc;
11. Et les terres réservées pour les objets publics.
56. Toutes les terres, mines, minéraux et réserves royales qui appartiennent à Sa Majesté dans les provinces du Haut-Canada, du Bas-Canada, du Nouveau-Bunnswick, de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile du Prince-Edouard, pour l'usage de ces provinces, appartiendront respectivement aux gouvernements locaux des territoires où ils sont situés; assujétis néanmoins aux fidéicommis et aux intérêts d'autres tiers qui pourront exister relativement à ces terres.
57. Toutes les sommes d'argent. dues par les acquéreurs ou les locataires de ces terres, mines, minéraux, à l'époque de l'Union, appartiendront aussi aux gouvernements locaux.
58. Toutes valeurs ou propriétés se rattachant aux parties de la dette publique d'une province dont seront chargés les gouvernements locaux, appartiendront aussi à ces gouvernements respectivement.
59. Les diverses provinces demeureront respectivement en possession de toutes les autres propriétés publiques situées dans leurs limites: mais la confédération aura le droit de prendre les terres ou les propriétés publiques dont elle aura besoin pour les fortifications ou la défense du pays.
60. Le gouvernement général devra prendre comme siennes toutes les dettes et les obligations des diverses provinces.
61. La dette du Canada qui ne sera pas spécialement à la charge du Haut ou du Bas-Canada respectivement, ne devra pas, au temps de l'Union, dépasser $62,500,000. la dette de la Nouvelle- Écosse $8,000 000, et celle du Nouveau-Brunswick $7,000,000.
62. Dans le cas où la Nouvelle-Ecosse ou le Nouveau-Brunswick ne contracteraient pas d'obligations au-dela de celles auxquelles ces provinces sont actuellement assujéties, et que leurs dettes seraient respectivement moindres que sept millions et huit millions, à l'époque de l'Union, elles auront droit à. 5 p. 100 sur la différence qui existera entre les chiffres réels de leurs dettes et ceux de huit millions et sept millions respectivement, de la mêmeme manière qu'il est établi ci-dessous pour Terreneuve et l'Ile du Prince-Edouard. Cette résolution n'a. nullement pour but de restreindre les pouvoirs donnés aux gouvernements respectifs de ces provinces, par autorité législative, mais seulement de limiter le maximum de la dette dont devra se charger le gouvernement général. Pour- vu toujours que les pouvoirs ainsi conférés par les législature: respectives seront exercés dans le cours des cinq années qui suivront ce jour, sans quoi ils cesseront d'exister.
63. Comme Terreneuve et l'Ile du Prince- Edouard n'ont contracté de dettes égales à celles des autres provinces, leurs gouvernements respectifs auront droit de recevoir à l'avance, du gouvernement général, en paiements semi- annuels, l'intérêt de 5 p. 100 sur la différence qui existera entre le montant de leurs dettes respectives, à l'époque de l'union, et la moyenne du chiffre de la dette, par tête, en prenant la population du Canada, de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick.
64. En considération de la transmission générale faite à la législature du pouvoir de taxer, les provinces auront droit respectivement à un octroi annuel de 80 centins par chaque tête de la population, d'après le recensement de 1861. La popution de Terreneuve est évaluée, pour cet objet, à 130,000 âmes. Les provinces ne pourront rien réclamer de plus à l'avenir du gouvernement général pour les objets locaux, et cette aide sera payée à chacune d'elles semi-annuellement, à l'avance.
65. Comme la position du Nouveau-Brunswick est telle que cette province devra foire peser immédiatement des dépenses considérables sur son revenu local, elle recevra annuellement, durant dix ans, une somme additionnelle de $63.000. Mais, tant que ses obligations resteront au-dessous de sept millions de piastres. on déduira, sur cette somme de $63,000, un montant égal à l'intérêt, à 5 p. 100, sur la différence entre le chiffre réel de sa dette provinciale et le chiffre de sept millions de piastres.
66. Terreneuve, en considération de l'abandon de ses droits sur les mines, les minéraux et les terres de la couronne qui ne sont encore ni vendues ni occupées, recevra annuellement $150,000 en paiements semi-annuels. Mais cette colonne se réserve le droit d'ouvrir, construire ct contrôler les chemins et ponts dans les limites de ses dites terres, lesquels seront. cependant, soumis aux lois que le parlement général croira devoir adopter à cet égard.
67. Le gouvernement général devra remplir tous les engagements qui pourront avoir été pris. avant l'Union. avec le gouvernement impérial, pour la défense des provinces.
68. Le gouvernement général devra faire compléter, sans délai, le chemin de fer intercolonial. de la Rivière-du-loup à Truro, dans la Nouvelle- Ecosse, en le faisant passer par le Nouveau-Brunswick.
69. La convention considère les communications avec les territoires du Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au développement du commerce du Grand-Ouest avec la mer comme étant de la p'us haute importance pour les provinces confédérées, et comme devant mériter l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra l'état des finances.
70. L'on devra réclamer la sanction du parlement impérial et des parlements locaux, pour l'union des provinces. sur les principes adoptés par la couveution.
71. Sa Majcsté la Reine sera priée de déterminer le rang et le nom des provinces fédérées.
72. Les délibérations de la convention seront signées par les délégués et soumises, par chaque délégation locale, à son gouvernement respectif, et le président de la convention est autorisé à en soumettre une copie au gouverneur-général, pour que celui-ci puisse la transmettre au secrétaire d'Etat pour les colonies.
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Après lecture de la motion, l'hon. monsieur commence à parler en français, quand l'Hon. M. ROSS lui demande de s'exprimer en anglais. 
L'HON. M. LETELLIER DE ST. JUST— Nous avons deux ministres dans la chambre; l'un parle de préférence le français et l'autre l'anglais. L'Hon. premier ministre devrait, à mon avis, parler français et son collègue anglais.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ. —Comme plusieurs membres anglais ne comprennent pas du tout le français, et que presque tous les membres français comprennent l'anglais, je parlerai dans cette dernière langue.  
