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[Assemblée Législative, 09 Mars 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.]

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JEUDI, 9 mars 1865.

M. D. FORD JONES reprend en ces termes les débats ajournés:— M. l'ORATEUR: je me lève dans le but de me prononcer sur les résolutions relatives à la confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord. Ce n'est pas sans éprouver un bien grand embarras que j'aborde cette question, qui renferme de si grands intérêts, et qui va être la source de conséquences ou désastreuses ou avantageuses pour le pays; mais, pour moi-même et pour ceux que je représente ici, je me fais un devoir d'exprimer mes opinions sur cette mesure avant de donner ma voix. Je m'y trouve d'autant plus obligé que que je ne puis donner mon adhésion au projet dans son entier, et cela par rapper à quelques uns de ses détails, auxquels je refuse mon appui.
L'HON. M. HOLTON—Ecoutez! écoutez!
M. JONES—Que ce soient les hon. ministres actuels qui composent le cabinet, que nous ayons un gouvernement de parti ou de coalition, cela d'influe en rien sure ma manière de juger la question. Il faut juger le projet selon ses mérites, l'examiner et le voter dans son ensemble. (Ecoutez! écoutez!) Voilà pourquoi je trouve que le gouvernement apris des mesures sages autant qu'honnêtes pour le faire adopter. (Ecoutez! écoutez!) A mon avis, il mérite qu'on l'approuve d'avoir pris des mesures pour faire se terminer ces débats, qui durent depuis plusieurs semaines, et pendant lesquels, je dois le dire, les hon. messieurs de l'autre côté n'ont fait qu'une opposition très factieuse. A tout instant ils se sont levés pour faire des motions sur telle et telle chose, qui détournaient la chambre du véritable sujet en délibération, et qui l'ont ainsi inutilement empêchée de rendre sa décision. Avant hier soir encore, pendant qu'un membre se levait pour prendre la parole, ils se sont écriés qu'il était trop tard et ont demandé l'ajournement des débats; eh! bien, après que cela leur ont été accordé, ils perdirent deux ou trois heures à proposer des amendements à cette motion d'ajournement. Remarquez aussi que cette conduite a été le fait d'hon. députés qui connaissent parfaitement les règles de cette chambre et qui savaient parfaitement un ces motions n'étaient pas ans l'ordre. (Ecoutez! écoutez!) Telle a été la conduite des hon. messieurs qui siégent de l'autre côté. Devant ces faits, quelle a été la conduite du gouvernement? N'a-t-il as donné avis d'une motion—que l'opposition factieuse de l'autre côté a empêché de mettre aux voix—à l'effet de prolonger le temps de la discussion en la faisant commencer à trois heures de l'après-midi au lieu de sept heures du soir? Nous avons débattu la question pendant des semaines, et bien que les hon. messieurs de l'autre côté aient toujours été présents, ils n'ont pas proposé un seul amendement; mais la question préalable n'a pas été aussitôt proposée qu'ils ont fait entendre le cri qu'on voulait les bâillonner. Même après que la chambre eut commencé à trois heures à discuter cette question, l'un après l'autre ces hon. messieurs se sont plu à y mettre obstacle, à faire perdre le temps dans l'espérance de voir sourdre quelque chose qui put tourner contre la projet, et cette espérance s'est enfin réalisée selon leur désir sous forme de nouvelles reçues du Nouveau-Brunswick; or, comme ils doivent être maintenant satisfaits, j'espère qu'ils ne retarderont plus le vote. (Ecoutez!) Dans la discussion d'un sujet comme celui-ci, je ne vois pas qu'il soit nécessaire d'exhumer les 818 discours prononcés il y a dix ans par des membres de cette chambre. Je ne vois pas l'utilité de lire de longs extraits pour démontrer qu'en 1858, l'hon. député de Montmorency était adverse à l'union des provinces, ou qu'à la même époque, le député d'Hochelaga était en faveur de cette union. Je ne vois pas ce que toutes ces citations ont à faire avec la question qui nous occupe, et qui est maintenant soumise à notre décision dans une forme pratique. Ce qui nous reste à faire, c'est de dire, par notre vote, si nous sommes pour ou contre la confédération. Depuis quelque temps, les circonstances ont pour nous changé, mais ce n'est pas seulement pour ce motif que je consens aujourd'hui à cette union. Partout, sur les hustings, dans les assemblées publiques et ailleurs, j'ai toujours travaillé en faveur d'une union des provinces de l'Amérique Britannique. Quand même nos relations avec les Etats- Unis seraient ce qu'elles étaient il y a cinq ou six ans, je n'en donnerais pas moins mon appui à une union. Ce n'est donc pas, M. l'ORATEUR, parce que je pense qu'il y ait nécessité pressante d'adopter le projet que je lui donne mon appui. Cependant cette nécessité existe, et je ne vois pas pourquoi il ne serait pas permis à d'autres hon. messieurs, dans le cours de cinq ou six ans, pendant lesquels les temps ont changé, puisqu'une union est devenue de nécessité urgente,—d'avoir changé d'idée. Le sage change d'idée; le fou seul n'en change pas. (Ecoutez! écoutez!) Peu avant la réunion des chambres, j'annonçais des assemblées dans la division de Leeds Sud, afin de faire connaitre à mes électeurs les opinions que j'avais sur cette question, et aussi pour constater leurs vues. Les électeurs de tous les partis furent invités à ces assemblées, qui étaient bien composées et assez nombreuses, mais où se trouvaient aussi mes plus zélés adversaires à la dernière élection; eh bien! à toutes ces réunions, dont le nombre a été de six ou sept, pas une voix ne s'est élevée contre l'union du Canada avec les provinces maritimes. Tous les assistants parurent croire à la nécessité, aux avantages de cette union, non seulement au point de vue commercial mais surtout parce qu'elle aurait pour résultat de resserrer les liens qui nous unissent à la mère-patrie. On a dit que cette question n'avait jamais été soumise au peuple, en un mot, qu'elle n'avait pas subi l'épreuve d'une élection. Pourtant, M. l'ORATEUR, dès 1826, Sir J. BEVERLY ROBINSON, un des hommes les plus éminents que le pays ait jamais produits, s'est prononcé en faveur de cette union; après lui et à différentes époques, cette question a été remise sur le tapis par le célèbre rapport de lord DURHAM, par la ligue britannique américaine, qui avait pour président l'hon. et regretté GEORGE MOFFATT, de Montréal, et plus tard, par cette dépêche au gouvernement impérial portant la date du moins d'octobre 1858, et la signature des bon. messieurs CARTIER, GALT et ROSS. Pourquoi il n'a été rien fait à l'occasion de cette dépêche, c'est ce que je ne saurais dire; j'en laisse la responsabilité à ceux qui composaient alors le gouvernement. A mon avis, M. l'ORATEUR, cette union nous sera très avantageuse sous beaucoup de rapports. Elle resserrera au lieu les faire se rompre, comme le prétendent ses adversaires, nos liens avec la mère-patrie, tout en nous mettant en relief au yeux du monde. Ainsi que le déclare habilement le discours du trône, au lieu d'être autant de petites provinces isolées, nous formerons une grande nationalité—dont la population, dès le début, s'élèvera à près de 4,000,000 d'âmes — qui nous placera au rang des premiers pays du monde. (Ecoutez! écoutez!) Cette union aura aussi l'effet de rehausser notre crédit, tant ici qu'en Angleterre; au lieu de voir nos fonds et nos effets cotés comme par accident sur le marché de Londres, ils seraient plus en évidence et plus recherchés qu'aujourd'hui. Elle donnera un marché de plus à nos produits agricoles et manufacturiers, et plus ne toute autre mesure elle aura l'effet de diriger un courant d'immigration vers nos rives. (Ecoutez! écoutez!) Aujourd'hui, celui qui émigre en Amérique est en peine de savoir dans laquelle des différentes provinces il ira, et lorsqu'il parle d'aller en Amérique, le seul lieu auquel il songe est New-York. Elle donnera lieu à l'établissement d'une ligne quotidienne de steamers faisant le service des différents points de l'Europe à Halifax, qui est le port de mer le plus rapproché de ce pays, et avec le chemin de fer intercolonial, qui amènerait l'immigrant en droite ligne au Canada, qui voudra soutenir que nous ne pourrons pas diriger vers nos bords un plus grand courant d'immigration que nous n'en avons jamais eu? A l'heure qu'il est, notre immigration est bornée à ceux qui sont induits à venir ici sur l'invitation d'amis qui ont fait de cette contrée la leur, et qui y vivent dans un état 819 prospère. Voilà les raisons, M. l'ORATEUR, qui m'engagent, au point de vue politique, à donner mon appui aux résolutions que vous avez à la main. Je n'ai que faire de dire qu'en en ma qualité de négociant et au point de vue du commerce il leur est aussi cordialement assuré. (Ecoutez! écoutez!) Osera t-on prétendre que par l'adjonction de près d'un million d'habitants laborieux et intelligents, ce pays ne deviendra pas plus prospère? Prétendra-t-on que nous ne profiterons pas de la disparition des obstacles que rencontre actuellement le commerce avec ces provinces si peu éloignées? Nos produits manufacturiers ne trouveront-ils pas un écoulement plus facile lorsque les tarifs hostiles des provinces maritimes seront disparus? De nouveaux marchés ne seront-ils pas ouverts à nos produits lorsque le chemin de fir intercolonial nous reliera à elles et que le libre échange existera entre elles et nous? Pouvons-nous songer à rester comme à présent sans avoir, à nous, de voie de communication à l'Atlantique pendant cinq mois de l'année? (Ecoutez! écoutez!) Quand nous sommes menacés d'hostilités par la presse, le peuple et le gouvernement des Etats—Unis, qui vient de mettre en force le système nuisible des passeports et donner avis de l'abrogation du traité de réciprocité et de l'abolition du système d'entreposage; par l'avis qui a été donné au gouvernement anglais que le traité concernant les navires armés en guerre sur nos lacs devait être aboli; quand nous voyons que nos fermiers seront privés pendant cinq mois de l'année d'envoyer leurs produits à un marché; quand nos marchands se trouveront dans la même position pour le renouvellement de leurs fonds de commerce; quand nous aurons à dépendre de la générosité d'un pays étranger même pour l'envoi de nos malles en Angleterre; menacés, comme nous le sommes, d'être ainsi paralysés,— dira-t-on encore que cette union avec les provinces inférieures n'est pas à désirer, et qu'aussitôt possible nous ne construirons pas sur notre territoire une voie ferrée conduisant jusqu'à l'Atlantique, jusqu'à Halifax, l'un des meilleurs havres du monde? Continuerons-nous à dépendre d'un pays étranger pour notre existence même? (Ecoutez!) Resterons-nous dans cette dépendance au lieu de nous mettre courageusement à l'ouvrage, de secouer notre nonchalance et notre inertie, de construire le chemin de fer intercolonial et de nous créer un débouché pour nos produits? (Ecoutez!) Conjointement avec cette grande entreprise, je crois que, pour l'avantage du pays, nous devrions songer à agrandir et creuser nos canaux. (Ecoutez!) Voici une minute du conseil exécutif publiée par le ministère SANDFIELD MACDONALD— DORION à la date du 19 février 1864. Elle est aussi conçue:
"Bien que rien n'indique un accroissement d'influence dans le parti hostile au traité de réciprocité, des avis officiels relatifs à l'opinion et aux intentions des hommes les plus influents des Etats-Unis, ont convaincu le comité que l'abrogation de ce traité est imminente, à moins que les conseillers de Sa Majesté ne prennent des mesures promptes et énergiques pour empêcher une mesure qui serait pour les populations du Canada une grande calamité."
Je lis aussi dans cet ordre en conseil:
"Sous la bienfaisante opération du système du gouvernement responsable que la mère-patrie a accordé au Canada et aux autres colonies qui ont des institutions représentatives, combinée avec les avantages du traité de réciprocité et du libre échange avec nos plus proches voisins des produits des deux pays, toute agitation en faveur de changements organiques a cessé; et tout mécoutement dans les relations extérieures de la province a disparu."
D'après cette minute, le gouvernement SANDFIELD MACDONALD—DORION semblait être d'avis que l'abrogation du traité de réciprocité serait une grande calamité pour le pays. Mais je ne crois pas que nous soyons jamais obligés d'aller demander à genoux au gouvernement de Washington la continuation de ce traité. (Ecoutez!) Depuis un an ou deux, et par suite de la différence du cours monétaire dans les deux pays, le traité est, pour nous, comme déjà abrogé. L'état du cours monétaire a gravement lésé les intérêts du Canada. Nos intérêts miniers et l'exploitation des bois, qui est une des branches les plus importantes de notre commerce, sont paralysés et presque anéantis. (Ecoutez!) L'abrogation du traité de réciprocité nous sera-t-elle plus préjudiciable que le bouleversement du cours monétaire? Au lieu d'être une calamité, la révocation de ce traité nous forcera à réaliser des changements organiques qui tourneront au plus grand avantage et à la prospérité du pays. Pour ma part, j'ai vu avec peine notre gouvernement d'alors publier un pareil document qui, tombant entre les mains des Américains, peut leur faire croire que la révocation du traité de réciprocité serait un malheur irréparable. (Ecoutez!) Je le répète 820 encore, je ne crois point que la révocation de ce traité doive être tellement préjudiciable à nos intérêts. Il est vrai que nous pourrons souffrir pendant quatre ou cinq ans, mais, laissés à nos propres ressources, nous apprendrons alors à nous suffire à nous-mêmes. Nos marchands n'auront plus à attendre de l'indulgence des Américains le moyen de communiquer avec l'océan pendant quatre ou cinq mois de l'année. Mettons généreusement la main à la poche pour construire le chemin de fer intercolonial, et nous ouvrirons à nos marchands une voie pour transporter sur notre propre territoire leurs produits jusqu'aux ports de l'océan. Et alors nous pourrons dire aux habitants des Etats- Unis: "Vous ne partagerez plus les avantages de nos pêcheries, nos canaux vous seront fermés, et, à moins que vous ne payiez des droits élevés, nous ne vous laisserons plus importer en Canada vos grains communs pour l'approvisionnement de nos brasseries et de nos distilleries." Or, M. l'ORATEUR, l'importation de ces grains se monte chaque année à près de deux millions de minots; on voit par là que les avantages du traité ne sont pas tous d'un côté. (Ecoutez!) Je pense que les Américains finiront par reconnaître l'avantage de rester en bons termes avec cette province lorsqu'ils verront que le contrôle de la navigation sur le Canal Welland et sur ceux du St. Laurent, qui forme le débouché naturel pour les produits des Etats de l'Ouest, représentant, en 1863, l'énorme quantité de cinq cent vingt millions de monts de grain, lorsqu'ils verront, dis-je, que ce contrôle est entièrementle nôtre. Comparé au St. Laurent, le canal Erié n'est qu'un ruisseau dont la navigation est arrêtée par les glaces plus tôt que celles de nos lacs et de nos cours-d'eau. En examinant bien tous les avantages qui sont pour nous, les Américains songeront à se maintenir dans de bons termes avec le Canada au lieu d'abuser de cette phrase vulgaire: "Donnees, sans hésiter, un bon soufflet aux, Canadiens! " (Ecoutez!) J'ai dit, en commençant, que j'étais opposé à certains, détails des résolutions, je vais dire quelques mots, de ces détails. Je préférerais à l'union fédérale un pouvoir unique concentré dans une union législative. Je crains que notre système de gouvernement soit trop compliqué et bien plus coûteux que si nous avions un gouvernement général sans toutes ces petites législatures locales. (Ecoutez!) Mais je dois dire que l'union fédérale proposée ne ressemble en rien à l'ancienne union fédérale des Etats- Unis. Quelques hon. messieurs ont fait un pompeux éloge du système américain, en recommandant de l'imiter, mais je préfère néanmoins le nôtre. Voici la différence des deux systèmes: aux Etats-Unis, le système fédéral a été formé d'un certain nombre d'états indépendants dans leurs pouvoirs, qui délèguent au gouvernement central une plus ou moins grande partie de leurs attributs; la doctrine des droits d'état y est ainsi admise, et nous assistons depuis quatre ans à la sanglante lutte qu'elle a produit et qui aménera probablement la destruction de l'union fédérale. Chez nous, c'est tout le contraire: le gouvernement central ne reçoit pas ses pouvoirs des différentes provinces, mais il règle, à son gré, les pouvoirs de chacune d'elles. Voici ce que dit la 45me résolution:
"Pour tout ce qui regarde les questions soumises concurremment au contrôle du parlement fédéral et des législatures locales, les lois du parlement fédéral devront l'emporter sur celles des législatures locales. Les lois de ces dernières seront nulles partout où elles seront en conflit avec celles du parlement général."
Ainsi, tout le contrôle est entre les mains du gouvernement général, en sorte que l'union possède le caractère législatif en tant que les conditions d'être de chaque province le permettent. C'est tellement vrai que l'hon. membre pour Hochelaga redoute que nous finissions par avoir une union législative;— mais, à mon sens, c'est ce qu'il y aurait de plus désirable. (Ecoutez!) Il y a encore, dans les résolutions, deux ou trois points auxquels j'objecte. Les terres publiques sont placées sous le contrôle des législatures locales; il en est de même de l'immigration et des pêcheries sur nos côtes. Or, ce sont là des questions d'intérêt général et qui devraient, pour plus d'une raison, être sous le contrôle du gouvernement fédéral. Toute- fois, d'après la 45me résolution, que je viens de lire, lorsque l'intérêt général l'exigera, le gouvernement fédéral pourra retirer ce contrôle aux législatures locales. (Ecoutez!) J'ai démontré aussi brièvement que possible combien nos relations politiques et commerciales gagneront à notre union avec les provinces du Golfe. J'ai également signalé en quelques mots les objections qu'on trouve à l'accomplissement de cette union. Je vais maintenant essayer de faire voir qu'au point de vue de la défense du pays cette union est éminemment desirable. On doit surtout désirer de voir toutes les forces du pays con 821 centrées sous un pouvoir unique. Dans quelle position nous trouverions-nous, en cas de guerre, avec toutes les provinces séparées comme elles le sont? On pourrait, dans l'état actuel des choses, trouver mauvais qu'une partie de la milice d'une province lut envoyée pour défendre une des autres sans le consentement de la première, et avant de pouvoir mettre nos troupes en campagnes les délais administratifs feraient perdre un temps précieux et nous exposeraient peut- être à de graves dangers. (Ecoutez!) Une fois unis nous pourrions, dans un instant, diriger nos troupes sur un point donné. D'hon. messieurs trouvent mauvais que l'on affecte certaines sommes à construire des fortifications; sous ce rapport, je suis sûr que toutes sommes nécessaires seront généreusement accordées par les populations du Canada; car, s'il est une chose pour laquelle le Canada contribuera généreusement, c'est pour sa propre défense et le maintien de son union avec la mère-patrie. (Ecoutez!) On a dit aussi que nous serions écrasés par les Etats- Unis. A une certaine époque, nous nous sommes défendus vaillamment et avec succès; et si l'occasion se présentait, les provinces du golfe s'uniraient généreusement au Canada pour défendre ce que nous avons tous de plus cher. (Ecoutez!) On a dit aussi que nous devions garder une stricte neutralité, que même notre neutralité devrait étre garantie par l'Angleterre, la France et les Etats-Unis au cas d'un conflit entre ces puissances. Or, n'est-ce pas là une idée absurde? Ose-t-on prétendre que nos populations se soumettraient à une convention de ce genre si on essayait de la conclure? Si l'Angleterre en venait aux prises avec les Etats-Unis, verrait-elle les Canadiens lui refuser leur secours? Qui prétendre empêcher les Canadiens de faire leur devoir lors ne la mère- patrie combattra ses ennemis? Si tel était le cas je renierais immédiatement mon pays, qui serait alors la risée du monde entier. (Ecoutez!) Au sujet de nos défenses, je lirai un extrait du rapport du colonel JERVOIS, l'habile officier du génie envoyé par le gouvernement anglais pour étudier la possibilité de défendre le Canada en cas d'attaque: voici ce qu'il dit:
"La question est celle-ci:—la force anglaise maintenant en Canada doit—elle être retirée pour éviter les risques d'une défaite,—ou bien, des mesures nécessaires doivent-elles être prises pour mettre cette force en état de servir pour la défense de la province? La somme requise pour la construction des travaux proposés et les armements à Montréal et à Quebec, ne serait que la dépense d'environ une année de la force reguliére que nous maintenons à présent en Canada. C'est une erreur de supposer que cette force puisse être de quelque secours au pays, sans des fortifications pour compenser l'exiguité du nombre. Cette force, lors même qu'elle sera appuyée par toute la milice locale qui pourrait maintenant être de service, serait obligée, dans un cas de guerre, de retraiter devant les forces supérieures qui l'attaqueraient, et ce serait une chance si elle pouvait se rendre à Québec et prendre la mer sans une sérieuse défaite. D'un autre côté, si les travaux maintenant recommandés étaient exécutés, les points vitaux du pays pourraient être défendus, et l'armée régulière deviendrait un noyau et un pivot autour duquel les populations du Canada pourraient se rallier, pour résister à l'agression et conserver leur connexion avec la mère-patrie: avantage que leur loyauté, leurs intérêts et leur amour de la vraie liberté leur fait désirer de conserver."
Tel est le rapport du colonel JERVOIS, un des hommes spéciaux les plus habiles de l'Angleterre; il est bien permis, je suppose, d'en croire son témoignage de préférence aux assertions des honorables membres sur un sujet dont ils n'ont jamais fait une étude particulière, et que l'expérience ne leur a point donné occasion d'approfondir. (Ecoutez!) Il y a quelques jours, Sir J. WALSH s'exprimait comme suit en parlant sur une adresse à Sa Majesté, demandant la correspondance relative au traité de réciprocité et à la limitation du nombre de vapeurs de guerre sur nos lacs:
"Quelques hon. membres peuvent, sans honte ni regret, envisager la séparation du Canada et de l'Angleterre en disant que nous serons ainsi délivrés d'une grande source d'embarras, de complications et de dépenses. Or, je prétends que, quand même l'Angleterre le voudrait, elle ne peut abandonner le Canada. Tant que le Canada conservera le désir de rester uni avec la Grande- Bretagne et d'être indépendant des Etats-Unis, nous serons obligés pour notre honneur et dans notre intérêt de le protéger, de défendre ses droits et, soit que nous le considérions comme un allié ou une colonie, de le mettre à l'abri d'une agression venant des Etats-Unis: c'est pour l'Angleterre une obligation imprescriptible. Un jour peut-être le chancelier de l'échiquier viendra, en termes flatteurs, féliciter cette chambre de nous avoir débarrassés d'une source de lourdes dépenses. Il pourra peut-être aussi féliciter la chambre de ce que les ateliers de Birmingham expédiant une foule de canons Armstrong et Whitworth pour armer la nouvelle flotte canadienne, ainsi qu'une quantité énorme de fers et de menottes pour enchaîner les Américains insolents. Il se pourrait aussi qu'en même temps le très-hon. monsieur félicitât la chambre sur notre prospérité commerciale en annonçant qu'il allait réduire l'impôt sur le revenu de deux ou quatre sens par livre. Mais si jamais arrive le jour où nous devons 822 entendre une pareille déclaration, le monde entier pourra dire avec raison que le chêne orgueilleux qui représente la puissance anglaise, dépérit branche par branche, et est gâté jusqu'au cœur. Aucun faux-fuyant ne saurait soustraire l'Angleterre à l'obligation de défendre le Canada. Non seulement c'est une question entre le Canada et nous, mais c'est aussi une question importante dans nos rapports avec les Etats-Unis. L'avis que vient de nous donner le gouvernement des Etats-Unis me semble si manifestement hostile que c'est presque une déclaration de guerre; nos ancêtres, du moins, l'auraient ainsi considéré."
Si telles sont les vues qu'on exprime en Angleterre au moment où le Canada manifeste si énergiquement son désir de rester uni à l'Angleterre, sous le drapeau que nous chérissons tous, peut-on prétendre que nous n'aurons pas assez d'énergie pour nous défendre? Je suis sûr, M. l'ORATEUR, que les citoyens du Canada ne reculeront pas si l'occasion se présente. Les fastes de 1812 sont présents à nos cœurs, et le sang des loyalistes des Etats-Unis qui sont venus ici, lors de la déclaration d'indépendance, pour vivre sous la protection des lois anglaises, est encore bouillant dans nos veines. (Ecoutez!) M. l'ORATEUR, j'espère que cette union s'accomplira, que la domination anglaise ne fera que se consolider sur notre continent, que notre union avec la mère-patrie sera plus fortement cimentée, et que notre pays offrira une heureuse patrie à des centaines de mille d'émigrants anglais, ainsi qu'à tous ceux qui y vivent aujourd'hui, et même aux enfants de leurs enfants, dans les siècles a venir. (Ecoutez! et applaudissements.)
M. CARTWRIGHT— M. l'ORATEUR:— Le débat commence à prendre une tournure singulière. Tout dernièrement encore les hon. membres de l'opposition se plaignaient de la précipitation extrême,—ils ont même dit: indécente,—avec laquelle cette mesure était discutée. Ils ont affirmé que ce projet est le seul lien qui unisse les membres du cabinet actuel, et de plus que, dans leur aveugle mais audacieux empressement à atteindre leurs fins, les ministres ont gravement compromis nos intérêts en faisant des concessions à Terreneuve et au Nouveau- Brunswick. Toutefois, la question est dernièrement entrée dans une nouvelle phase. On a découvert qu'au lieu d'être un lien entre les ministres, ce projet n'était qu'un subterfuge habile pour se maintenir quand même au pouvoir. Laissant de côté la contradiction flagrante de toutes ces accusations, et l'absurdité de cette prétention que le projet est le seul lien qui maintienne les ministres unis, j'expliquerai, en quelques mots, les raisons qui m'ont porté, d'accord avec la majorité de cette chambre et du pays, à soutenir les hon. ministres non seulement dans la mesure que nous discutons actuellement, mais dans le programme politique qui les a conduits à la fusion opérée l'été dernier. Ils ont agi en cette circonstance avec le plein assentiment de leurs partisans, et ce qu'ils ont fait engage notre honneur autant que le leur. Mais, M. l'ORATEUR, loin de moi l'idée de prétendre qu'ils ont eu tort. Nous étions alors justifiés par de bonnes raisons qui ont aujourd'hui encore dix fois plus de poids. Pour les comprendre ces raisons, M. l'ORATEUR, il suffit de se reporter à notre histoire parlementaire des quelques dernières années, et de se demander si aucune expression est assez forte, aucun sacrifice assez grand en face de la nécessité de mettre fin au triste état de choses que nous avons subi durant cette période. Je parlerai d'abord de la précipitation dont on accuse les ministres. Nul doute que les négociations relatives à la confédération ont marché avec une rapidité étonante. On ne saurait citer un pareil exemple de rapidité quand il s'est agi d'un projet aussi vaste et aussi délicat. Mais, loin de voir dans ce fait un inconvénient ou une preuve que le pays a été surpris par ce projet, j'y trouve un présage assuré de son succès malgré les échecs momentanés qu'il pourra éprouver, parce qu'ainsi est démontré le zèle et l'honnêteté des ministres qui se sont dévoués à ce projet, et de plus, parce que c'est une preuve de l'influence des événements pendant les quelques dernières années sur le résultat final de cette mesure, qui n'est, en définitive, qu'une conclusion inévitable à laquelle le Canada, du moins, était arrivé, et que les hon. ministres ne font que hâter d'accord en cela avec les vœux de tout Canadien qui désire rester sous la domination anglaise. De plus, ce projet est la seule alternative qui nous reste pour échapper à l'absorption par les Etats-Unis. Cet argument a peut-être pour moi plus de poids que pour certains hon. membres. Quelques-uns ont peut-être en secret caressé ce rêve magnifique, si cher aux Américains, d'un empire s'étendant d'une mer à l'autre et unissant, sous une même domination, tous les états et provinces répandus depuis le golfe du Mexique jusqu'à la Baie d'Hudson. Je comprends, M. l'ORATEUR, la fascination que peut exercer une semblable idée, et 823 c'est précisément pour cela que je m'y oppose de toutes mes forces. Je suis convaincu, en effet, que l'établissement d'un pouvoir aussi gigantesque serait la source des plus grands malheurs non seulement pour les parties composantes, mais peut-être pour le monde entier. Mais je reviens à mon sujet et je rappellerai d'abord les périls auxquels nous avons dernièrement échappé. Je ne parle que de ce dont j'ai été témoin moi-même dans ma courte carrière politique, et j'en appelle à chacun des membres de cette hon. chambre en leur demandant si nous avons lieu d'être fiers des scènes qui se sont passées pendant les deux dernières sessions?—nous avons tout au plus droit de nous réjouir de la conclusion. Quelle était notre position, M. l'ORATEUR, cette position que certains hon. membres ont la hardiesse de regretter? Deux dissolutions (bien ne dans la dernière la prérogative royale n'ait pas été exercée); trois changements de ministère dans un an; la destinée du ministère dépendant du vote de tel ou tel membre capricieux ou sans principes parmi les 130 députés qui composent cette chambre; notre revenu et notre crédit marchant vers la ruine; toute législation suspendue; tels étaient, M.l'ORATEUR, les pénibles symptômes qui auraient bien pu nous alarmer quand même nous eussions été dans la paix la plus profonde. Mais, menacés par les dangers les plus sérieux pour un peuple libre, il aurait fallu être sourds et aveugles en présence des calamités qui pèsent sur nos voisins pour ne pas saisir la première occasion de sortir de cette pénible position; ce qui m'étonne ce n'est pas que nos hommes d'état aient courageusement mis de côté leurs animosités particulières et leurs petits intérêts de parti, mais c'est que nous ayons enduré un pareil état de choses pendant deux grandes années. Il ne m'appartient pas de dire qui a été le plus à blâmer dans le passé. Je ne prétends juger ni défendre personne; je ne parle ne de faits connus de tout le monde et je is que l'attitude et l'animosité des partis nous avaient fait descendre à un degré de démoralisation qu'il est même pénible de rappeler en ce moment. Bien loin de regarder comme un malheur ou comme enlevant toute sauvegarde au peuple, la fusion des parties qui s'est opérée, je prétends qu'il était de la dernière importance pour le pays de voir cesser ces luttes désespérées qui le divisaient depuis si longtemps, d'avoir un instant de repos pour examiner les graves dangers qui l'entouraient, une chance enfin d'échapper à l'anarchie qui le menaçait. Les différents partis et la presse peuvent se féliciter que depuis que le projet a été soumis au public le ton général de la discussion s'est beaucoup relevé. (Ecoutez! écoutez!) Pour la presse, en particulier, du moment qu'elle n'a plus été dans la nécessité de descendre aux manœuvres de parti, du moment qu'elle a en à s'occuper d'une question aussi grave, elle a abandonné toutes ces rancuneuses personnalités qui salissaient ses pages. M. l'ORATEUR, le Canada a eu une leçon qu'il n'oubliera pas de sitôt. Je suis persuadé que, dorénavant, il ne sera plus aussi facile d'animer citoyen contre citoyen, race contre race. Nos populations commencent à comprendre que les hommes qui se mettent à la tête des grands partis ne sont pas nécessairement des scélérats que les deux partis peuvent avoir de grands principes politiques à défendre, que les mots réformiste et révolutionnaire, conservateur et corrupteur, ne sont pas absolument synonymes, et que les hommes qui ont consacré la plus belle partie de leur vie, et quelquefois une grande portion de leur fortune, au service de leur pays, ont des vues plus hautes que les misérables intrigues de l'agiotage. Ce respect des hommes publics est pour moi d'une grande importance. Tout le monde reconnaît qu'une grande partie des malheurs qui affligent aujourd'hui les Etats-Unis, est due à la dégradation des hommes publics. Il est heureux pour nous que notre sort soit encore entre nos mains; il est heureux que nous puissions encore décider si nous aurons pour chefs des hommes d'état ou des orateurs de la rue, et si cette chambre maintiendra sa dignité ou deviendra un caucus de charlatans. Il est encore en notre pouvoir de décider si nous aurons à la tête des affaires les hommes les plus habiles du pays ou si la capacité sera une cause d'exclusion de cette assemblée. Il devient évident, M. l'ORATEUR, que, sous ce rapport et d'autres, les Canadiens sont disposés à imiter leurs ancêtres d'Angleterre. M. l'ORATEUR, certains hon. membres ne pouvant produire aucun argument solide contre la confédération, se sont montrés hautement scandalisés de la combinaison qui va probablement assurer le succès de ce projet. En théorie, je l'admets, toute fusion politique peut-être considérée mauvaise. Cette idée est surtout répandue chez le peuple anglais; de hit, une coalition est une mesure 824 extrême à laquelle on ne doit avoir recours qu'en cas d'urgence. Mais si de vils motifs peuvent amener une coalition, elle peut aussi, M. l'ORATEUR, être due à de nobles sentiments. Ce peut n'être qu'une conspiration ourdie par des hommes qui se détestent mais s'unissent dans un but commun de lucre et de pillage; mais elle représente aussi parfois de nobles sacrifices et de courageuses concessions. Je n'insulterai pas au bon sens de la chambre en lui demandant si la coalition actuelle avait un motif suffisant pour s'amuser. Ceux mêmes qui s'opposent le plus fortement à la mesure sont obligés de reconnaître la grandeur et l'importance d'un projet qui d'une colonie sait faire une grande nation et est bien digne, par conséquent, des aspirations de nos hommes d'état. Pour décider maintenant si notre position était assez critique pour exiger de nos hommes d'état la plus grande énergie et justifier une union qui nous fera sortirde nos difficultés, je dois encore revenir sur les évènements des dernières années, bien que ce soit un sujet pénible à plus d'un titre. M. l'ORATEUR, était-ce un état de choses bien enviable de voir tout-à- coup un jeune pays qui n'avait tout dernièrement encore pas un seul son de dettes, si j'en excepte les obligations contractées pour cause d'utilité publique, entraîné dans des dépenses excédant son revenu de 20, 30 et même 40 p. cent par année? Etait-ce un état de choses enviable de voir nos plus vastes cités dépeuplées par suite de taxes exorbitantes? Etait-ce un état de choses enviable de voir l'émigration se diriger de préférence vers un pays désolé par la guerre au lieu de se porter vers nous qui avons un territoire capable de faire vivre une population dix fois plus forte que notre population actuelle? Etait-il agréable après avoir versé notre sang pour rester unis à la mère- patrie, de nous voir par notre apathie devenir la risée de nos amis et de nos ennemis? Et enfin, M. l'ORATEUR, au moment où une administration forte et bien intentionnée nous était si nécessaire, était-ce consolant de voir qu'il suffisait qu'une mesure fut mise en avant par un parti pour être mal accueillie par une moitié du pays, tandis qu'un jeu de bascule politique, aussi ridicule que stérile, était le fond de toutes nos délibérations? On ne dira pas, M. l'ORATEUR, qu'en rappelant ces faits je cherche à déprécier la gravité des difficultés qu'ont rencontrées nos hommes publics. Loin delà, je suis porté à croire que, par le passé, on les a trop peu appréciées. On a toujours semblé croire que c'était la chose la plus aisée du monde de maintenir unies deux nations différentes par la race, la langue, les lors, les coutumes et la religion, différentes en un mot en tout ce qui peut causer des divisions parmi des hommes d'origine européenne, et professant les mêmes sentiments chrétiens. Or, M. l'ORATEUR, s'il est une tâche ardue c'est bien celle-là. Les hommes d'état les plus habiles de l'Europe y ont souvent succombé, et je ne sais pas encore si on parviendra jamais à établir une parfaite harmonie. Quoiqu'il advienne à cet égard il est un fait certain, c'est que depuis l'empire Romain jusqu'à la fondation du grand empire Britannique, lorsque des populations de races différentes se sont trouvées en contact, il a fallu faire beaucoup de concessions aux nationalités, il a fallu, en un mot, introduire partout l'élément fédéral, bien que, dans tous les empires, une autorité centrale ait été jugée indispensable. Or, M. l'ORATEUR, le projet actuel, s'il donne au gouvernement général l'administration des finances et de la guerre, accorde en même temps d'amples moyens de défense aux législatures locales; il prévient même, en cas de conflit sur des questions secondaires, tout abus des droits d'Etat qui pourrait perpétuer la discorde parmi nos descendants. C'est pour toutes ces raisons que je suis disposé à appuyer chaleureusement la mesure sans m'attaquer trop vivement à tous les détails qui peuvent offrir quelques inconvénients. J'espère qu'en réglant notre constitution générale et les constitutions locales, nous ne nous laissons pas influencer par des dangers chimériques pour notre liberté. M. l'ORATEUR, nous n'avons point à craindre d'ici à longtemps dans ce pays le fléau des tyrans héréditaires et la plaie d'une puissante oligarchie. Non, certes, et s'il est vrai que toujours des dangers assez nombreux arrêteront notre progrès, je pense que tous les vrais amis de la liberté et des sages réformes seront d'accord avec moi pour admettre que nous devons plutôt songer à assurer la liberté individuelle que celle des masses, et habituer surtout la majorité à respecter les droits de la minorité, au lieu de les laisser fouler aux pieds par une poignée d'ambitieux sans vergogne. Pour ma part, je préfère la liberté anglaise à l'égalité américaine. Je tiens plus à la majesté de la loi qu'à la dignité du juge LYNCH. J'aimerais mieux être sujet d'un monarque héréditaire, qui 825 n'osera pas entrer dans la cabane du charbonnier sans lui demander permission, que le libre et indépendant electeur d'un président autocrate qui se vante de pouvoir, d'un coup de sonnette, faire emprisonner en même temps un homme à New-York et un autre à St. Louis. J'ai dit, M. l'ORATEUR, que pour plusieurs raisons, nous devons tous travailler au succès de cette mesure. Non seulement les barrières qui s'opposent à notre progrès matériel seront renversées, et c'est un point que j'apprécie à sa juste valeur; non-seulement un champ plus vaste sera ouvert à l'ambition personnelle, et ceci n'est pas à dédaigner, mais, et c'est le fait le plus important, notre niveau politique s'élevera et nos populations sauront se pénétrer de ces sentiments de dignité et d'amour- propre qui caractérissent toutes les grandes nations. M. l'ORATEUR, notre position pendant les dernières années peut étre justement mise en parallèle avec celle d'un jeune prodigue, qui est mis en possession de sa fortune avant l'époque où il peut sagement l'administrer. Cette position n'est pas plus enviable pour une nation que pour un individu, et je vois avec plaisir qu'on va y mettre fin. J'aurais désiré m'étendre plus au long sur certains sujets, mais une fatigue bien naturelle m'empêche de continuer. Je ne terminerai pas toutefois sans signaler un haut enseignement que je trouve dans la constitution anglaise et que nos populations semblent commencer à comprendre. Cette constitution, M. l'ORATEUR, (et nous n'avons pas toujours assez tenu compte du fait) n'exige pas de ceux qui l'adoptent de farouches et impraticables vertus républicaines, mais elle nécessite chez ceux qui en administrent les détails un certain degré de discrétion. Cette constitution, M. l'ORATEUR, reconnait la décision calme et juste de la majorité,—et cette décision est presque toujours la bonne.—Mais cette décision même n'est pas en dernier ressort, elle est soumise à des contrôles de toutes sortes, admis aussi bien par la loi que par l'usage, et il est impossible à une majorité si puissante quelle soit, d'accomplir une injustice criante, tant que la minorité aura dans la chambre une couple seulement de représentants bien résolus à protester. Il est impossible de nier qu'à ce sens de sécurité personnelle accordée par notre constitution au faible contre le fort, et à la conviction qu'aucun acte poussant un parti quelconque au désespoir amène inévitablement un conflit, l'Angleterre doit d'avoir pu, depuis deux siècles, administrer ses affaires sans conflit dangereux et sans attentat direct à la loi. Je suis heureux de voir, M. l'ORATEUR, que nous allons rester fidèles à un système qui a porté de si bons fruits pour la mère-patrie. J'espère aussi que la difficulté, je dirai presque l'impossibilité, d'opprimer la minorité bannira de l'esprit de certains membres les craintes qu'ils ont manifestées au sujet des droits et priviléges locaux. Sans vouloir, M. l'ORATEUR, me donner des airs de prophète, et bien que nous devions nous attendre à de nombreuses difficultés avant d'arriver à un résultat complet, j'ose exprimer l'espoir que la loyauté des premiers colons de ce pays, et je parle ici sans distinction de nationalité, aura la récompense que nos aïeux ont toujours désirée, par l'établissement sur les bords du St. Laurent d'un royaume qui, sans adhérer trop strictement à toutes les coutumes de l'ancien monde, saura du moins respecter les anciennes institutions, que nos voisins les Américains ont si dédaigneusement jetées de côté. M. l'ORATEUR, nos ancêtres ont certainement commis des fautes, mais, malgré tout, leur abnégation et leur courage dans des luttes herculéennes, et enfin la préférence qu'ils ont toujours donnée aux réformes sur la révolution, lors même qu'ils ont aboli l'ancien système féodal dans l'état et dans l'église, sont pour nous de bons exemples que nous devons suivre et dont nous devons être fiers. Je crois aussi, M. l'ORATEUR, que nous commençons seulement à soupçonner les immenses ressources que nous offrent nos campagnes, nos bois, nos mines et nos pêcheries; que nous commençons seulement à apprécier les énormes avantages de notre navigation intérieure. Notre climat est rigoureux, c'est vrai, mais il est sain et si, dans notre pays, on ne voit pas, comme dans d'autres, s'élever tout-à-coup des fortunes immenses, au moins tout homme courageux et travaillant peut s'y assurer une existence honorable. Les anciens peuples travaillent pour nous; ils accumulent un capital d'habileté et de science que nous pouvons facilement diriger vers nous et exploiter avantageusement; nous pouvons beaucoup profiter de leur exemple. Un peu de patience, un peu de modération, et enfin plus de concessions mutuelles en nous mettant en garde contre des dangers inévitables, et nous verrons s'établir ici un empire qui n'aura pas de rival sur le continent. Que les difficultés du moment ne nous arrêtent pas, portons 826 nos regards vers les questions importantes, le temps en est arrivé; nous n'aurons jamais une plus belle occasion de faire disparaître les préjugés qui séparent inévitablement les différentes provinces; jamais nous n'aurons un aussi ferme appui de la part du gouvernement impérial, jamais nous n'aurons un ministère plus puissant, et à qui la confiance universelle donne tous les moyens de régler nos difficultés; j'espère donc que cette chambre se montrera, en cette circonstance, digne de la confiance des trois millions d'habitants qui peuplent ce pays. Je ne suis pas très-âgé, M. l'ORATEUR, et je me rappelle néanmoins l'époque où le Canada n'était qu'une petite colonie dont on ne parlait de l'autre côté de l'Atlantique que si par hasard elle se révoltait; nous étions aussi ignorés qu'à l'époque où un ministre français abandonnait le Canada en disant: "Que nous importent quelques arpents de neige!" Et, malgré cela, M. l'ORATEUR, j'ai vu, depuis trente ans, le Canada devenir l'égal de bien des états indépendants en Europe, et prêt à passer aujourd'hui de l'état de colonie à celui d'allié respectable d'un grand pays et à prendre rang parmi les peuples qui ont su courageusement défendre leur liberté. Voilà, M. l'ORATEUR, le but auquel le Canada doit tendre et vers lequel il se dirige rapidement. Ce projet de confédération nous y mène et pour y arriver je suis bien prêt à faire des concessions, comme, par exemple, à pardonner à plusieurs de mes honorables amis d'avoir, à certaines époques, parlé un peu trop vivement les uns des autres. Qu'ils continuent leur œuvre et le mènent à bonne fin, et, par ce moyen, ils gagneront entièrement et ils auront mérité l'affection et l'estime de tous ceux qui porteront par la suite le nom de Canadiens. (Applaudissements.)
