Le perfectionnement du français écrit pour les francophones en
milieu minoritaire présente des défis considérables. Les
francophones du Canada sont dispersés sur un territoire immense
et n'habitent pas tous à proximité d'une institution
d'enseignement. Plusieurs d'entre eux sont des adultes sur le
marché du travail qui souhaiteraient obtenir plus de formation
mais sans avoir à retourner sur les bancs d'écoles. D'autres sont
de jeunes francophones aux études qui voudraient ajouter à leur
programme un cours de perfectionnement. Pour compliquer un peu
plus les choses, le bagage linguistique d'un apprenant à l'autre
peut présenter des divergences importantes. De plus, comme il
s'agit de francophones en milieux minoritaires, il faut tenir
compte de l'influence de l'anglais. Le cours de français écrit
idéal pour cette clientèle hétérogène et éparse devrait être en
mesure de s'adapter aux besoins individuels des apprenants.
L'Internet apparaît comme l'outil capable de relever les défis
qui viennent d'être énumérés. Tout le monde connaît déjà les
outils éprouvés de l'enseignement électronique à distance, comme
l'affichage d'informations et d'hyperliens, les courriels, les
forums de discussions, bref tout ce qui permet de simuler une
salle de classe en ligne. Cependant, il reste encore le défi
d'enseigner à une classe grandement disparate.
Le présent projet de communication pour le congrès présentera une
application nouvelle dont le potentiel pourrait utilement servir
les types d'apprenants décrits plus haut. Il s'agit de
l'autoguidage, soit la capacité, pour un cours informatisé,
d'adapter la matière d'enseignement à chacun des apprenants.
Avant d'en parler plus avant, il importe de dire quelques mots
sur le CAFÉ.
CAFÉ
est l'acronyme de "Cours Autodidactique de Français Écrit".
Ce cours, créé par Dupriez, conçu pour l'apprentissage
individuel, a vu le jour en 1966. Il a été enseigné et a fait
l'objet d'expérimentations dans plusieurs pays de la francophonie
ainsi que divers lycées (Paris et régions). À propos de la
"formule CAFÉ" il faut savoir que le traitement statistique des
réponses aux milliers de QCM expérimentées dans des groupes
régionaux permet de mesurer scientifiquement l'utilité probable
des questions à poser à tout nouvel apprenant, en fonction de son
niveau et de son progrès. La formule CAFÉ permet d'individualiser
l'apprentissage, aussi efficacement que rapidement. Sa force est
aussi dans ses contenus informatisés (12000 QCM sur les fautes
courantes et les difficultés rencontrées en rédaction et
dissertation).
Les statistiques obtenues pour la France et le Québec peuvent ne
pas convenir à une population francophone vivant en milieu
minoritaire. Il faudra donc obtenir des statistiques pour la
population visée. Cette tâche sera réalisée au moyen de
questionnaires accessibles sur l'Internet. Il faudra aussi créer
des QCM (questions à choix multiple) traitant de difficultés
spécifiques aux francophones vivant en milieu minoritaire. Ces
items sont produits à partir des erreurs les plus fréquentes
relevées dans les travaux d'étudiants.
À propos de la méthode basée sur des questions à choix multiple
L'enseignement du français, contrairement à d'autres matières
comme les mathématiques ou la chimie, doit compter avec les
particularités propres à chaque région. On n'enseigne pas le
français de la même façon à un anglophone, à un arabophone, etc.
Dû aux interférences linguistiques, chaque région de la
francophonie a des défis qui lui sont particuliers. Ainsi, les
régions d'Afrique centrale doivent compter avec les langues
bantoues, le sangö, etc. Au Québec, comme en France, les
anglicismes sont fréquents. Les interférences sont
particulièrement difficiles à dépister, lorsqu'elles touchent non
pas le vocabulaire mais la syntaxe. C'est en adaptant les
questions et les statistiques aux particularités linguistiques de
chacune de ces régions qu'on peut faire réaliser à chaque
utilisateur un maximum de progrès.