En proposant cette adresse, je sens qu'il est de mon devoir de commencer par quelques observations préliminaires et de faire connaître pleinement les raisons qui m'ont engagé à assumer la grave responsabilité de soumettre cette mesure à la chambre et au pays. Ces raisons sont de deux sortes: les premières se rapportent aux mérites intrinsèques du projet lui-même, dépouillés de toutes autres considérations; les secondes se rapportent au règlement des difficultés intérieures qui, depuis plusieurs années, ont troublé le pays, et aux moyens que nous pouvons ou devons employer pour y établir la bonne entente, l'harmonie et la concorde. J'entrerai d'abord dans la considération des mérites intrinsèques du projet de confédération, et je dirai que si nous désirons rester unis à l'empire britannique et conser ver intactes nos institutions, nos lois et même les souvenirs du passé, nous devons appuyer cette mesure. Si nous laissions passer, sans en profiter, l'occasion qui se présente d'elle- même, aujourd'hui, nous serions lancés, bon gré maigre, dans l'Union Américaine par la violence, ou bien nous nous trouverions placés sur un plan incliné qui nous y conduirait insensiblement. Dans l'un ou l'autre cas, le résultat serait le même. Dans notre condition présente, nous ne continuerions pas longtemps d'exister comme colonic anglaise. Pour soutenir cette proposition, je pense qu'il suffit de jeter les yeux sur l'état actuel du Canada, son étendue, ses moyens de communication intérieure, naturels ou artificiels, ses ressources agricoles et minérales, sa position géographique et son climat. L'étendue du territoire canadien n'est peut- être pas bien définie, mais elle est suffisamment connue pour me mettre en position de dire que ce territoire est aussi considérable que celui de bien des empires Européens, et plus grand que la France ou l'Autriche. La partie cultivée, comparée à sa superficie, n'est en quelque sorte que le littoral de la mer comparé à la mer elle—même. Nous avons de vastes forêts qui ne sont pas encore ouvertes ni occupées, et cependant, nous avons une population de plus de deux millions et demi d'âmes. Avec une telle étendue de territoire et un sol si fertile, je n'ai pas le moindre doute qu'en moins d'un demi siècle le Canada comprendra une population égale à celle des plus grands empires de l'ancien monde. Pour ce qui est de nos communications intérieures, naturelles ou artficielles, il y a le noble Saint- Laurent qui, à juste titre, peut être appelé le père des fleuves, car son corps navigable est plus long que celui d'aucun autre fleuve du monde. Quelques uns de ses tributaires, qui s'étendent dans l'intérieur, sont plus grands que les fleuves les plus importants d'Europe; et, quant à ses lacs, on ne pourrait en trouver de semblables ailleurs, surtout en vue des facilités qu'ils offrent au commerce. Les minéraux du Canada, dont l'exploitation ne fait encore que commencer à attirer l'attention, sont des plus précieux, et des hommes pratiques affirment qu'ils ont une plus grande valeur que les plus riches régions aurifères. Quant à nos voies de communication artificielle, nos canaux sont sur une échelle qui n'est égalée ni en Amérique ni dans aucune partic du monde. Notre système de chemins de fer, eu égard à nos moyens et à notre population, est aussi étendu que possible. Cependant, avec tous ces moyens naturels et acquis, je suis en droit de dire que nous ne pourrions devenir une grande nation. Nous somme placés sous le coup d'un désavantage qui nous empêche absolument de le devenir, et je défie qui que ce soit de prendre une carte du monde et de m'indiquer une seule grande nation. qui n'ait pas de ports de mer qui lui soient ouverts tout le long de l'année. Le Canada ne possède pas ces avantages, et il se trouve comme emprisonné, pour ainsi dire, pendant cinq mois dans des glaces que tous les appareils à vapeur que le génie humain réussirait à inventer ne pourraient surmonter. Et aussi longtemps que cet état de choses se continuera nous devons nous résigner à demeurer un peuple peu important qui, à tout instant, peut être assailli et envahi par un autre peuple plus favorablement situé que nous le sommes à cet égard. Le Canada, de fait, est précisé ment dans la position d'un cultivateur qui se tiendrait sur un point élevé de sa propriété, d'où il peut voir tout à l'entour de lui des champs fertiles, des cours d'eau, des bois et 7 tout ce qui est nécessaire à ses besoins domestiques, mais manquant d'un débouché sur la voie publique. Ce cultivateur pourra peut-être rencontrer un voisin bienveillant qui, lui, possède ce débouché, et qui lui dise: "N' ayez pas d'inquiétude à ce sujet, je vous permettrai de vous mettre en communication avec la voie publique, par mon chemin de traverse, et nous profiterons tous deux de l'arrangement." Tant que son obligeant voisin sera de bonne humeur, tout ira bien, mais les personnes douées du plus heureux naturel, ont quelquefois des caprices, des moments de mauvaise humeur, ou bien encore, quelques circonstances peuvent donner lieu à de l'irritation. Et, ainsi, il peut arriver que cet excellent voisin devienne mécontent. Par exemple, il peut se trouver engagé dans un procès malencontreux et dispendieux avec quelqu'autre: cela peut être une affaire sérieuse, et même, une affaire de vie ou de mort; il peut venir alors trouver le cultivateur qui se trouve sans débouché qui lui soit propre, et lui dire: " Je sais que vous et vous famille, vous sympathisez avec mon adversaire; cela me déplait; j'ai décidé que vous chercheriez ailleurs un chemin de traverse, autre que le mien, pour atteindre la voie publique, car à l'avenir ma barrière vous sera fermée." - En pareil cas, qu'aura à faire ce cultivateur? L'air lui est encore laissé, c'est vrai, mais tant que la science aérostatique ne sera pas développée d'une manière plus pratique, il n'osera se servir de ballon sans risquer de se casser le cou. (Rires) Eh bien! c'est précisément là notre position vis-à-vis des Etats-Unis. Depuis que le chemin de l'Atlantique et du Saint- Laurent est ouvert, nous