M. HARWOOD—M. le PRÉSIDENT: L'importance de la mesure proposée,—les conséquences funestes pour le pays si le projet de confédération était rejeté par cette chambre,—les sources de prospérité sociale, politique et commerciale que la confédération porte dans ses flancs, si elle est adoptée avec la ferme volonté par tous de la faire fonctionner efficacement,—sont telles que, malgré les éloquents discours qui ont été prononcés de part et d'autre sur cette question, et qui semblent l'avoir complètement épuisée, je crois qu'il est de mon devoir de mettre devant les yeux du pays les raisons qui me portent à devoir en soutenir la passation... Appelés, comme nous le sommes tous, à enregistrer notre vote pour ou contre ce grand changement constitutionnel, il n'est que juste que chacun puisse, à sa mode et à sa guise, motiver la part qu'il aura prise dans un acte qui fera nécessairement époque dans les annales parlementaires du Canada. (Ecoutez! écoutez!) J'ai attentivement écouté, j'ai soigneusement lu et relu les discours des adversaires de la mesure, et en vérité, ils n'ont eu pour effet que de me convaincre de plus eu plus que, vu les circonstances exceptionnelles dans lesquelles le pays était placé, une union fédérale de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord était le seul remède aux difficultés sans nombre qui se dessinaient sur notre horizon politique. (Applaudissements) Les adversaires de la mesure ne pouvant nier, tout à fait, les avantages de la confédération pour les cinq provinces de l'Amérique anglaise, s'évertuent à crier que cette union entraînerait pour nous Canadiens-Français, nous catholiques, la perte de notre nationalité, de notre langue, de nos lois et de nos institutions... Moi, je ne saurais être pessimiste à ce point là. L'histoire en main, je ne puis arriver à cette conclusion. Je montrerai tout à l'heure qu'il existe, de par le monde, des "confédérations" dans lesquelles il y a différentes nationalités, différentes sectes religieuses, et où cependant règne l'équilibre le plus parfait entre les droits politiques, civils et religieux des différents individus qui en font partie... Y a-t-il d'autres moyens de régler nos difficultés de toutes sortes, que celui d'une confédération? Non, je n'en vois aucun,— et aucun ne nous est proposé par les adversaires du projet maintenant devant la chambre!! M. le PRÉSIDENT, le pays est dans une impasse politique; nous sommes arrivés à un temps de crise. L'ambition, la soif du pouvoir, les passions politiques, exploitées dans tous les sens et de tous les côtés, ont tellement embarrassé les rouages de la machine gouvernementale que force lui a été de s'arrêter: et ceux qui la conduisaient ont été obligés de se tenailler le cerveau pour tâcher de trouver un moyen qui pût permettre la continuation de la transaction des affaires publiques de manière à arriver à une solution de la difficulté capable de nous tirer de l'ornière du "statu-quo" dans lequel le pays était plongé, et nous remettre sur la grande route de l'avancement et du progrès. En vérité, M. le PRÉSIDENT, si l'ennemi le plus 827 acharné du Canada eût pu inventer un moyen de nous placer sur un plan incliné, nous conduisant directement à notre perte, il aurait précisément choisi le moyen que les différents adversaires politiques ont employé depuis quelques années. Elections sur élections, ministère succèdent à ministère; les uns criant au gaspillage, les autres nommant des commissions d'enquête pour essayer de faire place à des amis. En effet, qu'est-il arrivé depuis quelques années? N'avons- nous pas eu depuis le 21 mai 1862, jusqu'à la fin de juin 1864, quatre ou cinq gouvernements qui ont administré les affaires du pays? Parmi ces différents gouvernements nous en avons eu un qui semblait être le "désiré des nations," le gouvernement par excellence de l'économie et du retranchement, le gouvernement MACDONALD-DORION! Qu'a-t- il fait pour le pays?...rien...absolument rien...; il n'avait pas même le courage moral de ses actes. Au commencement de la session de février 1864, il a présenté une mesure (celle des "Shérifs") eh! bien, sous les circonstances qu'a-t-il fait?—il a eu peur de son œuvre,—il a pâli devant les remontrances de quelques uns de ses partisans, qui se montraient récalcitrants—le désespoir s'est emparé de ses chefs—le désarroi s'est mis dans le camp—puis, un beau jour ce ministère, qui devait ramener l'âge d'or et avec lui le bonheur et la prospérité, s'est tout doucement endormi dans le néant, sans laisser aucune trace de son avènement au pouvoir,— en un mot, cette administration modèle s'est éteinte "vierge de toute législation sérieuse," le fameux projet de "retranchement" à la main et un budget "mort-né" sur la conscience! (Rires prolongés et applaudissements!!) Je le demande à tout homme sensé: combien faudrait-il de gouvernements comme celui-là pour conduire la barque de la patrie au port du salut,—pour nous tirer de notre position, pour appaiser les luttes de partis, pour régler les questions diverses, et souvent diamétralement opposées les unes aux autres, qui agitaient les différentes sections de la province depuis longtemps? Ces luttes menaçaient de devenir éternelles, si un hasard providentiel n'eût réuni ensemble les hommes qui composent l'administration actuelle! Tout le monde comprend que le gouvernement de coalition, le seul possible dans de semblables cas, est arrivé à point—et, comme première preuve de sa capacité, il a "saisi la fortune par les cheveux" comme dit le proverbe, et a su habilement profiter des circonstances! En effet, quelques mois après la formation du ministère actuel, trois des provinces d'en-bas, comprenant l'utilité pour elles de se réunir ensemble, de cimenter une union d'où découlerait pour elles la force et la prospérité,—convaincues qu'elles étaient que rester désunies comme elles l'avaient été jadis, avec un commerce paralysé par des tarifs hostiles, était un véritable suicide politique,—envoyèrent des délégués à Charlottetown pour s'entendre entr'eux et préparer un plan dans le but d'arriver à une solution avantageuse de la difficulté pour ces trois provinces,—alors que fait notre ministère? Ses membres, trop sages pour ne pas comprendre l'importance de ce mouvement et trop hommes d'état our ne pas chercher à en profiter, trouvent le moyen d'assister aux délibérations de Charlottetown,—puis, convaincus qu'une union fédérale de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord serait la véritable planche de salut pour le pays, soumettent aux délégués réunis à Charlottetown un plan large, vaste, et habilement conçu, basé sur la justice et l'égalité pour les droits et privilèges de chacun,—un plan par lequel chaque origine, chaque croyance aura pleine et entière protection,—un plan d'union fédérale en un mot, ayant pour sommet la puissante égide de l'Angleterre, pour pierre fondamentale la prospérité sociale, politique et commerciale de toutes les provinces, et pour pierre angulaire la liberté constitutionnelle dans toute sa plénitude et sa force. (Applaudissements.) Cette idée de confédération des provinces n'est pas une idée nouvelle. Tous ceux qui connaissent tant soit peu l'histoire parlementaire du pays, savent qu'un plan de confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord, était une des bases du programme de l'administration CARTIER—MACDONALD en 1868. Si l'on se demande: mais pourquoi la confédération?—Que ne restons-nous comme nous sommes? Impossible, le passé nous le prouve. Que ceux qui ne voient pas l'à-propos de la confédération, regardent ce qui se passe de l'autre côté des lignes,—qu'y verront-ils? Une menace d'abrogation du traité de réciprocité. On menace d'abolir le système de "transit." On a inauguré un système de passeport qui met toutes les entraves possibles à notre libre circulation dans les Etats, et nuit considérablement au développement de notre commerce! On ne peut communiquer, pendant l'hiver, avec la mère—patrie qu'en passant sur le sol américain: nous n'y passons que par" 828 tolérance; d'un moment à l'autre ce privilége peut cons être été, et nous serions tout à coup, pendant la longue saison de l'hiver, sans communication possible avec l'Europe!!! Voilà. pour nous des raisons plus que suffisantes pour chercher à améliorer notre position, et le seul moyen possible est une union commerciale, sociale et politique avec nos sœurs-colonies les provinces maritimes. J'entends d'hons. membres qui disent: ourquoi plutôt ne pas avoir le rapel de l'union? pourquoi ne pas laisser le Haut et le Bas-Canada séparés comme avant 1840? Cette mesure mettrait probablement fin aux demandes réitérées du Haut-Canada pour la représentation d'après le nombre, et aux craintes du Bas-Canada de voir ses institutions cn danger, si la représentation basée sur la population était accordée; mais cette mesure serait un pas rétrograde, qui rejetterait le pays en arrière et le mettrait dans la position qu'il occupait avant l'union. Cette mesure briserait une connexion qui existe depuis longtemps,— une union d'où est sortie pour le pa 5 une source de progrès, de richesses et e prospérité. Une telle dissolution ne ferait que nous affaiblir davantage, et nous ne serions que deux provinces faibles et insignifiantes, tandis que l'union nous a fait une province comparativement forte. Que de travaux gigantesques se sont faits sous l'union,— canaux, chemins de fer, etc.! Y a-t-il un seul homme de bonne foi, un seul homme n'étant pas en divorce complet avec le bon sens, qui poserait dire que le Haut et le Bas-Canada seraient aussi avancés, l'un et l'autre, qu'ils le sont en ce moment, s'ils eussent continué à demeurer séparés, avec des tarifs hostiles l'un à l'autre? Plutôt que d'avoir la cônfédération donnons au Haut-Canada, s'écriera un adversaire quand même du plan proposé, la représentation basée sur le nombres puremsnt et simplement, comme semble le désirer l'hon. membre pour Hochelaga dans son célèbre manifeste de 1865;—mais c'est positivement absurde il c'est une violation de l'esprit et de la lettre de l'acte d'Union de 1840! c'est la principale source de toutes les difficultés sectionnaires qui ont troublé et cette enceinte et le pays depuis nombre d'années. Ce serait demander la ruine complète des intérêts civils et religieux des Canadiens-Français!! Dans ces tristes conjonctures, que nous restet-il M.l'ORATEUR?—il nous reste la confédération de toutes les provinces du anglaises de l'Amérique Britannique du Nord. Voilà le seul remède possible aux circonstances actuelles! De deux choses l'une: ou nous formerons partie d'une confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord, ou nous tomberons dans le gouffre profond de la confédération des Etats voisins, ci-devant les Etats-Unis! (Ecoutez! écoutez.) Qu'ils sont ridicules ceux qui croient que les Etats du Nord n'ont pas besoin de nous ... avec nos richesses minérales, nos pêcheries;—ces dernières a elles seules sont pour un pays une source intarissable de richesses!. . . Les Etats-Unis, en 1776, n'étaient que de quatre millions d'habitants; il n'y avaitalors que 13 états; maintenant, ils sont 31 états et sept territoires, ou au moins il y avait ce nombre avant la notre, et de plus une population de près de 30 millions on sait que c'est par achat, ar traités et par conquêtes que les Etats-Unis ont fini ar s'accroître d'une manière si prodigieuse. Ils ont besoin de nous, et ils remueraicnt ciel et terre pour nous avoir. (Ecoutez, écoutez.) Ainsi, gare à nous! Quel malheur pour nous si nous tombions dans le gouffre profond de la confédération américaine, avec notre quote-part à payer d'une dette nationale de trois mille millions de piastres et une charge au nuelle de cinq cents millions de piastros, partageant ses discordes et ses guerres civiles,—en butte aux persécutions du vainqueur, et ayant à supporter le lourd fardeau de dettes énormes imposées pour défrayer les dépenses d'une guerre cruelle et fratricide,—d'une guerre dont tout le monde connaît le commencement, mais dont ersonne ne peut dire la fin! ... C'est alora que les adversaires quand même de la mesure actuelle, regretteront leur entêtement et leur peu de patriotisme;—c'ast alors qu'ils verront le vrai côté de ces institutions démocratiques, où de fait il n'existe aucune véritable liberté,—de ces institutions tant vantées, d'où les derniers vestiges de la liberté se sont évanouis comme la lumière à la fin d'un beau jour! Là, la liberté de la. presse n'existe pas; lit, la liberté n'est qu'un mot, un songe, une illusion, une moquene, souvent un piége. Là, nul homme n'ose dire franchement sa pensée, à moins qu'elle ne soit en harmonie avec celle de la majorité pour le moment;— quant aux droits de la " minorité," ils sont méconnus, ignorés, ils sont comme s'ils n'existaient pas, et le voeu de la majorité lait la loi. Quant à moi, M. le PRÉSIDENT, les institutions démocratiques ne me souriant pas... La liberté, la fraternité, l'égalité il que de tristes et lugubres souvenirs ces trois mots
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n'ont-ils pas laissés en France? C'est au nom de la liberté, de la fraternité, de l'égalité, qu'en France, en 1793, on guillotinait le meilleur des rois, qu'on dévastait les provinces, qu'on faisait couler le sang à grands flots, qu'on promenait partout en triomphe l'étendard de l'insubordination et de la révolte, qu'on illait les églises et les monastères, qu'on profanait l'autel, qu'on égorgeeit les prêtres, les religieuses, les vieillards, les femmes et les enfants! C'est en vertu de ces trois mots magiques qu'on faisait les " Noyades de Nantes" qu'on décorait du beau titre de " Mariages démocratiques, mariages républicains " Oui, M. le PRÉSIDENT, la guerre civile règne parmi nos voisins, mais espérons que la divine Providence éloignera de ces pays encore nouveaux, les désastres, les horreurs qui, à la honte éternelle de la civilisation, ont déshonoré à la fin du siècle dernier, l'histoire de certaines portions de la vieille Europe. C'est après une querre civile que les terribles prescriptions de MARIUS et de SYLLA commencèrent. Que la paix se fasse entre les Etats fédéraux et les confédérés, alors nous verrons les rancunes, les désirs de vengeance se déchaîner, éclater, puis malheur à ceux qui auront offensé des hommes de la trempe et du caractère du fameux général BUTLER! Que nous reste-t-il à faire, si nous voulons échapper à ce triste sort? Nous réunir ensemble, mettre ensemble tous nos moyens, toutes nos ressources, toute notre énergie, avoir confiance en nous-mêmes, montrer à l'Angleterre ue nous voulons sortir de l'isolement dans lequel chaque province est demeurée l'une vis-à-vis de l'autre, —que nous voulons organiser notre système de défense, de manière a pouvoir faire notre quote-part à l'heure du danger, et tout nous dit que l'Angleterre dépensera son dernier homme et son dernier sou pour nous défendre et nous protéger, Avec une union fédérale, toutes les richesses qui abondent dans les cinq provinces, atteindront un haut de ré de developpement — richesses minérales, exploitation des bois, pêcheries, traffic, commerce, industries, manufactures, tout prendra un nouvel essort, puis viendra l'argent, et avec lui les moyens de défense de tous genres. Je ne prétends pas dire que le simple fait d'une " Confédération " nous rendra invincible:; non, tant s'en faut, surtout en face d'un ennemi aussi redoutable, aussi aguerri, que l'est devenue la confédération voisine,—mais je prétends que si nous fesons notre possible, l'Angleterre ne nous aban donnera pas, et que si l'armée de la confédération voisine s'empare de notre pays, elle ne le gardera pas longtemps. Du reste, M. l'ORATEUR, il n'est pas de l'essence des choses qu'une petite confédération ne puisse exister à côté d'une grande, sans de suite être engloutie et absorbée! Si les grandes nations sont prêtes à assujétir les plus petites, pour uoi tant de petits royaumes en Europe? La jalousie des grandes puissances peut bien en être la cause- c'est possible: alors ui nous dit ne la France, (l'alliée de l'Angleterre en Crimée)—la France qui a un grand intérêt sur ce continent, relativement au Mexique, ne s'unirait pas à l'Angleterre, dans une guerre entre cette puissance et les Etats voisins, si ces derniers tentaient de chasser les Anglais des rives du St. Laurent? Quand un peuple, fort de son droit, est décidé à le conserver, il est souvent invincible. Quand XERXÈS, avec un million d'hommes, se rua sur la Grèce, ne fut-il pas repoussé avec la perte totale de son immense armée? Quand la guerre s'est déclarée controle Sud, le Nord avec sa population de 20,000,000 ne devait-il pas anéantir le Sud en trois mois? —voilà plus de quatre ans que la guerre sévit avec fureur, et cependant le Sud, seul, sans amis, sans alliés, est-il subjugué, conquis? L'histoire de la Prusse peut nous fournir une preuve de ce que des hommes de cœur peuvent faire, même en présence d'ennemis infiniment supérieurs en nombre...… En 1740 le jeune prince FRÉDÉRIC monta sur le trône de Prusse. Ce pays n'avait que 48,000 milles carrés, avec une population de deux millions et demi, population moins grande ue la population actuelle du Canada seul. Ses frontières au nord, l'hiver, offraient une barrière de lacs, tous ses ports de mer étaient fermés pendant cette saison. La seule alliée qu'elle eût n'y allait que tièdement,—ce pays était borné à l'est à l'ouest et au sud par de puissants empires, dont la population de chacun de ces empires, à elle seule, dépassait de beaucou celle de son propre royaume. Le pays était long et étroit-il était plat, et propre sur tous ses points à la marche de troupes; nul pays ne pouvait être plus exposé à une invasion; cependant, ce prince se précipits, de son chef, dans une guerre se acharnée —il entra en querelle avec tous ses voisins. Seul, et en même temps, il lutte contre l'Autriche, la France et la Russie, et laissa à son successeur un royaume de 74,000 milles carrés avec une population de près de six millions. La petite et héroïque Hollande 830 n'hésite pas à entrer en guerre avec le puissant royaume d'Espagne, alors maîtresse des richesses des Indes. Maintenant ses vaisseaux sont sur toutes les mers. Java et Sumatra lui appartiennent. Cependant, sa population est moindre que celle des provinces de l'Amérique Britannique du Nord. Seul, en 1848, le Piémont osa lutter contre l'Autriche. Le roi de Piémont avait alors 4 millions de sujets, maintenant il règne sur vingt-deux millions! Jusqu'à la pauvre petite Grèce, avec son million d'habitants, qui se mêle d'avoir des révolutions, de se choisir un roi, et de parler de ses droits, de ses prétentions, de ses aspirations! Non M. le PRÉSIDENT, le seul, l'unique moyen pour nous, sous les circonstances, est d'avoir une union fédérale de toutes nos provinces,— une union sociale, politique, commerciale et militaire. Advienne que pourra: quand nous aurons fait tout ce que des hommes d'énergie et de cœur doivent faire pour améliorer leur position, notre avenir ne sera pas aussi sombre que se plaisent à le croire les amis du " statu quo " actuel. Est ce que, par hasard, ces singuliers patriotes croient, qu'isolées les unes des autres, sans entente cordiale entr'elles, sans presqu'aucun rapport entre elles, les provinces de l'Amérique Britannique du Nord seraient en plus fortes ou moins exposées aux attaques des états du Nord? Sont-ils singuliers ceux qui prétendent que si les provinces de l'Amérique Britannique du Nord cherchent à se former en confédération, ce sera une espèce de provocation et de défi jeté au Nord! Si les Etats du Nord le prétendaieut, ce ne serait tout au plus qu'un vain prétexte, aussi futile qu'absurde. Non moins ridicules et insensés sont ceux qui prétendent que la confédération des provinces de l' Amérique Britannique du Nord serait un acheminement vers l'annexion aux Etats du Nord! en vérité, il y a des esprits qui ont une étrange manière de voir les choses. Si, encore, les adversaires de la confédération nous indiquaient un remède quelconque aux maux qui nous menacent, selon eux, avec la confédération, il y aurait peut-être pour nous l'embarras du choix mais… non, rien ... on attaque, on critique tout, mais rien n'est suggéré. D'un autre coté, les principaux journaux d'Europe et plusieurs journaux respectables des Etats voisins n'ont pu qu'applaudir au projet de la confédération suggéré par le gouvernement, et prédisent un brillant avenir pour le nouvel empire qui devra s'élever sur ce bord-ci des lignes. En ouvrant l'histoire, on y verra que des confédérations ont eu lieu dans presque tous les temps, et que la principale cause de leur formation a été, non seulement un but de protection mutuelle mais un but militaire: et, ces deux motifs, avec un troisième, celui du commerce et du libre échange, ont suggéré le projet qui nous occupe en ce moment. Il y a eu, chez les anciens Grecs, plusieurs unions fédérales; les deux principales étaient la " Ligue Etolienne,' et la "Ligue Achèenne; " la première, datant de lon temps avant ALEXANDRE, fut rompue par la soumission de ces Etats à Rome, environ 180 ans avant J.C.; la seconde, prenant naissance environ 280 ans avant J.C., fut détruite par les Romains environ 150 ans avant l'ère vulgaire. La confédération Etolienne comprenait tout le nord de la Grèce, sur les confins de la Thessalie et de l'Epire, une partie de la Grèce centrale, plusieurs îles et la mer Egée. C'était plutôt une réunion de provinces que de villes,—elle avait une " constitution," des Etats généraux, un premier magistrat, un commandant-en-chef, et différents officiers publics, avec différents attributs ou pouvoirs— le droit de déclarer la guerre, de faire la paix, d'imposer des taxes, frapper la monnaie alors courante, était confié au gouvernement central. La Ligue Achèenne, au contraire, était non une union de provinces, mais une union de cités ou villes,—on n'en comptait pas moins de 70 dans cette confédération.……… Il y avait une capitale fédérale, une " constitution, " différents officiers publics, chacun avec ses priviléges, ses attributs et ses devoirs, le tout trop long à énumérer en cette enceinte. Du reste, qui n'a pas la la vie d'ARATUS, et de PHILOPÉMEN, l'un le plus grand homme d'état, l'autre le plus grand capitaine de l'union Achèenne. En lisant l'histoire de ces peuples on verra que c'est l'union qui les a sauvés si longtemps de l'invasion ennemie, et qui, pendant des siècles, leur a conservé " leur autonomie." Ensuite, nous arrivons aux confédérations italiennes du moyeu-âge. Comme celles de la Grèce, elles ont eu pour raison d'être, une nécessité militaire. La ligue des Lombards, celle des Toscans, eurent pour but principal une mutuelle protection contre des empereurs avides de conquêtes, entr'autres l'empereur FRÉDÉRIC BARBEROUSSE. Même dans la ligue des Toscane, il y avait un élément ecclésiastique très prononcé, inspiré par son auteur principal, le pape INNOCENT III. Le fameux 831 tribun romain, RIENZI, essaya de former une confédération de toute l'Italie, mais il périt sans pouvoir mener à fin ce rêve de sa vie. Rome devait être la capitale fédérale: RIENZI mourut en 1352. La confédération Suisse ou Helvétique exists dès le douzième siècle; en 1474, LOUIS XI de France, chercha à conquérir cette confédération; mais il en fut quitte our ses peines. En 1477, CHARLES LE TÉMÉRAIRE, de Bourgogne, perdit et son royaume et sa vie, en cherchant follement à attaquer cette puissance. En 1498, l'empereur MAXIMILIEN chercha en vain à subjuguer ce pays. L'Espagne essaya, inutilement, en maintes et maintes circonstances, à en faire autant. En 1798, les cantons de la Suisse devinrent la " République Helvétienne." En 1803, ils tombérent sous le protectorat de NAPOLÉON Ier, et en 1813, les Alliés en firent la conquète. Par l'acte fédéral signé à Zurich en 1815, on fit des amendements importants à la constitution. Le but de la confédération Helvétique est de protéger le pays contre l'étranger, d'assurer la paix et la tranquillité à l'intérieur, de protéger les libertés de la confédération, et d'augmenter la prospérité générale. Cette " constitution " asurvécu à deux révolutions européennes, sans parler de ses épreuves à l'intérieur, et compte 50 ans d'existence. Il ne faut pas oublier que le peuple le plus différent, le plus mixte au monde, vit à l'ombre de cette constitution. La population est de deux millions et demi, dont un million et deux tiers parlant l'allemand, un demi million le français, et le reste l'italien et d'autres langues: une partie de la population est catholique, l'autre protestante. Il y a différents intérêts de localité, de race, et de foi, différence de mœurs, de langue et de coutumes dans ce pays, et cependant tous sont libres, tous sont en sûreté, respectés, heureux, prospères, et jouissent de la liberté la plus grande et la plus pure. Il y a vingt- deux cantons, et, chose étonnante, le canton de Neufchâtel a pour chef un roi, le roi de Prusse! (Ecoutez! écoutez!) Je ne parlerai pas de la confédération des Etats-Unis des Pays-Bas, qui a eu son temps, sa gloire et son utilité: mais je dirai un mot de la grande confédération germanique. Cette confédération se compose de quarante états de fort inégale grandeur et compte trente-quatre millions d'habitants. Il y a dans cette confédération des royaumes, des grands-duchés, des duchés, des principautés et des villes libres; il y dans cette vaste association, des catholiques, des protestants, des juifs, enfin différentes religions et nationalités; et cependant les uns ne sont pas à la merci des autres, tous vivent heureux sous la même union fédérale, sous le protectorat de l'empereur d'Autriche… Parmi ces états, l'Autriche proprement dite, est le premier en importance: son armée en temps de paix est de 280,000 hommes, en temps de guerre, elle peut s'élever à 800,000. La Prusse est le second, avec une armée de 225,000 hommes, et une milice nationale de 400,000 hommes. Il y a, comme je viens de le dire, dans ces états, des nationalités et des religions différentes, et cependant les droits de chacun sont préservés dans toute leur intégrité! Alors, pourquoi nous, Canadiens- Français et catholiques, ne pourrions- nous pas faire partie de la confédération des provinces britanniques de l'Amérique du Nord, sans craindre de voir notre la ngue, nos lois, nos institutions et notre religion, en danger? Il me semble que nous ne pourrions trouver protection pleine et entière que dans une "confédération" de cette nature, puisqu'elle a pour raison d'être, pour principe fondamental " une union basée sur des principes équitables envers les habitants des cinq provinces." Quant à la confédération des Etats-Unis de l'Amérique du Nord, je ne ferai que la nommer. Tout le monde sait qu'en 1775 lorsque les treize colonies se révoltèrent contre l'Angleterre, elles crurent que le seul moyen de prospérer entr'elles et de se défendre contre l'ennemi commun était de s'unir ensemble pour leur mutuelle protection: comprenant bien que, si elles fussent demeurées séparées et sans liens entr'elles, comme les adversaires quand même du plan de confédération actuel aimeraient que les provinces de l'Amérique Britannique du Nord restassent, c'en était fait d'elles, et au lieu de sortir vietorieuses de la lutte, elles auraient été facilement vaincues. Maintenant, M. le PRÉSIDENT, je demanderai la permission de parler un peu des autres confédérations qui ont existé sur le continent américain. D'abord, parlons de la confédération de l'Amérique centrale, ou de " Guatimala." Cette confédération était située sur les bords de la mer du Mexique et du Pacifique. Elle se divisait en cinq états, Guatimala, Honduras, San Salvador, Nicaragua et Costa-Rica. Ces, états se composaient de Créoles, de Métis, d'Indiens et de Nègres. Jusqu'ù 1821 cette confédé 832 ration était riche et prospère. A cette époque, le Guatimala, suivant l'exemple mal avisé des autres colonies espagnoles, se déclara indépendant et jugea à propos de se constituer en république fédérative; mais, en 1839, une insurrection sépare l'état d'Honduras de la confédération et, peu de temps après, les autres états se sont également déclarés indépendants (1847)—et que sont- ils maintenant? ils sont tombés dans l'insignifiance la plus complète, en butte aux desseins ambitieux de différents dictateurs; sans liens entr'eux, sans union, et par conséquent sans force, sans vie et sans puissance. (Ecoutez, écoutez.)—Passons maintenant aux provinces unies de Rio de la Plata, aujourd'hui République Argentine. La confédération de la Plata comprenait 14 états. La plupart des revinces unies de Rio de la Plata ont fait 'abord partie de l'immense vice-royauté du Pérou; en 1778, unies à la Bolivie actuelle, au Paraguay et à l'Uraguay, elles formèrent une vice-royauté particulière, celle dite " Rio de la Plata."— En 1810, elles suivirent le malheureux mouvement insurrectionnel qui agita les puissances espagnoles; depuis ce moment tout y tendit à la république: des états séparés, indépendants, républicains, s'y formèrent. Ces différents états sont en proie à l'anarchie, à la confusion. L'industrie est nulle et le commerce borné. Si, M. le PRESIDENT, cette confédération eût été fidèle à sa raison d'être; si l'union eût prévalu au lieu de la désunion, la force, la puissance, la prospérité et la richesse eussent été le partage de cette association, au lieu de la pauvreté, de la misère, de la décadence, qui semblent lui étre réservées pour partage. (Ecoutez! écoutez!) Mais, quelques uns des hons. membres de cette chambre ont prétendu que l'union des provinces n'était favorable qu'aux provinces maritimes, qu'elles seules en profiteraient attendu qu'elles étaient comparativement pauvres, et que le Canada, lui, était riche par son commerce, riche par ses industries, ses manufactures, riche par son agriculture!...Je prétends, moi, que nous avons autant besoin d'elles, qu'elles peuvent avoir besoin de nous. (Ecoutez! écoutez!)...et ce au point de vue industriel, commercial et surtout militaire... D'abord, voyons les ressources des différentes provinces maritimes. Nouvelle-Ecosse: ce pays n'est pas, il est vrai essentiellement agricole, mais, il y a des vallées dans ce pays où le sol est aussi profond, aussi riche, aussi adapté à l'agriculture que celui des meil leures terres de l'ouest... Une grande partie de la population s'occupe de pêche et sait tirer des profondeurs de la mer des trésors inépuisables qui seront toujours une grande source de prospérité et de richesse pour ce pays; de plus, un tel genre de vie a pour effet de former ces hommes aux dangers de la mer, et, le cas échéant, ces hardis marins seraient prêts et en état de coopérer pour leur quote-part à la défense de la patrie. Ce n'est pas tout, le pays exporte des quantités prodigieuses de bois de toutes sortes, et il y en a pour des siècles. On y construit un grand nombre de navires chaque année, et, vu sa population, ce pays à un plus grand " tonnage" qu'aucun autre pays dans l'univers entier. (Ecoutez!) Ce pays a encore une autre source de richesse, source intarissable et inépuisable, et on dirait que la nature l'a spécialement choisi pour lui faire le plus généreux des dons...… Je veux parler des mines abondantes de charbon de terre qui semblent surabonder dans ces parages, et qu'une main providentielle a placées, comme exprès, non dans l'intérieur des terres, mais sur tout le littoral. Chacun sait que le charbon de terre est, en ce jour où la vapeur remplace la main d'homme, un des principaux aliments de l'industrie dans l'univers civilisé. Placées sur les bords de l'Atlantique, ces mines peuvent être exploitées à bon marché, et sont d'un accès facile aux vaisseaux de toutes les nations. Les frais de chargement seraient très minimes, sans presqu'aucun transport par terre, pour atteindre les rades où se trouveraient les différents navires en chargement. Des géologues célèbres par leur savoir, ont exploré ces régions et prétendent qu'il y a des milliers de milles carrés de ce charbon, et, qu'en plusieurs endroits, il y a jusqu'à 76 couches ou lits de charbon superposés les uns sur les autres. Quelle source féconde de revenus, de richesses? et, quand on pense que la source première de la prospérité de l'Angleterre a été et est encore ses mines de charbon, (houille) mines qui étaient en petite quantité, comparées à celles-là.!… Aucuns changements de circonstances, aucunes relations politiques ne pourraient empêcher cette province d'avoir dans ses houilles, une source, un élément de richesses incomparablement plus grandes que les fameuses mines d'or et d'argent du Pérou; des milliers d'années, sans doute, s'écouleront avant que ces mines ne soient épuisées—je ne parle pas des mines d'or, d'argent et de cuivre dont le pays semble rempli. Main 833 tenant, me dira-t-on qu'avec le libre échange avec cette province, le Canada n'y trouvera pas son compte?…. Ne sait-on pas que le bois de chauffage commence à manquer dans le district de Montréal et ailleurs dans le Bas-Canada, et que sans charbon de terre pour le remplacer, les habitants, avant 30 ans, seront obligés d'abandonner leurs terres, faute de moyen de se préserver des rigueurs de nos longs hivers? Nous en ferons venir de loin, diront quelques-uns; mais ceux qui pensent savent bien que le bois de chauffage ne peut se transporter loin sans d'énormes frais, ce qui devra le faire monter a un prix impossible pour la grande majorité des consommateurs. Mais peut être finirons-nous par découvrir du charbon de terre en Canada? Non, dit Sir WM. LOGAN, notre savant géologue,—impossible, la science dit qu'il n'y en a pas!! (Ecoutez! écoutez!) Maintenant tout homme qui a la moindre idée d'ordre public, d'économie politique, doit bien comprendre qu'une simple union commerciale, une simple union de douanes, un " zolverein " en un mot, ne serait pas suffisant pour la prospérité générale des cinq provinces!!! Les provinces maritimes sont d'une immense importance pour nous, au point de vue social, industriel, commercial, politique et surtout militaire. Le Nouveau- Brunswick a, lui aussi, des ressources considérables. En considérant l'opportunité, les avantages de l'union des provinces, il ne faut pas oublier de l'envisager sous le point de vue de notre défense. Sous ce rapport, l'Ile de Terreneuve est d'une importance majeure. En jetant un coup- d'œil sur la carte géographique, on la voit qui traverse le golfe St. Laurent dominant les deux passages par lesquels le commerce des régions du golfe et du fleuve St. Laurent. se rend à l'Océan. Que cette Ile tombe entre les mains d'une puissance étrangère—alors, en temps de guerre, le commerce du Canada serait aussi complétement arrêté que si les frimas et les glaces d'un hiver perpétuel eussent élu domicile en plein milieu du golfe St. Laurent! (Ecoutez! écoutez!) Voilà une des raisons qui ont porté nos hommes d'Etat à rechercher, par tous les moyens possibles, l'alliance de cette province, comprenant bien que sans elle la confédération perdrait tous ses autres avantages, et serait dans un danger continuel. Les côtes de Terreneuve ont 1200 milles de long, et ellespossèdent les plus belles rades du monde, des rades suffisantes pour abriter des flottes entières. Sa principale source de richesse consiste dans ses pêcheries, où elle emploie annuellement plus de trente mille hommes; gens hahitiués à braver les flots et les tempêtes. Dans son commerce de poisson, elle a des relaitons avec presque toutes les nations maritimes de l'Europe et avec les Etats-Unis. Cependant, pour le moment, elle n'a presqu'aucun rapport avec nous. Quelle est sa position vis à vis de nous en ce moment? Ses marchands sont obligés d'aller aux Etats pour leurs affaires, car pour venir à Montréal, il leur faut passer par Halifax et Boston. L'établissement d'une ligne de bateaux à vapeur entre cette Ile et le Canada serait d'un grand avantage pour ces deux provinces; car Terreneuve a ce dont nous avons besoin, et elle requiert ce que nous avons. Il parait que cette Ile achète pour plusieurs millions de piastres chaque année aux Etats, et qu'elle y achète précisément les espèces de denrées que nous pouvons lui fournir; et si son commerce prend cette route, c'est dû à certains empêchements fiscaux entre les provinces. Avec le libre échange, elle achèterait au Canada des laines, coutelleries, et enfin tout ce dont elle aurait besoin. Sous la confédération, la ville de St. Jean, dans l'ile de Terreneuve, serait le port de mer le plus à l'orient de l'union, et, en y établissant un arrêt pour nos vapeurs transatlantiques, cette ville ne serait qu'à six jours de la Métropole. Quand à l'Ile du Prince-Edouard, elle a aussi son importance. Ses revenus sont bien administrés, elle est dans un état prospère, et ne doit rien; au contraire, elle a une assez jolie somme placée à son crédit. Ainsi, voici le moment venu de faire un pas dans la bonne voie. Cette union des provinces est une nécessité politique, et retarder serait courir le risque de voir s'échapper une occasion qui ne se représenterait peut-être jamais. Le Canada avec son immense commerce n'a accès à la mer, pendant six mois de l'année, qu'en passant, par tolérance, chez une nation voisine: et si cette permission nous était retirée, il faudrait que nos marchands importassent, pendant l'été, toutes les marchandises requises pour l'année: ce qui, en dernière analyse, serait au détriment de tous les consommateurs, puisqu'il faudrait nécessairement tout payer plus cher. Puis enfin, la considération la plus importante pour nous tous — considération suffisante à elle seule pour nous faire désirer l'union des provinces,—c'est que ce serait le moyen le plus efficace de faire faire 834 le chemin intercolonial, chemin qui ouvrirait une ligne de communication non interrompue depuis Sarnia jusqu'à Halifax, reliant ainsi tous les coins de la confédération!!… Trois choses sont nécessaires, indispensables à la prospérité d'un grand empire: l'élément personnel, l'élément territorial et l'élément maritime. Nous avons en Canada l'élément personnel, nous avons l'élément territorial, mais l'élément maritime nous manque, et l'union des provinces nous le donnera. (Ecoutez! écoutez!) Quant à nous Canaiens-Français, catholiques, qu'avons-nous à craindre dans la confédération? notre langue, nos droits et nos privilèges nous sont conservés! Regardez le royaume-uni de la Grande- Bretagne et d'Irlande, n'y a-t-il pas dans cet empire trois nations distinctes, et plusieurs religions? Ces trois nations ont lutté l'une à côté de l'autre, et sur terre et sur mer, pendant des siècles, contre les ennemis de leurs pays? Que de glorieuses victoires! que de hauts faits d'armes! l'accord le plus parfait règne entr'elles. En Angleterre, les Juifs sont-ils persécutés, privés de leurs droits et privilèges? Les catholiques-romains le sont-ils? N'y a-t-il pas au sein de la capitale de l'Angleterre un prince de l'église romaine, le cardinal WISEMAN? et, M. le PRESIDENT, qui le croirait, le dernier recensement nous démontre qu'il y a, à Londres, cent mille catholiques romains de plus qu' a Rome même,—Rome le siége du catholicisme, et plus de juifs qu'en Judée ou en Palestine! (Ecoutez! écoutez!) Et, cependant, tous ces gens jouissent de leurs droits et privilèges et adorent leur " Créateur " selon la tradition de leurs pères, sans être inquiétés, ni molestés par qui que ce soit. (Applaudissements.) Maintenant, j'arrive au plan de confédération en lui- même. Je n entrerai pas dans tous les détails du plan, quatre des membres du gouvernement nous en ont donné des explications si claires et si lucides qu'il serait inutile d'en reparler en ce moment. Il y a, indubitablement, certains détails qui auvent laisser à désirer: il y a certains dispositifs que je serais tenté de repousser, si je ne savais pas qu'il fallait envisager la question au point de vue des cinq provinces, et non pas sous un point de vue sectionnaire. Je comprends que " la conférence" a regardé ce lan comme un compromis, un traité dans lequel les cinq provinces étaient parties contractantes —que beaucoup de concessions mutuelles sont devenues nécessaires, pour faire taire les intérêts individuels, les intérêts de localité,—qu'il a fallu y introduire un grand esprit de conciliation, un ferme désir de faire de grandes concessions de part et d'autre, sans quoi la négociation manquait complément, et tout l'édifice s'écroulait;—de plus, je suis convaincu que les ministres du Canada ont fait tout en leur pouvoir pour promouvoir et sauvegarder nos intérêts généraux et locaux—que leur seul et unique désir était de faire de nous tous, un peuple grand et fort—que l'idée dont ils étaient imbus, étant "qu'une union fédérale" sous la protection de l'Angleterre serait pour le Canada une planche de salut dans la crise actuelle, ainsi que pour les meilleurs intérêts et la prospérité de toute les provinces—que cette union assurerait la continuation de nos lois et de nos institutions, de notre liberté et de nos rapports avec la mère-patrie, facilitant, en même temps, le dévelopement de notre prospérité nationale, sociae, commerciale et politique. Si nous ne l'adoptons pas in toto: si nous nous mêlons d'y faire des changements radicaux, les autres parties contractantes, justement indignées, le rejetteront en entier, prétendant que nous n'avions pas le droit de nous départir, sans leur consentement, à elles, des bases du traité,—ou bien si, voulaut faire comme nous, les provinces maritimes y font des changements de leur côté, tout le plan se trouvera tellement défiguré qu'il ne rencontrera qu'une désapprobation universelle: tous les travaux de la conférence seront inutiles et perdus.—Puis si, dans l'intervalle, les provinces maritimes revenaient à leur ancien projet d'union entr'elles, et ne voulaient plus entendre parler de nous, nous aurions, comme des insensés, laissé passer l'occasion. Il ne nous resterait plus que l'annexion aux états voisins: idée que j'abhorre... mais qui, au fond, est peut- être le désir des adversaires uand même de la mesure actuelle. (Ecoutez) Comme sujet britannique ce qui me plaît dans le projet, c'est que nous aurons pour chef de l'exécutif le souverain de la Grande-Bretagne. L'élément monarchique dominera dans la constitution, et, par ce moyen, nous éviterons une faiblesse inhérente à celle des états voisins… Car la, le Président, n'est que l'heureux chef d'un parti politique—il ne peut jamais être regardé comme le père de son peupler— son règne n'est que temporaire—n'est un espèce de despote pendant quatre ans, avec un pouvoir sans bornes et un patronage immense—ses faveurs ne tombent que sur ceux 835 qui l'ont élu, et qui peuvent l'élire de nouveau, au bout de quatre ans—il n'y a qu'un parti qui jouit de la rosée du pouvoir. Malheur à ceux qui ont voté contre l'élection de ce président!…… pour eux, pas de sou rires, pas de grâces, pas de faveurs … D'après notre constitution, au contraire, le souverain étant permanent (le roi est mort, vive le roi!) nous avons toujours en lui un père, dont l'intérêt autant que le goût le portent à étendre sa protection sur la chaumière du pauvre comme sur le palais du riche, et à leur répartir justice égale. (Applaudissements!) Nos ministres continueront à être responsables au peuple; aux Etats, le Président n'est pas obligé de consulter son cabinet qui n'est composé que de chefs de départements. Dans le projet qui nous occupe, tous les sujets d'un intérêt général, non confiés aux législatures locales, seront du ressort du gouvernement général ou central, et les matières locales seront du ressort des gouvernements locaux. Ainsi, toute la force nécessaire a été donnée au gouvernement général et aux législaturee locales, et aussi on a évité avec soin cette source de faiblesse qui a souvent causé tant de troubles dans les Etats voisins: c'est-à-dire le conflit de judisdiction et d'autorité entre les états individuels et l'autorité fédérale en centrale. Il est vraiment étonnant de voir les différents moyens qu'emploient les journaux de l'opposition quand même au plan projeté. Ils poussent des cris de détresse où le voile de l'esprit de parti se laisse facilement déchirer. Selon eux, il ne peut rien sortir de bon, ni pour les une ni pour les autres de ce système.—Pensez-y bien Anglais protestants du Bas-Canada! le gouvernement local vous anéantira, s'écrie le Montreal Witness. Gare à vous, Canadiens-français, catholiques! vocifère le Montreal True Witness, si le plan de la confédération est sanctionné par la législature, vous disparaîtrez comme l'ombre… . l'hydre du gouvernement central souffiera sur vous et vous périrez... .. (Ecoutez! écoutez!) Enfin les autres journaux du même parti, inspirés par le même esprit, repètent à cors et à cris que le plan de " confédération " n'est rien moins qu'un " suicide politique"! Il y en a d'autres, même des journaux amis du gouvernement actuel, qui ont certaines craintes, certains doutes, touchant les clauses du projet qui se rapportent au mariage et au divorce. Quant aux dispositifs qui ont trait à ces deux graves questions, ils semblent au premier abord, je l'avoue, de nature à nous effrayer, nous catholiques,— nous à qui l'église a enseigné l'indissolubilité des liens du mariage, nous qui considérons le mariage non seulement comme un contrat civil, mais comme un " sacrement. " Quant à cela, je réponds que le système sur lequel se basera la "nouvelle constitution " doit être envisagé au point de vue des habitants de toutes les provinces, que nous ne sommes pas tous catholiques, et que la majorité est protestante. Que si le contrôle des affaires du mariage et du divorce eût été laissé aux gouvernements locaux, que serait devenu nos co-religionnaires du Haut-Canada qui sont en minorité dans cette province? De plus, il faut remarquer que nous n'avons pas en Canada, à l'heure qu'il est, de loi de "divorce," et qu'il n'y a pas lieu de craindre que le gouvernement fédéral nous en donne une. Rien ne nous dit que la proportion des membres catholiques dans la " législature fédérale " ne sera pas à peu près la même qu'elle l'est dans le parlement du Canada-uni... . Du reste, tout le monde sait que c'est par l'aide des protestants, qui pensent comme nous sur ce sujet, qu'on a jusqu'ici empêché la passation d'une loi de " divorce." Le divorce n'est pas vu de bon œil par tous les protestants, tant s'en faut, et il faut espérer que le moment n'est pas loin où cette source de désordres et de scandales de toutes sortes disparaîtra des annales parlementaires de toute société chrétienne. (Ecoutez! écoutez!) 11 ne faut pas oublier, non plus, qu'il n'y a pas que dans le Bas et le Haut-Canada où il y a des catholiques—il s'en trouve dans toutes les provinces d'enbas, et quelle serait leur position si ces questions étaient laissées aux législatures locales? ... Ainsi, les catholiques et du Haut et du Bas-Canada et des provinces d'en-bas ont un intérêt direct à ce que ces questions soient enlevées aux législatures locales……. Il me semble que tout homme qui étudiera cette question, au point de vue de l'intérêt catholique dans les cinq provinces, trouvera que la conférence a en pleinement raison de ne pas laisser la question du divorce au contrôle des gouvernements locaux.………Je n'entrerai pas dans tous les autres détails du plan, attendu que lorsque plus tard, chacune de ses clauses sera discutée, je me réserverai le droit de dire quelques mots. Ainsi, M. le PRÉSIDENT, je crois que tout homme ayant à cœur les intérêts de son pays—tout homme qui voudra approfondir l'histoire, cette grande institutrice des peuples et des rois, sera convaincu que,—situées comme le 836 sont les cinq provinces de l'Amérique Britannique du Nord, séparées, désunies, sans liens sociaux, politiques ou commerciaux entr'elles—ayant des tarifs hostiles les uns aux autres, sans libre échange entre'elles, sans chemins de fer pour communiquer entr'elles pendant les longs hivers, où le fleuve est bouché de glaces, et prenant en considération la position toute exceptionnelle dans laquelle se trouve le Canada, tout sous le rapport de son voisinage avec les Etats du Nord que des troubles politiques qui le tourmentent et le déchirent depuis longtemps,—une union fédérale de toutes les provinces est notre unique planche de salut et le seul moyen d'assurer aux provinces de l'Amérique Britannique du Nord une prospérité sûre et durable. (Ecoutez!… et applaudissements.) Maintenant, M. le PRESIDENT, nous avons vu que, dans l'antiquité, dans le moyen-âge, dans les temps modernes, quand des états, des provinces, des royaumes voulaient augmenter en force, en richesses, en prospérité — quand ils voulaient devenir puissants à l'intérieur, formidables au dehors—quand ils voulaient repousser les tentatives de voisins par trop ambitieux et entreprenants, ils se liguaient entr'eux—ils formaient " des confédérations" dans un but de prospérité générale, de défense et de protection mutuelles. Nous avons vu que c'était le moyen le plus sûr, le plus rationnel, le plus univerellement suivi de tous les temps, et pourquoi, nous fondant sur l'expérience des autres, n'en farines-nous pas autant? Depuis uand est-ce que l'union fait la faiblesse?