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Assemblée Législative, 07 Mars 1865, Provinces de L'Amérique Britannique du Nord, Débats de la Confédération.

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MARDI, 7 mars 1865.

Lecture étant faite de l'ordre du jour pour la reprise des débats sur la confédération,—
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD dit: —Avant que les débats ne soient repris, je désire dire quelques mots. J'attirerai l'attention de la chambre sur une dépêche télégraphique reçue aujourd'hui,—dont les termes sont assez confus,—relativement à un débat qui a eu lieu dans la chambre des lords, en Angleterre, au sujet de la défense du Canada. D'après cette dépêche, le Comte de GREY, secrétaire d'état au département de la guerre, admit l'importance de cette question, mais regretta que l'on eût exprimé des doutes sur les intentions conciliatrices des Américains. Le gouvernement demandera un crédit de £50,000 pour les défenses de Québec, tandis que les Canadiens entreprendront les défenses de Montréal et de l'Ouest. La somme demandée, suivant une autre version, est de £30,000. Ces chiffres sont évidemment une erreur et doivent être £300,000. Mon but en me levant maintenant, était de dire que, d'après ce que nous pouvons comprendre de ce sommaire confus des débats, le gouvernement impérial est sur le point de demander un certain crédit pour les défenses de Québec, tandis que les Canadiens entreprendraient les défenses de Montréal et du pays à l'Ouest de cette ville. Je puis dire qu'il est bien vrai que le gouvernement impérial a fait une proposition, il y a quelque temps, à l'effet qu'il était prêt à proposer au parlement de voter une somme d'argent pour la défense de Québec, comme on le dit ici, pourvu que la province entreprît la défense de Montréal et de l'Ouest. Des négociations se sont poursuivies sur cette question depuis lors, entre le gouvernement impérial et le gouvernement canadien, et je pense qu'il y a tout très d'espérer qu'elles auront un résultat très favorable, et que des arrangements seront
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faits pour assurer la défense du Canada, tant à l'Est qu'à l'Ouest, de manière à protéger parfaitement le pays, tout en ne pesant pas trop lourdement sur le peuple. (Ecoutez! écoutez!) Ces négociations se poursuivent encore à l'heure qu'il est,—elles ne sont pas encore terminées,—et il doit être évident, pour tous ceux qui ont lu cette courte analyse des débats du parlement impérial, qu'il est de la plus haute importance que le Canada soit représenté en Angleterre dans le moment actuel. (Ecoutez! écoutez!) Il doit être évident pour tout le monde que quelques uns des principaux membres de l'administration devraient être en Angleterre pour veiller aux intérêts du Canada, et pour conclure ces négociations sans perdre de temps. (Ecoutez! écoutez!) Il est désirable, comme je l'ai dit hier, que les deux questions de fédération et de défense soient discutées en même temps, et il faut saisir l'occasion de constater exactement quelle est la position de l'Amérique Britannique du Nord relativement au degré de confiance qu'elle peut avoir dans le gouvernement impérial dans un sens politique, ainsi qu'à l'égard de la défense du pays. Il ne devrait donc y avoir aucune perte de temps quelconque, et, dans ce but, le gouvernement demandera à cette chambre, —comme la discussion dure déjà depuis longtemps, et qu'un grand nombre de membres ont parlé sur le sujet,—qu'elle diffère le moins possible à en venir à une décision sur la question. Comme de raison, le gouvernement ne veut pas essayer de fermer la porte à toute discussion, mais il demande et invite la chambre à considérer l'importance de voter aussi promptement qu'elle pourra convenablement le faire sur cette question. C'est à la chambre de décider si le projet de confédération qui lui a été proposé par le gouvernement est un projet qui, avec tous ses défauts, doit-être adopté, ou si nous devons nous confier à un avenir incertain. Afin que la chambre en vienne de suite à une entente dans cette affaire, je vais, comme je l'ai annoncé hier, prendre tous les moyens parlementaires pour obtenir un vote aussi tôt que possible, et, en conséquence, je proposerai maintenant la question préalable. (Applaudissements ironiques à gauche; contre-applaudissements à droite.) Je propose, M. l'ORATEUR, que la question principale soit maintenant mise aux voix. (Nouveaux applaudissements.) Les hon. membres de l'autre côté de la chambre savent parfaitement bien que cette proposition que je fais ne doit pas couper court aux débats. (Ecoutez! écoutez!) La chambre aura encore l'occasion d'entendre, et sera heureuse d'entendre l'hon. député de Chateauguay, qui crie "écoutez! écoutez!" exprimer son opinion que ce projet est tellement mauvais que la chambres agirait sagement en le rejetant, lorsque l'on n'offre rien pour le remplacer, et que nous n'entrevoyons rien dans l'avenir. Nous aurons tous beaucoup de plaisir à entendre l'hon. monsieur dire si nous devons ou non adopter ce projet. Il a une proposition sur l'ordre du jour, dont avis a été donné par l'hon. député de Peel (M. J. H. CAMERON.) Ma motion ne nuira pas à celle-là. Mais si cette chambre est d'avis que ce projet doit être adopté, mon hon. ami aura alors l'occasion de proposer sa motion. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. L'ORATEUR—Si la chambre le désire, je lirai l'article des règlements qui a trait à la question préalable. Le 35e article des règlements de la chambre est comme suit:— "La question préalable, tant qu'elle n'est pas décidée, exclut tout amenement à la question principale, et doit être conçue de la manière suivante:—'Que cette question soit maintenant mise aux voix.' Si la question préalable est résolue affirmativement, la question principale est aussitôt mise aux voix sans débat, ni amendement." (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER —M. l'ORATEUR, je seconde cette motion. (Applaudissements ironiques de la gauche.)
L'HON. M. L'ORATEUR—La question est maintenant:—"Que cette question soit maintenant mise aux voix."
L'HON. M. HOLTON—Je ne me lève pas maintenant, M. l'ORATEUR, pour faire aucune remarque sur la manière de procéder adoptée par l'hon. procureur-général du Haut-Canada, autre que celle-ci: qu'un ami, un hon. membre de cette chambre, me disait hier que le gouvernement allait probablement adopter cette ligne de conduite, afin de forcer l'adoption de cette mesure par la chambre. Mais je repoussai cette idée. Je pensai qu'il était impossible qu'un gouvernement, qui compte au nombre de ses membres des hommes publics qui ont joué un rôle éminent dans l'histoire parlementaire de ce pays, depuis quelques années, pût recourir à une pareille duperie. (Applaudissements.) Après avoir présenté cette mesure comme il l'a fait,—après l'avoir présentée   d'une manière très inconstitutionnelle et 707 contre toute règle parlementaire, et voyant qu'il serait proposé des amendements à plusieurs des propositions contenues dans les rélutions adoptées par la conférence de Québec;—il nous enlève tout moyen d'amender la mesure en proposant la question préalable. (Ecoutez! écoutez!) Eh quoi! le procureur-général du Haut-Canada n'a t-il pas dit lui-même que nous aurions la faculté de prendre l'opinion de la chambre sur chacune des résolutions, en proposant des amendements? (Ecoutez! écoutez!) Ayant pleine confiance que cet engagement serait tenu, lorsque mon hon. ami qui siége à côté de moi me dit qu'il avait raison de croire que le gouvernement avait l'intention de recourir à cette tactique, je le répète, je repoussai cette idée. (Ecoutez! écoutez!) Je ne ferai pas d'autres remarques sur ce point en ce moment, si ce n'est que si le but du gouvernement est de raccourcir les débats, comme le dit l'honorable monsieur,—si son motif réel est en effet d'arriver promptement à un vote sur la question,—ce qu'il a dit lui-même montre combien est futile l'idée qu'il atteindra ce but. Il n'était pas du tout nécessaire à l'hon. monsieur de nous dire que nous pouvions discuter la question préalable. Nous sommes maintenant, par un arrangement qui ne sera pas violé, je suppose,— bien que je ne sache pas quelle tentative l'on pourra faire encore,—nous sommes maintenant, pratiquement, en comité général, et nous avons la liberté de parler aussi souvent qu'il nous plaira sur la question. En conséquence, le but que veut obtenir l'hon. monsieur ne peut pas être atteint, mais un autre but peut être et sera atteint:— le gouvernement va entraîner ses partisans, — auxquels il a déjà fait faire des choses dont ils se repentiront probablement, lorsqu'ils se trouveront en face de leurs commettants,— il va les entraîner un peu plus loin dans le bourbier (applaudissements et contre-applaudissements), en les privant de l'occasion d'enregistrer leur opinion, même par la voie incommode des amendements, sur les diverses propositions que l'on demande d'incorporer dans cette adresse à la couronne. (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, l'hon. monsieur dit que les nouvelles reçues par le télégraphe relativement aux défenses, rendent nécessaire que nous en venions à une prompte décision sur la question de la confédération. Mais quelle a été la ligne de conduite des hon. messieurs de l'autre côté, depuis le commencement des débats, lorsque l'on a parlé de la question des défenses? Lorsque nous leurs avons dit: — " Mettez-nous en possession des renseignements nécessaires pour examiner la question des défenses, qui doit être discutée en rapport avec celle de la confédération," quelle a été leur réponse? Ils nous ont répondu qu'il n'y avait aucun rapport naturel ou nécessaire entre les deux sujets. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi, lorsque l'on a demandé aux hon. messieurs de nous donner des renseignements au sujet des défenses, ils ont répondu qu'il n'y avait aucun rapport entre les deux questions; mais, aujourd'hui, qu'ils ont un autre but à atteindre, ils renversent leur première position et disent: "Menez cette affaire à terme par tous les moyens, le plus promptement possible, afin ne nous puissions mettre le pays en état de défense." (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M. l'ORATEUR, que nous avons droit, à cette phase des débats et sous ces circonstances, de demander que tous les renseignements en la possession du gouvernement au sujet des défenses, soient soumis à la chambre. Je crois qu'il n'existe aucune règle parlementaire mieux reconnue, que lorsqu'un ministre de la couronne se lève en chambre et parle de dépêches au sujet de matières d'une importance publique, ces dépêches doivent être soumises à la chambre. Cette règle est fondée sur celle qui est suivie dans nos cours de justice, qui exige que tout document mentionné dans la preuve ou dans la plaidoirie, pour être utile à quelque chose, doit être en la possession de la cour. Je me permettrai de poser cette question à l'hon. procureur-général du Haut-Canada, et j'attendrai une réponse:— s'il est de l'intention du gouvernement, avant de faire prendre le vote sur ces résolutions, de mettre la chambre en possession des renseignements dont je parle maintenant?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Ce n'est certainement pas son intention, — et pour les meilleures raisons possibles.
L'HON. M. HOLTON— L'hon. monsieur dit que ce n'est certainement pas son intention. Et, cependant, il nous demande de donner un vote en conséquence de renseignements qu'il ne communique pas, non seulement sur la question des dépenses, mais aussi sur celle de la confédération! Si l'hon. monsieur s'était servi des arguments qu'il a employés pour refuser de donner des informations, si la proposition était simplement de faire voter un crédit pour mettre le pays en état de défense, il pourrait y avoir quelque raison 708 la-dedans; mais il les emploie pour nous faire voter en faveur d'un projet politique qui comprend toute espèce de choses autres que la question des défenses. La position que prend maintenant l'hon. monsieur est inconstitutionnelle; mais, comme elle est inconstitutionnelle, elle est parfaitement en harmonie avec toute la ligne de conduite de cette administration depuis sa formation en juin dernier, lorsqu'elle a commencé son existence en engageant la couronne, par un document écrit, à ne pas exercer la prérogative d'une dissolution avant qu'une autre session de ce parlement n'eût eu lieu. (Ecoutez! écoutez!) Je répète que la conduite de l'administration, en cette circonstance, est en harmonie avec tout ce qu'elle a fait depuis le premier moment de son existence. Eh bien! M. l'ORATEUR, j'ai posé une question à l'hon. procureur-général du Haut-Canada, et je me propose maintenant, avec la permission de mon honorable ami le député de North Wellington, qui a la parole, de lui en faire une autre. Il peut y répondre ou n'y pas répondre, suivant qu'il le jugera convenable; mais le pays en tirera les conclusions qu'il voudra. Hier, il a dit qu'en conséquence du résultat des élections dans le Nouveau-Brunswick, il était devenu passablement apparent que ce projet avait reçu son premier échec; en d'autres termes, il a admis clairement que le résultat des élections au Nouveau-Brunswick était contraire au projet,—et je puis ajouter qu'il sait parfaitement qu'une majorité du parlement actuel de la Nouvelle-Ecosse y est aussi opposée.
L'HON. M. BROWN—Non! non!
L'HON. M. HOLTON—Je dis que oui; et dans l'Ile du Prince-Edouard, il n'y a aucune probabilité quelconque que le projet soit accepté. Eh bien! malgré tout cela, il dit qu'il pressera le vote sur cette question. Il a été posé une question hier, à laquelle il a été répondu, mais il existe quelque malentendu sur la signification de la réponse, et je crois que l'on admettra que c'est une question à propos de laquelle il ne devrait y avoir aucun malentendu quelconque.
L'HON. J. S. MACDONALD—Vous ne pourriez pas comprendre la réponse.
L'HON. M. HOLTON — J'admets que j'ai l'entendement obtus, mais j'espère comprendre la réponse que l'on me fera, si l'on m'en fait une. La question que je désire poser au chef du gouvernement est celle-ci:—Le gouvernement a-t-il l'inten tion de demander au parlement impérial par l'adresse qu'il conjure la chambre d'adopter la passation d'une loi affectant les provinces maritimes, ou quelques-unes d'entre elles, sans le consentement et le concours de ces provinces? C'est là la question que je désire poser à l'hon. monsieur.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Le gouvernement canadien n'a pas l'intention de presser le gouvernement impérial de passer aucun acte quelconque.
L'HON. M. HOLTON —Alors l'hon. monsieur a été évidement mal compris hier. II a dit qu'il était de la plus grande importance que cette mesure fût adoptée sans délai, afin que les ministres pussent aller en Angleterre et se consulter avec le gouvernement impérial relativement au bill qui devait être introduit pour donner effet à cette adresse.
L'HON. M. BROWN—C'est juste!
M. RANKIN—Le gouvernement n'a pas l'intention de "presser" le parlement impérial de passer une loi.
L'HON. M. HOLTON—Je ne veux pas que l'on joue sur les mots. Ce que je veux savoir est si, conformément à cette adresse, les hon. messieurs se proposent de demander, ou ont quelque raison d'espérer que le gouvernement impérial...
L'HON. M. BROWN—Oh! oh!
L'HON. M. HOLTON—...que le gouvernement impérial légiférera sans le concours des provinces d'en-bas? Si, en réalité, dans le cas où les provinces d'en-bas refuseraient leur concours au projet de la conférence, l'hon. monsieur a raison de croire que l'on pourra légiférer sur ce projet? Je désire savoir, premièrement, s'il se propose de demander une pareille loi? et secondement, s'il croit pouvoir l'obtenir?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je crois que la chambre, et l'hon. monsieur lui-même, doit voir combien peu raisonnable est la question qu'il me pose et qui est de savoir si j'espère que le gouvernement britannique décrètera quelque loi contre la volonté des provinces d'en-bas au sujet de la confédération? Tout ce que je puis dire, c'est que je ne suis pas plus en état que l'hon. député lui-même de me former une opinion à cet égard. Ce que j'ai dit hier, je le répète aujourd'hui:— c'est que le gouvernement canadien, sachant que l'opinion du peuple du Nouveau-Brunswick a été exprimée contre la confédération, saisira la première occasion pour 709 discuter avec le gouvernement impérial la position de l'Amérique Britannique du Nord, surtout relativement à l'état actuel des affaires en Canada, dont la population qui forme les quatre cinquièmes de celle de l'Amérique Britannique du Nord, est favorable à la confédération, tandis que le Nouveau-Brunswick, avec une population de deux cents et quelques mille âmes, y est opposé. En discutant la question avec les conseillers de Sa Majesté, nous entrerons probablement dans la considération de tout ce qui s'y rattache; mais il m'est parfaitement impossible de dire quelle pourra être la nature de ces discussions, ou à quoi elles conduiront ou ne conduiront pas. Elles peuvent nous faire arriver à des conclusions, mais pas un homme ne peut dire quelles seront ces conclusions. Nous ne pouvons pas dire à quelles conclusions en arrivera le gouvernement impérial. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Je remercie l'hon. monsieur de sa réponse courtoise. Je pense qu'en somme c'est une réponse satisfaisante, parce qu'elle implique évidemment ceci:— que sans le concours des provinces d'en-bas cette mesure ne pourra pas être réalisée. C'est là clairement ce qu'elle veut dire. Nous savons bien que nous n'aurons pas le concours des provinces d'en-bas, et par conséquent il est absurde de demander à la chambre de voter une mesure que les hon. messieurs eux-mêmes ont déclaré, les uns les autres durant ce début, être une mesure imparfaite,—une mesure de compromis,-non pas une mesure comme celle qu'ils désiraient et espéraient, sous plusieurs rapports, mais une mesure qu'ils avaient acceptée afin d'engager les provinces d'enbas à y devenir parties. Eh bien! je demande si la chambre devrait être appelée à voter en faveur des dispositions inacceptables et condamnables de ce projet, lors- qu'il n'y a plus aucune raison pour elle de donner ce vote,—lorsqu'il est admis que les provinces d'en-bas, à l'instance desquelles dispositions y ont été introduites, n'y veulent pas consentir et ne peuvent pas y être forcées? (Ecoutez!) Le président du conseil à Toronto, lors du banquet qui y a eu lieu dernièrement, qu'il était entièrement oppose à la constitution du nouveau conseil législatif, et qu'il l'avait combattue dans la conference. Nous savons aussi que cette partie de la mesure est très inacceptable à tous ceux que l'on a pu appeler les membres du parti libéral,—mais le président du conseil a détruit ce parti, et il n'est peut-être pas juste d'en parler encore comme étant le parti liberal; on ne doit plus les reconnaître maintenant que comme ceux qui se rangeaient autrefois, dans le Haut et le Bas- Canada, sous la bannière du parti libéral. L'hon. président du conseil a dit que comme représentant à la conférence le parti libéral du Haut-Canada,—le parti libéral du Bas- Canada n'ayant été aucunement représenté dans la conférence,—comme représentant le parti libéral du Haut-Canada, le parti de cette section qui est en grande majorité dans cette chambre,—il était opposé à cette partie du projet—laquelle est aussi inacceptable à une grande majorité de cette chambre qu'à l'hon. monsieur lui-même. Je ne mentionne ceci que pour exemplifier mon argument. Pourquoi les hon. membres qui étaient disposés à accepter le projet dans son ensemble, nonobstant cette partie condamnable,—qui étaient disposés à l'accepter pour les motifs donnés par leurs chefs, connue mesure de compromis, —pourquoi, je le demande, seraient-ils appelés aujourd'hui à voter contrairement à leurs convictions, seulement pour flatter l'amour-propre des hon. messieurs siégeant sur les banquettes ministérielles, qui désirent faire adopter à la chambre une adresse qui, de leur propre aveu, ne doit avoir aucun effet? (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je suis convaincu qu'elle deviendra la constitution du pays.
L'HON. M. HOLTON—L'hon. monsieur se vante qu'elle deviendra la constitution du pays?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je veux parler de toute l'Amérique Britannique du Nord.
L'HON. M. HOLTON—L'hon. monsieur a dit "du pays." L'hon. monsieur admet donc que s'il ne peut obtenir le concours des provinces d'en-bas à cette mesure,—que si elles ne peuvent être persuadées d'accepter ce plan pour reconstruire leurs gouvernements,—il va demander au gouvernement impérial de baser une constitution pour les deux Canadas sur ces résolutions.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD — L'hon. monsieur a tiré des conclusions erronées de ce que j'ai dit. Lorsque j'ai dit que je n'avais aucun doute que les résolutions qui sont maintenant devant la chambre deviendraient la constitution du pays, je voulais dire que je n'avais pas plus de doute, que je ne doute que je suis ici, qu'elles 710 seraient adoptées, non seulement par le Canada, mais aussi par les autres provinces.
L'HON. M. HOLTON—Ah! l'hon. monsieur n'a "aucun doute."
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD — Vous cherches à torturer mes paroles; mais continuez.
L'HON. M. HOLTON—Je n'ai pas eu le même apprentissage que l'hon. monsieur dans l'art de torturer les paroles d'autrui. Je prends ses paroles dans leur sens précis et littéral. Il dit qu'il n'a aucun doute que ces résolutions formeront la constitution du pays. Alors, M. l'ORATEUR, pourquoi les hon. messieurs ne tiennent-ils pas à leur parole, — pourquoi le président du conseil spécialement ne tient-il pas à sa parole envers son parti, en nous donnant le projet qu'il s'est engagé à nous soumettre, dans le cas où il surviendrait quelque chose comme ce qui arrive aujourd' hui, durant cette session du parlement? L'hon. monsieur ne croit pas convenable de répondre. J 'avoue que je ne m'attendais pas à recevoir de réponse; mais, cependant, j'ai cru convenable de lui poser cette question. Je puis, ainsi que les autres membres de cette chambre, interpréter son silence. Il sait parfaitement que c'est une violation du programme avec lequel il est entré dans le gouvernement, et il sait parfaitement qu'il s'écarte de l'aveu qui faisait, je ne dirai pas sa justification, mais son excuse pour occuper le siège qu'il occupe maintenant. La question est maintenant posée;—le gouvernement a-t-il l'intention d'aller en Angleterre et de demander au gouvernement impérial d'établir une constitution pour ce pays, dont les principes n'ont jamais été pris en considération, parce que nous sommes maintenant occupés à rédiger un projet de confédération générale?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— J'ai dit que la première chose à faire durant la session d'été serait de présenter une mesure afin de mettre tout le programme à exécution. Premièrement, votez la confédération, et lorsque nous nous réunirons de nouveau, nous soumettrons le projet des gouvernements locaux pour le Haut et le Bas- Canada.
L'HON. M. HOLTON—Oui, les gouvernements locaux. Je remercie l'hon. monsieur de me faire souvenir des gouvernements locaux. Mais je parlais du gouvernement général du Canada. (Ecoutez! écoutez!) Je pense que la seule conclusion possible de l'admission de l'hon. monsieur est que le gouvernement a l'intention de chercher à obtenir une constitution générale pour le Canada en vertu de ces résolutions sans avoir jamais soumis la question à cette chambre. Eh bien! monsieur, il y a peut- être une autre raison de la conduite adoptée hier par l'hon. monsieur et poursuivie aujourd'hui. J'ai toujours pensé—et peut- être cela n'a-t-il pas été démontré par 1es faits...
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— Ecoutez! écoutez!
L'HON. M. HOLTON—Je dis que j'ai toujours pensé, et les faits tendent à démontrer rapidement l'exactitude de mon impression, que ce gouvernement a été formé en conséquence de l'embarras dans lequel se trouvaient certains messieurs qui possédaient des portefeuilles et désiraient les conserver, et de certains autres qui n'en avaient pas mais désiraient en avoir. Je crois que toutes les difficultés constitutionnelles, ou prétendues difficultés constitutionnelles de ce pays, sont venues des embarras personnels ou plutôt politiques dans lesquels certains messieurs se sont trouvés placés, en conséquence de causes dont je ne parlerai pas maintenant. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! monsieur, voyant que ce projet a avorté, voyant que le prétexte sous lequel ils sont restés au pouvoir pendant six ou neuf mois est sur le point de leur faire défaut, ils préparent d'autres moyens, comme une espèce de leurre pour le pays, par lesquels ils pourront conserver le pouvoir pendant quelque temps encore. J'admets la dextérité avec laquelle ils font la chose —dextérité pour laquelle le procureur-général du Haut-Canada est depuis longtemps renommé dans le pays. Sa théorie est: "Ayons soin d'aujourd'hui, quand viendra demain, nous verrons ce qu'il y aura à faire," et en adhérant à cette maxime, il a réussi à prolonger son existence politique jusqu'à ce moment. L'on reconnaîtra, je crois, que c'est là la théorie d'après laquelle agit l'hon. monsieur.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Et c'est une théorie très sage. (Rires.)
L'HON. M. HOLTON —Une théorie très sage, sans aucun doute. Je suis heureux de voir que l'hon. monsieur ne nie pas le fait. Mais tout en admettant qu'il a très bien réussi de cette manière, il peut être douteux, cependant, qu'après tous ses succès il ait atteint la plus belle récompence possible d'une vie publique; il est douteux que 711 quelqu'un parle de l'hon. monsieur comme un homme d'état. L'on admet qu'il est un directeur adroit, et que son administration est basée sur la théorie de faire aujourd'hui ce qui doit être fait aujourd'hui, et de remettre à demain tout ce qui peut être différé. Je doute cependant, après tout, que lorsque l'hon. monsieur viendra à passer sa carrière en revue, il soit convaincu que cette espèce de politique porte avec elle les plus grandes récompenses d'une vie publique.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je consentirai volontiers à laisser l'hon. député de Chateauguay se faire mon biographe. (Rires.)
L'HON. M. HOLTON—Mais pendant que telle était sa théorie et sa pratique, et bien qu' elles fussent couronnées d'un certain succès, je demanderai à l'hon. président du conseil s'il a jamais, auparavant, agi d'après cette théorie, et s'il peut volontiers la suivre maintenant? La plupart d'entre nous se rappellent,—au moins ceux qui ont été dans la vie publique depuis quelques années, doivent se rappeler un discours très remarquable prononcé par l'hon. député de South Oxford (M. BROWN) à Toronto, durant la session de 1856 ou 1867. Il a prononcé plus d'un discours remarquable dans son temps, mais c'était là l'un des plus remarquables. Il décrivait dans ce discours la route du procureur-général du Haut-Canada comme étant parsemée d'un bout à l'autre des pierres tumulaires de ses collègues massacrés. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! il ne manque pas de personnes qui croient entrevoir à une distance assez rapprochée la tombe béante qui attend la plus noble victime de toutes. (Rires.) Et je crains beaucoup, à moins que l'hon. monsieur n'ait le courage de faire valoir son ancienne énergie—et il a beaucoup d' énergie—et de mépriser les miroitements et les douceurs du pouvoir, et de se replacer là où il était établi autrefois dans l'estime et la confiance du peuple de ce pays, comme l'un des premiers défenseurs des droits du peuple, comme l'un des premiers champions des priviléges d'un parlement libre,—à moins qu'il ne se hâte de faire cela, je crains beaucoup que lui aussi ne tombe victime,— comme je l'ai dit, la plus noble victime de toutes,—des artifices, sinon des armes, du cruel exterminateur. (Rires.) Je désire, puisque j'ai la parole,—et je ne suis pas du tout ceriain si, en face du nouvel état de choses, je troublerai la chambre en discutant au long la question de confédération,—je désire dire quelques mots sur le mérite de cette question de défense. Comme de raison, je crois, comme tout homme en ce pays le croit aussi, je suppose, que le peuple qui ne veut pas se défendre n'est pas digne d'institutions libres. Je pense que nous devons nous défendre le mieux que nous pouvons contre toute agression. Je pense que la conduite que nous avons suivie depuis quelques années, d'enrôler notre population et de l'habituer à l'usage des armes et aux exercices militaires, et d'instruire des officiers qui pourraient la conduire, si la nécessité s'en présentait,—est une conduite sage. Mais si les hon. messieurs proposent que nous établissions une armée permanente, que nous équipions une marine, que nous entrions dans un système coûteux de fortifications, ils proposent ce qui est au-delà des moyens du pays,—ils proposent ce qui doit amener bientôt la ruine financière du pays,—et en amenant la ruine financière du pays, et en créant par là du mécontentement dans la population, ils préparent la voie à l'événement même qu'ils prétendent répousser si fortement. Je crois, si cette conduite n'a pas ce résultat, qu'elle aura certainement celui de dépeupler le pays. Déjà l'œuvre de dépouation est commencée.
L'HON. M. BROWN—Oh! oh!
L'HON. M. HOLTON—Dans tous les comtés de l'ouest du Haut-Canada, au moment actuel, il y a une plus grande somme de malaise et de détresse financière que je n'en ai vue depuis vingt-cinq ans. Je défie les hon. messieurs qui m'entourent de contredire cette assertion. Et je dis que nous ne sommes pas en état de supporter un grand surcroit d'impôt sur nos ressources. (Ecoutez! écoutez!) Et ensuite quel est l état de nos finances? L'hon. monsieur qui préside à nos finances n'a pas osé l'autre jour contredire l'assertion que j'ai faite, que toutes les sources de revenu diminuaient, et qu'un déficit inévitable pour cette année nous regardait en face. Cela n'est-il pas le cas?
L'HON. M. GALT—L'hon. député peut répéter son assertion, mais il ne doit pas me la mettre dans la bouche.
L'HON. M. HOLTON—L'hon. monsieur n'a pas osé la contredire, et je pensais que la gravité de cette assertion était telle qu'il l'aurait contredite s'il l'avait pu.
L'HON. M. GALT—Faites vos assertion sur votre propre responsabilité, et non pas sur la mienne.
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L'HON. M. HOLTON—Je dis donc, sur ma propre responsabilité, que toutes les sources de nos revenus ont diminué, depuis le commencement de l'année, excepté le montant comparativement minime provenant des timbres sur les billets.
L'HON. M. GALT—Dites-vous toutes les sources du revenu, avec l'exception que vous mentionnez?
L'HON. M. HOLTON—Oui.
L'HON. M. GALT — Alors, l'on vous prouvera qu'il n'en est pas ainsi, lorsque vous aurez fini. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Comme de raison, je serai heureux de l'entendre. C'est là l'espèce de renseignements dont nous avons besoin avant que nous ne donnions aux hon. messieurs un vote de crédit, et que nous leur permettions d'aller en Angleterre pour faire ce que bon leur semblera pendant six mois encore. Il peut se faire que le revenu se soit relevé, depuis quelques semaines, en conséquence de causes accidentelles. Il a circulé une rumeur que l'hon. ministre des finances avait l'intention d'opérer un changement dans les droits de douane, et dans deux ou trois de nos grandes villes, on s'est empressé de courir aux entrepôts de douane, afin d'économiser la somme supplémentaire que les marchands auraient eu à payer par un changements de tarif. Cela a sans doute augmenté les recettes pour le moment, et il est très possible que pour cette cause le revenu eut avoir regagné ce qu'il avait perdu durant les premières semaines de cette année. Et ensuite, l'état de nos effets en Angleterre—qui avaient tant profité, d'après le président du conseil, du résultat de la conférence de Québec,—n'est rien moins que satisfaisant. Je crois qu'à l'exception du point qu'ils ont touché en octobre, ou au commencement de novembre, et qu'ils n'ont touché que pendant un très court espace de temps, ils sont plus bas maintenant, et ont été plus bas pendant plus longtemps qu'à aucune autre époque depuis l'union Je crois donc que nous ne sommes pas en position d'imposer de lourds fardeaux au peuple dans le but d'établir une armée permanente, ou dans le but de construire d'immenses fortifications. (Ecoutez! écoutez!) Mais j'en ai dit plus que je ne me le proposais lorsque je me suis levé, et je ne veux pas priver plus longtemps mon hon. ami de North Willington (DR. PARKER) de la parole.
L'HON. M. BROWN—Je ne retiendrai la chambre que pendant quelques instants pour répondre à l'hon. monsieur qui vient de prendre son siége. Quant à son assertion que le revenu a diminué dans la proportion ont il parle, dans toutes ses sources, elle est parfaitement erronée. Il sera démontré, quand le temps en sera venu, lorsque l'on demandera à la chambre de voter les subsides, que le revenu est très loin d'être dans la condition désespérée dont l'hon. membre a parlé. Et je pense que son assertion relativement à l'état de la province est aussi exagérée que l'autre. Il est très vrai que plus sieurs parties de notre pays souffrent malheureusement, en ce moment, d'une gêne considérable; mais aucun homme intelligent qui examinera les circonstances dans lesquelles nous nous trouvons placés, ne trouvera cela extraordinaire. Nous avoisinons un pays qui est en proie à une guerre affreuse. Nos relations commerciales avec ce pays, avec lequel nous avons ordinairement d'immenses transactions, sont considérablement troublées. Ensuite nous avons eu de pauvres récoltes depuis plusieurs années, et nos banques ne font—et elles ont raison—que des affaires très restreintes. Ces causes, ainsi que certaines autres, ont contribué à produire la stagnation qui existe aujourd'hui et une disposition générale à resserrer le cercle des transactions commerciales. (Ecoutez! écoutez!) Mais, avec tout cela,—malgré la rareté de l'argent et beaucoup de souffrances et de gêne causées par sa rareté,—je me permettrai d'affirmer que les grandes branches de nos industries nationales n'ont jamais reposé sur une base plus ferme, que les hommes d'affaires n'ont pas eu depuis plusieurs années moins de dettes qu'aujourd'hui, et que lorsqu'un meilleur ordre de chose reviendra, l'on verra que les maux dont parle l'hon. monsieur ne sont pas aussi profondément enracinés qu'il le dit. (Ecoutez!) L'hon. monsieur est excessivement désireux de me voir remplir les promesses que j'ai faites au pays lorsque je suis entré dans l'administration. L'hon. monsieur ferait preuve d'un peu plus de discrétion, je crois, s'il me permettait de juger par moi-même de la meilleure manière dont je dois remplir ces promesses. Lorsque, dans le court espace de six mois, le gouvernement a pu venir avec un projet bien mûri, comportant d'aussi grands changements, et le présenter au parlement avec la bonne foi dont il a fait preuve, je pense que le pays n'a aucune juste raison de se plaindre, soit que j'aie perdu du temps à remplir mes promesses, soit de la manière 713 dont je les ai remplies. (Ecoutez! écoutez!) Et je pense que l'hon. monsieur a très mauvaise grâce,—lorsqu'il a entendu déclarer que, nonobstant ce qui est arrivé au Nouveau- Brunswick, nous adhérons encore à la base sur laquelle le gouvernement a été formé, que tout ce que nous demandons est le temps de voir comment notre projet peut le mieux être mis à exécution, et que dans le cours de quelques semaines nous serons prêts à rencontrer le parlement de nouveau et à lui soumettre le résultat de nos études,—l'hon. monsieur a très-mauvaise grâce, dis-je, tout en prétendant être en faveur de changements constitutionnels, de se lever ici et de chercher à créer un préjugé sans fondement contre ceux qui font ainsi preuve de leur détermination à remplir parfaitement et promptement leur devoir envers le pays. L'hon. monsieur dit que j'ai brisé le parti libéral. Il dit qu'il y avait un parti libéral dans le Haut-Canada et un parti libéral dans le Bas-Canada qui agissaient cordialement ensemble, et que j'ai détruit l'harmonie qui existait entr'eux. Je n'entrerai pas dans cette discussion maintenant. Le temps viendra où nous pourrons complètement vider cette question sans danger pour les intérêts publics, et je promets à l'hon. monsieur de lui donner sa réponse. Mais j'ai à dire ceci, en attendant, à l'hon. monsieur,—que je crois que ce n'est pas à lui de lancer de pareilles accusations contre les membres de ce côté de la chambre, s'il se rappelle que, dans un discours qu'il a fait en cette chambre pas plus tard que durant la dernière session, lorsque la formation de cette coalition a été annoncée, il a dit qu'il ne pouvait aucunement se plaindre de la conduite que j'avais adoptée,—que, sous les circonstances, je ne pouvais agir que comme je l'avais fait. (Ecoutez! écoutez!) S'il peut trouver un seul acte de ma part qui soit en contradiction avec la conduite que j'ai suivie alors, il a le droit de me blâmer; mais tant que je remplis, de bonne foi, les engagements que j'ai contractés vis-à-vis du pays, de mes partisans et de la chambre, ce n'est pas, dans tous les cas, de la part de l'hon. monsieur que je dois m'attendre à une accusation de cette nature. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. membre dit que la proposition d'une union de toutes les colonies a avorté. Je le nie complètement. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas prêt à admettre—je ne crois pas—que les repréentants du Nouveau-Brunswick, lorsque la question sera sérieusement discutée dans le parlement, et que la proposition leur sera présentée dans tout son jour, la rejetteront. Lorsqu'ils l'auront fait, il sera temps pour l'hon. monsieur de dire que le projet a avorté. Et de fait il aurait été bien étrange qu'un projet aussi vaste n'eût subi aucun échec dans sa marche; mais il serait encore plus étrange que les partisans de la mesure l'abandonnassent à cause d'un échec comme celui-là. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Chateauguay se trompe aussi, lorsqu'il affirme que la majorité des membres de la législature de la Nouvelle-Ecosse sont contre cette mesure de la confédération.
L'HON. M. HOLTON—Je le crois.
L'HON. M. BROWN—Ayant entendu dire que l'hon. député d'Hochelaga avait fait cette assertion devant la chambre...
L'HON. A. A. DORION—D'après les meilleures autorités.
M. A. MACKENZIE—Donnez-nous vos autorités.
L'HON. M. BROWN—Je pense qu'il vaut mieux ne pas demander l'autorité de l'honorable monsieur, ni faire usage d'aucun nom propre dans une affaire comme celle-ci. Mais je dois dire que du moment que j'ai entendu dire que cette assertion avait été faite, j'envoyai une dépêche télégraphique à un ami de la législature de la Nouvelle- Ecosse, et je reçus une réponse entièrement contradictoire à l'assertion qui avait été faite.
L'HON. M. HOLTON—Pourquoi alors n'agitent-ils pas la question?
L'HON. M. BROWN—Je suppose que c'est à eux de décider quand ils devront s'en occuper, et non pas à l'hon. député de Chateauguay, qui est entièrement opposé a cette mesure.
L'HON. A. A. DORION—Il y a une forte présomption en faveur de mon autorité contre la vôtre.
L'HON. M. BROWN—Je dois laisser à la chambre le soin de juger de cela.—L'hon. député de Chateauguay dit que la motion faite par l'hon. procureur-général du Haut- Canada n'atteint pas le but pour lequel elle est faite, c'est-à-dire, d'amener les débats à une prompte conclusion. Il dit qu'elle peut empêcher les amendements, mais qu'elle n'arrêtera pas les débats. Mais cela est une grande erreur de sa part. C'est le seul moyen par lequel la discussion puisse être promptement terminée.
L'HON. A. A. DORION—Les hons. mes 714 sieurs de l'autre côté veulent arrêter la discussion en même temps qu'empêcher tout amendement. C'est là leur but!
L'HON. M. BROWN—Si l'hon. député d'Hochelaga avait attendu que j'eusse fini ma phrase, il aurait vu que je ne voulais rien dire de semblable. Quant à la motion principale, les honorables messieurs peuvent parler tant qu'ils voudront. Tant que la chambre n'aura pas décidé que le temps est arrivé de prendre le vote sur cette proposition, ils peuvent parler.
L'HON. J. S. MACDONALD—Merci!