avons un débouché très-commode pour atteindre à la mer, et, de même que d'autres hons. membres de cette Chambre qui en ont aussi été témoins, je me rappelle les joyeuses démonstrations qui ont eu lieu, à. Boston, en 185l, ou 1852, à, l'occasion de l'ouverture de ce chemin. Moi, pour un, comme homme d'une origine différente, je me réjouissais de voir comment les deux branches de la race Anglo- Saxonne fraternisaient. Il fallait les voir se serrer la main, et se féliciter les uns les autres de posséder des qualités supérieures à celles de tous les autres peuples! (Rires—.) Ils étaient vraiment très affectionnés, se juraient amitié et fidélité éternelles, et je n'avais aucun doute, dans le temps, que ce fut en toute sincérité. Les conséquences de cette grande entreprise, ont, sans doute, été avantageuses aux deux parties, car leurs rapports commerciaux en ont augmenté beaucoup, et tellement que, maintenant, nos transactions avec les Etats-Unis sont, je crois, plus considérables qu'elles ne le sont avec la Grande-Bretagne. Si ces avantages n' eussent été que d'un côté, comme de raison, cette augmentation n'eût pas en lieu. Mais quelle est maintenant notre position? Il est survenu des difficultés dans lesquelles nous ne sommes pas concernés, puisqu'elles ont en leur origine chez eux. C'est le Nord contre le Sud; mais ces difficultés ont altéré les bons sentiments qui existaient entre eux et nous. Certainement, il n'y a pas en de malentendu entre nos gouvernements respectifs, mais l'esprit public des deux côtés a été considérablement agité. Les citoyens des états du Nord croient que les Canadiens sympathisent avec le Sud beaucoup plus qu'ils ne le font réellement, et les conséquences de cette méprise sont: d'abord, l'on nous a menacés d'abolir' le système de transit, ensuite de discontinuer le traité de réciprocité et, subséquemment, un système de passeport a été inauguré. Ce système équivaut à une prohibition de nos relations, et la seule chose qui leur reste à faire, est de nous interdire le passage sur leur territoire. Peut-on prétendre que c'est-là un état de choses enviable pour le Canada? Un peuple fort de son avenir, comme nous croyons l'être, peut-il se croiser froidement et tranquillement les bras et attendre ce qui peut venir ensuite? Pour ma part, je crois que le temps est maintenant arrivé de nous unir avec les grandes provinces du golfe. Je les appelle grandes parce qu'elles ont en elles plusieurs des éléments qui constituent la grandeur, et aussi quelques uns de ceux dont nous manquons. Le Canada a indubitablement besoin de plusieurs de ces éléments importants, et j'ai été chagrin d'entendre, il y a quelques jours, un honorable membre de cette chambre faire des comparaisons défavorables à ces provinces. Cet hon. monsieur a dit que les provinces d'en-bas étaient pauvres et nécessiteuses et que, de même que tous les gens pauvres, elles seraient, sans doute, bien aise de s'allier avec un associé riche. Il a aussi dit que leurs produits, en blé, étaient très peu considérables, et qu'un des moindres comtés du Haut-Canada produisait plus que tout le Nouveau-Brunswick. Ces allégations, en en qui regarde les produits du blé, peuvent être vraies, mais cela ne va pas à dire que ces provinces sont pauvres. Que cet hon. monsieur jette un regard sur le Massachusetts, le Connecticut, le 8 Rhode Island et le New Hampshire, qui sous le rapport des produits agricoles peuvent être regardés comme pauvres, tellement pauvres qu'un américain me disait, une fois, qu'il n'y poussait pas même d' herbe, et que les cultivateurs étaient obligés, en été, de limer les dents de leurs moutons pour les mettre en état d'arracher à la terre leur subsistance. (Rires). Cependant, ces Etats sont-ils pauvres? Nont-ils pas des ressources provenant de leur commerce, de leurs manufactures? S'ils ne produisent pas de richesses d'une manière, ils en produisent d'une autre; et il en est de même il Nouveau-Brunswick. S'il ne produit pas de blé, il produit du bois de construction en grandes quantités. Il a des pêcheries considérables qui sont une source de grandes richesses. Quelques hons. messieurs se rappellent, peut-être, ce qu'un homme éminent de la Nouvelle- Ecosse, l'honorable Joseph Howe, a dit à un dîner auquel il avait assisté, en ce pays, en 1850. Il connaissait, disait-il, un petit rocher de granit sur lequel, d'un seul coup de seine, des pêcheurs avaient pris 500 barils de maquereau. C'était, sans doute, un beau coup de filet, (rires) mais l'hon. monsieur n'avait pas donné la dimension des barils, (rires.) Personne ne peut nier que les provinces du golfe soient d'une immense importance, même en les considérant uniquement sous le rapport des pêcheries. Elles sont riches en minéraux aussi. Leur charbon seul est un élément de grandes richesses. Il a été dit que les lieux où se trouve le charbon sont plus précieux que ceux où se trouve l'or. Tournez vos regards vers l'Angleterre; quelles sont les principales sources de sa richesse, si ce n'est le charbon? Sans ses houilles, elle retomberait de suite au rang de puissance de second ou de troisième ordre. Or, le Canada n'en possède pas, et malgré ses autres éléments de grandeur, il lui en faut nécessairement pour le développement de sa prospérité. Ce qu'il n'a pas, les provinces inférieures l'ont, et ce qu'elles n'ont pas, le Canada l'a. Pour ce qui est de la construction navale, c'est une industrie qui se poursuit avec une grande vigueur dans ces provinces, principalement dans le Nouveau-Brunswick. Quelques-uns des plus fins voiliers qui naviguent sous pavillon anglais, ont été construits dans le port de St. Jean, qui lance annuellement un nombre considérable de bâtiments de première classe. Ces pays ne se présentent pas en mendiants et ils ne désirent pas entrer dans l'union comme tels. Ils veulent en former partie comme provinces indépendantes, capables de maintenir leur crédit et de pourvoir à leurs propres besoins. Ils verseraient dans le fonds commun une juste part de revenus, de propriétés et d'industries de tout autre genre. Quant à leurs