… Est ce que l'Angleterre réunie sous un même sceptre n'est pas infiniment plus puissante que du temps de " l'Heptarchie" ou de ses sept royaumes? Est-ce que les quarante Etats qui composent la Confédération Germanique ne sont pas plus forts, plus puissants unis ensemble que s'ils étaient isolés et séparés les uns des autres? Est-ce que chacun de ces états, s'il était seul, laissé à lui-même, sans commerce libre avec ses voisins, sans relations ou rapports sociaux, politiques, ou commerciaux, serait plus riche plus prospère que joint, uni et allié aux autres? Est-ce que dans le royaume-um de la Grande Bretagne et d'Irlande, où il ya une espèce d'union fédérale, chaque nationalité, chaque secte, chaque religion n'est pas pleinement et entièrement protégée et à l'abri du bigotisme? et ce l'intolérance politique et religieuse? Est-ce qu'après 1775, lorsque les Etats se sont séparés de l'Angleterre, ils auraient mieux fait de rester treize colonies, séparées les unes des autres, sans rapports sociaux, commerciaux ou politiques, comme le sont les colonies de l'Amérique Britannique du Nord à l'heure qu'il est, que de s'unir entr'elles comme elles l'ont fait? N'est-ce pas cette union qui a fait leur force, qui a rendu les Etats si puissants, si riches, si indépendants du monde entier, et l'admiration des temps modernes? Ils continueraient encore à marcher à pas de géant dans le chemin du progrès et de l'avancement si le démon de la guerre civile ne fût venu rompre une union naguère si heureuse et prospère? Profitons et de l'exemple des autres et des circonstances favorables qui semblent s'offrir d'elles-mêmes à nous, et tûchons de devenir un grand empire. N'est-il pas avéré que l'union des provinces arrivant, nous serions pour le moins la quatrième puissance maritime du monde? Est-ce qu'il n'y a pas des royaumes, même des confédérations en Europe, qui nous seraient inférieurs en nombre? La Belgique n'a que 4 1/2 millions d'habitants—le Danemark avec les Duchés 2 1/2 millions—le royaume de Bavière 4 1/2 millions—le royaume de Grèce 1 million— les Etats du Pape 3 millions—le Portugal 3 1/2 millions—la Suède 3 1/2 millions—la Norvège 1 1/2 million—la Confédération Helvétique 2 1/2 millions, et la confédération proposée atteindra bientôt 5 millions; et cependant, ces provinces ne sont encore que dans l'enfance, pour ainsi dire. Quel est celui qui, connaissant tant soit peu les richesses et les ressources des cinq provinces—l'énergie, l'amour du travail qui caractérisent les différentes races qui les habitat,—ne pourra pas rédire un avenir brillant pour notre neuve le confédération? (Ecoutez! écoutez!) Existe-t il un seul Canadien qui ne sache que dans la confédération le Canada aura toujours la première et principale place? Le Bas-Canada surtout sera le centre de l'industrie et du commune,—le point vers le nel convergerent tous les riches produits de l'Ouest, les huiles, poissons et houilles de l'Est,—le Bas-Canada, surtout si riche en mines, minerais et minéraux. Ne sait-on pas que de grands capitalistes viennent de former des compagnies sur des plans gigantesques pour exploiter les riches mines d'or et d'argent du district de Beauce?... Les géologues qui ont exploré ces régions ne nous disent ils pas qu'il y a là du cuivre, de l'argent et de l'or répamÏus en grande quan 837 tité sur des centaines de milles carrés? (Applaudissements.) Le Canada possède un territoire d'environ 360,000 milles carrés; il a cent soixante millions d'acres de terre, dont 40 millions sont déjà concédée, et onze millions que l'on cultive. Le Canada possède su-delà de 2,000 milles de chemin de fer qui traverse la province dans toutes les directions; il a quatre mille cinq cents milles de lignes télégraphiques; il possède 250 milles de canaux qui ont transporté, en 1864, trois millions de tonneaux de " fret " qui ont rapporté au gouvernement provincial près de quatre cent mille piastres. Ecoutez écoutez!) Un compte des coutumes de rivières en Canada, trois de ces rivières, avec leurs tributaires, arrosent une étendue de terre de 150 mille milles carrés; cinq ou six lacs du Canada couvrent une surface de 84 mille milles carrés; les malles du Canada parcourent un espace de chemin de 15 mille milles; sur cette étendue, il y a 2 mille bureaux de poste, qui distribuent annuellement onae millions de lettres sans compter les journaux. (Ecoutez!) Les richesses minérales du Canada sont presques fabuleuses, et n'attendent que l'introduction de capitaux anglais et américains pour étonner le monde. (Ecoutez! écoutes!) La mine de cuivre d'Acton, Bas-Canada, est, peut-être, la plus riche de celles qui existent. Les mines de cuivre du lac Supérieur sont déjù fameuses par l'étendue du dépôt et la valeur du métal,—puis les mines de fer du St. Maurice et du lac Supérieur sont réputées inépuisables. Selon Sir WM. LOGAN, notre savant géologue, il existe des mines de fer d'une grande valeur dans la seigneurie de Vaudreuil, et à l'entrée de la paroisse de Ste. Marthe, comté de Vaudreuil ... Le creusement des rivières aurifères de la Chaudière et Gilbert, dans les townships de l'Est. a bien réussi les deux dernières années. Une nouvelle compagnie vient de se former à New-York, avec un capital de cinq millions de piastres, pour opérer sur la rivière Chaudière. On compte par millions les capitaux des compagnies et ce particuliers maintenant engagés... Les rapports du commerce démontrent que le produit des mines exporté du Canada, s'est élevé a près de neuf cent mille piastres. Les manufactures du Canada sont sur une grande échelle; les manufactures de bois comprennent plus de deux mille moulins à scie qui coupent chaque année près de huit millions de pieds de bois. Il possède au-delà de deux cents distilleries et brasseries, qui ont produit l'année dernière plus de neuf millions de gallons de liqueurs spirituenses ou fermentées, donnant un droit " d'accise " de plus de sept cent mille piastres. (Ecoutez! écoutez!) Ces distilleries et brasseries consomment plus d'un million cinq cent mille minets de grain et de malt. Il y a dans ce pays au moins mille moulins à moudre le blé et l'avoine, 250 manufactures de voitures, près de 200 fonderies, 200 moulins à cartier, 130 manufactures de laine, et 500 tanneries...… Les autres entreprises moins considérables sont innombrables. Le Canada produit annuellement entre vingt-cinq et trente millions de minets de blé, douze millions de minets de pois, quarante millions de minots d'avoine, plus d'un million et demi de tonneaux de foin, treize millions de minots de sarrasin, vingt-huit millions de minots de patates, dix millions de minets de revois. Le Canada consomme trente millions de livres de bœuf, recueille cinq millions et demi de livres de laine, et fait quarante- deux à quarante-cinq millions de livres de beurre. Les bestiaux, vaches à lait, les chevaux, les moutons et les porcs, possédés aujourd'hui, sont au-dessus de deux millions. Les pêcheries produisent annuellement près de deux millions de piastro. Il paraît que le Bas-Canada seul a deux mille cinq cents bâtiments pêcheurs. Les Iles de la Magdeleine, qui appartiennent au Canada, emploient à la pêche deux cent soixante- et-dix bateaux. Les capitaux des banques du Canada, qui ont reçu une charte, sont de trente-trois millions de piastres ... Voici de véritables richesses, et cependant, notre pays n'est que dans l'enfance, si je puis me servir de cette expression ... et le tiers de ce beau pays n'est pas encore habité. Que sera-ce lorsqu'il sera habité, défriché et établi dans toutes les directions?—de tous les côtés, les uns y viendront pour chercher un coin de terre qui soit véritablement à eux, les autres pour échapper aux horreurs de la guerre civile et aux impôts ruineux qui les accablent. Ici, nous avons la paix et la tranquillité— nous avons de l'air—nous avons de l'espace—des terres abondantes et des forêts vierges n'attendant que la hache du bûcheron pour devenir des vallées fertiles;— ici, nous avons surtout le " droit d'ainease de l'homme," la liberté dans toute sa pureté. (Ecoutez!) Il est temps pour nous, Canadiens, de nous tirer de l'impasse politique où nous sommes. Repousser le plan de confédération serait nous rejeter dans une 838 espèce de statu quo; or, pour un pays nouveau comme le nôtre, rester stationnaire, c'est rétrograder!! . N'oublions pas qu'il y a encore d'autres provinces dans l'Amérique Britannique du Nord, savoir, la Colombie Anglaise, Vancouver, etc., qui, plus tard, pourront former partie de la confédération—que ces vastes contrées sont aussi grandes en superficie que toute l'Europe, que le sol, en plusieurs endroits, est d'une fécondité merveilleuse, qu'un jour viendra où la plus grande partie de tous ces pays et provinces sera habitée, qu'il y aura un réseau de chemins de fer reliant les points extrêmes de toutes ces possessions, puis des lignes de bateaux-à-vapeur nous mettent non seulement en rapport avec la mère- patrie, mais avec toute l'Europe, et ce en toute saisons de l'année. Quand, tous tant que nous sommes, animés par le même esprit, celui de la lutte vers le bien, vers la prospérité de la patrie commune, nous verrons se former au milieu de nous un vaste empire, sous le protectorat de l'Angleterre. nous comprendrons alors la sagacité politique de ceux qui, étant aujourd'hui au timon des affaires, nous ont soumis et fait adopter le plan de confédération proposé. Qu'il y ait certains défauts de détails dans le système proposé—je l'admets! Mais, est-ce que tout ce qui sort de la main des hommes, n'a pas un cachet d'inperfection? Le célèbre " code Napoléon " est-il parfait? Ce n'est pas l'avis des plus célèbres jurisconsultes français, et pourtant ce travail est un chef-d'œuvre sous plusieurs rapports. La constitution des Etats-Unis ne renferme-t-telle pas des vices et cependant on dit que c'est un modèle dans le genre. Je suis d'avis que le plan de confédération, pris dans son ensemble, est ce que nous pouvions désirer de mieux, dans l'intérêt bien entendu des cinq provinces— et l'envisager au point de vue purement sectionnaire serait ne pas comprendre la position d'un homme d'état. Si, encore, M. l'ORATEUR, ceux qui font une opposition quand même au plan proposé, pouvaient nous suggérer un moyen quelconque de faire face aux éventuelités, et nous indiquer le mode par lequel nous pourrions, en rejetant le plan proposé, arriver à un moyen pratique de nous tirer de nos difficultés, alors je serais prêt à les entendre, à comparer leur projet avec celui qui nous occupe: Mais on se borne à tout blâmer, à tout critiquer. Jusqu'au célèbre M. RAMEAU (l'auteur de la France aux Colonies) qui, du fond de la France, pousse son cri d'effroi contre les dangers prétendus que la confédération perte ans ses flancs, mais de conseils, de remèdes... point. D'autres s'évertuent à crier sur les texte que ce plan n'est pas une " union fédérale " mais une union législative pure et simple!! Si c'était une union législative, mer le premier, M. le PRESIDENT, je le déclare ici en face du pays, je serais disposé à repousser ce projet, avec toute l'énergie dont je serais capable; mais comme au contraire c'est une union fédérale dans toute la force du mot, avec un gouvernement central revêtu de toute la puissance requise pour obvier et remédier à la faiblesse qui caractérise le gouvernement fédéral dans l'union américaine, laissant spécialement à chaque province la gestion de ses affaires locales, et à ses habitants leur "autonomie " pleine et entière, je ne puis, dans l'intérêt de mes constituants et de mon pays, qu'approuver une mesure qui, tout en respectant es droits et priviléges de chacun aura pour effet d'accroître la force individuelle et collective des cinq provinces, nous gagnera la confiance de de la mère-patrie, et cru de cette partie de l'Amérique Britannique du Nord, sous la puissante égide de l'Angleterre, un autre "imperium in imperio." (Applaudissements.) Je reviens à ceux qui s'écrient: mais notre nationalité, elle s'effacera! notre langue, nos institutions civiles et religieuses, elles disparaitront! O! vous, qui crie: si fort et qui avec un attrait si irrésistible pour les charmes de la " république voisine ", croyez-vous que si nous tombions dans ce tourbillon de nations diverses, de religions différentes, qui forme la confédération américaine, sans traditions communes, sans passé commun avec elles, la nationalité canadienne-française y aurait son existence tout à fait à part et distincte de celles des autres, et qu'elle ne disparaitruit pas de suite, perdue, égarée, au milieu de tant d'autres? Répondez-moi, si vous le pouvez..……. puis je vous croirai (Applaudissements.) Voyez le sort de la Louisiane, habitée en majeure partie par des Français l L'élément anglais n'est-il pas en majorité dans le parlement du Canada-Uni? et, cependant, n'ai-je pas l'honneur de vous adresser la parole, dans le moment, en français?—cette belle langue de nos ancêtres,— cette langue dans laquelle Jacques-Cartier, en 1535, vents les splendeurs de notre majestueux St. Laurent! (Applaudissements.) Voulea-vous savoir une des raisons données contre la candidature du général FREMONT, 839 pour la présidence des Etats-Unis, il y a quel- ques années?—Ne votes pas pour FREMONT, criait-on sur le " husting " et dans la presse: FREMONT est un Français. . . . Frémont est un catholique ... . et Frémont perdit son élection!… . Cependant FREMONT n'était pas catholique! on l'accusait de l'être et c'était un crime suffisant pour ne pas mériter la confiance de gens qui, pourtant, proclament partout " la liberté de conscience." (Ecoutez! écoutez!) En Angleterre, repousse-t-en un hemme parce qu'il est catholique? Ce fait l'exclut-il et de la confiance de sa souveraine et de ses concitoyens? Non certes, les exemples ne manquent pas ... En Canada, n'avons-nous pas vu souvent des catholiques représenter des comtés essentiellement protestants? et le comté de Vaudreuil, comté ou les catholiques sont en majorité, n'a-t-il pas été dernièrement représenté par un Anglais protestant? ... Dans la confédération, ourqnoi les Anglais chercheraient-ils à étouffer la nationalité canadienne-française? Quel serait leur intérêt? En 1775, en 1812, la nation canadienne- française, à l'instigation de son clergé, ne s'est-elle pas levée en masse comme un seul homme, pour défendre la couronne d'Angleterre? (Ecoutez! écoutez!) Quel intérêt auraient les Anglais à faire disparaître nos institutions religieuses? ou est-ce qu'on enseigne avec plus de talents et de succès, ou est-ce qu'on reçoit une éducation classique plus parfaite que dans nos colléges? où est-ce que le jeune homme apprend mieux ses devoirs, et envers son " créateur," et envers lui-même, et envers son pays, et envers sa souveraine, que dans nos colléges catholiques? (Applaudissements.) Moi, M. le PRESIDENT, j'ai passé dix ans de ma vie dans un collège catholique, le collége de Montréal, et, si je n'en ai pas profité, à moi seul la faute …Dans cette maison, je n'ai eu que de sages conseils, et les exemples de toutes les vertur m'ont été donnés par les Vénérables prêtres auxquels on avait confié le soin de majeunesse! (Applaudissements.) Où est-ce qu'on enseigne mieux l'agriculture, (l'agriculture, la source de la prospérité d'un pays), que dans deux ou trois colléges catholiques du Bas-Canada? Qui est- ce qui a mieux compris la profondeur de cet axiome " le sol c'est la patrie " que le clergé catholique?… Que sont les fermes-modèles fondées par le gouvernement à côté des fermes-modèles de deux ou trois de nos colléges? (Ecoutez!! écoutez!) Est-ce le clergé catholique lui-même qui serait en danger dans la confédération?... Mais il n'y a pas un anglais bien pensant dans le pays ni ne soit prêt à rendre justice aux vertus de notre clergé et à son utilité dans la patrie! Qu'il s'agisse de bâtir des asiles, des maisons de refuge soit pour le pauvre, soit pour l'infirme, l'aliéné, le vieillard, l'orphelin, de suite vous voyez le clergé en tête, donnant l'exemple et fesant souvent tous les frais! (Ecoutez! écoutez!) Si la reine d'Angleterre veut trouver, de ce côté-ci de l'Atlantique, un sujet fidèle, elle le trouvera sans s'y tremper, dans le clergé! Si la patrie veut un citoyen sèlé et animé du plus noble patriotisme, elle le trouvera infailliblement dans le clergé ... parmi ces hommes qui ne cherchent ici bas d'autre récompense que l'approbation de leur conscience ...parmi ces hommes qui comprennent si bien que " la poësie de la vie est l'accomplissement de son devoir " ... parmi ces hommes aussi savants que modestes, aussi humbles que pieux, sans cesse au poste que la divine Providence leur a marqué, enseignant à la jeunesse, encourageant les bons, cherchant à ramener le pécheur dans le sentier de la vertu, obéissant à la loi, cherchant à la faire respecter, priant chaque jour pour le bonheur et la prospérité de " notre Gracieuse Souveraine " et de la mère-patrie,—visitant le pauvre dans sa mansarde, allégeant les souffrances morales et physiques du malade et du moriboud, enfin, montrant à tous le chemin du ciel, eux mêmes battant la marche! (Applaudissements prolongés!) Qu'ont de tels hommes à craindre dans la confédération? rien ... Non, M. l'ORATEUR, de tels hommes n'ont rien à craindre l L'Angleterre aime et respecte notre clergé, et sait voir en lui autant de sujets loyaux et fidèles. (Applaudissements.) Voulez-vous un exemple de ce que sait faire le clergé catholique used la patrie a besoin d'hommes de cœur? ont le monde sait que le pays est dans une impasse politique; que la machine gouvernementale est arrêtée; qu'une grande tempête gronde sourdement dans le lointain; que les destinées du aya se dessinent incertaines et tremblantes ans un futur sombre, menaçant, et flottant dans le vague des conjectures,— que le moment est venu pour les véritables amis du pays, pour les hommes d'éducation, d'exposer leurs vues sur les moyens à prendre pour tirer la patrie du danger que lui fait entre"… et craindre les circonstances actuelles... eh! bien, ce sera encore un membre du clergé
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catholique qui, hardiment, exprimera sa pensée sur le sujet, et nous conseillera dans ces tristes eonjonctures!—Je vais lire un extrait de la lettre de l'archevêque catholique Connolly, de Halifax, sur la confédération……
"Au lieu de faire comme des enfants qui, en murmurant, se laissent entraîner par le navire jusque sur le bord de la cataracte, nous devons sans délai prier et nous élancer vers la rive, avant que nous ne nous soyons trop avancés dans le courant. Nous devons, dans le moment le plus critique, invoquer l'arbitre des nations pour en obtenir la sagesse, et abandonner à temps notre périlleuse position; nous élancer hardiment, et, même malgré les dangers des écueils, nous diriger vers la rive la plus rapprochée pour y trouver un abri plus sûr. Une incursion de cavalerie ou une visite de nos amis les " féniens," à travers les plaines du Canada et les fertiles vallées du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Ecosse, pourrait, dans une seule semaine, nous coûter plus que nous coûtera la confédération pendant 50 ans à venir. Et, si nous devons vous en croire, quelle sécurité avons-nous, même dans le moment actuel, contre un tel désastre? Privés de la protection de la mère-patrie, par terre et par mer, et de la concentration dans une seule main, de toutes les forces de l'Amérique Britannique, les dangers de notre position ne sont que trop visibles. Quand les présentes difficultés se termineront, et qui peut en préciser le moment? nous serons à la merci de nos voisins; et, victorieux ou non, ils sont un peuple éminemment militaire. Maigrè leur indifférence apparente au sujet de l'annexion de ce pays, et leurs sentiments d'amitié, ils auront le pouvoir de frapper quand il leur plaira, et c'est la le point culminant de toute la question. A-t-on jamais vu une nation, ayant le pouvoir de conquérir, ne pas l'exercer, ou même ne pas en abuser, à la première occasion favorable? Tout ce que l'on dit de la magnanimité et de la clémence des nations puissantes, se réduit au principe de pure convenance [expediency] que que tout le monde connait. La face entière de l'Europe a changé et les dynasties de plusieurs siècles ont été broyées de notre temps méme, par la seule raison de la force, qui est la plus ancienne, la plus puissante, et, comme plusieurs le prétendent, le plus sacré de tous les titres. Les treize états d'Amérique, avec toutes leurs prétentions d'abnégation, ont, au moyen de l'argent, de la guerre et des négociations, reculé leurs frontières jusqu'à ce qu'ils aient plus que quadruplé leurs territoires, et ce, dans une période de moins de soixante ans; et, le croira qui voudra, peut-on supposer qu'ils sont disposés a s'en tenir la? Non; tant qu'ils en auront le pouvoir, ils avanceront, car il est de la nature même du pouvoir d'accuparer tout ce qui se trouve à sa ortée. Ce ne sont donc pas leurs sentiments hostiles, mais c'est leur puissance et leur puissance seule que je crains, et je dis que c'est ma solennelle conviction qu'il est du devoir de tout sujet anglais, dans ces provinces, de contrôler cette puissance, non pas en adoptant la politique insensée de l'attaquer ou de l'affaiblir mais en nous fortifiant, et en nous élevant à son niveau, en ayant, la Grande-Bretagne pour nous appuyer. C'est ainsi que nous serons prêts à toute éventualité. Il n'est pas un seul homme sensé et sans préjugé qui ne voit pas que le seul moyen possible de nous éviter les horreurs d'une guerre telle que le monde n'en a jamais vue, est de s'y préparer vigoureusement et en temps utile. Etre sudisamment prêt. est le seul argument pratique qui peut avoir du poids auprès d'un ennemi puissant et qui peut l'engager à réfléchir avant de se lancer dans l'entreprise. Et comme je désire pour nous cette condition que nous sommes incapables d'atteindre sans l'union des provinces, je sens qu'il est de mon devoir de me déclarer nettement en faveur d'une confédération au prix de tous les sacrifices raisonnables.
"Après la plus mûre considération du sujet, et tous les arguments que j'ai entendus de part et- d'autre, dans le cours du dernier mois, c'est ma conviction la plus profonde que la confédération est nécessaire, qu'elle est la mesure seule qui, avec le secours de la Providence, peut nous assurer l'ordre social, la paix, la liberté rationnelle et tous les bienfaits dont nous jouissons maintenant sous le gouvernement le plus doux et les institutions du pays le plus libre et le plus heureux du monde-"
Cette lettre est du mois de janvier 1865 .. L'évêque catholique de l'Ile de Terreneuve, Monseigneur MULLOCH, a, lui aussi, écrit une magnifique lettre en faveur de la confédération...… Puis, M. l'ORATEUR, lorsque le moment viendra, notre clergé catholique, notre clergé canadien, fera entendre sa voix éloquente en fureur du projet proposé, et montrera de nouveau à l'univers entier qu'aujourd'hui, comme autrefois, il sait être à. la hauteur des circonstances,—qu'il sait démêler le vrai du faux, et ne son œil paternel veille avec la plus tendre sollicitude sur les destinées de ses enfants! (Vifs applaudissements.) Maintenant, M. le PRÉSIDENT, portons les yeux sur les colonies anglaises de l'Australie—elles, aussi, désirent prendre des mesures pour se confédérer entr'elles, cesser leur isolement l'une vis-à- vis de l'autre, se rendre les bras comite autant de sœurs chéries, et essayer de jeter les bases d'un grand empire sur les rives éloignées de l'0céanie...(Ecoutez! écoutez!) Quant à nous, montrons à. l'Angleterre que nous avons à cœur de maintenir notre connexion avec elle, et son dernier soldat et son dernier chelin seront dépensés par elle pour nous conserver, pour nous défendre contre qui que ce soit, et nous aider à devenir un peuple grand et fort... Arrière!… arrière!... ceux qui croient que l'Angleterre veut nous rejeter loin d'elle, et nous abandonner à notre triste sort... Arrière!.. ceux qui comme les BRIGHT, les COBDEN, les GOLDWIN Sama et toute cette école, crient 841 à satiété que l'Angleterre perd plus qu'elle ne gagne par ses colonies! La logique des faits est contre eux. L'Angleterre sans ses colonies, serait une puissance de second ordre. Eçoutons sur ce sujet M. LAING, ci-devant ministre des " finances " aux Indes, en réponse à GOLDWIN SMITH et autres:
"Je ferai remarquer, dit-il, que nos possessions sont de beaucoup nos meilleures pratiques. Elles forment, réunies ensemble, près d'un tiers de notre commerce d'importation, et la moitié de notre commerce d'exportation. Les Indes Anglaises occupent le premier rang sur la liste et nous donnent près de £50,000,000 sterling d'importation, et prennent en retour £20,000,000 d'exportation Pour l'année courante, ces chiffres seront considérablement outrepassés, et le taux de la progression est plus marqué, les importations ayant été, il y a 10 ans, de £10,672,000 seulement, et les exportations de £9,920,000. On trouve, pour l'Australie, un résultat qui étonne, si on considère l'époque récente de son établissement et sa population limitée. Elle nous envoie, outre l'or, environ £7,000,000 d'importations, et emporte £13,000,000 d'exportation. Les colonies de l'Amérique du Nord, avec une population également britannique, nous donne pour £8,000,000 d'importations, et emportent pour près de £5,000,000 d'exportations. La petite île Maurice, qui jouit d'un gouvernement et d'une capitale brîtanniques, nous envoie près de £2,000,000 par an, et prend en retour £5,000,000. Ces chiffres démontrent d'une manière évidente de quels avantages sont les colonies pour le commerce, et réfutent les fausses théories de ceux qui veulent nous persuader d'abandonner ces possessions lointaines comme des apanages inutiles."
Remarquez, M. le PRÉSIDENT, que ces énormes chiffres ne sont pas des piastres mais des louis sterling: chaque louis sterling étant près de cinq piastres de notre argent... Voici, pour ceux qui croient que les colonies ne sont d'aucune importance pour l'Angleterre, qu'elles n'ajoutent rien à sa grandeur, rien a sa puissance, rien à son commerce! Ceux qui connaissent tant soit peu l'Angleterre savent parfaitement bien que c'est une nation essentiellement commerciale, et probablement la nation la plus commerciale au monde: que cette nation de " boutiquiers," comme l'appelait NAPOLEON IER, a toujours trouvé, dans son commerce, le principal élément de sa force, car avec le commerce, l'argent, et avec l'argent, des bras pour faire ses guerres... . Les anciens Romains savaient conquérir des provinces, des contrées, des royaumes, parce qu'ils avaient essentiellement le génie de la guerre, mais ils ne savaient pas les conserver, parce qu'il leur manquait précisément ce qui distingue les Anglais, le génie du commerce... Aussi, les Anglais deviennent-ils maîtres d'un territoire quelconque, qu'aussitôt vous voyez une nuée de commerçants s'y jeter—bâtir des boutiques, développer les ressources du pays—ensuite viennent des soldats pour y maintenir l'ordre et faire respecter la loi— puis bientôt, vous voyez ce pays, naguère barbare et croupissant dans la stagnation et l'inaction, secouer ses langes, pour ainsi dire, prendre un autre aspect, devenir riche, prospère, et coopérer à l'agrandissement de la mère—patrie. (Ecoutez! écoutez!) Oui, M. le PRÉSIDENT, l'Angleterre tient à nous conserver—en nous perdant, elle perdrait indubitablement plus tard ses possessions des Indes Occidentales, puis elle entrerait dans la première phase d'une décadence qu'elle est trop clairvoyante pour ne pas éviter. (Ecoutez! écoutez!) Elle voit avec plaisir les efforts que fait notre gouvernement pour mener à bonne fin l'union de toutes les provinces. Elle regarde cette " union future " comme un pas fait dans la bonne voie, et le seul moyen pratique d'augmenter nes ressources et de cimenter notre puissance…… ... ... Mais, M. l'ORATEUR, un mot sur l'appel au peuple Il y a trois classes d'hommes dans la société: les " trompeurs " les " trompés " et ceux qui ne sont ni l'un ni l'autre. Je me range parmi ceux qui ne veulent être ni trompeurs ni trompés; je ne veux être trompeur, et, comme j'ai promis à mes constituants de leur soumettre et expliquer tout le plan de confédération, avec tous les détails, avant de le voter finalement, je serai toujours prêt à le faire. Pour le moment, je voterai purement et simplement pour les " résolutions," parce que je suis en veut de la confédération en principe, et que plus tard, lorsque le ministère nous soumettra le plan et les détails qui se rapportent aux gouvernements locaux, alors sera le temps de demander l'appel au peuple, si mon comté l'exige de mon…... Le demander maintenant sur le principe de la confédération en elle- même, puis le redemander lorsque nous aurons le plan et les détails touchant les gouvernements locaux, serait absurde; car ce serait deux appels au peuple sur deux parties du même plan de confédération, et conséquemment deux élections l'une sur l'autre,—surcroît de dépense et de troubles et pour le pays et pour les membres. N'oublions pas qu'après les deux élections sur l'appel au peuple, il faudra avoir dautres élections générales pour commencer le nou 842 veau parlement, car la présente session est la 3ème du parlement actuel. ... Je ne veux être trompé... et je le serais grandement si je me laissais prendre par les caces minauderies de l'opposition, qui ne fait semblant de désirer l'appel au peuple que pour avoir l'occasion de faire échouer, coûte que coûte, le plan de confédération... Moi, M. l'ORATEUR, je prétends que l'opposition n'a pas le moindre désir d'aller au peuple, et pourquoi? parce que si l'opposition eut désiré véritablement et sincèrement un appel au peuple, elle aurait depuis quinze jours, au moins, présenté une motion en chambre, demandant au préalable un appel au peuple!… Voici trois ou quatre semaines que la chambre s'occupe de cette mesure; l'opposien n'a rien présenté en fait de motion pour l'appel au peuple, et lorsqu'il sera trop tard, l'opposition viendra avec une motion de cette nature; (écoutez! écoutez!) puis, ne réussissant pas, elle ira crier partout dans les villes et les campagnes que si le peuple n'a pas été consulté, ce n'est pas de sa faute à elle (l'opposition), qu'elle a remué ciel et terre, mais que c'est dû à l'entêtement du ministère si l'appel au peuple n'a pas eu lieu;… puis le peuple la croira, et nous, les meilleurs amis du peuple, nous passerons pour les seuls coupables! ... Pauvre peuple, pourquoi te laisses-tu tromper ainsi? ... Si le ministère veut hâter la mesure, ce n'est dû qu'à l'échec que le ministère du Nouveau-Brunswick vient de subir, et qu'il s'agit pour nous de nous empresser de prouver à 'Angleterre que nous ne voulons pas rester en arrière, et que nous sommes prêts à faire notre quote-part du traité ou compromis souscrit par les délégués à la conférence de Québec ... Il est temps pour nous de faire quelque chose pour améliorer notre position: car l'abrogation projetée du traité de réciprocité—l'abolition probable du système de " transit " et d'autres indices de mauvais voisinage, dont le message présidentiel de LINCOLN est rempli cette année, nous indiquent suffisumment qu'il est temps pour nous de conjurer l'orage qui se dessine sur notre horizon politique, et qu'il est urgent pour nous de chercher à nous pourvoir ailleurs. (Ecoutez!) Si, plus tard, l'appel au peuple (sur le plan et les détails des "gouvernements locaux") devient nécessaire, je suis convaincu que la majorité des comtés des deux Canadas comprendra ses véritables intérêts, saura distinguer ses vrais amis de ceux qui cherchent à le trom per en exploitant ses préjugés, et que nous serons renvoyés ici avec plein pouvoir de voter l'entière passation du plan de confédération. (Applaudissements.) Puis, si moi pour un, je suis poliment prié de rester chez moi, j'aurai la satisfaction de dire que je suis tombé en homme qui a préféré son devoir à une popularité éphémère, et, bien qu'il soit facile pour le beau et intelligent comté de Vaudreuil d'envoyer en cette enceinte pour le représenter, un membre plus compétent que moi sens bien des ra iports, peut-être ce qui lui sera difficile, j'ose i'affirmer, ce sera de trouver un homme qui ait plus à cœur que moi les intéxêts, le bonheur et la prospérité de son pays! (Applaudissements prolongés!) J'ai tout lieu de croire que le peuple comprendra la position du pays, comprendra qu'une mesure de cette nature est nécessaire, indispensable, et qu'une fois l'union des cinq provinces de l'Amérique Britannique du Nord parfaitement effectuée, nous entrerons dans une ère nouvelle, ère de progrès de toutes sortes, progrès industriels, progrès manufacturiers, progrès commerciaux, et nous commencerons à prendre une des premières places parmi les habitants de ce vaste continent: le peuple comprendra, enfin, que la barque de l'état est tombée entre les mains d'habiles pilotes qui sauront la conduire à bon port, malgré les tempêtes et les écueils semés sur son passage! (Applaudissements.) Moi. pour un, M. l'ORATEUR, j'ai foi dans l'avenir du pays au sein de la confédération! Je crois que le jour n'est pas loin, où le " Bon Génie " qui présidera sur les destinées futures du nouvel empire de l'Amérique Britannique du Nord, pourra s'écrier avec orgueil, son pied droit touchant l'Océan Pacifique, et son pied gauche plongé dans l'Océan Atlantique: " tout ceci est à nous! ...Ces richesses innombrables nous appartiennent—voyez ses belles campagnes—ces beaux hameaux, ces villes immenses où des milliers d'habitants jouissent en paix du fruit de leur labeur, et vivent sans inquiétude à l'ombre du drapeau britannique. Voyez ces usines, ces manufactures de toutes sortes—ces canaux, ces chemins de fer se croisant dans tous les sens et alimentant le commerce d'un bout à l'autre de ces vastes domaines; maintenant nous sommes un peuple nombreux, fort et puissant—nos rangs se sont augmentés— l'Europe nous a fourni son contingent d'hommes de coeur et d'énergie qui soul venus ici chercher un bonheur et une pros 843 périté que leur pays natal n'avait pas su leur procurer: " puis, ce " Bon Génie " les les yeux tournés vers la Grande-Bretagne, pourra lui dire " mère contemple ton filsaîné, il est digne de toi!" (Applaudissements.) Enfin, la postérité à son tour, fière à juste titre de ses ancêtres, pourra répéter:—voici le fruit des travaux consciencieux et patriotiques de ces trente-trois hommes d'élite, qui ont fait partie de la célèbre conférence de Québec en octobre 1864!... (Vifs applaudissements.)
L'HON. M. le Proc.-Gén. CARTIER.— M- l'ORATEUR: Après avoir entendu l'éloquent et habile discours que vient de prononcer avec un rare talent l'hon. député de Vaudreuil, il me reste un regret: c'est que le vénérable aïeul de ce monsieur, (l'hon. ALAIN CHARTIER DE LOTBINIÈRE) qui fut un des premiers orateurs appelés à la présidence de l'assemblée législative du Bas- Canada, et dont le portrait orne notre chambre, n'ait pu de sa tombe, prêter l'oreille aux paroles si bien senties, si loyales et si chaleureuses de son petit-fils dont il eût été fier à juste titre! (Applaudissements).
L'HON. M. LAFRAMBOISE. — M. l'ORATEUR:—L'hon. député de Vaudreuil a demandé il y a un instant ce u'il y avait à craindre pour nous, Bas-Canadiens, sous la confédération. Eh bien! je vais le lui dire de suite, ou plutôt lorsqu'il aura fini de recevoir les félicitations de ses amis. Cet hon. monsieur nous a lu une ou deux lettres des évêques des provinces d'en-bas, pour nous prouver que tout serait pour le mieux sous la confédération pour les populatiom catholiques. Avec la permission de cette hon. chambre, je prendrai la liberté de lire à mon tour une lettre d'un curé du Bas- Canada qui, voyant les choses d'un peu plus près que ces évêques des provinces maritimes, peut plus sainement juger si nos institutions particulières et notre nationalité seront suffisamment garanties sous le régime fédéral qu'on est à la veille de nous imposer. (Ecoutez! écoutez!) Cette lettre a été publiée dans le Canadien.
A M. le rédacteur du Canadien:
MONSIEUR,—Si on peut regarder la confédération des provinces comme une affaire décidée, on ne peut se dissimuler qu'il y a dans les esprits une crainte, une inquiétude que rien ne peut dissiper. J'ai lu les discours de nos membres; j'ai entendu leurs explications; et, loin d'être rassuré, Je me trouve plus inquiet qu'auparavant. On nous a bien démontré la nécessité d'une confédération: mais a-t-on cherché à nous expliquer certaines clauses dangereuses au point de vue canadien- français et catholique? Des promesses, des éloges, des visions éblouissantes de notre avenir, des chiffres plus ou moins bien groupés, nous avons eu de tout cela à satiété; mais des explications satisfaisantes sur notre future liberté d'action sous la confédération, voilà ce que je cherche en vain! Si vous voulez bien me le permettre, monsieur je vais expliquer, aussi brièvement que possible, mes objections au projet de confédération, et ce qui le rend si redoutable à presque tous ceux qui l'ont étudié. Je laisse de côté la question du divorce. L'autorité ecclésiastique ne se prononçant pas, je n'ai pas la prétention " d'être plus catholique que le Pape." A chacun sa responsabilité. Lorsque plus tard, notre Bas- Canada, tout catholique, sera déshonoré par la présence d'une cour de divorce, chacun s'empressera sans doute de s'en laver les mains et d'en rejeter la responsabilité sur. . . . . . . les circonstances où nous sommes placés. Mes objections il la confédération, telle que proposée, sont:
1° La centralisation dangereuse qu'elle consacre.
2° Les dépenses énormes qu'elle entraîne.
La centralisation, voilà le grand danger des gouvernements modernes! Au lieu de chercher à nous doter, dans chaque province, de la plus grande somme de liberté compatible avec un pouvoir central, on dirait que nos ministres se sont étudié à ne nous en laisser que la plus légère part possible. Pour éviter la trop grande liberté d'action laissée aux Etats de la confédération américaine, on nous a donné un projet assez bien calqué sur la confédération Suisse. On a voulu éviter cette indépendance dans chaque Etat, qui a amené la guerre entre le Nord et le Sud, et on nous expose à un nouveau Sonderbund avec ses désastres. Voyons quels sont les pouvoirs du gouvernement central, et les droits des provinces, du Bas-Canada en particulier, sous notre confédération. Le gouvernement central sera composé:
l° D'une chambre élective basée sur la population;
2° D'un sénat;
3° D'un conseil exécutif, ministres responsables et gouverneur.
La chambre basse sera composée de 194 membres. De ces 194, 65 seront Bas-Canadiens, et 50 Canadiens-Français. Dans la chambre des représentants nous serons donc 1 sur 3, ou, si l'on compte comme Canadiens-Français, 1 sur 4. Combien compterons-nous de Bas-Canadiens ou de Canadiens-Français dans le conseil exécutif? 1 peut-être, 2 tout au plus. Voilà la somme de notre influence dans le gouvernement central! Et c'est ce gouvernement qui nommera nos sénateurs, après la première élection faite! Il nommera, ou plutôt nous imposera notre gouverneur! Il aura droit de véto sur toutes nos mesures locales! Il aura encore ce droit par le gouverneur, sa créature! Y eut-il jamais centralisation plus dangereuse? Quelle liberté d'action est donc laissée à nos législatures? On nous enverra pour gouverneur un orangiste, peut-être; et qu'aurons-nous à dire? On choisira pour sénateurs nos ennemis, si l'on veut; à qui recourrons- nous alors? On réservera, on frappera de véto toutes les mesures locales qui nous seront 844 chères, nos incorporations, et qui redresssra nos griefs? Mais tout cela, ce sont des craintes chimériques! Des craintes chimériques! Plaise à Dieu qu'elle le soient! Mais ne connaissons-nous pas les orangistes? N'avons-nous pas sous les yeux l'exemple de l'iriande? Mais la guerre du Sonderbund! Soyes tranquilles, nous dit-on; des hommes aussi éprouvés, aussi honorables que nos chefs, ne nous preposeraient pas cette mesure si elle pouvait nous être aussi funeste. Je ne veux nullement accuser nos hommes d'Etat, soupçonner leur motiû. Mais les contradictions, les mesures dangereuses, nos hommes d'Etat les ont- ils toujours évitées? Est-il prudent de se fier entièrement aux hommes sans regarder à leur mesures? Et les exemples du passé! et la fameuse maxime:" les principes et non les hommes!" N'ayez pas peur, dit-on encore, rien de ce que vous craignez ne peut arriver; c'est impossible! Impossible! Pourquoi alors en avoir laissé la possibilité dans la loi? Pourquoi tant de précipitation dans une mesure aussi importante? Les auteurs de la constitution des Etats-Unis ont travaillé pendant des mois et des années au projet de leur confédération; et, aprés 80 ans, elle a été trouvée défectueuse. Nos hommes d'Etat élaborent une constitution en quelques jours, au milieu des réjouissances bruyantes de l'hospitalité, et cette constitution est parfaite! Vous n'y toucherez pas! vous ne l'amenderez pas! Mais elle contient des clauses dangereuses! mais elle confére a nos ennemis le pouvoir de nous anéantir! Talsez-vous! ce sont nos ministres, nos chefs qui l'ont faite! Fier-vous à leur honneur, a leur talent! Execllentes raisons! Mais est-il surprenant qu'on ait encore des craintes, des inquiétudes? Mais le clergé, le peuple, n'est-il pas peur la confédération? Le clergé, non, il n'est pas tout pour votre confédération telle que proposée. Un grand nombre, il est vrai, y vont de confiance, et se tient a nos hommes d'Etat; mais un bon nombre aussi la redoutent et voudraient y voir bien des amendements. Le peuple, lui, ne connait rien de votre rejet; et, jusqu'au moment qu'il subirai l'épreuve de la taille et de l'impôt, je vous l'avouerai, il se montrera fort indifférent. Mais laissons se faire la confédération, laissons commencer les dépenses fabuleuees que vont entrainer la défense du pays, le soutien d'une milice, la création d'une marine, le onnatructiou du chemin de fer intercolonial et autres travaux publics, et, suivant le proverbe, " qui vivra verra." Oui, nous nous appercevrons alors des effets désastreux de cette mesure, mais il sera un peu trop tard. Me voilà rendu à ma seconde objection au projet de confédération. Avec votre permission, je la traitera! une autre fois.
UN CITOYEN.
Québec, 6 mars 1885.
Eh bien! M. l'ORATEUR, si je ne me trompe, est hon. membre de notre clergé parait meme rassuré que nos ministres et l'hon. député de Vaudreuil sur nos intérêts religieux et sur notre nationalité. Trouve-t-on ses expressions assez énergiques et assez significatives? Mais voyons, maintenant, si ce curé a raison de s'alarmor comme il le fait, et s'il ne se laisse pas un peu entrainer par son zèle et son patriotisme pour ses concitoyens. Voyons s'il n'apprécie pas mieux que ne le font nos ministres canadiens la position qui noue sera faite sous la confédération. Je crois que nous allons pouvoir en juger par un extrait que je trouve dans l'une des dernières éditions de l'organe de l'hon. président du conseil (M. BROWN). Le Globe de Toronto, qui est aujourd'hui l'un des principaux organes du gouvernement actuel, publie, dans son numéro du 6 mars courant, un article. écrit peut être par l'hon. président du conseil lui-même, où je trouve les aménités suivantes à l'adresse de notre clergé:—
"Nous avons confiance que ces amis bien peusants, mais fourvoyés, du système des écoles communes du Haut-Oanada, qui ont censuré la convention relative à l'éducation qui se trouve dans les résolutions adoptées par la conférence de Québec, verront aujourd'hui qu'elle est sa valeur. La lettre hardie de l'évêque vaon devrait suffire pour faire comprendre combien sont exposées nos écoles sous la présente constitution. L'église de Rome est toujours envahissante, un jour se déclarant entièrement satisfaite des concessions qu'on lui fait dans le moment, mais revenant le lendemain à la charge pour en demander de nouvelles. Sous notre système parlementaire actuel, on ne peut jamais dire avec certitude que les évéques papistes du Canada ne peuvent, s'ils y mettent un lieu d'activité, obtenir tout ce qu'ils demandent Sous la confédération, tout en leur disant joyeusement " nous sommes quittea, " et leur laissant ce qu'ils possèdent aujourd'hui, et ce qu'ils peuvent d'ailleurs garder en dépit de nous, nous serons en mesure de ne leur rien accorder de plus qu'ils n'ont. Mais, si vous laissez notre constitution actuelle fonctionner pendant cinq années, vous pouves étre certains que toutes les nouvelles demandes faites par la hiérarchie seront concedées et accordées. "
Si maintenant cet hon. monsieur n'est pas satisfait que les craintes du clergé sont fondées, je ne sais vraiment trop ce qu'il faudra lui dire pour le convaincre. (Ecoutez! écoutez!) Cet hon. monsieur a fait un éloge pompeux et parfaitement vrai des mérites et du évenement admirables de notre clergé bas-canadien,—éloge qui est dans la bouche de tout homme ayant quelque sentiment de reconnaissance pour le mérite partout où il se produit, sans regarder aucunement à que le nationalité ou à quelle religion il appartient; éloge que j'approuve de toute mon âme. (Ecoutez! écoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, je n'en demeure pas moins convaincu que tout ce qui est prophétisé dans cet extrait du Globe se réalisera un jour, 845 si nous concédons la mesure qui nous est aujourd'hui soumise. Eh! que signifient ces requêtes qui tous les jours nous arrivent par milliers? Pourquoi voit-on toutes ces croix apposées à ces protestations énergiques et patriotiques, croix faites par de rudes mains guidées par de nobles cœurs? (Ecoutez! écoutez!) Je vais vous le dire, M. l'ORATEUR, c'est qu'avant l'union des Canadas le conseil législatif était composé d'ennemis des Bas- Canadiens qui refusèrent pendant un grand nombre d'années de donner des octrois, quelque légers qu'ils fussent, pour nos écoles du Bas-Canada qui, grâce à cette prescription tyrannique, furent fermées par centaines et les enfants de nos compatriotes ne purent recevoir l'éducation dont ils auraient certainement profité. Voilà pourquoi aujourd'hui les requêtes qui nous arrivent de tous côtés pour protester contre l'oppression qu'on nous prépare, sont en grande partie signées par des crois,—croix qui valent certainement les magnifiques signatures de certains hon. députés de cette chambre, qui ont voulu tourner en ridicule les signataires de ces requêtes. A cette époque, M. l'ORATEUR, le clergé canadien était, comme aujourd'hui, à la tête de l'éducation, et l'oligarchie britannique faisait tout en son possible pour rétréeir le cercle de sa noble mission; l'éducation des enfants du sol. (Ecoutez! écoutez!) Mais, grâces à la protestation constante et énergique d'hommes patriotiquee, grâces aux luttes qu'ils ont soutenues pendant de longues années,—luttes qui dégénérèrent un jour en une rébellion ouverte contre l'autorité de la Grande-Bretagne,— nous avons conquis les libertés dont nous jouissons aujourd'hui. Et, à propos de cette rébellion, je crois bien que l'hon. procureur- général du Bas-Canada doit se rappeler qu'il a été l'un de ceux qui, dans ce temps, ont élevé l'arbre de la liberté à St. Charles et l'ont coiffé du bonnet de la liberté. A cette époque, M. l'ORATEUR, le procureur-général du Bas-Canada ne reculait pas devant une rébellion ouverte contre Sa Majesté pour obtenir ce qu'il croyait être les légitimes libertés de ses concitoyens; aujourd'hui, il ne recule pas devant un titre de baronnet en récompense de la trahison qu'il est prêt à consommer vis-à-vis de ses compatriotes. (Ecoutez! écoutez!) J'ai dit, il y a un instant, que les Canadiens-Français avaient tout droit de craindre pour leurs institutions sous la confédération, et je vais le prouver en citant quelques extraits du fameux rapport de Lord DURHAM,—rapport qui a servi de modèle au gouvernement pour faire son projet de confédération, lequel se trouve calqué pour ainsi dire mot pour mot sur cet habile exposé des meilleurs moyens à adopter pour anéantir la nationalité française en ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Et à ceux qui seraient tentés de traiter mes craintes de chimériques, je n'ai que ceci à dire: Veuillez bien croire que les Anglais qui siégèrent à la conférence ne se laisseront pas mener par les quelques Bas- Canadiens qu'ils trouveront dans le gouvernement fédéral, et qu'ils travailleront consciencieusement, et en quelque sorte naturellement, à l'oeuvre rêvée par Lord DURHAM et conduite jusqu'ici avec une habileté qui, pour avoir été quelquefois déguisée, n'était pas moins calculée à produire les résultats prévus et désirés par la Grande-Bretagne. Je vais lire à la chambre une extrait du rapport en question, car il est bon qu'on rappelle ces faits à l'esprit de nos représentants du Bas- Canada:—
"Jamais, à l'avenir comme dans le passé, la population anglaise ne souffrira l'autorité d'une chambre d'assemblée dans laquelle les Français auront une majorité ou même quelque chose approchant d'une majorité."