L'HON. M. BROWN—Comme de raison, personne ne peut les en empêcher, et, en ce qui me concerne, je puis assurer à l'hon. député de Cornwall que je n'ai nullement le désir de l'empêcher, ou d'empêcher aucun autre membre d'être entendus autant qu'ils le voudront. Mais, depuis le commencement de ces débats, nous avons constamment vu soulever des questions incidentes, et les mêmes députés se lever à chaque séance et faire de longs discours sur ces questions, dans le but de "tuer le temps," à un degré dont nous n'avons jamais été témoins auparavant, j'ose le dire, ni dans cette chambre ni dans aucun autre corps législatif. Et il est évident que, si la question préalable n'était pas posée, nous verrions ces débats se continuer sur une foule d'amendements, et que cette discussion serait prolongée à un point qui empêcherait complètement le prompt accomplissement des grandes fins pour lesquelles ce gouvernement a été formé. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. EVANTUREL —Comme l'un des amis de l'administration actuelle, je dois dire que je suis surpris de la conduite et de la position extrêmes dans laquelle le gouvernement veut se placer. Pour ma part, je suis en faveur du principe de la confédération, et l'un de ceux qui croient qu'avec ce principe on peut sauvegarder et préserver les droits et les libertés de chacune des parties contractantes; mais, d'un autre côté, je suis d'opinion, et je ne me le cache pas, qu'on peut facilement avec ce même principe mettre en danger et faire disparaître entièrement ou à peu près les droits et les priviléges d'un état partie à cette confédération. Tout dépend donc des conditions du contrat. Comme ami de l'administration, je comprends, autant que qui ce soit, qu'une confédération quelconque et surtout une confédération connue celle que l'on nous propose aujourd'hui, ne peut avoir lieu qu'au moyen de compromis, et sous ce rapport, M. l'ORATEUR, je n'ai peut-être pas besoin de le déclarer ici, je suis prêt et disposé à aller dans ce sens aussi loin qu'il est possible de le faire. Je suis aussi un de ceux qui, lors- qu'il s'agira d'unir sous l'égide d'un gouvernement fort et stable les différentes provinces de l'Amérique Britannique du Nord, alors que j'y verrai l'intérêt général, prêterai cordialement mon appui à tous ceux qui voudront établir un pareil gouvernement: je serai toujours prêt à les rencontrer mi-chemin; mais, lorsque la question se présente aujourd'hui d'une manière toute différente, et qu'en conséquence des évènements qui ont été annoncés hier en chambre, la constitution qu'on propose ne semble intéresser maintenant que les provinces du Haut et du Bas-Canada; je dis, M. l'ORATEUR, que le compromis entre les différentes provinces n'existant plus, nous ne sommes plus tenus d'être aussi généreux. Je dis que si l'on admet que le Nouveau-Brunswick, par sa répudiation récente, et la Nouvelle- Ecosse, l'Ile du Prince-Edouard ne forment plus partie au contrat passé entre les provinces, et qu'il ne s'agit plus aujourd'hui que de demander à l'Angleterre des changements dans la constitution au profit des deux Canadas, je dis que les conditions sont tout à fait changées pour nous, (écoutez! écoutez!), et qu'en conséquence, je suis moins prêt à permettre au gouvernement qu'il aille présenter en Angleterre comme base de notre future constitution, les résolutions telles que nous avons été obligés de les accepter dans des conditions très désavantageuses. Je dis, sans hésiter, que la position prise dans cette occasion par le gouvernement est une position dangéreuse pour lui et pour ceux qui désirent l'appuyer dans la passation d'un bon projet de confédération. Si je comprends bien, l'intention du gouvernement en proposant la question préalable est de mettre ainsi ses amis dans la position extrême de ne pouvoir apporter aucune modification au plan. Dans notre nouvelle position, nous allons donc dire à l'Angleterre que nous avons été obligés de faire telle et telle concession pour en arriver à une entente; que les autres provinces se sont retirées du contrat, malgré ces concessions onéreuses et ces compromis que nous avons été obligés de faire et qui n'ont pas été acceptés par les autres partis au contrat, et que nous venons cependant lui demander de formuler notre constitution d'après les mêmes conditions onéreuses que nous avions accep 715 tées dans la conférence de Québec. Pourquoi donc nous lier maintenant aussi strictement? Pourquoi ne pas profiter de l'abandon des provinces pour faire subir au projet des modifications moins onéreuses pour nous? Je crois devoir dire que le gouvernement en agissant comme il le fait, fait à ses amis une position des plus difficiles. Pour ma part, M. l'ORATEUR, je suis bien en faveur de la confédération et je suis prêt à appuyer le gouvernement dans ses efforts pour tirer le char de l'état de la position dans laquelle il se trouve, mais je veux, d'un autre côté, et je crois que c'est simple justice de le dire, je veux qu'il nous mette, vis-à-vis notre pays, dans une position qui nous permette de lui dire, chacun de nous, que nous avons fait tout notre possible pour améliorer la position. Voilà pourquoi, M. l'ORATEUR, je regrette profondément que le gouvernement en soit venu à prendre une attitude aussi tranchée. (Ecoutez! écoutez!) Je conviens avec l'administration que le temps presse, mais il ne faut pas, pour éviter un danger, risquer de tomber dans un autre danger. Je conviens aussi que les évènements qui se succèdent depuis quelques jours donnent à craindre que la domination anglaise sur les provinces de l'Amérique Britannique du Nord ne disparaisse d'ici là quelques années. J'admets tous ces dangers, M. l'ORATEUR; mais, d'un autre côté, je ne me cache pas que la position extrême dans laquelle on voudrait nous placer ne tend pas à diminuer ces dangers. Au contraire, je crains fort que si l'on veut agiter trop fortement l'opinion publique, en lui imposant une nouvelle constitution, sans nous accorder la liberté de l'amender, je crains que l'on augmente les dangers au lieu de les diminuer. Jusqu'à présent, le Bas-Canada a assez témoigné, par la voix de ses chefs, qu'il était prêt à faire toutes les concessions possibles, mais après cela serait-il prudent de le mécontenter en nous refusant le droit d'amender en quoi que ce soit le plan proposé. On a été obligé, pour calmer les craintes publiques, de dire avec raison que le ministère avaint dû nécessairement faire des concessions aux provinces pour l'entente générale. Mais maintenant que les parties contractantes au projet de confédération nous font défaut, après nous avoir imposé des compromis et nous avoir fait faire des concessions, pourquoi, dans un temps aussi difficile que celui-ci, irions-nous placer notre position devant le parlement impérial de la même manière que si ces provinces fussent restées fidèles? Je suis d'opinion, M. l'ORATEUR, que c'est trop demander de nous, et que, puisque les provinces d'en-bas ne veulent plus évidemment s'unir à nous, nous aurions grandement tort, nous, Canadiens- Français, de placer notre position absolument dans les mêmes conditions que nous avons été obligés d'accepter pour rencontrer les exigences de nos sœurs-colonies. Je crois que le Haut et le Bas-Canada ont le droit maintenant de se présenter plus favorablement devant le parlement impérial et de pouvoir lui dire: Voici les concessions ne nous avions, il est vrai, faites en vue du salut commun, mais les provinces maritimes nous font défaut aujourd'hui et ce qu'elles veulent, c'est de rester indépendantes ou d'entrer dans la république américaine! Nous avons fait notre devoir et nous sommes encore prêts à demeurer fidèles aux engagements que nous avions pris vis-à- vis des parties contractantes, mais puisqu'elles nous abandonnent, et que les concessions que nous avons faites ne sont plus considérées suffisantes par elles, nous venons plaider devant vous notre propre cause et vous dire aujourd'hui que les intérêts particuliers du Bas-Canada ont besoin de plus de garanties que celles que nous avions été obligés d'accepter des provinces maritimes pour en arriver à un entente cordiale. Nous venons demander aujourd'hui à l'Angleterre de nous être plus favorable et de nous tirer de nos difficultés, à l'aide de changements constitutionnels moins onéreux. Dans ce cas, je crois que le gouvernement impérial n'oserait point nous imposer une constitution malgré nous, et nous serait très-favorable. Les Canadiens-Français sont tous des loyaux sujets de Sa Majesté Britannique, personne ne doit en douter, mais il y aurait folie chez les hommes d'état en Angleterre de leur imposer une constitution qu'ils répudieraient ou qu'ils opposeraient très-fortement. C'est un sentiment de loyauté qui me fait exprimer cette opinion, car je sais qu'il y a en Angleterre des hommes d'état qui doivent comprendre aussi que la loyauté des Bas-Canadiens et des Haut-Canadiens doit dépendre du degré de satisfaction que leur donnera leur nouvelle constitution. A quoi servirai à l'Angleterre de nous donner la constitution qui serait la plus de son goût, dans la vue de pouvoir conserver le Bas- Canada, si cette constitution n'était pas en même temps satisfaisante pour la majorité 716 du Haut ou du Bas-Canada; il se produirait de suite un mécontentement général, dont la conséquence serait un affaiblissement de notre zèle pour la défense du pays. C'est là une vérité claire comme le jour et que tout le monde comprend. Ainsi, M. l'ORATEUR, j'espère que si la mesure de confédération est passée, elle ne nous sera pas au moins imposée sans que la chambre actuelle ait eu occasion de la juger ou de l'amender. J'avoue que je suis disposé à aller aussi loin que qui que ce soit et à faire les plus grandes concessions possibles pour nous tirer de nos difficultés, et pour en arriver à une entente, pour nous assurer la confédération et les immenses avantages qu'elle est susceptible de nous donner; mais j'avoue que quand on vient nous dire en face des évènements qui viennent de s'accomplir, qu'il faut que nous subissions la position qui nous est imposée par des parties contractantes qui se sont retirées si vite du contrat, je dis qu'on a tort de tenir le Bas-Canada absolument lié aux conditions premières. Je souhaite que cette position extrême que le gouvernement a prise vis-à-vis du Canada soit pour son plus grand bien; mais, pour ma part, M. l'ORATEUR, je ne puis m'empêcher d'avouer que j'ai des craintes très vives à cet égard. Il me semble que dans les circonstances actuelles, le gouvernement aurait dû laisser au Haut et au Bas-Canada toute la latitude possible pour faire les suggestions qu'ils croient nécessaires, ne pas exiger que le projet fut adopté tel qu'il est, et laisser ainsi à ceux qui veulent faire des amendements le moyen légitime et constitutionnel de se justifier devant leurs compatriotes en les inscrivant du moins dans les annales parlementaires. La position dans laquelle on nous met équivaut à ceci: Tout ou rien. Eh bien! M. l'ORATEUR, j'ai toujours été contre ce système, et si l'on se rapporte à l'histoire de notre passé, on voit qu'il n'a jamais produit que des dissensions déplorables. (Ecoutez! écoutez!) Quel est aujourd'hui le cri de nos adversaires contre le projet de confédération? C'est celui-ci: vous refusez d'en appeler au peuple: vous pressez injustement la discussion; vous nous refusez toute chance de présenter des amendements au projet; vous nous refusez le droit de les enregistrer dans nos journaux parlementaires; vous voulez nous imposer, à notre insu, une constitution dont nous ne connaissons aucun détail et dont l'ensemble nous est aussi imparfaitement connu! Eh bien! M. l'ORATEUR, je le demande au ministère, ne vaudrait-il pas infiniment mieux pour lui de faire disparaître ces craintes et de rendre impossible ces plaintes? Pourquoi hâter ainsi, — je ne dirai pas d'une façon inconstitutionnelle, mais au moins extrêmement dangereuse, — la discussion; pourquoi empêcher la présentation de tout amendement au projet, surtout quand rien ne presse et que les conditions dans lesquelles se trouve aujourd'hui le projet sont entièrement différentes de ce quelles étaient avant les derniers évènements? On me répondra peut-être que je me trompe en disant que cela ne presse pas; qu'au contraire, les événements rendent absolument nécessaires la passation immédiate de cette mesure; que la défense de nos frontières est une question qu'il faut régler immédiatement et qu'il n'y a pas un instant à perdre. Eh bien! M. l'ORATEUR, pour ma part, j'avoue que si je vote en faveur du projet de confédération, ce n'est pas au point de vue de la nécessité de notre défense; car, jusqu'à présent, je n'ai pas cru que la confédération des provinces offrit en ce moment un moyen de défendre nos frontières beaucoup plus efficace que le système actuel, (écoutez! écoutez!), puisque nous avons déjà cette unité d'ation dans toute sa plénitude sous l'égide de l'Angleterre, ce que l'on semble ne pas apercevoir! Mais je vais plus loin, et je dis que les discussions qui ont lieu aujourd'hui sur les changements constitutionnels que l'on propose agitent fortement l'opinion générale. Absolument comme à une autre époque de notre histoire, de pareils changements tendent nécessairement dans leur effet à soulever nos populations; et cette agitation bien naturelle a aussi ses dangers et prouve de plus que les constitutions ne se font pas en un jour; qu'il faut du temps et même beaucoup de temps pour asseoir solidement les bases de l'édifice social et constitutionnel du peuple le mieux disposé. D'ailleurs, la constitution actuelle de la Grande-Bretagne, qui est certainement bien assise, en est une preuve: il a fallu des siècles pour la faire ce qu'elle est aujourd'hui. Je dis donc qu'il ne convient pas de se hâter trop, en mécontentant le peuple, et que l'on doit procéder avec d'autant plus de lenteur et de prudence que, de l'aveu même des ministres, nous sommes exposés à des dangers bien imminents de guerre. Si nous sommes si exposés à la guerre, je dis que nous ne sommes pas dans la condition la plus normale pour opérer un changement subit de constitution, et que loin de nous 717 mettre en bon état de défense, pour détourner le danger imminent, nous affaiblissons peut- être notre position en agitant trop fortement ou trop prématurément l'opinion publique. Je dis donc et je le répète, que ceux qui veulent forcer nos représentants d'accepter la mesure sans amendement pour la seule raison qu'il faut organiser de suite notre défense militaire, agissent sans raison plausible ou suffisante. Je regrette donc profondément que la question préalable soit posée de manière à mettre les amis de l'administration dans la nécessité de voter cette mesure sans pouvoir proposer aucun amendement, et cela quand la position est tout à fait différente. Je demande pardon à la chambre d'avoir pris la parole, mais j'ai cru de mon devoir de protester de suite contre l'action du gouvernement que j'étais loin de prévoir, avant ce moment. Je voterai donc contre la proposition actuelle, parce que je veux des amendements au projet de constitution, laissant au gouvernement toute la responsabilité de sa conduite s il persiste à nous refuser l'occasion d'apporter quelques modifications au plan de confédération actuel.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Je suis bien aise que l'hon. député du comté de Québec, avec sa franchise ordinaire, nous ait fait part de suite de ses appréhensions. Je l'ai suivi avec beaucoup d'attention, et je suis certain qu'il n'y a pas de différence entre lui et nous; nous sommes parfaitement d'accord. (Ecoutez! écoutez! et rires) Je savais fort bien, M. l'ORATEUR, avant de me lever pour donner des explications à l'hon. député du comté de Québec et à la chambre, que les quelques paroles que je viens de prononcer soulèveraient les rires de l'opposition, car du moment que ces hon. messieurs voient un des membres qui d'ordinaire appuient l'administration, se lever dans cette enceinte et parler avec animation sur une mesure quelconque du gouvernement, de suite ils sont prêts à induire de cette animation que cet hon. député est contre la mesure. Je le répète, M. l'ORATEUR, le gouvernement s'accorde parfaitement dans ce cas-ci avec l'hon. député du comté de Québec. S'il demande aujourd'hui à la chambre de hâter la décision qu'elle est appelée à donner sur la grande question de confédération entre toutes les provinces anglaises de ce continent et non pas des deux Canadas, comme l'a dit l'hon. député du comté de Québec, c'est qu'il désire, comme l'a fait observer hier et aujourd' hui l'hon. procureur-général du Haut-Canada, envoyer des délégués en Angleterre pour soumettre au parlement impérial les résolutions adoptées à la conférence. Le gouvernement veut donner suite aux compromis entre les provinces maritimes et le Canada, afin que le gouvernement impérial donne des conseils aux gouvernements locaux des provinces qui se retirent du contrat et leur démontre que le document que nous voulons leur faire sanctionner est un compromis. Il veut exposer à la Grande-Bretagne que si une des provinces maritimes ou toutes ces provinces refusent de mettre ce compromis à exécution après en avoir pris l'engagement solennel avec le gouvernement canadien, que si enfin elles ont manqué au traité, le Canada leur y a été fidèle et désire qu'il soit mis à exécution. La constitution que l'on demande n'est pas une constitution pour les deux Canadas seulement, comme l'a dit l'hon. député de Chateauguay, qui a faussement interprété les explications données aujourd'hui à cette chambre par mon hon. collègue le procureur-général du Haut- Canada, mais bien une constitution qui serait celle de toute l'Amérique Britannique. (Ecoutez! écoutez!) Si, aujourd'hui, le gouvernement presse la décision de la chambre, ce n'est pas pour qu'il puisse aller demander à l'Angleterre une constitution pour les Canadas, sous prétexte que les autres provinces contractantes ont manqué à la foi jurée du traité. Pas le moins du monde, M. l'ORATEUR, j'ai toujours eu à cœur les intérêts du Bas-Canada, que j'ai protégés beaucoup plus que l'hon. député d'Hochelaga et ses partisans ne l'ont jamais fait.
UN MEMBRE—Preuve: le siége du gouvernement que vous avez envoyé à Ottawa.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Eh bien! M. l'ORATEUR, je n'hésite pas à dire que cette question du siége du gouvernement a été décidée dans l'intérêt du Bas-Canada. Je l'ai soutenu autrefois et je le soutiendrai encore aujourd'hui envers et contre tous. J'en viens maintenant aux observations de l'hon. député du comté de Québec. Voici ce que le gouvernement se propose de faire: Nous représenterons au gouvernement impérial que le Canada a consenti à des compromis et à des sacrifices, et que les provinces d'en-bas lui ont fait défaut au dernier moment; nous le prierons de conseiller le gouvernement de ces provinces, et nous espérons que l'influence qu'il doit néces 718 sairement exercer sur ces colonies aura l'effet de les faire réfléchir sur la conduite qu'ils ont tenu vis-à-vis de nous. Je prierai aussi l'hon. député du comté de Québec de calmer ses appréhensions; que pas un seul des membres du gouvernement n'a l'intention de demander à la Grande-Bretagne de législater sur l'adresse qui leur sera présentée et de passer une constitution pour les deux Canadas; tout ce qu'il veut, c'est d'exposer à la mère-patrie la position dans laquelle nous nous trouvons par suite de la rupture du traité par les provinces maritimes, afin qu'elle puisse se servir de son influence pour exercer une pression quelconque sur elles dans le sens de l'union fédérale que l'on projette. Quand bien même les législatures de ces provinces regretteraient aujourd'hui le plan de confédération, son adoption ne serait qu'une question de temps, car peut- être que dans douze mois elles reviendront sur leur décision et accepteront ce compromis. Mais nous disons que pour notre part nous ne pouvons aller au-delà du compromis, et que nous voulons nous acquitter d'un devoir envers le gouvernement impérial, parce qu'il a bien voulu le sanctionner par la dépêche qui a été soumise à cette chambre ainsi que par la mention honorable qu'en a faite Sa Très-Gracieuse Majesté dans le discours du trône. Il importe, dis-je, de faire voir au gouvernement impérial que le Canada, qui renferme plus que les trois quarts de la population de toutes les provinces de ce continent, n'a pas manqué au compromis, mais que ce sont les provinces maritimes qui ont failli à la foi jurée, et que si ce compromis n'est pas mis à exécution il peut y avoir danger, dans un jour prochain, pour la suprématie anglaise sur ses colonies américaines. Nous avons foi que toutes ces considérations auront un effet salutaire, et qu'elles dissiperont les appréhensions mal fondées des provinces maritimes, et que plus tard la constitution de compromis que nous soumettrons au gouvernement impérial régira les diverses provinces anglaises de ce continent réunies dans une grande confédération. (Ecoutez! écoutez!) Je puis donc assurer l'hon. député du comté de Québec que la seule intention du gouvernement, dont je suis membre, en passant comme elle fait l'adoption du projet soumis à la chambre, est de l'envoyer en Angleterre pour que le parlement impérial en sanctionne la lettre seulement. Le gouvernement n'a jamais eu l'intention de prendre la chambre et le peuple par surprise. Si nous allions en Angleterre demander une constitution autre que celle qui est mentionnée dans l'adresse, nous mériterions d'être stigmatisés et nous nous rendrions indignes de la position que nous occupons aujourd'hui. Pour ces diverses raisons, je dis donc qu'il n'y a pas tant de différence entre l'opinion du gouvernement et celle de l'hon. député du comté de Québec que ce dernier se l'imagine; nous sommes d'accord sur ce qu'il dénie; et puisqu'il a déclaré qu'il voterait en faveur de la nouvelle constitution si les provinces maritimes continuaient à en faire partie, j'ai lieu de croire qu'il le fera, puisque le gouvernement ne se trouvera lié par cette constitution qu'en autant que les autres parties contractants l'accepteront.
M. POWELL—Je dois exprimer mon profond regret, M. l'ORATEUR, de ce que le chef du gouvernement en cette chambre ait été induit à proposer une motion de la nature de celle que vous avez maintenant entre les mains. (Ecoutez! écoutez!) Je m'avoue franchement l'ami de l'administration, et comme l'un de ceux qui cherchent à l'aider à réaliser l'important projet qu'elle a entrepris; et, tout en lui accordant ma plus entière confiance, je dois exprimer mon regret de ce que sa conduite, relativement à cette question, dans cette chambre, n'ait certainement pas été celle que je lui aurais conseillé de suivre ou celle que j'aurais approuvée. Les membres de l'administration ont choisi, en premier lieu, le mode d'après lequel ce débat devait être conduit,—et ils se sont écartés de la ligne qu'ils avaient eux-mêmes tracée. J'ai cru que, lorsque, entre l'opposition et le gouvernement, il existait quelque chose comme un pacte, ce pacte devait être exécuté. (Ecoutez!) Je crois que l'opposition a ses droits et ses priviléges, et qu'ils doivent être respectés surtout par le gouvernement, qui a une aussi forte majorité pour l'appuyer. (Ecoutez! écoutez!) Lorsque le gouvernement s'est écarté de l'arrangement qui avait eu lieu d'abord relativement à la manière dont les débats devaient être conduits, je crois que cela était dans l'intérêt de la chambre et dans l'intérêt du public. Je n'hésite pas à dire que je l'approuvai, en autant que mon opinion individuelle y était concernée. Mais, malgré que cette déviation eût mon approbation, comme tendant à l'avantage de la chambre et à celui du public, je ne pensais pas que le gouvernement était justifiable
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d'y recourir, tant que l'opposition n'y consentait pas, puisqu'elle était partie à cet arrangement. C'était la mon premier motif d'objection. Et je crois que, dans le cas actuel, le gouvernement adopte une conduite encore plus extraordinaire. Je ne sais pas si l'on peut trouver un cas dans les archives de notre propre législature, ou dans celles de la chambre des communes en Angleterre, où le chef de la chambre a profité de règlements techniques pour empêcher qu'une question soit franchement discutée.
L'HON. A. A. DORION—Pour proposer la question préalable sur sa propre motion!
M. POWELL—Je ne sais pas si c'est une chose habituelle, ou si l'on peut en citer un précédent. Tout ce que je puis dire, c'est que, si l'on peut en trouver un précédent, je regrette extrêmement qu'une pareille conduite ait été adoptée dans la circonstance actuelle. Nous sommes ici à discuter une grande question constitutionnelle, relativement à laquelle l'administration nous a soumis les résolutions de la conférence,—je ne dis pas de délégués nommés par eux-mêmes, en ayant agi sans la sanction du peuple,—mais elle a certainement pris sur elle une grande responsabilité qu'elle a, je l'admets, très bien remplie, et je suis bien prêt à approuver sa conduite dans la préparation de ce projet, du commencement à la fin. Les ministres font adopter d'abord ces résolutions à la conférence et ils viennent ensuite à la chambre et disent:—"Acceptez-les dans leur entier, sans amendement, sans modification, ou le projet tombe à terre." Il est bien bon de nier le droit d'un appel au peuple; il est bien bon pour nous, comme législature, de nous arroger le droit de changer tout notre système constitutionnel, mais, par cette motion du procureur-général du Haut- Canada, l'on empêche tout député qui ne partage pas toutes les vues de l'administration, d'enregistrer les siennes sur le journal de la chambre. (Ecoutez! écoutez!) Je pense que c'est aller un peu trop loin, c'est comme ami de l'administration que j'exprime cette opinion.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD — Nous n'avons pas besoin de votre avis.
M. POWELL —L'hon. monsieur peut l'accepter ou le rejeter comme bon lui semblera.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je ne l'accepte pas.
M. POWELL—Alors il peut choisir l'autre alternative. Je pense que la chambre et le pays ont accordé un énorme degré de considération à ce gouvernement, mais je puis dire aux hon. messieurs, que s'ils continuent à marcher dans la voie qu'ils ont adoptée, une réaction se fera dans la chambre et dans le pays. (Ecoutez! écoutez!) J'espère que la chambre ne s'abaissera pas jusqu'à se faire le simple écho de l'exécutif, à abdiquer ses propres opinions, et à ne plus se permettre d'offrir aucun avis à l'exécutif. Si l'hon. monsieur prend mes remarques dans un esprit d'hostilité, il peut le faire: tout ce que je puis dire, c'est que je ne désire pas qu'elles soient ainsi reçues. Mais je considère la conduite adoptée par le gouvernement cette après-midi comme étant très extraordinaire. La raison qu'on en donne est que les messieurs de la gauche font une opposition factieuse à la mesure, et qu'ils se proposent de la continuer en proposant motion sur motion. Mais même s'ils le faisaient, je demande si cela peut entraîner plus d'une couple de semaines de discussion? Et je dis qu'il n'est pas honorable de la part du gouvernement de prendre un pareil moyen pour abréger la discussion. Je pense qu'il a entrepris le grand oeuvre dont il s'est chargé dans le plus grand esprit de patriotisme; je pense que mon hon. ami,—bien qu'il repousse mon avis,—est animé, même dans la conduite qu'il suit maintenant, d'un sentiment purement patriotique; mais, tout en croyant cela, je pense qu'il devrait m'accorder le droit d'exprimer mon opinion sur la manière dont cette discussion devrait être conduite. Je ne sais pas si les amis de l'administration doivent être bâillonnés aussi bien que ses adversaires (rires), si l'on vont tous nous empêcher d'exprimer nos vues; mais j'espère que le chef du gouvernement retirera sa motion, (Ecoutez! écoutez!), qui est indigne de lui, lorsqu'il a entre les mains ce grand et magnifique projet. ll a tous les avantages qu'il peut désirer de son côté, et je lui conseillerais de profiter de ces avantages, et de ne pas donner aux ennemis de ce grand projet en suivant une ligne de conduite qui est certainement inusitée, extraordinaire et sans précédent, l'occasion de dire qu'il a été imposé de force à cette législature et au peuple de ce pays. (Ecoutez! écoutez!) Je crois qu'il a le peuple de son côté, et que la grande majorité de cette chambre représente réellement les sentiments et les désirs du peuple, en approuvant ce projet. (Ecoutez! écoutez!) Je dis donc
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qu'il peut impunément être magnanime et libéral envers l'opposition,— qui est faible sous le rapport du nombre, bien qu'énergique dans la position qu'elle prend,—et qu'il peut faire adopter ce projet sans avoir recours à l'aide des règles techniques de cette chambre. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. J. H. CAMERON—Je me permettrai de demander si la motion est que la question préalable 'soit posée,' est adoptée, ce sera un obstacle dans la voie de la résolution dont j'ai donné avis? Comme de raison, je sais que cette motion peut être faite, mais si nous entamons une discussion sur le sujet, je crains que nous n'arrivions pas à un vote avant la fin de la session. J'espère que la promesse que l'on m'a faite est sérieuse et qu'on la tiendra.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—Je n'ai nulle envie d'étouffer la résolution de l'hon. député de Peel. Il aura l'occasion de proposer et de discuter sa motion lorsque les résolutions auront été adoptées.
L'HON. J. S. MACDONALD—Mais il est parfaitement clair que la question préalable exclut tout amendement.
L'HON. J. H. CAMERON—Ma motion n'est pas amenée comme amendement. Je me propose de la faire lorsque la chambre aura décidé la question principale. Elle a pour but d'obtenir l'expression de la volonté populaire sur l'adresse avant qu'elle ne soit transmise aux autorités impériales.
L'HON. J. S. MACDONALD—Eh bien! c'est un amendement. Mais je ne veux pas discuter ce point maintenant.
M. M. C. CAMERON—Je sais que je ne puis prétendre, comme l'hon. député de Carleton (M. POWELL), d'être regardé comme un ami de l'administration, mais je pense que tout conseil que je pourrais lui donner ne serait pas considéré comme venant de la part d'un de ses chauds partisans. Cependant, j'éprouve pour l'hon. proc.-gén. du Haut- Canada cette espèce de sentiment amical qui me porterait à lui conseiller très fortement de ne pas suivre la ligne de conduite qu'il a été poussé à adopter, s'il me demandait mon avis. Je ne puis croire que l'hon. procureur-général aurait adopté cette ligne de conduite s'il n'y avait été poussé par ses collègues dans le gouvernement. Je sais parfaitement que ceux qui ont l'habitude de parler le plus haut des droits et des libertés du peuple lorsqu'ils sont dans l'opposition, sont très souvent les premiers à oublier ces droits lorsqu'ils arrivent au pouvoir. (Ecou tez! écoutez!) Et je suis parfaitement certain que si l'hon. président du conseil (M. BROWN) était dans l'opposition au moment actuel, nous l'entendrions crier bien haut que la conduite du gouvernement en cette circonstance est la plus infâme tyrannie et la plus grande insulte que l'on peut faire à un parlement libre comme le nôtre. Et non seulement entendrions-nous ce langage sur le parquet de cette chambre, mais nous l'entendrions répéter par son engin de Toronto qu'il fait agir avec tant de puissance, et il remplirait le pays de ses cris. Il n'y aurait pas un homme qui voterait en faveur de cette proposition qui ne serait affiché comme le plus grand ennemi des droits et des libertés du peuple. (Ecoutez! écoutez!) Et aujourd'hui nous voyons cet hon. monsieur chercher à étouffer, je ne dirai pas précisément la discussion de la question,— parce que l'on ne peut nous priver du droit de parler,—mais à étouffer l'expression de l'opinion de cette chambre sur les mérites du projet, de la seule manière efficace et utile, en même temps que parlementaire et convenable. La motion qui est maintenant faite empêche la chambre de se prononcer sur la question de savoir si elle ne devrait pas adopter quelque modification au projet, ou quelque autre projet d'union qui lui paraîtrait plus avantageux. J'ai donné avis d'un amendement que je me propose d'offrir en faveur d'une union législative des provinces, avec des dispositions statuant que les lois, la langue et la religion du Bas-Canada seront respectées, que nulle mesure ne puisse être proposée pour cette partie de la province, à moins qu'elle ne le soit par un député du Bas- Canada, et ne puisse devenir loi à moins d'être adoptée par une majorité des représentants de cette section. Je propose ces dispositions afin que les droits du Bas-Canada soient parfaitement protégés et que ses institutions ne soient pas en danger de destruction, et qu'il ne puisse avoir aucune occasion de dire qu'un changement de cette nature était désiré pour lui nuire plutôt que pour son avantage, ainsi que pour les plus grands intérêts de la province en général. Je me proposais de soumettre cette motion au vote de la chambre, surtout pour la raison qu'une union législative serait plus économique et plus stable. Les commissaires qui ont été envoyés en Canada par le gouvernement impérial pour constater quelles défenses il nous faut, et combien elles coûteraient, ont 721 fait rapport qu'il suffisait de £1,300,000 pour cette fin. Je vois que les gouvernements locaux qui seront créés par ce projet de confédération doivent recevoir, pour leurs dépenses locales, une somme de pas moins de $3,981,914; en sorte que dans deux ans, si les dépenses de ces gouvernements locaux étaient épargnées au pays, elles s'élèveraient à une somme suffisante pour construire toutes les fortifications que l'on dit être nécessaires pour protéger le pays contre toute attaque quelconque. Mais nous n'aurons pas l'occasion, parait-il, de pouvoir constater l'opinion de cette chambre sur la question de savoir si cela ne vaudrait pas mieux que le projet qui nous est soumis aujourd'hui. Et l'on veut aussi nous empêcher de nous assurer si le peuple du Canada approuve ce projet ou non. Il semblerait que le procureur- général du Haut-Canada, pour l'habileté duquel j'ai le plus grand respect, a oublié le caractère conservateur qu'il a jusqu'ici si noblement maintenu sur le parquet de cette chambre, et qu'en oubliant ce caractère, il a aussi oublié ces droits et les libertés du peuple. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas surpris que ces droits et les libertés aient été oubliés et foulés aux pieds par l'hon. président du conseil et secrétaire provincial (MM. Brown et McDOUGALL), car ils étaient trop bruyants dans leurs protestations en faveur de ces droits dans le passé pour les mettre à l'abri du soupçon de les abandonner aujourd'hui; mais j'avoue que je suis surpris que l'hon. proc-gén. du Haut- Canada s'unisse à eux pour étouffer la voix du peuple. (Ecoutez! écoutez!) Et je suis réellement peiné d'entendre dire que des membres du gouvernement doivent aller en Angleterre pour représenter au gouvernement impérial que l'opinion du peuple de ce pays est favorable à la confédération, tandis que de fait ils ne peuvent le faire, parce qu'ils n'ont pas demandé l'opinion du peuple, et qu'ils ont même refusé au parlement de dire si le projet sera ou non soumis au peuple, ou si quelque autre projet ne serait pas plus acceptable, et beaucoup meilleur sous tous rapports que celui qui est maintenant sous consideration. Ils voient que le peuple des provinces d'en-bas est fortement opposé à ce projet, et cependant ils veulent aller en Angleterre et demander au gouvernement impérial de mettre cette mesure à effet, bien qu'ils sachent parfaitement qu'elle ne peut pas être imposée aux provinces d'en-bas. Si la grande hâte avec laquelle ils veulent faire adopter ce projet, provient de leur désir d'organiser nos moyens de défense, pourquoi ne demandent-ils pas au parlement l'autorisation de mettre le pays en état de défense convenable? Pourquoi ne demandent-ils pas cela, si c'est si pressé, et ne laissent-ils pas la grande question de confédération en suspens jusqu'à ce que le peuple de toutes les parties du pays ait eu l'occasion de la comprendre à tous ses points de vue? Il n'a pas encore eu cette occasion, et je crois que les hon. messieurs des banquettes ministérielles, en le privant de cette occasion et surtout en le faisant de la manière qu'ils le font, ont adopté une ligne de conduite qui résultera à leur propre désavantage et à celui du pays. Le peuple n'a besoin que d'être éveillé sur la conduite que l'on veut tenir, pour comprendre que ses opinions et ses vues vont être dédaignées ou ne sont d'aucune conséquence, et pour lui faire prononcer la sentence de condamnation qui balaiera du pouvoir les hon. messieurs des banquettes ministérielles et qui fera rentrer dans le déshonneur de l'oubli des noms honorés dans le passé. Si les mesures convenables avaient été prises, les messieurs du Bas-Canada n'auraient jamais pu dire que la représentation basée sur la population ne pouvait pas être sûrement accordée au Haut- Canada, et n'auraient aucun motif de craindre que leurs droits ne seraient pas protégés, et qu'en conséquence ils doivent la rejeter. S'ils refusaient d'accorder la représentation basée sur la population lorqu'on leur offre toute la protection possible pour leurs institutions, ils agiraient sans plus de raison que la femme boudeuse ou l'enfant gâté,—et je ne crois pas que les représentants du peuple du Bas-Canada soient de ce calibre. Ils désirent seulement que leurs droits ne soient pas violés. S'ils veulent davantage. qu'ils réfléchissent que l'hon. député de Montmorency (M. CAUCHON), lorsqu'il a adressé la parole à la chambre l'autre soir, a cité la position dans laquelle se trouvait placée la chambre des lords lorsque l'Angleterre courait le danger d'être plongée dans une révolution, à cause de sa résistance à une demande populaire et légitime. Il nous a donné à entendre que ce corps aurait pu être balayé par l'indignation du peuple s'il n'avait pas cédé à la pression et n'avait pas laissé passer le bill de réforme. Si tel était le cas à l'égard d'un corps aussi fort et aussi respecté que la chambre des lords, qu'ils réfléchissent à ce qui pourrait
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résulter de leur résistance à une union législative et du fait d'imposer un projet aussi dispendieux que le sera celui-ci, un projet aussi plein d'éléments de discorde et de dissolution, au peuple du Canada. Si la population du Bas-Canada, comparativement faible en nombre, ayant le gouvernement pour l'aider, persiste dans son refus d'accorder au peuple du Haut-Canada ce à quoi il a droit, et ce qui ne peut faire aucun tort à aucune autre partie du pays, elle verra peut-être que le peuple de ces provinces prendra la même attitude qui a mis en danger la chambre des lords en Angleterre, et que cette attitude produira le même résultat,— mais alors il sera trop tard pour demander ou offrir des conditions. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. proc.-gén. du Haut-Canada n'aurait pas dû aisser étouffer la libre expression des opinions des membres de cette chambre, comme il le fait maintenant. Le gouvernement aurait dû permettre la discussion de l'amendement dont j'ai donné avis, ainsi que de celui qui a pour but de faire soumettre la question au peuple. Peut-être a-t-on pensé que la motion qui devait être faite par l'hon. député de Peel (M. J. H. CAMERON) atteindrait aussi bien ce but; mais cela est impossible, parce qu'elle ne doit être faite qu'après que les résolutions auront été votées. Après que la chambre se sera prononcée en faveur des résolutions, les représentants deviennent les guides du peuple. Le peuple doit nous guider; mais nous le guiderons en paraissant prononcer notre opinion, d'avance, en faveur d'une union fédérale, bien que je sois convaincu qu'une majorité, ou au moins une respectable minorité de cette chambre ne soit pas en faveur du projet qui nous est soumis, et la plupart de ceux qui ont parlé se sont prononcés en faveur d'une union législative. Si le projet est imposé à la chambre et au pays au moyen de cette motion de la question préalable, aucun amendement ne pouvant être enregistré, il ne paraîtra pas aux autorités impériales qu'il existe contre le projet un aussi grand mécontentement que celui que l'on sait exister réellement, et il ne lui apparaîtra pas, non plus, qu'aucun autre projet aurait pu être plus satisfaisant pour le peuple, en donnant une plus grande stabilité de gouvernement, l'économie dans l'administration, et les moyens de maintenir notre connexion avec la mère- patrie par des liens plus forts que l'on ne pourra en créer avec un gouvernement fédéral. Pour ces raisons, M. l'ORATEUR, je répète que je regrette sincèrement que L'HON. proc.-gén. du Haut-Canada ait été induit à faire la motion qui a été placée entre vos moins. (Applaudissements.)
L'HON. M. McDOUGALL—Je ne suis pas surpris, M. l'ORATEUR, que les hon. messieurs qui sont opposés à la politique du gouvernement sur cette question, et qui désirent la faire rejeter, éprouvent un peu de désappointement en voyant la ligne de conduite adoptée par le gouvernement et annoncée aujourd' hui. Mais je ne puis comprendre comment ceux qui sont partisans de cette politique, et qui désirent la voir triompher, puissent, à cette phase de la discussion, blâmer la ligne de conduite que nous avons cru de notre devoir d'adopter. Nous avons déjà discuté cette question pendant près de quatre semaines, et je suis convaincu qu'aucun membre de cette chambre ne niera que, depuis une dizaine de jours, cette discussion s'est traînée lourdement; que les hon. messieurs de l'autre côté de la chambre ont montré une aversion marquée à la continuer.
L'HON. A. A. DORION—Non! non!
L'HON. M. McDOUGALL—L'hon. monsieur dit que non; mais le fait est que des ajournements ont été proposés plusieurs fois très à bonne heure, et même à neuf heures et demi, parce que personne n'était prêt ou disposé à parler contre la mesure.
L'HON. A. A. DORION—Cela n'a eu lieu qu'une seule fois, et c'était en conséquence de l'indisposition de l'hon. député de Brome (M. DUNKIN).
L'HON. M. McDOUGALL—L'hon. monsieur se trompe. Dans une autre occasion, l'hon. député d'Hochelaga lui-même a proposé l'ajournement à bonne heure, parce que ses amis n'étaient pas prêts à continuer la discussion, et les hon. membres qui étaient en faveur du projet ont été plusieurs folfl obligés de parler, lorsqu'ils n'étaient p"fl disposés à le faire, afin d'employer le temps et de faire marcher la discussion. Eh bien M. l'ORATEUR, l'hon. proc.-gén du Haut- Canada a dit à la chambre hier, dans des termes sur la signification des quels personne ne pouvait se tromper, que le gouvernement croyait de son devoir de profiter de tous les expédients parlementaires pour arriver aussi promptement que possible à constater l'opinion de cette chambre sur cette question Aujourd'hui, la chose a été répétée, et il a été donné de bonnes et suffisantes raisons pour justifier cette démarche. Les
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hon. députés de Carleton et de North Ontario (M. POWELL et M. C. CAMERON) se plaignent de ce que l'on s'est écarté de la pratique habituelle de cette chambre en faisant cette motion, et nous accusent de vouloir étouffer la discussion; mais ces messieurs n'ont certainement pas besoin qu'on leur aprenne que cette motion n'arrête pas les débats. La chambre peut discuter la question préalable tant qu'elle voudra. Strictement parlant, peut-être, les membres sont tenus de donner des raisons pourquoi cette motion ne devrait pas être maintenant mise aux voix, mais parmi ces raisons sont tous les arguments que l'on a encore à faire valoir pour ou contre la motion principale. M. POWELL—Alors, quel bien peut-elle produire?
L'HON. M. McDOUGALL—Le bien qu'elle produira est celui-ci: elle empêchera les amendements factieux et étrangers au sujet, et nous permettra d'obtenir une expression décisive de l'opinion de la chambre sur la véritable question qui est devant elle. (Ecoutez! écoutez!) Il est bien bon de la part de l'hon. député de North Ontario de nous dire qu'il désire nous proposer son projet d'union législative en laissant contrôler la législation locale par les députés de chaque province; mais, monsieur, il se trouve qu'il occupe un siége de l'autre côté de la chambre et non pas de ce côté-ci. Il est du devoir du gouvernement, qui est responsable au parlement et au peuple, de proposer des mesures, et si l'hon. député peut convaincre la chambre que ces mesures ne sont pas adaptées aux besoins et aux intérêts du pays, nous serons obligés de laisser cette côté de la chambre, et alors l'hon. député de North Ontario pourra nous remplacer et soumettre son projet au parlement. (Ecoutez! écoutez!) Mais comme nous sommes ici et que nous avons pris sur nous de soumettre ces résolutions, nous sommes décidés à obtenir, aussi promptement que possible, — sans cependant empêcher aucun membre de cette chambre d'exprimer ses idées,— un vote de cette chambre. La clameur jetée par les hon. messieurs de l'autre côté contre les propositions faites par le gouvernement pour faciliter la discussion, en y consacrant tout le temps de la chambre, prouve que leur seul but est de retarder le vote. S'ils ont quelques arguments à faire valoir contre le projet, ils ont eu tout le temps nécessaire pour les developer. Ils ont jugé convenable de parler de toute espèce de choses autres que des mérites ou des démérites du projet lui-même, jusqu'à ce que la patience de cette chambre, et je crois aussi, celle du pays, aient été épuisées. Je suis heureux de croire qu'une très forte majorité des membres de cette chambre sont prêts à voter sur la question, et l'on ne doit pas les empêcher plus longtemps de le faire, surtout en face de circonstances qui sont survenues de ce côté aussi bien que de l'autre côté de l'Atlantique, sur lesquelles mon collègue le procureur-général du Haut- Canada a déjà attiré l'attention de la chambre.