havres, j'ai en la bonne fortune de les visiter personnellement, et je dirai qu'ils ne peuvent être surpassés par aucun; et, de fait, je crois qu' ils sont sans pareils au monde. Je citerai entr'autres, celui d'Halifax, et je prierai les hons. députés de se figurer une rade étendue, protégée par plusieurs îles qui s'élèvent dans la mer, et sur lesquelles viennent s'amortir les flots du large même dans les plus grandes tempêtes. Ce magnifique havre peut abriter, et mettre en parfaite sûreté, plus de 100 des plus gros bâtiments. Ce n'est pas tout; à la partie Est, où il va diminuant, tout en conservant une grande profondeur d'eau, on y entre dans un large bassin naturel, tracé, pour ainsi dire, comme avec le compas, et d'une étendue suffisante pour contenir tous les navires du globe. L'entrée de ce magnifique havre a été rendue inacessible à l'ennemi au moyen de fortifications construites à son ouverture; et cette entrée pourrait, en outre, être obstruée de manière à ce que aucune flotte hostile ne pourrait y entrer. Je ne suppose pas que les flottes de l'Angleterre aient jamais besoin de s'y réfugier, (écoutez! écoutez!) quoiqu'on ait prétendu qu'il était possible de les faire sauter dans un temps infiniment court, (rires), mais un tel ort pourrait servir à mettre à couvert des vaisseaux isolés, dans le cas où ils seraient poursuivis par d'autres supérieure en nombre. Sous l'Union, le Canada aura sa part de ces avantages et avec les rades d' Halifax et de Québec, il aura raisond'être fier de sa position. C'est pourquoi je n'hésite pas, en somme, à croire que la confédération des provinces est devenue une nécessité absolue, et que c'est pour nous une question de vie ou de mort. Si nous désirons demeurer anglais et monarchistes,—si nous désirons transmettre ces avantages à nos enfants,— cette mesure, je le répète, nous est absolument essentielle. Cependant, il y a d'autres motifs et d'autres raisons qui doivent nous engager à accepter ce plan. Tout membre de cette honorable chambre connait la po ition politique du pays, et connaît aussi les sentiments d'aigreur et les difficultés qui n'ont cessé d'exister depuis plusieurs années entre les deux sections de la province. Tous ont été à même d'en juger, non par par ce qui s'est passé en cette chambre, mais par le ton de la presse, et les discussions qui ont au lieu dans une 9 autre enceinte ou des menaces ont été fréquemment échangées par les partis opposés. Qui ignore de quoi sont capables les passions humaines et qui ne sait que, lorsque les sentiments d'aigreur durent depuis si longtemps, il n'y a qu'un pas à faire pour arriver au conflit. Nous avons sous les yeux un exemple des conséquences de semblables difficultés. Un grand nombre ont longtemps refusé de croire que ces intérêts rivaux n'en viendraient jamais à une rupture; mais voilà trois ans qu'est engagée une lutte qui a désolé et ruiné la lus belle portion du pays, et pendant laquelle ont été commis des actes de cruauté qui ne sauraient avoir d'exemples que dans les siècles les plus barbares. Ne croyons donc pas qu'en Canada, nous sommes plus parfaits qu'eux; et le temps est arrivé où, comme je le crois, tous les hommes qui aiment leurs pays doivent s'unir pour chercher un remède aux maux dont nous sommes menacés. On dira peut-être que le remède proposé est pas exigé par les circonstances, mais j'aimerais à savoir quel autre plan on aurait pu proposer. La législation en Canada a été presque paralysée pendant les deux dernières années, et si 'on veut consulter les lois passées depuis 1862, on verra que les seules mesures publiques qui s'y trouvent n'ont été adoptées qu'avec la permission de l'opposition. Telle a été la condition des choses pendant deux années, et tel a été le mal: mais il n'est pas le seul et nous en avons un autre non moins grand à déplorer, je veux parler de l'administration des affaires publiques pendant la même période. Depuis le 21 mai 1862 jusqu'à la fin de juin 1864, il n'y a  pas eu moins de cinq gouvernements qui ont administré les affaires du pays. (Ici l'hon. premier ministre fait l'histoire des divers changements qui se sont opérés jusqu'à la chute de l'administration MACDONALD-DORION, laquelle, dit-il, a succombé Sous le poids de sa propre faiblesse). Leurs successeurs ne furent pas plus heureux, et après leur défaite ils songèrent à en appeler au pays, ce qu'ils auraient fait avec plus ou moins de succès, gagnant un comté ici et en perdant peut-être un autre ailleurs. Ils avaient assumé l'administration des affaires après avoir arrêté entre eux qu'ils auraient droit à cet appel, et ils en étaient à se consulter lorsqu'ils furent informés, par un de leurs propres amis, que le chef véritable de l'opposition témoignait le désir de leur faire des ouvertures, afin de chercher à applanir les difficultés. L'hon. député dont il s'agit et quelques-un de ses amis se mirent alors en rap port avec les chefs du gouvernement, et il fut convenu entre eux d'essayer de trouver un plan qui mit fin aux malentendus et qui en même temps assurât au Canada et aux autres provinces une position propre à garantir leur sûreté future et à leur attirer le respect et la confiance des autres nations. C'est alors qu'ils émirent deux projets: un grand et un autre sur une échelle moindre. Dans le cas où le premier échouerait, ils devaient se rabattre sur le deuxième qui comportait une confédération des deux sections de la province. Dans le temps où ces mesures furent agitées, le pays était réellement à la veille d'une guerre civile, et je demanderai si ce n'était pas le devoir des deux partis de la chambre de faire tout ce qui était en leur pouvoir pour prévenir les résultats malheureux qui s'en seraient suivis. Un honorable député de l'opposition (l'HON. M. LETELLIER DE ST. JUST) a dit, il y a quelques jours, qu'il aurait été facile de se soustraire à la nécessité d'une confédération de toutes les provinces en accordant au Haut-Canada l'augmentation de représentation qu'il demandait, c'est-à-dire a représentation appuyée sur la population pour laquelle il avait tant combattu.