Voilà, M. l'ORATEUR, les expressions dont s'est servi lord DURHAM dans son rapport au gouvernement anglais! Et vous allez voir qu'on a bien suivi ce plan: on a commencé par une union des deux Canadas, on continue avec une confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord, et ou terminera enfin par une union législative, dans laquelle la race française se trouvera noyée et anéantie à tout jamais. (Ecoutez! écoutez!) Un hon. député, qui a adressé la parole à cette hon. chambre à la séance d'hier soir, nous a dit que la confédération serait le commencement de la fin, et la perte des Bas-Canadiens. Il était impossible de décrire plus exactement la position dans laquelle nous nous trouverons avec la confédération. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Vaudreuil nous a dit qu'il y avait en Angleterre autant de catholiques qu'il y en a à Rome même, le siége de la catholicité. Eh bien! que signifie cette assertion? Prouvet-elle quelque chose en faveur de sa thèse? Combien y a-t-il de membres dans le parlement anglais pour représenter les catholiques de la Grande-Bretagne? Si je ne une trompe, je crois qu'il n'y en a que deux ou trois Eh bien! je vous le demande, M. l'ORATEUR, quelle influence ces populations catholiques 846 peuvent-elles exercer dans ce parlement et quellcschan ces ont-elles de faire protéger leurs institutions et leurs libertés? En vérité, si l'hon. député de Vaudreuil a voulu nous donner par la un argument péremptoire, il a eu la main malheureuse, car cet argument tourne entièrement contre lui. (Ecoutez! écoutez!) l'hon. député de Vaudreuil a aussi donné comme un argument en faveur de la confération, le suivant, qui est plus ou moins plausible et sérieux. Il a dit que si nous adoptiens la confédération, le Bas-Canada jouirait des riches mines de charbon que possède le Nouveau-Brunswick. Est-ce que l'hon. député s'attend à ce que le charbon nous arrivera ici gratis et sans que nous ayons à donner quoi que ce soit en échange? (Ecoutez! écoutez!) Réellement, M. l'ORATEUR, il me semble que quand on n'a pas d'autres arguments à fournir au soutien d'une cause, il vaudrait infiniment mieux les garder pour soi. Il peut se faire que les éloges prodigués par l'hon. procureur-général à l'hon. député de Vaudreuil soient mérités: il peut se faire qu'il ait cette opinion-là; mais, pour ma part, je l'avoue en toute sincérité, je trouve que l'éloquence qu'a déployé l'hon. député peut être bonne pour une assemblée public ne de paroisse, car c'est une éloquenoe qui peut avoir de l'effet, grâce à son clinquant sonore, mais je n'hésite pas à dire que ce n'est pas là le genre de discours qu'il faut dans une chambre de législateurs. Ce qu'il faut ici, ce sont des discours capables de porter la conviction dans l'esprit de ceux qui vous écoutent. Il n'y a pas de doute que l'hon. député de Vaudreuil a fait de jolies et élégantes phrases; mais, malgré cela, je ne puis m'empêcher de dire que l'hon. procureur-général a été exagéré dans les compliments qu'il lui a prodigués, et qu'il n'a ainsi parlé que pour faire oublier le mépris qu'il affecte de témoigner pour ses concitoyens qui siègent en cette enceinte et qui diffèrent d'opinion avec lui, et pour tous les discours français prononcés de ce côté de la chambre depuis qu'il nous a apporté son projet de confédé ration. Après tout, le procureur-général est parfaitement libre de complimenter qui bon lui semble et quand cela lui sourit, et si je parle ainsi, ce n'est pas pour lui reprocher d'avoir ainsi pensé. L'hon. député de Vaudreuil nous a aussi dit que le gouvernement avait fait tout ce qu'il avait pu et qu'il avait examiné la question de confédération au point de vue des cinq parties contractantes Je pense comme lui, et je n'hésite pas à dire que si nos ministres Bas- Canadiens présents à la conférence avaient examiné la question au point de vue Bas- Canadiens, dont ils étaient chargés de sauvegarder les intérêts, il est bien probable que bien des choses qui leur sont désavantageuses dans ce projet ne s'y trouveraient pas. Mais l'hon. député de Vaudreuil devrait savoir que les ministres Bas-Canadiens à la conférence devaient être la pour représenter les intérêts de leurs nationaux et de les défendre au besoin, de même que les délégués des autres nationalités étaient pour représenter ceux des leurs, et Dieu sait si ces derniers ont bien représenté et travaillé en faveur de leurs nationaux! Le projet de confédération prouve amplement que la nationalité anglaise a, comme toujours, été favorisée au détriment de l'élément français. Ils ont obtenu tout, ou à peu près tout, ce qu'ils ont voulu.
Six heures ayant sonné, la séance est levée.
A la reprise de la séance,
L'HON. M. LAFRAMBOISE continue: —M. l'ORATEUR, comme prélude aux observations que j'entends faire contre le projet de confédération, j'ai avant six heures ce soir, répondu à quelques-uns des arguments fournis par l'hon. député de Vaudreuil en faveur du projet de confédération qui est soumis à la considération de cette chambre. Je vais maintenant passer à l'examen de quelques-unes des parties de ce projet et aire voir la futilité des arguments qu'on a apporté au soutien de son adoption. On a dit de l'autre côté de la chambre que la confédération était un compremis. Eh bien! M. l'ORATEUR, que signifie le mot compromis? Il signifie l'entente au moyen de concessions mutuelles. et dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, je ne vois de concessions que d'un côté et aucunes de l'autre. Je trouve que les concessions ont toutes été faites par le Bas-Canada au Haut-Canada: concession de la représentation basée sur la population, concession à la chambre fédérale du droit de législater sur le mariage et le divorce; au Bas-Canada, as une concession. Tous les membres Bas-Canadiens de l'administration nous ont dit les uns après les autres que le Haut-(lanada avait fait des concessions au Bas-Canada. Mais pas un de ces ben. messsieurs n'en a indiqué une seule. En feuilletant un pamphlet devenu célèbre pour plusieurs raisons que je n'ai 847 pas besoin d'énumerer,—je veux parler du dernier pamphlet de l'hon. député de Montmorency,—je vois que le Haut-Canada a fait une concession au Bas-Canada. L'hon. député écrit ainsi sur la concession de la représentation basée sur la population:—
"Toute confédération est un compromis, et on serait le compromis, si rien n'était cédé de part et d'autre? Le compromis pour le Bas-Canada, c'est la concession de la représentation basée sur la population dans la chambre basse, et le compromis, pour le Haut-Canada, c'est la concession de l'égalité, dans la chambre haute, en échange pour la représentation basée sur la population dans la chambre. Le même compromis a eu lieu entre les deux Canadas et les provinces Atlantiques, et c'est le même motif qui l'y a provoqué. "
Ainsi, M. l'ORATEUR, la seule concession qu'ait pu établir l'hon. député de Montmorency en faveur du Bas-Canada, malgré le talent éminent qui le distingue et le zèle qu'on lui connaît pour le plan ministériel, est celle que je viens de citer, et, à mon avis, ce n'en est pas une, puisque le Bas- Canada avait et a encore aujourd'hui le pouvoir d'exiger le maintien de l'égalité représentative dans les deux chambres de la législature. Maintenant, voyons un peu quelle est la nature des concessions faites par le Bas-Canada au Haut-Canada? En premier lieu, j'y trouve celle-ci, la plus importante de toutes, et qui vaut à elle seule toutes les autres: je veux parler de la représentation basée sur la population. L'on sait les discussions animées qui ont en lieu tant dans cette chambre qu'en dehors sur cette question; quels moyens employés et quels efforts ont été faits par le parti conservateur pour faire de cette question du capital politique en faveur de ce parti, et enfin quels succès ce même parti, qui concède aujourd'hui la représentation basée sur la population, a obtenu, dans le Bas-Canada, en criant bien haut que le parti libéral,—ou plutôt le parti rouge comme on se plait à le désigner,— aecorderait à l'hon. président du conseil la représentation basée sur la population! Eh bien M. l'ORATEUR, qu'est-ce qui arrive aujourd'hui à ce parti libéral qu'on accusait d'être prêt à accorder à l'hon. président du conseil sa mesure chérie? Je laisse à cet hon. monsieur le soin de le dire. On l'a entendu, dans cette chambre, déclarer qu'il avait offert à l'hon. député d'Hochelaga de continuer à marcher avec lui s'il voulait lui accorder le principe de la représentation basée sur la population, et que ce monsieur ayant refusé de complaire à sa demande, il avait accepté l'alliance de l'hon. proc.-gén. du Bas-Canada qui lui accordait ce qu'il demandait. (Ecoutez! écoutez!) Mais il y a plus que cela, M. l'ORATEUR Il y a peu de jours, l'hon. président du conseil, s'adressant aux hon. députés d'Hochelaga et de Chateauguay, leur a dit: "J'avais toujours cru que vous étiez les meilleurs amis du Haut-Canada, mais je puis voir aujourd'hui que vous ne l'êtes pas, et que ce sont plutôt l'hon procureur-général du Bas-Canada et ses collègues bas-canadiens." (Ecoutez! écoutez!) Après avoir concédé la mesure favorite du grand chef clear-grit, les délégués bas-canadiens ont sans doute cru que cela ne suffisait pas, puisqu'ils ont aussi fait une autre concession importante au Haut-Canada et aux protestants du Bas, en donnant au gouvernement fédéral le droit de législater sur le mariage et le divorce, (écoutez! écoutez!) deux questions sur lesquelles les Canadiens- Français étaient unis dans une foi commune et sur lesquelles ils ne pouvaient pas souffrir de discussion. Les ministres ne devaient donc pas faire ces concessions, puisqu'elles sont tellement opposées à la doctrine religieuse qu'ils professent. Je dis qu'on a accordé au gouvernement fédéral e droit de législater sur le divorce et de le décréter, et, je ne me trompe pas en le disant, de fait, on a apprové le principe en donnant à la législature fédérale le droit de législater sur cette question. On aurait dû accorder ce droit aux législatures locales et non pas à la législature fédérale, comme on l'a fait. Voici pourquoi: l'autre jour, l'hon. solliciteur- général du Bas-Canada (M. LANGEVIN), nous a dit que pour le Bas Canada il n'y avait pas de nécessité d'accorder a la législature le droit de législater sur le divorce, parce que, disait-il, l'autorité religieuse y est reconnue; mais qu'il était nécessaire et bien de concéder ce pouvoir au Haut-Canada! (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! je le demande: si le Bas-Canada n'avait pas besoin de ce pouvoir de législation, pourquoi l'a-t-on donné à la législature fédérale, qui sera composée en grande majorité de protestants qui n'ont pas les mêmes idées que nous sur ces questions, et qui décrètera probablement le divorce en faveur de tous ceux qui se présenteront devant lui pour l'obtenir, sans considérer si ce sont des catholiques ou des protestants? Si le divorce est condamné par la religion catholique, je dis qu'il est mal de donner ce pouvoir à une législature 848 qui sera composée en grande partie de députés protestants prêts à législater sur le divorce, et à l'accorder à ceux qui justifieront de causes raisonnables à leur point de vue, sans s'occuper si la foi religieuse des parties leur permet ou non de divorce. Si le divorce est condamné par l'église catholique,—et tout le monde sait qu'il l'est de la manière le plus formelle,—on aurait dû restreindre le droit de législater sur cette question, et non pas l'étendre comme l'on se propose de le faire par le projet de confédération qui nous est soumis. (Ecoutez! écoutez!) J'ai démontré, je pense, M. l'ORATEUR, que le Bas-Canada n'a rien obtenu et a tout cédé dans ce compromis. Il est vrai que pour atténuer ces concessions coupables l'on nous dit: " mais la protection de nos institutions et le maintien de nos lois nous sont parfaitement et amplement garantis par la nouvelle constitution." D'abord, sous le régime de la confédération, nos institutions ne seront pas entourées de cette protection dont on a essayé en vain de nous démontrer l'existence; mais, quand bien même ce serait le cas, la constitution qui nous régit aujourd'hui ne nous garantit-elle pas infiniment mieux toutes ces libertés précieuses? Examinons un peu quelle espèce de garanties nous avons sous le régime actuel, et quelles garanties nous allons avoir sous le système fédéral. La garantie que possèdent les Canadiens-Français avec le régime actuel, consiste dans le fait que sur 130 membres ils on comptent au moins 51 de leurs origine et de leur croyance, et qu'ils possèdent dans le pays et dans la législature une influence telle que le maintien de tout gouvernement dépend de leur bon vouloir, et qu'aucune législation ne peut se faire sans leur assentiment; tandis que sous la nouvelle constitution, la législature fédérale sera composée de 194 membres, le Bas-Canada en aura 65, dont 14, au moins, seront Anglais et protestant, laissant ainsi l membres canadiens- français ou catholiques. Eh bien! en supposant que ces 65 membres soient unis comme un seul homme, ils se trouveront à lutter contre 143 membres d'une origine et d'une croyance différentes des leurs. Ainsi, M. l'ORATEUR, je crois que les garanties que nous accorde aujourd'hui notre constitution,—garanties qui nous sont assurées aussi longtemps que nous ne changerons pas notre système de gouvernement actuel,—valent infiniment mieux que celles que nous offrira la nouvelle constitution qu'on veut imposer au peuple. Mais on nous dit: "Le gouvernement fédéral aura à compter avec la minorité catholique, et son aide lui sera indispensable s'il veut marcher." Eh bien! je vous le demande, M. l'ORATEUR, que pourra faire une minorité composée de 51 membres contre une majorité de 143, et quelle protection pourra-t-elle offrir pour nos lois, nes institutions et notre langue? Non; il est évident que toutes ces choses qui nous sont chères pourront, sous le régime fédéral, disparaître et être anéanties d'un moment à l'autre; elles seront entièrement à la merci de nos ennemis naturels. Pour obtenir la confédération, ou a donc concédé au Haut-Canada la représentation basée sur la population,— principe contre la concession duquel le Bas- Canada en masse a toujours protesté, et l'on a aussi accordé tout ce que les délégués du Haut-Canada ont voulu obtenir pour eux-mêmes et leur co-religionnaires. Il est donc tout naturel, M. l'ORATEUR, que les membres anglais du Bas-Canada seront à peu près tous pour le projet, puisqu'ils ont une garantie toute-puissante dans le véto de la législature. (Ecoutez!) Ainsi, la législature locale du Bas-Canada ne pourra passer aucune loi sans qu'elle soit soumise à la sanction de la législature fédérale, qui pourra, par son véto, amender, changer, ou annuler complètement, si elle le juge à propos, telle loi ou telle mesure qui lui sera ainsi soumise. Mais quelles garanties la législature fédérale offrira-t-elle à la majorité canadienne- française du Bas-Canada et à la minorité catholique du Haut-Canada? Aucun. Ce grand parti conservateur, qui se vante tant de représenter les intérêts des catholiques du Bas-Canada, qui se donne comme le protecteur-né de la religion et de la foi catholiques —(écoutez! écoutez!)—bien à tort, il est vrai —ce grand parti, dis-je, aurait-il dû oublier, comme il l'a fait, qu'il y a dans le Haut- Canada des catholiques qui attendaient sa protection et qui y avaient droit? Comment la minorité catholique du Haut-Canada sera- t-elle protégée par la législature locale du Haut-Canada, composée d'Anglais et de protestants? Voulez-vous le savoir, M. l'ORATEUR? Eh bien! elle le sera par deux membres seulement: les hon. députés de Cornwall et de Glengarry (M M. J. S. MACDONALD et DONALD McDONALD.) Ce grand parti conservateur, qui s'intitule le défenseur du catholicisme, a tout simplement livré cette minorité catholique du Haut-Canada au bon 849 ou mauvais vouloir de ses ennemis, et, pour faire juger de l'espèce de protection dont elle jouira sous le nouveau régime, il suffit de dire que ces jours-ci l'évêque de Toronto, Monseigueur LYNCH, a été obligé de s'adresser publiquement, dans les journaux, aux citoyens de Toronto, pour réclamer contre les insultes prodiguées en plein jour dans les rues de cette cité et ailleurs à de vénérables sœurs de la Charité, et demander protection pour les révérendes dames de cette communauté. Et puis, quand on voit des écrits aussi fanatiques et aussi intolérants que celui que j'ai eu l'honneur de lire à cette hon. chambre avant l'ajournement, article publié dans le Globe du 6 mars, qui représente les idées du gouvernement actuel et qui est l'organe et la propriété de l'hon. président du conseil exécutif (M. BROWN), peut- on dire que nous n'avons rien à craindre, et que les institutions religieuses du Haut- Canada seront parfaitement sauvegardées sous le régime qu'on veut introniser dans le pays? L'hon. député de Montmorency n'admet-il pas, dans son fameux pamphlet de 1865, que plusieurs fois dans cette chambre on avait insulté à nos institutions religieuses? et l'évêque de Toronto ne vient-il pas de se plaindre qu'on avait insulté des sœurs de Charité dans les rues de la capitale du Haut-Canada et qu'on les avait tournées en ridicule dans des mascarades et bals masqués, fréquentés par la bonne société de cette localité? Et afin que personne ne puisse douter de ce fait, je prendrai la liberté de lire cette lettre, qui est comme suit:
"AUX CITOYENS DE TORONTO.
"Les Sœurs de Charité ont été de temps en temps insultées dans cette ville. Elles ont été rudement saisies dans les rues publiques, lorsqu'elles allaient à leurs œuvres de charité. On les a poursuivies avec des pierres et des boules de neige. On les a couvertes d'opprobres et on leur a donné des noms insultants. Leur costume a été montré avec mépris dans des mascarades, dans une salle à patiner. Confiant en l'honneur et en la justice des gentilshommes de Toronto, nous leur demandons respectueusement leur protection.
"Votre etc., etc.. " † JOHN JOSEPH LYNCH, " Evêque de Toronto."
Mais en supposant que plusieurs des hon. membres de cette chambre voudraient douter de l'authenticité des faits relatés dans cette lettre, n'ont-ils pas, pour se convaincre du danger que nous courons comme catholiques une fois que nous serons à la merci de nos ennemis, n'ont-ils pas, dis-je, présentes à la mémoire les injures et les insultes prodiguées par un membre de cette chambre à tout ce qui était catholique; ne se rappellent-ils pas les infamies qu'un des amis et chauds partisans de l'hon. président du conseil exécutif (M. BROWN), débitait devant cette chambre sur le compte de nos vénérables sœurs de charité? Eh bien! je vous le demande, à vous, le grand parti conservateur, le protecteur-né de notre religion et de ses admirables institutions: qu'avez-vous fait pour assurer protection aux catholiques du Haut-Canada dans la nouvelle constitution? Rien du tout! (Ecoutez! écoutez!) Enfin, si le Bas-Canada n'a obtenu aucune concession, et si sa position n'est pas meilleure sous le nouveau régime que sous le régime actuel, pourquoi une confédération? Je vais vous le dire, et d'ailleurs tout le monde le sait aussi bien que moi. Nos ministres n'ont eu recours à la confédération que parce qu'elle leur offrait un moyen de conserver leurs portefeuilles et de jouir des douceurs du pouvoir pendant quelques années encore. Voilà la raison, et la seule raison de leur alliance monstre avec un homme qui les méprise au fond, et qui ne s'ést joint à eux que parce qu'ils servaient ses projets et ses ambitions. L'hon. solliciteur-général du Bas-Canada nous a expliqué, l'autre soir, les intentions du gouvernement. Très-bien! Mais tout le monde sait parfaitement, d'un autre côté, que les intentions d'un gouvernement ne sont pas immuables et qu'il peut les changer et qu'il les a même déjà changées. Lors de la formation du gouvernement actuel, les ministres Bas-Canadiens n'ont-ils pas dit à leurs amis dans cette chambre,—et leurs journaux ne l'ont-ils pas répété sur tous les tous: —" Restez tranquilles, ne craignes rien, la confédération ne se fera pas." L'hon. commissaire des travaux publics (M. CHAPAIS) n'a pas nié avoir dit à un curé de ce district qu'il fallait rester tranquille, qu'il n'y avait rien à craindre; que a confédération ne se ferait pas; que tout ce manége n'était fait que dans le but de jouer le grand chef clear-grit et de se débarrasser à jamais de lui— (écoutez! écoutez!) —et du parti libéral du Bas-Canada. Il paraît que nos ministres Bas-Canadiens avaient compté sans la pression des membres du Haut-Canada et aussi sans celle des délégués des provinces maritimes, qui, ligués ensemble, ont obtenu toutes les concessions qu'ils ont voulu de cette infime minorité bas-canadienne qui siégeait à la conférence de Québec. On leur a dit: il 850 nous faut la confédération de telle et telle manière, et ces braves patriotes, pour ne pas perdre leurs portefeuilles de ministre, n'ont pas reculé devant le sacrifice de leurs compatriotes. Ils ont accepté toutes les conditions de la délégation protestante, et aujourd'hui ils essaient de faire ratifier leurs honteuses concessions par la chambre et surtout parla députation bas-canadienne. Malheureusement pour le Bas-Canada, je crains beaucoup que la chambre ne vote la déchéance de la nationalité française en ce pays. Il est un fait certain et qu'il importe de noter: c'est que la grande majorité de la députation haut-canadienne est en faveur de la confédération, parce que tout y sera à leur avantage; mais ce qui est inconcevable, c'est qu'une majorité de membres du Bas-Canada favorise la mesure. Il est vrai que plusieurs de ces membres sont désavoués par leurs comtés, et ne représentent pas l'opinion de la majorité de leurs constituants sur cette question, et il est certain qu'un bon nombre de ceux qui voteront pour cette mesure n'auront jamais occasion de se prononcer en faveur de la question dans cette enceinte, s'il y a un appel au peuple. (Ecoutez! écoutez!) Quant au divorce, je dis que si les enseignements de la religion catholique nous disent que c'est mal et criminel de l'accorder, et que les catholiques romains ne peuvent pas l'accepter, nos ministres à la conférence auraient du prendre tous les moyens de le rendre moins général. Il est vrai qu'on ne pouvait l'empêcher dans le Haut-Canada ou les provinces maritimes, mais on pouvait le faire dans le Bas-Canada, et si l'on voulait accorder le droit de législater sur cette question, on aurait dû l'accorder aux gouvernements locaux. Mais on a ainsi accordé le divorce, parce que l'Angleterre, qui a établi un tribunal spécial pour décréter sur cette matière, voulait qu'il fût accordé dans le Bas-Canada aussi bien que dans n'importe quelle autre province anglaise de l'Amérique Britannique du Nord. Nos ministres bas- canadiens ont tout simplement cédé à l'influence britannique, qui a eu ses franches coudées dans la convention. (Ecoutez! écoutez!) On dit: Il est bien vrai que la religion catholique défend le divorce; mais votez en faveur de son établissement, car si vous ne le faites le parti rouge reviendra au pouvoir et il va détruire toutes nos institutions religieuses, si vous lui donnez la haute main sur le gouvernement du pays." Allons donc, messieurs les défenseurs de la religion! n'auriez-vous pas dû prendre tous les moyens d'empêcher ces affreux rouges de se servir de la loi que vous allez vous-mêmes établir et qui va eur donner le droit de divorcer quand bon leur semblera et d'insulter ainsi aux dogmes et aux doctrines de la foi catholique? L'hon. solliciteur-genéral du Bas- Canada (M. LANGEVIN) nous a donné, l'autre soir, ce n'il a prétendu être des explications satifaisantes, — pour lui peut- être, — sur la loi du mariage. Eh bien! M. l'ORATEUR, voyons un peu ces merveilleuses explications. Cet hon. ministre nous a dit que c'était tout simplement une loi qui permettra de déclarer qu'un mariage contracté dans aucune des provinces de la confédération, suivant les lois de la province où il aura été contracté, sera reconnu comme valide dans le Bas-Canada, au cas où les conjoints viendraient y résider. Eh bien! je vous le demande, M. l'ORATEUR, y avait-il encore nécessité de dire cela dans la nouvelle constitution? Est-ce que sous la constitution actuelle un mariage contracté dans les conditions énoncées par l'hon. solliciteur-général du Bas-Canada ne serait pas tout aussi valide qu'il pourra l'être sous la confédération? Certainement oui! Mais quelle est donc l'intention du gouvernement? Je sais bien que les membres catholiques du Bas-Canada ne veulent pas l'avouer, et je sais aussi qu'on n'a pas voulu me croire quand je l'ai déclaré, mais je ne crains pas de le répéter ici: l'intention de la conférence est de légaliser le mariage civil. La section Bas-Canadienne du ministère n'a pas voulu l'admettre parce qu'elle savait tort bien qu'elle s'attirerait la désapprobation du clergé de ce pays et de tous ses compatriotes. Si le droit donné à la législature fédérale sur cette question veut dire quelque chose, c'est cela et pas autre chose; et toutes les explications donnés par l'hon solliciteur- général du Bas-Canada et ses collègues ne sont d'aucune valeur et ne sauraient être acceptées par nous, représentants catholiques. En effet, pourquoi dire que l'on permettra le divorce? Si la loi permet aujourd'hui de divorcer, il n'était nullement nécessaire de faire une nouvelle loi à ce sujet et d'en faire un article de la nouvelle constitution. Le gouvernement prend tous les moyens pour cacher la véritable intention de la conférence sur ce point important du projet et pour donner le change à l'opinion; mais j'ai l'extreme conviction qu'elle est parfaitement comprise, et l'avenir dira si je 851 me suis trompé en disant qu'on veut légaliser le mariage civil dans ce pays. Une des raisons—et la seule que j'aie pu découvrir— pour lesquelles le gouvernement actuel a permis et accordé à la législature fédérale de déoréter le divorce, c'est que les protestants du Bas-Canada n'auraient jamais, sans cela, donné leur appui à la mesure de confédération proposée par nos ministres Je crois bien qu'il y a certaines dénominations protestantes dont les dogmes défendent le divorce; mais je ne crains pas de dire que la seule raison de cette concession est celle que je viens de mentionner. D'ailleurs, je trouve dans le pamphlet de l'hon. député de Montmorency une bien forte admission dans ce sens. Il dit:—
"C'est le sentiment catholique qui a présidé, chez plusieurs, à l'opinion que l'on devait laisser aux légeslatures locales cette question sociale si importante; mais que l'on n'oublie pas, d'abord, qu'en la laissant, en ce qui regarde le Bas-Canada, à une majorité protestante, nous ne ferons que maintenir l'état actuel. Ensuite, nous évitons bien des causes de contention et bien des réclamations ardentes qui finiraient par ètre écoutées par la mère-patrie, chez qui le divorce est légalisé et qui fonctionne comme institution sociale. Qui nous dit aussi ne les protestants, qui sont en très forte majorité dans notre propre parlement, et qui devront composer les deux tiers de la confédération, eussent consenti à localiser la legislation sur le divorce?
L'hon. député de Montmorency sait tout aussi bien que moi que les protestants du Bas-Canada ne l'auraient pas voulu, et pour Obtenir leur appui, l'on s'est dit: " Ma foi! abandonnons encore cela, on a bien accordé la représentation basée sur la population, concédons le divorce et tout ce qu'on voudra."
L'HON. Sol.-Gén. LANGEVIN—Ecoutez! écoutez!
L'HON. M. LAFRAMBOISE — L'hon. député peut crier tant qu'il voudra: " écoutez! écoutez!" mais ceux qui lui ont entendu prononcer le discours, je ne dirai pas éloquent.…
UNE VOIX —Parce que cela ne serait pas vrai.
L'HON. M. LAFRAMBOISE...que fit l'hon. député pour s'opposer à la première lecture du bill de divorce BENNING, et qui le voient aujourd'hui imposer aux catholiques, qui n'en veulent pas, les conséquences d'un principe qu'il refusait alors d'appliquer à des protestants qui le demandaient, ceux- là, dis-je, sont justifiables de croire et de dire que l'hon. solliciteur-général du Bas- Canada a dû, ou renoncer à ses opinions sur le divorce,—puisqu'il permet à la législature fédérale de législater sur cette matière, et d'accorder le divorce soit aux catholiques, soit aux protestants, soit dans le Haut, soit dans le Bas-Canada.—ou qu'il n'était pas bien sincère dans son opposition au bill BENNING. (Ecoutez! écoutez!) Il est un fait certain, c'est que les protestants du Bas-Canada ont dit au gouvernement: passez une loi qui nous garantisse la stabilité et la protection de notre système d'éducation et de nos institutions religieuses, et nous appuierons votre projet de confédération! sans cela, nous ne le ferons jamais, car nous ne voulons pas nous mettre à la merci d'une législature locale dont les trois quarts des membres seront catholiques. En agissant ainsi, ils ont eu parfaitement raison, malgré qu'il est généralement admis un nous, catholiques. avons plus de libéralité que les protestants, —ce qui est prouvé en partie par le tait que plusieurs de nos comtés bas-canadiens sont représentés par des protestants. Néanmoins, M. l'ORATEUR. je n'entends pas reprocher à la minorité protestante du Bas-Canada d'avoir veillé à ses intérêts; je convicns qu'elle n'a fait en cela que son devoir; car qui peut dire, après tout, ce qui arrivera d'ici à dix ans? D'ici à dix années les idées peuvent changer sur cette uestion, et s'il est vrai, comme l'a dit le Globe de Toronto,—et le ministère ne peut pas dire que ce journal ne dit pas la vérité, puisqu'il est l'organe du gouvernement actuel,—s'il est vrai que le clergé catholique est envahissant, qu'il n'est jamais satisfait et qu'il cherche à s'accaparer de tout ce qu'il voit, si tout cela est vrai, M. l'ORATEUR. qui nous dit que dans quelques années les Bas-Canadiens ne seront pas disposés à dire à la minorité protestante: " Nous voulons que toutes les écoles soient catholiques," de même que la majorité protestante du Haut-Canada a dit à la minorité catholique de cette section maintes et maintes fois, et comme elle le lui dira avant longtemps si la confédération s'accomplit: " Nous voulons que toutes les écoles soient protestantes? " Il va sans dire que je ne crois pas que jamais les catholiques de cette section- ci poussent l'intolérance jusque-là; mais, d'un autre côté, je ne puis qu'approuver minorité protestante de se mettre à l'abri de toutes éventualités de ce genre, et, pour la même raison, je dis que nous aussi nous devons prendre toutes nos précautions, et que nous ne devons pas souffrir que nos intérêts les plus chers soient à. la merci d'une 852 majorité protestante de la chambre fédérale. (Ecoutez! écoutez!) On n'a pas le droit de nous demander une concession qu'on ne ferait as soi-même. (Ecoutez! écoutez!) Avant l'ajournement de six heures, j'ai dit, M. l'ORATEUR, que le plan de confédération était calqué, pour ainsi dire mot pour mot, sur le fameux rapport de lord DURHAM. Avec la permission de cette hon. chambre je prendrai la liberté de lire uniques extraits de ce rapport, dans lequel l'auteur établit—apres avior énoncé une foule de faussetés dont je vous ferai grâce, à l'endroit de notre race,— que nous devons être perdus dans la nationalité anglaise. Voyez combien les idées du noble lord sont celles que nous voyons dans le projet de confédération. Je citerai une seconde fois l'extrait suivant:—
"Jamais la population anglaise ne souffrira l'autorité d'une chambre d'assemblée dans laquelle les Français seront en majorité ou même approcheront d'une majorité."
Voilà, M. l'ORATEUR, un sentiment qui nous fait voir que l'Angleterre a suivi, pas à pas, les avis de lord DURHAM. L'hon. député de Leeds Sud a dit, l'autre soir, qu il espérait que nous en arriverious à une union législative. Eh bien! l'union législative était aussi le rêve de lord DURHAM, dont je continue à citer le rapport:—
"Tous ceux qui ont observé les progrès de la colonisation des Anglo-Saxon de l'Amérique, admettront que tôt ou tard la race anglaise est certains de prédominer dans le Bas-Canada, méme sous le rapport numérique, comme elle a déjà prédominé par ses connaissances, son énergie, son esprit d'entreprise et ses richesses supérleures. L'erreur, donc, à laquelle la présente lutte doit être attribuée git dans les vains efforts de conserver une nationalité canadienne-française au milieu de colonies et d'Etats anglo-américains."
Un peu plus loin, M. l'ORATEUR, je lis ces lignes:
"Ces principes généraux, cependant, ne s'appliquent qu'aux changements, dans le système du gouvernement, qui sont nécessaires pour remédier aux maux communs à toutes les colonies de l'Amérique Septentrionaie; mais ils ne vont aucunement jusqu'd éloigner les maux de l'état actuel du Bas- Canada, qui requiert le remède le plus immédiat. Les funestes dissensions d'origine, qui sont la cause des maux les plus étendus, sera ont aggravées dans le moment actuel par tout changement qui donnerait à la majorité plus de pouvoir qu'elle n'en a jusqu'à présent possédé. Le plan par lequel on se proposerait d'assurer un gouvernement tranquille au Bas-Canada, doit renfermer les moyens de mettre fin à l'agitation des disputes nationales dans la législature, en établissant une bonne fois et pour toujours le caractère national de la province. Je n'entretiens aucun doute sur le caractère national qui doit être donné au Bas-Canada: ce doit étre celui de l'Empire Britannique, celui de la grande race qui doit, a une époque nou reculée prédominer sur tout le continent de l'Amériq"° Septentrionaie. Sans effectuer le changement assez rapidement ou assez rudement pour froisser les sentiments et sacrifier le bien-être de la génération existante, la première et ferme fin du gouvernement britannique, à l'avenir, doit être d'établir dans cette province une population anglaise, avec la langue et les lois anglaises, et de n'en confier le gouvernement qu'à une législature décidémellt anglaise."
Puis, plus loin encore, je trouve ce qui suit:
"On pourra dire que c'est une mesure injuste, dure pour un peuple conquis; que les Français formaient, dans l'origine, la population entière du Bas-Canada, et qu'ils en composent encore la masse; que les Anglais sont encore des nouveaux venus, qui n'ont aucun droit de demander l'extinction de la nationalité d'un peuple au milieu duquel les a attirés leur esprit d'enterprise commerciale. On peut dire que si les Français ne sont pas une race aussi civilisée, aussi énergique, aussi spéculatrice (money making) que celle qui les environne, ils sont un peuple aimable, vertueux et content, possédant tout l'essentiel du bien-étre matériel, et qui ne doit pas être méprisé ou maltraité, parce qu'ils cherchent il jouir de ce qu'ils ont, sans partager l'esprit d'accumulation qui anime leurs voisins. Leur nationalité est, après tout, un héritage, et il ne faut pas les punir trop sévèrement parce qu'ils ont rêvé le maintien sur les bords lointains du St. Laurent, et la transmission à leur postérité, de la langue, des usages et des institutions de cette grande nation qui, pondant deux siècles, donna le ton de la pensée au continent européen. Si les députés des deux races sont irréconciliables, on pourra dire que la justice demande que la minorité soit forcée d'acquirscer à la suprématie des anciens et plus nombreux occupants dela province et non qu'elle prétende forcer la majorité à adopter ses propres institutions et coutumes. " Mais, avant de décider d laquelle des deux races il faut maintenant donner l'ascendance, il n'est que prudent de chercher laquelle des deux doit prévaloir il la fin; car il n'est pas d'usage d'établir aujourdhui ce qui, après une lutte acharnée, doit être renversé demain. Les prétentions des Canadiens-Français à la possession exclusive du Bas-Canada fermeraient à la population anglaise, déjà plus forte, du Haut-Canada et des townships, l'accès du grand canal naturel au commerce que ces derniers seuls ont créé et qu'ils font. La possession de l'embouchure du St. Laurent concerne non seulement ceux qui se trouvent avoir formé leurs établissements le long de l'étroite ligne qui le borde, mais tous ceux qui habitent et qui habiteront ci-après dans le grand bassin de cette rivière. Car il ne faut pas regarder qu'au présent. La question est: quelle race doit vraisemblablement par la suite convertir en un pays habité et florissant le désert qui couvre main 853 tenant les riches et vestes régions qui environnant les districts comparativement petits et resserrés, où les Canadiens-Français sont établis? Si cela doit être fait dans les domaines britanniques comme dans le reste de l'Amérique Septentrionale, par un procédé plus prompt que l'accroissement ordinaire de la population, ce doit être par l'immigration des Iles Britanniques ou des Etats-Unis,—les seuls pays qui fournissent tous les colons qui sont entrée ou entreront en grand nombre dans les Canadas. On ne peut ni empêcher cette immigration de passer par le Bas-Canada, ni même de s'y établir. Tant l'intérieur des possessions britanniques devra être, avant longtemps, rempli d'une population anglaise, augmentant annuellement avec rapidité la supériorité numérique sur les Français. Est-il juste que la prospérité de cette grande majorité et de cette vaste étendue de pays, soit pour toujours, ou même pour un temps, arrêtée par l'obstacle artificiel que les lois et la civilisation arriérées d'une partie, et d'une partie seulement du Bas-Canada, élèveraient entre eux et l'océan? Est- il à supposer qu'une telle population anglaise se soumettre jamais à un pareil sacrifice de ses intérêts?
"Les Canadiens-Français, d'un autre côté, ne sont que le reste" d'une ancienne colonisation, et sont et devront toujours être isolés au milieu d'un peuple anglo-saxon.
"Et cette nationalité canadienne-française, de vrions-nous, pour le simple avantage de ce peuple. chercher à la perpétuer même si nous pouvions le faire? Je ne connais pas de distinctions nationales marquant et continuant une infériorité plus désespérée. La langue, les lois et le caractère du continent de l'Amérique Septentrionaie sont anglais; et toute autre race que l'anglaise (j'applique ce mot il tous ceux qui parlent l'anglais), parait y être dans une sorte d'infériorité. C'est pour les faire sortir de cette inférierité que je désire donner aux Canadiens-Français notre caractère anglais.
"On ne peut guère concevoir de nationalité plus dénuée de tout ce qui peut donner de la vigueur et de l'élévation à un peuple, que celle ne présentent les descendants des Français dans ce Bas-Ca nada, par suite de ce qu'ils ont retenu leur langue et leurs usages particuliers. Ils sont un peuple sans histoire ni littérature. La littérature de l'Angleterre est écrite dans une langue qui n'est pas la leur, et la seule littérature que leur langue leur rende familière est celle d'une nation dont ils ont été séparés par quatre-vingts années de domination étrangère, et encore plus par les changements que la révolution et ses conséquences ont opéré dans tout l'état politique, moral et social de la France." (*)
Eh bien! M. l'ORATEUR, Sir EDMUND HEAD, quand il nous traitait de race inférieure—sans que nos ministres Bas-Canadiens protestassent aucunement contre cette injure aussi grossière que sotte,—puisait son inspiration dans le rapport dont je viens de vous donner un extrait, et qui, de la première à la dernière page respire la haîne la plus profonde pour tout ce qui porte le nom ou le cachet français. Plus loin, lord DURHAM continue comme suit:
"Dans ces circonstances, je serais en vérité surpris si les plus réfléchis d'entre les Canadiens- Français entretenaient à présent aucun espoir de continucr à conserver leur nationalité."
Probablement, M. l'ORATEUR, que lord DURHAM voulait faire allusion aux membres de l'administration actuelle qui, aujourd'hui, se montrent disposés à sacrifier leur nationalité pour les honneurs et les titres que lord DURHAM conseillait au gouvernement impérial de prodiguer à ceux de nos Canadiens—Français réfléchis qui ne refuseraient pas de mordre à l'appât doré que la Grande- Bretagne ferait miroiter sous leur regard. Je continue à citer, M l'ORATEUR:
"Le Bas-Canada doit être maintenant, comme dans l'avenir, gouverné par une population anglaise; et, ainsi, la politique que les exigences du moment nous forcent à adopter est d'accord avec celle que suggère une vue large de l'avancement futur et permanent de la province."
Un peu plus loin, lord DURHAM dit ceci:—
"On propose de placer l'autorité législative dans un gouverneur avec un conseil composé des chefs du parti britannique, ou d'imaginer quelque plan de representation, par lequel une minorité, avec les formes représentatives, puisse priver la majorité de toute voix dans la régie de ses propres affaires."
La confédération qu'on nous propose aujourd'hui est bien celle rêvée par lord DURHAM. Nos ministres l'ont copiée pour ainsi dire mot pour mot; lord DURHAM on indique tous les points essentiels, et si je cite ce rapport, c'est pour prouver que le véritable autour de la confédération qu'on veut nous imposer est bien lord DURHAM lui-même. (Ecoutez! écoutez!) Je continue de citer:—
"Le seul pouvoir qui puisse maintenant contenir tout d'abord la présente désaffection et effacer ci-après la nationalité canadienne-française, est celui d'une majorité numérique d'une population loyale et anglaise; et le seul gouvernement stable sera un gouvernement plus populaire qu'aucun de ceux qui ont existé jusqu'à présent dans les colonies de l'Amérique Septentrionale. On trouve dans l'histoire de l'Etat de la Louisiane, dont les lois et la population étaient françaises lors de la cession à l'Union américaine, un exemple mémorable de l'influence d'institutions parfaitement égales et populaires à effacer les distinctions de race sans troubles ni oppression, et sans presque rien de plus que les animosités ordinaires de parti dans 854 un pays libre. Et le succès éminent de la politique adoptée à l'égard de cet Etat nous montre les moyens d'effectuer un semblable résultat dans le Bas-Canada."
Lord DURHAM avait parfaitement raison de suggérer cette politique: il ne voulait pas nous mettre le pied sur la gorge, mais-il conseillait de nous faire disparaître petit à petit sous l'influence anglaise, et quand nous serions assez faibles pour ne plus être dangereux, on nous porterait le coup de grâce. Comme en Louisiane, notre nationalité disparaîtra sous l'influence de l'élément étranger.
M. SCOBLE—L'hon. député me permettra de lui faire remarquer qu'il n'est que juste, pour la mémoire de ce grand homme d'Etat, de dire qu'il n'écrivait son rapport qu'en vue d'une union législative, et que les circonstances sont bien changées aujourd'hui. Il n'est maintenant question que d'une confédération, et par conséquent les idées émises par lord DURHAM ne s'y appliquent pas.
L'HON. M. LAFRAMBOISE—Je crois que le plan rêvé par lord DURHAM était une union législative et une confédération de toutes les provinces de l'Amérique Britannique du Nord. On commence aujourd'hui avec la confédération, mais on finira avec l'union législative. La confédération, comme l'a dit ce grand politique, est le premier pas vers l'union législative. " Soyez prudents, disait-il dans son fameux rapport au gouvernement britannique, il ne faut pas écraser brusquement la race française dans ces coloies, elle pourrait se redresser et vous donner du mal; prodiguez les honneurs et les titres à ses principaux hommes, et vous réussirez peut-être." Je suis persuadé que nous aurons l'union législative avant peu d'années si le projet de confédération est adopté. Je ne suis pas seul à le dire, car, l'autre soir, l'hon. député de Leeds Sud nous a dit dans cette chambre qu'avant peu nous l'aurions et avec toutes ses conséquences. Eh bien! M. l'ORATEUR, si nous sommes ainsi menacés, l'hon. député de Leeds Sud ne doit pas être surpris que, comme Bas-Canadien, je trouve à redire aux sentiments exprimés par lord DURHAM dans son rapport. Je comprends fort bien que, lui, ne saurait avoir les sentiments d'un Canadien-Français et, par conséquent, ne saurait, comme nous, ressentir laffront et l'injure que cet homme d'Etat prodiguait ainsi à mes compatriotes. (Ecoutez! écoutez!) Mais, d'un autre côté, il ne sent pas non plus, comme moi, que le plan de confédération amènera tôt ou tar la race française sur ce continent à l'état social rêvé et prédit par le noble lord dont je viens de citer le rapport. Cet hon. député, en sa qualité d' Anglais et de protestant, est en faveur d'une union législative de préférence à tout autre système de gouvernement. Il verrait avec plaisir une seule race—la race anglaise— habiter les colonies de la Grande-Bretagne. Je ne lui reproche pas ces sentiments, parfaitement justifiables chez un Anglais, mais, d'un autre côté, j'ai l'intime conviction qu'il ne trouvera pas étrange si un Canadien-Français n'entretient pas les mêmes sentiments que lui sûr ces questions. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi, M. l'ORATEUR, lord DURHAM, ce grand politique et l'un des ennemis les plus dangereux de la nationalité française, tient ce langage dans son fameux rapport:—
"Voulez-vous gagner les hommes politiques Bas-Canadiens, faites ceci: commencez par leur donner des places, des titres et des honneurs de toutes sortes; flattez leur vanité; donnez-leur un champ vaste où ils puissent satisfaire leur ambition."