L'HON. M. EVANTUREL—J'ai compris que le gouvernement avait dit que la question de la confédération était une question libre; mais je n'ai jamais compris qu'il avait dit que l'on ne pourrait pas y proposer d'amendements. Elle ne devait pas être traitée comme une question de parti, mais l'on devait accorder aux membres la plus grande latitude possible, comme si nous étions en comité général. Cependant, aujourd'hui, le gouvernement ferme la porte aux amendements de ses amis comme de ses adversaires. (Ecoutez! écoutez!) Je pense que cette conduite est très illogique, et j'aimerais que l'hon. secrétaire provincial pût l'expliquer.
L'HON. M. McDOUGALL—Je pense qu'il y a peu d'hon. membres de cette chambre dont les impressions soient semblables à celles de l'hon. député du comté de Québec. (Ecoutez! écoutez!) Il a été parfaitement entendu et compris par la chambre que le projet était soumis au parlement comme étant le résultat des délibérations de tous les gouvernements locaux à la conférence de Québec, et comme mesure du gouvernement. Je crois aussi, M. l'ORATEUR, qu'il a été explicitement dit que cette mesure participant de la nature d'un traité, il était absurde de supposer qu'aucune des législatures aurait la faculté de l'amender, parce que du moment que l'on ouvrirait la porte à des amendements dans une législature, toutes les autres réclameraient le même privilège. Quelle espèce de projet serait-ce après que chaque législature l'aurait martelée de manière à l'adopter à ses propres idées, et combien de temps croît-on qu'il faudrait pour en arriver à une entente commune si l'on suivait cette marche? Par la nature même des choses,—que ce projet soit le meileur ou le pire de ceux que nous pouvions préparer,— nous ne pouvons sortir du fait qu'il a le caractère 'un traité, et qu'en conséquence 724 il faut le voter simplement par oui ou non. (Ecoutez! écoutez!) C'est dans cette vue que le gouvernement l'a soumis à cette chambre, et c'est dans cette vue que la chambre doit prononcer son verdict sur le projet. Comme je l'ai déjà dit, la détermination à laquelle le gouvernement en est venu est d'offrir la motion principale, pure simple, à l'attention de la chambre, et d'employer tous les moyens parlementaires légitimes pour en arriver à une décision,—et nous sommes prêts à nous conformer à cette décision. J'espère qu'il n'y aura aucun malentendu de la part des hon membres Le gouvernement n'a aucunement l'intention de priver les hon. messieurs de l'occasion d'exprimer leurs idées sur ce projet. Mais ce que nous voulons empêcher, si nous le pouvons, c'est la tentative de détourner l'attention de la chambre des résolutions de la conférence sur des propositions comme celle de l'hon. député de North Ontario, qui désire soumettre un autre projet tout à fait différent, qu'il sait très bien devoir être rejeté par tous les membres de la confédération projetée. Sa proposition doit être discutée, si elle l'est, de quelque autre manière que par voie d'amendement ou de substitution au projet de confédération de la conférence de Québec. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. J. S. MACDONALD—-M. l'ORATEUR:—Je pense que la grande majorité des membres de cette chambre partageront mon avis, que profonde à été la surprise de tous en entendant le chef du cabinet formuler sa proposition, tendant à rien moins qu'à rendre tout amendement impossible en soulevant la question préalable. A mon sens, la chambre devra envisager cette démarche comme une flagrante violation de la stipulation arrêtée à l'époque où il fut entendu que la chambre serait considérée comme siégeant en comité général, sous votre présidence, M. l'ORATEUR. Il fut parfaitement compris alors que bien que le gouvernement ferait tous ses efforts pour mettre obstacle à l'adoption d'aucun amendement, cependant il serait permis d'en proposer en la manière accoutumée. Conséquemment, l'arrangement conclu comportait que, dans le sens le plus ample du mot, la chambre était formée en comité général; or, comme la question préalable ne pouvait être proposée en comité général, il s'en suit donc que le gouvernement n'a plus à l'heure qu'il est le droit de recourir à cet expédient. Je le demande aux hon. ministres: n'ont-ils pas pris cet engagement vis-à-vis la chambre? S'ils ont commis une erreur en consentant à ce que l'Orateur garde le fauteuil à certaines conditions, je dis qu'ils prennent actuellement avantage de leur fausse position. Jusqu'à ce jour, M. l'ORATEUR, l'opposition s'est abstenue de faire des amendements, voyant que des partisans de l'administration devaient eux-mêmes en proposer, qui embrassaient entièrement ses propres vues. A coup sûr, ces messieurs ne s'attendaient guère à voir ainsi étouffer leurs motions, quelle qu'ait pû être l'intention du gouvernement à l'endroit des amendements de la même nature venant de ce côté de la chambre. Mais la question préalable ainsi posée se dresse menaçante devant tous les députés, amis ou ennemis du gouvernement. Pour me servir de l'expression de l'hon. député de Carleton: "il est maintenant bien avéré que le gouvernement veut bâillonner ses partisans comme ses adversaires." (Ecoutez!) Examinons un peu, M. l'ORATEUR, quels sont ceux qui, composant l'administration actuelle, ont violé l'engagement le plus solennel et cherchent maintenant à fouler à leurs pieds les droits et les privilèges des représentants du peuple en cette chambre. Il me suffira de dire que neuf de ces messieurs, qui formaient partie du gouvernement avant que la coalition n'eût lieu, ont vu leurs actes pervers censurés et condamnés par un vote de cette chambre, et c'est un fait que les hon. députés doivent avoir encore présents à la mémoire. Depuis cette époque, ils n'ont cessé de reculer devant l'appel au peuple pour faire ratifier par ce dernier leur nouvelle et bien étrange combinaison. hit ce sont ces hommes qui, après avoir enfanté la coalition en s'adjoignant taios membres de l'opposition aux conditions les plus humiliantes, viennent aujourd'hui demander un vote de crédit à cette chambre et des pouvoirs illimités pour leur permettre de représenter le peuple du Canada en Angleterre! Mon hon. ami de West York (M. HOWLAND) occupe une position bien différente de celle de ses collègues réformistes. S'il est venu au secours de ses amis qui, les premiers firent partie de la coalition, ce n'est qu'après avoir obtenu l'assentiment de ses mandataires. Dans le discours qu'il leur adressa en cette circonstance, l'on voit qu'il leur annonçait que le projet de confédération était soumis au peuple, mais qu'il n'en connaissait pas plus les détails qu'eux- mêmes, et que certains points de la mesure lui répugnaient. Aussi, je m'empresse de
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ne pas l'inclure dans la même catégorie que celle de certains de ses collègues qui ont été censurés par cette chambre; et, au moins, l'on peut dire de lui qu'il était pour ainsi-dire autorisé à agir au nom du peuple. Mais quant aux autres, M. l'ORATEUR, qu'ont-ils tenté de faire? Oh! combien est différent aujourd'hui leur conduite vis-à-vis la chambre de celle qu'ils avaient promis d'observer dès l'ouverture du débat! Combien ils se sont écartés du programme qu'ils ont rédigé en formant la coalition! Afin de faire connaître à la chambre quelles étaient les vues de l'hon. député de South Oxford en 1864, le jour où il fit volte-face entrainant dans sa fuite vers le camp ennemi, un nombre considérable du parti réformiste, je prendrai la liberté de lire le document que je tiens actuellent en mes mains:—
"M. BROWN demanda ce que le gouvernement proposait comme remède à l'injustice dont se plaint le Haut-Canada, et comme arrangement du différend sectionnel? M. MACDONALD et M. GALT répondirent que leur remède était une union fédérale de toutes les provinces britannique de l'Amérique du Nord, en laissant les affaires locales à des autorités locales, et les matières d'intérêt commun, à une légisture générale. M. BROWN répliqua que le peuple du Haut-Canada n'accepterait pas cela comme un remède aux maux existants; il croyait que la fédération des provinces devait arriver, et arriverait avant longtemps, mais elle n'avait pas encore été pour le peuple un sujet de mûre considération; et en fut-il autrement—il y avait tant de parties a consulter, que l'adoption en était incertaine et reculée."
L'HON. M. BROWN—Quel date porte ce document?
L'HON. J. S. MACDONALD—L'hon. monsieur sait fort bien que ce document n'est autre que le programme du gouvernement soumis à la chambre à la veille de la clôture de la dernière session, il y a à peine six mois. Je vous prie, M. l'ORATEUR, de vouloir bien noter les expressions dont s'est servi M. BROWN. Il a dit que le sujet de la confédération n'avait pas encore été pris en considération par le peuple, et que conséquemment l'adoption en était incertaine et reculée. Est-ce parce qu'il a trouvé l'occasion opportune de monter au pouvoir; est-ce parce qu'il a visité les provinces maritimes, négocié avec elles et entendu leurs explications, que le moment d'adopter ce projet, si éloigné il y a six mois, est devenu si urgent aujourd'hui? Il substitue le mot"urgent" à "reculé"; mais voilà un bien étrange abus de la parole. Je continue ma lecture:—
"On demanda alors à M. BROWN quel était son remède, à quoi il répondit que la mesure qui serait acceptable au peuple du Haut-Canada serait une réforme parlementaire, basée sur la population sans égard à une ligne de séparation entre le Haut et le Bas-Canada. M. MACDONALD et M. GALT déclarèrent tous deux qu'il leur était impossible d'accéder à cela, comme il le serait si aucun gouvernement de faire passer une pareille mesure; et qu'à moins qu'on pût trouver une base dans le principe de fédération suggéré par le rapport du comité de M. BROWN, ils ne voyaient aucun moyen de régler quoi que ce soit."
Plus loin, je trouve ces mots:—
"M. Brown, en conséquence, se rendit auprès du gouverneur-général, et à son retour le memorandum, approuvé par le conseil et le gouverneur-général, lui fut remis en main, et une autre entrevue fut fixée pour six heures p.m., M. BROWN disant qu'il ne se sentait libre ni d'accepter ni de rejeter la proposition sans se consulter avec ses amis."
Voici des passages de ce mémorandum:—
"Le gouvernement est prêt à déclarer qu'immédiatement après la prorogation il s'occupera de la manière la plus sérieuse de la négociation pour une confédération des provinces britanniques de l'Amérique du Nord. Que, advenant l'insuccès de ces négociations, il est prêt à s'engager à proposer une mesure législative, à la prochaine session du parlement, en vue de remédier aux difficultés existantes, en recourant au principe fédéral pour le Canada seul, accompagnée de dispositions qui permettront aux provinces maritimes et au territoire du Nord-Ouest de s'incorporer plus tard dans le système canadien."
Et plus loin:—
"Un peu après six heures p.m., les mêmes messieurs se rencontrèrent au même lieu, alors que M. BROWN déclara que sans avoir communiqué le contenu du papier confidentiel qui lui avait été remis, il avait vu un assez bon nombre de ses amis pour pouvoir exprimer la croyance que la masse de ses amis accepteraient, comme compromis, une mesure pour l'union fédérative du Canada, avec des dispositions pour l'admission future des colonies maritimes et du territoire du Nord-Ouest. A cela, il fut répondu que l'administration ne pouvait pas consentir à écarter la question la plus large; mais, après une longue discussion, on s'accorda sur un amendement à la proposition originale dans les termes suivants, sujet à l'approbation, lundi, du cabinet et de Son Excellence:—Le gouvernement est prêt à s'engager à presenter une mesure, à la prochaine session, pour faire disparaître les difficultés existantes, en introduisant le principe fédéral en Canada, accompagnée d'une disposition qui permettra aux provinces maritimes et au territoire du Nord-Ouest de s'incorporer dans le même système de gouvernement."
726
Il est impossible de ne pas comprendre ce language; en effet, rien ne semble plus évident que ce fait:—que ce fut alors le projet de fédération du Haut et du Bas-Canada que l'on promit de soumettre au pays, et non pas celui qui nous occupe actuellement. Afin de mieux établir mon assertion, je vais citer un extrait du discours prononcé par le premier ministre en présentant les résolutions que nous sommes aujourd'hui appelés à voter:—
"L'hon. premier ministre (Sir E.P. TACHÉ) fait l'histoire des divers changements qui se sont opérés jusqu'à la chute de l'administration MACDONALD- DORION, laquelle, dit-il, a succombé sous le poids de sa propre faiblesse. Leurs successeurs ne furent pas plus heureux, et après leur défaite ils songèrent à en appeler au pays, ce qu'ils auraient fait avec plus ou moins de succès, gagnant un comté ici et en perdant peut-être un autre ailleurs. Ils avaient assumé l'administration des affaires après avoir arrêté entre eux qu'ils auraient droit à cet appel, et ils en étaient à se consulter lors- qu'ils furent informés, par un de leurs propres amis, que le chef véritable de l'opposition témoignait le désir de leur faire des ouvertures, afin de chercher à aplanir les difficultés. L'hon. député dont il s'agit et quelques-uns de ses amis se mirent alors en rapport avec les chefs du gouvernement, et il fut convenu entre eux d'essayer de trouver un plan qui mit fin aux malentendus et qui en même temps assurât au Canada et aux autres provinces une position propre à garantir leur sûreté future et à leur attirer le respect et la confiance des autres nations. C'est alors qu'ils émirent deux projets: un grand et un autre sur une échelle moindre. Dans le cas où le premier échouerait, ils devaient se rabattre sur le deuxième, qui comportait une confédération des deux sections de la province."
Le premier ministre déclare donc qu'il y avait deux plans, un sur une grande échelle et l'autre sur une plus petite. N'est-il pas de la dernière importance que nous, les représentants du Haut-Canada, connaissions la nature de ce dernier projet? Assurément, ce n'est pas trop exiger que de demander que l'on nous abandonne le petit pendant que les ministres iront faire valoir les mérites du grant à Downing street. Dans l'intervalle, nous pourrions nous occuper utilement en étudier les détails qui doivent, à ce que l'on prétend, apporter tant de joies et de contentement, et mettre à jamais fin aux dissentions intestines entre le Haut et le Bas-Canada. J'ai l'espoir que les amis de l'administration vont engager cette dernière à confier à nos soins le plus faible de ses poupons—et nous lui promettons d'avance qu'il recevra de nous toute la protection possible pendant l'absence des auteurs de ses jours. (Ecoutez! et rires!) Nous voyons donc que les ministres, au lieu de remplir leur promesse, ont audacieusement proposé à leurs partisans de l'école réformiste, le projet même que l'hon. député de South Oxford avait déclaré prématuré, et qui, à son avis, devait, il y a six mois, être ajourné à une époque reculée.—Il est difficile de trouver des expressions assez énergiques pour caractériser, comme elle convient de l'être, une violation aussi flagrante du pacte qui fut alors adopté. Il était bien connu, l'été dernier, que les législatures du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Ecosse et de l'Ile du Prince-Edouard, avaient manifesté l'intention de former une union législative applicable à leurs provinces, et qu'une résolution avait été passée par chacune d'elles, à l'effet de nommer des délégués chargés de délibérer sur ce sujet à Charlottetown, lieu fixé pour leur réunion. Au lieu de permettre à ces législatures de s'entendre entre elles dans l'examen de ce projet, au lieu d'attendre qu'il fut promulgué ou déclaré impossible, les ministres s'imaginèrent d'écarter les délégués réunis à Charlottetown, se souciant fort peu de ce qu'une pareille démarche créerait de mécontentement chez les populations de nos sœurs-provinces. Je me prends à rougir quand je songe à la responsabilité terrible qu'ont encourue nos ministres en intervenant dans les délibérations des colonies maritimes, qui cherchaient à s'unir sous un seul et même gouvernement. Mais non contents de leur visite à Charlottetown et d'y avoir arrêté la discussion de ce projet, voilà qu'aujourd'hui ils viennent, avec le plus grand sang froid du monde, nous demander que nous les autorisions à aller dire à Downing Street que leur grand projet a subi un échec, mais que malgré cela ils espèrent toujours, comme je l'ai fait observer il n'y a pas longtemps, en voir surgir, au moyen de l'influence du gouvernement anglais, une constitution parfaite à l'ombre de laquelle vivront désormais ces provinces éparses. (Ecoutez!) Il est aujourd'hui bien avéré que notre situation financière est dans l'état le plus alarmant; or, un lieu de procéder à la discussion des différentes mesures actuellement soumises à la chambre; au lieu de nous transmettre le budget, conformément à la pratique suivie, pour que le peuple puisse se renseigner sur le véritable état des affaires publiques, les ministres sont soudainement 727 arrivés à la conclusion non seulement de ne pas se conformer à ce désir, mais bien plus de nous demander de leur voter un crédit dont ils nous rendront compte à la prochaine session. La prorogation suivra ce vote de près et le pays restera plongé dans l'incertitude quant au sort que lui réserve l'avenir, jusqu'à ce que ces messieurs soient de retour de leur mission. Quand nous songeons aux cajoleries que le gouvernement met en œuvre auprès de certains membres envoyés dans cette chambre, dans le but avoué de faire triompher des principes et des mesures particulières; quand nous voyons les députés dont je parle violant ouvertement les promesses faites à leurs commettants et vouer toute leur énergie à appuyer un gouvernement qu'ils avaient mission de combattre, ne soyons pas surpris si des influences de même nature, mais partant de plus haut, produisent le même effet sur nos ministres pendant leur séjour en Angleterre, et s'ils trahissent la confiance reposée en eux par des partisans aussi souples qu'aveugles. Le but avoué de la prorogation immédiate des chambres est le danger imminent qui menace cette province, mais l'on se garde bien de nous éclairer sur les causes réelles d'une pareille alarme. L'on nous dit, cependant, qu'une somme considérable, à un montant inconnu, doit être affectée par la métropole à la fortification de certaines parties du Canada, et qu'il nous faudra aussi dépenser pour le même objet un fort montant dont nous ne connaissons pas le chiffre. Mais si nous demandons des renseignements plus positifs, le gouvernement se hâte de nous dire que les intérêts publics s'y opposent. L'on nous supplie d'attendre patiemment et de vouloir bien nous déclarer contents et satisfaits de l'assurance que l'on nous donne que certains ministres vont sans tarder se rendre en Angleterre pour convenir du montant que le Canada devra consacrer à sa défense et au maintien de milices organisées sur un pied d'efficacité inconnu jusque-là. Or, je prétends, M. l'ORATEUR, que ces arrangements pourraient se faire tout aussi bien par la voie des dépêches et de la correspondance entre ce gouvernement et le ministère des colonies. (Ecoutez!) Je proteste contre le principe de vouloir transférer à Downing Street les négociations de cette mesure, avant que les ministres aient répondu catégoriquement aux questions que nous leur avons adressées. Les représentants d'un peuple obéré de taxes écrasantes ont le droit de préciser le chiffre au-delà duquel le gouvernement n'a pas le droit d'engager le crédit de cette province. Nous n'ignorons pas qu'au moment actuel il est très difficile de réaliser des fonds en Angleterre, mais le ministre des finances ne daigne pas même nous informer des conditions auxquelles il fait ses emprunts. Nous ne connaissons rien de la question, rien de la position que l'on veut nous faire. Je suis d'avis que le peuple de ce pays ne devrait pas être appelé à voter des sommes plus considérables qu'il n'en peut payer. Il n'est pas un député siégeant en cette chambre, pas un seul homme dans tout le pays qui ne soit prêt à payer sa quote-part pour les fortifications; mais il y a des limites à tout. (Ecoutez!) Le principe consacré par trois des ministres actuels, quand conjointement avec moi ils formaient partie d'une autre administration, est tout aussi rationnel aujourd'hui qu'il l'était alors; et si, il y a deux ans, la puissance de l'armée américaine n'était pas telle qu'elle devait nous induire à voter des sommes considérables pour défendre le pays contre toute agression possible, je ne saurais comprendre comment il se fait que mes anciens collègues consentent aujourd'hui à donner suite à une proposition qui nous entraînera dans une dépense énorme. Je me permettrai maintenant de lire des extraits d'une dépêche adressée par l'exécutif le 28 octobre 1862 au duc de NEWCASTLE, en réponse à la proposition qu'il nous faisait de lever cinquante mille volontaires:—
"La proposition émise par Sa Grâce d'organiser et de discipliner pas moins de 50,000 hommes, n'est pas faite à la province pour la première fois. La mesure préparée par le dernier gouvernement et rejetée par la législature, avait pour but de former cet effectif, et les conseillers de Votre Excellence ne peuvent déguiser leur opinion que la province est contre le maintien d'une force qui affecterait gravement les industries et entraînerait des impôts justifiables seulement en présence d'un danger imminent ou en temps de guerre. Le peuple du Canada, ne faisant rien qui puisse amener une rupture avec les Etats-Unis, et ne sachant pas que le gouvernement de Sa Majesté ait l'intention de suivre une politique de nature à entraîner une aussi affreuse calamité, n'est pas disposé à s'imposer des taxes extraordinaires. Il comprend que si la guerre a lieu, elle n'aura pas son fait pour cause, et il est porté a ne rien faire qui puisse paraître anticiper, peut-être provoquer un état de choses dont les suites seraient désastreuses pour tous les intérêts de la province."
Telle était, il y a deux ans, l'opinion de ses hon. messieurs. (Ecoutez!)
728
L'HON. M. HOLTON—Combien de ces messieurs ont aujourd'hui des portefeuilles?
L'HON. J. S. MACDONALD—Trois, comme je l'ai déjà dit (Ecoutez!) Mais passons outre; Sa Grâce recommendait le recours à la taxe directe; nous lui répondîmes:—
"Sans entrer dans la discussion du mérite relatif des taxes directes et des taxes indirectes, les conseillers de Votre Excellence pensent qu'il ne serait pas prudent d'imposer tout à coup de fortes taxes directes pour les fins militaires. Les circonstances actuelles ne sont pas celles où l'on doive adopter un principe inconnnu jusqu'ici dans la politique fiscale de la province, et ce n'est certainement pas le temps de se lancer dans des expériences auxquelles le peuple n'est pas préparé. C'est une grave erreur que de raisonner dans l'hypothèse que le peuple canadien peut supporter plus de taxes que n'en comportent les mesures ficales du gouvernement."
Je puis remarquer qu'aujourd'hui la position dans laquelle se trouve le pays est pire encore qu'elle ne l'était alors. Il y a à peine quelques instants que l'hon. député de South Oxford (M. BROWN) parlait de la prospérité des négociants du Haut-Canada, et ajoutait que la situation du pays n'était pas de nature à provoquer les observations de l'hon. député de Chateauguay (M. HOLTON). Mais, M. l'ORATEUR, il a omis de parler de l'état dans lequel se trouvent les cultivateurs et sur lequel je prendrai, tout-à-l'heure, l'occasion de m'étendre plus au long. Je continue mes citations:—
"La richesse du pays consiste dans le sol; si le peuple jouit d'une richesse comparative, elle ne peut toutefois, par sa nature, produire promptement un revenu considérable en argent. Les conseillers de Votre Excellence croient que nul gouvernement qui voudrait mettre à effet les recommendatiom de Sa Grâce sur ce point ne pourrait se maintenir."
Tel fut le langage tenu par notre gouvernement lorsque l'on nous demanda de lever 50,000 hommes et de les habituer au maniement des armes. (Ecoutez!) Je pense que la pression exercée sur le gouvernement impérial par les adeptes de GOLDWIN SMITH —et de l'Ecole de Manchester—à l'effet de lui faire abandonner ses colonies, commence à porter ses fruits. Le télégramme reçu ce jour semble indiquer que le fardeau de la défense devra retomber sur les colonies; voici quelle en est la teneur:—
"Le comte RUSSELL regrette que la discussion ait eu lieu, et annonce que le gouvernement avait refusé de s'occuper de la question, parce que les Canadiens n'avaient eux-mêmes pris aucun interêt à la mesure; mais, comme ils manifestent aujourd'hui une tendance toute différente, le gouvernement a déterminé de venir à leur secours."
Je demanderai à cette chambre, M. l'ORATEUR, pourquoi les ministres refusent de nous dire quelle est la nature des propositions qu'ils ont faites au gouvernement impérial, si toutefois ils ont eu recours à cette demarche? Je déclare que nous ne devrions pas retourner à nos foyers avant d'avoir fait connaitre notre opinion au gouvernement sur ce sujet—avant qu'il sache parfaitement ce que nous en pensons, nous les représentants du peuple. (Ecoutez!) Et, qu'il en soit bien informé, s'il fait un pas de plus dans cette direction sans prendre notre avis, je le dis hautement, il outre passe ses pouvoirs. (Ecoutez!) Dans la même dépêche, le duc de NEWCASTLE nous demandait de placer en dehors du contrôle du parlement les deniers nécessaires à l'organisation militaire du Canada! Une pareille proposition fut accueillie comme elle devait l'être par un peuple auquel sont chères les libertés que lui assure la constitution anglaise. Il nous était impossible de la soumettre au parlement, et nous n'y songeâmes pas. Il était dit dans la même dépêche que le crédit du pays était en danger d'être déprécié en Angleterre, mais que si nous étions prêts à nous défendre, prêts à voter la somme énorme qu'il fallait, une pareille démarche de notre part rétablirait considérablement notre réputation à l'étranger. Notre réponse fut celle-ci:
"Les administrateurs des affaires du pays doivent sans doute maintenir à tout prix le crédit de la province en Europe. Les conseillers de Votre Excellence peuvent dire que leurs différentes mesures font voir la sincérité de leurs efforts pour conserver intact le crédit public. Ils prétendent néanmoins, que l'un des principaux moyens à prendre pour parvenir à ce but est de faire preuve de précaution dans l'emploi des ressources de la province. Ils croient qu'ils garderont plutôt la confiance des capitalistes d'Europe, en calculant soigneusement la dépense sur le revenu, qu'en se lançant dans des projets, si louables qu'ils puissent être, qui dépasseraient les ressources dispo nibles du peuple canadien."
(Six heures sonnent, M. l'ORATEUR quitte le fauteuil avant que l'hon. membre ait terminé son discours).
A la reprise de la séance,—
L'HON. M. HOLTON dit:—Avec la permission de mon hon. ami le député de Cornwall, (M. J. S. MACDONALD), je désire, avant 729 que les débats ne soient repris, attirer l'attention du procureur-général du Haut-Canada, sur le sujet de la question préalable qu'il a proposée, et lui rappeler ce qui a été dit lorsque l'arrangement a été fait que cette discussion serait conduite à tous égards comme si la chambre siégeait en comité général, et en appeler à son sens de justice pour l'engager à adhérer à l'esprit et à la lettre de cette convention. L'on se rappellera que je me suis fortement opposé, au nom des hon. membres de ce côté-ci de la chambre, à la proposition de considérer ces résolutions comme n'étant qu'une seule résolution, et que j'insistai qu elles étaient de nature à devoir être prises en considération en comité général de toute la chambre. L'hon. procureur-général du Haut-Canada s'y opposa pour cette raison:—Il dit que ces résolutions etaient un traité (je ne crois pas cette position tenable, mais je ne veux pas la discuter maintenant,) et que le gouvernement était tenu d'employer toute son influence pour les faire adopter dans leur intégrité; et, en réponse à quelques objections que je lui fis, il dit que nous n'aurions aucune difficulté à enregistrer nos vues dans les journaux de cette chambre en proposant des amendements au projet. Je pensais alors que c'était là nous placer dans une position très désavantageuse, et que nous avions le droit de considérer les propositions séparément et de faire prendre le vote pour ou contre sur chacune d'elles; mais je ne pus réussir, et il fut conclu un arrangement que vous avez vous- même alors, M. l'ORATEUR, de votre siége, déclaré être que la discusion serait conduite à tous égards comme si la chambre siégeait en comité général. Eh bien! j'ai deux choses à dire à cela:—premièrement, c'est qu'en comité général la question préalable ne peut- être proposée; et secondement, que le gouvernement nous a formellement assuré que nous pourrions proposer des amendements à ces résolutions. (Ecoutez! écoutez!) Voici les propres paroles de l'hon. monsieur, telles que je les trouve dans le rapport officiel, qui vient de m'être mis en main:—
"La proposition soumise à la chambre est qu'une addresse soit présentée à Sa Majesté, la priant de faire passer un bill basé sur ces résolutions. Tous les amendements devront se faire sur cette résolution. De fait, ce sera la même chose que de proposer chaque résolution séparément."
Maintenant, l'hon. monsieur dit que nous ne pouvons pas proposer d'amendements, et en effet aucun amendement ne pourra être proposé s'il réussit à faire affirmer la question préalable par la chambre. Je déclare—et je suis persuadé que je n'ai qu'à le dire pour le convaincre de la justice de ce que j'avance— qu'en persistant à proposer la question préalable, il viole tout simplement la promesse formelle qu'il a faite à la chambre et la convention conclue entre les deux côtés de la chambre au commencement de ce débat, que vous avez vous-même, M. l'ORATEUR, expliquée du fauteuil. (Ecoutez! écoutez!) Dois-je comprendre que l'hon. monsieur persiste dans sa résolution?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—J'y persiste certainement.
L'HON. M. HOLTON—Et l'hon. monsieur n'a-t-il rien à dire à mes objections?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD—A quoi?
L'HON. M. HOLTON—A l'égard de l'impossibilité où nous nous trouverons de proposer des amendements, si votre motion est adoptée.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD — Pourquoi ne les avez-vous pas proposés?
L'HON. M. HOLTON—Nous nous reposions sur l'assurance de l'hon. monsieur qu'il ne serait fait aucune tentative pour abréger la discussion, ni pour empêcher la chambre d'exprimer librement et amplement son opinion sur chacune de ces résolutions. Je lui demande de nouveau s'il a l'intention d'adhérer à cette déclaration? (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD — Sur réflexion, M. l'ORATEUR, je vais faire quelques remarques en réponse à l'hon. monsieur. il parle comme si c'était une grande concession faite à la majorité de la chambre et au gouvernement, que cette convention conclue au commencement de ces débats. Mais, monsieur, ce n'a été aucune concession quelconque au gouvernement ou à la majorité de a chambre. (Ecoutez! écoutez!) Agissant au nom du gouvernement, et avec l'entière approbation de mes collègues, je proposai qu'une adresse fût présentée à Sa Majesté, la priant de sanctionner les résolutions adoptées par la conférence de Québec. Cette motion était d'un caractère parfaitement parlementaire, et il n'y avait aucune raison quelconque pour qu'elle fût prise en considération en comité général de toute la chambre. L'hon. monsieur ne pouvait pas, en vertu d'aucune règle parlementaire connue, nous forcer de nous former en comité général ou exiger que nous dis 730 cutions aucune de ces résolutions séparément. Il m'était donc parfaitement libre, d'après les usages de la chambre, de proposer qu'il fût adopté une adresse à Sa Majesté dans le but que j'ai dit, et ce n'a pas été une faveur pour le gouvernement de convenir de la discuter comme si la chambre siégeait en comité général. Au contraire, c'était une consession faite par le gouvernement à la minorité de la chambre, car je dis alors de moi-même que bien que j'eusse le droit de procéder de la manière ordinaire pendant que l'Orateur était au fauteuil, et de restreindre les membres à un seul discours conformément aux règles qui gouvernent les débats,— que bien que ce fût la mon droit incontestable d'après la tactique parlementaire,— cependant, afin de permettre la plus ample et la plus libre discussion, je suggérai d'appliquer la même règle que celle qui régit la chambre lorsqu'elle siége en comité général, alors que chaque député pourrait parler vingt fois s'il le désirait, et exposer parfaitement toutes ses opinions sur chaque point du projet. C'est là la proposition qui fut faite par le gouvernement. Elle était juste, libérale et même généreuse. Mais comment fûmes-nous reçus par les hon. députés de l'autre côté? Nous étions prêts à pour suivre la discussion immédiatement, et à soumettre la question à la chambre sans délai. Mais l'on dit que cela ne serait pas juste,—que les membres du gouvernement devraient d'abord exposer leur cause et la faire connaitre à la chambre et au pays, afin que ni l'une ni l'autre ne fût pris par surprise dans une matière aussi importante, et que les membres de la chambre devraient avoir tous les renseignements sur lesquels ils pourraient former leur opinion. Nous avons fait notre exposé, et lorsqu'on nous a demandé une semaine de délai afin que nos discours fussent examinés, nous y avons consenti. Supposant qu'après ce délai la discussion se continuerait immédiatement, nous avons donné aux messieurs qui sont opposés au projet toute une semaine pour examiner nos remarques, se préparer aux débats, déterrer des objections à nos arguments, et découvrir toutes les lacunes qu ils pourraient trouver dans le projet lui-méme. Nous l'avons fait parce que nous le croyions juste, et parce que nous croyions les hon messieurs sincères dans leur prétendu désir d'avoir les lus amples informations sur le sujet. Eh bien! la discussion fut reprise, elle se poursuit depuis trois semaines, et, comme l'a dit mon hon. collègue, le secrétaire-provincial, elle se traîne lourdement sans que l'on puisse prévoir quand elle se terminera. Et comment les hon. messieurs de l'autre côté ont-ils agi? Ont-ils été mus par le même esprit qui a constamment inspiré le gouvernemet dans tout le cours de la discussion? Nous leur avons demandé de s'avancer et de discuter le projet honnêtement et franchement, en présence de la chambre et du pays; mais au lieu de le faire, ils ont délibérément traité la question d'une manière frivole et perdu le temps de la chambre. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Non! non!
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— Comme homme d'honneur, l'hon. monsieur ne peut le nier; comme homme franc, il ne peut le nier; et s'il le niait, son caractère d'homme d'honneur et d'homme franc baisserait dans l'estime de cette chambre. (Ecoutez! écoutez!) Je dis formellement que c'était là le complot des hon. messieurs de l'autre côté,...retarder la considération de ce sujet. Leur politique était d'attendre, comme MICAWBER, "qu'il survienne quelque chose," pour voir ce qui pourrait leur arriver de favorable au Nouveau-Brunswick, attendre ce qui serait fait dans la Nouvelle-Ecosse, et s'emparer de tout prétexte de délai qui pourrait s'offrir à eux. L'hon. monsieur voulait, de propos délibéré, nous jouer un tour. Il a parlé d'un mauvais tour, d'une indigne duperie qui avait été pratiquée aux dépens de l'oppsition; mais n'était-ce pas un mauvais tour de sa part de ne pas vouloir discuter cette question, et de la retarder sous tous les prétextes possibles, pour interrompre ceux qui la discutaient, suggérant des motifs de délai, essayant de dénigrer le projet et nous- mêmes aux yeux de la chambre et du pays, et faisant dire par d'autres ce qu'il n' osait dire lui-même? (Ecoutez! écoutez!) C'était là le plan de l'hon. monsieur. Il se plaint de ne pas pouvoir proposer d'amendements,— mais l'opposition n'a pas essayé d'en proposer un seul. Ce sont des amis du gouvernerment qui ont offert les seuls amendements proposés jusqu'ici. La politique de l'opposition était précisément celle-ci: elle voulait employer tout le mois de mars et la plus grande partie d'avril en discussion générale sur ma motion, et ensuite, lorsqu'elle ne pourrait plus rien faire pour donner des nausées à la chambre et dégoûter le pays sur le sujet, lorsqu'elle aurait fatigué les mem 731 bres et rendu les sténographes malades avec ses discours, (rires), elle emploierait le reste du mois d'avril, tout le mois de mai et celui de juin, et pousserait le débat jusqu'au milieu de l'été sur les amendements qu'elle voulait proposer l'un après entre. (Ecoutez! écoutez! et rires.) C'est parce que ces messieurs n'ont pas cherché honnêtement et franchement à discuter la question, mais ont cherché à prolonger les débats jusqu'au milieu de l'été et empêcher la chambre d'en venir à une décision finale, que le gouvernement a adopté la mesure qu'il propose maintenant, et a dit à ces hon. messieurs:—"Voici; vous avez eu un mois pour proposer vos amendements et faire vos discours; vous avez pu discuter la question tous les soirs pendant tout ce temps, et quelquefois jusqu'à une heure ou deux du matin; vous n'avez pas honnêtement discuté le projet, et vous n'y avez proposé aucun amendement; vous paraissez, au contraire, déterminés à embarasser la mesure par tous les moyens en votre pouvoir; vous avez délibérément formé un complot pour la renvoyer en arrière dans le but de la détruire de cette manière insidieuse; mais nous ne vous permettrons pas de le faire. Nous serions indignes de la position que nous occupons si nous vous laissions faire." Et, M. l'ORATEUR, je serais indigne du caractère que me donne l'hon. monsieur (M. HOLTON) comme bon stratégiste parlementaire, si je permettais à l'opposition de réussir dans ce complot pour empêcher la chambre d'en venir à une décision. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! en recourant à cette mesure pour empêcher le succès de l'opposition, nous n'avons pas pris les hon. messieurs ni la chambre par surprise. Nous leur avons donné depuis le milieu de l'hiver jusqu'au commencement du printemps et l'ouverture de la navigation pour discuter la question et proposer leurs amendements; et lorque nous avons vu qu'ils étaient décidés à perdre le temps de la chambre et du pays indéfiniment, je suis venu hier et, au nom du gouvernement et avec l'entière approbation de mes collègues, j'ai dit honnêtement et franchement qu'il était de la plus grande importance pour l'intérêt du pays que cette question ne fût pas traînée plus longtemps dans le parlement, mais qu'un vote fût pris sans délai, afin que nous puissions dire aux provinces maritimes et à Sa Majesté que le contrat que nous avions fait avec elles, que l'arrangement que nous avions conclu avec les gouvernements de ces provinces, avait reçu l'entière approbation et le consentement du parlement et du peuple du Canada. (Ecoutez! écoutez!) Et j'annonçais franchement que le gouvernement était d'avis que les événements politiques récemment survenus dans le Nouveau-Brunswick et l'état des affaires dans cette province, exigeaient non seulement l'intervention de cette chambre, mais une prompte intervention; et que tous les moyens convenables et légitimes connus dans la pratique parlementaire seraient employés par le gouvernement pour faire en sorte que la chambre en vienne a une prompte décision sur la question. (Ecoutez! écoutez!) Nous n'avons jamais pris les hon. messieurs par surprise. Au contraire, nous leur avons donné toute la latitude possible dans ce débat, et nous leur avons donné avis de tout ce que nous voulions faire. Mais comment ont-ils agi avec nous? Ont-ils montré le même esprit de franchise et de sincérité? Non; et je le dis sans hésitation, nous avons constamment rencontré chez eux un esprit d'obstruction et d'hostilité; et, au lieu de discuter la question franchement sur ses propres mérites, les hon. messieurs de l'autre côté trainent les débats en langueur depuis des mois afin d'épuiser la patience de la chambre et du pays. (Ecoutez! écoutez!) Je demande à la chambre si elle permettra qu'une conduite aussi mesquine et aussi misérable réussisse? Permettra-t-elle qu'une question aussi intimement liée aux plus chers intérêts du Canada soit renvoyée d'un bord à l'autre de la chambre comme un volant entre les hon. députés de Cornwall et de Chateauguay? Permettra-t-elle à ces hon. messieurs de faire un jeu de cette question, non pas tant parce qu'ils sont opposés au projet en lui-même ou qu'ils en désapprouvent les principes généraux, qu'à cause de ceux par lesquels elle est présentée à l'adoption de cette chambre? (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, il existe un peu de malentendu à propos de l'effet de la motion que je propose à la chambre et qu'il vaut autant faire disparaître. Elle n'aura simplement et seulement que cet effet: elle n'empêchera pas les hon. députés d'exprimer librement et pleinement leurs idées sur le sujet, mais obligera chacun à donner un vote direct sur la question et à dire franchement s'il approuve ou non le projet de confédération dans son ensemble. (Ecoutez! écoutez!) Ainsi que je l'ai dit lorsque j'ai ouvert le débat sur ma motion, 732 (et comme l'ont dit et répété plusieurs de mes collègues), nous nous sommes entendus avec les gouvernements des sœurs-provinces sur une constitution future pour toute l'Amérique Britannique du Nord, et nous demandons à la chambre d'approuver ou de désapprouver cette constitution. Nous avons dit à la chambre que nous avions fait ce traité avec la sanction de Sa Majesté et du gouvernement impérial...