L'HON. M. LETELLIER DE ST. JUST— L'hon premier ministre doit avoir mal compris le vrai sens de mes paroles. J 'ai dit que si on avait consulté le peuple pour savoir s'il voudrait une confédération de toutes les provinces ou s'il préfererait plutôt accorder la représentation basée sur la population, au Haut-Canada, le peuple aurait choisi la dernière de ces propositions; et, quand j'ai parlé de quelqu'autre mode pour aplanir les difficultés, j'ai voulu dire que si le gouvernement s'était adressé à d'autres hommes dans la législature qu'à ceux avec lesquels il a fait une alliance, il aurait réussi sans être obligé de recourir à la confédération.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Je n'ai pas été le seul à interpréter l'hon. conseiller comme je l'ai fait, car deux journaux de cette ville l'ont compris comme moi.
L'HON. M. LETELLIER DE ST. JUST— Je le sais, mais ces journaux se sont trompés tout de même.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Fort bien; mais cela importe peu d'ailleurs. L'hon. conseiller devrait se rappeler que le Bas-Canada a constamment refusé d'écouter la demande du Haut-Canada au sujet de la représentation d'après le nombre, et cela pour la bonne raison que, comme l'union entre les deux 10 sections du pays est législative, accorder la prépondérance à l'une ce serait mettre l'autre à sa merci. Il n'en sera pas ainsi dans une union fédérale, car toutes les questions d'une nature générale seront du ressort du gouvernement fédéral, et celles qui auront un caractère local seront du ressort des gouvernements locaux, qui auront le pouvoir d'administrer leurs affaires d'intérieur comme ils l'entendront. Si nous obtenons une union fédérale, ce sera l'équivalent d'une séparation des provinces, et par là. le Bas-Canada conservera son autonomie avec toutes les institutions qui lui sont si chères et sur lesquelles il pourra exercer la surveillance nécessaire pour les préserver de tout danger. Mais il est une partie des habitants du Bas-Canada qui au premier coup-d'œil, peut avoir de plus fortes raisons de se plaindre que les canadiens- français catholiques, ce sont les anglais protestants. Et pourquoi? Parce qu'ils sont en minorité. Je crois, cependant, que s'ils veulent examiner minutieusement le projet dans tous ses détails, ils seront pleinement rassurés sur les conséquences. D'abord, il faut signaler un grand événement; les lois du Bas-Canada ont été refondues, et les habitants parlant la langue anglaise se sont familiarisés avec elles au point d'en être aujourd'hui satisfaits. Sous ce rapport, ils sont donc en sûreté. Ils allègueront peut- être que la majorité de la législature locale pourra, plus tard, commettre des injustices envers eux, mais je pense qu'un retour vers le passé fera s'évanouir toute crainte. Avant l'union des deux provinces, quand la grande majorité des membres de la législature était française, les habitants d'origine anglaise n'ont jamais eu raison de se plaindre d'eux. Il n'y a pas d'exemple qu'une injustice ait été seulement tentée. S'il y a eu désaccord, c'est que la minorité voulait seule gouverner. Les faits passés attestent que le peuple du Bas-Canada s'est toujours montré libéral envers la partie anglaise de la population. Avant l'Union, quand les comtés étaient presque exclusivement peuplés de franco-canadiens, des anglais protestants ont souvent été envoyés au parlement, et, en ce moment, je vois vis-à-vis de moi un honorable conseiller qui, pendant 20 ans, a représenté un collége entièrement français et catholique. Je doute si dans le cours de ces 20 années on a jamais demandé à cet honorable conseiller s'il était écossais ou protestant. Les électeurs ont choisi cet homme à cause de ses bonnes qualités. Il faut dire de plus que les canadiens-francais ont élu des hommes dont le nom n'était pas fait pour les favoriser; or, ainsi que chacun le sait, un nom dit quelquefois beaucoup. (Écoutez! Écoutez!) Vous addmettrez qu'il est peu de noms que mes compatriotes détestent plus que celui de Luther. (Écoutez! Écoutez et rires.) Néanmoins, ils ont élu un homme qui porte ce nom significatif. J'en suis heureux, et je ne doute nullement que l'homme qui porte ce nom a été élu pour son mérite personnel; cela atteste jusqu'à la dernière évidence un grand fond de libéralité chez les électeurs. (Écoutez! Écoutez!) Mais si les anglais protestants sont en mauvaise odeur aux yeux d'un franco-canadien, un protestant français est infiniment pire, et, cependant le comté de Lotbinière a élu un canadien-français protestant, sans même s'inquiéter de sa religion. Ce dernier est un homme très digne, capable, bien instruit et éminemment propre au poste important qu'on lui a confé. Encore tout dernièrement, dans une division du Bas-Canada, qui compte une population de plus de 60,000 âmes, dont 1,400 anglais, une élection d'un député a eu lieu; deux candidats étaient sur les rangs, l'un catholique qui avait fourni une longue carrière politique; l'autre, un protestant, et vous savez: quelle a été l'issue de cette joûte électorale. Vous savez que l'anglais protestant a triomphé sur le catholique par une majorité de 1,000 voix. (Écoutez.) Peut-il y avoir une plus grande preuve de tolérance et de libéralité? Ces exemples devraient établir, selon moi, que les protestants du Bas-Canada sont sûrs de rencontrer non-seulement la simple justice mais encore la plus grande tolérance. On me dira peut-être que M. PRICE, qui a été élu par la division électorale dont je viens de parler, étant un riche marchand faisant. de grandes affaires à Chicoutimi, avait fait servir toute l'influence que lui prêtait sa position sur un grand nombre d'électeurs qui avaient contracté des obligations qui les liaient pour ainsi dire à lui, mais on ne saurait dire du comté de Charlevoix ce qu'on peut dire du comté de Chicoutimi, car il n'a aucune relation d'affaires à Charlevoix, et cependant là aussi il a obtenu la majorité. Il est évident que l'on peut considérer ce résultat non-seulement comme une marque de confiance en M. PRICE, le fils élu, mais comme une marque de respect et de reconnaissance pour M. PRICE, le père, qui, par son énergie et son esprit d'entreprise, a ouvert le pays du Saguenay, et de qui l'on peut dire, 11 dans une certaine mesure, qu'il est le père de cette contrée. On a parlé beaucoup de l'antagonisme des races, mais cet antagonisme a cessé le jour où le gouvernement anglais a accordé le gouvernement responsable au Canada, en vertu duquel tous les habitants de ce pays, sans distinction d'origine ou de croyance, ont été placés sur un pied d'égalité. (Ecoutez! écoutez!) L'animosité de race a trouvé son tombeau dans les résolutions du 3 septembre 1841, et j'espère n'en entendre jamais