Lord DURHAM vint dans ce pays ci après la rébellion et s'aperçut que ceux qui l'avaient précédé dans le gouvernement avaient commis des fautes politiques qui avaient aliéné les Canadiens-Français contre l'Angleterre, et il crut devoir laisser derrière lui, pour servir de guide aux hommes qui seraient appelés à lui succéder, son fameux rapport, dans lequel il a accumulé tous les moyens que la diplomatie pouvait lui fournir pour écraser une nationalité qu'il voyait avec chagrin vivre heureuse et contente sur le sol qui l'avait vu naître et qui l'avait nourri. Lord DURHAM, de même que l'hon. député de Leeds Sud, aurait préféré une union législative de toutes les provinces anglaises à une union des deux Canadas, mais le gouvernement britannique crut plus prudent de commencer d'abord par cette union artielle, sachant fort bien ne plus tard elle trouverait bien le moyen d'accomplir l'union législative L'Angleterre s'est fait ce raisonnement-ci: si nous laissons à la race anglaise le temps de prendre du développement, nous pourrons bien facilement plus tard imposer aux Canadiens- Français l'union législative. Aujourd'hui, le gouvernement canadien, acceptant les vues de lord DURHAM, vient nous demander de vouloir bien faire ce premier pas vers notre anéantissement, en acceptant la confédération qu'il nous montre sous les dehors les plus brillants et les plus attrayante (Ecoutez! 855 écoutez.) Faute d'arguments, on nous dit des choses comme celle-ci, pour excuser le demarche coupable que l'on est prêt à faire: A quoi bon résister? il faut que nous ayons tôt ou tard la confédération qu'on nous propose aujourd'hui, et en définitive l'union'législative. Eh bien! M. l'ORATEUR, je crois, pour ma part, que nous pourrions facilement éviter ce dernier écueil de notre nationalité, si tous les catholiques et les Canadiens- Français de cette chambre se liguaient pour rejeter la mesure qui nous est soumise, et qui ne donne pas à ces derniers la légitime part d'influence qu'ils devraient avoir dans le gouvernement fédéral. Pourquoi ne pas nous accorder les garanties et les concessions que nous avons faites à nos concitoyens d'autres origines? Les ministres Bas-Canadiens, en n'insistant pas pour nous obtenir cette sauvegarde, se sont grandement rendus coupables vis-à-vis de leurs compatriotes. (Ecoutez! écoutez.) Dans l'union fédérale, le Bas-Canada ne pourra jamais avoir plus de 65 membres dans la législature générale, malgré ce qu'en ait dit l'hon. solliciteur- général. Tous ceux qui ont traité la question dans cette chambre n'ont pu faire autrement ne de l'admettre. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! malgré cette injustice et malgré l'augmentation que pourra subir notre population sous le régime fédéral, notre représentation restera toujours au même chiffre, et nous paierons notre part de la dette publique en proportion de notre population. Eh bien! M. l'ORATEUR, est-ce qu'il y a quelque justice dans une pareille disposition? On nous a aussi dit que nous aurions l'administration de nos terres. Je reconnais que ce serait un grand avantage pour nous s'il nous était donné d'assurer à ceux qui viendraient s'établir au milieu de nous, qu'ils auront une voix dans les conseils de la nation. Mais non, M. l'ORATEUR, l'immigration dans ce pays sera toujours impossible sous la confédération qu'on nous prépare, et elle se dirigera vers les sentiers du Haut-Canada, où les colons pourront être représentés dans la législature de cette province, et où le climat est beaucoup plus favorable et la fertilité du sol plus grande. Mais, à un autre point de vue, pout-on dire que c'est un très grand avantage pour le Bas-Canada que celui de la possession et de l'administration de son domaine public, sous les circonstances ou nous nous trouverons avec la confédération? Assurément non; et voici pourquoi. Chaque province prend ses terres publiques avec les créances qui sont dues sur ces terres. Les terres publiques situées dans le Haut-Canada, et qui vont lui revenir, doivent six millions de piastres à la province, et celles du Bas-Canada ne lui doivent qu'un million; par conséquent, le Haut obtient du Bas-Canada une créance de cinq millions de piastres de plus que celle que l'on cède au Bas-Canada. Voilà un des seuls grands avantages qu'on nous a si souvent indiqués depuis le commencement de cette discussion, et je vous demande, M. l'ORATEUR, si c'en est un pour le Bas- Canada? C'en est un pour le Haut-Canada, mais c'est une injustice pour le Bas-Canada. N 'est-il pas évident que la confédération est toute au profit du Haut-Canada? Et le fait qu'on ne rencontre, dans cette chambre, que deux ou trois députés de cette partie de la province qui soient opposés au projet, ne le prouve-t-il pas suffisamment? Si tous les députés du Haut-Canada s'unissent aujourd'hui, à quelque parti qu'ils appartiennent, pour appuyer le projet du gouvernement, c'est parce qu'ils comprennent parfaitement que tout leur a été concédé, qu'ils ont obtenu tout ce qu'ils voulaient, toutes les concessions qu'ils désiraient et pour lesquelles ils ont tant et si longtemps travaillé et combattu. (Ecoutez! écoutez!) Cela se comprend parfaitement. Mais si l'influence hostile au Bas-Canada et qui a agi contre nous lois de la préparation en Angleterre de la loi relative au changement de constitution du conseil législatif, n'avait pas fait enlever de l'acte d'Union la clause qui exigeait le concours des deux tiers des membres de la législature pour opérer un changement dans la base de notre représentation, si cette influence n'avait pas agi pour faire disparaître cette sauvegarde de nos intérêts, jamais le Haut-Canada n'aurait tant insisté pour obtenir la représentation basée sur la population. Il aurait vu qu'il aurait été impossible de l'obtenir, qu'il aurait été inutile de la demander, et en conséquence il l'aurait abandonnée. Mais du moment que cette clause a été enlevée de l'acte d'Union, la législature pouvait décréter un changement dans la constitution par une simple majorité, et l'on peut dire en conséquence que c'est grâce à cette influence qui a agi contre nous que le Haut-Canada obtient aujourd'hui la représentation basée sur la population.   (Ecoutez! écoutez!) Les députés du Haut- Canada remarqueront que je ne prétends pas que le principe de la representation 856 basée sur la population soit un principe injuste en lui-même; mais je prétends que puisqu'ils nous en ont refusé l'application lorsque la population du Bas-Canada était en majorité, il est injuste qu'il la demandent aujourd'hui parce qu'ils sont en majorité; je ne vois pas de quel droit ils veulent l'obtenir aujourd'hui. Je dis que si l'application de ce principe était injuste il y a vingt ans, elle est encore injuste aujourd'hui; et que si elle est juste aujourd'hui, elle était également juste il y a vingt ans. (Ecoutez! écoutez!) Un député a trouvé bien extraordinaire que le parti rouge—appelons-le de ce nom, puisque c'est le nom sous lequel le parti libéral est désigné en ce pays, et nous n'avons pas a nous en formaliser, parce que le parti rouge en Canada a lavé ce nom de toutes les souillures dont le parti rouge de France l'avait couvert, et qu'il n'existe ici aucune tache sur le drapeau de ce parti,— (écoutez! écoutez!)—un député, dis-je, a trouvé extraordinaire et a ridiculisé l'idée que le parti rouge se fût fait le protecteur et le défenseur de la religion, de le nationalité et des institutions du Bas-Canada, pendant cette discussion sur le projet de confédération. Mais quand on voit à la tête du mouvement hostile à cette confédération un homme comme M. CHERRIER, de Montréal, qui peut certainement soutenir très favorablement une comparaison avec tous les membres du parti conservateur du Bas- Canada sous le rapport de la dévotion, de l'honneur, du sentiment national et des capacités,—quand je vois, dis-je, un homme comme M. CHERRIER à la tête du mouvement hostile à la confédération, je dis que l'on a tort de ridiculiser ce mouvement et de feindre de croire que les membres du parti libéral, ou du parti rouge, n'ont aucun sentiment religieux, national ou patriotique. Je dis que le parti conservateur a eu grand tort de chercher a ridiculiser M. CHERRIER, parce que cet homme est trop bien connu pour son honnêteté et ses sentiments religieux,—ce que l'on ne peut pas dire de plusieurs de ceux qui l'ont attaque,—et je suis convmnou que ce monsieur croit sincèrement que les institutions, la nationalité et la religion du Bas-Canada sont en danger. (Ecoutez! écoutez!) D'ailleurs, en admettant, comme le parti ministériel le prétend, que le parti rouge ne sait pas autorisé à parler pour le clergé et à défendre nos institutions religieuses et nationales, il ne s'en suit pas que ce que les membres de ce côté de la chambre ont dit à ce sujet. ne soit strictement vrai; et si l'on avait pu y répondre, il aurait mieux valu le faire par des arguments sérieux plutôt que par des attaques personnelles—ce dernier moyen n'étant employé que pour jeter de la poudre aux yeux. Et ceux qui crient tant aujourd'hui contre le parti libéral, et qui ne prétendent voir chez lui que déloyauté et trahison, n'ont pas toujours eu les idées monarchiques et loyales qu'ils professent aujourd'hui; ils n'ont pas toujours été aussi ardente partisans du gouvernement monarchique qu'ils le sont aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi, tout le monde sait parfaitement que l'hon. procureur-général du Bas-Canada (M. CARTIER) était à la tête du parti qui a fait les troubles de 1837-38.
M. J. B. E. DORION—Non! non! il était à la queue! (Rires.)
L'HON. M. LAFRAMBOISE—Je ne sais pas s'il était à la tête ou à la queue, mais enfin il y était.—Il était à St. Denis quelques moments avant la bataille (rires); je ne sais pas s'il y est resté, mais je sais que l'on a dit qu'il avait été député par le camp des rebelles pour aller chercher des provisions—bien qu'ils ne dussent pas avoir alors grand besoin de provisions dans ce moment—(rires)—dans tous les cas, il faisait partie du camp des rebelles. Mais aujourd'hui il est bien revenu de toutes ses erreurs démocratiques! Il a renoncé à toutes ces idées-là, et il les a remplacées par des idées monarchiques; il est aujourd'hui en faveur d'une grande puissance monarchique sur ce continent, et il sera prêt à accepter la position de prince royal si on voulait la lui offrir. (Ecoutez! écoutez! et rires.) L'hon. solliciteur-général du Bas-Canada (M. LANGEVIN) nous a expliqué pourquoi le proc.- gén. du Bas-Canada avait ainsi endossé les idées monarchiques, lorsqu'il nous a dit qu'il doit recevoir sa récompense. Après avoir endossé les idées monarchiques il voudrait en endosser la livrée. (Ecoutez!) Mais pourquoi serait-il récompensé comme l'a dit le solliciteur-général? C'est, dit-il, parce que l'hon. procureur-général a fait asser la mesure d'abolition de la tenure seigneuriale,—que les censitaires et les seigneurs sont venus lui apporter leur titres, et qu'il leur a rendu une mesure qui a satisfait et les seigneurs et les censitaires.—Eh bien! je suis réellement surpris que l'hon. solliciteur-général, qui, parle position qu'il occupe, doit connaitre l'histoire des lou du pays, 857 ne sache pas que c'est l'hon. juge DRUMMOND qui a préparé et fait passer la loi pour l'abolition de la tenure seigneuriale, et que ce n'est pas du tout le procureur- général du Bas-Canada. (Ecoutez!) Ce n'est donc pas pour cela qu'il mérite une récompense. L'hon. solliciteur-général a encore dit que l'hon. procureur-général méritait la reconnaissance de son pays parce qu'il avait fait passer la loi de la décentralisation judiciaire, et qu'il avait par là servi les intérêts des plaideurs, des avocats, des juges et de tout le monde. Il est libre au solliciteur-général d'admirer les lois de son chef le procureur-général; mais je puis dire que si jamais procureur-général a fait des lois indigestes, incompréhensibles et impraticables, c'est certainement le procureur-général actuel du Bas-Canada. Il n'a jamais pu faire une seule loi qu'il n'ait pas été obligé de faire amender et raccommoder à chaque session, et sa loi de judicature est la pire de toutes sous ce rapport Mais dit l'hon. solliciteur-général, il a fait passer une loi d'enregistrement. Eh bien! sa loi d'enregistrement contient les mêmes défectuosités et prouve sa complète incapacité de faire une loi passable. Et c'est tellement le cas qu'il a été impossible de la mettre en pratique et qu'il a été obligé de l'amender pendant cinq sessions consécutives, sans que pour cela elle soit beaucoup meilleure. (Ecoutez! écoutez!) Ce n'est donc pas pour ces deux lois qu'il mérite une récompense. L'hon. solliciteur-général dit encore que le procureur-général mérite une récompense pour avoir introduit les lois françaises du Bas-Canada dans les townships. Mais encore ici il lui décerne un éloge et une récompense qui ne lui appartiennent pas, car c'est M. le juge LORANGER qui a fait cette loi et qui l'a fait adopter et décréter par la chambre. Ce n'est donc pas encore pour cette loi qu'il mérite récompense. (Ecoutez!) Voilà les trois raisons pour lesquelles le solliciteur-général dit que le procureur-général mérite récompense, mais je crois qu'il n'en mérite guère, puisque ce n'est pas lui qui a fait passer la première et la dernière de ces lois, et que les deux autres sont tellement mal faites qu'il mériterait toute autre chose qu'une récompense pour les avoir données au pays. (Ecoutez!) Cependant, je dois le dire, il mérite une récompense pour quelque chose; mais de qui et pourquoi? Ah! il mérite une récompense de l'Angleterre pour avoir fait exacte ment ce que lord DURHAM disait de faire aux Canadiens, dans son fameux rapport sur les moyens à prendre pour nous faire disparaître; il mérite une récompense pour avoir fait mettre de côté les lois françaises pour les remplacer par les lois anglaises; il mérite une récompense pour avoir fait toutes les volontés de l'Angleterre; et enfin il mérite une récompense pour avoir trouvé et fait accepter par la majorité de cette chambre le projet actuel de confédération. (Ecoutez! écoutez!) A ce sujet, et pour faire voir comment il a mérité et reçu des récompenses, il est bon de lire un passage du rapport de lord DURHAM, dans lequel il indique les moyens à prendre pour corrompre les chefs et dominer le peuple du Bas-Canada. Voici ce passage:—
"Tout en voyant que la formation d'un système étendu de gouvernement et d'une union puissante des différentes provinces produiraient ce résultat important sur leurs habitants en général, je suis euclin à attacher une bien grande importance à l'influence que cela aurait, en donnant une plus grande carrière et plus de contentement à la forte ambition des personnes les plus actives et les plus éminentes dans les colonies. Tant que l'ambition personnelle fera partie de la nature humaine, et tant que la morale de tout pays libre et civilisé encouragera les aspirants, il doit être de tout gouvernement sage d'en favoriser le développement légitime. Si, comme on le dit généralement, les maux de ces colonies ont, en grande partie, été fomentés par l'influence de personnes rusées et ambitieuses, on remédiera plus facilement à ce mal en ouvrant aux désirs de ces personnes un but qui dirigera leur ambition dans la voie légitime d'avancer leur gouvernement plutôt que de l'embarrasser. En créant de hautes situations dans un gouvernement général et responsable, nous aurons les moyens de pacifier l'ambition turbulente et d'occuper dignement et noblement des talents qui ne s'exercent maintenant qu'a fomenter le désordre."
Lord DURHAM savait bien ce qu'il faisait quand il recommandait de donner des places et des honneurs aux ambitieux qui faisait du bruit,—et le procureur-général du Bas-Canada faisait beaucoup de bruit et de tapage en 1836 et 1837; il était à l'assemblée des cinq comtés, où il coifla le bonnet de la liberté. (Ecoutez! écoutez!) Lord DURHAM dit: donnez des places aux principaux, et vous verrez comme ils sacrifieront leurs compatriotes et se soumettront à l'Angleterre. Et, en effet, c'est là ce qui a les mieux réussi, et l'on a vu que tous ceux qui avaient empêché le mouvement qui s'était fait dans le Bas-Canada contre l'union, tous ceux qui crisien t: "Taisez—vous! l'Union nous a 858 sauvés!" tous ceux-là. ont été recempensés. Les uns ont été sirés, les autres ont eu des honneurs, des places et du pouvoir; et le procureur-général du Bas-Canada sera récompensé et comme eux fait baronnet s'il peut faire asser son plan de confédération, qui est ésiré par l'Angleterre. (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, je ne lui envie pas ces récompenses; mais je ne puis voir de cœur-joie qu'il cherche à les obtenir au moyen dun pan de confédération que je crois funeste aux intérêts du Bas-Canada. Je ferai donc tout en mon pouvoir pour empêcher qu'il ne se réalise. (Applaudissements.)
M. J. B. E. DORION—Avant d'entrer dans l'examen de la uestion qui nous occupe, j'éprouve le besoin de dire qu'en exprimant, devant cette chambre, les sentiments que j'entretiens, je n'entends parler au nom d'aucun parti politique. En discutant une proposition qui tient de si près aux destinées, à l'avenir de notre pays et de tout ce qui lui est cher, je veux me placer au-dessus des considérations personne les et de parti, afin de l'envisager 'un point de vue plus élevé. Pourquoi, ce soir, sommes-nous à nous occuper de la confédération des provinces de l'Amérique Britannique? Parce que l'an dernier nous eûmes une crise ministérielle et ne de cette crise sortit une proposition d'union entre les deux partis politiques qui se partageaient l'opinion publique. Le ministère MACDONALD-TACHE, qui représentait le parti conservateur dans le pays, venait d'être défait ar la majorité dans l'assemblée législative; il fut obligé de réaigner. On se rappelle que le gouvernement avait été battu sur une question de mal-administration dans nos affaires publique. Je veux faire allusion à l'avance de $100,000 faite à la compagnie du Grand Tronc sans autorisation parlementaire, et dont plusieurs membres du cabinet d'alors étaient responsables. Pourriez- vous me dire, M. l'ORATEUR, où est allée la question des $100,000? Hélas! elle a disparu dans la crise ministérielle en nous léguant la coalition extraordinaire qui nous gouverne et dans laquelle sont entrée des hommes qui, pendant dix ans, s'étaient traités comme des hommes sans principes politiques. (Ecoutez! écoutez!) Le parti conservateur tenait tant à conserver le pouvoir qu'il n'a pas reculé devant la position dans laquelle il a placé le pays. Toute union ou coalition entre deux partis politiques, opposés l'un à l'autre, indique un abandon de principe quelque part; toutes les coalitions pécbent par leur base même; elles ont toujours été considérées comme des immoralités olitiques, en Angleterre comme partout ailleurs, et elles sont d'autant plus dangereuses qu'elles sont fortes C'est à la coalition actuelle que nous devons le projet de la confédération des provinecs anglaises sous une forme tangible. Sans elle, il n'aurait pas été question de la conférence de Québec, ni des résolutions qu'elle adopta en octobre dernier et qui sont soumises à notre considération. Maintenant, qui avait autorisé la convention de Québec? De quel droit s'est-elle arrogé le pouvoir de proposer un changement aussi radical dans notre condition politique? Comment le Canada s'y trouvait-il représenté? Les trois quarts des délégués du Canada n'étaient-ils pas des hommes sous le coup d'une condamnation parlementaire? Comment votait-on dans la convention. N 'était-ce pas par province? Les quatre petites provinces d'en-bas n'avaient- elles pas deux fois autant de votes sur chaque question que les deux grandes provinces du Canada? (Ecoutez! écoutez!) Toutes ces questions se présentent à l'esprit tout naturellement. Si l'on répondait catégoriquement à chacune d'elles, nous aurions de quoi éclairer l'opinion publique du pays sur la manière dont ses intérêts ont été méconnus, maltraités. Quand en songe à la dernière question, à laquelle on ne pourrait répondre autrement que par un oui, il n'est pas étonnant que les provinces inférieures aient eu tout l'avantage dans les arrangements conclus par la conférence. Malgré que le compromis ait été en leur faveur, la majorité des provinces intéressées la repousse aujourd'hui d'après les renseignements qui nous arrivent tous les jours. On semble avoir pour de nous, et, en dépit des offres d'argent qui leur ont été faites, elles ne veulent pas d'union. Il fallait que notre réputation pour l'extravagance fût bien mauvaise pour les effrayer ainsi, et nul doute que lorsqu'on nous a vu dépenser, en un mois ou deux, pour des réceptions, des voyages, des festins, des sommes aussi fortes que tout le revenu annuel de l'Ile du Prince Edouard, on ne s'en soit retourné avec une triste idée de notre manière de conduire les affaires publiques. (Ecoutez! écoutes!) Je n'entends pas répéter ce qui a été dit durant la discussion, mais, avant d'aller plus loin, permettez-moi d'établir un contraste entre notre manière d'agir et celle de nos voisins des Etats-Unis, quand il s'agit de changements constitutionnels. Aux Etats- 859 Unis, dans ce pays que l'on a toujours le soin de nous représenter comme le berceau de toutes les horreurs politiques, sociales, morales et physiques, on ne joue pas avec les constitutions écrites de chaque Etat, pas plus qu'avec celle de l'Union Américaine. Chaque un fois qu'il s'agit d'amender une constitution, en général, il faut un vote des deux tiers dans les deux chambres. Si l'amendement a trait à la constitution des Etats- Unis, il faut en outre qu'il soit approuvé par la majorité des législatures de chaque Etat. Si l'amendement a trait à une constitution locale, il faut, en outre des deux tiers des deux chambres, que l'amendement soit ratifié par une convention des délégués des différentes parties de l'Etat, élus spécialement pour cet objet. Les Etats-Unis sont maintenant occupés à considérer un amendement à leur constitution tendant à abolir l'esclavage. L'amendement a été adopté par le congrès et le sénat de l'Union Américaine, et il faut qu'il soit ratifié par la majorité des législatures locales, avant de faire partie de la constitution. Même, il faut compter les Etats qui sont en pleine rébellion aujourd'hui. On voit de suite quelle garantie il y a qu'aucun changement radical ne soit adopté sans que le peuple y ait donné son consentement, après avoir eu le temps de bien peser toutes les considérations qui peuvent militer en faveur de tout changement proposé. Voilà comment nos sages voisins procèdent dans ces affaires importantes! Aussi, ont-ils institué un état politique qui relègue bien loin derrière lui tout ce que la sagesse humaine avait inventé jusque-là, pour assurer la paix et la prospérité des populations du Nouveau-Monde. Mais pour notre cher Canada, avec tous les précédents anglais que l'on nous vante tant, il n'est pas besoin de toutes ces précautions. Il suffit que des hommes politiques soient condamnés pour mal-appropriation des deniers publics, que l'on se soit traité comme des brigands politiques pendant dix ans, pour qu'une coalition des combattants soit possible, et que l'on s'embrasse avec étreinte au point d'étouffer tout sentiment de dignité personnelle et toute question de principe. Il suffit, dis-je, d'une union scandaleuse,— véritable immoralité politique, comme celle qui s'est accomplie en 1864, pour que l'on se croit tout permis. (Ecoutez! écoutez!) Avec une majorité de trente à quarante voix, ou n'hésite plus. La constitution qui gêne un peu les allures cavalières des principaux chefs, qui bride un peu leur ambition personnelle, qui limite enfin le champ de leurs opérations spéculatives, ne convient plus. On la sape à grand coup de hache; on veut la faire disparaître sans consulter les intéressés, pour la remplacer par un tout autre ordre de choses, dans lequel on ne respecte pas plus les principes politiques que les droits et les besoins des populations. Une simple majorité parlementaire d'une voix suffira, ici, pour tout bouleverser dans l'ordre politique, et il n'y a aucun appel d'une décision aussi importante, si ce n'est l'appel à un pouvoir situé à 3000 milles de nous, qui peut ajouter au projet des choses qui le rendrait encore moins acceptable. (Ecoutez! écoutez!) Le peuple pourra plus tard condamner ses représentants, mais le mal sera accompli. Voilà toute la consolation qu'il en aura! N'est-ce pas que le contraste entre notre manière stupide de faire les choses et le procédé prudent, rationel, de nos voisins est bien grand? Aussi, sont-ils nos supérieurs sous tous les rapports politiques? Maintenant, permettez que je fasse valoir mon opposition au changement proposé.—Je m'oppose au projet de confédération, parce que la première résolution est un non- sens qui pêche contre la vérité. Ce n'est pas une union fédérale que l'on nous propose, mais bien une union législative déguisée. Le fédéralisme est passé bien loin de ce projet, qui concentre tout dans le pouvoir général. Fédéralisme veut dire union de certains Etats qui conservent leur pleine souveraineté en tout ce qui les concerne immédiatement, mais qui soumettent a un gouvernement général les questions de la paix, de la guerre, des relations étrangères, du commerce extérieur, des douanes et des postes. Est-ce la ce que l'on nous propose? Pas le moins du monde. Dans le projet que nous examinons, tout est force, puissance, dans le gouvernement général; tout est faiblesse, insignifiance, anéantissement dans les gouvernements locaux!—Je m'oppose au projet de confédération parce que, loin de faire disparaître les difficultés dont on se plaint entre le Haut et le Bas-Canada, il ne fera que les multiplier s'il est accepté. On verra fréquemment s'élever des conflits d'autorité, surtout sur les questions qui sont soumises à la double action des législatures locales et générale.—Je m'oppose au projet de confédération parce que la constitution qui devra lui donner suite pêchera par sa base même. La représentation sera basée sur la popula 860 tion dans une chambre, et l'égalité devra exister dans l'autre, nous dit-on, tout en brisant ce principe, aujourd'hui, en faveur de Terreneuve, et demain, sans doute, en faveur de la Colombie et de Vancouver, si ces colonies jugent à propos d'entrer dans notre union projetée. Les petites provinces lignées entre elles pourraient maitriser les grandes, moins nombreuses, sur des questions purement locales. C'est là un des grands vices du projet ministériel, à mon avis. Mais il y a encore l'autonomie du Bas- Canada qui est menacée et mise à la merci d'un parlement de 191 membres, dont 47 ou 48 seulement représenteraient les vues de la grande majorité de sa population.—Je m'oppose au projet de confédération, parce qu'il enlève au peuple de ce pays des droits politiques qu'il n'a acquis qu'après bien des années de lutte; entre autres, celui d'élire ses représentants au conseil législatif comme dans la chambre d'assemblée. Depuis 1866 nous jouissona d'un conseil électif. Pendant plus d'un demi-siècle, on avait demandé qu'il le devint. Ces demandes avaient été faires dans la presse, dans les assemblées publiques, au moyen de requêtes adressées au parlement et a la métropole, et par des propositions directes en chambre. Le conseil législatif, tel ne constitué avant la réforme de l856, était evenu des plus impopulaires; il était aussi tombé dans un état. d'insignifiance complet. En y faisant entrer l'élément populaire au moyen d'élections périodiques, on le galvanias et il devint un tout autre corps dans l'esprit public Le système électif l'a rétabli complètement, lui a attiré le respect des populations et donné une importance qu'il n'avait point auparavant. Depuis que le conseil est électif, pas une seule plainte ne s'est fait entendre dans la presse contre sa nouvelle constitution, ni dans les assemblées publiques, ni par des requêtes en des propositions en chambre. En est-il résulté quelque mal pour la bonne administration des affaires du pays? Le gouvernement en a-t-il souffert? La métropole en a-t-elle subi de mauvaises consquences? Le pays en a-t-il été plus mal? Et en quoi? Répondez! vous qui voulez enlever au peuple le droit d'élire cette chambre sans qu'il vous l'ait denandé et qui tenez, vous aussi, vos mandats de sa volonté! Le conseil législatif électif représente mieux le caractère, les besoins et les aspirations de notre société canadienne, que ne l'a jamais fait le conseil nommé à vie. Quant au talent du pays, il l'a représenté autant que sous l'ancien régime. Quant à sa modération et à son esprit conservateur, l'expérience nous a prouvé qu'il possédait ces deux qualités au- delà de l'attente de tous les partis. Je n'hésite donc pas à dire que le changement a été pour le mieux, sous tous les rapports: qu'il a satisfait et tranquillisé l'opinion publique, et qu'il a assuré au pays un contrôle plus direct sur la chose publique. Le Bas- Canada a goûté aux deux systèmes de nomination, par la couronne et par le peuple, et il ne demande pas à retourner au premier des deux. Nous avons en le conseil nommé à vie pendant un demi-siècle, en Canada. Tout le monde sait que ce sont en grande partie des actes de ce même conseil qui ont poussé le peuple du Bas-Canada à la résistance en 1837! L'une des grandes raisons que l'on fait valoir pour accomplir le projet que l'on a en vue, c'est que les divisions électorales sont très grandes et qu'il n'y a que l'homme riche qui puisse arriver au conseil au moyen de son argent. Il faut tant d'argent, dit-on, pour se faire élire maintenant. Si cet argument avait quelque chose de bon pour la chambre haute, il devrait l'avoir également pour la chambre d'assemblée. Pour être conséquent, on aurait dû demander aussi la nomination de la chambre d'assemblée au lieu de la laisser élire par le peuple. Mais ce n'est pas là une raison; et d'ailleurs, que ceux qui ne veulent pas dépenser leur argent restent à la maison, si le peuple ne veut pas les élire sans se faire payer; que l'on adopte le vote au scrutin secret, qui détruire la corruption, et l'on n'aura pas la peine d'inventer des griefs imaginaires pour rétrécir les libertés publi nes. On veut faire rétrograder le pays de cinquante ans par cette proposition entachée de torysme! Ce n'est rien moins qu'un complot contre les droits populaires. (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au projet de confédération parce que l'on nous offre des parlements locaux qui seront nuls, n'ayant qu'un simulacre de pouvoir sur des questions d'une minime importance. Quand on aura vu le parlement local à l'œuvre avec ses droits restreints, (excepté quant à la dépense, à l'extravagunee et au pouvoir de taxer la propriété foncière), on le désignera bientôt pour ce qu'il devra être: une machine à taxer. Rien de plus, rien de moins! Les dépenses actuelles du Bas-Canada pour la justice, l'éducation, les hospices, hôpitaux, cours, prisons, intérêts sur la de …, etc., 861 ajoutées aux dépenses d'un gouvernement et d'un parlement locaux, dépassemnt $2,000,000 par année. Le revenu sera loin d'atteindre ce chiffre. La taxe directe sera une conséquence nécessaire de l'établisement du nouveau régime, sans aucune compensation pour le nouveau fardeau que le peuple aura à supporter. Il n'est pas nécessaire d'en dire bien long pour faire comprendre toute la différence qui existe entre le système fédéral américain et celui que nous examinons. Aux Etats-Unis, chaque Etat est souverain sur tout ce qui le concerne immédiatetement. Ici, tout serait soumis au parlement général. Le Bas-Canada, qui ne veut pas du commerce libre de l'argent, qui voudrait limiter le taux de l'intérêt, ne pourrait pas le faire, parce que cette question bien ordinaire serait du ressort du parlement général. Que le principe soit bon ou mauvais, il est reconnu que les neuf dixièmes de notre population désirent que le taux de l'intérêt soit fixé. Chaque Etat de l'Union américaine règle les questions de ce genre comme il l'entend, sans intervention de la part des Etats voisins ou du gouvernement de Washington. Aussi, le taux d'intérêt varie dans un grand nombre d'Etats, et dans d'autres il n'est pas fixé. Dans le Vermont, on paie 6 p. ct; dans New-York, 7 p. ct.; dans l'Ohio, 10 p. ct.; dans les Illinois, 80 p. ct.; et dans d'autres Etats le commerce de l'argent est libre. Voilà des faits qui établissent que le véritable système fédéral ne ressemble en rien à ce que l'on nous demande d'accepter! (Ecoutez! écoutez!) Je pourrais multiplier les exemples de ce genre pour appuyer ce que j'avance, mais un autre me suffira. On sait que le Bas-Canada est presque unanime à repousser l'idée du divorce. Cependant, dans la confédération, le parlement du Bas-Canada n'aura pas le droit de régler cette question suivant ses idées, mais le parlement général, siégeant à Ottawa, pourra lui imposer des idées entièrement opposées aux siennes; il pourra même établir une cour de divorce à Québec. Sous un système vraiment fédéral, on ne verrait rien d'aussi injuste, d'aussi révoltant pour les opinions de la population. Dans les Etats-Unis, il y a des Etats où le divorce est permis, d'autres où il ne l'est pas, ce qui prouve encore en faveur de la souveraineté de chaque population, sans que l'Union ait à en souffrir. (Ecoutez! écoutez!) —Je m'oppose au projet de confédération, parce que les tribunaux du Bas-Canada seraient sous le contrôle du gouvernement général. Nous aurions des cours de justice dans le Bas-Canada, mais les juges qui les présideraient seraient nommés par le gouvernement de la confédération. Il en serait ainsi des autres provinces; mais le Bas-Canada, avec ses lois qui lui sont particulières, plus que tout autre doit redouter cette intervention du gouvernement general dans l'administration de la justice. On dirait que la conférence s'est étudiée à faire soupçouner ses intentions, et l'on entend déjà dire que cet arrangement est un coup de MM. les avocats, qui préféreraient voir la nomination des juges dépendre du gouvernement général, parce que leurs salaires seraient plus élevés, plutôt que de les voir dépendre des gouvernements locaux, qui seraient obligés de prélever une taxe directe pour les payer. Mais mettant cette idée de côté, je déclare que la nomination des juges de chaque province par le gouvernement général me parait une intervention indue, une anomalie contre laquelle on ne saurait trop s'élever (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au projet de confédératiou, parce que les gouverneurs locaux ne seraient que des créatures dans les mains du gouvernement général, intervenant dans les affaires locales par la pression continuelle que l'on exercera sur eux chaque fois que l'on désirera donner le change à l'opinion des parlements locaux, élus par le peuple de chaque province, sur toute question qu'ils auraient à débattre. Pour des gouvernements locaux sans plus de pouvoirs que ceux que l'on propose de donner à chaque province, pourquoi ne pas leur donner le droit d'élire leurs gouverneurs respectifs? Est—ce qu'il y aurait plus de ma qu'il n'en résulte de l'élection des maires de nos grandes villes? Il y eut un temps où les préfets mêmes étaient nommés par le gouvernement. Est-ce que lélection des maires et des préfets a causé du mécontentement ou du mal dans le pays?—Je m'oppose au projet de confédération, parce qu'au moyen du droit de véto accordé au gouverneur par la cinquante-et-unième résolution, on rendra la législation locale parfaitement dérisoire. On aura beau nous dire que ce droit ne serait exercé que très rarement et qu'il ne serait autre que celui qu'exerce ordinairement le gouverneur actuel, lorsqu'il réserve des actes pour la sanction royale, tout le pays comprendra qu'il n'en serait pas ainsi. Du moment que vous rapprochez des intéressés l'exercice du droit de véto, 862 vous multipliéz les occasions qui prêteront à sa mise en pratique. Vous ouvrez la porte aux intrigues. Tel, qui s'opposera à la passation d'une loi, ne pouvant réussir à l' opposer en parlement, se rendra auprès des ministres, du gouverneur général, pour intriguer et obtenir par faveur que cette loi soit désavouée. Voyons un exemple. Je suppose que votre confédération soit organisée, qu'elle adopte un projet de loi pour protéger les colons, comme il en a été passé dans cette chambre six fois depuis dix ans sans devenir loi par l'opposition qui lui est faite dans le conseil législatif par les conseillers du Haut-Canada, qu'arrivera-t-il? Les quelques intéressés qui s'opposent à ce projet courront auprès du gouverneur-général pour l'engager à désavouer cette loi. Au nom de la propriété, des droits acquis, de plusieurs autres sophismes et lieux-communs, on matera encore la volonté populaire sur une question juste en elle-même, demandée et admise par tous les hommes de droit du Bas-Canada dans la chambre actuelle. On empêchera le peuple du Bas-Canada d'obtenir une loi comme il en existe déjà de semblables dans treize différents Etats de l'Union américaine, et qui ne changerait rien aux principes du droit actuel dans le Bas-Canada. (Ecoutez!) C'est un exemple entre mille qui fera voir quel effet produirait ce droit de véto.— Je m'oppose au projet de confédération, parce que je ne vois pas comment, d'un côté, l'on a consenti à donner les terres publiques aux gouvernements de chaque province, tandis que de l'autre, le gouvernement général fait l'acquisition des terres de l'Ile de Terreneuve. Le gouvernement général renonce aux bonnes terres du Haut et du Bas-Canada, mais il achète les mauvaises terres de Terreneuve au prix énorme de $150,000 par année, ce qui représente un capital de $2,500,000. N'est-ce pas la une magnifique spéculation pour le pays? Le gouvernement d'Ottawa ne possèdera pas un pouce ce terre en Canada, au Nouveau-Brunswick, ni à la Nouvelle-Ecosse, mais il aura un département des terres, pour administrer sa belle acquisition dans l'Ile de Terreneuve! Pense-t-on que si les terres publiques de cette Ile eussent été de quelque valeur, on les aurait ainsi abandonnées au gouvernement général pour n'importe quelle somme? Non! Le fait est que ces terres ne valent rien pour la culture, que toute l'Ile ne produit pas assez de foin pour le besoin des chevaux de la ville de St. Jean, et que l'on en importe tous les ans de grandes quantités. Je connais un cultivateur de Trois-Rivières qui envoie des cargaisons de foin à Terreneuve et qui n'attend que la débâcle du printemps pour en expédier de nouveau. Et ce sont ces terres que l'on veut faire acquérir à un prix fabuleux pour engager cette province à entrer dans la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Mais il y a aussi une autre question à considérer dans cet arrangement au sujet des terres publiques. Je prétends qu'il est plus avantageux pour le progrès de la colonisation des terres incultes, qu'elles restent entre les mains du gouvernement actuel que de tomber dans les mains d'un gouvernement local obligé de se maintenir par une taxe directe, car alors il faudra collecter jusqu'au dernier sou qui sera dû sur ces terres. Dans un pays comme le Bas-Canada, avec son climat rigoureux, il faut que la colonisation soit aidée, encouragée si on veut qu'elle progresse raisonnablement. Dans ce but, le gouvernement a fait des dons gratuits et remise de beaucoup de créances en intérêt sur les terres publiques. Autrement, la population n'aurait pu tenir dans certaines parties du pays. Remises et octrois gratuits devront disparaître avec l'apparition de la taxe directe.—Je m'oppose au projet de confédération, parce que l'on veut doter injustement les provincs d'en—bas d'annuités et de dons gratuits, pour les engager et les séduire à entrer dans une union qui serait malheureuse pour toutes les parties contractantes—Je m'oppose au projet de confédération, parce que la répartition des dettes publiques de chaque province se fait d'une manière injuste, et que nulle portion de ces dettes n'aurait dû être laissée à la charge des gouvernements locaux, qui, une telle union avenant, auraient dû commencer leurs nouvelles affaires sans être embarrassés par des dettes.—Je m'oppose à la confédération, parce que j'entrevois des difficultés sans nombre au sujet des pouvoirs conjoints accordés aux gouvernements locaux et général, sur plusieurs questions. Ces conflits tourneront toujours au profit de la force, au profit du gouvernement général et au détriment des prétentions quelquefois bien légitimes des provinces. (Ecoutez!)—Je m'oppose à la confédération, parce que la prime offerte au Nouveau-Brunswick est des plus extraordinaires. On s'engage à lui payer $63,000 par année pendant dix ans. On empruntera cette somme tous les ans pour la payer. Il faudra payer l'intérêt, de 863 sorte que, au bout de dix ans, la confédération aura payé au Nouveau-Brunswick:
Pour capital... $630,000.00
Intérêt sur ce capital... $105,000.00
Qu'aura-t-elle reçu en échange? Rien! Par rapport à la somme promise à Terreneuve, il y a au moins un semblant de compensation directe par la cession qu'elle fait de ses mauvaises terres. Mais dans cette affaire du Nouveau-Brunswick, il n'y a rien à recevoir d'elle pour cette somme de $735,000, sur laquelle on continuera à payer l'intérêt après les dix années expirées. (Ecoutez! écoutes!) Et ce n'est pas tout. Il faudra payer en sus au Nouveau-Brunswick l'intérêt, à 5 pour cent, sur $1,250,000 pour la différence qui existe entre sa dette et celle du Canada, en propértion de leur population respective. (Ecoutez! écoutez!) Je m'oppose au projet de confédération, parce que l'on s'engage à faire construire le chemin de fer d'Halifax, sans savoir ce qu'il coûtera et dans un temps où nous avons assez à payer pour nos moyens actuels, sans nous lancer dans des entreprises improductives, ruineuses. On n'exegère rien en disant qu'il faudra au moins $20,000,000 pour l'exécution de cette entreprise. De quelle utilité sera-t-elle? Doublement inutile sous le rapport militaire comme sous le rapport commercial, nous ne sommes pas en état de l'entreprendre pour le simple plaisir d'avoir un chemin qui nous mettra en communication directe avec la mer, sur le territoire anglais Que vaudra le chemin de fer intercolonial sous le rapport commercial? En été, nous avons le St. Laurent, qui offre un moyen de communication beaucoup plus économique qu'aucun chemin de fer. En hiver, sans compter les embarras causés par la grande quantité de neige qui tombe entre Québec et Halifax, pense-t-on qu'il y aura beaucoup de voyageurs qui prendront cette route de 600 milles pour arriver à la mer, à Halifax, pendant qu'ils pourront se rendre à Portland par un chemin de fer qui n'a pas beaucoup plus que le tiers de la longueur du chemin projeté? Pense-t-on que celui qui aura de la fleur à exporter l'enverra à Halifax, quand il pourra l'expédier par Portland? Le commerce ne fait pas de sentiment: Il passe par le chemin le plus court, le plus profitable, et toute votre confédération ne changera pas cette règle immuable du commerce de tous les pays. (Ecoutez! écoutes!) Mais on-dit: Ce chemin sera d'une grande utilité en temps de guerre, comme route militaire! Ceux qui parlent ainsi ont- ils jamais songé à la petite distance qui séparera ce chemin du territoire américain en certains endroits? Ont-ils jamais songé combien il serait facile de venir dans une seule nuit et en détruire assez pour le rendre impraticable pendant des mois entiers? Ont-ils jamais songé combien il faudrait de soldats pour le protéger et le tenir en opération? L'expérience de la guerre américaine actuelle nous apprend que, pour tenir un chemin de fer en opération, il faut presque autant de soldats qu'il y a de pieds de parcours à protéger! (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au projet de confédération, parce que l'on propose d'assurer, de garantir l'accomplissément de tous les engagements qui auront été pris envers le gouvernement impérial par toutes les provinces jusqu'au moment de l'union au sujet de la délense du pays, sans connaître la nature et l'étendue de ces engagements. Il n'y a peut-être pas de question plus importante que celle-là dans toutes les résolutions de la convention. Cependant, on veut nous faire ratifier tous ces engagements les yeux fermés. Que connaissons-nous, des engagements que les gouvernements de la Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de Terreneuve et du Prime Edouard peuvent avoir pris au sujet de leur défense respective? Que connaissons-nous, même, des engagements pris par notre propre gouvernement envers le gouvernement anglais sur la même question? Rien; nous nen pouvons rien savoir. (Ecoutez!) On nous dit que les correspondances au sujet de la défense ne peuvent pas être soumises au arlcment dans les circonstances actuelles. £'ourquoi alors voter en aveugles sur des questions d'une aussi grande gravité?— Je m'oppose au projet de confédération, parce que l'on veut nous faire entrer dans un arrangement financier affreux à envisager, des plus contraires aux intérêts du Canada Voyez donc ce que l'on propose sous ce rapport. il faudra que la confédération paie:
Pour les terres de l'Ile de Terre-
neuve,... $2,500,000
Indemnité au Nouveau-Brunswick, 735,840
Pour le chemin de fer d'Halifax... 20,000,000
Différence sur les dettes des provinces,
Nouvelle-Ecosse... 3,000,000
Terreneuve... 3,000,000
Nouveau-Brunswick... 1,250,000
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Ile du Prince-Edouard... 1,840,000
Pour des fortifications dans les six
provinces... 25,000,000
Pour le chemin du Nord—Ouest... 5,000,000
Pour dépense militaire... 5,000,000
$66,625,840
Ajoutez: dette publique
du Canada... $73,000,000
Autres engagements
non payés du Canada... 5,000,000
Dette de la Nouvelle-
Ecosse... 8,000,000
Dette du Nouveau Bruns-
wick... 7,000,000
Dette de l'Ile du Prince-
Edouard... 244,673
Dette de Terreneuve... 946,000 94,190,673
$160,816,513
Voilà un joli bilan, qui n'est exagéré dans aucun détail, et que nous offre la conté dératien! Tout cela sans compter l'énorme dépense des gouvernements général et locaux. Quelques-unes des sommes ci-dessus ne seraient pas payables de suite, mais elles le seraient pres ne toutes avant cinq ans. Des sommes aussi considérables le seraient de suite, on peut dire, si l'on fait entrer en état de compte les dépenses de la confédération et ses entreprises imprévues. Toutes les provinces ne contenaient que 3,294,056 âmes au dernier recensement. En supposant qu'elles en contiendraient 3,500,000 au moment de l'union, avec les engagements ci-dessus, cela ferait une dette de $45 par tête, homme, femme et enfant, sur laquelle il nous faudrait payer l'intérêt. (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose à la confédération, parce que je ne puis en comprendre l'utilité, ni la nécessité sous le rapport commercial. Des pays qui produisent des productions différentes peuvent gagner considérablement en s'ùnissant. Que produisent les colonies d'en-bas? Ne sont-elles pas sous un climat semblable au nôtre? Ne produisent-elles pas ce des menus grains comme le Bas-Canada? Quel commerce peuvent faire ensemble deux cultivateurs qui ne produiraient que de l'avoine? Ni l'un ni l'autre n'en auraient besoin. Ils pourraient s'entreregarder avec leur avoine sans pouvoir jamais commercer ensemble; il leur faudrait un acheteur, une troisième personne. Nous sommes dans cette position avec les colonies voisines. Irons- nous chercher de la glace dans les colonies inférieures? Je pense qu'il y en a assez en Canada, à Québec surtout, quand l'on n'a pas même assez d'esprit d'entreprise pour en exporter dans les pays chauds. On parle du poisson—mais nous en avons dans nos propres eaux—ct du charbon comme d'une grande affaire.