L'HON. M. HOLTON—Avec certaines restrictions.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD — Non! nous avons dit à la chambre que nous avions la sanction de Sa Majesté et des représentants de Sa Majesté avant notre réunion. La conférence s'est réunie et a siégé en vertu de cette autorité, et nous avons préparé un projet pour la constitution des provinces. Ce projet peut être bon ou peut être mauvais; mais qu'il soit bon ou mauvais, nous avons le droit de demander à cette chambre de l'approuver ou de le désapprouver, de l'accepter ou de le rejeter. Nous avions la sanction de Sa Majesté et du gouvernement impérial pour notre réunion,—parce que cette chambre sait que l'union de ces colonies est une matière de grand intérêt impérial autant que d'intérêt local,—et avec cette sanction nous avons préparé un plan et fait un compromis avec les autres provinces. Nous nous sommes engagés comme gouvernement à venir devant le parlement canadien et lui dire:— "Voici une constitution que nous avons préparée pour le gouvernement futur de ces provinces. Nous nous sommes engagés à la soumettre à cette chambre, exactement comme les gouvernements des autres provinces se sont engagés à la soumettre à leurs législatures respectives. Nous avons le droit de demander aux membres de cette chambre si, dans leur jugement, c'est un projet qui, avec toutes les fautes et les imperfections qu'il peut avoir, doit être accepté par le parlement de ce pays. Nous exerçons ce droit et vous demandons de déclarer par vos votes, oui ou non, si nous avons en raison de préparer cette mesure et si c'en est une qui doit être adoptée par cette chambre." (Ecoutez! écoutez!) C'est là, M. l'ORATEUR, la position prise par le gouvernement; et lors même que des amendements seraient adoptés,—lors même que l'amendement dont L'hon. député de North Ontario a donné avis réussirait, et que la chambre se déclarerait en faveur d'une union législative au lieu d'une union fédérale (en supposant que l'hon. député proposerait et ferait adopter sa motion), —quel bien pourrait-il en résulter? L'engagement que nous avons conclu avec les autres provinces serait brisé,—cette législature violerait l'engagement solennel que nous avons contracté envers les autres colonies, et nous aurions une constitution qu'aucune des autres provinces ne voudrait adopter. Nous savons qu'elles la rejetteraient —nous savons que le Bas-Canada se prononcerait comme un seul homme contre une pareille constitution. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Mais les autres provinces se prononcent contre celle-ci.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— Dans tous les cas, les gouvernements des autres provinces soumettront la question à leurs législatures et prendront leur opinions et nous avons le droit de demander à cette chambre: " L'approuvez-vous ou le désaprouvez-vous? Si vous désapprouvez le projet tout entier à cause de ses principes généraux, eh bien! votez contre! Si vous croyez que nous devrions avoir une union législative au lieu d'une union fédérale, eh bien! votez contre! Si vous croyez que parce qu'elle crée un sénat à vie au lieu d'un conseil législatif électif, eh bien! votez contre! Votez contre pour quelqu'une ou toutes ces raisons si vous voulez; mais donnez-nous de suite un vote honnête, franc et loyal d'un côté ou de l'autre, et faites savoir sans délai aux colonies-sœurs si vous approuvez ou non cet arrangement." (Ecoutez! écoutez!) Et, M. l'ORATEUR, les amendements ne sont que folie et absurdité. (Ecoutez! écoutez! et rires ironiques à gauche.) Les hon. messieurs de l'autre côté crient "écoutez! écoutez!"; comme de raison je ne parle pas du mérite d'aucun amendement en faveur d'une union législative, ou d'un conseil législatif électif, ou d'aucun autre changement dans les dispositions du projet; mais je dis sérieusement que pour tout objet pratique le résultat de l'adoption d'un amendement à cette mesure serait de nous faire perdre la seule chance d'union que nous puissions jamais espérer avoir avec les provinces d'en-bas, pour le plaisir de nous prononcer en faveur de quelque constitution que l'on croirait supérieure, mais que nous ne pourrions faire accepter par aucune des autres colonies. (Ecoutez! écoutez!) Tout ce que nous demandons à cette chambre est de faire ce que l'autre branche de la législature à déjà' loyalement fait — de discuter la question honnêtement et franchement sur ses mérites, 733 et ensuite de voter. Ceux qui croient que la constitution aura l'effet de mettre le pays dans une position pire que celle qu'il occupe aujourd'hui voteront contre la proposition; mais, d'un autre côté, ceux qui croient qu'elle se rapproche au moins de ce qui est juste et bon, qu'elle amènera des relations plus intimes entre les colonies, qu'elle formera la base d'une alliance solide et durable avec l'Angleterre, voteront en faveur de la constitution avec tous ses défauts. (Ecoutez! écoutez!) Je vais maintenant dire un mot des conséquences de la motion que j'ai proposée. Cette chambre doit savoir qu'elle ne peut empêcher ou abréger un seul discours, et que tout hon. membre peut discuter la question de confédération en donnant, aussi au long qu'il le voudra, les raisons pour lesquelles il votera pour ou contre le projet proposé. Tout ce que peut faire cette motion, tout ce que le gouvernement veut faire, c'est de tenir cette question devant la chambre; et l'hon. député de North Ontario peut aussi bien parler sur cette question que s'il avait sa motion entre les mains, et pourra, comme à l'ordinaire, faire un discours aussi habile que s'il y était proposé une demi-douzaine d'amendemants. De fait, tout le projet est autant entre les mains de la chambre, et est tout aussi ouvert à la discussion qu'il l'était le jour que j'en ai proposé l'adoption. Tout ce que cette motion fera, sera d'empêcher les hon. membres de l'autre côté de nous jouer le tour dont j'ai parlé,—c'est-à- dire, de détourner la discussion de la question principale qui est devant la chambre, en soulevant des débats sur les pouvoirs du gouvernement général et des gouvernements locaux, sur le conseil législatif électif. ou nommé à vie, et sur toute espèce de questions incidentes, sur lesquelles on s'escrimerait pendant des jours et des semaines jusqu'à l'été prochain, et jusqu'à ce la chambre fut fatiguée de tout ce verbiage et le pays dégoûté. (Ecoutez! écoutez!) C'est là M. l'ORATEUR, le but et l'objet des hon. députés de l'autre côté; mais j'espère que cette chambre ne sera pas assez insensée que de tomber dans le piège qu'ils lui ont tendu, —car je sais que les hon. membres savent maintenant à quoi s'en tenir sur les desseins de ces messieurs. Ils ne peuvent pas se plaindre qu'ils n'ont pas eu l'occasion de proposer des amendements. Ils ont eu trois semaines pour le faire, et ils n en ont pas encore proposé un seul, ni même donné avis d'un seul. Ensuite, M. l'ORATEUR, quelle sera la conséquence, d'un autre côté, si la question préalable n'est pas adoptée? Si elle est rejetée, et que la question principale ne soit pas posée, la confédération est détruite. Et j'informerai la chambre de suite qu'en votant pour que la question principale ne soit pas mise aux voix, en renverra la confédération pour toujours, et l'on détruire pour toujours le dernier espoir d'une union amicale entre les colonies de l'Amérique Britannique du Nord (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOLTON—Pourquoi le dernier espoir?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— Parce que si nous rejetons maintenant la convention conclue entre tous les gouvernements de toutes les provinces, nous ne pourrons jamais espérer les faire réunirde nouveau pour en conclure une autre.
L'HON. M. HOLTON—Mais l'un de ces gouvernements a cessé d'exister!
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD — L'hon. monsieur sait parfaitement bien que les gouvernements de toutes les provinces se sont engagés envers ce projet, mais que les législatures ne se sont pas encore prononcées. Si quelques unes d'entre elles paraissent aujourd'hui y être hostiles, ce sentiment peut disparaître lorsqu'il leur sera expliqué. Le proc.-gén. PALMER de l'Ile du Prince- Edouard lui-même peut être convaincu de sa nécessité et voter en faveur. Nous ne pouvons pas dire comment voteront ces législatures; mais ce que nous voulons faire, c'est de soumettre ce que nous aurons fait au parlement impérial et lui demander d'exercer son influence auprès des autres colonies pour assurer l'adoption du projet. Et je n'ai aucun doute que si la mère-patrie donne un avis amical aux colonies-sœurs dans cet esprit de bienveillance dont elle fait toujours preuve, —si elle leur indique que, suivant elle, ce projet est de nature a servir non seulement nos intérêts, mais encore les intérêts généraux, le bien-être et la prospérité de l'empire, —je suis bien convaincuque le peuple de ces colonies, quels que soient leurs sentiments locaux, écouteront au moins avec respect, et peut-être avec conviction, l'avis qui leur sera ainsi donné par le gouvernement impérial. Je n'ai aucun doute, et de fait je suis convaincu que si le gouvernement impérial donne cet avis, ce sera dans un esprit de bienveillance, d'amour maternel et de tolérance, et que si l'Angleterre indique ce qui est dû a nous 734 mêmes aussi bien qu'à l'empire, et montre ce que, dans son expérience et sa sagesse, elle croit être l'intérêt de l'Amérique Britannique du Nord, son avis sera accepté dans le même esprit qu'il aura été donné, et un peu plus tôt ou un peu plus tard avec conviction. (Ecoutez! écoutez!) Pour toutes ces raisons, je crois que les membres du gouvernement manqueraient à leur devoir dans les circonstances difficiles où se trouvent aujourd'hui nos affaires, s'ils ne cherchaient pas à obtenir la décision de cette chambre aussi promptement que possible. (Ecoutez! écoutez!) Il y a la question de défense, que l'hon. député de Cornwall admet être de la plus pressante importance, qui exige l'attention immédiate et nous oblige à ne pas permettre de plus longs délais dans la réalisation de ce projet.
L'HON. M. HOLTON—Qu'y a-t-il de commun entre les défenses et la question de confédération? L'hon. monsieur a dit maintes et maintes fois qu'elle n'avait absolument rien à y faire (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— L'hon. député se trompe: les deux questions sont entièrement liées.
L'HON. M. HOLTON — Mais lorsque nous avons demandé l'autre jour des renseignements sur ce que le gouvernement se proposait de faire à propos des défenses, l'hon. monsieur a répondu que c'était une question tout à fait différente de celle-ci. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— L'hon. député d'Hochelaga a certainement proposé une série de résolutions sollicitant des renseignements sur ce sujet, que nous avons refusés parce qu'ils étaient demandés dans le but de retarder et embarrasser la discussion de ce projet. (Ecoutez! écoutez!) Quand je dis que les deux questions de défense et de confédération sont entièrement liées, je veux dire ceci: que le progrès de certains événements récents—événements qui ont eu lieu depuis le commencement de ce début—a augmenté la nécessité d'une action immédiate tant à l'égard des défenses qu'à l'égard de ce projet. Les hon. messieurs de l'autre côté ont été dans le gouvernement —ils ont été derrière les rideaux—et ils savent que la question de la défense de l'Amérique Britannique du Nord est d'une grande et pressante importance, et ils savent que la défense du Canada n'en peut être séparée. Et les hon. messieurs ont été informés, et verront par le projet lui-même, que la ques tion a été examinée par la conférence, et qu'il a été décidé qu'il serait organisé un système de défense commun pour toutes les provinces et aux dépens de toutes. Eh bien! il est maintenant de la plus grande importance que quelque membre du gouvernement se rende immédiatement en Angleterre, afin que le gouvernement impérial sache quelle est l'opinion du Canada sur cette question de confédération aussi bien que sur la question de défense.
L'HON. J. S. MACDONALD—Est-ce pour cela que vous voulez aller, alors?
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD Oui. La saison arrive rapidement où il sera nécessaire de commencer ces travaux, la seule saison pendant laquelle ils puissent être faits; et ce n'est pas un véritable ami de son pays, ce n'est pas un vrai patriote, celui qui, pour le plaisir d'un petit triomphe parlementaire, pour le plaisir d'une petite contrariété de parti,—car la conduite de l'opposition ne s'élève pas plus haut que cela,—chercherait à retarder quelque arrangement définitif sur cette importante question de défense. (Ecoutez! écoutez!) Oui, M. l'ORATEUR, cette opposition est l'une ou l'autre de deux choses:—ou elle est faite pour le plaisir de causer de l'embarras de parti, ou elle est faite dans l'intention préméditée d'empêcher que l'on tente quoi que ce soit pour nous défendre, afin que nous devenions une proie facile pour l'annexion. (Ecoutez! écoutez!) Je n'aime pas à croire que les hon. messieurs de l'autre côté entretiennent le moindre désir de s'allier avec la république voisine, et, en conséquence, je suis forcé de penser qu'ils ne sont mus que par le misérable motif de remporter un petit triomphe parlementaire ou de parti. Il n' a que deux choses à croire, et l'une ou l'autre doit être exacte. (Ecoutez! écoutez!) Je crois que l'hon. député de Chateauguay est, au fond du cœur, fortement en faveur d'une union fédérale, mais parce qu'elle est proposée par des membres de ce côté-ci de la chambre, il ne peut ni ne veut la supporter. (Ecoutez! écoutez!) Tant que mon hon. ami, le ministre des finances, siégera sur les banquettes qu'il occupe maintenant, tant que Mardochée s'asseoira à la porte du roi (rires), et tant que l'hon. monsieur siégera de l'autre côté au lieu de ce côté-ci de la chambre, il trouvera tout mauvais et s'opposera à tout ce que nous ferons. Frappez haut ou frappez bas, comme le soldat battu de verges, rien ne peut le contenter. (Nouveaux rires.) Mais 735 je crois que la chambre ne sanctionnera pas une aussi pitoyable conduite que celle que tiennent les hon. députés de l'autre côté. Je pense que nous aurons une grande, une écrasante majorité pour nous supporter dans la ligne de conduite que nous avons adoptée, et que nous serions grandement blâmables si nous épuisions non-seulement notre patience, mais encore celle de nos partisans, en permettant que cette opposition dure beaucoup plus longtemps sans y mettre ordre.—Voilà, M. ORATEUR, mes réponses aux questions de hon. député de Chateauguay. (Applaudissements.)
L'HON. M. HOLTON—M. l'ORATEUR: J'eprouve la satisfaction d'avoir provoqué le meilleur discours que l'hon. procureur- général du Haut-Canada ait encore prononcé dans le cours de ces débats. Je l'admets volontiers, et je pense que ses partisans avoueront que c'est la première fois qu'il a parlé, dans tout le cours de la discussion, avec l'entrain et la vigueur qui le distinguent ordinairement. Cela était peut-être inévitable, parce que dans ses autres discours, et notamment dans son discours d'introduction, il avait la conscience que le projet était en autagonisme avec ses antécédents et n'était approuvé par personne. Nous n'avons donc eu alors ni cette vivacité, ni cette force de déclamation, ni cette gaieté dont le discours qu'il vient de nous faire était rempli. Mais, M. l'ORATEUR, j'en reviens à la question sur laquelle j'ai attiré votre attention lorsque vous avez repris le fauteuil ce soir. L' hon. monsieur n'a pas cru devoir en dire un seul mot; il a parlé de toute espèce de sujets; il a dit quil ne se regardait pas comme lié par l'arrangement qu'il a fait lui-même au commencement du débat; il a dit qu'il n'est pas lié; mais j'espère que l'on me permettra de dire un mot ou deux sur l'excuse qu'il donne pour se justifier de manquer ainsi à ses engagements. Il dit que nous avons, de ce côté; et mot particulièrement, fait perdre le temps de la chambre Eh bien! je nie formellement cette assertion. (Ecoutez! écoutez!) Je ne nie pas que nous ayions résisté aux tentatives injustes et malhonnêtes faites à plusieurs reprises par les hon. députés de l'autre côté de la chambre pour changer l' ordre du débat qui avait été délibérement établi, et par lequel la discussion devait être reprise tous les soirs à sept heures et demie. Je l'admets franchement, et je prétends que nous étions parfaitement justifiables de le faire. Dans tous les cas, je suis prêt à prendre la responsabilité de la part que j'ai eue dans cette conduite. Mais quant à la discussion sur la question principale, je défie l'hon. procureur-général du Haut-Canada de nommer un seul député de ce côté-ci qui ait perdu un seul moment du temps de la chambre,—un seul député qui ait parlé en dehors de la question,—et qui ait parlé dans le but de retarder la question et de prolonger les débats. Et pour preuve de cette assertion, j'oserai dire que lorsque les débats officiels seront publiés, l'on verra que l'espace rempli par les discours des hon. messieurs qui supportent cette mesure occupera au moins le double de celui qui sera occupé par les discours des membres de ce côté-ci. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — C'est précisément ce dont nous nous plaignons— que vous ne voulez pas parler. (Rires.)
L'HON. M. HOLTON—Ah! ah! nous perdons le temps de la chambre en ne parlant pas: c'est là l'accusation. (Rires.) ll est évident que le chef de l'hon. monsieur n'aurait jamais commis une bévue pareille Nous avons perdu le temps de la chambre en ne parlant pas! Eh bien! M. l'ORATEUR, c'est vraiment là un moyen très nouveau de "parler contre le temps" en nous fermant la bouche! (Rires.) Mais, M. l'ORATEUR, je ne veux as entrer dans le débat général. Je me suis levé pour en appeler au sentiment de justice et de franchise des hon. messieurs de l'autre côté. Cet appel n'a pas été écouté. Ils tiennent à cette démarche injuste, et comme de raison nous devons y faire face du mieux que nous pourrons. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — M. l'ORATEUR:— L'hon. monsieur trouve à redire à ce que j'ai avancé tout à l'heure; mais ce que j'ai dit est parfaitement exact, et c'est que nous voulions donner la plus grande latitude possible à la discussion. Cependant, lorsque les messieurs de l'autre côté avaient l'occasion de parler, ils n'étaient jamais prêts, et nous nous rappelons tous qu'en deux circonstances ils ont demandé l'ajournmnent de la chambre, une fois à neuf heures, et encore lorsque l'hon. député de Brome (M. DUNKIN) se trouva dans l'impossibilité de continuer son discours à dix heures. Quelques messieurs de ce côté-ci avaient promis de parler, et je me rapplle parfaitement que l'hon. député de Lincoln (M. MCGIVERIN) dùt venir à leur secours et poursuivre la discussion, afin de donner à 736 l'opposition le temps de se préparer pour le lendemain. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—Je ne puis permettre au procureur-général du Haut- Canada de s'écarter de la question au moyen de l'un de ces habiles faux-fuyants pour lesquels il est renommé dans cette chambre et dans le pays. (Ecoutez! écoutez!) La question qui lui a été posée par mon hon. ami le député de Chateauguay (M. HOLTON) était:—s'il n'était pas convenu que les débats seraient poursuivis à certaines conditions et de manière à ce que les hon. membres de cette chambre auraient toute latitude de présenter leurs amendements. Il est bien bon pour l'hon. procureur-général de dire que cet arrangement a été fait, non pas pour l'avan tage de la chambre, ni pour l'avantage du public, ni pour la convenance des membres, mais par pure courtoisie de la part du gouvernement. Cette proposition a été faite par lui-même, M. l'ORATEUR. L'hon. monsieur est venu devant la chambre et a expliqué de quelle manière les débats devaient être conduits, et il a proposé lui-même que la règle qui interdit aux hon. membres de parler plus d'une seule fois sur la même question, lorsque le président occupe le fauteuil, soit suspendue, afin que chaque membre eût la même liberté de discussion que si la chambre siégeait en comité général. C'était là la proposition de l'hon. procureur- général du Haut-Canada lui-même, parce qu'il croyait que c'était le moyen le plus convenable de conduire la marche des débats. Il est allé plus loin et a dit qu'il était d'opi nion qu'après que la discussion serait commencée, elle devrait se poursuivre tous les jours à sept heures et demie, consacrant l'après-midi aux autres affaires de la chambre. Ce fut encore là une proposition volontaire de l'hon. monsieur. Et ensuite, que voyons- nous? Nous voyons que l'hon. procureur- général du Haut-Canada dit immédiatement après, en réponse à mon hon. ami qui siége à ma droite (J. S. MACDONALD):—
"Mon idée est qu'une fois les débats commencés, ils se continuent chaque jour à la séance du soir, laissant l'après-midi pour les autres affaires."
Et encore:—
"J'ai proposé de suspendre les règles de la chambre dans le dessein de protéger la minorité et de permettre aux membres qui la composent de parler et de faire des objections autant de fois qu'il leur plaira...La proposition de l'hon. M. CAMERON me semble raisonnable. Le gouvernement devra d'abord exposer sa cause devant la chambre, et, par l'entremise de la presse, devant le peuple, puis accorder ensuite un temps raisonnable pour que le pays puisse en juger."
Le président du conseil dit aussi:—
"Quoique le procureur-général ait proposé de continuer la discussion de jour en jour, il n'a pas dit, un seul instant, que l'on devait presser le vote. Les débats, à n'importe quel temps, pourront permettre au peuple d'exprimer son opinion. Il y a 130 membres; presque tous voudront parler sur la question, et je pense que la meilleure marche à suivre est d'employer chaque séance du soir à la discussion.—ce qui permettra aux membres des deux côtés de la chambre d'exprimer leurs opinions, afin que le peuple puisse en prendre connaissance."
Telle est donc la manière dont le gouvernement a soumis la proposition à la chambre: la question devait être discutée sans précipitation, et tous les 130 membres qui siègent dans cette enceinte devaient avoir la faculté d'exprimer amplement leurs opinions, et leurs idées devaient être soumises au pays afin qu'elles pussent être pesées et examinées. Nous voyons ensuite que le procureur- général du Haut-Canada dit:—
"Sans doute, la chambre peut voter contre toute la mesure ou y introduire des amendements; mais, si elle le fait, ce sera au gouvernement à voir s'il poursuivra davantage devant la chambre la considération du sujet."
Et plus loin, le procureur-général du Haut-Canada dit encore:—
"Tous les amendements devront se faire sur cette résolution. De fait, ce sera la meme chose que de proposer chaque résolution séparément."
Ceci a été dit, M. l'ORATEUR, dans le cours de la discussion préliminaire.
L'HON. Proc-Gén. MACDONALD— C'est très-bien!
L'HON. M. HOLTON—Mais vous vous en écarter maintenant.
L'HON. A. A. DORION—Je disais que ceci avait été formulé dans le cours de la discussion préliminaire, qui eut lieu lorsque l'hon. procureur-général du Haut-Canada proposa la résolution sur laquelle cette mesure devait être basée. Nous prétendîmes que la meilleure protection que pouvait réclamer la minorité était que la chambre se formât en comité général; mais le procureur-général du Haut-Canada répondit que nous aurions tous les avantages, et même plus, que nous aurions si nous étions en comité général nous promit que nous aurions la liberté d'exprimer nos idées aussi souvent que nous
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le désirerions, pendant que nous aurions l'avantage de mieux faire maintenir l'ordre lorsque l'Orateur serait au fauteuil, qu'il ne serait possible de le faire en comité général. Nous comptions que cet arrangement serait maintenu, et nous croyons que non seulement les membres de cette chambre pourrait exprimer leurs opinions sans empêchement, mais encore que le public aurait le temps de faire des assemblées et des requêtes. Nous consentîmes donc immédiatement à l'ajournement de huit jours qui avait été suggéré par l'hon. député de Peel (M. J. H. CAMERON), et qui fut regardé par tous comme étant une proposition très raisonnable. Eh bien! le gouvernement prit huit jours pour envoyer ses discours au pays, et quatre jours après la reprise des débats, nous voyons l'hon. député de Montréal-Centre M. ROSE) placer un avis de motion sur les ordres du jour pour détruire l'engagement qui avait été pris dans cette chambre entre les membres du côté ministériel et la minorité qui forme l'opposition. (Ecoutez! écoutez!) Les hon. messieurs qui siègent sur les banquettes ministérielles terminèrent l'exposé de leur cause le 8 de février. Le 16, les débats furent repris, et le 21—entre lesquels il y eut un samedi et un dimanche— après deux jours de débats seulement, l'hon. député de Montréal-Centre alla trouver tous les membres afin de leur faire signer un round-robin dans le but de détruire un engagement solennel, qui avait été pris de bonne foi, entre le gouvernement et la minorité (Ecoutez! écoutez!) N'ayant pû, après deux jours de débats, faire adopter la motion dont il avait donné avis,—après que l'hon. député de Montréal-Centre eût été déjoué dans sa tentative de faire adopter sa motion—le procureur-général du Haut- Canada plaça un avis de motion au même effet sur les ordres du jour, prenant par là la responsabilité de tout ce qui avait été fait jusque-là sous ce rapport par l'hon. député de Montréal-Centre. Et, en l'absence du procureur-général du Haut-Canada, le procureur-général du Bas-Canada proposa cette résolution, pour briser cet engagement que lui et ses collègues avaient solennellement pris. (Ecoutez!) Et, M. l'ORATEUR, non seulement ils ont cherché à briser cet engagement, de manière à empêcher la libre discussion de la part de la minorité, et à étouffer l'expression de l'opinion du peuple, qui se manifestait dans les assemblées publiques qui avaient lieu dans tout le pays, et qui par venaient à cette chambre au moyen de requêtes,—mais nous voyons aujourd'hui les hon. messieurs se prévaloir de l'avantage de toutes les règles et de toutes les ruses connues dans la tactique parlementaire pour parvenir à ce but. (Ecoutez! écoutez!) Et maintenant les hon. messieurs se lèvent et cherchent à se justifier en appelant l'opposition une opposition factieuse et en l'accusant de perdre le temps de la chambre. Ils veulent étouffer la discussion après cinq ou six jours de débats, lorsque les hon. députés de ce côté-là de la chambre ont employé beaucoup plus de temps que ceux de ce côté-ci, ayant déjà réussi à nous forcer de continuer la discussion à trois heures et demie, au lieu de sept heures et demie comme il avait été convenu. Et maintenant, M. l'ORATEUR, nous sommes témoins du spectacle extraordinaire de voir un gouvernement proposer la question préalable sur sa propre motion. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Carleton (M POWELL) avait bien raison de demander si l'on pouvait trouver un précédent d'une pareille conduite! Les hon. messieurs qui ont pu opérer le double-shuffle ne peuvent jamais être bien embarrassés de l'absence de précédents. (Ecoutez! écoutez!) Ceux qui ont si longtemps, au moyen de tours de passe-passe parlementaires, réussi à se maintenir au pouvoir, inventent maintenant un nouvel artifice pour étouffer la discussion sur cette question. Déjà nous avons vu, dans une circonstance mémorable, — dans l'affaire de CORRIGAN,—le procureur-général du Haut- Canada se lever et proposer une résolution, et inviter ensuite ses partisans à voter contre. (Ecoutez! écoutez!) Et aujourd'hui, suivant une conduite identique, il propose la "question préalable," dont le but, est, dans la pratique parlementaire ordinaire, d'empêcher qu'il ne soit pris un vote sur la proposition principale. Lorsqu'un membre ne veut pas voter en faveur d'une question soumise à la chambre, et qu'il n'ose pas voter contre, il propose ou fait proposer par un ami la "question préalable," qui est— "que la question soit maintenant mise aux voix," et et il vote contre. (Ecoutez! écoutez!) Telle est la pratique invariable en Angleterre, où l'on connait mieux les usages parlementaires que dans ce pays, —et nous voyons ici le gouvernement recourir à cet artifice à l'égard de l'une de ses mesures, et de la plus importante mesure qui ait jamais été soumise à la chambre!
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L'HON. J. S. MACDONALD—Et c'est un gouvernement fort, aussi!
L'HON. A. A. DORION—Oui! c'est un gouvernement fort—un gouvernement qui se vante d'être supporté par une immense majorité et de pouvoir faire adopter n'importe quelles mesures il voudra! C'est un gouvernement comme celui-là, dis-je, qui traîne ses partisans de plus en plus avant dans le bourbier,—qui leur dit:— "Vous voterez pour le projet sans enregistrer vos vues dans les journaux de cette chambre et sans donner au peuple l'occasion d'exprimer son opinion de la manière constitutionnelle ordinaire." (Ecoutez! écoutez!) Mais que gagne-t-il par cette conduite? ll avoue qu'elle n'arrêter a pas la discussion, et par conséquent il ne gagnera ni une heure ni une minute sous le rapport du temps. Mais il gagnera ceci, si ses partisans sont assez aveugles pour le suivre: —ceux, qui se sont engagés envers leurs commettants à ne pas voter pour le projet sans le faire d'abord soumettre au peuple, seront obligés de rengainer toutes les promesses qu'ils ont faites lorsqu'ils étaient en présence de leurs commettants. Il est possible qu'il trouvera des membres qui, suivant en cela l'exemple que le gouvernement leur aura fourni, donneront le démenti à leurs promesses selennelles et tourneront le dos aux engagements qu'ils ont pris,—il pourra se trouver, dis-je, que quelques-uns de leurs partisans agiront ainsi; mais je serai très trompé si la majorité des membres de cette chambre qui ont assisté à des assemblées publiques dans le pays, qui ont rencontré leurs commettants face à face, et qui se sont de bonne foi engagés à voter pour un appel au peuple, se laissent entraîner, comme l'hon. proc.-gén. du Haut-Canada le vent, à faire ce que leur conscience et les promesses qu'ils ont faites à leurs constituants réprouvent (Ecoutez! écoutez!) Ce serait un déshonneur pour la chambre si les hon. membres se trouvaient placés dans cette position— si, au moyen d'un artifice connue celui là, les ministres peuvent non seulement violer leurs propres promesses, mais forcer encore leurs partisans à violer les leurs en même temps. J'espère, pour l'honneur de cette chambre et du pays, que l'on ne verra pas un seul de ceux qui ont promis de voter pour un appel au peuple, voter en faveur de la motion qui est maintenant soumise à la chambre. Qu'il soit bien clairement compris que tous ceux qui voteront pour que la question préalable soit posée, se déclareront contre tout amendement à la motion principale,—contre l'inscription de l'opinion des membres de cette chambre dans les archives. En votant pour la question préalable, l'on votera pour pallier ou excuser le manque de foi dont les hon. messieurs se sont rendus coupables envers cette chambre. Et, M. l'ORATEUR, ces hon. messieurs ont dû tomber bien bas dans l'estime de leurs propres amis, puisque deux ou trois de leurs plus chauds partisans sont obligés de se lever l'un après l'autre pour les accuser, comme on l'a vu cette après- midi, de manquer à la parole donnée et de ne pas remplir les promesses qu'ils ont faites à la chambre et au pays. (Ecoutez! écoutez!) Suivant moi, les hon. messieurs auraient montré un peu plus de dignité et de respect d'eux-mêmes s'ils ne s'étaient pas ainsi exposés aux reproches de leurs propres amis Mais je ne puis croire que la chambre consentira à se laisser entraîner par les manipulations adroites du procureur-général du Haut-Canada—par l'indignation factice qu'il est toujours prêt à appeler à son aide, et qu'il a fait éclater devant la chambre aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) Quant à ce qu'il a dit que l'opposition n'était qu'une opposition factieuse je me contenterai d'y répondre en dissant de nouveau que je n'ai jamais vu dans cette chambre un spectacle comme celui que nous ont donné les hon. membres du gouvernement. Jamais de ma vie je n'ai vu un gouvernement fort se lever, et, sur une question de cette importance, qui affecte les plus chers intérêts du pays, dire: "Vous accepterez le projet dans son entier; vous n'aurez pas même l'occasion de proposer des amendements." L'hon. procureur-général du Haut-Canada traite d'absurde la proposition de l'hon. député de North Ontario (M. M. C. CAMERON), demandant une union législative avec des garanties pour les lois, la langue et la religion des habitons au Bas- Canada, au lieu d'une union fédérale. Mais, M. l'ORATEUR, n'est-il pas vrai qu'un grand nombre de membres de cette chambre, et même des membres de l'administration, préfèreraient ce projet à celui de la confédération proposée? N'est-il pas encore vrai que, dans la Nouvelle-Ecosse, M. HOWE a tourné le dos à la confédération, et qu'il est un fervent apôtre d'une union législative, — que les hon. messieurs de l'autre côté traitent d'absurdité? Eh bien! monsieur, que ce soit une absurdité ou non, chaque membre de la chambre devrait avoir la faculté d'inscrire ses opinions et ses idées 739 dans les archives, et de dire: "Je veux une union législative, et non pas une fédération; ou je veux un conseil législatif électif, et non pas un conseil nommé par la couronne. (Ecoutez! écoutez!) M. l'ORATEUR, l'hon. procureur—général du Haut- Canada dit qu'un union législative est une absurdité, qu'un appel au peuple sur cette question, est aussi une absurdité; mais cela s'accorde parfaitement avec toute la ligne de conduite du gouvernement, qui est de traiter le peuple de ce pays avec mépris, et de faire fi! des desirs de ses représentants en pariement. (Ecoutez! écoutez!) Non seulement ces messieurs traitent ce côte-ci de la chambre avec mépris, mais ils traitent aussi leurs propres amis avec un plus grand mépris, parce qu'ils cherchent à les forcer d'approuver leur ligne de conduite inconstitutionnelle. (Applaudissements.)
L'HON. J. S. MACDONALD continue son discours interrompu à l'ajournement de la séance:—
Sa Grâce nous indiquait ensuite une mesure qui, si elle eut été adoptée, lui aurait certainement permis d'arriver à son but. Voici ce qu'il nous proposait:—
"Quelles que soient les autres mesures que l'on puisse prendre pour améliorer l'organisation de la milice, il semble au gouvernement de Sa Majesté qu'il est indispensable que l'administration de la milice et le Vote des fonds nécessaires à son entretien ne soient pas exposés aux variations de la politique ordinaire. Sans cela, on ne peut être sûr que dans la nomination des officiers et les autres questions purement militaires, on n'aura pas d'autre but que celui de rendre la force effective. Si ce n'était qu'on pût voir avec raison dans cette démarche une trop grande immixtion dans les privilèges des représentants du peuple, (j'inclinerais à suggérer de défrayer la dépense de la milice, ou du moins une partie de cette dépense à même le fonds consolidé du Canada, ou par des crédits votés pour trois ou cinq années."
J'ose croire que la chambre me saura gré de lui faire part de l'opinion du gouvernement canadien sur cette proposition extraordinaire: —
"La dépêche de Sa Grâce contient une autre recommendation bien propre à causer de la surprise. Les conseillers de Votre Excellence font allusion à cette partie de la dépêche où Sa Grâce propose de placer en dehors du gouvernement le contrôle des fonds nécessaires pour la milice. Sa Grâce voit évidemment que cette proposition à l'apparence " d'une immixtion dans les priviléges des représentants du peuple," et il est certain qu'une mesure susceptible de cette signification ne sera et ne doit jamais être acceptée par un peuple héritier de la liberté garantie par les institutions britanniques. Le parlement impérial garde avec un soin jaloux entre ses mains les moyens d'entretenir les forces de terre et de mer de l'empire. Ses appropriations se votent annuellement, et le ministre le plus puissant n'a jamais osé proposent la chambre des communes de renoncer à l'exercice de son contrôle pour un espace de cinq années. Si les variations "de la politique ordinaire" sont une raison pour placer en dehors du parlement la direction absolue des preparatifs militaires, la chose peut, à tous égards, s'appliquer a l'Angleterre aussi bien qu'au Canada. Il n'est pas probable que la législature canadienne adopte ce que la chambre des communes ne voudrait faire sous aucunes circonstances de danger. Quels que soient les avantages inhérents au système représentatif, le peuple d'une province britannique ne peut oublier qu'ils sont insignifiants auprès des maux qu'entraîne inévitablement le pouvoir arbitraire. Les libertés populaires ne sont à l'abri que lorsque l'action du peuple retient et guide dans leur politique ceux qui sont revêtus du pouvoir administratif; elles ne sont en sûreté contre le despotisme militaire, aux mains d'un gouvernement corrrompu, que lorque le peuple possède les moyens de contrôler les subsides nécessaires au soutien d'une organisation militaire."
Je citerai encore un extrait du même document, bien propre à démontrer ce que nous pensions à cette époque de l'union politique des provinces. Ce que je vais lire fut écrit en réponse à la proposition que nous faisait le ministre des colonies de créer un fonds auquel contribueraient les colonies de. l'Amérique Britannique, et qui serait mis à la disposition du secrétaire d'Etat pour la défense commune du pays. L'extrait que je vais lire fera comprendre à la chambre la position dans laquelle on voulait nous placer:—
"Sa Grâce le secrétaire d'état des colonies propose une union défensive des provinces Britanniques de l'Amérique du Nord pour la formation et l'entretien d'un système uniforme d'organisation et d'instruction militaires, avec un fonds commun, sous l'approbation du gouvernement de Sa Majesté; cette union serait réglée dans ses détails par le secrétaire d'état, et l'administration on serait entièrement hors de l'action des législatures locales. Les conseillers de Votre Excellence n'hésitent pas à exprimer l'opinion que dans les circonstances actuelles une alliance de ce genre ne peut se réaliser. Le premier pas à faire pour établir des relations plus intimes que celles qui existent aujourd'hui entre les previnces de l'Amérique Britannique du Nord semble être la construction d'un chemin de fer intercolonial. Cette entreprise elle-même n'est nullement certaine; quoique ce gouvernance la regardent surtout comme une mesure de défense, ait posé des préliminaires avec les délégués de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick, il serait
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prématuré de spéculer pour le présent sur les conséquences politiques possibles d'une entreprise qui ne se réalisera peut-être jamais. Il est certain, néanmoins, que les relations de toute nature entre ces colonies ne deviendront plus étroites qu'en autant qu'elles auront plus de facilités de communiquer entre elles; il est également certain que ces provinces, en supposant qu'elles viennent un jour à être unies ensemble, ne contribueront jamais à l'entretien d'un système dispendieux de défense à moins qu'elles n'en aient elles-mêmes le contrôle. Parlant pour le Canada, les conseillers de Votre Excellence sont convaincus que cette province continuera à reclamer le droit exclusif de diriger la dépense des deniers publics."
Telles furent, M. l'ORATEUR, les réponses que nous crûmes devoir adresser à Sa Grâce au sujet des propositions qui nous furent faites de contribuer aux défenses du pays et aux moyens à prendre pour réaliser cet objet. Si, aujourd'hui, les ministres envisagent la question à un autre point de vue, il me semble qu'ils font abandon des droits inhérents à un peuple libre en lui enlevant le contrôle des deniers publics,—cause première de la révolution des colonies américaines en 1776. Que l'on me comprenne bien, quand j'ai parlé des défenses du pays et de la disposition que manifestait le peuple d'y contribuer pour sa quote-part, j'ai voulu dire qu'il était prêt a payer toute somme nécessaire pourvu qu'elle n'excédât pas ses moyens. En effet, serait-il opportun, au moment où les ressources du pays sont grevées de tant de charges, d'entreprendre des travaux dont le coût obérerait à jamais le trésor public? Pour organiser une grande armée prête à garder nos fortifications, il faudra nécessairement enlever un nombre considérable de bras à l'industrie du pays qui se trouverait déjà fortement taxée, et cela sans en retirer aucun bénéfice direct; et s'il advenait en même temps que le sol ne rendit pas autant que les années précédentes, nous ne manquerions pas de nous trouver plongés dans une crise bien sérieuse pour avoir voulu repousser un ennemi que nous n'avions aucunement provoqué. Or, ne connaissant rien de la politique impériale qui puisse amener une guerre de cette nature, Je n'hésite pas à déclarer que le peuple de ce pays, avant que de s'engager à entreprendre de grands travaux pour les défenses et d'organiser une armée, doit examiner s'il est en état de supporter les fardeaux qu'on vent par là lui imposer. (Ecoutez!) Je ne dirai rien des discours à sensation que le procureur-général du Haut-Canada veut bien nous adresser sur d'autres sujets, afin d'écar ter la question, soulevée par mon hon. ami de Chateauguay de manière a être bien comprise de tout le monde. Lorsque les ministres se voient en face d'une uestion qui leur est directement adressée, vite, ils s'empressent de parler d'autre chose. Je ne désire m'occuper du débat qui a surgi incidemment après la reprise de la séance de ce soir, que pour répondre à l'observation faite par l'hon. proc- gén du Haut-Canada, quand il a dit que j'avais tourné en dérision la question si importante des défenses du pays. L'hon. monsieur s'est arrêté là; de sorte que j'ignore ce qu'il avait l'intention d'ajouter. Je suppose que ce devait être les mêmes paroles police et élégantes qu'il a adressées à mon hon. ami de de Chateauguay, paroles si déplacées et si blessantes que, j'en suis convaincu, pas un seul autre membre de cette chambre n'en voudrait faire usage. S'il arrive que des députés de la gauche se permettent de forrouler des plaintes contre le gouvernement, l'on ne tarde pas a voir cet hon. monsieur se lever dans une colère terrible et lancer les accusations les plus personnelles à leur adresse. Une pareille conduite est, à mon avis, indigne du chef du gouvernement. (Ecoutez!) Je nie avoir tourné en dérision la question des défenses du pays. Pendant tout le cours de mon existence, je n'ai cessé d'adhérer au principe qu'il était de toute nécessité de mettre la province en état de se défendre. Je suis ne, comme colonie jouissant du privilège de diriger l'administration de son propre gouvernement, nous sommes tenus de contribuer aux défenses du pays, et que c'est une obligation que nous avons contractée envers la mère-patrie. Et je sais que j'exprime les sentiments de tous les hon. membres siégeant de ce côté de la chambre, lorsque j'affirme que nous somme prêts, dans les limites de nos ressources, à faire notre quote-part. Et non seulement il nous faudra contribuer à ces défenses, main encore, en temps de danger, nous serons appelés à fournir notre contingent d'hommes à verser notre sang, à voir nos champs dévastés, nos villes saccagées, notre commerce ruiné. Ce sont là les conséquences de la guerre, auxquelles il faudra bien nous soumettre si un pareil malheur venait fondre sur nous. Il nous faut songer à tout cela ainsi qu'au fait certain que sans de bien grands secours de la mère-patrie, il nous sera impossible de résister longtemps à l'ennemi qui tenterait l'envahissement de notre sol. Mais, en discutant un pareil sujet, 741 prenons garde de nous laisser entraîner par les charmes du mot "loyauté" que l'on ne cesse de faire retentrr dans cette enceinte; il n'y a pas jusqu'à la Souveraine et au gouverneur-général que l'on ne fasse intervenir dans le débat pour engager les partisans du gouvernement à être dociles et sages. Quant à moi, jamais je ne me suis permis d'abuser de ce mot de "loyauté," bien convaincu que je suis que les hommes sont loyaux tant qu'ils n'ont pas prouvé le contraire par leurs actes ou leurs paroles. (Ecoutez!) L'imputation de déloyauté est une insulte gratuite lancée à la face des Anglais de ce pays, qui ont toujours été et seront toujours prêts à montrer leur loyauté et leur courage—et dont l'attachement au sol qui les a vus naître est une garantie qu'ils ne permettront jamais à l'envahisseur de venir troubler leurs foyers. Des gens arrivés d'hier à peine, et qui ne connaissent aucunement les liens qui nous attachent à notre pays natal, ne craignent pas même de nous accuser de favoriser l'annexion. Loin de vouloir fermer l'oreille a une pareille imputation, je m'empresse d'accuser nos ministres d'avoir fait tout leur possible pour hâter l'annexion, et par les lois qu'ils ont édictées et par leur changement de tactique en cherchant à nous imposer une constitution qui tend à rendre les institutions américaines bien plus populaires en ce pays qu'elles ne l'ont jamais été. Je le demanderai à ces messieurs: ignorent-ils que l'idée de l'annexion aux Etats-Unis gagne du terrain? (Cris ironiques à droite: Ecoutez! écoutez!) Oui, je les accuse d'avoir placé ce pays dans l'alternative—en face du peuple anglais, du peuple canadien et du peuple américain— d'adopter la constitution qu'ils n'avaient pas mission de nous donner, si non que ce refus équivalait à l'annexion, et que, conséquemment, ils étaient des annexionistes avoués tous ceux qui repoussaient la mesure. Nous qui protestons sincèrement contre l'adoption de ce projet, nous qui ne désirons rien tant que de perpétuer les liens qui nous unissent à la mère-patrie, nous qui sommes prêts à défendre cette province dans la limite de nos moyens, nous voilà menacés d'être marqués au front du stigmate d'annexionnistes par le ministre d'agriculture, qui affirme hautement que nous ne sommes pas les seuls, mais qu'il en existe aussi de pareils à nous dans les provinces maritimes! Ah! c'est bien lui qui a le droit de se lever dans cette enceinte et de nous parler de loyauté! C'est avec un sentiment de dégoût (Oh! oh!)—oui de dégoût—que je l'ai entendu nous parler de ceux qui combattraient sous le drapeau anglais— quand l'on sait fort bien qu'il ne sera pas du nombre. (Ecoutez!) Oui; c'est à peine si je puis contenir ma colère quand je suis témoin des lecçons de loyauté que veut nous donner ce monsieur. J'avoue qu'il me fait alors l'effect de Satan réprouvant le péché. Quand, dans un gouvernement, il se sent entouré de collègues excessivement loyaux, vite il lui faut accuser de déloyauté tous ceux qui ne partagent pas ses opinions.