plus parler. Notre position nous commande une tolérance mutuelle. Notre existence ne doit être qu'une longue suite de compromis. La tolérance est nécessaire, non- seulement dans la vie publique, mais encore dans la vie privée. Si dans une famille un de ses membres veut que tous les autres plient devant lui, il y aura trouble, et il en est ainsi dans toutes les relations humaines possibles. Je crois que les franco-canadiens feront tout en leur pouvoir pour rendre justice à leur concitoyens d'origine anglaise, et il ne faut pas oublier que si les premiers sont en majorité dans le Bas-Canada, les anglais seront en mahorité dans le gouvernement général, et qu'aucun aote d'injustice réelle ne pourra être commis, sans qu'il soit redressé par le parlement fédéral. J'ai donné au conseil les motifs qui m'ont engagé à prendre la responsabilité de présenter cette mesure importante, et j'ai la confiance qu'ils seront acceptés comme suffisants. Quand l'occasion se présentera de discuter les détails, je serai prêts à donner toutes les explications nécessaires, et quant au mode et au temps de la discussion, je laisse au conseil à decider. (Applaudissements.)
L'HON. M. FERGUSSON BLAIR— (Vu le bruit qui se faisait dans la chambre, le sténographe ne put saisir les premières observations faites par l'hon. député si ce n'est qu'il dit qu'il acceptait individuellement la responsabilité des paroles qu'il allait prononcer; qu'il ne parlait au nom d'aucun partie en chambre. Il ajouta également qu'il n était pas d'avis que les luttes et les les difficultés politiques auxquelles l'hon. premier ministre a fait allusion, étaient suffisantes pour justifier les grands changements constitutionnels proposés aujourd'hui.) Je crois que dans les luttes que se sont livrées les partis pour arriver au pouvoir, l'opposition a fair fausse route en cherchant à renverser le ministère avant d'être elle-même prête à entrevoir la possibilité de pouvoir administrer le gouvernement avec succès. C'était le système suivi en Angleterre, et un fait survenu récemment dans le parlement impérial servira à. l'exemplifier. M. D'ISRAELI eût pu renverser le ministère quand se présenta la discussion sur la question Danoise, mais sachant qu'il ne pourrait pas former une administration puissante, un grand nombre de ses partisans s'abstinrent de voter. Un pareil état de choses pouvait aussi bien arriver dans une assemblée de 300 que dans une assemblée de 600 membres; je ne vois pas en conséquence comment les changements proposés pourront avoir l'effet de prévenir les difficultés de même nature qui pourront s'élever plus tard dans le gouvernment général et embarrasser sa marche comme elles ont embarrassé celle du gouvernement du Canada. Mais si l'on envisage le projet sous la forme en laquelle il est présenté, et si l'on relègue dans l oubli toutes les querelles de partis et les accusations portées contre les hommes publics placés au timon des affaires, l'on devra convenir qu'il devient du devoir de cette Chambre de l'accepter ou de le repousser. A la vérité, je ne saurais faire autrement que d'attacher un grand poids à un projet préparé par des hommes appartenant à (les écoles politiques différentes, par des hommes éminents qui s'étaient rencontrés dans le but avoué de le mener à terme et qui de plus en avaient accepté toutes les conditions; s'il étant entravé par des amendements sérieux de nature à en ajourner l'exécution, un pareil délai serait fatal; s'il doit passer, jesuis d'opinion qu'il devrait l'être assex à bonne heure pour qu'il puisse être soumis au gouvernement impérial cette année. Je ne m'inquièterai pas de savoir, si l'union contribuera à augmenter la puissance des provinces intéressées. Il est hors de doute qu'elle ajoutera beaucoup à leur honneur et a leur réputation, et chez nous et chez l'étranger (Ecoutez!) Le peuple anglais repose une rende foi dans les changements que nous discutons en ce moment, et les envisage comme très propres à perpétuer pour longtemps encore les liens qui unissent ces provinces à l'Empire. Mais l'on sait fort bien qu'il existe en Angleterre un parti anti-colonial, qui persiste à prétendre qu'il serait avantageux a la nation de se débar= raser de ses colonies. La question de les défendre est très perplexe, et a moins d'en arriver à l'adoption d'un projet de cette nature, elle ne tardera pas à présenter de bien graves diflicultés; et croyez-le, si ce projet est repoussé, notre crédit aura grandement a en souffrir, (Ecoutez! Ecoutez!) S'il est 12 adopté au contraire, nous en recueillerons des avantages incalculables. S'il est accepté par ce pays, notre position s'améliorera singulièrement aux yeux des Français, nos voisins, et des autres nations; en un mot, il aura pour effet de nous permettre de prendre rang parmi les nations, sans recourir à la nécessité de nous séparer de la mère-patrie, (Ecoutez! Ecoutez!) Pour ces raisons, j'en suis venu à la seule conclusion que me prescrit ma conscience, celle que ce serait un grand malheur pour nous de repousser le projet, et que nous étions tenus de l'adopter aussitôt que possible après l'avoir mûrement délibéré avec toute la sagesse que mérite un sujet aussi important. Je ne crois pas qu'il me soit nécessaire d'exprimer plus au long les raisons pour lesquelles je donne mon concours a cette motion; mais je désire répéter que je ne parle que pour moi-même, indépendamment de tout esprit de parti. Je puis en même temps dire qu'à ma connaissance personnelle, la population du collège électoral que je représente est presque toute en faveur de la mesure. Sur les questions de détails il pourrait bien surgir quelques différences d'opinion, mais il serait toujours temps de les discuter quand les résolutions seraient successivement soumises aux votes de cette chambre. L'on a beaucoup parlé de soumettre le projet aux électeurs, mais ce serait évidemment causer un délai que rien ne saurait compenser; cependant, si plus tard il s'opère dans le public un mouvement important, si de nombreuses pétitions sont signées en faveur d'un appel au peuple, alors la question se présenterait sous un aspect différent; ou bien si la majorité se prononçant pour le projet dans l'autre branche de la législature, était très faible, ce serait à vrai dire une raison suffisante pour le soumettre au pays. Quant aux délibérations proprement-dites, je ne sais pas s'il vaut mieux qu'elles aient lieu en comité général ou devant la chambre présidée par l'Orateur.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Je crois qu' il serait préférable que l'Orateur continuât de siéger, mais avec la réserve toutefois que chaque membre aurait la liberté de parler aussi librement et aussi fréquemment que si la chambre siégeait en comité.