M. T. C. WALLBRIDGE—Les provinces d'en-bas se sont réservé le droit d'imposer un droit d'exportation sur le charbon.
M. J. B. E. DORION—Mon hon. ami me fait rappeler que nous ne pourrons pas aller chercher de charbon dans ce provinces qui feront partie de la confédération sans leur payer une taxe. N'est-ce pas admirable? Nous allons former un seul peuple, un seul pays, mais il y aura des taxes à payer pour commercer ensemble sur certains objets. (Ecoutez! écoutez!) Je comprendrais les avantages cemmerciaux que nous aurions à gagner si les provinces anglaises étaient situées sous des climats différents, fournissant toute espèce de productions qui seraient échangées librement. Ce qui a fait la prospérité commerciale des Etats-Unis, c'est leur position géographique, leur immense territoire où l'on trouve tous les climats imaginables, depuis le Nord qui produit la glace jusqu'au Sud qui produit les fruits les plus délicats. Un habitant du Maine peut charger un navire de glace, se rendre à la Nouvelle-Orléans et échanger cette glace contre du riz, du sucre, du tabac, etc., qu'il rapportera chez lui sans avoir à payer un son son de droit de douane. C'est cet échange libre continuel de leurs divers produits, depuis le Maine jusqu'à la Californie. qui a placé les Etats-Unis au premier rang des nations commerciales en si peu de temps. (Ecoutez! écoutez!) Que l'on ne nous berce donc pas de chimères à propos des grands avantages commerciaux que nous retirerions d'une confédération des provinces. Nous avons du bois, elles en produisent; nous produisons de la potasse, elles en produisent. Tout ce dont elles auraient besoin consisterait en un peu de farine, et le Haut-Canada peut la leur fournir aujourd'hui sans payer de taxe. Encore une fois, notre commerce avec elles ne peut pas être considérable, parce que la nature s'y oppose. Situées au même degré que nous quant au climat, elles produisent ce que nous produisons, et ce qu'il leur faut, comme ce qu'il nous faut, c'est un marché extérieur pour le surplus des productions. D'ailleurs, les avantages commerciaux peuvent tous s'obtenir par une union commerciale simplement sans union politique. L'Angleterre a bien conclu un traité
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commercial avec les Etats-Unis au moyen duquel nous commerçons librement avec eux sur tous les produits de la terre et des pêcheries. Quelle objection y aurait-il à ce qu'un commerce libre fût établi entre des colonies qui sont toutes soumises à la même autorité? Elles jouiraient alors de tous les avantages qui pourraient en résulter sans entrer dans une union politique dont on ne peut sonder toute la profondeur. (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au projet de confédération, parce qu'au lieu de nous donner de la force pour nous défendre, elle sera une source de faiblesse incalculable. Comment peut-on croire qu'en ajoutant 700 milles à notre grande frontière, cela nous rendra plus fort contre l'ennemi, quand le territoire à ajouter ne contient pas déjà assez d'habitants pour le défendre? Pense-t-on que si nous avions une guerre avec les Américains, ils n'attaqueraient pas les provinces anglaises sur tous les points? Ils attaqueraient Terreneuve, l'Isle du Prince-Edouard, la Nouvelle-Ecosse, le Nouveau-Brunswick aussi bien que les deux Canadas. Un pays sans profondeur comme celui que l'on propose de former ici, n'a pas son pareil sous le soleil. Il serait vulnérable sur tous les points, avec sa frontière de 1600 à 1800 milles. Sa forme géographique ressemblerait à celle d'une anguille. Il serait tout sur la longueur, rien sur la largeur. Rien ne serait plus facile que de le couper en petits bouts, et aucune des parties ainsi tranchées ne pourrait porter secours à l'autre. Plus nous aurons de pays comme les provinces que l'on veut nous adjoindre, plus nous serons faible, plus ils seront une source d'embarras pour nous sous le rapport de la défense militaire. (Ecoutez! écoutez!)—Je m'oppose au projet de confédération, parce que je considère que c'est le produit d'une conspiration contre les droits populaires en Canada, et que l'on espère réussir à lancer le peuple dans une voie funeste à ses véritables intérêts, en faisant briller à ses yeux toutes sortes de prodiges, qui s'accompliraient dans la suite pour la prospérité du pays, s'il voulait seulement accepter la nouvelle forme de gouvernement qu'on veut lui imposer—Je m'oppose au projet de confédération, parce que l'on veut perpétuer, sur une plus grande échelle, un état de choses qui ne convient pas aux populations d'Amérique, quand elles ont atteint l'age de majorité,—état de choses qui n'est évidemment pas fait pour un pays où il n'y a pas de castes, pas de privilégiés, pas d'aristocratic héréditaire, où tous les hommes sont égaux, socialement et politiquement, par la force des circonstances.—Je m'oppose au projet de confédération, parce que je désire que nous soyons aussi libres que possible dans le choix que nous aurons à faire pour le gouvernement futur du Canada, lorsque nous sortirons de l'état colonial. Je dois dire que je ne partage pas les illusions de certaines personnes sur la grandeur des destinées d'un royaume que nous pourrions fonder dès à présent dans l'Amérique du Nord, et que je suis loin de croire que ce serait avantageux pour nous.—Je m'oppose au projet de confédération, parce que je nie à cette chambre le droit de changer la constitution politique du pays, comme on propose de le faire, sans en appeler au peuple, pour le consulter sur un point aussi important. Voilà les principales raisons qui me portent à opposer le projet du gouvernement! Mais ce n'est pas tout: il y a encore beaucoup d'autres considérations à faire. On a ouvert la porte de l'avenir du pays en nous soumettant ce projet, et je veux, moi aussi, essayer d'y pénétrer. J'ai dit que la nouvelle organisation que l'on veut implanter ici ne convient pas à nos ressources, ni à nos besoins. Il semblerait que nous ne pouvons atteindre une limite raisonable en Canada, pour l'administration des affaires publiques. On trouve que notre système n'est pas assez extravagant: on veut lui en substituer un autre qui le sera encore plus. Nos voisins ont établi une politique économique, qui leur est beaucoup plus avantageuse que la nôtre ne le serait aucun pays. Nous payons ici beaucoup plus qu'aux Etats-Unis, quoiqu'ils soient infiniment plus riches que nous ne le sommes. En faisant une liste des salaires des gouverneurs des Etats de l'Union, pour la comparer avec la liste des salaires que nous payons ici, à nos principaux employés publics, en serait surpris de la différence qui existe contre nous. Voici un tableau des salaires des gouverneurs avec la population de chaque Etat:
Etats. Population. Salaires.
1. Maine... 628,276 ...$1500
2. New Hampshire 226,073 ...1000
3. Vermont... 315,098 ...1000
4. Massachusetts... 1,231,066 ...3500
5. Rhode-Island... 174,620 ...1000
6. Connecticut... 460,147 ...1100
7. New-York... 3,880,735 ...4000
8. New-Jersey... 672,035 ...3000
9. Pennsylvanie... 2,906,115 ...4000
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Etats. Population. Salaires.
10. Delaware... 112,216 ...1333.5
11. Maryland... 687,049 ...3600
12. Virginie Ouest... 393,234 ...2000
13. Virginie Est... 1,261,397 ...3000
14. Kentucky... 1,155,684 ...2500
15. Ohio... 2,339,502 ...1800
16. Michigan... 749,113 ...1000
17. Indiana... 1,350,428 ...3000
18. Illinois... 1,711,951 ...1500
19. Missouri... 1,182,012 ...3000
20. Iowa... 674,942 ...2000
21. Wisconsin... 775,881 ...2000
22. Minnesota... 173,855 ...1500
23. Kansas... 107,206 ...2000
24. California... 379,994 ...7000
25. Oregon... 52,465 ...1500
Il y a encore dix autres Etats qui étaient en rébellion au commencement de l'année 1864, date du tableau que je soumets. On verra que le Vermont ne paie que $1,000 par année pour un gouverneur électif. C'est moins que ce que l'on paie ici aux maires de nos grandes villes. L'Etat de New-York, qui est à lui seul plus riche et plus populeux que tout le Canada, ne paie que $4,000 par année à son gouverneur. Je ne comparerai pas ce salaire à celui de notre gouverneur, qui est de $32,000; mais, en le comparant avec celui des juges de seconde classe, l'on verra que ceux-ci reçoivent des salaires plus élevés que le gouverneur de l'Etat de New- York (Ecoutez! écoutez!) L'Etat de l'Ohio, plus riche et plus populeux que le Canada, ne paie que $1800 à son gouverneur. Si les salaires sont comparativement faibles aux Etats-Unis, c'est que l'on y a compris que l'on ouvait obtenir une bonne administration des affaires du pays en pratiquant une sage économie, sans faire un étalage de luxe qui nous ruine ici. L'on pourrait encore faire une petite comparaison entre l'Etat de New-York et le Canada, sous un autre rapport, et c'est celle-ci: l'Etat de New-York possède de magnifiques canaux qui lui ont coûté énormément cher; mais ils se sont payés par leur propres revenus, tandis qu'ici nos canaux, qui nous ont coûté très cher aussi, ne paient pas même l'intérêt de la dette que l'on a contractée pour les construire,—ce qui fait une assez grande différence, L'Etat de New—York; contracté une nouvelle dette pour agrandir ses canaux, après que leurs revenus eurent éteint celle qui avait été contractée pour leur construction; et leurs revenus suffisent non seulement pour payer l'intérêt de cette dette, mais encore pour créer un fonds d' amor tissement qui leurs permettra de la liquider dans cinq ans d'ici. L'année derrière, l'Etat de New-York a reçu de ses canaux la somme de $5,118,501.35, et les dépenses d'administration ont été de $111,503.78; celles des réparations ont été de $659,378. 74, formant en tout, $770,882.52, ce qui laissait un revenu net de $4,347,618.83, toutes les dépenses d'administration et frais d'entretien payés. (Ecoutez! écoutez!) Savez-vous ce qui l'on a fait de ce surplus? On a payé comme suit:
Fonds d'amortissment sous le
1er art. 7,... $1,700,000
Fonds d'amortissment sous le
2 art. 7,... 350,000
Fonds d'amortissment sous le
3 art. 2,... 1,116,242
Au trésor, pour défrayer les dé-
penses de l'Etat,... 200,000
$3,366,242
Laissant une balance de $981,376.17, après avoir fait face à tous les engagements envers le fonds d'amortissement et payé $200,000 au contingent des dépenses du gouvernement de l'Etat. Ici, quand il y a un fonds d'école ou d'amortissement de créé, on le dépense, ou il faut emprunter pour lui faire face. Que l'on compare donc l'administration de nos canaux avec celle des canaux de New-York? Ici, on a aboli les droits sur certains de nos canaux, dans le but de favoriser le commerce, au lieu de percevoir un revenu raisonnable de ces grands travaux! (Ecoutez! écoutez!) La dette totale de l' Etat de New-York, au 30 septembre l863, était comme suit:—
Dette fondée,... $6,595,654.37
Dette du canal,... 23,268,310.25
Total enregistré,... $29,773,964.62
Durant la même année, il a été payé $3,116,242 au fonds d'amortissement, et il restait encore cinq millions et demi en caisse provenant des canaux, de sorte qu'en moins de dix années la dette du canal et la dette particulière de l'Etat seront entièrement éteintes. Pourrons-nous en dire autant de nos propres dettes dans dix ans? (Ecoutez! écoutez!) Je répète donc que le système financier, ches nos voisins, est de beaucoup supérieur au nôtre, et que l'on paie des salaires raisonnables aux employés publics; tandis qu'ici, nous en sommes rendus à l'extravagance. Si je parle de tout cela, c'est parce que je suis opposé au projet et parce 867 que l'on veut créer une monarchie, un nouveau royaume, sur ce continent, et que l'on désire avoir une cour, de la noblesse, un vice-roi et du clinquant, etc. Je suis alarmé de la position que l'on veut nous faire, car de l'extravagance on veut asser à la folie, avec tous ces projets ridicules et absurdes! (Ecoutez! écoutez!) En 1846, lorsque l'Angleterre a abrogé les droits d'importation des grains étrangers sur ses marchés, ou se rappelle quelle crise commerciale nous avons éprouvée. Avant cette époque, nos grains et autres produits étaient protégés sur les marchés anglais, en ce qu'ils y étaient admis sans payer de droits, tandis que ceux de la Mer Noire et des Etats-Unis payaient un droit assez élevé pour constituer une grande protection en faveur des nôtres. Cette politique nouvelle, vis-à-vis des colonies, eut des résultats désastreux pour le commerce du Canada. L'exportation des grains vers l'Angleterre fut complètement arrêtée. Il n'existait plus de ébouché pour ces produits. Pour arriver au marché des Etats-Unis, il fallait payer 20 pour cent. Eh bien! on se rappelle la longue et terrible crise qui a suivi l'abolition de cette protection pour nos reduits, et qui a sévi durant les années 1847, 48 et 49. Dès 1847, il y a en une crise commerciale désastreuse en Canada. Les faillites se succédérent les unes aux autres; la gêne se fit sentir partout. Les choses n'allèrent pas beaucoup mieux en 1848. Il était évident qu'il fallait chercher un nouveau débouché aux produits agricoles du Canada, pour lui assurer une aisance satisfaisante. Le mécontentement se fit jour et les esprits s'agitèrent. On discute, on négocia avec les hommes politiques de l'Angleterre, mais sans obtenir de résultat satisfaisant. On crut donc trouver la solution aux difficultés commerciales du pays, dans un changement politique. De là le mouvement annexioniste de 1849. L'obtention d'un changement politique de ce genre ouvrait de suite au Canada tous les marchés des Etats-Unis, et aurait sans nul doute assuré la prospérité matérielle du pays. Le mouvement annexioniste rencontra des sympathies considérables dans les Etats du Nord de l'Union américaine; mais dans le Sud, en s'en alarma. On redoutait l'influence qu'aurait donné au Nord l'accession d'un territoire aussi considérable que celui des deux Canada d'abord, puis de toutes les provinces anglaises par la suite. Le gouvernement des Etats-Unis se trouvait entre les mains des hommes politiques du Sud. Pour parer au danger qui menaçait son influence, ce gouvernement se montra favorable à une entente commerciale avec celui de l'Angleterre. Tous deux étaient intéressés à un rapprochement commercial, qui ne nous laisserait rien à envier à nos voisins. Dans le parlement canadien, on s'occupa de la question de réciprocité commerciale avec les Etats-Unis. Le gouvernement impérial approuva les démarches du gouvernement canadien, qui tendaient à mettre ses agriculteurs sur un pied d'égalité avec les Américains sur leurs marchés. Le 16 mars 1855, le traité de réciprocité conclu entre les Etats-Unis et l'Angleterre devint en force après avoir été ratifié par le parlement canadien. De longs débats avaient en lieu dans le congrès américain sur cette question, mais l'influence du Sud fit triompher la mesure. Le traité de réciprocité devait exister pendant dix ans, à compter du 16 mars 1855, sans pouvoir être abrogé, mais si l'une ou l'autre des parties contractantes le jugeait à propos après les dix années expirées, elle pouvait exiger l'abrogation du traité en en donnant avis à l'autre un an d'avance. La question du rappel de ce traité a donc été agitée dans le congrès américain, depuis deux ou trois ans, avec assez de chaleur, par ceux qui trouvaient que leurs intérêts étaient lésés. Les adversaires du traité de réciprocité ont réussi dans le congrès pour deux raisons: d'abord, par l'esprit d'indignation soulevé contre le Canada, par une partie de notre presse dans son hostilité envers les Etats du Nord; puis, parce que les Etats rebelles du Sud n'étaient pas représentés dans le gouvernement américain. Le 16 mars prochain, le président devra donc donner cet avis; et le 16 mars 1866, les marchés des Etats-Unis nous seront fermés. (Ecoutez! écoutez) Nous avons vu dans le temps, que le gouvernement américain, qui était alors entre les mains des politiques des Etats du Sud, n'était pas favorable à l'annexion du Canada aux Etats- Unis, parce que ceux-ci craignaient l'influence qu'apporterait deux nouveaux Etats libres dans l'Union, relativement à l'esclavage. Les dix années du traité vont par conséquent finir cette année, le 16 de mars, et grâce à la conduite tenue par une forte partie de la presse du Canada à l'égard du gouvernement des Etats-Unis depuis le commencement de la guerre, qui désole aujourd'hui la république américaine, l'avis 868 de l'abrogation finale de ce traité dans un an va nous être donné. Il aura existé pendant onze ans, et son abrogation sera certainement un grand malheur pour notre pays. On pourra dire que ce traité est aussi avantageux aux Etats-Unis qu'à nous- mêmes, et que son abrogation leur fera autant de tort qu'à nous; mais le tort qu'ils en éprouveront ne guérira pas notre mal et n'empêchera pas que les marchés des Etats- Unis nous seront fermés, et que nous serons ensuite obligés de payer un droit considérable pour y porter nos produits, comme notre avoine, nos chevaux, nes bêtes à cornes, nos moutons, notre laine, notre beurre, etc. Le 16 de mars 1865 sera un jour de deuil pour le Canada; mais le 16 de mars 1866 sera un jour de deuil encore bien plus grand, car il marquera le commencement d'une crise commerciale comme nous n'en aurons peut-être jamais éprouvée et dont les résultats désastreux sont incalculables pour l'avenir du pays. (Ecoutez! écoutez!) Il faut savoir ce qui se passe dans les campagnes, comme je suis à même de le savoir moi-même, par mes relations constantes avec elles, pour comprendre toute l'importance de ce traité pour la prospérité du pays. Toute l'avoine que produit le pays, depuis Trois-Pistoles jusqu'à l'extrémité supérieure de la province, est exportée aux Etats-Unis, où elle trouve un écoulement facile, parce qu'ils en ont besoin. Cette année, on est allé la chercher jusqu'à Trois- Rivières, par le chemin de fer d'Arthabaska. Ce commerce est très considérable aujourd'hui; mais du moment que nous aurons a payer un droit de 25 pour cent sur l'exportation de nos produits aux Etats-Unis, nous aurons une crise commerciale qui bouleversera toutes les affaires du pays. Quand le traité de réciprocité sera abrogé, notre avoine ne se vendra plus que 30 sous ou un chelin, comme autrefois, au lieu de se vendre 40 sous ou deux chelins comme aujourd'hui; et il est parfaitement évident que le cultivateur ne pourra tirer aucun profit de la culture de ce produit, à ce prix. Autrefois, avant le traité de réciprocité, le cultivateur pouvait trouver encore quelque profit en vendant son avoine à ce prix, parce que la vie était moins chère et les impôts moins élevés qu'aujourd'hui; les impôts ne s'élevaieut qu'à 2 1/2 pour cent, et 5 pour cent, au lieu qu'ils sont aujourd'hui de 20 pour cent, et la confédération les augmentera encore plutôt que de les diminuer, comme certains membres de cette chambre l'ont prétendu. (Ecoutez! écoutez!) Je sais parfaitement ce qui se passe dans les campagnes; et quand je pense aux conséquence de l'abrogation du traité de réciprocité, je le répète, M. l'ORATEUR, j'en suis alarmé. Que s'y passe-t-il aujourd'hui? On sait qu'il y a eu de mauvaises récoltes depuis quelques années; l'on sait que celle de l année dernière n'a pas été bonne, non seulement dans le Bas-Canada, mais même dans le Haut-Canada; et depuis le jour de l'an de cette année, la moitié des habitants de la campagne, dans le Bas-Canada, achètent la farine dont ils ont besoin pour vivre. Tout ce qui se dépensera pour la fleur, d'ici à la récolte prochaine, sera autant de capital qui n'aequittera aucune des dettes nombreuses de la population rurale. Ce sera autant de capital qui ne sera pas employé au progrès de l'agriculture, à des améliorations. La commerce s'en ressent déja. Les importations sont restreintes; il est resté beaucoup de marchandises de l'an dernier dans nos villes. Le revenu public en sera considérablement affecté, et le surplus de 1864 va se transformer en un déficit en 1865. Il ne faut pas être prophète pour prévoir cela. (Ecoutez! écoutez!) Je dis donc que nous touchons à une crise commerciale, et ce n'est pas en venant avec un pareil projet, quand il nous faudrait pratiquer la plus stricte économie dans nos dépenses publiques, que l'on pourra éviter cette crise. Il se fait aujourd'hui un grand mouvement de population, dans le Bas- Canada, vers les Etats-Unis, malgré la guerre; c'est-à-dire, que les gens sont obligés de partir pour les Etats-Unis, afin d'y gagner de l'argent pour payer les dettes qu'ils ont été forcés de contracter pour vivre. Les gens ferment leurs maisons dans un grand nombre de nos campagnes et passent aux Etats-Unis; et si l'on veut la preuve de ce fait, que l'on visite Acton,—Acton, dont on a fait une petite ville depuis la découverte des mines de cuivre que l'on y exploite. Eh bien! M. l'ORATEUR, la moitié des maisons d'Acton sont aujourd'hui formées, quand l'année dernière encore ce village présentait tous les signes de la plus grande prospérité. Les gens sont obligés de s'expatrier pour subvenir aux besoins de leurs familles, cette année. (Ecoutez! écoutez!) Je dis donc qu'un mouvement d'expatriation comme celui qui se fait aujourd'hui, dans l'hiver, est alarmant, car lorsque la moitié des habitants des campagnes sont obligés d'acheter leur farine, dès à présent, c'est une preuve qu'ils seront 869 obligés d'en acheter jusqu'à l'automne, après la prochaine récolte; et comme un grand nombre n'ont pas les moyens d'attendre jusque là, ils sont obligés de s'expatrier pour tâcher de subvenir aux besoins de leurs familles, en allant demander de l'ouvrage à nos voisins. (Ecoutez! écoutez!) Ce mouvement se fait sentir chez la population agricole comme chez la population ouvrière, dans les nouveaux cantons comme dans les anciens. Depuis le commencement de la guerre, il est en nombre de Canadiens qui, étant revenus des Etats-Unis pour s'en éloigner, avaient rapporté un petit capital; voyant l'état des affaires du pays, et ayant épuisé ce capital, ils s'en retournent aux Etats-Unis, parce qu'ils préfèrent courir tous les risques du tirage au sort et de la guerre, plutôt que celui de vivre misérablement ici. Je répète done, M. l'ORATEUR, qu'un grand nombre de maisons sont fermées dans les campagnes, dans les nouveaux établissements. Je puis en indiquer par rang et par lot dans les comtés que je représente. Il se fait un travail sourd, mais considérable, des esprits, dans toutes les campagnes situées au sud du St. Laurent, au-dessus de Nicolet et jusqu'à la frontière; et je vais vous expliquer comment. Dans toute cette partie du pays, il y a un grand nombre de jeunes gens qui vont aux Etats-Unis pour chercher de l'emploi. Ces enfants du peuple trouvent un champ plus vaste pour leur esprit d'entreprise. De fait, ils sont obligés de s'éloigner du Bas- Canada pour gagner de l'argent. Une fois fixés aux Etats-Unis, ils correspondent avec leurs parents, qu'ils ont laissés dernière eux. Dans toutes ces correspondances, ils disent comment ils sont bien traités; ils vantent leur position, la condition qu'on leur fait dans les relations sociales qui existent entre eux et les Américains; les bons salaires qu'ils obtiennent et l'état de prospérité qu'ils acquièrent sous peu. Non seulement ils correspondent, mais ils viennent en Canada, dans leurs familles, de temps à autre. Là, M. l'ORATEUR, les communications sont encore plus étendues. On raconte tout ce que l'on a vu, tout ce que l'on a entendu, tout ce que l'on a appris. Sachez-le, M. l'ORATEUR, ces communications, ces relations entre les Canadiens fixés aux Etats et ceux d'ici, font plus, our établir des sympathies favorables aux Américains dans notre pays, que toutes les gazettes du monde ne le pourraient faire. C'est une partie du cœur du peuple transporté à l'étranger, par la force des circonstances. Ces relations leur prouvent que les Américains ne sont pas d'aussi horribles monstres qu'on le leur dit dans certains quartiers, et qu'ils ont des institutions politiques bien supérieures aux nôtres; que chaque homme est l'égal de son voisin, et qu'il possède des droits politiques qu'on ne peut pas lui enlever. Ce travail dont je parle est considérable, et ce ne sont certainement pas des changements comme ceux que l'on propose de faire aujourd'hui, qui peuvent l'arrêter, ni effacer les sentiments de sympathie pour les institutions et le peuple des Etats-Unis, dans l'esprit de ceux qui entretiennent ces relations. (Ecoutez! écoutez!) Je dis que le peuple du Bas-Canada s'alarme du projet de confédération et des changements inconnus que l'on projette. Je ne veux pas dire que ce sentiment existe dans le district de Québec, car l'on me parait dormir sur les deux oreilles dans cet endroit, mais il existe certainement, et à un très haut degré, dans le district de Montréal et jusqu'à Trois- Rivières, des deux côtés du fleuve. Et rien n'est plus de nature à désaffectionner la population envers son gouvernement et l'Angleterre, que cette tentative que l'on fait aujourd'hui de lui imposer une nouvelle constitution sans la consulter; car, il faut bien se le rappeler, nous ne sommes plus dans l'état de société où nous étions en 1812, nous n'avons plus le même ordre d'idées, et l'on se tromperait fort si l'on croyait que le peuple entretient encore les mêmes sentiments qu'alors. (Ecoutez! écoutez!) Je ne veut pas dire que la population soit déloyale. Loin de moi une pareille idée! Elle est aussi loyale que ceux qui l'accusent de déloyauté; mais elle veut juger librement des actes de son gouvernement et de ses intérêts; et il y a une grande différence entre être loyal envers la Grande-Bretagne, et se battre pour un système de gouvernement et un principe qui nous seraient imposés et que l'on n'accepterait qu'à regret. Je dis donc que le peuple est effrayé de la dépense que l'on se propose de faire pour organiser ce qu'on appelle la défense du pays; et il se demande s'il est juste de vouloir le charger du fardeau de cette défense, dans le cas où il surviendrait une guerre entre nos voisins et l'Angleterre— guerre dans laquelle il n'aurait rien à dire pour l'éviter, et dans laquelle aussi tout son rôle se bornerait à contribuer de son sang et de son argent. Il se demande encore s'il ne vaudrait pas mieux rester dans l'état où 870 nous sommes actuellement, s'il ne vaudrait pas mieux rester lus petits, plutôt que de chercher à nous aire grands et à rivaliser avec nos voisins pour nous faire mieux écraser. Il se dit encore qu'une lutte entre nous et les Etats-Unis serait la lutte d'un nain contre un géant; car il n'y a pas un homme, ayant son bon sens, ni dira ne nous pourrions tenir téte aux Etats-Unis. L'on prétendre que, dans le cas d'une guerre avec eux, l'Angleterre nous aiderait. C'est bien; mais pour ceux qui se rappellent la guerre de la Crimée, il est évident que lorsqu'elle nous aura envoyé 30,000 soldats pour nous aider, elle aura fait ce qu'elle aura pu, et qu'il lui faudra encore aller en Espagne, en France, en Allemagne, sur tout le continent d'Europe pour trouver des soldats. Quand nous aurons 1600 milles de frontières à défendre, où en serons-nous avec les 30,000 hommes de troupes anglaises? Cela ne donnerait pas dix-neuf soldats par mille. (Ecoutez! écoutez!) Non; il ne faut pas s'imaginer qu'une guerre avec les Etats- Unis, aujourd'hui, serait une guerre de 1812, et qu'une compagnie de 60 hommes mettrait l'armée américaine en fuite comme au beau temps de Châteauguay. (Ecoutez! écoutez!) Aujourd'hui, l'armée et la marine des Etats Unis sont les plus fortes du monde; et les ressources de ce pays sont inépuisables. En quatre ans, ils ont construit 600 vaisseaux de guerre; et le chiffre de leurs soldats se compte par centaines de milliers d'hommes. Or, la paix viendra à se faire entre le Nord et le Sud, malgré que cela puisse ne pas plaire a ceux de nos hommes politiques qui sont partisans de l'esclavege et qui ont toujours méprisé et ravalé le gouvernement des Etats du Nord, car le Sud ne pourra pas résister longtemps, maintenant qu'il a perdu toutes les villes par lesquelles les secours de l'étranger pouvaient lui arriver. La constitution américaine sortira triomphante de l'épreuve qu'elle subit actuellement; elle sortira épurée et plus forte que jamais dans le cœur des populations qui lui sont soumises. Ce n'est pas contre la forme du gouvernement républicain que l'on s'est rebellé aux Etats-Unis, puisque les Etats en rébellion ont adopté absolument le même système en déclarant leur indépendance. Ils ont un président, un sénat, des représentants, un gouvernement et une législature locale pour chaque Etat, tout comme dans la république américaine. (Ecoutez! écoutez!) Quand la paix sera faite entre le Nord et le Sud, pourons- nous résister aux forces réunies des deux sections des Etats Américains? Pourrions- nous résister à leurs vaisseaux de guerre, qui couvriraient la mer et les lacs; et à leurs canons qui lancent des boulets de plusieurs centaines de livres a huit et dix milles de distance, d'un bout d'une paroisse à l'autre? L'Etat de New-York, avec ses 4,000,000 d'âmes, peut fournir plus de soldats que toutes les colonies anglaises réunies ensemble; et il resterait encore trente- quatre Etats, riches et populeux, pour lui aider dans le cas d'une guerre. (Ecoutez! écoutez!) Non, il ne faut pas s'imaginer qu'une guerre aujourd'hui serait une guerre de 1812; et le peuple le comprend parfaitement. Si l'on impose au peuple une confédération comme celle que l'on propose actuellement, sans le consulter et même malgré lui; s'il est obligé de supporter un fardeau beaucoup plus lourd que celui qu'il porte à présent; et si le trait de réciprocité n'est pas continué, qu'il s'en suive une crise commerciale, et que la guerre éclate entre l'Angleterre et les Etats-Unis, il ne faut pas s'imaginer que le peuple se battra comme il s'est battu en 1812, quand vous l'aurez mécontenté et que vous aurez rendu sa position plus difficile qu'elle ne l'est. Vous enrégimenterez la population, elle ne se rébellera pas, car elle est loyale et soumise, mais son cœur ne sera sa dans la bataille; elle ne se battra certainement pas avec le courage qu'elle déploierait si elle défendait un état de choses et une constitution de son choix. Elle ne se battra pas avec le courage qu'ont montré les rebelles du Sud, car eux se battaient our défendre des institutions, mauvaises est vrai, mais auxquelles ils sont attachés et qu'ils veulent conserver. (Ecoutez! écoutez!) Dans le cas d'une guerre avec les Etats-Unis, et sous la confédération, le peuple serait appelé à se battre pour défendre un état de choses qu'il trouverait mauvais, une constitution qui lui aurait été imposée et à laquelle il ne serait as attaché, une constitution a laquelle aussi il ne porterait aucun intérêt! Peut-être le ferait-il pour une querelle qui aurait pris son origine en Chine! Il serait appelé à se battre contre des gens qu'il considèrerait, non pas comme des ennemis, mais comme des amis, avec lesquels il entretient des relations de tous les jours; et, je le répète, il ne saurait se battre comme il l'a fait dans la dernière guerre. (Ecoutez! écoutez!) Mais j'en 871 reviens au traité de réciprocité, et je dis que nous en sentirens toute l'importance lorsqu'il aura été abrogé. Il est comme un pont jeté sur une rivière, entre deux paroisses: tant que le pont existe, chacun s'en sert sans trop se rendre compte de son utilité; mais s'il vient a être détruit, alors on s'aperçoit de tous ses avantages et on le regrette quand on est obligé de recourir à l'ancien mode des bacs ou des canots pour traverser la rivière. (Ecoutez! écoutez!) Et si le traité de réciprocité est abrogé; on le devra it plusieurs des hon. ministres de l'autre côté de la chambre, aux journaux qui les supportent et qu'ils supportent en retour; en le devra aux hommes politiques et aux journaux tories du Canada, qui n'ont cessé, depuis le commencement de a guerre américaine, de faire tout en leur pouvoir pour irriter nos voisins et nous brouiller avec eux, par des sympathies mal placées. (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, M. l'ORATEUR, je sais que le peuple ne demande pas l'annexion du Canada aux Etats-Unis, parce qu'il est satisfait et en paix dans l'état de choses actuel; le peuple ne demande aucun changement; mais si l'on veut établir un nouvel ordre de choses, si l'on veut créer une nouvelle nationalité, je pense que nous devons avoir le droit de dire ce qui nous convient; et si l'on veut établir un nouveau royaume sur ce continent, nous devons avoir le droit d'examiner ce qu'il sera et sur quelles bases il sera assis. Je dis que ce serait un malheur pour nous, si nous cherchions à établir un état de choses fondé sur un principe politique contraire à celui des Etats-Unis,—sur un principe monarchique. Si nous voulons inaugurer une politique, que ce n'en soit pas une d'ombrage, de défiance et de provocation! Que se soit plutôt une politique de conciliation et de paix; que ce ne soit pas une politique d'armée, de murailles et de fortifications inutiles, une politique de ruine et de désolation! Que nous serviraient toutes ces fortifications, toutes ces murailles, si elles devaient avoir pour effet de nous imposer des charges insupportables, de rétrécir notre commerce, de paralyser notre industrie, de nous enfermer ans nos limites étroites, avec des produits considérables, sans avoir de marchés profitables pour en disposer avantageusement? (Ecoutez!) Pensez-vous que le peuple s'occuperait beaucoup alors de savoir si le drapeau qui flotterait sur sa tête serait barré en croix ou sur le long? Le peuple est content de rester tel qu'il est; il ne désire rien de mieux actuellement, mais si vous voulez changer ses relations politiques, il a le droit d'examiner votre proposition sur toutes ses faces. Il a le droit de se demander si ce qu'on lui propose ne serait pas la guerre en permanence pour lui et ses enfants. (Ecoutez! écoutez!) La constitution des Etats-Unis est certainement bien supérieure à celle que l'on nous propose, et convient bien mieux à nos habitudes et à notre état de société. Ce projet de confédération, ce projet de monarchie indépendante ne peut nous conduire qu'à l'extravaganee, à la ruine et à l'anarchie? On aura beau dire, on aura beau crier contre le système démocratique et vanter le système monarchique, le peuple saura toujours apprécier leur valeur et saura toujours reconnaitre celui qui lui conviendra le mieux. Et quand les habitants du Haut- Canada seront obligés de vendre leur blé, une fois rendu à Montréal, dix sens par minet moins cher qu'ils ne le vendent aujourd'hui chez eux, par suite de l'abrogation du traité de réciprocité, on entendra un cri général s'élever de toutes les parties du Haut-Canada, aussi bien que du Bas- Canada, pour demander un changement de position autre que la confédération. Et à ce sujet, voici ce que disait un homme qui, il n'y a que quelques mors encore, étant sur les banquettes ministénelles— je veux parler de l'hon. M. BUCHANAN. Il dit que:
"La continuation du traité de réciprocité avec les Etats-Unis est non seulement favorable aux cultivateurs du Canada et a toutes les autres classes, par leur entremise, mais aussi au gouvernement anglais; car, sans l'existence de ce traité, les Canadiens se trouvent placés dans une position à être grandement avantagés, sous le rapport industriel et commercial, par l'annexion du Canada aux Etats-Unis, a moins que d'autres arrangements industriels ou intercoloniaux n'aient lieu.
"L'annexion est de beaucoup préférable, industriellement parlant, à notre 'commerce libre dans les produits bruts' qui n'est pas accompagné de la protection à l'industrie indigène."
Ce sont ceux qui disent la vérité au peuple et au gouvernement dans une crise comme celle-ci, qui sont réellement les hommes les plus loyaux, ajoute M. BUCHANAN, et il a raison; c'est pourquoi je me permets de parler aussi franchement que je le fais et de dire la vérité sur le peuple. (Ecoutez! écoutez!) Mais, dira-t-on, l'annexion serait un suicide national, et e peuple n'on voudra jamais: regardes donc 872 la Louisiane, qui s'est perdue dans l'Union Américaine! A cela le peuple du Bas- Canada répondra que la Louisiane ne contenait que 30,000 blancs quand elle a été vendue aux Etats-Unis pour $14,000,000, et que le Bas-Canada compte plus de 1,000,000 d'habitants; que, par conséquent, on ne peut comparer la position que la Louisiane occupait alors avec celle que nous occupons aujourd'hui. Et ces 30,000 blancs de la Louisiane n'étaient pas tous Français, car pendant trente-huit ans, avant 1800, la Louisiane avait appartenu aux Espagnols. Personne ne peut nier cela. C'est en 1803 qu'elle a été cédée par la France aux Etats- Unis; cependant, sa population française n'a pas été engloutie et elle n'est pas disparue. Ecoutez! écoutez!) Depuis sa cession aux Etats-Unis, la Louisiane s'est toujours gouvernée elle-même, comme elle l'a voulu et comme elle l'a entendu. Il est vrai que l'usage officiel de la langue française a été aboli dans sa législature; mais pourquoi et par qui? Il a été aboli par les Louisianais eux-mêmes, pour marquer leur mécontentement de ce que la France les avait ainsi vendus. Mais malgré cela, et malgré la grande accession de la population étrangère, l'ancienne population est restée française; les lois sont publiées en français, les juges parlent français, les plaidoyers se font en français devant les tribunaux, des journaux nombreux sont publiés en français; en un mot, elle est restée aussi française que sous la domination française. (Ecoutez! écoutez!) A ceux qui diront au peuple que l'annexion le ferait disparaître comme peuple. annéantirait sa nationalité et sa religion, il répondra qu'il ne sera pas transporté comme les Acadiens l'ont été de l'ancienne Acadie, et que le Bas-Canada serait aussi indépendant que tous les autres Etats de l'Union; que, par conséquent, il règlerait ses affaires et protégerait ses intérêts comme il l'entendrait, sans crainte d'intervention de la part du gouvernement général ou des autres Etats; car il posséderait, comme tous les Etats, la souveraineté pleine et entière pour toutes les affaires qu le concerneraient spécialement. Il n'aurait à se soumettre aux décrets du gouvernement fédéral que dans les mesures d'intérêt général, comme les postes, le tarif, les relations étrangères, la défense contre les ennemis, etc., etc. Quant aux matières d'intérêt local, il serait parfaitement souverain chez lui, et il pourrait faire toutes les lois qui lui conviendraient, pourvu qu'elles ne fussent pas hostiles aux autres Etats. Ainsi, relativement à la question du divorce, il pourrait législater pour empêcher que le divorce n'ait lieu dans ses limites. Aujourd'hui, il y a des Etats qui eut des lois de divorce, tandis que d'autres n'en ont pas; le divorce n'est pas permis partout. (Ecoutez! écoutez!) De même pour la milice, le peuple vous dira qu'il pourrait faire comme le Vermont, qui fait partie de l'Union Américaine depuis sa fondation, et qui n'a jamais adopté de loi de milice avant janvier 1864, area que l'organisation politique des Etats-Unis n'a jamais mis le peuple américain dans la nécessité de maintenir des armées dans chaque Etat, en temps de paix, et que chaque Etat est parfaitemement libre sous le rapport de l'organisation de sa milice, pourvu qu'il fournisse le nombre de soldats assigné à sa population en temps de guerre. (Ecoutez! écoutez!) On ne se ruine pas en temps de paix pour organiser de la milice. Un grand obstacle au progrès politique de notre pays, se trouve dans le grand nombre de ceux qui nous arrivent chaque année des Iles Britanniques. Ils sont ici en personne, mais leurs esprits voyagent sur la mer, entre les deux hémisphères, et ils agissent comme s'ils étaient en Angleterre, en Ecosse ou en Irlande, sans considérer notre position, nos relations sociales et politiques; et ils croient qu'il suffit de crier " loyauté! loyauté!" pour que le peuple courre aux armes. Mais je dis encore une fois que si l'on impose au pays un changement comme celui que l'on propose, le peuple des campagnes sera hostile à ceux qui le lui auront imposé, et ne se battra pas pour défendre une constitution de cette nature, comme il se battrait pour la défense d'un principe qu'il approuverait et d'un état politique dont il serait satisfait. (Ecoutez!) Je ne veux plus ajouter qu'un mot sur ce sujet, et c'est celui-ci: On aura beau crier que la dette des Etats-Unis est énorme, cela n'effraiera pas le peuple, parce que, malgré la guerre entre le Nord et le Sud, cette dette, si l'on considère les richesses et les ressources des Etats-Unis, ne sera pas aussi horrible à envisager qu'on voudrait le faire croire. En janvier dernier, il est entré $31,000,000 au trésor des Etats-Unis, un million par jour; et malgré cela, malgré les impôts considérables que paie le peuple Américain, et qu'il paie volontiers, la prospérité commerciale est beaucoup plus grande 873 qu'ici, ainsi que ceux qui y vont maintenant peuvent le remarquer. Au premier décembre dernier, à la fin de l'année fiscale, la dette des Etats-Unis était de $1,740,690,480. Avec une population de 32,000,000, cela ne leur fait pas $56.00 par tête. J 'ai déjà fait voir qu'avec la confédération nous devrions $40.00 par tête en Canada. En comparant nos ressources avec celles de l'Union Américaine, nous nous trouverions beaucoup plus endettés qu'elle ne l'était lors du dernier l'apport annuel de la trésorerie. Il leur est plus facile de percevoir deux piastres qu'à nous d'en percevoir une seule. Mais avec leurs immenses ressources, leur commerce illimité, leur industrie toujours progressante, si la guerre se terminait demain, les Etats- Unis effaceraient leur dette en quelques années, si le gouvernement continuait à faire payer les mêmes impôts qu'il perçoit aujourd'hui. Un million de revenu par jour, $365,000,000 par année, $3,650,000,000 dans dix ans! Deux fois plus que la dette nationale au commencement de l'année, malgré la terrible guerre de quatre ans! Si le gouvernement diminuait les impôts actuels de moitié, la dette se trouverait éteinte en dix ans, tandis que dans dix ans, la nôtre, qui est déjà proportionnellement considérable, aura doublé, si même elle n'a pas augmenté dans une proportion encore plus considérable, ce qui pourrait fort bien arriver au train dont on y va. (Ecoutez! écoutez!) Encore une fois, je ne demande pas l'annexion du Canada aux Etats-Unis, et le peu le ne la demande pas; mais je dis que des changements comme ceux que l'on propose de faire dans notre condition sociale et politique, sont le plus sûr moyen de l'amener, parce qu'ils sont de nature à susciter des mécontentements considérables, des conflits continuels entre nous et nos voisins; et le peuple, loin d'être satisfait de cela, ne sera pas beaucoup disposé à défendre un pareil état de choses. J'attire, en terminant, l'attention des membres sur le fait que la proposition de changer notre constitution est faite sans ne le gouvernement veuille donner de détails ni aucune explication sur les changements projetés; et qu'il est de leur devoir de ne pas les voter ainsi à l'aveugle. Quant à ce que j'ai dit, je ne l'ai dit qu'après avoir bien pesé la portée de mes paroles; et je suis prêt à un subir toutes les conséquences. Je puis me permettre de parler avec la franchise que j'ai apportée dans mon discours, parce que je ne repré sente pas ici mes intérêts personnels ni aucun intérêt individuel. J 'ai parlé comme on le ferait dans toutes les campagnes de la rive sud du St. Laurent, si l'on y exposait franchement les choses telles qu elles sont et les conséquences des changements violents que l'on veut apporter dans notre existence politique. (Applaudissements.)
M. DENIS— M. l'ORATEUR:—Depuis quelques jours nous entendons prononcer des discours très extraordinaires par les hon. députés de l'opposition qui siégent de l'autre côté de la chambre. Ces hon. messieurs ont pris en mains les intérêts du pays, et ils veulent les sauver par des discours comme vient d'en prononcer l'hon. député de Drummond et Arthabaska (M. J. B. E. DORION.)
L'HON. M. HOLTON—Ne l'écrasez pas! (Rires.)