L'HON. M. McGEE—Mais j'avais déjà répété toutes ces choses quand vous m'avez engagé à faire partie de votre gouvernement. (Rires.)
L'HON. J. S. MACDONALD—Tant que l'hon. monsieur fut un des membres de notre administration, nous exercions une grande surveillance sur lui, et je dois avouer que c'était une rude tâche. (Rires.) Nous pûmes réussir, néanmoins, à, le garder dans la bonne voie, et il fut un de ceux qui contribuèrent au développement des principes énoncés dans la réponse que nous adressâmes au duc de NEWCASTLE.
L'HON. M. McGEE—Plusieurs des idées qui y sont énoncées sont excellentes.
L'HON. J. S. MACDONALD—Je suis convaincu que s'il survient quelque diffculté entre lui et ses collègues actuels, et qu'il les abandonne comme il a abandonné notre gouvernement, il s'opèrera encore un changement dans ses opinions politiques.
L'HON. M. McGEE—Je ne voudrais jamais devenir votre collègue de nouveau.
L'HON. J. S. MACDONALD—Pourtant l'hon. monsieur était bien heureux le jour où nous l'avons reçu dans notre gouvernement. C'est nous qui les premiers en Canada lui avons tendu la main.
L'HON. M. McGEE—Je n'ai jamais recherché votre alliance.
L'HON. J. S. MACDONALD—Je me suis laissé entraîné dans cette digression par les accusations que nous a prodiguées l'autre soir le chef du gouvernement dans cette chambre. Il est bien vrai que dans le discours qu'il fit en ouvrant le débat actuel, il a affirmé qu'en Canada nous étions tous loyaux; mais d'un autre cêté, le procureur- général du Bas-Canada nous a dit le lendemain qu'il existait des annexionnistes en ce pays—JOHN DOUGALL et le parti rouge; il 742 ne m'appertient pas de reconeclier les assertions contradictoires de ces deux hon. messieurs. L'hon. procureur-général du Bas- Canada a parlé des tendances annexionnistes qui règnaient à Montréal. Qu'il ait raison ou non, nous savons fort bien que cette ville s'est distinguée autrefois par ses sympathies nôn équivoques dans ce sens. Quant à la prospérité du pays et à l'état dans lequel il se trouve actuellement, je désire soumettre certaines observations à la chambre afin de faire voir si l'administration est justifiable de nous demander de voter les sommes qu'elle propose d'affecter aux défenses. J'ai dit que le mouvement annexionniste avait pris naissance dans la tentative opérée par les ministres de vouloir assimiler notre constitution à celle des Etats-Unis. En effet, quand le commerce d'un pays est en suspens, quand les cultivateurs, les ouvriers et les négociants sont endettés, n'est-il pas naturel que le peuple cherche ailleurs les moyens d'améliorer sa position? Cela me porte a dire que le désir de voir s'opèrer un changement—que le projet actuel est destiné à prévenir, à ce qu'on nous affirme—n'a pas été autant le résultat de difficultés locales que l'état de gêne dont souffre le pays. Assimilez les institutions de cette province, moins certains légers détails, à celles des Etats-Unis, et faites-nous sentir que notre commerce est trop restreint et que nous sommes accablés de fardeaux; le résultat en sera que la ligne de conduite suivie par les ministres à l'égard de cette question, forcera malgré lui le peuple à tourner ses regards vers l'Union Américaine. Je tiens à démontrer que le pays était beaucoup plus prospère il a dix ans qu'il ne l'est aujourd'hui. Notre situation en 1852 et 1853 nous excusait jusqu'à un certain point de nous plonger dans des dettes pour le Grand Tronc; pareillement la prospérité des intérêts agricoles et de toutes les branches de l'industrie a cette époque justifait aussi la passation de la loi du fonds d'emprunt municipal, qui permettait aux municipalités d'emprunter pour effectuer des améliorations c toute espèce. Après avoir parlé de l'état florissant dans lequel se trouvait alors le pays, je vais maintenant aborder la cause qui, à mon sens, a le plus contribué à produire les désastres qui depuis n'ont cessé de bouleversé la province. Je citerai d'abord un extrait de la dépêche de lord ELGIN, publiée en 1852, pour faire voir quelle était notre position à l'époque où il transmettait au ministres des colonies le Livre Bleu pour l'année précédente:—
"J'avais l'honneur, avec ma dépêche No. 2, de vous transmettre, le 9 septembre, deux exemplaires du "Mouvement du Commerce et de la Navigation de la province du Canada en 1851"; aujourd'hui, je vous expédie le Livre Bleu, ainsi qu'un exemplaire des " Comptes de la province" et du rapport du Commissaire des Travaux Public! pour la même année. —Ces documents font voir jusqu'à l'évidence que la colonie se trouve dans une ère de progrès et de prospérité, et justifient les espérances que j'exprimais à cet égard dans ma dépêche No. 94, du ler août 1861, qui accompagnait le Livre Bleu de 1850."
Ainsi s'exprimait le gouverneur du jour dans le compte-rendu qu'il adressait à la mère-patrie. Mais que dit-il l'année suivante? En 1853, après avoir exposé un grand nombre de faits propres à faire voir le progrès du commerce et la prospérité du pays en général, il dit dans l'avant dernier aliéna de sa dépêche:—
"Je vous transmets le supplément d'un journal qui contient les adresses qui m'ont été présentées dans le cours de mon voyage à Outaouais. Votre Grâce voudra bien observer le témoignage uniforme qu'elles donnent de la prospérité du paye et du bonheur de ses habitants.—Des rapports que je reçois d'autres parties de la province, me démontrent que le même état de choses existe partout. Le Canada a eu ses jours de prospérité autrefois, mais je ne pense pas que l'on trouve dans toute l'histoire de cette colonie une époque aussi remarquable par l'absence de ces animosités acerbes qui éloignent l'attention des intérêts matériels et nuisent au développement de la prospérité publique."
Je pourrais encore faire ici des extraits d'essais écrits à cette époque par le député de Lanark Sud (M. MORRIS), le solliciteur général du Bas-Canada (l'hon. M. LANGEVIN), et feu JOHN SHERIDAN HOGAN, pour faire voir les progrès sans exemple qui s'opéraient alors en Canada. Or, quelle fut la cause première de l'enraiement de cette prospérité?—L'abrogation des lois d'usure—et c'est un fait sur lequel je désire attirer l'attention de mes hon. auditeurs, car il a plus contribué que tout autre à produire la crise dont nous souffrons actuellement. En premier lieu, le projet de loi présenté en l853 par L'hon. député d'Oxford Sud (M. BROWN) fit disparaître la pénalité imposée dans les cas de prêts usuraires. Alors l'argent commença à circuler sans entraves. Les cultivateurs empruntèrent inconsidérement et notre chûte date de cette époque. Plus 743 tard, toutes les restrictions relatives aux emprunts furent abolies. Au début, l'argent se prêtait à 6 pour cent, mais subséquemment affuèrent les capitaux étrangers, et le pays s'en trouvs inondé; mais les taux d'intérêt étaient illimités. Je le demande aux hon. meissieurs qui représentent les intérêts agricoles du Haut-Canada; je le demande aux hon. députés du Bas-Canada: peuvent-ils se lever dans cette enceinte et dire que la situation actuelle du pays n'est pas dans un état déplorable; que le montant des dettes particulières n'est pas monstrueux? Et quelle en est la raison? C'est que le peuple emprunte parce qu'il sait qu'il peut le faire librement, sauf à payer des taux exorbitants, et qu'une fois gêné dans ses opérations, il emprunte encore pour trois ou quatre ans de plus à 15 ou 20 pour cent, puis à 30 ou 40 pour cent, jusqu'à ce qu'enfin on le dépouille de ses biens et qu'on le ruine.
M. A. MACKENZIE—L'hon. monsieur veut-il me permettre de répondre a l'appel qu'il nous a fait il a un moment?
L'HON. J. S. MACDONALD—Certainement.
M. A. MACKENZIE—Eh bien! je dirsi que bien que dans le district que je représente, l'on ait emprunté considérablement, cependant les richesses qui y sont accumulées sont dix fois plus grandes qu'à l'époque dont parle l'hon. monsieur; et, aujourd'hui, l'on n'y fait pas d'emprunts sur une aussi grande échelle non plus. (Ecoutez!)
M. STIRTON—Je n'hésite pas à déclarer que ces observations s'appliquent également au comté que je re représente.
M. A. MACKENZIE—Je puis aussi ajouter qu'actuellement les taux d'intérêt sont beaucoup moins élevés qu'à l'époque dont a parlé.
L'HON. J. S. MACDONALD—Eh bien! il parait que je dois me résigner à voir mon assertion contredite par deux hon. députés— Or, quant à ce qu'a affirmé mon hon. ami qui représente le district des sources d'huile, nous pouvons facilement comprendre comment il se fait que les capitaux ont afflué vers cette region, lorsque l'on songe que cent mais, pendant que cette partie du pays s'enrichissait, d'autres allaient de jour en jour s'appauvrissant. (Ecoutez!) J'avais l'honneur, M. l'ORATEUR, d'occuper le fauteuil dans lequel vous siégez actuellement, à l'époque où furent abrogées les lois d'usure, et, conséquemment, je me trouvais dans l'im possibilité de faire valoir mes motifs contre la mesure présentée par l'hon. député d'Oxford Sud, (M. BROWN) et appuyée par lui avec toute l'énergie et le zèle qui le distinguent. Mais chaque fois que plus tard l'ou a tenté de rétablir les lois d'usure ou d'imposer de nouveau des restrictions relatives au taux de l'intérêt, je n'ai jamais manqué de voter avec ceux qui étaient opposés au libre éhange en matière d'argent, et aujourd'hui plus que jamais je suis convaincu que c'est à, l'abrogation des lois d'usure que nous devons attribuer la dépression commerciale et la gène dent ce pays souffre si sérieusement. Il est bien vrai que pendant les deux ou trois années qui ont suivi l'abrogation des lois d'usure le pays n'a as cessé d'être prospère. La propriété fonciére atteignit alors un chiffre fabuleux; des montants immenses furent obtenus du fonds d'emprunt municipal et dépensés en améliorations locales ne rapportant aucun revenu. Et puis des sommes considérables nurent en même temps empruntées aux institutions monétaires établies en ce pays, telles que la compagnie de prêt et de crédit du Canada, la compagnie des placements et des prêts—et des diverses compagnies d'assurance qui opèrent chaque jour le placement de leurs fonds de surplus en immeubles de valeur en cette province. Mais où va cet argent? Il ne reste pas dans le pays, à coup sûr. Il sert à acquitter les dividendes des banques et des compagnies qui prêtent à des taux usuraires. Il sort du pays— et qu'en retirons-nous en retour? Des facilités plus amples pour emprunter. Je le demanderai aux hon. deputés du Haut—Canada—ignorant jusqu'à quel point le fait est applicable au Bas-Canada—n'est-il pas vrai qu'un nombre immense de jeunes gens actuellement enrôlés dans l'armée des Etats-Unis, ont quitté le pays parce que les propriétés de leurs ancêtres sont tellement grevécs qu'ils n'espéraient plus jamais les libérer? Pour ce qui est de l'arrondissement que je représente, je suis en mesure d'affirmer qu'il y a à peine un jeune homme qui entretient aujourd'hui l'espoir, comme c'était le cas il y a dix ou douze ans, de ouvoir conserver l'héritage de ses pères. Je dis donc que la situation malheureuse dans laquelle se trouve actuellement plongé le pays, sans espoir d'amélioration, est bien propre à créer un grand malaise dans l'esprit public. Il est indubitable que la faveur apparente avec laquelle est accueilli le projet actuel, est due en grande partie à un désir de voir cette situation se modifier,
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de manière à remédier quelque peu à la crise qui sévit si fortement. Et je ne suis pas le seul à partager cette croyance. Pour le prouver, je vais lire un article publié il n'y a que quelques jours encore, par un homme bien connu du monde commercial généralement, un homme qui a plus contribué que qui que se soit aux statistiques de notre commerce, par ses travaux tant à Toronto qu'à Montréal,—je veux parler de l'éditeur du Trade Review. C'est un article sorti de sa plume que je veux lire, et la chambre saura me dire si j'ai exagéré ou non en parlant de cette question. Actuellement, je m'occupe plutôt de la condition de nos cultivateurs et de ceux qui ont été induits à négocier des emprunts à cause des facilités qu'ils avaient de se procurer de l'argent; présentement, je parlerai du commerce du pays, et démontrerai en remontant à la même source que nos statistiques commerciales accusent une grande dépression. Je le fais dans le but d'indiquer que nous ne devrions pas aveuglement nous lancer dans de grandes dépenses au sujet des fortifications quand nous savons déjà que nous ne pourrons jamais supporter les fardeaux que l'on pourra nous imposer. Lorsque l'hon. sol.-gén. (M. LANGEVIN) et le député de St. Jean (M. BOURASSA) luttaient d'adresse chaque année pour savoir lequel des deux présenterait le premier son projet de loi à l'effet de réduire le taux d'intérêt, l'hon. député de South Oxford se levait invariablement pour défendre le fruit de ses œuvres qui a plus contribué, selon moi, à la décadence du pays que toutes les autres causes ensemble. Je regrette de voir que la chambre ait autant appuyé l'hon. député dans les efforts qu'il n'a cessé de faire pour maintenir le système qu'il avait inauguré. Dans un pays comme le nôtre, où le sol constitue notre seule richesse, où les capitaux sont rares,—si nos récoltes viennent à manquer, comment nous est-il possible de faire face aux exigences de ceux de qui nous empruntons? Mais je vais faire part à la chambre de ce que dit le Trade Review du mois de février dernier sur nos lois actuelles concernant l'usure:—
"Il est évident que les auteurs de ces lois les destinaient à protéger le négociant et le cultivateur contre les exactions des prêteurs d'argent; à ce titre, elles peuvent avoir eu leur bon côté à l'époque où le commerce de banque était exclusivemènt entre les mains d'une ou deux corporations, qui avaient par conséquent tout le monopole. Mais la concurrence a depuis fait disparaître toute possibilité de cette nature. Ces lois, au lieu de sauvegarder les intérêts qu'elles étaient destinées à protéger, ne servent plus qu'à repousser les emprunteurs dans les retranchements de l'ennemi et à les livrer à la merci de l'oppresseur. Les effets négociables que nos banques refusent d'escompter à 7 pour cent, sont livrés par le négociant nécessiteux,—manquant d'argent pour faire face aux demandes présentes de certains créanciers ou pour acquitter des billets dont l'échéance est arrivée—à un courtier, par lequel, peut-être, ils seront escomptés, après s'être fait donné une obligation sur partie des biens du négociant, à un taux que l'on pourrait plutôt comparer à celui auquel les banquiers respectables vendent 1es traites sur New-York (soit, 50 pour cent d'escompte) qu'au taux raisonnable fixé pour les effets négociables. Voilà la protection que nous garantissent ces lois d'usure,—tristes auxiliaires, à coup sûr, de nos ressources et de notre industrie manufacturière encore dans l'enfance."
Tel est le langage de l'auteur de cette Revue dont les fonctions consistent à constater la condition, non-seulement du marché monétaire et du commerce du pays, mais encore de chaque branche de notre industrie; or, l'on voit qu'il ratifie, par le jugement qu'il prononce, les assertions qui ont été faites à l'effet que les lois d'usure ont plongé ce pays dans la position la plus déplorable. Voilà une des conséquences du libre échange en matière d'argent! L'hon. député de South Oxford a dit dans le courant de l'après-midi, en réponse à une observation faite par un membre de ce côté de la chambre, que la situation commerciale du Haut Canada était très-florissante.
L'HON. M. BROWN—Je n'ai pas dit qu'elle "était très-florissante." J'ai seulement affirmé que l'hon. député de Chateauguay avait exagéré les difficultés qui se faisaient sentir dans le Haut-Canada; que les troubles survenus aux Etats-Unis, les mauvaises récoltes et d'autres causes encore, avaient produit une gène commerciale dans le Haut-Canada; mais que j'étais d'avis qu'elle ne serait que temporaire et qu'une ou deux bonnes récoltes rétabliraient bientôt l'équilibre dans les affaires.
L'HON. J. S. MACDONALD—Je reviens aux extraits que j'ai cités et je dis qu'ils contiennent de dures vérités. Je suis d'avis qu'il vaut beaucoup mieux établir franchement notre position que de fonder des espérances sur un état de choses qui n'existe pas en réalité. Ne faisons donc pas, sur notre position, d'assertions extravagantes qui ne peuvent pas suporter l'épreuve d'une étude approfondie. Efforçons-nous de faire connaître à ce pays et à la mère-patrie quelles sont nos ressources réelles plutôt 745 que d'envisager notre prospérité sous un faux jour. Ainsi donc, voilà notre situation bien clairement définie par l'éditeur du Trade Review. Or, mes hon. auditeurs ne doivent pas ignorer qu'il ne faut pas oublier d'en tenir compte quand il s'agit de créer une constitution nouvelle pour notre pays:
"Il existe parmi les négociants une grande inquiétude au sujet des opérations commerciales de la saison qui se présente. Il existe tant de circumstances défavorables qui se combinent pour compromettre notre commerce, que cette inquiétude a bien sa raison d'être. Les importations excessives de l'an dernier, impliquant nécessairement l'existence de dettes considérables d l'intérieur et à l'étranger; les exportations réduites a un chiffre moindre, impliquant également l'inhabileté à diminuer ces dettes, voilà des faits suffisants par eux-mêmes pour créer un changement marqué dans la condition immédiate du commerce. Il n'y a pas de doute que la récolte des céréales dans le Haut-Canada n'a pas même réalisé les faibles espérances des cultivateurs, qui n'en ont apporté sur les marchés qu'une bien petite quanlité si l'on songe au bon état des chemins d'hiver pendant les deux derniers mois. Néanmoins, prenant en considération le chiffre presqu'insignifiant des ventes opérées dans le cours de l'automne, il était permis d'anticiper que durant l'hiver la masse des produits mis en vente serait très considérable. Mais, malheureusement bien que les chemins aient continué d'étre excellents, que le besoin d'argent fut vivement senti, et la demande asses considérable a des prix modérés, il n'est pas un seul endroit de la province où les recettes aient atteint le chiffre des années précédentes. La seule conclusion a déduire de ces faits est que la récolte n'a pas seulement été mauvaise, mais que l'argent réalisé est encore au-dessons du montant qu'on s'était imaginé. Le résultat devra en être pour la population de diminuer de beaucoup ses moyens d'acquiter ses dettes et de l'engager à ne pas faire de nouveaux achats. Non seulement sera-ce là l'effet qui se produira à l'intérieur du pays, mais quand il sera avéré qu'une section de la province aura besoin pour sa consommation de presque tout le surplus des produits de l'autre, c'est alors que la question se compliquera de la difficulté d'acquitter notre dette à l'étranger.
Je vais encore, M. l'ORATEUR, faire des citations du Trade Review. L'écrivain vient de nous dire que l'excédent des produits du Haut-Canada suffira à peine pour la consommation du Bas-Canada—mais lisons plus loin:
"Une autre cause d'inquiétude est la condition générale dans laquelle se trouve le commerce de détail en ce pays. Les faillites multipliées qui se succèdent de jour en jour et les maigres dividendes que les biens-fonds paraissent devoir produire, indiquent un état de choses qui n'est pas propre à nous rassurer. Non seulement se manifeste partout une inhabileté avouée à opérer les remises, mais encore, comme nous l'assurions la semaine dernière, l'on remarque une tendance vers la malhonnêteté qui ne saurait manquer de compromettre le crédit en général. Nous n'avons pas le désir d'énumérer les causes de ces abus de confiance qui se répétant si fréquemment, ni d'indiquer le système commercial auquel ils sont attribuables; qu'il suifise de dire, que les évènements récents doivent faire comprendre aux importateurs la nécessité qu'il y a pour eux de surveiller leurs crédits très attentivement; de ne pas avancer aussi fréquemment pour des montants considérables à un nombre restreint d'individus; et dè prendre toutes les précautions légitimes en vue de la sûreté plutôt que du profit. A notre avis, il n'est pas besoin de rechercher d'autre cause pour justifier les craintes qu'inspire l'avenir aux négociants. Cependant, il en existe une autre dans le système de restriction que les banques se verront nécessairement tenues de suivre. Toutes les causes que nous avons tenté de signaler exerceront une bien plus grande influence sur les banques que sur les individus. L'inactivité dans le commerce des produits implique en même temps une diminution analogue dans la circulation des billets; toute incertitude dans le commerce de détail hâtera l'adoption de la mesure qui semble imminente depuis quelque temps, savoir: la contraction, dans les grandes villes, des capitaux des principales institutions. Même dans l'état ordinaire des affaires, les banques ne pourraient s'exempter d'avoir recours à cette mesure advenant une année de mauvaises récoltes et la baisse des prix. Mais une autre raison d'être de cette mesure, sera le retrait de l'or du Sud aujourd'hui en dépôt. La passation de l'acte des aubaine aura un de ces deux effets: Premièrement, il pourra causer le retrait d'une partie considérable de l'or déposé aux banques; ou bien, deuxièment, il fera en sorte qu'on se tiendra prêt à opérer ce retrait, quand même n'aurait-il jamais lieu. L'une ou l'autre de ces conséquences implique la conversion en lingots d'effets qui n'ont pas actuellement de valeur sous cette forme. Aujourd'hui, les banques réunies possèdent cinq millions et demi de piastres en or, contre lesquels il y a des billets en circulation à un chiffre de plus de neuf millions. Cette situation continuera de se maintenir, et les traites considérables sur les dépôts seront acquittées au moyen de lettres de change sur l'Angleterre; à cette fin, les banques pourront se prévaloir du crédit qu'elles y ont,—ce qu'elles peuvent faire à un intérêt de cinq pour cent,— ou bien elles pourront vendre les effets en lesquels sont placés leurs dépôts d l'étranger."
Voilà. donc l'avenir qui a été prédit au Haut-Canada, il n'y a qu'un mois encore: de mauvaises récoltes, rien à exporter et la misère qui nous regarde en pleine face. Or, si une semblable perspective nous menace, ne devient-il pas de notre devoir impérieux de surveiller les actes de nos ministres, et de les prévenir de ne pas se lancer imprudemment dans des extravagances que le pays n'est pas en état de supporter? (Ecoutez!) L'effet d'une pareille législation, l'incertitude qui règne dans l'esprit public, et les avantages 746 pour ainsi dire incroyables qui, on l'assure, doivent résulter de l'adoption de la nouvelle constitution—toutes ces causes ont contribué à rendre le peuple malheureux et à l'engager à s'expatrier. (Ecoutez!) Je le demande à la chambre: les ministres n'ont-ils pas insisté à hâter la passation de ce plan de confédération uniquement sur le prétexte qu'un danger imminent nous menaçait? Or, je le déclare, est-ce que l'immigrant viendra planter sa tente dans un pays où il lui sera impossible de placer ses capitaux avec avantage,—où il ne pourra à son arrivée trouver ni les moyens de gagner sa vie honnêtement ni «les terres convenabiement situées qu'il pourra de suite exploiter,—où l'emprunt facile et les folles spéculations ont produit les plus grande maux,—et surtout où il se verra contraint de s'enrôler pour repousser un ennemi puissant établi sur la frontière même de sa nouvelle patrie?—Je pense que si, en face de toutes ces circonstances, les ministres veulent bien s'en ager à dépenser des sommes excessives, ils doivent au moins nous faire connaitre les avantages qui en résulteront pour le peuple du Canada, (Ecoutez!) Mais, M. l'ORATEUR, ils sont muets à cet égard.—Néanmoins, l'expérience du passé nous apprend qu'il nous sera impossible de contrôler la conduite de ces messieurs une fois rendus à Downing street, alors qu'ils seront pressurés de tous les côtés par les influences ne l'on y mettra en jeu. Je l'affirme, M. l'ORATEUR nous avons droit de nous alarmer à la vue du danger qui nous menace. Ne nous rappelons-nous pas qu'en 1854, lors du voyage de l'hon. M. HINCKS en Angleterre, et bien que nous eussions déjà voté £1,800,000 sterling, en 1852, pour le Grand Tronc, il revint en Canada pour convoquer les chambres, juste un jour avant l'expiration du délai fixé pour leur réunion, et nous propose, comme mesure essentielle de la session, de Voter £900,000 sterling de plus;—et que cette proposition fut agréée par le parlement, grâce aux expédients de toute nature auquel on eut recours, dans la session suivante, pendant laquelle l'on constate, pour la première fois, que l'arrangement à l'effet de soutirer cette somme du trésor public avait été conclu par M. HINCKS et lord ELGIN pendant leur séjour à Londres? L'on nous demande aujourd'hui de voter un crédit à ces messieurs, de placer en leurs mains le contrôle d'une immense somme d'argent qu'ils dépenseront à leur guise, et de leur permettre de se rendre à Londres pour y négocier une convention qui nous liera à toujours. (Ecoutez!) Nous sommes, M. l'ORATEUR, comme je l'ai déjà dit, les témoins de la manière en laquelle certains députés remplissent les engagements qu'ils ont contractés envers leurs électeurs, et qu'ils oublient du moment qu'ils ont franchi l'entrée de cette enceinte. Je pourrais faire une liste bien remplie des membres qui, pendant ma carrière politique d'un quart de siècle, ont trahi la confiance que reposaient en eux leurs commettants. (Ecoutez!) Est-ce donc en vain que je fais un appel aux membres de cette chambre our les engager à exercer leur contrôle sur cs pouvoirs que nous demande aujourd'hui le gouvernement, après que nous avons, d'année en année, protesté contre un pareil procédé, après que l'on nous refuse les explications auxquelles nous avons droit, et quand il est avéré que le pays est dans une impasse de laquelle, je le crains bien, il ne sortira jamais? (Ecoutez!) Je demande pardon à la chambre d'avoir si longtemps taxé son attention, mais j'ai l'espoir qu'elle ne croira pas que c'est une opposition factieuse que je fais actuellement à cette mesure. (Ecoutez!) La position que j'occupe en ce moment est celle d'un député qui n'a pas à regretter un seul de ses votes, d'un député qui a toujours affirmé que, sous notre constitution actuelle, le pays pourrait prospérer et fleurir, si nous n'avions pas à lutter autre ces principes démagogiques qui ont produit la plus grande partie des calamités qui nous affligent aujourd'hui. (Ecoutez!) Je crois avoir démontré qu'il y a lieu de nous alarmer sur l'incertitude que nous offre l'avenir. Qui sait si nous ne nous verrons pas placée dans une position bien difficile, avenant la question de savoir si c'est la confédération ou l'annexion que nous demandons? Je regrette de voir combien l'idée de l'annexion a fait du chemin depuis que les ministres actuels sont au pouvoir. (Ecoutez!) Qu'il me suffise de parler de la déclaration que faisait l'autre jour dans la chambre haute le premier ministre, lors qu'il a dit que nous étions sur un plan incliné qui nous poussait imperceptiblement vers l'union américaine, mais que le rejet de la confédération était le seul reméde efficace en pareil cas. Je regrette, aussi bien que tout autre hon. député, la position humiliante que l'on veut nous faire, en nous condamnant, nous qui avons une population si considérable, à aller, comme des mendiants frapper à la porte des provinces maritimes, 747 et les implorer en grâce de se hâter de venir, contre leur gré, nous aider à sortir du précipice dans lequel nous sommes tombés. (Ecoutez!) Est-il étonnant que ces provinces, après avoir entendu formuler si fréquemment l'opinion que nos ministres ont les uns des autres, refusent aujourd'hui de joindre leur sort au nôtre? Mais, en supposant qu'on voudrait les y contraindre, qu'adviendrait- il? Eh bien! elles feront comme la jeune demoiselle qui se voyant forcée de prendre un mari qu'elle n'aimait pas, crut le temps arrivé de s'enfuir avec un autre. (Ecoutez! et rires.) Qu'on le sache bien, les supercheries auxquelles nos ministres ont si souvent recours ne feront que hâter le jour où les provinces maritimes, rompant les liens qui les unissent à la mère-patrie, iront former une alliance ailleurs. Je reprends mon siège, M. l'ORATEUR, en exprimant mon regret de voir la manière en laquelle le gouvernement s'est efforcé d'étouffer la libre discussion d'un sujet d'une aussi vaste importance. (Applaudissements.)
M. COWAN—M. l'ORATEUR:—Je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'hon. député de Cornwall quant aux causes auquelles ce pays devait sa prospérité, de 1854 à 1868, ni sur la manière de juger des circonstances où nous nous trouvons. Cet hon. monsieur lois d'usure cette prospérité à la révocation des lois d'usure. Je ne doute nullement qu'elle y a contribué, mais il est d'autres causes qui ont le pas sur elles. D'abord, les fonds que nous avons importés par millions pour construire nos chemins de fer; ensuite, nos récoltes abondantes—quand celles d'autres pays se trouvaient avoir manqué, —pour lesquelles nous avons obtenu des prix presque fabuleux, car, au lieu de 80 ou 90 centins, le blé valait alors deux piastres et plus le boisseau, sans compter qu'on venait le chercher à la grange pour le porter au moulin. Jamais, M. l'ORATEUR, un pa s n'avait vu autant de prospérité; le résultat fut que chacun sortit c sa sphère habituelle, et que les individus, les municipalités et le pays contractèrent des dettes avec le même empressement que si le jour de la solde n'eut, jamais dû arriver. Les cultivateurs aisés, dont l'avoir en espèces s'élevait peut-être à mille ou deux mille piastres, crurent devoir augmenter leurs biens-fonds,—et ce ne serait rien s'ils n'avaient fait que dépenser leur argent, mais, dans bien des cas, le patrimoine dut étre sacrifié avant que la nouvelle ferme acquise fut payée, et la maison bâtie dessus est restée sans meubles faute de moyens. Si cette prospérité était inouie, M. l'ORATEUR, on peut en dire autant de nos revers! La crise commerciale de 1858 vint fondre sur nous et nous trouva avec une récolte presque manquée. La gelée du 11 juin avait détruit la moitié, sinon les trois quarts, de notre blé d'automne. Le blé du printemps, a l'exception de l'espèce dite fife, qui était rare alors, fut assez endommagé en certains endroits pour qu'il ne valût pas la peine qu'on le coupât. Beaucoup de cultivateurs se trouvèrent non seulement sans pommes de terre à manger, mais il leur fallut même acheter leur grain de semence pour l'année suivante. Il n'y eut que sur les bestiaux que ces gens là purent faire quelque profit, car ils en obtinrent de bons prix sur les marchés américains, qu'ils fussent maigres en gras. Mais ces revers n'ont pas laissé que de produire un effet salutaire. Les cultivateurs se remirent à pratiquer la frugalité et l'économie, et s'adonnèrent à l'élève des bestiaux tout tout en continuant à cultiver leurs champs. Le pays a pu ainsi se remettre du choc qu'il a éprouvé en 1858, et malgré le peu qu'ont produit les récoltes et les prix comparativement peu élevés qu'on en retire, je trouve tout de même que l'hon. député de Cornwall s'est plu à exagérer le malaise dont le pays souffre; mais si je diffère d'avec lui, sur ce point, je ne donne pas non plus dans l'excès contraire, comme le député de Wellington Sud, qui entrevoit pour la classe agricole de toute a province un brillant avenir. Il sied bien à mon hon. ami, qui habite une des parties les plus fertiles du Canada, et où les cultivateurs s'occupent de l'élève des bestiaux qui l'emportent sur ceux de toutes les autres localités, de parler de prospérité agricole, mais dans des endroits moine favorisés, on ne saurait nier que beaucoup souffrent des ravages de la mouche et de la sécheresse inouïe de l'été dernier. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. LAFRAMBOISE—M. l'ORATEUR:— Lorsque l'autre soir j'avais l'honneur de déclarer dans cette chambre que le gouvernement prendrait tous les moyens pour faire asser son projet de confédération sans amendement, et recourrait à des motions du genre de celle qui nous occupe dans le moment, je ne m attendais certainement pas à ce que ma prédiction s'accomplirait si tôt, et j'avoue que je ne la croyais pas et juste. Que voyons-nous aujourd'hui, M. l'ORATEUR? 748 Nous voyons un exemple de l'exclusivisme le plus déplorable que le gouvernement puisse donner. Ainsi, après avoir prononcé à satiété des discours de plusieurs heures,—discours que nous avons écouté avec la plus grande attention possible,—l'administration, effrayée de l'agitation qui se produit par tout le Bas- Canada, et craignant une réaction, prend tous les moyens pour empêcher la discussion et our faire voter la chambre sans lui donner l'occasion de proposer des amendements au projet informe qu elle veut imposer au pays. (Ecoutez! écoutez!) Pour ceux qui ont été témoins de la conduite indigne de quelques- uns des hon. ministres qui siégent aujourd'hui de l'autre côté de la chambre, lors du célèbre double-shuffle en 1858; pour ceux qui ont vu ces hommes prêter à dix heures du soir un serment qu'ils brisaient le lendemain même, pour ceux-là, dis-je, le manque de foi dont l' hon. proc.-gén. Ouest vient de donner un si triste exemple à la chambre, ne doit aucunement surprendre car ces messieurs nous ont habitué depuis longtemps à ces actes dignes d'un ministère qui a perdu le sens de l'honneur et du respect qu'il doit a la chambre. (Ecoutez! écoutez!) Il est évident, M. l'ORATEUR, que le gouvernement a pour des amendements que l'opposition pourrait proposer à son projet, et du vote qui serait donné sur ces amendements; la discussion l'effraye, et le proc- gén. du Bas-Canada ne craint rien tant qu'un appel au peuple, malgré qu'il ait l'air de mépriser les protestations qui nous arrivent sous forme de pétitions de tous les comtés du district de Montréal. (Ecoutez! écoutez!) Or, M. l'ORATEUR, ces nombreuses requêtes nous prouvent que plusieurs des hon. membres de cette chambre ne représentent pas ici l'opinion de leurs électeurs sur la nouvelle constitution qu'on veut nous imposer. Il y a ici des représentants qui sont prêts à voter en faveur du projet de confédération en dépit de la protestation énergique des comtés qui les ont élus. Je me contenterai d'en nommer un seul: c'est l'hon. député de St. Hyacinthe. Eh bien! M. l'ORATEUR, cet hon. député à déclaré qu'il voterait contre l'appel au peuple et en faveur de la confédération malgré que, sur 2,000 habitants qu'il représente, ou plutôt qu'il ne re résente pas dans cette enceinte, 1,700 lui aient enjoint formellement par une requête signée de leurs noms de faire le contraire. (Ecoutez!)
UNE VOIX—Combien y a-t-il d'électeurs sur ce nombre? L'HON. M. LAFRAMBOISE—Tous sont électeurs! et vous pouvez, si vous le désirez, vous persuader de la vérité de ce que je dis, en scrutant ces signatures, qui sont celles d'électeurs qualifiés et qui ont voté à l'élection de l'hon. député de St. Hyacinthe. Je dis donc, M. l'ORATEUR, que le mouvement imposant et significatif qui se fait en ce moment dans le Bas-Canada effraye le ministère, et que si les représentants Bas-Canadiens obéissent au vœu populaire et ne le méprisent pas, comme quelques-uns d'entre eux paraissent disposés à le faire, ils voteront contre la motion proposée par l'hon. procureur- général du Haut-Canada; car si ces hon. députés appuient cette motion, ils déclareront simplement qu'ils ne veulent pas d'amendements au projet, qu'ils sont contre l'appel au peuple, et contre tout changement quelconque au projet. L'autre soir, l'hon. député de Montmorency a déclaré dans cette chambre que cela ne faisait rien; qu'un représentant n'était pas obligé de respecter les vœux de ses commettents, et que nous étions parfaitement libres de voter comme bon nous semblerait sur n'importe quelle mesure et surtout sur le projet de confédération. Eh bien! M. l'ORATEUR, je me permettrai de différer d'opinion avec cet hon. député, et je dis que tout homme qui respecte sa position dans cette chambre ne saurait voter contre les vœux exprimés de ses commettants. C'est une doctrine qui n'a jamais été mise en doute avant que l'hon. député de Montmorency ait cru pouvoir en soupçonner la justesse. Eh bien! il est un fait que personne n'osera nier: c'est que plusieurs députés ont promis à leurs commettants de voter en faveur de l'appel au peuple: et en les forçant aujourd'hui à accepter la motion de l'hon. procureur-général du Haut- Canada, on leur enlève toute chance de le faire. Placée dans cette impasse, les députés qui ont fait cette promesse et qui en même temps sont en faveur du gouvernement, n'ont pas à hésiter dans leur choix: ils doivent repousser cette motion, car si elle est adoptée, la confédération deviendra de suite un fait accompli, et il faudra renoncer à l'appel au peuple. (Ecoutez! écoutez!) L' hon. procureur-général du Bas-Canada a reproché à l'opposition de proposer l'ajournement à dix heures et à dix heures et demie du soir; mais qu'il se rappelle donc qu'il a lui-même proposé un ajournement à la même heure, pour donner à son hon. collègue, le député de Dorchester, l'occasion de parler 749 le lendemain soir.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—J'ai proposé cet ajournement à une heure plus avancée de la soirée; l'horloge de votre côté marquait plus de 10 1/2 heures.
L'HON. M. LAFRAMBOISE—Eh bien! je puis dire que l'horloge ministérielle marquait l'heure que j'ai indiquée, et je ne crois pas me tromper en disant que ces deux horloges s'accordent ordinairement mieux que nous ne le faisons nous-mêmes. (Ecoutez! et rires.) En terminant, M. l'ORATEUR, je ne crains pas de dire qu'il n'y a pas de précédent dans notre histoire parlementaire d'une conduite aussi indigne. Je dis que le gouvernement a l'intention d'envoyer sa mesure en Angleterre pour la faire sanctionner avant que le peuple de ce pays n'ait eu le temps de la juger et que ses représentants n'aient eu occasion de l'amender en aucune manière. Cette mesure ou cette nouvelle constitution, après qu'elle aura ainsi reçu la sanction du gouvernement impérial, devra être acceptée par le Bas-Canada, qu'elle lui convienne ou non. (Ecoutez! écoutez!) Eh bein! M. l'ORATEUR. j'ose espérer qu'il y aura plus d'indépendance parmi a députation Bas-Canadienne que nos ministres veulent bien le croire, et que nos députés Bas-Canadiens ne consentirent pas à, se laisser ainsi conduire comme des écoliers par leurs chefs. On nous a promis au commencement de la discussion, que tous les députés auraient l'occasion d'exprimer leurs vues sur le projet et d'y faire des amendements s'ils le jugeaient à propos, et aujourd'hui, le ministère, foulant aux pieds toutes ses promesses, nous pose ainsi son ultimatum: vous deves adopter le projet qu'on vous soumet sans essayer d'en changer un seul mot. Pour ma part, M. l'ORATEUR, je croirais manquer à mon devoir de représentant si je n'enregistrais mon protêt contre une pareille conduite et un oubli aussi scandaleux de tout principe de gouvernement responsable. (Applaudissements.)