L'HON. M. BLAIR—De ma part, j'y acquiesce volontiers.
L'HON. M. LETELLIER de ST. JUST. Si j'étais plus familier avec la langue anglaise et si je voulais suivre l'exemple de l'hon. chevalier, je m'adresserais probable ment à cette honorable chambre dans cette langue, mais comme je ne puis approuver cet exemple, je devrai parler ma propre langue pour être mieux compris de mes collègues. Je dois dire, en commençant, que les difficultés dont a parlé l'hon. premier ministre comme ayant donné lieu au plan de confédération, ont été produites par deux causes. Cependant, ces difficultés n'étaient pas constitutionnelles, mais des difficultés parlementaires, et je crois qu'elles auraient pu être surmontées sans recourir à des changements constitutionnels comme ceux que l'on veut aujourd'hui nous faire adopter, sans en appeler au peuple, sans lui demander son avis. Il est bien vrai qu'il était surgi beaucoup de difficultés les unes après les autres, et que la législation était souvent paralysée; mais si les chefs des partis politiques avaient cherché, dans la législature elle-même, les moyens de les faire disparaître, et s'ils avaient fait de sincères efforts pour y parvenir, je suis convaincu qu'ils y auraient réussi. On dit que la confédération sera un remède à ces difficultés; mais qui peut nous garantir que le gouvernement fédéral, créé par la nouvelle constitution, n'éprouvera pas les mêmes troubles et les mêmes embarras? Quelle garantie avons-nous du contraire? N'y aura-t-il pas, sous cette nouvelle constitution, les mêmes éléments de division dans les partis politiques? Et si les difficultés qui surgiront alors et si les divisions politiques qui devront exister, amènent, comme sous le régime actuel, des difficultés qui paralysent la législature, cherchera-t-on à les surmonter ou à les détourner au moyen d'autres changements constitutionnels? Au contraire, ne cherchera-t-on pas à les aplanir de la manière que j'ai suggérée, c'est-à-dire dans le parlement lui-même? Mais, dans tous les cas, je ne pense pas que pour remédier aux difficultés dont on a parlé, il fallait faire un changement comme l'union de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord. En 1820, lorsque l'union des provinces du Haut et du Bas-Canada fut proposée, nos hommes politiques s'y opposèrent et réussirent à retarder l'adoption de cette mesure; ils prédisaient alors que c'était un moyen de nous amener par degrés à une union législative de toutes les provinces. Le Bas-Canada protesta alors contre cette union qui nous fut imposée plus tard; et aujourd'hui on nous propose la confédération de toutes les provinces britanniques de l'Amérique du Nord au moyen de laquelle nous serons entièrement conduits à l'union 13 législative préconisée en Angleterre par Lord Durham. Nous avons déjà traversé deux de ces phases, et nous avançons rapidement vers la troisième. Et il n'est pas difficile de prévoir quelle sera la position du Bas-Canada alors. C'est un malheur que nous ayons à compter avec les préjugés nationaux, mais i1 est impossible de les oublier. Dans le cas d'une union législative, trouverait-on les garanties proposées au Bas-Canada sous le système fédéral? Ne se trouverait-il pas alors à la merci de ceux qu'il craint aujourd'hui? J'admets volontiers que notre pays est riche, très-riche, comme on vient de le dire, que nous avons des terres fertiles, des ressources minérales, des forêts, des rivières et des lacs, qui nous offrent de grandes ressources; mais pour les utiliser et en profiter, nous faut-il absolument un accroissement de territoire? Nous avons assez de territoire, et un accroissement serait une source de faiblesse plutôt qu'une source de force; un accroissement de territoire n'ajouterait-il pas à notre frontière déjà trop étendue, et ne nous rendrait-il pas plus vulnérables que nous ne le sommes en cas d'invasion? L'union projetée n'augmenterait pas le pouvoir de l'Angleterre à nous proteger, et l'Angleterre aurait le même intérêt à protéger ses colonies de l'Amérique du Nord sans la confédération. Le Nouveau-Brunswick peut être riche en charbon, en bois et en pêcheries, et peut faire un grand commerce de navires; mais ces produits chercheront toujours le meilleur marché qu'ils pourront trouver, en toutes circonstances, et je ne vois pas en quoi ni comment une union du Nouveau- Brunswick avec le Canada pourra en augmenter la valeur; et si elle ne produit pas ce résultat, elle ne serait d'aucun avantage. Et, ensuite, à l'égard de la Nouvelle-Ecosse, avec sa petite population et son port magnifique, où serait l'avantage d'une union avec elle? Sans être unis ensemble, est-ce que ses ports ne nous seraient pas ouverts? J'avoue franchement que pour moi je préfèrerais à la confédération une union législative entre le Haut et le Bas-Canada, avec inégalité de représentation dans la chambre basse et l'égalité dans la chambre haute, consentie de manière à assurer à chaque province des garanties réciproques pour leurs institutions respectives. Cela n'augmenterait point les dépenses de la province, et serait plus d'accord avec nos intérêts et les idées du peuple. Bien qu'il y aurait inégalité dans la chambre d'assemblée, l'égalité dans le conseil législatif agirait comme contre-poids et empêcherait une section de nuire aux intérêts de l'autre. Et d'ailleurs, la