M. DENIS—Je ne veux écraser personne, mais je dois dire en toute conscience ce que je pense du discours extraordinaire qu'il vient de prononcer. Les hon. membres de l'opposition, depuis que cette discussion est commencée, ne font qu'une chose,—et c'est un appel constant aux préjugés d'une classe quis a l'habitude de s'en rapporter, pour la protection de ses intérêts, à ceux qui la représentent en chambre; et, afin de leur enlever sa confiance, ils travaillent en secret et dans l'ombre pour surprendre les signatures des gens confiants, et pour prendre aussi les membres de cette chambre par surprise, au moyen de pétitions qu'ils font circuler dans le pays. (Ecoutez! écoutez!) Heureusement que jusqu'à présent ils n'ont guère réussi dans leurs tentatives, et qu'ils n'ont rien fait qui pût nous nuire. Ces messieurs crient bien fortement contre les résolutions proposées par le gouvernement; mais si elles sont aussi mauvaises qu'ils le disent, pourquoi ne viennent-ils pas offrir un remède aux maux et aux difficultés dont souffre le pays, au lieu de se contenter de crier et de faire du tapage? Mais non l ils suivent toujours le même système: beaucoup de bruit, mais peu de besogne. (Ecoutez! écoutez!) L'opposition n'a toujours eu qu'un seul but, et ce but n'était pas d'opérer le bien du pays, mais celui d'arriver au pouvoir. Elle a toujours agi dans ce sens, et quand elle y est arrivé une fois par accident, elle a fait pis que ses devanciers n'avaient fait, et contre lesquels elle avait tant crié. On veut, à l'aide de préjugés de toutes sortes que l'on cherche à soulever contre cette mesure, 874 effrayer le peuple comme on l'a fait sur la question de la milice; et à l'aide de petites machines et de petits projets, on veut travailler à faire remonter au pouvoir l'hon. député d'Hochelaga (M. A. A. DORION); mais toutes ces petites ruses ne réussiront pas. Certes, on ne refusera pas à l'hon. député de Drummond et Arthabaska en particulier de savoir travailler le peuple, ou plutôt de savoir le troubler, lorsqu'il se repose sur l'intégrité des hommes qui le représentant en cette chambre. Ainsi, il disait à propos du bill de milice proposé par le gouvernement CARTIER—MACDONALD, que c'était une mesure qui devait imposer à chaque habitant une taxe de $20 par tête, et aujourd'hui il dit que la confédération lui en imposera une de $40 par tête. Mais ces deux assertions se valent—et ne valent pas grand'chose. Comment l'hon. député peut-il parler de cette manière, puisqu'il ne connait pas les détails de la mesure, c'est-à-dire les mesures qui devront suivre celle-ci? Il ne peut donc parler que par hypothèse et par supposition, et ses en positions sont fausses et n'ont aucun fondement. Il dit, par exemple, que le gouvernement, en proposant la confédération, veut établir une monarchie en Amérique, et créer des princes, des vice-rois, une aristocratie, et faire l'hon. procureur- général (M. CARTIER) gouverneur du Bas- Canada. Mais ce sont là des idées qui ne peuvent entrer ue dans la tête des hommes qui sont incapables de gouverner eux-mêmes, et qui ne peuvent faire que de l'agitation. En effet, ils ne cherchent qu'a faire de l'agitation, à créer du trouble et du mécontentement dans le pays, au sujet de la grande question sur laque le l'on discute depuis des mois. C'est pour cela que l'on fait signer des petites requêtes dans les concessions, en disant aux femmes: " Signez, si vous ne voulez pas perdre votre mari, qui sera enrôlé pour la confédération; signez, si vous ne voulez pas que vos enfants perdent leur religion!" (Ecoutez! et rires.) C'est par de semblables moyens qu'ils obtiennent de petits avantages. Je viens d'apprendre que ces hon. membres, qui disent depuis si longtemps que le clergé ne doit pas se mêler de politique, cherchent maintenant à enrôler le clergé dans leur camp contre la confédération, en criant bien haut que la religion est en danger. Mais le clergé saura les apprécier et les laissera dire. Quand je vois ces messieurs de l'opposition prétendre que le clergé est avec eux, parce que deux prêtres ont écrit dans les journaux contre la confédération, réellement cela me fait rire. Aujourd'hui, ils prétendent être les sauveurs de la religion et du clergé; ils l'aiment et le respectent; mais ils ne parlaient pas ainsi quand ils insultaient la religion et le clergé dans leurs journaux, quand ils disaient, dans leur Institut-Canadien, qu'il devrait être défendu aux prêtres de parler politique et de voter aux élections. Qu'ils se rappellent cette fameuse parodie d'excommunication publiée par le Pays, qui n'avait jamais existé que dans l'esprit étroit et diabolique qui inspire le Siècle. Mais aujourd'hui, tout cela est passé, et ils viennent nous dire: " Abandonnez vos chefs—ces traitres qui veut vendre le pays, trahir la religion et traîner la nationalité dans la boue—et suivez nous! " (Rires à gauche.) Vous souriez, parce que vous savez bien que toutes ces belles protestations que vous faites en faveur de la religion, du clergé et de la nationalité, ne sont qu'une comédie de votre part. (Ecoutez! écoutez!) Aussi, le peuple ne vous croire pas et restera fidèle à ses chefs et à ceux qui l'ont toujours si bien servi. Les hommes du pouvoir ont le peuple de leur côté, et ils ont aussi pour eux l'autorité ecclésiastique, dont vous vous servez comme d'un masque contre la confédération. Tous vos efforts, tout votre travail, ne réussiront pas à ébranler la confiance du peuple dans ses représentants. Vous parlez d'assemblées publiques, d'opinion du peuple, de pétitions, etc. Mais pourquoi n'avez-vous pas fait ces assemblées lorsque les membres étaient chez eux, dans leurs comtés, lors- qu'ils pouvaient vous rencontrer? Vous avez attendu lâchement qu'ils fussent rendus ici, et vous vous serves d'agents politiques pour faire ces assemblées, comptant sur un triomphe facile. Nous savons parfaitement—nous en avons la preuve—qu'il y a des agents bien payés par un comité politique de Montréal, et qui sont envoyés dans toutes les paroisses pour faire des assemblées contre la confédération, où ils donnent les raisons les plus opposées et les plus contradictoires, suivant les besoins du moment, pour parvenir à leur but, qui est de faire prononcer le peuple contre le projet, et de faire signer des requêtes, On a vu des enfants signer ces requêtes, et même des enfants à la mamelle, comme l'a prouvé l'autre jour l'hon. député de Boucherville. (Ecoutez! et rires.) Et si l'on a vu cela, ces agents ont en faire quelque chose de pis que nous ne connaissons pas, pour préjuger 875 le peuple contre le projet du gouvernement. Eh bien! je dis que quand on voit tout cela, quand on voit toutes ces menées et toutes ces hypocrisies de l'opposition, tous les Canadiens doivent s'entendre pour appuyer une mesure juste, franche et sincère, comme celle qui nous est aujourd'hui proposée. N'a-t-il pas été dit, longtemps avant la réunion de la chambre, que la question devait recevoir une considération juste et froide? Et cependant, depuis que la discussion est commencée, nous n'avons entendu que des appels aux préjugés faits par les adversaires de la mesure, au lieu de l'entendre discuter sur ses mérites, comme ils devaient le faire. L'hon. député de Richelieu (M. PERRAULT) est un de ceux qui ont le plus fait de ces appels aux réjugés nationaux et religieux, et dans ce but il a cité des faits passés depuis longtemps, des faits de l'histoire ancienne. Ces site, je les connais, mais je n'aime pas qu'on vienne les rapporter, comme il l'a fait, dans une assemblée comme celle-ci: cela n'est ni politique ni juste. Notre devoir ici est de faire des lois pour le bien et la prospérité du pays et de toutes les classes de la population, et non pas de chercher à exciter les préjugés et les haines d'une partie dela population contre l'autre. (Ecoutez! écoutez!) Ensuite, quel est le résumé du discours que vient de prononcer l'hon. député de Drummond et Arthabaska (M. J. . E. DORION),—à qui l'on ne peut certes pas refuser des talents oratoires et autres? Il se résume en une comparaison faite entre notre gouvernement et celui des Etats-Unis,—et nécessairement il donne la préférence à ce dernier. L'hon. député à toujours un œil tourné vers Washington: (Ecoutez! écoutez!) Il devrait nous dire franchement de suite qu'il désire l'annexion du Canada aux Etats-Unis, parce que le gouvernement américain est un gouvernement extraordinaire, un gouvernement modèle, un gouvernement qui n'a pas d'égal dans le monde, si l'on en croit l'hon. député. Mais non! Au lieu de nous dire franchement toute sa pensée, il fait des insinuations et des comparaisons entre les dépenses occasionnées par les deux formes de gouvernement, afin de laisser quelque chose dans l'esprit du peuple. (Ecoutez! écoutez!) Un autre membre de cette chambre, qui n'a pourtant pas l'habitude de faire appel aux préjugés religieux ou nationaux du peuple, l'hon. député de Bagée (M. LAFRAMBOISE,) a cru de son devoir, ce soir, de mêler sa voix au concert de l'opposition à ce sujet. Il nous a cité un fait qui vient d'avoir lieu à Toronto, et que tout le monde regrette, pour s'en faire un argument contre le projet de confédération soumis par le gouvernement. Pourquoi venir jeter ce fait dans la discussion d'une grande question et dans un moment aussi solennel? Je dois dire que cela n'est guère honorable pour un ex- ministre de la couronne, de venir nous dire: " Voici deux sœurs de Charité qui ont été insultées dans les rues de Toronto: ergo, il n'y aura plus de sœurs sous la confédération, et le clergé va être persécuté et la religion anéantie." Mais ce langage est trop tardif; ces protestations de dévouement à la religion et au clergé viennent trop tard, pour être crues par le peuple du Bas-Canada et faire impression sur lui. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Richelieu (M. PERRAULT) a aussi lancé des insinuations contre l'hon. président du conseil (M. BROWN), et a dit qu'il était toujours aussi fanatique qu'autrefois contre notre clergé et notre religion. Certainement, le président du conseil a eu tort de parler comme il l'a fait autrefois, lorsqu'il était dans les rangs de l'opposition; mais combien les rouges n'avaient-ils pas lus tort de le supporter alors? Les membres de l'opposition nous reprochent aujourd'hui de supporter le président du conseil et nous blâment pour des choses que nous n'avons faites. Nous, nous blâmions le président il conseil parce qu'il attaquait notre clergé et qu'il insultait aux choses que nous respectons le plus; nous le combattious de toutes nos forces; mais, pendant ce terme, l'opposition le supportait et approuvait tout ce qu'il disait. Le peuple sait cela parfaitement,—il connait et apprécie la différence qui existe entre nos motifs et les vôtres dans l'appui que nous donnons au député de South Oxford, et vous ne le tromperes pas. Le peuple vous dira: " Faites vos preuves, et si vous valu mieux que ceux que vous attaques et combattu, nous vous accepterons." Quel crime l'opposition nous reproche- t-elle aujourd'hui? Après des luttes nombreuses et acharnées, et deux élections générales, il était devenu impossible à aucun parti de gouverner le pays. Le peuple était fatigué de tout cela et voulait que ça change. C'est alors qu'une coalition eut lieu entre les " deux partis qui formaient la majorité dans chaque section de la province. L'opposition ne devrait pas blâmer cette alliance, mais au contraire elle devrait continuer à donner son appui t l'hon. député de South Oxford (M. 876 BROWN), puisqu'il s'allie à l'hon. procureur- général du Bas-Canada pour trouver les moyens de faire fonctionner le gouvernement et de faire disparaître les difficultés dans lesquelles nous sommes placés. On a dit que les délégués à la conférence de Québec n'étaient pas autorisés à préparer un plan comme celui qui nous est soumis; mais peut-on nier le droit du gouvernement de le faire? Les ministres ont préparé un plan qu'ils nous soumettent, et la question n'est pas de savoir s'ils étaient ou non autorisés à le préparer, mais si ce plan est bon, s'il mérite l'approbation du peuple, et s'il est dans l'intérêt des provinces. C'est à nous de le dire, et c'est tout ce que nous avons à dire; mais il n'est pas juste de reprocher aux membres du gouvernement, qui ont pris sur eux de faire leur devoir dans le but de tirer le pays de ses difficultés,—il n'est pas juste de leur reprocher d'avoir travaillé jour et nuit à cela, et de leur dire qu'ils n'avaient pas le droit de faire ce qu'ils ont fait.—Nous avions le droit de nous attendre à une discussion sérieuse du plan du gouvernement; mais non, nous n'avons eu rien de cela, nous n'avons eu que des attaques personnelles, des appels aux préjugés, et un travail extérieur et sourd contre le projet. Ainsi, l'on fait des suppositions et des insinuations contre celui-ci et contre celui-là. On suppose à l'hon. procureur-général du Bas-Canada le désir de devenir gouverneur, à un autre l'on attribue le désir de devenir juge d'une cour fédérale, et à chaque membre de cette chambre favorable au plan du gouvernement le désir de gagner de l'argent, ou des places, ou des encours, pour trahir et vendre la cause du peuple. Cela n'est certainement pas juste, et toutes ces suppositions ne sont fondées sur rien du tout. Ceux qui les font ne peuvent appuyer leurs assertions d'aucune preuve, et, par conséquent, ils feraient bien mieux de s'en tenir à la discussion calme et raisonnée de la mesure. (Ecoutez! écoutez!) D'autres membres se sont servis pour combattre le plan du gouvernement et le discréditer aux yeux du peuple, du nom d'un homme honorable qui vit aujourd'hui retiré dans la vie privée. L'hon. député de Bagot (M. LAFRAMBOISE) nous a dit que M. C. S. CHERRIER, de Montréal, était fortement contre le projet de confédération, et que son opinion devait avoir un grand poids parce que c'est un homme dévot. Mais, je vous le demande un peu, M. l'ORATEUR, qu'est-ce que la dévotion a à faire dans une discussion comme celle-ci? Je dois dire que j'ai été peiné d'entendre un pareil langage de la part de l'hon. député de Bagot, car il n'a pas l'habitude de se servir d'arguments comme celui-là. Il est vraiment étonnant de voir le parti qui voulait reléguer les prêtres dans la sacristie et leur défendre toute opinion politique, se servir de la dévotion de M. CHERRIER comme d'une arme pour combattre la confédération. (Ecoutez! écoutez!) Mais d'où vient donc la grande agitation que fait l'hon. député d'Hochelaga (M. A. A. DORION) dans la chambre et dans le pays, depuis que le parti conservateur est allié au président du conseil? Ne se souvient-il pas qu'il a toujours vécu du souffle de cet hon. membre tant qu'ils ont marché ensemble, et quel crime voit-il à ce que d'autres marchent avec lui? Ne se souvient-il pas que son gouvernement, que le gouvernement de l'hon. député de Cornwall (M. J. S. MACDONALD), ne vivait que de sa volonté, — que le président du conseil le flagellait au moindre écart, et que quand il menaçait tout rentrait dans l'ordre? Aujourd'hui vous parlez des grandes dépenses de la province; mais ce ministère dont vous faisiez partie, et qui promettait monts et merveilles au pays, qu'a-t-il fait? On le sait, et ce n'est pas à vous à parler de dépenses extravagantes. On crie: " $40 par tête! " On ne dit pas, il est vrai, que si la melasse est si chère, c'est la faute à CARTIER et à J. A. MACDONALD, (rires), mais on crie partout qu'ils veulent ruiner le peuple, augmenter les taxes et contracter de nouvelles dettes à n'en jamais sortir. Pourtant, les hon. messieurs de l'autre côté ont été au pouvoir, et malgré toutes les déclamations qu'ils faisaient contre l'énormité des impôts et l'extravagance des dépenses, ils ont bien été obligés de respecter les droits de douane et de mettre le gouvernement responsable en opération; ils ont bien été obligés de rengaîner leurs discours d'autrefois en entrant dans le giron du gouvernement! Mais ils n'y ont pas été asser longtemps pour se corriger tout-à-fait, et aujourd'hui qu'ils ont perdu le pouvoir, en les voit recommencer leurs criailleries. L'on voit les hon. députés de Chateauguay et d'Hochelaga, qui autrefois avaient aussi leur plan de confédération, combattre le plan du gouvernement parce qu'il n'est pas proposé par eux, et s'opposer à toute mesure de défense du pays. Ces messieurs disaient par la voie de leur organe, 877 le Pays, que si l'Angleterre veut garder le Canada, qu'elle paie pour sa défense. Aujourd'hui, on ne le dit pas aussi ouvertement, mais on vante les richesses des Etats-Unis; on fait valoir le nombre de leurs canons, de leurs flottes et de leurs armées, pour faire voir qu'il est inutile pour nous de chercher a nous défendre en cas d'attaque, et pour porter le peuple à tirer la censé uence qu'il vaut mieux pour nous ne rien de dépenser pour organiser notre défense. Quand le gouvernement CARTIER- MACDONALD a été renversé sur une question de loyauté envers le gouvernement impérial, toute l'opposition a voté contre le principe de l'organisation de la milice pour notre défense. Alors, les chefs de l'opposition ont voté sans scrupule contre la milice; mais deux ou trois jours après, lorsqu'ils eurent remplacé ceux qu'ils venaient de renverser, ils votaient aussi sans scrupule et sans hésitation $300,000 pour organiser la milice. Ils nommèrent des instructeurs par tout le pays, parce qu'ils avaient appris qu'il fallait faire uelque chose pour le gouvernement impérial, comme sujets britanniques. Aujourd'hui, ils agissent encore çomme ils agisssaient alors, et veulent encore jouer double. Ils ne veulent pas de confédération, mais ils admettent qu'il faut un remèdc aux difficultés sectionnelles, dont personne ne peut nier l'existence. Cependant, ils ne veulent pas nous dire quel remède ils proposent a ces difficultés; ils veulent le garder pour eux-mêmes etlo tenir au fond de leur esprit, comme ils l'ont fait pour ce fameux budget de l'hon. député de Chateauguay, qui evait nous faire sortir de nos difficultés financières, lorsqu'il était ministre des finances, mais qui n'a jamais vu le jour. Dix-huit mois n'ont pas suffi pour faire sortir l'enfant! (Ecoutez! et rires.) Si le gouvernement ne réussit pas à faire accepter son plan par toutes les provinces, au moins il aura tenu en parole et gardé la foi due à un traité solennellement conclu entre les différentes provinces de l'Amérique Britannique du Nord. L'hon. député de Chateauguay (M. HOLTON) nous a dit qu'il avait reçu une dépêche télégraphique dans laquelle on l'informait positivement que le peuple des provinces d'en-bas ne veut pas de la confédération, et qu'il s'est prononcé contre dans le Nouveau-Brunswick. Mais qu'est-ce que cela veut dire? Devons-nous pour cela rejeter aussi le projet du gouvernement? Est-ce que nous ne sommes pas liés à ce projet par la parole de nos ministres? Non! nous tenons à ce grand projet de confédération, et nous n'avons pas besoin de petits plans comme les hon. messieurs de l'autre côté voudraient en proposer—de même qu'ils voulaient faire nommer de petits juges et diviser le Canada en petites parties. L'opposition a appris au peuple, il est vrai, à se défier de cette grande mesure, en touchant à la corde des taxes directes et en disant que le Canada sera obligé de se taxer pour acheter les terres des provinces d'en-bas et les défendre. Elle espère par ce moyen gagner la confiance du peuple et revenir au pouvoir; mais si elle y parvenait, elle serait obligé de faire plus tard, comme elle l'a déjà fait, ce u'elle condamne aujourd'hui et ce ne les hommes du pouvoir actuel veulent aire dans les intérêts du peu le; elle serait obligée d'organiser la défense du pays comme le gouvernement le propose et comme les autorités impériales le désirent. Aujourd'hui, nous n'avons à choisir qu'entre deux alternatives: ou il faut nous annexer aux Etats-Unis, ou il faut respecter les volontés de l'Angleterre et accepter la confédération avec toutes les provinces. Si nous ne voulons pas de la confédération ni de l'annexion, il faut rester tels que nous sommes et continuer it nous battre avec le Haut-Canada, et pendant ce temps le peuple restera derrière sa charrue, les affaires ne mareheront pas et la dette augmentera par millions. (Ecoutez! écoutez!) Depuis quelques jours, M. l'ORATEUR, nous entendons faire des discours sentencienx aux bon. messieurs de l'opposition, qui font constamment appel aux préjugés religieux et nationaux de la population du Bas-Canada, pour combattre le pan du gouvernement. Ils nous font des tableaux qui t'ont vraiment peine au cœur. On dit aux rotestants qu'ils vont perdre leurs droits dans le Bas-Canada, à repos de l'éducation de leurs enfants, avec à confédération; et, d'un autre côté, on dit aux catholiques que leur religion est en danger parce que le gouvernement fédéral aura le droit de véto sur toutes les mesures du gouvernement local. Mais il faut nécessairement que ce droit de véto existe quelque part, afin que la minorité puisse étre protégée contre les injustices que pourrait tenter de commettre la majorité à son égard Nous ne pouvons pas espérer avoir la majorité dans le parlement fédéral, quand nous, Bas-Canadiens-Français et catholiques, ne l'avons jamais eue dans l'union actuelle 878 des deux provinces, et, cependant, nous n'avons qu'à nous féliciter de nos relations avec les habitants des autres origines et des autres religions. La question du divorce de M. BENNING est une preuve que nous sommes en minorité dans la législature actuelle, car les protestants ont tous voté pour ce divorce, et les catholiques contre, et les premiers l'ont emporté. Les catholiques ont donc tort de crier qu'il faut se réunir pour faire triompher nos idées religieuses et la nationalité canadienne-française. C'est vouloir exciter les protestants et les Anglo-Canadiens à faire la même chose, et alors nous tomberions dans un état d'anarchie pire que jamais. Un soir de la semaine dernière, vers minuit, un hon. membre de cette chambre, un ex-ministre-l'hon. député de Cornwall (M. J. S. MACDONALD)—s'est oublié et a cherché à allumer les passions et les haines religieuses; mais je suis heureux de dire qu'il n'a pas réussi dans sa tentative, et que catholiques et protestants ont méprisé ses appels fanatiques et n'y ont pas répondu. Après avoir entendu cela, peut-on croire à la réalité de toutes ces alarmes lancées dans les journaux, dans la chambre et dans le pays? Non! il est impossible d'y croire et de ne pas voir que tout cela n'est que de l'hypocrisie faite pour soulever les préjugés du peuple. (Ecoutez! écoutez!) On a dit encore que l'usage de notre langue était en danger et que les lois françaises allaient disparaître avec la confédération. Mais ne sait-on pas que nous devons la protection de nos lois françaises à l'hon. procureur- général du Bas-Canada, et le code civil, qu'il vient de nous soumettre, n'est-il pas une réponse suffisante à tout ce qu'on dit à ce propos? Les lois françaises seront maintenues et respectées dans le Bas- Canada, et nous le devrons à l'hon. procureur-général (M. CARTIER.) Nous aurons un statut pour assimiler la loi de la preuve en matière commerciale, dans le Bas-Canada, mais les lois françaises ne seront pas abolies. S'il y a un homme dans le pays qui ait véritablement le sens légal, et qui connaisse parfaitement les lois et les statuts du Bas- Canada, cet homme est certainement l'hon. procureur-général du Bas-Canada, GEORGE ETIENNE CARTIER. Personne ne peut lui refuser cela, et il n'y a pas un homme qui puisse lui faire compétition sous ce rapport. (Ecoutez! écoutez!) Pourquoi venir dire que notre langue va disparaître et que son usage va être aboli dans la législature fédé rale? Est-ce parce que l'on est obligé de mentir pour combattre le projet du gouvernement, et que l'on n'a pas de raisons véritables à lui opposer? Quand on se noie, on se rattache à toute espèce de planche—et c'est ce que fait aujourd'hui 'opposition. Mais elle devrait être juste et reconnaître que nous aurons notre code, qui nous garantira le maintien de nos lois dans le Bas- Canada, comme l'acte impérial nous garantira l'usage de notre langue. —Pourquoi aussi toujours amener des questions personnelles dans cette discussion? On dit: "CARTIER fait ceci parce qu'il veut être gouverneur."
M. GEOFFRION—Ecoutez! écoutez!
M. DENIS—L'hon. député de Verchères, qui crie " écoutez! " est un homme de trop de talent et de trop de bon sens pour approuver un pareil langage, et surtout pour employer de pareils moyens. Il devrait laisser cela à l'hon. député de Richelieu (M. PERRAULT), qui nous dit en pleine chambre que la majorité est vénale et servile. Un pareil langage ne devrait pas être employé ici, par respect pour nous-mêmes, et par respect pour les Canadiens-Français de cette chambre. Il est très inconvenant de la part d'un jeune imberbe qui n'a pas plus d'expérience que n'en possède l'hon. député de Richelieu, surtout lorsqu'il s'adresse à des hommes de la position, de la capacité et de la valeur de l'hon. procureur-général du Bas-Canada. Tous les partis s'accordent à dire que le procureur-général est capable, honnête et intègre; mais tous n'approuvcnt pas sa politique, et cela est parfaitement légitime. Mais cela n'est pas une raison pour laquelle on doit l'attaquer dans son caractère privé et lui prêter des idées qu'il n'a pas. On le dit honnête et intègre, et cependant on lit sur les journaux qu'il veut vendre son pays, sa religion et sa nationalité pour un titre ou une charge de gouverneur. Vraiment, cela est indigne! (Ecoutez! écoutez!) Les membres de l'opposition demandent un appel au peuple au sujet de la question de la confédération. Mais, si vous l'aviez, vous verriez jusqu'où vous iriez! Ces demandes d'appel au peuple ne sont faites que dans le but de servir une coterie qui dirait à ceux qui voudraient discuter franchement la question devant le peuple: "Taisez-vous et votez contre le gouvernement!" C'est ce que lon a déjà essayé de faire au moyen des assemblées qu'ils ont faites dans différents comtés; mais je dois dire que dans le mien 879 ils n'ont pas réussi dans leurs menées. Ils y ont envoyé trois agents, sous différents prétextes, qui ent cherché par tous les moyens possibles à faire prononcer le euple contre le projet du ministère, mais ils n'y ont pas réussi. Et pourtant, je suis le plus humble de tous les membres de cette hon. chambre. Mais comme je me trouvais à cette époque occupé à plaider à la cour de Beauharnois,' je me suis aperçu que ces agents avaient été envoyés par le comté de Montréal, et j'ai pu déjouer leurs petites ruses et leurs petits plans. Ils ont essayé de faire de petits discours et de petites assemblées, mais comme j'étais n, ils n'ont pas pris. Mais cela fait voir quels moyens ont été émployés par les partisans de l'opposition pour monter le peuple contre le projet de confédération. Je ne les en blâme pas trop, parce qu'ils veulent naturellement faire triompher leur parti, et ils emploient ces moyens comme ils en emploieraient d'autres —bien qu'en réalité ils se soucient de la sainte cause de la nationalité et de la religion comme de l'an 40. (Ecoutez! et rires.) Je me rappelle ce qui se faisait et ce qui se disait autrefois dans l'Institut-Canadien de Montréal,—et je constate avec plaisir que la conduite actuelle des membres de l'autre côté de la chambre, qui appartiennent à cet Institut, est une protestation contre ce qu'ils ont fait dans l'Institut,—où nous avons vu des Suisses venir prêcher la tolérance religieuse. On disait alors: " Il faut marcher avec son siècle!" et on lisait la Pucelle! (Ecoutez! écoutez!) Aujourd'hui, le gouvernement ne s'occupe pas d'établir des parlements annuels, comme le demandait autrefois l'hon. député d'Hochelaga,—mais il s'occupe de régler les difficultés du pays. Il demande à chaque homme de talent de l'aider dans cette tâche, en de faire un meilleur plan pour nous faire sortir de ces difficultés, et de le soumettre au pays. Mais si ceux qui combattent le projet du gouvernement se contentent de faire de l'opposition sans rien proposer de mieux pour le remplacer, que leur dira le peu le s'ils se présentent à lui pour lui demander de prononcer un jugement entre eux et le gouvernement? Il leur dira: " Qu'avez-vous fait, qu'avez- vous donné en comparaison de ce ne les ministres ont fait et donné?" Il leur demandera leur plan, mais ils le tiendront caché avec le célèbre budget de l'hon. député de Châteaugay, qui n'a pu éclore en dix-huit mois. (Ecoutez! écoutez l) Nous savons parfaitement que le plan du gouvernement n'est pas parfait et qu'il a des défauts, comme tous les plans faits par les hommes ont des défauts. Par ma part, je l'admets volontiers; mais il faut se rappeler que c'est un compromis— et les messieurs de l'opposition se donnent bien garde d'en tenir compte et de le dire. Publiqnement, ils disent que les Canadiens-Français vont être noyés par l'élément anglais dans la confédération, et qu'ils vont perdre leur langue. Mais ne savent-ils pas que dans le Haut-Canada la langue française s'est conservée aussi pure et aussi intacte que dans le Bas, partout où il y a un noyau de population française un peu considérable? Ce sont les membres de l'autre côté qui veulent nous donner des leçons de protection pour notre langue et notre nationalité!—eux, des annexionistes de cœur et d'action, qui vivent toujours à Washington! Je ne veux pas dire que ce soit un crime d'être annexioniste, mais qu'ils disent franchement qu'ils le sont. Ainsi, l'hon. député de Châteauguay (M. HOLTON) est plus yankee que personne. Il nous dit aujourd'hui qu'il n aime pas les grandes entreprises; mais il me semble pourtant que certaines grandes entreprises n'ont pas fait de mal à sa bourse. (Ecoutez! écoutez!) Pourquoi aujourd'hui vouloir empêcher le pays de marcher dans la voie du progrès? Pourquoi vouloir empêcher l'étalissement de voies de communication qui doivent nous permettre de garder les Canadiens-Français dans le pays? Vous oubliez vos paroles et vos actes de la veille? Quand il était assis sur les banquettes ministérielles, l'hon. député de Châteauguay se levait à tout propos et disait que nous étions une opposition factieuse, une opposition épouvantable, parce que nous ne laissions pas faire au gouvernement tout ce qu'il voulait. Mais aujourd'hui il ne trouve pas qu'il fait une opposition facticuse,—lui qui s'est levé cinquante-cinq fois dans le cours de cette discussion, et qui tranche toutes les questions comme on tranche du beurre frais. Il dit aujourd'hui que le gouvernement veut- étouffer la discussion, veut empêcher les membres de l'opposition de parler,—et il a parlé cinquante-cinq fois! L'hon. député de Lotbinière (M. JOLY) nous disait, l'autre jour, ne le peuple est dans la torpeur, et qu'il allait le réveiller. S'il est dans la torpeur quelque part, ce n'est toujours pas dans le Bas-Canada; mars, s'il l'était, il s'éveillerait certainement en voyant tous les 880 beaux discours des hon. membres de l'autre côté de la chambre, et en voyant avec quelle force ils s'élèvent contre le divorce, avec quelles ferveur ils veulent conserver les liens dee la famille! Ces messieurs nous disent bien haut que nous ne devons pas voter pour le divorce; mais ils n'ont pas besoin de nous le dire: tous les catholiques savent parfaitement que leur devoir est de voter contre le divorce. Nous savons ne les lois du parlement ne peuvent prévaloir contre celles de l'Eglise. Aussi, nous ne votons pas pour le divorce parce que nous votons pour le projet de confédération; et les déclarantions des députés de l'autre côté de la chambre à ce sujet ne peuvent être crues par personne. Personne ne demande non plus que l'on décrète une loi our permettre aux magistrats civils de célébrer les mariages, et tout ce que dit l'opposition à ce propos n'est qu'une tempête dans un verre d'eau. Dans tous les cas, nous pouvons nous féliciter de la conversion des hon. membres, et maintenant ils n'ont plus qu'à toujours dire la vérité, et leurs fautes passées leur seront pardonnécs. Cependant, quoiqu'ils se fassent les protecteurs de la religion et de la nationalité, il est évident que le peuple ne croit pas encore bien fermement à leur conversion et qu'ils n'ont pas encore la confiance du pays, car, autrement, le projet du gouvernement est assez nouveau et assez peu compris qu'ils auraient une chance de revenir au pouvoir. Le peuple, en voyant toutes leurs belles déclarations, va probablement penser qu'ils vont se rallier à nos amis; mais s'ils ne le font pas, il verra qu'ils ne sont pas sincères, et alors tant pis pour eux. En attendant, le peuple examinera le projet qui nous est soumis et le jugera suivant ses mérites, sans se laisser entrainer par les appels aux préjugés et les insinuations des hon. membres de l'autre côté de la chambre. Je parlerai plus tard sur la question elle- même, mais je ne ferai pas comme l'hon. député de Richelieu, qui nous a fait un long discours au moyen de l'Histoire du Canada de GARNEAU, qu'il nous a lue presque d'un bout à l'autre. Je ne ferai pas de menaces. non plus, et personne de nous ne dira: " Si les choses ne vont pas comme ceci ou cela, on verra!" Dans un pays comme le nôtre, on ne dit pas: " On verra!" C'est vouloir créer inutilement de l'excitation parmi le peuple, et tous les honnêtes gens, doivent réprouver une pareille conduite. D'ailleurs, quel est celui qui aurait la force de soulever le peuple dans le moment actuel? Ce n'est certes pas notre digne concitoyen, M. CHERRIER, parce qu'il est trop paisible, trop dévût et trop bon catholique pour dire aux Canadiens de se lever et de combattre le projet du gouvernement par les armes. Non, il leur dira plutot de respecter l'autorité et de réclamer s'ils se croient lésée. parce qu'il sait qu'il vaut mieux respecter son père que de le battre. Quant à M. PAPINEAU, cet homme distingué a eu assez de déboires dans sa vie pu lique, et il regrette assez ses amis et compatriotes qui sont tombés à St. Denis et ailleurs, pour ne pas vouloir recommencer ce jeu-là. L'hon. député de Bagot a reproché au procureur- général du Bas-Canada de s'être trouvé à St. Denis et d'en être revenu. Aurait-il préféré le voir couché parmi les morts et mêler ses cendres à celles des victimes qui y sont tombées?
L'hon. M. LAFRAMBOISE— Oh! il n'y avait sa de danger. (Rires)
M. DENIS—Vous lui reprocher d'avoir fait cela quand il était jeune, et cependant vous dites que vous feriez la même chose si vous étiez assez forts pour l'entreprendre. Cela n'est pas un raisonnement, et ce n'est pas la ce que nous devons faire. Nous devons dire a l'Angleterre ne nous tenons à rester à l'ombre de son noble drapeau;— que nous craignons nos voisins et que nous désirons savoir ce qu'elle peut faire pour nous. C'est à cet effet que nos ministres doivent se rendre auprès du gouvernement impérial; et si les négociations ne se terminent pas d'une manière favorable, alors il sera tema de se séparer et de chercher un autre mode d'existence. La discussion a pris une tournure trop personnelle, et nous avons entendu des accusations et des insinuations contre celui-ci ou celui-là; mais, comme l'opposition n'a rien à proposer de mieux que ce que nous propose le gouvernement actuel, elle ne doit pas espérer que les membres de ce côté l'appuient, dans le seul but de renverser l'administration. Ces messieurs de l'opposition demandent des détails; mais on peut demander à leurs chefs ce qu'ils suggèrent pour faire sortir le pays des difficultés où il se trouve plongé. Ils veulent le statu quo. Mais qu'ils nous proposent donc quelque chose de pratique! Qu'ils disent donc ce qu'ils veulent et ce qu'ils peuvent faire! Au lieu de cela, nous ne leur entendons faire que des récriminations et des blâmes continuais. Ils demandent 881 pourquoi le gouvernement ne dit pas maintenant comment seront organisés les gouvernements locaux; mais la réponse faite à cette demande par le procureur général du Bas-Canada est très juste, lorsqu'il leur a dit que le gouvernement voulait savoir d'abord si nous voulions de la confédération, et qu'ensuite il proposerait les détails. Cela est parfaitement juste, et il ne faut pas embrouiller les cartes. Ecoutez! écoutez!) Je ne veux pas parler plus longtemps maintenant; mais je dois dire, cependant, que l'hon. député d'Hochelaga (M. A.A. DORION) vient toujours à parler de l'énorme dette nationale que créera la confédération. Pourquoi ne tient-il pas compte des raisons qui portent les provinces d'en-ben à refuser la confédération? Est-ce parce que ces raisons détruisent son argumentation? En effet, les provinces d'en-bas disent que nos ministres ont voulu trop obtenir pour le Canada, que les charges qui leur seront imposées seront trop fortes, et que leur alliance avec nous les ruinera,—tandis que les hon. membres de l'autre côté de la chambre disent qu'ils ne veulent pas de cette alliance parce que nous donnons trop aux provinces d'en-bas. Ces provinces disent que la confédération ne leur sera pas profitable parce qu'elles seront obligées de payer pour les canaux, les chemins de fer, et toutes les améliorations du Canada, et qu'elles ne retirenient aucun avantage d'une alliance avec nous. D'ailleurs, ces provinces se trouvent aujourd'hui entre les mains des agents des Etats-Unis, qui ont à coeur de faire manquer la confédération, parce qu'elle anéantirart leur commerce avec ces provinces. C'est pour cela qu'ils ont travaillé et réussi à faire perdre les élections des partisans de la confédération dans le Nouveau-Brunswick, comme ils feraient tout on leur pouvoir pour faire manquer nos élections ici, s'il y avait un appel au peuple sur la question, parce qu'ils travailleraient dans l' intérêt des Etats-Unis. (Rires à gauche.) Je vois rire l'hon. député de Drummond et Arthabaska ...
M. J. B. E. DORION—Je ris des niaiseries que vous nous débitez depuis une heure.
M. DENIS—S'il y a un homme dans cette chambre qui a débité des niaiseries et qui a des idées étroites, c'est bien l'hon. député de Drummond et Arthabaska,—lui qui n'a jamais fait autre chose que travailler à soulever et à nourir les préjugés de races, —lui qui écrit de petites lettres pour faire signer les requêtes contre la confédération par les femmes et les enfants de son comté. Quoique je n'aie pas a ma disposition, comme l'hon. député, une petite gazette comme le Défricheur,—qui n'a jamais rien défriché, excepté lorsque l'hon. député d'Hochelaga était procureur-général pour le Bas-Canada, alors que l'hon. député savait parfaitement défricher les annonces et les jobs du gouvernement,—je puis parfaitement répondre à l'hon. député. Il est vraiment risible d'entendre un homme comme lui parler des "niaiseries" des autres, quand on se rappelle ses articles de journaux où il disait: " Paie! pauvre peuple!—la melasse et le blé sont chers!' et quand on se rappelle ce qu'il disait du bill seigneurial et du bill municipal, —ces deux mesures qui ont fait l'admiration de tout le monde,—et du traité de réciprocité, qui devait, à l'entendre, faire tant de mal au pays, mais qui a fait tant de bien. Ah! c'est bien toujours la même école! Du moment qu'on ne pense pas commence messieurs, on ne vaut rien, et tout ce que l'on dit n'est que niaiserie. Ce sont de véritables vierges folles qui n'ont plus d'huile dans leur lampe.
M. J. B. E. DORION — Vous êtes charmant!
M. DENIS—L'hon. député nous a dit tout à l'heure que nous allions de l'extravagance à la folie. D'un trait de plume il efface toutes les sommités du pays pour dire que ce ne sont qu'un tas de niais et de fous;— mais je lui pardonne, parce que je crois qu'il n'est pas compos mentis. Quant à ceux qui se posent ainsi en défenseurs de la religion, nous attendrons, avant de les croire, la voix de ceux qui sont chargés de parler sur le sujet; et pour la protection de notre nationalité, nous écouterons les hommes qui sont chargés par le peuple d'y veiller et de la protéger, et nous ne suivrons pas des hommes comme ceux qui opposent le projet de confédération. (Applaudissements à droite, et rires ironiques à gauche.)
M. POULIOT—M. le PRÉSIDENT:—Je m'était proposé, avant d'enregistrer mon vote sur les résolutions qui sont devant cette chambre, de faire quelques observations d'une manière plus étendue que je ne le ferai maintenant. Car voici que la nouvelle créature qui devait naître pour sauver la patrie, est morte lorsqu'elle n'était encore qu'en embryon, par le choc violent qu'elle a reçu au Nouveau-Brunswick, et si nous nous en occupons encore, ce n'est certainement que 882 pour en débarrasser le sein de sa mère qu'elle incommode beaucoup et qu'elle finirait par fair périr. Il ne nous reste donc plus, M. le PRÉSIDENT, qu'à. assister au libera et chanter requiescat in pace (Rires.) Ce que, je pense, tout le Bas-Canada chantera avec bien du plaisir en remerciant la Providence qui, comme nous aimons à le reconnaitre, veille d'une manière toute spéciale sur notre cher Canada, de nous avoir préservé de tomber dans l'abîme sur le bor duquel nous étions,—et à charger les hou. messieurs qui siégent de l'autre côté de cette chambre à aller en Angleterre prononcer son oraison funèbre. (Ecoutez! écoutez!) Mais, malgré cela, M. le PRÉSIDENT, la position exceptionnelle où se trouve placé le comté que j'ai l'honneur de représenter ici, comme celle que l'on a voulu faire croire que j'occupe moi-méme en cette chambre, en disant que je ne représente pas l'opinion de mes constituants sur cette grande question, m'oblige, avant de voter, de faire voir la situation particulière de mon comté, et à démontrer qu'en votant comme je me propose de le faire, je ne ferai que suivre et exécuter les désirs des électeurs que je représente. Je souhaiterais un plusieurs des messieurs qui voteront ans un sens contraire pussent en démontrer autant pour appuyer leurs votes. (Ecoutez! écoutez!) Il est bien vrai qu'il y a en dans mon comté une assemblée convoquée par moi, en ma double qualité de préfet et de représentant du comté, et qu'à cette assemblée, il y a ou un peu de bruit qui l'a empêché de se prononcer sur la confédération; mais, M. le PRÉSIDENT, il faut savoir que cette assemblée avait lieu deux jours seulement avant le tirage au sort, et qu'à cause de cela on avait créé beaucoup d'agitation parmi les jeunes gens qui ne sont pas même électeurs, pour détourner l'attention de l'assemblée du but pour lequel elle était convoquée; et l'on sait, M. le PRÉSIDENT, que dans un comté quelconque, il est toujours facile de trouver un certain nombre de gens qui sont toujours prêts à faire du bruit, pourvu qu'on leur fournisse ce qui est nécessaire,—et c'est ce qui a eu lieu. Mais, de uis, plusieurs des paroisses se sont prononc es sur la confédération, comme on le verra par les résolutions que je prendrai la liberté de lire à la chambre:— 
"A une session spéciale du conseil municipal de la paroisse de St Arsène, dans le comté de Témiscoustadûmont convoquée par avis spécial et public, et tenue, en la dite paroisse de St. Arsène, en la salle publique, lundi, le treizième jour du mois de février, en l'année de Notre-Seigneur mil huit cent soixante-et-cinq, conformément aux dispositions de l'acte municipal du Bas-Canada de l860, à laquelle sont présents: J. PRIME ROY, écuier, maire, et messieurs François Dubé, J. BTE. Pelletier, Hector Roy, Germain Terriault, Joseph Roy et Olovie Bérubé, membres du dit conseil, et formant un quorum; le dit J. Prime Roy, écuier, présidant comme maire; et à laquelle sont aussi présents un grand nombre des principaux citoyens et électeurs de la dite paroisse;
"M. le conseiller François Dubé propose, secondé par M. le conseiller Hector Roy:—
"Qu'il soit résolu, que ce conseil, considérant que le projet de confédération des provinces britanniques de l'Amérique du Nord, maintenant soumis à la législature, serait désavantagenx au Bas-Canada, croit de son devoir de prier J. BTE. Pouliot, écuier, membre du comté, de faire tout ce qu'il pourra pour empêcher que le projet en question soit adopté, ou du moins qu'il ne le soit pas sans un appel au peuple de la manière que lalégislature le trouvera le plus convenable. Adopté unanimement.
"M. Clovis Bérubé propose, secondé par M. Joseph Roy:—
"Que copie de la présente résolution soit de suite transmise au dit J. BTE. Pouliot, écuier.— Adopté unanimement.
"(Signé,) J. PRIME Roy, maire. " " Elie Mailloux St. T."
J 'ai encore d'autres résolutions identiques, adoptées dans plusieurs autres paroisses du comté, mais je me dis enserai de les lire. (Ecoutez! écoutez!) Maintenant M. le PRÉSIDENT, pour faire bien comprendre aux hon membres la position particulière où se trouve placé le comté que j'ai l'honneur de représenter, je leur irai que, par quelque ligne que passe le chemin de fer intercolonial,—s il est construit,—et j'espère qu'il se fera sans la confédération,—il devra, dans tous les cas passer dans toute l'étendue du comté sur plus de cinquante milles; et ensuite encore être fait pour une grande distance a travers uno forêt Vierge, dont les habitants de mon comté se trouvent les plus rapprochés. L'on sait, M. le PRÉSIDENT, quels avantages retirent les localités où des travaux aussi considérables se font, d'abord pour la confection et ensuite l'entretien, et l'on connait aussi tous les autres avantages d'un chemin de fer pour les établissements. Les habitants de mon comté ont très bien compris tout cela, c'est- à-dire que, sous le rapport des intérêts matériels, la confédération pourrait nous être avantageuse, comme je le pense aussi moi- même; mais, néanmoins, ils ont aussi compris qu'il en est des peuples comme des indivius, 883 que ce ne sont pas les plus riches qui sont les plus heureux, et croyant la nationalité canadienne-française en danger, si la confédération avait lieu, ils n'ont pas hésité un instant à se prononcer contre ce projet ' et ils m'ont chargé de m'y opposer ici en Leur nom comme leur représentant, de sorte qu'en agissant comme je le fais, M. le PRÉSIDENT, je ne fais que me rendre à leurs désirs. EcouteZ! écoutez!) Je regrette, M. le PRÉSIDENT, je dois le dire, que plusieurs des messieurs avec qui j'ai marché et avec qui je marche encore, aient autant appuyé qu'ils l'ont fait leurs objections à la confédération sur la confection du chemin de fer intercolonial. A entendre ces messieurs, on croirait véritablement que le Canada se termine ici à Québec, ou que la partie qui se trouve au-dessous ne vaut pas la peine qu'on s'en occupe. J 'invite ces messieurs à regarder un peu plus attentivement la carte de la province jusqu'à son extrémité inférieure. — la Baie des Chaleurs et Gaspé,—et ils verront qu'il s'y trouve encore un assez vaste territoire et de bons terrains propres à la colonisation, comme ils pourront aussi s'en convaincre en jetant un coup-d'œil dans les rapports de la colonisation. Ils verront, dis-je, que si le chemin de fer était fait par la ligne dite du major ROBINSON, mais non par le Nouveau-Brunswick, comme le recommandent les résolutions qui nous sont soumises, nous verrions avant en d'années une immense population s'établir sur ce territoire, qui peut contenir plus de 100,000 lines; et lusieurs des messieurs qui s'oposent à la confection de ce chemin, qui habitent des comtés où il n'y a plus de place pour le surplus de la opulation, pourraient l'engager à aller s'établir là, et ils n'auraient pas lieu de le regretter. (Ecoutez! écoutez!) Et, M. le PRÉSIDENT, outre les avantages que ce chemin procurerait au commerce du anada en général, il aurait pour effet immédiat, s'il était fait pour communiquer au golfe St. Laurent par Ristigouche, de donner une grande impulsion à l'exploitation de nos pêcheries, qui pourraient employer plusieurs milliers de personnes de plus que celles qui y sont employées aujourd hui. Cela aurait l'effet de retenir et de ramener même nos jeunes gens qui sont aux Etats-Unis. J'invite les messieurs qui s'opposent à ce chemin de se joindre à nous pour hâter sa confection, qui sera l'un des meilleurs moyens de ramener l'égalité de la population entre les deux provinces et de faire cesser ce cri si étourdissant pour nous, Bas-Canadiens de la Rep. by Pop. (Ecoutez! écoutez! et rires.) J'admettrai volontiers, M. le PRÉSIDENT, que l'opinion paraissait d'abord favorable à la confédération en bas de Québec, ou du moins que l'on était disposé à la subir, parce qu'on avait fait croire qu'il n'y avait plus de gouvernement possible, et que la confédération était le seul moyen de régler nos difficultés; mais je crois qu'elle est bien changée depuis que les explications ministérielles sont connues. Car tout le monde s'attendait, comme on le disait partout, qu'il y aurait des amendements,—que l'on connaîtrait comment les gouvernements locaux seraient composés, et quelle serait la dette du Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Avec ces quelques observations, M. le PRÉSIDENT, je terminerai en disant que je voterai contre les résolutions pour me rendre et me conformer aux désirs de mes constituants. (Applaudissements.)
M. J. J. ROSS—Je proposerai. M. l'ORATEUR, que le discours de l'hon. député soit imprimé dans une brochure séparée des débats officiels, et qu'il soit tiré à plusieurs milliers d'exemplaires pour être répandu dans le pays. (Ecoutez! écoutez! et rires.)