M. M. C. CAMERON—Je regrette beaucoup, M. l'ORATEUR, d'être obligé de m'adresser à la chambre une seconde fois aujourd'hui sur le même sujet, mais je veux repousser le plus énergiquement possible l'insinuation que vient de faire l'hon. procureur-général du Haut-Canada contre les députés opposés au projet de confédération, et par laquelle il donne à entendre que nous sommes poussés à en agir ainsi le désir de voir le Canada s'annexer aux Etats-Unis, que par conséquent notre opposition est factieuse, et que nous n'avons aucune bonne raison à faire valoir pour retarder la considération de la question. En ce qui me regarde, M. l'ORATEUR, je déclarerai qu'il n'y a peut être pas dans cette enceinte, cu plutôt dans toute l'Amérique du Nord, un homme qui désire moins que moi de voir se changer les relations actuelles entre la métropole et ces provinces. (Ecoutez! écoutez!) Je me laisse guider dans l'opposition que je fais à ce projet par l'appréhension qu'en le laissant s'accomplir de la façon dont on se le propose, il ne soit plus propre à nous faire arriver à l'annexion, dont on fait aujourd'hui un si grand épouvantail, que tout ce que pourrait combiner les hon. ministres en un demi-siècle de temps avec la constitution actuelle. On semble nous considérer comme des obstacles, M. l'ORATEUR; mais qu'on veuille donc se rappeler les circonstances de ce débat. Ainsi qu'on l'a déjà dit, il fut d'abord proposé que la question serait considérée comme dans un comité de toute la chambre, et qu'afin de maintenir l'ordre et de pouvoir dépêcher d'autres affaires, l'ORATEUR gardât le fauteuil. Quoique l'hon. procureur-général du Haut-Canada n'envisage pas cette proposition comme nous l'avons envisagée de ce côté de la chambre, je reste néanmoins persuadé que l'intention de l'hon. monsieur était de donner à la discusion la même liberté que si l'Orateur n'eût pas été au fauteuil. (Ecoutez! écoutez!) Que firent alors les hon. ministres? Ils témoignèrent le désir d'exposer leur projet avec tout le soin qu'ils entendraient, de prendre pour cela tout le temps nécessaire et de pouvoir parler sans être interrompus: l'opposition y consentit de bon cœur, et pas une seule interruption ne partit de la gauche de la chambre durant leur cinq longs discours. (Ecoutez! écoutez!) Cependant, aussitôt qu'ils ont agi comme ils ont voulu, et que nous avons témoigné à notre tour le même désir, c'est-a-dire, de pouvoir exposer nos vues et de répondre par ordre aux discours ministériels, l'on s'y oppose de la manière la plus arbitraire. C'est l'hon. procureur-général du Bas-Canada qui réclama le droit de répliquer à tout ce qu'on dirait de ce côté-ci de la chambre. (Ecoutez! écoutez!) Puis c'est l'hon. procureur-général du Haut-Canada qui proposa que la discussion eût la préséance sur tout le reste et fut reprise tous les soirs à sept heurs et demie jusqu'à la fin: à cela, l'opposition y consentit encore. Il y avait peu de temps que cette 750 nouvelle proposition avait été faite et soutenue par le gouvernement que voilà qu'on brise ce solennel engagement, et qu'en suspend toute l'expédition des affaires jusqu'à ce que la question reçoive une solution. Je m'opposai à cette dernière proposition parce que je la crus contraire aux intérêts du pays et que je ne pensais as qu'elle serait favorable à l'expédition des affaires de la chambre. On fut alors plusieurs jours à discuter pour savoir si la proposition serait votée ou non: or, je le demande, qui doit-on tenir responsable de cette discussion et de ces délais? Sont- ce les députés dela gauche qui voulaient s'en tenir à des arrangements pris par le ministère lui-même, ou le gouvernement qui cherche à rompre ses engagements le lendemain qu'il les a proposés et fait voter? (Ecoutez! écoutez!) A propos, je dois M. l'ORATEUR, féliciter l'hon. procureur-général du joli et élégant compliment qu'il a fait à l'hon. député de Peel, en disant de nous deux ue nous étions les Shanghais de la droite de la chambre. (Ecoutez! écoutez! on rit.) Tout en reconnaissant que nous étions les seuls volatiles qui eussions pondu de bons œufs, ceux des autres se trouvant clairs, il aurait dû réfléchir un peu que des œufs de ces Shanghais sortiront des oiseaux qui, suivant toute probabilité, couperont la crête des hon. députés de la droite de cette chambre. (On rit.) La hâte que ces hon. messieurs mettent à faire passer leur mesure, produit précisément la chaleur propre à faire éclore les œufs en question, et craque le pays viendra à connaître l'espèce d'oiseaux produits par cette couvée, les hon. messieurs s'aperceveront qu'ils ont compté sans leur hôte en les couvent. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. GALT — Ils auront compté leurs poulets avant de les avoir ceuvés. (On rit.)
M. M. C. CAMERON—Précisément. Le gouvernement parle de mystères qu'il a bien soin de ne pas divulguer, et ajoute qu'en les apprenant il n'y aurait pas un député qui ne voulût se rallier à lui. Eh bien! M. l'ORATEUR, si le ministère possède des informations de ce genre, nous avons le droit d'en avoir communication. (Ecoutez! écoutez!) S'il se prépare pour cette chambre quelque grande difficulté à vaincre, nous devrions savoir ce qui en est afin de nous tenir prêts à la surmonter. (Ecoutez! écoutez!) Je ne vois pas les hon. ministres se préparer à prendre d'ici a la prochaine réunion des chambres aucune mesure pour suppléer à l'absence de fortifications qu'ils disent exister en ce pays; et, cependant, ils se servent de la chose pour amener la chambre à sanctionner leur mesure. Ils ont une marionnette qu'ils dissimulent avec assez d'adresse derrière le rideau pour lui faire projeter certaines ombres qu'ils nous disent être celles d'un géant:— eh bien! qu'en examine, qu'on cherche et on verra qu'en effet ce n'est rien autre chose qu'une marionnette. Que le ministère nous communique ces informations qu'il se vante de posséder, et je serai bien étonné si elles ne se réduisent pas à un épouvantail. Tenez: c'est une poule qui fait grand bruit et bat le rappel à l'approche de l'oiseau de proie; mais lorsque toute la couvée s'est nichée sous ses ailes, quelle n'est pas sa surprise de voir que la cause de toute cette frayeur vient d'un innocent pigeon! (On rit.) Les honorables ministres sont constamment occupés à nous rappeler l'imminence du danger d'une guerre avec les Etats-Unis, et néanmoins chacun se lève en disant que, pour sa part, il n'appréhende rien de la sorte. Ils devraient réfléchir que si ces craintes ont quelque fondement, s'il y a danger pour le Canada d'être attaqué par les Etats-Unis et d'une guerre de ceux-ci avec l'Angleterre, ce danger est à nos portes. Mais, non; je crois que lorsque le peuple des Etats-Unis sera sorti de ses luttes actuelles, après voir appris à ses dépens ce qu'est la guerre et le fardeau qu'elle impose, il aura trop d'intelligence pour se lancer sur le champ dans une nouvelle lutte avec une puissance comme l'Angleterre, à moins qu'il ne s'y décide sous le coup du tort qu'il croit lui avoir été causé par celle-ci durant ses hostilités avec les Etats du Sud. Lorsque ce peuple aura eu le temps de réfléchir sur la catastrophe qu'il vient d'épreuver, qu'il pourra compter ce qu'elle lui coûte en sang, en or et en intelligence, lorsque ses blessures commenceront à se cicatriser, il y aura peu de danger de le voir s engager dans une autre guerre tout aussi désastreuse que la première. J 'entendais, il n'y a pas longtemps, une personne faire de la chose une description que je répètèrai ici. Cette personne disait que les probabilités d'une guerre plus ou moins éloignée avec les Etats-Unis, ressemblent assez aux péripéties d'une lutte à coups de poings. Les deux combattants se sont meurtris et assommés l'un l'autre de la façon la plus horrible; ils sont la couverts des blessures qu'ils se sont infligés mutuellement, le sang encore bouillonnant et tout 751 frémissant des coups qu'ils ont reçus: mais, qu'un spectateur s'avise de se mêler de leur querelle, même pour leur donner un bon avis, et vous les verrez prêts à se précipiter sur lui se souciant à peine des chances défavorables qui peuvent être contre eux. Si, au contraire, le sang de ces lutteurs a eu le temps de se calmer, si leurs blessures ont commencé à se cicatriser, si la réflexion a pris la place de la colère, vous les verrez très peu enclins à renouveler la lutte quelle qu'elle soit. Il n'en sera pas autrement, M. l'ORATEUR, de nos voisins des Etats-Unis. Lorsque l'excitation de la guerre actuelle aura passé, que le soldat sera rentré dans ses foyers et que les familles compteront dans les larmes les absents qui ne reviendront plus; lorsque les chefs de la nation feront l'addition des millions de piastres qu'aura coûté leur victoire et verront pleuvoir autour d'eux les réclamations d'indemnités pour pertes éprouvées dans la guerre et ainsi du reste, soyez convaincus qu'ils éprouveront la plus grande répugnance à s'engager dans une autre lutte où ils auraient l'Angleterre toute entière sur les bras. Je pense donc que si nous sommes pour voter la construction d'ouvrages de défense, nous devons le faire immédiatement et sans délai. Et cependant nous voyons les hon. ministres décidés à remettre à une autre session la considération d'une pareille mesure; nous les voyons disposés à proroger le parlement sans dire un mot d'une question aussi vitale, et à passer en Angleterre pour y faire adopter un projet dont l'accomplissement immédiat n'est plus de saison. (Ecoutez! écoutez!) Le motif de la conduite des hon. députés de la gauche contre le projet de confédération n'est pas du tout celui de pendre la place des hon. ministres; au contraire, ils n'ont pour but que de sauvegarder les intérêts du peuple qui les envoyés ici, et au nom duquel ils doivent veiller à ce que le gouvernement soit administré avec économie et sagesse, afin qu'il puisse le respecter et l'appuyer. (Ecoutez! écoutez!) Mais si le gouvernement est extravagant dans ses idées, comment peut-on espérer que le peuple le respecte? Et qu'y a-t-il de plus propre à lancer le pays sur la voie qui méne a l'annexion américaine, ainsi que l'a si bien démontré le chef du gouvernement dans la chambre haute, que l'extravgance dans la conduite de l'administration? Si nous avons à voter la somme nécessaire à la construction du système de détenues recom mandé par la commission, et à l'armement et équipement d'un nombre correspondant de soldats, les dépenses atteindront un chiffre monstrueux. Et dire que parceque nous demandons des renseignements et nous nous opposons à la pression quel'on veut nous faire subir, nous sommes traités de factieux et d'obstacles vivants! Mais prétend-on qualifier de factieuse la conduite des députés du peuple parce qu'ils demandent à être consultés avant que la constitution ne soit foulée aux pieds et remplacée par une autre? Le Canada est de beaucoup a province la plus peuplée, la plus riche et la plus importante de toutes celles que devra comprendre le changement projeté, et néanmoins sa population va être la seule à qui il ne sera pas permis d'affirmer s'il est acceptable ou non, non plus qu'à ses représentants en parlement, puisqu'on leur refuse la faculté de proposer un seul amendement. (Ecoutez! écoutez!) Eh bien! si une opposition de cette sorte me fait qualifier de l'épithète d'obstacle vivant, je m'en glorifie et suis fier d'être en effet un obstacle vivant à de tels desseins (Applaudissements.) Je voterai contre la proposition de mon hon. ami, le procureur- gênéral du Haut-Canada, et j'exprimerai de nouveau mon regret sincère de ce qu'il ait été induit à la présenter parce qu'elle empêche la chambre de donner cours à son opinion en la manière ordinaire. Venir nous dire que nous sommes libres de discuter la question autant qu'il nous plaira, n'est rien autre chose qu'une insigne raillerie, attendu que la proposition de hon. procureur-général du Haut-Canada nous empêche de faire aucun amendement ou d'enregister dans les annales de cette chambre la manière dont nous envisageons le sujet. Combien de fois les hon. députés de la droite ne nous ont-ils pas répété de proposer nous-mêmes un meilleur plan puisque nous ne voulions pas de celui qu'ils nous offraient? Or, à peine énonçons-nous l'intention d'agir de la sorte qu'aussitôt on nous bâillonne et on nous avertit que nous n'aurons pas même l'occasion de faire connaître notre projet à la chambre. Si telle est la façon dont on prétend traiter un peuple libre, ceux qui le veulent ainsi pourraient bien faire fausse route, et lorsque le parlement s'assemblera de nouveau, ils pourraient bien entendre la voix de ce peuple leur reprocher leur conduite et vouer à l'oubli politique des noms jusqu'ici honorables et distingués, parce qu'ils ont outragé ses droits et ses libertés, et cet oubli, M. 752 l'ORATEUR, aura été bien mérité. (Longs applaudissements.)
M. SCATCHERD—Les résolutions qui font l'objet de ce débat et qui comprennent un changement complet dans la constitution du pays forment, à mon avis, la question la plus importante qui ait été soumise à cette chambre depuis l'union. Un changement aussi fondamental que celui qu'on nous propose aujourd'hui ne s'effectue ordinairement qu'après une guerre ou une insurrection. (Ecoutez!) Mais nous n'avons eu ni guerre ni insurrection. (Ecoutez!) Nous avons joui d'une longue période de paix et de tranquillité durant laquelle nos populations ne se sont jamais agitées en faveur d'un pareil changement. Je crois que l'idée de ce projet est due surtout à ce que les chefs des deux partis politiques qui divisaient la chambre ne voyaient, les uns, aucune chance de se maintenir au pouvoir, les autres, aucun moyen d'y arriver tant qu'ils demeureraient en lutte. On a affirmé dans cette chambre et au dehors, que l'état de nos affaires publiques était si grave que tout gouvernement était devenu impossible, et que les hommes publics devaient se réunir pour nous faire sortir de nos pressants embarras. J'ose espérer que cette assertion n'était pas un prétexte mis en avant par les ministres our conserver leurs portefeuilles et par les chefs de l'opposition pour en avoir à leur tour. Il est au su de tout le monde que nulle concession n'a eu lieu entre les chefs de parti tant qu'ils ont pu gouverner indépendamment les une des autres. Trois voix de plus ou de moins d'un côté ou de l'autre, et le projet actuel eût été indéfinitivement remis. Nous ne nous serions pas non plus trouvés dans une impasse, s'il y eût en un peu plus d'indulgence de part et d'autre. Si es partis pouvaient se réunir comme ils l'ont fait au mois de juin dernier, il est certain que cette union pouvait terminer nos difficultés sans qu'on eût recours a ce projet, qui anéantit notre constitution actuelle. De plus, le conflit existant était dû plutôt à l'animosité des partis qu'au vice de notre constitution. (Ecoutez!) L'union des deux Canada ont lieu en 1840; pendant une certaine période après cette union, chaque section fut représentée par 42 membres dans la législature unie. A l'époque de l'union, la population du Haut-Canada était de 486,00 âmes, et celle du Bas-Canada de 661,000. De 1844 à 1848 la majorité en faveur du gouvernement fut toujours très-faible. Le ministère se maintenait par deux ou trois voix, et, néanmoins, durant cette période en ne parla point d'avoir recours à un changement de constitution pour augmenter cette majorité. (Ecoutez!) Les deux provinces furent représentées chacune par 42 membres jusqu'en 1854, époque à laquelle le nombre fut porté à 65, comme il est aujourd'hui. Depuis 1854 jusqu'à ce jour les populations du Haut- Canada se sont vivement préoccupées de la question de la représentation basée sur la population. Le parti réformiste soulevait cette question à l'époque de chaque élection. C'était le grand point et on demandait aux candidats de s'engager à défendre cette mesure devant la chambre. En outre, plusieurs membres conservateurs avaient été obligés de souscrire à cette artie du programme réformiste. En 1858, quelques membres du gouvernement envoyèrent en Angleterre une lettre officielle où nos difficultés étaient exposées, et l'agitation du pays représentée comme grosse de dangers pour le fonctionnement de notre système constitutionnel et, par suite, grandement préjudiciable au progrès du pays. Ce document fut mis devant les chambres au mois de février 1859, et en novembre, la même année, se réunit la convention de Toronto, dans laquelle le parti réformiste était représenté par environ 570 des hommes les plus éminents de toutes les parties du Haut-Canada. A cette assemblée, les griefs du Haut-Canada furent habilement exposés par les hommes les plus compétents. Bien qu'un projet d'union fédérale des provinces eût tété soumis au parlement et au pays en février, la convention qui se réunit au mois de novembre et, par suite, eut tout le temps d'étudier la question, résolut que ce n'était point un remède efficace aux maux du Haut-Canada. Voici les résolutions de cette assemblée qui indiquent à la fois le mal et le remède:
1° Résolu.—Que l'union législative entre le Haut et le Bas-Canada n'a pas réalisé les espérances de ses promoteurs, a produit une lourde dette publique, de pesantes taxes, de grands abus politiques et un mécontentement général dans tout le Haut-Canada; et c'est la conviction même de cette assemblé qu'a cause de l'antagonisme, naissant des différences d'origine, des intéréts locaux et d'autres causes, que l'union ne peut plus continuer d'exister dans sa forme actuelle avantageusement pour le peuple.
Voilà les griefs!
5° Résolu.—Que, dans l'opinion de cette assemblée, le remède le plus praticable aux maux actuels du gouvernement du Canada se trouve 753 dans la création de deux ou plusieurs gouvernements locaux, ayant le contrôle de toutes les matières d'un caractère local et sectionnaire, et d'un gouvernement général qui dirigerait toutes les choses nécessairement communes aux deux provinces.
Ceci est le remède! La quatrième résolution montre que la fédération n'était pas considérée comme un remède aux maux dont on se plaignait:
4° Résolu.—Que, sans entrer dans la discussion des autres objections, cette assemblée est d'opinion que le délai qu'entraînerait l'assentiment des provinces inférieures à une union fédérale de toutes les colonies britanniques Nord-Américaines, doit placer cette mesure en dehors de tout examen comme remède aux maux présents.
Si les populations du Haut-Canada représentées dans cette convention eussent été d'avis qu'une union avec les provinces du golfe pouvait remédier à nos maux, elles n'auraient pas manquer d'étudier cette question. De deux choses l'une, ou les chefs du parti réformiste ne voulaient pas du projet qui leur était indiqué par leurs adversaires, en bien ils croyaient que c'était un mauvais moyen. S'ils avaient en une autre opinion, rien ne les empêchait de se rallier au gouvernement pour réaliser le plan sans avoir recours aux autres provinces. Le seul obstacle à l'adoption du projet était que ses auteurs occupaient les banquettes ministérielles. C'est, pour moi, la seule raison plausible de l'abandon de cette mesure à cette époque. Un des motifs de la réunion de la convention était que: "malgré le chiffre élevé de la population haut-canadienne comparativement à celle du Bas-Canada, et malgré l'accroissement continu de la première, le Haut-Canada n'avait aucune influence dans l'administration des affaires du pays." (Ecoutez!) Un autre grief du Haut- Canada, avait trait à la répartition des deniers public. On prétendait que 70 per cent des taxes annuelles était fourni par le Haut- Canada, et seulement 30 pour cent par le Bas-Canada. D'un autre côté, pour chaque piastre dépensée dans le Haut-Canada, on dépensait une piastre dans le Bas-Canada. Telle semblait être l'opinion des hommes éminents des deux partis. On demanda la représentation basée sur la population comme remède à cet état de choses. Les Haut- Canadiens considérèrent que s'ils étaient représentés dans la chambre d'après le chiffre de leur population, ils seraient à même d'empêcher l'injuste répartition des deniers publics. Quelques membres ont prétendu que la confédération allait nous donner une nationalité, d'autres n'elle contribuerait au développement rapide des intérêts matériels et commerciaux du pays. Je ne vois pas bien, dans ce projet, la phase nationale qu'on y a découvert. Ceux qui voient d'un mauvais œil notre union avec l'Angleterre peuvent désirer la création d'une nouvelle nationalité. Qui dit existence untionale ou nationalité dit indépendance, et tant que nous serons une colonie anglaise nous ne saurions être indépendants. (Ecoutez!) Au Nouveau-Brunswick on n'a envisagé la question qu'au point de vue de l'intérêt matériel (Ecoutez!) Dans une brochure récemment publiée par l'hon. M. CAUCHON, je trouve, à la page 28, de la brochure française, l'exposé suivant de la manière dont on a traité la question au Nouveau-Brunswick:
"Il ne resterait plus pour eux, a considérer, dans le choix à faire, que la question matérielle des profits et pertes; le plus on le moins de commerce et le plus ou le moins d'lmpôts. Cette vérité vient de recevoir son application, d'abord dans le projet de constitution lui-même, où vous voyes que les exceptions n'affectent que le Bas-Canada, et, dans les discours prononcés par M. TILLEY, dans le Nouveau-Brunswick, où il dit franchement et sans détour que, pour eux, il n'y à dans l'examen du projet de confédération qu'une seule question pécuniaire: le Nouveau-Brunswick, dans l'union, pourra-t-il plus, pourra-t-il moins, recevra-t-il plus, recevra-t-il moins, sera-t-il plus, sera- t-il moins imposé qu'aujourd'hui? Et c'est de cette manière que sa presse et ses hommes publics l'ont acceptée de ses mains pour la discuter, l'accepter ou la repousser."
A mon avis, c'est ainsi que le Canada devrait traiter la question en laissant tout-à- fait de côté le point de vue national. (Ecoutez! écoutez!) La vraie question est de savoir si nos populations auront à payer des taxes plus ou moins fortes et seront plus ou moins prospères qu'aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) La question de la représentation basée sur la population s'agite depuis dix ans. (Ecoutez! écoutez!) A l'époque de la défaite de l'administration CARTIER- MACDONALD, c'était une question ouverte. L'administration MACDONALD-SICOTTE qui lui succèda, résolut de l'abandonner, mais je ne sache pas que tel ait été l'avis des partisans haut-canadiens de cette administration. Ou précisa fort bien, lors de la formation de ce dernier ministère, que s'il abandonnait cette question il on serait seul responsable, ses partisans ne voulant s'engager à rien
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sous ce rapport. Ce gouvernement adopta le système de la double majorité. Mais je ne crois pas que la majorité de ses partisans haut-canadiens ait accepté ce principe comme suffisant à régler les griefs du Haut-Canada. Le parti réformistes du Haut-Canada consentit, pour le moment, à laisser de côté la question de la représentation pour s'occuper plus spécialement d'une réforme administrative que nécessitaient la corruption et l'extravagance qu'on pratiquait alors. Toutefois, le système de la double majorité ne fonctionne point (Ecoutez!) Le ministère MACDONALD-SICOTTE fut défait et remplacé par le ministère MACDONALD-DORION. Celui-ci traita la question comme avait fait l'administration CARTIER-MACDONALD, c'est-à-dire, qu'il en fit une question ouverte. Sous ce gouvernement, il n'y eut point d'agitation à ce sujet, bien que la représentation d'après la population fût généralement appuyée par les membres du Haut-Canada. Ce ministère résigna, et un nouveau gouvernement fut formé sous lequel l'hon. membre pour South Oxford fit nommer un comité pour prendre en considération la question de la représentation. Ce comité étudia longuement son sujet. Il fit rapport le jour même de la chute du ministère, mais il n'indiquait aucune conclusion précise, si ce n'est que la plupart de ses membres penehaient pour un gouvernement fédéral. (Ecoutez!) Un gouvernement fut défait sur la question des $l00,000 payées à la cité de Montréal. Le vote fut pris le 14 juin, et la dernière partie de la résolution était ainsi conçue:
"Qu'en présence des faits ci-haut mentionnés, cette chambre manquerait a son devoir si elle n'exprimait point sa désapprobation d'une avance d'une somme somme considérable des deniers publics sans autorisation, et de l'abandon subséquent des conditions contenues dans l'ordre en conseil en vertu duquel fut faite la dite avance."
Jamais motion n'avait attaqué plus directement L'hon. ministre des finances; il était convaincu par la majorité de la chambre d'avoir fait perdre $100,000 au pays. La majorité vote en faveur de la motion. Aussitôt se déclara une crise ministérielle et on apprit que le ministère avait obtenu du gouverneur-général la disolution des chambres; quelques jours plus tard, quelques-uns des hommes qui avaient condamné le ministre des finances lui avaient entièrement pardonné et prenaient place a côté de lui sur les banquettes ministérielles. (Ecoutez!) La coalition actuelle était formée sur le principe de la confédération. Je crois que depuis trois ans le mouvement en faveur de la représentation basée sur la population s'était beaucoup ralenti; mais la défaite du ministère sembla suffire aux chefs de l'opposition pour s'unir avec leurs anciens adversaires et soumettre à la chambre le projet actuel de confédération. Pour ma part, je ne suis pas opposé à une fédération des provinces sur une base convenable, mais j'aurais préféré une union législative. Je ne sympathise nullement avec les hon. membres qui opposent à la fois le projet, l'union législative et la représentation basée sur la population. L'accroissement de la population haut—canadienne demande une modification dans notre système; et je ne vois pas comment les membres à triple opposition, dont je parlais à l'instant, peuvent compter sur les sympathies des députés du Haut-Canada. Je ne suis nullement opposé au principe de cette mesure, mais à une partie du projet qui est la construction du chemin de fer intercolonial. Lorsqu'en 1812 cette question fut mise en avant, je m'y opposai. Ce lut le gouvernement MACDONALD-SICOTTE qui s'engagea a construire ce chemin; je m'y opposai, comme je viens de le dire, et j'y ai toujours été opposé depuis. A ce propos, je rappellerai quelles étaient les opinions de l'hon. membre pour South Oxford sur cette question. Je ne veux pas montrer par là qu'il a changé ses idées à cet égard, parce que je suppose qu'il l'admet lui-même. Je fais cette citation pour montrer quelles étaient ses vues à l'époque—vues qui étaient partagées par la majorité du Haut-Canada. On prétend que ce chemin est nécessaire au point de vue de la défense du pays. On prétend qu'on devra suivre le plus long tracé parce que le plus court se rapprocherait trop de la frontière de l'Etat du Maine. (Ecoutez!) Mais si l'on considère que ce chemin se reliera au Grand Tronc à la Rivère du-Loup, qui est à vingt-cinq milles de la frontière américaine, on doit admettre qu'au point de vue stratégique il aura bien peu de valeur. Il est ridicule de prétendre que les américains ne pourraient pas couper une ligne de chemin de fer qui passe à vingt-cinq milles de leur frontière. Si nous ne sommes pas assez forts pour protéger le chemin qui traverse l'Etat du Maine, le chemin intercolonial sera, pour nous, d'une bien faible importance. Voici ce que je lis dans 755 le Globe au sujet de ce chemin considéré comme grande voie militaire, à la date du 18 septembre 1862:
"Mais comme notre opinion sur les questions stratégiques peut n'avoir qu'une faible valeur, nous en appellerons à un autre témoignage."
Vient la citation suivante du Blackwood's Magazine:
"En somme, nous croyons que si notre frontière militaire n'est pas changée, un chemin de fer entre St. Jean et le St. Laurent n'entraînera, au point du vue stratégique, que des dépenses parfaitement inutiles. Si on veut à toute force le chemin de fer intercolonial, il faut donner de meilleures raisons que le prétexte qu'il est nécessaire pour la défense de la province."
Telle était, je crois, à cette époque, l'opinion du Haut-Canada en ce qui concerne ce chemin, c'est-à-dire qu'il sera parfaitement inutile comme moyen de défense. Mais le projet de sa construction est ainsi annoncé dans la 68ème résolution:—
"Le gouvernement général devra faire compléter, sans délai, le chemin de fer intercolonial de la Rivière-du Loup à Truro, dans la Nouvelle- Ecosse, en le faisant passer par le Nouveau-Brunswick."
La résolution suivante a trait au territoire du Nord-Ouest, et est ainsi conçue:—
"69. La convention considère les communications avec les territoires du Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au développement du commerce du Grand-Ouest avec la mer, comme étant de la plus haute importance pour les provinces confédérées, et comme devant mériter l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra l'état des finances."
D'après ces résolutions, la construction du chemin de fer intercolonial forme partie essentielle du projet actuel et nous devrons construire ce chemin. D'un autre côté, l'agrandissement de nos canaux et l'ouverture du Nord-Ouest ne seront accomplis qu'autant que les finances du pays le permettront. Or, l'ouverture du Nord-Ouest est une question sérieuse pour une grande partie des populations du Haut-Canada, qui regardent l'exécution de ce projet comme intimement liée aux intérêts du pays. Voici ce que je lis dans la brochure de l'hon. M. CAUCHON, page 59, de la version française:—
"Mais qu'est-ce donc auprès de ces prairies de l'Ouest, dont la pensée même est incapable de mesurer les horizons infinies et dont la fertilité est de tous les moments et de toutes les saisons, au dire même des officiers les plus élevés et les plus autorisés de la compagnie de la baie d'Hudson, tels que M. DALLAS, le gouverneur général des domaines de cette compagnie. et M. LE DR. RAE, ancien facteur et si connu, du reste, des deux mondes, pour ses observations astronomiques dans les régions polaires et sa découverte des restes de Franklin et de ses compagnons d'infortune?—Ce dernier, chargé de trouver une passe, dans les Montagnes Rocheuses, pour le télégraphe trans-continental qu'êtablit en ce moment la compagnie, nous dit: 'que la Saskatchewan, cette grande voie publique intérieure, coule à travers de vastes plaines fertiles où peuvent croître en abondance l'orge et le blé.'"
Ecoutons maintenant M. DALLAS:—
"Tout le pays est plus ou moins éminemment adapté à la colonisation. Il y a deux ans, j'ai parcouru, à cheval, tout ce pays, dans le mois d'août je pense. Nous marchions, enfoncés jusqu'aux étriers, dans l'ivraie, les pois sauvages et les vescerons. J'ai vu là des chevaux et des bœufs aussi gras que peut l'être un animal dans les pâturages les plus riches de l'Angleterre. Ces animaux avaient passé l'hiver dehors sans une gueulée de foin. Cela vous donnera une meilleure idée du climat que sije vous disais l'état du thermomètre ou quelque chose de semblable. —Je regarde tout le paye connue étant plus ou moins éminemment propre à la colonisation, et excessivement sain. Ici tout croît. La récolte du blé est ne peu incertaine; mais toutes les autres céréales et les végétaux de tous les noms y viennent avec une aussi grande perfection qu'en Angleterre. Au nord, se trouve une bande de terrain, alternée de bois et de prairies ondulantes, qui traverse tout le pays. Les lacs et les rivières abondent en poissons, et les prairies en gibiers de toutes les espèces, etc, etc."
Telle est la description du pays dont l'accès est présenté aux populations du Haut-Canada connue une compensation pour le chemin de fer intercolonial, mais qu'on n'ouvrira qu'autant que l'état des finances du pays le permettra. Je m'oppose au projet parce que les conditions de cette grande entreprise ne sont pas assez précisées et que l'entreprise elle-même dépend d'une foule d'évènements. Pour faire voir combien les populations du Haut-Canada s'intéressent à cette question, je citerai un passage d'un article du Globe, publié le 19 septembre 1862, vers l'époque à laquelle le ministère MACDONALD SICOTTE propose la construction du chemin de fer intercolonial:—
"Nous remarquons avec plaisir que M. FOLET a eu le bon sens de récuser l'argument de M. HOWE, que le chemin de fer de Québec à Halifax formerait une portion importante du grand chemin de fer du Pacifique, traversant tout le territoire de l'Amérique Britannique du Nord. Pas une livre pesant du fret qui sera transportée par le chemin du Pacifique ne sera dirigée vers le port d'Halifax. C'est déprécier complètement le chemin de Pacifique que de dire qu'il est nécessaire de construire quatre cents milles d'une ligne qui sera complètement improductive, avant de commencer 756 la grande, la seule grande entreprise, avec un cinquième de la somme qu'on va dépenser pour le chemin intercolonial. Il nous est facile d'ouvrir en Canada une communication avec le plus riche pays du monde, mais on ne veut pas accorder un son à cet effet, et on jette £50,000 sur les rochers de la Rivière—du-Loup."
Telle était, M. l'ORATEUR, l'opinion exrimée par le Globe au mois de septembre 1862, et je demanderai à la chambre, puisque le Haut-Canada paiera une grosse part de ce chemin, si cette part ne suffirait pas à l'ouverture du Nord-Ouest? Au fait ne différons-nous pas l'exécution de cette grande entreprise en dépensant de l'argent dans une direction opposée?
L'HON. M. BROWN -Non, pas le moins du monde.
M. SCATCHERD—On s'est plaint aussi de ce que notre dette est énorme; que nous sommes lourdement taxés sur les articles de première nécessité, et que ces articles ne pourraient supporter de nouvelles taxes. Je crois que ces plaintes sont aussi fondées que jamais. Voyons quels droits ou payait il y a dix ans sur les principaux articles de consommation. J'ai ici un tableau indiquant les droits payés de 1855 à 1865, ainsi que la valeur des principaux articles importés en cette province pendant le semestre expiré au 30 juin 1864:—
ARTICLES. 1855. 1856. 1857. 1858. 1859. 1865. Valeur. Droit.
Par et. Par et. Par et. Par et. Par et. Par et. $ $
Café... 8 1/2 8 1/2 10 10 15 23 1/2 89,016 21,118
Mélasse... 16 11 11 18 30 27 1/2 118,285 33,007
Sucre... 27 1/2 20 17 1/2 21 30 47 779,907 373,963
Thé... 11 1/2 11 1/2 11 1/2 12 1/2 15 26 1,089,674 275,126
Art. de Coton. 12 1/2 13 1/2 15 15 20 20 3,277,985 664,381
Fer... 12 1/2 13 1/2 15 16 20 20 776,225 151,422
Soie... 12 1/2 13 1/2 15 17 20 20 430,773 85,845
Lainages... 12 1/2 14 15 18 20 20 2,517,669 499,084
Quelques-uns de ces articles sont taxés à la moitié de leur valeur. Or, l'acheteur qui paie 50 pour cent de droits ne reçoit, en valeur, que la moitié du prix d'achat. Or, que veut-on faire avec l'argent provenant des droits sur ces articles? On dépensera $20,000,000 pour ce chemin de fer, et c'est le peuple qui devra, par un moyen ou un autre, payer cette somme énorme. Je citerai un autre extrait du Globe au sujet des conditions lucratives, ou supposées telles de ce chemin. L'article que je cite se trouve dans le numéro du 23 septembre l862:—
"Le projet du gouvernement relatif à la construction du chemin de fer intercolonial ouvre un compte qui ne se fermera jamais; chaque tempête de neige qui aura lieu dans les régions sauvages aux—dessous de la Rivière-du-Loup, sera une source de nouvelles dépenses pour le Haut-Canada. Les contribuables attendront avec une impatience bien naturelle le passage des trains de voyageurs et de marchandises qui sera pour eux une indication certaine des taxes qu'ils auront à payer pendant l'année. Un exploitera le chemin avec la parfaite conscience qu'il y aura toujours, en arrière, un trésorier prêt à combler les déficits. Malgré tout le soin que peut apporter une compagnie, le réglement des dépenses de détail échappe à tout contrôle; mais quelles seront les dépenses si c'est le gouvernement qui dirige et le peuple qui paie? C'était assez que le Canada se fut engagé a payer les cinq douzièmes d'un chemin dans les bénéfices duquel il n'aura pas un douzième. On reconnaît bien là encre la main avide du Grand Tronc. Certains individus, à la Nouvelle-Ecosse, ont rêvé que ce chemin dirigerait vers Halifax tout le trafic de l'Ouest; mais c'était un rêve et rien de plus; nul voyageur, nul expéditeur ne voudra se rendre en expédier à Halifax lorsqu'il peut trouver des navires à Québec et à Portland. Quant au fret, il ne faut pas en parler. Le chemin transportera des marchandises à la Rivière-du-Loup, c'est tout ce qu'on peut attendre. Il faut un certain aplomb pour demander au Canada de payer la construction d'un chemin qui ne fera que nuire au trafic de son vaste estuaire.
Or, les choses ont-elles changé? N'est-il pas facile de reconnaître dans cette entreprise la main avide du Grand Tronc? (Ecoutez! et rires.) A propos du chemin de fer intercolonial, je lis encore dans le Globe du 26 septembre 1862, le passage suivant:—
"Le Haut—Canada est formellement opposé à ce projet; dans le Bas-Canada, l'opinion est divisée, cela nous rassure complètement et la chose n'est pas faite. Nous sommes seulement étonnés que le gouvernement ait souscrit il à projet si mal vu dans toute la province. Les délégués des provinces du golfe l'ont parfaitement joué! Le Nez— Bleu est fin matois et nous devons, à l'avenir, mettre beaucoup de réserve dans nos relations avec lui. Le Bas—Canada le redoute parce qu'il 757 est Anglais, nous devons le craindre et le suveiller parce qu'il est grand-maître en fait de supercherie."
Si, en 1862, le ministère MACDONALD— SICOTTE a été, si bien joué par les Nez-Bleus, quel marché ont fait avec eux les hommes si hautement habiles qui dernièrement les ont rencontrés dans la conférence? (Ecoutez! écoutez!) Chose étonnante, le Nez-Bleu a encore obtenu davantage de nos habiles délégués que du ministère MACDONALD— SICOTTE! (Ecoutez! écoutez!) Ce projet de fédération va donc, d'un seul coup, augmenter notre dette de vingt millions. En outre, nous aurons une autre somme à dépenser pour les défenses du pays et, s'il faut en croire le rapport du Col. JERVOIS, cette somme ne sera rien meme que six millions de piastres. Les nouvelles qui nous arrivent aujourd'hui par le télégraphe, disent que le gouvernement impérial ne dépensera que £50,000 pour notre défense.
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur se trompe. L'hon. proc.-gén. du Haut- Canada a positivement déclaré aujourd'hui qu'il y avait erreur dans la dépêche, et l'hon. monsieur a tort de répéter une assertion qui a été déclarée fausse aujourd'hui même. De plus, nous venons de recevoir de New York une dépêche qui nous informe que, d'après les derniers journaux de Londres, le gouvernement impérial est disposé à déposer £200,000, et non pas £50,000.
M. SCATCHERD— Avant de m'accuser l'hon. monsieur aurait dû réfléchir que je n'ai pas eu connaissance de cette dépêche. J'ai répété ce que dit l'extrait télégraphique. On ne peut donc m'accuser d'erreur. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. BROWN—Mais je ne m'en prends pas seulement à ce détail, et je tiens à déclarer que, tout le long de son discours, l'hon. monsieur a répété des assertions déclarées inexactes par mes collègues et moi- même.
L'HON. M. HOLTON—Si on nous avait communiqué les papiers, ce malentendu n'aurait pas eu lieu.
M. SCATCHERD — Le gouvernement impérial paiera donc £200,000 pour notre défense?
L'HON. M. BROWN—Ce montant sera dépensé à Québec seulement. En ce qui regarde Montréal et l'ouest, le chiffre n'est pas encore annoncé ni même déterminé.
M. SCATCHERD—J'entends dire pour la première fois que le gouvernement impé rial contribuera aux frais de notre défense à l'ouest, car les dépêches télégraphiques annoncent que s'il fortifie Québec, le gouvernement canadien devra exécuter à ses propres frais les ouvrages de fortifications nécessaires à Montréal et dans l'ouest. On nous dit aussi que ce projet comprend les gouvernements locaux et les défenses locales, ces dernières devant s'élever à six millions de piastres, d'après le rapport du Col. JERVOIS.
L'HON. M. BROWN—Elles coûteront peut-être beaucoup plus, nous n'en savons rien à présent.