Comment le niveau des questions est-il établi? Pour le Québec, un
sondage a été effectué dans les cégeps et les universités. Plus
de 8000 (75 x 110) questions à choix multiple ont été posées à 12000 étudiants entre 1995 et 1997. Avec 100 répondants ou plus par
question, il est possible de mesurer la cote de difficulté, de
discriminance et de fiabilité avec précision.
Les améliorations notées démontrent que les apprenants du
français pour lesquels un tel cours est élaboré en tirent un
avantage considérable. Ils développent une conscience plus aiguë
de l'usage, en particulier lorsqu'il peut y avoir des
interférences entre le français et l'anglais, sans avoir à
oublier l'une de ces langues pour mieux s'exprimer dans l'autre.
Le CAFÉ a d'abord été conçu comme un cours par correspondance. La
méthode du cours, basée sur les besoins des apprenants, consiste
à donner, dans le corrigé, la règle en jeu avec des contre-
exemples pour chacun des autres choix de réponses, l'objectif
étant de susciter chez l'apprenant une démarche réflexive où il
compare les façons d'écrire en contexte et selon la norme. Les
méthodes du CAFÉ sont scientifiquement reconnues au Québec, en
France et en Afrique.
Figure 1: enseignement linéraire
La plupart des étudiants qui débutent à l'université possèdent
déjà des compétences en français, ce qui n'est pas le cas pour
une discipline comme l'anthropologie par exemple.
Traditionnellement, l'enseignement consiste à commencer avec les
éléments les plus faciles (niveau -1,0), puis de présenter des
éléments de plus en plus difficiles (niveaux -0,8 à 1,0). Pour
les étudiants qui ne savent rien, il s'agit du cours idéal. Pour
les étudiants qui ont déjà des compétences, la première partie du
cours sera un peu pénible, mais, au bout d'un certain temps, ils
apprendront des choses nouvelles. Enfin, pour les étudiants très
avancés, un cours qui ne leur offre que de la matière déjà
apprise sera d'un ennui mortel. Ils risquent de ne pas
s'impliquer activement, voire d'abandonner avant la fin.
Figure 2: enseignement par fourches
En gros la méthode de l'autoguidage consiste à donner à
l'apprenant la matière dont il a besoin. La progression est basée
sur la compétence déjà acquise. En simplifiant, on peut décrire
ainsi la méthode: le cours commence avec des éléments moyens. Si
l'apprenant répond bien, on lui offre une matière un peu plus
difficile. Sinon, on lui offre une matière un peu plus facile,
jusqu'à ce qu'il soit parvenu au niveau qui lui convienne le
mieux. À partir de là, l'apprenant peut vraiment commencer à
apprendre. Le niveau est recalculé constamment, à chaque nouvelle
réponse. Le système informatisé de guidage choisit comme
prochaine question celle qui offre le plus d'intérêt pour
l'apprenant, c'est-à-dire celle qui est la plus proche de son
niveau atteint. De plus, chacun des apprenants travaille à son
rythme, sans ralentir les autres ni se voir bousculé.
Figure 3: apprenant "moyen"
Un apprenant moyen passe par l'essentiel de la matière et peut
passer outre certains items trop faciles.
Figure 4: apprenant "fort"
Il serait possible, à un étudiant particulièrement brillant, de
n'avoir à répondre qu'à un très petit nombre d'items. C'est qu'il
maîtrisait déjà bien la matière qu'on lui propose. En ce cas, le
cours est très vite terminé.
Figure 5: apprenant "faible"
L'apprenant faible sera d'abord guidé vers des questions plus
faciles avant d'être ramené à des questions plus subtiles. À la
fin, les étudiants forts, moyens et faibles auront tous atteint
l'objectif. Le zélé peut foncer, le faible peut prendre son temps.