M. BIGGAR—Comme les résolutions au sujet de la confédération excitent l'intérét du pays à un haut dégré, je crois devoir faire précéder de quelques remarques le vote que je vais donner. Avant d'entrer en matière, il me paraît nécessaire de définir aussi brièvement que possible ma osition à l'égard du ministère actuel et des deux gouvernements qui l'ont précédé. Lors de mon élection en 1861, je déclarai à mes électeurs que je n'avais pas la moindre confiance dans le gouvernement CARTIER—MACDONALD alors existant, parce que je croyais que ce gouvernement avait ma administré les finances et que c'était a ses extravagances que le pays devait d'étre à la veille de la banqueroute; j'ajoutai que si j'étais élu député, je considérais de mon devoir de voter non-confiance si ce vote était proposé. Le bill de milice fût présenté aux chamreas en 1862 par cette administration, et je le votai dans la persuasion qu'il fallait ligiférer sur ce sujet et parce que j'en approuvais le principe. Quelques-uns de mes amis politiques, avec qui je marchais alors, m'en blâmèrent; mais je les ai vus plus tard suivre mes traces, et je les crois même aujourd'hui disposés à aller un peu plus loin que je le voudrais moi-même avec notre énorme dette. Quoiqu'il en soit, je suis heureux de les 884 voir m'a prouver aujourd'hui de cet acte passé. Le gouvernement fut battu sur ce bill, et je n'accordai as non lus mon appui à celui qui lui succèda, sous le nom d'a ministration MACDONALD-SICOTTE. J'avais promis à mes électeurs que je défendrais la question de la représentation d'après le chiffre de la pepu ation et voterais contre les écoles séparées; or, cette administration ayant résolu de mettre de côté la première de ces deux questions et d'introduire un bill des écoles séparées je compris que j'aurais à voter contre elle ors n'on {preposerait la représentation basée sur le chiffre de la poplation en amendement à l'adresse. C'est ce que je fis: plus tard, lorsque M. SCOTT présenta son bill des écoles séparées, je crus de mon devoir de m'y opposer, suivant-ce que j'avais promis à mes électeurs. Oe endant, ce ministère fut renversé, et il lui en succéda un autre dans lequel je vous conseillai d'entrer, M. l'ORATEUR, ainsi que l'ex-maître des postes. Je vous dis alors, M. l'ORATEUR, ainsi qu'à l'hon. M. MOWATT, que je ne vous avisais pas comme mes amis d'entrer dans le ministère sans croire de mon devoir de vous supporter, et que si la question de la représentation était de nouveau proposée en amendement au discours du trône, je voterais contre cet amendement, me réservant d'expliquer mon vote à mes électeurs aux prochaines élections générales et bien décidé à rester chez moi si je n'étais pas approuvé. Je crois-que le gouvernement fit bien de résigner lorsqu'il vit qu'il ne pouvait faire fonctionner avec avantage la chose publique, et je résolus, lors de la formation du ministère TACHE—MACDONALD, de lui laisser le champ libre et de ne pas lui faire une opposition déclarée s'il se trouvait appuyé de a majorité de la chambre. Cependant, lorsque la reconstruction eût lien, je sentis que je ne pouvais pas soutenir un gouvernement de cette espèce, que l'influence démoralisatrice d'une coalition de cette sorte détruirait tout le bien qu'elle pourrait jamais faire et que l'alliance était malheureuse. (Ecoutez! écoutez!) D'ailleurs, je sentais que je ne avais, après avoir voté non-confiance dans les mêmes hommes le 14 juin dernier, pour avoir mal à propos dépensé cent mille piastres du trésor public, me présenter en chambre huit jours après et déclarer qu'ils avaient mon adhésion parce qu'ils avaient promis de donner à l'hon. M. BROWN, pour lui et deux autres membres du parti libéral, trois sièges dans le cabinet, et cela lorsqu'ils n'avaient rien fait autre chose, pour mériter ma confiance, que de déclarer qu'ils accorderaient des changements constitutionnels,—lesquels changements peuvent aussi bien qu'ils ne peuvent pas avoir lieu. Je ne voulus pas, cependant, leur faire d'opposition factieuse; au contraire, j'étais disposé à appuyer toutes les bonnes mesures qu'ils pourraient nous offrir. Ce gouvernement s'abouoha en cette ville avec des délégués des provinces du golfe et combinèrent tous ensemb e les propositions que nous discutons en ce moment. Ces propositions renferment à mon sens des principes qui ne s'accordent pas avec les engagements que j'ai pris avec mes électeurs; par conséquent, je ne saurais les voter sans les voir soumettre au préalable au pays. (Ecoutez! écoutez!) Je ne veux rien dire ici du mérite de la mesure; je déclare simplement qu'elle contient des principes contraires à ceux que je me suis engagé à soutenir. Le Globe a enseigné à mes électeurs que le chemin de fer intercoloniai, loin d'offrir aucun avantage au pays, serait une source de maux et qu'il ne serait utile ni comme entreprise militaire ni comme entreprise commerciale. Au point de vue militaire, en sait ne le chemin doit passer à vingt-six milles des frontières des Etats-Unis, qui peuvent l'intercepter quand ils le voudront; au point de vue commercial, jamais il ne pourra soutenir la concurrence avec les communications par eau, sans compter ne les neiges d'hiver viendraient en suspendre complètement l'opération. Le même journal nous a dit que le revenu de ce chemin de fer ne suffirait même pas à payer la graisse des essieux. (Ecoutez! écoutez!) Lorsque je me présentait mes électeurs et que je sur annonçai mon intention d'appuyer le gouvernement MACDONALD-DORION, ils me dirent que je ne devais le faire qu'avec réserve, attendu que le ministère avant déjà octroyé dix mille piastres pour l'exploration du chemin de fer intercolonial. Je répondis à cela que la meilleure garantie que je pouvais eur donner du contraire était la présence de M. A. A. DORION dans le cabinet, qui-avait déjà résigné le portefeuille de secrétaire provincial dans le gouvernement MACDONALD—SICOTTE parce qu'il refusait de consentir à la construction du même chemin de fer. Une autre question qui ne laissait pas que de m'embarasser un peu, était celle des écoles séparées. Mais l'hon. solliciteur- général actuel du Haut—Canada vint dans mon arrondissement électoral, et dit aux 885 électeurs que j'étais responsable de la passation du bill des écoles séparées, attendu que j'avais appuyé la politique générale du gouvernement qui était l'auteur du bill, et cela bien que j'aie voté avec cet hon. monsieur contre le bill du commencement à la fin. Je pus néanmoins les satisfaire en leur déclarant que je voterais pour rescinder les amendements faits au bill des écoles séparées présenté par M. SCOTT. Or, comme les résolutions actuelles tendent à perpétuer les écoles séparées en Haut-Canada, je sens qu'elles sont contraires aux engagements que j'ai contractés et ne je ne puis leur donner mon appui. (Ecoutez! écoutez!) Aussi, quelle n'a pas été ma surprise de voir l'hon. président du conseil se lever pour déclarer qu'il ne redoutait rien de la loi actuelle des écoles séparées! Est-là le même langage que tenait l'hon. monsieur en 1862? Est-ce dans ce sens ne le bill a été discuté par le Globe en 1862, et en 1863? Qui ne se rappelle la façon dont furent traités, dans le Globe de 1862, les treize députés qui eurent le courage de voter contre la dernière lecture du bill de M. SCOTT, alors que 95 députés votaient dans le sens contraire, et quels avertissements furent donnés aux députés d'être avant tout fidèles à leurs promesses, lorsqu'en 1863 le ministère MACDONALD—SICOTTE fit passer la loi? Le Dr. RYERSON, lui même, malgré les vingt années de sa vie qu'il avait passées à compléter le système d'éducation actuel, fut dénoncé par le Globe comme ayant déserté la cause des intérêts du Haut-Canada, parce qu'il avait consenti aux amendements proposés par le bill de M. SCOTT. A ce sujet, je ne saurais mieux faire que de rappeler d'autres paroles de l'hon. président du conseil: —"Qu'il y en ait un qui vote contre ces résolutions et qui ose ensuite se présenter devant ses électeurs! " Eh! quoi, n'accordera-t-il pas la même liberté de penser au autres que celle dont il jouit lui-même? (Ecoutez! écoutez!) Pour ma part, je ne saurais me laisser influencer par aucune menace de cette espèce. (Ecoutez! écoutez!) Ce n'est past à l'hon. président du conseil que je suis responsable de mes votes, mais au peuple qui m'a envoyé ici, et je ne saurais être forcé à donner un voie que je désapprouve. (Ecoutez! écoutez!) Je ne sais si j'aurai jamais l'honneur de représenter le comté que je représente aujourd'hui: cela importe peu; mais ce que j'affirme, c'est que je ne saurais souffrir aucune menace de la part de l'hon. monsieur. Il me semble aussi qu'il devrait use souvenir que son influence, dans Northumberland, n'est pas ce qu'il croyait, et qu'en avril dernier, lorsqu'il partit de Toronto pour venir dans le Riding Ouest faire de l'opposition à l'hon. solliciteur-général, lequel luttait contre un respectable habitant de la campagne, il ne put l'empêcher, avec tous ses discours, d'être élu à une très grande majorité. M'est avis que si l'hon. président du conseil avait su que deux mois plus tard il siégerait dans le même cabinet que l'hon. solliciteur-généra1, il aurait agi quelque peu différemment. Quant à moi, malgré les invitations pressantes qui me furent faites d'aller faire de l'opposition à l'hon. solliciteur-général dans son élection, je voulus lui rendre le bien pour le mal et restai chez moi. Je voulais permettre aux électeurs de Northumberland Ouest de choisir qui bon leur semblait pour député. D'ailleurs, autant que je puis en savoir, l'hon. solliciteur- général a rempli les devoirs de sa charge à la satisfaction du gouvernement et du comté qu'il représente et, avec honneur pour lui. Mon intention n'est pas de faire au ministère une opposition factieuse; j'appuierai toute bonne mesure venant de lui; mais je veux aussi qu'il comprenne, afin de bien définir ma position, que je ne suis pas de ses amis et que, si on venait à proposer une motion de non confiance, je n'hésiterais pas à la voter. (Ecoutez! écoutez!)
M. JACKSON—Je crois, M. l'ORATEUR, devoir dire quelques mots sur la question actuelle avant le vote, et je me propose d'être bref, vu l'heure avancée. On a discuté la mesure sous plusieurs points de vue; c'est d'abord l'hon. député d'Hochelaga qui s'y oppose, sous prétexte qu'elle est trop voisine d'une union législative et qu'elle nuirait aux priviléges que les diverses populations de l'union exercersient dans leurs localités respectives, et, si je me rappelle bien, parce qu'elle mettrait en danger la langue et la foi du Bas-Canada. Une telle argumentation me parut insoutenable dans le temps, et je me réjouis alors, comme aujourd'hui, que l'hon. monsieur n'ait pas plus d'influence en ce moment qu'un simple député. J 'admire ses capacités, mais je regrette que dans des circonstances comme celles-ci il ne se soit pas mis audessus des préjugés de localité et n'ait pas eu des vues plus larges. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de North Ontario (M. M. C. CAMERON) s'est aussi eppesé au projet de 886 confédération, mais pour une autre raison et avec des arguments tout-à-fait différents. Chose assez singulière, il approuverait une union législative et il désapprouve celle qui est proposée. Il prétend que les provinces du golfe, en se liguant avec le Bas-Canada, commanderaient au Haut-Canada et placeraient celui-ci dans une position pire que celle d'aujourd'hui. Je crus devoir l'interrompre alors pour lui demander si la même coalition ne pourrait pas tout aussi bien avoir lieu avec l'union législative qu'il admire, attendu que celle-ei aurait également le contrôle de tous les intérêts généraux importants. Sa réponse ma convaincu que ses arguments ne reposaient sur rien, et il me parut qu'il considérait comme trop certaine la coalition du Bas-Canada avec les provinces du golfe contre le Haut-Canada. Comment concevoir, en effet, que des hommes réunis ensemble pour atteindre un grand but pourraient être injustes envers une partie du pays? (Ecoutez! écoutez!) En supposant qu'une telle coalition fut possible, il est bien plus rationnel de supposer qu'elle se ferait avec le Haut-Canada, qui offre plus d'avantages qu'aucune des parties de la confédération. Mais, je passe à d'autre chose de plus sérieux. La principale raison pour laquelle il me semble devoir être opposé à la mesure, est que les membres du gouvernement ne possèdent pas sa confiance. En effet, il a rappelé les antécédents des ministres, de leur opposition d'hier, et a conclu qu'il était impossible qu'une telle union pût produire quelque bien. Je crois, M. l'ORAteur, que personne ne niera qu'en jetant les yeux sur nos hommes publics de quelque distinction, on ne trouve pas, qu'à un certain moment de la vie, ils partageaient des opinions qu'ils crurent nécessaire de modifier plus tard, et qu'on n'a pas d'exemple qu'un gouvernement ait réussi sans avoir été formé au moyen de concessions mutuelles. Il est nécessaire dans les grandes circonstances qu'il y ait union entre les deux partis pour le bien public. Nous savons que ceux dont l'esprit est ouvert à la conviction changent fréquemment, et qu'on ne doit pas rougir de conformer sa conduite aux lumières qu'on reçoit de jour en jour. L'hon. monsieur n'ignore pas qu'on doit juger les actions des individus non par leurs motifs qui nous restent cachés, mais par le caractère et le résultat de ces mêmes actions. C'est ainsi que nous devons considérer la mesure qui nous est présentée; nous devons l'exa miner par nous-mêmes et, jusqu'à preuve du contraire, reconnaître l'honnêteté et la sincérité de ses auteurs. Je me sens peu de sympathie pour ceux qui attribuent sciemment les actes des hommes publics à des motifs dégradants, lorsqu'on cut très-bien en faire remonter l'origine à de nobles sentiments et à des pensées élevées. C'est, suivant moi, le devoir de tout esprit droit d'attribuer à ces dernières causes la conduite actuelle du gouvernement. Supposons, néanmoins, que les ministres se soient coalisés pour jouir de leurs charges actuelles et des émoluments qui y sont attachés; il est rare que les germes du mal atteignent leur compet développement, et les professions de foi patriotiques n'accusent pas toujours l'absence de l'égoïsme, et celui-là connait peu l'histoire qui n'a pas découvert que la malhonnêteté politique non seulement n'a pas toujours des conséquences fatales, mais qu'elle a souvent été la cause du bien public. L'hon. député de North Ontario (M. M. C. CAMERON) a dit l'autre jour que, sous la confédération, le Haut—Canada contribuerait pour plus ne sa part aux dépenses du gouvernement fédéral, et là dessus il nous a cité des colonnes de chiffres; comme je n'en ai pas pris note, je ne saurais mettre en en doute leur exactitude; mais il a oublié un point important, c'est que sous la confédération il y aura uniformité de tarifs pour les diverses provinces, et que si l'on baisse celui du Canada de façon à l'harmoniser avec ceux des provinces du golfe, cette disproportion disparaîtra. Un hon. monsieur qui a ensuite porté la parole et qui se trouve absent aujourd'hui pour cause d'indisposition l'hon. député de Brome (M. DUNKIN), a dit, je crois, que les nations, les constitutions et les gouvernements devaient leur origine au pouvoir créateur à qui tout doit l'existence, pensée qui se trouve si bien résumée par ces paroles d'un écrivain célèbre: there is a divinity that shapes our ends, rough hew them as we may. Il a ensuite mis en doute la sincérité des hon. MM. CARTIER, GALT et ROSS qui signèrent la dépêche de 1868, première engine de la conférence de septembre dernier,—qualifié d'accidents les phases intermédiaires par lesquelles a passé la question, et fini par trouver mauvaise et défectueuse chacune des clauses de la mesure. Mais il semble que l'hon. monsieur ne devrait pas, d'après ses propres principes, critiquer trop sévèrement e gouvernement, car ce dernier peut bien n'être qu'un ins 887 trument entre les mains de l'architecte suprême. Il serait bien plus raisonnable d'examiner d'abord la combinaison de la conférence, et voir ensuite si elle repose sur des principes justes et équitables, car alors elle se recommande toute seule à l'esprit et on ne peut manquer de l'adopter. J'avoue que j'admire ce plan qui n'a pu être mûri qu'au sein de délibérations attentives et prolongées. La partie commerciale et financière m'en parait aussi juste et équitable que possible, vu les circonstances. D'ailleurs, tout le monde peut trouver des défauts à n'importe quoi et il est bien plus facile de détruire que d'édifier;—et tout homme animé de ces dispositions peut tirer les conclusions les plus baroques des inventions les plus célèbres du génie humain. Et puis, il n y a pas au monde de forme de gouvernement qui, tombant en mauvaises mains, ne puisse produire de mal. D'un autre côté, confiez à des esprits bien intentionnés et patriotiques un gouvernement quelque peu défectueux en lui-même, et vous le verrez produire le bien de tout un pays: tant il est vrai de dire que " celui—là est le meilleur qui est le mieux administré." (Ecoutez! écoutez!) Nul projet ne saurait être parfait; la chose est impossible. Il faut laisser quelque carrière aux vertus politiques de même qu'à l'exercice de la responsabilité exécutive qui fait partie de notre forme de gouvernement, car nos hommes publics ont beaucoup de discrétion à exercer et il faut s'attendre qu'ils en fassent usage pour le plus grand bien de la société. J 'ai confiance au ministère et je suis persuadé qu'il mènera le projet à bon terme suivant les capacités dont il dispose: je fais des vœux pour qu'il en soit ainsi. L'hon. député de Lennox et Addington (M. CARTWRIGHT) a fait dans son discours d'aujourd'hui, lequel est aussi remarquable que ceux qu'il a déjà prononcés, quelques observations pleines de profondeur: —on a senti qu'il avait étudié sérieusement la question. Il a dit que le gouvernement n'avait fait que mettre en pratique des conclusions deja tirées, car, a-t-il ajouté, le sentiment et l'opinion publics en étaient arrivés au point de forcer le gouvernement à suivre le courant et à tâcher de consommer ce que le peuple lui-même arait commencé. C'est la, je crois, M. l'ORATEUR, le vrai point de vue philosophique auquel on doit envisager la question. C'est pour moi une vérité, de même que pour tous ceux qui ont étudié l'histoire et surtout celle de l' Angle terre, que les gouvernements qui agissent avec le plus de sagesse sont ceux qui profitent es circonstances du moment et mesurent la législation sur les besoins réels et les nécessités d'une société. Il ne s'agit pas toujours de savoir ce qui est le mieux, mais ce qui est le plus avantageux pour un peuple, et mon idéal de l'homme public est celui qui dirige en grande partie sa conduite d'après les besoins du moment. Il est rarement possible de réduire en pratique les propositions purement abstraites, et ce serait folie de la part des membres du gouvernement que de vouloir aller contre le courant populaire: la meilleure preuve de prudence, d'habilité et de vues politiques qu'ils peuvent donner d'eux, c'est de profiter des évènements qui se présentent pour conduire la barque de l'état dans un havre sûr. L'hon. député de Missisquoi (M. O'HALLORAN) a prétendu l'autre soir que le pays étouffait sous le poids de la législation; cela est vrai jusqu'à un certain point, mais sans s'appliquer cependant à la question actuelle. M'est avis que nous ne sommes pas ici pour discuter les actes passés du gouvernement, mais bien pour examiner le projet mis devant nous, et ce ne sera que bon sens, sagesse et gravité, de notre part, que de l'étudier avec calme et impartialité sans nous occuper d'autre chose. (Ecoutez! écoutez!) M. 'ORATEUR, nous franchissons en ce moment l'époque de l'enfance et nous entrons dans celle de la jeunesse, dont nous devons accepter tous les devoirs et la responsabilité. Nous devons nous mettre à la hauteur de devoirs importants qui demandent de la discrétion et de la confiance en soi-même. Il en est de la société comme de la nature, nous devons traverser diverses phases avant d'atteindre l'époque de l'âge mûr. Il n'y a que deux espèces d'êtres animés qui atteignent les lieux élevés, les uns qui volent et les autres qui rampent: en d'autres termes, les oiseaux et les reptiles. Les premiers ne sont jamais certains d'arriver et s'abattent souvent; les seconds, qui s'avancent à pas sûrs mais lents, atteignent invariablement l'éminence où ils veulent arriver. Il en est de même d'un peuple qui franchit d'un seul bond la période de l'enfance à celle de l'âge mûr, car il viole l'ordre et l'arrangement prescrits par les lois de la nature. Les exemples des peuples qui ont ainsi dédaigné de traverser les diverses phases d'existence ne manquent pas; mais cette conduite les a empêchés d'acquérir cette 888 expérience si nécessaire à l'âge mûr, et que le temps seul peut donner. J'espère donc que nous ne commettrons pas cette faute, mais que nous nous conformerons à la loi de la nature qui procède par gradations, et que nous traverserons les diverses phases de notre existence politique de manière à ce que nous apprenions à remplir les devoirs de notre position avec confiance en nos propres forces, à profiter des circonstances et à montrer au monde que l'éducation que nous avons reçue, durant la première époque de notre existence, a été propre à faire de nous un peuple vigoureux et prospère. (Ecoutez! écoutez!) Cette façon d'envisager le sujet qui nous occupe en ce moment est très importante, car on a dit que la conclusion logique qui devait s'ensuivre était notre indépendance. Pour ma part, je ne pense qu'il n'y a rien de déloyal, ni d'inconvenant à supposer qu'un jour le territoire de l'Amérique Britannique du Nord sera le siège d'un peuple puissant et indépendant; je ne désire pas vivre assez vieux pour le voir, mais je suis certain que lorsque ce moment arrivera, l'Angleterre ne mettra aucun obstacle à ce qu'elle sait être la condition inévitable des choses, et que le pays avec lequel nous sommes liés par la politique, l'estime et l'affection, verra sans jalousie la population de notre territoire devenir aasez prospère et assez nombreuse pour aspirer à l'indépendance. (Ecoutez! écoutez!) Les circonstances, M. l'ORATEUR, qui ont fait éclore la mesure actuelle, qui réussira j'espère, sont telles que le gouvernement n'a pu ne pas les prendre en considération. J'ai déjà parlé d'une de ces circonstances en disant que nous franchissions en ce moment la période qui nous sépare d'une position plus digne et plus importante; mais qui peut ignorer que le gouvernement de ce pays est, depuis quelque temps, dans un état de transition, et que c'est là le seul soulagement qu'il peut donner au pays la seule amélioration qu'il ait à proposer? Depuis longtemps déjà, et surtout depuis que je prends une part active à la politique, j'ai toujours, dans le cours de mes diverses élections, déclaré que tout en croyant que la représentation d'après le chiffre de la population était un remède à l'inégalité qui règnait entre les deux provinces, il me semblait néanmoins que l'union fédérale de toutes les colonies anglaises de l'Amérique du Nord me paraissait être la seule conclusion légitime et convenable à laquelle on finirait par arriver. C'est pourquoi, en votant la mesure actuelle, je ne ferai donc que mettre en pratique ce que je désire depuis tant d'années et ce que je crois nécessaire au pays. (Ecoutez! écoutez!) Cependant, il y a encore d'autres circonstances qui me disposent favorablement à l'égard du projet actuel du gouvernement. C'est ainsi que la guerre des Etats-Unis, et pendant un certain temps l'imminence du démembrement de la république voisine, nous firent songer sérieusement à la nécessité de nous unir avec nos voisins des provinces du Golfe. Qu'on veuille bien noter que je ne dis pas que c'est la guerre américaine qui est la cause du projet actuel, pas plus que je ne prétends donner mon opinion sur cette guerre elle-même: je crois que tous nous la regrettons, et que nous nous réjouirons de la voir se terminer et de voir de nouveau les bienfaits de la paix visiter notre continent. Je fais des vœux pour que nos relations commerciales avec les Etats-Unis se continuent, qu'elles ne soient entravées par rien, et que, le système des passeports étant aboli, nous voyions encore nos rapports avec eux se rétablir dans les mêmes conditions d'amitié et de bonne entente que ci-devant. (Ecoutez! écoutez!) La menace de l'abrogation du traité de réciprocité n'entre pas pour au dans le fort courant d'opinion qui s est déclaré en faveur du projet de confédération, car on espère par cette union ouvrir à nos produits un nouveau marché qui échappera à toutes les vicissitudes et les interruptions qui caractérisent le commerce avec l'étranger. Notre gouvernement embrassera un grand territoire au sein duquel le commerce procurera des avantages à tous. Je ferai maintenant observer le désir qu'ont exprimé les principaux chefs du gouvernement et de l'opposition dans toutes les provinces de resserrer les liens qui déjà unissent celles-ci, comme une autre raison pour nous de prendre de suite les moyens de mettre cette union a exécution. N'est-il pas, en effet, bien remarquable de voir que les hommes publics les plus capables, les plus sages, les plus expérimentés, les plus doués de patriotisme dans toutes les provinces,—des hommes que l'intégrité et les capacités avaient porté aux plus hautes fonctions dans lesquelles les avaient maintenus pendant longtemps leur sagesse et les qualités de leur administration,—n'est-il pas étonnant, dis je, que tous ces hommes ament tombés d'accord sur un projet comme celui-ci sans qu'une seule voix discordante 889 se fit entendre? Aussi, ne puis-je m'empêcher de regarder comme un présage favorable cette unanimité des auteurs d'une constitution destinée à former un grand peuple. Je regarde cette unité de sentiment connue une autre raison qui doive nous faire prendre les moyens de consommer une union commencée sous des auspices aussi favorables, et comme une preuve convaincante de la sagesse qui a caractérisé les actes des différents délégués. Les personnages envoyés pour représenter les provinces du golfe donnèrent entr'autres de grandes preuves de capacité et d'idées politiques d'un ordre supérieur; aussi, suis-je sûr que le pays regrettera que ces hommes qui ont fait si bonne figure dans la conférence, et qui occupaient des positions élevées, les aient perdues par suite de leur attachement au projet actuel. Pour ma part, je portais un vif intérêt à ces hommes et attendais d'eux beaucoup pour l'avenir. (Ecoutez! écoutez!) Ce sont des hommes d'une telle distinction, qu'ils feraient honneur à n'importe quelle législature, et j'espère qu'ils seront réintégrés avant peu dans les charges élevées d'où on les a si malheureusement fait descendre. (Ecoutez! écoutez!) Il y a encore beaucoup d'autres raisons que je pourrais faire valoir comme recommandant le sujet à notre attention, mais je ne m'attacherai qu'a une seule doutent parlé tous les orateurs défavorables à la mesure qui m'ont récédé, et à laquelle on ne manquera pas de faire jouer un rôle considérable parmi les électeurs du Haut- Canada. Je veux parler de la question d'en appeler au peuple sur la mesure par des élections générales ou par tout autre moyen, afin de connaître ses vues avant de voter définitivement le projet. Ayant visité, avant la Session, plusieurs cantons du comté que j'ai l'honneur de représenter, j'exposai la chose aux électeurs aussi bien que je le pus, et je n'ai pas rencontré un seul d'entr'eux qui ne soit convenu qu'il était du devoir du parlement de passer la mesure aussitôt que possible. Il y eut même plus, car, en diverses assemblées, il y eut des résolutions de proposées spontanément par des auditeurs, me donnant instruction d'appuyer le projet, et regardant comme un malheur qu'on eût recours à des élections générales pour prendre l'avis du peuple sur une question que les neuf-dixièmes acceptent déjà. Mes électeurs furent même si satisfaits du projet en général, si convaincus de l'importance de le voir mettre à exécution le plus tôt possible, que je ne crains s de dire n'en votant comme je vais le faire, je ne ais qu'exprimer le sentiment de ceux que je représente dans cette enceinte. Je suis donc disposé à voter l'union projetée des provinces anglaises de l'Amérique du Nord telle que combinée dans les résolutions mises devant cette chambre. (Ecoutez! écoutez!) Je prie la chambre de ne pas croire que je vise à faire le moins du monde le censeur; cependant, je ne saurais m'empêcher de dire que plusieurs des discours qui ont été faits sur la question sont remplis de choses tout-à-fait étrangères au sujet. Il peut y avoir sans doute dans la mesure des détails que certains députés ne peuvent accepter, mais ou doit savoir qu'il est tout-à-fait impossible de combiner un plan qui plaise à tout le monde ou qu'on ne pourra pas critiquer et blâmer comme plus défavorable à telle partie du pays qu'à telle autre. Aussi, est-ce différemment qu'il faut en juger;—il faut en examiner l'ensemble et voir s'il est calculé de façon a produire le bien de tout le pays qui sera compris dans la confédération. Il serait absurde de supposer qu'on pût combiner un plan également agréable à toutes les parties d'un grand pays: ce n'est donc pas à ce point de vue étroit et rétréci qu'on doit juger d'une mesure. Certains parties du pays pourront avoir à faire des concessions et des sacrifices pour le bien de tous; or, il importe qu'ils soient faits avec plaisir du moment qu'ils ne sont pas trop lourds. Si le Haut-Canada jouit de plus de richesse que les autres provinces, qu'il n'oublie pas qu'il n'en a que plus de responsabilité, et que s'il est appelé a faire quelques sacrifices pour le bien de tous qu'il prise très haut, il ne faut pas qu'il croie, et personne ne croira non plus, qu'il n'en recevra pas d'importants avantages en échange, à d'autres égards. La conciliation et les compromis sont essentiels entre les intérêts contradictoires d'un territoire si vaste et ce n'est qu'à ce prix seul que nous pouvons rendre une union possible. (Ecoutez! écoutez!) Une autre question importante est celle des défenses du pays; n'ayant aucune idée de la science militaire, je n'en parlerai pas. Cependant, je ne puis comprendre comment d'honorables orateurs peuvent avancer de bonne foi et avec conviction que l'union projetée n'accroîtra pas nos moyens de défense. En vérité, de telles propositions me paraissent des plus étranges. Néanmoins, comme cette partie de la question a déjù été amplement dis 890 cutée, et comme d'ailleurs je ne suis pas versé dans l'art militaire, je ne crois pas que mes paroles pourraient jeter beaucoup de lumière sur le sujet. J'affirme donc, M. l'ORATEUR, que j'entrevois dans cette union les plus grands avantages our l'avenir du pays. En premier lieu, elle aura l'effet de rehausser notre idée de la grandeur et de la destinée future de ces provinces et d'élargir le cercle de nos aspirations. Elle ouvrira ensuite une nouvelle carrière à la jeunesse de ce pays en lui offront l'avantage de parvenir plus facilement à des postes distingués. Le même avantage est réservé à la jeunesse des provinces maritimes, et, en justice pour ces dernières, je n'hésite pas à déclarer que sous le rapport de l'esprit d'entreprise, de l'industrie et de l'intelligence, elles ne sont inférieures à aucune de celles qui doivent former partie de l'union. Leur coopération nous sera d'un grand prix, au point de vue de la prospérité de ce pays, et, en nous alliant à elles, nous ne tarderéns pas à voir se développer et mûrir ces idées qui constituent la base des succès et du bonheur d'une grande nation. (Ecoutez!) Et maintenant, M. l'ORATEUR, que j'ai parlé des détails les plus importants qui, à mon avis, doivent nous porter à accepter cette mesure, je vais re rendre mon siège, ne désirant pas voir ce ébat se prolonger plus longtemps; ainsi donc, pour les raisons que j'ai énoncées et comme conséquence de mon argumentation, je déclare que j'appuierai de mon vote la motion présentée par l'hon. procureur- général du Haut-Canada, au sujet de l'adoption des résolutions relatives à la confédération des provinces. (Applaudissements.)
M. McCONKEY—M. l'ORATEUR:— 'est avec une grande hésitation que je me lève a cette heure avancée de la nuit, mais je croirais manquer à mon devoir et aux obligations que j'ai contractées envers mes commettants, si je laissais passer ces résolutions sans faire connaitre, au moins en quel ues mots, l'opinion que j'entretiens à ce sujet. Or, pour atteindre le but que je me propose, je n'irai pas, M. l'ORATEUR, évoquer de souvenirs historiques, ou troubler les liasses poudreuses des journaux, pour constater les vues partaées par d'autres hommes politiques; non, loin de là.; je me bornerai à énoncer les idées que l'étude de ce sujet a fait aurgir dans mon spirit. Mais la tâche que j'entreprends est difficile, d'autant plus difficile que les arguments pour et centre la mesure ont été habilement et lon guement développés par les membres de cette chambre. Nous avons été, M. l'ORATEUR, les témoins de grands évènements en Canada. L'union en est un; et bien que, dans le cours de ces dernières années, elle n'ait pas fonctionné à la satisfaction de tous, il n'en est pas moins avéré que sous cette union nous avons grandement prespéré, surtout si l'on songe que nous avons aujourd'hui une population de deux millions et demi. Nous avons également grandi en richesse, en intelligence et en tout ce qui constitue les éléments de la puissance nationale. Mais des difficultés ont surgi entre les provinces en conséquence de ce que le Haut-Canada avait atteint un chiffre de population et de prospérité bien supérieur à celui du Bas-Canada; de là le cri de représentation d'après la population qui se fait entendre depuis dix à douze ans dans l'enceinte de cette chambre. Le Haut-Canada prétendait, et avec justice, qu'on lui faisait une position inférieure; qu'ayant une population excédant celle du Bas de prèsde 400,000 âmes, et contribuant environ les trois quarts des revenus de la province, il avait droit de se voir placé sur un pied d'égalité avec sa sœur-province, et qu'il ne se déclarerait satisfait que lorsque cette concession si équitable lui aurait été faite. Or, M . l'ORATEUR, malgré la justice de cette prétention, le Bas- Canada, avec autant de sincérité, j'ose le dire, et avec non moins de détermination, n'a pas cessé de s'opposer à cette demande. De la les luttes terribles qui se sont produites; de là les trois crises ministérielles dont nous avons été les témoins pendant les trois dernières années. Les partis étant à peu-près d'égale force dans cette chambre, le gouvernement du pays devint impossible; les rouages en étaient arrêtés et les crises rendues à l'état chronique. Mais, M, l'ORATEUR, tout homme bien pensant n'avait pas manqué de voir qu'il fallait absolument chercher une solution à ce difficile problême. Cet état de choses ne savait se perpétuer. Aussi, après la défaite de son administration, l'hon. procureur-général du Haut-Canada, je me le rappelle encore, n'hésite pas à avouer, en juin dernier, que le pays était placé dans une situation très difficile, ajoutant en même temps que le gouverneur-général avait donné carte blanche au gouvernement, et la faculté de dissoudre les chambres, s'il le jugeait à propos, mais qu'il lui répugnait de recourir à cette mrsure, parce qu'il était évident que le résultat des élections ne modlfierart aucunement l'attitude des partis; 891 mais il annonça qu'il avait eu une entrevue avec l'hon. député de South Oxford (M. BROWN) à la suite de laquelle il avait cru à la possibilité de voir se terminer nos luttes, et finit par proposer l'ajournement de la chambre. Subséquemment, les membres du gouvernement et le député de South Oxford convinrent de former le gouvernement coalieé que nous possédons aujourd'hui. Après aroir donné au sujet toute l'attention dontj'étais capable, je me décidai à appuyer ce gouvernement, persuadé que j'étais qu'il pourrait régler les affaires du pays d'une manière plus satisfaisante. Mais que l'on veuille bien croire que de ce que je suis favorable à ce gouvernement—, il ne suit pas de là que j'approuve les coalitions en général. Je prétends que dans un pays jouissant du gouvernement responsable et du système représentatif, il importe peu de savoir quelle est l'opinion politique qui règne, tant qu'il existe un parti puissant pour contrôler et surveiller les actes de l'administration. Il arrive donc, si les deux grands partis se eoalisent, que la chambre perd son contrôle, et que surgit le danger de voir naître les abus et la corruption. Je ne désire cependant pas que les ministres actuels croient que cette observation s'applique à eux. Je prétends, quant à eux, M. l'ORATEUR, que non seulement leurs intentions sont pures, mais qu'ils sont, comme la femme de César, au-dessus du soupçon. Mais si jamais un pays s'est senti dans une nécessité de recourir à la coalition, c'est bien le Canada. Je me réjouis donc de voir que nous avions parmi nous des hommes d'état, suffisamment désintéressés, pour s'élever au-dessus des luttes et des querelles de parti, dans lesquelles ils étaient malheureusement engagés depuis si longtemps, et jurer de mettre un terme à toutes nos difficultés nationales. (Ecoutez!) Je suis aussi d'avis que nous devons remercier la Providence d'avoir en un gouvernement solide et en état de faire face aux complications survenues l'an dernier entre nous et les Etats-Unis. C'est à lui que nous devons d'avoir pu décontenancer promptement les démarches des maraudeurs, dont le but avoué était de créer une difficulté entre l'Angleterre et l'Amérique. (Ecoutez!) M. l'ORATEUR, j'ai soigneusement et minutieusement étudié les résolutions qui forment aujourd'hui le tend de ce débat, et je déclare que bien que certains des détails qu'elles contiennent me répugnent, à un point de vue Haut-Canadien, je n'en ai pas moins l'intime conviction qu'elles ont été rédigées dans le but de rendre justice à toutes les provinces. Personne ne peut les lire sans arriver à la conclusion qu'elles sont le fruit de concessions mutuelles. Nul doute, M. l'ORATEUR, que les messieurs qui composaient la conférence ont dû éprouver de grands embarras pour faire un tout homogène de parties si multiples et si indéfinies. J'ai écouté avec attention les discours des députés de la gauche, et, jusqu'à ce jour, ils m'ont convaincu du fait qu'il leur était impossible de présenter une mesure plus acceptable que celle-ci; d'ailleurs, il n'eût pas été facile de préparer un projet supérieur, si l'on songe qu'il est le produit des intelligences les plus fortes de l'Amérique Britannique. (Ecoutez!) J'ai dit, M. l'ORATEUR, que certains détails du projet me répugnaient, et je répète que si le gouvernement eut permis de proposer des amendements aux résolutions, je les aurais certainement appuyés de mon vote; mais, d'un autre côté, en face de la position critique dans laquelle se trouve le pays, je déclare que je ne suis pas prêt à rejeter le projet dans son ensemble. (Ecoutez!) Bien que je considère que le chemin defer intercolonial soit aussi nécessaire a la confédération projetée que l'épine dorsale l'est à la charpente humaine, néanmoins, quand je songe aux extrangances et aux spéculations qui ont marqué l'histoire du Grand Tronc, je redoute pour mon pays les frais énormes qu'occasionnemnt son fonctionnement et son exploitation. Je n'entretiens pas, au sujet de ce chemin, les espérances partagées par certains membres de cette chambre, surtout quand je l'envisage au point de vue commercial. Ce n'est onc que comme entreprise militaire et que comme gage d'union entre les provinces confédérées, qu'il saurait se recommander à notre attention. L'on nous a dit, M. l'ORATEUR, que le gouvernement impérial a recu avis de l'intention du gouvernement des Etats-Unis d'abroger le traité de réciprocité. A mon avis, ce sera un évènement déplorable pour le Canada, et j'ai l'espoir que les membres du gouvernement qui vont sous peu se rendre en Angleterre, ne manqueront pas d'insister auprès du gouvernement impérial sur l'importance qu'il y a de le renouveler à des conditions honorables. Tout en espérant que ce traité sera continué, je ne partage cependant pas l'opinion que son abrogation aurait l'efl'et de nous lancer dans l'Union Américaine. 892 Je regrette beaucoup, M. l'ORATEUR, d'entendre si fréquemment d'hon. députés parler de l'annexion aux Etats-Unis. Les ans nous disent que si la confédération ne s'accomplit pas, il ne nous reste pas d'autre alternative que l'annexion; d'autres, que nous sommes sur un plan incliné et que nous allons glisser dans l'abîme, et que l'abrogation du traité de réciprocité et le rejet des résolutions actuelles auront ce résultat. Je n'en crois rien, M. l'ORATEUR, et je le déclare, cette assertion constitue un libelle à l'adresse du peuple canadien, qui est sincèrement loyal et profondément attaché à la mère-patrie, et ne désire pas le moins du monde changer son existence politique. (Ecoutez!) Mais je regrette que ces résolutions qui décrètent la construction du chemin de fer intercolonial, ne soient pas aussi explicites au sujet du développement des régions de l'Ouest. Je n'hésiterais pas à rejeter ces résolutions, si le gouvernement n'avait pas donné les garanties les plus positives que ces deux entreprises marcheront de pair, car je suis d'avis qu'il est de la plus haute importante que l'on se hâte d'ouvrir le Nord-Ouest a la colonisation et d'agrandir nos canaux. (Ecoutez!) Je profiterai de la présente occasion pour exprimer l'espoir que, tout en améliorant nos canaux, le gouvernement ne perdra pas de vue la nécessité qui existe de construire le grand canal de la Baie Georgienne. (Ecoutez!) Résidant sur les rives de cette baie, j'ai en l'avantage de me convaincre que c'est la route la plus avantageuse que nous puissions choisir pour diriger vers ce pays le trafic de l'Ouest. (Ecoutez!) J'ai donc l'espoir que le gouvernement prendra ce sujet en considération quand il s'agira de l'amélioration de nos canaux. C'est avec plaisir que je vois l'hon. procureur-général du Haut-Canada prêter une oreille attentive à mes paroles; j'en augure qu'il ne manquera pas de donner à ce sujet toute la considération qu'il mérite.
L'HON. Proc.-Gén. MACDONALD— Ecoutez! écoutez!
M. McCONKEY—Je n'hésite pas à exprimer l'espoir que ces résolutions seront mises à effet dans leur ensemble, et que toutes les autres provinces viendront se ranger sous la nouvelle constitution. Je verrais avec peine le gouvernement anglais chercher à les y contraindre, mais j'ai raison de croire qu'avant que plusieurs mois ne s'écoulent, elles comprendront l'avantage de s'unir à nous, et qu'à un au de cette date, nous formerons ensemble une vaste confédération de l'Amérique Britannique du Nord. (Ecoutez!) Je suis persuadé que cette union amènera la paix et le bonheur par tout le pays, et que le Haut et le Bas-Canada n'auront plus lieu de se jalouser du moment qu'ils pourront administrer leurs affaires locales à leur guise. Cette mesure assurera toujours au Haut-Canada la justice qu'il réclame depuis si longtemps,—la représentation basée sur la population,—car je suis heureux de voir qu'elle nous est pleinement concédée au moins dans la branche élective de la législature. (Ecoutez!) J'approuve cordialement la démarche prise l'autre jour par le gouvernement en apprenant le résultat des élections dans l'une des provinces maritimes. Lorsque je fus informé que les élections du Nouveau-Brunswick étaient défavorables au projet, je ne savais réellement pas ce qui allait advenir de la mesure, s'il fallait l'abandonner ou songer it en adopter une autre. Après avoir bien envisagé la question, j'en suis venu à la conclusion que le gouvernement a fait preuve de sagesse, et qu'il mérite des louanges pour n'avoir pas tardé a prendre les démarches nécessaires pour hûter la décision de cette affaire.—Il est évident que nous ne pouvons par ajonrner la question de nos défenses, non plus que celle de nos relations commerciales avec les Etats-Unis. Il faut de toute nécessité placer le pays sur un bon pied de defense, car nous ne saurions, tels que nous sommes aujourd'hui, offrir une grande résistance à l'agression étrangère; le gouvernement doit donc veiller attentivement à ce que nous soyions prêts à repousser toute tentative d'envahissement, quand sonnera l'heure du danger. (Ecoutez!) Dans le cours de ce débat, l'on a beaucoup agité la question de l'appel au peuple. Or, je maintiens que du grandes révolutions dans les institutions politiques d'un pays ne devraient pas s'opèrer avant que de consulter le peuple. Mais si l'on considère que dans le Haut-Canada au moins, quatre-vingt-dix électeurs sur cent sont favorables au projet, je déclare que l'on n'a pas eu tort de ne as en appeler directement au vote popu aire. Quant à moi, effrayé de la grande responsabilité que j'allais prendre en votant ces résolutions, je dois éclarer que je crus de mon devoir de convoquer des rassemblées dans mon comté et de consulter mes eommettauts. Or, partout ils se sont proncés en faveur du projet. (Ecoutez!) L'on a bien objceté a certains 893 détails, mais dans son ensemble la mesure a été jugée bonne et avantageuse. Ces assemblées étaient composées d'électeurs de tous les partis, et les résolutions y furent proposées et secondées en plusieurs cas par mes adversaires politiques. Je ne pense pas qu'il y eût plus de trois personnes, à toutes ces assemblées, qui aient élevé la voix contre la mesure. Bien plus, je puis dire que lors- qu'il fut fait mention d'un appel au peuple, l'opinion publique fut unanime à déclarer que c'était la une précaution inutile, vu que la mesure était généralement approuvée d'avance. Le résutat fut que mes commettants m'engagèrent à appuyer les résolutions, m'autorisant en même temps à y proposer les amendements que je jugerais à propos, si le gouvernement voulait y consentir. (Ecoutez! écoutez!) Après en avoir conféré avec plusieurs membres du Haut- Canada, j'ai constaté que nous n'étions pas d'accord sur la composition du conseil législatif. Je n'ai jamais approuvé l'innovation tentée par le gouvernement en 1855, lorsque fut modifiée la constitution du couseil législatif. J'ai toujours cru que c'était un acte imprudent; aussi, n'ai-je pas hésité à applaudir à l'opposition faite alors à cette mesure par l'hon. président du conseil (M. BROWN) et le député de Peel (l'hon. J. H. CAMERON). Si ma position m'eût permis de me joindre à ces messieurs, j'aurais contribué dans toute la mesure de mes forces à empêcher un tel empiètement sur la constitution. J'approuve donc entièrement la proposition énoncée à cet effet dans les résolutions que nous discutons en ce moment, car il est constant que si la chambre haute est appelée à prévenir la passation de lois incompatibles et mal digérées par la chambre basse, son droit de contrôle et son autorité ne doivent pas émaner de la même source. (Ecoutez! écoutez!) Néanmoins, je suis d'avis depuis assez longtemps que l'on pourrait fort bien abolir le conseil législatif entiérement, ce qui opérerait une très grande économie. Le succès de la mesure actuelle dépendra beaucoup de la constitution des gouvernements locaux; car si l'on peut arriver à un système qui rendra le fonctionnement des gouvernements locaux moins compliqué et moins dispendieux, la prospérité de la confédération entière s'en ressentira inévitablement. Je dois déclarer, M. l'ORATEUR, que si je suis appelé à prendre part dans la rédaction d'une constitution pour le Haut-Canada, je ferai tous mes efforts pour y établir la plus grande économie possible, et en éliminer tous les accessoires inutiles que nous offre notre constitution actuelle. (Ecoutez!) Les gouvernements des diverses provinces, quand il s'agira de faire fonctionner le nouveau système et de poser les bases de la nouvelle nationalité de l'Amérique Britannique du Nord, assumeront une bien grande responsabilité; il est donc à espérer que l'économie la plus stricte présidera à tous les arrangements qu'ils pourront adopter. (Ecoutez!) Je ne suis pas un alarmistc, M. l'ORATEUR, mais j'affirme qu'il est impossible de se cacher que le pays se trouve actuellement dans une crise commerciale bien grave. Je diffère entièrement des sentiments énoncés par d'hon. députés au sujet de la prospérité générale du Canada, car l'état actuel des choses est loin d'être ce qu'ils prétendent. Les mauvaises récoltes des dernières années ont plongé la population agricole et commerciale du Haut-Canada, dans une grande gène; les cultivateurs et d'autres encore ne peuvent s'acquitter des obligations qu'ils ont contractées envers les marchands, lesquels sont en conséquence incapables de faire honneur à leurs affaires, et le résultat en est que des centaines d'individus se voient forcés de faire faillite; les succursales des banques disparaissent graduellement des districts, et leurs opérations diminuent de jour en jour. Voilà, M. l'ORATEUR, des faits qu'il est impossible de contredire. Toutes les branches de l'industrie sont pour ainsi dire paralysées et l'avenir du pays semble menaçant. Sous ces circonstances, il devient du devoir du gouvernement de s'appliquer à encourager et développer les ressources industrielles de notre province. Je ne dis pas que le gouvernement actuel se rend coupable de cette faute, mais il est incontestable que les gouvernements de ce pays ont trop fréquemment emprunté des banques les capitaux qui devraient rester dans la circulation générale pour le bénéfice de notre commerce. Je prétends que l'une des premières obligations d'un gouvernement est de voir à ce que l'industrie du peuple soit strictement protégée; j'implore donc nos gouvernants de songer à la situation dans laquelle se trouve actuellement le pays, et de faire tout en leur pouvoir pour l'améliorer. Tout en déclarant, M. l'ORATEUR, que la mesure actuelle contient des propositions que je n'hésiterais pas à repousser si elles se présentaient raclement, cependant je ne les considère pas 894 assez importantes pour m'autoriser à rejeter le projet qui, dans son ensemble, est destiné à nous élever de la simple position de colons à celle de citoyens d'une puissante nation répandue, comme elle le sera, sur la moitié d'un continent, s'étendant, à l'est, de l'Atlantique aux rives aurifères du Pacifique, à l'ouest, borné au sud par la grande république américaine, et au nord par,—j'allais dire le pôle nord,—et sillonné non seulement par un chemin de fer intercolonial, mais encore relié d'une mer a l'autre par une ligne de communication non interrompue. J'éprouve, M. l'ORATEUR, une bien grave responsabilité quand je songe au vote que je suis appelé à donner en cette circonstance, mais j'ai scrupuleusement médité sur ce projet, et, après avoir pesé toutes les raisons pour et contre, j'en suis venu à la conclusion que je suis tenu d'appuyer ces résolutions de mon vote, persuadé qu'en le faisant j'acquiesce aux vœux de la grande majorité de mes commettents. (Applaudissements.)
Sur motion de M. TASCHEREAU, le débat est ajourné.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

Credits:

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Selection of input documents and completion of metadata: Dave Lang.

Notes de bas de page:

  • (*) NOTE.—La traduction de tous les extraits du rapport de Lord DURHAM a été puisée dans la version française officielle, et nous n'y changerons rien.—Note du Rapporteur

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