M. SCATCHERD——Beaucoup plus. Mais, quand même, il n'en est pas moins vrai que d'énormes sommes d'argent vont aller s'engloutir dans ces travaux, et que ces dépenses n'auront pas de fin. (Ecoutez! écoutez!) Je laisse cependant cette question de côté pour demander quelle sera, en cas de confédération, la position faite au pays au sujet de la dette publique? La population des diverses provinces était ainsi divisée d'après le recensement de 1861, savoir:—
1,396,091... dans le Haut-Canada,
1,110,664... " Bas-Canada,
252,047... " Nouveau-Brunswick,
330,857... " La Nouvelle-Ecosse,
130,000... " l'Ile de Terreneuve,
80,757... " l'Ile du Prince-Edouard,
Or, en supposant que le projet actuel s'accomplisse, voici quelle sera la dette de chacune de ces provinces; celle du Canada, d'après les comptes publics, s'élève à $67,263,000; celle de la Nouvelle-Ecosse a la permission d'atteindre $8,000,000; celle du Nouveau-Brunswick $7,000,000; celle de l'Ile du Prince-Edouard $230,000, et celle de Terreneuve $946,000,—ce qui porte le grand total de la dette fédérale à $83,000,000. On dira peut-être que le Canada n'entre dans la confédération qu'avec un passif de $62,500,000; mais cela ne l'empêchera pas de devoir la dette dont j'ai donné le chiffre plus haut, et laquelle sera à la charge du Haut et du Bas-Canada, si elle n'est pas à celle du gouvernement fédéral
L'HON. M. BROWN —Je dirai à mon hon. ami que ces $5,000,000, qui complètent les $67,263,000, nous sont dues et qu'il y a un actif suffisant pour y faire face, lequel actif sera transféré aux gouvernements locaux. La raison pour laquelle ce chiffre a été distrait des $67,263,000, est qu'il se rapportait à des comptes locaux et qu il pouvait être éteint au moyen de ressources également locales. Cette somme, d'ailleurs, formait un
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chapitre tout-à-fait distinct et séparé de la dette générale de la province.
M. SCATCHERD—Quelles sont ces ressources; quel est cet actif? suffirait-il à faire honneur à l'intérêt de cette somme?
L'HON. M. BROWN—Oui, ils seront tout-à-fait suffisants.
M. SCATCHERD — Cette somme de $5,000,000 forme partie de la dette provinciale que j'ai évaluée à $67,263,000.
L'HON. M. BROWN—Oui, mais mon hon. ami saura qu'il y a des fonds locaux pour y subvenir, absolument de la même manière que nous déduisons le fonds d'amortissement du chiffre de la dette générale.
M. RYMAL—Mais, n'était-ce pas l'hon. président du conseil lui même qui, il y a deux ans, nous fesait accroire que la dette du pays s'élevait à $78,000,000? Je l'ai entendu de mes propres oreilles. (On rit.)
L'HON. M. HOLTON—Le montant du fonds d'amortissement a-t-il toujours été déduit par l'hon. député?
L'HON. M. BROWN—Oui, c'est ce que j'ai toujours fait; mais je n'ai pas déduit du chiffre de la dette générale ces fonds locaux qui se trouvent aujourd'hui portés au crédit de ces $5,000,000, dont devront se charger les gouvernements locaux.
M. SCATCHERD—Lorsque la confédération s'accomplira il y aura donc une dette de $83,000,000 qui pèsera sur les provinces, dont il faudra servir les intérêts, à part les dettes suivantes que l'on contractera sur le champ, savoir: $20,000,000 pour le chemin de fer intercolonial.
L'HON. M. BROWN—Non! non! mon hon. ami devrait comprendre qu'il se lance dans des calculs erronée; sans savoir précisément ce que ce chemin de fer coûtera au gouvernement fédéral, on peut cependant affirmer que s'il est construit d'après le plan suggéré par les provinces du golfe, nous n'aurons pas besoin d'une aussi forte somme, ni même de la somme mentionnée par l'hon. député de Middlesex. Personne ne peut dire en ce moment de quelle manière le gouvernement fédéral décidera que cette entreprise soit faite; mais si on adopte le mode de payer un bonus après l'achèvement du chemin, et sur la garantie qu'il sera tenu en opération durant un certain nombre d'années, le coût n'atteindra certainement point le chiffre indiquépar mon hon. ami.
L'HON. M. HOLTON—Mais il ne nous a rien été proposé à cet effet.
L'HON. M. BROWN-Sans doute, mais je crois que les provinces du golfe ont reçu une proposition de ce genre embrassant une grande partie du chemin, d'après laquelle elles n'auraient à payer qu'un bonus de $10,000 par mille, ce qui porterait le coût total du chemin à un chiffre très inférieur à celui qu'a indiqué mon hon. ami; et il induit la chambre en erreur en affirmant, comme une chose arrêtée, que les frais de construction du chemin de fer intercolonial s'élèveront à $20,000,000.
L'HON. M. HOLTON—L'hon. M. TILLEY les fixe à $12,000,000.
L'HON. M. BROWN—M. TILLEY peut croire cela, mais d'autres personnes tout aussi capables de juger de la chose que mon ami, M. TILLEY, les fixent à $8,000,000. D'un autre côté, l'argent nécessaire pourra, paraît-il, être emprunté avec la garantie impériale à pas plus de 3 1/2 pour cent.
M. SCATCHERD—Je demanderai à mon hon. ami le président du conseil s'il n'a pas dit que le chemin de fer coûterait $16,000,000 ou $18,000,000?
L'HON. M. BROWN—La chose est possible, d'autant que j'ai été sous l'impression à une époque qu'il coûterait $15,000,000; mais je calculais alors qu'il serait construit par le gouvernement, et c'était en quoi je m'opposais énergiquement au plan qu'avaient les hon. députés de l'opposition actuelle, qui alors étaient au pouvoir, ainsi que de le faire fonctionner aux frais du public.
L'HON. M. HOLTON—Vous dites les hon. députés de l'opposition actuelle?
L'HON. M. BROWN—Je ne parle pas de l'hon. député de Chateauguay mais de ses chefs.
L'HON. M. HOLTON — L'hon. monsieur voudrait-il avoir la complaisance d'expliquer davantage ce qu'il veut dire?
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur assis à son côté est un de ceux dont je parle.
L'HON. M. HOLTON—Evidemment, l'hon. monsieur ne veut pas par là indiquer l'hon. député d'Hochelaga (M. A. A. DORION)?
L'HON. M. BROWN—L'hon. député de Bagot (M. LAFRAMBOISE).
L'HON. M. HOLTON—C'est impossible encore, car l'hon. député de Bagot n'est entré au ministère qu'en 1863.
L'HON. M. BROWN—Dans tous les cas, l'hon. député de Cornwall (M. J. S. MACDONALD) est responsable de la chose.
L'HON. A. A. DORION—Le ministère de mon hon. ami (M. J. S. MACDONALD) fut 759 saisi d'une proposition qui lui fut faite dans le genre de dell-ci et ayant trait à la construction d'un chemin de fer, mais on n'y fesait pas mention des moyens. Vous, au contraire, vous êtes engagés à construire ce chemin de fer, et si vous ne trouvez pas de compagnie pour l'entreprendre, il vous faudra bien vous en charger vous—mêmes et le tenir en opération à vos propres frais.
L'HON. M. BROWN—Ce n'est pas tout à fait la vérité, car déjà il est question d'une proposision pour en construire une grande partie.
M. SCATCHERD—La tournure que vient de prendre la discussion prouvera, je l'espère, la nécessité absolue qu'il y avait pour le gouvernement de communiquer à la chambre un aperçu du coût de ce chemin de fer, afin de mettre chaque député en état de se former une opinion sur les dépenses qu'occasionnera cette entreprise. Pourquoi n'a-t-il pas demandé à l'ingénieur chargé de l'exploration de faire un état de ce que pourra coûter la construction? Si, manquant de toute espèce de données sur le sujet, je me lève et dis que, d'après ce que je puis en connaître, le chemin de fer coûtera $20,000,000, aussitôt l'hon. président du conseil m'interrompt pour protester contre mes assertions. Puis, si je poursuis en priant mon hon. ami de me dir s'il n'a pas lui—même porté ce coût à $16,000,000 ou $18,000,000, il me répond qu'en effet il est possible qu'il ait pu le penser ainsi. Que conclure de là, sinon que, suivant mon hon. ami lui—même, on peut très-bien calculer que la construction du chemin de fer intercolonial grossira la dette de $15,000,000. C'est là la première dette nouvelle qu'aura à faire le gouvernement fédéral quelques instants après sa consommation. La seconde comprendra l'armement du pays, et sur ce point l'hon. président du conseil dit qu'il est impossible de dire ce que le système des défenses coûtera attendu qu'on pourrait se trouver très au-desous du chiffre réel.
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur devrait être plus exact lorsqu'il rapporte ce que j'ai dit. Je n'ai pas parlé de ce pays uniquement, mais de tous les ouvrages compris que dans le système des défenses, de même que de la partie qui doit être construite par le gouvernement impérial.
M. SCATCHERD—Je parle en ce moment des fortifications requises pour Québec, Montréal, Kingston, Toronto et Hamilton, et je dis qu'il nous est impossible de nous former une opinion sur le coût des travaux de défense qui devront être faits à St. Jean, à Halifax et ailleurs, dans les provinces d'en-bas. Dans tous les cas, la somme nécessaire pour la construction des ouvrages et leur armement en Canada, ne s'élèvera pas à moins de $6,000,000. Additionnez cette somme avec celle du chemin de fer intercolonial et avec la dette déjà existante, et vous trouverez que presqu'à sa naissance la confédération se trouverait écrasée sous le poids d'une dette d'environ $110,000.000.
L'HON. M. BROWN—Pas le moins du monde.
M. SCATCHERD—Et pourtant le fait est irréfragable. Je le répète, presqu'au premier jour de son existence le nouveau pouvernemeut aura à servir des intérêts sur a dette publique, d'environ $3,809,668 pour le Canada, de $750,000 pour la Nouvelle—Ecosse et le Nouveau-Brunswick, et $59,333 pour Terreneuve et l'Ile du Prince- Edouard; puis, il y a encore le subside des 80 cts. par tête, les $115,200 à payer tous les ans à Terreneuve, les $88,900 à payer également tous les ans à l'Ile du Prince-Edouard, et le service des intérêts sur le coût de la construction du chemin de fer intercolonial. On a prétendu que l'argent nécessaire à cette dernière fin pourrait s'emprunter à 3 1/2 par cent, mais rien ne prouve que les arrangements proposés par le ministère MACDONALD-SICOTTE il y a deux ou trois ans, à ce sujet, puissent être renouvelés aujourd'hui avec succès. Or, rien ne nous fesant croire que le gouvernement fédéral projeté pourra négocier un arrangement à des conditions aussi favorables, il s'ensuit que si l'intérêt exigé est de 5 pour cent, nous aurons donc un intérêt de près de $1,000,000 à servir annuellement sur la dette seule du chemin de fer intercolonial.
L'HON. M. BROWN—Un million de piastres! cinq pour cent d'intérêt pour un emprunt négocié avec la garantie du gouvernement impérial!
M. SCATCHERD—Qu'est-ce qui nous prouve le contraire?
L'HON. M. BROWN—Mon hon. ami doit de toute nécessité avoir entendu parler de certaines négociations qui ont été ouvertes avec le gouvernement impérial pour l'emprunt des fonds nécessaires.
M. SCATCHERD—Voici ce que je lis dans une brochure publiée tout dernièrement par l'hon. député de Montmorency (M. CAUCHON), l'un des fermes appuis du gou 760 vernement, et qui doit faire autorité sur le sujet:—
"La population de Terrenenve étant de 130,000 âmes, $25 par tête établirait sa dette à $3,250,000, montant qui la placerait au niveau de celles du Canada, de la Nouvelle-Ecosse et du Nouveau-Brunswick, dans le rapport de leurs populations respectives. Mais comme cette province doit $946,000, il faut déduire ce montant des $3,250,000, ce qui nous donnera pour résultat $2,304,000, sur lesquelles la confédération aura à payer à Terreneuve, annuellement, 5 pour 100 d'intérêt, ou $115,200."
Si, comme on le prétend, on peut avoir des fonds à 3 1/2 p. 100, pourquoi donc le gouvernement fédéral se propose-t-il de payer 5 p. 100 aux provinces de Terreneuve et de l'Ile du Prince-Edouard?
L'HON. M. BROWN—Est-ce que mon hon. ami ne le voit pas lui-même, et combien par conséquent ses conclusions sont erronées? La raison pour laquelle nous paierons un intérêt de 5 pour cent à ces provinces est parce que nous allons jeter sur leurs épaules une large part du fardeau de notre dette publique dont l'intérêt est de 5 p. l00, car du moment ne les populations de Terre- neuve et de l' Ile du Prince-Edouard, qui ont peu ou point de dette, consentent à prendre les dettes des autres provinces dont l'intérêt est de 5 p. 100, il n'est que juste et équitable qu'elles reçoivent leur 5 pour cent.
M. SCATCHERD —Ainsi donc, le président du conseil dit que maintenant nous payons l'intérêt de notre dette à 5 p. 100, mais qu'à l'avenir ce taux sera bien moins élevé.
L'HON. M. BROWN —Personne n'a jamais dit pareille chose. J'ai dit que le gouvernement impérial garantirait le service des intérêts sur l'emprunt destiné au chemin de fer intercolonial, et que nous aurions à servir cet intérêt suivant les conditions auxquelles le gouvernement impérial pourrait effectuer l'emprunt, lesquelles seront d'environ 3 1/2 p. 100.
M. SCATCHERD— Eh bien! en admettant que l'argent puisse être négocié à ces conditions, il n'en est pas moins vrai que l'intérêt de la dette du chemin de fer intercolonial s'élèvera à près d'un demi million de piastres.
L'HON. M. BROWN —$350,000.
M. SCATCHERD —Même à ce faible taux d'intérêt, le gouvernement fédéral commencera donc son existence, accablé sous un fardeau de service d'intérêts d'environ $5,000,000. J'avais fixé cette somme à $6,158,851.
L'HON. M. BROWN —A combien mon hon. ami porte-t-il la différence de l'intérêt— à $1,158,851?
M. SCATCHERD—Oui.
L'HON. M. BROWN Alors, mon hon. ami fait erreur dans ses calculs. Je lui ferai une question:—combien le trésor va-t-il se trouver grossi par l'adjonction des revenus de douane des provinces du golfe?
M. SCATCHERD —Mais, ne nous fait-on pas entendre que ces droits de douane au lieu d'augmenter vont diminuer? Néanmoins, si les provinces du golfe, qui paient aujourd'hui en moyenne, disons 15 p. cent, s'aperçoivent qu'elles seront obligées de payer au moins 20 p. cent et même 40 p. cent, il est certain que jamais elles ne voudront faire partie de la confédération.
L'HON. M. BROWN—Mon hon. ami se trompe dans tous ses calculs; mais là n'est pas la question. Lorsqu'il avoue que l'intérêt se trouvera augmenté, il devrait ajouter en même temps la proportion dans laquelle le revenu se trouvera grossi par le fisc des provinces du golfe. A quoi sert-il de ne donner qu'un côté de la question?
M. SCATCHERD—Je suis d'avis que ceux qui étudieront sérieusement la proposition du gouvernement finiront par se convaincre que ce projet de confédération n'est ni plus ni moins qu'un projet de construction du chemin de fer intercolonial. (Ecoutez! ècoutez!) Soyez bien persuadés que si ce chemin n'était nécessaire à personne nous n'entendrions jamais souffler mot de la confédération. Une autre objection qui s'élève dans mon esprit contre les présentes résolutions est ce subside de 80 centins par tête. La 64e résolution déclare que le gouvernement général paiera 80 centins par tête de la population, d'après le recensement de 1861, aux provinces suivantes, savoir:—
1,116,872... au Haut-Canada,
888,631... au Bas-Canada,
264,685... à la Nouvelle-Ecosse,
201,637... au Nouveau-Brunswick,
104,000... à Terreneuve,
64,505... à l'Ile du Prince-Edouard,
M'est avis que tout député du Haut- Canada conviendra que si le Haut—Canada avait la représentation basée sur le chiffre de la population il ne désirerait aucunement de changer le système actuel du gouvernement. (Ecoutez! écoutez!) Nous, Haut Canadiens, nous prétendons payer 70 p. cent des impôts,
761
tandis que le Bas-Canada ne paie que 30 p. cent; quel sera donc l'effet de la 64e résolution? D'après cette résolution, le Haut- Canada recevra un subside de $1,116,000, et d'après le principe dont le Haut-Canada a toujours réclamé l'application, la proportion que le Bas-Canada aura à payer sur cette somme, comme partie de la confédération, sera de 30 p. cent, tandis que celle du Haut- Canada sera de 70 p. cent ou $781,000. Nous n'avons cessé de payer la plus large part des impôts tandis que le Bas-Canada n'en a toujours payé que la plus petite part, et le but de cette confédération est de donner aux gouvernements locaux l'administration de leurs affaires locales, en vertu de quoi nous préleverions les fonds nécessaires à nos besoins locaux et le Bas-Cannda ferait la même chose. Or, il arrive ici que le gouvernement général prélèvera les fonds en question dans le Haut-Canada dans la proportion considérable que nous venons d'indiquer, tandis que le Bas-Canada recevra une subvention de $888,000. Ainsi donc, le Haut- Canada se trouvera à payer, comme membre de la confédération, $621,000 sur cette somme, suivant la proportion dans laquelle elle fournit au revenu, et le Bas-Canada 30 p. cent seulement, c'est-à-dire $267,000.
M. H. MACKENZIE—L'hon. député est dans une erreur complète.
M. SCATCHERD—Ainsi donc, en vertu de cette disposition, le Haut-Canada aura à payer au gouvernement général, tous les ans et pour toujours, $268,000 de plus que le Bas-Canada, et de plus qu'il ne paierait en réalité si la perception de ces subventions était laissé à chaque province.
L'HON. M. BROWN—Le calcul de mon hon. ami est des plus inexact; je ne l'interromprai pas cependant à moins qu'il ne le désire. 
M. SCATCHERD—Je n'y vois pas la moindre objection; mais le principe sur lequel j'ai basé mes calculs n'est-il pas correct?
L'HON. M. BROWN—Non, il ne l'est pas, car l'hon. monsieur devrait se rappeler que les rapports du Haut avec le Bas-Canada seront entièrement changés lorsque toutes les provinces n'en feront qu'une.
M. SCATCHERD—Mais s'il n'y a pas de changement, le principe reste vrai?
L'HON. M. BROWN—Sans doute, en ce qui regarde le Haut et le Bas-Canada; mais l'hon. monsieur devra se rappeler que l'introduction des provinces maritimes dans l'union aura pour résultat de changer entièrement les relations des deux premières. Ce changement affectera non seulement le mode de perception des impôts, mais encore celui de la répartition, et ces deux changements seront avantageux au Haut-Canada.
M. SCATCHERD—L'hon. monsieur convient de l'exactitude du principe, et avoue qu'à moins de changements dans la situation, il produira les conséquences que j'ai indiquées.
L'HON. M. BROWN—Or, nous savons quelle sera cette nouvelle situation. L'hon. ORATEUR devrait discuter tout le système financier du projet, et non s'attacher qu'à une partie seulement. Un simple coup-d'œil jeté sur les tableaux du commerce de toutes les provinces lui eut suffi pour se convaincre de l'inexactitude de ses calculs.
M. SCATCHERD—Ce que je dis n'est pas autre chose que ceci, savoir: que si un lieu de payer à tous les gouvernements locaux cette subvention de 80 centins par tête, on eut laissé le Haut-Canada percevoir lui- même sa propre subvention, $1,116,000, et le Bas-Canada ses $888,000, on aurait enfin satisfait aux réclamations que celui-là fait valoir depuis si longtemps.
L'HON. M. BROWN—Sans aucun doute.
M. SCATCHERD—Car, en effet, nous avons toujours dit que nous étions prêts à percevoir les fonds destinés à nos besoins locaux à condition que le Bas-Canada fit la même chose; nous avons droit, d'après ce principe, à $286,000 de plus que nous ne recevrons; c'est pourquoi, je répète que le projet actuel est injuste. S'il est équitable, alors, nous devrons tous avouer que nous combattons depuis dix ans pour une fausseté. On devrait avoir combiné le projet de façon à établir que la perception des fonds nécessaires au Haut-Canada lui eut été laissée et qu'il en eut été ainsi pour le Bas-Canada. Pour ne pas l'avoir fait nous continuons de rester toujours sous le poids de la disproportion entre ce que nous payons et ce que nous recevons, c'est-à-dire les réclamations du Haut-Canada restent encore intactes et non satisfaites.
L'HON. M. BROWN—En vérité, je suis étonné des conclusions où en est arrivé mon hon. ami. Je conviens avec lui qu'il eut été désirable de laisser chaque province percevoir elle-même, par des impôts directs, les fonds nécessaires pour faire face à ses propres dépenses:—mais s'en suit-il de ce qu'il n'en soit pas ainsi qu'on ait raison de 762 dire que les choses sont dans le même état? Le changement opéré est immense, et je n'hésite pas à dire que le nouveau régime est beaucoup plus équitable que l'ancien. (Ecoutez! écoutez!)
M. SCATCHERD —Est ce que l'hon. président du conseil ne conviendra pas qu'il eut été désirable que ces diverses sommes, au lieu d'être perçues par le gouvernement général, le fussent par chaque province?
L'HON. M. BROWN—Sans doute et c'est ce que j'ai toujours demandé: mais nous n'étions pas seuls à régler l'affaire, et je ne saurais croire que l'hon. monsieur prétende que, parce que nous n'avons pas pu obtenir tout ce que nous voulions, nous aurions dû briser les négociations. Pour ma part, je calcule que si ce projet actuel est mis à exécution, on ne pourra manquer de voir que les charges du Haut Canada seront bien différentes de ce qu'elles étaient auparavant.
M. SCATCHERD —Eh bien! les hon. messieurs admettent que par ce projet le Haut-Canada n'obtiendra pas tout ce qu'il espérait avoir, et je dis que s'il est mis a effet, le Haut-Canada ne sera pas dans une position plus avantageuse qu'auparavant. Je donne ceci comme un exemple frappant—et on ne pourrait facilement en citer 'autres— de la manière dont les droits et intérêts du Haut-Canada ont été négligés. Je ne vois pas ce que pourront répondre les hon. messieurs à leurs commettants, lorsque ceux-ci les accuseront d'avoir délibérément consenti que pour toujours une section aurait cet avantage sur l'autre. Si le Haut-Canada ne doit pas trouver plus d'avantage dans la confédération que je n'en vois pour lui dans ces résolutions, je suis en peine de savoir comment il pourra gagner à ce changement. Des dépenses du chemin de fer intercolonial, ce sera lui qui paiera la plus grande part, et autant que je puis le voir, l'entreprise de cette voie ferrée est le but principal auquel vise le projet. (Ecoutez! écoutez!) Je suis encore adverse au projet, parce qu'il va changer la constitution du conseil législatif en substituant au principe électif le système nominatif, car c'est là une substitution rétrograde, (écoutez! écoutez!), une substitution qui sera vue d'un mauvais oeil par le peuple du Haut-Canada. Je ne puis comprendre comment la grande province du Canada, dont la population est de deux millions et demi, ait été, dans la convention, obligée de renoncer à un principe aussi juste, à la demande des petites provinces, qui ne comptent que 800,000. (Ecoutez! écoutez!) Ces résolutions sont au nombre de 72,— eh bien! qu'on les lise, depuis la première jusqu'à la dernière, et on ne pourra faire autrement que de constater que d'un bout à l'autre on n'y voit que concessions faites par le Haut- Canada aux provinces inférieures.
COL. HAULTAIN—Que dit le Nouveau- Brunswick?
M. SCATCHERD—Je ne puis comprendre ne dans la convention le Canada s'en soit laissé imposé à l'égard de cette question du conseil législatif. Qu'est-ce que cela faisait au Nouveau-Brunswick que le peuple du Haut-Canada préférât que ses conseillers législatifs fussent élus? Si le Nouveau-Brunswick voulait que ses conseillers fussent nommés par la couronne, il n'aurait été que juste de céder à sa volonté sur ce point; mais pourquoi empêcher le Haut-Canada d'élire les siens? (Ecoutez! écoutez!) Je suis également opposé à la 43me résolution, dont la première clause autorise le Nouveau-Brunswick à imposer des droits sur l'exportation des billots, mâts, espars, madriers et bois de sciage. Si ce chemin de fer intercolonial est construit, il aura très peu de voyageurs pendant une grande partie de l'année, mais je suppose qu'il acheminera beaucoup de fret. Comme d'autres voies ferrées, il pourra transporter de grandes quantités de bois de construction jusqu'à la mer, et il me semble que toute personne intéressée dans le commerce de bois de ce pays doit voir que chaque pièce de cet article qui, du Canada au Nouveau-BrunsWick, sera voiturée par le chemin de fer intercolonial, sera assujétie à ce droit d'exportation. Je demande au président du conseil si ce ne sera pas le cas?
L'HON. M. BROWN—Pour demander cela, il faut que l'hon. monsieur n'ait pas été présent lorsque le ministre des finances a expliqué cette question. Ce droit d'exportation est le même que celui payé en ce pays comme droit de coupe.
M. SCATCHERD—Ce n'est pas ce que je veux savoir: aucun bois ne peut sortir du Nouveau-Brunswick sans payer un droit d'exportation; n'est-ce pas ce que prescrit la loi actuelle?
L'HON. M. BROWN—Il ne sort pas de bois de nos forêts sans qu'il paie un droit exactement semblable.
L'HON. M. HOLTON—Exactement semblable?
763
L'HON. M. BROWN—Quelle est la différence?
L'HON. M. HOLTON —L'hon. monsieur dit-il que ces droits d'exportation et de coupe sont exactement de même nature?
L'HON. M. BROWN—Exactement de même nature à l'égard du bois dont le gouvernement du Nouveau-Brunswick retire actuellement un revenu, mais il est des cas où ils diffèrent entre eux.
L'HON. M. HOLTON—Lorsqu'il s'agit de bois coupé sur les terres de particuliers?
L'HON. M. BROWN—Dans ce cas aussi. Voici comment cet arrangement s'est fait. Pour ma part, je regrette qu'il ait été fait dans cette forme, car je suis opposé à tous droits d'exportation. (Ecoutez! écoutez!) Cet arrangement comporte que les gouvernements locaux auront le contrôle des terres, mines, et bois de la couronne de leurs provinces respectives. De nos bois de la couronne, nous obtenons un fort revenu sous la forme de droit de coupe, lequel sera affecté aux fins locales du Haut et du Bas- Canada; mais les délégués du Nouveau-Brunswick dirent: "Nous ne prélèvons pas comme vous un droit de coupe sur nos bois de la couronne; nous trouvons préférable de prélever ce revenu sous forme de droit d'exportation,"et nous nous sommes rendus à leur desir, c'est-à-dire que nous leur avons laissé leur revenu local dans cette forme comme compensation à notre droit de coupe.
M. McKELLAR—Je pense que la question soulevée sur ce point par l'hon. député de Middlesex Ouest mérite à peine qu'on la discute, attendu que les bois du Canada ne seront jamais acheminés par le chemin intercolonial. On ne trouve pas de profit à les faire voiturer par nos chemins de fer; comment voulez-vous que cela serait avantageux sur une aussi grande distance? (Ecoutez! écoutez!)
M. T. C. WALLBRIDGE—On achemine bien ces bois du Canada à Portland par le Grand-Tronc. (Cris de "non, non.")
M. SCATCHERD—Mon hon. ami d'Oxford Sud s'est éloigné de la question, à savoir: qu'il n'est pas juste que le Nouveau- Brunswick ait le privilège de prélever ce droit sur les bois, lequel, il me semble, lui est accordé par cette résolution.
L'HON. M. BROWN—Mon hon. ami doit se rappeler que ces résolutions seront incluses dans une loi qui en précisera parfaitement le sens. On ne veut nullement qu'une province ait le droit d'imposer des droits d'exportation sur les droits d'une autre.
M. SCATCHERD—Il me semble que j'ai parfaitement compris le sens de la résolution. Or, je suis opposé au projet parce qu'il augmentera de beaucoup la dette publique par suite des dépenses qu'entraîneront la construction du chemin de fer intercolonial et les défenses du pays.
L'HON. M. BROWN—Mais qu'aurons- nous en retour de ces défenses?
M. SCATCHERD—D'après les extraits que je viens de lire nous ne recevrons absolument rien.
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur prétend que la construction du chemin de fer intercolonial augmentera de beaucoup notre dette, mais il devrait dire aussi quelle augmentation de revenu nous retirerons de nos relations avec les provinces maritimes.
M. SCATCHERD—ll est généralement admis que nous ne retirerons aucun avantage de ce chemin.
L'HON. M. BROWN—Et qui prétend cela?
M. SCATCHERD—Je prétend que ce chemin sera exploité aux frais de la province et que, depuis le commencement de sa construction, il sera un immense outil de corruption. Tous les employés de ce chemin de fer seront nommés par le gouvernement, et ce sera une source continuelle de dépenses. L'hon. membre pour South Oxford a très bien dépeint cet état de choses dans son journal en disant que le Haut Canada aurait à redouter chaque tempête de neige qui pourrait avoir lieu en bas de la Rivière-du-Loup. (Ecoutez!) Je sais que le gouvernement s'engage à ouvrir les territores du Nord-Ouest sitôt que l'état des finances du pays le permettra, mais il vaudrait bien mieux, ce me semble, au lieu de gaspiller de l'argent dans cette folle entreprise, songer tout de suite à ouvrir ces riches territoires. On ne sait pas si sur le parcours de ce chemin de fer il y a un seul arpent de terre arable. De plus, d'après la déclaration même de mon hon. ami de South Oxford, les seuls produits qui seront transportés par le chemin seront pris à la Rivière-du-Loup. (Ecoutez!) Le paiment de subventions aux gouvernement locaux, l'abandon du principe électif dans le conseil législatif, et la construction de chemin de fer intercolonial sont, selon moi, les plus graves objections à ce projet. Je crois que ce projet ne devrait pas devenir 764 loi avant d'avoir été soumis au peuple. (Ecoutez!) Et, cependant, le gouvernement est déterminé à ne pas recourir à cet appel. Je crois que le gouvernement ne tient pas ses promesses à cet égard. A un diner qui eut lieu à Toronto, en novembre dernier, l'hon. membre pour South Oxford s'exprima ainsi: (Je cite le rapport du Globe.)
L'HON. M. BROWN.—Quelqu'un demande si le projet sera mis à exécution avant d'avoir été soumis au peuple. A cet égard, les parlements des diverses provinces devront décider. Je crois que le gouvernement du Canada, comme celui de toute autre province, ne doit pas refuser formellement de soumettre le projet au peuple. Nous dépendons des représentants du peuple et devons avoir égard à leur opinion."
Or, l'attitude actuelle du gouvernement n'est nullement conforme à cette déclaration puisqu'il refuse formellement l'appel au peuple. L'hon. M. GALT était présent à ce diner, et voici ce qu'il déclare en ce qui concerne l'appel au peuple:
"Nous aurions désiré avoir un gouvernement central réglant tous les intérêts, mais des difficultés insurmontables s'opposent à ce système; nous espérons que la mesure actuelle qui sera soumise au peuple, au parlement impérial et aux parlements provinciaux, protégera suffisamment les intérêts locaux tandis que les intérêts nationaux seront reservés à un pouvoir central qui, je l'espère, saura faire honneur à la race dont nous sommes issus.—(Ecoutez!)
Voilà, de la part de deux ministres, une déclaration formelle précisant que cette mesure, avant de devenir loi, sera soumise au peuple! (Ecoutez!) Mais on n'en tient nul compte. Le projet ne sera pas soumis au peuple, il faut le faire passer intégralement et, au lieu de l'appel, nous avons une motion préalable qui empêche tout amendement dans ce sens. Quelques-uns des membres qui m'ont précédé ont dit qu'il serait inconstitutionnel d'en appeler au peuple en pareil cas, et ils ont cité des précédents en faveur de cette assertion. Mais, dans tous les cas cités, le parlement avait droit de régler la question qui lui était soumise; or, le parlement n'a pas pouvoir de régler cette question. Le parlement anglais peut agir avec ou sans notre consentement; les exemples cités ne s'appliquent donc point au cas actuel et je maintiens qu'en soumettant cette mesure au peuple ou éviterait, dans l'avenir, de graves complications. (Ecoutez!) Comment prétendre que si nous ne passons pas cette mesure maintenant, c'est une occasion à jamais perdue? En ce qui concerne le Haut- Canada, je crois qu'il sera toujours possible d'avoir un projet aussi avantageux que celui- ci,—(écoutez!)—et je prendrai la responsabilité de voter contre ce projet de confédération. (Ecoutez!)
M. JOHN MACDONALD (de Toronto) —M. l'ORATEUR:—Avant d'enregistrer mon vote sur cette question, je désire le motiver. Je suis en faveur d'une confédération. (Ecoutez! écoutez!) Et je n'hésite nullement à approuver dans son entier la première résosolution proposée et adoptée à la conférence de Québec, savoir:—qu'une confédération des provinces de l'Amérique Britannique du Nord, établie sur de justes principes, est à désirer. On nous a dit que la convention de Québec avait donné le jour à une œuvre faite pour étonner le monde par sa grandeur. (Ecoutez! écoutez!) Il se peut que je me trompe, mais je n'ai rien vu de grandoise dans le projet. Je suis prêt à reconnaître que les hon. messieurs se sont réunis dans l'intention bien sincère de régler les difficultés de ce pays, et je regrette infiniment d'être obligé ce soir de voter à l'encontre des hon messieurs avec lesquels j'ai toujours marché depuis mon entrée dans la vie politique. Mais, M. l'ORATEUR en cela j'agis selon la conviction qui m'est dictée par ma conscience, et quelles que puissent en être pour moi les conséquences, je ne puis faire autrement que d'agir d'accord avec elle. (Ecoutez! écoutez!) En réalité, M. l'ORATEUR, je pense qu'en présentant ce projet, les ministres ont trop exigé en nous disant de l'accepter tel quel, c'est-à-dire sans y faire un seul amendement. (Ecoutez! écoutez!) C'est déclarer le document parfait sous tous rapports, ou au moins aussi près que possible de la perfection. Si nous devons entreprendre de discuter cette question et qu'il ne nous soit pas permis de l'amender sur aucun point, si l'on juge que cela est nécessaire pour l'adapter aux circonstances dans lesquelles se trouve la province, je ne vois pas, vraiment, pourquoi cette chambre a été convoquée. (Ecoutez! écoutez!) Nous avons bien entendu dire que les principaux membres de l'opposition des autres provinces avaient été invités à la convention pour y discuter librement cette question, mais, je le demande, M. l'ORATEUR, l'opposition du Bas-Cauada a-t-elle été invitée par le gouvernement à prendre part à la conférence? (Ecoutez! écoutez!) J'ai entendu dire à l'hon. député de Montréal-Centre (M. ROSS) 765 que bien qu'il fut contre quelques-uns des menus détails, il était prêt à voter pour l'ensemble du projet plutôt que de le faire rejeter. La question de notre loi scolaire serait-elle donc un menu détail? Est-ce que le partage de la dette entre le Haut et le Bas-Canada passerait aussi au même rang? Est-ce que les défenses du pays sont un menu détail? Cependant, on vient nous demander de voter pour cette mesure sans que tous ces sujets aient été soumis à notre considération (Ecoutez, écoutez!) Il vaut mieux, dit l'hon. monsieur, voter sans connaître de ces détails, et laisser aux futurs législateurs de corriger le résultat s'il est mauvais. Eh bien! l'hon. membre pourra voter, s'il le veut, sans renseignements sur toutes ces questions, mais moi, je ne saurais y consentir; mon caractère— et c'est peut- être de ma faute— est ainsi fait. Jamais, en cette chambre, je ne donnerai un vote sans savoir ce que je fais, ou au moins sans avoir fait de mon mieux pour le savoir. (Ecoutez! écoutez!) Dans son habile discours qu'il à prononcé à Sherbroke, l'hon. ministre des finances a parlé des grandes difficultés qui entouraient la question des écoles. Il a dit que cette question était d'une telle importance qu'il fallait dédier beaucoup de temps à son étude; aussi a-t-il invité tous les hommes intelligents à prêter leur concours au règlement de cette question. Si la plus minime de ces questions est d'autant d'importance pourquoi alors presser autant la chambre pour qu'elle se hâte d'adopter la plus grande? Est-ce que sa prise en considération demanderait moins de temps que celle moins importante que je viens de citer? Tout cela me semble aussi logique que si l'on voulait construire un édifice avant ses fondations. L'hon. monsieur a parlé de la hausse que ce projet avait déjà valu à nos effets publics en Angleterre; mais, sur ce point, il ne s'agit pas de réfléchir bien longtemps pour découvrir combien il est facile d'opérer une fluctuation favorable ou défavorable dans la valeur des fonds publics. Les effets publics sont aujourd'hui à la hausse et demain à la baisse. Un homme d'affaires peut avoir un endosseur qui, pendant quelque temps, augmentera sont crédit: nous avons ainsi essayé d'augmenter le nôtre par une alliance avec les provinces maritimes. Il est, M. l'ORATEUR, beaucoup d'autres moyens plus avantageux de rehausser notre crédit, mais le préférable, c'est celui de vivre dans la mesure de nos ressources, de régler notre dépense sur nos revenus et d'établir nos opérations financières sur une base solide. Soyez assurés que les banquiers d'Angleterre, pour mettre notre crédit en valeur, se fieront plus à cette règle d'économie bien entendue qu'à toute alliance que nous pourrons contracter avec d'autres provinces. (Ecoutez! écoutez!) On nous dit encore, M. l'ORATEUR, que ce grand projet doit mettre fin aux difficultés entre les deux sections. Il se peut que je sois très lent à comprendre, mais je dois avouer que je ne puis voir cela, ainsi que l'ont prouvé bien des scènes qui se sont passées en cette chambre: le Haut et le Bas-Canada sont en difficulté, et l'on compte régler leur différend en formant une union avec des provinces qui, entre elles, sont toujours à couteau tiré! (Ecoutez! écoutez!) Depuis longtemps, M. l'ORATEUR, le Haut-Canada demande à être équitablement représenté en parlement, et parce que nous allons avoir 17 députés de plus que le Bas-Canada à la législature fédérale, on nous dit que toutes les difficultés, pour le réglement desquelles on demandait la représentation d'après le nombre, vont disparaître, gràce à cette prépondérance de nombre; mais je ne puis croire à ce résultat, d'autant qu'à la chambre haute il y aura toujours égalité de représentation. A l'appui de cette opinion, je vais citer le passage suivant de la brochure due à la plume de l'hon. M. CAUCHON:—
"La constitution de 1840 n'a stipulé l'égalité que pour la chambre basse. Supposons qu'il eût pris fantaisie à la majorité du conseil législatif d'adopter un projet de loi qui fut hostile aux intérêts du Bas-Canada; comme le Haut et le Bas- Canada sont également représentés dans la chambre basse, ce bill y eût été certainement repoussé, et c'est à cette chambre seule que nous avons jusqu'ici demandé salut et protection pour nos institutions, en tenant compte du bon vouloir des représentants des races anglologues Bas-Canadiennes. Pourquoi l'assemblée législative est- elle le champ clos dela lutte que se livrent, depuis quatorze ans, le Haut et le Bas-Canada, au sujet de la réprésentation? C'est que là seul a résidé l'égalité et là seul se trouvait le moyen de résoudre le problème constitutionnel. Si donc, il la constitution actuelle, l'un substitue des chambres locales, et au-dessus d'elles, le parlement fédéral, nous verrons dans celui-ci, précisément l'inverse de ce que nous avons toujous observé dans notre législature actuelle, c'est-à-dire, qu'advenant les malentendus sociaux, la lutte sera transportée de la chambre basse au conseil législatif, précisément pour la raison qu'elle se fait aujourd'hui dans la première."
Nous trouvons, M. I'Oaarsua, dans ces lignes écrites par un des plus rudes adver 766 saires du principe de la représentation d'après le nombre, de très bonnes raisons pour conclure que le surcroît de représentation qui nous sera accordé dans la chambre basse ne servira de rien, attendu que ce principe de stricte justice n'est pas reconnu par la constitution du conseil législatif. Je pourrais me tromper, je le désire même, mais je n'en pense pas moins que, si ce projet est mis à exécution, avant que six mois ne s'écoulent on verra se renouveler dans la législature fédérale les mêmes difficultés qui existent aujourd'hui. (Ecoutez! écoutez!) De plus, l'injuste représentation du Haut-Canada dans la chambre haute devra subsister toujours; il ne pourra obtenir qu'elle soit augmentée d'un seul membre, quelque grande que puisse être la prépondérance de sa population sur celle des autres parties de la confédération. Et, ainsi que le dit M. CAUCHON, cette égalité de voix servira de contrepoids à la législation de la chambre basse. Comme corollaire de ce sujet, il est une autre disposition de la mesure que l'on ne peut voir qu'avec peine, et qui, je le pense, est destinée à nous faire rétrograder. Le sens d'éligibilité du conseiller législatif est maintenant de $8,000, mais on va le réduire à $4,000, et c'est la, à mon avis, un pas rétrograde. Pour l'Isle du Prince-Edouard et Terreneuve le cens pourra être basé indifféremment sur la propriété mobilière ou immobilière, ou. en d'autres termes, les conseillers législatifs de ces provinces pourront être des colporteurs de bijouterie ou d'autres marchandises, dont le fonds de commerce pourra disparaître dans un incendie pendant qu'ils assisteront à une session, et que cet accident rendra inhabiles à siéger. (Ecoutez! écoutez!) Mais cette disposition aura une conséquence encore pire que cette dernière, en ce sens qu'elle aura l'effet d'ouvrir les portes de la chambre haute à une classe d'aventuriers besogneux qui, en temps de crise ne seront guère difficiles à gagner, et qui, pour mettre leur conscience en repos, sauront trouver une excuse, pour le vote qu'ils donneront, dans les circonstances où ils seront. Je suis encore adverse à ce projet, M. l'ORATEUR, par rapport à la complication et à l'immense dépense auxquelles vont donner lieu les gouvernements locaux. On a affirmé, je le sais, que ce système ne nous coûterait pas plus que celui qui nous régit actuellement, mais je renonce entièrement à faire de l'opposition si l'on me prouve qu'il n'y perdra pas l'homme qui doublera ou même augmen tera le personnel de ses employés sans en même temps augmenter son capital et le cercle de ses affaires. Je vois dans ce projet l'introduction — et l'augmentation rapide — d'un grand nombre de consommateurs, mais rien qui puisse produire une augmentation correspondante dans la production. Si en cela je fais erreur, j'erre en bonne compagnie, car, sur ce point, je vais citer les lignes suivantes de M. CARDWELL, le ministre des colonies, et par lesquelles on peut voir que nous professons tous deux les mêmes vues:—
"Une partie très importante de cette question a trait à la dépense que doit entraîner le fonctionnement du gouvernement central et des gouvernements locaux. Le gouvernement de Sa Majesté ne peut qu'exprimer l'espoir le plus ardent que les arrangements qui seront adoptés sous ce rapport, ne soient pas de nature à accroître, au moins à un degré considérable, la dépense totale, ou à augmenter matériellement les impôts, et par là à retarder l'industrie intérieure ou tendre à imposer de nouvelles charges au commerce du pays."