confédération ne consacre-t- elle pas le principe de la re représentation basée sur la population? Elle donnera une grande prépondérance à l'une des nationalités, et comme le gouvernement général aura le droit de veto sur les actes du gouvernement local, n'y aurait-il pas quelque danger pour le Bas-Canada? Si l'on s'est tant opposé à la représentation basée sur la population dans cette partie de la province, n'est-ce pas parce que l'on croyait avoir raison d'en craindre les conséquences? Et cependant ce principe est adopté pour la constitution du parlement fédéral. Si on ne pouvait pas l'accorder sans danger sous le régime actuel, comment est-il moins dangereux de l'accorder dans la confédération? Les avantages de ce projet pour le Haut- Canada sont bien compris, car immédiatement après la coalition, tous les haut-canadiens se sont accordés à dire qu'ils obtenaient ce pourquoi ils avaient combattu si longtemps.
L'HON. SIR E. P. TACHÉ.—Eh bien, après tout, ils n'ont eu que ce que l'hon. membre lui-même leur avait promis.
L'HON. M. LETELLIER DE ST. JUST.— J'exprime ici mon opinion et non pas une promesse que j'ai faite, mais je crois beaucoup à l'axiome qui dit: que le chemin le plus court entre deux points, c'est toujours la ligne droite. Les partisans du nouveau projet ont tout fait pour laisser ignorer au public que la représentation d'après la population devait-être concédée au Haut-Canada, mais tous leurs efforts ont été vains, car la vérité avait fini par se faire jour. Comme les résolutions n'ont pas été formellement soumises à la chambre, il ne convient pas en ce moment de les discuter, mais je ne saurais passer sous silence un fait qui mérite la plus grave considération. Il doit être évident que les colléges électoraux n'ont pas envoyé dans cette chambre des députés chargés expressément de la mission de se constituer eux- mêmes représentants à vie comme ils sont aujourd'hui invités à le faire. Nous n'avons pas été chargés de bouleverser la constitution, mais de la maintenir intacte (écoutez!) Nous sommes de fait appelés à déclarer que les gouvernements locaux aient le pouvoir de recommander au gouvernement général que nous soyions nommés à vie; puisque tel est le cas, laissons au moins au peuple la faculté de décider si ce droit 14 nous sera conféré ou non. Et prenons tous les moyens en notre pouvoir pour que le peuple soit entendu sur une question d'une importance aussi majeure. Au Nouveau- Brunswick, une élection générale est à la veille d'avoir lieu, et cela uniquement dans le but de donner au peuple de cette province le temps nécessaire et l'opportunité de se prononcer pour ou contre la mesure. I1 est vrai qu'il a été allégué que le parlement était sur le point d'expirer; mais, d'un autre côté, quand bien même les ministres du Nouveau-Brunswick eussent entrevu la perspective de faire accepter ce projet par la législature actuelle, j'hésite beaucoup à croire que des élections générales n'y auraient pas eu lieu immédiatement; et je suis aussi fondé à croire que les membres de la conférence considéraient l'appel au peuple comme le mode le plus équitable à suivre en pareille circonstance. En outre, je ne pense pas que de pareils changements à la constitution auraient dû être effectués sous le règne d'un gouvernement de coalition. En principe, c'est une violation des usages traditionnels de la Grande-Bretagne. Et je ne doute aucunement que si une pétition couverte de signatures des habitants de cette province, était transmise au gouvernement impérial pour lui représenter que ces modifications importantes à la constitution sont le fait d'une coalition, l'acte même serait déclaré inconstitutionnel. Les détails du projet sont d'ailleurs inconnue au peuple. Pressé de toute part, le gouvernement en avait adressé des copies confidentielles aux députés; mais s'en suit-il de là que le pays en général en comprenne le fonctionnement? Je dis donc que le public n'en connait rien, ou du moins n'en connait pas suffisamment pour pouvoir se prononcer avec certitude. L'on a dit que si le projet n'était pas adopté aujourd'hui, i1 courait un grand danger de ne l'être jamais; mais était-il donc si précaire qu'il ne pouvait se conserver au moins pendant quelque temps? Est-il à craindre que le peuple ne découvre enfin qu'il l'entraînera dans un surcroît de dépenses, et qu'alors il se refuse de le sanctionner? Quand même n'existerait- il que la simple raison qu'il n'est pas connu du peuple, cela suffirait pour m'engager à ne pas y acquiescer. En terminant, je dois déclarer au gouvernement qu'il aurait grandement tort d'empêcher cette chambre d'apporter des modifications utiles au projet, surtout en ce qui concerne les membres du conseil législatif; j'espère donc que la cham bre saura engager les ministres à acquiescer à ces modifications. Quand la chambre sera saisie des résolutions, je me ferai alors un devoir de développer et de commenter les détails de la mesure. Avant de reprendre mon siége, je désire ajouter que j'approuve le mode que l'on a proposé de suivre pour la discussion de la question. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. CURRIE demande l'ajournement des débats jusqu'à lundi.
Ce qui est agréé.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

Credits:

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