Maintenant, M. l'ORATEUR, comme Haut- Canadien (on me pardonnera de faire cette distinction), je réclame contre la grande injustice qui va être faite au peuple du Haut-Canada en lui imposant la lourde dépense à laquelle il va être tenu de subvenir pour le maintien du gouvernement général. Dans l'habile discours qu'il a fait à Sherbrooke, l'hon. ministre des finances a dit que lorsque la population canadienne aurait atteint le chiffre de cinq millions,—c'est-à-dire lorsqu'elle sera plus nombreuse que celle qui sera comprise dans la confédération projetée,—la part du revenu pour les final publiques ne serait pas d'un son plus élevée qu'à présent. Un hon. monsieur a dit en cette chambre qu'il n'en coûtait pas plus pour gouverner un peuple de cinq millions qu'un de trois. Cela peut être vrai, mais avec un million de piastres, on ne fera pas autant d'améliorations dans le Haut-Canada qu'avec cinq millions, car c'est à cette dernière somme que cette section aurait justement droit. Je m'oppose encore à ce projet parce que, tout en contribuant pour la plus grande part au revenu général, le Haut- Canada aura aussi à contribuer dans les mêmes proportions pour les travaux de défense et autres entreprises publiques qui se feront dans les provinces inférieures et dans le Bas-Canada. (Ecoutez! écoutez!) Je réclame de même contre le retard indéfini que l'on apporte à l'ouverture du territoire du Nord-Ouest, et à la colonisation des 767 vallées de la Saskatchewan et à l'amélioration de nos voies de navigation artificielle. (Ecoutez! écoutez!) Il est aussi une différence très marquée dans la phraséologie de deux des clauses de ce projet, différence qui a dû étonner tous ceux qui les ont lues. L'une déclare que le chemin de fer intercolonial sera construit. Il ne peut y avoir aucune erreur ni aucun doute a cet égard. Le langage est précis: il doit être construit immédiatement. (Ecoutez! écoutez!) L'autre clause (la 69me) est ainsi conçue:—
"La convention considère les communications avec le territoire du Nord-Ouest et les améliorations nécessaires au développement du Grand- Ouest avec la mer, comme étant de la plus haute importance pour les provinces confédérées, et comme devant mériter l'attention du gouvernement fédéral, aussitôt que le permettra l'état des finances."
(Ecoutez! écoutez!)
C'est certainement là le langage le plus ambigu qu'il soit possible d'employer à l'égard de cette grande entreprise. On y remédie, toutefois, en nous disant que l'ouverture du territoire du Nord-Ouest se fera simultanément avec la construction du chemin de fer intercolonial; mais nous voyons que dans les provinces inférieures l'hon. M. TILLEY a affirmé que l'on n'avait pas sérieusement l'intention de commencer cette entreprise à présent, et qu'une forte somme allait d'abord être appliquée à l'amélioration des défenses du Nouveau-Brunswick. Si l'on vent me permettre de donner un exemple du caractère incertain autant qu'évasif de cette disposition du projet, je vais citer ce qu'on lit au bas d'une caricature du Punch que j'ai maintenant devant moi. Cette caricature a trait à une dépêche de la Russie sur les affaires de la Pologne. L'Angleterre, la France et l'Autriche, qui examinent cette dépèche, s'expriment ainsi:—
L'Angleterre.—On dirait que cela signifie— Eh? Hum!
La France.—Je pense que cela veut dire— Eh? Ah!
L'Autriche.—Je soupçonne que cela signifie— Eh? Ho!
Ensemble—Nous ne savons pas ce que cela signifie.
L'HON. M. McGEE—Cela me paraît parfaitement s'adapter à vous!
M. JOHN MACDONALD—L'ignorance dont je fais preuve doit m'être pardonnée, vu que chez les ministres mêmes on eu montre tant à l'égard du projet. (Ecoutez! écoutez!) Je me figure à la première session de la législature fédérale, de quelle manière serait reçue la question de l'ouverture du territoire du Nord-Ouest. Le Nouveau- Brunswick dira: "Oh! nous ne pouvons songer à cette entreprise tant que le chemin de fer intercolonial ne sera pas fini et tant que les travaux de défense de cette province ne seront pas terminés." La Nouvelle- Ecosse dira: "Cette entreprise se fera quand les finances le permettront;" et lorsque ce dispositif de la constitution sera rappelé aux autres provinces, toutes s'accorderont pour dire: "Nous n'en comprenons pas la signification." (On rit) Je m'oppose à ce projet, M. l'ORATEUR, par rapport au fardeau qu'il va imposer un pays pour les travaux de défense. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. ministre de l'agriculture, et d'autres après lui, ont parlé avec emphase de l'immensité du territoire qui appartiendra à cette confédération, et qui, d'après eux, embrassera une étendue de quatre mille milles d'un océan à l'autre; mais croira-t-on, dans le Haut et le Bas-Canada, qu'avec une population moins nombreuse que celle de la cité de Londres, nous serons capables de défendre une frontière de cette étendue,—un territoire aussi vaste, dit-on, que le continent d'Europe? (Ecoutez! écoutez!) C'est là une anomalie qui ne se voit dans aucun autre pays du monde. Je regarde cette augmentation de territoire que nous donnera la confédération plutôt comme une source de faiblesse que comme un élément de force. Selon moi, charger ce pays du fardeau des défenses, c'est tout comme si l'on conférait à un souverain tous les attributs extérieurs de la royauté et qu'on ne lui accorderait qu'une piastre par jour pour soutenir la dignité de sa cour; c'est comme si l'on devait s'attendre que l'engin d'un des petits bacs à vapeur qui font le service de ce côté à la Pointe- Lévis serait capable de remorquer le Great Eastern dans la traversée de l'atlantique. (Ecoutez! écoutez!) Je n'ai pas oublié, M. l'ORATEUR, la sollicitude dont l'Angle- terre fait preuve à l'égard de toutes ses colonies; je n'ai pas oublié tout ce qu'elle a fait pour les protéger et développer leurs ressources; mais quand nous voyons—ainsi que nous l'a appris le télégramme de ce jour —que le gouvernement impérial est à la veille d'affecter £50,000, ou £200,000, si nous acceptons la rectification faite ce soir par le gouvernement, aux défenses de ce pays, avec tout le sérieux possible je me demande que fera cette bagathle pour la 768 protection d'une frontière exposée comme l'est la nôtre?
L'HON. M. BROWN—Ce n'est pas que je veuille interrompre mon hon. ami; mais, après avoir entendu dire que ces £200,000 devaient être affectés seulement aux défenses de la cité de Québec, je ne puis comprendre qu'il accuse ici le gouvernement impérial de ne vouloir accorder que cette somme pour la défense de tout le pays.
L'HON. A. A. DORION—Dans le rapport des débats de la chambre des lords, il est distinctement déclaré que c'est là tout ce que le gouvernement impérial se propose de donner.
L'HON. M. BROWN—J'en demande pardon à l'hon. préopinant, mais ce qu'il dit n'est pas exact. De grands travaux de défense se poursuivent actuellement à Halifax et St. Jean; et, à part du crédit qu'il veut affecter à des travaux de fortification à Québec, le gouvernement impérial s'occupe actuellement du chiffre de la dépense qu'il compte faire à cet égard pour les autres parties du Canada.
L'HON. A. A. DORION—Dites: seulement pour la défense navale, et vous serez plus près de la vérité.
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur peut ne pas ajouter foi à mon assertion, mais je suis sûr que l'hon. député de Toronto me croira, en je lui dis que le gouvernement impérial s'occupe actuellement de la question des défenses de cette province, à Montréal et au-delà.
M. JOHN MACDONALD—Je savais, certainement, que les £200,000 que l'on se propose de voter, le seront pour des travaux de défense à Québec.
L'HON. M. BROWN—L'hon. monsieur n'aurait pas dû dire, alors, que cette somme serait pour les défenses de tout le pays.
M. JOHN MACDONALD—Je suis libre de dire qu'en cela je me suis trompé et que cette somme sera pour les défenses de Québec.
L'HON. M. BROWN—C'était tout de même très mal de répéter cette fausse assertion.
M. JOHN MACDONALD—Eh bien! j'apporte un autre tempérament à la question: je suppose le cas où le gouvernement impérial n'accorderait que cette somme, d'où nous viendront les fonds nécessaires, dans le danger imminent qui, dit-on, nous menace, pour mettre toutes les parties de la province en état de résister à une agression, et qui devra les prélever? Pour prouver que ce pays est en mesure de mettre et maintenir une année sur pied, l'hon. député de Lambton a cité l'autre soir le Danemarck, qu'il dit être capable de maintenir une armée de 20,000 hommes. Le choix de cet exemple n'était certainement pas heureux, et chacun a dû penser que les récents malheurs de ce pays étaient justement de nature a ôter toute valeur à son exemple. (Ecoutez! écoutez!) Mais à l'égard du projet, ou plutôt de ses dispositions qui sont dévantageuses au Haut-Canada et à ses intérêts, les députés Haut-Canadiens disent: "Laissez s'établir la confédération, et plus tard nous remédierons à toutes ces choses;" eh bien! je dis à ces hon. membres que s'ils adhèrent à ce traité avec l'intention d'en éluder plus tard la lettre et l'esprit, ils manquent à ce qu'ils doivent aux deux Canadas et aux sœurs provinces. (Ecoutez! écoutez!) Je ne veux pas participer à un traité avec l'intention de ne pas m'y soumettre dans un certain temps, et c'est parce que je veux faire ce qui est bien que j'indique toutes les dispositions du projet que je crois vicieuses, et qui, si elles ne sont pas modifiées, m'empêcheront de voter pour la mesure. (Ecoutez! écoutez!) Ce serait un manque de foi de la part du Haut-Canada de venir dire quelques années après: "Nous voulons que notre représentation soit augmentée; nous voulons une plus forte somme pour nos fins locales," et cela, quand de leur plein gré ses représentants auraient accepté le document que nous sommes appelés à sanctionner. Pourquoi, M. l'ORATEUR, le Bas-Canada a-t-il refusé pendant si longtemps une augmentation de représentation à la section Ouest de la province? Simplement parce que le traité de 1840, stipulait l'égalité de représentation pour les deux sections. (Ecoutez! écoutez!) Je suis très chagrin de voir que le gouvernement veut imposer cette mesure au peuple avant de s'être assuré s'il l'approuve ou non. (Ecoutez! écoutez!) Dans le discours de l'hon. ministre des finances,—dont j'ai déjà parlé,—une de ses plus fortes assertions était que l'acte d'union de 1840 avait été imposé au peuple sans son consentement. (Ecoutez!) A cela, M. l'ORATEUR, j'ajouterai que le peuple intelligent du Nouveau-Brunswick a rejeté cette mesure, que repoussent aussi l'Ile du Prince-Edouard et la Nouvelle- Écosse, et que tous les jours nous recevons contre elle des pétitions de toutes les parties du Bas-Canada, (écoutez! écoutez!); et 769 cependant, en dépit de toute cette opposition, le gouvernement persiste à vouloir l'imposer au pays. On nous dit aussi que le rejet de la mesure par le Nouveau-Brunswick, la Nouvelle-Ecosse et l'Ile du Prince-Édouard ne fera aucune différence, bien qu'ils aient été traités ici sur un pied d'égalité, l'Ile du Prince-Edouard ayant eu le même nombre des représentants à la convention que le Haut et le Bas-Canada, et toutes ces concessions leur ayant été faites pour obtenir leur concours. On nous dit que ce document n'est composé que de concessions, mais jusqu'ici je n'ai pu voir qu'aucune concession ait été faite au Haut-Canada; on n'en fait qu'aux provinces maritimes. Je le répète, les délégués des provinces inférieures, qui étaient à la conférence en nombre égal à ceux du Canada, doivent ne plus compter maintenant, et si le peuple du Canada, qui représente les trois quarts de toute la population, le décide, le projet sera adopté. (Ecoutez! écoutez!) On nous dit aussi que le danger d'une guerre est pour nous imminent. Quant à moi, il ne me paraît pas aussi certain; le gouvernement a présenté un bill relatif aux aubains, qu'une grande majorité de la chambre a adopté parce qu'elle le croyait alors nécessaire pour assurer la paix au pays, et il recevra ainsi l'appui de la chambre pour toute mesure qui pourra ajouter à notre sécurité; mais, M. l'ORATEUR, si ces résolutions étaient adoptées ce soir, en quoi ajouteraient-elles à la paix et à la sécurité dont nous jouissons? Quelles facilités de communication avec les provinces inférieures nous donnent-elles de plus jusqu'à ce qu'il soit possible de construire le chemin de fer intercolonial? Il s'écoulera bien des années avant que cette colossale entreprise puisse s'achever, et d'ici là, toute la question de l'union pourrait être discutée; on pourrait tenir compte des objections qui y sont faites et consulter la volonté du peuple à son égard. Ainsi, au lieu de presser en toute hâte l'adoption d'une mesure qui pourrait ne produire que des fâcheux résultats, on pourrait la remplacer par une autre plus avantageuse et qui rencontrerait l'approbation du peuple.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Rien de plus vrai que tout cela! (Hilarité!)
M. JOHN MACDONALD—A l'égard du chemin de fer intercolonial, il se peut que je diffère de beaucoup d'autres, car, non seulement je désire qu'il soit construit, mais je voudrais qu'on le commençât dès à présent. Je dirai plus: je voudrais que ce parlement accordât, comme la part de contribution de ce pays, une somme suffisante pour engager des hommes d'affaires à entreprendre sa construction, tant je suis convaincu que cette entreprise serair on ne peut plus avantageuse au commerce. Telle est mon idée à l'égard du chemin intercolonial. Nous devrions savoir dès maintenant quel sera son prix de revient, quelle sera notre part de ce prix, et une fois construit on pourrait en confier l'exploitation à des hommes versés dans les affaires, et en mesure de nous donner les meilleures garanties possibles qu'il sera bien exploité. (Ecoutez! écoutez!) Je ne suis pas de ceux qui ne veulent pas faire la part des difficultés que les hon. ministres ont eu à surmonter. Quelque soit le nombre de ceux qui ont retiré leur confiance au gouvernement, je n'en dois pas moins dire que la mienne lui est assurée comme auparavant; mais, M. l'ORATEUR, que cette confiance ait été forte ou faible, je dois voter sur cette question selon ma conscience et mon devoir. C'est ainsi que j'ai toujours fait depuis que j'ai l'honneur d'être député à cette chambre, et c'est ce que je compte faire tant que je resterai dans la vie publique. Je suis loin de vouloir ôter aux hon. messieurs leur mérite. Je crois n'en s'efforçant de couper court à nos difficultés constitutionnelles, ils ont agi en toute sincérité; et, sous ce rapport, je souhaite que leurs efforts soient couronnés de succès. Et si enfin de compte, ils obtiennent ce grand résultat, s'ils réussissent à bannir de cette chambre la lutte et le discorde, et à augmenter notre prospérité commerciale, personne plus que moi ne s'empressera de reconnaître son erreur, personne plus que moi ne s'empressera de de leur témoigner toute la gratitude à laquelle ils auront justement droit de la part de tous. (Applaudissements.)
M. McKELLAR—Il est déjà bien tard, et je n'ai pas l'intention de parler longuement. Je crois, cependant, dans l'intérêt d'une partie considérable du peuple haut-canadien, devoir attirer l'attention de la chambre sur le fait qu'il y a quelques semaines une très grande assemblée de citoyens de Toronto a eu lieu, laquelle se composait, pour la plupart, je crois, de mandataires de l'honorable député que l'on vient justement d'entendre. Cet hon. monsieur a été invité à se rendre à cette réunion pour y discuter la mesure dont nous nous occupons. Il n'a pas cru, 770 cependant, devoir y aller, mais moi, qui y suis allé, j'en suis revenu avec la conviction qu'en s'abstenant ainsi il n'avait pas fait preuve de cette courtoisie et de cette attention que ses commettants sont en droit d'attendre de lui. (Ecoutez! écoutez!) Pourquoi, M. l'ORATEUR, n'a-t-il pas été à cette assemblée y répandre les flots de lumière avec lesquels il a ce soir failli nous éblouir? (On rit.) Eh bien! dans la métropole du Haut-Canada, où se trouvaient réunis plusieurs des hommes les plus influents de cette section de la province, il a été fait une motion comportant ce que veut actuellement cet hon. membre, c'est-à-dire soumettre, avant son adoption, cette mesure au vote populaire. A cette assemblée, tenue dans la métropole du Haut- Canada, où se trouvaient des centaines de nos premiers hommes, en n'a pu, le croiriez- vous, trouver une seule personne qui voulût seconder cette motion. (Ecoutez! écoutez!) Nous devrons tenir cet hon. monsieur responsable de ne s'être pas rendu à cette assemblée, où il aurait pu éclairer ses mandataires sur cet important sujet.
UN HON. MEMBRE—Avez-vous bien renseigé les vôtres sur cette mesure?
M. McKELLAR—Oui, la question a été amplement discutée par eux. L'hon. député des comtés d'Essex et Kent à la chambre haute a été élu par acclamation, et pourquoi? Parce que la coalition actuelle existait et que le projet de fédération était en voie de progrès. Dans sa profession de foi et dans ses discours, cet hon. monsieur a ouvertement déclaré qu'il était prêt à faire ce qu'il a fait l'autre jour dans la chambre haute: voter pour chaque clause de ces résolutions. (Ecoutez! écoutez!) L'hon. député de Toronto (M. MACDONALD), cependant, n'a point osé se rendre auprès de ses commettants, bien qu'ils fussent assemblées à peu de distance du lieu où il demeure, et c'est après avoir agi de la sorte qu'il vient ici nous dire qu'il faut en appeler au peuple! Si jamais une mesure présentée it cette chambre a hautement été approuvée par le peuple, c'est le projet sur lequel nous délibérens aujourd'hui. (Applaudissements et marques de désapprobation.) Si la presse, nous a-t-on dit, favorise quasi sans exception cette mesure, c'est qu'elle est subventionnée pour cela, et jusqu'ici, cependant, on n'a pu apporter une seule preuve à l'appui de cette assertion. C'est lui faire un bien triste compliment que de dire qu'elle peut-être achetée, quand même cela pourrait être tenté. La presse— celle qui n'est pas vendue –est d'un bout à l'autre du pays en faveur du projet. Dans les deux sections, et depuis qu'il s'agit de cette mesure, nous avons aussi eu des élections dans trente ou quarante colléges.
L'HON. J. S. MACDONALD—L'hon. monsieur veut-il parler d'élections municipales?
M. McKELLAR—L'hon. député me demande si ces élections étaient municipales; je lui réponds que je n'ai pas voulu parler de la petite municipalité de Cornwall, et que par conséquent il n'a aucunement lieu de s'alarmer. (Hilarité). Presque toutes les élections qui se sont faites depuis ont été en faveur de ce projet de confédération. (Ecoutez!) Je me proposais de parler assez longuement des mérites de cette mesure, mais...
Dr. PARKER—Proposez l'ajournement.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER –Non! non!
M. McKELLAR—Mais j'y renoncerai volontiers si besoin est. Si sans plus de discussion on juge à propos de prendre le vote, pour ma part...
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — Je prie l'honorable monsieur de vouloir bien comprendre quelle est notre position quant à ce sujet (Ecoutez! écoutez!) Il vient de dire qu'il ne prenait la parole que pour répondre à quelques objections de l'hon. député de Toronto, et comme il ne parait pas disposé à parler ce soir, il pourra parler un autre jour. Il n'est que minuit et demi, et nous pouvons très bien siéger jusqu'à deux heures. (Oh! oh!) Il y a encore du temps d'ici là, et comme nous savons très bien que les hon. messieurs de l'opposition désirent discuter cette mesure plus longuement, nous sommes prêts à écouter ce qu'ils ont à dire.
L'HON. J. S. MACDONALD—Autant qu'aucun autre membre de cette chambre, je suis prêt à siéger la nuit, mais vouloir que la séance se prolonge tous les soirs après minuit, c'est demander un peu trop. Jamais je n'ai vu que cela avança la législation de siéger après minuit.
M. McKELLAR—J'ai pris la parole simplement pour faire connaître la conduite étrange de l'hon. député de Toronto. J'occuperai peut-être demain l'attention de la chambre; mais si je ne parlais pas ce serait par rapport au danger que nous courrons de voir ces débats se terminer promptement. Pour le cas où je ne reprendrais pas la parole, 771 je saisis cette occasion de déclarer que je suis en faveur des résolutions, auxquelles j'assure mon appui cordial, et que je m'opposerai a tout amendement qu'on voudra leur faire subir. En agissant ainsi, je suis convaincu d'être approuvé par mes électeurs. Si je croyais que cette mesure ne rencontre pas les vues du peuple canadien, je serais le dernier à vouloir qu'elle fut mise aux voix avant qu'il n'ait eu l'occasion de se prononcer à son égard, mais sachant qu'elle est au contraire approuvée presque unanimement par lui, je pense que le plustôt elle sera mise à effet le mieux ce sera. (Ecoutez! écoutez!)
M. JOHN MACDONALD—Je n'ai aucun doute que la population de Kent est mieux favorisée que celle de Toronto en fait de représentant, mais je dors dire à l hon. préopinant que s'il veut ne s'occuper que des intérêts de ses mandataires, je tâcherai d'en faire autant pour les miens. Il y a cette différence entre l'hon. monsieur et moi, c'est que lorsque le projet a été d'abord annoncé, il s'est de suite déclaré en faveur, tandis que moi, j'ai cru qu'il fallait réfléchir un peu avant d'en venir à une décision. Les débats qui ont eu lieu en cette chambre, la diversité d'opinions qui existe même entre les ministres sur différents points me convainquent que ce projet est loin d'être compris par tous, dans le Haut comme dans le Bas-Canada; bien que ce soit là ce que prétend l'hon. député de Kent. Je suis persuadé d'avoir bien agi. Tout ce que je puis dire, c'est que si l'hon. monsieur se retire de la vie publique avec une consience aussi nette que le sera la mienne lorsque je me retirerai du parlement, il n'aura rien à se reprocher de sa carriere politique. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. M. HOWLAND— Je désire faire entendre quelques mots en réponse à ce qu'a dit mon hon. ami le député de Cornwall, (M. J. S. MACDONALD), afin que les membres de cette chambre n'aient pas une fausse idée de la conduite que j'ai cru devoir adopter lorsque je me représenterai à mes électeurs après avoir accepté la charge que j'ai l'honneur d'occuper dans le gouvernement. D'après les observations de l'hon. monsieur, je pense que l'on pourrait inférer que j'avais accepté mon portefeuille à certaines conditions, et que j'avais donné à entendre que des amendements seraient faits au projet devant la chambre. C'est là au moins l'impression que j'ai gardée des paroles de hon. ami, auquel je dois de la reconnaissance pour les paroles obligeantes dont il a fait usage à mon adresse. En retour, je lui assure que je fais grand cas de son opinion et de son amitié; mais, afin de détruire toute fausse supposition à laquelle ses observations peuvent avoir donné lien, je crois devoir faire entendre quelques mots d'explication. Sur cette importante question, j'ai fait franchement connaître mes vues à mes mandataires. Je leur ai dit que si j'eusse été délégué à la convention, il est certaines parties du projet auxquelles je me serais opposé ou que j'aurais essayé de faire modifier. Je leur ai en même temps appris que ce projet avait le caractère d'un traité, et que, pour cette raison, il nous fallait l'accepter ou le rejeter dans son entier. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. J. S. MACDONALD—Je suis sûr que mon hon. ami ne m'accusera pas d'avoir en volontairement l'intention de le mettre dans une fausse position à l'égard de ce fait. Ce que j'ai voulu dire, si toutefois je ne me suis pas bien fait comprendre, c'est que, somme toute, le projet n'est pas tel que le désire le maître général des postes, c'est qu'il a fait part à ses électeurs qu'il avait des objections à ce projet, et j'ai conclu de là que, puisque cette mesure ne satisfaisait pas même certains ministres, il n'était pas juste de refuser à l'opposition, qui en est encore moins satisfaite, le droit d'enregister ses objections dans nos annales. (Ecoutez! écoutez!)
M. GEOFFRION propose l'ajournement des débats.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER propose, par voie d'amendement, que les débats soient repris à la séance de demain, et que ce soit le premier ordre du jour après les affaires de routine.
L'HON. M. HOLTON —Je propose, sous forme d'amendement:—  
"Que ces débats soient ajournés jusqu'à lundi prochain, et qu'il soit vote une adresse à Son Excellence, demandant qu'il lui plaise faire mettre devant la chambre, dans l'intervalle, toutes les informations soumises à la conférence ainsi que toutes celles qui peuvent être venues en la possession du gouvernement, touchant les divers sujets importants mentionnés dans les résolutions de la conférence; et, particulièrement, toutes les informations relatives au chemin de fer intercolonial projeté, au coût de ce chemin, à la distribution projetée des propriétés et des dettes passives entre les différents gouvernements; à la nature, à l'étendue et au coût des améliorations que l'on se propose de faire à nos communications intérieures par eau; aux droits du Canada au territoire du Nord-Ouest, et aux sommes qu'il y aurait à dépenser pour ouvrir ce territoire à la colonisation; au
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montant que les provinces auraient à payer pour la défense du pays, et à l'étendue et à la valeur des terres publiques de Terreneuve, afin que cette chambre soit en état de mieux juger de l'effet des changements constitutionnels proposés sur les intérêts matériels et la condition politique future du pays."
A l'égard de cette motion, M. l'ORATEUR, je me bornerai à dire que nous sommes appelés à adopter les conclusions de la conférence des délégués réunis à Québec en octobre dernier, et qu'il n'est que juste et convenable que nous soyions mis en possession des données sur lesquelles sont fondées ces conclusions. Si nous avons un parlement libre et que ses membres soient de dignes représentants de libres sujets anglais, nous devons insister pour que l'on nous donne tous les renseignements sur lesquels sont fondées ces résolutions. Je pense qu'on ne peut raisonnablement refuser cette demande; mais, d'un autre côté, je croirais être injuste envers la chambre si je l'entretenais plus longtemps sur cette question. (Ecoutez! écoutez!)
M. A. MACKENZIE—Le temps mentionné est trop court. Il serait nécessaire d'ajourner les débats pendant au moins deux mois afin d'obtenir les renseignements demandés par cette résolution, dans laquelle on a omis bien des choses importantes. L'hon. membre aurait dû demander qu'on nous fit connaître le nombre de locomotives et de chars que l'on se propose d'employer sur le chemin de fer, et la somme de trafic qu'il donnera dans le cours d'une année. (On rit.) A mon avis, cette proposition n'est que ridicule (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Je suis surpris, M. l'ORATEUR, que l'hon. député de Chateauguay ait proposé une motion comme celle-ci, une motion qui n'a aucun rapport avec la question devant la chambre. Selon moi, les choses doivent être désignées par leurs véritables noms, et je n'hésite nullement à dire que cette proposition, parce qu'elle ne contient rien d'applicable à la question, est à la fois irrégulière et absurde. (Ecoutez! écoutez!)
L'HON. A. A. DORION—C'est la seule manière que nous puissions employer pour obtenir une réponse du ministère. L'amendement propose que le début soit ajourné jusqu'à lundi prochain, afin que le gouvernement puisse nous communiquer les renseignements qu'il avait à l'epoque de la conférence par laquelle ont été rédigées ces résolutions. On ne saurait nier que l'hon. ministre des finances et tous ses collègues ont consenti à payer $150,000 pour les terres arides de Terreneuve. Avant d'en arriver là, ils ont dû s'assurer de la valeur et de l'étendue de ces terres; nul doute aussi qu'avant de convenir que la dette publique du Canada formerait partie de la dette de la confédération, ils ont eu un état sur lequel ils ont basé cette convention. Si je me rappelle bien j'ai vu dans les journaux que la conférence s'ajourna pendant un jour ou deux afin de permettre aux ministres des finances de préparer un état des finances de leurs provinces respectives. C'est tout ce que nous désirons. Nous voulons avoir ici les renseignements que ces messieurs avaient à leur disposition lors de la conférence. Nous ne supposons pas qu'ils aient abordé pareille question avant des'être procuré des renseignements. Ils n'ont pas deviné sans calcul que la dette du Canada était de $62,500,000, et que celles des autres provinces étaient de tant et tant. Nous voulons, comme ces hon. messieurs, être mis à même de bien comprendre ces résolutions, et d'en venir à une décision juste. Nous ne demandons pas une heure de plus qu'il ne faut pour obtenir ces renseignements, et les comparer avec le projet. Les hon. ministres répondront que la préparation des documents demandés prendrait des mois. L'hon. membre pour Lambton (M. A. MACKENZIE) semble avoir bien pour de ces renseignements, qui pourraient empêcher la passation de la mesure. Il devrait songer que nous n'avons point la même confiance que lui dans le procureur- général du Haut-Canada et le ministre des finances. (Rires!) Il connait ces messieurs depuis longtemps, et la chambre a vu dans ses dernières sessions quelle confiance il a dans ces messieurs. Il avait une robuste confiance en l'hon. ministre des finances lorsqu'à la fin de la dernière session, il vota pour la motion concernant les $100,000 transmises à la cité de Montréal pour le paiement d'une dette du chemin de fer Grand-Tronc; mais il nous pardonnera à nous, qui n'avons jamais eu cette confiance en l'hon. député de Sherbrooke depuis qu'îl a été ministre des finances, d'exiger ces petits renseignements avant que nous ne votions pour le projet extravagant qui nous est soumis. Nous voulons des renseignements surtout à l'égard des finances, du chemin de fer intercolonial et des terres de la couronne dans Terreneuve, et, depuis que la question préalable a été proposée, le seul moyen que 773 nous ayons de faire enregistrer notre demande, c'est de la faire comme motion sous forme d'amendement à la proposition d'ajournement des débats.
L'HON. M. GALT — L'hon. monsieur entre dans le mérite d'une résolution au sujet de laquelle une question d'order a été soulevée.
L'HON. A. A. DORION — J'ignorais qu'une question d'ordre eut été soulevée. Quelle est cette question d'ordre? J'ai compris que l'hon. procureur-général du Bas- Canada s'était prononcé contre la production des renseignements demandés.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER — Je ne m'y suis pas opposé. M L'ORATEUR, va décider si la résolution est ou non dans l'ordre.
L'HON. M. L'ORATEUR — Il est bien connu que nul amedement à une motion d'ajournement ne peut être proposé à moins qu'elle n'ait trait au temps de l'ajournement. La première partie de la motion est dans l'ordre, ou plutôt elle le serait si le reste en était détaché, mais je ne puis forcer son auteur à la modifier. D'après mon jugement, la motion est hors d'ordre.
L'HON. M. HOLTON—En ce cas, M. l'ORATEUR, je désire appeler de cette décision, afin qu'elle soit enregistrée dans les journaux de la chambre.
Les membres sont appelés et la décision de l'hon. ORATEUR est maintenue à la suite de la division suivante:—
POUR.—M. M. Alleyn, Ault, Beaubien, Bellerose, Biggar, Blanchet, Bowman, Bown, Brousseau, Brown, Carling, Proc. Gén. Cartier, Cartwright, Cauchon, Chapais, Cockburn, Cornellier, Cowan, Currier, De Boucherville, De Niverville, Dickson, Dufresne (Montcalm), Dunsford, Evanturel, Galt, Gaucher, Gaudet, Gibbs, Haultain, Higginson, Howland, Jones (Leeds Sud), Langevin, LeBoutillier, Mackenzie (Lambton), Mackenzie (Oxford Nord), Magill, McConkey, McDougall, McGee, McKellar, Morris, Morrison, Pinsonneault, Poulin, Powell, Robitaille, Rose (Prince-Edouard), Scubie, Smith (Toronto Est), Stirton, Street, Sylvain, Thompson, Walsh, Wells, Willson et Wright (York Est).—59.
CONTRE.—M. M. Cameron (Ontario Nord), Coupal, Dorion (Drummond et Arthabaska), Dorion (Hochelaga), Dufresne (Iberville), For tier, Geoffrion, Holton, Houde, Labreche-Viger, Laframboise, Lajoie, Macdonald (Cornwall), O'Halloran, Paquet, Parker, Perrault, Rymal, Scatcherd et Thibaudeau.—20.
La motion de l'hon. proc. gén. CARTIER étant de nouveau mise aux voix,—
L'HON. A. A. DORION prend la parole en ces termes: M. l'ORATEUR: j'ai à la main un amendement tout-à-fait conforme à votre décision, car il n'a trait qu'au temps où les débats seront ajournés. La manière de procéder à la fois injuste et arbitraire que le cabinet a malheuresement cru devoir adopter, a empêché des hon. membres de cette chambre de proposer des amendements au projet; mais pour ma part je désire, car c'est la volonté de toute la population du district de Montréal, que la question de savoir si le peuple sera consulté avant l'adoption définitive de la mesure par cette chambre, soit décidée. Je vois que dans 19 comtés franco-canadiens, des résolutions ont été adoptées dans ce sens, et que des pétitions demandant que ce projet ne soit pas adopté sans le soumettre à un vote du peuple, ont été signées par quinze ou vingt mille habitants. (Ecoutez! écoutez!) Je crois, M. l'ORATEUR, qu'il eut été plus digne de la part du gouvernement et que l'on eut témoigné plus de respect au peuple, en permettant que le projet lui fut soumis, vu surtout que le cabinet le croit destiné à produire la plus grande prospérité, et, de plus, parce que nous sommes d'opinion qu'il va plutôt mécontenter le pays et créer peut-être un tout autre sentiment que celui découlant du désir d'une union avec les provinces inférieures; mais, non, il a préféré nous baillonner, si bien que toute notre liberté d'action se résume à pouvoir proposer des amendements à la motion d'ajournement des débats; mais si peu de liberté que nous ayions, nous ne sommes pas moins déterminés à en faire usage. Voici la teneur de la motion que je présente sous forme d'amendement:—
"Que cette chambre est d'avis que les débats sur cette résolution, qui a pour but le changement radical des institutions et relations politiques de cette province,— changements qui n'étaient pas prévus par le peuple lors de la dernière élection générale,—devraient être ajournés d'ici à un mois, ou jusqu'à ce que le'peuple de cette province ait eu l'occasion de se prononcer constitutionnellement à son sujet."
Comme on le voit, je ne fixe pas arbitrairement l'époque où il sera fait appel au peuple. Si les ministres tiennent à ce que le projet soit adopté le plus tôt possible, ils n'ont qu'à faire faire les élections, sinon, ils peuvent prendre leur temps. S'ils le veulent, qu'ils dissolvent la chambre dès demain; nous y sommes prêts; mais leur procédé à l'égard de la chambre et quant à la question importante qu'ils lui ont soumise est aussi honteux 774 que contraire à la dignité de cette assemblée. Après être solennellement convenus avec la chambre que la discussion se poursuivrait de la même manière que dans un comité général, et que des amendements, comme de juste, pourraient être proposés, ils se méfient à cette heure de l'opinion du peuple, qu'au début ils disaient être favorable à la mesure, et ne veulent pas nous permettre de proposer des amendements. Ils craignent que la question ne soit discutée et comprise par le peuple, et en cela ils font certainement preuve de perspicacité. N'ont-ils pas encore tout frais à la mémoire la récente défaite de l'hon. M. TILLEY,—défaite que lui ont fait subir ses compatriotes, malgré ses dix années de service comme chef du gouvernement du Nouveau-Brunswick et son alliance avec les chefs de l'opposition? (Ecoutez! écoutez!) Ils peuvent bien craindre; ils savent trop bien quel sort serait réservé à leur projet si le peuple du Canada pouvait se prononcer. Non contents de refuser l'appel au peuple, ils vont même jusqu'à s'opposer à ce que nous faisions connaître à la chambre et au pays nos opinions. Nous sommes prêts à nous présenter devant nos électeurs avec cette question , et s'ils disent que le projet leur convient, je m'inclinerai devant la volonté de la majorité; mais, M. l'ORATEUR, vouloir qu'on se soumette à une délégation constituée de sa propre autorité, à une association d'hommes qui ne fut jamais autorisée ni par le parlement ni par le peuple de cette province à se réunir à des collègues d'autres provinces pour élaborer une constitution pour le gouvernement du peuple, et venir ensuite nous dire: "Il faut que vous acceptiez cette nouvelle constitution dans tous ses détails sans y faire ni changements ni amendements, bien plus, on ne vous accorde pas même le privilège d'en proposer pour qu'ils soient insérés dans les journaux de cette chambre;" vouloir qu'on se soumette à tout cela est une exigence monstrueuse de la part du cabinet. (Ecoutez! écoutez!) Je ne dis pas que dans d'autres circonstances un appel comme celui qui vient d'étre fait de la décision du président ont été demandé, mais dans le cas présent, c'est le seul moyen qui soit laissé à la minorité de faire connaître qu'elle a demandé des renseignements très importants au sujet de la mesure en discussion. Jusqu'à ce que le peuple ait pu directement se prononcer sort par la voie d'une élection générale soit au moyen de pétitions, je dis que la gravité de la question exige que l'adoption de la mesure soit retardée. Jamais gouvernement, fort ou faible, n'a encore agi aussi arbitrairement que les hon. ministres qui le composent actuellement.
M. M. C. CAMERON Le gouvernement ayant voulu faire faire échec et mat à l'opposition à l'aide des moyens tyranniques qu'il a employés jusqu'ici pour faire réussir son projet, il ne serait que juste, à mon avis, que ses plans fussent déjoués, et c'est réellement ce qui va arriver si nous réussissons avec cette motion. Je pense que les hon. membres du cabinet admettront que le peuple qui nous a députés ici est autant que nous intéressé dans ce changement radical qui va avoir lieu. Ils nous a envoyés ici pour faire des lois sous l'égide de la constitution établie, mais non pour renverser cette constitution, et avant que ne soit perpétué ce violent changement de constitution qui va indubitablement nous plonger dans d'immenses dépenses on devrait au moins lui demander s'il adhère ou non au changement projetéé. C'est là le motif qui me fait seconder la proposition d'amendement, et j'espère qu'elle recevra l'appui des hon. députés qui, bien que partisans du cabinet, ont déjà exprimé leur mécontement de ce qu'on ait fermé la porte aux amendements par la proposition de la question préalable.
L'HON. Proc.-Gén. CARTIER—Relativement à cette motion, je dois, comme pour l'autre, soulever la question d'ordre. Je dois d'abord dire que l'assertion à l'effet de faire croire qu'il ne sera plus possible de présenter de motion en faveur de l'appel au peuple. n'est qu'un leurre. L'hon. député de Peel a donné avis à ce sujet, et sur cette proposition la chambre pourra voter d'une manière regulière.
(L'hon. monsieur discute ici la question d'ordre en donnant plusieurs raisons pour prouver l'irrégularité de cette motion. Les hon. MM. GALT, HOLTON, DORION, J. S. MACDONALD et M. MORRIS prennent aussi part à cette discussion.)
L'HON. M. L'ORATEUR déclare la motion hors d'ordre. En pareil cas, dit-il, la pratique veut que l'ORATEUR retranche ce qu'il y a d'irrégulier dans la motion, et qu'il la mette ensuite aux voix si son auteur y consent; s'il n'y consent pas, la motion tombe d'elle-même Si l'hon. député d'Hochelaga permet que l'on en retranche tout ce qui est étranger à l' ajournement, elle sera mise aux voix, si non je serai obligé de déclarer qu'elle n'est pas dans l'ordre.
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L'HON. A. A. DORION refusant de laisser modifier sa motion, elle est déclarée hors d'ordre; l'amendement de l'hon. proc.- gén. CARTIER est ensuite adopté, et les débats sont ajournés à demain à trois heures.

Source:

Province du Canada. Débats parlementaires sur la question de la Confédération des provinces de l'Amérique britannique du nord. Quebec: Hunter, Rose et Lemieux, Imprimeurs Parlementaires, 1865. Numérisé par Canadiana.

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